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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT des 
affaires sociales, des sciences et de la technologie

TÉMOIGNAGES


VANCOUVER, le lundi 6 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui à 13 h 36 pour examiner la santé mentale et la maladie mentale.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Sénateurs, nous avons un certain nombre de témoins cet après-midi. De la Coast Mental Health Foundation, nous avons Darrell Burnham, directeur général. Nous avons aussi Bev Gutray, qui est directrice générale de la division provinciale de l’Association canadienne pour la santé mentale. Nous avons Susan Friday et Rob Carten, du Réseau pour la santé mentale de Vancouver-Richmond. Nous allons demander à chacun de faire une brève déclaration, après quoi nous aurons une période de questions qui s’adresseront à l’ensemble des témoins, collectivement. Je pense que c’est la manière la plus facile de procéder.

Mme Susan Friday, présidente, Vancouver-Richmond Mental Health Network : Premièrement, je vous souhaite la bienvenue à tous. Je m’appelle Susan Friday et je représente ici aujourd’hui la Vancouver-Richmond Mental Health Network Society.

Je suis certainement d’accord pour dire que nous avons besoin d’un plan d’action national pour la santé mentale, la maladie mentale et les toxicomanies, un plan qui amènerait le gouvernement fédéral à consacrer une portion spécifique de ses paiements de transfert à la santé mentale et aux toxicomanies.

En toute justice à l’égard de mes amis, je dois mentionner brièvement que même si je trouve l’expression « maladie mentale » quelque peu controversée, afin d’assurer l’uniformité linguistique et de faciliter la communication, je vais quand même l’utiliser.

Par ailleurs, je crois que les Australiens pourraient probablement nous en apprendre. J’ai examiné ce qu’ils font et je trouve cela impressionnant. Je crois que le Canada a besoin d’une loi sur la santé mentale, qui comprendrait une charte des droits orientant la prestation des services vers le rétablissement.

J’emploie le mot rétablissement dans un sens suffisamment large pour englober la reconnaissance des facteurs sociaux, psychologiques, biologiques, environnementaux et économiques; et le cheminement holistique vers la guérison qui représente la liberté par rapport à une culture oppressante de la médication émanant des grandes entreprises, culture qui renforce la dépendance du consommateur/survivant envers le statu quo psychiatrique. Le statu quo n’est pas une option.

Quand je songe à certaines populations précises au Canada et aux trois rapports publiés par le comité sénatorial permanent, il est clair qu’il est nécessaire d’inclure les gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres dans un cadre national de politique, et aussi dans une base de données nationale. Les statistiques sur les taux de prévalence le démontrent hors de tout doute. On ne saurait fermer les yeux sur le coût économique annuel de la maladie mentale et des toxicomanies résultant de l’homophobie, de la biphobie et de la transphobie. Pour que le Canada soit vraiment un chef de file mondial, je pense qu’il est évident que nous faisons tous essentiellement partie d’une même grande famille.

Je pense aussi que la question du soutien accordé spécifiquement aux femmes est importante. Comme le dirait Phil Upshaw, « C’est aujourd’hui et pas demain ». Oui. Il est grand temps d’adopter au Canada une stratégie de la santé mentale pour les femmes. Les femmes utilisent les services de santé mentale plus fréquemment que les hommes, et les facteurs de causalité de cette situation ont fait l’objet de travaux de recherche et doivent être pris en compte. Les femmes ont presque deux fois plus de chances que les hommes de connaître la dépression et l’angoisse.

Un plan d’action national complet doit prendre en compte tous les aspects de la réalité : violence, abus, pauvreté, ethnicité et toxicomanie.

En terminant, je voudrais dire que l’une des solutions dont nous avons le plus grand besoin au Canada, c’est d’un plus grand nombre de refuges où les femmes peuvent obtenir de l’aide pour surmonter une crise.

Le président : Ron, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Ron Carten, coordonnateur, Vancouver-Richmond Mental Health Network : Je vais seulement dire quelques mots sur moi-même. Le texte de mon exposé vous a été distribué. Je m’excuse de ne pas l’avoir envoyé plus tôt au comité.

En bref, l’activité de base de mon organisation consiste à diriger des groupes d’entraide pour les personnes chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale. Nous avons une douzaine de groupes de ce genre. Nous publions aussi un bulletin trimestriel de 16 pages créé par le groupe Consumers and Survivors of Psychiatry. Nous avons une bibliothèque de référence et nous organisons des activités, des ateliers, etc., tout au long de l’année. Notre organisation existe depuis environ 1993. Elle est devenue une société à but non lucratif en 1999 et compte environ 200 membres. Notre mandat consiste en partie à promouvoir des solutions de rechange pour affronter les crises de santé mentale — des thérapies différentes de celles qui sont généralement acceptées, ce qui est probablement bon pour la société canadienne dans son ensemble, mais je ne vais pas me lancer dans cette digression.

Pour ce qui est de mes antécédents personnels, j’ai 43 ans. J’ai vécu et travaillé un peu partout au Canada, dans les villes et à la campagne. J’ai été hospitalisé au début des années 90 et je me considère chanceux d’avoir bénéficié d’une intervention psychiatrique. Cependant, ce n’est pas le cas de l’ensemble de ma clientèle et, comme c’est mon travail, je suis ici pour défendre leurs intérêts.

À la page 6 du volume 3 du rapport du comité, le comité pose la question suivante:

En conséquence, comment un système centré sur le patient/client peut-il mettre en équilibre les droits individuels des personnes atteintes de graves troubles mentaux et le rôle que doit jouer la société en s’occupant d’elles avec compassion tout en se protégeant?

Je voudrais rappeler au comité — et j’espère qu’il en sera fait mention dans le rapport final — le mythe du patient psychiatrique violent. Le comité a déjà abordé la question en déclarant à la page 62 du premier volume:

Tout d’abord, il faudra trouver le moyen de contrer l’attribution aux personnes atteintes de trouble mental grave d’une propension exagérée à la violence.

Par conséquent, d’abord et avant tout, au nom de mon réseau, je voudrais encourager les membres du comité à faire ce qu’ils peuvent, comme d’autres pays l’ont fait, pour informer les gens au sujet de la santé mentale et pour faire ressortir le fait que les gens qui ont été diagnostiqués malades mentaux ne sont vraiment pas plus dangereux que n’importe qui d’autre dans la société. Je trouve que c’est un point fondamental. Je n’ai pas grand-chose d’autre à dire, mais je voudrais quand même ajouter quelques mots.

J’entends de nombreuses histoires racontées par les gens avec qui je travaille et que je m’efforce de servir, et je regrette de dire que certains d’entre eux ont des griefs contre le système. C’est là-dessus que je me concentre, sur les droits individuels et les soins dispensés avec compassion. Je vais m’en tenir là. Compte tenu des histoires d’abus et de mauvais traitements que j’entends, franchement, toutes les histoires qu’on me raconte, les griefs formulés par une importante minorité des membres de mon organisation, voire la majorité, je crois que le comité devrait promouvoir un contrôle plus serré des traitements dispensés dans les établissements de santé mentale. Peut-être pourrait-on y parvenir en créant un organisme d’appel des décisions rendues par les comités provinciaux de santé mentale en Colombie-Britannique, un peu comme lorsque le gouvernement fédéral s’est mêlé des systèmes d’assistance sociale dans la province, ce qui a créé ou exigé la création de tribunaux d’appel pour les assistés sociaux. Cela aiderait à atténuer les pouvoirs démesurés dont les psychiatres disposent sur les patients de santé mentale qui sont séquestrés aux termes de la Loi sur la santé mentale. Je suis sûr que le comité est au courant qu’un psychiatre ou un hôpital pour malades mentaux a beaucoup de pouvoir sur les patients, et il faut remédier à ce problème.

En plus de limiter cet immense pouvoir que possèdent les psychiatres, leur pouvoir discrétionnaire étendu leur permettant de détenir des gens et de les traiter comme bon leur semble, il faudrait aussi établir dans les provinces des mécanismes de recours en cas de grief, et peut-être le gouvernement fédéral devrait-il, étant donné son pouvoir de dépenser, exiger la mise en place de tels mécanismes.

Une autre piste de solution susceptible d’aider à améliorer les soins dispensés par les psychiatres à leurs patients, c’est la possibilité de tenir les psychiatres responsables s’ils causent de graves dommages à leurs patients. J’ai presque fini, sénateur.

En Colombie-Britannique, et je pense que c’est aussi le cas dans les autres provinces, un patient de santé mentale n’a pas le droit de donner son consentement éclairé. Je crois que le comité est au courant de cela.

Le président : C’est exact.

M. Carten : Le comité a traité de l’amoindrissement des capacités décisionnelles des personnes chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale, et je ne conteste pas que ce soit un problème, mais je vais aborder la question des directives préalables. Particulièrement en Colombie-Britannique, la Representation Agreement Act stipule que les gens peuvent nommer des représentants habilités à prendre des décisions en leur nom lorsqu’ils en sont incapables, et cela comprend le traitement des maladies mentales, mais malheureusement, la loi provinciale comporte une exception dans le cas d’une personne détenue en application de la Loi sur la santé mentale. Le réseau pour lequel je travaille estime que ce n’est pas légitime et nous allons publier un énoncé de position là-dessus. Nous estimons que les directives préalables sont légitimes pour les malades mentaux, à la fois avant et après qu’on ait fait le diagnostic.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter. En terminant, je vais lire quelques lignes de mon mémoire écrit.

L’essentiel de mon exposé n’est pas consacré à l’accès aux soins. Nous avons accès aux soins. L’accès pourrait être amélioré. Ma présentation porte plutôt sur la dignité humaine. En l’absence de droits civils, en l’absence de liberté, lorsque l’aide est imposée aux gens et non offerte, la dignité de la personne est menacée. J’espère que le comité se rappellera au moment de ses délibérations certaines suggestions que j’ai formulées et que celles-ci seront utiles et aideront le comité à produire une stratégie nationale de la santé mentale qui pourra améliorer le système que nous avons actuellement. C’est tout. Merci.

Mme Bev Gutray, directrice générale, Association canadienne pour la santé mentale, Division de Colombie-Britannique : Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui.

La division de Colombie-Britannique aimerait vous remercier, vous-même ainsi que vos collègues et vos collaborateurs, pour l’attention que vous avez consacrée à la problématique de la santé mentale au Canada et pour votre série initiale de rapports.

L’Association canadienne pour la santé mentale est le seul organisme bénévole de bienfaisance qui s’occupe de toutes les dimensions de la santé mentale et de la maladie mentale et dont la mission est de promouvoir la santé mentale de tous les Canadiens. La division de Colombie-Britannique de l’Association canadienne pour la santé mentale accomplit sa mission au moyen de l’éducation, de la recherche, du développement communautaire et de la promotion et de la défense des droits. L’un de nos objectifs de base est de promouvoir et de créer des programmes novateurs qui contribuent au rétablissement, à la prévention secondaire, à la responsabilisation et à l’intégration communautaire des personnes ayant une maladie mentale. Il y a actuellement 20 bureaux de l’ACSM partout dans la province de Colombie-Britannique qui offrent tout un éventail de services dans leur collectivité, depuis le rétablissement jusqu’au logement, en passant par l’emploi, les services d’éducation et les services de promotion de la santé mentale.

Dans le cadre de notre présentation, nous tenons à dire clairement que nous appuyons catégoriquement le travail accompli au niveau national pour l’élaboration et la mise en oeuvre d’une stratégie pancanadienne de la maladie mentale et de la santé mentale, et nous croyons que c’est essentiel pour opérer un changement global dans l’ensemble de notre pays dans la manière dont on vient en aide aux gens qui ont des problèmes de santé mentale. L’intégration du logement et du revenu dans la stratégie pancanadienne est bien détaillée dans vos rapports, en tout cas pour ce qui est du revenu. Ce sont deux déterminants critiques de la santé et notamment de la santé mentale, et nous reconnaissons donc qu’il faut concentrer nos efforts dans ce domaine.

La division de Colombie-Britannique recommande que toute stratégie pancanadienne adopte explicitement une approche de la santé mentale et des services de lutte contre les toxicomanies axée sur le contexte de l’expérience de vie des gens, reconnaissant l’importance des déterminants clés de la santé et s’attaquant aux lacunes qui existent à cet égard.

Au lieu de s’attarder aux besoins comme tels, lesquels ont été clairement exposés dans votre première série de rapports, ou bien aux grandes questions de politique générale, la division de Colombie-Britannique a choisi de mettre l’accent sur des aspects clés exposés dans le document Problèmes et options et de mettre en relief certaines stratégies et programmes novateurs qui ont été élaborés grâce aux bons offices de la division de Colombie-Britannique et des bureaux de section en Colombie-Britannique comme modèles potentiels pouvant être appliqués dans d’autres provinces.

Dans le domaine de la coordination et de l’intégration des systèmes, bien qu’il n’y ait aucun doute qu’il y a des chevauchements et dédoublements considérables parmi les ONG qui assurent la prestation des services dans le domaine de la santé mentale au niveau local, il est également critique de reconnaître qu’une grande diversité d’organisations peut en fait représenter un atout plutôt qu’un problème, permettant aux gens qui ont une maladie mentale d’avoir un éventail de choix. En particulier, si l’on tient compte du fait que beaucoup de Canadiens ne trouvent pas de services pour la santé mentale, ce n’est pas une question d’accessibilité. C’est une question d’acceptabilité. Nous trouvons que cette diversité dans le secteur à but non lucratif peut contribuer à cette acceptabilité.

Je voudrais signaler que dans la collectivité de Williams Lake, on trouve un exemple d’une coopérative d’organisations à but non lucratif appelée la Central Interior Community Services Co-op. Notre bureau de section fait partie de cette coopérative, de même que le Boys and Girls Club, le Centre de développement de l’enfance, l’Association pour la vie communautaire. De nombreuses organisations qui se sentaient menacées se sont regroupées et ont constitué une coopérative grâce à laquelle leur personnel peut acquérir des compétences. Ces organisations peuvent offrir des services plus efficaces. Elles ont une meilleure présence et font des gains d’efficience. Je vais essayer d’accélérer, sénateur.

Je veux seulement effleurer la question du dépistage et de l’intervention précoces et l’importance de mettre l’accent sur cet aspect. Nous voudrions signaler qu’il y a un autre aspect de l’intervention précoce à laquelle nous n’accordons pas beaucoup d’attention. C’est la question de la maladie mentale chez les parents. Il faut reconnaître qu’il y a des gens qui ont une maladie mentale et qui ont des enfants et qu’il faut mettre en place des services particuliers pour ce groupe. Nous savons que les enfants sont un groupe à risque. Nous croyons que ce qui a été fait en Colombie-Britannique pourrait être renforcé afin de s’assurer que les parents soient aidés, qu’ils aient une bonne santé mentale et leurs enfants aussi et qu’ils puissent avoir accès à des services sans craindre que leurs enfants leur soient enlevés.

Sur la question de l’amélioration de l’accès aux services, comme j’ai essayé de l’expliquer tout à l’heure, 76 p. 100, plus de 173 000 personnes, ne trouvent pas les services acceptables et c’est l’obstacle qui les empêche d’obtenir de l’aide. Nous croyons qu’il faut adopter une notion plus étendue de l’accès pour y inclure explicitement le concept de l’acceptabilité, parce que tellement souvent, dans la problématique de l’accès, nous tenons seulement compte des fournisseurs et des planificateurs. Nous devons faire de la recherche ciblée et communautaire auprès de personnes ayant des maladies mentales et des besoins en matière de santé mentale afin de définir plus clairement les éléments des services et aides jugés acceptables. C’est le seul moyen de faire baisser à l’avenir le chiffre que j’ai donné tout à l’heure.

Les services de santé mentale pour les enfants et les adolescents : en Colombie-Britannique, nous croyons avoir l’un des meilleurs régimes au Canada pour la santé mentale des enfants et des adolescents. Il comporte tous les bons ingrédients. On y trouve un rôle central fort. Il met l’accent sur le traitement et le soutien, la réduction du risque, le renforcement de la capacité communautaire et familiale et l’amélioration de la performance. En fait, ce qui est unique dans notre régime de santé mentale pour les enfants et les adolescents est qu’il fait également appel à la participation des groupes à but non lucratif, des membres de la famille, etc., pour la planification de nouveaux services, l’interprétation des faits et la mise en place de nouveaux programmes. Nous croyons que c’est un très bon régime, avec des éléments qui devraient peut-être être repris dans d’autres provinces.

De plus, la division de la Colombie-Britannique de l’ACSM est financée par l’Agence de santé publique du Canada pour travailler avec cinq collectivités de Colombie-Britannique et s’assurer que les voix de la famille et des jeunes sont prises en compte dans les prises de décisions et dans la planification et la prestation des services.

Je veux aborder encore deux autres points. Le premier concerne les employeurs. Une bonne partie de votre troisième rapport porte sur les questions de la santé mentale en milieu de travail. Nous voudrions dire qu’en Colombie-Britannique, nous allons bientôt lancer le programme Mental Health Works, programme qui vient de la division de l’Ontario et qui a remporté des prix; beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à la recherche et à la mise au point de ce service. Nous croyons que grâce à ce programme, nous pouvons aider les gens qui supervisent, embauchent et appuient des gens qui ont des maladies mentales dans les lieux de travail en leur fournissant les connaissances les plus récentes et les habiletés pointues dont ils ont besoin pour intervenir avant, espérons-le, que les gens se tournent vers les programmes d’invalidité de longue durée ou de courte durée. Nous vous recommandons d’envisager d’étendre à la grandeur du pays le programme Mental Health Works.

Sur la question de la lutte contre la stigmatisation et la discrimination, on m’a dit que quelqu’un a fait ce matin des commentaires sur une publicité que la division de Colombie-Britannique a faite avec un bébé. Nous l’appelons l’annonce au bébé. Nous avons été financés par les radiodiffuseurs de Colombie-Britannique pour une campagne médiatique d’un an. L’annonce montre un homme qui tient un petit bébé et on peut voir que le père est très content de son enfant et que l’enfant est content de son père, mais la caméra s’éloigne alors et une voix dit : « Vous savez, cet homme a une maladie mentale ». On revoit alors l’homme qui joue avec le bébé. La voix poursuit : « Mais vous savez ce qui est malade? C’est que votre attitude envers lui vient de changer ». Maintenant, cela a causé beaucoup de controverse et nous a attiré beaucoup de commentaires. Cependant, ce qui est triste, et je pense que cela figure également dans tous vos rapports, c’est que nous n’avons pas un effort soutenu. Que ce soit cette campagne ou une autre, nous devons être en mesure de déployer des campagnes sur une période de deux ou trois ans pour garantir un véritable impact.

L’autre question sur la discrimination est que nous savons que beaucoup d’autres fournisseurs de services ne connaissent pas grand-chose à la maladie mentale ou à la santé mentale. Ce sont des gens qui travaillent dans les bureaux des prestations pour invalidité, ou encore dans des programmes de logement ordinaires, des propriétaires, etc. La section de Vancouver-Burnaby de l’Association canadienne pour la santé mentale s’est inspirée du modèle des cours de premiers soins et a mis au point un cours de premiers soins en santé mentale destiné à des intervenants clés, des groupes clés qui travaillent avec des gens qui ont des maladies mentales mais qui ne sont pas dans le système de santé mentale. Par exemple, le niveau de connaissances sur la santé mentale des gens qui travaillent dans le programme de sécurité du revenu avant de suivre le cours était de 30 p. 100. Après avoir suivi le cours, ce niveau était de 90 p. 100. Ce cours de deux jours est donné par un professionnel et par un consommateur.

L’autre point que nous voulons signaler à votre attention — et nous savons que vous avez attiré l’attention sur notre travail dans votre rapport — est le programme Partners for Mental Health and Addictions Information de Colombie-Britannique. Nous croyons que c’est un programme unique, parce que les organisations provinciales qui s’occupent de santé mentale et de toxicomanie se sont rassemblées autour d’un mandat très vaste mettant l’accent sur l’alphabétisation de la population en matière de santé mentale. Ce que nous voulons dire par là, c’est que chacun doit posséder des connaissances élémentaires sur la santé mentale, car c’est ainsi que nous allons protéger et promouvoir notre santé mentale.

Ma dernière observation porte sur la recherche. La recherche communautaire sur la santé mentale faisant appel à une approche participative pour recueillir systématiquement de l’information directement auprès de personnes qui ont des maladies mentales est un outil que l’association, aux niveaux national, provincial et local, a utilisé pour identifier des problèmes et trouver des solutions du point de vue des gens qui ont des maladies mentales et pour leur permettre de participer davantage aux décisions. Prenons l’exemple d’un rapport que nous avons publié sur l’assurance-invalidité dans lequel on décrit de façon détaillée l’expérience des gens relativement aux programmes d’assurance en milieu de travail; nous racontons leur histoire.

À ce jour, il y a très peu sinon pas du tout d’infrastructures pour appuyer l’élaboration d’un programme national et provincial de recherche communautaire ou pour intégrer efficacement les constatations et conclusions de cette forme de recherche dans le cadre plus général des politiques de santé mentale.

Au niveau national, fournir des fonds pour la recherche et un soutien pour étoffer la littérature expérientielle, équipant ainsi les gens ayant une maladie mentale des outils voulus pour participer aux activités décisionnelles aux niveaux local, national ou provincial, est une stratégie concrète pour renforcer la participation efficace. Cela permet d’aller un cran plus loin que les commentaires anecdotiques que l’on trouve souvent dans la littérature spécialisée.

En terminant, du point de vue de la division de Colombie-Britannique de l’Association canadienne pour la santé mentale, le fait d’impliquer délibérément et systématiquement les gens dans une expérience directe en termes de formation, de recherche, d’éducation, de planification et d’évaluation des activités peut avoir et aura effectivement un impact profond sur la manière dont nos systèmes locaux et provinciaux de santé mentale fonctionneront à l’avenir. Nous vous exhortons à recommander que cette participation intentionnelle et systématique soit inscrite dans toutes les composantes d’une stratégie nationale sur la santé mentale.

Je voudrais vous remercier de nous avoir donné l’occasion de vous faire un exposé aujourd’hui.

M. Darrell Burnham, directeur général, Coast Foundation Society/Coast Mental Health Foundation : Merci de bien vouloir m’accueillir ici aujourd’hui. Je veux d’abord vous féliciter pour votre travail. Je trouve qu’il provoque la réflexion et nous fait réfléchir en tant que Canadiens sur la manière dont nous servons les gens qui ont une maladie mentale et dont nous faisons la promotion de la santé mentale au Canada. Notre tâche est difficile. Votre tâche est difficile. La situation à laquelle nous sommes confrontés est beaucoup plus complexe aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 10 ou 15 ans.

Coast Foundation existe depuis plus de 30 ans et fournit tout un éventail de services aux personnes qui ont une maladie mentale. J’ai ici une trousse d’information. Je vais essayer d’en donner seulement les faits saillants et de ne pas dépasser le temps qui m’est imparti.

Nous fournissons toute une gamme de services communautaires aux personnes atteintes de schizophrénie, de troubles bipolaires, de troubles schizo-affectifs et d’autres troubles. Cependant, de plus en plus, les gens que nous servons souffrent de troubles concurrents, de graves toxicomanies ainsi que de maladies physiques qui viennent compliquer la situation et nuire au rétablissement. Par conséquent, notre travail est un peu plus difficile aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant. De plus, la grande majorité de nos clients non seulement doivent composer avec les symptômes et les traitements de leur maladie, mais ils vivent aussi dans une grande pauvreté dans l’une des villes les plus chères d’Amérique du Nord. Une grande partie de nos efforts visent en fait à lutter contre la pauvreté. C’est une composante énorme du système de santé mentale.

Nous servons beaucoup plus de 2 000 personnes. Je veux insister sur deux catégories de services. Tout d’abord, nous fournissons des logements subventionnés. En fait, nous avons été les pionniers du logement subventionné pour les personnes ayant une maladie mentale en 1974 et nous servons maintenant plus de 544 personnes dans différents types de logements partout dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, dans des quartiers agréables. Nous avons constaté que c’est non seulement d’un bon rapport coût-efficacité, en ce sens que cela garde les gens en santé et évite l’hospitalisation, mais aussi que les gens s’insèrent dans la collectivité. Ce ne sont pas des endroits qui se font remarquer et suscitent de l’inquiétude dans les quartiers en question. Donc, le logement subventionné fonctionne.

Nous avons aussi un centre non loin d’ici dans le centre-ville de Vancouver qui s’efforce de rejoindre les sans-abri ou ceux qui risquent de le devenir et qui leur donne l’occasion de stabiliser leur vie et de faire les premiers pas vers le rétablissement. Nous avons eu une augmentation de 400 p. 100 dans l’utilisation de ce centre à l’angle de Seymour et Davie depuis son ouverture en août 2000. Il compte plus de 2 000 membres et 500 personnes utilisent régulièrement ses services.

Mon premier message au comité est qu’au Canada, il existe une grande expertise et que nous avons déjà des meilleures pratiques avérées pour appuyer le rétablissement des personnes ayant une maladie mentale. Le problème, c’est que nous sommes débordés. À Vancouver, beaucoup de composantes du système sont en crise. À l’heure actuelle, 60 p. 100 des gens qui se rendent à l’urgence à St. Paul’s se retrouvent là à cause d’un trouble psychiatrique et non pas à cause de fractures ou d’autres traumatismes. Notre collectivité est tout simplement débordée.

Troisièmement, le financement de nouvelles initiatives communautaires a décliné, comme dans le cas du logement subventionné, ou est resté stable depuis dix ans à cause des compressions fédérales et provinciales. C’est seulement depuis environ un an que l’on a injecté un tout petit peu d’argent neuf dans ce domaine pour aider à revitaliser le système et il n’est donc pas étonnant que le système soit encore plus en crise aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans.

Enfin, c’est beaucoup plus facile de prévenir le sans-abrisme que de trouver des solutions à ce problème. C’est beaucoup plus difficile de réinsérer un sans-abri dans la collectivité à titre de citoyen à part entière que d’essayer d’empêcher cette personne de tomber aussi bas et de se retrouver dans la rue.

Après avoir lu votre rapport, je voudrais faire des observations sur plusieurs aspects. D’abord le système axé sur le client et orienté vers le rétablissement. Le deuxième est la coordination et l’intégration des systèmes. Troisièmement, le rôle du tiers secteur dans la prestation des services de santé mentale. Quatrièmement, les personnes qui ont des besoins complexes, ce qui touche les sans-abri. Cinquièmement, la fourniture de ressources humaines en santé mentale. Je voudrais ajouter le fait que vous utilisez l’expression « soutien des aidants naturels ». Enfin, quel est le rôle du gouvernement canadien sur le plan du leadership du système au cours des prochaines années.

Nous convenons qu’un système axé sur le client et orienté vers le rétablissement est un élément fondamental du soin et du soutien des personnes qui ont une maladie mentale et cela représente même un changement de philosophie à bien des égards. Le chemin du rétablissement n’est pas clairement tracé sur une carte. À nos yeux, c’est une approche qui doit être tout à fait centrée sur la personne; chaque personne emprunte son propre chemin pour se réinsérer dans la société. Le système doit favoriser et faciliter cela, plutôt que de mettre en place un programme spécifique qui peut préjuger de ce chemin.

L’une des composantes est tout le domaine de la réadaptation psychosociale. Il est certain que c’est une partie centrale du domaine de la santé mentale, mais je n’en ai pas trouvé la trace dans le rapport. J’étais en Nouvelle-Écosse la semaine dernière pour la conférence nationale de Psychosocial Rehabilitation Canada, qu représente huit provinces. On vient d’ouvrir une section des maritimes. C’est le chef de file dans ce domaine. L’organisation regroupe des représentants des autorités de la santé et des organisations à but non lucratif, des consommateurs et des membres de la famille et a mis au point une philosophie des soins qui est compatible avec ce principe. Ma recommandation est que cette philosophie soit adoptée par votre comité et éclaire ses travaux.

Sur le système de coordination et d’intégration, Vancouver était considérée au début des années 90 comme l’un des meilleurs endroits au monde pour la santé mentale communautaire. Les gens venaient de partout dans le monde pour observer ce qu’on faisait si bien à Vancouver. On y trouvait des programmes novateurs et les meilleures pratiques. J’ai rencontré un collègue du Japon l’été dernier qui m’a dit : « Qu’est-il arrivé? Où tout cela est-il passé? Je ne vois plus le même sentiment d’urgence et le cadre. » C’est en partie à cause de l’argent, mais je pense aussi qu’avec le phénomène de la régionalisation, le leadership en santé mentale a été enterré dans la structure régionale. Il faut ressortir un système de santé mentale bien encadré et protégé, autrement tout se perd quand chacun rivalise pour l’obtention des rares fonds disponibles pour les soins de santé et à cause des défis énormes auxquels sont confrontées les autorités de la santé dans les provinces chargées de la prestation des soins de santé.

Ma recommandation est d’envisager des services régionaux de courtiers qui gèrent un budget clairement établi pour la santé mentale dans les régions, au lieu d’appliquer les programmes comme tels. Je dirai tout à l’heure que, parfois, les régions n’appliquent pas nécessairement des services qui sont d’un bon rendement coût-efficacité, et il y a probablement d’autres manières d’assurer la prestation des mêmes services, soit par des initiatives du consommateur, soit par le secteur à but non lucratif.

Cela m’amène au rôle du tiers secteur. J’ai été tout à fait troublé par le rapport dans lequel il était question de la nécessité de contrôler ce secteur. J’en reviens aux observations de Bev sur le conflit entre les éléments dans ce secteur. Nous avons peut-être des programmes semblables, mais on offre au moins le choix aux gens. Je dirais que bon nombre des principales percées dans la manière d’offrir les services aux personnes qui ont une maladie mentale sont venues du secteur non gouvernemental. Nous avons dans ce secteur la capacité de faire des choses que le secteur officiel est souvent incapable de faire à cause de la lourdeur de la bureaucratie. Beaucoup de programmes de gestion des cas ont d’abord été mis en place dans le cadre du modèle à but non lucratif : l’emploi de transition; à Vancouver, le modèle Car 87; la Portland Hotel Society, qui est un programme novateur pour rejoindre les personnes difficiles à loger; et bien sûr les programmes de logements subventionnés de la Coast Foundation. Ces services ont maintenant été adoptés par le système officiel et je pense donc que vous devez vous tourner vers le secteur à but non lucratif comme partenaire potentiel du gouvernement pour la prestation des services. Premièrement, cela peut être d’un très bon rendement. Nous faisons participer la collectivité à nos organisations. Nous avons des conseils d’administration bénévoles. Nous faisons des campagnes pour amasser de l’argent. Quand on amasse de l’argent, on recueille du même coup des appuis pour la cause, une compréhension de la cause, et c’est important. En Colombie-Britannique, le secteur à but non lucratif est plus petit aujourd’hui qu’il y a dix ans et je crois que c’est un problème. Je ne suis pas sûr que ce soit la même situation partout au Canada.

L’autre aspect important dans un système axé sur le client, c’est que les clients et les familles ont souvent voix au chapitre, et siègent même souvent aux conseils. Un tiers des membres du conseil de notre organisation sont des clients. Les membres de la famille qui siègent aux conseils donnent une orientation pour l’établissement des priorités. Ce sont tous des éléments importants qui doivent être favorisés dans un nouveau système de soutien pour les personnes ayant une maladie mentale.

J’ai parlé de services d’un bon rapport coût-efficacité. Nous faisons souvent appel à des non-professionnels pour assumer des rôles que les autorités de la santé confient à des professionnels. Cela ne veut pas dire que ces rôles sont accomplis de manière moins compétente que dans le système officiel, mais nous faisons appel à du personnel différent qui possède des aptitudes et capacités différentes. Souvent, nous demandons à des pairs d’offrir du counselling. Nous pouvons souvent offrir un service de qualité à un prix très inférieur, au lieu d’essayer de trouver une infirmière accréditée puisqu’elles se font très rares.

Au sujet des personnes qui ont des besoins complexes, le nombre de sans-abri à Vancouver a doublé depuis deux ans. Ce sont les statistiques pour le Grand Vancouver. Le nombre de personnes dans la rue ou dans les refuges a doublé en seulement deux ans. Cet échec s’explique par diverses raisons. Quand on bloque l’offre de logements pendant dix ans, il n’est pas étonnant que les gens se retrouvent dans la rue. C’est un élément. Toutefois, je crois aussi que ces gens-là ont des problèmes plus complexes. Une problématique de toxicomanie, besoins en santé non remplis, tuberculose, VIH/sida, hépatite C, et simplement le mode de vie malsain des gens qui sont dans la rue. Je dois dire que les gens réussissent à s’adapter et à survivre à la dure. Cependant, cela ne les aide pas quand ils veulent entrer dans les refuges ou travailler et se réinsérer dans la société. La voie de sortie de l’itinérance est pleine d’embûches.

Au lieu de réinventer la roue, il y a un excellent rapport qui traite de tous les éléments de l’itinérance, rédigé par la Substance Abuse and Mental Health Administration des États-Unis. On y trouve une liste complète aux pages 7 et 8 de tous les éléments d’un système susceptible d’aider les gens à sortir de cette situation. J’en ai abordé plusieurs. Il en est certainement question dans votre rapport. Il n’existe pas une seule solution. Franchement, s’il a fallu dix ans pour créer un problème aussi grave, il faudra au moins dix ans pour le régler. Nous devons être prêts à livrer une longue lutte.

Je voudrais maintenant vous parler des ressources humaines. Il y a un problème de rareté des professionnels. Il est certain qu’il y a une grave pénurie dans toutes les principales professions en Colombie-Britannique : sciences infirmières, travail social, thérapie occupationnelle, psychiatrie, et la situation ne va pas s’améliorer. Tout ce qu’on peut faire, c’est d’essayer d’empêcher la situation d’empirer. Le problème est que la moitié des infirmières ont plus de 50 ans, de sorte que d’ici cinq à dix ans en Colombie-Britannique, un très grand nombre de personnes ayant acquis une expertise dans le système de soins de santé seront parties. Je trouve que c’est mauvais de concevoir un système de santé mentale qui dépend en grande partie des compétences de ces rares professionnels. Le système doit faire appel à ces gens-là dans des rôles de meneurs et de gestion des cas, pour superviser des professionnels de la réadaptation. Il y a des organismes d’accréditation et d’autres manières de s’assurer que la qualité soit maintenue, mais il est possible de trouver des gens capables qui sont soit des consommateurs, soit du personnel du réseau collégial, pour remplir ces rôles importants, pourvu qu’ils soient supervisés, au besoin, par des professionnels compétents, ce qui permettrait probablement de réduire le besoin de professionnels de réadaptation psychosociale ou dans les établissements de rétablissement dans un rapport de cinq à un.

Enfin, le rôle du gouvernement du Canada : premièrement, je pense que le rôle premier est d’assurer le leadership et ce que vous faites aujourd’hui et ce que vous avez fait dans vos rapports correspond justement à ce rôle. Vous établissez les paramètres, vous amorcez la conversation. Cependant, je trouve qu’il faut faire plus que cela. Je suis d’accord avec la recommandation d’un plan d’action national complet. Je pense que le plan doit être pluriannuel. Il faut qu’il soit axé sur le long terme parce que ce ne sont pas des questions ponctuelles et simples. Malheureusement, les gouvernements vont et viennent et les responsables changent et l’élan se perd. En Colombie-Britannique, au cours des 15 dernières années, nous avons eu deux régimes de santé mentale et deux ou trois sous-plans. Tout a commencé en fanfare, mais c’est maintenant disparu. L’élan a été perdu peu après le départ. Il doit y avoir un moyen de maintenir l’élan parmi la population canadienne pour faire progresser le dossier, autrement ce sera un échec. Franchement, ce sera un échec.

Une chose que vous pouvez faire, c’est de fournir les ressources, du financement spécifique pour des solutions novatrices. Vous pouvez financer la recherche, en particulier la recherche transformationnelle, la recherche sur le plan pratique permettant d’offrir des services sur le terrain et de faire une différence dans la vie des personnes ayant une maladie mentale. Il se fait beaucoup de recherches sur le cerveau et l’activité biochimique. Les compagnies pharmaceutiques en font beaucoup parce que c’est leur gagne-pain. Cependant, il ne se passe pas grand-chose pour ce qui est de transformer de bonnes théories en pratiques et de s’assurer que les maigres fonds que nous avons soient utilisés pour mettre en oeuvre les meilleures pratiques possibles.

Je pense que vous pouvez faire beaucoup en examinant les programmes que vous administrez actuellement et qui touchent les personnes ayant une maladie mentale et en les rationalisant pour qu’il y ait moins de conflits avec d’autres éléments du système. Je sais par exemple que le régime d’invalidité du RPC est un dossier difficile. Actuellement, en Colombie-Britannique, les gens qui touchent des prestations d’invalidité doivent demander les prestations du RPC et les paiements sont donc partagés. En fin de compte, c’est très difficile à comprendre pour la personne invalide. Il faut s’adresser aux autorités fédérales aussi bien qu’aux autorités provinciales et tout devient très complexe.

De plus, je pense que vous devez vous attaquer à la question des sans-abri et du logement et mettre sur pied une initiative séparée pour cibler ce problème spécifique. Puisque vous faites un contrôle de l’état de la santé mentale parmi les Canadiens, ajoutez de nombreux éléments de mesure à ce contrôle, comme vous le suggérez dans votre rapport, examinez les symptômes, les indicateurs de la santé — qui débouchent sur l’itinérance et autres problèmes — et fixez des objectifs, car nous devons tous nous mettre en branle et progresser. Je vous remercie pour votre temps et je vous souhaite bonne chance.

Le président : Darrell, comme vous avez été le dernier à prendre la parole, j’ai le texte de votre mémoire sous les yeux. Je vais vous poser deux ou trois questions à ce sujet. Intuitivement, je suis d’accord quand vous dites qu’il est beaucoup plus facile d’empêcher quelqu’un de devenir un sans-abri que de trouver des solutions après coup. Quelqu’un a-t-il fait une analyse des données là-dessus? Un intervenant qui a témoigné ce matin a dit qu’on a fait à New York, je crois, une étude longitudinale de neuf ans sur le coût du phénomène des sans-abri. Cela coûte sensiblement plus cher que les logements subventionnés et autres programmes. A-t-on des données au Canada?

M. Burnham : Il se fait très peu de recherche sur les sans-abri.

M. Carten : Je pense que l’Association des patients de santé mentale de Vancouver a fait une étude qui montre que le logement qu’ils ont fourni a empêché l’hospitalisation de certaines personnes et a donc réduit le coût global des soins de santé. Cette association existe depuis une trentaine d’années.

Le président : Si par hasard l’un ou l’autre d’entre vous peut mettre la main sur ce rapport, pourriez-vous nous le faire parvenir?

M. Burnham : Il y en a des exemples. Il y a le rapport qu’on vient de mentionner et l’Association pour la santé mentale de Vancouver a fait un autre rapport sur le logement social, le logement subventionné permettant une vie autonome.

Le président : Cependant, les comptables n’aiment pas les intuitions, de sorte que toute donnée solide que vous pourriez me donner serait utile.

M. Burnham : Absolument.

Le président : Vous avez parlé de réadaptation psychosociale. Franchement, je ne savais même pas qu’il existait une telle association. Vous parlez de leur philosophie et de tout le reste. Vous n’avez pas besoin de le faire tout de suite, mais pourriez-vous nous donner une référence?

M. Burnham : Il y a un site Web. Je crois que l’adresse de l’association canadienne est Psrrpscanada.ca. Il y a une organisation aux États-Unis qui s’appelle USPRA — l’adresse est uspra.org —, c’est-à-dire la United States Psychiatric Rehabilitation Association. Il y a aussi la World Association of Psychosocial Rehabilitation. Ce sont trois organisations très importantes. C’est une philosophie qui est bien connue dans le domaine, mais je ne crois pas qu’elle soit aussi bien connue des autorités de la santé. Elles en mettent en pratique certains éléments, mais ne la connaissent pas vraiment.

Le président : Vous êtes la première personne à nous en parler. Cela vous en dit long.

Je veux m’assurer de bien comprendre votre concept de « courtier », parce que je pense que nous avons employé un terme différent. Vous voulez dire qu’il devrait y avoir dans les régies régionales de la santé une unité quelconque, une division, peu importe le nom qu’on lui donne, dont la tâche serait d’acheter des services de santé et non de les mettre en oeuvre; c’est bien cela?

M. Burnham : Je pense que les régies sont en fait en conflit d’intérêts lorsqu’elles dispensent les services au moyen de leurs propres mécanismes. Même si elles ne font qu’acheter des services d’autres départements des autorités de la santé, c’est déjà mieux et l’on pourra faire des choix. On peut établir des critères de performance et voir ce que l’on veut faire.

Le président : Nous avons utilisé un mot différent et nous sommes fait vertement critiquer pour cela, mais peu importe. C’est précisément le modèle que nous avons préconisé pour les régies régionales de la santé qui achèteraient des services. Quand nous l’avons d’abord proposé, c’était pour les opérations de la cataracte, les remplacements de hanches et autres choses du genre. C’est ce que je pensais que vous vouliez dire par « courtier ».

M. Burnham : Je voudrais ajouter que les gens considèrent parfois que l’octroi de contrats au secteur à but non lucratif est une forme de privatisation, et cela soulève une foule d’inquiétudes.

Le président : Certains d’entre nous auraient bien aimé que vous nous suiviez quand nous étions attaqués par la gauche. Dans notre rapport d’il y a deux ans, le comité appuyait à 100 p. 100 ce que vous venez de dire.

Ron, je sais que vous avez dit que vous avez une ébauche d’énoncé de position sur la discrimination contre les malades mentaux aux termes de la Representation Agreement Act de Colombie-Britannique.

M. Carten : C’est exact.

Le président : Vous serait-il possible de nous l’envoyer? Je comprends que ce n’est qu’une ébauche et vous n’y êtes nullement obligé. Cela nous donnerait toutefois une idée de l’ampleur des problèmes.

M. Carten : D’accord.

Le président : Bev, vous avez dit que vous avez amené les organisations du nord de la province à former une coopérative. Dans le paragraphe précédent, vous parliez d’encouragements. Quels encouragements avez-vous utilisés pour amener ces diverses ONG à travailler ensemble, ou bien est-ce seulement que vous aviez les personnalités qu’il fallait? Il y a beaucoup d’initiatives intéressantes dans le domaine de la santé mentale un peu partout au Canada et, quand on fait enquête, on se rend compte que c’est en grande partie attribuable à la personnalité des gens qui se trouvent à en être responsables. Je me demande si nous pouvons apprendre quelque chose de systémique en étudiant votre système, ou bien si c’était encore une fois une personne en particulier.

Mme Gutray : Je pense que la réponse systémique, c’était le fait que tous les organismes à but non lucratif étaient menacés de voir leurs contrats modifiés par l’organisme qui accordait les fonds. La majorité des organisations que je connais recevaient aussi des fonds considérables de notre ministère provincial de la Santé ou de ses homologues.

Le président : Les fonds pour fournir les services.

Mme Gutray : Pour fournir les services, ou bien par l’intermédiaire du ministère de l’Enfance et de la Famille. Des changements importants avaient lieu. Les responsables disaient : « Nous voulons fusionner les contrats. Nous ne sommes pas certains de vouloir accorder un contrat à l’agence A. Peut-être prendrons-nous les services assurés par les agences A, B et C pour les confier à l’agence D. » Je pense que c’est là que les personnalités entrent en jeu. Il est certain qu’il y avait dans ce groupe un leader qui voulait organiser la réponse. La façon de le faire, c’était de dire : « Nous pouvons réaliser des gains d’efficience administratifs tout en assurant des services de très grande qualité. »

Le président : L’encouragement, c’était donc la peur de se faire couper les vivres par le gouvernement?

Mme Gutray : Oui.

Le président : C’est peut-être un encouragement négatif, mais c’est certainement un encouragement.

Mme Gutray : Cependant, je voudrais vous parler des aspects positifs, parce que l’expérience a été tellement positive qu’ils travaillent maintenant tous ensemble à Williams Lake. On dirait bien que Williams Lake deviendra la capitale coopérative de la Colombie-Britannique. Ils travaillent maintenant dans le domaine du logement. Il y a plusieurs organismes de logements indépendants qui s’unissent maintenant pour acheter des services, que ce soit pour les ascenseurs ou l’entretien des pelouses, etc. Les gens commencent à comprendre où se situe leur expertise relative, et se rendent compte qu’ils n’ont plus besoin d’être experts en tout. Je trouve que c’est un énorme avantage.

Le sénateur Cordy : Comment avez-vous réalisé ce regroupement de coopératives et amené tout le monde à travailler ensemble, pour donner ce modèle magnifique? Comment les gens ont-ils renoncé à diriger leur propre organisation? Tous ont le même objectif, mais la nature humaine étant ce qu’elle est, les gens ont tendance à vouloir s’accrocher à la direction de leur organisation particulière.

Mme Gutray : Non. Nous sommes tous pareils en fin de compte. Je tiens à dire que ce n’est pas à moi qu’en revient le mérite, mais bien aux dirigeants de notre association à Williams Lake, qui ont présidé à ce changement. Quand je regarde cela de l’extérieur, ce qui rend ce modèle si attrayant, c’est qu’il n’y a pas de concurrence inhérente entre les organisations. Elles ont une clause de non-rivalité. Quand un contrat gouvernemental devient disponible, disons pour offrir des services d’emploi, les membres du groupe se réunissent et décident qui a l’expertise voulue pour répondre à cette demande de propositions. Une organisation prend la tête et peut ensuite donner un sous-contrat à une autre, mais il y a un organe de direction qui décide tout cela. Par ailleurs, ils ne sont pas tous dans le même secteur. Dans la santé mentale, cela peut être beaucoup plus compliqué, mais quand je parle de Williams Lake, il y a là-bas l’Association pour la vie communautaire, le Centre de développement de l’enfant, le Boys and Girls Club, l’Association canadienne pour la santé mentale et peut-être deux autres dont je ne me rappelle pas le nom. C’est leur force. C’est la diversité des organisations qui ajoute à la force de l’équipe, par opposition à « si l’agence A obtient le contrat, elle va me l’enlever ». Je pense que c’est ce qui explique notre succès. Les gens frappent à leur porte. Ils font de la recherche communautaire. Ils font des échanges de personnel. Si un poste devient disponible dans une agence, ils peuvent le combler à même l’effectif d’une autre agence. Je trouve que c’est un modèle extrêmement prometteur qui n’entraîne pas la perte d’identité de l’organisation. Je trouve cela passionnant.

Le président : Dites-moi, y a-t-il un encouragement autre que la crainte du gouvernement? Je n’ai pas d’objection à me servir de la crainte du gouvernement comme incitatif. J’aimerais trouver quelque chose de mieux, mais je ne suis pas contre.

Mme Gutray : Pour être claire, au départ, il s’agissait de prendre en main son propre destin. Je dirais que pour le secteur à but non lucratif, le but est d’établir son propre programme. Cependant, le succès du groupe est tellement éclatant que cela motive les gens. Le succès a permis de servir une variété de gens qui viennent frapper à la porte, en sachant qu’il y a une foule d’agences. Nous le savons tous parce que nous connaissons le secteur de la santé mentale. Il est rare, quand on a besoin d’aide, que l’on doive frapper à une seule porte. Il faut parfois frapper à deux ou trois portes. Cela a très bien fonctionné. Maintenant, la motivation tient à la fierté face au succès de leur entreprise.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que toutes les ONG locales appartiennent à cette coopérative?

Mme Gutray : Toutes celles qui voulaient se regrouper.

Le sénateur Callbeck : Oui, mais certaines ont choisi de rester à l’écart.

Mme Gutray : Initialement, c’était un groupe de cinq ou six organismes à but non lucratif. Je ne sais pas comment la coopérative réagira si d’autres organismes veulent s’y joindre ou si certains veulent partir. Pour l’instant, la coop est en plein essor.

Le sénateur Callbeck : Quand cela a-t-il commencé?

Mme Gutray : Je me trompe peut-être, mais je pense que cela date de deux ans.

Le président : Si ça marche si bien, est-ce qu’on copie ce modèle ailleurs?

Mme Gutray : J’espère qu’on va le copier ailleurs. Chose certaine, nous en faisons la promotion. À la division de Colombie-Britannique, nous présentons cela comme un modèle pour d’autres directions, d’autres collectivités. Notre propre modèle au niveau provincial découle des travaux que nous avons faits à l’organisme B.C. Partners for Mental Health and Addictions Information.

Le président : Cependant, d’après ce que vous avez dit tout à l’heure, il m’apparaît que pour que cela fonctionne à Victoria, à Kelowna, où que ce soit, il vous faudra la bonne personne sur place pour réussir.

Mme Gutray : C’est vrai dans n’importe quel domaine, n’est-ce pas? C’est vrai dans les affaires, c’est vrai dans le secteur à but non lucratif. Quelqu’un doit avoir la vision et doit pouvoir la communiquer à l’avantage de tous, et je pense que nous avons assurément les éléments voulus.

Le président : C’est exactement ce qui a rendu cette étude si difficile pour nous tous, parce que, malheureusement, nous n’arrivons pas à déterminer comment légiférer cela.

Le sénateur Cook : Pour poursuivre dans la même veine, le changement est inévitable et dans notre société, nous devrons travailler par consensus, mais je sens une certaine vulnérabilité. Je fais partie d’un petit groupe qui s’occupe d’un centre social. Nous avons résisté au concept du regroupement pour la même raison. Nous avions l’impression que si nous nous regroupions, le gouvernement considérerait cela comme un retrait de notre part et nous couperait les fonds; or l’argent est essentiel dans tout ce que nous faisons. Cinq ou six organismes obtiennent du financement chacun de leur côté; en formant un seul groupe, on met en péril la source de financement. Est-ce une réalité? Vous avez la vision, l’énergie et les préoccupations, tandis que, si j’ose dire, le gouvernement peut être impersonnel et s’occuper seulement des budgets et des bilans. Entrevoyez-vous cette menace?

Mme Gutray : Je peux signaler que, jusqu’à maintenant, ce n’est pas ce qui s’est passé. Ils ont été en mesure de convaincre les autorités qui les financent d’investir toutes les économies réalisées au chapitre administratif à la suite du regroupement pour répondre à de nouveaux besoins de leur collectivité. Il est peut-être trop tôt pour en être certain, mais il n’y a aucun mécontentement à ce jour. C’est peut-être parce que c’est encore tout nouveau.

Le sénateur Cook : Eh bien, c’est assurément une bonne nouvelle et si nous voulons des changements, c’est un modèle à suivre parce que l’union fait la force et si le noyau de base est solide, vous avez une force formidable.

Mme Gutray : En effet.

Le sénateur Cook : Susan, vous parlez du besoin d’un plan d’action national et vous réclamez du même souffle une stratégie pour la santé mentale des femmes. Je me demande seulement s’il n’est pas possible d’élaborer une stratégie nationale de la santé mentale qui engloberait toutes les clientèles que vous mentionnez sauf les femmes, parce que je crois qu’en fin de compte, à moins que nous puissions dire « il y a de la place pour vous », nous aurons échoué. J’attends de vous que vous teniez compte de toutes les populations afin de voir s’il est possible de rédiger un plan complet qui répondra aux besoins de tous et peut-être que la santé des femmes pourrait y être incluse.

Mme Friday : Je me rappelle qu’à la fin de décembre, j’ai eu pour la première fois l’occasion de prendre connaissance du rapport publié en novembre 2004. Je consultais le chapitre 5 qui traite de la prévalence et des coûts. En examinant les groupes de population particuliers d’un bout à l’autre du pays, j’ai remarqué qu’il était fait mention des Autochtones et d’autres groupes. Par exemple, je crois que les personnes âgées, les anciens combattants et les détenus étaient mentionnés. Toutefois, j’ai remarqué qu’il n’était nullement fait mention des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des transgenres, quoique la réalité est que ces groupes souffrent de taux plus élevés de troubles et de toxicomanies que la population dans son ensemble. Cette observation a influencé la présentation que j’ai formulée par la suite.

Pour ce qui est d’un plan d’action national, je crois qu’il est nécessaire, en plus de constituer un cadre de politique nationale, d’avoir une base de données nationale sur les taux de prévalence, en ce sens que si je comprends bien, le fardeau économique actuel du Canada est énorme. Il se chiffre à quelque 15 milliards de dollars par année, n’est-ce pas? C’est beaucoup d’argent. C’est un coût énorme. Je dirais, très simplement, que de dépenser plus d’argent pour la promotion et la prévention et peut-être moins pour la culture de la médication, des produits pharmaceutiques, serait une manière plus saine de procéder à long terme. J’espère avoir répondu à votre question. Sinon, n’hésitez pas à me le dire.

Le sénateur Cook : Je vous remercie d’avoir signalé cela. Vous répondez manifestement à un appel que nous avons lancé à des fins de consultation et nous voulons simplement nous assurer qu’il n’y ait aucune faille dans le système.

Mme Friday : Merci.

Le sénateur Cook : Vous avez tous évoqué d’une manière ou d’une autre une charte des droits pour la santé mentale. Eh bien, je suis une personne très simple. À l’heure actuelle, nous avons la Charte des droits et libertés. Quelle que soit la province dans laquelle vous habitez, vous avez une législation quelconque pour la santé mentale. Aujourd’hui, nous essayons d’élaborer, avec la patience de Job et la sagesse de Salomon, une stratégie nationale de la santé mentale. N’est-il pas possible de rassembler tous les éléments présents dans les autres domaines pour que ce soit pratique, pour qu’on puisse bien comprendre, pour qu’il n’y ait pas de zones floues? Je crois que c’est l’objectif et c’est l’information que nous recherchons afin d’aboutir à cela, pour ne pas avoir à s’adresser à trois ou quatre endroits; vous pouvez dire qu’il y a une place pour vous. Le défi est de savoir comment le faire pour dix provinces et trois territoires. Trouvez-vous que c’est un objectif réaliste et pouvez-vous nous aider à l’atteindre?

M. Burnham : Ce n’était pas ma recommandation, mais je vais répondre. J’ignore si cela veut dire quelque chose. Il y en a des équivalents aux États-Unis, deux lois appelées Americans with Disabilities Act et Fair Housing Act. Ce sont deux lois importantes qui accordent des droits spéciaux aux personnes handicapées pour leur permettre de participer pleinement en tant que citoyens. La Fair Housing Act, par exemple, interdit le rejet des projets de développement par des citoyens qui n’en veulent pas près de chez eux; c’est une épée que les organisations peuvent utiliser pour repousser les attaques de ce genre contre leurs activités dans le domaine du logement. La American with Disabilities Act est un peu comme notre Code des droits de la personne et stipule qu’il faut accorder des logements aux personnes handicapées et renferme beaucoup d’autres éléments.

Le sénateur Cook : Voulez-vous répondre à cela aussi, Ron?

M. Carten : Vous évoquez la possibilité de rassembler tous les services d’un même type sous un même toit?

Le sénateur Cook : Non. Je dis qu’à l’heure actuelle, nous avons la Charte des droits qui accorde des droits. Ensuite, il y a des lois provinciales sur la santé mentale qui garantissent des soins et donc certains droits. Vous demandez maintenant une charte des droits de la santé mentale et nous, nous préconisons une stratégie nationale de la santé mentale. Je me demandais seulement s’il ne serait pas possible de rassembler tout cela en un tout pour que tous les droits soient garantis par un seul instrument, parce qu’à l’autre bout, il y a d’autres éléments qui assurent l’équilibre, comme des hôpitaux, du counselling, les médicaments, le logement, la lutte à la pauvreté, et tout cela semble converger sur la même personne qui veut être un membre responsable de la société. Voilà ma question.

M. Carten : Je pense que la possibilité d’une charte des droits a peut-être été évoquée parce que c’était dans le rapport du comité; le comité semblait s’y intéresser et vous vous demandiez si nous serions disposés à en faire la promotion. Je pense que quand on parlait d’une charte des droits dans ce rapport, c’était pour garantir le droit d’accès. Vous avez soulevé une vaste question, mais les droits auxquels je songe mettent en cause le choix et l’autonomie de la personne. Nous pouvons bien discuter d’une charte des droits pour l’accès aux soins, en effet. Pour ce qui est de protéger l’autonomie de la personne, cela revient en fait au droit de refuser d’être soigné. La législation sur la santé mentale que vous avez mentionnée accorde des droits et traite des soins à donner aux gens. En fait, en général, ces lois accordent plutôt des droits à l’État ou aux psychiatres par rapport à leurs clients. Par contre, un tribunal d’appel est prévu, par exemple pour les patients de santé mentale, et j’ai suggéré qu’il pourrait y avoir un autre organisme d’appel supplémentaire.

Il faut se poser la question de savoir à qui s’adressent ces droits? Il y a des droits conférés à l’État sur la personne qui est diagnostiquée d’une maladie mentale, et il y a des droits que je préconise de conférer aux personnes qui ont une maladie mentale. Notre Charte des droits et libertés est la loi suprême. C’est une bonne chose de l’avoir. Nous pourrons toujours compter sur la Charte. Elle gouverne tout. Elle gouverne même la législation. Vous parlez d’une stratégie nationale et vous dites que tout cela relève de la Charte. C’est une question difficile, mais je pense que nous pouvons notamment faire en sorte que notre législation sur la santé mentale, qui vise à garantir des soins aux gens et à accorder des droits à l’État et aux patients, soit compatible avec la Constitution. À l’heure actuelle, les psychiatres ont un très grand pouvoir discrétionnaire pour interpréter les critères régissant la détention des gens et c’est un dossier très difficile. Vous n’avez pas dit que vous vouliez rassembler tous les éléments sous le même toit, mais je ne pense pas qu’il soit vraiment nécessaire d’avoir une stratégie qui gouverne absolument tout. Je pense que les droits doivent être uniformes d’un bout à l’autre du pays. Par exemple, je m’intéresse aux droits des patients et je suis donc intéressé à avoir des tribunaux, des comités de la santé mentale aux quatre coins du pays. Je suis intéressé à avoir un organisme d’appel à l’extérieur des hôpitaux.

Le sénateur Cook : Vous voudriez donc que tout cela soit intégré à la stratégie?

M. Carten : Oui. Je pense que le gouvernement fédéral peut jouer le même rôle qu’il a joué dans le système de bien-être social des provinces, en ce sens qu’en finançant ces systèmes, il s’est trouvé à avoir un mot à dire sur la façon dont ils sont administrés. Je pense également qu’il serait plus équitable d’avoir des normes uniformes.

Le sénateur Cook : Vous venez de me faire penser à un autre domaine, celui des soins de santé, dont tout le monde dit qu’il est universel. Eh bien, je suis désolée, mais il ne l’est pas parce que la formule varie d’une province à l’autre. Pensez-vous que dans le domaine de la santé mentale, on pourrait au moins faire en sorte que les gens aient le même accès partout? Il y a un médicament pour la schizophrénie qui est disponible en Colombie-Britannique, mais non dans ma province. Il y a des carences au niveau de la prestation et du continuum des soins.

M. Carten : À mon avis, c’est au marché qu’il incombe d’assurer la disponibilité des médicaments. Je ne pense pas qu’il appartienne à l’État de réglementer les options qui s’offrent aux consommateurs. Cela dit, dans le cas des malades mentaux, c’est un peu différent. Nous n’exerçons aucun choix. Comme on nous impose une médication, le fait d’avoir accès à la plus grande variété possible de médicaments, certains d’entre eux étant disponibles en Ontario alors que d’autres ne le sont pas au Québec ou en Alberta, n’est pas la solution aux problèmes fondamentaux qui m’intéressent. Je vais laisser mes collègues répondre au reste de la question.

Mme Friday : En ce qui concerne votre commentaire concernant un médicament pour la schizophrénie qui est disponible en Colombie-Britannique et non dans une autre province, même si je suis sensible dans une certaine mesure à cet exemple étant donné que le fait d’avoir accès à un plan de traitement par la médication peut être bénéfique, il circule depuis des années un argument qui fait contrepoids contre le recours aux antipsychotiques. On avance généralement que les médicaments antipsychotiques sont les armes les plus puissantes de la psychiatrie contre la maladie mentale, mais d’après ce que j’ai compris de la lecture de publications spécialisées, le problème de fond, c’est qu’ils semblent susceptibles de causer des dommages au cerveau à long terme chez les patients. Il semble qu’ils provoquent une modification permanente des neurotransmetteurs de la dopamine. Ces effets secondaires sérieux des médicaments antipsychotiques font problème pour moi. Par exemple, disons que si un médicament comme la loxapine est disponible en Colombie-Britannique, mais pas en Nouvelle-Écosse, en tant que patient, je serais peut-être satisfaite quand même d’être résidente de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Cook : Loin de moi l’idée de parler de la valeur d’un traitement dans une perspective médicale. Je suis simplement en quête d’uniformité dans ce domaine.

Mme Gutray : Je pense que l’objectif est de trouver le meilleur traitement éprouvé, qu’il s’agisse de médicaments ou de diverses formes de thérapies basées sur le dialogue. Nous devrions considérer que ces options font toutes partie du même tout et elles devraient être disponibles dans toutes les provinces. De toute évidence, cela serait une bonne chose. L’autre volet de l’équation, c’est qu’à ma connaissance, les autorités provinciales ont déjà commencé à discuter avec le gouvernement fédéral au sujet des médicaments qui seront disponibles. C’est ce que j’ai cru comprendre, mais je peux me tromper.

Le sénateur Cook : Oui. C’est un formulaire qui ne s’applique pas uniquement aux médicaments employés dans le domaine de la santé mentale.

Mme Gutray : Pour tout.

Le sénateur Pépin : Je vais poser ma question à Mme Gutray et à M. Burnham, mais les autres témoins peuvent répondre s’ils le souhaitent. Après vous avoir entendus, je constate que vous avez une approche très positive en matière de santé mentale, mais on nous a parlé d’un problème concernant la confidentialité des renseignements relatifs aux patients. Je voudrais que vous nous en disiez plus long là-dessus, parce que quand on a un enfant ou un adolescent ou qu’on est responsable d’un parent qui a une maladie mentale, il semble qu’il soit très difficile d’obtenir des renseignements du médecin ou des services de santé au sujet de cette personne. En tant que parent, je serais vraiment irritée, peut-être même furieuse si un médecin refusait de me répondre pour des raisons de confidentialité. Je suis d’accord avec la confidentialité. Je suis une ancienne infirmière. Je sais ce que c’est. Cependant, je ne comprends pas pourquoi, quand on a quelqu’un dans sa famille qui a une maladie mentale, on ne peut pas obtenir d’information à cause de la confidentialité. Pourriez-vous m’expliquer comment cela fonctionne et comment on pourrait peut-être apporter des améliorations ou des modifications?

M. Carten : Je peux intervenir là-dessus si vous voulez. Au sujet des enfants, je ne crois pas que la confidentialité devrait aller jusqu’à exclure les parents. Les parents doivent savoir quelle est la situation de leurs enfants et ils ont le droit d’être informés sur leurs enfants. Quant aux adultes, je pense qu’il faut traiter le patient en santé mentale, peu importe ses liens de parenté, comme une personne à part entière qui a ses droits et sa dignité et, par conséquent, en dépit de l’intérêt manifesté par des membres de la famille, le caractère confidentiel doit être maintenu.

Le sénateur Pépin : Dans ce cas, qui va aider à prendre une décision?

M. Carten : Eh bien, vous mettez en doute que la personne diagnostiquée d’une maladie mentale puisse prendre une décision. Il existe par exemple des directives préalables. La Representation Agreement Act de Colombie-Britannique prévoit cette possibilité, mais exclut explicitement les malades mentaux. Si ce droit était accordé aux gens qui ont une maladie mentale, ceux-ci pourraient nommer quelqu’un à l’avance qui serait chargé de prendre des décisions en leur nom quand ils n’en sont plus capables.

Le sénateur Pépin : On nous a pourtant parlé d’un médecin qui refusait de donner le moindre renseignement sur un enfant de 15 ans. Qu’avez-vous à dire là-dessus?

Mme Gutray : Je ne peux pas commenter la situation de cet enfant. Je souscris à ce que Ron a dit au sujet des adultes. Les gens qui ont une maladie mentale sont tout à fait capables de nommer quelqu’un chargé de prendre des décisions en leur nom quand les choses ne vont pas bien.

Le sénateur Pépin : Mais qu’en est-il des jeunes?

Mme Gutray : Pour les jeunes, non. Je ne ferai pas de commentaires là-dessus.

Le sénateur Pépin : Il semble que ce soit une réalité dans cette région du pays.

Mme Gutray : Il m’apparaît illogique que les parents ne soient pas mis en cause dans les soins dispensés à leur enfant.

Le sénateur Pépin : Avez-vous quelque chose à dire?

M. Burnham : Je ne crois pas avoir quoi que ce soit d’utile à dire. Je sais que c’est un dilemme. Je sais qu’ils veulent protéger les droits des jeunes de prendre leurs propres décisions. Je trouve que la confidentialité est invoquée beaucoup trop souvent comme un bouclier et non pas pour respecter vraiment les droits d’une personne, et nous n’avons pas trouvé le juste équilibre. Franchement, je pense qu’avec la nouvelle loi et la loi nationale sur le respect de la vie privée, cela va probablement empirer et les gens vont essayer de comprendre ce que la nouvelle loi signifie. Je m’attends à ce que la confidentialité soit utilisée plus que nécessaire dans le but de surprotéger, et en conséquence, la continuité des soins va en souffrir, et la communication parmi les gens qui doivent savoir, qui ont le droit de savoir, qui ont besoin de savoir, sera compromise.

Le président : Darrell, quand vous dites « la nouvelle loi », voulez-vous dire la loi fédérale?

M. Burnham : La loi fédérale et la loi provinciale.

Le sénateur Cook : Si je peux me permettre, monsieur le président, en fin de compte, il est impossible de légiférer le bon sens, parce que j’ai eu cette expérience. Après la mort de mon mari, ma fille est devenue très anorexique. Ce fut un voyage de trois ans. J’ai insisté un peu trop pour qu’elle me parle. Elle m’a dit : « Écoute, maman, Olga — c’est sa psychologue — dit que je n’ai pas besoin de te dire quoi que ce soit ». J’ai rétorqué : « Va voir Olga et dis-lui que ta mère, qui t’a mise au monde, a des droits et demande-lui de réfléchir à cela. En passant, est-ce qu’Olga a des enfants? » « Non, maman. » Il a fallu du temps et j’ai été patiente, mais un jour, j’ai reçu un coup de téléphone de quelqu’un qui demandait si Olga pouvait participer à la thérapie de Jane, et j’ai enfin rencontré Olga. C’est difficile, mais il faut être patient. À un moment donné, il faut affirmer son droit en tant que parent et je crois que cela doit se faire au cas par cas.

Le sénateur Pépin : Cela dépend aussi du médecin.

Le sénateur Cook : Enfin, peu importe.

M. Carten : Je suis d’accord pour procéder au cas par cas, mais je crois que le droit à l’autonomie qui a été durement gagné dans la société occidentale est un acquis. Les adultes ont le droit de décider comment ils doivent être traités et ce qu’ils veulent faire de leur vie, indépendamment des souhaits de leur famille. Un adulte a ce droit et c’est un droit durement gagné.

Le président : Nous n’avons pas besoin de débattre de ce dilemme. De manière générale, je n’ai aucune difficulté à accepter votre déclaration. Le problème est de savoir que faire quand le principal dispensateur de soins est un membre de la famille, et l’on peut supposer que c’est le patient qui a pris cette décision. Je dis seulement que si c’est le patient qui en a décidé, il me semble que cette décision s’accompagne d’une certaine responsabilité de s’assurer que le dispensateur de soins soit réellement capable d’offrir le niveau de soins voulus. Si le patient ne veut pas que le membre de sa famille le sache, alors le patient a absolument le droit de décider de dire — il y a là un compromis — « Je vais bien. C’est simplement que je ne veux pas que ce membre de la famille soit le principal dispensateur de soins ». C’est un dilemme, parce que vous avez absolument raison. Oubliez un instant qu’il s’agit de quelqu’un de la famille. C’est très difficile d’être le principal dispensateur de soins si l’on ne comprend pas la nature du problème et, en conséquence, la nature du traitement. Pourtant, la législation sur le respect de la vie privée, malheureusement, ne reconnaît pas ce dilemme. Premièrement, cette situation n’avait pas été envisagée du tout quand on a rédigé les lois en question. Notre comité a retardé leur mise en application dans le secteur de la santé pendant deux ans parce qu’elles n’ont pas été conçues pour ce secteur. Voilà le premier problème, mais c’est de l’histoire ancienne. Si les lois avaient été conçues pour le secteur des soins de santé, inévitablement, elles auraient pris en compte le contexte des soins corporels, le réseau hospitalier et des médecins, auquel cas les renseignements donnés aux dispensateurs de soins sont donnés à un médecin, une infirmière, pour qui il est tout à fait légitime de partager ces renseignements. Le problème est que la grande majorité des soins de santé mentale ne sont pas dispensés par des hôpitaux ou des médecins. Aucune loi sur la vie privée n’a jamais envisagé qu’un « service de soins de santé » ne serait pas assuré par un « professionnel de la santé ». Voilà le dilemme. Voilà la cause profonde du problème. C’est ce problème avec lequel nous sommes aux prises. Je vous dis cela pour établir le contexte, sans vouloir être en désaccord avec ce que vous avez dit.

M. Carten : L’accès aux soins est important dans cette situation. Nous devons faire en sorte que les soins de santé mentale soient plus facilement accessibles aux gens qui craindraient moins alors de s’en prévaloir.

Le sénateur Gill : En pareils cas, peut-être que les gens devraient avoir des solutions de rechange quant à la personne qui les représente. Je pense qu’il faudrait des solutions de rechange pour s’assurer que les gens soient responsables de leurs propres traitements. C’est la liberté qu’on devrait avoir. Peut-être est-ce la solution.

M. Carten : Je pense que le problème tient en partie au fait que les directives préalables sont généralement assujetties à la loi provinciale. Le comité a tout à fait raison de dire qu’il nous faut une campagne de relations publiques, comme en Australie, par exemple, mais nous avons aussi besoin de faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent se prévaloir d’une solution de rechange légale.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je crois comprendre que la plupart des crises initiales de maladie bipolaire et de schizophrénie se manifestent à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine. Maintenant, trouvez-vous raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne de 16, 17 ou 18 ans prenne cette décision de donner des directives préalables? C’est très différent à mesure qu’on chemine dans la vie et qu’on aborde la vieillesse. Cependant, je ne vois pas comment votre suggestion peut être mise en pratique, parce qu’une fois que cette crise frappe, elle exige généralement une intervention que certains décriraient peut-être comme l’usage de la force, lorsque le patient perd la raison. Comment votre suggestion peut-elle être applicable dans le cas d’une crise initiale et subite d’une grave maladie mentale?

M. Carten : Vous évoquez les jeunes de 16 ou 17 ans, mais ils sont placés sous la garde de leurs parents à ce moment-là et leurs parents peuvent donner des directives sur les soins de santé à leur donner. N’ai-je pas raison là-dessus?

Le sénateur Trenholme Counsell : Au Nouveau-Brunswick et dans d’autres provinces, pas après l’âge de 16 ans. Je ne sais pas ce qu’il en est en Colombie-Britannique.

M. Carten : Eh bien, je dirais que la loi est la loi et que la détention d’une personne est toujours controversée. C’est un problème.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cependant, si nous donnions suite à votre suggestion que les gens aient le droit de désigner la personne qui parlera en leur nom lorsqu’ils ne pourront plus le faire eux-mêmes, je m’interroge seulement sur l’aspect pratique, sur la manière dont cela pourrait se faire. Si la crise du trouble bipolaire se déclenche chez les jeunes à l’âge de 19 ou 21 ou 22 ans, pensez-vous qu’en pratique, ils auraient réfléchi à l’avance à cette éventualité?

M. Carten : Je comprends ce que vous dites. Quand une personne est en crise, on peut se demander si elle est en mesure de donner des directives préalables; mais si ces questions sont suffisamment publicisées, les gens vont se rendre compte ou devraient se rendre compte que leurs soins de santé sont très importants quand ils ne sont pas en mesure de prendre des décisions concernant leur état. Les parents devraient même encourager leurs enfants à établir des directives préalables dans l’éventualité d’une crise de maladie mentale, d’un accident de voiture, d’un accident de ski ou quoi que ce soit.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez bien formulé votre argumentation. C’est quelque chose que la société doit favoriser. Je voulais vous interroger sur la réadaptation psychosociale. En quoi cela diffère-t-il du travail effectué par un travailleur social en psychiatrie?

M. Burnham : Eh bien, c’est intéressant. Il y a très peu de formation en réadaptation psychosociale pour les travailleurs sociaux en psychiatrie ou même pour les infirmières en psychiatrie. J’ai entendu dire l’autre jour qu’on donnait seulement quelques jours de formation dans ces deux disciplines, tout au moins en Colombie-Britannique. La réadaptation psychosociale est un domaine d’étude. C’est une manière d’aborder la question et de dispenser des services et de soutenir les personnes ayant une maladie mentale. Les travailleurs sociaux en psychiatrie sont des professionnels qui travaillent en psychiatrie à titre de travailleurs sociaux. Ils utilisent la pratique du travail social dans le domaine de la psychiatrie.

Le sénateur Trenholme Counsell : J’essaie de comprendre tout cela. Le modèle est que vous avez des cliniques de santé mentale où l’on trouve des psychiatres, des psychologues, des travailleurs sociaux en santé mentale, etc., et cela devient le premier point de service, et ensuite, des agences communautaires et d’autres organismes peuvent intervenir. Laissez-vous entendre que le modèle que vous recommandez devrait remplacer cela?

M. Burnham : Non. Les cliniques peuvent fonctionner avec un modèle de RPS, une approche, une philosophie et des principes établis en conséquence, et même une équipe de travailleurs qui en font la promotion. En fait, les cliniques de santé mentale dirigées par la Vancouver Coastal Health Authority utilisent souvent le modèle de la RPS comme manière d’appuyer les gens. Ils utilisent aussi d’autres modèles.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous voulez dire le psychosocial?

M. Burnham : La réadaptation psychosociale.

Le sénateur Trenholme Counsell : Non. Ce n’est pas de ça que je parle. C’est une école de pensée en soi. Je parlais seulement de la Colombie-Britannique et de votre Coast Foundation Society; obtenez-vous des fonds du gouvernement?

M. Burnham : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quel pourcentage?

M. Burnham : Environ 60 à 65 p. 100.

Le sénateur Trenholme Counsell : Servez-vous de complément à la clinique de santé mentale?

M. Burnham : Oui, c’est ce que nous faisons. Nous prenons en charge les clients. Nous fournissons des services. Les gens habitent dans nos logements, mais ils obtiennent des services cliniques par l’entremise des équipes de soins locales, de médecins privés, de psychiatres privés, ou bien par leurs propres méthodes.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mais ils peuvent toujours retourner à la clinique de santé mentale, au psychiatre qu’ils avaient au début ou quoi que ce soit.

M. Burnham : C’est un complément du système officiel des cliniques.

Le sénateur Trenholme Counsell : Certains membres de notre comité sont en faveur de l’achat de services. Pas moi, et c’est un autre débat que nous avons au comité. Ron, vous avez dit que les patients en santé mentale ne choisissent pas leurs médicaments. Estimez-vous que vous êtes singularisé en l’occurrence? Parce que je dirais qu’un patient qui a une crise cardiaque ne choisit pas non plus ses médicaments.

M. Carten : En fait, j’ai été un patient en santé mentale et je choisis mes médicaments.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cependant, estimez-vous qu’il devrait y avoir des arrangements différents dans la manière dont la médication est déterminée? Trouvez-vous que ce devrait être différent pour les patients en santé mentale, les patients souffrant de troubles cardiaques, ceux qui ont le cancer, les diabétiques, etc.?

M. Carten : Qui prend la décision dans ces cas?

Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, je vous le demande. Cela devrait-il être différent?

M. Carten : Eh bien, je trouve que c’est une situation très difficile. À long terme, les patients en santé mentale doivent être mis au courant des avantages et des risques des médicaments ou des traitements qu’on leur dispense.

Le sénateur Trenholme Counsell : Oui, mais on peut en dire autant d’une femme qui a l’intention de prendre de l’œstrogène ou de quelqu’un qui compte prendre une pilule pour le cholestérol ou de l’acutane pour l’acné aigu ou quoi que ce soit, il y en a toute une liste. Je trouve que c’est en effet la responsabilité, de connaître le pour et le contre, les effets secondaires, de savoir à quoi s’attendre.

M. Carten : C’est le consentement éclairé.

Le sénateur Trenholme Counsell : Ce n’est pas vraiment un consentement éclairé. Ça, c’est quand vous allez chez le dentiste et qu’on vous dit que vous pourriez subir une paralysie nerveuse. Vous signez un document ou quoi que ce soit. Ça, c’est un véritable consentement. Enfin, je ne veux pas dire que l’on devrait aller jusque-là dans une clinique ordinaire; il n’est pas vraiment nécessaire de donner son consentement pour se faire prescrire un médicament. Je pense que le consentement éclairé est une procédure un peu plus juridique.

M. Carten : En Colombie-Britannique, il n’est pas nécessaire de signer un formulaire quelconque. C’est seulement la responsabilité du médecin de donner quatre ou cinq éléments de base du traitement.

Le sénateur Trenholme Counsell : C’est cela : d’expliquer le médicament aux patients.

M. Carten : Oui, le médicament ou n’importe quel autre traitement.

Pourrais-je demander si l’un de nos membres pourrait faire une observation?

Le président : Pourvu qu’elle parle dans un micro.

Mme Lara Pole, membre, Vancouver-Richmond Mental Health Network : Je m’appelle Lara Pole et je suis membre du Vancouver-Richmond Mental Health Network. Je voulais seulement répondre à ce que vous avez dit au sujet des jeunes qui nomment une personne chargée de prendre des décisions à leur place. Je trouve que le problème du système psychiatrique actuel est que, quand quelqu’un est en crise, on commence par l’enfermer et le droguer et on ne l’écoute que plus tard. Ce qui se passe, c’est qu’on peut faire intervenir quelqu’un en qui on a confiance. Cette personne établit une sorte de rapport avec vous. Cette personne vous connaît et a plus de chance de vous écouter et de vous comprendre et d’avoir une meilleure idée de ce qui vous serait utile sur le plan de la santé. Même si vous avez 16 ans, vous savez avec qui vous pouvez établir de bons rapports. Vous savez à qui vous pouvez faire confiance. Je ne vois vraiment aucun problème pour les jeunes. Dans notre province, je pense que c’est 19 ans de toute façon, mais je ne vois aucun problème à ce que les jeunes qui ont moins d’expérience de la vie choisissent quelqu’un capable de leur servir d’intermédiaire.

Le sénateur Trenholme Counsell : Oh, non. Je trouve que c’est bon que ce choix puisse se faire. Je dis seulement que la plupart des jeunes de 16, 17 ou 18 ans pensent qu’ils sont en bonne santé. Ils ne pensent jamais être atteints d’une maladie grave. On voit rarement des adolescents qui réfléchissent à l’éventualité d’une maladie grave. C’est pourquoi nous ne pouvons pas dire aux jeunes que le tabagisme cause le cancer. Ils sont incapables de faire ce saut dans le temps, surtout si ça les touche personnellement. Je parle seulement de l’aspect pratique d’être confronté à cela. Je pense que Ron nous a donné un très bon exemple de la manière dont nous pourrions nous y prendre, parce qu’il a utilisé l’analogie d’un accident de voiture. C’est tout à fait pertinent. Cependant, actuellement, si quelqu’un subit une crise de trouble bipolaire à l’âge de 19 ans, il n’y a probablement pas réfléchi au préalable. Cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas faire mieux, et dès que les gens atteignent l’âge de la majorité, ils prennent une décision.

Mme Pole : En effet. Je trouve que c’est intéressant et, en fait, j’y ai réfléchi, quoique la question ne se limite pas à cela. Si quelqu’un subit une première crise à 19 ans, il y réfléchit par la suite. Ensuite, à 19 ans et demi, quand il va mieux, il est en mesure de nommer quelqu’un.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je trouve que c’est tout à fait pertinent. Nous ne le faisons probablement pas et ce serait un progrès pour notre société.

Susan, je voulais vous interroger au sujet de votre déclaration suivante : « Les femmes ont presque deux fois plus de chances que les hommes de connaître la dépression et l’angoisse ». Je sais que les femmes demandent de l’aide presque deux fois plus fréquemment que les hommes, mais sur quoi cette déclaration est-elle fondée? Je pense que les hommes ont beaucoup d’angoisse. Je me demande seulement si c’est bien exact. Les femmes vont voir le médecin plus souvent, mais les hommes composent-ils avec leur angoisse de manière différente?

Mme Friday : Je vais me faire un plaisir de répondre à cette question. Je voudrais citer un bulletin publié par les Centres of Excellence for Women's Health Research, dont j’ai ici un exemplaire. Je cite:

Le mouvement pour la santé des femmes et trois décennies de promotion de la santé, de recherche et de pratique ont démontré que la santé des femmes est inextricablement liée au contexte de la vie des femmes.

Autrement dit, je pense que l’une des principales raisons pour lesquelles les femmes demandent plus souvent de l’aide, que ce soit au bureau du médecin ou en demandant du counselling ou en s’adressant à un refuge, ce sont les facteurs sociaux très réels, les déterminants sociaux qui sous-tendent le problème.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cependant, avez-vous une source pour affirmer que les femmes ont deux fois plus de chances de connaître l’angoisse que les hommes?

Mme Friday : J’ai trouvé cette déclaration dans cette recherche.

Le sénateur Trenholme Counsell : C’est là-dedans? Je voudrais seulement savoir s’il y a une source.

Mme Friday : Je me suis levée à 4 heures ce matin pour rédiger mon mémoire.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je n’ai pas l’habitude de défendre les hommes, mais je donne probablement cette impression.

Mme Friday : Je dirais que je suis capable d’une empathie considérable pour les hommes. Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je pense que les hommes ont beaucoup d’angoisse.

Mme Friday : Je comprends cela. Si vous observez brièvement la condition humaine et le fait que nous sommes tous humains, je pense qu’il y a un grand fondement existentiel pour l’angoisse que nous ressentons parfois. Il n’y a aucun doute là-dessus. Être humain, c’est une affaire complexe et chargée de stress.

Si je peux me permettre, j’aimerais beaucoup revenir sur la comparaison entre prendre de l’oestrogène et prendre des médicaments antipsychotiques. Je peux certainement vous parler de l’oestrogène. Je prends actuellement de l’oestrogène et du Provera. Ce sont deux hormones féminines. Prendre de l’oestrogène, c’est surtout de nature physique, quoi que ce soit en partie psychologique parce qu’il y a des récepteurs dans le cerveau où réside l’oestrogène. Par conséquent, cela influe sur l’humeur dans une certaine mesure, mais je pense que c’est surtout physique. Par exemple, l’oestrogène peut épaissir un peu le sang. Dans mon cas, je dois prendre un anticoagulant comme la vitamine E de temps en temps pour m’assurer de ne pas avoir de crise cardiaque ou d’embolie pulmonaire ou quoi que ce soit.

Maintenant, disons que je suis en crise et qu’on m’hospitalise en psychiatrie; un médecin, un psychiatre, sans m’avoir consulté, veut décider de me prescrire des médicaments antidépresseurs. Disons qu’il décide de me prescrire un médicament comme le Seroquel ou le loxapine, qui sont tous les deux des neuroleptiques, et qu’il ne me dit pas un mot au sujet des effets secondaires. Je dois les découvrir moi-même. Je peux dire bon, d’accord, dans le cas de l’oestrogène, il y a un certain risque d’épaississement du sang et il faut s’en occuper. Maintenant, dans le cas de médicaments neuroleptiques et antipsychotiques comme le Seroquel ou le loxapine, cela devient tout de suite une affaire grave. L’effet secondaire possible s’appelle le syndrome malin des neuroleptiques, qui peut provoquer l’hyperthermie, une forte augmentation de la température corporelle qui peut causer à son tour une grave déshydratation et des dommages cellulaires.

Pour revenir à la dopamine et aux neurotransmetteurs, on peut souffrir d’une altération permanente des neurotransmetteurs dans le cortex, ce qui peut causer une altération permanente de la personnalité, surtout dans le cas de l’utilisation à long terme des médicaments antipsychotiques. Je crois qu’il y a un risque certain de modification durable de la personnalité, touchant la capacité de ressentir de l’empathie envers d’autres êtres humains. Une personne peut devenir indifférente.

Le sénateur Trenholme Counsell : En toute justice, ne devrions-nous pas dans le cadre de ce débat faire la différence entre la thérapie et la médication en cas de crise, alors que le patient ne peut décider, ni une autre personne à sa place, et la thérapie continue, auquel cas le patient a un rôle décisionnel? N’êtes-vous pas d’accord là-dessus?

Mme Friday : D’aucuns diraient qu’en cas de crise grave, on administre des médicaments antipsychotiques seulement pour une brève période, pendant quelques jours. Cependant, il y a le danger que le patient soit piégé ou qu’il devienne accroché à ce médicament et qu’il trouve de plus en plus difficile de s’en passer. Certains soutiennent qu’il serait peut-être préférable de ne jamais administrer le médicament au départ.

Le sénateur Cordy : Bev, vous avez dit que 5,4 p. 100 des Britano-Colombiens ont des besoins en santé mentale. De ce nombre, 76 p. 100 ont identifié l’acceptabilité des services et des aides comme obstacle. Que voulez-vous dire exactement? Est-ce que les aides ne répondent pas à leurs besoins? Je voudrais que vous me précisiez cela.

Mme Gutray : J’aimerais pouvoir le faire. Je pense que c’est l’un des éléments de la recherche que nous devons vraiment mieux comprendre. Dans l’enquête de Statistique Canada, les gens disent : « Oui, j’ai un problème, mais non, je n’irais pas demander de l’aide. » Maintenant, cela peut s’expliquer par diverses raisons, et je pense que c’est un élément de la recherche qu’il faut approfondir, parce que nous avons souvent bâti nos systèmes de santé mentale à partir de l’idée qu’il en faut toujours davantage. Il y a toujours une dimension où il en faut plus. Si nous avions seulement plus de services, tout irait mieux. Même quand on en ajoute, c’est la même chose, et cela ne répond pas à la question de savoir pourquoi les gens ne demandent pas le service.

Le président : J’ai déjà travaillé dans le secteur des études de marché. Le danger de cette question, c’est que la réponse peut simplement refléter un niveau d’attente de la part des clients qui est tellement élevé qu’il est impossible de produire des services qui seraient jugés acceptables. Par conséquent, puisque ce chiffre de 76 p. 100 flotte quelque part, il est crucial de comprendre ce que cela veut dire en réalité.

Mme Gutray : Je suis d’accord, et c’est pourquoi nous disons qu’il faut approfondir la recherche.

Le président : Savez-vous si quelqu’un prévoit le faire?

Mme Gutray : Non, pas à ma connaissance. Peut-être pourriez-vous en faire la recommandation.

Le sénateur Cordy : Vous voudriez que cela figure dans notre rapport. Cependant, c’est un pourcentage élevé, comme le président l’a dit, 76 p. 100 des gens qui ont besoin de services.

Mme Gutray : Nous ne savons pas ce que cette dimension signifie. Cela pourrait aussi refléter un certain taux de honte, de discrimination.

Le sénateur Cordy : C’est vrai, et cela m’amène à ma question suivante. Vous avez aussi soulevé la question de la stigmatisation dont nous avons assurément entendu parler à maintes reprises. Vous avez parlé d’un programme de formation de deux jours à la section de Vancouver-Burnaby de l’ACSM. Qui suit ce programme? Est-ce que vous l’annoncez et les gens s’inscrivent, ou bien ciblez-vous les gens qui participent au système?

Mme Gutray : Le groupe cible du programme de premiers soins en santé mentale est en fait celui des autres fournisseurs de services. Ce pourrait donc être le bureau du shérif, ou encore des employés du soutien du revenu. Ce sont des gens qui ont beaucoup d’interaction avec des personnes ayant une maladie mentale et qui, le plus souvent, ne sont pas bien renseignées sur la question, sur la réalité des maladies mentales, et sur ce qu’ils peuvent faire pour se rendre très utiles.

Le sénateur Cordy : Comment avez-vous établi que leur niveau de confiance pour ce qui est de reconnaître et d’intervenir est passé de 30 à 90 p. 100? Quelle méthode avez-vous utilisé pour vérifier cela?

Mme Gutray : C’était un sondage.

Le sénateur Cordy : Juste après qu’ils aient terminé le cours?

Mme Gutray : Oui.

Le sénateur Cordy : Le sondage a-t-il été fait le jour même ou deux semaines plus tard?

Mme Gutray : Il a été fait peu de temps après.

Le sénateur Cordy : Le jour même. D’accord.

Mme Gutray : Vous évoquez le besoin de faire une autre recherche et nous le savons tous, mais c’est un programme relativement nouveau. La réaction a été positive. Je pense que la caractéristique unique est que les formateurs sont jumelés : un professionnel et une personne ayant une maladie mentale. Ils sont rémunérés et sont perçus comme formant une équipe de professionnels.

Le sénateur Cordy : C’est un excellent début. Les gens se portent-ils volontaires pour suivre ce programme ou bien sont-ils choisis?

Mme Gutray : Ils sont choisis.

Le sénateur Callbeck : J’ai deux ou trois questions au sujet du mémoire de Darrell, mais j’invite les autres à commenter aussi la phrase suivante : « [...] les organismes à but non lucratif ont plus de chance d’offrir les services avec un meilleur rapport coût-efficacité, ne comptant pas aussi étroitement sur des professionnels accrédités et rares [...] mais sur des praticiens expérimentés du niveau collégial. »

M. Burnham : Eh bien, en toute franchise, si vous avez dix personnes sur le terrain qui dispensent le service et que leur salaire moyen est de 35 $ l’heure ou 20 $ l’heure, c’est là que se situe la différence. S’il y a un professionnel accrédité qui supervise les neuf autres employés, cela fait une différence énorme dans le coût de la prestation des services. Par ailleurs, si l’on intègre des travailleurs qui sont des pairs, ou si l’on forme des clients pour jouer ce rôle, cela change le profil du service. C’est souvent plus acceptable pour les clients. Les services qui sont assurés par les organismes sans but lucratif ou communautaires sont souvent plus accessibles. Ils ne sont pas considérés aussi menaçants. Il n’y a pas de psychiatre sur place et l’idée qu’une petite feuille rose de congédiement puisse être délivrée n’est généralement pas envisagée. On peut obtenir beaucoup de soutien informel, d’entraide entre les pairs. Dans un cadre d’intervention en groupe, les gens trouvent souvent leurs solutions non pas nécessairement chez les professionnels, mais chez un voisin qui a vécu la même situation et qui peut avoir trouvé le moyen de s’en sortir. Il y a bien des manières de s’y prendre, il n’est pas nécessaire d’avoir toujours cinq professionnels pour dispenser un service. Cela répond-il à votre question?

Le président : Il vaut la peine de signaler qu’il se trouve qu’au cours des deux dernières semaines, deux études ont été publiées, une du vérificateur général de l’Alberta et l’autre par Eleanor Kaplan, qui a déjà été ministre de la Santé en Ontario, mais qui travaillait dans le cadre d’une commission royale. Dans les deux cas, on a étudié la prestation des services, en l’occurrence les services de soins à domicile, dans leurs provinces respectives. Les deux études sont arrivées clairement à la conclusion que la structure de propriété du service de soins à domicile n’a aucune incidence sur l’efficience ou la qualité. Dans les deux cas, on a examiné tout l’éventail des services. Ils ont étudié les services offerts par le gouvernement, ainsi que par les organismes à but non lucratif et les organismes lucratifs. Les études portaient en fait sur autre chose, mais les deux ont conclu catégoriquement que l’on pouvait trouver des gagnants et des perdants, du bon et du mauvais dans les trois systèmes et que la structure de propriété n’avait aucun rapport avec la qualité des soins. J’ai pensé que je devrais vous mettre au courant de cela. J’en conclus que si c’est vrai pour les soins à domicile, qui est probablement le service social touchant le plus vaste éventail de fournisseurs, c’est une preuve solide.

M. Burnham : On y offre aussi un vaste éventail de services.

Le sénateur Callbeck : Qui sont les praticiens expérimentés de niveau collégial? Que voulez-vous dire par là?

M. Burnham : Normalement, ce sont des gens qui ont obtenu un certificat en santé mentale de deux ans au Collègue Douglas. Nous employons souvent des diplômés en psychologie ou des titulaires d’autres diplômes et qui ne sont pas des travailleurs sociaux autorisés. Normalement, il faut deux ans ou plus d’études collégiales. Nous avons aussi des étudiants du niveau de la maîtrise, mais ils font une maîtrise en psychologie et ne sont pas autorisés.

Le sénateur Callbeck : Vous dites qu’il y a un cours de deux ans?

M. Burnham : Oui.

Le sénateur Callbeck : Je voulais aussi poser une question au sujet de la réadaptation psychosociale. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là.

M. Burnham : C’est une philosophie de service. Elle repose sur de nombreux principes qui aident les clients à participer à leur propre cheminement thérapeutique, à son orientation. Elle est axée sur certains principes d’autonomie. J’aurais dû apporter la liste des principes en question.

Mme Gutray : Je peux vous en dire un peu plus. La réadaptation psychosociale est issue d’une formation en ergothérapie. C’est la base. À moins que cela ait changé, cette formation a été conçue à l’origine à l’Université de Boston par des gens comme Marianne Farkus, etc. Elle s’articule autour de la foi en la réadaptation. C’est une démarche axée sur la réadaptation, sur le rétablissement. Dans ce contexte, les dispensateurs de soins travaillent avec les gens en fonction de leurs espoirs et de leurs rêves à eux, alors que traditionnellement, on mettait l’accent sur ce que de multiples intervenants croyaient que les patients pouvaient accomplir. Mon information date peut-être un peu, mais c’est ainsi que je comprends cette philosophie.

Le sénateur Gill : Je ne veux pas commencer une longue discussion, mais vous savez qu’au sein de la société, il existe différents groupes ayant des valeurs, une culture et une éducation différentes, et ainsi de suite. Je voudrais savoir si des Autochtones sont membres de votre association et de vos réseaux. Je sais que les Autochtones de cette province reçoivent certains services.

Mme Friday : Je pourrais répondre brièvement à cette question. Au réseau de santé mentale de Vancouver-Richmond, qui est notre plaque tournante, on compte 11 groupes facilités, sous la direction de chefs de groupe. L’un d’eux est un groupe autochtone. Ses membres participent à un cercle de discussion autochtone. Tous les consommateurs/survivants qui ont des antécédents autochtones, et d’autres aussi, sont les bienvenus dans ce groupe qui leur permet d’avoir leur mot à dire et de s’engager dans un processus de guérison fondé sur un appui mutuel, une forme de soutien par les pairs. Ils peuvent discuter de leurs problèmes ouvertement et recevoir du soutien.

J’ajouterai une dernière petite chose : cette approche axée sur le client est extrêmement précieuse en ce sens qu’elle favorise le cheminement vers la guérison en installant un climat de sécurité psychologique qui permet aux gens de se sentir libre de s’engager dans une voie ou une autre.

Le sénateur Gill : Je veux savoir s’ils reçoivent des services de groupe ici.

M. Burnham : Dans la région de Vancouver, la bande Musqueam reçoit des services de la part d’une équipe spécialisée en santé mentale et elle bénéficie de soutiens sur la réserve. De nombreux Autochtones vivent au centre-ville, sans doute en nombre disproportionné, et ils reçoivent des services soit par l’entremise du réseau de soutien autochtone ou d’organisations de santé mentale comme la nôtre. Nous comptons de nombreux membres.

Le sénateur Gill : Le système de santé provincial s’applique-t-il à eux?

M. Burnham : À l’extérieur de la réserve.

Mme Gutray : Je peux simplement vous dire ce que nous faisons, en tant qu’association. Chose certaine, nous travaillons en partenariat avec un certain nombre de bandes lorsque nous organisons la journée nationale de la détection de la dépression. À cette occasion, des activités sont organisées dans toute la province. Un groupe assez important d’Autochtones participent à la prestation de ce programme. Ce n’est pas suffisant, mais c’est une indication des efforts que nous faisons pour rejoindre la population.

Le sénateur Pépin : J’aimerais vous citer:

L’organisme de financement peut faire en sorte d’accroître les avantages et de minimiser les inconvénients relatifs aux ONG en proposant des incitatifs qui favoriseront la collaboration plutôt que la concurrence.

Le président : Que pensez-vous de l’idée d’imposer à une organisation financée à même les deniers publics l’obligation de collaborer? Vous avez dit que le premier moteur de la collaboration était la crainte face aux mesures que le gouvernement provincial envisageait de prendre. Devrions-nous intégrer de façon permanente cette condition au processus, en disant aux organisations que si elles veulent obtenir un soutien, elles doivent jouer en équipe? Nous avons pensé de garder les meilleures questions pour la fin, comme on fait dans les émissions de jeux télévisés.

Mme Gutray : C’est une question qui revêt une grande portée. Des modèles différents fonctionnent à différents endroits, et je vais vous répondre en donnant l’exemple d’un autre modèle.

Je vais vous donner l’exemple du B.C. Partners for Mental Health and Addictions. Dans le contexte de ce modèle, tous les intervenants étaient forcés de travailler ensemble; ce n’était pas un partenariat volontaire. Pour les organismes spécialistes de la santé mentale et des toxicomanies, il y avait une dimension additionnelle car bon nombre d’entre nous pensions que nous pouvions faire le travail de l’autre tout aussi bien. Ce fut un partenariat difficile parce qu’il a fallu composer avec les valeurs différentes de chaque organisation, et d’ailleurs, ce processus est toujours en cours. En outre, étant donné que l’environnement financier était complètement déstabilisé, nous ne savions pas si le bateau sur lequel nous nous embarquions allait flotter ou couler.

Certes, la collaboration serait la voie privilégiée par l’organisme bailleur de fonds. Cela dit, il faut analyser très soigneusement le profil des groupes que l’on réunit car ce ne sont pas tous les intervenants qui font de bons partenaires. À Williams Lake, l’obligation de collaborer n’a pas été imposée par le bailleur de fonds, mais par les groupes eux-mêmes qui ont dit : « Nous devons contrôler notre réponse au cadre de financement. Nous devons en assumer la responsabilité. »

Autrement dit, vous pouvez toujours faire une ordonnance — un peu comme une ordonnance médicale, mais vous constaterez que le même médicament ne fonctionne pas nécessairement pour deux patients différents, et il est probable que le modèle coopératif, s’il devait être imposé, donnera de bons résultats pour certains et non pour d’autres. Il y a des dimensions différentes, et c’est ce que j’essaie de vous faire comprendre.

Le sénateur Pépin : Je suis d’accord avec vous. Selon l’endroit où l’on est, l’approche pourrait être légèrement différente, mais vraisemblablement, si c’est obligatoire pour obtenir du financement, les gens seront forcés de collaborer et, ultérieurement, d’échanger l’information. Pensez-vous que ce partage d’information devrait être une condition du financement?

Mme Gutray : Si je le pense? Non. Je crois plutôt qu’on devrait fortement le suggérer. Ce devrait être un élément dont on tient compte dans la demande de financement.

Le président : Vous préférez l’approche du parrain plutôt qu’une obligation en règle?

Mme Gutray : Oui.

Le président : Faites-leur une offre qu’ils ne peuvent refuser.

Le sénateur Pépin : Nous sommes allés à Brandon, au Manitoba, la semaine dernière. On nous a dit qu’un hôpital avait fermé et que par la suite les intervenants avaient mis sur pied un système axé sur la collaboration et le partage d’information qui fonctionnait très bien. Vous avez aussi adopté une approche en ce sens.

Mme Gutray : Tout à fait.

Le président : Je vais vous demander de faire un commentaire, Darrell, mais étant donné que le sénateur Pépin a mentionné Brandon, vous serez ravi d’apprendre qu’essentiellement, on a créé là-bas un guichet unique pour l’ensemble du système. Vous savez ce qui les a forcés à agir? Comme il n’y avait qu’un seul psychiatre pour toute la région de Brandon, en fait, tous les services devaient être prodigués par des personnes qui n’étaient pas malades. Ce modèle vous aurait plu. Il n’imposait pas la collaboration, mais les bonnes personnes ont pris les choses en main pour que le système fonctionne et maintenant, c’est incroyable.

M. Burnham : Souvent, je pense qu’il est préférable de recourir à des incitatifs financiers plutôt que de heurter les gens de front. Par exemple, si l’on pouvait trouver un moyen de conserver les économies découlant de la collaboration, si on pouvait dire : « Si vous vous organisez de façon plus efficiente, nous ne ferons pas de retenues fiscales ». À ce moment-là, quelle est la motivation? Ces économies peuvent être réunies ou gardées individuellement. Ce serait un incitatif très intéressant. Cela ne coûterait pas plus cher, mais on susciterait ainsi une certaine motivation, une raison de trouver une façon de faire en sorte que cela fonctionne. D’après notre expérience des partenariats, ils sont tous différents, et c’est comme un mariage. Si cinq organisations sont en cause, c’est un mariage de cinq personnes, et vous savez combien c’est difficile parfois avec un partenaire seulement. Avec quatre ou cinq, il faut vraiment faire des efforts. Mais l’idée qu’une loi pourrait imposer cela me fait peur.

Le président : C’est donc une véritable motivation.

Mme Gutray : Il y avait le modèle de Williams Lake. On avait permis aux organisations de conserver les économies et de les réinvestir dans d’autres domaines, à leur guise. C’est important.

Le président : Je vous remercie tous d’être venus.

Voulez-vous dire quelque chose, madame Nazif? Je sais que vous avez comparu devant le comité ce matin, mais nous serions ravis d’entendre vos commentaires.

Mme Joan Nazif, présidente, Comité consultatif de la famille des services de santé mentale de Vancouver : J’aimerais faire un commentaire au sujet des personnes qui doivent prendre des médicaments. Ma fille avait 27 ans lorsqu’elle est tombée malade. Ce n’était pas une enfant. Elle était extrêmement délirante. Elle vivait dans les rues de Vancouver. Elle a contracté la cellulite et on lui a dit qu’elle devrait aller à l’Hôpital St. Paul’s toutes les semaines pour obtenir un antibiotique intraveineux, et c’était tout ce qu’on était prêt à faire pour elle. Elle a contracté la cellulite parce qu’elle souffrait d’une maladie mentale. Elle avait besoin de médicaments antipsychotiques. Malheureusement, il lui a fallu passer deux ans et demi à l’hôpital parce qu’elle était réfractaire. Les personnes qui souffrent de troubles psychotiques ont besoin de traitements. Nous, qui sommes en santé, pouvons décider si nous voulons prendre un médicament. Ma fille serait morte aujourd’hui si on ne lui avait pas imposé un traitement. Elle serait au cimetière. Par conséquent, pour l’amour du ciel, il faut faire preuve de bon sens. Il arrive qu’il soit nécessaire de prescrire à certaines personnes un traitement et une médication contre leur gré. Elle ne voulait pas être soignée.

Le président : Merci de ce témoignage.

Mme Gutray : J’aimerais répondre, sénateur. Chaque province a une loi sur la santé mentale qui précise à quel moment il est nécessaire d’intervenir. Je prendrai l’exemple de notre propre loi. Elle comporte une disposition de placement sous garde dans la communauté qui permet aux personnes atteintes d’une maladie mentale d’être sous surveillance tout en vivant dans la collectivité. Cependant, cette disposition ne prend pas en compte l’expérience de traitement antérieur des individus. Si je ne me suis pas conformée à une ordonnance dans le passé, c’est peut-être en raison des effets secondaires des médicaments ou des combinaisons de médicaments. Le message de Ron et des membres de la famille est clair : il faut un équilibre. Il faut adopter une approche équilibrée, raisonnable. Merci.

Le président : Merci à tous d’être venus.

La séance est levée.


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