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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 6 - Témoignages - Séance du matin


OTTAWA, le lundi 7 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 33, pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.

L'honorable Eymard G. Corbin (président) au fauteuil.

[Français]

Le président : Chers collègues, j'aimerais vous féliciter de votre présence ici, ce matin, malgré les conditions climatiques. J'adresse les mêmes félicitations aux témoins et membres du public qui sont venus nous entendre.

J'aimerais signaler la présence de quatre étudiants en sciences politiques de l'Université d'Ottawa, venus observer notre fonctionnement et entendre les sujets de discussion de ce matin.

Lors de notre première réunion, j'ai spécifié que notre étude ne portait pas sur les établissements d'enseignement d'immersion en français langue seconde ni sur les écoles bilingues. C'est délibérément que nous avons convenu de concentrer notre attention et notre réflexion sur l'éducation de la minorité francophone de la petite enfance jusqu'au collège et l'université dans une logique de continuité.

Nos premiers témoins ce matin sont les porte-parole de la Fédération culturelle canadienne-française. Ils sont représentés par Mme Paulette Gagnon, présidente, M. Pierre Bourbeau, directeur général, M. Marc Haentjens, directeur général du Regroupement des éditeurs canadiens-français et M. Benoît Henry, directeur général de l'Alliance nationale de l'industrie musicale.

Avant de débuter, je voudrais vous rappeler ce que disait l'arrêt Mahé, qui représente le pilier de la jurisprudence sur l'article 23. Je cite des extraits du livre École et droits fondamentaux, par Paul T. Clarke et Pierre Foucher, Institut français, Université de Régina, 2005.

La Cour suprême du Canada, pour la première fois, élabore une véritable théorie de cet article. C'est la dualité linguistique qui s'impose comme étant le grand objectif général expliquant l'article 23.

L'auteur du texte que je cite, cite la Cour suprême :

L'objet général de l'article 23 est clair : il vise à maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu'elles représentent et à favoriser l'épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n'est pas parlée par la majorité.

C'était extrait de l'arrêt Mahe c Alberta, le rapport de la Cour suprême, page 342. « Dans l'arrêt Mahe, la cour a renchéri en ces termes » — et je cite le juge :

Mon allusion à la culture est importante, car il est de fait que toute garantie générale de droits linguistiques, surtout dans le domaine de l'éducation, est indissociable d'une préoccupation à l'égard de la culture véhiculée par la langue en question. Une langue est plus qu'un simple moyen de communication; elle fait partie intégrante de l'identité et de la culture du peuple qui la parle.

Madame Gagnon, comme je vous l'ai dit, est présidente de la Fédération culturelle canadienne-française. Elle est originaire de Hearst, en Ontario. Elle a fait ses études dans le nord de la province et, depuis 1996, elle s'occupe du secteur franco-ontarien au Conseil des arts de l'Ontario. À la fin des années 90, elle est directrice générale de la Nouvelle Scène, centre de théâtre fondé par quatre compagnies d'Ottawa, où elle relève le défi de créer le centre et de lancer son opération. À l'été 2003, elle termine un mandat de deux ans au théâtre français du Centre national des arts pour amorcer avec enthousiasme et conviction celui de la présidence de la Fédération culturelle canadienne-française.

M. Pierre Bourbeau est directeur général. Il est originaire du Québec et a passé 15 ans dans l'Ouest canadien, au service des communautés francophones de l'Alberta et du Yukon.

À titre de directeur général de l'Association franco-yukonnaise, il a notamment participé à l'élaboration du Centre de la Francophonie qui a ouvert récemment ses portes. À de nombreuses reprises, il a fait partie des équipes chargées de négocier les ententes Canada-communauté yukonnaise auprès du ministère du Patrimoine canadien. Il a également oeuvré à titre de consultant offrant de nombreux services de planification stratégique. Depuis septembre 2004, il a entrepris de relever le défi de la direction générale de la FCCF.

M. Marc Haentjens est directeur général du Regroupement des éditeurs canadiens-français. Il est détenteur d'une formation en gestion des Hautes Études commerciales de Paris et œuvre depuis une vingtaine d'années dans le milieu de la francophonie canadienne où il intervient comme animateur, chercheur et consultant. À titre de consultant, il a mené depuis 1985 un nombre important d'études et d'interventions pour le compte d'organismes publics et communautaires, particulièrement dans le secteur des arts et de la culture. Il a notamment réalisé, au cours des dernières années, de nombreuses interventions pour le compte de la Fédération culturelle canadienne-française et de plusieurs autres plates- formes nationales comme l'Association des théâtres francophones du Canada et le Regroupement des éditeurs canadiens-français. Il a aussi encadré, pour le compte de la Table arts et culture, un important exercice de planification stratégique qui l'a mené à développer un gabarit de planification adapté à la réalité et aux besoins des organismes culturels. Il occupe donc, depuis janvier 2005, le poste de directeur général du Regroupement des éditeurs canadiens- français.

Enfin, M. Benoît Henry, directeur général de l'Alliance nationale de l'industrie musicale (l'ANIM), a eu une formation en sciences politiques à l'Université de Montréal. Il s'est fortement impliqué dans le développement culturel de la communauté francophone de l'Île-du-Prince-Édouard. Il a notamment été directeur général de la Fédération culturelle de l'Île-du-Prince-Édouard, de 1997 à 1999 et ensuite, directeur général du Carrefour de l'Île Saint-Jean, pendant quatre ans. Il est également membre fondateur du comité du Festival acadien de Charlottetown et membre du groupe de travail sur les arts et la culture de la ville de Charlottetown. Sans oublier qu'il a siégé sur le comité de mise en oeuvre de la politique du Québec à l'égard des communautés acadiennes et francophones de 2001 à 2004.

Donc, voilà notre panel de ce matin. Madame Gagnon ou M. Bourbeau, je ne sais lequel des deux va faire la présentation, mais je vous invite à prendre la parole.

Mme Paulette Gagnon, présidente, Fédération culturelle canadienne-française : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, bon matin. J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous offrir aujourd'hui l'occasion de vous présenter une recherche-action sur le lien langue-culture-éducation menée par la FCCF l'an dernier. Cette étude a suscité beaucoup d'intérêt depuis sa sortie au printemps 2004 et continue de nourrir les réflexions de nombreux intervenants, tant en éducation que dans le secteur culturel. Nous y reviendrons tantôt lors de notre échange.

Le secteur des arts et de la culture et le secteur de l'éducation sont souvent envisagés comme deux mondes parallèles. Pourtant, il est convenu que la culture et l'éducation nourrissent des liens étroits et complémentaires. Dans nos communautés, cette proximité est encore plus évidente. La culture et l'éducation sont les deux piliers de la défense et, surtout, de la promotion de la langue. Les institutions qu'elles soutiennent — écoles, entreprises artistiques et centres culturels — sont les lieux principaux de l'expression et de l'affirmation de l'identité.

C'est dans cette perspective que la Table des organismes nationaux des arts et de la culture confiait à la fédération culturelle le mandat de réaliser une étude sur le lien langue-culture-éducation en milieu minoritaire francophone.

J'ai été de nouveau témoin de ce lien, il y a quelques jours, alors que j'assistais au spectacle annuel des finissants de l'école secondaire De La Salle d'Ottawa. Ma fille y étudie. L'auditorium rénové l'an dernier était comble. Quelque 700 parents et amis des étudiants étaient au rendez-vous. En trois heures, ont défilé devant nous une vingtaine de performances intelligentes dont la facture artistique était soignée et évidemment moderne, voire expérimentale. Théâtre, musique, chanson, mime, danse, arts visuels et poésie se sont succédé à un bon rythme. C'était vraiment formidable. Ce spectacle, plus de 60 étudiants l'ont produit au prix de nombreuses heures de répétition et de création. Ils en sont ressorti gagnants sur toute la ligne. Ils ont vécu une expérience de vie qui n'a pas de prix, ils ont surmonté de nombreuses difficultés et surtout, ils se sont donné une voix afin de communiquer leur vision du monde à des gens qui leur sont chers.

Leur appartenance à notre communauté est aujourd'hui plus vibrante, plus forte parce qu'ils sont aujourd'hui convaincus qu'ils en sont une partie importante. Nous les avons chaudement applaudis et à travers eux, par leur prise de parole à laquelle nous nous sommes identifiés, nous avons nous aussi ressenti notre appartenance à la francophonie d'ici. De telles expériences marquent le cheminement d'un jeune à l'école et lui permettent de se constituer un bagage culturel qu'il portera jusqu'à la fin de ses jours.

Revenons à notre étude. J'inviterais maintenant Pierre Bourbeau à vous la présenter et nous pourrons ensuite échanger et discuter des pistes qu'elle nous offre.

M. Pierre Bourbeau, directeur général, Fédération culturelle canadienne-française : Je vais utiliser une présentation en format PowerPoint. L'objectif de ma présentation est de résumer le mieux possible le contenu de l'étude que vous avez reçu à l'avance, si j'ai bien compris. C'est le document vert pomme. Vous avez l'étude ainsi qu'un sommaire exécutif qui est en français et en anglais. J'aimerais dire qu'il s'agit déjà de la deuxième édition de l'étude, édition qui a paru en décembre 2004. La première édition, si je me rappelle bien, est sortie en avril 2004.

Le président : Je m'excuse de vous interrompre. Y a-t-il des différences notoires entre la première et la deuxième édition ou si c'est essentiellement le même texte?

M. Bourbeau : C'est essentiellement le même texte, je dirais que ce sont des ajustements techniques sur des projets, nous avons apporté des précisions sur certaines fiches-projets et le plus gros changement, c'est qu'il a fallu retirer une fiche-projet parce que malheureusement, ce projet ne s'est pas réalisé. Ce sont les deux changements majeurs dont je peux me rappeler de mémoire.

Le président : Cela ne change rien au fond du rapport?

M. Bourbeau : Absolument pas. Donc on vous présente l'étude sur le lien langue-culture-éducation dans les communautés francophones minoritaires.

Cette étude a été coordonnée par la Fédération culturelle canadienne-française et a été faite au nom de la Table des organismes nationaux des arts et de la culture. Plus tard dans la discussion, nous pourrons préciser qui sont les membres de la table. L'étude a reçu l'appui d'un comité d'orientation.

Les objectifs de l'étude étaient de documenter l'importance du lien langue-culture-éducation par une recherche à deux volets : une recherche documentaire et une recherche sur le terrain. Ensuite, proposer des pistes d'action pour concrétiser des partenariats plus étroits et plus féconds avec le secteur de l'éducation et celui des arts et de la culture.

Le bilan de la recherche documentaire nous a permis de faire une recension et une synthèse des recherches existantes sur le lien langue-culture-éducation. Dans le document, vous allez en retrouver une soixantaine qui ont pu être recensées et résumées. Cela nous a permis d'identifier des avenues de recherche à approfondir qui sont : la complexité du développement de l'identité culturelle — vous comprenez que c'est un processus en soi très complexe à comprendre —, le rôle fondamental de l'école dans le développement de cette identité, l'apport bénéfique de l'éducation artistique au développement de l'élève — il y a maintenant des études qui prouvent que l'éducation artistique aiderait les élèves à augmenter leur niveau d'apprentissage —, et finalement, la place grandissante des arts et de la culture dans les programmes scolaires. Il existe un grand nombre d'initiatives et il vaut la peine de préciser davantage ce qui se fait sur le terrain.

Les éléments de conclusion de la recherche documentaire sont : l'existence d'une sensibilisation accrue des gouvernements provinciaux, territoriaux et du milieu scolaire, à l'importance de l'éducation artistique; l'importance du lien culture-éducation établi et documenté par un nombre grandissant de chercheurs — on s'intéresse davantage à ce lien —; finalement, l'importance d'approfondir la recherche portant sur le rôle de l'école en milieu minoritaire et sa responsabilité à l'égard de la culture et de la langue française.

Maintenant, si on se tourne vers la recherche sur le terrain, là aussi il y a eu un recensement des initiatives comportant un lien langue-culture-éducation en situation minoritaire; une soixantaine d'initiatives ont été recensées. On a fait parmi elles une sélection d'initiatives pilotes et d'histoire à succès; l'étude en fait ressortir 15. À partir de ces projets on a fait des fiches-projet que l'on a regroupées en trois groupes.

Des initiatives émanent du milieu éducatif, par exemple les écoles, conseils scolaires et autres. Des initiatives émanent du milieu culturel et communautaire : centres culturels, organismes provinciaux en arts et en culture. Enfin, des initiatives émanent du milieu artistique, des organismes artistiques ou des artistes eux-mêmes, qui initient des projets.

Quelques exemples de ces initiatives : l'école secondaire de Castleman a intégré son programme artistique dans le projet éducatif de l'école et a mis en place une concentration en arts.

Le programme d'intégration culturelle en milieu scolaire de la Saskatchewan est une initiative du conseil culturel fransaskois, avec l'appui du BMLO, le Bureau pour les minorités de langues officielles, pour la coordination d'un programme d'animation culturelle dans les écoles.

Le président : Est-ce que le BMLO est un organisme autonome? Relève-t-il du gouvernement provincial?

M. Bourbeau : Il relève du gouvernement provincial. D'autres exemples viennent du milieu culturel et communautaire : les forums OrganiZZaction de la FESFO. Ce sont des camps annuels de formation offerts aux élèves du secondaire pour l'organisation d'activités culturelles dans leurs écoles.

Il y a le Centre de développement musical, en Alberta. C'est un programme d'animation et de formation musicale pour les jeunes, qui combine des ateliers, des cours, des concours provinciaux et d'autres activités.

Des exemples qui viennent du milieu artistique : GénieArts, une initiative nationale; on en donne ici un exemple au Nouveau-Brunswick. Si je me rappelle bien, c'est géré par la CCA, la Conférence canadienne des arts. Au Nouveau- Brunswick, c'est un programme visant la réalisation de projets de nature artistique qui valorisent la relation artiste- enseignant pour stimuler la créativité des jeunes.

L'UniThéâtre, en Alberta, est un partenariat entre le théâtre et le conseil scolaire qui permet aux élèves de suivre des cours d'art dramatique crédités, donnés par des professionnels du théâtre.

Les éléments de conclusion de la recherche sur le terrain sont les suivants : il existe plusieurs initiatives recensées qui peuvent servir de modèle pour d'autres communautés. Par l'étude, on espère diffuser cette information. La clé de ces succès est un partenariat étroit entre les intervenants scolaires, artistiques et communautaires.

Finalement, ce serait certainement une bonne recommandation de favoriser une cohésion d'ensemble qui donnerait un impact plus grand à ces initiatives entreprises isolément.

Voyons maintenant, en ce qui a trait aux propositions stratégiques, les fondements qui appuient ces propositions :

Les questionnements bien concrets qui portent sur les enjeux soulevés par le lien langue-culture-éducation — sont nombreux. Il reste beaucoup de réponses à obtenir dont l'importance d'identifier des voies d'action et des recommandations, afin de voir plus clairement vers où l'on doit s'en aller. C'est un questionnement qui nous amène à la place de l'école dans la communauté. Plusieurs réflexions convergent présentement, du secteur de l'éducation, de la jeunesse, des arts et de la culture.

Enfin, ces réflexions convergentes peuvent amener à redéfinir le rôle de l'école en situation minoritaire. On peut parler d'un rôle différent, additionnel ou mieux articulé et préciser dans laquelle de ces deux mesures de performance il se définit : la réussite scolaire ou la réussite identitaire.

À quoi pourrait ressembler l'école de langue française? Un projet éducatif élargi, une plus grande importance allouée aux activités culturelles et à l'enseignement des arts, un meilleur emploi des ressources artistiques, culturelles et communautaires du milieu et une plus grande mobilisation des parents et du personnel enseignant.

Les retombées attendues sont les suivantes : une identification des jeunes à la culture francophone et à la communauté; un projet éducatif plus motivant et plus attrayant, duquel résulterait une hausse du recrutement et une hausse de la rétention dans nos écoles, ainsi qu'une augmentation de la vitalité culturelle et linguistique de la communauté.

Les défis qui se présentent pour y arriver se situent au niveau des structures, des ministères de l'éducation et des conseils scolaires. On fait face à des structures assez complexes à l'échelle provinciale et territoriale. Au niveau des ressources financières, celles-ci sont toujours limitées. Au niveau des compétences, la formation des maîtres ne comprend pas nécessairement de la formation dans le domaine des arts et de la culture, c'est également un défi. En ce qui a trait à la culture interne, on observe une résistance des enseignants et des parents. On peut, par exemple rencontrer une certaine résistance lorsqu'on a des valeurs plus orientées vers un enseignement traditionnel; c'est le fameux point de vue : « les matières de base d'abord, avant les arts et la culture. »

Les opportunités, en revanche, sont la convergence du discours, beaucoup de réflexions; plusieurs secteurs s'interrogent sur le rôle de l'école; la démarche engagée par les conseils scolaires; les fiches-projet on a démontré que des conseils scolaires ont déjà entrepris une démarche dans le domaine des arts, de la culture et de l'éducation; le renouvellement des ententes LOE, qui sont en pleine négociation, si je ne me trompe pas.

Le président : Toujours et encore.

M. Bourbeau : Il y a aussi l'ouverture du gouvernement fédéral. Par exemple, un Plan d'action pour les langues officielles a été lancé en mars 2003, qui permettrait de prendre de bonnes initiatives dans le domaine du lien langue- culture-éducation. Finalement, la mise à jour des plans quinquennaux du développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire a été complétée. La plupart des communautés de langues officielles se sont dotées de plans quinquennaux pour 2004-2009.

Les voies d'action proposées : sensibiliser les conseils scolaires; établir un front commun avec les conseils scolaires au niveau national et sur le terrain; intervention auprès des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral; intervention auprès d'autres joueurs clés du milieu de l'éducation — par exemple, les facultés et les syndicats —; promotion d'initiatives pilotes et poursuite du développement de projets de recherche.

C'est un bon défi en soit, comprenant beaucoup de complexités et beaucoup de structures que l'on doit amener à travailler mieux ensemble.

Les recommandations : diffuser la conclusion de l'étude — c'est ce à quoi se voue la fédération depuis le lancement de l'étude au mois de mars 2004; je ne les ai pas dénombrées mais je dirais qu'on est rendu à une bonne quinzaine de présentations;

Mettre sur pied un groupe de travail intersectoriel éducation, art et culture jeunesse. Je pense que, tantôt, lorsque nous entrerons dans la période de discussion, nous pourrons vous expliquer davantage la deuxième phase dans laquelle s'est engagée la fédération.

Nous devons poursuivre la réflexion avec le comité d'orientation. Là aussi, nous pourrons vous dire, dans la deuxième phase engagée par la fédération, ce qui se fait à ce niveau.

J'aimerais remercier le ministère du Patrimoine canadien pour sa contribution financière qui nous a permis de faire l'étude; les membres du comité d'orientation messieurs Françis Beaulieu, Gérard Bissonnette, David Bourgeois, Mariette Carrier-Fraser, Annabelle Cloutier, Paulette Gagnon, Nancy Juneau, Anne Lowe, Jean-Luc Racine, Roselyne Roy et André Thibodeau, pour leurs conseils et leur sagesse. Et finalement, la Société d'études et de conseil ACORD ainsi que le Groupe-conseil Baastel Ltée, qui a réalisé cette étude et qui est représenté aujourd'hui par Marc Haentjens, qui fut le chercheur principal de cette recherche.

Le président : Merci de votre présentation. D'autres témoins veulent-ils prendre la parole?

Mme Gagnon : J'aimerais ajouter aux propos de Pierre Bourbeau et répondre à la question : où en sommes-nous? Nous continuons à faire la promotion de la recherche, de l'étude. Après consultation avec la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et la Table en éducation, qui regroupe plusieurs organismes voués à l'éducation à l'échelle nationale, il a été convenu que le milieu souhaitait que la fédération culturelle garde un certain leadership dans cette approche et dans cette réflexion. Nous procédons à la mise sur pied d'un comité mixte regroupant une dizaine d'intervenants en vue du Sommet en éducation, qui aura lieu en juin prochain, organisé par la Fédération nationale des conseils scolaires. Seront assis autour de la table, la Fédération nationale des conseils scolaires, la Fédération des jeunes Canadiens français, l'ACELF, l'ACREF, la Fédération des enseignants canadiens, la Fédération culturelle, et d'autres. Ensemble, nous allons jeter les bases d'un plan d'action qui pourrait être mis en œuvre au cours des prochaines années grâce aux efforts communs entre des joueurs en éducation, des joueurs culturels, et des joueurs au sein de la jeunesse canadienne française.

Au cours des prochains mois, nos réflexions au sein de ce comité mixte — qui était d'ailleurs une des recommandations de l'étude — porteront sur l'identification des fondements d'un plan d'action stratégique pour les prochaines années, afin d'atteindre l'objectif d'ajouter un projet culturel au projet éducatif de notre école.

Le sénateur Léger : Pour moi, c'est une moyenne traite, ce matin, en tant que sénateur. Souvent, je participe à des choses que je ne connais pas et j'apprends. Il est intéressant d'apprendre à la veille de ses 75 ans.

La langue, la culture et l'éducation faisaient partie de mes champs d'intérêts bien avant de devenir comédienne. Un bel accident de parcours m'a détourné de l'éducation pendant 18 ans. Maintenant, je suis active dans ces deux champs d'activités. Il ne faut pas oublier que le Sénat a volé quatre ans de mon temps aussi.

Madame Gagnon, votre fille est chanceuse d'avoir été choisie à l'école secondaire De La Salle en concentration des arts. Pourriez-vous me dire la différence entre cette concentration de l'école De La Salle et celle de l'école de Casselman?

Mme Gagnon : J'inviterais Marc Haentjens à répondre à cette question. Il connaît mieux que moi le projet de Casselman.

M. Marc Haentjens, directeur général du Regroupement des éditeurs canadiens-français, Fédération culturelle canadienne-française : L'initiative de Casselman s'appelle Carrefour des arts dont le concept est assez identique à celui de l'école De La Salle. C'est vraiment l'idée d'avoir un programme enrichi en arts pour les étudiants intéressés.

Le sénateur Léger : Les élèves ne sont-ils pas choisis selon leurs talents artistiques à l'école De La Salle?

M. Haentjens : À l'école De La Salle il y a plusieurs programmes dont un programme régulier pour la plupart des élèves et un programme enrichi en arts qui réunit environ 200 élèves sur 1 500. C'est une partie seulement des élèves qui sont à ce programme.

Le sénateur Léger : Une partie seulement.

M. Haentjens : Ce n'est pas une école artistique. C'est une école secondaire ordinaire qui a un programme enrichi en arts. Le concept de l'école de Casselman est assez proche.

Le sénateur Léger : Pourriez-vous développer le « assez proche »?

M. Haentjens : L'école De La Salle a été longtemps la seule école secondaire en Ontario à offrir ce programme. Elle avait un rayonnement provincial, mais maintenant l'école de Casselman a un rayonnement régional. C'est une différence importante.

Le sénateur Léger : Prenons l'exemple d'un étudiant qui prend des cours de violon. À l'école De La Salle, l'élève peut faire partie de cette concentration et avoir un certain nombre d'heures de cours spécialisés. En est-il de même à l'école de Casselman? Y aura-il autant d'heures consacrées au choix spécialisé de l'élève?

M. Haentjens : Dans l'intention, je crois que oui. Je ne peux pas donner de détails puisque lors de l'étude, la concentration était sur le point d'être mise en place. Par exemple, à l'école De La Salle, les élèves en concentration arts ont un cours sur quatre, chaque jour alloué à leur concentration artistique. Il y a six concentrations : théâtre, danse, arts visuels, musique, création littéraire et un sixième. Le concept à l'école de Casselman est assez proche de celui de l'école De La Salle. Tous les élèves qui vont à l'école de Casselman n'étudient pas en arts, mais ceux qui sont intéressés peuvent choisir parmi une gamme assez large d'options artistiques

Le sénateur Léger : Et avoir autant d'heures de cours dans leur spécialisation?

M. Haentjens : Je crois que oui. Ce qui est intéressant à l'école de Casselman, c'est qu'elle prend l'expérience de l'école De La Salle et ils ont une approche plus innovatrice. Je vais donner un exemple très intéressant par rapport à notre étude. Avant de mettre sur pied la concentration, la direction de l'école — qui est très engagée dans le programme artistique — a invité les professeurs à faire des rencontres à travers la région pour découvrir les ressources artistiques de la région. Donc les professeurs sont allés au Centre national des arts, au Musée des beaux-arts du Canada, ils ont rencontré des gens de la Nouvelle scène. La question clé est de savoir quels seront les enseignants qui pourront transmettre ce message culturel et artistique? L'école de Casselman a vraiment innové dans ce domaine.

Le sénateur Comeau : Nous sommes très heureux de vous recevoir ce matin. Comme le sénateur Léger l'a mentionné plus tôt, le domaine des arts et de la culture nous intéressent tous.

N'ayant pas été présent à Ottawa la semaine dernière, je n'ai pu prendre connaissance des documents que vous nous avez remis. Si mes questions sont hors propos, vous m'en excuserez. J'aimerais revenir sur la question de la mise en œuvre de ce qui est proposé dans les écoles. Avez-vous un appui des conseils scolaires?

Mme Gagnon : Dès le printemps dernier, on a fait des présentations de l'étude, dans un premier temps à la table qui regroupe les élus des conseils scolaires, sous la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et ensuite, à la table qui regroupe les directeurs généraux des conseils scolaires.

À ces deux occasions, les échanges ont été très positifs. Comme l'étude le disait déjà, il y a vraiment une convergence. Il serait juste de dire, aujourd'hui, que plusieurs conseils scolaires sont en réflexion parce qu'ils font face à des difficultés de recrutement et de rétention.

Maintenant que nous avons obtenu nos écoles un peu partout, comment allons-nous nous assurer que ces écoles soient vivantes, dynamiques, fréquentées et qu'elles aient du succès dans leur projet éducatif en milieu minoritaire? En ce sens, on arrive, avec notre réflexion, à un moment opportun où on n'offre peut-être pas toute la solution, mais certainement une partie de la solution, et j'ai senti beaucoup d'ouverture et d'intérêt.

Par contre, la question est de savoir comment on va y arriver. C'est une question difficile à laquelle on cherche toujours une réponse.

Si vous me permettez, sénateur Comeau, je partagerai avec vous une petite réflexion qui se rattache à cette difficulté. On comprend que dans le volet du plan d'action du gouvernement qui touche l'éducation, il y a une enveloppe financière. La ministre Frulla nous a dit, il y a de cela plusieurs mois, alors qu'on était en rencontre d'évaluation annuelle du plan d'action, qu'elle allait garder une partie de cette enveloppe, à son ministère, pour appuyer des initiatives nationales qui auraient un but, justement, d'animation culturelle.

On a applaudi; on trouvait que c'était merveilleux, que c'était une nouvelle extraordinaire. Par contre, pour y arriver, on est confronté à la lourdeur de ce qui sera exigé des joueurs sur le terrain. C'est formidable, il y a une enveloppe financière qui attend des initiatives nationales, et peut-être même régionales. Mais pour arriver à avoir accès à cette entente, ce que l'on comprend, nous, du secteur des arts et de la culture, c'est que l'on devra convaincre les conseils scolaires, qui eux devront convaincre leur ministère de l'Éducation, qui eux devront former un front commun national, et à travers la Conférence ministérielle en éducation, finalement, on aurait ce projet national qui pourrait accéder à cette enveloppe financière.

Je regarde cela et je suis fatiguée avant de commencer, parce que je me demande combien d'années et d'efforts cela prendra pour monter un tel projet. Il me semble que c'est démesuré.

Le sénateur Comeau : Je comprends bien votre cause. Il y a plusieurs communautés au Canada qui, même si elles ont le vouloir, n'ont ni les moyens ni les ressources. Prenons ma région de la Baie Sainte-Marie, où on a, probablement parce que c'est une partie de la culture de la région, beaucoup plus d'artistes et de musiciens par personne qu'ailleurs au Canada. Je peux vous en nommer quelques-uns : le Grand Dérangement, Denise Comeau, Blou; on a notre Sagouine, Johnny Comeau et Kenneth Saulnier. Je pense que c'est parce que notre région a été isolée pendant plusieurs siècles que l'art fasse ainsi partie de nos mœurs. Très peu de ces gens sont organisés dans leur façon d'obtenir du personnel pour présenter des projets nationaux. Très souvent, les artistes, même s'ils sont connus et respectés, n'ont pas les sommes d'argent qui leur permettraient de se lancer dans des projets de cette envergure.

Est-ce que ce sera encore un programme national où les petites régions, qui ont besoin de faire avancer la culture dans leurs écoles, manqueront le bateau?

Mme Gagnon : J'irais même jusqu'à dire qu'on a besoin de votre appui. Présentement, ce qu'on nous donne comme instruction, c'est une approche qui part du local et qui va au provincial. On aurait beaucoup plus de succès si l'on avait le leadership au départ. À l'échelle nationale, la ministre Frulla et la Conférence des ministres en éducation décideraient de la disponibilité d'une initiative qui s'étendrait vers les communautés. Cela permettrait une approche régionale, locale, parce certains milieux sont peut-être plus fertiles que d'autres. Il y a des régions qui ont déjà fait des expériences et voudraient poursuivre. Il y en a d'autres qui en sont encore à leurs balbutiements. Chacun pourrait y aller à son rythme. Il me semble que cela pourrait nous aider d'avoir une approche comme celle que je viens de décrire. Présentement, on nous dit que c'est ainsi que cela fonctionne.

Je vous invite à nous appuyer dans ces démarches afin d'essayer de convaincre nos leaders d'initier un projet qui aurait une envergure nationale, mais qui serait créé par ces leaders nationaux, et qui pourrait être rendu accessible à tous nos intervenants un peu partout au Canada français.

Le sénateur Comeau : Lors de votre présentation, quelqu'un a mentionné le fait que les enseignants en art et culture dans les écoles doivent être bien formés.

Par contre, je crois que dans une région comme la mienne, où nous avons des artistes reconnus sur la scène internationale et qui ont l'enthousiasme, mais qui n'ont peut-être pas les diplômes, ces artistes ne seraient probablement pas qualifiés s'ils doivent avoir des diplômes pour enseigner dans les écoles.

M. Haentjens : Il y a une question de volonté. On a réalisé, lorsqu'on a rencontré les conseils scolaires que depuis dix ans les conseils scolaires francophones homogènes existent. Leur action a été mobilisée par ce qu'on appelle les « briques et mortiers », les murs, la création des écoles, mais peu par ce qui se passait à l'intérieur de ces écoles.

Les conseils et les conseillers scolaires francophones sont donc un nouvel ordre de gouvernement très important pour nos communautés. Les conseils scolaires ne sont pas nécessairement sensibles aux questions dont on discute ce matin. Comme le disait Mme Gagnon, ils sont très préoccupés par le recrutement et la rétention de la dimension culturelle. Mais ce qu'on fait dans l'école, la pédagogie et au-delà de la pédagogie, soit l'enrichissement culturel de l'école, ce n'est pas quelque chose qui, jusqu'à maintenant, les préoccupait.

On se rend compte que si tout le monde est d'accord sur l'idée que la culture est importante, en pratique, très peu de ressources sont allouées dans les écoles. Par exemple, l'école De La Salle, qui est une école modèle à Ottawa, a très peu de moyens pour faire venir des artistes dans l'école. Il ne s'agit pas seulement de demander aux artistes de donner un cours. Dans la région d'Ottawa, on a un bassin d'artistes exceptionnels dans tous les domaines, on a des lieux de création et de présentation qui sont également très intéressants. Or, l'école De La Salle a très peu de moyens pour d'une part amener les élèves à aller voir ses spectacles — c'est très limité à la concentration artistique — et, d'autre part, pour faire venir des ressources artistiques culturelles dans l'école. Une des pistes soulignée dans l'étude, est le développement des partenariats école-communauté.

Vous parliez plus tôt de la Nouvelle-Écosse. Un des 15 projets documentés dans l'étude, c'est l'école de NDA, à Chéticamp, qui a réussi quelque chose d'extraordinaire : le Conseil des arts de Chéticamp — qui est un organisme communautaire — a réussi, avec l'école et le conseil scolaire responsable, soit le Conseil scolaire acadien de la Nouvelle-Écosse, à mettre sur pied une salle de spectacle dans l'école, appartenant physiquement à l'école, mais qui est gérée et animée par le centre artistique. Alors il y a vraiment une collaboration, c'est-à-dire que le Conseil des arts de Chéticamp vient nourrir et exposer les élèves à toutes sortes de manifestations de la culture qui sont très importantes, et en même temps, l'école fournit l'infrastructure qui permet au Conseil des arts de Chéticamp de faire ce travail.

Il y a vraiment une question de ressources. J'appuie ce que disait Paulette Gagnon. On se rend compte qu'au niveau des énoncés de principes, tout le monde est d'accord, mais au plan des ressources, il y a très peu de moyens pour tout ce qui touche les arts et la culture.

En terminant, j'aimerais dire que dans l'étude, nous sommes revenus aux ententes LOE dont on parlait tantôt, donc les Ententes sur les langues officielles en éducation, pour voir justement comment la culture était traitée dans ces ententes. Or, dans toutes les ententes il y a deux objectifs, l'un touche l'enseignement dans la langue de la minorité et l'autre touche l'enseignement dans la langue de la majorité. Le premier objectif dit qu'il faut offrir aux membres de la collectivité minoritaire d'expression française la possibilité de se faire instruire dans la langue maternelle et de participer à un enrichissement culturel en se familiarisant avec leur propre culture. Donc l'énoncé est là.

Quand on parle de la langue seconde, on a le même énoncé, on dit que les résidents de l'Ontario ont la possibilité d'étudier le français comme langue seconde, de même que la possibilité d'un enrichissement culturel grâce à la connaissance de la culture de l'autre collectivité. Donc l'élément culturel est inscrit très clairement dans les objectifs, mais quand on parcourt le reste des ententes, on ne le retrouve ni sur le plan stratégique ni sur le plan de l'action.

Le sénateur Comeau : C'est très intéressant.

Le président : Par ce commentaire, vous rejoignez la citation de la Cour suprême que j'ai faite au tout début. Tout est relié. On ne peut pas l'ignorer.

Madame Gagnon, vous avez parlé « d'être essoufflée avant de commencer » et « de convaincre à reculons ». Je pense que vous avez touché le cœur de mes préoccupations en ce qui concerne la livraison des services, compte tenu des décisions de la Cour suprême qui ne dissocie pas éducation et culture. Au contraire, elle amplifie cette connexion.

Il me semble qu'il découle des décisions de la Cour suprême une obligation du gouvernement à prendre des initiatives et non pas de procéder comme vous l'avez suggéré « à reculons ». Ce n'est pas à vous, mais au gouvernement de s'assurer que soient respectées les décisions de la Cour suprême. Si vous voulez, vous pourrez faire un commentaire supplémentaire, mais votre message était clair dès le départ.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'égalité. Quand la Cour suprême parle d'égalité, elle signifie « égalité » sur toute la ligne. Pour le bénéfice des membres du comité et si vous êtes bien renseignés sur l'aspect culturel en éducation, pourriez-vous nous dire si vous avez les mêmes moyens que la majorité? Lorsque la Cour suprême parle d'égalité, elle signifie que ce n'est pas seulement des beaux mots, mais que cela doit exister dans les faits. Est-ce que les écoles, les commissions scolaires et les programmes gouvernementaux vous donnent le même accès à des services de qualité pour les enfants que ceux offerts aux élèves de la majorité?

M. Haentjens : Je pense que oui. Il faut toutefois dire que la problématique n'est pas la même. On parle beaucoup d'éducation artistique et on en parle aussi bien du côté anglais que français, minoritaire que majoritaire. Il est question de l'éducation artistique et même plus, de l'éducation par les arts. C'est une préoccupation très actuelle des différentes communautés francophones et anglophones au Canada.

On dit dans l'étude que la préoccupation est beaucoup plus vaste quand on parle des écoles francophones en milieu minoritaire. Il ne s'agit pas seulement d'être exposé aux arts — ce qui est la préoccupation des écoles majoritaires —, mais il s'agit de trouver dans l'école, un moyen d'enrichir la culture des élèves ou d'exposer les élèves à la culture et de développer leur appartenance culturelle. Cela déborde largement de l'éducation artistique. Pourquoi cette différence? Parce que la culture n'est pas un acquis dans la minorité francophone.

Du côté majoritaire, il y a une équation langue et culture. La langue anglaise ; la culture anglaise. Dans la minorité francophone, les petits élèves vivent souvent en français à l'école, mais se retrouvent, dès la sortie de l'école, immergés dans une culture anglaise où l'environnement est majoritairement anglophone. Les conseillers scolaires nous ont beaucoup sensibilisés à cette question. Le nombre croissant de mariages exogames fait que beaucoup d'enfants se retrouvent, même chez eux, dans un milieu anglophone. C'est ce qui amène à faire jouer à l'école un rôle encore plus décisif en matière culturelle et artistique que l'école de la majorité. On le dit dans l'étude en faisant référence à des concepts qui sont utilisés actuellement, c'est-à-dire que l'école de langue française a un double mandat : un mandat académique et un mandat identitaire. Donc l'école de langue française se trouve dotée d'un autre mandat.

Le président : Il y a aussi une notion de réparation et de rattrapage. Il ne faut jamais l'oublier quand on parle de la minorité.

M. Haentjens : L'école française doit faire plus. Peut-être qu'elle fait autant pour l'instant que l'école de langue anglaise, mais elle doit faire davantage en matières culturelle et artistique.

Le président : Mais elle n'a pas toujours les moyens.

M. Haentjens : Exactement.

Le sénateur Chaput : J'ai une question au sujet de l'identité, plus précisément le développement de cette identité chez nos élèves dans les écoles françaises, le lien entre la culture et la langue et ce que cela peut faire pour l'identité de nos enfants.

Avez-vous regardé la différence qui pourrait exister entre le développement de l'identité à l'école élémentaire — lorsque l'enfant est petit et qu'on peut plus facilement lui faire aimer cette culture et cette langue — et le développement de l'identité au niveau secondaire? On sait très bien que lorsque nos élèves arrivent au secondaire, ils ont des changements de comportement, cela va avec l'âge. Ils ont même des changements dans la langue parlée. Ils ont souvent des intérêts plus prononcés envers ce qui nous vient des Américains. Avez-vous traité de cette question lorsque vous avez réalisé votre étude?

M. Haentjens : On a principalement recensé des recherches qui ont été menées sur cette question. Je peux dire qu'actuellement, il y a de nombreuses études qui sont menées sur la construction identitaire, notamment par la Fédération de la jeunesse canadienne-française avec l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques à Moncton. Leurs études portent principalement sur les élèves à l'âge du secondaire. Comment se fait la construction de l'identité? Comment les élèves définissent leur identité? Il y a, par exemple, des concepts d'identité linguistique et d'identité culturelle qui sont distingués. Il y a aussi le concept d'identité bilingue, un concept très nouveau, un peu alarmant à certains égards, car on se demande où la culture disparaît lorsque la langue prend le dessus.

À Toronto, Diane Gérin-Lajoie a suivi, pendant trois ans, huit ou neuf élèves du secondaire dans une école francophone. C'est une étude très qualitative pour voir comment se faisait le développement de leur identité culturelle et linguistique. C'est assez inquiétant. Quelque part, on se rend compte que dans le fond, ils deviennent citoyens bilingues, mais assez peu ancrés dans une culture francophone.

M. Benoît Henry, directeur général de l'Alliance nationale de l'industrie musicale : J'aimerais ajouter que cela se manifeste également, d'une part, dans le défi de recrutement qui se présente. On le sait, entre 40 à 60 p. 100 des ayants droit ne fréquentent pas les écoles langue première française.

Au secondaire, on ne parle pas de recrutement mais de rétention. Principalement dans les petites communautés, où l'école dispose de peu de moyens, on fait face à un problème de décrochage culturel. Vous parliez de l'égalité à l'accès, quand les écoles secondaires du milieu majoritaire francophone disposent des ressources culturelles, d'installations, d'équipes sportives, de possibilités de sorties culturelles, il est évident que beaucoup de jeunes de nos communautés sont attirés par ces écoles. Le lien qu'on cherche à établir ici, entre culture et éducation, vise précisément à relever ce défi de la rétention.

Le sénateur Chaput : Parmi les joueurs que vous approchez, avez-vous fait une sensibilisation auprès des conseils des arts, que ce soit au niveau provincial ou fédéral?

Mme Gagnon : Au cours des derniers mois, nous n'avons pas présenté l'étude comme telle aux conseils des arts. Par contre, on a eu l'occasion de la présenter il y a quelques mois, en novembre, à Moncton, à la Conférence ministérielle des affaires francophones. C'est une première étape. Les ministres responsables des affaires francophones de toutes les provinces et territoires étaient réunis à Moncton, et nous avons eu la chance de leur présenter l'étude. Nous espérons, dans quelques mois, avoir l'occasion de récidiver à l'occasion de la Conférence ministérielle de la culture.

La question des arts et de l'éducation a été mise à l'ordre du jour pour cette prochaine conférence. Cela pourrait nous permettre de présenter notre étude, ce qui aiderait à nous rapprocher des conseils des arts.

Je voudrais aussi mentionner que notre démarche s'insère également dans des démarches que nous n'avons pas initiées nous-mêmes, mais auxquelles on nous invite à participer. Au Canada, il y a présentement un vaste projet piloté par la Conférence canadienne des arts, le Conseil des arts canadiens et la Commission canadienne pour l'UNESCO, qui s'appelle « Les arts et l'apprentissage ». Ce projet ne s'intéresse pas qu'à la question de l'enrichissement culturel dans les écoles en milieu minoritaire, mais aussi à toute la question de l'importance des arts en éducation.

On me dit qu'on est sur le point de créer un vaste comité national qui poursuivra la réflexion sur cette question, toujours piloté par la Conférence canadienne des arts, le Conseil des arts du Canada et la Commission canadienne pour l'UNESCO, mais en partenariat avec les conseils des arts de toutes les provinces. La Conférence ministérielle en éducation aurait apparemment accepté tout récemment de se joindre à cette réflexion. On me disait, il y a quelques jours, que la Fédération culturelle canadienne-française et ses membres seraient invités à se joindre à ce comité. Les Premières nations ont également été invitées, parce que le comité directeur de cette réflexion sur l'importance des arts en éducation reconnaît que les minorités sont souvent davantage intéressées à ce que les arts et la culture peuvent apporter comme enrichissement aux projets éducatifs.

Nous allons donc nous joindre à ce projet, car même s'il n'est pas le nôtre, je crois que notre réflexion peut y trouver sa place et pourra même, je l'espère, alimenter cette réflexion qui regroupe des joueurs importants, avec lesquels nous voulons aussi travailler au cours des prochaines années.

Je pense que c'est une réflexion qui sera plus englobante que la nôtre, mais qui va nous permettre de recruter certains intervenants qui sont critiques dans notre démarche.

Le président : Sans abandonner votre spécificité de groupe minoritaire de langues officielles?

Mme Gagnon : En parallèle, on poursuit notre propre démarche, comme on l'a dit, avec notre comité directeur qui jettera les bases d'un plan d'action, mais on participera également à ce projet qui est presque d'envergure internationale. C'est un sujet d'actualité. Les arts et l'apprentissage, les arts et l'éducation sont des sujets qui animent beaucoup de réflexions un peu partout dans le monde.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Buchanan est le vice-président de notre comité.

Le sénateur Buchanan : Je ne suis pas francophone, mais il fallait au sein de notre Comité des langues officielles quelqu'un comme moi qui garde le comité sur la bonne voie.

D'après vos remarques, j'en conclus que votre fédération est très occupée. Je comprends Mme Gagnon quand elle dit être essoufflée avant même de commencer. Vous avez accompli une somme impressionnante de travail ces dernières années pour les arts et la culture dans les régions francophones du Canada.

Monsieur Haentjens, si je vous ai bien compris, il y a quelques minutes vous avez dit que si la langue a préséance, la culture disparaît. Qu'entendez-vous par là?

[Français]

M. Haentjens : Si on se préoccupe seulement de la langue, l'école de langue française ne diffère pas, à ce moment, d'une école d'immersion. La langue est traitée comme une langue de service. Vous comprenez?

[Traduction]

Le sénateur Buchanan : C'est ce que je croyais. Je ne vous avais pas bien compris, mais j'étais à peu près certain que vous ne vouliez pas qu'on sépare la langue de la culture. Vous dites que si on se concentre uniquement sur la langue, la culture risque de disparaître. Cela répond à ma question.

Je ne suis pas aussi au courant que le sénateur Comeau des activités culturelles qui se déroulent dans les districts acadiens de la Nouvelle-Écosse, mais je suis assez bien informé. Dans les années 80, j'ai eu l'honneur de chanter avec des groupes acadiens. Je les invitais à participer à certains événements à Halifax. Je n'ai pas chanté « Out on the Mira » avec eux — mes collègues savent ce que je veux dire — mais j'ai néanmoins participé. À l'époque, les groupes culturels acadiens étaient surtout des chanteurs et des danseurs et ils étaient partie intégrante des activités culturelles en Nouvelle-Écosse. Quand j'étais premier ministre de la province, des groupes acadiens de Clare, Argyle, du nord du Cap-Breton ou du comté de Richmond étaient invités à presque tous les banquets, dîners et autres activités organisés par la province.

Comme l'a dit le sénateur Comeau, le financement est toujours un problème. Toutefois, il n'est peut-être pas aussi grave depuis que, comme vous le savez, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a fait de l'honorable Chris d'Entremont le ministre des Affaires acadiennes. En outre, le ministre de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse, l'honorable Jamie Muir, est très actif dans ce dossier.

Monsieur Bourbeau, dans votre exposé, vous n'avez pas beaucoup parlé de la recherche sur les arts et la culture qui se fait dans les régions acadiennes de la Nouvelle-Écosse. Je pense plus particulièrement à la région que représente le sénateur Comeau dans l'ouest de la Nouvelle-Écosse, qui est à prédominance acadienne. Vous avez mentionné Cheticamp, que je connais bien car je suis du Cap-Breton. Qu'en est-il du comté de Richmond, de l'autre côté du Cap- Breton, et du Carrefour du Grand-Havre, l'école française de Dartmouth?

Dans le cadre de vos recherches, qu'avez-vous appris sur les activités culturelles en Nouvelle-Écosse, surtout dans les régions que je viens d'énumérer?

[Français]

M. Haentjens : L'objet de notre étude n'était pas de recenser l'activité culturelle à travers le Canada. On a simplement essayé d'identifier quelques expériences typiques intéressantes qui permettaient d'illustrer le lien langue- culture-éducation. Notre propos était assez limité. On a documenté 15 initiatives seulement à travers le pays et on a choisi, en Nouvelle-Écosse, l'exemple de Chéticamp. On aurait pu choisir d'autres exemples à la Baie Sainte-Marie et d'autres centres scolaires et communautaires comme celui de Grand-Havre. On avait amplement de possibilités et d'expériences à documenter, mais on était restreints. Je dois préciser que notre étude est assez modeste et on n'a pas pu se déplacer. On a documenté ces projets par contact téléphonique ou écrit. C'étaient les limites de notre étude.

[Traduction]

Le sénateur Buchanan : Vous n'avez pas beaucoup parlé de la Nouvelle-Écosse dans vos remarques, malgré votre mention de Cheticamp. Puis-je vous suggérer de mettre en valeur davantage la Nouvelle-Écosse dans votre prochain exposé?

[Français]

Le président : Nous allons passer à la deuxième ronde de questions. Nous avons un autre groupe de témoins à entendre à 11 heures et j'aimerais ajourner cette partie de notre séance vers 10 h 55.

Le sénateur Léger : Cela s'appelle langue-culture-éducation. En ce qui a trait aux arts, ce ne sera pas seulement « langue ». Ce sera la danse, qui n'est pas une langue, la musique, qui n'est pas une langue non plus et les arts visuels qui sont universels. Je ne peux pas dire qu'il n'y a pas de problèmes. Je crois que la musique est en avance en éducation et peut-être les arts visuels aussi. Puisque votre étude est langue-culture-éducation, on va tomber dans la littérature, les livres et le théâtre. Voyez-vous une différence en éducation entre les deux?

Êtes-vous d'accord pour dire que la musique, les arts visuels — la danse peut-être un peu moins — sont plus avancés en éducation que la littérature et le théâtre?

M. Henry : Votre question me permet de revenir sur certains éléments. On a beaucoup étudié l'assimilation dans les communautés acadienne et francophones à travers le pays. On a beaucoup moins étudié les facteurs de vitalité. Dans les facteurs de vitalité, plusieurs études ont été produites révélant que pour qu'une langue ait de la vitalité, il y a une question de prestige. Le français est parlé dans 52 pays de la Francophonie, c'est prestigieux. Le fait que le français est une langue officielle au Canada fait en sorte que ce statut lui confère un prestige. Pourtant, ce ne sont pas des conditions suffisantes pour expliquer la vitalité, puisque malgré ces réalités, on vit encore avec des problèmes d'assimilation. Notre étude met le point sur des facteurs de vitalité. On dit investir en culture que ce soit en musique, en théâtre ou autres. Ces éléments contribuent et contribueront à la vitalité de nos communautés de langues officielles.

Le sénateur Léger : J'aimerais revenir aux propos que M. Haentjens a tenus plus tôt. Il faut être spécialiste en enseignement du théâtre et de la littérature. D'après moi, c'est là qu'est le plus grand problème. Il faut des artistes qui ont le don et le talent pour enseigner et ce n'est pas tout le monde qui le veut. Les conseils scolaires ne comprennent pas. Le gouvernement va comprendre encore un peu moins bien, mais cela va se produire à cause des personnes comme Paul Gallant, à Chéticamp, Anne Lowe ou Monique Richard pour leur implication. D'après mon expérience, si on a ces personnes, on doit les protéger. Je ne peux pas les inventer. Si on pouvait les protéger afin qu'ils ne croulent pas sous le poids du travail. Le Conseil des arts du Canada a-t-il un volet pour la spécialisation dans l'enseignement afin d'aider des enseignants qui voudraient se spécialiser? Le Conseil des arts du Canada vise les professionnels et non pas les amateurs. Je parle d'un enseignant très fort qui a prouvé qu'une personne veut être dans sa classe. On veut étudier ses œuvres et il va fonctionner de toute façon argent ou pas d'argent. C'est la faiblesse des artistes. Il faut le faire, c'est plus fort qu'eux.

M. Haentjens : Je pense qu'il y a deux niveaux sur lesquels il faut travailler, d'une part dans la formation des maîtres, on n'a toutefois pas le temps d'en parler ce matin. Dans l'étude, on le souligne à plusieurs occasions. Il faut que les maîtres, les enseignants soient capables de transmettre le message culturel qu'on veut communiquer aux élèves. Ce n'est pas souvent le cas ou toujours le cas. Il faut que les enseignants soient sensibilisés aux aspects culturels. On ne leur demande pas d'être des spécialistes de l'éducation artistique. Il faudrait que les écoles dégagent des ressources pour que les enseignants puissent inviter dans leur classe des artistes du milieu. On ne demande pas aux artistes d'être des pédagogues. Si on peut avoir les deux, tant mieux. Cela peut arriver, mais ce qu'on demande, c'est que le professeur qui a une classe et qui doit toucher les arts visuels, qui n'est pas un spécialiste dans ce domaine, puisse faire venir quelques artistes environnant pour donner des ateliers dans sa classe et ensuite récupérer cette intervention pour une pédagogie. C'est dans cet esprit qu'on voit les choses.

Mme Gagnon : Un rêve serait qu'il y ait des résidences artistiques dans toutes nos écoles à travers le pays. Pour renchérir sur ce que M. Haentjens disait, on ne va pas demander à tous nos artistes de faire leurs sciences de l'éducation pour devenir enseignants. On veut qu'ils demeurent des artistes et qu'ils continuent à créer. Mais pourquoi ne pas envisager dans l'école minoritaire, un vaste projet de résidence d'artistes, des gens qui pourraient intervenir dans les écoles, animer les écoles, appuyer les enseignants dans la formation artistique et mener des projets culturels dans nos écoles?

Les conseils des arts interviennent car la plupart des conseils des arts ont des programmes pour appuyer des résidences d'artistes.

En Ontario, on les appelle « artistes créateurs » dans les écoles. Grâce à notre étude, on a constaté que ces « artistes créateurs » existent déjà dans les conseils des arts de plusieurs provinces. Y a-t-il moyen de travailler ensemble, c'est-à- dire le ministère de l'Éducation, le Conseil des arts et les intervenants, dans le milieu pour renforcer notre capacité d'accueillir des résidences d'artistes dans nos écoles? Cela pourrait être un beau projet.

Le sénateur Léger : Suite à cela, je vois le danger que tous les enseignants auront une formation culturelle approximative et tous les artistes une formation éducative approximative. Non. Je voudrais que les artistes intéressés à l'éducation réalisent le métier de l'éducation, et ce, pas à moitié. Je veux que tous les enseignants aient une notion et une ouverture de la culture, mais ce n'est pas ce dont je parle. Il faut quelques leaders et il faut les protéger.

Le sénateur Comeau : Je voudrais revenir à la question du programme national dont vous avez fait mention, madame Gagnon. Si je comprends bien, une somme est réservée pour les projets favorisant la culture dans les écoles. Y- a-t-il également une réserve pour un programme national?

Mme Gagnon : Je me fie à ce que la ministre du Patrimoine canadien, Mme Frulla, a dit il y a quelques mois lors de la rencontre d'évaluation annuelle, la rencontre ministérielle du plan d'action du gouvernement. Elle a déclaré, lorsqu'elle parlait des fonds additionnels prévus dans ce plan d'action pour l'éducation, qu'ils ne seraient pas tous investis dans les ententes et qu'elle avait l'intention de garder une enveloppe nationale gérée par le ministère du Patrimoine canadien et qui, conformément à l'énoncé contenu dans le plan d'action, viserait à soutenir des initiatives en animation culturelle.

Le sénateur Comeau : Est-ce qu'elle vous a indiqué le montant?

Mme Gagnon : Pas à ce moment-là, mais sûrement qu'on pourrait obtenir ce renseignement.

Le sénateur Comeau : Ce serait intéressant qu'on obtienne ce montant pour le bénéfice de ce comité. Quels sont vos liens avec les artistes au Québec en tant que groupe?

Mme Gagnon : Nous avons différents liens. Nous collaborons dans certains cas avec des organismes québécois. Je pourrais par exemple mentionner le bureau ZOF Montréal qui est un bureau de promotion des artistes canadiens- français et acadiens sur le marché québécois, qui est un marché très important pour nous parce que nos marchés naturels sont souvent petits. Il est important pour nos artistes d'avoir cette capacité de déborder sur le marché québécois. Nous travaillons aussi en collaboration avec certains réseaux de diffusion du Québec spécialisés dans le domaine de la diffusion et de la circulation de la production artistique au Canada incluant le Québec.

Le sénateur Comeau : La Fédération culturelle canadienne-française n'a pas de regroupement provenant du Québec?

Mme Gagnon : Nos membres sont des intervenants des arts et de la culture à l'extérieur du Québec. Par contre, nous travaillons avec des organismes québécois tout comme l'éducation le fait selon les occasions.

Le sénateur Comeau : Est-ce que l'ouverture des Québécois s'améliore? Pendant un certain temps, les Québécois s'isolaient et étaient en train de se créer une culture québécoise et n'avaient pas de relations avec les communautés canadiennes.

Mme Gagnon : Je dirais qu'il y a des progrès très intéressants qui se sont faits au cours des années.

M. Bourbeau : J'ai siégé à un comité qui visait à actualiser et réviser la fameuse politique que le gouvernement du Québec a à l'égard des communautés francophones et acadienne. Je peux vous dire que l'intention est de réintégrer le Québec dans cette identité canadienne-française.

Le président : On s'éloigne un peu de l'école. Il faut être discipliné, sénateur Comeau.

Le sénateur Comeau : Lorsqu'on a des gens ici qui représentent des groupes, il faut en profiter.

Le président : On peut en parler, mais notre étude est davantage concentrée.

Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait lorsque vous avez parlé du fait que des sommes d'argent sont identifiées dans le Plan d'action des langues officielles et qu'il y aurait peut-être une partie à laquelle vous auriez accès. Encore une fois, le ministère, d'après ce que vous percevez, vous imposera une structure encore très lourde, très longue et finalement, qui ne répondra peut-être pas aux besoins de la communauté et aux objectifs de l'étude que vous avez menée. J'ai compris aussi que vous avez déjà identifié certains partenaires, que vous avez commencé une certaine sensibilisation et que vous seriez prêts maintenant à penser à un plan d'action et à voir comment le mettre en application. Avez-vous suffisamment d'informations pour développer un plan d'action assez simple partant de la base? Au lieu de vous faire imposer une structure par Patrimoine canadien, pouvez-vous dire voici comment nous voulons traiter l'information que nous avons obtenue et voici ce que nous voulons faire avec? Êtes-vous rendu au point où vous pourriez présenter un projet pilote d'animation culturelle par province mais qui part de la base?

Mme Gagnon : C'est ce qu'on saura d'ici le mois de juin. Comme je l'ai dit tantôt, ce comité mixte va regrouper tous les intervenants touchés de près ou de loin, surtout de près, par cette réflexion que nous menons, les intervenants en éducation, tous les principaux intervenants seront à ce comité. Le défi est lancé. À nous de travailler avec tous ces intervenants pour arriver à nous entendre dans un premier temps, entre nous, sur comment on peut donner suite à cette étude. On est très ambitieux puisqu'on se donne le défi d'aboutir aux fondements de notre plan d'action, aux orientations de notre plan d'action d'ici le mois de juin. En juin se tiendra le Sommet en éducation en milieu minoritaire et ce sera une très belle occasion pour nous de présenter ces orientations et d'obtenir une validation encore plus large de notre comité pendant le sommet.

D'ici l'été, on sera à peu près fixé sur les orientations que prennent nos efforts collectifs.

Le sénateur Murray : J'espère que ma préoccupation n'est pas trop éloignée du sujet dont nous sommes saisis et je ne vous invite pas à me rappeler à l'ordre, monsieur le président, car nous n'avons que trois minutes.

Le président : Allez-y. Les paroles, une fois lancées, ne s'effacent plus. Elles restent.

Le sénateur Murray : Je ne peux résister à la tentation de soulever ma préoccupation qui est le piètre effort consacré dans nos écoles à l'enseignement de l'histoire. On m'a même dit — et ce hier soir — qu'en cette province de l'Ontario, un étudiant dans une école secondaire peut réussir avec seulement la moitié d'une année en histoire. C'est scandaleux.

Je reconnais volontiers et je prends courage du fait qu'en apprenant un peu de la culture, et même des arts, on peut par ce moyen acquérir en même temps et aborder, peut-être, les autres questions plus fondamentales telles que : qui sommes-nous? d'où venons-nous?

Mais c'est quand même scandaleux. Vous savez que les historiens et les académiques comme le professeur Granatstein et d'autres ont beaucoup écrit sur cette question. Mais avez-vous pris en considération ce problème qui n'est pas trop éloigné de vos préoccupations? Je vous invite à faire un bref commentaire à ce sujet.

Mme Gagnon : Vous soulevez un très bon point. Ce n'est pas nécessairement quelque chose sur quoi on s'est penché dans notre étude, mais votre point est certainement très valide et important. Vous avez raison; je crois qu'en abordant la question culturelle, on va certainement, au minimum, aborder la question de notre propre histoire, de notre histoire au Canada du moins. Je prends bonne note de votre commentaire.

Le président : Pour terminer, je vais vous demander si vous avez présenté ce document ou si vous comptez demander à rencontrer Mme Frulla et les autres joueurs sur la scène pour en discuter avec eux?

Mme Gagnon : C'est définitivement à l'ordre du jour d'une rencontre que nous espérons obtenir en 2005 avec Mme Frulla. Je dois vous avouer que nous sommes un peu frustrés parce que voilà déjà deux ans que nous travaillons pour avoir un rendez-vous avec la ministre du Patrimoine canadien. On avait rendez-vous le 31 mai 2004 avec Mme Scherrer et l'élection a été déclenchée, et nous avons perdu ce rendez-vous. Depuis, on travaille pour obtenir un rendez-vous avec Mme Frulla et nous n'avons toujours pas de date. Je pense qu'on téléphone à toutes les semaines, sinon à tous les jours, parce que c'est un peu décevant de voir que Mme Frulla a si peu de temps à consacrer aux communautés minoritaires de langue officielle.

Alors si vous pouvez glisser un petit mot à ce sujet, ce serait très apprécié. Je sais que nous avons parlé à M. Bélanger la semaine dernière, pour lui faire part de notre impatience. Nous espérons vraiment obtenir un rendez-vous avec Mme Frulla très bientôt et ce sera définitivement un sujet à notre ordre du jour.

Le président : Considérez-vous que vous faites partie du circuit des entités appelées à fournir des commentaires dans tout le processus des négociations et des programmes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial? Ou vous sentez-vous plutôt laissés de côté? J'aimerais avoir une réponse assez exacte parce qu'on se plaint souvent que, dans le domaine de l'éducation, l'ébauche finale se règle entre les deux niveaux de gouvernement. On ne revient pas toujours vers la clientèle pour obtenir sa réaction à ce haut niveau, ce qui serait désirable en certaines circonstances.

Mme Gagnon : Au cours des derniers mois, on a cherché notre place dans cette négociation, entre autres des ententes en éducation. Ce n'est pas évident pour nous, comme organisme des arts et de la culture, de trouver une voix à l'intérieur d'une façon de faire qui est établie déjà depuis plusieurs années. On l'a dit tantôt, les conseils scolaires sont quand même un ordre de gouvernement autonome. Il est certain que nous avons cherché à sensibiliser, d'une part les conseils scolaires, on a fait une présentation, comme on l'a dit tantôt. D'autre part, on a fait une présentation de l'étude aux fonctionnaires de la division qui encadre les ententes en éducation.

Le président : Le Conseil des ministres de l'éducation?

Mme Gagnon : Non, mais plutôt l'équipe de fonctionnaires qui travaillent au sein de Patrimoine canadien sur les ententes en éducation. On a donc essayé de faire une sensibilisation de ce côté.

Le président : Au fédéral, donc. Mais au niveau des ministres provinciaux de l'éducation?

Mme Gagnon : Non. Jusqu'à présent, on n'a pas eu accès à la Conférence des ministres en éducation. On a par contre eu l'occasion de participer à certains événements provinciaux, entre autres en Ontario, où on lançait une nouvelle politique d'aménagement linguistique il y a quelques mois.

Nous avons donc eu la chance d'intervenir dans le cadre de cet événement pour présenter l'étude en Ontario. Mais nous n'avons pas encore réussi à faire le tour de toutes les provinces et de tous les territoires. C'est un travail que l'on poursuivra au cours des prochains mois. Mais je pense qu'à travers la Fédération nationale des conseils scolaires, on a quand même pu rejoindre l'ensemble des conseils. On espère que ce travail portera fruit et on continue à travailler en ce sens vers le sommet.

Le président : Les conseils scolaires véhiculent-ils vos préoccupations jusqu'au plus haut niveau décisionnel?

Mme Gagnon : Je ne peux pas vous l'affirmer cela, malheureusement. Je le souhaite, bien sûr.

Le président : Je vous remercie beaucoup, madame Gagnon, ainsi que toute votre équipe, pour vos commentaires ce matin. Je vous souhaite bonne chance pour l'avenir. Au nom de tous les membres du comité, merci.

Mme Gagnon : Un grand merci à vous aussi de nous avoir accueillis.

Le président : La séance est suspendue pour quelques minutes.

La séance est suspendue.

Le comité reprend sa séance.

Le président : Nous allons reprendre nos travaux.

[Traduction]

Je vous rappelle qu'après l'audition de ces témoins, nous tiendrons une courte séance à huis clos pour traiter de quelques questions administratives. Un repas sera ensuite servi pour tous ceux qui seront présents.

[Français]

Le président : Nous accueillons maintenant le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada. C'est un réseau que je ne connais pas. Je crois que M. Allard fera la présentation. Monsieur Allard vous pourriez peut-être dès le départ nous dire qui vous êtes, la raison d'être de votre organisme et les objectifs que vous essayez d'atteindre.

Cet organisme nous avait indiqué qu'il n'y aurait pas de mémoire écrit. Cependant, on vient de nous remettre un mémoire rédigé uniquement en français.

Ce comité, parmi tous les comités sénatoriaux, se doit de respecter la Loi sur les langues officielles. Quelqu'un s'objecte-t-il à ce que le mémoire soit distribué aux sénateurs en français seulement?

[Traduction]

Sénateur Buchanan, je suis certain que vous m'avez entendu. Ce texte n'est pas encore disponible en anglais. Nous l'avons reçu ce matin et n'avons pas eu le temps de le faire traduire. Avez-vous des objections à ce qu'on le distribue en français seulement?

Le sénateur Buchanan : Non, vu la rapidité avec laquelle j'apprends le français, je n'y vois pas d'objection.

[Français]

Le sénateur Comeau : Le document a déjà été distribué.

Le président : Mais on ne peut pas le citer, parce qu'officiellement, il n'est pas devant vous.

Le sénateur Comeau : En réalité, il ne devrait pas avoir été distribué.

Le président : Je comprends.

Le sénateur Comeau : Étant donné qu'on l'a déjà reçu, il est trop tard maintenant pour nous l'enlever. Il faut cependant rappeler que si les documents ne sont pas disponibles dans les deux langues officielles, ils ne doivent pas être distribués.

Le président : Absolument. C'est regrettable à dire, mais mon expérience dans d'autres comités, c'est qu'on fait circuler des documents unilingues anglophones et les francophones sont bons joueurs dans les circonstances. Toutefois, la loi est claire, les documents du comité doivent être disponibles dans les deux langues officielles.

Nous ne demandons pas aux témoins de traduire leur document. Si vous pouvez nous le faire parvenir une semaine à l'avance, nous avons les facilités pour les traduire dans l'autre langue officielle. Monsieur Allard, je vous invite à prendre la parole.

M. François Allard, président, Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada : J'aimerais remercier le comité de nous recevoir aujourd'hui afin qu'on puisse faire valoir certaines positions du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada. J'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent aujourd'hui, je m'appelle François Allard, président du réseau, Mme Linda Savard qui a été récemment nommée à la direction générale du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada et M. Saint-Jules, chargé de projet depuis de nombreuses années. Il est, on pourrait dire un vieux de la vieille du réseau et celui qui le connaît le mieux. Sa présence parmi nous est importante aujourd'hui. Le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada est un réseau qui a des membres à travers l'ensemble du Canada. Son principal objectif est de participer à l'essor de l'éducation post- secondaire collégiale dans l'ensemble des provinces et territoires du Canada. Nous voulons participer à cet essor en faisant en sorte que les partenaires de ce réseau, donc ses membres, puissent jouir les uns des autres de l'expertise développée au sein de leurs propres institutions.

La mission est simple, d'une part, parce qu'elle s'énonce clairement et simplement, mais d'autre part, elle est difficile compte tenu de la situation des minorités francophones à travers le Canada au plan de l'éducation postsecondaire. C'est de cela que nous voulons vous entretenir aujourd'hui. À moins que vous n'ayez d'autres questions sur le réseau lui-même, je commencerai la présentation de notre mémoire.

La présentation se fera en cinq points, premièrement, j'aimerais faire un bref rappel de certains objectifs du gouvernement fédéral concernant l'éducation. On voudrait également vous faire état de l'enseignement postsecondaire de niveau collégial dans les communautés francophones en situation minoritaire au Canada, vous faire mention du double mandat des institutions francophones, terminer par les défis que nous rencontrons au niveau collégial en français. Notre présentation sera suivi d'une conclusion qui fera état de nos préoccupations futures.

D'abord, un rappel des objectifs du gouvernement fédéral concernant l'éducation. Le gouvernement fédéral a reconnu, au cours des années, l'importance de l'éducation et de la formation. Il a de plus été le champion de la dualité linguistique. Si on regarde l'éducation postsecondaire, dans le document intitulé « Le savoir, clé de notre avenir », publié en 2002, le gouvernement fédéral expose clairement son soutien à l'éducation postsecondaire et énonce l'objectif suivant : permettre à tous les Canadiens d'avoir accès à une éducation postsecondaire de haute qualité. Pour ce faire, il entend, entre autres, donner à tous les diplômés du secondaire la possibilité de faire des études postsecondaires, faire en sorte que 50 p. 100 des Canadiens de 25 à 64 ans possèdent un diplôme d'études postsecondaires et aussi doubler le nombre d'apprentis ayant terminé un programme de certification. Le gouvernement énonce également diverses formes que pourrait prendre la contribution du gouvernement Canada : rendre l'éducation plus accessible pour les Canadiens; encourager les travailleurs canadiens à faire des études postsecondaires tout en continuant de travailler; favoriser la mobilité des étudiants et des apprenants adultes et leur faciliter l'accès aux études postsecondaires; encourager les Canadiens à faire carrière dans les métiers spécialisés et mettre à profit l'expertise des collèges communautaires en plus d'augmenter le nombre de personnes hautement qualifiées.

En ce qui concerne les langues officielles, la dualité linguistique fait partie de nos racines et de notre histoire. Elle assigne au gouvernement du Canada le devoir de rendre accessible à tous les Canadiens le double héritage que représentent pour notre pays nos deux langues officielles : le français et l'anglais.

Ce double héritage appartient à tous les Canadiens et le gouvernement du Canada veut les aider à en profiter pleinement. Cette déclaration faite dans le cadre du Plan d'action pour les langues officielles, publiée en 2003, indique très clairement à, notre avis, l'engagement et les obligations constitutionnelles du gouvernement du Canada en ce qui a trait aux communautés de langues officielles.

Le gouvernement canadien reconnaît non seulement l'importance d'assurer la survie des communautés officielles, mais surtout l'importance d'assurer leur plein épanouissement. Dans le contexte de la mondialisation, de la mobilité des membres des communautés, de la baisse des taux de natalité, les changements démographiques et de la prédominance de l'économie du savoir où les médias jouent un rôle de plus en plus grand, le défi est de taille. Conséquemment et heureusement, le Plan d'action pour les langues officielles propose trois grands axes d'action afin de relever ce défi : l'éducation, le développement des communautés et une fonction publique exemplaire.

Si on regarde l'état de l'enseignement postsecondaire de niveau collégial dans les communautés francophones en situation minoritaire au Canada, on constate qu'à l'heure actuelle, les communautés francophones dans le milieu minoritaire de quatre provinces canadiennes ont accès à de la formation collégiale dispensées par des institutions accréditées par leurs provinces respectives. Au Nouveau-Brunswick, le Collège communautaire du Nouveau- Brunswick, avec les campus de Bathurst, Campbellton, Dieppe, Edmunston et la Péninsule acadienne, offre aux francophones de cette province un éventail de programmes dispensés en français. En Ontario, un grand nombre de programmes collégiaux sont offerts par le biais de deux collègues d'arts appliqués et de technologie de langue française. Il s'agit du collège Boréal de Sudbury et de la Cité collégiale à Ottawa. De plus, le Collège d'Alfred, affilié à l'Université de Guelph, offre une formation collégiale dans le domaine de l'agriculture.

Si on se rend au Manitoba, les Franco-Manitobains, ont accès à de la formation collégiale par le biais de huit programmes offerts par l'École technique et professionnelle du Collège universitaire Saint-Boniface. En Nouvelle- Écosse, l'Université Sainte-Anne, suite à la fusion avec le Collège de l'Acadie, dispense une programmation collégiale encore limitée.

Qu'en est-il pour les autres provinces et territoires canadiens? L'accès à la formation collégiale est plutôt embryonnaire et parfois inexistante. Les organismes dispensant ces activités de formation ne sont pas accrédités par les gouvernements respectifs. La Société éducative de l'Île-du-Prince-Édouard offre à sa population la possibilité de s'inscrire aux programmes collégiaux offerts par l'Université Sainte-Anne. En Saskatchewan, une programmation collégiale visant principalement la formation aux adultes est offerte via le service fransaskois d'éducation aux adultes. En Alberta, un seul programme bilingue est offert par le Northern Alberta Institute of Technology alors que la Société d'éducation de l'Alberta (ÉDUK) offre une programmation en alphabétisation et en éducation des adultes. En Colombie-Britannique, Educacentre offre des programmes de formation professionnelle et de formation aux adultes. Depuis environ deux ans, Educacentre offre quelques programmes collégiaux en collaboration avec la Cité collégiale d'Ottawa.

Il est important de noter qu'en 2004, une entente fédérale-provinciale a été signée afin d'assurer le développement de programmes collégiaux en français en Colombie-Britannique. Quant à la province de Terre-Neuve-et-Labrador, aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut, il n'y a aucun service d'éducation collégiale, sauf quelques cours d'éducation à distance au Yukon, offerts en collaboration avec Educacentre à Vancouver.

Malheureusement, on ne peut pas présentement parler de réseau pancanadien de collèges de langue française. Les francophones du Canada vivant en milieu minoritaire n'ont certainement pas un accès égal et équitable à une formation collégiale dans leur langue comparativement à l'accès dont jouit la population anglophone.

Même dans les provinces comme l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, où l'offre de services et de programmes collégiaux est beaucoup plus grande, la situation demeure précaire et beaucoup plus restreinte comparativement à ce qui est en place pour les anglophones.

Dans ce contexte, les institutions francophones ont un double mandat. Les institutions d'éducation sont essentielles à la survie, au maintien et à l'épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire.

Plus que jamais, les francophones en situation minoritaire font face à l'assimilation de la langue de la majorité et ne jouissent plus de l'isolement social et géographique qui, pendant longtemps, les a protégés contre l'assimilation. L'envahissement constant de l'anglais associé à la mondialisation socio-économique menace d'engloutir les communautés francophones et de faire disparaître la culture française au Canada. Cette tendance qui menace toutes les communautés culturelles minoritaires a été constatée par l'Organisation des Nations Unies. Elle est également confirmée par des statistiques récemment publiées par Statistique Canada.

Le rôle et l'importance des institutions francophones dans la sauvegarde de l'épanouissement de leurs communautés sont attestés et reconnus par les sociologues et les tribunaux. Les gouvernements ne peuvent pas et ne doivent pas prendre des décisions, ni entreprendre des actions qui ont pour effet d'encourager l'assimilation. Bien au contraire, ils doivent assurer le respect et la protection des minorités linguistiques du Canada. Il s'agit d'obligations constitutionnelles, comme l'a déclaré l'ancien premier ministre de l'Ontario, M. Bob Rae, dans le rapport du Comité consultatif sur l'avenir de l'éducation postsecondaire en Ontario, rapport qu'il a déposé au gouvernement de l'Ontario au début de février 2005.

En effet, il est reconnu que les institutions de langue française ont une mission unique quant à l'épanouissement de leur communauté. Parmi les institutions essentielles à la survie des communautés et à leur développement, les institutions d'éducation viennent au premier rang. En conséquence, les communautés francophones doivent avoir accès à un réseau complet de formation en français afin de contrer l'assimilation, promouvoir leur culture et contribuer au bien-être social et économique de leurs membres et du Canada tout entier.

Certes, des structures de gestion scolaire minoritaires sont en place dans toutes les provinces et territoires canadiens et de plus en plus de jeunes obtiennent un diplôme d'études secondaires suite à l'enseignement dispensé dans ces structures. Malheureusement, les dangers d'assimilation rejoignent ces jeunes Canadiens lorsqu'ils veulent poursuivre leurs études au niveau postsecondaire, surtout au niveau collégial puisque l'offre d'une programmation adéquate n'est pas disponible.

De plus, l'absence ou le nombre restreint de programmes offerts au niveau collégial a un impact sur le taux de poursuite des études en français après l'obtention du diplôme d'études secondaires.

Les établissements d'éducation post-secondaire de niveau collégial dispensant de la formation en français, tels qu'ils existent au Nouveau-Brunswick et en Ontario, et qui devraient exister dans toutes les juridictions canadiennes, jouent un rôle de premier ordre en tant que pilier de la communauté et agents sauvegardant la langue et la culture, agents assurant la solidarité et le développement de leurs communautés, agents de soutien au bien-être des personnes qui les composent, aussi bien qu'agents de développement de leurs compétences professionnelles.

À ce titre, les collèges francophones en milieu minoritaire ont un double mandat. D'une part, comme tous les collèges d'enseignement post-secondaire de niveau collégial, un collège francophone doit dispenser une formation de niveau collégial de qualité qui correspond aux besoins de sa clientèle et du marché du travail.

À ce chapitre, le collège a le mandat d'accroître l'accès aux études post-secondaire dispensées en français aux francophones et aux francophiles. Ce volet de son mandat touche autant l'accroissement du nombre de personnes qui étudient en français que l'accroissement du nombre de programmes d'études offerts à la communauté. Il doit être présent et offrir des possibilités de formation à toutes les catégories de citoyens : aux jeunes en continuité de formation; aux adultes qui doivent parfaire leurs connaissances et mettre à jour leurs compétences; aux travailleurs qui veulent accroître leurs qualifications et leurs chances dans la vie; aux apprentis qui tendent vers le statut de compagnon; aux personnes sans emploi qui veulent intégrer le marché du travail.

D'autre part, son statut de collège francophone en milieu minoritaire lui impose de favoriser, par ses actions, l'épanouissement de sa communauté en créant un milieu de vie français dynamique, susceptible de valoriser la culture française, la fierté d'être francophone, en plus d'assumer un leadership rayonnant à l'extérieur de ses murs. Par ses actions, il contribue donc à contrer l'assimilation.

Quels sont les défis que nous rencontrons? Assumer ce double mandat entraîne de nombreux défis que doivent relever les collèges francophones en milieu minoritaire. D'abord, pour ce qui est de la question de masse critique, cette notion est une pierre d'achoppement qui menace la mise en place et l'offre soutenue de programmes collégiaux dispensés en langue française partout au pays.

Le bassin potentiel d'un collège francophone en milieu minoritaire comprend une population relativement limitée, souvent dispersée sur un immense territoire à cause du petit nombre d'institutions francophones quand elles existent, les francophones menacés d'assimilation rapide sont attirés par les collèges anglophones plus près de chez eux. Il faut donc un plan de marketing agressif et des investissements importants pour mettre en place des stratégies de communication et de recrutement qui rejoignent ces clientèles potentielles.

Pour qu'un collège assure la qualité des programmes qu'il offre, il faut qu'il réussisse à atteindre un seuil d'inscriptions qui rende le programme financièrement viable. Ce seuil ne peut évidemment pas être mesuré à la même aulne que celle utilisée pour les collèges anglophones qui ont un bassin potentiel beaucoup plus étendu.

La nécessité de répondre aux exigences d'un marché du travail complexe et varié impose aux collèges d'offrir une vaste gamme de programmes. Puisque sa population est restreinte, les étudiants se répartissent dans tous les programmes offerts. Il en résulte de très petits groupes qui génèrent un coût per capita plus élevé que celui des collèges anglophones. Puisque le financement des collèges francophones en milieu minoritaire n'est pas suffisant, il devient difficile pour eux de garantir que tous les cours seront dispensés ou qu'un programme annoncé pourra démarrer. Conséquemment, plusieurs étudiants francophones s'inscrivent à un collège anglophone où les risques d'annulation sont beaucoup moindres.

Voilà ce qui explique la migration croissante des francophones vers les institutions anglophones pour les programmes post-secondaires autant que pour l'apprentissage. Dans un contexte d'une assimilation galopante, on ne peut suffisamment réitérer l'importance de créer un milieu de vie dynamique où les francophones, jeunes et adultes, sont en mesure de vivre en français.

Pour tout le collégial en milieu minoritaire, ce défi est de taille. Pour accroître l'accès aux études post-secondaires en français, il faut que les collèges francophones en milieu minoritaire permettent l'accès au plus grand nombre de personnes et au plus grand nombre de programmes de formation. Or, cet accroissement de l'offre ne peut se faire que si les collèges reçoivent un financement adéquat basé sur leur situation particulière de collèges francophones œuvrant en milieu majoritairement anglophone.

C'est là les torts qui souvent leur sont faits puisque dans plusieurs provinces ils sont financés comme les collèges de la majorité, sans tenir compte de leur double mandat, ni du fait qu'il en coûte plus cher pour opérer un collège francophone dans un environnement anglophone.

Enfin, et c'est malheureusement le cas dans plusieurs provinces et territoires canadiens, les finissants du secondaire francophone ne peuvent pas suivre une formation collégiale dispensée en français parce qu'il n'en existe pas qui soit offerte dans leur région ou dans leur province. La conséquence évidente est que ces francophones s'inscrivent dans une institution anglophone, ce qui accélère leur assimilation ou bien qu'ils migrent vers une province qui offre la formation qu'ils désirent acquérir pour ne jamais revenir dans leur province ou territoire d'origine.

Il en résulte un affaiblissement des communautés francophones les plus vulnérables. À cause de leur double mandat, les collèges francophones ou les organismes qui dispensent de la formation collégiale en milieu minoritaire sont un pilier pour la communauté. Ils sont sollicités pour participer à toutes sortes d'activités et d'événements qui drainent leurs ressources. Il n'est pas surprenant de constater que les attentes d'une communauté francophone à l'égard de son institution soient élevées et que la participation aux activités sociales, culturelles et économique soit exigée.

Malheureusement, le financement et les ressources dont ces institutions disposent limitent leurs capacités d'action, ce qui, souvent, crée des ressentiments qu'il faut aussi gérer. Un collège francophone est souvent le dernier-né de la famille. Il doit concurrencer ses grands frères qui ont une ou plus d'une longueur d'avance sur lui en ce qui concerne les réseaux de contacts parmi le monde des affaires, les industries, bref, les employeurs en général.

Cette difficulté est accrue par le fait que la grande majorité des employeurs est anglophone et qu'il faut les convaincre de la plus-value qu'apporte la formation en français. Depuis de nombreuses années, presque partout au Canada, la population anglophone jouit d'un réseau de collèges offrant une très large gamme de programmes et de services. Ces institutions sont très bien réseautées et collaborent à la mise en oeuvre de programmes de qualité qui répondent aux besoins du marché du travail.

Grâce à eux, la population anglophone contribue pleinement à l'économie du savoir. Le collégial francophone, pour sa part, n'en est qu'à ses débuts. Un réseau pancanadien d'institutions de niveau collégial de langue française commence à peine à mettre en place dans un contexte de reconnaissance plus ou moins grand, par les diverses provinces et territoires, des droits constitutionnels des communautés de langue française, dans un contexte de juridiction provinciale en éducation, d'éloignement géographique important, de pénurie de professionnels francophones ou bilingues capables de dispenser de la formation collégiale en français, dans un contexte de pénurie de ressources didactiques en français et de sous-financement chronique.

Les francophones du pays ont droit à une éducation en langue française de qualité égale à celle des autres Canadiens. Ils ont droit à une même diversité de chances d'apprendre le métier, la technique ou la profession de leur choix que celle qui est offerte à leurs concitoyens anglophones. Pour que les collèges francophones puissent dispenser de formations de qualité et variées, répondant aux besoins des citoyens et du marché du travail, il faut qu'ils bénéficient d'un système de financement qui tienne compte de leurs différences, des conditions dans lesquelles ils opèrent, des coûts additionnels occasionnés par leur fonctionnement dans un environnement majoritairement anglophone et de leur double mandat.

Voici quelques éléments en conclusion. Malgré tous ces défis, le collégial de langue française, depuis quelques années, a faitdes percées importantes puisqu'il dessert présentement environ 7 000 francophones en milieu minoritaire inscrits à temps plein dans des programmes collégiaux, principalement en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba.

Près de 20 000 francophones dans presque toutes les provinces et territoires peuvent se prévaloir de programmes de formation professionnelle et d'éducation aux adultes dispensés par le biais de collèges et d'institutions offrant de la formation collégiale en langue française.

De plus, depuis sa création en 1995, le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada a permis entre autres la réalisation de plus de 50 projets de collaboration interprovinciale entre les institutions dispensant de la formation collégiale dans toutes les provinces, incluant le Québec. Ces projets de transfert d'expertise, en ce qui a trait aux programmes et services collégiaux dispensés en français, contribuent au renforcement institutionnel des organismes partenaires.

Le RCCFC a assumé un leadership important dans de nombreux cas; à titre d'exemple, dans la réalisation de projets de recherche tels que les motivations des finissants du secondaire dans la poursuite d'études post-secondaires en français; dans la création d'un projet Far-Ouest visant la mise en place éventuelle de formation collégiale dispensée en français en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan; dans le cadre de projets de mobilité étudiante qui permettent aux jeunes francophones du Canada de vivre une expérience collégiale dans une province autre que celle où ils étudient habituellement.

Quant à l'avenir, malgré les défis qui semblent plutôt insurmontables, les communautés francophones en milieu minoritaire ont démontré leur capacité, non seulement à survivre, mais aussi à s'épanouir. On n'a qu'à penser à la mise en place de conseils scolaires de langue française à travers le Canada pour le constater.

Le temps est maintenant venu d'appuyer la mise en place d'un système pancanadien d'institutions collégiales de langue française. Un système pancanadien bien coordonné qui donnerait accès à une formation collégiale de qualité est absolument essentiel au développement économique, culturel et social des communautés francophones en milieu minoritaire.

Le gouvernement fédéral doit assumer un leadership fort auprès des provinces dans ce dossier. Il doit de plus assurer un financement stable, continu et pluriannuel visant non seulement la mise en place initiale, mais également l'appui quant aux coûts additionnels de cette formation.

Il doit se préoccuper de l'accessibilité qu'ont les francophones en milieu minoritaire à une formation collégiale afin qu'elle soit comparable à celle de la communauté anglophone.

Non seulement doit-il s'occuper de l'accessibilité, mais il doit aussi s'assurer de la qualité de cette formation en tenant compte des défis importants inhérents à la réalité hors Québec.

Finalement, le gouvernement fédéral doit donner un appui encore plus important qu'il ne le fait présentement, à un réseau tel que le RCCFC dont le mandat est de faciliter les partenariats, les collaborations et le transfert d'expertise collégiale au niveau pancanadien. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le président : C'est le comité qui vous remercie, monsieur Allard, pour ce mémoire qui m'apparaît assez complet quant à vos préoccupations et objectifs. Nous allons commencer la période de questions avec madame le sénateur Chaput, suivi du sénateur Comeau.

Avant tout, je voudrais recueillir votre commentaire quant au contenu de l'article 23 de la Charte, où il est dit qu'on a le droit de faire inscrire ses enfants au niveau primaire et secondaire.

Le niveau collégial n'est pas compris dans cet article de la Charte. Est-ce que vous pourriez faire un commentaire tout de suite avant qu'on s'engage dans une discussion plus élaborée?

M. Allard : Si je me faisais bref, je dirais qu'il faudrait qu'il soit compris.

Le président : Effectivement, il ne l'est pas. Et les interprètes de cet article, de même que certaines cours, ont commenté à l'effet que des institutions telles que celles que vous prônez ne sont pas couvertes par cet article de la Charte. Alors qu'est-ce qu'on fait?

M. Yvon Saint-Jules, responsable de programmes, Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada : C'est tout à fait exact. Au sens strict, le niveau collégial ou le niveau post-secondaire n'est pas inclus dans l'article 23. Cependant, l'interprétation la plus courante de cet article est un peu plus large que l'interprétation stricte.

C'est tout à fait logique. Si on considère que l'on forme des jeunes, qu'on les amène au niveau secondaire et que par la suite on les met dans un système d'assimilation, alors forcément l'esprit de l'article 23, de protection de la langue française et des communautés francophones, impose et exige qu'il y ait quelque chose qui soit disponible pour les francophones après le niveau secondaire.

Le sénateur Chaput : Je suis heureuse de constater que vous avez un réseau via le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada. Maintenant, entre collèges, vous avez déjà commencé à considérer un partage d'expertise, parce que finalement on ne peut pas être tout pour tout le monde, chacun dans sa province.

Est-ce que cette initiative va aussi loin que, par exemple, quelqu'un du Manitoba qui pourrait recevoir de l'Ontario une formation à distance qui aurait été élaborée chez vous, mais qui pourrait être offerte chez nous par l'entremise de la technologie? Est-ce que vous êtes rendu aussi loin dans votre initiative?

M. Saint-Jules : Il existe ce genre d'initiative, mais avec quelques réserves cependant. Étant donné que l'éducation est de juridiction provinciale et que dans plusieurs professions, notamment celles de la santé, il y a des exigences ou des conditions qui sont locales, comme des accréditations provinciales à obtenir pour pouvoir exercer, ce qui se fait davantage relève du transfert d'expertise d'une province à l'autre.

Par exemple, il y a eu entre l'Ontario et la Nouvelle-Écosse un programme de formation paramédicale qui a été adapté à l'environnement local et dispensé par les institutions provinciales. De la même façon, il y a aussi avec la Colombie-Britannique des échanges de ce type.

Dans l'Ouest, entre la Colombie-Britannique et le Yukon par exemple, il existe de la formation à distance qui se fait selon différentes technologies. Il reste cependant beaucoup de chemin à faire dans ce dossier et il y aurait beaucoup de possibilités à exploiter. Il y a une question de ressources et une question de disponibilité de main-d'œuvre. Mais il y a un début de ce genre d'activités.

Le sénateur Chaput : Étant donné le fait que le gouvernement se penche vers un service de garde pour les enfants à l'échelle nationale, et étant donné que ce sont les collèges communautaires qui offrent la formation pour ces services de garde, avez-vous déjà considéré de vous impliquer au sein de ce réseau national afin d'avoir des services de garde uniformes en français offerts dans nos collèges à travers le Canada?

M. Saint-Jules : On étudie le projet et les initiatives que le gouvernement fait dans ce domaine. L'intérêt des collèges est au niveau de la formation et non pas de la gestion des centres de la petite enfance.

Le sénateur Chaput : C'est ce que je voulais dire.

M. Saint-Jules : Le gros du montant de cinq milliards de dollars, qui avait été annoncé pour les cinq prochaines années, est davantage dédié à l'opération des centres qu'à la formation. Je n'ai pas vu s'il y avait une partie de ces sommes qui étaient dégagées pour la formation du personnel, mais il est évident qu'on a besoin de personnel pour gérer les centres.

C'est également tout à fait vrai que ce sont les collèges qui dispensent cette formation. La préoccupation existe et il y a déjà des échanges entre institutions, tant celles du Québec que celles hors Québec, pour renforcer la formation du personnel qui va œuvrer dans le domaine.

Dans certaines provinces, cependant, cela exige une reconnaissance ou une certification provinciale, alors que dans d'autres la formation peut être plus facilement exportable. Là aussi, cela exige des adaptations de formation et de transfert d'expertise qui devront être ajustés en fonction de cela.

Le président : M. Allard voudrait ajouter un commentaire.

M. Allard : Je trouve que votre question sur l'enseignement à distance et les partenariats qui peuvent exister entre les collèges du Canada est fort intéressante.

D'autant plus qu'on a toujours tendance à considérer que la problématique ou la difficulté pour dispenser des programmes n'est l'apanage que des communautés minoritaires à l'extérieur du Québec.

Au Québec, actuellement, on fait face à des difficultés semblables. Je suis du Québec et je dirige un collège au Québec. Les collèges en région voient leur clientèle baisser et l'offre en région est menacée aussi au Québec. Des travaux se font pour voir comment on peut faire des jumelages d'équipes et s'assurer que la formation puisse se poursuivre.

Des expériences comme celles-là peuvent se faire, et nous avons l'intention d'aller dans cette direction, le plus largement possible, dans un esprit réaliste quant aux masses qu'on va retrouver; de toute façon dans un milieu minoritaire francophone. Oui, ce sont des voies qu'on va emprunter et qu'on commence à emprunter avec les moyens que nous avons. Évidemment, le réseau est petit. Mais dans le cadre de ses mandats, le réseau cherche à multiplier ces partenariats et à favoriser des modalités un peu plus novatrices dans la dispensation des programmes de formation.

Le sénateur Chaput : Cela va-t-il aussi loin que le partage d'expertise? Je vais prendre l'exemple du Manitoba, où un professeur est formé pour enseigner les services de garde et que le collège n'a pas suffisamment d'étudiants pour que ce cours soit dispensé chaque année. On l'offre à tous les deux ans mais entre-temps, le professeur pourrait l'offrir ailleurs s'il est déjà formé. Est-ce que c'est quelque chose que vous considérez?

M. Allard : C'est tout à fait compatible avec la façon de voir du Réseau des collèges et des cégeps francophones du Canada.

Le président : J'aimerais apporter une précision. Il existe un organisme qu'on appelle le Réseau d'enseignement francophone à distance dont l'administration est à Montréal. Connaissez-vous cet organisme?

M. Saint-Jules : Nous connaissons très bien cet organisme. Nous travaillons avec cet organisme ainsi qu'avec le Collège de Rosemont, qui est souvent le dépositaire de la gestion de ce réseau. En fait, c'est un de nos partenaires.

Le président : Est-ce que c'est un réseau pancanadien ou strictement québécois?

M. Saint-Jules : Ce réseau a pris naissance au Québec, mais il commence à étendre ses activités à l'ensemble du Canada. C'est devenu un réseau pancanadien qui travaille aussi au niveau universitaire.

Le président : Nous avons invité des représentants de ce réseau à comparaître au sein du comité et ils ont refusé. Je le signale en passant.

Le sénateur Comeau : Je voudrais revenir sur la structure de votre organisation. Qui sont vos membres? Est-ce que ce sont des directeurs, des enseignants ou des représentants du collège?

M. Allard : Généralement, le réseau comprend un ensemble d'institutions représentées par la direction générale.

Le sénateur Comeau : C'est le directeur du collège?

M. Allard : C'est le directeur du collège, oui.

Le sénateur Comeau : Comment votre réseau est-il financé?

M. Saint-Jules : Notre financement vient des contributions des membres. Il vient en très grande partie du soutien que nous accorde Patrimoine canadien et de différents projets que nous pouvons autogénérer ou soumettre à des bailleurs de fonds.

Le sénateur Comeau : Est-ce que pour chacun de vos collèges, des groupes vous suggèrent des stratégies ou des plans individuels ou est-ce le directeur qui prépare la stratégie?

M. Saint-Jules : Un collège fonctionne de façon un peu différente du Réseau des écoles secondaires et élémentaires. Chaque collège est autonome et dispense une variété de programmes. Avec son équipe de gestion et son équipe d'enseignants, chaque collège établit son propre plan stratégique et sa propre démarche. Le Réseau tente de rechercher l'expertise spécifique d'un collège en particulier afin d'en faire profiter l'ensemble de ses membres.

M. Allard : Actuellement, le réseau est sur le point de mettre en place un projet de transfert d'expertise entre les membres du réseau. Cela permet la mise en relation de partenariat et d'échanges des collèges du Québec et des collèges hors Québec et ce, à tous les niveaux de la structure. Cela peut partir de la direction générale du collège, qui échange certains projets avec des directions d'autres collèges sur des enjeux qui relèvent de la compétence d'une direction générale.

L'idée c'est de mettre en relation des enseignants, des conseillers pédagogiques, des personnes qui s'occupent de la vie étudiante, pour qu'à tous les niveaux d'une structure de collège ces gens puissent se parler, et échanger leur expertise. Je dis qu'il faut échanger parce qu'au Québec nous avons beaucoup à apprendre de l'expertise de certains collèges hors Québec et inversement. Cela ne doit pas se faire à sens unique.

Le sénateur Comeau : La notion de collaboration entre des institutions québécoises et hors Québec est intéressante. Il est important qu'il y ait ces relations entre les Québécois et les non Québécois.

Vous êtes probablement l'une des seules institutions nationales qui comprend toutes les provinces et territoires du Canada. Très souvent devant ce comité, nous recevons des fédérations canadiennes qui excluent le Québec. Il est important de maintenir cette collaboration.

Il y a quelque chose qu'on voudra certainement découvrir dans le futur : savoir comment vous avez pu encourager le Québec à collaborer avec les autres provinces, surtout dans un domaine de juridiction provinciale. L'avez-vous fait parce que vous existez depuis 1995?

M. Allard : Je peux peut-être vous parler de la naissance du RCCFC. Il y a un autre organisme qui relie les collèges canadiens. Il s'agit de l'ACCC, l'Association des collèges communautaires canadiens. Cette association regroupe des collèges francophones et anglophones du pays.

En 1995, un nombre important de collèges canadiens francophones faisaient partie de cette association et ne sentaient pas que la préoccupation d'appuyer l'essor de l'éducation en français était véritablement présente au sein de cet organisme.

C'est de là qu'est né le Réseau des collèges et des cégeps francophones du Canada. L'organisme est né d'une préoccupation de promotion de la culture et de la langue française au Canada. Il est évident que le collège du Québec que je représente ne vit pas la même réalité. Je suis président du Réseau et j'apprends la réalité hors Québec depuis un an. Je peux dire que je le fais avec beaucoup d'intérêt.

Si plusieurs collèges du Québec font partie du Réseau des collèges et des cégeps francophones du Canada, c'est parce qu'ils partagent cette préoccupation d'améliorer la francophonie canadienne, à travers des services de formation collégiale.

C'est un moteur important puisque presque 75 p. 100 des collèges du Québec font partie du réseau. C'est donc un défi à relever continuellement, mais c'est un défi intéressant. À travers les projets réalisés jusqu'à maintenant, on démontre qu'il est possible de changer certaines choses et ce, par la collaboration et le partenariat. On peut même permettre dans des endroits comme le Yukon, où la communauté est très restreinte, de créer des partenariats permettant l'éducation à distance.

C'est le cas d'Éduk Centre à Vancouver qui appuie le Yukon. C'est aussi le cas pour le Collège Montmorency, dont j'assume la direction, qui travaille à des projets de partage de programmes entre le Manitoba et le Nouveau-Brunswick.

Il y a trois provinces qui font des projets qui visent à harmoniser des programmes de formation au niveau collégial et à permettre la mobilité non seulement des étudiants mais des enseignants qui partiront du Québec pour aller au Manitoba, des Manitobains qui iront au Nouveau-Brunswick et qui augmenteront leur expertise au sein de leur institution. C'est là tout l'esprit du Réseau des collèges et cégeps francophones du Canada.

Le sénateur Comeau : Cela fait longtemps que j'ai examiné le système collégial. Si je me souviens bien, les cégeps sont différents des collèges, ils sont plus près du domaine académique que de celui des arts appliqués ou de la technologie. Est-ce que je me trompe? J'essaie de voir le rôle des cégeps par rapport à celui des collèges.

M. Allard : Je ne vous dirai pas que vous vous trompez, mais je vais nuancer. Les collèges du Québec offrent aussi beaucoup de programmes techniques. Dans certains collèges, dont celui que je dirige, 60 p. 100 de la clientèle est dans des programmes techniques. On rejoint la raison d'être très clairement des collèges qui sont à l'extérieur du Québec et qui font de la formation collégiale.

Il y a un module qui consiste en de la formation pré-universitaire qu'on ne retrouverait pas dans les collèges hors Québec, mais tout ce côté des programmes techniques qui visent à amener les gens à s'inscrire sur le marché du travail immédiatement après, avec des formations orientées vers les besoins du marché du travail, fait partie de la réalité des cégeps du Québec.

M. Saint-Jules : Il y a une autre différence entre ce qui est du Québec et hors Québec, c'est tout ce qu'on appelle la formation professionnelle : les métiers. Au Québec, ce n'est plus les conseils scolaires qui assument ce volet de formation et d'apprentissage alors qu'au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou dans d'autres provinces canadiennes, même pour les anglophones, c'est le niveau collégial qui s'occupe de la formation des métiers et de l'apprentissage. C'est l'autre élément de différence.

Le sénateur Comeau : Est-ce que vous avez eu l'occasion de faire des présentations à la ministre de Patrimoine canadien? Lui avez-vous décrit vos suggestions ou vos recommandations? Avez-vous été invité à le faire?

M. Allard : Pas encore.

Le sénateur Comeau : L'avez-vous demandé?

M. Saint-Jules : Plusieurs démarches qui ont été entreprises, mais tout comme l'Association culturelle canadienne française, on n'a pas réussi à rencontrer la ministre. Cependant, je dois ajouter qu'un membre du Conseil du réseau a un rendez-vous avec Mme Frulla la semaine prochaine et qui, en plus de présenter des choses pour son propre collège, parlera du réseau.

Le sénateur Comeau : Il faut que ce soit les représentants de l'association qui voient la ministre.

Mme Linda Savard, directrice générale, Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada : Il faut mentionner que dans le passé, le réseau a quand même fait des projets ponctuels pour améliorer l'étendue du réseau à travers l'Ouest. On a mentionné avec le projet Far-Ouest, le travail accompli directement sur le terrain pour aider à renforcir nos réseaux dans les provinces afin qu'elles puissent accéder plus facilement à la reconnaissance provinciale. Cela a été fait au ministère du Patrimoine canadien. Ils sont certainement sensibilisés à la question, mais à la question de l'étendre à l'échelle pancanadienne, on est loin de là.

Le sénateur Comeau : Il semble y avoir un genre de répétition du commentaire de la ministre responsable du Patrimoine canadien. Elle semble s'occuper de dossiers plus importants, mais selon moi, je ne peux pas voir quels dossiers seraient plus importants que ceux de l'éducation, de la petite enfance et des conseils scolaires et postsecondaires comme vous le décrivez aujourd'hui. Elle doit avoir des dossiers dont nous ne sommes pas au courant aujourd'hui. Il semble y avoir une tendance ici.

M. Saint-Jules : Lors du dernier budget fédéral, l'éducation et les francophones n'ont pas été bien servis.

Le sénateur Comeau : C'est peut-être la raison.

Le président : J'aurais un commentaire sur cette dernière remarque. Pourtant aucun programme n'a été éliminé et les engagements restent.

M. Saint-Jules : Les engagements sur les langues officielles, je suis d'accord avec vous.

Le président : Tout le monde veut de l'argent, ce n'est pas parce que nous ne sommes pas mentionnés qu'il n'y aura pas livraison de services, mais je comprends votre point. Vous avez lu le budget. C'est bien.

Le sénateur Léger : J'en apprends ce matin. Déjà le mot « cégep » m'avait dérouté. Car en général, ici c'est toujours les minoritaires. Peut-être que l'Ontario appelle cela des cégeps, en tout cas vous avez répondu à cette question.

Il y a pénurie d'enseignants, de formateurs francophones en enseignement des métiers et des techniques, ce qui est votre mandat. Il y aura de la demande d'emploi partout : le grand Nord avec ses diamants, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse avec son pétrole. On aura besoin d'architectes, de menuisiers. Donc les francophones et les anglophones vont aller au Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, dans ces endroits éloignés, et les francophones auront droit à l'égalité.

Y a-t-il espoir de combler la pénurie? Parce que j'ai vraiment vécu cela en 1960, où les professeurs enseignaient la physique ou la chimie en français, mais les livres des élèves étaient en anglais. On parle de technique, de mondialisation. Est-ce que vous pourrez répondre à ce mandat?

M. Saint-Jules : Ce que vous soulevez est un gros mandat. Effectivement, vous avez tout à fait raison, on a besoin de personnel qualifié. On a besoin de matériel pour enseigner en français ainsi que de personnes-ressources.

Ce qui arrive dans beaucoup de cas, c'est que le marché du travail s'arrache les francophones capables d'enseigner en français dans les domaines aussi spécialisés que ceux-là. Les collèges ne peuvent pas les payer autant que le marché du travail compte tenu du financement qu'ils reçoivent. C'est une des difficultés soulevées dans le document et que les collèges vivent dans leur quotidien. Un ingénieur en ponts et chaussées et même un technicien en ajustage mécanique va gagner deux ou trois fois ce que le collège peut payer parce que les collèges n'ont pas assez de ressources. Cette duplication, la plus-value qu'offre la possession des deux langues et le marché du travail, fait qu'ils s'arrachent ce genre de monde. Les collèges n'ont pas assez de ressources. Quand on demande de tenir compte d'un financement plus adéquat pour les institutions francophones, c'est pour faire face à ce genre de problème. Effectivement, on n'est pas capable de concurrencer avec l'industrie sur ce domaine. Alors c'est pour cela qu'on demande souvent plus d'argent. La ressource existe, mais on ne peut pas aller la chercher chez nous, parce qu'on ne peut pas la payer.

M. Allard : On a un projet en marche qui consiste à développer du matériel didactique en français. Le travail est compliqué. C'est certain qu'on devra faire des choix et qu'on ne pourra pas remplir toute la commande. Mais on s'y attaque malgré tout. Il faut continuer à faire des pas en ce sens sachant que l'objectif est loin devant. Le réseau a l'intention de continuer avec les moyens qu'on va lui donner.

Notre rôle, c'est de montrer ces difficultés et de s'assurer que ceux qui ont les moyens peuvent peut-être nous aider et entendent le message.

Je suis étonné de la vitalité malgré ces énormes difficultés vécues par les communautés francophones hors Québec. Ils m'étonnent à chaque fois. Leur volonté, leur détermination à vouloir demeurer et s'épanouir dans leur langue fait en sorte que cela stimule l'ensemble de la francophonie canadienne à participer à cet essor.

C'est vrai qu'il y a des défis gigantesques. Ce n'est pas simple et ce sont des difficultés qu'on voit aussi en milieu majoritaire francophone. Par exemple, pour le recrutement d'enseignants au Québec, on a la même difficulté. Les salaires payés ne sont pas ceux de l'industrie dans des domaines de pointe, et pour avoir des enseignants qui sont plus qualifiés on a de la difficulté à les attirer. C'est déjà ardu, alors vous pouvez imaginer dans d'autres situations comment cela peut être. C'est un sujet préoccupant, mais je pense que les réponses et les solutions ne sont pas très évidentes.

Le sénateur Léger : Vous venez de dire un mot; cela ne peut pas seulement venir des gouvernements et fédéral et provincial. Dans l'industrie, si on veut la francophonie égale dans ces milieux qui offre maintenant l'ouverture — c'est là où on va trouver du travail pour vivre — eux aussi, peut-être, doivent embarquer.

M. Allard : D'où l'importance d'assurer la formation en français jusqu'à l'entrée au marché du travail. Si on forme des techniciens, c'est-à-dire des gens qui auront complété la formation en français et qui s'intègrent dans le milieu des entreprises, ils seront peut-être préoccupés par cette réalité. Si on arrête après le secondaire, on manque notre coup à mon sens.

Le président : J'ai quelques questions. J'ai fait des signes de dollars en marge de certains de vos commentaires. Nous ne sommes pas nécessairement une courroie de financement au comité, mais nous tenons compte de vos commentaires sous ce rapport.

Le sénateur Comeau, je crois, a touché à la question. Les collèges et cégeps sont tous financés en entier à même les ressources des gouvernements provinciaux. Est-ce que je me trompe? Parfois, il y a des initiatives.

M. Allard : C'est-à-dire que le financement vient principalement de l'État au Québec, sauf que l'État ne finance pas toutes les activités des collèges qui vont bien au-delà. Il y a un certain pourcentage que les collèges doivent assumer à même des revenus autonomes, et cela passe par la formation des entreprises, par exemple, et par la gestion de leurs installations.

Le président : Mais en dehors du Québec?

Mme Savard : Dans la francophonie hors-Québec, plusieurs provinces obtiennent des transferts du fédéral au provincial et ensuite les provinces financent; l'argent provient ultimement de la province, mais c'est un transfert fédéral-provincial qui a permis de pallier au manque de financement des institutions.

Le président : Quand vous parlez de transferts, sans l'étiqueter, parlez-vous de péréquation?

M. Saint-Jules : Non, ce sont les ententes fédérales-provinciales en éducation. Ce n'est pas de la péréquation. Cependant, vous touchez un point important et une réalité des collèges francophones en milieu minoritaire. Si on compare avec les collèges anglophones en Ontario, par exemple, il y a à peu près entre 55 et 60 p. 100 de leurs ressources qui proviennent des activités autogénérées, alors que entre 45 et 50 p. 100 de leurs revenus viennent de l'État, donc de la province.

Un collège francophone en milieu minoritaire n'a pas accès à ce genre de ressources. Les collèges francophones en Ontario, par comparaison, comptent à peine 35 p. 100 de leurs ressources qui proviennent ailleurs que des subventions gouvernementales. Le marché disponible pour un collège francophone est plus restreint que le marché des collèges anglophones. Parmi les employeurs en formation sur mesure, la plupart vont faire former leurs employés dans un collège anglophone plutôt que dans un collège francophone, parce qu'un réseau existe, il y a une histoire, il y a 35 ou 40 ans d'existence d'établissements qui ont offert ce service.

Tandis que le nouveau collège francophone, qui a à peine dix ans d'existence, doit faire sa place dans le milieu, qu'il fasse la démonstration auprès des employeurs que c'est plus avantageux d'être formé en français qu'en anglais, parce qu'il y a une plus-value du bilinguisme dans le monde actuel et qu'il y a une meilleure réception à l'étranger si l'anglais est la langue seconde et non pas la langue première, parce que la personne aura plus d'affinités avec les Asiatiques, avec les Européens ou avec les Sud-Américains qui eux aussi travaillent dans la langue seconde lorsqu'ils travaillent en anglais.

Il faut démontrer tout cela aux employeurs, aux parents et aux jeunes pour arriver à les attirer dans les collèges francophones. Cela prend des ressources que les collèges n'ont pas toujours. C'est pour cela qu'on revient constamment à ce signe de dollars.

Le président : Il est plus difficile pour un collège francophone d'aller chercher un parrainage auprès de l'industrie. Certaines industries, par contre, procèdent à la formation de leur corps de métier à l'interne. Ils ne vont pas nécessairement chercher des gens formés dans les collèges ou les cégeps. C'est peut-être pour cela que dans l'industrie de l'automobile, par exemple, il n'y a à peu près rien pour les francophones au niveau des collèges. N'est-ce pas?

M. Saint-Jules : Il y a quelques programmes, mais il y en a beaucoup moins comparativement à ce qui se fait au niveau anglophone. Le métier de mécanicien automobile est un métier prisé par les francophones, mais ils vont étudier en anglais. Ici dans la région, ils vont aller au Collège Algonquin ou dans la région de Toronto dans des collèges anglophones, parce les grandes industries travaillent davantage en anglais.

C'est donc un des problèmes auxquels nous faisons face, soit attirer nos gens dans nos institutions en leur disant qu'on est capable de donner une formation aussi bonne que celle dispensée dans un collège anglophone, avec le bilinguisme comme atout additionnel pour leur profession. Mais il faut les convaincre de ce fait. Il faut convaincre les employeurs d'envoyer leurs employés dans des institutions francophones.

Dans ce sens, toute la réinsertion des sans emploi est un autre domaine où les collèges francophones ont de la difficulté en milieu minoritaire parce que le ministère des Ressources humaines ne dessert pas bien les francophones. Souvent la préoccupation des ressources humaines est que si on offre un service en français, même si on dit à un jeune francophone d'aller étudier au collège anglophone, ils pensent que leur mandat est rempli. Nous ne sommes pas d'accord avec cela.

Le président : Vous recevez donc des subventions en tant qu'organisme de Patrimoine canadien. Depuis quand?

M. Saint-Jules : Depuis 1995. Depuis que Patrimoine canadien a reconnu l'utilité de ce qu'on fait et nous appuie grandement, tant dans notre fonctionnement que dans les différents projets subventionnés et réalisés grâce à eux.

Le président : Est-ce un programme annuel ou qui s'échelonne sur quelques années?

M. Saint-Jules : Au début, c'était annuel. On a eu un projet triennal qui se termine le 31 mars 2005 et on a une demande de prolongation ou de renouvellement de cette entente sur une base triennale. D'ailleurs, Patrimoine canadien reconnaît de plus en plus un financement pluriannuel pour nous; on a au moins deux accords de contribution de Patrimoine canadien qui s'étalent sur trois ans.

Le président : C'est public, cette information à savoir combien vous recevez ou combien vous demandez?

M. Saint-Jules : Oui, mais il y a une nuance. Ce qu'on reçoit ou ce qu'on a reçu dans l'accord de financement de base jusqu'à cette année était 250 000 $. Ce qui a été demandé pour la prolongation des trois prochaines années, c'est 500 000 $.

En plus de cela, Patrimoine canadien nous donne des accords de contribution ad hoc. Par exemple, pour le projet Far Ouest qui a été subventionné entièrement par Patrimoine canadien, le total de la contribution du projet était de 900 000 $. Mais c'était un financement ad hoc pour un projet ad hoc qui voulait aider les provinces de l'Ouest à mettre sur pied des services en français au niveau collégial. L'appellation « Far Ouest » vient des gens de là-bas, parce que cela excluait le Manitoba, qui avait déjà une institution de niveau collégial qui fonctionnait bien.

Le président : Cela ne jure pas trop, parce que vous avez au Québec des festivals western.

M. Saint-Jules : C'est cela. En Ontario aussi.

Le président : Vous demandez davantage d'argent, mais croyez-vous que le ministère du Patrimoine canadien ou une autre entité fédérale a vocation de subventionner les collèges et cégeps?

M. Saint-Jules : La subvention qu'on demande n'est pas pour les collèges et les cégeps, c'est pour les communautés francophones. Notre réseau est un réseau pancanadien d'institutions qui travaille à la valorisation de l'éducation postsecondaire de niveau collégial.

Le président : Je ne parle pas du réseau, je parle du financement des établissements comme tels.

M. Saint-Jules : C'est un débat souvent ardu.

Le président : Si je reviens à votre commentaire, vous avez dit qu'il vous semblait logique que l'article 23 de la Charte aille au-delà du primaire et du secondaire. D'autres prétendent qu'il faille inclure le préscolaire ou la maternelle dans tout cela. Est-ce votre logique, votre approche?

M. Saint-Jules : Oui.

Le président : Si l'on suit votre logique, vous êtes disposé à demander que le fédéral s'implique davantage dans le financement des collèges francophones?

M. Saint-Jules : C'est exact.

Le président : Le gouvernement fédéral le fait-il actuellement?

Mme Savard : Il le fait partiellement dans certaines provinces, mais on veut qu'il le fasse à la grandeur du Canada pour les institutions francophones.

Le président : C'est une recommandation que vous faites?

Mme Savard : C'est une recommandation que nous faisons, en effet.

Le sénateur Comeau : Avez-vous évalué les sommes nécessaires pour combler les objectifs visés?

M. Savard : On n'a pas fait de calculs parce que la situation diffère d'une province à l'autre. Nous ne sommes pas là pour dire aux provinces comment faire l'éducation, mais bien pour les encourager à le faire. Chaque province est libre de décider quelle est la meilleure façon de faire. Quand on regarde le Nunavut et le Yukon comparé à l'Ontario ou le Manitoba, c'est très différent. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas encore fait de calculs.

Le président : Mme Savard, vous êtes responsable des programmes. En quoi consiste votre travail exactement?

Mme Savard : Je suis directrice générale.

Le président : Il s'agit plutôt de M. Saint-Jules. En quoi consiste votre travail, monsieur Saint-Jules?

M. Saint-Jules : Je gère une certaine quantité de projets ad hoc pour lesquels le réseau est subventionné. Par exemple, j'ai géré le projet Far-Ouest ainsi qu'un projet de recherche sur les intentions de poursuite des études postsecondaires des jeunes francophones qui terminaient leur secondaire. Il s'agissait de savoir s'ils étaient intéressés à poursuivre des études en français et à quel endroit ils désiraient étudier. Je gère également des projets de collaboration entre les différentes institutions.

Le sénateur Léger : Votre réseau comprend combien de cégeps au Québec et combien de collèges communautaires hors Québec? Dans l'ensemble, quelle est la proportion?

M. Saint-Jules : Au total, le réseau compte 48 membres dont 31 cégeps en provenance du Québec et 17 associations et collèges qui travaillent au niveau collégial hors Québec. En d'autres termes, toutes les institutions hors Québec qui travaillent au niveau collégial sont membres du réseau.

Il y en a trois en Ontario; cinq au Nouveau-Brunswick; une en Nouvelle-Écosse; une au Manitoba. Cela représente l'ensemble des institutions accréditées. De plus, des associations travaillent au niveau de la formation professionnelle et de l'éducation des adultes dans les autres provinces.

Le sénateur Léger : Votre budget est réparti entre 31 cégeps situés au Québec et 17 situés hors Québec. Si chacun en a une portion, on en aurait un quarante-huitième?

M. Saint-Jules : Le 900 000 $ de subvention qu'on a reçu de Patrimoine Canadien pour le projet Far Ouest a été entièrement utilisé pour les provinces de l'Ouest. Le fonctionnement de base de 250 000 $ comprend des sommes que l'on attribue à des projets de collaboration interprovinciale.

Or, une des règles de fonctionnement du réseau, c'est de toujours jumeler une institution provinciale avec une autre. Ce n'est pas toujours une institution du Québec avec une institution hors Québec, mais ce ne sera jamais deux institutions québécoises ou deux institutions ontariennes. Par exemple, il y a des échanges entre le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, entre le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, entre l'Ontario et la Colombie-Britannique. Il y en a aussi entre le Québec et l'Ontario, entre le Québec et le Nouveau-Brunswick.

M. Allard : Vous avez devant vous à peu près toute la permanence du RCCFC. Il y a la directrice générale et un directeur de projets. Le réseau compte également une secrétaire et un bureau à Ottawa. C'est ce que le RCCFC est en mesure de faire avec le financement de base qu'il obtient. Par la suite, le réseau fait des demandes de financement et s'assure que ce financement couvre l'ensemble des dépenses nécessaires à la mise en relation des collèges qui travaillent ensemble.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, nous allons clore la session d'avant-midi. Je vous remercie beaucoup, je crois que vous faites un travail utile et nécessaire.

Je vais vous demander à tout le monde, sauf les sénateurs, de quitter la salle. Toutefois, j'aimerais que les sténographes demeurent. C'est pour ma propre édification et aussi pour donner suite aux conclusions auxquelles nous arriverons.

M. Allard : Nous remercions le comité de nous avoir accueilli.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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