Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages du 14 décembre 2004 (séance du matin)
TORONTO, le mardi 14 décembre 2004
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 8 h 37, pour se pencher sur l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeant au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Honorables sénateurs, nous poursuivons notre deuxième journée d'audiences publiques à Toronto, au sujet des médias canadiens d'information. Le comité examine les médias canadiens d'information et le rôle que l'État devrait jouer pour les aider à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés, dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années — notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.
[Traduction]
Nos premiers témoins ce matin sont des gens de TVO que nous sommes très heureux d'accueillir. Il s'agit d'Isabel Bassett, présidente et chef de la direction; de Blair Dimock, directeur de la planification stratégique, et de Ingrid McKhool, conseillère principale, affaires réglementaires. Merci à tous les trois d'être venus ce matin. Vous connaissez notre façon de procéder. Nous vous invitons à faire un bref exposé d'une dizaine de minutes et ensuite nous passerons aux questions.
Bonjour, et bienvenue. Vous avez la parole.
Mme Isabel Bassett, présidente et chef de la direction, TVOntario: Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui de TVOntario et du rôle des radiodiffuseurs éducatifs au Canada, de leur contribution au public canadien et de leur place dans l'ensemble du dispositif de radiodiffusion au Canada.
Comme vous l'avez dit, mes collègues Blair Dimock et Ingrid McKhool sont là, et ils connaissent à fond toutes sortes de détails et de points sur lesquels vous voudrez peut-être leur poser des questions.
Je vais vous présenter un bref exposé et par ailleurs nous vous avons remis 15 pages de texte vous donnant les grandes lignes de ce que nous faisons et certaines informations importantes que vous pourrez examiner plus tard ou pendant mon intervention.
Tout d'abord, je dois dire que je suis heureuse de vous parler de nos stratégies et de ce que nous faisons à TVOntario car cette chaîne est très différente et joue un rôle précieux dans le secteur des médias canadiens en tant que radiodiffuseur éducatif.
Je voudrais aborder trois de vos questions qui concernent directement TVOntario aujourd'hui en particulier. Je voudrais aussi souligner deux questions fondamentales qu'il faut aborder dans le cadre de la politique publique si l'on veut que notre contribution unique à la radiodiffusion canadienne se poursuive de façon durable.
J'aimerais que vous repartiez de cette séance aujourd'hui en retenant trois messages. Premièrement, en tant que radiodiffuseur éducatif, TVOntario joue un rôle unique, précieux et clairement différent dans le cadre de la radiodiffusion canadienne, un rôle différent de celui des radiodiffuseurs publics comme la SRC.
Deuxièmement, si les radiodiffuseurs éducatifs ont prospéré au Canada, en faisant l'envie du reste du monde, c'est grâce à un cadre de politique et de réglementation publique favorable qui a reconnu notre différence et l'a encouragée.
Troisièmement, vu les grandes tendances en cours dans le secteur des médias canadiens dont parle le comité dans son rapport intérimaire, pour assurer notre succès à l'avenir, il faut: A) une reconnaissance plus catégorique de nos besoins uniques dans le contexte de la radiodiffusion canadienne et B) un accès équitable au financement dont profitent les autres radiodiffuseurs.
Avant d'en venir plus précisément aux réponses à vos questions, je voudrais préciser que nous avons trois champs d'activité distincts. Nous avons TVO, le réseau de radiodiffusion anglophone; nous avons notre réseau francophone, TFO; et nous avons le Centre d'études indépendantes qui était autrefois affilié au ministère de l'Éducation. Le Centre d'études indépendantes est le service d'éducation à distance de l'Ontario qui permet aux étudiants ontariens du secondaire d'obtenir des crédits scolaires. Le centre a une clientèle de 24 000 étudiants du secondaire auxquels il propose des ressources pédagogiques en ligne et diverses formes de soutien pour l'apprentissage. Ce sont là les trois volets de TVOntario. TVO réalise 900 heures d'émissions pédagogiques uniques chaque année, et TFO en réalise 400 supplémentaires chaque année.
Nous pouvons maintenant passer à vos questions et nous vous donnerons plus de détails ensuite. Je voudrais répondre aux questions 1, 3 et 10 car ce sont celles qui nous semblent les plus importantes et sur lesquelles nous avons des informations pertinentes.
Dans la question 1, vous voulez savoir si les Canadiens ont accès à une quantité et à une qualité suffisantes d'information sur les affaires internationales, nationales, régionales et locales, et vous vous penchez sur les questions de disponibilité, de pertinence, d'ouverture et d'absence de préjugés. À la question 3, vous demandez si les collectivités, les minorités et les centres éloignés sont bien servis.
TVOntario propose aux téléspectateurs un choix non commercial et universellement accessible au sein d'un environnement essentiellement dominé par les radiodiffuseurs commerciaux. Nous présentons plus d'émissions reposant sur l'Ontario et axé sur l'Ontario que n'importe quel autre radiodiffuseur en Ontario, y compris les émissions sous indicatif présenté aux heures de pointe.
Par exemple, nous diffusons Panorama sur TFO à 19 heures les soirs de semaine et Studio 2 à 20 heures les soirs de semaine. Vous les avez certainement regardés. Sinon, nous allons devoir vous convaincre. C'est la meilleure façon de s'informer sur TVO et TFO.
Ces émissions d'actualité et d'information qui sont distinctes des émissions traditionnelles de nouvelles, présentent des points de vue équilibrés, intelligents et instructifs qui constituent un mélange d'analyses en profondeur, d'entrevues, de commentaires et de tribunes libres sur les événements qui façonnent la vie des Ontariens dans une perspective ontarienne.
On est très loin de la nouvelle-éclair en 10 secondes. Cela ne nous intéresse pas. Nous ne faisons pas de bulletins d'information. Nous nous concentrons sur les questions qui intéressent les Ontariens.
Pour ce qui est de l'accessibilité, nous avons pour vocation de donner la plus grande possibilité d'accès au plus grand nombre de spectateurs en Ontario. Notre signal est disponible gratuitement sur 97p.100 du territoire de la province, malgré le coût considérable de l'investissement que cela représente. Appuyez sur le bouton de votre télévision et vous pouvez regarder TVO. TFO, un service satellite-câble, est disponible dans 75p.100 de la province par le biais des câblodistributeurs.
La programmation de TVOntario répond aussi à la diversité croissante de l'Ontario. Nous accordons une importance énorme à cette question de la diversité. Cette diversité croissante de notre société se reflète dans les invités de TVOntario, les sujets abordés, la conception des ressources en ligne et les cours d'apprentissage indépendant ainsi que la composition de nos effectifs. Nos ressources pédagogiques à distance sont sur le Web et sont conçues pour faciliter l'accès aux personnes qui ont des difficultés d'ordre technique ou autre.
TFO offre un service essentiel au vaste public francophone de l'extérieur du Québec. C'est le seul radiodiffuseur francophone canadien basé en dehors du Québec. TFO joue un rôle tout à fait unique et original dans le système d'ensemble de radiodiffusion au Canada.
Cette chaîne contribue à réaliser les objectifs du Conseil conformément à la Loi sur la radiodiffusion. Elle appuie les priorités du gouvernement fédéral dans le domaine des langues officielles et de la promotion du français et de la culture française au Canada, et elle réalise des objectifs culturels et pédagogiques provinciaux essentiels en Ontario.
Depuis que TFO a obtenu une licence en 1986, il y a eu de nombreux progrès historiques dans les services éducatifs proposés aux Franco-Ontariens, notamment la création de 12 conseils scolaires francophones et la création d'institutions francophones au secondaire dans toute la province.
TFO joue un rôle important de complément au système officiel d'éducation en Ontario, et nous sommes reliés de toutes sortes de façons aux 12 conseils scolaires francophones.
À la question 10, vous demandez quel rôle devrait jouer le CRTC sur le plan de la réglementation et de la supervision des médias d'information du Canada. Nous estimons que c'est un point sur lequel il est important de se pencher, pour ce qui nous concerne. Le rôle unique des radiodiffuseurs éducatifs dans le système de radiodiffusion au Canada est affirmé dans la Loi sur la radiodiffusion et d'autres lois et politiques de diffusion, et le CRTC l'a régulièrement réaffirmé.
En vertu de la directive au CRTC concernant l'inadmissibilité aux licences de radiodiffusion 1985-1001 (SOR/ DORS), le rôle de TVOntario comme radiodiffuseur éducatif au Canada, tel que défini dans la Loi sur la radiodiffusion, est d'assurer:
a)Une programmation conçue de façon à être présentée à la fois dans un contexte susceptible de permettre aux auditoires auxquels elle est destinée la poursuite d'une formation par l'acquisition ou par l'enrichissement des connaissances ou l'élargissement du champ de la perception, et dans des conditions telles que cette acquisition ou cet enrichissement des connaissances ou cet élargissement du champ de la perception puisse être contrôlé ou évalué par l'autorité provinciale grâce à des moyens appropriés; et
b)Une programmation destinée à fournir des renseignements sur les cours d'études dispensés ou à présenter des événements spéciaux de caractère éducatif au sein du système d'éducation. Ces programmes doivent, dans leur ensemble, avoir un caractère éducatif et nettement différent de celui des émissions de nature générale offertes par le service national de radiodiffusion ou par les entreprises privées de radiodiffusion.
En vertu des priorités établies au paragraphe 17(1), les services de programmation de télévision éducative provinciale désignés bénéficient d'un traitement favorable.
Les radiodiffuseurs éducatifs font partie du service de base et viennent tout de suite en deuxième place, après la programmation de toutes les stations de télévision possédées et exploitées par la SRC, et avant toutes les autres stations de télévision locales.
Ce cadre législatif favorable, malgré l'attention particulière apportée au rôle unique que jouent TVOntario et les autres radiodiffuseurs éducatifs, a souffert de la transformation du paysage médiatique depuis 20 ans.
Les politiques fédérales appuyées par les décisions du CRTC ont de plus en plus contribué à développer et à entretenir l'industrie privée de la radiodiffusion, alors qu'on portait moins d'attention à la situation particulière des radiodiffuseurs éducatifs tels que TVOntario qui, du fait de leur caractère non commercial, n'ont pas accès aux recettes publicitaires.
Dans le contexte des changements profonds du paysage de la radiodiffusion depuis 20 ans dont votre comité a parlé dans son rapport intérimaire, TVOntario occupe une place de plus en plus spéciale, mais ses défis se sont aussi accrus.
Il y a deux domaines clés sur lesquels il faut concentrer la politique publique pour garantir notre viabilité à long terme. Premièrement, il faut reconnaître plus catégoriquement nos besoins uniques dans le contexte du système de radiodiffusion canadien. Si l'on veut que des radiodiffuseurs éducatifs comme TVOntario fonctionnent bien à long terme, il faut maintenir et renforcer la reconnaissance des radiodiffuseurs éducatifs dans la Loi sur la radiodiffusion. Le CRTC doit s'appliquer plus assidûment à appuyer les besoins uniques de cette catégorie spéciale de radiodiffuseurs.
Les politiques de distribution de la radiodiffusion doivent continuer à préserver le statut spécial des radiodiffuseurs éducatifs. Le CRTC doit continuer à accorder une considération spéciale aux radiodiffuseurs éducatifs dans l'élaboration des nouvelles politiques de radiodiffusion qui ont des implications culturelles, sociales, linguistiques et sur le plan de l'accessibilité.
Deuxièmement, il faut donner à ce secteur un accès au financement disponible pour les autres radiodiffuseurs. Pour permettre à TVOntario de continuer à être compétitive et à prospérer sur les marchés que nous desservons, et pour nous permettre de continuer à assurer un service éducatif unique, il faut nous donner un accès équitable au financement de production dont bénéficient les radiodiffuseurs commerciaux et la SRC.
Il faudrait que le Fonds canadien de télévision, le FCT, et d'autres entités fédérales de financement ou entités culturelles élargissent leur champ d'action pour appuyer les initiatives des radiodiffuseurs éducatifs provinciaux dans le domaine de la programmation éducative, destinée aux enfants et régionale.
On nous impose injustement d'être en concurrence avec le secteur privé ou avec la SRC pour l'obtention de crédits, alors que le CRTC nous impose d'avoir une «programmation tout à fait différente» de celle normalement présentée au public.
Les procédures actuelles du Fonds canadien de télévision pénalisent des radiodiffuseurs éducatifs comme TVOntario. TVO et TFO ont beaucoup de difficulté à obtenir des crédits du Fonds canadien de télévision dans le contexte de la procédure actuelle.
L'un des critères de financement les plus importants du fonds cette année était le montant engagé par les radiodiffuseurs dans les droits de licence et l'argent supplémentaire consacré à des projets. Étant donné les budgets restreints dont disposent les radiodiffuseurs éducatifs, cela nous oblige à réduire le nombre de projets que nous pouvons financer, ce qui réduit par conséquent le nombre de projets pour lesquels nous pourrions obtenir un financement.
Un second critère essentiel utilisé par le FCT est la cote d'écoute. En 2005, pour le FCT, la cote d'écoute représentera 30p.100 des critères de sélection. En tant que radiodiffuseur éducatif régional, TVOntario est en concurrence avec les radiodiffuseurs nationaux ou les services spécialisés qui ont accès à de multiples canaux sur lesquels ils peuvent répéter et entrecroiser leurs émissions pour maximiser leur cote d'écoute.
De plus, cette disposition oblige les radiodiffuseurs à vérifier les chiffres du FCT pour voir comment il calcule la cote d'écoute. Ce travail impose un lourd fardeau administratif à de petites organisations comme TVOntario.
TFO, contrairement aux autres radiodiffuseurs francophones canadiens qui sont tous basés au Québec, n'a qu'un accès limité aux téléspectateurs et aux abonnés du Québec, qui constituent de loin le public francophone le plus important au pays. Cet accès limité au marché du Québec a donc des répercussions directes sur la capacité de TFO d'obtenir un financement du Fonds canadien de télévision.
À notre avis, pour mieux répartir les crédits du FCT pour les émissions de langue française, il faudrait tenir compte de la distribution régionale de la population francophone au Canada, sans quoi on continuera à sous-représenter le point de vue des minorités dans le système de radiodiffusion canadien.
Comme 15p.100 des francophones canadiens vivent à l'extérieur du Québec, il faudrait réserver au moins 15p.100 de l'enveloppe du financement francophone aux réalisateurs et radiodiffuseurs francophones qui desservent ces marchés minoritaires.
En conclusion, il faut revoir les politiques de financement fédérales pour accorder une place particulière à la situation unique des radiodiffuseurs éducatifs.
Le FCT se préoccupe de financer des émissions qui vont attirer le plus grand public possible, mais le mandat de TVOntario énoncé dans la politique fédérale consiste à réaliser une programmation éducative provinciale tout à fait différente. Le résultat, c'est que nous ne sommes pas sur un pied d'égalité avec les autres radiodiffuseurs et que nous n'avons pas aussi facilement accès au financement du FCT.
Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir accordé votre temps et votre attention et nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Tkachuk: Quand on a créé des réseaux comme le vôtre — et en Saskatchewan nous avons l'équivalent, je crois que cela s'appelle Saskatchewan Television — des canaux éducatifs, est-ce que vous étiez des émanations du ministère de l'Éducation? Ces réseaux ont-ils été conçus pour les enfants? Au départ, quel était l'objectif?
Mme Bassett: Eh bien, si l'on revient en arrière, et je n'étais pas là au départ, il faut dire que chacun d'entre eux a évolué de façon différente au fil des ans.
Pour ce qui est de TVOntario, nous avons été créé il y a 31 ans et l'objectif était de renforcer le système éducatif au moyen des médias, c'est-à-dire à l'époque de la télévision. L'essentiel du travail que nous faisions au niveau de la programmation éducative, se passait en salle de classe. Maintenant que nous avons les multimédias, nous ne sommes plus beaucoup présents dans les classes.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que vous êtes perçu comme un réseau éducatif pour les adultes et pas seulement pour les jeunes ou les enfants?
Mme Bassett: Absolument.
Le sénateur Tkachuk: Il y a ces trois organismes, TVO, TFO et le Centre d'études indépendantes qui s'occupe d'éducation à distance et qui est une espèce d'école par correspondance, n'est-ce pas?
Mme Bassett: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Mais dans le cas de TVO et de TFO, il y en a une qui s'adresse plus aux jeunes et l'autre plus aux adultes? Excusez mon ignorance de votre réseau, mais je ne suis pas d'ici, alors...
Mme Bassett: Non, non.
M. Blair Dimock, directeur, Planification stratégique, TVOntario: Les programmes de TVO et de TFO sont très semblables, mais TFO a des caractéristiques particulières. Plus de la moitié des programmes sont consacrés à des émissions éducatives pour les enfants sans publicité. De six heures du matin à six heures du soir, avec une petite interruption en milieu de journée, ce sont uniquement des émissions pour les enfants; pas de publicité, uniquement des émissions éducatives, et c'est vrai pour les deux réseaux.
Aux heures de pointe, on insiste sur les questions d'actualité, avec Panorama et Studio 2, dont Mme Bassett a parlé tout à l'heure, et des documentaires. La grande différence, c'est que TFO fournit un service à caractère plus culturel le soir en insistant le cinéma du monde, etcetera, en français.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que vous êtes financé par les abonnés?
Mme Bassett: Non, ce n'est pas comme cela que nous fonctionnons. Nous avons des membres et nous recevons un financement. Nous sommes financés par le gouvernement, et donc les trois quarts de nos fonds proviennent du gouvernement provincial. TFO, le réseau français, obtient une petite partie de son financement du gouvernement fédéral. Et nous avons un peu moins de 100 000 membres qui paient pour être membres de TVOntario et appuyer notre programmation, et nous avons aussi des sociétés qui nous financent.
Le sénateur Tkachuk: C'est comme la radiodiffusion publique aux États-Unis?
Mme Bassett: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Vous sollicitez des dons et ce genre de choses auprès de ces membres?
Mme Bassett: Nous avons trois campagnes télévisées de collecte de fonds chaque année. D'ailleurs, nous venons d'en terminer une: nous passons des émissions et durant l'intervalle entre ces émissions, nous intervenons en disant: «Aidez-nous à réaliser ce genre d'émissions».
L'idée, c'est de faire rentrer de l'argent, mais aussi de montrer que c'est un service auquel le public accorde une grande valeur. On ne peut pas faire avaler quelque chose aux gens s'ils n'en veulent pas.
Le sénateur Munson: Je dois avouer que je suis en conflit d'intérêts. J'envoie toujours 100 $. Voilà. Je suis dans une situation particulière maintenant. Évidemment, il y a des amis conservateurs aussi. Je donne chaque année à TVO, et c'est ce que je peux verser actuellement. C'est bien.
Le sénateur Tkachuk: Comme vous le disiez tout à l'heure, c'est — sachant que vous avez un revenu fixe...
Le sénateur Munson: C'est cela. Je ne vais pas plus loin.
Quel est le pourcentage de votre financement que vous obtenez du Fonds canadien de télévision? Vous dites que vous n'êtes pas sur un pied d'égalité et que vous êtes placé en situation de concurrence injuste. Quel est le pourcentage comparativement à la SRC?
M. Dimock: C'est très peu de chose. Cette année, nous avons des projets qui représentent environ 1,7 million de dollars qui sont financés par de l'argent du FCT. C'est notre budget pour ces réalisations, dans le contexte d'un budget d'ensemble d'environ 70 millions de dollars.
Le financement que nous obtenons du FCT, ce sont des miettes. C'est surtout parce que cela coûte de plus en plus cher, au niveau des exigences de frais de licence et des autres seuils à atteindre, de concurrencer les autres radiodiffuseurs pour ce financement.
Le sénateur Munson: Qui prend les décisions pour ce financement? Ce sont des fonctionnaires à Ottawa?
M. Dimock: Le FCT a une procédure ouverte et publique, et c'est très compétitif.
Le sénateur Munson: Et qu'est-ce qui serait équitable à votre avis?
M. Dimock: À notre avis, la solution la plus équitable serait de créer une enveloppe pour la radiodiffusion éducative qui nous permettrait de tirer un profit maximum de notre situation tout à fait distincte dans le système.
Pendant des années, avant les récents changements apportés au fonctionnement du FCT, nous avons été obligés d'être en concurrence soit avec l'enveloppe de la radiodiffusion commerciale, soit avec l'enveloppe de la SRC. Les choses sont plus différenciées maintenant, mais nous estimons quand même que les radiodiffuseurs éducatifs sont pénalisés.
Le sénateur Munson: Je sais qu'il y a beaucoup de questions, mais nous avons entendu plusieurs témoins parler de parti pris dans les médias. Certains témoins estiment que la SRC est trop à gauche. D'autres trouvent que CTV est trop axé sur l'Amérique, et fait des millions de dollars, etcetera.
Où se situe TVO? Studio 2 est une émission animée et intéressante qui suscite toutes sortes de débats, mais j'ai l'impression que vous vous situez un peu au milieu. Comment vous percevez-vous?
Mme Bassett: Personnellement, je suis convaincue que nous devons adopter une position centriste, et j'y veille étroitement. Je ne suis pas censée intervenir et dire aux gens: «Mais ne faites pas ci ou ne faites pas ça». Mais s'il m'arrive de voir — et c'est arrivé je crois deux fois depuis cinq ans que je suis ici — qu'on a eu tendance à pencher d'un côté ou d'un autre, j'en parle au directeur de la programmation anglaise.
Je crois qu'ils font un travail admirable et qu'ils équilibrent bien les choses. Nous avons un programme de tribune libre durant la journée aussi, et ils essaient de faire le même genre de chose. Ce ne sont pas des informations, mais ils abordent des questions. Nous essayons d'équilibrer les questions au niveau des groupes ethniques. Il y a toutes sortes de formes d'équilibre.
M. Dimock: J'ajoute que nous pouvons aussi aborder des questions controversées, par exemple avec nos émissions documentaires. Nous avons une série de documentaires intitulée The View from Here, des documentaires exprimant des points de vue que nous commandons à des réalisateurs canadiens indépendants.
Nous pouvons réaliser des choses ou approfondir ce genre de questions plus controversées. Nous maintenons un équilibre au cours de l'année pour ces émissions, au lieu de nous en tenir à une émission particulière durant une soirée particulière.
Mme Bassett: Oui, je voudrais ajouter quelque chose aussi. Nous avons une autre émission que nous avons lancée. C'est un choix différent pour les gens qui ne veulent pas regarder du sport le samedi et le dimanche après-midi. De 13 heures à 15 heures le samedi et le dimanche après-midi, nous avons cette émission intitulée Big Ideas, et en fait ce sont des exposés dans divers endroits de l'Ontario, par exemple au Perimeter Institute for Theoretical Physics, des exposés qui correspondent à des domaines d'intérêt bien précis, mais qui montrent aux gens des choses qu'ils ne peuvent pas aller voir eux-mêmes. Cette émission est très populaire.
Parfois, quelqu'un téléphone en disant: «Vous parlez trop de ceci ou de cela.» Il peut s'agir par exemple d'une question religieuse, mais dans ce cas nous essayons de présenter un point de vue équilibré la fois suivante, comme l'a dit M. Dimock. Nous en sommes très conscients et je pense que nous faisons bien les choses.
Le sénateur Tkachuk: Et quelle a été la réaction à cette émission de contrepartie aux sports pour les gens qui veulent réfléchir?
M. Dimock: Étonnamment bonne. C'est le genre de chose qui passe à des heures où la cote d'écoute est généralement faible en fin de semaine, mais la rétroaction des spectateurs qui nous ont envoyé des courriels, des lettres, ou qui nous ont téléphoné a été étonnamment positive. En très peu de temps, nous avons acquis un public fidèle et cela nous encourage beaucoup. Nous avons une excellente interaction avec nos téléspectateurs.
Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, j'aimerais bien vivre en Ontario.
[Français]
Le sénateur Chaput: J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de ce que fait TFO en ce qui a trait à la programmation des émissions pour enfants et son rôle dans les écoles en Ontario. Je trouve fort intéressant que vous ayez une programmation pour enfants en Ontario. Votre programmation, à mon avis, pourrait également être bénéfique pour les enfants francophones en situation minoritaire des autres communautés. Est-ce que vous avez des initiatives avec d'autres provinces, comme le Nouveau-Brunswick et le Manitoba, par exemple? Seriez-vous prêts à jouer un rôle plus large si le financement était disponible?
[Traduction]
Mme Bassett: Certainement. Monsieur Dimock, vous voudrez bien répondre, car c'est très important pour nous.
M. Dimock: Oui. En fait, TFO a une relation bien particulière avec tous les conseils scolaires de l'Ontario. Il y a douze conseils scolaires francophones en Ontario et TFO constitue en quelque sorte une partie intégrante du système d'enseignement en français ici, en partie parce qu'il y a très peu de sources de ressources de bonne qualité qui soient utiles aux programmes scolaires de l'Ontario.
Ce que nous faisons avec TFO, par exemple, c'est que nous autorisons l'utilisation dans les salles de classe de toutes les émissions pour enfants présentées durant la journée. Nous leur avons donné les droits éducatifs pour cette utilisation des émissions dans les salles de classe. Les enseignants peuvent donc télécharger les émissions le soir et les enregistrer pour pouvoir les utiliser en classe.
Nous avons créé un réseau d'agents de liaison dans toutes les écoles francophones de la province, et nous avons donc un lien direct qui nous permet d'aider les enseignants à utiliser nos ressources. Une grande partie de ces émissions sont remaniées à l'aide de guides de l'enseignant et d'autres ressources écrites pour permettre une utilisation plus efficace de ces émissions dans les salles de classe. J'espère que cela répond à la première partie de votre question.
Depuis plusieurs années, nous essayons aussi de diffuser le service de radiodiffusion de TFO en dehors de l'Ontario. Il y a un certain nombre d'années, avec l'appui du CRTC et du câblodistributeur et du gouvernement du Nouveau- Brunswick, nous avons pu faire intégrer TFO au service de base de câblodistribution du Nouveau-Brunswick. Nous commençons actuellement à envisager une éventuelle disposition analogue avec le gouvernement du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Chaput: Si je comprends bien, c'est avec le gouvernement provincial que vous devez travailler?
[Traduction]
M. Dimock: Oui, dans le cas du Nouveau-Brunswick, nous avons collaboré étroitement avec le câblodistributeur, qui était à l'époque Fundy Câble. Je crois que c'est Rogers maintenant. Ils nous ont beaucoup appuyés, de même que le gouvernement du Nouveau-Brunswick et la communauté acadienne de tout le Nouveau-Brunswick. Au Manitoba, pour l'instant, nous avons seulement discuté avec le gouvernement du Manitoba pour voir dans quelle mesure nous pourrions appuyer ses priorités éducatives.
[Français]
Le sénateur Chaput: Quel genre d'engagement avez-vous besoin de la part d'un gouvernement provincial?
[Traduction]
M. Dimock: Nous avons eu des entretiens avec les responsables du ministère de l'éducation du Manitoba. Dans leur cas particulier, nous cherchons à savoir si le gouvernement du Manitoba pourrait débloquer des fonds provinciaux pour nous permettre de proposer le service au Manitoba et de réaliser des émissions locales avec des réalisateurs de cette province.
[Français]
Mme Ingrid McKhool, conseillère principale, Planification stratégique et affaires réglementaires, TVOntario: Soulignons qu'il s'agit de provinces où il n'y a pas de réseau provincial éducatif. Ce sont ces gouvernements ou ces communautés qui nous demandent de leur procurer ce service.
[Traduction]
Le sénateur Merchant: Y a-t-il dans votre mandat quelque chose qui concerne les minorités, parce qu'en Ontario en particulier il y a de très nombreux nouveaux immigrants. Je sais que beaucoup d'entre eux ont de jeunes enfants. Ils ont peut-être même plus d'enfants que les familles canadiennes, et par conséquent tous ces jeunes nouveaux venus sont notre avenir.
Quand je suis arrivé au Canada, on m'a mis en septième à l'école, mais il y avait aussi un cours d'anglais que je suivais tous les matins parce je ne pouvais pas suivre dans la classe normale, donc je n'y allais que l'après-midi.
Je ne sais pas si le système d'enseignement fonctionne encore de la même façon, mais avez-vous quelque chose dans votre programmation qui s'adresse spécifiquement aux gens qui veulent apprendre la langue pour pouvoir suivre vos émissions? Deuxièmement, vous avez parlé des questions d'actualité. Est-ce que vous donnez du temps de parole gratuitement aux partis, comme les autres réseaux, et avez-vous un moyen d'éduquer les nouveaux venus sur notre système politique? Nous avons très peu de participation, surtout chez les jeunes. Vous avez peut-être un rôle très important à jouer pour éduquer les nouveaux venus, car certains d'entre eux viennent de pays où la démocratie n'existe pas. Ils ne la comprennent pas et ils ont peur de s'engager en politique.
Mme Bassett: Premièrement, c'est un domaine très important et à notre avis, c'est le rôle d'un radiodiffuseur éducatif et de TVOntario. Pour commencer aux niveaux des enfants, nous n'avons pas de cours d'anglais spécifiques pour les enfants, et je vais revenir plus tard sur les cours d'anglais. Si vous regardez la programmation, comme nous n'avons pas de publicité, il y a généralement un intervalle de 15 minutes entre les émissions où nous présentons des animateurs que nous avons recrutés et qui représentent toutes sortes de cultures, de couleurs, de contextes et de nationalités. Ils enseignent les nombres, ce qui est très important.
Nous avons quelque chose qui s'intitule Tumbletown Tales, que nous venons de réaliser et qui est axé sur le calcul et les mathématiques. Nous présentons des comportements. Nous parlons du vote. Nous abordons tous les sujets susceptibles de façonner la vision du monde d'un jeune enfant. En fait, le public d'enfants de TVOntario est incroyablement multiculturel.
Ensuite, nous essayons d'élaborer des émissions répondant aux besoins des enfants tels que nous les exposent les enseignants. Par exemple, les enfants des écoles de Toronto manquent de confiance en eux. Les émissions que nous achetons et qui sont réalisées ailleurs sont des émissions destinées à renforcer la confiance en soi, donc nous recherchons ce genre de choses.
Pour ce qui est de la programmation ethnique, nous sommes maintenant les coproducteurs canadiens de Spelling Bee, un jeu consistant à épeler des mots, si vous ne l'avez pas vu. Je pense que 75p.100 des participants appartiennent à des minorités visibles, et c'est incroyable. Ce jeu se répand dans tout l'Ontario et nous essayons de le transmettre à d'autres diffuseurs éducatifs quand nous avons les fonds nécessaires. C'est le moyen le plus fascinant d'attirer un nouveau public.
Pour ce qui est du public adulte, nous avons notre tribune libre More to Life de 1 heure à 2 heures de l'après-midi, animée par Mary Ito. Nous y discutons de toutes sortes de sujets ethniques et les gens nous appellent pour nous demander par exemple comment on trouvait un travail. Nous abordons tous les sujets imaginables, et les gens le savent.
Deuxièmement, à Studio 2, nous essayons de discuter de questions pertinentes à cela. Dans notre centre d'apprentissage indépendant, nous avons une école de langue, anglais seconde langue, et on peut suivre le cours avec des bandes audio. Cela aussi, les gens le font. Vous voulez ajouter quelque chose?
Mme McKhool: Il y a aussi un programme d'alphabétisation en français pour les adultes qui veulent améliorer et pratiquer leur français. On leur présente des scénarios de situations réelles.
Mme Bassett: Et Bisou, pour autant que je sache...
La présidente: Juste une précision, si vous le permettez: pour les francophones adultes ou les adultes qui apprennent le français langue seconde?
Mme McKhool: Langue seconde.
Le sénateur Merchant: Puis-je vous poser une autre question? Est-ce que vous vous préoccupez autant que les autres réseaux des cotes d'écoute à la télévision?
Mme Bassett: Comme je viens au départ du secteur privé, CTV, je tiens compte des cotes car on n'a pas envie de faire quelque chose que personne ne regarde. En revanche, je n'en tiens pas compte au point de ne pas présenter par exemple quelque chose si j'estime que c'est très important de le faire. Je pense que nous faisons du très bon travail au niveau des stations spécialisées et privées — ou plutôt éducatives...
Le sénateur Merchant: En avez-vous besoin pour demander du financement?
Mme McKhool: Cela fait partie du défi du FCT. Il tient compte des cotes d'écoute.
M. Dimock: Oui, est c'est toujours quelque chose que les gens demandent, même si notre mandat est différent et très spécialisé. On nous demande toujours combien de spectateurs nous avons.
Le sénateur Merchant: Et que répondez-vous?
M. Dimock: La bonne nouvelle, c'est que par exemple notre émission pour enfants TVO Kids vient en deuxième place pour le niveau d'écoute dans la province malgré le fait, ou plutôt grâce au fait qu'il s'agit d'une démarche de programmation totalement différente.
Et nous avons des émissions comme Spelling Bee que Mme Basset vient de mentionner. En pleine heure de pointe un dimanche soir, nous avons eu 200 000 spectateurs durant cette heure, ce qui est, vous le savez bien, tout à fait...
Le sénateur Tkachuk: C'est mieux que les Raptors.
Mme Bassett: C'est tout à fait passionnant.
M. Dimock: Les cotes d'écoute ne sont pas notre premier souci, mais évidemment nous sommes très fiers d'attirer un grand nombre de spectateurs grâce à la qualité de notre programmation.
Mme McKhool: Disons aussi que comme nous n'avons pas de publicité, nous ne sommes pas liés à des intérêts commerciaux. Nous avons une liberté de façonner nos émissions comme nous le voulons, liberté qu'on ne trouve dans aucun autre réseau.
Hier, nous avons reçu un prix Gémeaux pour des documentaires, le prix Donald Britton pour Dying at Grace, ce qui montre que même si les cotes d'écoute ne sont pas aussi élevées que pour d'autres émissions plus sensationnelles qu'on peut voir sur un autre réseau, nous obtenons le même résultat de façon différente.
Mme Bassett: Nous essayons de trouver un financement auprès de grandes sociétés pour des choses comme Career Matters, un site Web où les jeunes peuvent voir où ils pourraient aller à l'université et quels cours ils pourraient prendre. C'est financé par une des banques, pas à cause des cotes de participation mais simplement parce que c'est la bonne chose à faire. C'est une démarche philanthropique mais qui s'est révélée utile. Je pense que ce que nous montrons aux jeunes, et la valeur...
Le sénateur Di Nino: Je dois me déclarer un peu en conflit d'intérêts. Je connais Isabel Bassett depuis longtemps et nous avons mené quelques combats ensemble, en en gagnant certains et en perdant d'autres. Je voudrais simplement dire un mot sur la passion qu'elle apporte à ce travail, comme vous le voyez ce matin.
Jim le sait sans doute très bien, mais parmi mes collègues, madame Bassett, je pense être le seul à venir de ce secteur, au point que je suis un consommateur de votre produit, en particulier Studio 2, qui est une émission tout à fait remarquable. Effectivement, elle traite de nouvelles parce qu'on y aborde toutes sortes de questions d'actualité, etcetera.
Je voudrais m'en tenir simplement à la programmation parce que nous n'avons pas beaucoup de temps. Premièrement, une précision sur votre exposé: Quand vous avez dit que les initiatives incluaient la programmation régionale, que vouliez-vous dire?
Mme Bassett: Nous voulons dire que TVOntario est une organisation basée en Ontario et financée en Ontario. Nous ne voulons pas être repliés sur Toronto. Nous nous adressons à toute la province. Nous prenons par exemple Sudbury. D'ailleurs, TFO a maintenant une petite antenne à Sudbury. Nous essayons de voir ce que font les gens, les agriculteurs, les gens du Nord, les mineurs, les trappeurs et les Inuits. À chaque fois, c'est quelque chose d'unique et cela demande beaucoup d'argent.
M. Dimock: Je précise que dans le contexte du système de radiodiffusion canadien et aux yeux du CRTC, nous sommes un radiodiffuseur régional. Le signal de TVO ne dépasse guère les frontières de l'Ontario, et nous nous concentrons donc sur des questions spécifiques à l'Ontario.
Le sénateur Di Nino: Oui, l'une des choses dont on entend souvent parler à propos de la radiodiffusion au Canada, c'est qu'une compagnie publique de radiodiffusion en particulier n'a pas correctement reflété l'évolution qui s'est produite dans notre pays. Je parle de la diversité, etcetera. Vous en avez parlé un peu, mais j'aimerais approfondir le sujet.
Comment communiquez-vous avec tout l'éventail de communautés de notre merveilleuse province, où l'on trouve 125 langues et peut-être 130 cultures, sinon plus? Comment faites-vous face à cela?
Mme Bassett: Tout d'abord, nous avons 52 conseillers régionaux y compris des autochtones et des francophones et qui nous parlent des problèmes importants pour eux dans leur communauté. Naturellement, nous diffusons en anglais ou en français, nous ne parlons pas italien mais nous pouvons quand même aborder des questions qui concernent les communautés italiennes.
Par exemple, il y a des années, le National Post n'a pas présenté ou a critiqué l'équipe de soccer de la Corée. Nous avons présenté la réaction de la communauté coréenne. Nous abordons les problèmes du point de vue des communautés, en anglais.
Le sénateur Di Nino: Est-ce que vous allez aussi dans la communauté indienne, chinoise, jamaïcaine, faire des émissions que vous présentez au reste du public? Vous le faites?
M. Dimock: Nous avons pour priorité de travailler avec ces communautés dans toute la mesure du possible, mais n'oublions pas que nous ne sommes pas un diffuseur multilingue.
Le sénateur Di Nino: Je comprends.
M. Dimock: Nous ne faisons pas des émissions qui ciblent étroitement ces communautés. Nous avons plutôt tendance à élaborer des émissions qui répondent aux besoins ou aux priorités de ces communautés en matière d'éducation en essayant d'attirer en même temps un public plus large.
C'est un équilibre délicat, mais nous nous sommes beaucoup rapprochés ces dernières années de ces communautés pour établir des partenariats répondants à leurs besoins particuliers.
Pour compléter la liste des groupes que vous avez mentionnés, nous travaillons aussi en contact étroit avec la communauté autochtone. Par exemple, avec les centres d'amitié autochtones de la province, nous faisons de gros efforts pour rendre nos ressources éducatives accessibles à ces communautés.
Le sénateur Di Nino: Avant que la présidente m'interrompe, car je pense qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, je voudrais vous poser une question sur les coûts des émissions. Où réalisez-vous ces émissions, et est-ce que vous en achetez ailleurs dans le monde? Et est-ce que ces émissions ont une valeur commerciale? Est-ce que vous les vendez non seulement aux autres provinces mais à d'autres pays? Avez-vous un moyen de récupérer une partie de vos coûts?
Mme Bassett: Tout d'abord, nous réalisons de petites choses comme Tumbletown Tales, mais cela ne rapporte rien, car on n'obtient pas grand-chose pour des émissions réalisées à l'interne et diffusées à l'interne. Nous avons des coproductions, par exemple Dying at Grace qui a obtenu ce prix hier soir. C'est une coproduction.
Ensuite, il y a les émissions que nous achetons dans le monde. Nous essayons de les faire correspondre à ce que veulent voir les Ontariens. L'année dernière, nous avons eu plusieurs documentaires sur des gens qui étaient partis retrouver leurs parents en Inde, et cela aurait pu être l'Italie, ce genre de chose.
Le sénateur Di Nino: C'est ce que je voulais savoir. Il nous faudra plus de temps, madame la présidente, mais merci.
La présidente: C'est notre perpétuelle histoire.
Le sénateur Trenholme Counsell: Bonjour. Quel exposé magnifique. J'aimerais que nous ayons la même chose dans le Canada atlantique, mais peut-être que cela arrivera un jour.
Mme Bassett: Je viens de là-bas.
M. Dimock: Nous y travaillons.
Le sénateur Trenholme Counsell: J'aimerais bien lancer cela. Ce serait si facile.
Vous avez répondu en partie à la question que j'allais vous poser, mais je veux quand même vous la poser car je sais que c'est quelque chose qui vous intéresse, madame Bassett, puisque nous en avons déjà parlé une ou deux fois.
Étant donné l'importance croissante qu'on accorde maintenant aux toutes premières années, disons entre la naissance et trois ans, est-ce que vous déplacez votre cible et est-ce que vous trouvez de nouvelles sociétés pour vous parrainer et vous permettre de faire des émissions pour cette première année durant laquelle de nombreuses mères et parfois des pères restent à la maison? J'ai l'impression que c'est une occasion exceptionnelle de faire œuvre pédagogique.
Je sais que vous parlez de préparation pour l'école. J'ai examiné votre liste. Vous parlez ensuite de nombres, de comportements, de socialisation, etcetera. Êtes-vous en mesure de relever ce nouveau défi, et comment faites-vous?
Mme Bassett: Tout d'abord, c'est très important. Margaret McCain est la présidente honoraire de notre fondation, donc il va de soit que nous entendons beaucoup parler de ces premières années. En outre, Mme McKhool est une mère et elle va bientôt être de nouveau maman.
Les tout-petits, ceux de deux et trois ans, et probablement moins — je ne sais pas exactement à partir de quand — en tout cas les enfants de deux ans regardent TVOntario. Le nouveau directeur du Royal Conservatory of Music de Toronto a une fille de 18 mois et il est enthousiasmé de la voir dévorer les émissions de TVOntario, donc je sais que les enfants commencent à 18 mois.
Nous essayons d'avoir des réalisations dans divers formats que nous pouvons proposer aux centres où vont les mères, pour qu'elles puissent y acquérir des compétences parentales. C'est ce que nous faisons dans la ligne du rapport Margaret McCain, que vous connaissez sans doute. Je pense que c'est un rôle très intéressant pour nous.
Mme McKhool: TFO a actuellement une trousse documentaire qu'elle envoie à tous les enfants francophones scolarisés de trois ans. Cette trousse s'adresse aux parents et les aide à guider la socialisation et l'apprentissage des enfants à l'école.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je ne voulais pas dire que les bébés d'un mois regardent la télévision, mais leur mère, leur père, la famille élargie, les personnes qui s'occupent de ces bébés la regardent.
Est-ce que ce n'est pas un âge idéal pour commencer l'éducation familiale et entamer le développement de l'enfance? Ensuite, on passe évidemment aux émissions qui s'adressent aux enfants eux-mêmes. J'imagine qu'à l'âge d'un an ils commencent à regarder la télévision. Je le sais.
Mme Bassett: Nous avons une coproduction intitulée Planet Parent. C'est une émission d'une demi-heure qui passe deux fois toutes les semaines. On y parle de divers aspects du rôle parental et c'est une émission extrêmement populaire. C'est essentiel. Dans More to Life, nous parlons constamment de ces questions d'éducation. Il faudrait peut-être que nous mettions plus de ces émissions sur des cassettes, comme Margaret McCain voudrait que nous le fassions, je crois, pour donner une plus grande diffusion à ce genre de chose.
M. Dimock: Nous fournissons aussi toutes sortes d'information de soutien aux parents et aux enfants qui profitent de nos émissions ou de ce que nous proposons en ligne. L'essentiel de notre public d'enfants correspond à la tranche de cinq à huit ans, donc nous sommes très présents au niveau préscolaire.
Par exemple, sur le site Web TVO Kids, pour chaque activité s'adressant aux enfants, il y a une explication correspondante à l'intention des parents. On décrit le but de l'activité, le processus d'apprentissage concerné et d'autres choses qu'on peut faire une fois que l'enfant quitte la télévision ou l'ordinateur pour l'encourager à poursuivre son apprentissage dans ces domaines.
La présidente: Merci, sénateur.
Je voudrais simplement poser une question. Vous dites que vous ne vous occupez pas des bulletins d'information, mais vous présentez des actualités.
Mme Bassett: Pas de façon...
La présidente: Non, non, non. Si vous étiez un journal, Studio 2 et ces documentaires seraient ce qu'on appelle des articles de fond dans le journalisme, et feraient partie du contenu du journal.
Ce que vous ne faites pas, c'est la couverture sur place comme le font les journaux qui envoient des reporters couvrir les nouvelles fraîches. Pourquoi? Votre licence ne vous y autorise pas, c'est trop cher, ou quoi?
Mme Bassett: Pour autant que je sache, nous ne sommes pas censés être une station d'information, mais une station éducative. Cela veut dire que nous devons présenter des informations qui vont contribuer à développer le sens civique, c'est-à-dire donner un aperçu des grandes questions de la communauté.
M. Dimock: Oui. Pour poursuivre vote analogie, ce serait plutôt comme un dossier et non un article de fond. La grande différence, c'est que nous ne couvrons pas l'actualité à chaud avec de petits reportages sur place.
Nous cherchons les sujets qui sont les plus importants pour les gens qui vivent en Ontario. Nous essayons d'aller suffisamment en profondeur pour susciter une démarche d'apprentissage des spectateurs sur ces dossiers, en faisant appel à des experts, à des tribunes libres et à d'autres techniques. C'est tout à fait différent de la couverture de l'actualité.
La présidente: De nombreux organismes d'information vous diront que c'est exactement ce qu'ils sont censés faire, mis à part les grands titres, mais c'est un choix de votre part. Ce n'est pas quelque chose que le CRTC vous impose.
M. Dimock: Nous n'avons pas une licence nous autorisant à présenter des informations. Du point de vue du conseil, c'est un type d'émissions bien distinct.
La présidente: C'est passionnant, et nous pourrions continuer cette discussion avec vous pendant très longtemps. Pourrions-nous vous demander de nous faire parvenir des exemplaires de votre rapport annuel, peut-être même les deux ou trois derniers? J'imagine qu'on y trouve tous les détails sur la grille horaire de ces émissions, les montants de financement et toutes ces statistiques très utiles.
Le sénateur Tkachuk: Puis-je ajouter quelque chose? Quand vous parlez d'accès à un financement pour l'éducation, ce qui est l'un de vos deux grands arguments, et du montant disponible au niveau fédéral, est-ce qu'il y a une composante constitutionnelle là-dedans? L'éducation est une responsabilité provinciale, mais vous avez besoin de fonds fédéraux pour réaliser des émissions éducatives. Pourquoi le gouvernement fédéral vous donnerait-il de l'argent? Pourquoi est-ce que ce n'est pas uniquement la province?
Mme McKhool: La province nous charge de réaliser des émissions éducatives pour la province, mais la Loi sur la radiodiffusion stipule aussi que nous sommes un élément fondamental du réseau de radiodiffusion du Canada, à titre de diffuseur éducatif provincial. Nous sommes donc un peu coincés, car on nous demande aussi de jouer un rôle au niveau de l'identité nationale.
Le sénateur Tkachuk: Bon.
La présidente: Nous sommes à court de temps, mais certainement pas de contenu.
Mme Bassett: N'hésitez pas à nous appeler si vous avez besoin d'autre chose à part ce rapport.
La présidente: Ajoutez-y tout ce qui vous semblera judicieux.
Sénateurs, nos prochains témoins qui ont attendu patiemment alors que nous dépassions le temps prévu sont les représentants del'Association canadienne des annonceurs. Nous avons M. Ron Lund, président et chef de la direction, et M. Bob Reaume, vice-président pour la politique et la recherche.
Vous avez la parole.
M. Bob Reaume, vice-président, Politique et recherche, Association canadienne des annonceurs: Honorables sénateurs, nous sommes très heureux d'avoir cette occasion de vous faire part de nos commentaires ce matin.
Le travail que vous accomplissez, qui vise à préserver la diversité des voix qui se font entendre sur l'information au Canada, est très important dans le contexte médiatique actuel. Nous avons une position différente de celle de la plupart des témoins précédents puisque nous avons une vocation purement commerciale, et nous ne nous préoccupons pas de la rédaction.
L'Association canadienne des annonceurs est la seule association qui représente uniquement les intérêts des annonceurs au Canada. Nos membres, plus de 200 entreprises et antennes, représentent tout un éventail de secteurs, y compris l'industrie, la vente au détail, les produits emballés, les services financiers et les communications. Ce sont les grands annonceurs du Canada, avec des ventes annuelles évaluées à près de 350 milliards de dollars.
Nous espérons pouvoir vous montrer aujourd'hui l'importance des médias pour les annonceurs au Canada et vous faire comprendre en même temps l'importance vitale de la publicité pour les médias au Canada.
La publicité est une force économique importante dans le monde. Dans presque tous les pays développés, elle est considérée comme un élément important et indispensable de l'infrastructure des communications. On estime que le chiffre d'affaires de la publicité à travers le monde a dépassé les 1,5 billion de dollars américains l'an dernier.
La publicité est aussi une force économique importante au Canada. On estime que les dépenses publicitaires en 2003 ont été de l'ordre de 11,6 milliards de dollars. Cette activité représente environ 250 000 emplois directs et indirects, soit à peu près 2p.100 de l'emploi total au Canada.
Fait important, quelque 79p.100 de toutes les dépenses de publicité au Canada demeurent dans l'économie canadienne comme valeur ajoutée. Comparativement à la plupart des industries canadiennes, c'est un niveau très élevé de contenu national.
La publicité accroît aussi les recettes gouvernementales par l'impôt sur le revenu provenant des emplois ainsi créés et par l'élargissement de l'assiette fiscale des ventes qui en résulte. Il est donc clair que la publicité contribue de façon importante à l'économie de notre pays. Elle est le carburant du moteur économique du Canada.
Compte tenu de l'importance de ces recettes, le rôle de la publicité est essentiel à la vitalité et à la solidité du système des médias au Canada. Premièrement, la publicité défraie le coût du contenu. Les annonceurs et le public s'entendent là-dessus depuis les tous débuts de la publicité.
La publicité défraie les coûts des bulletins d'information, des articles et des émissions qui divertissent, informent et instruisent les Canadiens. Sans revenus de publicité, le système des médias canadiens ne pourrait pas subsister sous sa forme actuelle.
Toutefois, la publicité est plus qu'un simple stimulant économique qui ajoute des dollars et des emplois à l'économie canadienne. La publicité est cette force qui assure une saine concurrence entre les produits et services canadiens, qui offre les avantages de l'innovation, un vaste choix, des prix concurrentiels et un service amélioré. Outre qu'elle est un puissant catalyseur de la concurrence, la publicité fournit aux consommateurs l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés.
Je le répète, honorables sénateurs, nous savons très bien que l'important travail que vous faites ici porte essentiellement sur les médias d'information, et les mesures à prendre pour préserver la diversité des opinions exprimées au Canada. Toutefois, les intérêts des annonceurs dans les médias sont essentiellement de nature commerciale, notre rôle étant en quelque sorte un peu celui d'un partenaire financier silencieux.
Les décisions d'achat des annonceurs sont prises pour la plupart en fonction d'une froide évaluation de l'importance et de la composition de l'auditoire, sans égard au contenu culturel ni à l'orientation culturelle du contenu.
En tant qu'entreprises commerciales ayant des responsabilités envers les actionnaires et d'autres encore, nous devons commercialiser nos produits et services du mieux que nous le pouvons. Par conséquent, nous nous préoccupons d'abord et avant tout de l'efficience et de l'efficacité des médias. Nous prenons nos décisions en fonction d'analyses, et essentiellement nous achetons des téléspectateurs, des auditeurs et des lecteurs.
Pour cette raison, les annonceurs préfèrent un accès universel aux médias. Nous croyons que toute radiodiffusion, toute publication et tout service Internet devraient permettre la publicité commerciale, et d'ailleurs qu'ils en profiteraient. Nous croyons que cela devrait inclure aussi la SRC, secteurs télévision et radio.
Les annonceurs ont toujours appuyé la SRC, et nous sommes fiers du rôle que nous avons joué dans sa réussite. Le soutien des annonceurs au radiodiffuseur public permet aux gouvernements d'être prudents au niveau fiscal, tout en faisant la promotion d'objectifs officiels d'intérêt public.
La télévision de la Société Radio-Canada, tant du réseau anglais que du réseau français, fournit actuellement un important inventaire commercial au marché de la publicité. C'est important, parce que les annonceurs canadiens ont depuis des années à composer avec des obstacles grandissants pour avoir accès aux auditoires canadiens.
Je dirais que du quart au tiers de toutes les émissions regardées au Canada proviennent de signaux qui ne sont pas commercialement accessibles aux annonceurs au Canada. Certains estiment que la télévision de la Société Radio- Canada devrait réduire sa dépendance à l'égard des recettes commerciales, qui s'établissent actuellement à environ 350 millions de dollars par année. Cela réduirait grandement une saine concurrence qui est nécessaire entre les radiodiffuseurs. Nous estimons qu'il n'y a pas actuellement suffisamment de services conventionnels qui fonctionnent, surtout à l'échelle locale, pour remplacer cet inventaire en toute sécurité.
Sans inventaire de remplacement ni concurrence appropriée, le coût de la publicité télévisée augmenterait, et les annonceurs répercuteraient naturellement une partie de leurs dépenses sur d'autres médias ou d'autres activités de communication liées à la commercialisation. Cela ne ferait que diminuer l'ensemble du financement publicitaire pour la radiodiffusion et d'autres médias, ce qui affaiblirait donc le système des médias canadiens.
La publicité en général et la télévision sont sous-développées au Canada. Le total des dépenses publicitaires par habitant aux États-Unis, par exemple, est trois fois supérieur à celui du Canada. Au Royaume-Uni, il est de 50p.100 supérieur au nôtre. Pour la télévision, les dépenses publicitaires par habitant aux États-Unis sont deux fois et demie supérieures à celle du Canada. Au Royaume-Uni, elles sont plus élevées d'un tiers. Même les dépenses publicitaires par habitant en Australie, pour ce qui est de la télévision, sont près d'un tiers supérieures à celles du Canada.
Nous entendons souvent parler du fait que nos membres, des annonceurs, se plaignent de ne pas avoir un accès suffisant à l'inventaire commercial télévisuel et cela à de nombreux moments au fil de l'année. Les propositions novatrices pour rapatrier les téléspectateurs canadiens qui ont été faites par la compagnie 49th Media et l'industrie de la câblodistribution permettraient de régler ce problème, tout comme l'ajout de nouvelles stations locales conventionnelles. Il faudrait donner à ces propositions la chance de réussir.
Enfin, au sujet de la convergence des médias, qui est synonyme évidemment de concentration des médias: on a donné à entendre que les grandes organisations des médias peuvent offrir aux annonceurs des forfaits inter-médias et de médias intégrés qui répondent mieux à leurs besoins. En fait, il ne s'agit pas là d'une activité nouvelle. Les agences de publicité se font fort de réunir ces différents médias en forfaits intégrés depuis de nombreuses années.
Ce qui est nouveau et, avouons-le, assez intéressant pour les annonceurs, c'est le guichet unique qu'offrent ces grosses entités. Cet avantage, toutefois, doit être évalué en tenant compte du fait que les niveaux supérieurs de concentration des médias peuvent ouvrir la porte aux abus, comme les ventes liées, la dominance abusive, par exemple. C'est en fait la même situation que les annonceurs surveillent de près à mesure que le secteur des agences de publicité poursuit sa consolidation.
Nous souhaitons au comité bonne continuation dans ses délibérations, et nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le sénateur Tkachuk: Dites-vous que vous voulez que la télévision et la radio de la SRC présentent davantage de publicité?
M. Ron Lund, président et chef de la direction, Association canadienne des annonceurs: Certainement, oui.
Le sénateur Tkachuk: Et c'est pour favoriser la concurrence sur le marché, si je comprends bien?
M. Lund: Nous avons examiné la situation et nous y avons vu deux choses. D'abord, nous avons écrit à Robert Rabinovitch quand il est arrivé à la SRC, quand il a commencé à parler de réduire la publicité. Nous lui avons signalé deux choses, soit que quand on voit ce qui se passe dans le monde et au Canada aussi, on constate qu'il existe un équilibre très raisonnable entre les deniers publics et les fonds privés qui sont investis dans le système public et la programmation qu'ils permettent vraiment de produire.
En fait, nous avons félicité la SRC pour sa programmation tout à fait unique qui attire des téléspectateurs uniques pour nous, et on n'a donc pas à recourir tout le temps à l'actualité divertissement. En fait, la programmation unique de la télévision de la SRC est très attrayante pour les annonceurs.
Quant à la radio, nous pensions que le même modèle devait être appliqué à la radio de la SRC, car la publicité illimitée y est exclue, et les deniers publics peuvent être mis en rapport avec certains intérêts commerciaux.
En réalité, quand on écoute la radio de la SRC, on entend effectivement des annonces publicitaires, mais ce sont des annonces publicitaires que la radio de la SRC juge appropriées pour elle, parce qu'elles ont un contenu culturelle ou que sais-je encore.
Il y a une commercialisation. Tout dépend de l'interprétation qu'on donne au mot commercialisation. Il se peut qu'on nous dise: «Venez au théâtre à Niagara-on-the-Lake.» C'est une annonce commerciale. Nous aimerions avoir un certain accès à cela aussi.
Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas opposé à ce que vous dites. Comment un radiodiffuseur public établirait-il le prix de votre produit, quand une si grande part de ses fonds provient des contribuables?
La Société Radio-Canada exercerait-elle une concurrence déloyale envers les autres réseaux, qui fixent le prix de leurs produits pour assurer leur survie? Autrement dit, dans leurs cas, s'ils n'ont pas de revenus de la publicité, ils ne peuvent pas survivre, mais la radio de la SRC peut sous-estimer leurs produits, parce qu'elle n'en a que faire. Elle ne tire pas son financement de la publicité.
M. Reaume: Je n'ai jamais entendu un acheteur du secteur des médias dire qu'il a profité d'aubaines de la part de la SRC. La SRC fixe le prix de ses produits de façon concurrentielle, et la seule question qui se pose consiste à savoir comment partager ce gâteau de publicité. On pourrait soutenir que les radiodiffuseurs privés devraient en obtenir une plus large part. Nous voyons le marché comme un marché concurrentiel, et nous achetons là où nous pouvons obtenir les espaces publicitaires et les temps d'antenne les meilleurs et les plus efficaces.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit une autre chose encore. Il me semble qu'à la page 6, vous disiez qu'il y avait insuffisance de produits. Êtes-vous en train de dire que le CRTC n'accorde pas suffisamment de licences? Souhaiteriez- vous qu'il y ait davantage de stations de télévision?
M. Lund: Bien sûr.
Le sénateur Tkachuk: Il y a de la place pour les nouvelles stations, et le marché de la publicité peut se le permettre?
M. Reaume: Le conseil a autorisé diverses chaînes spécialisées depuis 10 ou 15 ans. Ce sont de merveilleux produits, et il y a de nombreux annonceurs qui utilisent ce créneau des chaînes spécialisées pour offrir leurs produits et services. La quasi- totalité, à de très rares exceptions, sont de portée nationale. Les annonceurs font leur planification marché par marché.
Nous avons donc maintenant à l'échelle nationale un extraordinaire choix de produits. Ce que nous n'avons pas, c'est un extraordinaire choix local, sur ce plan marché par marché. Nous pensons que des marchés comme ceux de Calgary, d'Edmonton, de Winnipeg, d'Ottawa, et oui de Toronto même, et d'autres pourraient accueillir davantage de stations conventionnelles locales.
Le CRTC a récemment examiné des demandes de nouvelles stations à Calgary. L'économie de Calgary depuis cinq à dix ans est tout à fait remarquable. La demande de temps d'antenne pour la télévision à l'automne et au printemps, les semaines de forte demande, est incroyable.
Il y a des moments où certains de nos membres disent: «Nous ne pouvons acheter de temps d'antenne sur ces marchés même au prix fort pendant certaines semaines.» D'où notre raisonnement, qui est qu'il nous faut des stations conventionnelles locales sur de nombreux marchés au pays. Nous avons déjà d'excellentes stations nationales, des chaînes spécialisées et d'autres.
Le sénateur Tkachuk: C'est excellent.
Le président: C'est fascinant.
M. Lund: Sénateur Tkachuk, j'allais ajouter à propos de la quantité des stations que l'autre problème que nous avons, c'est que depuis les sept dernières années, les chaînes spécialisées américaines accaparent une part grandissante de l'auditoire. Ce n'est pas une histoire sans précédent. C'est un peu comme avec le projet de loi C-55, où quelqu'un achète déjà le magazine People, où quelqu'un achète une autre publication américaine, le Cosmopolitan, et nous n'y avons pas accès.
Ce qui se passe maintenant, c'est que les Canadiens regardent les chaînes spécialisées américaines. Ils n'ont pas la possibilité d'avoir accès à de l'information, à des produits et à des services canadiens sur ces chaînes. C'est un sujet de préoccupation.
Le sénateur Merchant: Je sais qu'on lit de moins en moins les journaux, mais nous avons entendu quelques exposés de la part de représentants de médias ethniques, et ils auraient bien besoin d'un peu de publicité. Il doit bien y avoir un marché là, puisqu'ils sont aussi des consommateurs.
Que faites-vous? Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire pour eux parce qu'ils ont besoin d'un peu de publicité?
M. Reaume: Nous faisons beaucoup pour eux. J'étais ici hier quand le représentant de l'Association des médias ethniques a présenté son exposé. Il a soutenu que le gouvernement fédéral avait réduit sa publicité dans les médias ethniques.
De nombreuses sociétés privées produisent des campagnes de publicité distinctes pour les médias ethniques. Les brasseries, les entreprises de marchandises emballées, des sociétés financières, toutes produisent des publications, des émissions de télévision et de radio en chinois, en italien, en portugais et dans d'autres langues pour joindre ces communautés ethniques.
Je ne crois pas qu'ils aient réduit leurs campagnes publicitaires. C'est une décision du gouvernement fédéral de réduire sa publicité qui leur a causé des difficultés cette année.
Le sénateur Munson: Nous avons entendu Mme Bassett ce matin et des représentants de TVO. Vous réclamez activement qu'il y ait davantage de publicité à la SRC. Peut-on dire la même chose dans le cas de TVO? Il semble y avoir une telle pureté à TVO, du fait qu'il n'y a aucune publicité. Souhaiteriez-vous vous mêler d'introduire la publicité dans une chaîne de télévision éducative?
Le sénateur Tkachuk: Surtout pour les bambins de deux ans. Il n'est jamais trop tôt pour commencer.
Le sénateur Munson: Les gens doivent bien aller quelque part pour qu'il n'y ait pas de publicité, mais, je suppose...
M. Lund: L'une des choses sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention, c'est que contrairement à l'opinion populaire nous ne visons pas en fait la publicité illimitée. Nous nous sommes présentées à maintes reprises devant le CRTC pour nous plaindre de l'assouplissement de la limite des douze minutes, qui est pratiquement inexistante étant donné les dix exemptions permises aux règles. Nous estimons en fait que c'est vraiment manquer d'égard à l'endroit des consommateurs.
Pour répondre à votre question, oui, nous aimerions beaucoup avoir cet accès. Nous ne croyons pourtant pas à l'accès illimité. Nous croyons, certainement, qu'il y a lieu de compléter laprogrammation qui est offerte. Je regarde aussi des émissionsde TVO. L'assouplissement des règles concernant la commercialisation dans certains cas peut certainement atténuer les problèmes auxquels nous faisons face en matière de financement, et cela renforcerait ces entreprises tout en nous livrant un certain accès aux consommateurs.
Toutefois, nous allons au CRTC au moins tous les 18 mois, nous plaindre de l'assouplissement des règles concernant le temps d'annonces commerciales disponible.
Le sénateur Munson: Les journaux survivent grâce à la publicité, nous le savons tous. Nous avons entendu ces histoires où on sonnait le glas du National Post. À un moment donné, ils en étaient presque rendus à distribuer gratuitement ce journal, et pourtant il a survécu.
Dans le contexte actuel, les fonds pour la publicité suffiraient-ils à soutenir un marché concurrentiel à Toronto ou sur de petits marchés? Y a-t-il beaucoup d'argent? Je sais que l'économie se porte bien, mais bien des journaux ne peuvent pas en dire autant.
M. Reaume: Je suis sûr que vous avez déjà entendu des représentants du secteur des journaux dire que Toronto est l'un des marchés les plus concurrentiels au monde en matière de journaux. Si vous comptez le nombre de quotidiens sur ce marché, vous en trouverez peut-être huit ou neuf, croyez-le ou non.
Vous avez les journaux grand public, et maintenant vous avez aussi ces journaux distribués gratuitement pour tous ceux qui empruntent les transports en commun. Nous en avons entendu parler hier. Le Corriere Canadese est un quotidien. Il y a un quotidien chinois sur ce marché aussi qui est un marché extrêmement concurrentiel pour les journaux.
Y a-t-il suffisamment de fonds de publicité? Je ne le sais pas. Cela augmente chaque année. Le gâteau de la publicité grossit chaque année. C'est tout ce que je peux répondre.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je sais peut-être la réponse, mais je vais poser la question. Est-ce que votre association ou quelqu'un ne pourrait pas faire l'effort ou avoir pour rôle peut-être non pas de contrôler mais d'influencer la qualité de la publicité, le contenu? Je pense que je pose la question davantage à titre de médecin que de parent ou de citoyen. Je suis très préoccupé par certaines choses que j'ai vues récemment au sujet du Viagra. On dirait qu'il en est maintenant question partout. Il y a un exemple chaque semaine ou chaque mois.
Est-ce que cela se fait?
M. Lund: Je ne vais pas m'aventurer sur ce sujet.
Le sénateur Tkachuk: Mais si, lancez-vous.
Le sénateur Trenholme Counsell: Tous les soirs, immanquablement, c'est le même refrain, et c'est un couple assez jeune aussi, et je me demande pourquoi. De toute façon, je me réjouis de vous voir tous rire.
M. Lund: Une des choses que nous avons au Canada, et je pense que nous devrions tous en être très fiers, c'est un excellent système d'autoréglementation, qui fonctionne par l'intermédiaire des Normes canadiennes de la publicité, les NCP.
Une plainte d'un seul consommateur peut enclencher une enquête. Si quelqu'un estime qu'une publicité faite pour le Viagra était offensante, on se reporterait aux codes individuels qui sont appliqués soit par le Cabletelevision Advertising Bureau, le CAB, la société pharmaceutique, ou notre propre code des Normes canadiennes de la publicité, en matière de goût, par exemple. Au fait, il leur arrive bel et bien de demander le retrait de certaines publicités.
Avec l'appui, une fois de plus, des radiodiffuseurs ou du média individuel. Si quelqu'un dit: «Non, nous n'allons pas la retirer», c'est alors le radiodiffuseur qui la retirerait. Essentiellement, c'est un système qui repose sur le dépôt de plaintes, et une plainte enclenche le processus.
Le sénateur Trenholme Counsell: Le nom du...
M. Lund: Les Normes canadiennes de la publicité.
Le sénateur Trenholme Counsell: Est-ce une association distincte?
M. Lund: Oui, c'est une organisation multipartite composée d'agences des médias, d'annonceurs et de groupes de consommateurs. Des consommateurs y participent.
M. Reaume: J'aimerais ajouter que vous réagissez peut-être à beaucoup de publicités américaines pour ce type de produit. Notre association ne peut rien faire à ce sujet. Je pense que le CRTC lui-même n'y peut rien.
Le sénateur Trenholme Counsell: Parfois c'est de la bière qu'on offre aux préadolescents; pas vraiment, mais ils ont l'air si jeunes.
Le sénateur Munson: Vous mourrez le sourire aux lèvres, leur dit-on à la fin.
Le sénateur Di Nino: Sénateur, je pense qu'il y a de pires exemples que les deux que vous avez mentionnés pour dénoncer la publicité détestable. Nos collègues ont raison, cette publicité vient probablement de l'autre côté de la frontière. Particulièrement en Ontario, nous en sommes inondés.
Je veux parler de la question qui avait trait aux médias ethniques, et j'aime bien parler de langues tierces. Je crois qu'il y a sept quotidiens dans la région de Toronto, et je pense que si l'on compte les hebdomadaires et tout le reste, il y en a probablement plus de trente. C'est merveilleux que nous ayons tout cela.
Est-ce un marché vers lequel vous vous tournez régulièrement? Le jugez-vous important? Estimez-vous qu'il est en train de devenir important?
M. Reaume: Certainement. Il fut un temps, il y a peut-être seulement dix ans, où il était jugé secondaire.
Le sénateur Di Nino: Exactement.
M. Reaume: Cependant, il y a beaucoup d'annonceurs auxquels je peux penser, par exemple, la Banque royale et les autres banques, des brasseries et des fabricants d'automobiles, qui ont compris qu'en s'adressant à des groupes cibles d'une langue tierce dans leur propre langue, dans leur langue maternelle, on peut très efficacement renforcer le message publicitaire. Cela ne peut se faire qu'en...
Le sénateur Di Nino: Avez-vous des statistiques...
Le président: Sénateur Di Nino, il nous faut un éclaircissement, car nous sommes interloqués. Nous pensons tous vous avoir entendu dire qu'il y avait sept quotidiens en langue chinoise à Toronto. Est-ce bien ce que vous avez dit? Sept?
Le sénateur Di Nino: Exactement.
Le président: Des quotidiens de langue chinoise dans cette ville?
Le sénateur Di Nino: Il y a une organisation qui s'appelle le National Ethnic Press and Media Council of Canada avec qui je travaille de temps à autre, et je crois que plus d'une vingtaine de journaux chinois sont publiés dans cette région. Je parle de la région du Grand Toronto; Markham et Mississauga en comptent quelques-uns. Je pense qu'il y a une poignée par exemple de journaux d'Asie du Sud. Il y a vraiment beaucoup...
Le président: Je sais qu'il y en a beaucoup. C'est seulement que je ne savais pas qu'il y avait sept quotidiens chinois.
Le sénateur Di Nino: J'ai posé la question l'autre jour, avant de venir. Je pensais qu'il y en avait davantage mais apparemment il y a sept quotidiens chinois dans la région du Grand Toronto.
Avez-vous des statistiques sur la valeur en dollars de la publicité destinée aux journaux de langue tierce?
M. Reaume: Je vous dirais que non, nous n'avons pas de statistiques. De plus, à ce sujet, quelques agences de publicité spécialisées dans le marché ethnique sont apparues dans le secteur de la publicité et sont d'un grand secours pour les clients qui veulent prendre cette voie.
Pour parler précisément de statistiques, il est difficile aussi de mesurer la diffusion de certains de ces journaux et d'autres publications. C'est un peu difficile pour nous aussi.
Des journaux comme le National Post et The Globe and Mail font vérifier leur diffusion par l'Audit Bureau of Circulations, par exemple. Bien sûr, cela coûte quelque chose. Peut-être que certaines des petites publications en langue tierce ne peuvent pas se le permettre, et nous devons en tenir compte.
M. Lund: Il ne s'agit pas que des journaux en langue tierce. Il est très difficile d'obtenir des statistiques sur les journaux communautaires à Richmond Hill ou Markham, par exemple.
Le sénateur Di Nino: Je comprends. Si je pose la question, c'est parce que vous avez mis le doigt dessus quand vous avez dit qu'il y a quelques années ce secteur était considéré comme secondaire. Même dans le cas du Corriere Canadese et de certains autres journaux, il y a un énorme marché. Je me demande s'ils obtiennent leur juste part des dollars du secteur de la publicité, d'autant plus que vous me dites qu'il n'y a pas suffisamment d'endroits où annoncer. C'est ce que je veux dire, et je suis d'accord avec vous.
Il y a toutes sortes de petits journaux, et il y a des journaux chinois qui en fait ont un plus fort tirage que le National Post dans la ville de Toronto.
Madame la présidente, je tenais à le dire publiquement.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons entendu dire par des représentants des médias ethniques qu'une commission de 30p.100 aurait été acceptée par un acheteur de publicité du gouvernement fédéral.
Avez-vous reçu des plaintes ou des doléances de la communauté ethnique à ce sujet?
M. Reaume: Non.
Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il des courtiers qui prennent 30p.100 à leurs clients du secteur privé pour passer leur publicité?
M. Reaume: Nous ne sommes pas forcément au courant de cette transaction parce qu'elle est entre les médias eux- mêmes et l'agence de publicité intermédiaire. Nous sommes le fournisseur de produits et de services, de sorte que nous ne sommes pas forcément au courant, mais nous n'avons rien entendu dire qui ressemble...
M. Lund: Monsieur Reaume, nous faisons suffisamment de consultations auprès de nos membres — personne ne paie 30p.100 pour sa publicité. Tout ce que je peux dire, et c'est peut-être un élément, c'est que l'annonceur ne sait pas ce que sera le prix final et la personne tripote le prix entre les deux.
Toutefois, l'annonceur ne paie pas 30p.100 à un intermédiaire. Dans le bon vieux temps, c'était 15p.100, quand vous assuriez la création d'une annonce. Le gros de l'achat de média se fait entre 2 et 5p.100. Aucun gros annonceur ne songerait jamais à payer 30p.100.
[Français]
Le sénateur Chaput: J'aimerais que vous apportiez une clarification au point suivant. Dans votre document, vous dites ne pas avoir accès à certaines émissions télévisées. Vous indiquez que l'association canadienne n'a pas accès au quart ou au tiers de ces émissions télévisées. Pourquoi faites-vous cette affirmation? Qui a accès à ces émissions?
[Traduction]
M. Lund: Oui, s'il s'agit des chaînes spécialisées américaines, ce qui est ce dont on parle surtout ici. Sur CNN, vous allez voir des publicités américaines. Pas de publicité canadienne. La seule exception, c'est que pendant deux minutes par heure — c'est bien à l'heure, n'est-ce pas? — le câblodistributeur, Rogers par exemple, se voit accorder deux minutes pour faire sa promotion; pas pour vendre ses produits mais pour faire la promotion de ses émissions, etcetera. Pendant deux minutes seulement et le reste est constitué d'annonces américaines.
Pour ce qui est de la taille de l'auditoire: à peu près le quart des Canadiens anglophones regardent ces émissions. S'ils regardent cette émission, ils ne sont pas en train d'en écouter une autre.
Le sénateur Chaput: La décision est prise par qui?
M. Lund: Nous n'avons pas légalement accès à ces émissions. Dans notre exposé, nous avons signalé deux choses. D'abord, l'Association canadienne des télécommunications par câble a recommandé au CRTC que ces deux minutes soient accessibles sur un pied d'égalité à tous les annonceurs, pas seulement aux Rogers de ce monde; au minimum, de débloquer les deux minutes. Puis, Kevin Shea de 49th Parallel Inc. — certains d'entre vous connaissent peut-être Kevin — a dit: Pourquoi ne pas acheter cette programmation, ces signaux, comme on le fait actuellement sur d'autres chaînes. Nous allons les importer, enlever la publicité américaine et la remplacer par une publicité canadienne pour que les Canadiens entendent parler de produits et de services canadiens et non de médicaments américains, par exemple. C'est une idée que nous appuyons.
Le président: C'est un éclaircissement important.
J'aimerais vous poser une question à propos d'un passage qui se trouve à la dernière page de votre document, où vous parlez des grandes entités et de la concentration, ce qui procure des avantages sous forme de guichet unique et de commodité.
Puis vous dites:
La contrepartie de cet avantage, toutefois, c'est qu'un degré plus élevé de concentration des médias peut ouvrir la porte à des abus comme la vente liée, l'abus de sa position prédominante, et les problèmes du même genre.
C'est une affirmation dans l'abstrait ou avez-vous des exemples qu'il existe une tendance en ce sens?
M. Lund: Je ne parlerai pas de tendance, mais il est certain que nous avons fait des interventions au nom de nos membres. Y a-t-il lieu de donner le nom de la station? Non.
Ce n'est pas seulement à cause de ceci. De temps en temps quelqu'un va dire: «Si vous voulez, pour commencer, on va se contenter de la télévision par ondes hertziennes.» Puis, quand la station a un bon choix d'émissions, elle dira à l'annonceur: «Pour avoir droit à ce beau créneau de grande écoute, il va falloirque vous preniez cinq de ceux-ci, deux de ceux-là et un de celui-ci.» Ça, c'est de la vente liée.
Ce qui nous a inquiétés encore plus, et ça s'est produit au moins une fois, c'est une situation comme celle-ci: «Si vous voulez cette émission en Colombie-Britannique, il va falloir que vous annonciez aussi dans notre journal.»
Il se peut que cet annonceur ne se serve jamais de journaux. Ilse peut que ce ne soit même pas un annonceur au détail.
Nous voulons nous assurer de ne pas être forcés d'utiliser tel ou tel journal associé à un radiodiffuseur ou à une autre entité. S'il a un bon produit à offrir et si l'annonceur en veut, très bien. Dans ce cas-là, le guichet unique dont on a parlé peut être une bonne chose. Par contre, nous ne voulons pas être forcés d'acheter ces produits de quiconque; la vente liée n'est pas plus légale dans ce secteur que dans d'autres.
Le président: Mais la vente liée n'est pas légale, n'est-ce pas?
M. Lund: Non, elle n'est pas légale; c'est ce que je voulais dire.
Le président: Oui. Vous dites avoir déposé une plainte. Auprès de qui?
M. Lund: Auprès du radiodiffuseur. Nos membres — ils étaient deux — se sont adressés à nous et nous nous sommes adressés au radiodiffuseur et nous lui avons dit: «Cessez ou nous allons nous plaindre au Bureau de la concurrence.»
Le président: Ça a marché?
M. Lund: Oui, et sans tarder.
Le président: C'était quand?
M. Lund: Il y a à peu près un an.
M. Reaume: De quel cas parlez-vous? Oh, il y a un an.
M. Lund: Il y a un an.
Le président: Vous n'êtes pas au courant d'autres cas?
M. Lund: Pas à strictement parler, mais nous suivons les augmentations de prix et autres choses de ce genre. Vous vous souviendrez peut-être d'avoir lu dans les journaux il y a deux ans qu'il y avait eu des augmentations supérieures à 10p.100 dans le secteur de la radiodiffusion, ce qui a créé un tollé dans les agences. Pendant de nombreuses années, avant cela, il n'y avait pas eu d'augmentations de cet ordre.
C'est quelque chose que nous suivons. C'est un cas où le fait qu'il y a moins de compétition ne fait pas forcément baisser les prix. Ce n'est habituellement pas ce qui se passe et c'est pourquoi nous avons vigoureusement appuyé l'intégration de CTV et de Bell Globemedia parce que nous avons admis qu'il faut pour certaines choses fonctionner à plus grande échelle, mais nous avons examiné le tout très soigneusement pour éviter que les autres problèmes ne surgissent.
Le président: La distinction fondamentale c'est que c'est agréable de se voir offrir un forfait. Ce qui n'est pas agréable, c'est de se voir contraint d'acheter un forfait. Il faut pouvoir choisir.
M. Lund: Pour les très gros annonceurs, il faut que ce soit transparent pour que ça n'ait pas l'air lié ou contraint parce qu'ils achètent tant d'autres produits différents.
Par contre, si vous vous adressez à une petite boîte dont le budget télé est plus petit, il se peut qu'elle n'utilise pas le multimédia; il faut donc s'assurer qu'elle n'est pas pénalisée. Il n'y a pas que la grosse boîte; c'est aussi pour les petites et les moyennes.
M. Reaume: M. Lund a dit que l'expansion des entités et la réduction de la concurrence ne mènent presque jamais à des produits de meilleure qualité et moins coûteux.
De nos jours, les annonceurs écopent sur deux plans. Le comité a sûrement entendu parler de la fragmentation.
Le président: Oh, oui!
M. Reaume: À cause de la fragmentation, nos auditoires moyens baissent sur une base annuelle. Ils baissent d'un ou 2p.100 chaque année; les coûts, eux, augmentent de 3 ou 4p.100 par année. Mes chiffres sont peut-être un peu faibles dans les deux cas, mais c'est à cela que je pense quand je dis que le coût réel pour l'annonceur double ou triple tous les ans parce que nous sommes pénalisés par la fragmentation et par la taille de l'auditoire moyen et aussi à cause de l'augmentation des prix pratiqués par les radiodiffuseurs, les journaux et les autres. Le phénomène est constant, d'année en année.
Le président: Pourtant, vous pensez qu'il y a place pour un plus grand nombre de stations, ce qui ajouterait encore à la fragmentation.
M. Reaume: Cela signifierait aussi plus de compétition et je pense que cela pourrait calmer le marché.
Le sénateur Merchant: La technologie a changé la façon dont nous recevons l'information mais elle a aussi changé la façon dont nous regardons les publicités. Ce n'est pas moi qui maîtrise la télécommande chez moi, mais je sais que mon mari connaît bien la publicité qui passe à cette chaîne. Je pense que la technologie permet désormais de regarder une émission et de supprimer la publicité. À quelles difficultés êtes-vous confrontés par suite de ces innovations technologiques?
M. Lund: Vous avez tout à fait raison. Il y a comme vous le dites une fragmentation, le visionnement accéléré et le zapping. Avec TiVo, les magnétoscopes personnels, on peut sauter complètement les publicités.
En fait, cela va être un grand défi pour la télévision. Même sans atteindre les 30p.100, si l'on a une chaîne de plus, elle peut atteindre 2 ou 3p.100 du public. C'est encore très rentable.
Pour ce qui est du défi, comme vous le dites, sénateurs, nous devons réaliser des publicités moins irritantes et plus attrayantes. Il y a deux ans, un professeur de la Haas School of Business à la University of California Berkeley est venu s'adresser à un groupe. Il a défini trois périodes de publicité à la télévision. La première, c'était le type qui donne des coups de poing sur le bureau et qui veut à tout prix vous faire acheter. La suivante était un peu moins irritante, et nous entrons dans une ère où nous devons toucher le consommateur, parce que sinon il vous coupe en deux secondes. Notre grand défi va donc être de trouver des choses que les consommateurs voudront regarder.
Nous avons essayé de voir comment nous pourrions avoir moins de publicité, mais en exploitant mieux de temps publicitaire. Nous sommes descendus de 60 à 30 puis à 15, et même parfois à 10 et 5 secondes. Nous avons les squeeze- backs. Nous avons tout cela qui explose.
Même dans les intervalles des retransmissions américaines — parce qu'ils ont moins de contenu de programmation, et beaucoup de remplissage publicitaire — nous pensons qu'au lieu de quatre publicités de 15 secondes, nous pourrions en avoir une seule de 60 secondes pour moins irriter le consommateur et avoir plus d'interaction avec lui. S'il choisit quand même de changer de chaîne, ce ne sera pas parce qu'il voit quelque chose une fraction de seconde et qu'il saute à une autre chaîne. Mais cela va être très difficile quand même.
La présidente: Sénateur Tkachuk, vous vouliez avoir une précision?
Le sénateur Tkachuk: Oui. Je suis toujours impressionné par la créativité de l'humanité, et parfois les publicités sont plus intéressantes que l'émission elle-même, et donc...
M. Reaume: Ce sera noté dans le compte rendu?
Le sénateur Tkachuk: Oui, c'est au compte rendu. Si le SuperBowl est mauvais, tout le monde regarde les publicités.
Vous avez parlé du coût de ces publicités. Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous parlez du coût de la publicité nationale parce que toutes ces chaînes spécialisées sont plus chères? Il faudrait aussi que ce soit plus efficace, si vous avez des chaînes spécialisées, n'est-ce pas? Autrement dit, les hommes regardent TSN, le football de la LNF, donc...
M. Lund: En bref, oui en théorie. Le problème des chaînes spécialisées, comme le disait M. Reaume, c'est qu'elles ont une orientation essentiellement nationale. On peut acheter des tas de créneaux bon marché. C'est pour cela que sur ces chaînes spécialisées, parfois — et nous essayons de dire à nos membres de ne pas le faire — on voit une publicité se répéter huit fois de suite sur une chaîne spécialisée parce que c'était un créneau qui ne coûtait que 50 $ ou quelque chose comme cela.
Quand on calcule cela en fonction du public cible, c'est aussi très coûteux, parce qu'il n'y a pas de découpage local qui vous permettrait de cibler une région particulière. Vous voulez peut-être exclure la Colombie-Britannique ou l'Alberta, ou si vous êtes en Alberta vous êtes obligé de payer pour tout le reste du pays. C'est leur orientation nationale.
Sur certains marchés — encore une fois, Calgary est un parfait exemple — si nous avons deux minutes, cela vaudrait la peine d'en parler. Nous avons dit très précisément qui nous appuyions pour avoir une licence, pour nous permettre non seulement d'avoir plus de stations sur lesquelles nous pourrions faire de la publicité, mais dans ce cas particulier, c'était un croisement à cause de qui possédait quoi et du nombre de voix.
Vous pourriez peut-être nous en parler?
M. Reaume: Je pense que vous l'avez expliqué succinctement. L'économie albertaine a été si florissante dans les quelques dernières années, et la demande en temps de publicité si forte, que nous avons pensé qu'il y avait lieu d'avoir un nouveau concurrent sur le marché. Nous avons soutenu ces deux demandes de création de stations de télévision sur ces marchés, il ne s'agissait pas de prise de contrôle de stations existantes par un autre propriétaire. Le CRTC n'était pas de notre avis. Quoiqu'il en soit, c'était l'essentiel de l'exposé que nous avons présenté là-bas.
La présidente: Merci beaucoup, messieurs. N'hésitez pas à nous faire parvenir tout autre document ou information complémentaire que vous pourriez avoir. Je vois que l'attaché de recherche a déjà une longue liste. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons maintenant le plaisir d'accueillir des représentants de la Fondation canadienne des relations raciales. Il s'agit de Karen Mock, directrice exécutive de la Fondation, et de Patrick Hunter, directeur des communications.
La présidente: Madame Mock, vous avez la parole.
Mme Karen Mock, directrice exécutive, Fondation canadienne des relations raciales: La Fondation canadienne des relations raciales est très heureuse que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications entreprenne cette étude des médias d'information canadiens. Le moment est d'autant mieux choisi que se posent des questions urgentes et qu'évolue le contexte géopolitique dans lequel les médias d'information canadiens doivent jouer leur rôle de médium central et de source fondamentale d'information et de communication pour la population canadienne aux origines ethniques et raciales diverses.
Nous ne vous présentons ici qu'un tout petit exemple de certains de nos documents, et notre mission et notre mandat sont décrits en détail dans la brochure. Nous espérons que les attachés de recherche iront consulter notre site Internet pour voir le type de recherches que nous avons effectuées, commandées, fait faire et soutenues, pour étayer certaines des questions que je vais aborder aujourd'hui.
Notre participation à vos travaux correspond à notre énoncé de mission et à notre mandat, puisque nous sommes déterminés à mettre en place un cadre national pour combattre le racisme dans la société canadienne. Nous allons faire la lumière sur les causes et les manifestations du racisme, assurer un leadership national indépendant qui ne mâche pas ses mots et agir en tant que ressource et facilitateur dans notre quête d'équité et de justice sociale.
Je suis heureuse de dire que de plus en plus nous servons de ressource aux médias, aux médias d'information et à d'autres médias.
Nous avons déjà entrepris du travail de documentation où nous avons examiné des aspects de l'industrie des médias au Canada. Dans la trousse qui vous a été remise, vous verrez un résumé d'une étude effectuée par Frances Henry et Carol Tator; il s'agit d'une des recherches à laquelle nous avons participée et que nous avons appuyée; le titre en est «Racist Discourse in Canada's English Print Media.» C'est une analyse très intéressante où l'on compare la façon dont des actualités ont été présentées, non seulement dans différents médias, mais aussi selon que le sujet du reportage était une minorité racialisée ou que la victime ou l'agresseur n'était pas membre de la minorité racialisée. Cette étude intéressera certainement les attachés de recherche.
En 2001, après avoir consulté un ensemble représentatif d'organisations communautaires qui travaillent auprès de collectivités autochtones et de minorités raciales, nous avons rédigé deux recommandations en vue d'un programme de politique nationale antiracisme. Elles sont incluses dans le document que la Fondation a présenté à la Conférence mondiale de l'ONU contre le racisme.
Les enjeux sont présentés à la page 18 de ce document, et à la page 19, se trouvent les recommandations que nous avons présentées à cette tribune mondiale. En outre, nous continuons de travailler avec le gouvernement canadien à mesure qu'il élabore son plan d'action et son programme d'activités contre le racisme.
Comme je vois que vous demandez aux autres de présenter davantage de documentation, je peux vous dire que nous allons certainement vous en fournir après notre exposé.
En 2002, nous avons présenté au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes un mémoire sur l'état de la radiodiffusion au Canada. Il se trouve sur notre site Internet, et je vais développer certains des thèmes dans la mesure où ils ont trait aux médias d'information dont il est question dans ce document.
Nous sommes véritablement une partie prenante, nous avons un mandat visant à influer sur les politiques d'intérêt public, à faire en sorte que ces politiques soient inclusives, ne véhiculent pas de stéréotypes et, chose plus importante encore, ne perpétuent ni le racisme ni la discrimination raciale.
Par conséquent, notre rôle nous semble être de promouvoir le développement et l'avancement de politiques d'intérêt public applicables aux médias d'information qui s'appuient sur des principes antiracistes et inclusifs, et qui bannissent le racisme des médias.
Nous aimerions présenter certains des grands enjeux et les deux principaux thèmes que nous avons relevés même dans le passé. D'abord, l'actuel sous-représentation des membres de minorités raciales et des membres des peuples autochtones dans la radiodiffusion privée et publique. Deuxièmement, l'incapacité de l'actuel système de radiodiffusion d'empêcher la diffusion d'information trompeuse sur ces groupes raciaux, ce qui va en fait à l'encontre parfois de la législation sur les droits de la personne.
Nous estimons que ces questions continuent de se poser aujourd'hui et demeurent à l'avant-scène, non seulement dans le système de radiodiffusion canadien en général, mais aussi dans les médias d'information, ce qui inclurait, bien sûr, la presse écrite et la presse électronique et Internet.
J'aimerais souligner une troisième chose. Nous voulons toujours reconnaître et effectivement nous reconnaissons qu'il existe des pratiques exemplaires et que des progrès ont été réalisés dans certains secteurs de l'industrie. Cependant, l'industrie canadienne de la radiodiffusion, y compris le secteur des médias d'information, est toujours réticente à reconnaître l'existence d'un racisme institutionnel dans l'industrie. Il est absolument nécessaire que l'industrie des médias assume pleinement son rôle et sa responsabilité de combattre le racisme et la discrimination raciale dans l'intérêt public.
Ce n'est pas un reproche qui vise spécifiquement l'industrie des médias. Pourquoi cette industrie différerait-elle des autres industries grand public? Vous avez un résumé de l'étude sur l'inégalité d'accès qui a été effectuée; elle révèle que les gens sont traités différemment sur le plan de l'emploi, par exemple, et que le racisme systémique est généralement présent dans la société.
L'industrie de la radiodiffusion doit remplir son rôle de gardien des politiques et des pratiques du gouvernement et d'autres acteurs de la société civile, parce que nous pensons, naturellement, que le racisme vaut bien qu'on en parle. Malheureusement, nous constatons que les campagnes antiracisme quant à elles n'attirent pas l'attention des médias, mais nous espérons qu'il se trouve des stratégies permettant parfois de faire état des bonnes nouvelles, et c'est quelque chose que nous tâchons de faire.
À notre avis en tout cas, ce qui doit venir en tout premier lieu ce sont les politiques et les pratiques mêmes de l'industrie, notamment celles qui ont trait à la promotion de la représentation juste, équilibrée et équitable de la diversité de la société canadienne dans le contenu de son travail, de même que la composition des ressources humaines dans toute son organisation.
Les questions qui nous préoccupent d'abord et avant tout sont liées à des problèmes de nature systémique. Il s'agit — et je vais vous les présenter — de la concentration des médias qui va de pair avec le déclin du soutien accordé à la radiodiffusion communautaire; la non-reconnaissance du fait que la radiodiffusion communautaire contribue de façon importante et vitale à la diversité de la programmation ethnique et culturelle; troisièmement, le manque d'inclusion véritable des minorités racialisées et des peuples autochtones dans tout le spectre des emplois du secteur de la radiodiffusion — autrement dit, pas simplement sur les ondes ou de façon symbolique, mais dans tous les types d'emploi de l'industrie; et quatrièmement, un cadre réglementaire incomplet qui n'a pas su mettre en place les garanties nécessaires qui auraient permis d'éviter la diffusion d'information trompeuse et la sous-représentation des minorités culturelles et d'origine raciale diverse.
Je vous invite à consulter certains de nos mémoires antérieurs, où nous parlons de ces questions, de même que les documents de recherche cités en référence qui vous indiqueront les données sur ce type d'information. Comme je le mentionnerai plus tard, quand j'en serai là, ou peut-être à la période de questions, il ne se fait pas dans ce domaine autant de recherche ni de travail de documentation que nous le souhaiterions.
Nous savons qu'il faut faire davantage, pour qu'on cesse de dire: «Eh bien, ce n'est qu'une idée que vous vous faites», ou «vos données ne sont pas scientifiques». Nous pouvons vous montrer les sources qui existent, et je suis sûre que les attachés de recherche du comité le font déjà.
Nous demandons aussi instamment que des fonds soient débloqués pour que ces questions puissent être documentées de manière rigoureuse et systémique.
Pour ce qui est du racisme institutionnel dans l'industrie des médias, il importe de reconnaître que le racisme institutionnel s'est infiltré dans le tissu de la société canadienne et, par extension, dans l'industrie des médias.
Comme le montre notre recherche, c'est la forme de racisme qui se manifeste dans les politiques, les pratiques, les procédures, les valeurs et les normes qui ont cours dans une organisation ou une institution.
Le racisme institutionnel se manifeste dans l'industrie des médias par la présentation de stéréotypes et la diffusion de fausses informations. Vous l'avez probablement déjà entendu dire par certains autres groupes qui ont comparu devant vous—je parle des problèmes sociaux que sont l'invisibilité des personnes de couleur et la racialisation des personnes de couleur.
Par ailleurs, l'industrie des médias joue un important rôle dans la définition et la promotion de la culture, et plus particulièrement de la culture dominante. La culture elle-même est un obstacle structurel à la pleine participation des personnes et des communautés autochtones et racialisées, à cause de la définition et de la promotion des valeurs particulières de la culture dominante—les images et les identités de la culture dominante—à l'exclusion des autres.
Par conséquent, tout cela a une incidence sur la façon dont les médias assument en tant que gardiens leurs responsabilités de promouvoir l'intérêt public. Les médias d'information sont généralement perçus comme une source d'informations factuelles. Je sais qu'ils s'efforcent d'être cette source d'informations factuelles et qu'à ce titre ils ont beaucoup plus d'ascendant qu'un éducateur.
L'un de nos mandats a trait à l'éducation du public, mais les médias d'information ont certainement beaucoup plus de poids que n'en ont un bon nombre des grands établissements d'éducation à titre d'éducateurs et aussi dans l'influence qu'ils exercent sur l'opinion publique. C'est en cela qu'ils ont une très forte incidence sur la vie de tous les Canadiens.
Comme vous l'avez vous-même indiqué dans votre rapport provisoire, selon Statistique Canada, les émissions d'information et d'affaires publiques représentent environ le quart de toutes les émissions de télévision que regardent les Canadiens. C'est là donc un pouvoir énorme.
Pour ce qui est de la représentation de groupes marginalisés dans les médias, pour les collectivités qui sont marginalisées, cette énorme influence des médias d'information a d'importantes répercussions sur leur qualité de vie. Ces répercussions se font sentir quand ils marchent dans la rue, conduisent leurs voitures, sur ce qu'ils vivent en salle de classe, et de façon générale, dans leur milieu de travail.
L'information produite et diffusée par les médias d'information contribue à faire naître, à façonner et à renforcer l'opinion publique, positivement ou négativement, dans le cas en particulier des groupes de gens marginalisés et racialisés.
C'est la Fondation canadienne des relations raciales qui, au cours de la mission au Canada du rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme, a facilité la visite de ce dernier afin qu'il puisse rencontrer un ensemble très représentatif de la société civile.
Dans son rapport, voici ce qu'il disait:
De nombreux membres des communautés appartenant aux minorités visibles ont affirmé que la plupart des médias canadiens font preuve de partialité lorsqu'ils rendent compte des questions concernant ou intéressant particulièrement certains groupes religieux culturels ou ethniques. En outre, les médias ont souvent été accusés de véhiculer des préjugés vis-à-vis de ces groupes, notamment en privilégiant des événements et des modes de comportement négatifs sans mettre l'accent de la même façon sur les caractères positifs.
Je devrais mentionner que le rapporteur spécial a rencontré des organisations des médias, des entités gouvernementales, des organismes de réglementation et d'autres encore. Nous avons coordonné les rencontres avec la société civile.
Dans son rapport final, le rapporteur indiquait que le Canada avait le cadre législatif et juridique nécessaire pour contrer le racisme et la discrimination systémique. Cependant, sa mise en œuvre est complètement disparate, à l'échelle régionale et fédérale, qu'il s'agisse de la mise en œuvre des codes régissant le respect des droits de l'homme ou même des initiatives et des politiques concernant la diversité qui relèvent directement de certaines des entités et des organismes de réglementation qui ont une incidence sur les médias.
La présidente: Madame, veuillez m'excuser, mais nous n'avons que peu de temps et plus vous en prenez pour votre exposé, moins nous en aurons pour vous poser des questions.
Mme Mock: J'ai presque terminé. Puis-je résumer certaines recommandations?
La présidente: Nous distribuerons le tout. Ce serait probablement une bonne idée de présenter vos recommandations.
Mme Mock: Je vais laisser tomber quelques observations au sujet de la propriété notamment, et des politiques de réglementation. J'aurais une chose à dire seulement avant de passer aux recommandations, au sujet des politiques de réglementation et de la liberté d'expression des médias.
C'est une chose dont nous nous occupons tout le temps, la revendication de la liberté d'expression ou de la liberté universitaire, et dans d'autres domaines aussi, mais en l'occurrence il faut mettre en rapport la liberté et la responsabilité.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut concevoir des politiques d'intérêt public appropriées, les mettre en œuvre, et en assurer l'observation afin de réglementer l'industrie des médiaspour qu'elle remplisse pleinement son rôle, et plus particulièrement celui de l'intégration de mesures et de politiques antiracisme. Nous recommandons spécifiquement d'améliorer le rôle du CRTC à cet égard et d'effectivement mettre en œuvre certaines des mesures qui y existent.
Je terminerai par les recommandations. D'abord, la Loi canadienne sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et les politiques de réglementation doivent être améliorées pour intégrer une optique antiracisme et pour contrer l'effet racial de la mondialisation économique.
Deuxièmement, le mandat et le rôle du CRTC doivent être renforcés et améliorés pour protéger les droits de tous les Canadiens et, en particulier, ceux des personnes et des groupes marginalisés. Il doit le faire par la réglementation et la surveillance de l'industrie des médias dans le nouveau contexte mondialisé, en ce qui a trait à la réglementation des politiques et des pratiques des secteurs public et privé. Cela inclut les sociétés de médias multinationales, l'évolution d'ententes et de conventions internationales et leur application au Canada. Le Canada est signataire de plusieurs ententes internationales, et encore là notre mise en œuvre fait défaut.
Troisièmement, le CRTC doit incorporer à ses politiques et ses pratiques une analyse intégrée des questions raciales et des droits de la personne.
Quatrièmement, le gouvernement du Canada et le CRTC doivent prendre des mesures pour s'assurer que les dispositions du programme d'action de Durban concernant le rôle des médias dans la lutte au racisme sont mises en œuvre à l'échelle nationale. Il y a quatre articles, les articles 144 à 147, qui se trouvent dans ce document de la Conférence mondiale contre le racisme. Le Canada a fait partie de ce processus, et ils sont donc officiels.
Cinquièmement, une formation sur les droits de la personne et sur la lutte au racisme est nécessaire pour les professionnels des médias et, j'ajouterais, les écoles de journalisme. Nous avons salué le cours de John Miller à l'école de journalisme du collège Ryerson, cours obligatoire pour les futurs journalistes de divers médias. Nous avons un programme qui rend hommage biannuellement aux pratiques exemplaires d'antiracisme, et les gens des médias et du secteur privé peuvent soumettre des pratiques exemplaires dans diverses catégories.
Nous aimerions qu'on forme beaucoup de journalistes, mais aussi des professionnels des médias, pour qu'ils élargissent et accroissent leurs connaissances et conçoivent et utilisent l'optique antiracisme.
Je vais résumer les quatre dernières recommandations. Six, nous aimerions souligner l'importance d'une recherche de qualité, c'est pourquoi nous préconisons la réalisation d'une vérification antiracisme systémique des organisations des médias pour examiner les politiques et les pratiques en usage dans les organisations qui perpétuent le racisme.
Nous ne disons pas que c'est intentionnel, mais si elles entraînent le racisme et que nous pouvons aider les gens à le comprendre, nous savons que les gens de bonne volonté voudront alors supprimer ces obstacles systémiques à l'égalité.
Nous aimerions examiner des aspects comme le recrutement, l'équité salariale, l'avancement, la ségrégation professionnelle, la formation et le perfectionnement, les conditions d'emploi, le harcèlement racial, le harcèlement sexuel, les mesures d'équité en matière d'emploi et leurs effets, et le rôle et le maintien du syndicalisme et la détermination de son rôle dans la lutte contre le racisme au Canada.
Nous estimons aussi que cette vérification devrait reposer sur la collecte de données ventilées selon la race, le sexe, l'origine ethnique et d'autres facteurs d'identité. Nous savons que l'unanimité est loin d'être faite sur la question de savoir si l'on peut recueillir des données en fonction de caractères raciaux, mais nous savons aussi qu'on peut en être exempté si l'on pense qu'il pourrait y avoir violation des droits de la personne. Il est extrêmement important de recueillir ce genre de données, sinon les gens vont recommencer à dire: «Eh bien, c'est seulement votre façon de voir les choses.»
Septièmement, if faut concevoir et appliquer strictement des mesures dans l'industrie des médias pour assurer la représentation équitable des groupes marginalisés et le respect de leur statut au sein des organisations, par le biais des politiques et des pratiques en matière d'embauche, de maintien en poste, de formation et d'avancement.
Huitièmement, il faut que les médias repensent leur vision des peuples autochtones racialisés, qu'ils les considèrent comme un élément essentiel de la société canadienne, plutôt que le contraire. Dans les énoncés de principe ou les rapports annuels, on perçoit encore cette réaction qui consiste à dire quand il est question des autres «Eh bien oui, alors nous avons nos programmes sur la diversité», plutôt que d'assurer une intégration et une représentation complètes de tous les groupes dans la société canadienne.
À ce propos, la représentation des collectivités autochtones et racialisées et de leurs membres doit être intégrée à la diffusion grand public, et non pas être un ajout ni être présentée comme un trait exotique de la société canadienne.
Enfin, nous demandons instamment au gouvernement canadien de prendre des mesures pour contrer l'impact racial de la privatisation des médias, à l'instar de la privatisation des services publics.
Merci de m'avoir écoutée.
La présidente: Merci. Il sera très important que vous remettiez votre exposé au greffier, afin que nous puissions le distribuer.
Mme Mock: Oui. J'aimerais simplement le retoucher, en fonction de la déclaration que j'ai faite, et nous pourrons vous le remettre.
La présidente: Comme vous le voulez, mais nous aimerions l'avoir.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez de préjugé racial, de quoi parlez-vous exactement? Dites-vous que dans les médias d'information nationaux, il devrait y avoir un quota, ou qu'il devrait y avoir un pourcentage de gens de couleur, pourcentage qui serait alors réparti entre noirs, jaunes et blancs? Comment se ferait concrètement la mise en œuvre de cette politique? Préconisez-vous cette politique pour toutes les professions?
Mme Mock: Je vais répondre bien simplement à votre dernière question d'abord: oui, certainement, oui. Nous préconisons l'équité en matière d'emploi, l'antiracisme ainsi que des pratiques et des politiques inclusives pour toutes les professions, une formation préalable et une formation en cours d'emploi. Vous pouvez ainsi voir que je suis une ancienne enseignante et éducatrice, nous employons effectivement cette expression de formation préalable des enseignants et de formation en cours d'emploi, mais on peut aussi parler de cours professionnels, d'éducation permanente et ainsi de suite.
Pour répondre à votre première question, dès que j'entends parler de quota, je vois qu'on s'inquiète. Sommes-nous en train en quelque sorte de dire — enfin, je dis simplement —
Le sénateur Tkachuk: Vous parlez de quota.
Mme Mock: Non, après 20 ans d'existence de la commission d'équité en matière d'emploi, je parle de l'importance d'essayer vraiment de comprendre en quoi consiste la mise en œuvre d'une politique d'équité en matière d'emploi. Il ne s'agit pas de mettre en place des quotas. Il s'agit de supprimer les obstacles à l'égalité pour tous les Canadiens pour qu'ils aient un accès égal et soient traités objectivement.
Ce qui se passe quand les politiques d'équité en matière d'emploi ne sont pas efficaces, c'est que les chances ne sont pas égales. Je ne veux pas employer d'expressions bizarres ni de jargon. Nous savons qu'il n'est que trop humain, et je parle ici en tant que psychologue, de vouloir embaucher des gens qui vont «se fondre» dans le milieu de travail ou préserver les traditions. Nous sommes tous des êtres humains, nous sommes tous soumis aux mêmes stéréotypes dans les médias, le monde de l'éducation et partout ailleurs. Nous sommes élevés là-dedans; nous supposons des choses au sujet des gens que nous rencontrons.
La fondation offre des services de ce genre, je n'essaie pas de nous vanter, mais quand nous faisons véritablement et efficacement une éducation en matière d'antiracisme, de diversité, de multiculturalisme et d'équité dans les professions, c'est comme si la lumière se faisait, et on nous dit: «C'est vrai, nous ne nous adressons pas à tout le bassin des candidats qualifiés». En fait, c'est à l'avantage de ceux qui représentent ce que nous pouvons appeler le groupe dominant dans la société.
Il ne s'agit pas de quota ni de dire: «Oh, c'est un peu une discrimination inversée, et quelqu'un va être favorisé à vos dépens». Nous allons égaliser les chances de sorte que le groupe dominant ne soit pas favorisé.
Toute chose étant égale par ailleurs, oui, nous favoriserions un membre d'une minorité racialisée par rapport à quelqu'un d'autre, parce que nous tenons, conformément à nos politiques, à nos pratiques et à la loi du pays, à assurer une véritable égalité et équité ainsi que les droits de la personne dans ce pays.
Le sénateur Tkachuk: La culture n'a rien à voir avec ce que nous voulons devenir ou ce que nous faisons en tant que société?
Mme Mock: L'éducation et la culture jouent un rôle important. Parlons de ce que je veux devenir, puisque vous le mentionnez.
Les enfants ont besoin de quelqu'un à qui s'identifier pour atteindre leur plein potentiel, que ce soit journaliste à la télévision, le propriétaire d'une compagnie de radiodiffusion, le premier ministre du pays, un politicien, un sénateur, ou autre; il faut un modèle.
À une époque, j'avais un collègue qui venait de Halifax. Il y a 20 ans, nous faisions de la recherche à Halifax sur les personnes de couleur, les débouchés, etcetera. Une des personnes qui avait émigré récemment des Caraïbes se trouvait parmi un groupe de personnes qui venaient en fait d'Afrique, et elle travaillait avec ce qui s'appelait la population noire indigène; cette personne a dit: «Vous savez, l'on grandit très différemment en sachant que l'on vient d'un pays où le meilleur poste que peut décrocher une personne qui vous ressemble est celui de premier ministre plutôt que celui de son chauffeur.»
Vous avez raison; la culture, les antécédents, les médias et l'éducation qui font partie de la culture, les modèles à qui l'on s'identifie, tout cela joue un rôle dans l'atteinte de notre plein potentiel. Selon nous, tous les Canadiens devraient avoir des chances égales d'aspirer ou d'être encouragés à travailler ou à s'instruire —
Le sénateur Tkachuk: Personne ici ne vous dira le contraire. Tout le monde est d'accord avec ce fait, et personne ne prônerait la discrimination d'aucune sorte. C'est ce que je crois.
Mme Mock: D'accord, et c'est notre hypothèse de départ.
Le sénateur Tkachuk: Je viens de la Saskatchewan. Nous avons une grande population autochtone dans notre province. Elle revendique la conservation de son territoire pour pouvoir favoriser un mode de vie traditionnel. C'est ce que les Autochtones exigent de la société qui les entoure.
En d'autres mots, ils veulent leur territoire de piégeage. Ils insistent sur la chasse, ils insistent sur la pêche. De toute évidence, les gens qui exercent ces professions sont presque tous Autochtones. Il y a très peu de Blancs qui travaillent dans ce domaine dans notre province aujourd'hui.
Qu'est-ce qui ne va pas avec le fait que ces professions, qui sont honorables, attirent presque uniquement des Autochtones? Les Noirs ne chassent ps. Les Asiatiques ne chassent pas. Les Blancs ne chassent pas. Uniquement les Autochtones chassent.
Mme Mock: Pour être honnêtes avec vous, je ne vous suis pas tout à fait. Je tiens pour acquis que nous discutons de...
Le sénateur Tkachuk: Ce que j'essaie de vous dire, c'est que si nous comptons résoudre le problème de la discrimination dans les médias — c'est pour cela que j'ai posé la question des quotas — comment forcer quelqu'un à faire quelque chose qu'il ou elle ne veut pas nécessairement faire?
Mme Mock: Très respectueusement, il doit y avoir un malentendu. Peut-être que je n'ai pas été assez claire sur ce que c'est que l'équité en matière d'emploi. C'est une question de choix.
Il y a beaucoup d'entreprises familiales. J'imagine qu'en Saskatchewan, votre famille aimerait conserver ses terres et sa culture, élever ses enfants comme elle le voudrait. Les données démographiques sont différentes dans les différentes provinces.
Le sénateur Tkachuk: Oui, précisément.
Mme Mock: Quand on parle d'équité en emploi, il ne s'agit pas de contraindre les gens à faire quelque chose. L'équité en emploi vise à assurer qu'il n'y a d'obstacle à l'égalité dans aucune profession, si quelqu'un a les compétences et le désir d'exercer une profession, c'est comme lorsqu'on parle d'équité en éducation, d'accès à l'éducation, etcetera. Il ne s'agit pas de forcer les gens à exercer quelque profession que ce soit. Il s'agit plutôt d'assurer, surtout dans le secteur public, qu'il n'y a pas d'obstacles à une vraie égalité.
Je tiens pour acquis que ceux qui sont ici sont en faveur des droits de la personne. Comme vous le dites, personne ne prône ladiscrimination. La discrimination n'est pas toujours intentionnelle. Il faut voir les résultats.
Tout comme celui qui veut conserver son territoire, transmis de génération en génération, et c'est ce que chacun d'entre nous veut pour ses enfants, nous voulons pour nous et pour eux la liberté de choix et l'accès. Beaucoup d'Autochtones de Saskatchewan sont avocats, enseignants, éducateurs et journalistes, et je pense...
La présidente: Un petit exemple. Il y a bien des années, à l'époque où il y avait encore beaucoup de tavernes réservées exclusivement aux hommes à Montréal, c'est souvent là que mes compagnons de travail allaient manger le midi. Évidemment, ils parlaient boulot et prenaient des décisions dont toutes les femmes de l'entreprise étaient exclues, pas parce que les hommes voulaient les écarter mais parce que c'était la loi. C'était ainsi.
Un jour, nous leur avons dit que s'ils prenaient des décisions dans des endroits où nous n'étions pas admises, cela nous pénalisait. C'est tout à leur honneur d'avoir arrêté. Ils se sont mis à parler hockey et d'autres choses de ce genre et ont cessé de prendre des décisions concernant le travail à la taverne.
Pardonnez-moi. C'est une digression, mais voilà un exemple de discrimination systémique. C'est une habitude qui se prend sans la moindre intention malveillante mais qui, sans le vouloir, écartait une partie du personnel: les femmes. Il y avait là des femmes exceptionnelles, comme Judith Maxwell. Quelqu'un a signalé ce mal systémique et il a été facile de le corriger.
Le sénateur Merchant: Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à M. Hunter et Mme Mock. J'ai travaillé pour eux pendant six ans à diverses époques à la fondation car j'ai été l'un des membres fondateurs du conseil d'administration. Je sais que vous faites de l'excellent travail avec beaucoup de dévouement.
J'aimerais parler de deux entités. D'abord, TVO a comparu ce matin. C'est une chaîne éducative. Que fait-elle contre le racisme et pour l'équité? Vous met-elle à contribution? Vous consulte-t-elle? Il s'agit d'une entité publique; comment travaillez-vous avec elle?
Mme Mock: Notre couverture est la plus étendue possible pour une petite organisation sous-financée, je préciserais. Nous avons établi un partenariat avec le réseau de langue française de TVO, TFO, parce qu'il existe plusieurs bonnes vidéos antiracisme en anglais, mais pas en français. Il y a quelques années, nous avons produit une vidéo exceptionnelle appelée Couleur Cœur de même qu'un manuel pour l'enseignant. Nous nous sommes aussi associés avec la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants pour préparer le manuel. Ce type de partenariat, que nous avons cherché à créer avec d'autres organismes de médias et associations professionnelles, a beaucoup fait pour sensibiliser les gens à lutter contre le racisme. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Le sénateur Merchant: L'école est très importante.
Mme Mock: Oui, tout à fait.
Le sénateur Merchant: Il faut commencer avec les jeunes parce que l'on peut façonner leur façon de penser et qu'ils sont naturellement moins discriminatoires, je crois. Avec les adultes, c'est un peu plus difficile.
Mme Mock: Je n'ai pas entendu au complet les témoignages de TVO, mais pour avoir été enseignante-éducatrice pendant plus de 20 ans, je sais qu'elle a été parmi les premiers il y a très longtemps, à instaurer — c'était la formule à l'époque — l'éducation multiculturelle et la diversité. Elle produisait des émissions et des brochures.
Nous essayons de canaliser notre énergie, dans la mesure du possible, vers des institutions qui ne sont pas aussi avancées; c'est pourquoi nous ne travaillons pas autant avec le secteur de langue anglaise qu'avec le secteur de langue française.
Nous essayons aussi — c'est difficile quand votre bureau est à Toronto et que votre vocation est nationale — de ne pas être trop ontariocentrique. Nous essayons de rayonner et de «semer à tout vent» car il y a ici des organisations qui font du très bon travail.
M. Patrick Hunter, directeur des communications, Fondation canadienne des relations raciales: Je serai bref. Je pense qu'il reste encore beaucoup de secteurs d'intervention pour nous dans des endroits comme TVO. Nous venons d'entreprendre la création d'un programme de formation, un travail auquel Mme Mock participe activement, en collaboration avec le Toronto District School Board. Le programme peut être adapté à différents éléments des divers conseils scolaires et des diverses parties du pays. Il y a donc beaucoup de place si nous voulons créer des choses.
Le sénateur Merchant: Parlons brièvement de CBC/Radio-Canada puisque c'est notre radiodiffuseur national. Hier soir, j'allais dire qu'il nous faut des champions et je parle de ceux qui sont devant la caméra, mais il faut aussi des gens dans tous les recoins de la SRC.
Un témoin nous a dit hier avoir eu du mal à mettre un pied dans la porte. Hier soir, nous étions à la SRC et on nous a dit que 37p.100 des nouvelles personnes embauchées appartiennent apparemment à des minorités. On nous a aussi dit que ces personnes sont les premières à perdre leur poste lorsqu'il y a des compressions.
Comment mettez-vous le pied dans la porte, comment y restez-vous et comment travaillez-vous au sein du système? C'est cela vos problèmes. Ils disent avoir 37p.100 d'employés appartenant à des minorités mais ce sont les premiers à partir.
M. Hunter: C'est épineux. S'agissant d'équité en matière d'emploi, c'est une des raisons pour lesquelles il existe un mécanisme pour faire en sorte que les minoritaires ne soient pas toujours les premiers à être licenciés en cas de compressions et que l'on tienne compte de la qualité de son travail.
Mais c'est toujours cela le problème. Le journalisme chez les minorités raciales prend de l'ampleur. Quand je travaillais à Global il y a quelques années, nous étions très peu nombreux à faire du journalisme télévisé à Toronto. Cela a beaucoup changé.
La question toutefois est de savoir si on les incorpore vraiment, si on les encadre et si on les laisse se former et se perfectionner. Je ne suis pas sûr. Je n'irai pas jusqu'à affirmer qu'ils ne reçoivent pas la même attention, mais c'est difficile quand l'organe d'information essaie d'amincir et se retrouve avec trop peu de temps ou de personnel pour encadrer les nouveaux venus. Je ne sais pas si ma réponse vous aide; je n'en ai pas d'autre.
Le sénateur Di Nino: Madame Mock, vous avez peint un tableau bien sombre. Vous auriez pu faire votre discours il y a 25 ou 30 ans et vous me dites que dans les faits peu de choses ont changé depuis une génération, voire plus. Je me trompe?
Mme Mock: Hélas, oui. J'essaie de rester optimiste. Quand je vais dans les écoles ou dans les lieux de travail dans les médias ou ailleurs, les étudiants et les employés nous disent ce que j'entendais il y a 25 ou 30 ans.
Oui, nous avons fait des progrès dans les années 80 et au début des années 90. Depuis 10 ou 15 ans, par contre, peut- être précisément à cause du succès des militants, il y a eu pour ainsi dire un retour de manivelle. Les gens se sont aperçu qu'il ne s'agissait pas simplement de tolérance et de «laissez vivre» mais de faire en sorte que les institutions générales soient vraiment le reflet de la diversité.
Certains événements mondiaux ont aussi exacerbé la situation. Avant, on disait que l'on avançait de dix pas et qu'on reculait de neuf; ces dernières années, j'ai le sentiment que l'on recule de onze pas. On entend des choses très semblables à ce qu'on entendait il y a 20 ou 30 ans.
Le sénateur Di Nino: Je sais que notre temps est limité. Je voulais poser une ou deux questions précises. M. Hunter a dit il y a un instant qu'il y a eu des améliorations et c'est moi aussi ce que je pensais. Vos propos ont été très négatifs et je ne conteste rien de ce que vous avez dit. Je trouve seulement décourageant d'entendre cela venant d'une source aussi respectable que vous et votre organisation.
Deux petites questions. Trois ou quatre fois dans votre exposé, vous avez parlé du gouvernement canadien. Qu'en est-il des autorités provinciales ou municipales? Quels sont leurs rôles et traitez-vous aussi avec elles parce que vous n'en avez pas parlé dans votre allocution?
Mme Mock: Il est certain que dans les secteurs de l'enseignement et de l'emploi, le rôle premier revient aux gouvernements provinciaux. Dans la province où nous sommes actuellement, la Loi sur l'équité en matière d'emploi a été abrogée, la Commission de l'équité en matière d'emploi a été abolie et la section de lutte contre le racisme du ministère de l'Éducation a été démantelée ou intégrée ailleurs. Il y a énormément de travail à faire.
Le sénateur Di Nino: Travaillez-vous avec ces autorités ainsi qu'avec celles des municipalités?
Mme Mock: Absolument.
Je me dois de préciser que notre rôle à nous est de montrer le côté négatif. Nous présenterons l'autre côté de la médaille, évidemment, parce qu'il est important d'honorer ceux qui ont fait bouger les choses. Certains organes des médias l'ont fait, nous les encourageons et travaillons avec eux.
Le sénateur Di Nino: J'aimerais vous poser une question précise. Au sein des minorités visibles ou autres types de minorités, certaines se débrouillent-elles mieux que d'autres? Certaines sont-elles moins touchées que d'autres? Dans l'affirmative, pourquoi?
Mme Mock: J'hésite à faire une comparaison. Les minorités racialisées et les populations autochtones sont notre point de mire. Par «racialisées» j'entends celles qui font l'objet de discrimination en fonction de leur race ou même de leur origine nationale...
Le sénateur Di Nino: Exactement. Je suis d'accord.
Mme Mock: Cela varie selon le contexte. Les groupes que je décrivais qui sont marginalisés et racialisés ne vont pas très bien. Paul Winn, membre du conseil d'administration représentant la Colombie-Britannique, a créé l'expression il y a plusieurs années: il y a non seulement un plafond de verre mais aussi un plancher collant. Ceux qui arrivent à mettre le pied dans la porte et à ne pas être licenciés peuvent, dans les pires cas, se retrouver dans une ambiance empoisonnée où on leur fait sentir qu'ils ne sont pas les bienvenus. Même avec les meilleures intentions du monde, les ghettos de travail et l'absence de mécanismes de rétention et l'avancement et le mentorat et les façons d'assurer que les minorités racialisées et les populations autochtones sont représentées partout dans le système, ces programmes font cruellement défaut dans la plupart des organisations.
Le sénateur Di Nino: Madame la présidente, il serait intéressant aussi d'obtenir une réponse à cette question.
La présidente: Je pense qu'il nous faut entendre directement les organes de presse pour leur demander ce qu'ils font.
Le sénateur Di Nino: Les chiffres donnés tout à l'heure par Mme Mock, il serait intéressant de voir s'il y en a qui sont inférieurs, et pourquoi, pour que nous puissions les utiliser au profit de tous les autres qui ne le sont pas.
La présidente: Oui.
Le sénateur Munson: Je serai bref. C'est peut-être négatif mais c'est aussi une leçon de réalisme, une sonnette d'alarme. Je pense à l'entreprise pour laquelle j'ai travaillé pendant 25 ans; lorsqu'elle viendra comparaître peut-être pourra-t-elle répondre aussi à vos affirmations d'aujourd'hui. Je trouve cela très sérieux.
Hier, un représentant de la Canadian Diversity Producers Association a parlé de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et employé des mots comme «consternant» et «scandaleux» parce qu'elle n'est pas appliquée.
Comment peut-on réclamer et obtenir qu'elle soit mieux appliquée et plus efficace?
Dans le résumé de votre rapport de l'an 2000 je lis: «La nature corporatiste des médias influence le genre d'informations produites et diffusées.» Pouvez-vous m'expliquer ce passage? Je sais qu'il s'agit de deux questions différentes, mais je les trouve importantes.
M. Hunter: Pourriez-vous répéter brièvement votre première question?
Le sénateur Munson: Il a dit qu'il n'y avait aucune application des lois sur l'équité en matière d'emploi et il a employé des mots comme «consternant» et «scandaleux».
M. Hunter: On fait la comparaison ici avec ce qui avait été créé dans la Loi provinciale sur l'équité en matière d'emploi. Une commission devait fixer des objectifs précis à atteindre et devait évaluer si cela a été fait. Le contrôle ne se fait pas forcément de la même manière qu'au fédéral, qui régit la radiodiffusion.
Une des plaintes, c'est que Radio-Canada, société d'État, ne fait pas ce qu'elle est censée faire: elle ne suit pas et n'applique pas la Loi sur l'équité en matière d'emploi.
On passe l'éponge chaque année sur les objectifs non atteints et on promet de faire mieux. Ils s'en tirent avec ça parce que rien dans la loi ne dit au président ou au vice-président que son poste est en jeu s'il n'atteint pas les objectifs et que ça suffit. Parfois, c'est à cela qu'il faut arriver. Cela doit faire partie de son mandat.
Mme Mock: Cela revient à tracer un cadre de responsabilisation. Ce sont les organes de réglementation et d'octroi de licences qui peuvent imposer ces obligations.
On constate aussi cela dans la législation sur les droits de la personne, la Loi sur le multiculturalisme et la conformité à ces lois. Il peut y avoir des rapports sur ce que les gens ont fait pour s'y conformer, mais il n'y a pas de conséquences.
Nous réclamons que tout le système soit examiné. Comme le rapporteur spécial l'a dit, le Canada a sur papier ce qu'il y a de mieux en matière de droits de la personne, d'équité, de diversité, de lutte contre le racisme, etcetera. Le problème, c'est la mise en œuvre et c'est pourquoi nous voulons ce genre de cadre.
Le sénateur Munson: Oui, je comprends. Il y a l'autre question, mais nous pouvons en parler une autre fois, au sujet de la nature corporatiste des médias. C'est intéressant...
Mme Mock: Je pense qu'il n'y a que les résultats financiers qui comptent et si le racisme vend...
Le sénateur Munson: Oui. C'est là où je veux en venir.
Mme Mock: Ça ne changera pas si nous n'agissons pas énergiquement.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je ne peux pas dire que je suis enthousiasmée par votre témoignage. Il m'attriste beaucoup. Vous avez dit certaines choses qui m'ont renversée. Vous êtes une autorité en la matière; je ne le suis pas mais je suis solidement canadienne.
D'abord, que le racisme institutionnel est ancré dans la société canadienne. C'est ce que vous avez dit, je crois. Puis vous avez parlé de racialisme systémique. Notre société, au lieu de prendre les devants pour éliminer ces facteurs troublants, essaie, avez-vous presque dit, d'empêcher que le bien monte à la surface, que l'espoir naisse.
Je voulais seulement vous demander ceci. Je pense que c'est ce que vous avez dit. Si l'on remonte au mois de juin de cette année, deux ou trois choses se sont passées pendant la campagne électorale législative qui étaient négatives et qui ne cadraient peut-être pas avec la Charte canadienne des droits et libertés. Certaines choses et certains problèmes sont sortis et une rétractation a dû être faite sur-le-champ parce que la population ne les acceptait pas.
Dans votre réponse au sénateur Munson, vous avez dit que sur le papier la situation est exemplaire mais qu'elle ne l'est pas dans la pratique. J'aimerais que vous répondiez à ce que je viens de dire concernant toute la question discutée ce matin.
Mme Mock: Pour être juste à l'endroit des Canadiens, nous avons fait de l'excellent travail et réussi à sensibiliser les gens aux formes flagrantes et ouvertes de racisme et de discrimination. Quand on pense à tout ce qui est arrivé après le 11 septembre et les réactions négatives contre les immigrants et les réfugiés, surtout les musulmans et les Arabo- Canadiens et ceux qu'on croyait l'être, la réaction de la plupart des Canadiens à ces incidents flagrants, à l'incitation à la haine et aux incidents d'antisémitisme commis à ce moment-là et qui continuent, a été très rapide.
Quand quelqu'un fait une erreur et dit quelque chose pendant une campagne électorale et qu'apparaît un sentiment sincère qui aurait peut-être dû être tu, c'est la réaction que vous obtiendrez et il y aura une rétractation.
On parle de préjugé systémique et de racisme systémique. C'est beaucoup moins évident. Quand les gens entendent le mot «racisme», et quand nous disons que la structure ou l'organisation est raciste ou que les gens perpétuent le racisme, ils pensent que nous les accusons de porter un drap la nuit et de brûler des croix. Mais ce n'est pas ce que nous voulons dire.
Nous voulons dire que quand vous analysez qui décroche l'emploi, nous n'avons pas fait suffisamment pour éliminer toutes les barrières systémiques à l'égalité. J'utilise le titre d'une étude effectuée en 1985, il y a vingt ans — qui décroche l'emploi, qui obtient la promotion, qui fait des études, où nous situons-nous quand il s'agit de donner à tous les Canadiens accès à la linguæ franca, au français comme langue seconde, à l'anglais comme langue seconde, pour pouvoir réussir et s'intégrer à la société canadienne et obtenir les emplois au sommet.
M. Hunter a parlé de notre centre de formation et de sensibilisation, où nous travaillons avec différentes institutions et secteurs d'activités dans leur propre langue, pas pour les attaquer mais pour les renforcer. Nous leur disons: «Écoutez, nous savons que c'est ce que vous voulez faire. Voyons maintenant comment vous pouvez y arriver de façon positive et dynamique.» Nous avons encore bien du mal à faire passer ce message.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je voulais vous poser une question à propos de l'ascension au sommet. Si je regarde la GRC au Canada actuellement ou la police de Toronto, si je regarde la Cour suprême, le bureau du gouverneur général, nos premiers ministres pendant une longue période, est-ce que cela change le moindrement ce que vous avez à dire à propos de la représentativité de la société canadienne aux plus hauts échelons? Je vois aussi beaucoup d'exemples aux actualités de soirée de CBC. Je cherche toujours le positif, j'imagine, mais je vois des gens de nationalités, religions et langues différentes qui parviennent au sommet.
Mme Mock: C'est pourquoi nous disons qu'il ne faut pas dénigrer les cas de réussite. Par contre — et il y a toujours un par contre — tant qu'on ne cessera pas de remarquer qu'il y en a un de ceux-là à la magistrature ou de sourire parce qu'il y a un présentateur de minorité racialisée de temps à autre et que ce ne sera pas généralisé, on ne sera pas parvenu à la vraie diversité et à la représentativité. Célébrons les cas de réussite.
Le sénateur Trenholme Counsell: Comment nous comparons-nous à d'autres pays pour les exemples que j'ai donnés: la Cour suprême, le gouverneur général, la GRC et ainsi de suite?
Mme Mock: Je n'ai pas fait d'étude comparée, mais je peux vous dire qu'aux États-Unis, quand ils parlent de politiques et de cours en matière de diversité, ils parlent de mesures d'action positive vigoureuses ou de ce que nous appelons équité en matière d'emploi. On s'assure qu'il y a une représentation plus diverse tout au long de l'échelle.
Il faudrait que nous fassions une étude comparée. Ce n'est pas vrai pour vous, mais j'aime toujours rappeler aux gens quand nous donnons des cours qu'il y a de la résistance. Quelqu'un dira: «Eh bien, il y a bien ce cas à tel endroit» et la personne vous parlera d'un pays sous la botte d'un dictateur. Je réponds: «Oui, mais nous vivons ici et nous avons les politiques les plus progressistes qui soient. Mettons-les vraiment en pratique et donnons-leur du muscle.»
La présidente: Madame Mock, monsieur Hunter, merci beaucoup. Nous sommes pressés par le temps, vous le voyez bien, veuillez nous en excuser. Vous devez comprendre que nous ne disposons que d'un temps limité pour nos déplacements et que nous essayons d'entendre le plus grand nombre de gens possible. Tous les témoins ont des choses tellement importantes à nous dire.
Mme Mock: Ne vous excusez pas. Nous sommes enchantés du temps que vous nous avez consacré. Merci beaucoup.
La présidente: Merci à vous. Vous allez donner votre exposé au greffier, n'est-ce pas?
Mme Mock: Oui, et nous sommes là à votre disposition partout dans le pays si vous avez besoin de nous.
La présidente: Sénateurs, nous avons maintenant le plaisir d'accueillir nos témoins du Conseil de presse de l'Ontario, Mme Doris Anderson, présidente du conseil et journaliste célèbre, et M. Mel Sufrin, secrétaire exécutif.
Mme Doris Anderson, présidente, Conseil de presse de l'Ontario: Je vous remercie de nous accueillir. Notre exposé, vous serez heureux de le savoir, est très bref et nous nous ferons un plaisir de répondre ensuite à vos questions.
Quand le Conseil de presse de l'Ontario a été invité à comparaître, on nous a présenté une liste de quatre sujets, mais nous pensons que le domaine dans lequel nous avons les commentaires les plus objectifs à formuler concerne les formes d'autoréglementation appropriées.
Je donne peut-être l'impression de prêcher pour ma paroisse en disant que l'existence des conseils de presse dans toutes les provinces du Canada sauf la Saskatchewan représente un effort légitime des journaux canadiens pour satisfaire aux critères d'autoréglementation.
Nous sommes convaincus que les éditeurs de quotidiens et de journaux communautaires croient sincèrement que cette forme d'autoréglementation est une antidote efficace à ce qu'ils considèrent comme un risque d'ingérence indue du gouvernement dans la façon dont ils servent le public.
C'est de la crainte d'une telle ingérence qu'est né le Conseil de presse de l'Ontario. Une enquête d'une commission royale sur les droits civiques en 1968 a proposé qu'un conseil autoréglementé soit créé en Ontario pour sanctionner les médias d'information en cas de publication d'information qui serait susceptible de nuire au droit à un procès juste.
Beland Honderich, éditeur du Toronto Star à l'époque, a réuni les éditeurs de sept autres quotidiens et ils ont créé le conseil en 1972. Aujourd'hui, le conseil regroupe 39 quotidiens et 181 journaux communautaires et spécialisés. Ces journaux financent le conseil au moyen de cotisations proportionnelles à leur tirage.
Les éditeurs qui ont fondé le conseil ne lui ont pas donné de pouvoirs disciplinaires. Bien que ce soit manifestement une mauvaise chose de publier des informations qui risquent de compromettre le droit d'un accusé à un procès juste, ils n'ont pas fixé spécifiquement cet objectif au conseil.
Depuis, le Conseil de presse de l'Ontario a reçu 3 438 plaintes. Il a tranché sur 490, dont 249 ont été accueillies en tout ou en partie et 240 ont été rejetées, parfois avec des réserves.
Les journaux, qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, sont tenus par leurs membres de publier un compte rendu équitable des décisions du conseil. Jusqu'à présent, aucun n'a refusé de se soumettre à cette obligation, bien qu'un journal ait récemment choisi de publier une décision sur son site Web, un problème sur lequel le conseil se penche actuellement d'ailleurs.
L'ombudsman est un autre aspect de l'autoréglementation. L'organisation News Ombudsman basée aux États-Unis compte 44 membres, mais il n'y en a que trois au Canada, un au Toronto Star, un à CBC et un à Radio-Canada.
Jadis, il y avait des ombudsmans au Ottawa Citizen, à la Montreal Gazette, au Edmonton Journal et au Calgary Herald, mais ils ont apparemment été victimes de compressions budgétaires. Nous pensons que c'est regrettable car les ombudsmans sont un canal de communication utile entre les lecteurs et le journal.
Les éditeurs peuvent néanmoins donner des réponses efficaces aux plaintes de leurs lecteurs. Par exemple, un quotidien de l'Ontario a récemment titré: «Un escroc autochtone en prison». Quand le Conseil de presse de l'Ontario a transmis une plainte à l'éditeur, ce dernier s'est empressé de présenter ses excuses aux lecteurs dans le coin en haut à droite de la première page.
Quelques mots sur la constitution du conseil: nous avons 10 directeurs publics, représentatifs de l'ensemble de la société de l'Ontario; un président qui n'est pas lié actuellement aux journaux; et 10 directeurs journalistes qui vont du reporter à l'éditeur.
Les comités constitués pour se prononcer sur les plaintes qui nous sont transmises sont composés d'une majorité de représentants du public, bien que cela ne soit pas particulièrement important, car les journalistes du comité sont souvent plus durs pour leurs collègues que les directeurs venant du public. Voilà pour notre rapport. Merci.
La présidente: Je crois que c'est à mon tour de me déclarer en conflit d'intérêts. C'est moi qui étais la rédactrice en chef qui a aboli le poste d'ombudsman à la Gazette du Montreal. Vous avez tout à fait raison, c'était uniquement pour des raisons budgétaires et c'était très regrettable. Je pourrais écrire un livre sur la question.
Le sénateur Di Nino: Vous l'avez fait.
La présidente: Non, pas des livres.
Le sénateur Di Nino: Le bilan du travail du Conseil de presse de l'Ontario, si je puis m'exprimer ainsi, tel qu'il a été présenté par plusieurs témoins, notamment les deux qui vous ont précédé, n'est pas aussi brillant que le rapport que vous nous avez présenté, madame Anderson. En ce qui concerne les médias et les informations, c'est-à-dire le sujet dont nous nous occupons principalement, d'après ma propre expérience, je crois que les critiques sont justifiées. Dans les informations, on a tendance à tomber dans le sensationnalisme pour parler de certains segments de la société, de certains groupes de la société. C'est un point de vue.
J'ai tendance à être assez d'accord avec les gens qui accusent les médias de porter un regard négatif sur certains segments de la société.
J'aborde la question parce que c'est au Conseil de presse de l'Ontario que ces gens-là doivent s'adresser. Or, d'après leurs commentaires, le conseil ne semble guère réagir, et en tout cas les appels qui ont été portés devant le Conseil de presse n'ont guère servi à améliorer la situation.
Prenez la réponse de Mme Mock à ma question quand je lui disais que les choses ne semblent pas avoir beaucoup changé depuis 25 ou 30 ans que nous observons la situation. Je me demande ce que vous avez à dire sur ce sujet délicat.
Mme Anderson: Je dirais qu'une grande partie des plaintes adressées au Conseil de presse de l'Ontario portent sur ce sujet justement. Nous essayons de plus en plus de voir comment on peut aborder ces problèmes dans la presse et nous avons tendance à être plus durs, en particulier avec les chroniqueurs, qu'auparavant. Les journaux sont obligés de publier nos décisions, et ne je sais pas ce que nous pouvons faire de plus.
Il y a des limites à ce que peut faire le Conseil de presse. On ne peut pas obliger les journaux à publier des articles et on ne peut pas leur imposer d'amende. Le mieux que nous puissions faire, c'est de les obliger à publier de façon très visible et très rapidement nos décisions.
M. Sufrin a beaucoup plus de choses à vous dire sur la question. Il est là depuis combien de temps déjà?
M. Mel Sufrin, secrétaire exécutif, Conseil de presse de l'Ontario: Environ 19 ans je crois.
Mme Anderson: C'est le directeur exécutif. Il a vu passer la plupart de ces plaintes.
M. Sufrin: Le conseil a été créé pour répondre aux plaintes provenant du public, mais c'est seulement dans certains domaines qu'il a des politiques régissant les journaux en leur suggérant la bonne procédure et le bon comportement.
Dans notre rapport annuel, nous énonçons notre position sur les opinions, les politiques et la publicité. C'est la démarche du Conseil de presse face à des difficultés qui nous semblent généralisées.
Néanmoins, nous sommes obligés d'attendre que quelqu'un se plaigne pour agir sur un domaine précis. C'est un champ d'action limité mais c'est pour cela que le conseil a été créé à l'origine, pour réagir aux plaintes.
Il ne prend pas lui-même les devants, sauf dans le cas de certains problèmes qui semblent généralisés. Autrement dit, s'il y a des plaintes sur la façon dont on traite les minorités dans la presse, le conseil va peut-être publier un énoncé de politique suggérant une façon d'aborder le problème. Mais notre rôle n'est pas de dicter à la presse la façon dont elle doit se comporter.
Le sénateur Di Nino: Dans ce cas, d'après vous, est-ce que ce système d'autoréglementation fonctionne?
M. Sufrin: Je crois que les journaux réagissent en général de façon assez saine à ce que disent le Conseil de presse ou les lecteurs. Je ne voudrais pas que le gouvernement essaie d'imposer plus de restrictions à la presse que ce n'est le cas actuellement.
Nous serions ravis, par exemple, si le gouvernement ou les tribunaux fournissaient une protection quelconque aux journalistes, qui se fondent sur des sources qu'ils ne peuvent révéler. Comme vous le savez, cela s'est produit tout récemment à Hamilton. C'est un sujet très préoccupant.
Je dirais que oui, l'autoréglementation fonctionne, jusqu'à un certain point. Je suis certainement en faveur, car sans elle on pourrait commencer à s'ingérer dans tous ce que fait la presse pour couvrir l'actualité.
Le sénateur Di Nino: Tenant compte du temps, je vais m'arrêter là, bien que je puisse continuer toute la journée.
Le président: Nous de même.
Le sénateur Merchant: Il n'y a pas de section du Conseil de presse en Saskatchewan. Pourquoi? Vous avez dit que le conseil était présent partout, sauf en Saskatchewan. Je viens de la Saskatchewan, c'est pour cela que je voudrais le savoir.
Mme Anderson: Je ne sais pas. Honnêtement, je ne le sais pas. C'est juste qu'ils n'ont jamais eu de conseil de presse là-bas. Nous...
Le sénateur Merchant: Comment cela se fait-il? Comment se fait-il qu'il y ait des conseils de presse partout ailleurs, mais pas dans cette province?
M. Sufrin: Les journaux y sont opposés et ce sont eux qui établiraient une section locale, s'il devait y en avoir une.
Le sénateur Merchant: Est-ce les journaux qui vous financent? Comment êtes-vous financés? Est-ce une organisation de bénévoles? Comment fonctionnez-vous?
M. Sufrin: Ce sont les journaux ontariens qui financent complètement le conseil de presse de cette province. Il n'y a pas du tout de financement gouvernemental. Au Québec, on compte sur l'argent du gouvernement jusqu'à un certain point, mais les autres conseils de presse fonctionnent uniquement au moyen des contributions des journaux.
Le sénateur Merchant: Est-ce que ce sont les journalistes qui vous financent? Est-ce que ce sont les quotidiens?
M. Sufrin: Tout à fait.
Mme Anderson: La cotisation est fonction du tirage. Par ailleurs, nous payons le déplacement et la chambre d'hôtel de quiconque comparaît devant le conseil de presse pour déposer une plainte; il n'y a pas de débours lorsque l'on veut s'adresser à nous. C'est vrai qu'il y a des limites à ce que nous pouvons faire, mais les gens qui comparaissent devant le conseil s'en vont satisfaits, qu'ils perdent ou qu'ils gagnent, parce que, au moins, quelqu'un les a écoutés. Ils ont l'impression d'avoir eu une audience équitable. Très peu d'entre eux sont en colère quand ils s'en vont.
Le sénateur Merchant: Je ne sais pas. La liberté de la presse est très importante dans notre pays, mais nous devons protéger les journalistes et les autres personnes de la société également. Une fois un article paru, la rétractation ne peut effacer le mal qui a été fait. Si les gens ne tiennent pas les reporters en très grande estime, ils croient cependant ce qu'ils lisent et, tout particulièrement, ils croient ce qu'ils voient, parce que la télévision est un médium très puissant. Lorsque vous le voyez, cela reste dans votre esprit.
Je n'ai jamais vu un journaliste se rétracter en première page. Je pense que ce serait très utile, si vous insistiez qu'une rétractation soit sur la première page, parce que l'histoire est généralement sur la première page. Un désaveu ou une rétractation est en général un petit texte quelque part, «nous regrettons...», de sorte que les gens ne le voient pas, mais ils ont vu les photos, ils ont vu les gros titres. Cela me préoccupe. Que pouvons-nous faire? Que pouvez-vous faire?
Mme Anderson: La plupart de nos journaux membres publient un logo du conseil de presse pour s'assurer que les gens sachent qu'il y est un endroit où ils peuvent aller se plaindre. Très souvent nous réglons le différend avant que le conseil n'ait à trancher, parce qu'après avoir reçu la plainte, nous nous adressons au journal en cause. M. Sufrin fait cela, et très souvent le journal publie une rétractation ou un article subséquent qui règle le problème.
Je ne pense pas que la plupart des plaintes découlent d'articles en première page. La plupart des plaintes proviennent d'une chronique quelconque ou d'un petit reportage, et la rétractation paraît dans la première partie du journal, mais pas nécessairement en première page. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose que nous recommandions cela, c'est- à-dire, que toutes les rétractations doivent être publiées sur la première page, enfin c'est ce je crois. Qu'en pensez-vous?
M. Sufrin: Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire. La plupart des journaux ont de la place en page 2, où apparaissent les corrections quotidiennes et autres.
Il est extrêmement rare d'avoir besoin d'une rétractation si sérieuse qu'elle doit être plus évidente que cela. Franchement, la plupart des plaintes que nous recevons ne sont pas sérieuses au point où l'on s'attend à ce qu'elles paraissent en page 1. Il y a un an, le New York Times a publié une rétractation sur la page 1. Je pense que c'est la seule et unique fois qu'ils ont fait cela. Je ne vois pas vraiment le besoin de...
Le sénateur Merchant: Je dis cela, parce que vous avez mentionné que la rétractation était à la page 1. Je suis désolé, je viens de la Saskatchewan. Je ne peux parler que de mon expérience.
M. Sufrin: Soit dit en passant, il y en a qui ont essayé de créer un conseil de presse en Saskatchewan. Ces efforts provenaient surtout des universités de la Saskatchewan. Les journaux, il existe quatre quotidiens là-bas, en général ont dit: «Non, merci.»
Le sénateur Trenholme Counsell: Je voudrais poser une question directe. J'ai été très attristée par les témoignages de certains particuliers ou groupes, qui ont comparu devant ce comité, en ce qui concerne l'état des médias canadiens, et je voudrais diriger cette question exclusivement aux journaux.
Je sais que les mécontents ont plus tendance à venir témoigner que les gens satisfaits, c'est mon impression en tout cas, qu'ils viennent du secteur privé ou d'ailleurs. Cependant, voudriez-vous nous donner votre opinion sur la question de savoir si l'on peut généralement être optimiste sur la presse écrite aujourd'hui? Je pense que nous devrions nous occuper des journaux. Êtes-vous aussi touchés et aussi préoccupés que nous le sommes dans ces audiences, et pensez- vous que les Canadiens, en général, sont bien servis ou non? J'imagine que c'est là l'ultime critère.
Mme Anderson: Je serais très heureuse de vous dire ce que j'en pense personnellement. C'est mon opinion personnelle et non celle de la présidente du Conseil de presse. Bien sûr, nous ne sommes pas contents de la presse. Je pense que c'est une position très saine pour toute démocratie.
Nous ne sommes jamais contents de la presse. Nous voulons toujours qu'elle soit mieux que ce qu'elle est. Et personne plus que ceux qui y travaillent. Ce qui m'a toujours impressionnée à propos du Conseil de presse, c'est que les membres du public, les citoyens qui viennent siéger au conseil, l'apprécient. Ils regrettent véritablement de le quitter, parce qu'ils ont les mêmes opinions que celles que vous exprimez. Ils veulent que la presse soit meilleure et ils ont l'occasion de participer au conseil et de faire des pieds et des mains pour que les choses changent, et ils y parviennent. Ces gens viennent de tous les milieux sociaux.
Cependant, ce qui m'a toujours impressionnée, c'est que les gens qui sont les plus durs avec la presse sont les gens qui travaillent dans les milieux de la presse eux-mêmes. Ils sont très durs les uns avec les autres et cela m'a toujours beaucoup impressionnée. À une époque, je participais à la Commission du droit de l'Ontario, qui recevait également des plaintes. Ils protégeaient beaucoup leur profession. Ce n'est pas le cas avec la presse. Ils sont très durs.
Personnellement, je me désespère souvent à propos de la presse, parce qu'il y a beaucoup d'articles que je ne vois pas paraître et qui, d'après moi, devraient être publiés, ou les reportages et les analyses laissent à désirer, ou versent dans le sensationnalisme. Aujourd'hui, je pense certainement qu'il y a trop de journalisme de style tabloïde.
Cependant, en tant que membres d'une démocratie, si vous voulez vraiment être informés dans notre pays, vous pouvez être informés, et vous pouvez obtenir les nouvelles, aussi proches que possible selon moi, afin de vendre les journaux. Il faut qu'ils vendent. Ils perdent de l'argent et ils perdent des lecteurs, particulièrement des jeunes.
L'Economist a publié un article la semaine dernière justement, à propos du fait que Le Figaro et Le Monde perdent des lecteurs. Et ce fait les préoccupe beaucoup.
Voilà, c'est ma longue réponse. Je pense partager vos préoccupations à propos de la presse, mais je ne suis pas sûre de ce que nous pouvons faire à ce sujet. La dernière chose serait, d'après moi, que le gouvernement s'en mêle. J'ai passé de nombreuses années dans le secteur des magazines, quand il était en difficulté, et la dernière chose que je voulais voir était les subventions de la part du gouvernement. Je pense que ça aurait été vraiment une très mauvaise chose.
Le sénateur Trenholme Counsell: Je pense que vous l'avez formulé merveilleusement bien, c'est vrai que nous voulons toujours que les choses s'améliorent. C'est l'espoir éternel pour beaucoup et, ainsi, je vous remercie.
M. Sufrin: Puis-je ajouter quelque chose? Si vous pensez que les choses vont mal aujourd'hui, c'était un désastre autrefois. J'ai déjà travaillé à la Presse canadienne. Lorsqu'elle a été fondée en 1917, les députés au Parlement étaient consternés à l'idée qu'il puisse y avoir une société indépendante fournissant des informations aux journaux, parce que à cette époque, pratiquement tous les journaux au Canada étaient dans la poche d'un parti ou de l'autre. Il y avait deux partis.
En réalité, nous avons fait beaucoup de chemin. Les journaux ne sont pas aussi bons qu'ils devraient l'être, mais ils sont bien meilleurs que ce qu'ils étaient il y a plusieurs années.
Le sénateur Trenholme Counsell: Ça fait plaisir d'entendre quelque chose de positif.
La présidente: Si un jour nous pouvons nous rencontrer dans une taverne, je vous raconterai quelques-unes des histoires d'horreur d'autrefois.
Le sénateur Munson: Je travaillais dans le secteur du journalisme en 1957. Je livrais, entre autre, le Campbellton Graphic, The Tribune, le Saint John Telegraph puis de The Gazette et le Toronto Star, etcetera.
Nous avons quelques questions essentielles et vous avez énormément d'expérience dans le secteur de la presse. J'aimerais obtenir une réponse en ce qui concerne les changements dans les médias et la concentration des médias, que ce soit votre opinion personnelle ou l'opinion du conseil.
Nous en avons vu beaucoup en ce qui concerne la convergence des médias et la propriété des médias, par exemple, le cas d'un propriétaire à Vancouver qui possède une station de télévision, une station de radio et un journal. J'aimerais avoir votre point de vue général sur l'avenir des médias avec toute cette concentration et cette convergence. Est-ce une bonne chose?
Mme Anderson: Je dirais que non, personnellement encore une fois, mais je pense que le plus de diversité possible serait une bonne chose dans la presse. Comme nous le savons, cela devient de plus en plus difficile pour les journaux d'être rentables, mais il y a d'autres moyens. Les chroniques en ligne sur les sites Web sont un nouvel élément, où les gens peuvent obtenir l'information qu'ils souhaitent obtenir. C'est une autre raison d'être optimiste en ce qui concerne la presse. La même situation a déjà existé certainement pour les magazines au cours de ma vie, car à un moment donné, il a semblé que le secteur des périodiques au Canada allait disparaître.
Le gouvernement a adopté une loi qui a retiré à Time et à Reader's Digest les avantages dont ils bénéficiaient. En effet, avant cette loi, ils pouvaient diffuser ici tout leur contenu rédactionnel en y retirant les annonces américaines et en y ajoutant des annonces canadiennes, ils pouvaient faire ainsi beaucoup d'argent et livrer concurrence aux revues canadiennes qui, elles, étaient obligées de tout créer. Aucun autre pays au monde que le Canada ne tolérait une telle situation et elle a presque ruiné le secteur des périodiques.
Quand enfin la loi a été adoptée en 1975, le secteur des périodiques a repris du poil de la bête. Il existe à l'heure actuelle 600 magazines. Chaque année, près de 100 magazines disparaissent et 40 nouveaux voient le jour, et c'est comme ça que ça devrait marcher. C'est un signe de santé économique.
Personnellement, je suis préoccupée de voir la consolidation des journaux et des stations de télévision. Je pense que cela préoccupe tout le monde. En même temps, il existe d'autres moyens pour les gens de trouver des informations.
Le sénateur Munson: Quelles sont vos préoccupations? Est-ce parce que vous avez l'impression qu'il existe moins de voix dans une démocratie?
Mme Anderson: Oui, moins de voix, un seul point de vue. Autrefois, je pense que vous le savez, bien des chaînes au Canada n'imposaient pas un point de vue particulier à leurs journaux. Les rédacteurs en chef dans les différentes provinces avaient alors beaucoup de latitude, en ce qui concerne la position qu'ils pouvaient prendre. Ils ne recevaient pas de directives d'un bureau central leur indiquant quelle ligne tenir. Je pense que M. Sufrin a quelque chose à dire à ce propos.
M. Sufrin: Vous pensez?
Mme Anderson: Absolument.
M. Sufrin: Non, pas vraiment, mais si on avait dû compter sans des gens comme Roy Thomson et, aujourd'hui, comme Osprey Media Group, etcetera, je crois qu'on pourrait parier que beaucoup de petites villes au Canada n'auraient pas les quotidiens qu'elles possèdent aujourd'hui. C'est en grande partie parce que, s'ils ne font pas beaucoup d'argent, ils font partie d'un groupe, qui est peut-être lui viable financièrement.
De plus, je ne vois pas beaucoup de preuves que les propriétaires de groupes médiatiques imposent, comme le laisse entendre Mme Anderson, leur volonté sur la position éditoriale de ces journaux. Je pense par exemple à Izzy Asper qui était manifestement fortement libéral. Lorsqu'il a acheté le National Post, on aurait pu croire que ce journal allait devenir un partisan du Parti libéral, mais cela reste à prouver. À l'heure actuelle, je pense qu'il tend plus à être du côté des conservateurs. De toute façon, c'est un journal très critique de pratiquement tout ce qu'il considère mauvais dans les activités du gouvernement.
Pour moi la convergence n'est pas un terrible danger. Je pense que d'un point de vue économique, c'est peut-être la seule façon pour l'industrie du journal, aussi vaste soit-elle, de survivre.
La présidente: L'un des éléments les plus divertissants du National Post a été, récemment, la querelle très visible dans ses pages entre M. Harper et M. Asper Jr, au sujet du fait que ce journal était un véritable journal conservateur ou juste un journal pseudoconservateur. Le mot «libéral» n'est jamais apparu dans ce contexte, que je sache.
Le sénateur Chaput: Je comprends que le conseil agit en fonction des plaintes qu'il reçoit. Vous recevez des plaintes de la part des lecteurs ou du public et je suis sûre que vous voulez que tous aient accès au conseil.
Ma question porte sur l'accès au conseil. Qu'en est-il des gens faisant partie d'une minorité, qui ont une plainte sérieuse à propos de racisme? Il y a toujours la liberté d'expression d'un côté et certaines expressions de l'autre côté qui pourraient porter à croire qu'il y a du racisme.
Avez-vous reçu de nombreuses plaintes, ou seulement quelques plaintes, de la part des groupes minoritaires? Avez- vous l'impression qu'ils ont accès à votre conseil aussi facilement que la majorité y a accès? Savez-vous ce que cela signifie? Pouvez-vous répondre à cette question?
Mme Anderson: Beaucoup de nos plaintes concernent les minorités ou la façon dont elles ont été traitées dans la presse. De temps à autre, nous avons eu des groupes de pression particuliers, des minorités, qui sont très prévisibles. Chaque fois que la presse touche à certains sujets particuliers, nous avons des plaintes, et nous savons que nous allons avoir des plaintes.
Je pense que nous sommes très ouverts à cela, puisque nous composons avec cela régulièrement et que nous en parlons beaucoup et nous en discutons beaucoup. Nous avons une sorte de jury et les gens se présentent devant le conseil, puis une décision est prise et cette décision est revue par l'ensemble du conseil lors de la réunion suivante.
Parfois, dans de rares cas, cette décision est changée, parce que les gens autour de la table ne sont pas d'accord avec la décision qui a été prise. Parfois, nous devons entendre une affaire que nous ne pensions pas devoir entendre à cause du conseil.
Je suis satisfaite que toute minorité ayant eu une plainte a été entendue par le conseil. Ai-je raison?
M. Sufrin: Oui, tout à fait. Il y a deux ans le Conseil de presse a adopté une politique sur les groupes identifiables. Elle était délicate, parce qu'ils ont accepté de façon empirique qu'un groupe identifiable soit constitué de gens qui participent à un groupe ou qui participent à une partie d'un groupe bien que cela ne soit pas forcément par choix. Par exemple cela incluait les membres des minorités visibles, de nationalités, de groupes ethniques, de religions ou des gens ayant une déficience intellectuelle ou une déficience physique ou qui avaient une orientation sexuelle particulière.
Le conseil prend alors une décision sur les attaques ou sur les critiques faites à l'endroit de ces groupes identifiables, c'est-à-dire qu'ils reçoit les plaintes à ce sujet, en tenant compte du fait que ces gens sont l'objet de dérision ou autre.
Ce qui est intéressant c'est que l'on a conclu que les professeurs, entre autres, ne constituent pas un groupe identifiable. Un article attaquant certains de leurs collègues ne peut pas être considéré de la diffamation contre l'un d'eux. C'est une suggestion raisonnable selon le conseil. Des avocats, médecins, politiciens, représentants syndicaux, journalistes, et autres membres d'une profession, se retrouvent dans la même catégorie. Ce ne sont pas des groupes identifiables.
Il s'agit d'essayer de déterminer, lorsque les gens sont attaqués ou l'objet de critique dans la presse, s'ils font l'objet de critique à cause de leur religion ou tout autre motif, et pas parce que la personne est professeur; donc, en critiquant des professeurs, l'on critique des professeurs en particulier. C'est une étude intéressante, et la politique a fonctionné dans certains cas de plaintes que nous avons reçues.
La présidente: Si je me souviens bien, il fallait éviter toute généralisation.
M. Sufrin: Vous savez ce qui se dit au sujet des généralisations. Qu'en général elles sont fausses.
La présidente: Oui. Combien de conseillers avez-vous?
M. Sufrin: Vingt-et-un.
La présidente: D'où proviennent-ils et qui les choisit?
M. Sufrin: Actuellement, ils viennent d'un peu partout dans la province.
Mme Anderson: Il y a toujours quelqu'un qui vient d'un des groupes religieux, par exemple.
La présidente: Oui, au fond ce qui m'intéresse c'est de savoir si ce sont des représentants des propriétaires? Quelle est la proportion de personnes provenant de l'industrie et du public? Avez-vous des représentants syndicaux? J'imagine que vous avez une représentativité géographique, des gens de la province plus ou moins.
Mme Anderson: C'est un équilibre. La moitié des membres proviennent de la presse et l'autre moitié du public. Nous nous efforçons de bien représenter le public, du point de vue ethnique et professionnel. Il y a toujours un représentant syndical. Il y a toujours quelqu'un qui provient d'un des groupes religieux. Nous essayons de trouver un équilibre, qu'il y ait autant d'hommes que de femmes. Pour ce qui est des représentants de la presse, nous avons de tout: éditeurs, gens d'affaires, au moins deux ou trois journalistes, rédacteurs, et...
La présidente: Qui les choisit? Ou plutôt qui leur force la main?
Mme Anderson: Le conseil lui-même. Nous n'avons pas de comité des candidatures en tant que tel, mais il y a un comité exécutif. Les gens qui ont siégé au conseil proposent souvent les noms d'autres personnes.
La présidente: Y a-t-il des mandats à durée déterminée?
Mme Anderson: Oui, pour un maximum de huit ans.
La présidente: Je vois. Y a-t-il des grands quotidiens qui ne participent pas?
M. Sufrin: Le National Post.
Mme Anderson: Le National Post ne s'est jamais joint au conseil.
M. Sufrin: Les éditeurs du Belleville Intelligencer et du Peterborough Examiner ont retiré ces deux journaux il y a quelques années, et ils refusent de revenir, mais le National Post n'est jamais devenu membre. J'ai l'impression que le coût y est peut-être pour quelque chose.
La présidente: Quel en serait le coût pour le National Post?
M. Sufrin: Ça serait plutôt élevé, à peu près 30 000 $ par an. Cependant, étant donné ce qu'ils perdent chaque année, j'imagine que ce serait un montant insignifiant. Toujours est-il que l'on aimerait bien les avoir...
La présidente: Trente mille dollars c'est le salaire d'un journaliste qui débute.
Le sénateur Di Nino: Ça l'était.
La présidente: C'était le salaire d'un jeune journaliste.
Ce que vous teniez entre vos mains, monsieur Sufrin, était-ce votre rapport annuel?
M. Sufrin: Oui.
La présidente: On y énumère toutes vos politiques?
M. Sufrin: Tout y est.
La présidente: Nous aimerions vraiment en avoir une copie.
M. Sufrin: Je vous laisserai quelques exemplaires, et s'il vous en faut plus je peux vous les fournir.
La présidente: Vous arrive-t-il de publier vos politiques dans un format livret qui pourrait être distribué plus largement aux journalistes ou à la population?
M. Sufrin: C'est distribué à tous nos membres. Ça se trouve aussi presque toujours sur notre site Web. Il y a toute une liste de personnes qui s'intéressent au conseil, et elles en reçoivent chaque année. Nous en produisons environ 800 ou 900, et presque chaque journal au Canada en reçoit une copie.
La présidente: Vous êtes un organisme qui se charge de plaintes, donc si j'ai bien compris ce que vous décriviez, vous avez tendance à élaborer une politique une fois que vous avez reçu un nombre important de plaintes très semblables. Alors, il devient relativement facile pour vous de dire: «Voici ce que nous recommandons comme étant approprié dans ce cas.»
Mme Anderson: Il y a des conseils de presse au Royaume-Uni et aux États-Unis, et il y en a qui ont des codes de déontologie. Certaines provinces, comme l'Alberta, ont des codes. Nous n'en avons jamais eus. Nous fonctionnons comme la Cour suprême du Canada —
La présidente: Sauf que vous n'avez pas de pouvoir décisionnel.
Mme Anderson: Les décisions qui ont été prises antérieurement ont beaucoup à voir avec les décisions que nous prenons, et les choses changent constamment et se précisent.
La présidente: Il est peu probable que vous agissiez de façon préventive en disant: «Nous voyons des problèmes poindre à l'horizon dans un domaine particulier et nous aimerions prendre les devants et proposer certaines politiques.»
Mme Anderson: Nous nous prononçons certainement lorsque nous voyons certaines choses se produire. Une partie de notre mandat, dont nous ne parlons pas aujourd'hui, c'est la liberté de la presse. Nous nous sommes penchés sur cette question plusieurs fois au cours des dernières années, lorsque les conseils municipaux ont essayé de restreindre l'accès de la presse à certaines de leurs délibérations. Nous nous sommes fortement opposés à cela, et nous sommes intervenus lorsque nous nous y opposions. Tel que mentionné, nous sommes intervenus dans le cas d'un journaliste de Hamilton qui a été inculpé et qui a reçu une amende parce qu'il ne voulait pas révéler ses sources.
M. Sufrin: Vous vous souvenez peut-être de la descente faitepar la Gendarmerie Royale du Canada sur la Gazette du Montreal.
La présidente: Oh, oui.
M. Sufrin: Ils sont entrés dans les bureaux du journal et ont essayé d'obtenir des documents. Nous nous sommes impliqués dans une certaine mesure. Nous avons écrit au surintendant de la Gendarmerie royale du Canada pour dire que selon le Conseil de presse c'était inacceptable. Le surintendant a répondu, disant qu'il n'agirait de la sorte que lorsque c'était absolument nécessaire.
C'est intéressant que par la suite, pendant quatre ans, il n'y a eu au Canada aucune autre descente de la sorte. Nous aimerions croire que nous y étions pour quelque chose, mais j'imagine qu'il n'y avait tout simplement pas de motif valable pour le faire.
La présidente: Le conseil existe depuis une trentaine d'années, avez-vous dit 32 ans? Vous avez dit que manifestement les plaignants sont heureux des résultats, ce qui est, en soi, positif. Cependant, croyez-vous qu'au cours de cette période, l'existence du conseil et ses décisions ont changé la façon de fonctionner des journaux?
M. Sufrin: Probablement à certains égards. C'est difficile à dire. Concrètement, à une époque nous avons reçu plusieurs plaintes du Congrès polonais canadien. Dans un cas il était question du Toronto Star qui décrivait les camps de concentration comme étant des camps de concentration polonais. Le conseil a rendu un jugement très clair là- dessus.
Le fait est que même si la même erreur a été commise à la télé récemment, les journaux ont appris quelque chose. Ont-ils appris grand-chose d'autre, je ne le sais pas. C'est très difficile à dire.
Nous ne recevons plus ce genre de plaintes parce que l'erreur n'est jamais commise. Il est probable que d'autres décisions qui ont été rendues ont eu un effet sur au moins un journal, sinon tous les journaux. Il est probable qu'un journal agisse quelque peu différemment suite à une décision rendue par le conseil qui ne lui donnait pas gain de cause. Quant à savoir si nous avons contribué à l'amélioration de l'industrie, je n'ai pas l'audace de me prononcer là-dessus.
La présidente: Vous vous intéressez aux médias écrits. Strictement aux journaux. Il n'y a pas de conseil semblable dans le domaine de la radiodiffusion. Devrait-il y en avoir?
M. Sufrin: Pour ce qui est des radiodiffuseurs privés, il existe le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, qui fonctionne plus ou moins comme le Conseil de presse.
La présidente: Je pensais qu'il y avait plus de différence que ça entre les deux conseils. J'avais tort.
M. Sufrin: Au fond, on envoie des plaintes à Ottawa. Ils demandent à la station de radio ou de télé d'y répondre. Ils se penchent davantage sur la plainte si la réponse ne satisfait pas le plaignant, donc au fond, c'est très semblable.
Bien sûr, Radio-Canada/CBC a deux ombudsmans, un à Toronto et un à Montréal. Je n'ai pas vu leurs décisions les plus récentes. Il y a plusieurs années, je n'étais pas d'accord avec certaines de leurs décisions, mais je ne sais pas à quel point ils sont efficaces.
Mme Anderson: Je crois que le Conseil de presse du Québec s'occupe également de la radiodiffusion et du secteur des périodiques.
La présidente: Ils comparaîtront devant le comité plus tard cette semaine lorsque nous serons à Montréal, et le contraste sera intéressant car je crois qu'il y a des divergences philosophiques qui entrent en jeu.
Merci à vous deux. Ce fut une séance fort intéressante. Veuillez nous laisser votre mémoire et vos rapports annuels qui comprennent les politiques, cela nous sera très utile.
Mme Anderson: Merci beaucoup.
La séance est levée.