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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages du 9 juin 2005 - Séance de l'après-midi


EDMONTON, le jeudi 9 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est rencontré ce jour à 13 h 16 pour examiner des questions touchant à la santé mentale et à la maladie mentale.

Le sénateur Joan Cook : (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente suppléante : Sénateurs, Mme Geraldine Cardinal, qui devait comparaître ce matin devant notre comité, s'est jointe à nous cet après-midi. Nous avons également avec nous M. Sykes Powderface, Mme Gloria Laird et Mme Elsie Bastien.

Madame Cardinal, avez-vous un exposé à faire?

Mme Geraldine Cardinal, à titre personnel : Je n'ai pas d'exposé à faire maintenant.

La présidente suppléante : Prenez votre temps. Si cela vous met plus à l'aise, nous allons passer au témoin suivant puis, nous pouvons revenir à vous lorsque vous serez prête à parler. Est-ce que cela vous convient?

Mme Cardinal : Je peux répondre aux questions que vous aurez. Je vous dirai simplement que je reviens juste des funérailles de mon frère aîné.

La présidente suppléante : Cette journée a été difficile pour vous.

Mme Cardinal : Oui c'est difficile.

La présidente suppléante : Peut-être que les autres témoins pourraient décliner leur identité.

Mme Elsie Bastien, coordinatrice des liaisons avec les Autochtones, Alberta Mental Health Board : Vu que nous avions cinq à sept minutes par orateur pour faire une présentation, nous avons décidé de nous regrouper en tant que groupe et d'élaborer notre exposé. Nous avons une présentation formelle que le groupe m'a demandé de lire au comité. Puis, nous répondrons à toutes les questions.

M. Sykes Powderface, coprésident, Alberta Mental Health Board, Wisdom Committee : Comme l'a mentionné Elsie, nous avons un exposé écrit que nous sommes prêts à vous soumettre et nous sommes prêts à élaborer oralement sur les points qui préoccupent le comité.

Mme Gloria Laird, coprésidente, Alberta Mental Health Board, Wisdom Committee : Je pensais qu'avant de débuter, nous pourrions vous donner un peu le contexte de notre comité de la sagesse.

Ce comité est constitué des d'aînés et de personnes provenant de communauté dans l'ensemble de la province de l'Alberta et du Nunavut. Nous avons des aînés et des gens de la communauté formés de peuple des Première nations, de peuple Métis, nous avons une femme originaire du Nunavut.

Certaines des questions et des préoccupations que nous allons soulever, ont déjà été soulevées dans notre propre comité à propos de la santé mentale des Autochtones. Nous sommes prêts à partager ces informations avec vous.

Dans tout ce que nous faisons autour de notre comité de la sagesse, nous commençons par des prières et par une cérémonie sacrée. Elles font partie intégrante des réunions que nous tenons trois fois par an.

La présidente suppléante : Madame Bastien, vous pouvez commencer au nom de votre groupe.

Mme Bastien : Sénateurs, nous aimerions prendre cette occasion pour vous remercier de nous avoir invités à parler aujourd'hui de ce sujet.

Étant donné du temps dont nous disposons et la quantité de matériel que nous aimerions discuter avec vous, afin de donner au sujet le temps et le respect qu'il mérite, nous reconnaissons que nous ne pourrons que découvrir la partie émergée de l'iceberg et, comme pour l'iceberg, ce qui restera en dessous est immense.

La santé mentale parmi les peuples autochtones peut être considérée comme quelque chose de morne. La qualité de vie qui peut être présentée par l'intermédiaire des statistiques sur les indicateurs sociaux économiques de l'Alberta et/ou de la société canadienne ne reflète pas de façon exacte la qualité de vie des peuples autochtones.

Bien que les peuples autochtones ne constituent que 5 p. 100 de la population albertaine et à peu près 3,3 p. 100 de la population canadienne, nous sommes surreprésentés dans des programmes sociaux dérangeants, comprenant des taux d'incarcérationde 31 p. 100 en Alberta, de 73 p. 100 en Saskatchewan etde 57 p. 100 au Manitoba. En ce qui concerne la participation à la protection de l'enfance, les enfants autochtones sont confiés à des établissements de soins 4,5 fois plus que les autres enfants canadiens. Nous avons également tendance à retrouver plus de suicides, plus d'alcoolisme et de toxicomanie, de violence domestique et cetera.

Les chiffres de Statistique Canada nous disent que la population autochtone est essentiellement une population jeune de moins de 25 ans, avec peu de réussite au niveau primaire et des taux de chômage qui vont jusqu'à 80 p. 100 dans certaines collectivités, ce qui devient de plus en plus troublant en ce qui concerne la main d'œuvre pour la prochaine génération. Les chances dans la vie de nos enfants tels qu'ils sont décrits en terme sociologique restent pauvres, alors que la majorité de notre population vit en deçà du seuil de la pauvreté.

Un rapport publié par des bureaucrates fédéraux indique que le niveau élevé de stress social et de conflits que l'on retrouve dans les collectivités autochtones est inacceptable d'un point de vue moral, éthique et politique. Le rapport indique également que pratiquement la moitié des Canadiens croient que le niveau de vie des Autochtones est le même que ceux des Canadiens moyens ou meilleur et 40 p. 100 des Canadiens croient que les peuples autochtones sont les seuls responsables de leurs propres problèmes.

Une étude menée par Cardinal a fait le suivi de l'utilisation du système de soins de santé par les peuples des Premières nations en Alberta pendant l'année 2000 et a comparé cette utilisation avec celle d'un groupe témoin de personnes ne provenant pas des Premières nations dans la même catégorie d'âge, de sexe et de lieux géographiques. Voici certaines des conclusions que nous pouvons tirer de cette étude : les statistiques représentant les Autochtones de l'Alberta sont plus élevées en ce qui concerne des diagnostics de maladie, sauf pour le cancer, en comparaison avec le groupe témoin non autochtone; les Autochtones de l'Alberta sont hospitalisés plus longtemps pour des raisons de santé mentale que les non autochtones, avec un minimum d'une semaine d'hospitalisation; l'utilisation des centres de soins par les Autochtones de l'Alberta est plus importante que celle du groupe témoin, avec l'exception de l'utilisation de cliniques de santé mentale communautaires. C'est le seul centre de soins qui est utilisé moins souvent par les Autochtones de l'Alberta, lorsque cette utilisation est comparée avec celle des non autochtones.

Le système de santé mentale actuel ne sait pas comment satisfaire les besoins en santé mentale des peuples autochtones. Pourtant, il serait possible d'établir des stratégies de soins en santé mentale appropriées grâce à l'expertise et aux pratiques exemplaires disponibles en matière de santé mentale chez les Autochtones.

On peut trouver des solutions à ces questions en communicant avec nos aînés et en consultant les nombreuses études et rapports qui ont été préparés après consultation avec les Autochtones, y compris la CRPA et d'autres données; pourtant, il existe toujours des lacunes dans le bien-fondé et l'accessibilité des ressources et des services offerts.

La solution émergera lorsqu'on s'assurera que les peuples autochtones participent à toutes les étapes de l'élaboration des services, soit la planification, la conception, la mise en place et l'évaluation de la prestation des programmes. Les problèmes touchent les collectivités, c'est pourquoi ils doivent être définis et déterminés par les collectivités.

La santé mentale est une préoccupation pour les Autochtones non pas parce que les Autochtones ont des taux plus élevés de maladie mentale aiguë telle que la schizophrénie, mais parce qu'un bon nombre d'entre eux ont des symptômes de troubles mentaux de faible niveau, dont les effets sont pourtant débilitants. Les indicateurs de ce fait sont les taux élevés d'alcoolisme, de toxicomanie, de suicides, d'accidents, de violence, ainsi que les échecs scolaires, le chômage et l'incarcération.

De nombreux facteurs ont contribué à la situation actuelle des Autochtones. Avant tout contact avec les Européens, les sociétés autochtones étaient des sociétés fortes et autonomes. Si les Autochtones n'ont jamais été conquis, le processus de la colonisation a donné lieu à des pertes affaiblissantes. Les politiques de déplacement et d'assimilation, par exemple, les pensionnats, la séparation des enfants de leurs parents dans la communauté, l'interdiction d'utiliser leur propre langue et le bannissement de pratiques sociales et spirituelles ont privé les Autochtones de leur identité traditionnelle, sociale, économique et politique, ainsi que de leur autonomisation. Nous avons des preuves évidentes et péremptoires que cette longue histoire d'oppression culturelle et de marginalisation a contribué à la forte prévalence de problèmes de santé mentale que l'on retrouve dans beaucoup de communautés autochtones.

Il a été prouvé que le renforcement de l'identité ethnoculturelle, l'intégration communautaire et l'autonomisation politique peuvent contribuer à améliorer la santé mentale chez ces gens.

Pour la majorité des Autochtones, il est important d'aborder la santé mentale dans un contexte de bien-être holistique, où la santé signifie équilibre et harmonie dans les quatre aspects de la nature humaine : le physique, l'affectif, le mental et le spirituel. Dans la culture autochtone, le bien-être holistique comprend obligatoirement la santé affective, physique, mentale et spirituelle. L'approche holistique combine la sensibilité culturelle et les pratiques cliniques éprouvées avec des méthodes de guérison traditionnelles.

La tradition soutient, et c'est une pensée courante, que chaque action de la vie est centrée dans l'esprit. La spiritualité fait partie intégrante de toutes nos actions et touche à tout ce qui existe dans notre vision du monde. Il doit y avoir équilibre et, ainsi, une responsabilité de rechercher un équilibre continu et l'interdépendance des relations.

Je vais maintenant aborder certaines recommandations. Nous vous fournirons ensuite certaines réponses écrites aux questions que renferme votre troisième rapport.

Cette partie du mémoire vise à déterminer les éléments clés, dans un contexte holistique, qui permettent d'améliorer la prestation des soins de santé mentale aux collectivités autochtones afin de tenir copte de la diversité des collectivités autochtones. Cet objectif peut être mis en œuvre par l'intégration des méthodes suivantes dans la conception des soins de santé mentale destinés aux Autochtones : Incorporer les valeurs et les protocoles de la collectivité autochtone dans la méthodologie, lorsque l'on travaille avec des Autochtones, et reconnaîtreque les Autochtones ne forment pas un groupe homogène; sensibiliser les décideurs et les responsables des programmes à propos de leur situation unique — tenir compte des répercussions socio-économiques du contexte historique entourant les Autochtones; déterminer des façons de rendre la santémentale plus réflexive, holistique, en tenant compte des aspects socio-économiques de l'écologie humaine et des besoins propres à la collectivité autochtone; trouver des moyens de fournir des ressources et de faciliter des approches qui permettent d'accroître les capacités des collectivités autochtones. Nous devons accroître l'accès à des services adaptés aux réalités culturelles à l'intention des enfants et des familles autochtones et offrir des possibilités de formation à ceux qui les servent.

Nous devrions développer des ressources pour la santé mentale autochtone qui comprennent des services à l'intention des familles et des enfants ayant des troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale et qui présentent des problèmes sociaux comme la prostitution juvénile et la toxicomanie.

Nous devons étudier, coordonner et élaborer des modèles de services intégrés qui combineront les méthodes traditionnelles de guérison holistique des Autochtones et les soins conventionnels en matière de santé mentale. Nous devrions promouvoir des stratégies en matière de ressources pour mettre sur pied des services adaptés aux réalités culturelles des Autochtones.

Nous devons cibler la recherche afin qu'elle comporte un élément d'intervention communautaire pour le renforcement des capacités qui englobe les particuliers, la famille et la collectivité dans son ensemble, auxquels s'ajoute un élément de longévité. Au niveau communautaire, la recherche a montré que l'efficacité de l'élaboration et de l'exécution des programmes se trouve améliorée lorsque le programme comporte des interventions communautaires en matière de renforcement des capacités qui englobent le particulier, la famille et l'ensemble de la collectivité, et le processus qui influe sur d'autres aspects ayant des incidences sur la vie des clients comme le logement, l'environnement, les systèmes d'éducation inappropriés, la pauvreté, l'absence de soins de santé complets et responsables, le taux élevé d'enfants autochtones appréhendés par les Services de protection de l'enfance de l'Alberta et placés dans des foyers non autochtones, et l'absence de compétences parentales axées sur la culture traditionnelle.

Nous ne pouvons plus ignorer les conséquences politiques et économiques des problèmes de santé mentale de nos collectivités autochtones et leurs incidences au niveau de la guérison individuelle et communautaire. Cela doit se faire conjointement afin que l'individu ne soit pas séparé de la collectivité à laquelle il appartient.

Nous répondrons maintenant à certaines des questions que vous avez posées. Nous avons préparé une réponse conjointe. En préparation pour la séance d'aujourd'hui, nous avons mis l'accent sur certaines questions particulières de votre troisième rapport provisoire intitulé Santé mentale, maladies mentales et toxicomanies : Problèmes et options pour le Canada.

La question 1.2 à la page 7 est la suivante : de quels mécanismes faut-il se doter pour offrir des services et des moyens de soutien qui respectent la culture du patient/client? La recherche indique que le niveau actuel de programmes et de services n'influe pas de façon évidente sur la surreprésentation permanente des Autochtones dans nos systèmes de santé et nos systèmes sociaux. Une variable à envisager serait la définition d'un problème, ce qui par la suite pourrait limiter les solutions de rechange à notre disposition. La façon dont nous définirons le problème permettra de déterminer les solutions possibles.

Selon la pensée sociale traditionnelle, la santé mentale s'appuie sur un modèle médical fondé sur la diminution de la prévalence de la maladie ou l'amélioration de la maladie.

Le domaine de la prévention de la maladie mentale repose sur des hypothèses naturelles à propos de la santé qui sont entachées de préjugés culturels. Ces hypothèses orientent notre quête de solutions et peuvent par conséquent aboutir à une solution ethnocentrique qui donne de piètres résultats que l'on attribue par la suite à la non-observance du traitement de la part des participants.

Il est essentiel que la planification dans son ensemble découle d'une position philosophique, et nous devons commencer à tenir compte des liens complexes qui existent entre les aspects physique, mental, émotionnel et spirituel. Ces mécanismes, une fois qu'ils seront définis en tant qu'indicateurs, seront un défi pour notre travail et nous permettront de mettre au point une approche plus holistique et plus appropriée pour la population cible.

La recherche conclut que les influences historiques exercées par le gouvernement par le biais de la colonisation, qui ont entraîné des conditions d'oppression, sont désormais opérationnalisées en tant que dynamique oppressive internalisée dont on peut constater l'existence dans les collectivités autochtones et elles perpétuent l'anomie, la violence horizontale et d'autres dynamiques des écorchés vifs, comme les appellent Duran Duran.

Les Autochtones identifie un nombre nettement plus important de facteurs de stress d'ordre psychosocial et environnemental susceptibles d'entraîner des idées suicidaires. Cela semble indiquer qu'il faut planifier de façon plus holistique. Lorsque l'on se penche sur les besoins en santé mentale d'une collectivité autochtone, il est difficile d'ignorer les conséquences des déterminants socio-économiques de la santé. Tout travail avec les populations autochtones exige que l'on soit conscient du processus historique qui continue d'influer sur les conditions qu'ils vivent à l'heure actuelle. Cette sensibilisation à l'aspect historique part du principe que ce n'est qu'en comprenant l'histoire d'un peuple que l'on peut commencer à comprendre les problèmes qu'il vit aujourd'hui. Il faut promouvoir des pratiques qui respectent la relation de ce peuple au monde qui l'entoure et les façons dont leur pouvoir et prestige relatifs déterminent leur capacité à atteindre leurs objectifs.

À la page 7, à la question 2, vous posez à la question suivante : le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard, puisqu'il lui incombe de promouvoir la diversité culturelle?

La majorité des peuples autochtones considèrent que le multiculturalisme reflète la description empirique d'une réalité ethnique au Canada propre aux groupes minoritaires immigrants. Cette définition comprend une déclaration prescriptive des idées et des idéaux qui vantent leurs vertus de tolérance et de diversité pour favoriser la croissance économique sur les marchés internationaux.

Les principaux objectifs de la politique du multiculturalisme sont de promouvoir le patrimoine culturel des minorités et de renverser les attitudes discriminatoires et les obstacles culturels afin de promouvoir la participation à part entière des minorités à la société. Cette politique est restreinte, puisqu'elle met l'accent sur les obstacles culturels en omettant de reconnaître les racines systémiques, historiques et structurelles du racisme et de l'inégalité ethnique.

Le gouvernement fédéral, dans le cadre de sa responsabilité de promouvoir la diversité culturelle, pourrait revoir l'orientation de sa politique et reconnaître les racines systémiques, historiques et culturelles du racisme et de l'inégalité ethnique, ce qui ne manquerait pas d'entraîner des changements dans les pratiques à l'égard de l'emploi, du logement et des méthodes d'éducation, ce qui à long terme aura une influence positive sur la santé mentale de l'ensemble des Canadiens.

La question 3 à la page 7 est la suivante : Que peut faire le gouvernement fédéral pour qu'aucune barrière linguistique n'empêche un patient de recevoir les soins dont il a besoin?

Lorsque l'on s'occupe de la santé mentale des peuples autochtones, on ne peut sous-estimer l'importance de travailler en partenariat avec les peuples autochtones, les administrations provinciales de la santé et les administrations de la santé des Premières nations et des Inuits, et il faut aussi veiller à ce qu'il y ait des services de traducteurs et d'interprètes appropriés pour que la langue n'empêche pas le patient de recevoir des soins. À cet égard, il incombe à l'interlocuteur de s'exprimer dans des termes qui correspondent à la réalité de celui qui l'écoute. En tant que professionnels, nous devons nous assurer que nous nous exprimons de façon qui favorise le dialogue et qui n'intimide pas notre interlocuteur.

Au paragraphe 2.1 de votre troisième rapport, vous posez la question suivante : Est-ce que chaque province devrait mettre sur pied un organisme ou un ministère consacré à la santé mentale des enfants et des adolescents?

Notre réponse à cette question est oui. Les services de santé mentale à l'intention des enfants font gravement défaut. Il n'existe aucun programme adapté aux réalités autochtones à l'intention de nos enfants et de nos jeunes.

Vous posez aussi la question suivante : Les chercheurs en santé mentale devraient-ils consacrer plus de temps et de ressources à l'étude des problèmes qu'éprouvent les enfants et les adolescents?

Notre réponse à cette question est oui. Il n'existe aucun service adapté à leur réalité culturelle. Les enfants, les jeunes et les familles doivent avoir l'option de pouvoir faire appel aux sages, aux enseignants traditionnels, aux guérisseurs et aux hommes de médecine.

La prochaine question est la suivante : qui devrait assumer la responsabilité d'analyser le milieu en vue de dresser l'inventaire des programmes actuels pour déterminer s'il y a dédoublement d'un gouvernement, ministère ou organisme à l'autre, s'il y a des lacunes flagrantes et quelle serait la meilleure utilisation des ressources disponibles?

Le terme « responsabilité » est défini habituellement comme la responsabilité morale, légale et mentale. Au gouvernement, cette responsabilité est aussi monétaire ou financière. Il est nécessaire d'obtenir la participation des gouvernements autochtones sans abroger les droits ancestraux ni déroger aux traités, et Santé Canada doit participer à la prestation de services aux membres des Premières nations.

Une analyse du milieux pourrait être effectuée selon la formule du partage des coûts entre les gouvernements fédéral et provinciaux grâce à l'embauche d'un évaluateur autochtone indépendant et non partisan dans chaque province pour faire la liaison avec les observateurs ou les intéressés, pour réagir à l'analyse du milieux. Ce serait l'occasion d'étudier des questions comme : Pourquoi les services ne sont-ils pas utilisés? Quel est le type de programme qui conviendrait d'avantage?

Une analyse du milieu pourrait comporter une évaluation de la prestation des services qui, en termes simples, se fonde sur l'évaluation des résultats en fonction d'une hypothèse. Habituellement, on attribue de piètres résultats à la non observance des participants, alors que les piètres résultats ou les erreurs sont le résultat de l'application d'une théorie imparfaite.

Une erreur ou un résultat médiocre indique que les données sont incomplètes ou que l'hypothèse est inadéquate, ce qui a empêché l'atteinte d'un certain objectif ou la concrétisation d'une intention. Il est essentiel que des indicateurs de programme adaptés aux réalités culturelles fassent partie de l'analyse du milieu proposée.

Nous allons maintenant aborder d'autres éléments qui pourraient en faire partie. Nous devons développer de données de base sur l'utilisation des services et des programmes par les populations autochtones. Il est important d'élaborer des mécanismes permettant de recueillir et d'analyser de l'information longitudinale sur la santé des Autochtones. Une approche ciblée et centralisée permettra d'assurer la coordination, de favoriser la comparabilité et d'établir des liens entre la santé des Autochtones et les sources des données. Le résultat obtenu établira une base solide sur laquelle s'appuieront les décisions prises en ce qui concerne l'élaboration et la mise en œuvre de stratégie communautaire.

Il faut étudier l'utilisation des services recommandés directement par les fournisseurs, les employeurs, les écoles et les membres de la famille et l'accès direct aux services, entre autres. Cette étude permettra aux collectivités de comprendre comment mieux utiliser les ressources disponibles. De meilleures connaissances à propos des taux d'utilisation des services permettront de mieux déterminer qui sont les personnes que l'on n'arrive pas à atteindre et la façon de mieux les inclure.

La stigmatisation influe également sur les taux d'utilisation. En comprenant ce qui contribue à la stigmatisation dans une collectivité en particulier et les mesures que l'on peut prendre pour en minimiser les répercussions, on pourra aider la collectivité à élaborer davantage de programmes d'extension des services.

À la page 14 de votre rapport, vous posez la question suivante : Quelles devraient être les principales priorités du gouvernement fédéral lorsqu'il commencera à réformer la manière dont les services de santé mentale et le traitement contre la toxicomanie sont offerts aux Canadiens autochtones?

Pour développer le financement nécessaire, il faudra des stratégies établies en fonction du niveau de service dont ont besoin les Autochtones et leurs collectivités. Les aspects concernant l'accès, la prestation et la capacité permettront de déterminer le niveau de ressources nécessaires. La collaboration avec des partenaires existants comme Santé Canada ou des centres locaux de bien-être pourront permettre d'établir des stratégies créatives qui tiennent compte des besoins et des coutumes locaux.

Des stratégies de prestation de services intégrés et communautaires qui tiennent compte de déterminants de la santé et assurent des services sont disponibles et accessibles dans les collectivités où résident les Autochtones constituent un aspect intégral de l'efficacité des services de santé mentale. Il faut donc une stratégie intégrée de prestation de services communautaires. Nous ne pouvons plus appuyer une approche fragmentée, par projet, et dont les attentes sont irréalistes.

Cette stratégie doit aussi être élaborée en collaboration avec des fournisseurs de services en santé mentale adaptés aux réalités culturelles et qui possèdent la formation culturelle nécessaire pour servir les Autochtones. Les fournisseurs de services en santé mentale ne pourront créer un environnement culturel sûr pour les Autochtones que s'ils ont été formés pour comprendre et accepter le contexte culturel, linguistique, tribal, géographique, économique, politique et communautaire de diverses collectivités autochtones. La méconnaissance de l'importance de ces facteurs contextuels entraîne souvent la stigmatisation, de mauvais diagnostics et un traitement inapproprié.

Les approches axées sur le renforcement des capacités doivent déterminer les points forts et reconnaître les compétences qui existent au sein de chaque famille et collectivité autochtone. La conception et la mise en œuvre d'une stratégie en matière de ressources humaine comporterait un vaste plan de main d'œuvre énonçant les priorités stratégiques et les stratégies qui tiennent compte des besoins propres au personnel et aux consommateurs et clients autochtones. Il faudrait également reconnaître les possibilités et les avantages pour le système de santé mentale en matière de formation, d'embauche, de recyclage et d'appui pour une main d'ouvre qui reflète la diversité culturelle de nos collectivités locale.

La dotation de personnels autochtones à tous les niveaux de service y compris les guérisseurs traditionnels et les sages doit faire partie d'une prestation de services intégrés. Des séances d'orientation et de sensibilisation culturelles devraient être offertes au personnel du secteur de la santé mentale ainsi qu'à d'autres fournisseurs de services, y compris des pédagogues, des policiers, les fournisseurs de services sociaux, les fournisseurs de services aux enfants dans le but de faciliter l'accès aux services de santé mentale et de fournir des services préalables qui favorisent le bien-être et la santé mentale.

Pour concevoir et mettre en œuvre l'évaluation de la recherche, il faut que les Autochtones jouent un rôle important dans la recherche. En ce qui concerne l'évaluation et la planification de la conception et de la prestation des services de santé mentale à l'intention des Autochtones, il faut que les participants fassent partie du processus.

Il faudrait préparer un guide de recherche pour la conception, la mise en œuvre et la diffusion de l'information. Ce guide doit reconnaître les cultures et les protocoles autochtones.

J'aborderai maintenant le développement du financement ainsi que la collecte et la gestion de l'information. Nous reconnaissons qu'il existe peu d'information sur la prévalence des problèmes de santé mentale parmi les Autochtones au Canada. Je vous renvoie à votre premier rapport publié en 2004. Par conséquent, pour avoir une idée exacte de la situation, il faut faire beaucoup de travail dans ce domaine.

Pour obtenir une idée exacte de la situation, il ne faut pas utiliser les données provenant d'un modèle médical occidental, ce qui est la pratique actuelle, mais des données provenant d'une perspective autochtone sur la santé et le bien-être.

Enfin, ce sont les Autochtones qui doivent diriger la collecte de l'ensemble des renseignements et des données sur les Autochtones et cette initiative doit s'appuyer sur les principes directeurs de l'organisation nationale de la santé autochtone, à savoir la propriété, le contrôle, l'accès et la possession par des Autochtones.

Ceux qui travaillent avec les Autochtones doivent suivre les protocoles appropriés et s'adressent aux aînés spirituels et aux traditionalistes pour recevoir une orientation spirituelle, des conseils et des sanctions. Des conflits culturels se produisent lorsque les Autochtones et les non Autochtones travaillent ensemble parce qu'ils voient le monde différemment. Cela crée des différences internes et externes qui entravent l'accès des Autochtones aux services de santé mentale appropriés.

Il y a beaucoup de honte et une grande stigmatisation qui se rattachent à la maladie mentale. Il existe également un manque d'information à propos des problèmes de santé mentale. Par conséquent, les gens ne sont pas diagnostiqués ou traités jusqu'à ce que leur état devienne chronique et difficile à traiter.

Il est important de pouvoir vulgariser l'information concernant les problèmes de santé mentale. Par exemple, la terminologie médicale est difficile à comprendre dans la plupart des sociétés, y compris dans les collectivités autochtones. Sur le plan culturel, il est souvent considéré impoli de poser des questions. Donc il faut écouter. Cela crée souvent des malentendus.

Les Autochtones qui vivent en milieu urbain ont de la difficulté à obtenir des services de santé mentale, les ressources sont souvent limitées, et un grand nombre d'Autochtones en milieu urbain n'ont pas les moyens de payer les services médicaux appropriés ou d'avoir accès à un traitement autochtone traditionnel parce qu'ils sont pauvres et n'ont pas de moyen de transport. Les sueries n'existent pas dans les villes. Les Autochtones en milieu urbain qui préféreraient opter pour les méthodes traditionnelles ont de la difficulté à le faire.

Quelles seraient les structures idéales pour que les Autochtones puissent participer réellement à la conception des services dont ils ont besoin? Il leur faudrait un contrôle interne de la qualité au sein de l'organisation grâce à des mesures de rendement. L'organisation établit un contrôle interne de la qualité en élaborant des mesures de rendement qui tiennent compte des éléments suivants : le recrutement et l'embauche de personnel autochtone dans une proportion qui reflète la population autochtone qui peut être servie; l'élaboration de stratégies de conservation du personnel pour conserver le personnel autochtone qui appuient la sécurité culturelle; la prestation de programmes de formation culturelle qui conviennent aux régions desservies; l'élaboration et le mise en œuvre de programmes autochtones appropriés d'action directe; l'instauration de mécanismes permettant de s'assurer que les représentants autochtones font partie du processus de consultation; et l'établissement de relations avec les Autochtones et leurs collectivités.

Comment le gouvernement fédéral pourrait-il s'organiser pour fournir ces services avec le plus d'efficacité possible? Pour planifier et administrer des services de santé mentale efficaces à l'intention des Autochtones, il faut une collaboration formelle et informelle entre gouvernements et entre ministères. Les gouvernements autochtones doivent en être partie prenante sans abroger les droits ancestraux ni déroger aux traités. Il faut également que Santé Canada participe à la prestation de services aux membres des Premières nations.

Dès le départ, la conception, la planification et la mise en œuvre de services de santé mentale et de mieux être doivent souscrire aux grands principes émanant des Autochtones.La commission royale d'enquête sur les peuples autochtones de 1994 énonce quatre principes. L'équité en matière d'accès aux services de santé et de guérison et l'état de santé comparable en sont l'objectif constant. Il faut assurer une approche holistique des problèmes, de leur traitement et de leur prévention. Il faut une prise en charge des systèmes de soins de santé, de promotion et de prévention par les Autochtones et, si possible, une prise en charge des services par la collectivité. Le quatrième principe porte sur la diversité dans la conception des systèmes et des services de façon à tenir compte des réalités culturelles et communautaires différentes.

Le principe selon lequel les Autochtones doivent jouer un rôle de premier plan est un aspect intégral de tout projet de recherche, d'évaluation ou de mise en œuvre de services. De plus, il faut préparer un guide pour la conception, la mise en œuvre et la diffusion de l'information.

Ce guide doit reconnaître les approches et les protocoles culturels autochtones qui existent dans certaines collectivités autochtones. Les résultats, les indicateurs et les mesures ayant trait aux programmes et services autochtones doivent être élaborés en collaboration avec les collectivités autochtones visées.

Vous demandez la question suivante : le gouvernement fédéral devrait-il offrir des incitatifs monétaires aux Autochtones du Canada pour les encourager à suivre une formation de travailleurs en santé mentale? Notre réponse à cette question est oui. La recherche continue de souligner l'importance d'accroître les possibilités d'accès pour les Autochtones du Canada. Il faut développer des bourses d'études à accorder aux étudiants autochtones qui travaillent dans toutes les disciplines des sciences médicales et de la santé mentale.

Il faut aborder la question des sans-abri. Le nombre d'Autochtones sans abri qui vivent dans la rue augmente. On leur a demandé de quitter leurs foyers ou leurs collectivités à cause de leurs problèmes de toxicomanie et de santé mentale, et ils se retrouvent dans les rues des grands centres urbains.

À la partie 7, vous posez des questions précises à propos du rôle du gouvernement. Avant d'entamer l'une des activités suivantes ou de prendre des décisions, il est essentiel que l'on obtienne la participation des gouvernements autochtones, sans abroger ni déroger aux droits issus des traités et des droits ancestraux, et que Santé Canada participe à la planification et à la gestion de services efficaces en matière de santé mentale à l'intention des Autochtones. Cela nécessitera une collaboration formelle et informelle aux niveaux intergouvernemental et interministériel.

Nous répondrons comme suit aux questions une à cinq de la partie 7.

La planification et la gestion de services efficaces en matière de santé mentale à l'intention des Autochtones exige à la fois une collaboration formelle et informelle aux niveaux intergouvernemental et interministériel. Il faut obtenir la participation des gouvernements autochtones sans abroger aux droits issus de traités et aux droits ancestraux et sans y déroger, et Santé Canada, en collaboration avec les Premières nations, doit participer à la prestation des services aux Premières nations.

La province doit s'assurer que toute discussion avec le gouvernement fédéral inclus les Autochtones et respecte la souveraineté des collectivités autochtones.

Je terminerai par une déclaration qui appuie la vision suivante en matière de santé mentale des Autochtones au Canada. C'est la vision exprimée par notre comité des sages.

Tout au long de leur vie, les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits de même que leurs familles et leurs collectivités en bonne santé pourront réaliser leurs aspirations et leurs possibilités grâce à un système de santé mentale, souple et responsable, reconnu comme modèle national en matière de mieux-être et de bien-être autochtone.

Je tiens à vous remercier de m'avoir accordé la possibilité de prendre la parole devant vous. Je tiens également à remercier le comité des sages pour m'avoir fait l'honneur de lire sa présentation.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai écouté avec admiration votre excellente présentation. Vous y avez consacré beaucoup de travail. Merci à tous d'être ici, surtout vous, Geraldine, en cette journée difficile.

Je voulais vous demander particulièrement si la situation est bonne en ce qui concerne le nombre de jeunes autochtones qui font des études dans les professions de la santé. Bien sûr, aujourd'hui, nous nous intéressons en particulier aux infirmières en santé mentale, aux travailleurs en santé mentale, aux psychologues et aux psychiatres. Dans quelle mesure les jeunes autochtones font-ils ce genre d'études? Est-ce que cela prend du temps et peut-on espérer qu'un plus grand nombre de jeunes autochtones suivront cette formation?

Mme Bastien : Je crois que nous avons un psychiatre autochtone au Canada. La santé mentale et le domaine de la santé en général n'ont jamais vraiment attiré les jeunes autochtones.

Au cours des cinq ou six dernières années, le nombre de travailleurs sociaux autochtones a augmenté. L'Université de Calgary a mis au point un programme d'accès pour offrir un baccalauréat en travail social dans les régions rurales. L'un de ces campus satellites se trouvent dans la réserve Blood. Il en existe aussi quelques-uns dans le Grand Nord. Les nombres ont augmenté mais tout compte fait, ils demeurent très faibles.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je sais que l'UniversitéSt-Thomas au Nouveau-Brunswick a un programme particulier auquel sont inscrits de jeunes autochtones.

Croyez-vous que le gouvernement fédéral en fait suffisamment pour s'assurer que les Autochtones acquièrent les compétences dont ils ont besoin? Je sais que vous devez établir un équilibre afin d'inclure la sagesse traditionnelle et la sagesse des aînés — mon grand-père parlerait d'« instruction ». Cependant, l'instruction seule ne suffit pas. En faisons- nous suffisamment, et dans la négative, que doit-on faire pour habiliter les jeunes Autochtones à travailler au côté de vos aînés et de vos dirigeants communautaires pour s'attaquer à ces questions?

Mme Laird : Nous avons un programme autochtone en santé mentale au Collège communautaire Grant MacEwan ici à Edmonton. Des aînés viennent travailler avec les étudiants afin d'enseigner aux étudiants certaines des méthodes traditionnelles.

Un grand problème auquel nous faisons face dans notre collectivité, c'est qu'un grand nombre de nos jeunes ont perdu leurs méthodes traditionnelles et cherchent à les redécouvrir. Les étudiants qui suivent le programme autochtone en santé mentale manifestent un vif intérêt à cet égard. Cependant, depuis que je travaille avec les services aux enfants ici à Edmonton, je sais que certains de ces jeunes ont de la difficulté à trouver un emploi une fois qu'ils terminent le programme de deux ans. Effectivement, il faut en faire plus.

Un autre problème que connaissent certains de nos jeunes Autochtones qui ont obtenu leur diplôme collégial — et cela s'applique même à ceux qui sont allés à l'université — c'est qu'ils ont de la difficulté à travailler dans une société dominante. On ne comprend pas vraiment les dons de nos aînés et de nos traditionalistes. Il est difficile d'intégrer ce savoir dans une société dominante et de grandes organisations comme les services à l'enfance. Dans notre région, environ 54 p. 100 des enfants en foyer nourricier sont Autochtones mais seulement 5 p. 100 du personnel est autochtone.

Le gouvernement fédéral doit faire beaucoup de travail avec l'ensemble de nos collectivités, qu'il s'agisse des Premières nations, des Métis ou des Inuits.

Le sénateur Trenholme Counsell : Dans quelle mesure considérez-vous que l'éducation fait partie de la solution? Le terme « solution » n'est peut-être pas le terme tout à fait approprié. Que faut-il faire pour réaliser des progrès?

Mme Laird : C'est une question qui me tient beaucoup à cœur. Le taux de décrochage au secondaire est très élevé chez nos enfants autochtones. Les enfants ont de la difficulté à terminer même leur septième année. Peu fréquentent l'école secondaire.

Nous avons une école secondaire autochtone dans ma localité, donc la situation s'améliore. Cependant, un grand nombre d'enfants avec qui je travaille dans les organismes de protection de la jeunesse manquent tellement l'école qu'ils décrochent. Il est difficile pour les enfants, surtout dans les centre urbains, de se rendre à l'école.

Nous avons besoin d'un plus grand nombre de programmes d'intervention précoce et de programmes de sensibilisation interculturelle à l'intention des pédagogues afin qu'ils puissent travailler avec nos plus jeunes enfants et les encourager à rester à l'école et les aider lorsque ces jeunes doivent faire face à un grand nombre de problèmes à la maison.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez parlé de l'intervention précoce. Je suis un peu au courant du Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Que pensez-vous de ce programme tel qu'il existe en 2005? Est-il présenté efficacement aux collectivités? Sa mise en œuvre est-elle efficace? Est-il bien accueilli? Est-ce que cela leur permet de prendre un bon départ ou non?

Mme Laird : J'ai entendu de bonnes choses à propos de ce programme. L'année dernière, je voulais y inscrire mon petit-fils mais le programme était complet. C'est un bon signe. Cela indique que l'on utilise ce programme.

Un grave problème auquel nous faisons face, c'est celui de la pauvreté. Les familles ont besoin de toute forme d'aide qu'elles peuvent obtenir. Un grand nombre d'enfants, surtout les enfants des quartiers défavorisés, ne mangent pas à leur faim. Il existe de nombreux problèmes de violence familiale et de santé mentale dont il faut s'occuper. La santé mentale regroupe la toxicomanie et les problèmes sociaux et ces problèmes s'aggravent lorsque la toxicomanie s'accroît. Les drogues fabriquées dans la rue sont toxiques et représentent un réel danger pour les enfants qui vivent dans cet environnement. Un grand nombre d'entre eux finissent par avoir des problèmes de santé mentale.

Dans les collectivités éloignées, on attribue un caractère honteux à la maladie mentale. Le bureau de santé mentale dans la communauté du Nord se trouve en plein centre-ville donc tout le monde peut aller voir qui s'y rend. Une femme m'a dit qu'elle préférait attendre et amener son fils à Edmonton lorsqu'elle en aurait les moyens parce qu'elle ne veut pas que l'ensemble de la collectivité sache que son fils à des problèmes de santé mentale. C'était en 1995, lorsque j'ai travaillé dans le Nord. J'ai constaté qu'il s'agissait d'un comportement assez courant dans un grand nombre de collectivités.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je m'intéresse vivement à ce que vous dites parce que je crois que nous devrions cesser d'employer des affiches qui disent « Clinique de santé mentale ». Nous devrions plutôt employer un autre terme comme « Clinique de santé communautaire ».

Vous avez mentionné des bourses d'études et des prix pour les étudiants autochtones. Si nous pouvons aider un plus grand nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes autochtones à terminer leurs études secondaires, il y a beaucoup plus de chances qu'ils auront ce genre de carrière. Je connais certains des programmes de bourse offerts aux jeunes Autochtones. Cependant, le problème est de les convaincre de terminer leurs études secondaires, n'est-ce pas? C'est un plus grand défi, comparativement au fait de simplement les encourager à choisir cette profession et à devenir des enseignants, des infirmières ou des médecins.

Mme Laird : En fait, ces deux problèmes existent. Nombre de jeunes Autochtones sont sans espoir. Cette situation est attribuable aussi au fait qu'ils n'ont pas beaucoup de modèles d'identification. De plus, il leur est difficile d'obtenir le financement nécessaire pour aller à l'école. Ceux qui reçoivent une aide financière sont peu encouragés par le fait qu'ils devront rembourser d'importants montants pour le reste de leur vie. Nombre d'entre eux ont de grosses familles.

C'est tout un cheminement. Les jeunes qui veulent poursuivre leurs études doivent d'abord retourner à l'école pour se recycler puis passer quatre ou cinq ans à l'université. Et une fois qu'ils font partie du système, ils constatent qu'ils ne sont pas à leur place et qu'ils ne peuvent pas travailler dans un domaine particulier. J'ai été témoin de ce genre de choses à plusieurs reprises.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je sais que certaines petites communautés autochtones n'ont pas d'école secondaire, mais je crois qu'elles ont tout au moins des centres communautaires. Les jeunes de ces collectivités pourraient-ils avoir accès à l'enseignement grâce à des services d'enseignement à distance?

M. Powderface : Un grand problème dans le domaine de l'éducation quand on parle de programmation est qu'il est difficile d'avoir voix au chapitre dans l'éducation de vos enfants particulièrement lorsqu'ils fréquentent des institutions qui ne sont pas dans la réserve. Nous n'avons pas droit de faire partie des commissions scolaires. Nous ne pouvons donc jouer aucun rôle direct en ce qui a trait au changement et à la transition que doivent vivre nos jeunes lorsqu'ils vont à l'école.

Un autre gros problème est la façon dont le financement est accordé par le gouvernement fédéral et non pas par les chefs de la communauté. Je parle ici des frais de scolarité qui sont reçus par les communautés voisines qui s'occupent de l'enseignement de nos enfants. Pour une raison que je n'arrive pas à expliquer, si nos enfants cessent de fréquenter cette école, les frais de scolarité ne sont plus remboursés. Ainsi, il en coûte plus cher à la bande si ses enfants décident de terminer leur éducation dans leur propre communauté. Le gouvernement fédéral ne finance pas cet enseignement. C'est pourquoi plusieurs de nos jeunes qui ont de l'ambition et qui promettent sont perdus par nos communautés. Nous ne pouvons pas payer pour leur éducation.

Le gouvernement fédéral devrait mettre sur pied un système qui permettrait aux représentants de chacune des Premières nations de faire partie des commissions scolaires responsables des écoles que fréquentent nos enfants, des écoles qui ne se trouvent pas sur la réserve. Plusieurs suggestions ont déjà été formulées à cet égard. C'est un problème qui existe depuis 100 ans, un problème qui n'a pas encore été réglé. Il s'agit encore une fois du manque de représentation par les Autochtones et de la perte des frais de scolarité lorsque les enfants reviennent étudier dans la réserve.

Mme Laird : Pour revenir à votre question, je crois que l'enseignement à distance serait une des solutions à votre problème. Il est très difficile pour les familles, et nous avons beaucoup de parents célibataires dans nos collectivités, de quitter leur communauté et de voyager des centaines de milles pour se rendre dans une région urbaine qu'ils connaissent mal pour aller à l'université.

Nous ferions un pas dans la bonne direction si nous pouvions importer des programmes pour qu'ils puissent suivre leur formation dans leur propre communauté. J'ai entendu parler de plusieurs programmes de ce genre qui ont été couronnés de succès.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je pensais à un programme au niveau secondaire qui permettrait aux enfants de rester à la maison et de suivre des cours dans votre centre communautaire sous la surveillance des anciens, des parents et de certains chefs de la communauté. Je ne sais pas si notre gouvernement fédéral se penche sur cette possibilité. L'éducation c'est un droit fondamental, n'est-ce pas?

Mme Laird : Absolument.

La présidente suppléante : Elsie, une question m'inquiète un peu, soit l'héritage des mauvais traitements reçus par les parents et les grands-parents dans les écoles résidentielles. Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur les jeunes d'aujourd'hui? Est-ce que cela est transmis d'une génération à l'autre? Avez-vous des données sur la question? Vous êtes-vous penchés sur ce problème?

Mme Bastien : Un nombre croissant de travaux de recherche portent aujourd'hui sur l'impact des écoles résidentielles. Il est clair que cet impact est important. Mon père avait 4 ans lorsqu'on l'a envoyé à une école résidentielle. Lorsque mon fils avait 4 ans et que je lui ai compté ce qui s'était passé, j'ai pleuré parce que je ne pouvais pas m'imaginer comme mère laisser mon enfant me quitter pour aller dans une institution.

Je peux vous dire à titre de thérapeute dans le domaine de la santé mentale que lorsque vous éloignez un enfant de sa famille et que vous le placez dans une institution, le rôle du surveillant est d'assurer la discipline, non pas d'entourer l'enfant de soins, de jouer avec lui et de faire toutes les petites choses qu'une maman fait pour ses enfants.

Nos parents ont en fait perdu l'habilité d'être des parents. Ce qu'ils ont appris du rôle de parent était ce que les surveillants faisaient, la façon dont ils les traitaient à l'école; dans bien des cas ce traitement était très dur. Nous observons également qu'il y a eu beaucoup de violence physique et sexuelle dans ces écoles. Les enfants se retrouvaient dans ce milieu lorsqu'ils étaient encore tout jeunes, et à une époque importante de l'apprentissage, et ils y restaient jusqu'à l'âge de 18 ans. C'est ce qu'ils ont appris là-bas. Puis ils ont eu leurs propres enfants. Comment pouvaient-ils savoir ce que faisait un parent avec son enfant? Les enfants qui ont fréquenté ces écoles sont aujourd'hui des parents. Comment apprendre comment être un parent?

De plus, ces écoles ont eu un impact extraordinaire sur le moral des particuliers quand la personne qui devrait jouer le rôle le plus important dans votre vie, votre parent, ne sait pas comment être parent et vous traite de façon dure avec trop de discipline.

Je crois que cela explique dans une large mesure les problèmes d'alcoolisme et le taux de suicide. C'est pourquoi la participation de la communauté est très importante lorsque l'on met sur pied des programmes.

On m'a compté quelque chose la semaine dernière. Dans une école d'une collectivité — je ne la nommerai pas — on s'était plaint de problèmes d'hygiène associés aux vêtements portés par les enfants. Le gouvernement fédéral a décidé d'acheter des machines à laver pour toutes les familles. Cependant, il ne s'était pas rendu compte que la majorité de ces familles n'avaient pas accès à l'eau courante et certaines n'avaient même pas accès à l'électricité. Certaines de nos collectivités n'ont toujours pas d'eau courante et d'autres même pas d'électricité. Lorsque vous planifiez quelque chose pour les communautés, vous devez tenir compte de ces facteurs sociaux et économiques. Ils revêtent une très grande importance.

Ce n'est pas facile pour nos enfants d'aller à l'école et essayer d'apprendre si le niveau de pauvreté à la maison est tel qu'ils quittent la maison sans avoir pris un petit déjeuner. Dans nombre de nos réserves, on prévoit un déjeuner chaud pour les étudiants, mais les enfants qui vont en autobus à des écoles non autochtones — et je ne nommerai pas de collectivités — n'auront peut-être pas de déjeuner.

Il y a plusieurs années, je travaillais dans une communauté où nous offrions un déjeuner chaud aux enfants, mais ils devaient l'acheter. Nous avions conclu une entente qui assurait le paiement de ces déjeuners chauds, mais d'après ce que m'a dit le conseiller qui travaille là maintenant, ce programme n'existe plus. C'est un besoin fondamental.

Je crois que le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones est une initiative extraordinaire. Mon neveu a pu y participer pendant un an. Il est vrai que les listes d'attente sont très longues et que nous avons été chanceux qu'il puisse être accepté. Il avait 4 ans. Ce programme offre d'excellents stimulus pour le développement cognitif. Ses parents ne parlent pas la langue blackfoot, et ce petit garçon de 4 ans peut maintenant faire ses prières dans cette langue. C'est une réalisation très importante pour qui lui permettra de renforcer son identité.

Pendant plusieurs années, nous avions honte d'être Indiens, et dans une large mesure parce que nous avions peur d'être victimes de discrimination. Lorsque nous allions à l'école, nous devenions souvent des fantômes jusqu'à ce que nous puissions trouver un autre groupe de fantômes avec qui nous tenir. Les choses ont bien changé; l'autre jour lors d'une séance d'expression libre et de partage à l'école, mon neveu a apporté un tambour. Son père chante des chansons traditionnelles. Il a apporté le tambour à l'école et a chanté pour ses compagnons. À mon avis il s'agit là de moments remarquables qui peuvent être le résultat de certains de nos programmes.

Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones est unique, car il donne à la communauté beaucoup de marges de manœuvre quant aux services qui seront offerts dans le cadre du programme et des cours.

La présidente suppléante : Vous avez abordé de façon concise les diverses options et questions qui ont été identifiées pour cette étude; il s'agit de commentaires fort enrichissants, maispouvez-vous me dire s'il y a un élément pratique sur lequel nous pourrions nous pencher? Quels conseils donneriez-vous aujourd'hui au gouvernement? Nous ne pouvons revenir en arrière, mais nous pouvons certainement tirer une leçon de notre vécu. Il faudra plusieurs générations avant de redonner à une génération qui les a perdues ses compétences parentales. Quelles choses pratiques pouvons-nous faire dès aujourd'hui? Comment pouvons-nous commencer? La responsabilité de l'éducation des Autochtones relève-t- elle de Santé Canada ou du ministère des Affaires indiennes?

Les choses seraient-elles plus simples si vous aviez pleine autonomie en ce qui a trait à l'éducation et au financement? Vos enfants cessent d'aller à l'école pour plusieurs raisons. Nous n'avons parlé que d'une raison, mais il y en a bien d'autres. Quelles mesures pratiques pouvons-nous prendre pour que vos enfants et évidemment leurs parents deviennent des citoyens bien équilibrés, si je puis m'exprimer ainsi?

Mme Bastien : C'est une bonne question, et elle mérite certainement une bonne réponse. J'essaierai de répondre à partir de cette question.

Nombre de nos communautés jouissent d'une certaine autonomie en matière de planification des services d'éducation. Le problème cependant est celui des ressources. Comme nous l'avons signalé, plusieurs ressources sont offertes au coup par coup, pour des projets à court terme assortis d'attentes peu réalistes. En fait, il ne s'agit en quelque sorte que des fonds d'amorce.

Les montants bloqués pour l'éducation sont limités. Pour les Premières nations, conformément aux droits conférés par le traité et à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, le gouvernement a promis l'éducation de tous les Autochtones, mais le financement qui est débloqué ne permettra que de payer l'éducation postsecondaire d'environ 10 étudiants, selon la taille de la collectivité. Nombre de communautés ont de longues listes d'attente de gens qui ont demandé une aide financière pour aller à l'école et, en raison de leurs notes, ne sont pas admissibles au programme de prêts ou de bourses. Pour être admissible au programme de financement, l'étudiant doit souvent avoir une certaine moyenne pondérée cumulative.

D'un point de vue pratique, nous devrions chercher maintenant à augmenter le nombre d'Autochtones travaillant dans le secteur de la santé mentale si nous voulons vraiment avoir un nombre adéquat d'employés par rapport à la population ciblée. Puis, ce personnel pourrait commencer à évaluer les programmes disponibles. Je pense que de cette façon nous pourrions éviter les mauvais diagnostics. On pourrait alors penser aux soins et aux services appropriés.

Le plus gros problème est le manque de ressources. Nombre de collectivités doivent faire des pieds et des mains simplement pour répondre aux besoins de base. D'autres essaient d'assurer l'approvisionnement en eau dans toutes les maisons. Quand on étudie la liste des priorités au niveau des besoins, ce sont là des choses vraiment fondamentales. Si vous êtes toujours à ce niveau, il est bien difficile de passer au prochain. Nos ressources sont le gros problème. Si nous créons les infrastructures qui permettront de répondre aux besoins essentiels, Dieu seul sait les débouchés qui s'offriront aux Autochtones.

M. Powderface : À notre recommandation 8, nous proposons certaines choses. Nous parlons par exemple du renforcement des capacités des communautés, ce qui est important parce que si vous voulez permettre aux communautés de composer avec des problèmes particuliers, vous devez leur offrir les ressources adéquates. C'est là où le gouvernement fédéral manque à l'appel, c'est-à-dire qu'il n'offre pas aux communautés les ressources adéquates pour leur permettre de composer avec certains des problèmes associés à la santé mentale.

Permettez-moi de vous donner l'exemple de la fondation de guérison en ce qui a trait à l'impact des écoles résidentielles. Tout le financement offert à la fondation de guérison ne prévoit rien pour la santé mentale de ceux qui ont vécu ce que c'était que d'aller dans les écoles résidentielles. J'ai vécu cela moi. Le fait d'aller à l'école résidentielle a changé la façon dont je pense. J'ai fréquenté cette école au moment même où j'avais besoin d'être embrassé par ma mère, être guidé par elle. J'avais besoin que mes parents m'apprennent comment être une personne, comment vivre le genre de vie que le Créateur avait prévu pour moi. Cependant j'ai été envoyé à une école résidentielle. Si j'étais resté avec mes parents, si j'avais eu un problème, je me serais tourné vers eux et ils m'auraient montré amour et compassion. Ils m'ont appris ce qu'était la passion, et je suis plein de passion aujourd'hui. Cependant, à l'école résidentielle, j'ai dû me débrouiller tout seul pour régler mes problèmes. J'ai appris à être violent. Aujourd'hui l'impact des écoles résidentielles se fait sentir trois générations plus tard.

Je travaille énormément avec les jeunes personnes qui composent avec des problèmes de violence, d'alcoolisme, de toxicomanie, de pauvreté, de suicide et de gangs. Ils me disent :« C'est bien beau de nous parler des enseignements traditionnels, mais comment puis-je enseigner à mes enfants ce que mes parents ne m'ont pas appris puisqu'ils étaient en pensionnat? » Ils ont été totalement désaffectés et déconnectés des enseignements sur le sens de la vie.

Nous signalons ce manque de compétences parentales à saveur traditionnelle et culturelle et nous faisons des recommandations à cet égard. En effet, bon nombre de nos jeunes ne possèdent pas les compétences nécessaires pour apprendre à leurs enfants à devenir des êtres responsables et respectables. Nous demandons de l'aide financière pour financer nos programmes. Nous élaborons des programmes, mais ceux-ci ne peuvent pas être financés puisqu'ils ne cadrent pas avec la portée des politiques de financement. C'est vraiment dommage.

Si nous voulons donner aux collectivités le moyen de se reconstituer en leur allouant des ressources adéquates, ce sera un point de départ, car nous devons composer pas seulement avec deux générations, mais trois générations d'Autochtones que nous tentons de sauver du gâchis causé par leur passage dans les pensionnats.

La présidente : Si j'ai bien compris ce que vous dites, la capacité de se reconstituer doit inéluctablement provenir de l'intérieur et non pas de l'extérieur?

M. Powderface : C'est exact. Tout au long de notre exposé, nous avons parlé de la base communautaire et de la contribution de tous. Nous parlons aussi des actions qui doivent être prises de concert avec les Premières nations directement, c'est-à-dire avec les membres de la communauté, car ce n'est pas à quelqu'un de l'extérieur qu'il appartient de cerner le problème. D'ailleurs, nous savons déjà quels sont les problèmes. Nous pouvons déjà les cerner, et si l'on pouvait avoir les moyens, je suis sûr que nous pouvons trouver des solutions.

La présidente : Nous en sommes à la théorie de Maslow, où les besoins humains essentiels ne sont pas encore satisfaits, et c'est pourquoi la première étape sera de renforcer les capacités de votre propre communauté et de vous doter du personnel approprié. De quoi disposez-vous actuellement? Nous allons devoir travailler solidairement avec d'autres jusqu'à ce que nous puissions renforcer la capacité de votre culture et de vos collectivités. Mon raisonnement tient-il debout?

Mme Bastien : Si vous me demandez si la communauté possède les moyens humains pour faire le travail, la réponse est oui, tout à fait. Nous avons les ressources humaines nécessaires pour faire le travail; ce qui nous manque, ce sont les fonds.

Chez moi, les membres de ma collectivité sont en train de suivre une formation dans le cadre d'un programme de désintoxication en Alberta. Les services de lutte contre l'alcoolisme paient pour leur éducation, et les membres font du bénévolat. C'est ce qui existe actuellement. Cela étant, maintenant que le programme des Services sociaux a été modifié, les personnes que l'on considère comme employables doivent chercher un emploi ou remplir des formulaires, ce qui ne leur laisse plus de temps pour faire du bénévolat. Ils doivent alors refuser le bénévolat.

Nous avons les moyens humains et la capacité. En outre, nous avons l'appui inestimable des aînés. La difficulté consiste à trouver les ressources. Nous avons des aînés qui doivent occuper deux emplois, si bien qu'ils n'ont plus le temps d'aller dans les écoles et de prodiguer des enseignements aux enfants, puisqu'ils doivent travailler le quart de nuit aux termes de différents programmes, parce qu'ils ne sont pas admissibles à l'assistance sociale et parce que leur pension n'est pas adéquate.

Par ailleurs, il y a peu d'emplois dans nos collectivités. Nous sommes nombreux à chercher un emploi. Ce faisant, nous perdons le soutien que nous avons chez nous. Le racisme qui entache les secteurs du logement et de l'emploi nous rend la vie difficile dans les centres urbains.

Comme Gloria l'a dit, nous avons un excellent programme de santé mentale dans le Nord mais, encore une fois, les étudiants ne peuvent pas trouver d'emploi dans notre système de soins en santé mentale en Alberta ou dans le système de soins en santé mentale en général. Cela relève maintenant des régies de santé régionale, et c'est vraiment tragique.

Comment surmonter le problème du chômage croissant? En Alberta, nous avons une politique en vertu de laquelle on prévoit la collaboration avec les Autochtones et qu'on envisage d'intégrer à la planification des programmes. Si nous envisageons quelque chose de semblable en matière d'emploi, cela pourrait être une autre approche.

Le sénateur Callbeck : Elsie, j'ai dû mal comprendre. Vous avez d'abord dit que les gens acceptaient naguère de travailler bénévolement, puis vous avez ensuite parlé du relevé d'emploi et expliqué qu'ils n'avaient plus le temps aujourd'hui de travailler comme bénévoles. Qu'est-ce qui a changé?

Mme Bastien : C'est à cause de la Loi sur l'assistance sociale et les services sociaux. La plupart de nos gens sont en chômage parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois, notre taux de chômage atteignant les 85 p. 100. La communauté a cherché à subventionner les gens pour qu'ils puissent suivre une formation, ce qui leur aurait permis de travailler ensuite dans certains de ces programmes comme bénévoles. Mais au début de l'année, le gouvernement fédéral a modifié la loi pour tenir compte, à mon avis, de ce que fait la province. Par conséquent, une bonne partie de ces gens qui auraient pu faire du travail communautaire pour nous, ne peuvent plus le faire puisque nous n'avons pas les fonds voulus pour les rémunérer et puisqu'ils doivent désormais se chercher du travail rémunéré. Ils doivent démontrer qu'ils ont continué à chercher un emploi rémunéré, avant de pouvoir toucher leur chèque de bien-être à la fin du mois.

Le sénateur Callbeck : J'avais donc bien compris. Merci.

Le sénateur Cordy : Votre rapport détaillé nous sera très utile. Je vois bien qu'il vous a fallu beaucoup de temps pour le rédiger.

Vous avez confirmé ce que nous avons entendu dire par beaucoup de témoins, à savoir que les changements ne peuvent pas être imposés d'en haut, mais qu'il faut d'abord consulter les premiers intéressés.

J'aime bien ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'opter pour l'approche plus holistique. C'est vrai que l'on songe aux Autochtones ou à la santé mentale d'un bout à l'autre du spectre. La santé mentale ne peut être prise isolément.

Elsie, vous avez mentionné la nutrition, le logement et l'emploi, mais vous n'avez rien dit du système judiciaire, même si celui-ci joue un rôle important. On a entendu dire que les prisons et la rue étaient devenues les unités de psychiatrie d'hier. Je vous vois hocher la tête affirmativement, Gloria, ce qui me semble indiquer que vous êtes d'accord avec cette affirmation.

J'aimerais aborder la question des Autochtones qui vivent en région urbaine. Lorsque je grandissais, mes oncles et tantes habitaient à deux rues de chez moi, ou presque, et j'étais toujours entourée de membres de ma famille. Toutefois, les jeunes qui ressentent le besoin de quitter le foyer familial pour s'installer en ville n'y trouvent pas les systèmes d'appui qu'il leur faudrait. Ils n'y trouvent les aînés, les membres de leur famille, ni les guérisseurs ou chamans qu'ils avaient l'habitude d'avoir à proximité. Est-ce un grave problème pour la jeunesse autochtone qui habite en ville?

Mme Laird : C'est un problème qui croît. Dans les zones urbaines, on trouve beaucoup de gangs autochtones, dont certains sont très violents. Une fois que les jeunes tombent dans leurs filets, ils ne peuvent pas en sortir. Nous n'avons pas ce qu'il faut comme ressources pour les aider, mis à part un ou deux anciens membres de gang qui se portent volontaires pour aider les plus jeunes à en sortir. Mais ces gangs ont des méthodes de plus en plus raffinées et parviennent à étendre leurs filets jusque dans les communautés des Premières nations et des Métis de nos zones urbaines pour recruter les jeunes.

Il y en a plusieurs dans cette ville ici même. Ce phénomène s'inscrit dans tous les problèmes que nous vous avons présentés comme les problèmes de santé mentale, de santé physique, de santé émotionnelle et spirituelle, le manque de compétences parentales et le manque d'éveil traditionnel et spirituel. En effet, beaucoup de ces jeunes n'ont rien à espérer.

J'ai entendu parler de parents qui acceptaient que leurs enfants de 14 et de 15 ans fassent partie de gangs tout simplement parce qu'ils rapportaient l'argent à la maison et faisaient vivre leur famille. Comment reprocher la situation à ces familles et leur expliquer à quel point il est dangereux pour leurs jeunes d'appartenir à des gangs alors que les parents dépendent complètement de leurs enfants pour se nourrir?

Apparemment les gangs recrutent activement dans les régions éloignées de l'Alberta. C'est un gros problème.

Que pouvons-nous faire pour convaincre ces jeunes de ne pas faire partie d'un gang alors qu'ils gagnent bien leur vie, qu'ils ne manquent de rien, qu'ils sont bien habillés et qu'ils arborent leurs couleurs? D'après moi, les jeunes sont attirés par les gangs parce qu'ils leur donnent un sentiment d'appartenance, sentiment qu'ils n'ont pas ailleurs parce qu'ils ne sont acceptés nulle part ailleurs. Ils sont victimes de racisme et sont marginalisés à l'école. Par contre, dans les gangs, il existe une mentalité tribale qui leur donne un sentiment d'appartenance.

Il faut que nous renversions les choses pour que les jeunes aient l'impression d'appartenir à une collectivité, même dans les zones urbaines. Nous devons les aider à se sentir bien dans leur peau. Les Autochtones souffrent du fait qu'ils traînent depuis longtemps la honte qu'ils ressentent par rapport à leur identité. C'est quelque chose qui n'a pas encore disparu et qui se manifeste à l'école.

La prostitution enfantine est un autre problème d'envergure. En effet, plus de 50 p. 100 des enfants qui se prostituent sont autochtones.

Ça fait des années que je demande qu'on crée un centre de guérison holistique. Mais cela n'a rien donné. On peut discuter jusqu'à plus soif, mais rien ne change. Ce sont les jeunes qui disent qu'ils veulent aller en campagne en compagnie des aînés. Ce sont eux qui demandent de faire des sueries afin de se purifier. Il leur faut des solutions innovatrices. Ils doivent quitter les villes.

Qui créera un centre de guérison holistique pour ces jeunes qui n'ont pas de voix? Les enfants sont de plus en plus jeunes; ils ont maintenant 10 et 11 ans. Il est difficile d'arrêter de se prostituer quand on est toxicomane et qu'on consomme les drogues comme le crystal meth. C'est un problème grave. Ces enfants sont pris en charge par la protection de l'enfance mais disparaissent rapidement, certains à tout jamais. Ils arrivent à subvenir à leurs besoins. Il y en a même qui m'ont dit qu'ils n'avaient pas besoin de l'aide du gouvernement. Ils nous disent qu'ils n'ont pas besoin qu'on s'occupe d'eux, qu'ils sont capables de gagner leur vie et qu'ils ont beaucoup d'amis qui peuvent les aider. Quand un gamin vous dit ce genre de choses, c'est là qu'on se rend compte qu'il y a de graves problèmes sociaux.

M. Powderface : Il faut bien comprendre d'où viennent ces jeunes. En raison de notre système de réserves, nos communautés se trouvent dans des zones confinées. Les jeunes viennent donc de communautés qui sont des sociétés étroitement unies et axées sur la famille. Dans bien des cas, il est difficile de s'adapter à la vie urbaine. La transition entre leur communauté et la société hiérarchique et individualiste est très difficile.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons l'habitude de vivre en famille. Si je voulais m'installer en ville, je ne pourrais payer qu'un appartement avec une ou deux chambres à coucher, mais comme je suis très proche de ma famille, je les recevrais et les hébergerais souvent. Mais je n'aurais pas droit à un appartement plus grand pour autant. C'est pour cela qu'il est très difficile pour notre peuple de s'installer dans les zones urbaines.

Le sénateur Callbeck : Vous avez fait un exposé détaillé qui nous a marqués. Les statistiques que vous nous avez données dans la première partie sont terribles et tout à fait inacceptables.

Vous avez dit que Santé Canada devait assurer la prestation de services aux peuples des Premières nations. N'est-ce pas déjà le cas?

Mme Bastien : Oui. Comme on a examiné certaines des questions de votre rapport, on a eu l'impression que Santé Canada n'avait pas été identifiée. En raison des droits à la souveraineté et de l'accord avec le gouvernement fédéral, les Autochtones veulent tout simplement s'assurer que tout se fait dans le respect de cette relation. Il faut que le gouvernement fédéral continue à être partie prenante. C'est en ce sens que travaillent les leaders autochtones. Nous voulons tout simplement dire de façon claire que le gouvernement devrait participer.

Le sénateur Callbeck : En deux mots, le ministère de la Santé est présent et vous voulez vous assurer que ça continue.

Mme Bastien : Oui. Nous voulons que le ministère continue à être présent. Santé Canada assure des services de santé auprès des Premières nations et des Inuits. Je demanderais à Gloria de vous parler de la situation des Métis. Les Inuits, pour leur part, ont des contrats avec l'Alberta.

Par contre, si Bessie était ici, elle pourrait vous dire à quel point la situation des Inuits est triste. D'après ce qu'elle nous dit, ils n'ont droit à rien du tout et en souffrent beaucoup.

Mais Gloria est mieux placée pour vous en dire plus sur la santé des peuples métis.

Mme Laird : Par rapport à ce que vous avez dit sur le manque d'intervention de Santé Canada auprès des Premières nations, je pense qu'on commence à s'intéresser à un service de santé pour les Métis. Il s'agit d'un autre grave problème.

On devrait avoir accès aux soins de santé dispensés par la province de l'Alberta. Par contre, il y a beaucoup de Métis qui n'y ont pas accès en raison du taux de chômage élevé de notre communauté. Ces personnes n'ont pas accès aux services de santé parce qu'elles n'ont pas de carte d'assurance-santé.Il y en a certains qui ont la chance d'avoir une assurance de la Croix-Bleue, mais seuls ceux dont les employeurs assument les coûts d'assurance peuvent se le permettre. Ce doit être le cas de l'ensemble de la population métisse. C'est un problème qui pèse lourdement sur notre communauté.

J'ai connu une époque où on m'appelait souvent pour me demander de l'aide. Mais comme je n'ai pas vraiment pu venir en aide aux personnes qui m'appelaient, le nombre d'appels a diminué. Les gens font appel aux organismes autochtones qui travaillent avec les familles. Mais à Edmonton, nous n'en avons qu'un, un organisme qui assure la prestation de services auprès des familles et les enfants métis. On y retrouve aussi des Métis souffrant de troubles mentaux. Il est très difficile de trouver des ressources pour ces gens et, en général, les obstacles sont de nature financière. Je voulais que vous le sachiez.

Le sénateur Callbeck : Pour ce qui est du multiculturalisme, vous avez indiqué que le gouvernement fédéral ferait bien de réexaminer sa politique afin d'améliorer la situation de l'emploi, de logement et de l'éducation. Pourriez-vous préciser votre pensée?

Mme Bastien : Le multiculturalisme ne touche pas précisément les Autochtones, parce que ceux-ci se définissent comme étant le premier peuple du Canada. Pour les Autochtones, la politique en matière de multiculturalisme vise les étrangers qui arrivent au Canada en tant qu'immigrants.

Même si, à l'origine, la politique a été conçue pour assurer une certaine tolérance et une certaine diversité, elle est fondée sur l'amélioration de la croissance économique dans un contexte économique mondial. Au départ, on voulait s'attaquer au racisme culturel historique au Canada. Mais cela n'a jamais été l'objectif premier de la politique. Étant donné que cela fait partie intégrante de la politique, si nous abordions le multiculturalisme d'une perspective autochtone, ça constituerait un bon point de départ. Qu'est-ce qu'on entend par racisme historique et structurel? Ce sont les formes de racisme qu'on ne voit pas, mais qu'on sent et qui existent réellement. D'après nos statistiques, on sait que le racisme est une réalité. Il suffit de prendre connaissance du nombre personnes incarcérées pour se rendre compte que le racisme structurel existe. Certains sont victimes de profilage racial.

C'est pourtant simple. Dans tout ce que nous entreprenons, si nous n'examinons pas les composantes systémiques structurelles du racisme, le racisme et l'inégalité systémiques perdureront. Si nous adoptons des mesures sans nous attaquer à ce problème clé, rien ne changera.

La discrimination positive a sans doute eu des effets, maisest-ce qu'elle a véritablement permis de faire reculer le racisme? Il y a une étude portant sur le racisme au Canada qui n'a été rendue publique qu'au cours des dernières semaines. Il y a aussi une autre étude qui a été effectuée par l'Université de Lethbridge, près de chez moi, qui démontre, preuves à l'appui, que le racisme est répandu.

Le sénateur Callbeck : Vous avez donné une liste de séries de structures qui permettraient aux peuples autochtones d'avoir voix au chapitre. Parmi les éléments de votre liste, y a-t-il eu des progrès réalisés?

Mme Bastien : À quelle page?

Le sénateur Callbeck : Page 9, question 3. Ce sont les choses que vous énumérez comme structures appropriées pour veiller à ce que les populations autochtones aient voix au chapitre dans la conception de services dont ils ont besoin. Y a-t-il eu des progrès sur chacun des critères que vous avez énumérés?

Mme Bastien : Non.

J'ai travaillé comme thérapeute dans les cliniques locales quand elles relevaient du Conseil pour la santé mentale. À l'époque, on a recensé 10 personnes d'origine autochtone dans le personnel. Je pense qu'il y avait deux employés des Premières nations. C'était en Alberta. Je suis certaine que les chiffres dans les autres provinces sont semblables. J'ai travaillé avec les commissaires à la réforme des services pour les enfants en Alberta et nous avons constaté que le nombre d'employés autochtones ne reflète pas la population que nous desservons. Les chiffres sont très bas.

En ce qui concerne les critères qui figurent sur notre liste, je dirais non. Il y a bien des projets à court terme ici et là, mais rien qui ait des conséquences majeures.

La présidente suppléante : Merci beaucoup de l'exposé très convaincant.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant le Dr Alan Gordon, M. Peter Portlock ainsi que M. George Lucki. Nous allons commencer par le Dr Gordon.

Le docteur Alan Gordon, Regional Mental Health Board : Je vous remercie de m'avoir invité à rencontrer le comité. Je suis psychiatre à la Capital Health Authority,c'est-à-dire l'autorité régionale d'Edmonton chargée d'assurer des services de santé.

J'ai rédigé 30 recommandations que vous envisagerez, j'espère, d'incorporer aux autres que vous avez.

La première est d'améliorer le financement. Je sais bien que vous êtes en faveur d'une réforme mais elle ne saura se faire sans un meilleur financement. Voici la première recommandation :

Vu la prévalence de la maladie mentale et des toxicomanies ainsi que de la mortalité, de la morbidité et de l'invalidité qui y sont associées, le comité recommande que le gouvernement fédéral fixe comme objectif de financement des services de santé mentale à X p. 100 de l'ensemble des dépenses de santé.

Une déclaration comme celle-là du comité aurait beaucoup de portée. Elle aurait des effets sur les provinces. Elle fixerait un jalon. Elle piquerait l'intérêt des médias et permettrait d'atteindre votre objectif d'accroître la visibilité des services de santé mentale.

Je vous laisse le soin de décider quel devrait être le pourcentage. Vu l'ampleur des problèmes de santé mentale, je le fixerais pour ma part à 20 p. 100. Un chiffre de 15 p. 100 serait toutefois un bon départ.

La deuxième recommandation est d'atténuer la stigmatisation occasionnée par la maladie mentale. Je lis :

Les personnes atteintes de maladies mentales ou de toxicomanies sont souvent réduites à une vie de misère, d'exclusion et de mort précoce et sont en butte à la stigmatisation et à la discrimination en matière de logement, d'emploi, d'assurance, d'études, de justice criminelle, d'éducation des enfants et de soins de santé. Le comité recommande que le gouvernement fédéral réserve telle somme sur 10 ans en vue de financer une campagne nationale de lutte contre la stigmatisation.

Ce serait une autre chose utile. C'est quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire et qui apporterait des améliorations dans tous les secteurs énumérés.

Encore une fois, je vous laisse le soin de décider quel devrait être le montant échelonné sur 10 ans. Je précise toutefois qu'un milliard de dollars sur 10 ans, cela ne revient qu'à 100 millions par année, ce qui représente 10 millions pour l'Alberta. Ça peut sembler beaucoup, si vous tenez à atténuer la stigmatisation, le gouvernement fédéral doit prendre l'initiative et ceci est une façon de le faire.

La troisième recommandation est de fixer des objectifs nets en matière de santé mentale. Personnellement, je préfère cela à un plan national pour la santé mentale. Nous pourrons discuter pendant les échanges, si vous le souhaitez. La recommandation se lit comme suit :

Le comité recommande que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en matière de santé mentale en fixant des objectifs nationaux destinés à encourager les provinces à se concentrer davantage sur des problèmes précis et cruciaux de santé mentale, notamment :

1. Une diminution du taux de suicide.

2. De meilleurs résultats dans le cas des maladies mentales chroniques graves comme la schizophrénie.

3. Une réduction de la consommation d'alcool et de drogues.

4. Un accès simplifié aux services de santé mentale [...]

La clé, c'est l'accès. Il faut avoir accès à une évaluation de diverses façons, aussi bien pour les soins primaires que pour les services spécialisés. Il faut avoir accès aux traitements, en milieu hospitalier et auprès des services de proximité, en situation de crise et au service d'aide. Cela comprend le logement, le revenu, les compétences psychosociales, l'acquisition de métier, le counselling, les programmes psycho-éducatifs et le soutien familial.

Tels sont les éléments nécessaires d'un système de santé mentale. Il faut insister sur l'accès à tous ces éléments. Si l'accès est amélioré, vous n'avez pas à vous préoccuper de qui dirige ou finance l'établissement; la clé c'est si les gens peuvent y avoir accès et avoir accès non seulement à l'évaluation mais aussi aux services de traitement et à ces services de soutien essentiels. Cela s'applique aux enfants, aux adultes, aux personnes âgées et en particulier aux populations qui ont des besoins plus grands et spéciaux. Par exemple, les populations autochtones, les immigrants, les personnes à diagnostic double et compliqué, les populations rurales et en région éloignée, les détenus, les pauvres et les itinérants. Voilà les populations à besoins spéciaux.

Voici la suite de ma troisième recommandation :

Le comité recommande que le gouvernement fédéral appuie et encourage le recours à des mesures de résultat et des bases de données dans l'atteinte de ces objectifs.

Vous vouliez des recommandations précises, les voilà. Je pense qu'elles cernent l'essence de ce que vous essayiez de faire dans votre rapport. Je pense que ça accroche et que c'est faisable. Cela accroît la visibilité de la santé mentale. Je pense que cela donne au gouvernement fédéral des responsabilités dans le dossier sans marcher sur les pieds des provinces.

Je le soumets à votre attention.

La présidente suppléante : Merci. Voilà bien les défis auxquels le comité est confronté dans l'élaboration d'une stratégie pour la santé mentale du point de vue fédéral mais qui peut être mise en œuvre province par province. C'est bien là où se situent les difficultés. Le message est bien reçu.

Monsieur Portlock, à vous la parole.

M. Portlock, directeur administratif, Association canadienne pour la santé mentale, section de l'Alberta : Madame le présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs, je vous remercie au nom de la section de l'Alberta de l'Association canadienne pour la santé mentale de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais abréger mon allocution vu que le temps presse.

C'est le moment idéal pour travailler dans le secteur de la santé mentale. Dans une grande mesure, c'est grâce à votre travail et j'aurais tort de poursuivre mon exposé sans reconnaître avec gratitude les efforts du comité à ce jour pour braquer l'attention des Canadiens sur des possibilités d'améliorer notre système de santé mentale.

Plus que toute autre initiative, les consultations et les rapports intérimaires du comité ont mis la santé mentale sur la place publique, voire sur le devant de la scène et il en restera ainsi tant que notre œuvre collective ne sera pas accomplie. Merci de nous avoir menés jusque-là.

Vous savez sans doute qu'hier une motion déposée à la Chambre des communes par le député Steven Fletcher a reçu un appui quasi unanime des conservateurs, des libéraux et desnéo-démocrates. Voici un extrait de la motion :

Que, puisqu'il faut élaborer dès maintenant une stratégie nationale pour réduire les coûts humains et économiques de plus en plus lourds du cancer, des cardiopathies et des maladies mentales, la Chambre demande au gouvernement[...] d'élaborer et d'appliquer sans délai une stratégie d'ensemble sur les maladies mentales[...], le Canada étant un des rares pays développés à ne pas avoir de plan d'action national pour réduire l'incidence des maladies mentales et des maladies du cœur.

Une motion comme celle-là n'aurait jamais été examinée et encore moins adoptée sans les efforts assidus et visibles du comité du Sénat, et nous vous en remercions.

Nous avons préparé un mémoire dont j'ai distribué des exemplaires. Dans mon court exposé, je parlerai des trois secteurs développés plus en détail dans mon mémoire. Nous n'allons pas reprendre l'exposé fait par notre association nationale, que vous avez entendu, et que nos antennes régionales du pays ont répété dans une certaine mesure.

Cet après-midi, je vais parler de l'opportunité d'un leadership national pour apporter les améliorations nécessaires au système de santé mentale canadien, de mesures destinées à améliorer l'information disponible sur la prévalence des troubles mentaux et de mesures destinées à améliorer l'accès au système de santé mentale.

D'abord, une mise en garde au sujet d'un des inconvénients de la régionalisation de la conception, de la prestation et de l'évaluation des services et des programmes de santé mentale.

En ce qui concerne le leadership national — et je me réjouis que mon ami le Dr Gordon en ait parlé — la santé mentale, l'orphelin du système de soins de santé, a effectivement besoin de son champion au niveau national. Malgré la motion présentée à la Chambre hier, les provinces et les territoires n'ont guère eu besoin d'être poussés pour mesurer l'importance des maladies du cœur et du rein, du diabète, de l'obésité et d'autres affections physiques. Reléguées dans l'ombre pendant si longtemps, la santé mentale et la toxicomanie ne trouveront leur place sur les programmes prioritaires de santé des provinces et des territoires que grâce à un leadership national ciblé et tenace.

Des initiatives récentes comme la nomination d'un conseiller spécial du ministre de la Santé en matière de santé mentale au travail et la création d'une équipe interministérielle au niveau fédéral vont se pencher sur les questions de santé mentale dans l'effectif fédéral ainsi que l'engagement du gouvernement fédéral de donner l'exemple aux employeurs des secteurs public et privé d'un bout à l'autre du pays, grâce à la façon dont il répond aux besoins de santé mentale de ses propres clients — les militaires, la GRC, les populations autochtones et les détenus fédéraux — feront beaucoup pour légitimer un regain d'attention pour la santé mentale au niveau provincial et pour assurer sa visibilité. Pour nous, tout se résume actuellement à la visibilité.

Parmi d'autres initiatives, on pourrait compter l'adoption d'une loi qui établisse une plus grande équité entre lesaffections physiques et mentales et qui forcerait la tenue d'au moins une réunion à intervalles réguliers des ministres de la Santé fédéral, provinciaux et territoriaux, consacrée exclusivement à la santé mentale et à ses problèmes, et qui créerait même un ministère d'État à la santé mentale comme cela s'est fait en Colombie-Britannique.

L'intérêt et la puissance des initiatives du gouvernement fédéral en matière de leadership dans le dossier de la santé mentale ne sauraient être sous-estimés.

En ce qui concerne les mesures destinées à améliorer l'information disponible sur la prévalence des troubles mentaux, nous appuyons vigoureusement la réalisation plus fréquente de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et l'expansion du questionnaire pour y inclure un éventail plus large de troubles mentaux, de groupes d'âge et de sous-groupes de population, notamment parmi les populations autochtones, les itinérants et la population carcérale.

De même, nous appuyons la création d'une base de données nationale sur la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie et d'un système d'information permettant de mesurer l'état de santé mentale des Canadiens.

S'agissant de mesures destinées à ouvrir l'accès au système de santé mentale, chaque jour l'Association traite avec des gens qui ont trouvé le courage de demander de l'aide mais qui sont rejetés par le système, soit parce que celui-ci est à tel point fragmenté qu'il est difficile de trouver le point d'entrée approprié, soit qu'ils n'arrivent pas à exprimer clairement leurs besoins. Nous savons d'expérience qu'il faut absolument des défenseurs de la santé mentale capables d'aider les personnes à trouver de l'aide.

La section de l'Alberta de l'ACSM prépare actuellement une proposition en vue d'instaurer dans la province à titre expérimental un guichet unique qui aiderait le client à avoir accès plus tôt aux services de santé mentale. Nous ferons le bilan de cette initiative en temps opportun.

J'aimerais enfin parler des effets négatifs imprévus de la régionalisation des services et des programmes de santé mentale.

Les homologues provinciaux de l'ACSM obtiennent d'ordinaire une partie de leur financement pour les infrastructures de l'entité provinciale chargée de la prestation de ces services, qu'il s'agisse du ministère provincial de la Santé ou, en Alberta, de l'Alberta Mental Health Board. Nous répartissons à notre tour une partie de ces fonds à nos directions régionales pour financer les programmes au niveau régional ou local, souvent offerts en collaboration avec les autorités sanitaires régionales.

À l'occasion de la régionalisation et du transfert de responsabilité des services de santé mentale d'une autorité centrale aux autorités locales, nos sections régionales ont noué de nouvelles alliances avec les ASR qui, même si elles n'avaient pas l'habitude de financer des organismes extérieurs, c'est-à-dire à l'extérieur de l'autorité sanitaire, ont accepté la responsabilité et conclu des accords de financement avec nos entités régionales pour les programmes et services locaux.

L'autorité centrale ayant dévolu ses responsabilités de financement aux organes provinciaux, ceux-ci se retrouvent sans source de financement pour les infrastructures au niveau provincial. Nos sections se débrouillent bien, relativement parlant, dans leur nouveau partenariat de financement avec les ASR.

Le siège provincial, toutefois, a moins de chance. Dans l'effort de délégation des pouvoirs de prestation des services de santé mentale d'une autorité centrale à un service régional ou de proximité, nous exhortons le comité à faire observer qu'un mécanisme quelconque doit être maintenu pour que l'importante et nécessaire fonction remplie par les organisations non gouvernementales comme l'ACSM puisse être financée et conservée au niveau provincial et non seulement régional.

La présidente suppléante : Merci beaucoup.

Monsieur Lucki, vous avez la parole.

M. George Lucki, président, Alberta Alliance on Mental Illness and Mental Health : Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui.

Je vais m'inspirer de mes notes plutôt que de lire celles que je vous ai fournies. Nous avons également remis d'autres documents relatifs au travail que nous faisons dans des dossiers qui, à notre avis en Alberta, rejoignent certains des intérêts exprimés dans les excellents rapports du comité sénatorial.

Je vais prendre quelques instants pour décrire notre association et me présenter. Je m'appelle George Lucki et je suis psychologue de formation. J'exerce dans le privé mais j'occupe bénévolement la présidence de l'Alberta Alliance and Mental Illness and Mental Health, coalition créée en 1999 qui regroupait et continue de regrouper les principaux intéressés dans le domaine de la santé mentale dans la province.

L'Alliance est une coalition provinciale unique en son genre qui regroupe toutes les grandes professions de la santé mentale, les organismes à but non lucratif de défense de la santé mentale et d'aide de proximité, les associations de consommateurs de services de santé mentale et les membres de leurs familles. Nous regroupons tous les grands acteurs du domaine à l'exception de ceux qui se chargent du financement et de la prestation des services de santé mentale. Ce qui nous amenés à nous regrouper, c'est notre inquiétude pour l'état de la santé mentale en Alberta et les importantes lacunes du financement et de l'organisation des systèmes.

Notre premier document, dont je vous ai remis un exemplaire, allait droit au cœur du problème puisqu'il s'intitulait : « Good People... Good Practices... No System. » En effet, c'est le système de soins de santé mentale qui fait défaut dans notre province, situation à notre avis que l'on retrouve dans d'autres provinces du pays.

La coalition s'est d'abord penchée sur les questions qui nous tenaient tous à cœur. Le fort consensus qui s'est dégagé au sein de ce groupe disparate est étonnant quand on considère la nature des problèmes et des mesures à prendre.

La solution n'a pas été d'examiner le financement ou les services mais bien ce qui se produisait au sommet du système. Nous avons admis qu'il nous fallait un système de gouvernance de soins qui répondrait au problème. Les services étaient fragmentés et insuffisants. Il y avait des lacunes importantes des services, des inégalités. Certains pouvaient obtenir des services, d'autres pas.

Partout où nous avons regardé, nous nous sommes aperçus que nous ne nous occupions que d'une partie des véritables problèmes de santé mentale car même si nous devions concevoir les meilleurs services qui soient en quantité suffisante, à moins de nous attaquer aux déterminants sociaux de la santé, de la santé mentale — la pauvreté, l'itinérance, le soutien du revenu, les problèmes familiaux de types divers — il nous sera impossible de lutter utilement contre le problème.

Nous nous inquiétions aussi du fait que dans notre province la santé mentale se trouvait plus ou moins dans une impasse. Qu'il s'agisse d'un vase clos ou d'une tour d'ivoire, quelle que soit la métaphore, la santé mentale était à l'écart du reste du système de santé. Or, les problèmes de santé mentale n'existent pas dissociés des problèmes de l'organisme ou de l'âme ou des interactions avec autrui.

Il faut travailler pour intégrer les services non seulement entre les déterminants sociaux de la santé mais aussi entre la santé en général et la santé mentale. Il n'y a pas de service de santé qui ne sera pas également doté d'un service de santé mentale et il faut être capable d'organiser efficacement ces services pour qu'ils s'occupent de l'être tout entier et des vrais besoins qui sont à l'origine des dysfonctions, de la maladie ou de troubles.

Nous avons eu la chance d'avoir un ou deux excellents ministres de la Santé en Alberta et d'avoir reçu l'appui du rapport Mazankowski du Mental Health Board et du ministère provincial de la Santé pour faire avancer le dossier de la santé mentale dans le sens des recommandations de l'alliance et de ses organisations adhérentes.

Il est temps pour nous d'aller plus loin. L'ardeur doit céder le pas aux actes.

Je vous ai remis une copie d'un document qui examine la façon dont on peut séparer rationnellement les problèmes de gouvernance et de fonctionnement du système de santé mentale et comment nous pouvons évaluer, après un certain temps, le résultat de nos efforts.

Nous avons aussi tracé un plan de réforme qui est une sorte de liste de contrôle ou de bulletin nous permettant de déterminer si nous avons effectivement eu un effet positif sur le système de soins, et non seulement sur le financement et les services offerts.

Aujourd'hui, je viens vous parler de votre document Questions et options et faire des recommandations auxquelles vous ferez, j'espère, bon accueil. Nous sommes d'abord et avant tout une alliance provinciale mais certaines des choses qui doivent être faites en santé mentale exigent la participation du gouvernement fédéral. Il faut une démarche nationale pancanadienne, interprovinciale.

Nous pensons que le gouvernement fédéral a un travail important à faire. Il doit d'abord prêcher par l'exemple sur le plan de la qualité et par ses politiques. Ses responsabilités en matière de santé mentale se prolongent jusque dans notre province et nous espérons qu'il fera aussi bien que la province.

On vous a parlé des soins pour les militaires et les policiers. Avec passion vous avez entendu parler des difficultés que rencontrent les Autochtones. Ce sont autant de secteurs qui relèvent directement du gouvernement fédéral.

Nous craignons un système à deux vitesses mais nous le tolérons quand il s'agit de santé mentale. Ces problèmes doivent être énoncés et faire l'objet d'un débat partout au pays.

La Loi canadienne sur la santé exclut la santé mentale. Il n'y a pas de protection législative fédérale dans ce domaine. Il nous faut une loi fédérale pour la santé mentale qui aide les provinces à fournir des soins exhaustifs.

À ma connaissance, il n'y a pas eu de paiements de transfert aux provinces pour les aider à financer ces soins. Le financement doit augmenter pour que les services offerts soient davantage à la hauteur des souffrances et des épreuves reliées à la santé mentale. Cela n'est pas encore chose faite dans notre province ni dans de nombreuses parties du pays.

Une stratégie pancanadienne de santé mentale doit aussi envisager un mécanisme de financement équitable pour répondre aux besoins des personnes atteintes de maladie mentale.

Le gouvernement fédéral est aussi un important acheteur d'avantages non assurés qui fournissent à ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral ou ceux dont les soins de santé sont une responsabilité fédérale des soins de santé mentale qui ne sont pas offerts à l'ensemble de la population canadienne. Ces services eux-mêmes sont souvent mal coordonnés avec les autres services de santé offerts par les autorités provinciales. Nous pensons que ces programmes doivent être révisés au complet pour s'assurer qu'ils reflètent les pratiques exemplaires, répondent aux besoins de santé mentale de ceux qu'ils desservent, les populations autochtones constituant sans doute la priorité.

Les services de santé mentale doivent être fournis au même niveau à ceux qui ont l'assurance privée que le gouvernement fédéral accorde à ses propres employés ou qu'il fournit en avantages non assurés. Ces avantages sont disponibles pour tous les Canadiens.

Grâce aux programmes de soutien du revenu, d'emploi, de logement et de beaucoup d'autres programmes fédéraux, le gouvernement joue un rôle important dans l'aide qu'il accorde aux résultats de soins de santé mentale, mais ces programmes doivent bien travailler ensemble et travailler bien avec les programmes provinciaux qui opèrent dans les secteurs reliés à la santé mentale. Il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine.

Le gouvernement fédéral peut être un champion de la réforme de la santé mentale et un défenseur vigoureux de toutes les initiatives communautaires dans ce domaine.

Il faut que la santé mentale continue de figurer au programme stratégique. Elle a à l'occasion été brièvement au programme stratégique national, mais pas de façon systématique. Fédéralement tout comme provincialement, il y a de bonnes personnes et de bons programmes, mais il n'y a pas de systèmes de soins. Les services sont fragmentés et insuffisants.

Il nous faut un système de santé mentale et il nous faut un plan. Le plan doit être élaboré avec la participation active de tous les intéressés. Une conférence des premiers ministres consacrée à la santé mentale est nécessaire pour fixer le programme stratégique, mais il faut que tout le monde soit de la partie parce que la santé mentale exige la participation de coalitions comme la nôtre et de divers groupes de partout au pays dont les besoins sont uniques et particulièrement pertinents.

Nous ne pouvons pas élaborer un système de santé mentale de taille universelle. Nous devons tenir compte des besoins de chacun et des préférences et des besoins des personnes que nous servons.

Le système que nous bâtissons doit être le miroir de la sorte de système que nous voulons. Le plan doit être intégrant et transcender les frontières traditionnelles. La santé mentale traverse tant de juridictions, de ministères, de mandats que nous devons trouver une façon de tous les rassembler.

Même à l'intérieur des soins de santé, la santé mentale et les toxicomanies sont liées. Une portion importante de toutes les visites de soins primaires ont une composante de santé mentale. Les hospitalisations ne sont pas sans leur élément de santé mentale. Les toxicomanies et la santé mentale ensemble représentent une proportion importante de la morbidité, de l'absentéisme et de problèmes sociaux au pays.

Exclure les soins de santé mentale des soins de santé peut conduire à la stigmatisation des éléments de santé mentale. Nous devons développer de nouvelles façons d'assurer les soins de santé mentale dans nos localités.

Les services doivent être coordonnés. Ils doivent être axés sur le client. Un consommateur a dit avec beaucoup d'éloquence que le système est si complexe qu'il faut être en santé pour s'y retrouver. Il y a du vrai là-dedans. Les problèmes de santé mentale sont complexes mais nous devons créer un système qui, du point de vue du consommateur, est facile d'accès et de navigation facile. Les services doivent être équitables. Je pense en avoir parlé.

Les soins de santé mentale ne sont pas des services de santé complémentaires. Il faut savoir reconnaître aux employeurs le mérite d'avoir fourni des régimes qui comblent les grandes lacunes dans les services du système public de soins de santé.

Comment les Canadiens réagiraient-ils si on faisait une comparaison et si l'on parlait de soins cardiaques financés par l'employeur? Quelle serait la réaction si les employés devaient payer 50 p. 100 du coût d'un pontage? Pourtant, c'est ce que nous faisons dans le cas de la santé mentale quand nous parlons de services de santé complémentaires.

Enfin, je vais parler de la stigmatisation Elle fait partie intégrante du système. Lutter contre la stigmatisation c'est plus que de financer une campagne de sensibilisation générale ou auprès des médias à l'aide d'affiches et de spots télévisés. L'existence d'un système de soins de santé mentale distinct mal protégé par les lois, mal financé, ne fait qu'ajouter à cette stigmatisation

À bien des égards, la politique du gouvernement met en relief le fait que les problèmes de santé mentale sont différents des autres problèmes et méritent moins notre attention. On peut lutter contre la stigmatisation en ne différenciant pas les problèmes de santé mentale des autres problèmes de santé et en finançant effectivement et en intégrant la santé mentale aux autres soins.

La stigmatisation est également exacerbée par les autres problèmes sociaux dont on fait l'expérience en même temps. Lorsque vous êtes pauvres, itinérants, sans emploi, et qu'en plus vous avez des démêlés avec la justice, toutes ces conditions se combinent pour exacerber la stigmatisation, à laquelle vient s'ajouter la piètre qualité et la moins bonne coordination des services de santé mentale. Il faut comprendre la corrélation entre les deux, et comprendre par conséquent que régler ces problèmes aidera à réduire la stigmatisation.

Permettre aux bénéficiaires de lancer des initiatives en santé mentale aidera également à réduire cette stigmatisation. À ce jour, les bénéficiaires en santé mentale ont toujours été les récipiendaires passifs des services, et il faut désormais leur permettre d'avoir voix au chapitre, de faire leur propre choix et d'orienter leur propre choix de la façon qu'ils le souhaitent, comme cela se fait déjà dans d'autres secteurs du système de santé. Mettre au point une stratégie pancanadienne qui offrirait de nouveaux services et lancer un débat national ne peuvent qu'aider à réduire la stigmatisation.

L'éducation et la diffusion de la recherche permettront non seulement de mieux sensibiliser la population aux problèmes auxquels font face les bénéficiaires de santé mentale, puisqu'il y a souvent de graves lacunes dans la conscience de ces problèmes, mais permettra également de sensibiliser les autres aux problèmes auxquels ces bénéficiaires font face.

Enfin, pour aborder un sujet de grande actualité, j'ai passé une bonne partie de la matinée à lire l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Chaoulli c. le procureur général du Québec, et beaucoup de Canadiens se demandent sans doute aujourd'hui ce que cet arrêt aura comme conséquence pour eux et quelles conséquences cela pourrait avoir sur les soins de santé qu'ils reçoivent.

L'expérience qu'ont les Canadiens qui ont dû avoir recours à de l'aide en santé mentale peut être très révélatrice ici, puisque cette question qui préoccupe les Canadiens aujourd'hui nous préoccupe déjà depuis quelque temps. On a toujours exclu la santé mentale de la Loi canadienne sur la santé, et même si la loi est censée exprimer les valeurs du Canada à l'égard des soins de santé, elle ne s'applique pas à la santé mentale. Or, l'arrêt de la Cour suprême donnera sans doute accès à certains Canadiens à l'assurance privée, et ce, dans certains cas. Or, jusqu'à maintenant, l'assurance privée a souvent été la seule façon pour certains Canadiens d'acheter des services psychologiques et autres qui leur étaient chèrement offerts. L'assurance privée a parfois été la seule façon pour eux de contourner les listes d'attente et les limites des programmes.

Les programmes de soins en santé mentale financés par les employeurs représentent une partie importante de toutes les dépenses en santé mentale. D'après certains chiffres, ces programmes financés par les employeurs représentent environ la moitié de toutes les dépenses en santé mentale financées à même les deniers publics.

Or, les gouvernements ont été peu incités à fournir les mêmes prestations de maladie à tous les Canadiens, car la demande a été faible à ce jour. Les Canadiens qui en avaient les moyens ont jusqu'à maintenant payé pour pouvoir s'offrir des indemnités de maladie mentale supplémentaires. Ce n'est pas le cas des Canadiens vulnérables, et ils n'ont souvent pas eu voix au chapitre dans ce dossier. Même ceux qui achetaient des prestations supplémentaires n'avaient pas toujours accès aux meilleurs soins qui soient, du simple fait que ces prestations supplémentaires n'étaient pas bien intégrées aux autres programmes sociaux et de santé. En effet, elles conviennent mieux à ceux dont les besoins sont modestes plutôt qu'à ceux dont les besoins sont grands, voire graves. Ce sont ces derniers qui tombent entre les mailles du filet.

Que diraient les Canadiens si les programmes destinés aux cardiaques n'étaient disponibles qu'à ceux dont l'assurance privée venait s'ajouter à l'assurance publique? Les bénéficiaires en santé mentale ont, de leur côté, subi de tout temps un système de soins à deux vitesses.

Si le gouvernement fédéral prend au sérieux son engagement de fournir un système de soins de santé public et universel, il pourrait commencer par donner du financement supplémentaire par le truchement de transferts et de paiements pour toute la gamme des services de santé mentale que les provinces doivent offrir.

Il nous faudrait une loi sur la santé mentale au Canada qui accorderait à la santé mentale une aussi grande importance que la Loi canadienne sur la santé accorde au système de soins de santé. Il nous faut un régime de santé mentale pancanadien, et il est malheureux de constater que le Canada est l'un des rares pays industrialisés à n'être pas doté d'une stratégie ou d'un plan en ce sens.

Enfin, nous ne pouvons nous leurrer en refusant de reconnaître l'existence d'un système de soins de santé à deux vitesses pour ceux qui souffrent de maladie mentale alors que nous prétendons nous inquiéter de son existence dans l'absolu. Nous nous réjouissons de l'initiative prise par l'opposition sous forme de motion, du débat d'une journée organisée pour la santé mentale et sur les autres graves problèmes de santé et de sa demande de lancer une stratégie nationale sur la santé mentale. Nous nous réjouissons aussi du fait que les libéraux, qui forment le gouvernement, ont eux aussi adopté la motion.

Nous devons agir immédiatement pour régler le problème et il est grand-temps de passer de la parole, si passionnée soit-elle, aux actes. Nous vous offrirons avec plaisir notre aide au cours des prochaines étapes.

La présidente suppléante : Je vous remercie tous du fond du cœur, et particulièrement M. Lucki. C'est à titre personnel que je vous remercie de m'avoir aidée à repousser cette pierre d'achoppement qu'est la stigmatisation. Merci d'avoir creusé pour nous la question.

Monsieur Portlock, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce service de type ombudsman que vous proposez.

Monsieur Gordon, vous avez repris à votre compte les paroles de notre président estimé qui affirmait que l'argent n'était pas nécessairement la solution et qu'il fallait peut-être envisager réallouer les fonds qui sont déjà injectés dans le système. Toutefois, lorsque nous avons fait notre étude sur la santé, nous n'avons pas hésité à évaluer en coûts les changements que nous estimions nécessaires. D'ailleurs, vous pourrez le constater si vous vous reportez à notre rapport. Nous vous avons bien compris.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je n'ai pas eu l'occasion de lire le compte rendu du débat qui a eu lieu à la Chambre des communes hier, mais je le ferai demain. Je trouve intéressant de savoir ce qu'en dit l'autre Chambre. Mais il est toujours agréable de savoir que la question est débattue.

Monsieur Lucki, vous avez dit que la Loi canadienne sur la santé excluait les soins de santé mentale. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? J'ai pratiqué moi-même la médecine pendant 27 ans, et pendant toutes ces années, je crois avoir hospitalisé des centaines de patients après leur avoir diagnostiqué une maladie mentale, et j'en ai vu des milliers à mon bureau qui souffraient aussi de maladies mentales. D'ailleurs, on me versait des honoraires supplémentaires correspondant à 30 minutes pour le counselling ou de la psychothérapie.

Je conviens avec vous sans réserve qu'il existe des systèmes parallèles et que bien des gens vont bénéficier de services de l'extérieur du système. Toutefois, comment pouvez-vous affirmer si catégoriquement que la Loi canadienne sur la santé exclut les soins de santé mentale?

M. Lucki : Sénateur, les régimes de soins de santé des provinces prévoient le remboursement des médecins, les soins hospitaliers et les programmes hospitaliers. J'ai travaillé comme psychologue pendant quelque 20 ans dans un système public, et j'étais rémunéré pour recevoir des patients individuels et les aider à surmonter leurs difficultés.

Que je sache, la Loi canadienne sur la santé exclut de façon précise les institutions psychiatriques du système, c'est-à- dire qu'aucune disposition de la loi ne s'applique à elles. Les dispositions de la loi fédérale doivent être distinguées de ce que prévoient les régimes provinciaux comme remboursement.

Cette situation a été portée pour la première fois à mon attention au milieu des années 90, lorsque, comme psychologue de Red Deer, j'ai été témoin de l'introduction par un hôpital de frais modérateurs substantiels destinés aux patients psychiatriques. Ces patients devaient payer jusqu'à 100 $ par mois pour avoir accès à certains secteurs du programme.

Le sénateur Trenholme Counsell : Était-ce un programme pour les hospitalisations?

M. Lucki : C'était un programme pour les malades externes.

Les programmes de patients externes et de patients hospitalisés des institutions modernes offrent une approche intégrée au traitement. Cela correspond aux besoins, puisque la Loi canadienne sur la santé ne rend pas obligatoires ces services.

Les services des médecins ne constituent qu'une petite partie de ce qu'il faut protéger dans une loi, dans la mesure où on veut protéger dans la loi les normes des soins de santé mentale.

Voilà ma position.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mais bon nombre de services offerts dans les cliniques de santé mentale sont couverts par le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

M. Lucki : Que je sache, aucun des paiements de transfert ne vise directement la santé mentale. Or, on oblige les provinces à offrir les soins de santé mentale pour pouvoir, en échange, obtenir les autres services.

C'est parce que le gouvernement fédéral a ciblé son financement vers d'autres secteurs tels que les soins à domicile et l'assurance-médicaments, par exemple, que cela a encouragé le développement de ces programmes. Les transferts visant les soins de santé mentale pourraient servir à combler une partie de l'écart qui existe entre le service et le financement.

L'une des difficultés auxquelles nous faisons face, plus particulièrement, c'est que la santé mentale n'est pas défendue par des gens forts, des gens qui affirment publiquement la nécessité d'obtenir certains services. Les autres soins de santé semblent plus en mesure, pour toutes sortes de raisons, d'aller chercher l'attention du public et des médias.

Dans plusieurs provinces, les problèmes de santé mentale reçoivent, proportionnellement parlant, beaucoup moins d'attention et de soins que ce à quoi ils auraient droit.

Le sénateur Trenholme Counsell : N'est-il pas risqué, à votre avis, d'ajouter à la Loi canadienne sur la santé une loi sur la santé mentale? Je préférerais, pour ma part, une stratégie sur la santé mentale dont nous avons terriblement besoin. Diviser les deux ne présente-t-il pas un risque, à votre avis?

M. Lucki : Oui, je le crois.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mais c'est ce que vous recommandez.

M. Lucki : Cela est risqué. Certaines de nos propositions présentent des avantages ainsi que des désavantages.

Le risque, ce serait de créer une entité qui ne serait pas suffisamment coordonnée avec le reste des soins de santé, et nous ne serions pas d'accord avec cela. L'avantage, c'est que cela permettrait d'envisager la santé mentale de façon beaucoup plus moderne que ce que permet actuellement la loi. Voilà les pour et les contre.

Si quelqu'un suggérait de rouvrir la Loi canadienne sur la santé pour y incorporer toute la gamme des services de soins de santé mentale, nous serions également d'accord.

Le sénateur Trenholme Counsell : Personnellement, cela me semblerait beaucoup plus positif, car si l'on est d'avis que l'esprit et le corps ne font qu'un, il peut être très risqué de séparer les deux. Le risque se trouverait partout, dans le financement et dans la perception.

J'ai lu dans certains textes qu'il n'existait pas de système. Je n'en crois rien, mais je crois plutôt que notre système est affaibli, fragmenté et qu'il doit être revalorisé. Je crois que les gens de ma province vous diraient qu'il existe chez nous un système, mais c'est une autre question que de savoir s'il s'agit bel et bien d'un système pancanadien. Un grand nombre des ministres provinciaux de la Santé et du Bien-être vous diraient qu'ils ont pour leur part une stratégie, mais j'ajouterais qu'il faut néanmoins l'enrichir.

M. Lucki : Nous convenons avec vous qu'il y a encore beaucoup à faire pour créer un bon système de soins.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci de vos documents qui sont excellents.

Le sénateur Cordy : Monsieur Portlock, vous avez proposé la création d'un ministère d'État de la Santé mentale, et je comprends très bien votre raisonnement. Mais avant-hier, à Vancouver, nous avons entendu dire que cette solution ne serait pas la bonne, car elle marginaliserait la santé mentale. Puisqu'il s'agirait d'un ministère secondaire, on peut aisément imaginer que l'objectif premier du titulaire du ministère, ce serait de devenir ministre de la Santé, ou ministre des Transports ou encore ministre des Finances. De plus, le titulaire n'aurait pas non plus nécessairement l'oreille du premier ministre, provincial ou fédéral.

Avez-vous pesé le pour et le contre lorsque vous avez prôné la création d'un ministère de la Santé mentale? Je ne juge pas lebien-fondé de votre suggestion, mais je vous dis simplement que nous avons entendu des témoignages contradictoires.

M. Portlock : Je comprends pourquoi les opinions sont contradictoires. Tout dépend de la définition du mandat, du choix du titulaire et du rapport hiérarchique.

Notre association est d'avis, toutefois, que les avantages dépasseront de beaucoup les inconvénients. Bien sûr, on a évoqué le spectre de la séparation, ce qui est toujours gênant, mais nous sommes d'avis que le temps est venu, dans l'évolution de la santé mentale, qu'elle sorte des coulisses; de fait, une telle séparation pourrait servir à faire mousser le type de réforme que nous souhaitons.

Il est vrai que de créer un ministère de la Santé mentale, cela pourrait être perçu comme accordant moins d'importance à la santé mentale ou comme la séparant du reste de la santé, mais si l'on prend soin de bien définir le mandat, nous croyons qu'il est possible de réfuter ces objections.

Cela vaut la peine. J'ai demandé à certains de mes collègues de la Colombie-Britannique ce qu'ils pensaient de leur expérience, et il semble qu'elle ait été différente pour les uns et pour les autres à cause de changements chez les titulaires, et qu'il y ait eu une certaine confusion autour des rôles et des liens hiérarchiques, ainsi que de la confusion autour de celui à qui le ministre devait rendre des comptes.

Il faudra regarder cette idée de beaucoup plus près avant de la concrétiser. Comme nous le disions dans notre exposé, contrairement au système de santé traditionnel qui traite des maladies physiques et qui n'a pas besoin de champions au palier fédéral — nul besoin de champions pour dire aux provinces ce qu'elles doivent faire pour traiter les maladies cardiaques, le diabète et l'obésité — nous croyons qu'il faut faire preuve de vision dans le dossier de la santé mentale. Les mécanismes qui existent déjà servent surtout à garder active la compétence provinciale dans le domaine qui a été si difficile à conquérir, mais je crois que l'un dans l'autre, il y a beaucoup plus à gagner en excluant la santé mentale et en la mettant au cœur de son propre ministère.

Le sénateur Cordy : J'ai l'impression que vous vous justifiez. À mon avis, non seulement devons-nous garder le rythme, mais nous devons lui accorder encore plus d'importance car il reste encore beaucoup à faire en santé mentale et en maladie mentale.

M. Portlock : En effet.

Le sénateur Cordy : Monsieur Lucki, revenons à ce que vous avez dit au sujet d'un système de soins de santé à deux vitesses en matière de santé mentale : notre système d'assurance-maladie est encore axé sur les liens entre les médecins et les hôpitaux, à mon avis.

Si vous vous trouvez à l'extérieur du cadre traditionnel du médecin et de l'hôpital, de nombreux services tels que les consultations avec un psychologue ne sont pas assurés. Ceux qui ont acheté une assurance médicale supplémentaire voient environ 80 p. 100 de leurs frais — mais je ne suis pas sûre du pourcentage — payés.

Mais on n'a pas entendu de tollés de protestations à ce sujet. On tend à croire que seule une poignée de gens souffrent de maladies mentales, tandis qu'en réalité, une personne sur cinq souffre de maladie mentale à un moment donné dans sa vie, ou a des difficultés d'ordre mental reliées au stress, par exemple, ou qu'il s'agisse de schizophrénie, notamment. Or, à moins que ces gens ne soient assurés par un régime privé offert par l'employeur, ils n'auront pas accès à certains traitements. C'est particulièrement vrai si ce phénomène est associé à d'autres problèmes sociaux tels que la pauvreté.

M. Lucki : C'est exact. Le problème est grave si seulement la moitié de ceux qui ont des épisodes de dépression cherche de l'aide, y compris chez leur médecin de famille. Le premier obstacle est celui de la stigmatisation, et le second est celui de l'accès.

En effet, on semble avoir moins de difficulté à accepter celui qui va chercher de l'aide pour faire soigner un pied qui lui fait mal que celui qui a besoin d'aide parce qu'il a l'esprit tout dérangé. Il faut tenir compte de ces différentes attentes.

Avoir accès à des services de santé mentale est beaucoup plus complexe que d'avoir accès à des soins primaires fournis par le médecin, puisque dans ce dernier cas, il s'agit la plupart du temps de courtes visites chez le médecin qui vous prescrit des médicaments sur ordonnance. Or, certaines formes de soins de santé mentale de base exigent le renvoi à un autre médecin, ce qui est souvent réservé à des services plus spécialisés dans notre régime de soins de santé.

Si nous reconnaissons que la réforme des soins de santé primaires évoluera probablement en différents types de soutien pour le médecin de famille, que l'on songe ici au modèle des soins partagés, c'est-à-dire aux spécialistes qui oeuvrent en collaboration avec les médecins de famille ou aux équipes interdisciplinaires qui font appel à des infirmières et à d'autres praticiens de la santé, par exemple; cette façon de faire est encore plus nécessaire en santé mentale. Il nous faut pouvoir offrir les services différemment.

Même ceux qui peuvent s'offrir une assurance médicale supplémentaire et ont ainsi accès à des soins supplémentaires peuvent voir les soins qui leur sont accordés limités par le financement de programmes. En effet, l'assurance à hauteurde 80 p. 100 peut ne couvrir, par exemple, que cinq visites, ce qui est parfois insuffisant pour régler le problème, surtout s'il est grave.

Il est parfois nécessaire de changer de fournisseur de soins à un moment donné dans le traitement, ou de passer du système privé au système public, voire de combiner les deux. Les soins ne sont pas toujours coordonnés d'un régime à l'autre.

Il existe d'excellents programmes publics de santé mentale dans les hôpitaux et dans les conseils régionaux de la santé, et dès que quelqu'un y a accès et que le programme lui convient, les soins sont excellents.

L'adéquation des soins dépend également d'un autre facteur limitatif. Lorsque je travaillais, par exemple, avec des sidatiques qui avaient des problèmes psychologiques afférents, j'ai constaté que beaucoup de facteurs se liaient pour empêcher les intéressés de respecter un rendez-vous, le jeudi à 10 heures, par exemple, si ce rendez-vous se trouvait à l'autre bout de la ville. Le malade n'avait pas toujours l'argent sur lui pour se payer l'autobus. Voilà certains des autres obstacles dont nous devons tenir compte. Je veux bien m'entendre avec vous sur les soins privés, publics, ou à deux vitesses, mais il ne faut pas oublier non plus les autres problèmes d'accessibilité qu'il faut régler.

Le sénateur Cordy : L'un de ces problèmes, ce sont les médicaments. Un peu partout au Canada, 98 p. 100 de la population a un régime d'assurance-médicaments et d'assurance médicale d'un genre ou d'un autre, mais il faut savoir que dans la région de l'Atlantique, plus de 20 p. 100 de la population n'a pas d'assurance-médicaments, ou si peu. Or, ceux qui souffrent de maladies mentales doivent prendre des médicaments.

M. Lucki : Il en va de même en Alberta. Pour jouird'une assurance médicale supplémentaire, il faut avoirun bon emploi, ou n'en pas avoir du tout. Ceux qui sont des petits salariés ou dont les emplois n'offrent que peu d'avantages sociaux ont un accès très limité aux programmes, y compris à l'assurance-médicaments.

Le sénateur Cordy : Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il existe de bons services et programmes. Lors de notre périple d'un bout à l'autre du pays, nous avons entendu parler d'excellents programmes dans les différentes provinces. Nous avons entendu parler de gens dévoués dont beaucoup acceptaient de travailler à salaire réduit pour œuvrer dans le secteur de la santé mentale.

Je me rappelle avoir entendu un représentant d'un ministère à Ottawa nous montrer une liste de tous les programmes qui existaient à l'échelle provinciale et fédérale. Et je me rappelle lui avoir expliqué que si l'on me demandait par où commencer pour traiter une maladie mentale, je serais bien incapable de répondre. Est-ce ce que vous entendiez par là quand vous affirmiez que le système est fragmenté et difficile d'accès?

M. Lucki : La carte routière du système est en quelque sorte une série complexe de cases reliées par des lignes, mais vous avez besoin de vos lunettes pour comprendre ce que représentent les cases. Cela illustre déjà le problème de fragmentation.

Comment fait-on pour se déplacer dans le système? On y rencontre certains points très névralgiques comme l'accès, l'entrée à l'hôpital, l'obtention du bon lit au bon moment qui représentent tous des passages difficiles. Le congé de l'hôpital se transforme parfois en une véritable crise pour certains malades, et les services communautaires sont souvent incapables d'intervenir de façon opportune pour soutenir de façon adéquate ceux qui viennent de recevoir leur congé.

Les provinces font beaucoup de progrès en essayant d'intégrer ces services sur une base régionale. Nous ne sommes plus à l'époque où les deux systèmes de santé mentale étaient distincts, l'un régi par le Conseil de santé mentale et l'autre par les régions. Le système est aujourd'hui plus intégré, et nous commençons à parler de l'intégration des soins de santé.

Nous avons fait quelques progrès, mais les problèmes demeurent. Il existe toujours un déséquilibre, du moins dans notre province, entre les services donnés en établissement — soit la dépendance envers les hôpitaux — et les services qui pourraient empêcher l'hospitalisation, maintiendraient les malades à domicile et les mettraient en contact avec des services d'appoint communautaires.

L'hospitalisation d'une personne souffrant de maladie mentale illustre souvent une crise non pas des symptômes mais de notre capacité de servir les malades de façon à les aider à gérer leurs difficultés sans avoir à être hospitalisés.

Le sénateur Cordy : Vous dites que l'Alberta fait des progrès dans l'intégration des services. Cette intégration dépend-elle des personnes oeuvrant dans les divers systèmes ou est-elle intégrée au système?

M. Lucki : Les deux. Un défi qu'il faudra relever sera celui de la formation des personnes qui travaillent dans le système intégré que nous espérons avoir. En particulier, comment appuyer grâce à la formation ce travail plus complexe et plus vaste que les gens devront faire? Les médecins de famille auront particulièrement besoin d'avoir un bon accès à ces soutiens pour s'acquitter de leurs responsabilités dans un système intégré.

Cela s'applique en général. Les panellistes qui ont témoigné avant nous ont dit qu'il y avait pénurie de travailleurs autochtones de première ligne en santé mentale et qu'il était nécessaire de former des gens qui puissent offrir des services adaptés à la culture de ceux qui les recevront et qui seront acceptés par les collectivités à desservir. Il y a un énorme écart entre la façon dont nous formons les travailleurs et ceux que nous formons et qui reçoivent les services.

Il y a beaucoup de travail à faire dans chacun de ces domaines, et nous pouvons vous parler des mesures que nous prenons dans notre province et sans doute dans bon nombre d'autres provinces, mais il y a encore beaucoup à faire. Si nous avions un plan d'action global afin de corriger certaines de ces lacunes, nous serions plus avancés.

Le sénateur Callbeck : Je voudrais revenir à la question d'un ministre d'État pour la santé mentale. Est-ce la position de l'Association canadienne pour la santé mentale ou est-ce la position de l'Alberta?

M. Portlock : C'est une suggestion de l'Alberta.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que cela existe dans d'autres provinces?

M. Portlock : À part en Colombie-Britannique, je ne pense pas que cela existe ailleurs.

Le sénateur Callbeck : Quand est-ce que cela est entré en vigueur en Colombie-Britannique?

M. Portlock : Je crois comprendre que cette mesure a été prise précisément pour faire face à la situation dans laquelle nous nous retrouvons ailleurs, alors que le système de santé mentale est considéré comme un système de deuxième classe, de deuxième catégorie, un système de seconde solitude, qui est dans l'ombre. D'après les quelques conversations que j'ai eues avec des gens de la Colombie-Britannique, j'ai cru comprendre que cela était considéré comme une stratégie pour tenter de donner plus de visibilité à la santé mentale et d'y attirer une certaine attention.

Le sénateur Callbeck : Je comprends cela. Je vous demandais quand est-ce que cela a été mis en vigueur.

M. Portlock : Je crois que c'était il y a deux ans.

Le sénateur Callbeck : Ce système a-t-il été approuvé par les travailleurs de la santé mentale en Colombie- Britannique?

M. Portlock : Je crois comprendre que oui.

Le sénateur Callbeck : M. Lucki a dit qu'il fallait se débarrasser de la stigmatisation. M. Gordon a mentionné une campagne nationale pour lutter contre la stigmatisation. À votre avis,qu'est-ce que cela pourrait comporter, et connaissez-vous des programmes qui ont eu du succès?

M. Gordon : Je crois que vous en avez examiné lors de la préparation de vos rapports.

Comme on l'a déjà dit, à mon avis, parfois, nous passons à côté de l'objectif que nous visons dans tout cela. Par exemple, le problème de la fragmentation des services est un problème d'accès. Pour le patient, peu importe qui fournit les fonds ou encore qui administre le programme, tout ce qu'il veut c'est d'y avoir accès. Si l'accès est le problème, alors disons-le. La solution au problème serait peut-être d'intégrer les services, mais le problème en est un d'accès.

La santé mentale est stigmatisée, et une façon de résoudre ce problème serait peut-être d'en confier la responsabilité à un ministre d'État. Quoi qu'il en soit, le problème, c'est que la santé mentale est stigmatisée par rapport à d'autres domaines de la médecine, ou encore fait l'objet de discrimination.

Il faut donc que nous déterminions quel est le problème du point de vue du patient et que nous examinions le problème. La solution serait peut-être de nommer un ministre d'État, bien que j'aie certaines préoccupations à ce sujet. J'ai changé d'idée au cours des 15 dernières années à ce sujet. Il y a 15 ans, j'étais en faveur de la séparation des services de santé mentale des services de santé pour la protéger. Aujourd'hui, je crois que nous devrions viser le plus possible la pleine intégration. Cependant, nous devons rehausser le profil en luttant contre la stigmatisation et la discrimination.

Pour ce qui est de la façon dont nous pourrions faire cela exactement, d'autres sont davantage experts que moi dans ce domaine. Les gens me disent qu'il faut une stratégie à long terme; qu'il faut un appui à un niveau élevé; qu'il faut un engagement à long terme, et c'est pourquoi j'ai suggéré 10 ans; et qu'il faut une stratégie à multiples facettes qui tienne compte de l'éducation, des milieux de travail, des médias et des attitudes au sein du système de soins de santé.

L'une des questions fondamentales est celle de la stigmatisation, et je pense que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important à cet égard.

M. Lucki : Lutter contre la stigmatisation, c'est comme tenter de s'attaquer au problème du racisme. Ce n'est pas facile. Il faut faire un effort déterminé car cela se manifeste de façons insidieuses.

Nous ne pourrons pas régler le problème de la stigmatisation — ou de la honte du point de vue de la personne, la honte que la personne ressent d'avoir les problèmes qu'elle a — à moins d'agir en partant du principe qu'il n'y a pas de honte à avoir des problèmes de santé mentale. Parfois, par inadvertance, on donne l'impression que c'est honteux.

Si, par rapport au racisme, on disait, par exemple, que les gens de couleur n'ont pas les mêmes possibilités que les autres Canadiens au niveau de l'éducation, et que notre approche consistait tout simplement à donner davantage d'argent aux écoles séparées pour les enfants de couleur, nous serions loin d'avoir la bonne approche. Cela ne pourrait jamais fonctionner.

Nous devons examiner comment, systématiquement, notre façon d'aborder le problème à créer une stigmatisation, notre façon de l'évaluer, et si nous constatons que nous n'abordons pas le problème de la même façon que nous abordons d'autres problèmes de santé ou d'autres problèmes sociaux, nous devons corriger ça d'abord.

La stigmatisation perdurera longtemps car il n'est pas facile de changer des attitudes rapidement. Il y a de nombreuses autres sources de stigmatisation à part celles qui sont structurelles.

Je crois que c'est dans ce domaine que le gouvernement peut jouer un rôle de chef de file pour ce qui est d'éliminer certaines des attitudes qu'il lui est possible d'éliminer.

La présidente suppléante : Monsieur Portlock, lorsque vous aurez l'occasion de rédiger votre proposition sur le service d'ombudsman noir sur blanc, j'aimerais bien en avoir un exemplaire.

M. Portlock : Nous serions ravis de vous en remettre un exemplaire, sénateur. Elle est toujours au stade embryonnaire. Cette proposition est faite en partie pour répondre à un certain nombre de réalités.

En Alberta, il existe des mécanismes pour les gens qui sont dans le système pour les aider à exprimer leurs plaintes et leurs préoccupations au sujet de l'accès ou de la disponibilité des traitements, ou des communications, ou autres, et à obtenir réparation. Le mandat d'ombudsman provincial, qui excluait auparavant les hôpitaux, comprend maintenant les hôpitaux et les gens qui s'y trouvent.

Le mandat du défenseur des patients en santé mentale en Alberta, tel qu'il est défini, comprend les patients qui sont officiellement dans le système à l'heure actuelle.

Le conseil de la qualité de la santé de l'Alberta vient de terminer deux sondages annuels pour obtenir les points de vue des Albertains sur le système de santé afin de déterminer s'il est adéquat et s'il répond à leurs besoins, et, dans l'ensemble, les réponses étaient favorables. Au cours des 12 derniers mois, pour la première fois, le sondage du conseil de la qualité de la santé incluait la santé mentale. Soixante-deux pour cent de ceux qui ont pu avoir accès au système et recevoir des services se sont dits satisfaits des services de santé mentale.

Cependant, dans l'ensemble, je crois que 83 p. 100 des répondants se sont dits préoccupés et, en fait, considérablement furieux, étant donné la façon dont on répondait en général aux plaintes et aux préoccupations au sujet du système.

Mes collègues dans les régions et moi-même rencontrons presque tous les jours des gens qui ont tenté d'avoir accès au système en ayant, comme je l'ai dit dans mon exposé, le courage de se manifester, car pour bien des gens, il faut beaucoup de courage pour enfin avouer qu'ils ont besoin d'aide.

Parfois, ces personnes ne sont pas à leur meilleur lorsqu'elles tentent d'accéder au système et chercher de l'aide pour un problème de santé mentale; leur expérience, d'après ce que j'ai pu constater en travaillant avec eux, fait en sorte que nous estimons qu'il y a un besoin. Je crois que le volume 3 de votre dernier rapport parle d'une forme de service de défense pour aider les gens à avoir accès au système et à présenter leurs préoccupations ou leurs plaintes au sujet du système lorsque ce dernier n'y a pas répondu de façon appropriée.

Nous sommes en train d'élaborer une proposition en vue de mettre en place un service d'ombudsman. Un service traditionnel d'ombudsman doit comporter une personne neutre, c'est-à-dire une personne qui ne fait pas partie de la chaîne de commandement et qui peut faire enquête en cas de plainte ou de préoccupation et aider cette personne à résoudre son problème et, dans certains modèles, une personne qui a le pouvoir de faire des recommandations en vue de changer le système, afin qu'il réponde davantage aux besoins.

Ce sera fait à titre expérimental. Il existe d'autres mécanismes pour s'occuper des patients officiels, des gens qui sont dans le système, et qui relèvent de l'ACSM. Ce n'est pas la responsabilité d'un office régional de santé en particulier, ce qui pourrait compliquer les choses à bien des égards.

Ce dont nous avons besoin, à part le financement, pour administrer le projet pendant l'année — et c'est ce que j'essaie à l'heure actuelle d'obtenir — c'est l'accord et la coopération des offices régionaux de santé, car pour que les gens qui auraient accès au service téléphonique sans frais pour faire part de leurs plaintes et de leurs préoccupations, ce serait un point central de réponse et d'approche, si vous voulez, pour les gens qui ont tenté d'avoir accès au système et qui ont eu des problèmes ou qui ne savent tout simplement pas où s'adresser.

Il s'agit plutôt d'une fonction de défenseur des patients ou de représentant des patients. Il faudrait l'approbation ou tout au moins le consentement des offices régionaux de santé pour être actif dans leur territoire, car il faudrait que nous ou les ombudsmen qui participent à cet essai traitent directement avec les offices régionaux de santé, s'il y avait une préoccupation dans un domaine en particulier.

Initialement, nous avons conçu cette idée afin que les gens puissent faire part de leurs préoccupations au sujet des services fournis par l'ACSM, au niveau régional. Nous avons rapidement constaté, en fait, que cette idée pourrait et devrait sans doute s'appliquer à plus grande échelle.

Nous nous y préparons donc. Comme j'ai de l'expérience à titre d'ombudsman dans le système de santé, naturellement cela m'intéresse particulièrement. Nous tentons d'introduire ce service à titre expérimental partout dans la province. Notre solution de réserve est d'en faire l'essai dans quelques offices régionaux de la santé. Si nous ne pouvons pas le faire à l'échelle du système, nous tenterons de le faire dans quelques offices régionaux de la santé et voir comment cela fonctionne.

Nous serions heureux de vous fournir la proposition. Le moment est venu de faire cet essai, étant donné les résultats de l'enquête du HQCA. Nous espérons que cette proposition sera bien accueillie.

La présidente suppléante : Si l'un d'entre vous veut faire des observations finales, nous sommes prêts à vous écouter.

M. Gordon : Je voudrais revenir sur ce que Peter a dit au sujet de l'accès. Je suppose que cela ne signifie pas uniquement l'accès initial et l'accès aux évaluations. Seulement 38 p. 100 des gens qui souffrent de maladie mentale vont voir leur médecin de famille. Ils savent qu'il y a une attente de 6 à 12 mois pour voir un psychiatre et avoir accès à des cliniques de santé mentale. Ce sont des problèmes d'accès initial. Il y a aussi des problèmes d'accès aux traitements. Seuls les malades considérés comme étant dangereux peuvent se faire hospitaliser à l'heure actuelle. Il est tout à fait inhabituel d'avoir une admission ordinaire dans un hôpital.

Il est tout aussi important d'avoir accès à des services de soutien. Il faut parfois jusqu'à six mois pour avoir accès à un service de soutien, en ce qui a trait au logement. Pourquoi faut-il attendre quatre mois pour obtenir un revenu assuré pour les personnes gravement handicapées? Pourquoi certaines personnes doivent-elles attendre des mois et même des années pour se prévaloir du programme de réadaptation professionnelle?

Les questions d'accès ne se limitent pas à l'accès physique — le fait d'entrer dans une clinique de santé mentale — elles comprennent l'accès à une gamme de services de traitement ainsi que des services de soutien qui sont absolument essentiels.

La présidente suppléante : Monsieur Lucki, avez-vous des commentaires à faire en guise de conclusion?

M. Lucki : Simplement pour réitérer l'importance de la mise en œuvre d'un processus inclusif afin d'élaborer un système et un plan qui reflètent ce que nous visons à créer. Je crois que chaque personne et chaque groupe qui nous parle nous renseigne sur un autre aspect important de ce qu'il faut créer.

Un système ne tourne pas uniquement autour des psychiatres, des psychologues ou des infirmières qui fournissent les traitements, un système comprend une vaste gamme de mesures de soutien, dont plusieurs qui ne font pas partie du système de santé. Notre approche doit être inclusive pour que ceux qui sont les plus touchés par les maladies mentales aient un droit de regard quant à la création d'un système qui reflète leurs besoins et valeurs et qui les appuie d'une façon qui ne convient pas uniquement à ceux qui fournissent les services. Je crois que nous avons eu plus de succès à créer des systèmes axés sur les fournisseurs de ces services que des systèmes de soins axés sur les clients et les consommateurs.

Quelqu'un doit se faire le champion de la santé mentale. Votre comité le fait depuis bien des années maintenant en soulevant la question de la santé mentale à l'échelle nationale, et cela nous aide dans nos efforts avec les provinces, l'une après l'autre, car cela nous permet d'être au courant des questions qui intéressent l'ensemble de la population. Cela montre que les solutions peuvent varier par province, et cela nous donne aussi la possibilité d'instaurer des idées qui peuvent être utiles ou peuvent servir de modèle.

Nous espérons qu'un jour ces aspects feront partie d'une stratégie globale axée sur la santé mentale pour l'ensemble du pays, une stratégie que nous accepterons volontiers, car il est dans notre intérêt en tant que pays, non pas uniquement d'un point de vue social ou de la santé, mais aussi d'un point de vue économique pour ceux qui préfèrent penser en termes d'argent. Il ne serait qu'à notre avantage de bien faire les choses, car les coûts de ne pas le faire correctement dépasseront de loin les coûts sociaux, humains et financiers.

Je vous remercie de cette occasion de présenter notre mémoire et nous vous souhaitons bonne chance pour le reste de vos audiences et pour la rédaction des recommandations importantes qui, nous l'espérons, seront mises en œuvre dans l'avenir.

La présidente suppléante : Je remercie tous les membres du panel. Cette séance a été très informative.

La séance est levée.


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