Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 3 - Témoignages du 1er décembre 2004
OTTAWA, le mercredi 1er décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 20 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Le Comité sénatorial des transports et des communications continue ce soir son étude du rôle que l'État devrait jouer pour aider nos médias d'actualité à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.
[Traduction]
Je veux remercier Allan Thompson de l'École de journalisme et des communications de l'Université Carleton de s'être joint à nous en cette soirée hivernale.
Vous avez une note biographique sur M. Thompson. Je veux souligner qu'avant de se joindre à l'Université Carleton il y a un peu plus d'un an, M. Thompson a travaillé pendant 17 ans au Toronto Star et aussi pour d'autres journaux. Il a travaillé à Toronto; il possède une longue expérience de la colline parlementaire. Il a été à l'étranger, et j'aimerais en savoir davantage à ce sujet.
Merci encore d'être venu nous rencontrer. Je pense que vous connaissez notre fonctionnement. Nous vous demandons de faire un exposé d'une dizaine de minutes, puis nous vous poserons des questions.
M. Allan Thompson, professeur, Université Carleton, témoignage à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner devant ce comité, madame la présidente. C'est pour moi une nouvelle expérience, à tous égards. En tant que journaliste, j'ai l'habitude d'être un observateur, de prendre des notes, plutôt que de prendre la parole en consultant mes propres notes.
Je suis encore en transition entre le journalisme et l'enseignement. Pendant les 17 premières années de ma carrière, j'ai travaillé au Toronto Star, et j'ai passé une dizaine d'années sur la colline parlementaire comme correspondant politique. À l'été 2003, j'ai accepté un poste de professeur à temps plein à l'École de journalisme et des communications de l'Université Carleton.
Je continue de publier une chronique hebdomadaire sur l'immigration dans le Toronto Star. Elle paraît dans la section « Life », si le sujet vous intéresse. Je travaille aussi comme pigiste.
Vous avez donc devant vous un journaliste qui n'est pas encore tout à fait un professeur. À cette étape-ci de ma métamorphose, je n'ai pas de nouvelle recherche à vous communiquer, aucune étude fracassante sur l'état des médias canadiens, aucune critique sur les conséquences de la convergence. Toutefois, j'ai quelques idées à vous soumettre et j'estime qu'elles sont liées à votre mandat.
D'après ce que je comprends, ce comité a entrepris d'examiner le rôle que devrait jouer la politique publique pour aider à garantir que les médias d'information canadiens demeurent sains, indépendants et diversifiés.
J'aimerais consacrer le temps qui m'est imparti à répondre à deux questions que vous avez posées, c'est-à-dire « les Canadiens disposent-ils d'une quantité suffisante d'information sur les affaires internationales, nationales, régionales et locales? », et « Les Canadiens ont-ils accès à suffisamment de nouvelles internationales présentées dans une perspective canadienne par des journalistes canadiens en poste à l'étranger? »
La réponse à ces deux questions est non.
Je m'intéresse surtout aux nouvelles internationales. Quand j'étais au Toronto Star, ma principale tâche était de couvrir les affaires étrangères, la défense et la politique de l'immigration. J'ai aussi fait un certain nombre de reportages pour le Toronto Star en Afrique, par exemple, mais je n'ai jamais été correspondant permanent à l'étranger.
Je vais reprendre les propos d'autres témoins qui ont comparu devant ce comité et qui ont dit que les médias canadiens n'accordent en général pas assez d'attention aux affaires étrangères, plus particulièrement au monde en développement.
Pensons à l'Afrique. La correspondante du Globe and Mail en Afrique, Stephanie Nolen, a écrit plus tôt cette année dans le Ryerson Review of Journalism qu'elle faisait partie d'une poignée de correspondants canadiens à temps plein sur ce continent. Ce sont ses propres termes, une poignée de gens...
... pour couvrir 56 pays, une demi-douzaine de guerres, trois famines naissantes, l'industrie minière la plus corrompue au monde — et, bien sûr, le fait que 36 millions d'individus sont atteints du VIH/sida et qu'ils mourront dans moins de 10 ans, sans oublier certaine intervention internationale de grande envergure.
Le Toronto Star, mon ancien employeur, a fermé son bureau en Afrique au début des années 1990, au moment où l'Afrique du Sud émergeait de l'apartheid et où le Rwanda avait amorcé sa descente aux enfers.
Le Globe and Mail n'a ouvert son bureau en Afrique que récemment. Il y a quelques années, CTC News a ouvert un bureau africain à Kampala, en Ouganda, qu'il a confié à M. Murray Oliver.
La télévision de Radio-Canada/CBC a un correspondant à Dakar, M. Jean-François Bélanger, alors que la radio de la société d'État n'a pas, il me semble, de bureau en Afrique, mais fait largement appel à des reporters locaux.
CanWest/Global, l'un des médias canadiens les plus importants, n'est que faiblement représenté en Afrique, ou ne l'est pas du tout. Son prédécesseur, Southam News, a fermé son bureau d'Afrique dans les années 90.
J'ai peut-être oublié quelqu'un dans ce survol rapide. Toutefois, je pense que vous me comprenez. On pourrait compter sur les doigts d'une main les correspondants canadiens permanents en Afrique.
Comme mon ancien collègue du Toronto Star, M. Jim Travers, vous l'a dit au printemps dernier, la pénurie de correspondants canadiens en Afrique signifie que les services d'information comptent de plus en plus sur les agences de transmission, les pigistes et les correspondants de dernière minute pour couvrir des événements complexes et à rebondissements, au détriment de la continuité, du détail et du contexte.
En tant que Canadiens, nous y perdons quand nos médias d'information sont forcés de compter sur les reportages produits par d'autres.
Plus tôt cette année, nous avons tenu un symposium d'une journée à Carleton sur les médias et le génocide au Rwanda. Soit dit en passant, une émission de neuf heures sur cet événement est encore transmise dans le site Web du symposium, à www.carleton.ca/mediagenocide. J'ai donné plus d'information au greffier.
Pendant le symposium, nous nous sommes penchés sur une équation importante relativement aux médias : d'un côté, le rôle qu'ont joué les médias locaux au Rwanda en appelant au génocide par la diffusion de propagande haineuse à la radio et, de l'autre côté, le rôle des médias étrangers.
Il est généralement admis que la plupart des agences de presse étrangères ont d'abord mal compris la nature des assassinats au Rwanda, et qu'elles les ont présentés comme le résultat d'une guerre tribale plutôt que comme un génocide organisé.
Au plus fort du massacre, beaucoup de téléspectateurs occidentaux étaient obnubilés par un autre événement : la télédiffusion de la fuite en voiture de l'acteur O.J. Simpson de la maison de Brentwood, où sa femme avait été assassinée.
Il y a un débat à savoir si une couverture plus éclairée et complète du génocide au Rwanda aurait pu freiner ou même stopper le massacre, en alertant l'opinion internationale. Certains se sont demandé si le fait que les médias occidentaux n'avaient pas suffisamment parlé du génocide au Rwanda a pu contribuer à l'indifférence et à l'inaction internationales et, par conséquent, au crime lui-même?
Aux fins de la discussion d'aujourd'hui, j'estime juste de dire que nous avons raté l'événement au Rwanda, principalement parce que nous ne nous sentions pas concernés et que nous n'étions pas là.
Nous pourrions être en train de commettre la même erreur en Côte d'Ivoire et au Darfour, ou à un autre endroit qui échappe entièrement à l'attention des médias.
Je réitère ici le regret de longue date que ressentent ceux qui s'intéressent aux affaires étrangères, et surtout à l'Afrique et à d'autres parties du monde en développement — ces questions sont balayées du revers de la main par les médias d'information canadiens. Il est ironique de constater que plus notre capacité est grande, moins nous en faisons.
À l'occasion de mon premier voyage en Afrique en tant que journaliste, en 1990, la seule pièce d'équipement que j'avais ferait rire mes étudiants aujourd'hui. C'était une machine à écrire — même si elle était électronique et qu'elle pouvait enregistrer un peu de texte. Je télécopiais mes articles au Gemini News Service, à Londres.
À l'occasion de mon plus récent voyage en Afrique, en avril dernier, quand j'ai accompagné M. Roméo Dallaire à son retour au Rwanda, j'avais pris des dispositions pour que quelqu'un me remette un téléphone mobile dès mon arrivée à l'aéroport. Littéralement, à partir du moment où j'ai posé le pied à Kigali, ce téléphone mobile était prépayé, prêt à fonctionner et capable de le faire dans tous les coins du pays. J'envoyais mes articles et des photos numériques au Toronto Star par courriel, à l'aide d'une connexion Internet à mon hôtel ou dans les cafés Internet qui se sont multipliés à Kigali et partout au pays.
À certains égards, il est devenu relativement facile de transmettre des reportages depuis toutes les parties de l'Afrique. Toutefois, pour une raison quelconque, moins de reportages nous parviennent d'Afrique, et non davantage.
Cela dit, il est vrai que le Parlement ne peut pas dire aux journaux, ni aux réseaux de télévision et de radio du Canada qu'ils doivent avoir des bureaux à l'étranger, ou qu'ils devraient accorder de l'attention au monde en développement ou aux affaires étrangères.
Essayer de promouvoir une couverture médiatique plus poussée des affaires étrangères et du monde en développement est un objectif louable, mais il existe très très peu de moyens d'action qui permettraient d'atteindre cet objectif.
Toutefois, je crois qu'il existe un moyen très sous-utilisé, un moyen qu'on a laissé s'atrophier depuis quelques années, après les réductions budgétaires du début des années 90.
Mon objectif aujourd'hui est de vous aider à formuler une recommandation unique et ciblée à inclure dans votre prochain rapport — alors, à vos crayons.
L'État devrait consacrer davantage de ressources aux bourses de recherche, aux prix et aux subventions de recherche destinés aux étudiants en journalisme, et plus particulièrement aux journalistes qui sont en début de carrière.
Comme je l'ai dit, il y a peu de moyens d'action à la disposition de ceux qui cherchent à influencer directement le contenu de nos journaux et de nos nouvelles télévisées, et c'est peut-être mieux ainsi. Toutefois, j'estime qu'il y a des motifs d'agir à la base et de chercher à produire des journalistes curieux, bien informés et qui ont beaucoup voyagé. Ces journalistes feront une contribution directe en diffusant leurs reportages alors qu'ils bénéficient d'une bourse de recherche. Surtout, pendant des années, ils travailleront de l'intérieur même des médias pour inciter leur employeur à accorder plus d'attention à l'Afrique et au monde en développement.
Je suis un produit de ce système. Après avoir terminé mes études à l'école de journalisme, j'ai fait une maîtrise en relations internationales grâce à une bourse de 10 000 $ de la Gordon Sinclair Foundation. Cette bourse a changé ma vie. Elle m'a aussi permis de rencontrer ma future épouse pendant mes études en Angleterre, mais c'est une autre histoire, une histoire heureuse, je me permets de le préciser.
Quelques années plus tard, à une époque où j'étais impatient d'explorer le monde, j'ai eu la chance de remporter la bourse Gemini, qui était financée à l'époque par le Centre de recherches pour le développement international, une société d'État canadienne. Cette bourse de 25 000 $ destinée à de jeunes journalistes m'a permis de travailler pendant huit mois au Gemini News Service, à Londres, une agence d'information qui se consacre aux pays en développement, et de passer cinq mois en Afrique, ma première expérience de ce type de journalisme.
Je vous épargne mes albums de coupures de journaux et de photos, mais permettez-moi de vous dire ceci : cette bourse financée par l'État a transformé ma carrière de journaliste. Ce voyage en Afrique est devenu le premier de multiples voyages que j'ai faits au cours des années subséquentes.
En raison de mon intérêt pour l'Afrique, stimulé par une bourse décernée par un organisme de l'État, pendant les années suivantes, j'ai réussi à convaincre le Toronto Star de m'envoyer en Afrique une douzaine de fois, dans des pays comme la Somalie, le Rwanda, le Zaïre et le Sierra Leone.
Au fil des ans, la bourse Gemini a aussi changé la vie d'autres personnes. D'autres boursiers Gemini, y compris Kelly McParland, qui a connu une longue carrière de correspondante étrangère et qui est maintenant rédactrice des affaires étrangères pour le National Post; Tina Spencer, qui a fait des reportages remarquables sur l'Armée de résistance du Seigneur en Ouganda; Scott Simmie, qui a fait des reportages pour la CBC sur la place Tiananmen; Jane Taber, qui travaille au Globe and Mail; Sue Montgomery, journaliste et chroniqueuse de longue date à The Gazette, à Montréal; et beaucoup d'autres encore. À la fin de 2001, plus de 30 journalistes canadiens avaient reçu une bourse Gemini.
Malheureusement, la bourse Gemini a été supprimée il y a environ un an, par manque de fonds. Je pense que c'était une erreur regrettable. En effet, nous avons perdu l'un des rares mécanismes qui servaient à stimuler l'attention des médias pour le monde en développement.
Je crois que vous devriez examiner de plus près l'état actuel du soutien gouvernemental pour la formation et le perfectionnement des journalistes, et les bourses de cette nature. Je maintiens que c'est un excellent outil de promotion d'une plus grande diversité à long terme dans les médias canadiens et d'une attention accrue pour les enjeux internationaux.
De nombreux organismes gouvernementaux contribuent à la politique étrangère du Canada. C'est notamment le cas du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, du ministère de la Défense nationale, de l'Agence canadienne de développement international — l'ACDI — du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, du Conseil privé et du ministère des Finances. Tous ces ministères et services consacrent de fortes sommes à ce qu'on appelle vaguement « les affaires publiques et les médias ». Toutefois, la plus grande partie de cet argent est consacrée à polir l'image de ces ministères et de leurs ministres respectifs, à promouvoir des politiques et des programmes auprès des médias. C'est légitime. Néanmoins, j'affirme que chacun de ces ministères devrait créer un programme complet et non limitatif de bourses, de prix, et de perfectionnement professionnel à l'intention des journalistes, de la même nature que la bourse Gemini, dont j'ai parlé plus tôt.
Imaginez les retombées si, tous les ans, chacun de ces organismes subventionnait seulement une ou deux de ces bourses, permettant à des journalistes en début ou en milieu de carrière d'élargir leurs horizons, de renseigner davantage les Canadiens sur le monde qui les entoure et sur la place du Canada dans le monde.
Inutile de réinventer la roue. L'ACDI a, de loin, le programme le plus complet de ce genre, le Programme d'information sur le développement. Elle consacre quelques millions de dollars par année à ce programme qui finance des journalistes désireux de faire des reportages ou des voyages de recherche dans le monde en développement. Je n'ai pas l'intention de vous fournir une description détaillée du Programme d'information sur le développement de l'ACDI, mais vous voudrez peut-être inviter quelqu'un de l'ACDI pour le faire.
Le Centre de recherches pour le développement international, le CRDI, souvent décrit comme une agence sœur de l'ACDI, a aussi un programme de perfectionnement des journalistes, mais pour l'instant, il est surtout destiné aux étudiants de programmes d'études supérieures en journalisme. La bourse décernée aux journalistes sur le marché du travail, dont j'ai bénéficié en 1990, n'existe plus.
Affaires étrangères Canada n'a pas de programme de bourses ou de prix destiné aux journalistes. Ce ministère offre chaque année des séances de formation et d'information à des étudiants en journalisme.
Le Programme pour la sécurité humaine d'Affaires étrangères Canada propose un large éventail de bourses de recherche mais, pour autant que je sache, aucun qui soit destiné aux journalistes désireux d'aller à l'étranger.
Affaires étrangères Canada et Commerce international Canada dirigent aussi un programme appelé Jeunes professionnels à l'international, un programme de stage financé conjointement et conçu pour aider les jeunes à faire des stages de travail à l'étranger, un programme dont les journalistes pourraient bénéficier, mais qui n'est pas conçu pour eux.
Le ministère de la Défense nationale gère un vaste programme de relations avec les médias, et il offre une certaine formation aux journalistes qui ont l'intention de se rendre dans les zones d'hostilités ou de combat. Encore une fois, pour autant que je sache, ce ministère n'offre pas de programme de bourses ou de prix aux journalistes. La situation est la même à Citoyenneté et Immigration Canada, à Finances Canada, au Conseil privé et dans tous les autres organismes de l'État qui ont un rôle à jouer en politique étrangère canadienne.
C'est un survol rapide. Je crois qu'en tant que comité, vous devriez demander à chacun de ces ministères qui participent à la formulation et à l'application de la politique étrangère du Canada de vous faire rapport sur leurs programmes de bourses et de prix de cette nature qui sont destinés aux journalistes.
Cherchez un moyen de rendre cette information plus accessible au public. Je propose d'y consacrer un portail dans le Web. Vous pourriez ensuite repérer les lacunes et presser le gouvernement canadien de consacrer davantage de ressources à la formation des journalistes, aux bourses et aux prix.
Le sénateur Carney : Votre idée est excellente. Madame la présidente, je ne sais pas si nous avons une liste de ces programmes, ou si nous pourrions demander une liste des programmes existants.
La présidente : Nous n'en avons pas, mais croyez-moi, j'ai l'intention de proposer au comité directeur que nous en demandions une immédiatement.
Le sénateur Carney : Excellent.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la Bourse Gemini? Qui est-ce qui la finançait? De quoi s'agissait-il? Était-elle suffisamment financée? Quel en était le fonctionnement? Si c'était 10 000 $, ce ne serait pas beaucoup aujourd'hui.
M. Thompson : Je peux trouver de l'information sur la date de création. J'étais la quinzième ou vingtième personne à la recevoir. Au début des années 80, ils ont financé ce programme; au début, c'était 25 000 $ par année, ce qui, même à l'époque, n'était pas assez d'argent pour vivre à Londres et voyager au tiers monde.
Le sénateur Carney : Quand vous dites « ils », de qui parlez-vous?
M. Thompson : Du Centre de recherches pour le développement international, qui est une société d'État, une agence sœur de l'ACDI, mais qui gère principalement de la recherche sur le développement plutôt que des programmes de développement.
Le CRDI a pourvu cette bourse, en collaboration avec une petite agence de presse de Londres, appelée Gemini News Service, qui s'intéressait avant tout au monde en développement et qui produisait des reportages distribués à 200 ou 300 journaux du monde entier.
Quant au fonctionnement du programme, en fait, le CRDI finançait indirectement cette petite agence de presse en lui fournissant chaque année un Canadien qui y travaillait comme rédacteur. Ce Canadien était un journaliste en début ou en milieu de carrière. Il fallait compter environ cinq ans d'expérience pour poser sa candidature. La bourse était décernée en fonction de la présentation d'un projet de voyage sur le terrain. Le boursier passait huit mois à Londres. Pendant quatre ou cinq mois, il pouvait aller où il voulait avec les ressources qui lui étaient octroyées, et faire de la recherche et des reportages sur une question liée au monde en développement.
Mon exposé a porté sur l'Afrique du Nord, où j'ai fait une étude sur ce qui s'appelait alors l'Union du Maghreb arabe, qui était une sorte de pendant nord-africain à l'Union européenne.
Le sénateur Carney : C'était vraiment axé sur le développement. Ce que vous affirmez, c'est que s'il y avait plus d'organismes d'État qui offraient davantage de bourses, la portée serait plus vaste que simplement le perfectionnement des journalismes, ce qui est une bonne idée.
Pouvez-vous me dire pourquoi la bourse a été supprimée, alors qu'une trentaine de journalistes en avaient bénéficié? De toute évidence, elle suscitait de l'intérêt.
M. Thompson : Je pense que c'était une question de financement. D'après ce que je comprends, on voulait cesser de fournir de la main-d'œuvre à une agence de presse britannique et offrir directement les fonds à des étudiants canadiens. La bourse Gemini a été remplacée par un programme qui propose des fonds de recherche à des étudiants diplômés, des étudiants à la maîtrise en journalisme qui veulent aller dans le tiers monde et faire de la recherche sur un projet d'information. Des étudiants de Carleton en ont bénéficié. C'est un programme utile et admirable. J'estime que l'autre n'aurait pas dû être supprimé pour financer le programme de recherche à la maîtrise.
Le sénateur Carney : Y a-t-il une demande pour des journalistes mûrs, comme certains d'entre nous l'ont été, qui ont besoin de prendre congé des chroniques hebdomadaires, des éditoriaux ou de tout le reste, et de refaire le plein d'énergie en puisant à de nouvelles sources et en rehaussant ce que Mme Kim Campbell appelle le capital intellectuel? Croyez-vous qu'il y aurait un intérêt chez vos collègues pour cela?
M. Thompson : Il y en aurait certainement. Cela dépendrait. Si vous deviez énoncer des priorités, quelles seraient-elles? Qui cibleriez-vous? Vous obtiendriez un meilleur rendement avec des journalistes en début ou en milieu de carrière, des gens qui n'ont peut-être pas encore eu de contact avec le monde en développement et ses enjeux, et qui ont cette occasion grâce au financement offert par un organisme. Dans la même veine, si j'étais resté plus longtemps au Toronto Star, je serais devenu l'une de ces personnes. De plus en plus, il y a des gens qui ont fait leur chemin dans le système, qui ont travaillé comme correspondants à l'étranger et qui parviennent à l'autre bout du système, qui sont à un stade avancé de leur carrière et qui aimeraient faire de la recherche et se réorienter. Bien sûr, en vous proposant de cibler les jeunes journalistes, je n'exclus pas de cibler aussi d'autres individus.
Le sénateur Carney : J'aimerais discuter du motif pour lequel les journaux et les réseaux de télévision ferment leurs bureaux à l'étranger. Je sais que les coûts sont un facteur. M. Joe Schlesinger, un correspondant étranger de la CBC, a indiqué, officiellement et officieusement, le coût de garder quelqu'un sur le terrain. C'est très élevé. Est-ce une question de coût? Une question de sécurité? Y a-t-il un manque d'intérêt chez les lecteurs? Quelles sont les raisons invoquées pour fermer un bureau à un moment où la plupart des événements se produisent en Asie et en Afrique, et à des endroits que nous ne connaissons même pas?
M. Thompson : Je ne peux vous donner que des renseignements ponctuels. Je n'ai jamais travaillé au palier administratif où ces décisions sont prises.
Dans le cas du Toronto Star, je crois comprendre que la direction a reformulé ses priorités et décidé de consacrer l'argent qu'elle avait dépensait jusqu'alors dans un bureau en Afrique ou en Amérique latine à la couverture des nouvelles locales torontoises. Elle a enrichi son cahier sur l'actualité torontoise. Je ne sais pas si c'était un transfert direct de ressources, mais il me semble que c'était la raison invoquée.
Le sénateur Carney : Cela refléterait la concurrence à l'échelle locale, j'imagine. Avec l'arrivée du National Post, du Globe and Mail et du Toronto Sun, le Star avait besoin d'accroître sa couverture nationale afin de conserver sa place dans le marché. Je pense que c'est ce qui s'est produit. C'est bénéfique.
Le sénateur Milne : Monsieur Thompson, vous avez parlé de votre retour au Rwanda avec le général Dallaire et de la manière dont vous êtes passés de la machine à écrire électronique au téléphone. J'espère que vous pouviez prendre des photos de vous, car l'on peut faire cela de nous jours.
La manière dont les Canadiens obtiennent leur information change très rapidement, et c'est un changement de génération. Il y a une différence entre les jeunes et les personnes de mon âge. Depuis que les nouvelles méthodes sont disponibles, je sais que le comité a entendu des arguments à l'effet qu'Internet compétitionne maintenant les médias d'information traditionnels. Que pensez-vous de ces nouvelles tendances?
M. Thompson : Ce que bien des gens ne voient pas dans les discussions au sujet des développements technologiques dans les médias, des médias qui sont en concurrence, c'est que je n'ai pas trouvé encore d'ordinateur qui peut faire des entrevues, faire de la recherche et rédiger des histoires. Peu importe le véhicule que nous utilisons pour transmettre quelque chose, pour atteindre notre audience, heureusement, nous avons encore besoin d'un être humain qui prend des décisions en bout de ligne. Parmi les milliards de choses qui se sont passées hier, laquelle a retenu mon attention? Qu'est-ce qui me poussera à faire de la recherche, à me documenter, à rédiger quelque chose à ce sujet et à le transmettre à un auditoire canadien? Nous pouvons nous perdre parfois dans des discussions au sujet des développements technologiques et oublier le fait que cela dépend encore de la personne qui communique cette information. Qui dans le monde décide des histoires qui retiendront notre attention? Si nous perdons cela de vue, je crois que nous perdons quelque chose. Nous perdons une voix canadienne, l'interprétation des événements et le sens de ce qui compte dans le monde pour les Canadiens. Au plan technologique, il est très facile pour un organisme d'information d'obtenir des nouvelles et de l'information de diverses sources. Nous nageons dans l'information. Cependant, je crois encore que tout cela est une question de voix et que cela dépend du reporter qui est sur le terrain, des reporters qui représentent la société canadienne et qui leur fournissent de l'information.
Le sénateur Milne : Vous avez absolument raison lorsque vous dites que nous avons besoin de quelqu'un pour le faire, et cette personne doit avoir un intérêt et de l'expérience. Depuis que Star, pour qui vous avez travaillé, a fermé son bureau en Afrique, et depuis que d'autres gros médias ont fait la même chose, où sont les médias qui couvrent l'Afrique?
M. Thompson : Dans le cas de Star, l'entreprise utilise beaucoup des pigistes et des dépêches. Elle a des ententes avec de grandes firmes comme le New York Times pour obtenir des dépêches.
Le sénateur Milne : Obtenons-nous cette information principalement auprès de médias américains? Utilisons-nous assez de médias européens, au moins, pour obtenir une perspective différente?
M. Thompson : L'information provient largement de médias américains, je crois, mais il faudrait le vérifier. C'est presque une question d'analyse du contenu.
Au sujet du Toronto Star, cette société possède actuellement un éditeur étranger qui était auparavant un correspondant d'Afrique. Lorsqu'il le peut, il s'arrange pour financer directement des reportages sur le terrain. Il m'a envoyé deux fois en Afrique cette année à titre de pigiste. J'y suis allé en janvier pour faire un reportage sur M. Roméo Dallaire et sur son témoignage au tribunal du Rwanda et j'y suis retourné en avril, avec M. Dallaire, pour le 20e anniversaire du génocide. À ces deux occasions, Star a payé pour obtenir un reportage sur le terrain.
Le sénateur Milne : Vous n'auriez probablement pas pu obtenir cette histoire auprès des médias américains.
M. Thompson : C'est un très bon point. Il y a eu très peu d'attention d'autres médias pour ces histoires. Si Star s'était fiée à des agences de transmission, elle n'aurait pas pu obtenir le matériel que je leur ai envoyé, car j'étais littéralement leurs yeux, leurs oreilles, et je notais tout. Je savais qui était mon auditoire. Je pense que je savais l'importance que les Canadiens accordent à M. Dallaire, ce qu'il représente, les valeurs qu'il défend, tous cela. Un reporter américain ou anglais aurait pu écrire une bonne histoire à ce sujet, mais il n'aurait pu l'écrire pour les Canadiens. En fait, j'étais là-bas avec un reporter anglais qui semblait perdu — je ne me souviens plus de son nom, alors je n'ai pas à m'inquiéter de raconter cela. Il avait été envoyé à la dernière minute et n'avait aucune idée de l'identité de M. Dallaire ni de son histoire. Il m'a demandé si je voulais partager mes notes avec lui et si je pouvais l'informer sur ce qui c'était passé la veille. Il aurait bien pu fournir cela à certains de mes concurrents canadiens qui n'avaient pas envoyé de reporters sur le terrain.
Le sénateur Milne : Vous avez fait une suggestion intéressante, que les ministères du gouvernement prennent une partie de leur budget alloué aux médias, qui est habituellement utilisé pour faire de la publicité pour le ministère ou pour les ministres, et cetera — je n'ai pas dit cela — et qu'ils l'utilise pour offrir des bourses de recherche. C'est une idée très intéressante. Il serait difficile de les persuader de faire cela, mais je vous remercie d'avoir fait la suggestion.
M. Thompson : Il y a quelque chose pour eux. L'ACDI, par exemple, permet à des douzaines de journalistes de faire un travail sérieux dans des pays en voie de développement. Ce n'est pas tellement pour faire de la publicité, ils veulent plutôt attirer l'attention sur les programmes et les priorités de l'ACDI. C'est assez équitable.
Une bonne partie de ce financement est tout à fait illimité. Les personnes intéressées peuvent faire une proposition : je désire aller au Mali pour faire un reportage sur telle question, qui est très importante selon moi. Ce type d'initiative sera financé.
Leur site Web est assez bon. Il donne des données sur tous les projets qui ont été financés depuis quelques années. Vous pouvez obtenir rapidement des informations sur le type d'initiatives qui ont été financées.
[Français]
Le sénateur Chaput : Les propriétaires de médias sont à la recherche de profits. Il y a les nouvelles et les informations que les Canadiens ont le droit ou devraient recevoir ou ont besoin de connaître. Y a-t-il une incompatibilité entre la recherche de profits versus ce que nous avons le droit de recevoir en tant que Canadiens?
[Traduction]
M. Thompson : C'est une énigme très difficile à résoudre. Nous avons d'assez bonnes sources de médias dans ce pays. Nous sommes assez bien servis par les médias d'information. Une partie de la raison pour laquelle nous avons de si bons médias, c'est parce que c'est rentable. Il peut être rentable de diriger un journal, une télévision, une radio. Si ce n'était pas le cas, ils ne seraient pas ici.
Il y a très peu de médias altruistes. Par le passé, un propriétaire du Toronto Star avait essayé de tourner ce journal dans une direction et le gouvernement provincial a empêché le journal d'être une corporation complètement altruiste, au lieu d'une entreprise. La réalité maintenant, c'est que tous ces grands organismes de médias sont des entreprises qui ont comme priorité première de faire des profits.
La question réside dans la marge de profit. Que faut-il choisir entre une marge de profit de 20 p. 100 avec très peu de couverture à l'étranger et une marge de profit à 10 p. 100 et plus de couverture à l'étranger, lorsque la couverture à l'étranger est un objectif désirable?
De quelle manière les organismes de journaux et de médias peuvent respecter des standards? Il y a peu d'outils pour y arriver. Nous ne le faisons pas vraiment pour d'autres industries.
Nous avons des normes de sécurité pour les industries lourdes. Il y a des exigences générales; vous devez faire ceci, cela. Vous devez respecter tel standard. Dans l'industrie des médias, il n'y a pas de concept équivalent, car cela va à l'encontre les principes de la liberté d'expression. Tout ce qui s'apparente à dicter à une organisation le contenu d'une publication ou d'une nouvelle diffusée franchit une frontière.
Heureusement, les médias, qui n'ont pas comme unique but de faire des profits, possèdent un certain sens des responsabilités. Je peux l'affirmer sans avoir l'air de demander des faveurs, car je ne travaille plus pour cette organisation. Je crois que le Toronto Star est un exemple, à certains niveaux, d'un type de média qui s'est toujours dévoué pour allouer beaucoup d'argent aux reportages à l'étranger, même si certains ont suggéré que cela grugeait la marge de profit.
Je ne sais pas comment se déroule la hiérarchie corporative au Toronto Star et je ne sais pas si sa philosophie pourrait changer et devenir uniquement orientée vers l'accroissement des profits. C'est une énigme. Il n'y a pas de réponse satisfaisante à cela, car cela va à l'encontre des principes de la liberté d'expression.
[Français]
On parle de liberté d'expression. D'après vous, qui possède vraiment cette liberté de presse? Est-ce les propriétaires, les rédacteurs, les journalistes ou les lecteurs?
[Traduction]
M. Thompson : Je ne sais pas où réside cette liberté, car les éditeurs voient les médias d'information comme un produit éditorial et une entreprise. Pour les journalistes, espérons-le, c'est un produit purement éditorial.
J'ai toujours essayé, dans la mesure où je pouvais travailler au bureau d'Ottawa, d'utiliser les outils que j'avais pour couvrir les histoires qui selon moi méritaient d'être couvertes et d'utiliser pleinement la liberté que j'avais dans ce pays à titre de journaliste.
Vous faites des choix tous les jours pour déterminer quelle histoire sera à la une. D'autres témoins ont parlé du malheureux rôle des pressions économiques et des coupures dans les médias, ce qui met les journalistes en situation difficile, car bien souvent, ils ne peuvent couvrir les histoires qu'ils aimeraient couvrir et ne peuvent contribuer comme ils le souhaiteraient. Il y a tout simplement trop de pression pour produire un produit, pour produire du matériel.
Le président : J'aimerais faire l'avocat du diable et poser deux questions, si je peux me permettre.
Quelle différence cela fait-il pour un Canadien lorsqu'il y a des bureaux à l'étranger de médias canadiens? Je comprends que lorsque vous envoyez un pigiste pour couvrir les deux événements de M. Dallaire, cela intéresse les Canadiens. Cependant, vous avez été envoyé à titre de pigiste. Les Canadiens ont bénéficié de cette nouvelle. Mais en générale, quelle différence cela fait-il? De quelle manière l'intérêt du Canada est mieux servi lorsqu'il y a des bureaux canadiens à l'étranger qui couvrent des nouvelles qui sont aussi couvertes par d'autres journaux comme le New York Times, comme la crise du sida ou le Sierra Leone. Pourquoi est-ce si important qu'il y ait des Canadiens sur place?
M. Thompson : Tout cela est une question de nuance et il faut savoir ce qui compte, ou ce qui devrait compter, pour les Canadiens. Il est clair que nous avons de la difficulté à définir cela, mais nous savons que notre point de vue est différent de celui des Américains, des Anglais ou des Français. Nous avons souvent recours à ces pays pour obtenir de l'information lorsque nous ne pouvons la produire nous-mêmes.
Les journalistes américains auraient eu une approche très différente de la Somalie. Les Américains et les Français, pour des raisons différentes, ont eu des idées très différentes sur le Rwanda.
Bien sûr, cela est vrai aussi pour la Côte d'Ivoire. Les médias français ont une vision très différente de cette histoire; de son importance; du type d'information qui est crucial; et de ce qui doit vraiment paraître dans les médias.
Le président : Y a-t-il des intérêts nationaux en jeu? Je ne parle pas de ce qui intéresse les lecteurs ou les personnes qui regardent la télévision, mais plutôt d'intérêts nationaux qui ne pourraient être servis par d'autres médias.
M. Thompson : Je ne sais pas si les journalistes pensent qu'ils servent l'intérêt national ou s'ils cherchent à servir l'intérêt national.
Le président : L'intérêt public.
M. Thompson : L'intérêt public. Ces deux types d'intérêts peuvent souvent être différents, car l'intérêt national est parfois être déterminé par le gouvernement du jour, alors que l'intérêt du public est plus constant.
Nous ne devrions pas perdre de vue le fait que les journalistes contribuent réellement à former la manière dont la population voit le monde au-delà de leur vie quotidienne. Sauf dans le cadre de l'expérience directe que nous avons dans notre vie quotidienne, nous dépendons dans une large mesure des autres pour nous informer sur ce qui se passe dans le monde. Ces autres, ce sont presque toujours les médias d'information.
Dans ce cas, il est important que l'opinion soit informée dans la mesure du possible par des personnes qui comprennent quels sont nos intérêts et nos besoins. Indirectement, c'est un constat que nous ne comprenons pas complètement. Le produit des médias devient en partie ce que nous pensons du monde. Il devient une partie de l'opinion que nous avons du monde, car les médias mettent en lumière ce qui est jugé important pour notre politique étrangère. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte.
Le président : On peut voir que nous sommes tous intéressés par votre proposition de bourse de recherche. Cependant, il ne faut pas oublier que ceux qui financent sont ceux qui décident en bout de ligne. Il me semble qu'un programme de financement gouvernemental à l'intention des journalistes soulèverait des doutes sérieux sur la qualité des réalisations journalistiques. Lorsque j'étais un jeune journaliste qui voulait aller couvrir des histoires à l'étranger, je n'aurais jamais accepté de bourse de la part du gouvernement. Que pensez-vous de cela?
M. Thompson : Cela fait intervenir des questions éthiques sur des journalistes qui acceptent beaucoup de choses, que ce soit de la nourriture ou des billets d'avion d'organismes gouvernementaux au sujet desquels ils écrivent des histoires. Lorsque ces bourses seront mises sur pied, il ne s'agira pas de donner des cadeaux. Il s'agira vraiment d'effectuer de la recherche, du développement professionnel, de la formation et des examens. Il ne s'agira pas simplement d'un concours où l'heureux gagnant ira en Afghanistan passer du temps avec les soldats canadiens à Kaboul, bien que cela se produit aussi. Il faut trouver une manière de séparer cela de la notion de junket, ou le résultat est connu ou décidé par les personnes qui donnent le financement.
Le président : Comment le savez-vous? Y a-t-il des jurys indépendants ou des fondations indépendantes?
M. Thompson : Les critères devront être clairs et transparents. C'est basé sur des propositions de journalistes. Il est étrange que des journalistes ne peuvent accepter de l'argent de personne, mais qu'ils peuvent accepter un prix, une bourse de recherche ou une bourse d'études. Dans certains cas, selon le média pour qui ils travaillent, ils pourraient prendre un congé sans solde pour faire ce travail. Cela dépend aussi dans une certaine mesure de l'intégrité des bénéficiaires. Ils savent pourquoi ils entreprennent cette recherche et ce n'est pas pour gagner la faveur du ministère de la Défense nationale.
Certains organismes gouvernementaux ne se voient pas comme étant similaires à l'ACDI, par exemple, qui accorde de l'importance au financement de ce type de recherche, car elle veut attirer l'attention des médias sur les pays en voie de développement et sur les questions du développement. D'autres organismes gouvernementaux qui participent à la politique étrangère du Canada auraient avantage à ce que les journalistes soient mieux formés, mieux informés, à leur sujet. J'ai été chanceux de pouvoir aller à plusieurs reprises en Afrique. J'ai aimé cela. J'ai voyagé avec le premier ministre sortant, Jean Chrétien, trois fois en Afrique. Lors de ces voyages, la plupart des journalistes provenant de bureaux politiques qui étaient envoyés pour couvrir le premier ministre n'étaient jamais allés en Afrique auparavant. Une bonne partie d'eux étaient des journalistes de niveau senior, des vétérans, avec de l'expérience, mais qui ont été époustouflés par ce qu'ils ont vu lorsqu'ils sont arrivés sur place. Vous ne pouvez sous-estimer la valeur et le pouvoir de transformation de telles expériences.
Dans ce cas, ils ont voyagé à bord de l'avion du premier ministre et personne n'a semblé être dérangé par cela, même s'il payait leur voyage. Ils sont financés lorsqu'ils voyagent avec un premier ministre pour un voyage à l'étranger. Les médias ne pensent pas qu'ils dépassent la borne lorsqu'ils acceptent de voyager à bord de l'avion du premier ministre pour aller à l'étranger.
La présidente : Je reviendrai là-dessus, mais nous sommes au deuxième tour.
Le sénateur Carney : J'ai deux commentaires à faire et deux ou trois questions à poser sur des sujets dont nous n'avons pas parlé. Premièrement, nous avions ce genre de programme au Canada. Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, MAECI, nous avons, et peut-être avons encore, un programme australien qui offre un échange ou une récompense et le Canadien va passer quelque temps en Australie. Au ministère des Affaires étrangères, nous avions des programmes liés à des sites bien particuliers qui semblaient ne jamais soulevé aucun problème. Nous devrions peut-être nous y référer.
Deuxièmement, le handicap des programmes de l'ACDI tenait au fait qu'ils étaient difficilement accessibles. J'ai entendu dire que si votre code postal n'était pas de Gatineau-Ottawa, vous n'aurez pas ces programmes. Ils sont limités au centre du Canada et les régions n'y ont pas accès. Nous devons en prendre note et suggérer des recommandations.
Ma question concerne l'usage des pigistes. L'un de ces nouveaux problèmes vise à remplacer des bureaux et des salariés qui ont des avantages par des médias canadiens, y compris Maclean's. La tendance est de fermer les bureaux dans le pays ou à l'étranger, économiser de l'argent puis embaucher des pigistes qui, habituellement, ne reçoivent pas d'avantages sociaux. Ils sont moins payés et il y a, à mon avis, un problème de contrôle de la qualité. Si vous êtes pigiste et que vous devez travailler pour un grand nombre d'agences parce à cause des bas prix que vous offrez pour arracher les contrats, alors la qualité de votre travail peut en souffrir et ne pas être aussi bonne. Personne dans la salle de presse ne peut savoir, si vous connaissez ou non le milieu ou la situation, si vous avez obtenu vos informations dans un bar, car le pigiste n'a pas les moyens de se rendre sur place. Est-ce que cela vous inquiète?
M. Thompson : Il y a un ordre de priorité des problèmes. L'idéal serait que les médias installent des bureaux dans les régions où elles veulent faire des reportages. En fait, vous diminuez le contrôle de la qualité et les articles que vous obtenez des journalistes que vous recrutez. Il y a un problème. Je faisais du bon travail, mais en grande partie c'était dû à la chance, à des heureux coups du sort et à des circonstances fortuites. Quand je parlais tout à l'heure de parachutage, je faisais allusion aux journalistes qui attaquent un sujet d'actualité sans en connaître le contexte et sans avoir eu le temps de se préparer. Ils atterrissent littéralement sur le sol et écrivent leur premier article la nuit même.
J'ai fait cela plusieurs fois; aujourd'hui, c'est pratiquement la norme. La plus grande partie des reportages que nous voyons sont faits par des journalistes à l'effectif que l'on envoie dans une situation. Comme pour les pigistes, on peut perdre la continuité, le contexte et l'ampleur des connaissances.
Le sénateur Carney : Ma question se rapporte à la motivation du parachutiste. Nous connaissons tous des cas de journalistes envoyés par de grandes agences de presse et lâchés dans ce genre de situation. J'en connais un qui habite très près de chez moi. Il regardait autour de lui et se demandait ce qu'il faisait, il avait une femme et trois enfants, dans la zone de guerre où il se trouvait non préparé, non formé et sans aucune capacité de survie. Il a eu le courage de dire qu'il n'était pas prêt pour cela et il est retourné chez lui.
Une partie de la proposition que nous débattons tient au fait que ces gens doivent être formés de manière appropriée et qu'ils doivent être motivés. Ils ne peuvent pas être envoyés et parachutés dans une région sans formation ou ressources appropriées.
Qu'en est-il des questions de sécurité? J'ai une parente, une jeune femme, qui travaille en Égypte en tant que réalisatrice technique pour un réseau de radio arabe. On s'inquiète de la sécurité des journalistes et des femmes que l'on envoie dans ce genre d'endroit. Que peut-on faire, est-ce que les gens doivent rester chez eux parce que leurs responsabilités sont telles qu'ils ne sont pas à l'aise pour relater l'actualité en Irak, en Iran ou en Afghanistan?
M. Thompson : La sécurité est un vrai problème. Ce que je dis est un peu contradictoire car je parle du besoin d'avoir plus de gens sur le terrain afin qu'ils voient par eux-mêmes la situation. Car, nous avons aujourd'hui les moyens d'aller partout, d'atterrir n'importe où et de relater l'actualité — dans le cas de la radiodiffusion — en direct de pratiquement n'importe où au monde, il y a une sorte de compétitivité qui pousse à faire cela.
La sécurité devient un problème, mais c'est un risque professionnel, à mon avis, Espérons que les gens décident de manière judicieuse ce qu'ils veulent ou faire et ce qu'ils ne veulent pas faire. J'admets cependant qu'il y a un parti pris — ils ne seront jamais autorisé à le dire car cela constituerait un grief — mais je crois qu'il y a un parti pris de la part d'un grand nombre de ces organismes de presse qui ont un bureau à l'étranger à l'égard des journalistes qui ne veulent pas travailler dans des milieux hostiles ou faire ce genre de reportages.
Le sénateur Carney : Est-ce que les lecteurs canadiens veulent savoir ce qui se passe au Rwanda?
M. Thompson : C'est un point très important? Encore une fois, je n'ai pas occupé un poste de gestionnaire. Je n'ai pas lu le genre d'informations sur les groupes de discussion utilisées par les grands journaux et les grandes agences de presse pour prendre des décisions économiques dans le cadre de leurs reportages.
J'ai acquis mon expérience à l'autre bout de la ligne. Cependant, chaque fois que j'écris au sujet de, par exemple, Roméo Dallaire, je reçois un tas de courriels. Habituellement, si un journaliste reçoit deux ou trois courriels ou appels téléphoniques par jour de la part de lecteurs, ce n'est pas beaucoup, mais ça représente quand même un certain intérêt, croyez-le ou non, les gens doivent vous rechercher pour vous envoyer quelque chose. Le Toronto Star n'inclut pas d'adresse électronique au bas des articles. Lorsque j'écris au sujet de Roméo Dallaire, je reçois des douzaines de courriels, tous positifs indiquant que les auteurs de ces courriels sont heureux que ces articles sont écrits. Il est en quelque sorte un cas particulier, je crois. Il suscite beaucoup d'intérêt.
Je n'ai jamais été convaincu par ce que les agences de presse disent au sujet des Canadiens qui ne s'intéressent pas aux nouvelles de l'étranger. Je crois qu'elles posent la question de la mauvaise façon ou parce qu'elles ne veulent pas dépenser de l'argent pour ce type de reportage. Je ne sais pas. Je parle du point de vue de quelqu'un qui a toujours été journaliste sans jamais avoir accès à ce genre de délibérations. Cependant, les membres de ma famille, mes amis et des étrangers me disent qu'ils veulent vraiment en savoir plus sur des pays comme le Rwanda.
La présidente : Pour ce que cela vaut — je ne sais pas s'il est opportun pour moi de le dire — j'occupais, en expiation de mes péchés, un poste où je devais consulter beaucoup de recherche de ce genre. Dans le marché où je me trouvais, c'est-à-dire la partie anglophone de Montréal, les études montraient, l'une après l'autre, que notre public s'intéressait à ce qui se passait à l'étranger. Tour à tour les experts américains ne croyaient pas qu'ils devaient faire une autre étude pour vérifier les anciennes données et qu'ils arriveraient au même résultat.
Je me demande si cela tient au fait que les villes canadiennes sont devenues si diverses, au plan de la population et de l'énorme proportion dans notre population urbaine de personnes qui ne sont pas nées au Canada et dont les parents ne sont pas nés au Canada; je n'en suis pas très sûre. Je me demande si nous ne faisons pas preuve de complaisance en nous fiant à de la recherche faite ailleurs et dans d'autres domaines.
Cela n'était pas ma question. C'était simplement une petite intervention que je ne voulais pas me refuser. Nous avons des questions des sénateurs Chaput et Milne, puis je poserai une question.
[Français]
Le sénateur Chaput : Durant toutes les années où vous avez fait des reportages, vous avez appris des choses et vous en avez sûrement tiré des leçons. Si vous aviez une chose à recommander aux médias canadiens, ce serait quoi?
M. Thompson : En tant que journaliste?
Le sénateur Chaput : Oui.
[Traduction]
M. Thompson : Toutes les médias déclarent vouloir donner plus de temps à leurs journalistes pour faire le genre d'articles qu'ils veulent faire — ils veulent des articles sérieux, approfondis et contextuels — et pourtant très peu semblent le faire. Il y a tellement d'intérêts contradictoires et pas suffisamment de personnes pour alimenter un flot continu de nouvelles. On finit souvent par recevoir toutes ces demandes contradictoires dans un bureau politique par exemple, pour faire un ou deux sujets d'actualité chaque jour, mais on prépare aussi cette chronique sérieuse, pénétrante de fin de semaine qui peut finir par être écrite le jeudi soir.
On arrive à devenir très bon à ce genre de polyvalence et on peut souvent écrire d'assez bons articles dans ces conditions. Toutefois, l'idéal — je ne sais pas s'il y a eu un âge d'or — serait que ces journalistes professionnels disposent de plus de temps pour faire écrire le genre d'articles qu'ils veulent vraiment.
[Français]
Le sénateur Chaput : En ce qui concerne les programmes d'études qui existent pour les journalistes, y aurait-il des changements qui devraient être apportés à ces programmes d'études ou des ajouts pour que les jeunes soient mieux préparés?
[Traduction]
M. Thompson : Ce n'est pas de la publicité. L'Université Carleton est la seule que je connaisse car j'y ai fait mes études de premier cycle, les quatre ans du programme de baccalauréat dans les années 80. Aujourd'hui, j'y enseigne et cette année principalement dans le programme de maîtrise.
Je crois que ces disciplines ont évolué, l'enseignement du journalisme. Rien n'est adéquat, mais je crois que ça va.
Je ne sais pas si quelque chose nous manque. Je m'inquiète de l'avenir des diplômés de ces écoles de journalisme car la situation est très différente de celle que j'ai connue quand j'ai obtenu mon diplôme au milieu des années 80. J'ai pu trouver un emploi à plein temps chez un grand organisme le jour même ou j'ai quitté l'université, le jour où j'étais prêt à travailler. J'y suis resté 17 ans. La situation n'est plus du tout la même aujourd'hui.
Le sénateur Mine : Le sénateur Carney a parlé du parachutage de personnes non formées dans des situations dangereuses, c'est dans ce genre de situation que je me trouve ce soir. Je suis tout nouveau au comité. Je ne sais pas, madame la présidente, si vous me permettrez de changer un peu de sujet?
La présidente : Vous êtes un sénateur indépendant et vous avez la parole.
Le sénateur Milne : Selon vous, y a-t-il aujourd'hui plus de contenu rédactionnel dans les articles de nos journaux?
M. Thompson : C'est une bonne question et il y a un vrai débat à ce sujet. Je ne sais pas s'il s'agit de contenu rédactionnel en tant que tel. Il y a beaucoup de discussion, encore une fois, au sujet d'un âge d'or de reportages impartiaux et objectifs avec très peu d'analyses. Certains déclarent qu'il y a trop d'opinions, d'analyses et d'éditorial dans les reportages.
Je ne crois pas que cela soit vrai. Généralement, j'ai toujours essayé, ou essaie, d'inclure suffisamment d'analyses et de commentaires pour aider le lecteur à comprendre le problème. Je crois que l'effet de nouvelles présentées 24 heures sur 24, le seuil de la validité des nouvelles ou le fait de savoir quand l'article peut être envoyé constituent un vrai problème? Dois-je relater ce sujet d'actualité aujourd'hui ou faire d'abord d'autres entrevues? Dois-je répéter ce que je viens d'entendre à la SRC ou sur une autre station de télédiffusion ou simplement le prendre tel quel, voir la réaction puis faire le reportage ou bien dois-je revenir à la source et confirmer toute cette documentation en faisant un reportage original?
Cela est en grande partie perdu à cause de la pression de la concurrence, à cause des nouvelles 24 heures sur 24, la question est de savoir quand êtes-vous prêt à boucler le reportage et quand il est vraiment complet, précis et objectif. Il y a une pression énorme pour relater le scandale du jour. Écrivez votre article rapidement. Créer votre propre scandale car voilà ce que l'on veut, plus ou moins.
L'inclusion d'un éditorial ou d'un contenu rédactionnel ne me préoccupe pas trop; je crois que le style d'écriture des reportages a changé. Il y a plus de contexte et de commentaires aujourd'hui. Cela ne m'inquiète pas. Ce qui m'inquiète c'est la baisse des normes; l'utilisation de sources non nommées à cause de la pression exercée pour produire des reportages, la manipulation qu'il peut y avoir dans ce milieu et quelquefois le journalisme à scandales. Je ne veux pas dire que certains scandales ne méritent pas notre attention; le rôle de chien de garde fait partie de notre métier. Je ne tourne pas en ridicule un reportage sur un prétendu scandale de danseuses exotiques et toute l'attention que lui portent les médias pour savoir si un ministre est intervenu ou non de manière appropriée ou non pour donner un permis de résidence à quelqu'un. Ce reportage est valide; cela fait partie du rôle de chien de garde. Je reproche à ce reportage le manque d'attention à la politique de l'immigration, à ce qui se passe dans les coulisses. À mon avis le reportage ne concerne pas 600 danseuses exotiques roumaines qui obtiennent des permis, mais des milliers de gens mariés à des Canadiens qui sont obligés de quitter le pays et qui ne peuvent pas continuer à faire leur demande d'immigration en restant au Canada. C'était un changement de politique fait il y a deux ou trois ans. C'est assez compliqué. Il est difficile de l'expliquer aux lecteurs. Cette question est liée avec cette décision concernant les danseuses exotiques, d'après ce que j'ai compris, touche des milliers de personnes et attirent très peu d'attention de la part des médias vu qu'il est facile de respecter les délais en consacrant l'histoire du jour aux danseuses exotiques.
Le sénateur Milne : Cela m'amène à ma prochaine question. La convergence de la propriété de certains médias au Canada me préoccupe. Si je suis à Ottawa, que je prends un exemplaire gratuit du National Post dans le hall de mon hôtel le matin et que j'achète l'Ottawa Citizen, y aura-t-il une diversité au niveau des articles présentés?
M. Thompson : Probablement pas beaucoup. Il faudrait que vous alliez au magasin du coin pour acheter le Toronto Star et The Globe and Mail.
Le sénateur Milne : Je lis le Toronto Star.
M. Thompson : En dépit de la convergence, il y a suffisamment de diversité dans les médias.
Je ne suis pas sûr que nous soyons servis aussi bien que nous pourrions l'être, mais si les journaux ont un point de vue qui apparaît dans leurs pages, cela ne m'inquiète pas trop tant qu'il y a encore d'autres voix.
La présidente : Les journaux ont toujours eu un point de vue, ne serait-ce que pour juger ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Un journal mettra en page de couverture une bagarre à une partie de soccer et un autre un différent au sujet de la Constitution. C'est ainsi que les choses fonctionnent.
Je n'écarte pas vos préoccupations, sénateur Milne : certaines ne sont pas aussi nouvelles que cela.
Le sénateur Milne : Mais, pour moi, c'est du nouveau.
La présidente : Les questions sont valables et ont été posées dans de nombreuses audiences que nous avons tenues. La situation est telle que je le disais tout à l'heure. Ma question se rapporte à la discussion sur les bureaux à l'étranger. Vos remarques ont essentiellement porté sur l'Afrique, car vous connaissez bien ce continent et vous l'aimez. Cela est-il aussi vrai pour les bureaux canadiens à l'étranger dans des régions plus développées du monde? Sont-ils fermés et dans ce cas, est-ce important?
M. Thompson : Certains journaux assurent le reportage de toute l'Europe à partir d'un seul bureau. L'Europe est une région très étendue et très diverse au point de vue culturel et politique pour n'avoir qu'une seule personne basée à Londres. C'est sans aucun doute tout aussi sujet inquiétant que ce qui se passe pour le monde en développement.
J'ai mis l'accent sur le monde en développement parce que y expédier quelqu'un sans ménagement se fait plus rapidement que dans le monde en développement.
Je ne crois pas que nous comprenons les Etats-Unis aussi bien que nous le devrions. Quand les agences de presse ont un correspondant aux États-unis, celui-ci est probablement à Washington. Je ne sais pas si des agences de presse ont en un à Washington et à New York. Toutefois, si le correspondant est basé à Los Angeles, à Miami ou dans l'Ouest, le reportage sera traité comme une grosse histoire informe.
La présidente : Quel prix payons-nous pour cela?
M. Thompson : C'est difficile à dire car il y a d'autres sources d'information. La façon dont les gens s'informent, la façon dont ils recherchent les nouvelles change. Je ne sais pas s'il y a jamais eu un âge d'or du reportage exhaustif plus informé avec plus de nouvelles de l'étranger. J'ai l'impression qu'il y en a eu un. Le reste du monde nous intéresse certainement plus aujourd'hui en termes de mondialisation, de commerce et de perspectives de carrière. Les nouvelles générations ont plus de chance aujourd'hui de travailler dans un autre pays, d'acheter des produits ou de dépendre économiquement d'une façon ou d'une autre de ce qui se passe dans un autre pays.
Cela signifie qu'il est important de savoir ce qui se passe dans le monde, à l'extérieur de nos frontières.
La présidente : Cette séance a été très intéressante. Nous vous en remercions.
Nous allons dresser un inventaire et nous verrons où cela nous mènera.
La séance est levée.