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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 6 - Témoignages du 31 janvier 2005 (séance de l'après-midi)


VANCOUVER, le lundi 31 janvier 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 13 h 6 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le feuteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs et membres du public, nous poursuivons aujourd'hui nos audiences à Vancouver. Ce comité examine les médias canadiens d'information et le rôle que l'État devrait jouer pour les aider à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché le domaine des médias au cours des dernières années — notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété. Après nos réunions à Vancouver aujourd'hui et demain, nous continuerons nos travaux à Calgary, Régina et Winnipeg au cours de la semaine.

[Traduction]

Nous avons eu une matinée fascinante et je m'attends à passer une après-midi tout aussi fascinante, puisque nous commençons avec un représentant de Ming Pao Daily News. Il s'agit de M. George Ho, qui est rédacteur en chef adjoint. Nous pensions recevoir également votre rédactrice en chef des nouvelles, mais elle a été retardée.

M. George Ho, rédacteur en chef adjoint, Ming Pao Daily News : Elle est indisposée aujourd'hui.

La présidente : Veuillez lui transmettre nos meilleurs vœux. Nous vous sommes reconnaissants de vous joindre à nous, M. Ho. Je crois que vous savez comment nous procédons. Nous aimerions une courte déclaration liminaire, d'une dizaine de minutes, ensuite de quoi nous vous poserons des questions.

M. Ho : Merci d'avoir invité le Ming Pao Daily News à participer à votre recherche. Les Canadiens vivent dans une démocratie marquée par une abondance d'information en libre circulation. La communauté sino-canadienne de Vancouver est desservie par trois quotidiens chinois, deux stations de radio chinoises, deux stations de télévision chinoises et plusieurs journaux hebdomadaires libres.

Le Ming Pao Daily News a été fondé à Hong Kong en 1959 et a lancé ses éditions de Toronto et Vancouver en 1993. Ming Pao fournit des nouvelles locales, nationales et internationales, de même que des nouvelles de la Chine et de Hong Kong. Selon le dernier sondage, Ming Pao vient au premier rang de tous les journaux chinois de Toronto et de Vancouver de par son nombre de lecteurs. Nous publions 365 jours par an, avec une moyenne de 120 pages par jour. À Vancouver, nous avons un lectorat hebdomadaire de 115 000, avec une moyenne de 60 000 lecteurs chaque jour, soit 26 p. 100 de plus que notre premier concurrent.

Depuis quelque temps nous sommes confrontés au défi d'un nombre croissant d'immigrants venant de la Chine continentale, dont les dialectes et habitudes de lecture diffèrent de celles de nos lecteurs traditionnels de Hong Kong. Nous cherchons encore les moyens de servir ces différents groupes de lecteurs chinois tout en confrontant la concurrence de nombreuses autres publications chinoises.

Pour ce qui est des sources d'information, les Canadiens ont aujourd'hui beaucoup plus de choix qu'il y a dix ans. Cependant, selon certaines études, le nombre de membres de minorités visibles embauchées par les médias grand public ne reflètent pas leur proportion de la population canadienne. On peut se demander dans quelle mesure les minorités visibles et leurs groupes sociaux sont bien représentés par les médias de masse.

Comme de nombreuses études américaines l'ont fait apparaître, il n'est pas établi dans quelle mesure la propriété croisée et la concentration entraînent une baisse de qualité de l'information. La propriété croisée peut amener de nouvelles équipes de gestion et donc une plus grande diversité du fait d'une mise en commun des ressources et des effectifs. Cependant, elle peut également imposer des idées différentes contraires aux valeurs canadiennes existantes.

Nous sommes en faveur de la mondialisation, une tendance du village planétaire qui s'impose graduellement par suite de l'avancée technologique et des événements interculturels. Toutefois, la mondialisation et la propriété croisée ne doivent être acceptées qu'à la condition que les valeurs canadiennes soient préservées. La liberté de parole, la diversité des médias et le maintien du multiculturalisme ne doivent pas être entamés par la mondialisation et la propriété croisée. Nous espérons que les organismes gouvernementaux canadiens sauront se préparer à la tendance à la mondialisation, de façon à trouver un équilibre entre la libre concurrence et la préservation des valeurs distinctives canadiennes.

Je conclurai ma présentation avec quelques suggestions. Premièrement, nous préconisons que les autorités canadiennes se concertent avec les médias chinois en formant une organisation ou un comité qui permette aux participants de partager des idées sur l'amélioration de la pluralité de l'information. Deuxièmement, nous préconisons de créer des bourses de journalisme pour les étudiants de minorités visibles. Troisièmement, nous suggérons une aide financière pour les médias chinois, non seulement afin qu'ils puissent offrir des stages à des étudiants en journalisme, mais aussi élaborer des projets conjoints avec des médias grand public.

La présidente : Vous avez couvert beaucoup de terrain avec un exposé merveilleusement concis. Merci infiniment. Le sénateur Tkachuk ouvrira la période des questions.

Le sénateur Tkachuk : Différents représentants de la presse ethnique ont souvent émis l'avis que les minorités visibles doivent être représentées. Pourriez-vous me situer cela en contexte? Que cela signifie-t-il réellement? Nous aimerions savoir ce que cela signifie exactement pour vous, plutôt que de donner notre interprétation. Par représentation des minorités visibles, entendez-vous les informations concernant la collectivité elle-même? Entendez-vous le contexte culturel — asiatique, africain ou caribéen? Entendez-vous par là les nouvelles de votre quartier?

M. Ho : Les contextes culturels. Permettez-moi de vous donner un exemple. Combien de médias grand public parlent du nouvel An chinois ou d'un festival indo-canadien, qui sont tous deux des pratiques culturelles importantes de différents groupes minoritaires partout dans le monde?

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi ne serait-il pas dans l'intérêt bien compris des deux quotidiens d'ici d'en parler? La communauté asiatique de Vancouver représente un gros marché.

M. Ho : La proportion des reportages ne peut refléter la proportion des minorités de Vancouver.

Le sénateur Tkachuk : Expliquez, s'il vous plaît.

M. Ho : Je parle de la couverture. Ils peuvent peut-être signaler la tenue du nouvel An chinois une fois par an, mais sans couverture approfondie. Il y aura peut-être un article d'une centaine de mots avec une photo, mais pas de reportage approfondi.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce vrai également de la population autochtone de la côte Ouest?

M. Ho : Oui, je suppose.

La présidente : J'ai toujours pensé que l'un des problèmes des médias grand public est qu'ils couvrent les minorités, toutes les minorités, comme des touristes. Donc, pour le nouvel An chinois, il y aura toujours une belle photo, la même chaque année, d'un dragon, accompagné d'une centaine de mots de texte, de type : « Les feux d'artifice ont retenti dans Chinatown hier avec la célébration traditionnelle par la communauté chinoise du nouvel An, marquant l'année du — insérer ici le nom de l'animal — et c'est à peu près tout.

Dites-moi si mon impression est juste. Mon impression est que, du fait que dans les rédactions personne ne comprend vraiment la signification de ces festivals — la tradition, l'histoire, ce qu'ils représentent pour ceux qui célèbrent l'événement — la seule couverture que nous voyons, comme je l'ai dit, est du type brochure touristique, un type générique de dépêche d'agence venant de Hong Kong, avec une grosse photo d'un dragon et 200 mots.

Ma description est-elle trop simpliste? Est-ce toujours un problème — autrement dit, que les médias grand public ne comprennent tout simplement pas?

M. Ho : Je crois que c'est toujours un problème. Les reportages sur les événements multiculturels, et pas seulement chinois, dans les médias grand public restent très superficiels. Il y aurait pourtant beaucoup à explorer. Par exemple, que pensent les sino-Canadiens de deuxième génération du nouvel An chinois? Le fêtent-ils, cela les intéresse-t-il toujours? Y a-t-il une différence entre l'attitude des Chinois de première et de deuxième génération à l'égard du nouvel An et d'autres fêtes chinoises?

Il y a toutes sortes d'aspects que les médias grand public pourraient explorer. Par exemple, quelle est la différence culturelle entre les conceptions de la deuxième génération comparée aux immigrants venant de Chine? Il reste toutes sortes d'aspects que les médias grand public peuvent explorer.

Le sénateur Carney : Monsieur Ho, quelle est la réponse à votre question? Quelle est la différence entre les sino-Canadiens de première et de deuxième générations, sur le plan des médias qu'ils regardent? Je sais bien qu'il y a une différence entre les Chinois qui sont arrivés il y a trois générations ou plus et qui lisent les journaux grand public, mais vous-même, connaissez-vous la différence entre la première et la deuxième génération?

M. Ho : Je pense que chez les sino-Canadiens de deuxième génération l'attitude envers les médias — il est vrai que les sino-Canadiens plus âgés ont tendance à tirer leur information des médias conventionnels tels que journaux, radio et télévision et que la jeune génération tend à recourir à l'Internet et à la technologie avancée.

Le sénateur Carney : De ce point de vue ils sont comme tous les Canadiens, la jeune génération utilisant l'Internet. Ce n'est pas différent de ce que l'on nous dit sur la jeune génération, à savoir que les jeunes Canadiens de tous les groupes ethniques tendent de plus en plus à chercher l'information sur l'Internet.

M. Ho : Eh bien, la deuxième génération obtient une variété d'informations sur l'Internet, notamment en provenance de Chine et de Hong Kong, ce qui est une pratique culturelle totalement différente de celle des sino-Canadiens nés localement.

Le sénateur Carney : Oui, je le conçois.

Ming Pao et Sing Tao ont à peu près le même tirage. Est-ce que les deux journaux ont le même lectorat? Est-ce que la plupart des familles achètent les deux journaux, ou seulement l'un des deux?

M. Ho : Selon le sondage de 2000, Ming Pao a un lectorat de 115 000 par semaine, soit 26 p. 100 de plus que notre principal concurrent, Sing Tao.

Le sénateur Carney : Sont-ils les mêmes lecteurs? Si j'étais membre de la communauté chinoise, est-ce que j'achèterais les deux journaux, ou bien servez-vous des parties différentes de la collectivité?

M. Ho : Je crois que nous servons le même groupe de sino-Canadiens.

Le sénateur Carney : Est-ce que vos lecteurs achètent le Vancouver Sun ou The Province ou s'intéressent-ils principalement aux journaux et aux informations en langue chinoise?

M. Ho : Ils s'intéressent principalement aux nouvelles chinoises.

Le sénateur Carney : Ils ne sont donc pas intéressés à lire des articles sur le nouvel An chinois dans le Vancouver Sun?

M. Ho : Le chevauchement entre Ming Pao et le Vancouver Sun est d'environ — je n'ai pas les chiffres exacts, mais je peux vous dire qu'il est d'environ 10 p. 100.

Le sénateur Carney : D'où viennent vos journalistes? Les deux journaux, Sing Tao et Ming Pao, ont des journalistes qui ont gagné des prix. Comment trouvez-vous vos journalistes et comment les formez-vous? Prenons par exemple votre rédactrice des nouvelles, Susan Ng.

M. Ho : Nous recrutons nos journalistes soit à Hong Kong, où ils exercent déjà le métier, ou bien ici même, des diplômés de la Simon Fraser University ou —

Le sénateur Carney : BCIT?

M. Ho : Non, pas BCIT. Nous recrutons principalement à l'Université Simon Fraser, ainsi que des diplômés de l'école de journalisme de l'UBC.

Le sénateur Carney : Avez-vous de la difficulté à trouver des journalistes qui parlent et écrivent le chinois?

M. Ho : Non, pas du tout.

Le sénateur Carney : Votre journal est-il profitable?

M. Ho : Il l'est.

Le sénateur Carney : Les propriétaires de votre journal sont-ils des Canadiens ou des HongKongais?

M. Ho : Notre bureau principal se trouve à Hong Kong, mais je crois que nous sommes une entreprise à 100 p. 100 canadienne.

Le sénateur Carney : Avez-vous dit 100 p. 100 d'influence canadienne ou bien de propriété?

M. Ho : Propriété.

Le sénateur Carney : S'agissant des Chinois de Chine continentale, et je suppose aussi des Taiwanais qui arrivent ici, quelle sorte d'information souhaitent-ils, comparé au lectorat originaire de Hong Kong?

M. Ho : Les immigrants de Chine continentale veulent lire davantage de nouvelles internationales, ainsi que des nouvelles chinoises; ceux de Hong Kong se concentrent sur les nouvelles locales et celles de Hong Kong.

Le sénateur Carney : Merci beaucoup. Nous sommes bien servis par les deux journaux chinois. Nous avons réellement une bonne couverture. La communauté asiatique représente un tiers de la population de l'agglomération de Vancouver. Nous avons la chance d'avoir ces deux journaux, ainsi que les stations de radio et les hebdomadaires.

M. Ho : Les sino-Canadiens de Vancouver sont bien servis par les médias chinois.

Le sénateur Munson : Monsieur, le National Ethnic Press and Media Council of Canada, lors de sa comparution ici, a formulé un certain nombre de suggestions concernant des programmes fédéraux tels que le Programme d'aide aux publications et le Programme d'aide à l'édition de Patrimoine Canada et indiqué qu'il fallait modifier ces programmes pour aider les organes de presse ethniques. À votre avis, quels ajustements faudrait-il apporter à ces programmes fédéraux pour aider la presse ethnique canadienne?

M. Ho : Nous suggérons de créer un comité, composé des différents journaux ethniques, afin de discuter des orientations futures et élaborer un plan d'accroissement de la diversité des médias, et partager des idées — explorer des possibilités d'articles futurs sur la vie sociale et les pratiques culturelles des minorités.

Le sénateur Munson : À Toronto, un témoin nous a dit que certains des journaux chinois de Toronto sont réellement — la couverture annonce des nouvelles locales, mais les pages intérieures sont une simple reproduction du People's Daily ou du China Daily. Ce témoin a dit que tout était rédigé en Chine, que le journal n'est guère qu'une devanture d'une organisation de presse de Chine.

Est-ce le cas à Vancouver? Je suppose qu'il y a des nouvelles internationales et locales, mais sont-elles présentées par vos propres journalistes?

M. Ho : Les nouvelles locales sont rédigées par les journalistes locaux.

Nous souscrivons à plusieurs agences de presse, dont Presse canadienne. Nous souscrivons à des agences d'envergure mondiale, dont Xinhua en Chine, si bien que notre couverture provient d'une diversité de sources, en sus des articles rédigés par nos propres journalistes, surtout concernant les nouvelles locales.

Le sénateur Chaput : Je crois que vous avez trois journaux de langue chinoise à Vancouver?

M. Ho : C'est juste.

Le sénateur Chaput : Chacun appartenant à une société différente, n'est-ce pas?

M. Ho : Exact.

Le sénateur Chaput : Est-il possible que les mêmes entreprises aient des parts dans chacune des trois sociétés?

M. Ho : Voulez-vous parler du marché?

Le sénateur Chaput : Les propriétaires, si vous avez trois propriétaires différents.

M. Ho : Non.

Le sénateur Chaput : Ce sont donc trois propriétaires totalement différents. Par exemple, vous n'avez pas un propriétaire donné ayant une part dans les trois sociétés?

M. Ho : Non. Nous n'avons pas de propriété croisée.

Le sénateur Chaput : Est-ce que ces trois journaux collaborent, s'agissant, mettons de partager des rédacteurs? Engagez-vous parfois les mêmes journalistes, ce genre de choses, ou bien les trois journaux sont-ils indépendants?

M. Ho : Ils sont très indépendants.

Le sénateur Chaput : Et vous arrivez à trouver suffisamment de journalistes pour les trois?

M. Ho : Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de difficulté de recrutement.

Le sénateur Chaput : Travaillez-vous avec les écoles? Avez-vous une forme de relation avec les jeunes?

M. Ho : Oui. Nous offrons des stages aux étudiants en journalisme à divers moments.

Le sénateur Chaput : Pour ce qui est de vos revenus, est-ce que les pouvoirs publics achètent des annonces dans vos journaux?

M. Ho : Oui.

Le sénateur Chaput : Pensez-vous obtenir votre juste part de cette publicité?

M. Ho : Nous faisons de notre mieux.

Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Ho, il est très intéressant de vous écouter. Ma question est motivée par le fait que j'ai beaucoup d'admiration pour les jeunes Chinois, qui me paraissent très travailleurs, plus déterminés, et semblent engagés et intéressés par ce qui se passe autour d'eux. Avez-vous des chiffres concernant le lectorat de moins de 25 ans, la catégorie des jeunes Chinois?

M. Ho : Nous avons une ventilation par âge. Vingt-trois pour cent de nos lecteurs sont dans la tranche d'âge de 18 à 34 ans.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est beaucoup.

M. Ho : Pour ce qui est des lecteurs plus âgés, 24 p. 100 ont entre 35 et 44 ans.

Le sénateur Trenholme Counsell : Faites-vous un effort concerté, comme éditeur, pour présenter un contenu susceptible d'intéresser les jeunes?

M. Ho : Oui. C'est un autre de nos défis, attirer les jeunes lecteurs.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que la langue s'apprend exclusivement à la maison ou bien est-elle enseignée dans le système éducatif?

M. Ho : Principalement, ils apprennent le chinois à la maison; en outre, il y a un programme de chinois à l'école secondaire et il existe aussi quelques écoles privées.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je vois. Donc vous êtes probablement moins pessimiste que d'autres concernant la facilité de lecture des jeunes?

M. Ho : C'est toujours l'une de nos préoccupations, soit que la jeune génération chinoise ne lise plus le chinois. Ces jeunes tendent à naviguer sur l'Internet et à ne pas acheter de journaux. Le pourcentage de ceux qui parlent le chinois est un peu en recul, c'est là un souci.

Le sénateur Trenholme Counsell : Existe-t-il ici, en Colombie-Britannique, une volonté passionnée de préserver la langue écrite et parlée de la Chine, de Hong Kong?

M. Ho : Nous avons différents dialectes. Les Chinois continentaux parlent un dialecte de Beijing et les lecteurs cantonais de Hong Kong parlent un dialecte cantonais.

Le sénateur Carney : J'aimerais poser deux questions complémentaires, s'il vous plaît. Premièrement, monsieur Ho, existe-t-il des liens commerciaux entre les journaux et les stations de télévision et de radio en langue chinoise? Par exemple, vous êtes un homonyme de James Ho, qui propriétaire d'une station de télévision. Existe-t-il des liens commerciaux entre les journaux et les stations de télévision?

M. Ho : Pas pour Ming Pao, mais pour Fairchild T.V., ainsi que —

Le sénateur Carney : Sing Tao?

M. Ho : Non, pas Sing Tao, mais plusieurs stations chinoises de radio et de télévision. Les propriétaires de Channel M sont également propriétaires d'AM1320 CHMB.

Le sénateur Carney : Il y a donc des liens de propriété.

Qui sont vos annonceurs? Est-ce que ceux qui passent des annonces dans vos journaux sont des commerçants chinois, qui s'adressent à une clientèle chinoise, ou bien avez-vous aussi Sears, Ikea, Wal-Mart?

M. Ho : Nous avons une grande diversité d'annonceurs. Pour l'essentiel, il s'agit de marchandises chinoises, mais comme vous l'avez dit, Sears, La Baie et Ikea annoncent également chez nous, de même que les pouvoirs publics passent des avis publics, et cetera.

Le sénateur Tkachuk : Puis-je poser une question complémentaire?

La présidente : Avez-vous terminé, sénateur Carney?

Le sénateur Carney : Il m'a renseigné. Il y a des annonceurs communs, chinois et non chinois, et aussi des entreprises chinoises intéressées par le marché chinois, et il y a également parfois des liens de propriété.

La présidente : J'ai une question complémentaire. Lorsque Sears fait de la publicité dans Ming Pao, insère-t-elle des dépliants publicitaires et ceux-ci sont-ils traduits en chinois?

M. Ho : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Vous dites que vous êtes une société à propriété entièrement canadienne mais que votre siège est à Hong Kong. Comment cela se fait-il?

M. Ho : Permettez-moi de tirer quelques renseignements de mon dossier. Notre société mère est à Hong Kong et nous sommes enregistrés au Canada.

Le sénateur Tkachuk : Vous êtes une filiale d'une société de Hong Kong?

M. Ho : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que la société mère de Hong Kong appartient à des Canadiens ou bien à des ressortissants chinois?

M. Ho : Je crois qu'elle appartient à des ressortissants chinois.

Le sénateur Tkachuk : Des ressortissants chinois. Donc, vous n'appartenez pas réellement à des Canadiens, mais à des Chinois, n'est-ce pas? À 100 p. 100?

Le sénateur Carney : Beaucoup de Hongkongais ont la citoyenneté canadienne.

Le sénateur Tkachuk : Je le sais. M. Ho vient de me dire que les propriétaires sont des ressortissants chinois, mais auparavant il avait dit que c'était une société à 100 p. 100 canadienne. J'essaie de savoir ce qu'il en est.

M. Ho : Je ne veux pas donner de réponse erronée; je vais devoir vérifier.

Le sénateur Tkachuk : Il n'y a pas de problème. Si vous pouviez nous trouver le renseignement, j'apprécierais.

M. Ho : Certainement.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous dites que vous vous procurez certaines de vos informations ou une partie de vos nouvelles auprès d'agences de presse, s'agissant de la Chine continentale, quelle est cette agence?

M. Ho : L'agence à laquelle nous sommes abonnés est Chinese Newswire.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce une agence étatique ou privée?

M. Ho : Non, non, elle appartient à l'État chinois.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que vous analysez ses nouvelles, ou bien est-ce que vous ne faites que reproduire la dépêche comme celle de n'importe quelle autre agence?

M. Ho : Nous l'utilisons comme source d'information, de concert avec d'autres dépêches comme celles de Presse canadienne. Nous avons une dépêche de Presse canadienne, mettons, et puis nous en prenons une autre ligne venant, par exemple, de l'agence de presse chinoise Xinhua, et nous les plaçons côte à côte.

Le sénateur Tkachuk : Donc, en dehors des nouvelles locales de Vancouver, la majorité de vos informations concerne la Chine continentale?

M. Ho : La majorité des nouvelles — non, pas réellement. Nous informations chinoises ne représentent qu'un de nos cinq cahiers.

La présidente : Le sénateur Tkachuk a posé l'une des questions qui m'intéresse, monsieur Ho, soit le fait que votre siège est à Hong Kong alors que vous êtes une société enregistrée au Canada. Donc, ce serait très utile pour nous si vous pouviez nous décrire la structure de propriété, indiquer la part détenue par des étrangers et celle appartenant à des Canadiens.

Je vous prie de m'excuser, je ne connais pas votre journal, mais je vais veiller à m'en procurer un exemplaire avant de quitter Vancouver. Avez-vous dit 120 pages chaque jour?

M. Ho : Oui.

La présidente : Votre journal est-il en format tabloïd ou en grand format?

M. Ho : Grand format. Notre journal comprend cinq cahiers, chacun d'une vingtaine de pages.

La présidente : C'est substantiel. Combien de journalistes avez-vous, en tout?

M. Ho : Une trentaine de journalistes.

La présidente : Pour remplir 120 pages par jour, vous devez utiliser pas mal de dépêches d'agences. Ai-je raison?

M. Ho : Me permettez-vous de vous expliquer un peu?

La présidente : Oui.

M. Ho : Notre cahier local fait une vingtaine de pages, généralement rédigées par nos journalistes locaux. Pour ce qui est des quatre autres cahiers, de 80 à 90 pages proviennent de notre siège de Hong Kong.

La présidente : Je vois.

M. Ho : Nous ne produisons pas toutes les pages, uniquement le cahier local.

La présidente : Avez-vous une page éditoriale?

M. Ho : Oui. Elle vient de Hong Kong.

La présidente : Elle vient de Hong Kong, elle est donc reproduite directement?

M. Ho : Oui.

La présidente : Avez-vous des éditorialistes locaux?

M. Ho : Non, mais nous avons chaque semaine des pages bilingues, où les auteurs peuvent nous donner un article ou une opinion sur des questions locales ou nationales.

La présidente : Cependant, vous n'avez pas d'éditorialistes écrivant en chinois dans vos pages locales; est-ce exact?

M. Ho : Non, pas localement.

La présidente : Tous les éditoriaux viennent donc de Hong Kong?

M. Ho : Oui.

La présidente : Pour que les choses soient claires, vous n'avez pas d'éditoriaux ou de chroniques sur ce que fait le gouvernement de la C.-B., par exemple?

M. Ho : Non, pas réellement.

La présidente : Permettez-moi de revenir sur votre lectorat, c'est-à-dire la question abordée par le sénateur Trenholme Counsell. Vous êtes en gros un journal de langue chinoise. Vous avez quelques pages bilingues les fins de semaine, mais vous êtes un journal de langue chinoise. Est-ce que votre lectorat consiste principalement en sino-Canadiens de première génération, ou bien continuent-ils à vous lire jusqu'à la deuxième et troisième génération?

M. Ho : Depuis la première vague d'immigration du milieu des années 80 — et elle forme une grosse communauté chinoise à Vancouver — nous en sommes à ce que l'on appelle la première génération de lecteurs chinois. Ils viennent principalement de Hong Kong. Ce sont des immigrants récents, arrivés durant les années 80.

La présidente : Oui, mais est-ce que leurs enfants vous lisent — c'est-à-dire, les enfants qui sont nés ici ou qui sont arrivés en très bas âge et ont grandi en parlant chinois et anglais? Vous lisent-ils?

M. Ho : Oui.

La présidente : Merci infiniment. Cela a été extrêmement intéressant. Nous attendrons avec intérêt les renseignements que nous vous avons demandés et si vous avez autre chose à ajouter qui pourrait nous être utile, n'hésitez pas à nous en faire part en même temps.

Le sénateur Eyton a une question.

Le sénateur Eyton : Monsieur Ho, en même temps, si vous pouviez préciser les trois recommandations que vous avez formulées au comité. Vous n'avez guère dit que dix mots sur chaque. Vous avez parlé d'une agence ou organisation qui relierait les médias chinois entre eux, en quelque sorte. À quoi songez-vous? Vous avez parlé de bourses pour les minorités visibles. Là encore, quelle sorte de personnes cherchez-vous à former et pour quel type de qualifications? Enfin, vous avez parlé du financement de programmes conjoints de la presse chinoise et des médias grand public. Là encore, à quoi songez-vous?

Il serait utile d'avoir quelque chose de plus étoffé que les quelques mots que vous avez prononcés ici.

M. Ho : Certainement.

La présidente : Merci infiniment, monsieur Ho. Nous vous sommes très reconnaissants de votre temps et de vos propos. Cela a été très instructif.

M. Ho : Merci de m'avoir invité.

La présidente : Sénateurs, nos prochains témoins représentent le Knowledge Network. Il s'agit de M. Wayne Robert, directeur général du Knowledge Network, qui est un radiodiffuseur public provincial. M. Robert est accompagné de Mme Sarah MacDonald, directrice de la programmation, télévision et nouveaux médias.

Monsieur Robert, vous avez la parole.

M. Wayne Robert, directeur général, The Knowledge Network : Merci de nous recevoir cet après-midi. Nous sommes heureux de l'invitation.

Depuis 24 ans, le Knowledge Network fournit des expériences de haute qualité conçues pour intéresser et informer les Britanno-Colombiens avec un contenu pertinent, crédible et passionnant. Nous diffusons un contenu télévisuel éducatif visant à modifier les comportements, non pas des consommateurs comme le font les annonceurs, mais les comportements qui améliorent la qualité de vie grâce au développement de la personne dans son entier. Nous sommes en mesure d'élaborer, promouvoir et produire des émissions pour des auditoires fortement ciblés dont l'éducation, à son tour, enclenche un effet sur l'économie et la collectivité par le biais d'une prise de décisions éclairée.

À cette fin, la Loi sur la radiodiffusion actuelle distingue la programmation éducative, précisant qu'elle « visera l'acquisition ou l'amélioration des connaissances ou l'accroissement du discernement des membres de l'auditoire » et « prise dans son entier, est conçue pour fournir des opportunités éducatives et sera nettement différente de la radiodiffusion générale ». En outre, la loi stipule que « la programmation éducative, notamment celle qui est fournie au moyen d'installations d'un organisme éducatif indépendant, fait partie intégrante du système canadien de radiodiffusion ».

Tout aussi important, nous au Knowledge Network, donnons accès à des auditoires aux éducateurs, institutions, organisations non gouvernementales et autres ayant besoin de disséminer de l'information et du savoir dans l'intérêt public.

Dans vos questions, vous demandez quel est le rôle des radiodiffuseurs publics canadiens à la lumière des nombreux changements intervenus dans le paysage audiovisuel canadien au cours des 20 dernières années. Nous, au Knowledge Network, savons que parfois, lorsqu'on sert les besoins du plus petit nombre, on répond aux intérêts du plus grand nombre. En tant que radiodiffuseur desservant la C.-B. et ayant son siège en C.-B., le Knowledge Network diffuse des émissions qui donnent aux habitants de la Colombie-Britannique l'occasion de mieux connaître leur province, sa géographie, son écologie et climat, son histoire sociale, politique, économique et culturelle et ses problèmes et préoccupations contemporains. Voici notre définition d'une programmation d'information régionale, à savoir qu'elle contribue à notre identité, souligne notre unité et reflète nos valeurs communes.

Nous déclarons que telle est l'intention de l'énoncé de la politique de la Loi sur la radiodiffusion, lorsqu'elle précise que les émissions diffusées par le système de radiodiffusion canadien « doivent puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales et renfermer des émissions éducatives et communautaires ».

Vous demandez également si les Canadiens disposent d'une quantité et d'une qualité d'information suffisantes sur les enjeux internationaux, nationaux, régionaux et locaux. Étant donné que Knowledge Network est un radiodiffuseur régional, notre souci aujourd'hui est la production d'une programmation régionale de qualité au sein du système de radiodiffusion. Nous croyons, à titre de radiodiffuseur éducatif pour la province, que nous apportons de la crédibilité aux émissions d'information. Du fait que nous coproduisons nos émissions d'information régionale avec des pédagogues, nous apportons une profondeur d'information dont n'est pas capable une séquence d'actualité.

Par exemple, Slide!, une de nos productions, explique les forces physiques et géotechniques contribuant aux glissements de terrain. Elle signale les points chauds dans cette province, la plus pentue de toutes. Nous produisons également Knowledge Tools, un recueil en ligne de ressources qui approfondissent les enjeux et recensent les ressources disponibles.

Le mois dernier, par exemple, lorsque les journaux télévisés montraient des maisons détruites à North Vancouver, nous avons rediffusé Slide! et donné aux téléspectateurs les connaissances de base et les outils pour jauger le risque par eux-mêmes. Nous avons la totalité de l'émission en ligne et nous fournissons aux enseignants en salle de classe des ressources pédagogiques pour différents niveaux.

Je vous invite à prendre le temps de visiter la section Knowledge Tools de notre site Internet, à www.knowledgenetwork.ca, afin de voir les autres ressources promues par notre programmation télévisuelle, taillée sur mesure pour répondre aux besoins des Britanno-Colombiens. Cette vaste bibliothèque couvre des sujets allant du changement climatique à la littérature, en passant par l'autisme, l'histoire, la géographie et bien plus encore. Dans nos Knowledge Tools, vous trouverez des vidéos, des articles, des émissions Web, d'autres outils interactifs et des ressources pédagogiques. Ce modèle de partenariat avec des éducateurs de la C.-B. pour la production d'émissions destinées à la C.-B. apporte équilibre, crédibilité et contexte à cette information.

J'aimerais maintenant parler de la situation actuelle sur le plan du financement de la programmation éducative régionale au sein du système de radiodiffusion. Nous voulons porter à votre connaissance une tendance dans l'industrie qui fait que des fonds antérieurement disponibles pour la programmation régionale sont maintenant recanalisés vers des émissions qui ne traitent que d'enjeux suscitant un intérêt très large ou national.

Les besoins commerciaux des radiodiffuseurs nationaux et des chaînes spécialisées nationales leur imposent de consacrer leurs fonds de production et prélicence d'abord aux émissions qui attirent les couches démographiques les plus larges et commercialement les plus intéressantes. Or, une partie des profits du système de radiodiffusion doit financer des productions qui ne répondent pas aux besoins commerciaux des radiodiffuseurs mais répondent plutôt aux besoins sociaux, culturels et éducatifs propres de chaque région du Canada. Cela est clairement précisé dans la Loi sur la radiodiffusion mais est peu pratiqué dans le système de radiodiffusion.

Le système de production et de financement canadien existant était destiné à appuyer une variété de genres. Or, le système des droits de licence minimaux imposés à un radiodiffuseur national ou cumulativement à une multiplicité de radiodiffuseurs régionaux signifie que les émissions présentant le plus large attrait possible sont les plus susceptibles d'être financées et que les émissions régionales pertinentes, notamment les documentaires, bénéficient d'un soutien toujours plus réduit. L'intégration verticale fait que les sociétés contrôlent maintenant tous les secteurs de l'activité télévisuelle, depuis la création jusqu'à la distribution.

Grâce à des fonds comme le Fonds canadien de télévision — FCT — ces sociétés privées peuvent accéder à des programmes financés pour moitié par des fonds publics. Si ces émissions sont l'exclusivité de radiodiffuseurs de second rang, le spectateur peut avoir contribué au financement de l'émission trois fois, comme consommateur de publicité, comme abonné et comme contribuable. De fait, certains contribuables ne verront jamais ces émissions.

Dans le marché d'aujourd'hui, les radiodiffuseurs commerciaux payent des droits de licence plus élevés pour déclencher les fonds de production et d'orientation nationale, obtenir des périodes d'exclusivité plus longues et exclure les radiodiffuseurs de seconde fenêtre, de façon à fidéliser leurs spectateurs. En échange du même droit de licence, Knowledge Network, qui auparavant partageait la première fenêtre, n'a plus droit qu'à une deuxième fenêtre un an après livraison ou même n'a plus accès du tout au documentaire produit au moyen du système de financement des productions canadiennes. De ce fait, le montant des crédits dans le système canalisés vers les émissions d'intérêt public s'évapore. En dépit de toutes les choses positives que ces fonds accomplissent, ils ne sont plus un véhicule approprié pour assurer un approvisionnement adéquat d'émissions d'information régionale.

Le FCT fait actuellement l'objet d'une révision et d'une réorganisation potentielle, avec pour but de remédier à la pénurie d'émissions dramatiques canadiennes populaires. Cependant, comme le veulent l'esprit et la lettre des lignes directrices, l'un des objectifs primordiaux du Fonds est d'appuyer et d'encourager la diversité culturelle canadienne, sa dualité linguistique et son expression régionale. Le seul critère de la cote d'écoute n'est pas une mesure adéquate ou complète de la valeur qu'une programmation éducative provinciale apporte aux téléspectateurs canadiens. Par conséquent, nous pensons que ce ne doit pas être le facteur le plus déterminant de la participation aux projets financés par le FCT.

Permettez-moi de vous faire part de quelques histoires de réussite qui sont peu susceptibles de se répéter vu la diminution de notre accès à des fonds pour la production de documentaires. Vous avez peut-être entendu parler d'un film qui a eu un grand succès, The Corporation. Il a remporté trois des prix Leo de la C.-B. attribués au meilleur documentaire et a été diffusé à guichets fermés dans des salles à travers le Canada et les États-Unis. J'étais fier d'être là lorsque, en acceptant son Leo, Bart Simpson, le producteur, a signalé que le projet n'aurait pu être réalisé sans le financement prélicence fourni par le Knowledge Network. Bien sûr, nous n'étions pas les seuls participants. Vision TV et TVOntario étaient en tête de la production avant licence. Notre soutien fait une différence pour ces productions pionnières et les producteurs nous l'ont fait savoir.

Nous considérons que notre faculté de participer à ce genre de production est érodée par l'accent mis sur des cotes d'écoute qui ne tiennent pas compte du fait que nous sommes licenciés pour diffuser en Colombie-Britannique seulement et ne pouvons concurrencer sur ce plan les radiodiffuseurs nationaux. Cela ne signifie pas que nous n'obtenons pas des cotes d'écoute importantes. J'ai ici un diagramme montrant les résultats du Knowledge Network comparé à des chaînes spécialisées nationales choisies et à la SRC pour l'auditoire adulte aux heures de grande écoute de l'automne 2004 sur le marché de la C.-B. Davantage de Britanno-Colombiens se branchent sur le Knowledge Network que sur n'importe quelle autre chaîne comparable, SRC exceptée.

Je vais maintenant explorer quelques idées concernant des modèles viables de financement de programmes d'information régionaux. Premièrement, je dois vous dire que 27 000 Britanno-Colombiens sont inscrits dans notre programme Partners in Knowledge, appuyant nos efforts à hauteur de 1,7 million de dollars par an afin de disposer d'émissions de télévision éducatives alternatives libres de publicité, des émissions qui autrement n'apparaîtraient pas sur les chaînes de premier rang. Ils ont pris leur carte d'adhérent et ont voté avec leur argent pour faire en sorte que nous puissions offrir un large éventail d'émissions. Ils attendent de nous, en sus de leur apporter les meilleurs programmes éducatifs du monde, des émissions portant sur la Colombie-Britannique.

Néanmoins, nos ne pouvons attendre de ces donateurs qu'ils supportent le coût intégral de la production d'émissions locales. Avec la hausse du coût des émissions canadiennes et la raréfaction de programmes et de propositions appropriés, une plus grande partie de notre budget provenant de notre système éducatif provincial est accaparée par l'exécution du mandat régional établi par la Loi sur la radiodiffusion et nos conditions de licence touchant le contenu canadien. Il est déraisonnable de penser que le coût intégral du développement, de la production prélicence et de la réalisation d'émissions canadiennes d'information régionale et culturelle puissent être financées de sources éducatives provinciales. La radiodiffusion régionale a été laissée pour compte dans la ruée pour développer une industrie télévisuelle commerciale viable à l'échelle nationale au Canada. Tout en saluant les réalisations de l'industrie, nous sommes impatients de participer aux étapes nécessaires suivantes visant à assurer la même viabilité et vitalité au niveau de la radiodiffusion régionale publique. Nous voulons assurer que les changements introduits seront en faveur d'une télévision de haute qualité conçue pour informer et intéresser les Britanno-Colombiens au moyen d'un contenu régional pertinent et informatif.

En conclusion, notre intérêt réside dans la collaboration avec nos collègues du système de radiodiffusion canadien en vue d'assurer un large éventail de programmes et de sources de financement d'émissions. Le Knowledge Network comprend l'obligation des grandes sociétés de dégager des profits, afin de stabiliser et développer l'industrie télévisuelle au Canada. Notre position est qu'il faut en sus investir dans les productions qui ne répondent pas aux impératifs commerciaux ou répondent uniquement aux besoins des grands auditoires nationaux. Parmi les possibilités prometteuses figurent la mise en place ou la réorientation de fonds pour des productions régionales spécifiques. De nouveaux modèles pourraient également comprendre des frais d'abonnement prélevés par les radiodiffuseurs provinciaux, en reconnaissance de leur rôle de radiodiffuseurs régionaux.

À l'aube de la nouvelle décennie de notre existence dans le paysage audiovisuel, nous recherchons la flexibilité requise pour le financement d'un Knowledge Network qui puisse à la fois apporter des émissions éducatives régionales aux téléspectateurs et un soutien financier aux producteurs indépendants de la C.-B. Nous espérons que le déséquilibre actuel sera rectifié et que l'on garantira que l'industrie dans son entier remplisse ses responsabilités en finançant les émissions d'intérêt public. Ces fonds pourront alors, par le biais du mandat de service régional, éducatif et public de Knowledge Network, faire en sorte que des émissions provinciales récentes, intéressantes et ciblées soient à la disposition des Britanno-Colombiens.

Merci de cette invitation à vous entretenir.

Le sénateur Tkachuk : Comment est financé le Knowledge Network?

M. Robert : Nous sommes financés par le Ministry of Advanced Education sous forme d'une subvention de base, et nous avons en sus les dons que nous avons mentionnés. En outre, cette année, nous avons levé environ 1,2 million de dollars sous forme de partenariats de production, en nouant des partenariats avec des partenaires éducatifs pour produire des émissions.

Le sénateur Tkachuk : Vous ne touchez rien du transporteur — par exemple, de Rogers?

M. Robert : Non. Notre budget est d'environ 7 millions de dollars par an.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé d'accès à des fonds pour la programmation. Il y a Téléfilm Canada, qui finance des projets commerciaux, et il y a le Fonds canadien de radiodiffusion. Où est la différence? Vous avez mentionné aussi le FCT. Pouvez-vous m'aider à m'y retrouver, s'il vous plaît?

M. Robert : Il s'agit du Fonds canadien de télévision.

Le sénateur Tkachuk : Il y a donc le Fonds canadien de radiodiffusion et le Fonds canadien de télévision?

M. Robert : Je crois qu'il n'y a que le Fonds canadien de télévision.

Le sénateur Tkachuk : Comment fonctionne le Fonds canadien de télévision?

M. Robert : Je vais demander à Mme MacDonald de m'aider. Elle travaille de près avec ce fonds.

Mme Sarah MacDonald, directrice de la programmation, télévision et nouveaux médias, The Knowledge Network : En substance, des producteurs indépendants créent des idées de programme et établissent un budget de production. Ils doivent obtenir suffisamment de droits de licence des radiodiffuseurs canadiens pour déclencher un autre bloc de crédits en provenance du Fonds canadien de télévision. Supposons que 30 p. 100 de votre budget proviennent des droits de radiodiffuseurs. Le Fonds canadien de télévision apporte la contrepartie, soit 20 ou 30 p. 100 de plus. Ces deux sources représentent une part relativement importante des émissions de télévision canadienne réalisées par des producteurs indépendants. Ensuite, il y a des éléments tels que crédits d'impôt, avances de distributeurs, ce genre de choses, pour couvrir le reliquat. La clé consiste réellement pour un producteur indépendant à obtenir une contribution assez importante des radiodiffuseurs pour obtenir accès à ces fonds.

Le sénateur Tkachuk : Donc, un producteur indépendant doit s'adresser aux radiodiffuseurs, obtenir d'eux qu'ils achètent l'émission?

Mme MacDonald : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Lorsqu'on regarde une émission de télévision au Canada, on voit au générique des remerciements du genre « avec le concours de », la SRC, le Fonds de radiodiffusion, Téléfilm, et cetera, et aussi l'Office national du film. Est-ce qu'ils ont cessé leur activité au Canada ou bien fonctionnent-ils toujours?

Mme MacDonald : Voulez-vous parler de l'Office national du film?

Le sénateur Tkachuk : Oui. Y trouvez-vous du financement?

Mme MacDonald : Non, nous n'avons aucun financement de l'ONF.

Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous admissible à des fonds, mettons, de la SRC ou bien est-ce uniquement du FTC?

Mme MacDonald : Nous n'avons pas de fonds directement du FTC. Ce que nous faisons, c'est acheter les droits à un producteur indépendant, de façon à obtenir le droit de diffusion de l'émission; c'est le producteur qui touche les crédits. Cependant, c'est pour nous une source importante de programmation, le fait que ces producteurs puissent accéder à ces fonds.

Le sénateur Eyton : En rapport avec la question de la propriété et du revenu, est-ce que le Knowledge Network appartient à la province?

M. Robert : Oui

Le sénateur Eyton : C'est donc similaire à TVO en Ontario? Il a son propre mandat?

M. Robert : J'essaie toujours d'éviter de le dire, mais oui, c'est vrai.

Le sénateur Tkachuk : La Saskatchewan Communications Network, SCN, en Saskatchewan?

M. Robert : SCN est plus similaire.

Le sénateur Eyton : Les administrateurs sont nommés par la province, j'imagine?

M. Robert : Oui.

Le sénateur Eyton : Vous avez parlé un peu des idées d'émission et de financement. Je crois comprendre les modes de fonctionnement que vous venez de décrire. Mais vous devez avoir d'autres sources de revenu. Vous dépensez environ 7 millions de dollars par an. Vous avez mentionné des membres — 27 000?

M. Robert : Oui, 27 000 adhérents.

Le sénateur Eyton : Ils contribuent également, des montants variables, je suppose?

M. Robert : Oui.

Le sénateur Eyton : Combien contribuent-ils?

M. Robert : Le chiffre est de 1,7 million de dollars. Nous avons cette campagne d'adhésion depuis, je crois, plus de 20 ans maintenant, et c'est donc un groupe dévoué.

Je signale que sur notre budget total, environ 1,7 million de dollars proviennent de Partners in Knowledge, 1,2 million de dollars sont de l'argent que nous levons pour des productions auprès de partenaires, le restant étant une subvention du Ministry of Advanced Education. Ce sont là nos seules sources de financement.

Le sénateur Eyton : Que se passe-t-il si un producteur/réalisateur se retrouve avec un grand succès? Supposons que vous avez la licence ici, pour la Colombie-Britannique, mais que se passe-t-il si le producteur vend l'émission en Nouvelle-Zélande? Cela vous rapporte-t-il quelque chose?

M. Robert : Non, pas en tant que titulaire de licence. Si c'était l'une de nos productions, ce serait le cas.

Le sénateur Eyton : Depuis combien de temps existez-vous?

M. Robert : Nous débutons notre 24e année.

Le sénateur Carney : Monsieur Robert, l'une des différences entre TVO et le Knowledge Network, c'est que le budget de TVO est nettement plus important, près de dix fois plus gros. Sept millions de dollars, ce n'est pas grand-chose. Aujourd'hui, cela financerait peut-être trois long-métrages canadiens. Trois millions de dollars ne vont pas très loin s'agissant de produire des émissions de télévision, et mes questions portent là-dessus. Quel pourcentage des 7 millions de dollars passe en frais généraux et quel pourcentage est consacré à l'acquisition ou à la production d'émissions? Est-ce 50/50?

M. Robert : C'est très proche de 50/50. Nous consacrons environ 245 000 $ par an de dons de partenaires aux prélicences de ces films.

Le sénateur Carney : En gros, vous avez 3,5 millions de dollars pour l'acquisition de matériel et la production locale?

Mme MacDonald : Si je totalise les fonds que je tire de Partners in Knowledge pour la programmation, plus les crédits de la subvention de base, j'ai environ 2,5 millions de dollars pour la programmation.

Le sénateur Carney : Quel pourcentage de ce montant sert-il à acheter des produits et quel pourcentage va à des producteurs de la C.-B.? Les producteurs locaux se plaignent.

M. Robert : Environ 1 million de dollars pour l'acquisition d'émissions, tant canadiennes que non canadiennes, et 1,5 million de dollars pour la production ici en Colombie-Britannique, avec des partenaires du Knowledge Network — nous nous mettons en partenariat avec quelqu'un et générons les fonds pour produire — ou pour les prélicences.

Le sénateur Carney : Votre auditoire est très diversifié, si bien qu'ils aiment les émissions que vous achetez en Grande-Bretagne ou en Australie, et cetera. Cependant, lorsque nous parlons de production locale de la C.-B., vous êtes à peu près limité à ce 1,5 million de dollars?

M. Robert : Oui, à peu près. Souvent, s'il s'agit d'un enjeu important pour la Colombie-Britannique, si nous pouvons acheter un programme à bien meilleur coût, nous allons le contextualiser en l'enveloppant dans un emballage local, en parlant des ressources locales disponibles, ou bien nous afficherons des ressources supplémentaires associées à l'émission sur notre site Web — presque tout notre site Web est consacré à des productions de Colombie-Britannique.

Le sénateur Carney : Vous avez commencé comme élément de l'Open Learning University.

M. Robert : Open Learning Agency.

Le sénateur Carney : J'ai joué un rôle là-dedans, comme vous le savez probablement. Quelle partie de ces productions locales est axée vers la télévision éducative, des programmes universitaires d'un établissement dispensant des diplômes, et quelle partie est destinée au grand public, ou bien ne faites-vous pas du tout de programmes éducatifs accrédités?

M. Robert : Les programmes universitaires accrédités ont été réduits dans notre grille. Ils ne sont diffusés qu'à la demande des établissements — et maintenant avec l'Internet, ils le demandent beaucoup moins souvent que dans le passé. La même chose vaut pour la production d'émissions de télécours. Nous ne les produisions qu'en partenariat avec un établissement éducatif et cette demande n'existe plus. Ils préfèrent produire des cours utilisant l'Internet.

Le sénateur Carney : Donc, le mandat fondamental du Knowledge Network — qui était censé être la priorité numéro un de la Loi sur la radiodiffusion, soit être une chaîne éducative — s'est transformé au fil des ans pour faire de vous une chaîne d'intérêt public généraliste?

M. Robert : Vous avez mis le doigt sur cet aspect au tout début de votre question, lorsque vous avez commencé à dire « éducatif », puis « académique ». Je pense que nous nous sommes transformés de source de programmes académiques en source d'éducation visant un plus large auditoire, c'est-à-dire une éducation qui n'est pas formellement accréditée. Cependant, nous sommes toujours soumis à l'autorité provinciale et à ce mandat éducatif.

Le sénateur Carney : Votre budget a baissé sensiblement au fil des ans, pour je ne sais quelle raison. Pourriez-vous nous parler de l'ampleur de ce recul?

En outre, le gouvernement provincial parle à intervalles réguliers de vous vendre et de vous transformer en radiodiffuseur privé. Je ne sais pas s'il le peut, sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion, mais la privatisation du Knowledge Network revient sur le tapis régulièrement.

Pouvez-vous expliquer ce contexte? Dans quelle proportion vos subventions publiques ont-elles diminué? J'ai été l'un de vos partenaires. Je trouve que vous faites un travail merveilleux, mais votre dotation de base a été très sensiblement réduite. Où en est la privatisation de votre réseau?

M. Robert : Parlons d'abord du financement. Il n'a pas été réduit dans une proportion énorme. Je suis tombé récemment sur un article remontant à 15 ans qui faisait état d'un budget de 9 millions de dollars. Si vous englobez les services de soutien qui nous sont fournis par l'Open Learning Agency, nous en sommes au même niveau aujourd'hui. Évidemment, cela ne suit pas le rythme de l'inflation.

Nous avons abandonné ces productions directes que nous financions intégralement, et cela reflète exactement les chiffres. Le Knowledge Network n'est plus tenu de produire autant qu'avant au titre de la programmation académique. L'équation est très simple : nous ne produisons plus d'émissions pour les fins académiques et d'enseignement, et c'est là où se situe la baisse du financement.

Pour ce qui est d'une modification de notre structure d'exploitation, qui peut ou non consister en la privatisation, le gouvernement a annoncé qu'il allait rechercher d'autres options pour ce qui est du financement du Knowledge Network. Il a lancé une DEI, une demande d'expression d'intérêt, à laquelle il a reçu quelques réponses et le gouvernement continue à réfléchir aux possibilités. La DEI a été lancée il y a un an environ et le gouvernement n'a pas encore choisi d'option.

Le sénateur Carney : S'agirait-il de propriété privée? Lorsqu'il parle de privatisation ou d'autres options, cela signifie-t-il que vous cesseriez d'être un radiodiffuseur public?

M. Robert : À l'époque où cela a été fait, il s'agissait de susciter autant d'options viables que possible afin d'opérer un choix entre ces dernières. Qu'il s'agisse de privatisation ou d'une modification du modèle d'exploitation, tout changement de propriété sera sujet à l'aval du CRTC. Des audiences publiques devront être tenues dans l'éventualité de tout changement substantiel exigeant la modification de notre licence de radiodiffusion. Cette partie du processus n'est même pas encore envisagée à ce stade.

Le sénateur Munson : Juste une courte question. J'ai remarqué ce tableau des radiodiffuseurs spécialisés et publics choisis que vous nous avez remis. BCTV n'est pas un radiodiffuseur public ni une chaîne spécialisée. Elle n'a manifesté nulle intention de comparaître devant nous, et il nous est difficile de nous faire une image complète des médias télévisés dans cette province — ce qui est décevant. Savez-vous si BCTV fait de la programmation éducative — puisqu'elle ne va pas comparaître pour nous le dire?

M. Robert : Avec notre définition de la programmation éducative, je dois dire qu'il serait difficile pour cette chaîne d'en faire. Notre définition de la programmation éducative suppose qu'elle est placée sous l'autorité provinciale, qu'elle soit mandatée par la province pour ce faire. Chaque radiodiffuseur éducatif au Canada possède un mandat de son gouvernement provincial pour faire ce genre de programmation. Pour cela, il faut l'ouverture d'un dialogue avec le gouvernement. Il se peut qu'elle diffuse des messages d'intérêt public — des MIP — c'est-à-dire des programmes ayant une valeur pédagogique.

D'aucuns disent que toute émission télévisée est pédagogique, et tout dépend de la définition de la programmation éducative. Cependant, selon la définition du gouvernement provincial, je dirais qu'elle n'en fait pas. Nous concluons des partenariats avec d'autres radiodiffuseurs pour des documentaires — bien entendu, des documentaires que nous considérons comme éducatifs.

Le sénateur Munson : Comment expliquez-vous que vos chiffres soient si élevés? Vous êtes placé au deuxième rang. Par comparaison, Newsworld arrive au neuvième rang. Vous êtes directement derrière la chaîne principale, CBC. Est-ce que votre fort taux d'écoute est le résultat de la manière dont vous programmez, dont vous agencez votre programmation?

M. Robert : Je crois que c'est une combinaison de facteurs. Nous avons enregistré une forte hausse de notre auditoire depuis 2003. C'est notre programmation. J'accorde beaucoup de crédit à Mme MacDonald et à ses collaborateurs. Notre forte cote est également indicative de l'intérêt porté par le public à la programmation régionale, aux émissions régionales. Les téléspectateurs veulent voir des histoires qui les concernent.

Ces 20 radiodiffuseurs que nous avons choisis capturent 27,9 p. 100 du marché, et il y a donc une majorité de téléspectateurs qui ne sont pas représentés sur cette page. Dans notre milieu, dans notre secteur, nous renforçons continuellement notre part de marché. Elle est en hausse de 40 p. 100 par rapport —

Mme MacDonald : Ce cahier — nous l'avons reçu juste la semaine dernière — fait apparaître une augmentation sensible de l'écoute du Knowledge Network dans toutes les catégories démographiques. Nous en sommes évidemment ravis.

La télé réalité règne en maître. Pourtant, je crois qu'il y a une tranche, un groupe démographique ou psychographique, qui s'intéresse à des émissions intelligentes et instructives. Or, si vous faites le tour des chaînes, vous en voyez de moins en moins. Cela joue pour nous et c'est un élément.

Afin que vous le sachiez, nous cherchons à mesurer notre cote par comparaison avec celle d'un groupe cohérent de radiodiffuseurs. Le groupe que vous voyez est celui que nous avons choisi comme repère. Nous avons quelques émissions artistiques, historiques, enfantines, et c'est ainsi que nous avons sélectionné ce groupe repère. Il n'a pas été choisi de manière à nous faire arriver au deuxième rang.

Le sénateur Trenholme Counsell : Un Britanno-Colombien sur trois regarde votre chaîne au moins une fois par semaine. À votre avis, quelle est la chose la plus précieuse ou la plus populaire que vous fassiez? Qu'est-ce qui est le plus régulièrement bien reçu et apprécié par vos téléspectateurs?

Mme MacDonald : Je peux citer deux choses. Les Partners in Knowledge qui nous font des dons autant ont un gros appétit pour des dramatiques britanniques, et ces dernières marchent toujours très bien. Nous avons quelques émissions dans cette catégorie qui marchent bien pour nous.

Du côté plus éducatif, nous avons eu un succès incroyable cet automne avec trois documentaires d'une heure que nous avons réalisés sur la santé mentale des enfants et adolescents. Chaque documentaire se penchait sur un trouble différent. Il y en avait un sur l'anxiété, un sur la dépression et un sur la psychose et ces documentaires ont enregistré des cotes d'écoute phénoménales pour cette catégorie. De manière générale, ils attirent un auditoire moindre que les émissions de distraction, mais là nous avons affiché des auditoires de 80 000, ce qui est beaucoup pour ce genre d'émission. Cette série en trois parties est donc un exemple d'un succès majeur pour nous.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cela fait longtemps que je suis dans la vie publique et de temps à autre on a l'impression de prêcher aux convertis, en quelque sorte. Pensez-vous qu'avec toutes ces excellentes émissions vous attirez des téléspectateurs autres que les convertis? Pensez-vous avoir un retentissement chez les catégories que vous espérez joindre, sur le plan de la vie familiale, de l'éducation des enfants, de la condition parentale, toutes ces choses?

M. Robert : Absolument. C'est pour nous l'étalon le plus important et c'est pourquoi le fait de considérer uniquement la cote d'écoute — vous avez très bien noté que l'auditoire moyen par minute n'est pas énorme mais nous savons que des gens différents nous regardent à des moments différents. Nous avons des émissions pour enfants dont nous savons qu'elles sont regardées par les enfants, de toute évidence. Dans le cas d'émissions de la série sur la santé mentale des enfants et adolescents, nous espérons que les parents regardent, et nous mesurons pour nous assurer que c'est bien le public que nous touchons.

Lorsque nous concluons des partenariats pour produire une émission sur un enjeu donné dont nous espérons qu'elle aura un impact dans la province, nous nous concertons avec le partenaire en demandant : à qui faut-il s'adresser? que faut-il faire comprendre? quel comportement faut-il changer? Nous déterminons ensuite comment communiquer cela. Il n'est donc pas forcément nécessaire pour nous de joindre un nombre énorme de téléspectateurs, il suffit que ce soit les bons. C'est l'une des mesures clés de la réussite pour nous.

Lorsque nous parlons de cibler nos auditoires et de travailler avec des partenaires pour assurer de toucher ces cibles — il est difficile de mesurer cela au moyen des seuls sondages BBM et de ce type d'indicateur grossier. Toutefois, nous recevons une quantité incroyable de réactions des téléspectateurs. Lorsque nous avons diffusé la série sur la santé mentale des enfants et adolescents, nous avons reçu des centaines d'appels de personnes qui nous assuraient que cette série a fait une différence. Lorsque nous avons diffusé une émission sur le syndrome d'alcoolisme fœtal, où nous expliquions ce que c'est que d'être un adulte atteint de ce syndrome, nous avons reçu des appels de juges et de gens travaillant dans le système pénal qui nous disaient vouloir incorporer cela dans leur formation.

Il s'agit de diffuser les messages voulus, de joindre ces auditoires ciblés et de laisser ensuite la collectivité répercuter ce message. Nous utilisons beaucoup la collectivité pour diffuser des messages avec ce genre particulier d'émissions.

Le sénateur Chaput : Si je saisis bien, le mécanisme fonctionne ainsi. Vous trouvez un producteur indépendant dans la province qui met au point un concept d'émissions qui vous convient. Il trouve un financement par le biais du FCT. Il vous revient ensuite et cette émission sera réalisée et distribuée par votre réseau. Ai-je bien saisi?

M. Robert : C'est juste.

Le sénateur Chaput : Travaillez-vous également avec les producteurs indépendants en C.-B.? Si oui, quel est le pourcentage?

M. Robert : L'un de nos objectifs c'est de faire réaliser 30 p. 100 de nos productions indépendantes avec licence en Colombie-Britannique. Ipso facto, cela signifie que 70 p. 100 sont distribués à travers le Canada, à des producteurs d'autres régions.

Le sénateur Chaput : S'agissant d'émissions éducatives, consultez-vous au préalable les écoles ou le secteur éducatif, ou bien le concept est-il mis au point par le producteur et vous-même exclusivement? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme MacDonald : Pour les émissions indépendantes que nous achetons sous prélicence, elles nous arrivent déjà mises au point. Nous ne faisons pas de développement chez Knowledge Network. Habituellement, quelqu'un d'autre a financé le développement, un autre radiodiffuseur ou un autre fonds, et il est possible qu'il y ait eu consultation, et c'est le cas pour certaines catégories d'émissions.

Ainsi, s'il s'agit d'une émission éducative enfantine, il y a souvent des spécialistes qui travaillent là-dessus — c'est moins le cas s'agissant de documentaires, mais il y a consultation le cas échéant.

Le sénateur Chaput : Avez-vous également des émissions en langue autre que l'anglais, ou bien sont-elles toutes en anglais?

M. Robert : Uniquement en anglais.

La présidente : Comme vous le savez, notre comité s'intéresse principalement à l'information. Depuis quelque temps, Télé-Québec et TVO réalisent des émissions d'affaires publiques qui se rapprochent d'émissions d'information, avec des interviews sur des événements d'actualité, parfois des interviews avec des personnalités controversées. Vous n'êtes pas allé dans cette direction, n'est-ce pas?

Mme MacDonald : Nous avions une série, il y a cinq ans, qui a duré quelques saisons et qui était inspirée dans une certaine mesure de Studio 2. Elle n'a pas très bien marché pour nous, du point de vue cote d'écoute; nous ne recevions pas non plus beaucoup de rétroaction à son sujet. Il y avait à cette époque sur les ondes pas mal d'émissions sur l'actualité de la Colombie-Britannique, notamment sur les chaînes communautaires. Nous avons décidé que le coût de l'émission n'en valait pas la peine pour nous et nous l'avons supprimée.

La présidente : J'aimerais bien connaître la raison de cela. Nous sommes une province très à l'écoute des médias, avec des débats publics intenses sur toutes sortes de choses. Pourquoi ces autres chaînes ont-elles vu un créneau du marché à desservir qui ne semble pas exister pour vous? Je ne vous demande pas une réponse scientifique, simplement votre estimation.

Mme MacDonald : Si vous regardez le budget de Studio 2 comparé au budget de notre émission hebdomadaire d'actualité, je ne pense pas que nous puissions, avec nos moyens, réaliser une émission de qualité suffisante pour accroître sa cote d'écoute.

La présidente : C'est parfaitement logique. Si vous ne pouvez pas avoir la qualité, vous n'aurez pas les téléspectateurs et cela devient improductif. Si vous aviez l'argent, si l'argent vous tombait du ciel, recommenceriez-vous?

M. Robert : Nous avons fait un choix à cette époque de nouer davantage de partenariats en dehors du Knowledge Network et je pense que cela a été favorable. Nous ouvrir à la collectivité, travailler avec d'autres éducateurs, déterminer quels sont les besoins et les messages à faire passer, rend nos émissions d'autant plus vivantes. Nous avons beaucoup plus de succès avec cette approche qu'en disant : « Voilà, nous avons choisi ces sujets-là pour vous aujourd'hui ». Travailler avec le milieu éducatif a été payant pour nous, tant sur le plan de ces partenariats que des chiffres d'audience. C'est une approche quelque peu différente, mais elle nous donne de bons résultats.

Mme MacDonald : Permettez-moi de vous indiquer quelle émission nous réalisons en remplacement. Nous avons une série intitulée The Leading Edge : Innovation in BC. C'est une série de type magazine qui se penche sur les recherches menées dans les établissements postsecondaires de la C.-B. Chaque demi-heure couvre deux ou trois sujets où l'on présente un scientifique et ses travaux, ce qu'il espère accomplir, ce genre de choses. Cette émission a grandi au cours des trois dernières années. Chaque année, elle a acquis une audience plus grande et une envergure différente.

La présidente : Je vous remercie de cette très intéressante présentation.

Sénateurs, nos prochains témoins appartiennent à The Tyee, dont nous avons déjà entendu quelques mentions aujourd'hui qui nous ont mis l'eau à la bouche. J'invite M. David Beers et M. Charles Campbell à prendre place.

M. David Beers, rédacteur en chef, The Tyee : Merci beaucoup de l'honneur et du privilège de pouvoir vous parler aujourd'hui. L'éminent psychologue américain Howard Gardner a récemment publié un livre intitulé Good Work : When Excellence and Ethics Meet. Gardner s'est entretenu avec 100 journalistes et les a trouvés « dans l'ensemble désabusés par leur profession ». Nombre d'entre eux étaient entrés dans le métier bardés d'idéaux, sûrs de couvrir des sujets importants de manière exhaustive et objective, en faisant preuve de jugement quant à l'importance des sujets et de la manière de les présenter, écrit Gardner. Mais il a constaté — et je le cite : « Au lieu de cela, la plupart de nos interlocuteurs ont estimé que le contrôle journalistique est passé des professionnels aux chefs d'entreprise et actionnaires, la plupart des décisions professionnelles étant prises moins en fonction d'idéaux que du profit ».

Quelle bonne description de l'environnement du Vancouver Sun où j'ai passé trois ans et demi comme rédacteur. Là, en dépit du moral en berne, j'ai fait pas mal de bon travail avec quelques bons collègues. J'ai même partagé quelques prix de journalisme avant d'être mis à la porte sans raison. J'ai été viré, je l'ajoute, un mois après le 11 septembre, qui était un sujet plutôt retentissant, et une semaine après avoir écrit sur la nécessité de protéger la liberté d'expression, même l'expression d'opinions odieuses en période de terreur.

Cette expérience n'a fait que confirmer pour moi ce que j'en étais venu à penser, à savoir que Vancouver est un lieu qui brise le cœur à tout journaliste, rédacteur et lecteur de nouvelles dévoué, car une seule et même société possède les gros journaux, les grosses chaînes de télévision d'information et tant d'autres entreprises médiatiques. Il n'y a tout simplement pas assez de concurrence pour obliger ce propriétaire à rester honnête. Par honnête, j'entends résolu à informer les lecteurs plutôt qu'à plaire aux annonceurs ou alliés politiques.

D'autres intervenants aujourd'hui, je crois, ont passé en revue les dégâts qui en résultent, les compressions sauvages d'effectifs, la chute de qualité, les flatteries éhontées et les conflits d'intérêt, l'irresponsabilité envers le public et l'atrophie du discours politique qui en résulte dans cette partie du Canada. Cependant, ne nous prenez pas en pitié, nous autres accrochés à l'extrémité du Canada dans cette situation particulière. Inquiétez-vous plutôt de la direction dans laquelle tout le Canada se dirige car la Colombie-Britannique n'est que la manifestation des tendances d'aujourd'hui. Les fusions de titres, la propriété croisée des médias, la convergence et l'homogénéisation du contenu — tout le Canada sera bientôt à la même enseigne si votre comité ne parvient pas à frayer un chemin différent.

À cette fin, j'aimerais vous parler d'une expérience à laquelle je participe depuis un peu plus d'un an et qui est source d'espoir. Il s'agit de The Tyee. C'est un site Web auquel nous avons donné le nom d'un saumon sauvage et bagarreur que l'on trouve par chez nous, et nous prenons pour point focal la Colombie-Britannique car je crois que pour la plupart des gens, les médias régionaux sont plus dynamiques et intéressants que les médias nationaux et font un travail plus important que ne font pas les micro médias traitant de votre quartier ou même de votre ville.

Nous sommes en ligne depuis 14 mois. Notre budget est relativement mince pour un média d'information qui se veut sérieux, un média d'information qui ambitionne d'appliquer les principes et l'éthique journalistique, mais grâce au grand talent et à la bonne volonté d'un grand nombre de journalistes provinciaux, The Tyee parvient à publier des articles d'investigation en primeur, à publier des analyses, des opinions et des tranches de vie percutantes. Puisque nous publions sur l'Internet, nos articles peuvent être lus à l'instant où ils sont affichés partout dans la province et au-delà, et les lecteurs peuvent afficher leurs propres commentaires sur nos sujets et entamer leurs propres conversations à l'échelle de la province. The Tyee fournit également des liens avec beaucoup d'autres sujets.

The Tyee est gratuit et lu attentivement par les faiseurs d'opinion, dont les politiciens et les médias et, selon le Globe and Mail, le site offre parmi le meilleur journalisme en C.-B. Ce mois-ci, près de 45 000 personnes ont lu The Tyee au moins une fois, beaucoup quotidiennement. Notre modeste succès confirme mon impression que beaucoup de gens sont en quête d'une alternative à ce qu'offre CanWest, et beaucoup d'autres, une fois qu'ils ont un aperçu de ce qu'ils pourraient obtenir de mieux, ressentent le même appétit.

La concurrence est la clé. Cependant, ne vous y trompez pas : ce doit être la concurrence pour les lecteurs et non les annonceurs. On nous a amené à croire que les deux vont de pair mais, selon mon expérience, les publications les plus propices au débat démocratique sont celles qui dépendent de leur circulation, tandis que les médias trop tributaires des recettes publicitaires sont ceux enclins à sacrifier leur mission originale, leurs penseurs et fouineurs et blagueurs excentriques pour les fades impératifs de l'environnement publicitaire.

Comment, dans ces conditions, susciter davantage de concurrence pour le lectorat, alors que les gros médias, dotés de moyens puissants, semblent résolus à l'assécher et à la vider de substance? Comment donner à la démocratie canadienne les médias dont elle a besoin pour survivre et s'épanouir? Voici quelques propositions.

Premièrement, faites des lois pour fractionner la concentration de la propriété des médias là où elle est déjà trop élevée. Le degré de concentration de propriété aux mains de CanWest en Colombie-Britannique ne serait pas légal même aux États-Unis. Nul ne devrait pouvoir posséder tous les grands journaux dans un grand marché. Deuxièmement, ordonnez au CRTC de ne pas approuver de licence de télédiffusion pour des sociétés propriétaires de quotidiens dans le même marché C'est ce que le premier ministre Trudeau avait fait en 1982 et que le premier ministre Mulroney a défait en 1986. Troisièmement, empêchez les transactions qui concentrent indûment la propriété. Quatrièmement, exigez que les propriétaires révèlent les marges bénéficiaires des opérations régionales. Les gens qui paient pour les abonnements et les publicités devraient savoir si leurs investissements dans les médias locaux se font siphonner vers des lieux distants comme Winnipeg ou bien si cet argent est réinvesti dans la qualité locale.

Cinquièmement, encouragez des médias appartenant à des sociétés d'adhérents et exploitées par elles. D'aucuns appelleraient cela des coopératives, mais je sais qu'il s'agit d'un terme politiquement chargé. Cela permettrait aux citoyens de prendre l'initiative en créant et appuyant leurs médias. Cela fait quelque temps que je cherche un mécanisme qui permet aux citoyens d'exprimer un intérêt et un appui pour des médias, de manière spontanée et organique, et d'obtenir une partie du financement qu'il faut pour cela, car le vrai journalisme coûte cher. Il faudrait donc des subventions publiques à des médias exploités par des adhérents qui obtiennent une masse critique de soutien.

Sixièmement, offrez des allégements fiscaux à ceux qui deviennent adhérents de sociétés médiatiques associatives. Septièmement, créez des stimulants fiscaux à la philanthropie médiatique. Certaines des meilleures publications nord-américaines axées sur le lectorat existent grâce à un mécène riche et idéaliste. Huitièmement, créez un portail Web communautaire offrant des perspectives alternatives. Ce portail pourrait être géré par des bibliothèques publiques, diffuser les journaux de CBC pour attirer une masse critique de spectateurs, plus donner accès à des douzaines de sources d'information alternatives telles que le Vancouver Community Network, Working TV, Indymedia, The Tyee, inutile de le dire, et beaucoup d'autres qui voudraient participer.

Une dernière, la neuvième : trouvez des façons d'aider les médias alternatifs à assurer la convergence. Je suis sûr que dans vos délibérations jusqu'à présent on vous a dit que l'avenir, c'est la convergence. Il y a de nombreuses raisons de tenter de marier et conjuguer des médias provenant de différentes plates-formes, mais cela exclue les médias alternatifs qui n'ont pas les moyens de cela. Aussi faut-il trouver des façons d'aider ces médias alternatifs à entreprendre la convergence. La façon pour une petite entreprise de se faire connaître, et je ne le sais que trop bien à The Tyee, consiste à croiser les médias — autrement dit, qu'un site d'information Internet contribue à une émission de radio, par exemple, ou qu'une équipe de magazine aide à produire des documentaires télévisés.

Si certaines de ces idées vous paraissent impraticables, j'aimerais vous soumettre cette réflexion : ce serait une erreur, à mon sens, que les Canadiens se sentent liés par les modifications graduelles que d'autres pays peuvent tenter. Nous sommes le voisin d'un géant qui nous démontre de manière frappante à quel point une trop grande concentration de pouvoir médiatique et de richesse aux mains d'un trop petit nombre peut déformer l'image qu'une nation se fait d'elle-même, l'empêcher d'entendre ce qu'elle doit savoir pour résoudre ses problèmes et trouver son chemin.

M. Charles Campbell, collaborateur à la rédaction, The Tyee : Je remercie le comité de m'autoriser à comparaître devant vous. Vous avez déjà reçu beaucoup de témoins et je tâcherai de ne pas répéter ce qui a déjà été dit.

La concentration de la propriété, qui n'est nulle part plus scandaleuse qu'à Vancouver, les lacunes de la Loi sur la concurrence, les longues ombres projetées par les barons de presse, les énormes marges bénéficiaires des journaux, les cadres moyens courbés : je pourrais allonger la liste des griefs, sur la foi de mes 23 années passées dans les médias et quatre années au Vancouver Sun comme chef de service et membre du conseil de rédaction, avec des récits pires que ceux que l'on peut lire couramment, mais je m'abstiendrai.

Je veux me tourner vers l'avenir et tenter de répondre à la question la plus importante que vous posez. Comment peut-on accroître la vigueur et la diversité de nos médias de telle façon que notre discours civique soit aussi ouvert et réfléchi que possible? Cela ne va pas se faire au moyen de nouvelles lois antitrust pour faire éclater CanWest Global Communications. Nous avons déjà 30 années de lamentations derrière nous à cet égard et je ne crois pas que le gouvernement canadien trouve soudainement le courage d'agir; cela ne se fera pas non plus au moyen de quelque Conseil national des médias qui viendrait tancer journaux et radiodiffuseurs et leur dire quoi faire et ne pas faire. Cela ne se fera qu'au moyen d'initiatives nouvelles venant diversifier les formes de propriété des médias.

Nous avons au Canada une grande tradition sous la forme de la SRC, nous avons les principes Atkinson au cœur du Toronto Star, un journal vigoureux et indépendant à Winnipeg aujourd'hui géré par un fonds de titres à revenu fixe, de nombreux hebdomadaires alternatifs, et les différences dans les façons dont ces institutions reflètent le monde commence avec la forme de leur propriété.

On vous a déjà beaucoup parlé du soi-disant potentiel démocratique de l'Internet. Ces dernières années, j'ai vu cette vague d'optimisme retomber aussi vite que la bulle technologique. Au plus fort de notre euphorie devant la grande promesse technologique, CanWest a utilisé la convergence comme excuse pour engendrer la situation-même que tant jugent aujourd'hui intenable. CanWest utilise maintenant les frontières ouvertes de l'Internet pour défendre son droit à présenter un point de vue étroit. En dépit de toutes ces ressources, CanWest s'est maintenant joint à Shaw et Rogers pour ouvrir des sites Web prosaïques qui n'exploitent en rien les possibilités propres à l'Internet, et plus particulièrement l'interactivité.

Le fait est que les médias traditionnels dépendent des recettes publicitaires traditionnelles et sont terrifiés à l'idée de cannibaliser leur propre auditoire. Parfois, je pense qu'ils veulent activement nous dissuader de visiter leur site Internet. Cela semble particulièrement vrai au Canada. Où est-ce que je peux trouver des éclairs d'innovation canadienne? Parfois à la SRC, avec Radio 3, dans l'émission de télévision ZeD, qui a un volet Internet intelligent. De temps à autre, quelqu'un dans le site Web du Toronto Star montre quelques signes de compréhension du médium. Cependant, le plus souvent, je ne trouve l'innovation que dans de petites entreprises naissantes, comme le site Internet d'actualité et de commentaires de la C.-B. auquel je participe actuellement, The Tyee. Il m'inspire la même passion et fierté que celle que je ressentais pendant mes 11 années à la rédaction du Georgia Straight, une époque où des hebdomadaires alternatifs ont commencé à foisonner à travers l'Amérique du Nord.

Les médias d'information Internet sont au stade des balbutiements. Il est axiomatique à la télévision, à la radio et dans les journaux que les visages locaux comptent le plus. Nous connaissons les noms de nos stations et journaux locaux, mais dans l'ensemble nous ne connaissons pas encore les noms des sites Internet qui font office de miroir pour nos collectivités locales et régionales. Cela va changer et c'est là la grande opportunité pour le Sénat.

Comment pouvez-vous accroître la diversité des formes de propriété de ces nouveaux visages? Le gouvernement fédéral dépense beaucoup sur quantités de choses au nom d'une culture saine et d'un discours civil vigoureux. Si je donne 25 $ au Parti libéral, le gouvernement met la main dans la poche du contribuable et en extrait 75 $ de plus. Nous voulons que notre vie politique soit déterminée par les citoyens, et non les sociétés.

Si je réalise un film sur un chien jouant au basketball ayant l'apparence d'être canadien, les gouvernements versent des centaines de milliers de dollars sous forme de crédits d'impôt et autres stimulants. Nous voulons encourager l'expression de nos propres voix. Parfois, cela produit des dividendes précieux. Cependant, lorsqu'il s'agit d'encourager un discours civique diversifié dans les médias, nous ne faisons pas grand-chose. Souvent nous le faisons mal. Lorsque nous avons autorisé les versions canadiennes des magazines Time et Sports Illustrated, le gouvernement s'est excusé en déversant sans discrimination des tombereaux d'argent sur les magazines canadiens. Mais nous n'avons guère montré d'appétit à nous attaquer au problème difficile des conglomérats, en partie parce que des sociétés comme CanWest sont assez avisées pour placer des gens comme l'éventuel futur premier ministre Frank McKenna dans leur conseil d'administration.

Sur certains fronts, nous faisons mieux. En échange d'une licence de radiodiffusion, les radiodiffuseurs doivent contribuer un minimum à la santé générale et au caractère canadien de l'industrie de la radiodiffusion. Cela va de soi. Il y a la SRC, bien entendu; il y a l'Office national du film, qui a été créé dans les années 30 pour faire taire ceux qui objectaient au raz-de-marée des films américains dans les cinémas canadiens. Était-il plus facile de créer la SRC et l'ONF parce que ces médias étaient relativement nouveaux à l'époque? Je le pense. Et si le comité sénatorial recommandait un nouveau type de soutien aux nouveaux médias d'aujourd'hui? Et si le Sénat disait que les sites Internet d'information et de commentaires appartenant à des sociétés sans but lucratif locales et de type associatif sont une bonne idée? Et si le Sénat disait que le gouvernement du Canada devrait financer de telles entreprises de la même manière qu'il finance les partis politiques? Je n'ai guère l'expérience des stimulants fiscaux, mais je suis sûr que nous sommes capables au Canada de trouver quelques stimulants efficaces pour encourager ce genre de diversité.

Dans mes rêves les plus fous, je me demande parfois quels moyens créatifs le gouvernement pourrait utiliser pour changer la structure de propriété des médias traditionnels. Pourrait-on convertir les journaux en fonds de titres à revenu fixe communautaires assujettis à des règles spéciales favorisant les propriétaires existants? Cela me paraît assez rationnel, mais il est peu probable que cela arrive.

Je suis sûr d'une chose. Vous aurez beau avoir des propriétaires multiples des médias, cela ne fera pas la moindre différence si tous les propriétaires portent le même costume et appartiennent au même club. Votre comité doit proposer des mécanismes concrets pour promouvoir des formes de propriété différentes. La possibilité la plus simple et la plus prometteuse est de promouvoir le développement de médias nouveaux selon des conditions nouvelles. Ce pourrait même être politiquement faisable.

Mes vœux vous accompagnent dans vos travaux.

Le sénateur Carney : Madame la présidente, je dois déclarer un conflit d'intérêts. Charles Campbell et moi-même habitons tous deux l'île de Saturna — il faut que cela se sache.

Vous avez présenté quantité d'idées très intéressantes, dont je suis sûre que nous voudrons les explorer, mais j'ai deux questions principales. Monsieur Beers, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur The Tyee? Comment trouve-t-on votre site Web?

M. Beers : Vous allez sur www.thetyee.ca.

Le sénateur Carney : Vous dites avoir 45 000 lecteurs. Qui sont-ils? Deuxièmement, l'une des journalistes de ce matin a dit considérer qu'écrire pour The Tyee représente son bénévolat. Qui sont donc vos journalistes? Troisièmement, si l'accès est gratuit, comment gagnez-vous de l'argent?

Si vous pouviez nous en dire plus sur The Tyee, nous aurons une base de départ.

M. Beers : Vous aurez compris que The Tyee n'a pas été conçu comme un plan d'entreprise dont le succès était garanti. The Tyee se veut une expérience politique de gens ordinaires dans les médias. Autrement dit, le site se veut la démonstration de ce qui pourrait nous manquer dans le monde médiatique actuel. Au lieu de me répandre en jérémiades et donner des conférences sardoniques dans les écoles de journalisme, j'ai pensé qu'il vaudrait mieux proposer un exemple concret de ce qui pourrait être fait. L'argent provient de fonds de capitaux-risques éthiques, environ 40 000 $ de la B.C. Federation of Labour, mon apport de compétence — et je perçois un salaire. Quest Publishing est un investisseur également.

Au total, nous avons disposé d'un peu moins de 200 000 $ la première année, pour couvrir tout : concevoir et entretenir le site, pour mon travail de rédaction, pour un rédacteur commercial à temps partiel, pour tout le contenu, toute la comptabilité, le loyer, les téléphones, et cetera. On me dit que ce montant représente entre le tiers et le quart de ce que touche ici l'éditeur de CanWest, et c'est donc un très petit montant. Nous affichons deux à trois articles par jour, cinq jours par semaine. Au total, nous sortons donc de 10 à 12 sujets par semaine, de contenu original.

Vous aurez deviné que The Tyee n'est pas viable en sa forme actuelle. Le site est tributaire de la bonne volonté et de la passion du comité journalistique. Nombre de nos collaborateurs sont tout aussi désireux de démontrer la qualité journalistique qui est possible dans cette partie du monde que je l'étais lorsque j'ai fondé le site. Nous payons nos collaborateurs, mais très peu.

Le sénateur Carney : Cela m'amène à ma deuxième question. Merci de ces renseignements fascinants. Si c'est le cas, quel est l'avenir des médias d'information en ligne?

M. Campbell : Je vais répondre. Le problème est que nous avons eu cette flambée d'intérêt puis cet effondrement, et nous cherchons à nous frayer un chemin sur l'Internet. Nous élaborons des modèles de publicité payante sur l'Internet. Cependant, au cœur du problème se situe le fait que les grosses sociétés ont peur de cannibaliser leur propre auditoire. Elles en sont totalement terrifiées, je crois.

Ce qui va donc se passer c'est que les acteurs agiles, les petits — vous allez voir dans les médias d'information Internet la même chose que ce qui s'est passé dans le secteur technologique en général. Les entreprises qui vont percer seront de nouvelles petites sociétés qui sont agiles, qui bénéficient de l'investissement de matière grise de la part de gens prêts à expérimenter.

Si l'on regarde le développement des technologies nouvelles ou l'apparition d'expression culturelle nouvelle au Canada, on voit souvent des entreprises qui ont pu trouver un appui auprès des pouvoirs publics; cependant, à l'heure actuelle, les nouveaux médias Internet ne trouvent pas d'appui gouvernemental.

J'ai fouillé un peu ces derniers temps pour voir quelles subventions gouvernementales seraient disponibles pour The Tyee et j'en ai trouvé une, mais pas au niveau fédéral. Il n'y a virtuellement rien qui s'applique exactement à notre situation. Il y a donc lieu pour le gouvernement de voir comment créer des encouragements à investir dans ces nouveaux types de médias.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une question complémentaire et quelques autres. Pour ce qui est du programme de prêts aux petites entreprises du gouvernement fédéral, est-ce le fait qu'il exige des fonds propres qui vous rend inadmissible?

M. Campbell : Je n'a pas expressément étudié ce programme.

Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas si une entreprise Internet serait admissible, mais je sais qu'il y en a une. Vous voudrez peut-être déterminer s'il n'y a pas une possibilité pour une société sans éléments d'actif comme la vôtre, qui est surtout fondée sur un apport en nature et rien d'autre.

M. Campbell : Un programme offrant des prêts n'est pas ce qu'il faut au stade du démarrage d'un média Internet.

Le sénateur Tkachuk : Qu'y a-t-il de spécial dans un média d'information — qui n'est rien d'autre qu'un commerce à mes yeux?

M. Campbell : C'est là le problème.

Le sénateur Tkachuk : Qu'y a-t-il de spécial dans un média d'information qui justifie des subventions? Pourquoi les médias d'information devraient-ils être subventionnés?

M. Campbell : J'ai fait valoir que le discours civique ne doit pas être façonné seulement par les intérêts commerciaux, et c'est pourquoi on a créé un mécanisme pour financer les partis politiques. Je considère les médias d'information comme une partie toute aussi importante, voire plus, de notre vie culturelle que le cinéma ou la musique ou toutes les autres formes d'expression culturelle que le gouvernement choisit d'appuyer par des moyens autres que l'octroi de prêts. Voilà mon point de vue.

Le sénateur Tkachuk : Vous ne craignez pas que le gouvernement contrôle ce que vous faites, s'il vous finance?

M. Campbell : Je ne vois pas le gouvernement contrôler l'activité des partis politiques.

Le sénateur Tkachuk : Il y a une réglementation pour cela.

M. Campbell : C'est vrai, mais le gouvernement donne de l'argent au NPD et aux Conservateurs et à toutes sortes de —

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas d'accord avec cela de toute façon, et vous vous adressez à la mauvaise personne.

M. Campbell : Très bien. Je ne sais pas ce que vous pensez des subventions à la culture canadienne — peut-être y êtes-vous opposé — là aussi il s'agit d'entreprises commerciales, mais ce sont des commerces qui jouent un rôle important s'agissant de représenter et refléter notre réalité sociale. Les médias font de même et dans la mesure où ils sont de plus en plus tributaires de considérations commerciales, notre discours civique en souffre.

Le sénateur Tkachuk : Je dois vous féliciter d'avoir lancé une nouvelle entreprise. Qu'apportez-vous à la population locale qui lui manque? Quelle information n'obtient-elle pas?

M. Beers : The Tyee passe régulièrement des sujets qui sont là, tout prêts à ramasser si quelqu'un voulait s'en donner la peine et dont personne ne parle. Il n'y a que quelques grands journaux dans la province et ils ne couvrent guère le restant de la province.

Il y a un grand bouleversement politique en cours, par exemple, à Victoria, depuis l'élection des Libéraux. Les Libéraux ont été élus dans des conditions parfaitement régulières, ils ont remporté tous les sièges sauf deux. Le Vancouver Sun, le premier journal de la province, n'a même pas de journaliste à Victoria. Il a un chroniqueur, mais pas de journaliste. Il y a donc de grosses lacunes dans l'information. Nous pourrions tous nous lamenter de ces lacunes, nous plaindre du manque d'information, ou bien nous pouvons faire le travail nous-même, publier les articles — et c'est ce que nous faisons.

Ce que nous avons eu tendance à faire la première année a été de publier des nouvelles en primeur, des articles analytiques. Nous existons pour démontrer l'existence de lacune dans les grands médias commerciaux. Nous avons couvert beaucoup d'affaires politiques. Nous examinons qui est touché par ces politiques gouvernementales nouvelles, et particulièrement qui en souffre — car l'on n'en parle guère dans nos médias.

Un autre aspect positif de The Tyee, du fait qu'il s'agit d'un site Web, c'est qu'il est accessible dans tous les recoins de la province. Comme dans beaucoup d'autres provinces, il existe en Colombie-Britannique un grand fossé entre les villes et les campagnes. La C.-B. cherche à opérer sa transition économique vers le XXIe siècle, ce qui suppose beaucoup de changements et de bouleversements, quel que soit le parti au pouvoir, quels que soient les politiciens. Des mutations structurelles majeures vont devoir intervenir dans cette province, sur le plan économique et démographique, et cela signifie que la grande fumée, comme on appelle les villes, et le terroir, comme on appelle les zones rurales, vont devoir se parler. Il faut que chacun puisse comprendre le discours de l'autre et il faut un dialogue.

The Tyee — qui est un média naissant — et il reste minuscule, je ne le cache pas — est un début, nous l'espérons. Il faut le voir comme un potentiel plutôt que comme un produit fini. The Tyee peut être lu par tout le monde dans la province en même temps; les gens peuvent y contribuer des articles de partout dans la province. Je crois qu'il crée un forum beaucoup plus riche et dynamique pour le dialogue que la Colombie-Britannique doit avoir que les médias d'information de la presse écrite et télévisuelle.

La présidente : Tout comme le sénateur Tkachuk, je vous félicite d'avoir lancé une nouvelle entreprise médiatique. C'est toujours passionnant de voir quelqu'un lancer une voix nouvelle.

M. Beers : J'aurais dû préciser que je m'amuse beaucoup aussi. Je suis un peu râleur, mais je m'amuse beaucoup, croyez-moi.

La présidente : C'est le rêve de tout journaliste que de créer son propre journal, d'une manière ou d'une autre.

Monsieur Beers, vous avez dit vous-même que vous n'êtes pas viable en l'état. J'aimerais discerner ce que pourrait être le modèle commercial d'une entreprise viable comme la vôtre. Dans mon esprit, je tends à faire la distinction, par exemple, entre une aide gouvernementale pour le démarrage et un appui financier continu des pouvoirs publics, car dans ce dernier cas vous vous heurtez à l'idée fondamentale que le but initial de la liberté de presse c'est d'être indépendant du gouvernement.

Dans ces conditions, faut-il opter pour un modèle financé par la publicité ou bien un modèle de financement par des abonnements? À long terme, qu'est-ce qui peut vous viabiliser?

M. Beers : Oui, oui et oui. Permettez-moi de revenir aux propositions que j'ai formulées.

Tout d'abord, j'ai proposé une forme d'encouragement gouvernemental à la création de coopératives médiatiques ou de sociétés médiatiques associatives. The Tyee est actuellement un modèle à but lucratif, car nous nous sommes lancés très vite et nous ne savions même pas si le site éveillerait le moindre intérêt. J'ai comparé cela au fait d'aller au milieu d'une forêt, d'allumer un briquet Bic et d'appeler à la cantonade : « Quelqu'un veut-il venir chanter des chansons de feu de camp? » Je n'avais pas idée qu'un coureur des bois esseulé arriverait en titubant et se joindrait à moi.

La présidente : Et vous avez mis le feu à la montagne.

M. Beers : Une fois que la forêt a pris feu, tout le monde est venu pour regarder. En gros, c'est cela l'Internet. Il est difficile de savoir qu'un petit site Internet existe quelque part. Nous n'avions aucun budget de marketing. Aussi, The Tyee a été lancé comme entreprise à but lucratif, mais aujourd'hui, comme je l'ai dit, nous avons beaucoup de gens qui viennent regarder et je pense avoir démontré que la coopérative pourrait être un modèle intéressant.

Prenez, par exemple, Mountain Equipment Co-op. Vous pouvez acheter du matériel de randonnée en vous inscrivant à cette co-op. Vous payez un droit d'adhésion, et en échange vous obtenez un choix et une qualité de marchandises différentes de ce que vous trouvez au magasin du coin. MEC est géré démocratiquement. Les gens qui achètent là élisent les membres du conseil d'administration et contribuent à déterminer l'orientation. Les cotisations peuvent contribuer à subventionner le soutien que la publicité engendre normalement, mais même un modèle de coopérative doit faire de la publicité, c'est impératif.

Mon discours n'est pas que la publicité est mauvaise, le commerce mauvais, le profit mauvais. Je dis qu'il y a un déséquilibre terrible. Dans beaucoup de pays, comme l'Angleterre, les médias sont principalement des journaux tributaires de leur tirage. Ils ont un lectorat loyal. Les gens payent ces journaux un bon prix. C'est la source de leur revenu. Au Canada, les médias font leur profit principalement par la publicité, et c'est le cas de CanWest.

La présidente : Permettez-moi de nuancer un peu. En Grande-Bretagne, il y a un marché immense et des frais de distribution très réduits. La ville de Londres, l'agglomération de Londres, compte autant de lecteurs que tout le Canada. Il suffit de faire circuler un camion dans un rayon de 20 milles et vous les joignez tous. Nous n'avons pas cela ici. Il est beaucoup plus difficile de distribuer sur nos marchés et si ma mémoire est bonne — on me reprendra si je me trompe — il y a une résistance considérable de la part des lecteurs, du moins des journaux, aux majorations de prix. Les lecteurs n'aiment pas cela.

Dans ces conditions, combien pensez-vous que les gens seraient prêts à payer pour The Tyee, et cela suffirait-il?

M. Beers : C'est une question intéressante. Une chose que je sais de l'Internet, c'est que les gens ne vont pas accepter de payer pour un site le premier jour. C'est pourquoi Charles et moi avons dit qu'il faut trouver un moyen d'assurer la soudure vers ces nouvelles entités médiatiques. Nous savons que le média est nouveau, nous savons que les facteurs démographiques changent. Nous savons que les jeunes lisent l'Internet, que les façonneurs d'opinions lisent l'Internet. Des sites Internet commencent maintenant à se vendre et à s'acheter à des prix conséquents.

Nous savons que la culture Internet change, et il faut donc voir comment soutenir ces entreprises qui démarrent jusqu'au moment où elles vont attirer des adeptes loyaux. C'est de cela que je parle. CanWest a accumulé une dette de 4 milliards de dollars pour mettre en place sa stratégie de convergence. Nous ne pouvons imaginer dépenser ce genre de somme. Si vous voulez créer Londres à Vancouver, ou Londres en C.-B., vous devez le faire par Internet. Coûts de distribution : zéro. Cependant, il faut aider les gens à savoir ce qui existe et vous ne pouvez pas financer chaque entreprise Internet qui voit le jour.

C'est pourquoi j'aime l'idée d'une société de type associatif, car vous aurez des adhérents qui démontrent leur désir et leur volonté de participer. Combien paieraient-ils? Je pense que plus le temps passe et plus The Tyee devient connu et plus les gens s'y accoutument et, oserais-je le dire, deviennent dépendants, et plus ils vont payer. Nous recevons sans arrêt des appels de gens qui disent : « J'aimerais vous donner de l'argent, je veux seulement vous donner un peu d'argent ». Par conséquent, les gens sont prêts à mettre la main à la poche, tout comme les gens le font pour la radiodiffusion publique aux États-Unis.

Mais vous avez raison : l'Internet nous a également appris à escompter recevoir quelque chose pour rien. C'est pourquoi le modèle où l'on paie au fur et à mesure — car vous devez construire votre circulation lecteur par lecteur, de 1 à 10, de 10 à 100, contrairement à un hebdomadaire gratuit.

Supposons que vous et moi voulions lancer un hebdomadaire gratuit demain. Cela nous coûterait un peu d'argent, mais nous imprimerions 60 000 exemplaires que nous placerions à chaque coin de rue, dans chaque café, et nous pourrions dire que notre circulation est de 60 000. Avec l'Internet, il faut construire le lectorat un par un. Si les gens ne viennent pas, vous n'obtenez pas de clic.

Il faut envisager différentes façons de nourrir ces médias si vous jugez qu'ils présentent de la valeur et peuvent potentiellement contribuer à la société civile quelque chose qui contrebalance la concentration croissante de la propriété des médias à laquelle on assiste.

M. Campbell : J'aimerais juste ajoute quelques mots. M. Beers a couvert beaucoup de terrain important, notamment l'importance de l'Internet dans le contexte géographique canadien. On ne sait pas encore comment l'Internet évoluera en tant que modèle commercial. Nous avons vu beaucoup de changement en très peu de temps, et il y en aura encore beaucoup plus au cours des cinq à dix prochaines années.

Les gens seront beaucoup plus près à payer un abonnement ou une cotisation à une entreprise comme The Tyee si le gouvernement annonce que c'est une entreprise valable et décide — que ce soit par un crédit d'impôt ou par une subvention directe — de faire en sorte qu'il vaille la peine de payer ce droit. Il y a de nombreuses façons pour les pouvoirs publics de faire cela et tout un éventail d'encouragements. Je ne sais pas exactement en quoi consistent ces incitatifs, mais les gouvernements peuvent employer un large éventail de mesures pour cela.

Je pense qu'au cours des cinq à dix prochaines années, nous verrons un modèle différent. Nous verrons une assise publicitaire, toutes sortes de choses apparaître, pour aider à financer ces entreprises.

Mais ce qui importe aujourd'hui, et j'en reviens là à mon argument principal, c'est de créer une diversité des modes de propriété. J'admets que des entreprises commerciales possèdent des médias, pas de problème, mais je suis reconnaissant de l'existence de la forme de propriété alternative que représente la SRC. Je suis reconnaissant de l'existence d'autres formes de propriété, comme le Toronto Star.

La possibilité existe pour le gouvernement de contribuer à façonner la forme de propriété des nouveaux médias d'information sur l'Internet, et c'est ce à quoi vous devriez à mon avis réfléchir très soigneusement.

Le sénateur Carney : Je voulais juste indiquer au comité qu'un programme gouvernemental pourrait être adapté à cela : il s'agit du Programme d'accès communautaire d'Industrie Canada, le PAC. Avec ce programme, le gouvernement alloue des fonds à des cafés Internet ou des centres Internet dans de nombreuses zones rurales de la Colombie-Britannique, puis a élargi cela aux centres urbains, l'idée étant de permettre à tout un chacun, dans les petites localités, d'accéder à l'Internet. Sur Saturna, comme Charles le sait, l'Internet est accessible au poste d'infirmerie, à la bibliothèque et dans l'ancien bureau de poste. C'est un atout merveilleux pour la collectivité, car on peut ainsi accéder à tout.

Aussi, il serait possible de financer ainsi l'idée d'une coopérative d'information communautaire — ou même pas communautaire, simplement une coopérative médiatique — pour voir s'il n'en sortirait pas une nouvelle façon d'acheminer les nouvelles.

Le facteur essentiel signalé par Charles est que cela est accessible à toute la population de la C.-B. N'oubliez pas, les quotidiens ne sont pas intéressés à desservir Atlin; cela ne fait que leur coûter de l'argent. Chatelaine ne veut pas livrer un magazine à Mayo. De plus en plus, les entreprises limitent leur aire de distribution à ce qui est rentable et ne s'inquiètent pas de savoir si dans certaines parties de la province on ne peut recevoir le Globe and Mail ou le Vancouver Sun.

On pourrait prendre le PAC — un programme qui a été conçu pour rendre l'Internet disponible dans toutes ces collectivités, ensuite de quoi elles deviennent responsables financièrement de l'installation — pour voir si l'on ne pourrait pas l'étendre à une co-op médiatique, pour encourager ce genre de diversité et de débat. L'idée m'est venue en écoutant parler ces témoins. Je pense qu'il y aurait là un développement important.

La qualité du contenu éditorial sur The Tyee est superbe. Vous avez une ancienne correspondante à l'assemblée législative pour The Province, Barbara McLintock. J'ai lu quelques-uns de ses articles et ils sont étonnants. Les gens la veulent et je crois qu'ils paieront un abonnement, tout comme pour The Economist à l'autre bout de l'échelle.

The Tyee finira peut-être avec une version imprimée, en sus d'un site Internet, comme produit dérivé. Cependant, ces idées nouvelles doivent être soutenues et il y a des modèles pour cela. Je voulais attirer l'attention du comité sur cette possibilité.

M. Campbell : Bravo. La seule chose que j'ajouterais à cela —

Le sénateur Carney : Je précise en passant que Charles et moi ne sommes pas de mèche.

M. Campbell : Nous avons parlé des difficultés à ouvrir un dialogue entre les centres urbains et les campagnes, les petites villes et villages de Colombie-Britannique. C'est un énorme problème. Le pays a fondamentalement changé en 20 ans. Nous sommes devenus un pays essentiellement urbain, avec une forêt exploitée et ces quelques autres ressources éparses dans l'arrière-pays. Il y a une relation dysfonctionnelle entre les parties urbaines et rurales de nos provinces et l'Internet pourrait être la passerelle enjambant le fossé. C'est un dialogue qui fait défaut dans le pays et qui est important.

La présidente : Je suis heureux que vous ayez dit « les provinces », car, comme vous l'avez fait observer, ce fossé n'existe pas seulement ici.

Le sénateur Munson : Par quel moyen une législation fractionnerait-elle ce conglomérat médiatique ou cette convergence que vous avez ici à Vancouver?

M. Beers : Je m'inspire de la législation antitrust américaine — et il y a peut-être des raisons pour lesquelles cela ne se fera jamais au Canada, mais je n'en connais pas. Lorsque le marché américain a cessé d'offrir des opportunités — la propriété monopolistique restreignait le choix des gens et faussait ce que le marché aurait normalement fourni — Theodore Roosevelt a introduit une législation antitrust. Jusqu'à ce jour, les États-Unis n'autorisent pas une concentration aussi poussée de la propriété que le Canada.

Peut-être pourrait-on commencer par considérer les journaux comme on le fait des ondes. Nous pensions — c'est moins vrai aujourd'hui mais nous le pensions à un moment donné — que les ondes étaient limitées, un espace fini et public. En substance, les ondes appartenaient à tout le monde et il fallait les diviser en X nombre de tranches. Songez que CanWest possède pour environ 300 millions de dollars d'imprimantes localement et est capable d'intégrer verticalement sa stratégie publicitaire, depuis la télévision jusqu'aux journaux hebdomadaires. Bonne chance si vous envisagez de pénétrer ce marché pour votre compte. CanWest a fait fuir tous les gros joueurs. Le Toronto Star a envisagé sérieusement de s'implanter ici de nombreuses fois.

Je pense que le comité pourrait commencer à considérer les médias régionaux, qui jouent un rôle très important. Le journal de référence dans votre ville ou votre région est en gros la pierre angulaire du discours que chacun tient sur notre sort collectif. Les journaux nationaux sont importants, mais les publications régionales font un travail bien particulier et ils sont différents des publications et magazines spécialisées. Le journal de référence d'une région fait un travail propre et la tendance partout au Canada a été la concentration de cette presse aux mains d'un seul propriétaire dans chaque région.

Vous pouvez donc considérer que c'est là un marché qui ne fonctionne plus, ou qui n'assure pas une chance égale aux nouveaux entrants.

Le sénateur Munson : Pensez-vous que cela reflète un point de vue majoritaire et dans ses environs concernant CanWest et son contrôle de pratiquement tout? Pensez-vous que les gens ouvrent leur journal en se disant qu'ils sont fatigués de recevoir ce seul point de vue et de la station de télévision et de 50 p. 100 des publications régionales?

M. Campbell : J'aimerais rencontrer quelqu'un à Vancouver, n'importe qui, qui se lève et dise « Je pense que The Vancouver Sun et The Province sont d'excellents journaux ». Je n'ai jamais entendu personne dire cela.

M. Beers : Pour la plupart, les gens ne réfléchissent pas de manière critique ou analytique à leurs médias. Il faut avoir fait ce travail pendant 20 ans dans de nombreux cadres différents pour pouvoir imaginer tout ce que le journal passait sous silence ce jour-là. Voilà donc l'idée.

C'était toute l'idée de ce que j'appelle une petite expérience plutôt qu'un plan d'entreprise brillant. Commençons ce truc et essayons de faire un peu de bon journalisme. Je me disais : peut-être Barbara McLintock, l'une des grandes journalistes politiques de la C.-B., accepterait d'écrire pour The Tyee. De cette manière, nous verrions ce qu'elle aurait pu faire, plutôt que ce qu'elle faisait pour The Province.

C'est toute la nature de l'expérience de The Tyee. Les gens qui lisent The Tyee critiquent certainement CanWest, mais je crois que la plupart ne passent guère de temps à y réfléchir.

Le sénateur Munson : Juste une courte question. Comment un journal peut-il s'en tirer sans avoir de journaliste politique dans une assemblée? Lorsqu'on parle de se tenir debout, pourquoi ne se redressent-ils pas pour l'exiger?

M. Campbell : Je pense qu'ils ont abandonné. Ils ne s'attendent plus à rien. Avoir des attentes signifie simplement être déçu.

M. Beers : Ce n'est pas non plus quelque chose que les journaux de CanWest annoncent en première page : « Aujourd'hui, notre seul journaliste à l'assemblée législative est passé à CTV et nous n'allons pas le remplacer avant les élections ». Qui va annoncer cela en première page? Il pourrait peut-être y avoir un petit entrefilet dans le Georgia Straight à la page 7, mais c'est ce que j'appelle le pourrissement des médias généralistes.

Écoutez, nous recevons tous des journaux. Il y a quantité de journaux. Ils ont leurs articles, ils ont leurs visages et leurs signatures. Il est facile de penser que les médias se portent bien. Cependant, il faut prendre du recul et considérer des aspects tels que les normes, les effectifs, les zones de couverture, pour réaliser petit à petit qu'il y a un dépérissement du contenu journalistique et qu'il ne s'agit plus que de créer un espace pour la publicité.

Le sénateur Munson : Une petite observation. Nous verrons demain si cette réunion aura été couverte. Qui sait.

M. Beers : CKNW m'a demandé une interview.

Le sénateur Eyton : Merci d'être venu aujourd'hui. Je suis curieux — et je vais vous faire part de quelques observations personnelles sur l'état des médias. Le tableau que vous peignez est si triste et sombre que je me demande si je n'ai pas perdu la faculté de lire et comprendre.

Je viens à Vancouver depuis très longtemps, en Colombie-Britannique depuis longtemps, et j'ai participé à toute une diversité d'investissements dans cette province. Je pense que la première fois que je suis venu était en 1968 et je peux vous dire, et c'est du moins mon impression personnelle, que tant The Province que The Vancouver Sun sont de bien meilleurs journaux aujourd'hui qu'ils l'étaient en 1968 ou 1970.

J'irai plus loin et élargirai mon exemple en parlant un peu des journaux canadiens. Je suis heureux que vous ayez fait la comparaison avec les États-Unis. Il y a pénurie de bons journaux aux États-Unis. On pourrait en nommer deux ou trois, mais de façon générale, les journaux canadiens, les journaux nationaux en tout cas, se tirent remarquablement bien de la comparaison avec les journaux disponibles dans toutes sortes de grandes villes américaines.

Je constate un grave manque d'information ou de nouvelles lorsque je voyage, et je voyage beaucoup, et pas seulement au Canada. Il n'y a presque jamais rien sur le Canada, mais réellement très peu sur le monde qui nous entoure, les affaires internationales. Je pense que nous sommes très largement en avance sur la plupart des journaux des grandes villes aux États-Unis.

Vous avez cité l'Angleterre en exemple. L'Angleterre a la chance d'avoir de merveilleux médias et un énorme choix et une grande diversité, et ce peut-être pour les raisons citées par notre présidente. La France a également de grands médias actifs.

Cependant, en dehors de ces pays, il n'y a pratiquement aucun endroit au monde où les journaux, à mon avis, sont aussi bons que les journaux canadiens, le journalisme canadien. Il est normal que l'on soit toujours porté à vouloir mieux, mais ayant entendu un certain nombre de témoins au cours de ces audiences se lamenter sur la situation alors que mes propres impressions de voyage — et je le répète, je voyage beaucoup dans toutes sortes d'endroits bizarres — est que nous sommes bien servis par nos journalistes et nos journaux en général, sachant bien sûr que l'on peut toujours faire mieux. Que répondez-vous à cela?

M. Beers : Bon, lorsque vous arrivez en ville et ramassez un journal, vous y trouvez quantité de choses à lire, les articles sont vivants et vous apprennent des choses, à votre avis, plus que dans d'autres pays que vous avez visités?

Le sénateur Eyton : Je trouve toujours une meilleure couverture de l'actualité internationale que dans la plupart des villes américaines, par exemple.

M. Beers : Certains de ceux que vous avez entendu aujourd'hui, et moi-même — je vis ici depuis 13 ans; auparavant je vivais dans la région de la Baie, qui avait une presse très concurrentielle avec trois grands journaux sérieux. Le message qui se dégage de ce qui a été dit ici, c'est que beaucoup d'entre nous avons observé le déroulement du changement social, suivi les grands événements, vu défiler les grands événements politiques et observé comment les médias traitaient ces moments. Autrement dit, nous avons la vision à long terme. Nous sommes les observateurs sur place, nous savons quelles étaient les possibilités de couverture et ce qui a été donné à la place.

Je vais vous citer un exemple. Après le 11 septembre, le Vancouver Sun a commencé à comprimer les effectifs. Il s'est trouvé qu'après le 11 septembre, le gouvernement Campbell, que le Vancouver Sun avait tellement soutenu, est arrivé au pouvoir. Vous avez donc ce grand désastre et avez cette énorme mutation politique qui survient dans la province — et c'est le moment que choisit le Vancouver Sun pour amputer les effectifs et transférer des millions de dollars dans un programme appelé « Believe in B.C. ».

Dans le courant de ce programme, des centaines de pages de publi-reportage ont tout d'un coup fait leur apparition dans le journal. On n'avait jamais rien vu de tel auparavant. C'était des textes rédigés à la pelle par le département des relations publiques, chantant les louanges de divers secteurs commerciaux dans laquelle la compagnie était active, et pas spécialement présentés comme publicité. Mes investigations m'ont appris, et c'était de la bouche même de l'éditeur, que le Vancouver Sun s'attendait à perdre 1,5 million de dollars avec cela. Toute l'idée, censément, était de stimuler l'enthousiasme du public concernant le potentiel de l'économie et de ce nouveau gouvernement et rassurer les annonceurs, et le journal était prêt à perdre 1,5 million de dollars, juste après le 11 septembre et l'élection du nouveau gouvernement, à un moment où il licenciait du personnel.

Si le diable réside dans les détails que vous n'avez pas pu observer lors de vos passages épisodiques dans cette province —

Le sénateur Eyton : Je n'ai pas dit que tout était parfait.

M. Beers : À mes yeux, ce n'est pas là le signe d'une légère imperfection. Ce sont là des décisions prioritaires qui m'indiquent que quelque chose ne tourne pas rond du tout dans le système incitatif. On pourrait penser que juste après le 11 septembre il y aurait une volonté incroyable de devancer les concurrents et offrir des reportages — même chose avec l'arrivée de ce nouveau gouvernement — et à la place le Vancouver Sun publie des titres tirés tout droit des communiqués de presse du Parti libéral. C'était à toutes fins pratiques un retrait et un désengagement par rapport à ces profonds changements politiques, au lieu d'un examen serré.

Le sénateur Eyton : Il est dommage que nous n'ayons pas ici quelqu'un de CanWest pour expliquer pourquoi.

M. Beers : Il est essentiel que vous ayez ces explications, mais je peux vous dire que c'est au cours de cette période que j'ai résolu de tenter quelque chose comme The Tyee.

J'ai décidé de tenter cette expérience : je me disais que j'étais peut-être fou, que peut-être je passais trop de temps avec toujours la même cinquantaine de personnes et que la norme, c'est vous. Quelle expérience pourrait-on mener pour le vérifier, qui soit intéressante et ne coûte pas cher? Et si nous montions un site Web — est-ce que quelqu'un viendrait le visiter? Est-ce qu'ils s'ennuieraient au bout d'un mois, auquel cas la fréquentation diminuerait? Mais les chiffres n'ont cessé d'augmenter régulièrement chaque mois depuis le démarrage.

Le sénateur Eyton : Je trouve que c'est une excellente idée.

M. Campbell : Je crois que ce que M. Beers a dit est important, et qu'il y a beaucoup de bons reportages publiés dans le Vancouver Sun. Il y a beaucoup de journalistes très capables et dont l'indépendance est irréprochable. Ils se comportent de manière admirable. Cependant, pour ce qui est de l'institution elle-même, après y avoir travaillé quatre années, je ne pouvais plus la supporter. Je voyais trop de choses qui me faisaient dire : « Désolé, mais ce n'est pas bien ». Si vous faites cela trop souvent, vous vous rendez compte bien vite que vous n'allez nulle part dans cette organisation.

Vous devez décider entre protester et être mis sur une voie de garage, sans rien pouvoir faire de ce que vous souhaitez, ou bien vous taire et monter dans les rangs. La plupart des gens qui travaillent au Vancouver Sun ont décidé que, chacun à leur façon, ils vont essayer de se couler dans le moule, et cela a des conséquences désastreuses sur la culture d'une organisation qui est censée être dynamique et agressive et encourager le discours civique.

M. Beers : À San Francisco, d'où je viens, il y avait une solution facile à ce genre de problème. Vous n'aimiez pas votre travail, votre patron ne vous traitait pas bien, mais vous étiez bon journaliste, il vous suffisait de traverser la rue. Ici, c'est tout l'inverse. Si vous vous faites mal voir par la société qui possède tous les médias, vous n'allez plus travailler.

Le sénateur Carney : Vous parlez de journalistes. Moi je parle comme lectrice. Sur Saturna, population 300 habitants, nous recevons quatre journaux, sauf les samedis où le bateau postal ne vient pas. Ces journaux sont le National Post, le Vancouver Sun, le Victoria Times Colonist et le Globe and Mail, c'est-à-dire que nous sommes richement desservis, sans même parler du Saturna Sunset Scribbler, notre journal local.

Le problème pour le lecteur, c'est que trois de ces journaux contiennent pratiquement des articles identiques — le National Post, le Vancouver Sun et le Victoria Times Colonist. Dans ces trois journaux, les articles de fond sont à peu près identiques, hormis les nouvelles locales. C'est pourquoi, en un sens, comme lectrice, je me trouve limitée dans mon accès à l'information, car le même article du même auteur dans les trois journaux ne satisfait pas nos besoins de savoir ce qui se passe, et c'est là le problème qui se pose au lecteur et qui fait qu'il a besoin d'autres sources.

Le sénateur Tkachuk : Je pense que nul ici n'apprécie les monopoles. Pensez-vous, si le gouvernement fédéral introduisait une législation nouvelle, il devrait interdire la propriété unique dans un média, ou bien devrait-il interdire la propriété croisée?

Je suis grand partisan d'un accès plus libre aux médias électroniques, à la radio et à la télévision. Si quelqu'un veut lancer une station de télévision dans son garage, qu'il le fasse.

Qu'en pensez-vous? De quoi devrions-nous parler, nous les législateurs et décideurs, non pas que nous allions nécessairement faire aucune de ces choses — nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Cependant, à titre de comité, nous pouvons essayer d'ouvrir le débat et formuler des recommandations.

M. Beers : Je suis très reconnaissant à cette tribune et j'apprécie beaucoup que vous fassiez cette étude. Je ne m'attends pas à ce que vous déplaciez des montagnes.

Je suis très préoccupé à l'idée d'un lien critique dans le régime alimentaire médiatique, pour mélanger les métaphores — par exemple entre les grands journaux régionaux, c'est-à-dire l'idée qu'une seule société possède les trois grands journaux dans un marché canadien donné. Si je voulais porter un coup d'arrêt aux tendances monopolistiques, c'est le premier endroit où j'interviendrais, pour certaines des raisons que j'ai expliquées au sénateur Eyton — à savoir que non seulement il n'y a plus concurrence pour le lectorat, mais il n'y a plus de concurrence à l'intérieur de l'industrie — d'une certaine façon, les journalistes se voient rogner les ailes.

M. Campbell : J'aimerais ajouter plusieurs choses, si vous le permettez. Le problème de la propriété ne se pose pas seulement au niveau des deux quotidiens. Il y a les deux quotidiens, plus la station de télévision et la majorité des hebdomadaires locaux. C'est un gros problème.

Le sénateur Tkachuk : Vous aviez les deux stations de télévision auparavant, vous aviez CTV et CBC, n'est-ce pas, et vous en avez juste ajouté une. C'est la même chose.

M. Campbell : C'est également de loin le joueur dominant sur le marché.

Cependant, indépendamment de cela, il y avait une excellente analyse — l'auteur a réussi à insérer cela dans le National Post — des conséquences à long terme et de l'avenir de ce que font les Aspers sur le plan de la convergence. Cette auteur disait que cela allait s'arrêter un jour et je crois qu'elle a raison. Ce qui va faire que cela va s'arrêter, c'est une véritable concurrence. Vous pouvez créer et renforcer la possibilité d'une réelle concurrence dans les nouveaux médias au moyen des politiques que vous allez explorer et suggérer en tant que comité.

Lorsque j'étais au Georgia Straight, les gens étaient excités comme des poux par ce que nous faisions. Je disais fréquemment que ce que nous faisions n'avait rien de révolutionnaire, simplement que les normes de comparaison penchaient en notre faveur. Les gens cherchaient désespérément autre chose — ils achetaient le journal, le lisaient, il était rempli de sujets. Parfois, les articles étaient favorables au gouvernement, parfois contre, parfois il y avait de réelles investigations, mais il y avait toujours cet enthousiasme vigoureux pour la création d'une meilleure alternative, et les gens y étaient réellement sensibles.

Aujourd'hui, des gens réagissent de la même façon à The Tyee. Si les nouveaux médias sur l'Internet reçoivent un soutien pour concurrencer les médias existants, ils vont décoller, et vous pouvez les y aider.

Le sénateur Tkachuk : Les gens qui travaillent au Georgia Straight aujourd'hui sont-ils toujours aussi passionnés?

M. Campbell : Moins. Le journal affiche aujourd'hui un chiffre d'affaires de 21 millions de dollars et ce n'est plus la même chose. Cependant, je peux vous le dire, ils sont peut-être moins passionnés, mais ils ont beaucoup plus de fierté que les journalistes du Vancouver Sun.

Le sénateur Carney : En outre, le propriétaire qui a lancé le Georgia Straight l'a vendu pour plusieurs millions de dollars. C'est peut-être cela le modèle commercial.

M. Campbell : Il a vendu?

Le sénateur Carney : Je crois qu'il a vendu pour plusieurs millions de dollars.

M. Campbell : Non. Dan est le seul propriétaire depuis 36 ans.

Le sénateur Carney : Eh bien, si je me trompe, veuillez m'excuser, mais je crois qu'il a vendu au moins une part.

M. Campbell : Non, il est le seul propriétaire.

Le sénateur Carney : Ma source est impeccable, Charles.

M. Campbell : Je ne suis pas sûr que vous ayez raison.

La présidente : Puisque nous avons là un désaccord, nous allons demander à nos chargés de recherche de nous trouver la réponse.

Messieurs, je vous remercie infiniment tous deux. Cela a été une tranche très stimulante de nos audiences. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants.

M. Beers : Je serais ravis de poursuivre la conversation, peut-être sur l'Internet.

La présidente : Nous aussi. Nous avons d'autres témoins qui attendent et l'heure tourne. Tous nos vœux vous accompagnent.

M. Beers : Merci encore de nous avoir invités. Nous apprécions cette occasion.

La présidente : Notre prochain témoin est M. Paul Willcocks, qui a plus qu'une longue expérience dans le domaine de la formation. Je ne suis pas sûre qu'il existe quelque chose qu'il n'ait jamais fait.

Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui, monsieur Willcocks. Vous disposez de 10 minutes, et nous aurons ensuite une période de questions.

M. Paul Willcocks, à titre personnel : Je peux toujours vous donner un exemplaire du mémoire au long.

La présidente : Merveilleux. Si vous n'avez pas le temps de faire tout votre exposé, nous serons ravis de distribuer une copie aux membres du comité.

M. Willcocks : Merci beaucoup, et merci de votre invitation. Je suis particulièrement ravi car elle me qualifie d'écrivain et d'observateur éminent, ce qui me donne un surcroît de crédibilité auprès de mes enfants, à tout le moins.

Je vais passer en revue tous mes antécédents. Je suis journaliste pigiste écrivant aujourd'hui sur la politique provinciale pour des journaux quotidiens, dont le Vancouver Sun, des journaux communautaires de toute la province, et je fais un peu de radio et de télévision. Bien qu'ayant commencé comme journaliste, j'ai longtemps travaillé dans la gestion de journaux un peu partout au Canada. J'ai été éditeur de ce qui était alors le seul quotidien de propriété étrangère au Canada, ai dirigé deux journaux pour les Irvings à St. John's, au Nouveau-Brunswick, puis ai été éditeur et directeur de groupe pour la Thomson Corporation à une époque intéressante. En outre, j'ai été vice-président de l'agence Presse canadienne et ai occupé diverses autres fonctions. Tout cela pour vous dire que j'aborde le problème selon diverses optiques différentes.

Je vais tenter de répondre à certaines des questions que vous avez posées. Je suppose que ma conclusion principale, pour dire les choses poliment, c'est que l'État devrait probablement ne pas se mêler de la situation. Je fonde cela non pas sur l'opinion que les médias de masse se portent particulièrement bien en ce moment, simplement sur ma croyance quant aux solutions possibles.

Je vais maintenant vous livrer quelques observations générales, je suppose, au sujet de ma longue expérience de travail auprès de propriétaires de journaux. J'étais éditeur du Red Deer Advocate, alors propriété d'intérêts britanniques, lorsqu'on m'a recruté pour aller travailler pour la famille Irving au Nouveau-Brunswick. J'ai consulté le rapport de la Commission Kent afin de me renseigner sur mes perspectives là-bas, et c'était plutôt sombre s'agissant de la façon dont les Irving géraient les journaux, du contrôle qu'ils exerçaient sur eux et de l'intégration générale à l'échelle de la province, et c'est ainsi que j'ai sauté dans un avion pour aller passer des entrevues.

Arthur Irving avait soulevé la question de l'ingérence dans le contenu du journal, proclamant que lui-même et son frère J.K., dont j'allais relever, ne diraient jamais un mot sur ce qui était publié dans les quotidiens, ni ne donneraient la moindre directive ni n'exerceraient la moindre influence, et que si quelqu'un prétendait un jour le contraire, je pourrais l'accuser d'être un menteur. J'ai donc accepté le poste.

J'ai toujours, en tant qu'éditeur et en tant que gestionnaire ayant gravi les échelons du côté actualités de l'industrie, pris au sérieux la responsabilité à l'égard du lecteur. Mon opinion est que nous autres qui rapportons les nouvelles avons avec lui un contrat selon lequel nous lui livrons tout ce qu'il pourrait trouver intéressant ou important dès que la chose nous parvient, et que c'est là la relation de base que nous avons. C'est ce que nous avons fait à Saint John pendant tout le temps que j'y ai passé.

Nous faisions rapport sur les effets d'une économie relativement fermée, lorsqu'il y avait de très puissants intérêts qui croyaient fermement à l'intégration verticale. Nous avons aussi examiné des problèmes comme la pollution dans la baie de Fundy, ce qui a inévitablement débouché sur toutes sortes de papiers au sujet des intérêts Irving là-bas. Nous avons dans l'ensemble produit de bons journaux, et je sais que les propriétaires en étaient à l'époque souvent très mécontents.

J.K. a personnellement mis à la porte d'une de ses boîtes un de nos journalistes lorsque celui-ci s'y était rendu pour y préparer un article, ce qui ne m'a bien sûr pas ravi en ma qualité d'éditeur.

Ce que je veux souligner ici c'est que pendant toute cette période, ils n'ont jamais soulevé la moindre préoccupation avec moi, directement ou par le biais d'intermédiaires, ne se sont jamais plaints du contenu et ne sont jamais intervenus d'aucune façon. Ils voulaient que les journaux soient bien gérés. Ils ont été gérés selon une approche axée sur les affaires, et c'est là que s'arrêtait leur intervention, ce qui était intéressant, étant donné l'attitude qu'il y avait à l'égard d'eux en tant que propriétaires.

Après Saint John, je suis passé à The Peterborough Examiner, me suis joint au groupe Thomson, et ai publié un journal pour lui. J'avais le même bureau que celui qu'avait occupé Robertson Davies pendant ses dix années aux commandes. On parlait alors des jours de gloire, avant que Thomson n'achète le quotidien, disant à quel point le produit avait été meilleur à cette époque-là. Je suis monté au filet et ai examiné ces journaux conservés en reliure pour constater qu'ils n'étaient pas supérieurs. Ils étaient uniformément de qualité moyenne à faible et je trouvais qu'ils ne reflétaient pas du tout la vie dans une petite ville du centre de l'Ontario en période extrêmement difficile.

J'ai ensuite déménagé à Victoria pour y vivre cette période pendant laquelle la société Thomson tentait de donner une dernière chance aux journaux. Ken et Lloyd Thomson ont gagné énormément d'argent avec leurs journaux au fil des ans, mais Ken en est venu à la conclusion qu'il s'agissait d'une industrie mûre, ce qui a été le coup fatal en ce qui concerne les Thomson. Ils ont, je pense, fait une belle tentative pour changer les choses, se sont dits qu'ils n'y parviendraient pas et ont fini par vendre par petits bouts tout leur empire de plusieurs milliards de dollars.

Je pense que le propriétaire de journal parfait, du point de vue de l'éditeur, du rédacteur en chef ou de certains membres du comité, serait le propriétaire local privé qui n'est pas intéressé à maximiser la rentabilité et qui ne veut pas utiliser le journal comme véhicule pour atteindre ses propres objectifs politiques ou pour influer sur les événements locaux. Le problème est qu'il n'y a jamais eu que très peu de propriétaires du genre.

Cependant, ce que j'ai constaté chez les propriétaires pour lesquels j'ai travaillé, et cette expérience a pris fin il y a environ huit ans lorsque je suis retourné au journalisme pigiste, alors les choses ont bien sûr pu changer, est qu'ils étaient tous intéressés de savoir chaque jour combien de personnes lisaient leur journal et combien d'argent je pourrais leur envoyer à la fin de chaque mois. La plupart du temps, cela leur tenait très à cœur d'atteindre l'objectif de profit trimestriel qu'ils s'étaient fixé ou que les actionnaires visaient ou encore, ce qui était plus souvent le cas, celui que guettaient les analystes d'investissements.

Il s'agit là d'un facteur significatif en ce qui concerne la qualité des nouvelles livrées — et je ne voudrais pas en amoindrir l'importance — mais je pense que les propriétaires, qu'il s'agisse d'une coopérative, d'un individu ou d'une société, vont toujours avoir leurs objectifs de rentabilité et s'attendre à ce que ceux-ci soient atteints. Le dénominateur commun à toutes ces personnes, en dépit du fait que cette période ait été marquée par un degré élevé de crainte, était qu'aucun d'entre eux ne se soit réellement intéressé au contenu. L'on ne considérait tout simplement pas que cela ait été lié à la rentabilité et au tirage du journal, à la valeur à long terme de la franchise.

Je ne pense pas qu'il y ait la moindre garantie que les propriétaires seraient désintéressés. La plupart des journaux au Canada ont démarré en tant que véhicule pour la dissémination des opinions et de l'influence du propriétaire, et je pense que les propriétaires ont toujours le droit de dire « Voici ce que je veux d'un journal ». Le garde-fou contre l'abus de ce droit ou des pratiques contraires à l'intérêt public est le fait que l'exercice de ce droit soit assorti de risques. Le public remarque et réagit, et si l'on prend l'expérience de CanWest, qui a exigé que ses journaux publient des éditoriaux nationaux et expriment les mêmes points de vue, la réaction a été extrêmement négative. Ces éditoriaux ont très vite disparu. Si vous vous intéressez à la rentabilité et à la valeur de votre franchise, alors il y a certaines choses que vous ne pouvez pas faire.

Je pense que cela vaut tout particulièrement lorsqu'on parle de propriété d'entreprise. Même lorsqu'il s'agit d'une société fermée, comme c'est le cas de la plupart des entreprises médiatiques canadiennes, les propriétaires ont une obligation légale envers tous les actionnaires, et s'ils utilisent leurs journaux pour promouvoir leurs propres intérêts aux dépens de la valeur économique réelle des journaux, alors ils rompent cette relation de confiance avec les actionnaires et s'exposent au risque.

Je suis certainement inquiet pour les journaux et pour les médias de masse en général, car lorsque j'ai commencé, dans les régions en tout cas urbaines et semi-urbaines, n'importe quel jour de la semaine environ 80 p. 100 des gens au pays lisaient un journal, regardaient les mêmes bulletins télévisés et, avec toutes les imperfections que pouvaient avoir ces journaux, ils fournissaient aux lecteurs une compréhension générale de l'actualité. Lorsque des gens se retrouvaient le lendemain pour en discuter, peut-être qu'ils n'étaient pas d'accord, mais ils avaient, la veille, lu un reportage, dont on peut espérer qu'il était utile, et ils pouvaient en discuter avec d'autres sur une base commune. Le journal aidait les gens à formuler des communautés.

Cela est en train de se perdre aujourd'hui car, selon l'endroit où vous vivez, le nombre de lecteurs a baissé de 40 à 70 p. 100. Nous en arrivons à un point tel que ce rôle — élément clé d'une compréhension commune de ce qui se passe dans notre société — est en train d'être érodé. Ceux d'entre nous qui œuvrons dans cette industrie devraient s'inquiéter de ce qu'un si grand nombre de personnes estiment que nous ne sommes tout simplement pas nécessaires.

En même temps, je ne pense que les raisons à cela soient imputables à la convergence ou à la concentration. Je n'en vois aucune preuve.

Nos collectivités ont changé et sont devenues plus diversifiées. Il n'y a pas à chercher très loin : il suffit de regarder autour d'ici pour constater que plus du tiers de la population de Vancouver n'a pas l'anglais comme première langue et vient avec des valeurs culturelles et des intérêts culturels très différents, et nous n'avons jusqu'ici pas trouvé le moyen de joindre ces gens-là. Nous n'avons pas trouvé le moyen de joindre les plus jeunes pour les convaincre que les journaux devraient faire partie de leur quotidien. À mon avis, ce qui va pousser les quotidiens, la radio et dans une certaine mesure la télévision à continuer d'essayer de faire cela plus efficacement est leur propre intérêt économique.

J'ajouterais par ailleurs que l'on a beaucoup parlé concentration, mais dans les faits, comme cela vous a j'en suis sûr déjà été soumis, le monde des médias est devenu beaucoup plus diversifié au Canada. Ici, à Vancouver, il n'y a pas si longtemps que cela les gens avaient le choix entre deux quotidiens, deux stations de télévision canadiennes, trois stations de télévision américaines, une poignée de stations de radio et quelques journaux communautaires, et maintenant ils ont accès à quatre quotidiens, même si ceux-ci ont le même propriétaire, deux quotidiens en langue chinoise et quantité de publications communautaires et ciblées. Leur éventail de choix, même avec la concentration de la propriété, n'a jamais été plus vaste et, comme les tout derniers intervenants vous l'ont dit, il est même en train de s'élargir encore, même si ce n'est que de façon très progressive, pour leur donner encore plus de choix.

Encore une fois, cela ne veut pas dire que l'un quelconque de ces médias est en train de faire un travail superbe, mais ce que je tiens à souligner c'est que je n'ai vu aucune preuve que le problème est la convergence ou la concentration.

Je pense qu'il y a des sujets de préoccupation. Je pense que la concentration nous prive d'un certain potentiel d'expérimentation. Il n'y a pas 40, 50 ou 60 différents quotidiens qui s'efforcent de trouver des moyens différents de joindre le lecteur, avec la possibilité que les meilleures pratiques soient adoptées par d'autres. Une entreprise a tendance à pondre un plan dont elle espère qu'il fonctionnera et de foncer droit devant sur cette base. Nous avons par ailleurs certainement perdu un peu de la diversité de voix. Comme l'a souligné le sénateur Carney, vous allez voir beaucoup de chevauchements entre The Vancouver Sun, le National Post et le Times Colonist de Victoria si vous avez accès à ces journaux-là. Dans une certaine mesure, cela a toujours été le cas car ces journaux comptaient pour une part importante de leurs articles sur le Service des dépêches de la Presse canadienne.

Je ne suis pas naïf. Il y a également des inquiétudes quant à l'abus des possibilités de propriété croisée. Un propriétaire de sociétés multiples pourrait être tenté d'utiliser la couverture éditoriale dans un journal, par exemple, pour promouvoir des émissions de télévision, ou vice versa, non pas par le biais d'annonces publicitaires, mais dans la façon de présenter les nouvelles. Cela violerait la relation de confiance avec le lecteur et accorderait à ce propriétaire un avantage concurrentiel déloyal par rapport à d'autres qui ne jouiraient pas de ce même genre de plate-forme de propriété croisée. Je n'en ai cependant pas vu de preuves telles qu'il y aurait lieu de prendre des mesures ou de mener des interventions qui seraient assorties d'autres risques.

J'aimerais répondre à au moins quelques-unes des questions que vous avez posées, même si vous pouvez deviner ma position à travers les propos que je vous tiens.

Vous demandez si les Canadiens ont accès à une quantité et à une qualité suffisantes d'information sur les affaires internationales, nationales, régionales et locales, « suffisantes » englobant les notions de disponibilité, de pertinence, d'ouverture et d'absence de préjugés. Ma position en tant que journaliste et en tant que lecteur est que seuls les Canadiens peuvent répondre à cette question, et ils y répondent le plus clairement en décidant d'appuyer de nouvelles sources s'ils sont mécontents des sources existantes. À mon sens, le marché est le seul moyen efficace de résoudre les préoccupations relatives aux médias. C'est un processus lent, péniblement lent, et parfois encombrant, et il y a des obstacles, mais à mon sens toutes les solutions de rechange — réglementation par l'État ou création de conseils pouvant dicter la couverture journalistique à assurer à une multitude de médias financés à même les deniers publics — créeraient de nouveaux problèmes, surtout en ce qui concerne la liberté d'expression, problèmes qui doivent être pris très au sérieux et qui exigent que nous agissions avec beaucoup de prudence.

Vous demandez si les collectivités, les minorités et les centres éloignés sont bien desservis. Encore une fois, je pense que c'est le marché qui est le mieux en mesure de décider cela, mais mon impression est que des coûts d'entrée moindres et un plus vif intérêt de la part des annonceurs dans des marchés ciblés sont tels que la plupart de ces collectivités sont aujourd'hui mieux servies que jamais auparavant. Dans le gros de la Colombie-Britannique, même les petites localités sont aujourd'hui servies par des journaux concurrentiels qui déploient de sérieux efforts pour leur livrer les nouvelles et les renseignements dont les gens ont besoin, et dans de nombreux cas, ces publications sont excellentes.

Il y a un problème. Le vécu et les priorités des groupes minoritaires sont loin d'être suffisamment reflétés dans nos médias de masse, mais la survie économique de ces derniers va les obliger à redoubler d'efforts, sans quoi ils se trouveront confrontés à un avenir difficile.

Vous demandez si l'augmentation de la concentration ou de la propriété croisée a pour effet de réduire la diversité dans les médias d'information. Il serait stupide d'arguer que cela n'a pas une certaine incidence, que la propriété collective ne va pas tenter de réunir des ressources d'une façon qui réduise la quantité d'information diffusée. Cependant, comme je l'ai dit, c'est ce que l'on a vu par le passé avec la Presse canadienne, Southam News et d'autres organisations du genre, Broadcast News, par exemple, et je ne pense pas que l'effet constaté jusqu'ici soit suffisamment significatif pour justifier une quelconque réaction politique — ce qui m'amène à dire, en réponse à votre question sur ce que le gouvernement du Canada peut faire pour corriger la situation sans contraindre la liberté de la presse, qu'il ne peut vraiment pas faire grand-chose.

Le Bureau de la concurrence et le CRTC peuvent continuer, ce qui est utile, de tenter de maintenir la compétitivité sur le marché sur la base des effets économiques, mais en dehors de cela, toute proposition visant à améliorer la diversité ou la qualité que j'ai eu l'occasion de voir serait ou inefficace ou contraire aux principes de base de la liberté d'expression, ou les deux choses à la fois, dans bon nombre de cas.

Encore une fois, à mon avis, tout peut être ramené à la question du respect pour le public. Si le public ne reçoit pas les informations dont il pense qu'il a besoin, il abandonnera le média dominant et cherchera des solutions de rechange. S'il juge que les intérêts de l'entreprise médiatique l'emportent chez certains propriétaires sur ses intérêts, alors il arrêtera de lire ou de regarder, et le fournisseur ou s'améliorera ou sera remplacé.

Enfin, vous demandez s'il conviendrait de modifier les restrictions actuelles relatives à la propriété étrangère. Pour être logique, je dirais que oui, vous devriez lever les restrictions en matière de propriété étrangère, mais ce n'est pas à moi de prendre la décision. En dépit de tout ce que j'ai dit, je crois qu'il nous faut reconnaître que l'on tend vers une période de changement plutôt rapide dans les approches sur les plans propriété et gestion des médias canadiens et que nous n'avons pas encore eu le temps d'évaluer toutes les ramifications que cela aura. Le seul effet que je verrais à ce stade-ci si l'on levait les restrictions relatives à la propriété étrangère serait l'accès à d'autres capitaux pour certains joueurs déjà sur le marché ou aux joueurs américains en vue d'une consolidation encore plus poussée. Tant que l'on n'aura pas eu l'occasion de voir de quelle façon les choses vont évaluer au cours des prochaines années, il me semble qu'il serait inutilement téméraire d'agir ainsi, étant donné que toutes les parties prenantes actives dans le domaine savaient en y entrant quelles étaient les règles et les ont acceptées. Il me semble que la prudence voudrait qu' on les maintienne en place.

Merci de l'occasion qui m'a été ici donnée de m'adresser à vous. Bien que beaucoup de ce que j'ai dit militerait en faveur d'un pas si grand rôle pour le gouvernement, j'applaudis à ce que fait le comité. Une chose qui serait selon moi valable serait un programme continu d'audiences du genre sur l'état des médias dans ce pays pendant toute la période qui s'annonce. J'appuie mes commentaires sur ce que j'ai constaté par le passé. Cela ne veut pas dire que cette situation ne va pas changer, et je pense que compte tenu de l'importance de ce que nous faisons collectivement et de la lenteur avec laquelle le marché amène parfois des changements, il est très utile qu'il y ait une surveillance et des critiques externes et une tribune de discussion sur la performance des médias.

Le sénateur Tkachuk : Merci de votre exposé. Je suis d'accord avec vous sur bien des points. J'ai toujours tenu à ce qu'il y ait beaucoup de concurrence dans le marché.

Un certain nombre de témoins nous ont dit que les quotidiens locaux ici n'ont pas de journalistes à l'assemblée législative. Comment se débrouillent-ils? Recourent-ils à des pigistes, piquent-ils tous leurs articles dans le journal de Victoria? Comment l'assemblée législative est-elle couverte par les quotidiens?

M. Willcocks : Eh bien, The Vancouver Sun a eu — et j'hésite à parler pour The Vancouver Sun — un chroniqueur ici. Ce journaliste est passé à la télévision et on ne l'a pas remplacé. Le journal utilise pour la plupart des papiers produits par des journalistes du Times Colonist. C'est là une fonction de la convergence.

Je devine que la direction du Vancouver Sun estime que ce qui est le plus rentable pour elle est d'utiliser les journalistes du Times Colonist et de la Presse canadienne pour la couverture de l'assemblée législative, ce qui lui donne en retour des ressources à Vancouver — et le journal a bien sûr ma rubrique très édifiante sur la politique en Colombie-Britannique, qui paraît tous les samedis dans The Vancouver Sun.

À mon avis, c'est une décision de gestion — et elle apporte des risques, car il y a des choses qui se passent à l'assemblée législative qui devraient être couvertes à partir d'une perspective vancouveroise. Par exemple, les journalistes qui écrivent pour le Times Colonist devraient avoir un jeu de priorités différent pour aborder les différents dossiers. Ce sera aux lecteurs de juger de la question de savoir s'ils sont ou non bien servis par cela.

Le sénateur Tkachuk : Combien de journalistes a là-bas le journal de Victoria?

M. Willcocks : Deux.

Le sénateur Tkachuk : Je viens d'une ville de la Saskatchewan qui n'a qu'un journal; il y a une autre ville à un seul journal au sud de nous. J'ai toujours l'impression qu'il y a beaucoup de concurrence. Je peux lire le National Post ou The Globe and Mail; je peux mettre la télé et obtenir des nouvelles de cette façon-là.

Votre conseil pour nous serait de faire très peu et de laisser jouer les forces du marché?

M. Willcocks : Oui.

Le sénateur Carney : J'aimerais dire, afin que cela figure au procès-verbal, que M. Willcocks a été, en 2003, le récipiendaire du City Mike Award du commentateur de l'année à la cérémonie de l'année des Jack Webster Awards, alors il s'adresse à nous à ce titre, ce qui confère bien sûr de la crédibilité, j'imagine, à ses commentaires. C'est une blague, Paul.

Vous avez été plutôt explicite, mais il y a deux aspects au sujet desquels j'aimerais vous interroger. Premièrement, vous avez dit que l'éventail de choix des lecteurs n'a jamais été aussi large. Vous êtes journaliste pigiste. Diriez-vous que l'éventail de choix des commentateurs pigistes n'a jamais été aussi large ou qu'il n'a jamais été aussi étroit?

M. Willcocks : Il est demeuré à peu près le même. Ma rubrique politique de The Sun passe dans la plupart des journaux de David Black dans l'île de Vancouver, dans la plupart des plus petits quotidiens d'un peu partout dans la province et dans un grand nombre des journaux de David Black et de certains de ses compétiteurs ailleurs dans la province. Il existe un nombre raisonnable d'options différentes.

Les préoccupations soulevées par les intervenants précédents au sujet des difficultés vécues par les journalistes désireux de travailler dans un marché d'importance du fait de la concentration de la propriété sont légitimes. Par le passé, il était au moins possible d'avoir une autre option. Si vous n'étiez plus très apprécié à un endroit, il y avait peut-être quelqu'un d'autre ailleurs pour vous embaucher. Cela étant dit, c'était relativement rare — la plupart des villes canadiennes étaient des villes à un seul journal. C'est ainsi que si le propriétaire ou la direction du journal décidait qu'il ne voulait pas de vous, alors vous n'aviez pas bien d'autre choix que de déménager.

C'est pourquoi je dis que l'éventail d'options est aussi large qu'il l'a jamais été.

Le sénateur Carney : Vous avez multiplié vos options en diversifiant votre marché pour englober les journaux de David Black dans les plus petites localités en plus du Times Colonist et de The Vancouver Sun.

M. Willcocks : Oui.

Le sénateur Carney : Avez-vous entendu parler de cet arrangement contractuel controversé en vertu duquel les commentateurs et rédacteurs de CanWest doivenut céder leurs droits d'auteur à l'égard de leurs textes à perpétuité? Êtes-vous touché par ce genre de choses?

M. Willcocks : Oui. C'est plus ou moins la norme, et c'était le cas aussi au Globe and Mail. Vous cédez vos droits à jamais et pour tout. Ce n'est pas quelque chose qui me trouble en fait, car jusqu'ici personne n'a trouvé le moyen de tirer beaucoup d'argent de mes textes après coup. Je m'en inquiéterai plus lorsque ce sera chose possible. En principe, je suppose que cela est troublant pour certains pigistes. Cependant, en réalité, mes textes ont pour moi une valeur financière limitée une fois qu'ils ont été publiés dans le journal.

Le sénateur Carney : Il s'agit donc là d'un problème potentiel, mais ce n'est à l'heure actuelle pas un problème pour vous de céder des droits potentiels?

M. Willcocks : Non.

Le sénateur Carney : Que pensez-vous de l'avenir des blogues ou carnets Web, et pensez-vous que les gens se tourneront vers les blogues pour des chroniques du genre des vôtres?

M. Willcocks : Oui, j'ai un blogue. Il attire sans doute environ 3 000 visites par mois de la part de personnes qui viennent y lire mes articles ou qui font de la recherche. Les deux tiers des visites sont sans doute le fait de personnes qui font de la recherche — qui font une recherche Google et qui tombent sur mes chroniques. C'est une façon pratique pour les gens d'obtenir des renseignements sans avoir à acheter un journal.

Le sénateur Carney : Qu'écrivez-vous dans votre blogue que vous n'écrivez pas dans votre chronique?

M. Willcocks : Rien. J'affiche mes chroniques dans mon blogue, car en tant que freelance, j'écris très peu de choses pour lesquelles je ne suis pas payé, et il n'y a pas moyen de se faire payer pour le contenu d'un blogue.

La présidente : J'aimerais enchaîner là-dessus. Vous connaissez ce contrat CanWest dont parlent, à nous et à d'autres, des pigistes de partout au pays, et selon lequel vous devez céder tous vos droits, à perpétuité, pour l'univers tout entier. Vous, vous avez été occupé pendant ce temps à vendre votre chronique à des groupes de journaux concurrentiels et à l'afficher sur votre propre site Web. Comment cela se fait-il? N'avez-vous pas eu à signer le contrat?

M. Willcocks : La rubrique qu'obtient le Vancouver Sun est différente. J'écris pour ce quotidien quatre rubriques par semaine, et elles sont différentes. Je n'affiche pas la rubrique du Vancouver Sun sur mon site Web. J'ai lancé mon blogue comme simple diversion. Je voulais juste un endroit où afficher la chronique de telle sorte que lorsque le courriel du Terrace Standard était en panne et que le journal ne pouvait pas l'obtenir, il puisse tout simplement le prélever à même mon site Web au lieu de m'embêter. Bien sûr, en tant que journalistes, aucun d'entre eux ne s'en est jamais souvenu, mais d'autres gens ont commencé à lire ma rubrique.

Le sénateur Eyton : Le sénateur Carney n'a pas eu à me dire que vous étiez bon. J'en suis arrivé à cette conclusion dès que vous avez terminé votre déclaration. J'en étais convaincu. Merci d'être venu.

Je n'ai pas eu l'occasion de poser la question à M. Beers — et je pense que vous étiez ici lors de sa comparution; j'ignore s'il est toujours là ou pas. Il a fait neuf recommandations bien précises. À mon avis — et j'ai dû me décider très vite et sans peut-être en savoir assez — il y en a six ou qui ne sont pas pratiques ou qui ne sont pas appropriés, surtout si vous croyez en la propriété privée et l'économie libre. Trois d'entre elles, cependant, m'ont paru positives.

La première était en fait une déduction d'impôt pour œuvres philanthropiques en faveur de médias — par exemple, Jimmy Pattison qui donne 1 million de dollars au Vancouver Sun pour établir un bureau sur les affaires africaines, ou quelque chose du genre. J'ai trouvé cela intriguant. Si l'on peut faire un don à une université, pourquoi pas aux médias. Si on lui donne ce genre d'interprétation, il s'agit toujours d'une fonction communautaire.

Auriez-vous quelque commentaire à faire là-dessus? Je n'y avais jamais pensé, mais cela m'a paru intéressant.

M. Willcocks : C'est une idée intéressante. Vous pouvez peut-être déjà le faire, je ne sais pas trop, en créant une fondation admissible.

Le sénateur Eyton : Je pense que l'idée était davantage de faire un don pour qu'ensuite l'entreprise médiatique qui en est le bénéficiaire le gère conformément à ses propres règles, ce qui engloberait, je pense, son indépendance, c'est-à-dire la possibilité de dépenser l'argent comme bon lui semble.

M. Willcocks : C'est une idée intéressante, mais qui comporte vraisemblablement ses propres risques. Elle mérite d'être examinée dans le contexte des genres d'activités qui sont financées, des principales forces de financement à l'œuvre dans notre société et du genre de diversité que cela va véritablement établir.

Le sénateur Eyton : Si quelqu'un veut le faire peut-être.

La deuxième recommandation visait l'établissement d'un portail communautaire sur le Web. En un sens, je suppose, The Tyee entrerait dans cette catégorie. Cependant, les précédents m'intriguent toujours — qui a déjà fait cela, cela a-t-il bien fonctionné et cela a-t-il donné des résultats? Connaissez-vous un quelconque précédent qui cadrerait avec cette description?

M. Willcocks : Non. Je pense cependant qu'il s'agit d'une idée très intéressante, qui renferme en fait un potentiel positif pour une participation gouvernementale. Jusqu'ici, personne n'a fait cela de façon efficace; on en a beaucoup parlé, mais il n'y a vraiment rien eu de concret.

Le sénateur Eyton : La troisième recommandation, qui ressemble de très près à cela, concerne la convergence des installations pour les médias de rechange. En définitive, vous ne seriez pas tout seul dans votre coin avec un mode unique de livraison de votre message; il pourrait y avoir convergence, différents éléments travaillant côte à côte en collaboration. Cette suggestion aussi m'a paru positive et utile.

M. Willcocks : Oui. C'est une suggestion utile et positive. Je pense que cela se fait déjà dans une large mesure. Regardez The Tyee. Nombre des personnes qui visitent mon blogue l'ont repéré dans les liens pour le blogue, le site Web ou la publication électronique de quelqu'un d'autre.

Le sénateur Eyton : Je pensais qu'il songeait à un effort davantage collaboratif, dans le cadre duquel, grâce à des efforts conjoints, ce serait plus vaste, plus beau et plus efficace.

Le sénateur Trenholme Counsell : M. Willcocks, la perspective que vous nous avez livrée ici aujourd'hui avec vos commentaires très perspicaces vient certainement rééquilibrer les choses.

Peut-être que je n'ai pas suivi d'assez près, mais je ne comprends toujours pas comment vous faites pour afficher votre rubrique tout entière sur le blogue. Je ne comprends pas comment cela peut cadrer avec la cession de vos droits sur cette rubrique?

M. Willcocks : Je n'y affiche pas la rubrique que je fais pour The Vancouver Sun. Je n'affiche pas cela sur le blogue, surtout parce que je ne veux pas que les autres journaux puissent le faire — ce que j'affiche dans le blogue ce sont les articles que je souhaite que d'autres journaux prélèvent et utilisent. The Vancouver Sun achète la rubrique qu'il achète dans l'idée qu'elle lui est réservée à lui seul.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pourtant, il n'y a que de très légères modifications — vous nous avez plus ou moins dit que vous modifiiez légèrement vos articles.

M. Willcocks : Eh bien, non, ils sont très différents; tout à fait différents.

Le sénateur Trenholme Counsell : Cependant, si vous aviez signé le contrat avec le journal, vous ne pourriez pas afficher les articles sur le blogue, n'est-ce pas?

M. Willcocks : En théorie, je suppose.

Le sénateur Trenholme Counsell : En théorie, ou dans les faits?

M. Willcocks : Eh bien, sur le plan faits légaux, je ne pense pas qu'il y ait jamais exécution. Je ne pense pas que The Vancouver Sun pousse la chose jusque-là.

Le sénateur Trenholme Counsell : En êtes-vous certain?

M. Willcocks : Pas mal.

Le sénateur Trenholme Counsell : Très bien. L'autre question sera, j'espère, plus utile. Il y a à Vancouver deux quotidiens appartenant à la même société, n'est-ce pas?

M. Willcocks : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Il me semble que cela constitue en soi un petit peu une expérience de laboratoire. En quoi ces quotidiens diffèrent-ils, et s'ils sont différents, que cela nous dit-il, que cela signifie-t-il? Dans quelle mesure sont-ils différents? Sur quels plans sont-ils différents? Cela nous livre-t-il un quelconque message en matière de propriété et d'idéologie dans la couverture journalistique, et cetera?

M. Willcocks : Pour ce qui est du lecteur, ils sont différents, en ce sens qu'ils visent pour la plupart des marchés différents.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est en tant que lectrice que cela m'intéresse. D'où la question, s'agit-il d'un marché différent?

M. Willcocks : Je dirais que The Province vise moins le lecteur intéressé aux affaires et davantage le banlieusard qui fait son trajet du matin. On y réserve par exemple une plus grande place aux sports. Mon analyse, en tant que lecteur, des deux publications, est qu'elles tentent de segmenter ainsi le marché.

Le sénateur Trenholme Counsell : Sur le plan commentaire éditorial, ces journaux sont-ils très semblables ou bien existe-t-il des différences marquées entre les deux?

M. Willcocks : Il existe selon moi des différences marquées sur le plan ton. The Province a un ton éditorial plus populiste, légèrement plus à droite, plus maintien de l'ordre, du genre « On est tous ensemble là-dedans, les gars ». Pour moi, ce journal s'inscrit plus pour les dossiers sociaux dans la veine droite conventionnelle que The Vancouver Sun.

Le sénateur Trenholme Counsell : Y a-t-il une divergence marquée ou bien s'agit-il en gros de deux versions de la même chose s'adressant à deux segments différents de la population?

M. Willcocks : Non, je ne pense pas que vous constateriez de divergences marquées dans les opinions fondamentales.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous ne verriez jamais l'éditeur de l'un en plein débat avec l'éditeur de l'autre?

M. Willcocks : Vous pourriez très bien trouver des questions sur lesquelles ils épouseraient des opinions très différentes. Cependant, il s'agit de deux publications qui ont des visions très différentes de la société dans laquelle nous vivons.

Le sénateur Carney : Oui. Je voulais simplement apporter un éclaircissement. Cela fait 35 ou 45 ans que c'est le même propriétaire qui possède les deux journaux de Vancouver. J'étais chroniqueuse au Vancouver Sun. Les deux quotidiens ont été achetés par FP, n'est-ce pas?

M. Willcocks : Oui.

Le sénateur Carney : Max Bell et FP les ont achetés, puis cela a été au tour des Southam, et c'est ensuite CanWest qui les ont rachetés aux Southam, alors cela fait 40 ans que les deux quotidiens de la ville appartiennent au même propriétaire, et les Southam ont ensuite acheté les journaux communautaires, ce qui est venu consolider la propriété, alors ce n'est pas un concept nouveau.

Autre chose encore au sujet de l'effectif-lecteurs : lorsque les deux journaux ont commencé à paraître le matin, les gens ont eu certaines attentes. Le Vancouver Sun était un journal de l'après-midi tandis que The Province était un journal du matin. Les gens achetaient l'édition du matin du Vancouver Sun, en s'attendant à ce que The Province meure. Mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Ce qui a vraiment fâché les propriétaires. The Province n'a cessé de prendre de l'importance — son tirage a même été supérieur à celui du Vancouver Sun, parce qu'il avait un bassin de lecteurs différent. The Province a développé un marché col bleu dans la région du Lower Mainland, tandis que The Vancouver Sun était censé être un quotidien plus élitiste. J'ignore si c'est le cas aujourd'hui.

Il y a toute une division. Je pense que la concurrence a peut-être joué ici un rôle — mais je m'appuie ici sur ma mémoire, mais pas forcément sur des faits. Les journaux ne sont pas autorisés à échanger des articles, et il y a une séparation marquée dans les opérations éditoriales, alors il ne s'agit pas d'une nouvelle expérience. Que cela ait ou non fonctionné, cela existe depuis longtemps.

La présidente : Comme vous l'avez dit, The Province a refusé de mourir, et il y a eu quantité de raisons à cela. Cependant, parmi les rangs des journalistes, l'on pense que l'une des raisons à cela est que The Province a recruté un éditeur absolument brillant, qui est maintenant l'éditeur du New York Daily News, Michael Cook. Il me semble qu'il serait difficile pour Michael Cook de ne pas réussir même en tant qu'éditeur d'un tabloïde — tout un argument en faveur de la compétence journalistique.

Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, monsieur, ce que vous dites, c'est qu'à l'heure actuelle, en dépit de tous les changements, il n'y a pas grand-chose que le gouvernement puisse faire, sauf peut-être suivre de très près ce qui se passe et nous contrôler au besoin. Est-ce bien cela?

M. Willcocks : C'est exact.

Le sénateur Chaput : Qu'en est-il des nouveaux médias — des nouvelles en ligne? Quelqu'un ne devrait-il pas envisager d'élaborer de nouvelles conditions ou de nouvelles règles, avant que l'on ne se retrouve en réelle difficulté?

M. Willcocks : Non. Je pense que notre meilleure chance d'éviter de nous retrouver en réelle difficulté est d'avoir aussi peu de règles que possible. Je pense que l'un des avantages des nouveaux médias est que des expériences comme The Tyee peuvent être lancées relativement bon marché. Plus on lancera d'expériences du genre, plus on aura de chances d'en trouver qui fonctionnent, et plus il y aura de pression sur les médias de masse, les médias grand public, pour qu'ils examinent d'un œil critique ce qu'ils font et veillent à ce qu'ils fassent un travail suffisamment bon pour assurer leur survie.

Le sénateur Chaput : Mais n'ont-ils pas dit qu'il leur faudrait des fonds pour continuer?

M. Willcocks : Oui.

Le sénateur Chaput : C'est ce que vous venez de dire. Ces fonds ne devraient-ils pas être assortis de certaines règles ou de certaines conditions, s'ils demandent par exemple de l'argent au gouvernement?

M. Willcocks : Oui. Si l'intention était de fournir un financement gouvernemental pour les entreprises en démarrage — je pense que c'est une idée risquée et un défi énorme que d'avoir des entreprises de diffusion de nouvelles, de quelque genre que ce soit, financées pour le gouvernement. Si The Tyee peut convaincre ses 45 000 clients mensuels de contribuer 5 $ par mois, la boîte aura plus d'argent qu'il ne lui faudra pour s'épanouir.

Je ne pense pas qu'un financement gouvernemental puisse créer un modèle durable qui fonctionne.

Le sénateur Chaput : Non, je comprends cela. Pourrait-on envisager du financement indirect — par exemple l'accès à un crédit d'impôt ou quelque chose du genre?

M. Willcocks : Je suppose. Cependant, j'ai de la difficulté à imaginer une façon de faire cela effectivement sans pour autant ouvrir la porte à la question de savoir comment le gouvernement peut financer des médias d'information sans en compromettre l'intégrité et l'indépendance, qu'il s'agisse de la presse, de la radiodiffusion ou de l'Internet.

La présidente : J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir à une chose que vous avez mentionnée quelques fois, la Presse canadienne, étant donné votre vaste expérience dans différents médias, à différents endroits et de tailles différentes. Quelle est l'importance de la PC? Pour qui compte-t-elle le plus — gros journaux, petits journaux, journaux minuscules? Y a-t-il eu quelque changement dans les pressions exercées sur la PC au fil des ans par suite des virages empruntés par les différentes entreprises?

M. Willcocks : Je pense que la Presse canadienne est très importante. Elle est peut-être plus importante qu'ils ne le pensent pour les journaux de taille moyenne et elle est certainement importante pour les petits journaux, surtout ceux qui n'appartiennent à l'heure actuelle pas à un gros groupe commercial, car si toutes les nouvelles ne viennent que de ces grosses boîtes, il va être plus difficile pour ces journaux d'obtenir du contenu J'estime que la Presse canadienne est également extrêmement importante pour les Canadiens, et ce d'une façon à laquelle on n'a pas encore pleinement réfléchi. Il y aura toujours de très bons reportages sur ce qui se passe à Toronto pour les gens qui habitent Vancouver ou de ce qui se passe à Vancouver pour les gens qui habitent Montréal.

Ce que garantit la Presse canadienne c'est que la situation fait mentir les priorités. Au moins l'on parle des problèmes des gens de Prince George, pour qu'on puisse éventuellement reprendre la nouvelle dans les journaux de Vancouver, Ottawa, Rimouski ou Fredericton. C'est un service national coopératif de nouvelles vraies et je ne suis pas convaincu que l'un quelconque des modèles de service de dépêches commerciaux internes puisse le remplacer très aisément.

Je pense que cela fait au moins 15 ou 16 ans que des pressions s'exercent sérieusement sur la Presse canadienne, les grands groupes commerciaux se demandant s'ils ne pourraient pas faire le gros de ce que fait la Presse canadienne pour moins cher et avec un avantage concurrentiel.

J'ignore si la situation est aujourd'hui à son pire. Il s'agit cependant d'un problème difficile pour la Presse canadienne, problème qui a toujours été là, en sourdine.

La présidente : Y a-t-il quelque chose que nous devrions recommander?

M. Willcocks : Je n'y ai pas réfléchi.

La présidente : Je ne peux pas vous garder ici tout l'après-midi, mais étant donné votre expérience et votre statut indépendant actuel, je pense que je vais vous demander de réfléchir à cela et peut-être de nous envoyer une lettre.

M. Willcocks : Avec plaisir.

Le sénateur Phalen : Un article de Paul Wells, paru dans le numéro du 10 janvier de la revue Maclean's, cite un témoin qui a comparu devant le comité et qui a parlé du nombre rétrécissant de journalistes qui rapportent les nouvelles nationales depuis Ottawa. L'article, et je cite, fait état des « propriétaires étrangers dans le marché des journaux canadiens ».

Êtes-vous du même avis?

M. Willcocks : Suis-je d'avis que nous devrions autoriser les propriétaires étrangers — est-ce là ce que vous demandez?

Le sénateur Phalen : Oui.

M. Willcocks : Non, c'est tout le contraire. Je n'ai pas d'objection motivée, mais ce que j'ai voulu dire c'est que, compte tenu du rythme du changement que nous constatons et de la nouveauté relative de la chose — nous n'avons pas eu l'occasion d'évaluer le degré actuel de concentration et de propriété croisée — le seul résultat d'une autorisation de la propriété étrangère que je peux entrevoir à ce stade-ci serait une accélération de ce changement. Il me semble qu'il serait très téméraire de lever les règles existantes tant que l'on n'a pas eu l'occasion de voir de quelle façon tout cela va évoluer au cours des prochaines années. Tous les joueurs qui se sont lancés là-dedans étaient au courant des règles en place.

Le sénateur Phalen : D'aucuns arguent que si les limites à la propriété étrangère dans les médias canadiens étaient réduites ou éliminées les nouvelles canadiennes seraient moins diversifiées et plus américaines. Est-ce là une menace réelle?

M. Willcocks : Oui, Je pense qu'une moindre diversité est une menace potentielle. Ce que je dis c'est que je n'ai pour le moment pas constaté d'effet inverse majeur de la concentration, mais que je pense que c'est une chose qui mérite d'être suivie de près. Une croissance étrangère accrue aurait pour effet d'augmenter la concentration, et le nombre de personnes qui sont en train de nous mettre en garde disant que cela pourrait déboucher sur une perte de diversité est tel que je pense qu'il serait imprudent pour le comité de recommander à ce stade-ci la levée des restrictions en matière de propriété étrangère.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Nous avons parlé de l'évolution démographique et nous savons qu'il y a un écart de génération. Avez-vous réfléchi à ce que nous pourrions faire pour engager dans un dialogue les différents peuples qui sont aujourd'hui installés au Canada ainsi que les jeunes gens? Après tout, ce sont eux la relève et nous tenons à ce qu'ils participent à la société.

Avez-vous des idées là-dessus. Que se passe-t-il avec les jeunes gens? Que se passe-t-il avec les élèves de niveau élémentaire et les étudiants du secondaire, et ce pour les différentes communautés ethniques? Si vous écrivez et que vous n'avez pas de lecteurs, il y a là quelque chose qui fait défaut.

M. Willcocks : Non, dans ce cas-là, il ne sert pas à grand-chose de vous exercer. C'est un sujet beaucoup trop vaste pour qu'on en traite ici dans le temps dont nous disposons. L'industrie s'efforce de faire mieux en la matière. Nous ne nous sommes pas rendus utiles à eux et, clairement, ils ne se trouvent pas reflétés dans nos journaux et dans nos bulletins télévisés, dans une certaine mesure, sans quoi ils y prêteraient un peu plus attention.

L'une des raisons évidentes est que, si vous regardez les salles de nouvelles de tous genres un peu partout au pays, vous constaterez qu'elles sont remplies de personnes de race blanche, de la classe moyenne et d'âge moyen. Il faut que nos équipes reflètent mieux la diversité qui existe dans nos communautés, et c'est là un gros problème, car il y a beaucoup de gens de mon âge qui ne vont nulle part à l'heure actuelle.

Le sénateur Merchant : Alors on n'y fait rien?

M. Willcocks : Oh, non. Je pense que l'on fait énormément d'efforts, et je pense qu'il serait sans doute plus intéressant que vous en parliez avec un éditeur qui est vraiment en train de faire ce travail. Les journaux tentent différentes choses pour intéresser les jeunes lecteurs. Ils s'efforcent de rendre leur couverture médiatique plus intéressante pour toute la gamme de groupes qui existent au sein de leur communauté. Malheureusement, je ne pense pas qu'ils aient très bien réussi jusqu'ici.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Willcocks. Comme vous aurez pu le constater, cet échange a été tout à fait fascinant.

M. Willcocks : Merci beaucoup.

La présidente : Sénateurs, notre dernier témoin dans le volet témoins invités, avant que nous ne donnions la parole aux membres du public désireux d'intervenir, est le conseiller municipal Nick Volkow, de la Ville de Burnaby. D'après ce que j'ai compris, le maire avait espéré être des nôtres ici aujourd'hui, mais cela ne lui a pas été possible, et c'est donc le conseiller municipal Volkow qui représente ici la ville.

Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de venir et nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Nick Volkow, conseiller municipal, Ville de Burnaby : Avant de commencer, si j'ai bien compris, la télévision communautaire est ici et elle souhaite filmer le travail du comité. Si j'ai bien compris les règles de fonctionnement du comité, cela est possible tant et aussi longtemps que la délégation ou que le témoin concerné n'y voit pas d'inconvénient. Est-ce bien cela?

La présidente : À la demande d'un témoin ce matin, nous avons donné notre aval pour cela, et étant donné que vous en faites la demande, j'accepte à nouveau. Cependant, par la suite, nous reviendrons à la pratique normale des comités sénatoriaux, qui est de ne pas faire cela, en dehors de nos engagements contractuels normaux —

M. Volkow : Je m'en remets à vous. Je ne connais pas les règles.

La présidente : Non. Nous avons accepté ce matin, alors je vais accepter dans votre cas également cet après-midi. Cependant, cela ouvre la porte à des complexités sans fin, avec lesquelles je ne voudrais ennuyer personne en ce moment, alors poursuivez, monsieur Volkow.

M. Volkow : Merci, madame la présidente, honorables sénateurs, de l'occasion qui est ici donnée à la Ville de Burnaby de comparaître devant vous. Je serai très bref. Je sais qu'il se fait tard et que vous êtes ici depuis trois heures et demie sans pause. Je sais qu'au conseil municipal où je siège nous nous efforçons de faire une pause toutes les deux heures et demie.

La présidente : Dès que vous aurez terminé, nous aurons droit à une pause de deux minutes.

M. Volkow : Si nous comparaissons devant vous cet après-midi c'est pour donner suite à une lettre de la Community Media Education Society que nous avons reçue au conseil municipal. La Society a en effet écrit une lettre au conseil au sujet de son exposé, qui vous a, je pense, été soumis. Après lecture du texte, le conseil a cependant décidé d'envoyer une lettre à l'appui de plusieurs éléments mentionnés.

Cette question va peut-être vous paraître banale — surtout après avoir entendu les délégations que j'ai eu le plaisir d'écouter cet après-midi — mais c'est un volet important pour de nombreux groupes de notre communauté de Burnaby. Je préciserai, pour la gouverne des membres du comité, que la Ville de Burnaby est la troisième ville en importance de la Colombie-Britannique, avec une population de 210 000 personnes. C'est Vancouver qui est la plus grosse ville, suivie de Surrey et vient ensuite Burnaby.

Cela étant dit, Shaw Cable, qui a depuis de nombreuses années un studio à Burnaby, va le fermer. D'après ce qu'en sait la ville, ce studio va fermer à cause de la nouvelle tour Shaw située tout à côté d'ici. Si vous faisiez un petit tour à pied, vous le verriez, au pied de Granville, juste en face du Pan Pacific Hotel. D'après ce que nous avons compris, ce sera le seul studio à la disposition des groupes communautaires, non seulement ceux de Burnaby mais également ceux qui ne sont pas basés à Vancouver.

Le problème est que plusieurs des groupes qui utilisaient le studio représentaient différents types d'intérêts — certains s'occupant de questions de santé mentale, d'autres de questions de logement. À une époque, il y avait un studio à Maple Ridge, qui est un peu plus en périphérie. Ces groupes pouvaient utiliser tout le matériel et tous les services au studio communautaire et participer aux panels. Ils pouvaient produire leurs propres émissions, qui servaient de vitrine pour leurs intérêts particuliers. Nous croyons qu'avec la fermeture du studio de quartier ce ne sera plus le cas.

Comme je l'ai dit, cela vous paraîtra peut-être banal, mais l'accès à des espaces de studio à proximité de votre principal groupe client est une chose importante. Pour les gens de Burnaby ou de Maple Ridge ou de communautés encore plus éloignées, comme Port Coquitlam, ce serait un lourd fardeau que d'avoir à se rendre jusque dans le centre-ville de Vancouver.

Je tiens à dire très clairement que l'exposé que la CMAS a envoyé au conseil municipal était bref, conformément aux règles du comité, mais soulevait un certain nombre de questions intéressantes relatives à la fermeture d'espaces de studio à la portée des groupes communautaires. Je pense que le comité a reçu la même lettre que le conseil municipal de Burnaby et j'aimerais vous en lire trois paragraphes. Le conseil estime que la question des espaces de studio est directement liée au privilège que nous autres citoyens consentons aux différents câblodistributeurs, leur permettant d'utiliser les ondes aériennes publiques. En d'autres termes, il y a eu une contrepartie, et pendant de nombreuses années cela a été la disponibilité d'espaces de studio et de personnes pour aider les groupes communautaires à présenter leurs idées au public.

Permettez-moi donc de vous lire des extraits de cette lettre : « À l'heure actuelle, les dépenses au titre de canaux communautaires, soit l'argent perçu par le biais d'une redevance pour le câble, s'élèvent à 80 millions de dollars par an. Le comité permanent — il s'agit du rapport Lincoln au comité — a été très frustré par l'absence de données sur la télévision communautaire et très découragé par le fait qu'il n'existe presque pas de renseignements sur ce qui se passe par suite des dépenses des entreprises de câblodistribution, soit environ 75 à 80 millions de dollars versés chaque année à l'appui de la télévision communautaire ». C'est là une citation directe du rapport.

L'autre paragraphe se lit comme suit : « Deuxièmement, la recommandation 91 est telle que le CRTC exige l'accès public au canal communautaire au lieu de simplement recommander un accès pour les groupes communautaires et les bénévoles. Troisièmement, la recommandation 90 crée un financement pour les groupes indépendants livrant des émissions communautaires. Le Fonds canadien de télévision exclut spécifiquement de l'admissibilité au financement la programmation communautaire ».

Permettez que je vous lise maintenant un passage que nous autres à la ville avons trouvé intéressant : « Il est cependant une anomalie en ce sens que des émissions commerciales sont diffusées par le canal communautaire tandis que les émissions indépendantes locales se voient refuser toute aide financière publique en dépit du fait que leurs producteurs sont les seuls qui adhèrent aux lignes directrices en matière de programmation énoncées dans l'Avis public du CRTC 2002-61. Ces groupes ne survivent que grâce à l'aide de bénévoles. Or, la demande locale est si forte qu'il ne manque jamais de bénévoles ».

Je ne voudrais pas insister trop lourdement là-dessus, mais la ville estime que non seulement il y a une responsabilité en matière de maintien à un niveau raisonnable des espaces de studio disponibles à l'intérieur des collectivités, mais que réduire cette disponibilité dans une région métropolitaine importante comme Vancouver à un seul studio dépasse l'entendement.

Je ne connais pas l'argument sur le plan coût s'agissant de l'utilisation par des groupes communautaires... comme je l'ai mentionné, il existe différentes catégories à Burnaby, la Burnaby Multicultural Society, la Burnaby Association for Community Inclusion. Ceux-ci font un excellent travail et ont à l'occasion la possibilité d'accéder à des espaces de studio. Cependant s'il ne va plus y avoir que ce seul studio tout à côté d'ici, je ne pense pas que l'on verra se maintenir le taux de participation actuel.

Je regrette que le sénateur Carney ne soit pas ici. Elle a mentionné The Economist. Je viens tout juste de recevoir le tout dernier numéro — Joel Bakan, qui est professeur de droit à UBC, a participé à la réalisation du documentaire The Corporation — et la couverture met en vedette la responsabilité sociale des entreprises.

Je vais conclure en vous citant quelques paragraphes tirés de The Economist. On y lit ceci : « Souvenez-vous que Joel Bakan, professeur de droit contestataire et grand critique des sociétés contemporaines, a argué que la RSE est en règle générale une tromperie. La responsabilité sociale des entreprises, dit-il, c'est pour les gouvernements, et pas les entreprises; ce n'est pas à elles qu'il revient de décider des questions de politiques sociales, environnementales et industrielles ».

Je vais terminer avec un paragraphe du très subjectif The Economist. Voici : « Il est en effet souhaitable d'établir une claire division des responsabilités entre les milieux d'affaires et les gouvernements. Les gouvernements, qui sont redevables à leur électorat, devraient décider des questions de politique publique. Les gestionnaires, qui sont redevables à leurs actionnaires — et l'on en a beaucoup entendu parler aujourd'hui — devraient s'occuper de gérer leurs entreprises ».

Je tiens à remercier le comité de cette occasion qui m'a été ici donnée de prendre la parole, au nom non seulement de la ville de Burnaby, mais également des différents groupes communautaires de notre ville et de la région du Grand Vancouver.

La présidente : Merci beaucoup. Lorsque j'étais dans l'avion en route pour ici, j'ai lu le Harvard Business Review de mon voisin de rangée, et notamment un article très intéressant sur les quatre — je pense que c'est le bon nombre — étapes par lesquelles passent les entreprises lorsque confrontées à la question de leurs responsabilités sociales. Clairement, la première étape suppose inscrire quelque chose dans le programme public, ce que vous êtes en train de faire ici aujourd'hui.

Cependant, pour en venir au cœur de ce que vous disiez, je pense, votre propos, à moins que j'aie mal compris, est que Shaw ne respecte pas ses conditions de licence, n'est-ce pas?

M. Volkow : Je ne connais pas ses conditions de licence. Je ne voudrais pas y accorder plus d'importance qu'il ne le faudrait, mais historiquement, dans le Lower Mainland, il y a eu au fil des ans différents espaces du studio mis à la disposition des gens par les entreprises de câblodistribution. À une époque, il y avait un studio dans East Vancouver, un autre à Kitsilano, un autre à Burnaby, et encore à Surrey et un autre à Maple Ridge. Tous ces studios ont fermé. Voilà pourquoi je vous ai lu, afin que cela figure au procès-verbal, ces extraits du rapport Lincoln. Ne mâchons pas nos mots : 80 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent, dans n'importe quel contexte. Malheureusement, le reportage par les grands médias de cette question — et l'on a plusieurs fois parlé de CanWest — a été quasi inexistant; l'on ne voit jamais de reportage au sujet du fonds de télévision et des possibilités d'accès par les groupes communautaires aux canaux communautaires.

Ce qui se passe — et je ne sais pas si cela est généralisé, à l'échelle du pays, mais je suis un lecteur de journaux invétéré; j'en lis quatre par jour. Je regarde par ailleurs pas mal la télévision — j'apprécie tout particulièrement le Knowledge Network, qui a comparu plus tôt, et je regarde également le canal communautaire. Je suis depuis quelques années troublé par le nombre de personnes qui travaillaient autrefois pour les stations commerciales, des présentateurs professionnels, qui se voient maintenant accorder du temps et des émissions d'une heure par les canaux censément communautaires. C'est là un avis personnel, mais ce que je constate me préoccupe énormément.

Quant à la licence et au respect ou non des conditions dont elle est assortie, je laisse cela entre vos mains.

La présidente : Je sais que le sénateur Eyton a une question, mais j'aimerais simplement revenir sur quelque chose. À l'époque où il y avait ces nombres impressionnants de studios, est-ce que davantage de temps était disponible, ou bien tous ces groupes étaient-ils en concurrence pour les mêmes plages limitées que celles qui sont disponibles aujourd'hui?

M. Volkow : Ils se faisaient sans doute concurrence pour le même temps d'antenne. Cependant, la question était celle de la possibilité pour ces groupes dans ces régions de produire sur place leurs émissions. À mon sens, à Maple Ridge et à Surrey, la programmation n'était pas la même dans tous les créneaux horaire à l'échelle de la région. À Burnaby, les stations de télévision par câble ont en général des raccords avec Vancouver. C'est ainsi que ce que les gens voyaient à Maple Ridge à, mettons, 16 h, ne correspondait pas à ce que le téléspectateur de Vancouver regardait à la même heure.

Comme je le disais, certains diffuseurs professionnels obtiennent leur propre case horaire et il y a aujourd'hui des annonces publicitaires qui passent à la télévision dite communautaire. Cela soulève plusieurs questions, du côté surtout des groupes qui se voient exclus et qui ne peuvent donc pas communiquer leur message. Certaines personnes peuvent avoir des avis ou des opinions qu'elles veulent exprimer mais avec lesquelles certains ne seront pas très à l'aise, mais je pense qu'elles devraient au moins avoir l'occasion de les livrer.

Le sénateur Eyton : Merci, monsieur, d'être venu ici aujourd'hui et de nous avoir soumis ce cas. Il est gérable.

M. Volkow : C'est plutôt banal dans le tableau d'ensemble.

Le sénateur Eyton : Quelqu'un en a-t-il parlé à Shaw?

M. Volkow : Au fil des ans — et je siège au conseil municipal depuis neuf ans — le conseil de Burnaby a envoyé quelques lettres au prédécesseur de Shaw, qui était Rogers, au sujet de cette question et d'autres liées à la mise à la disposition de groupes communautaires de temps d'antenne.

Le sénateur Eyton : Vous n'êtes pas certain qu'ils aient parlé de cette question?

M. Volkow : Pour cette question-ci, je n'en suis pas certain. En vérité, la question vient tout juste de se poser.

Le sénateur Eyton : Eh bien, l'avocat un petit peu en panne que je suis vous dirait, premièrement, que vous devriez aller les voir et, deuxièmement, qu'étant donné que c'est votre espace géographique et que ce sont leurs câbles, vous êtes bien placé pour négocier en leur disant « Voici ce que nous aimerions faire », pour essayer de leur arracher un compromis. Les quelque 300 000 personnes qui pourraient être desservies par ce studio constituent une masse de gens incroyable, et je suis certain qu'ils pourraient faire beaucoup de bonnes choses qui pourraient être séduisantes pour la communauté.

M. Volkow : Eh bien, en tant que camionneur un petit peu en panne, je vais suivre les conseils d'un avocat un petit peu en panne et pousser un petit peu plus loin la chose.

La présidente : En tant que journaliste un petit peu en panne, je vous remercie énormément, monsieur Volkow.

M. Volkow : Nous sommes tous ici en train de tomber en panne.

La présidente : Nous vous sommes reconnaissants d'avoir été si patient, d'avoir attendu pendant un long après-midi alors que nous prenions de plus en plus de retard. Il nous est très important d'entendre parler de ce genre de choses. C'est bien joli d'entendre les grandes théories corporatives, mais il est également très important pour nous d'entendre des présentations comme la vôtre.

M. Volkow : Si je peux me permettre, je dois vous dire que je vous envie le travail que vous faites. Ce sujet est fascinant.

La présidente : Merci beaucoup.

Nous allons maintenant demander à différents groupes de venir à la table. Nous pourrons peut-être même en fait limiter les groupes à trois plutôt qu'à quatre participants, ce qui serait utile pour nous. J'invite donc à venir s'asseoir à la table dans le cadre du premier groupe M. Pedro Mora, de la Vancouver Community Television Association, M. Bob Hackett de la School of Communications à l'Université Simon Fraser, et M. James MacKinnon, de la Campaign for Press and Broadcast Freedom, ou CPBF. Bienvenue, messieurs.

Allez-y, je vous prie, monsieur Mora.

M. Pedro Mora, à titre personnel : Merci. Je produis de la télévision communautaire à Vancouver depuis près de 20 ans. Permettez-moi de passer en revue certains faits relatifs à la télévision communautaire et de peut-être suggérer certaines politiques publiques qui aideraient les médias canadiens à devenir plus démocratiques.

Pendant de nombreuses années, le CRTC a exigé des stations de télévision par câble qu'elles offrent un certain accès aux producteurs communautaires. Cela a été le cas jusqu'en 1996, lorsque le CRTC a supprimé cette exigence. Les propriétaires de la télévision par câble, qui dans tous les cas sont des entreprises de câblodistribution, ont graduellement commencé à fermer leurs bureaux et studios de télévision communautaire, jusqu'à ce qu'en septembre 2001 ils finirent par brusquement supprimer jusqu'aux émissions de télévision communautaire les plus anciennes et les plus populaires.

En 2002, le CRTC, dans un avis public, a exigé que les stations de télévision propriété d'entreprises de télévision par câble offrent de nouveau accès à leurs services aux groupes de télévision communautaire. C'est ainsi que les gestionnaires de télévision par câble ont graduellement cédé un petit peu de temps d'antenne. Nous autres, groupes communautaires, comme ICTV, Work TV et VCTA, vivons aujourd'hui la précarité qui nous vient des ordres qui nous sont imposés par les gestionnaires du câble.

Pourquoi ces médias communautaires sont-ils en crise? Ou la politique publique requise pour démocratiser la télévision communautaire au Canada n'existe pas ou bien elle n'est pas définie comme il se doit ou alors le CRTC ne l'interprète pas comme il le faudrait — et c'est peut-être là quelque chose que pourrait recommander le comité ici réuni.

Permettez que je sois plus précis encore. Le CRTC, en dépit de nos nombreuses demandes, n'est pas prêt à revoir sa réglementation de la télévision communautaire, qui ne prévoit pas que les groupes de télévision communautaire puissent obtenir une licence pour exploiter un canal communautaire. Cette omission dans la réglementation du CRTC, qui donne aux entreprises de télévision par câble le pouvoir exclusif d'administrer les canaux de télévision communautaire, est une condition très malsaine pour le producteur communautaire indépendant. Non seulement les médias communautaires sont assujettis aux caprices du câblodistributeur, mais nous autres producteurs communautaires ne sommes pas rémunérés pour nos émissions qui s'adressent à la population tandis que leur émulation des médias commerciaux est généreusement compensée. Et pour couronner le tout, cette compensation vient des redevances de câblodistribution du CRTC, qui sont censément destinées à la télévision communautaire.

J'ose espérer que vous pourrez recommander l'adoption d'une loi appropriée pour exiger du CRTC qu'il change la réglementation actuelle, de façon à veiller à ce que la télévision canadienne devienne saine, indépendante et démocratique.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Mora.

Allez-y, monsieur Hackett.

M. Bob Hackett, à titre personnel : Si vous permettez, j'aimerais céder la parole à M. MacKinnon. Notre présentation conjointe comporte deux parties.

La présidente : Allez-y, je vous prie, monsieur MacKinnon.

M. James MacKinnon, à titre personnel : Merci de cette occasion de prendre la parole devant vous, et si cela peut vous consoler, je suis moi aussi ici depuis 8 h 15 ce matin.

Je comparais ici au nom de la Campaign for Press and Broadcast Freedom. Il s'agit d'une organisation nationale de citoyens. Je suis pour ma part journaliste dans ma vie active. Il est juste de dire que la Campaign a été fondée largement en réaction aux préoccupations dont nous avons entendu parler aujourd'hui, relativement à la concentration des médias d'information au Canada. L'on a, tout au long des années 90, constaté une augmentation de cette concentration et peut-être également de l'inquiétude des gens à l'égard de l'utilisation faite des entreprises médiatiques dans le cadre de notre système concentré ici à Vancouver. Au fil de la journée, plusieurs sénateurs ont dit que la situation à Vancouver n'est pas nouvelle, et cela est certes le cas, mais une chose que je soulignerai est que l'inquiétude et l'intervention des citoyens en la matière, en vue d'essayer de changer ce système, ne sont pas nouvelles non plus.

J'aimerais vous livrer encore un autre exemple pour illustrer la sphère d'influence de CanWest ici à Vancouver. CanWest est un grand donateur aux programmes d'études en journalisme — par exemple, 500 000 $ pour l'école de journalisme de UBC et 300 000 $ pour le B.C. Institute of Technology. Bien que cet appui financier soit important pour ces établissements, cela fait également ressortir le fait que les écoles de journalisme sont exposées au risque de se trouver coincées entre leur responsabilité communautaire de livrer des analyses savantes tout en comptant sur CanWest pour des stages pour leurs étudiants, des conférenciers invités, des instructeurs, du financement direct et d'autres avantages encore de cette relation entre le milieu universitaire et les grands médias locaux.

Plus récemment, la Campaign a réorganisé ses énergies, abandonnant la réaction à la concentration des médias en faveur de la revendication proactive de ce que l'on appelle aujourd'hui la démocratie médiatique. Ce n'est pas une exagération de dire que nous appartenons aujourd'hui à un mouvement international en faveur de la démocratie médiatique. Compte parmi les réalisations les plus notables de ce mouvement la mobilisation aux États-Unis de quelque 3 millions de citoyens opposés à tout desserrement du plafond en matière de domination du marché américain. Il me faudrait souligner ici que le niveau de concentration aux États-Unis est en fait inférieur à ce qu'il est au Canada. Une réussite plus symbolique a été l'établissement de la Journée pour la démocratie médiatique, qui a pour la première fois été célébrée à Vancouver et à Toronto en 2001, et qui est aujourd'hui un événement international.

Il me faudrait définir le terme « démocratie médiatique ». L'idée laisse entendre que la fonction première des médias d'information dans une démocratie libérale est d'appuyer les valeurs démocratiques et la participation civique. Le concept n'exclut pas de nombreux autres objectifs; il laisse simplement entendre que ces objectifs moindres ne devraient pas pouvoir l'emporter sur la vitalité démocratique des médias d'information.

Nous croyons que la politique publique canadienne n'a pas été suffisamment vigilante à cet égard. En conséquence, le système de médias d'information est de plus en plus guidé par les impératifs commerciaux des entreprises médiatiques privées.

Je sais que je vais bientôt manquer de temps, alors je vais sauter très rapidement à un autre point. Un aspect de la Journée de la démocratie médiatique sur lequel j'aimerais attirer votre attention est notre Foire des médias indépendants. On y réunit des organisations médiatiques communautaires qui ne font partie d'aucun conglomérat médiatique, de quelque taille que ce soit. Il y a sur la liste les noms de 70 organisations. Le comité en a d'ailleurs entendu une, The Tyee. Il est tentant d'y voir toute une richesse de médias d'information communautaire indépendants et de déclarer que la démocratie dans le milieu médiatique est déjà chose faite. Je pense que ce serait là aller trop loin. Il serait plus raisonnable de dire que cette diversité représente le désir de nombreux Canadiens d'avoir des médias d'information plus riches, plus diversifiés et plus accessibles.

La présidente : Merci. Vous avez repris votre souffle, alors moi aussi. J'aimerais souligner, à l'intention de ceux d'entre vous qui ont des déclarations écrites, ou qui veulent coucher sur papier les propos qu'ils nous tiennent, que vous pouvez bien sûr nous envoyer ces textes. Nous veillerons à ce qu'ils soient distribués aux membres du comité.

Allez-y, monsieur Hackett.

M. Hackett : Merci, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis professeur de communications à l'Université Simon Fraser. J'ai pendant dix ans codirigé à l'université un projet de surveillance des médias appelé News Watch Canada. J'ai également travaillé avec la CPBF dont a parlé M. MacKinnon lors de l'organisation de sa Journée annuelle de la démocratie médiatique.

J'aimerais tout d'abord faire quelques brèves extrapolations à partir d'un certain nombre d'ouvrages, dont certains que j'ai signés, pour vous expliquer les raisons pour lesquelles il y a peut-être une certaine tension entre les valeurs démocratiques et la structure existante de notre système médiatique, dominé comme on le sait par les impératifs commerciaux du monde de l'entreprise.

Les universitaires estiment, premièrement, qu'il existe un problème s'agissant de l'établissement d'une tribune publique démocratique adéquate. À la lumière, tout particulièrement, de développements survenus dans les médias au cours des dix dernières années, plusieurs auteurs parlent par exemple du déclin de l'ethos qu'est le service public, déclin qui est le plus marqué aux États-Unis. Je pense qu'il nous faut en effet nous tourner vers les États-Unis pour constater les conséquences d'un système pleinement commercialisé dit déréglementé, afin de comprendre à quoi cela mènerait si nous choisissions cette voie — conflits d'intérêts entre conglomérats, tendance à vouloir s'arracher des téléspectateurs en usant de pratiques bon marché et faciles, par exemple émissions réalité et d'info-loisirs, et ainsi de suite. Le problème est vraiment celui de l'établissement d'une sphère démocratique publique adéquate qui fournisse aux citoyens vivant en démocratie l'information dont ils ont besoin.

Deuxièmement, il y a les inégalités politiques et économiques. Si la logique de la démocratie est une personne, une voix, alors la logique du commercialisme est un dollar, une voix. C'est ce que nous voyons déjà du côté des soins de santé. Il nous faut reconnaître ce même principe pour notre système médiatique : un système strictement commercial introduira des inégalités sur le plan accès et les différents groupes qui composent la population seront servis différemment.

Troisièmement, il y a dans un système commercial des tendances vers l'homogénéisation, qui sont en partie le fait de pressions commerciales, le fait de la publicité de masse d'il y a un siècle et, beaucoup plus récemment, des conglomérats et de la convergence, et il y a également des tendances vers la rationalisation, vers le repositionnement du même contenu, et cetera, ce dont vous avez sans doute entendu parler plus tôt dans la journée.

Quatrièmement, l'on constate un déclin du côté du sens d'appartenance communautaire. Les médias ne servent pas les communautés aussi bien qu'ils le devraient lorsque n'interviennent que des impératifs strictement commerciaux. Je pense que M. Volkow, conseiller municipal à Burnaby, a mis dans le mille, et aux États-Unis c'est clairement ce que l'on voit avec la concentration massive qui se fait du côté de la radio. Une entreprise appelée Clear Channel, qui possède aujourd'hui 1 200 stations de radio aux États-Unis, a plus ou moins fait des coupes à blanc dans la programmation locale.

Au Canada, je ne pense pas que notre situation soit pour le moment aussi grave, mais nous faisons de la recherche depuis dix ans et avons découvert ce que nous jugeons être des angles morts de couverture systématique dans la presse canadienne : la pauvreté et l'inégalité des classes, la dégradation environnementale en tant que problème systémique, par opposition aux déversements de pétrole spectaculaires, les problèmes touchant la main-d'œuvre et les travailleurs, la criminalité de cols blancs et la criminalité des entreprises, et les intérêts directs des entreprises médiatiques elles-mêmes.

C'est pourquoi nous aimerions vous recommander — et j'ose espérer que nous pourrons y revenir lors des questions — cinq principes de base. Premièrement, fixer un plafond en matière de domination du marché. Il nous faut des limites à la concentration et à la convergence qui fonctionnent aux niveaux local et régional, et pas seulement national, compte tenu de notre situation ici à Vancouver. Deuxièmement, nous pensons qu'il conviendrait de maintenir les exigences en matière de propriété, sans quoi l'on troque des gains à court terme pour des problèmes à long terme. Troisièmement, il faut un financement public à distance pour les médias communautaires et indépendants pour assurer un équilibre à l'intérieur du système médiatique, c'est-à-dire non pas en guise de remplacement de la limitation de la concentration des médias, mais en tant que mesure complémentaire. Il y aurait des moyens d'y parvenir sans transformer le gouvernement en examinateur à la censure. Nous pourrons en reparler si vous voulez. Quatrièmement, il conviendrait d'élargir le rôle du radiodiffuseur public avec, notamment, une revitalisation de la programmation régionale. La SRC/ CBC établit au moins une norme journalistique, même si ses auditoires ne sont pas uniformément vastes.

La présidente : Il vous faudra nous exposer votre cinquième principe lors de la période de questions.

M. Hackett : Merci.

La présidente : Merci beaucoup à vous tous. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Munson : Juste une courte question. Monsieur Mora, vous avez dit des producteurs communautaires qu'ils sont asservis aux câblodistributeurs. J'aurais pensé qu'une réunion comme celle-ci aurait été une occasion en or pour la télévision communautaire d'exprimer des opinions comme celles-là, mais cette occasion ne leur a pas été offerte. Est-ce là un exemple de situation sur laquelle vous n'exercez aucun contrôle, ou bien cela relève-t-il simplement de la décision des câblodistributeurs quant à ce qu'ils veulent couvrir dans le domaine communautaire?

À votre avis, quel changement législatif aimeriez-vous nous voir recommander au gouvernement et au CRTC?

La présidente : Toutes les questions seront posées en bloc, après quoi les témoins pourront répondre.

Sénateur Merchant, vous aviez une question?

Le sénateur Merchant : Vous avez mentionné le fait que vous n'ayez pas pu obtenir du CRTC qu'il accorde une licence aux gens de la télévision communautaire. Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles vos demandes ont été rejetées? Y a-t-il quelque chose que vous puissiez faire? Vous est-il possible de faire une autre demande pour tenter de corriger la situation?

Pourriez-vous nous dire pour quelle raison vous croyez que la télévision communautaire n'a pas pu obtenir un accès, car vous avez dit que cela a été donné aux entreprises de télévision par câble?

La présidente : Quel était votre cinquième point, monsieur Hackett? D'autre part, pourquoi croyez-vous qu'il existe des angles morts? Est-ce parce que le public n'est pas intéressé? Est-ce idéologique, ou bien est-ce simplement parce que c'est ainsi que cela a toujours été?

M. Mora : La première question portait sur le fait que la télévision par câble ne soit pas ici. Je suis ici et on ne m'a pas autorisé à filmer cette séance, car c'est votre règle, alors ce n'est pas dans ce cas-ci la télévision par câble qui nous tient en échec, mais bien votre règle à vous.

Votre deuxième question était la suivante : qu'est-ce qui constituerait une bonne loi? Une bonne loi imposerait au CRTC d'accorder démocratiquement des licences à des groupes communautaires au lieu d'accoler automatiquement les licences de télévision communautaire à des licences de câblodistribution. Il s'agit pour moi de deux activités distinctes : l'une offre le service de câble à la ville, et l'autre exploite une station de télévision. Aux yeux du CRTC, les deux choses vont de paire, l'une allant automatiquement avec l'autre. La loi devrait être plus spécifique quant aux règles que devrait établir le CRTC de sorte que des groupes communautaires comme le nôtre puisse obtenir ces licences et exploiter nos propres services de télévision communautaire.

Quant à la dernière question, celle de savoir si j'ai fait une demande, je me suis présenté aux bureaux du CRTC ici et y ai expliqué mon désir de faire une demande au nom de la VCTA, soir la Vancouver Community Television Association. On m'a répondu qu'il n'existait aucune disposition en la matière. J'ai alors écrit au CRTC mais la réponse, toujours la même, a été la suivante : « Le règlement prévoit que la licence fasse partie de la licence pour le câble, alors il n'y a rien que nous puissions faire. Nous réexaminons cela tous les cinq ans et peut-être que nous réfléchirons dans cinq ans à ce que vous êtes en train de nous dire ». Oui, voilà ce qu'ils ont dit.

La présidente : J'ignorais que cela était lié à la demande, mais merci beaucoup.

M. Hackett : Notre cinquième point, madame la présidente, était de réglementer les largeurs de bande, d'appuyer le bien public, principalement en réservant certaines plages, certaines possibilités de communication par satellite et la largeur de bande de l'Internet. Ce ne sont pas que de simples marchandises. Il conviendrait de prévoir des chasses gardées, comme cela se fait aux États-Unis, où il y a une bande pour le service d'intérêt public et les services éducatifs et la programmation communautaire...et j'oserais espérer que la bande qu'on obtiendrait serait plus large que ce qu'ils ont aux États-Unis.

L'autre question concernait les angles morts dans la couverture médiatique. Nous avons un livre intitulé « The Missing News : Filters and Blind Spots in Canada's Press ». Nous nous ferions un plaisir d'en faire cadeau au comité. En bref, c'est la question des valeurs en matière d'information et de la complexité de certains sujets — par exemple, la criminalité des cols blancs et des entreprises qui, selon certaines estimations, coûterait chaque année environ 30 milliards de dollars aux Canadiens. Ces histoires ne sortent presque jamais. C'est ainsi que les gens en arrivent à avoir une vision déformée du monde, si vous voulez.

Je pense que tout cela est une question de pressions commerciales et corporatives. J'estime qu'il y a une idéologie qui veut que l'Institut Fraser se soit très bien débrouillé en obtenant accès aux médias au cours des 10 ou 15 dernières années grâce à des stratégies publicitaires délibérées qui ont en fait été exposées au public il y a environ cinq ou six ans. Il y a donc une affinité idéologique entre le propriétaire des entreprises et les instituts d'examen des politiques, qui sont financés par l'entreprise privée. Je pense par ailleurs que dans le cadre de tout système commercial il y a une attirance vers les consommateurs plus aisés. L'histoire de la presse britannique montre que les quotidiens qui visaient les lecteurs de la classe ouvrière ont fermé boutique, en dépit de leurs millions de lecteurs. The Daily Herald serait un exemple de ce phénomène. De l'autre côté, des quotidiens à tirage plus limité destinés à des lecteurs davantage bourgeois, comme par exemple le Daily Telegraph ou The Times of London, se sont assez bien débrouillés avec une fraction seulement de l'effectif-lecteurs. Il y a donc, encore une fois, un préjugé en faveur des opinions, des sensibilités et des préférences culturelles et politiques des consommateurs aisés.

La présidente : Merci beaucoup. Monsieur MacKinnon, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. MacKinnon : J'aimerais simplement ajouter que l'on pourrait souvent remplir les angles morts en recourant aux organisations médiatiques communautaires et indépendantes comme The Tyee, par exemple, mais celles-ci ne peuvent tout simplement pas être concurrentielles dans le cadre d'un système conçu pour appuyer les monopoles médiatiques comme ceux que l'on voit à Vancouver. Monsieur Hackett — c'est peut-être dans le livre — a proposé une politique publique de pluralisme structuré, en vertu de laquelle le gouvernement structure le système médiatique encourageant la diversité des médias, puis se retranche pour éviter la possibilité de conflit entre pouvoirs publics et médias qui préoccupe tant les gens.

La présidente : Merci beaucoup à tous. Monsieur Mora, si vous êtes prêt à attendre jusqu'à ce que nous ayons terminé, je me ferai un plaisir d'avoir une conversation privée avec vous au sujet des raisons apparemment superficielles et parfaitement stupides, pensez-vous, pour lesquelles on ne vous a pas accordé l'autorisation de filmer aujourd'hui. Ces raisons, aussi enrageantes qu'elles puissent être pour vous, ne sont ni superficielles ni stupides.

M. Mora : Merci.

La présidente : Merci beaucoup à tous. Je pense que M. Hackett et M. MacKinnon ont préparé des textes. Je vous demanderais de nous les remettre.

Le groupe suivant de témoins que nous allons entendre est composé de Rafeh Hulays, de la Fédération canado-arabe, Riadh Muslih, ADALA, du Canadian Arab Justice Committee, et Brian Campbell et Barbara Jo May, qui ne compteront que pour une personne, de la B.C. Library Association.

Vous disposez de quatre minutes pour chacun faire votre présentation. Au bout de trois minutes je lèverai un doigt pour vous indiquer qu'il ne vous reste plus qu'une minute. L'on enchaînera ensuite avec les questions des sénateurs.

Monsieur Hulays, vous avez la parole.

M. Rafeh Hulays, à titre personnel : Je suis vice-président de la Fédération canado-arabe pour l'Ouest du Canada. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est ici donnée de vous soumettre nos préoccupations quant à la concentration des médias au Canada et tout particulièrement à Vancouver. Il ne peut y avoir de système démocratique en bonne santé si les idées et les moyens de les exprimer sont monopolisés. Cela vaut tout particulièrement lorsque ces monopoles sont exercés par des propriétaires mus par leur idéologie et qui ont l'habitude d'imposer leurs vues aux organisations médiatiques et d'user de tactiques d'intimidation.

Les monopoles sont, par inhérence, dangereux dans tout secteur d'activité, et des gouvernements de partout dans le monde le reconnaissent. S'agissant des médias, ils sont tout particulièrement dangereux, étant donné qu'ils concentrent énormément de pouvoir aux mains de quelques-uns. Les monopoles corrompent notre système et nos institutions politiques et font qu'il est impossible qu'il y ait un public informé. Ils poussent nos élus à adopter des politiques qui ne sont peut-être pas dans l'intérêt national ou qui ne reflètent pas les valeurs canadiennes. Journalistes et rédacteurs hésitent à contester leur employeur étant donné qu'il n'y a aucune perspective d'emploi dans leur domaine à l'extérieur du monopole.

Ceci m'amène à la couverture par CanWest de la situation dans le Moyen-Orient, du conflit entre Israël et la Palestine et des communautés arabes et musulmanes au Canada. Aux yeux de nombreux Canadiens arabes, CanWest semble s'efforcer par tous les moyens possibles de les diaboliser, eux et leur culture. De nombreuses initiatives ont été prises par des groupes arabes contre CanWest, mais celui-ci maintient une position absolument intransigeante et désinvolte. Je vais vous donner deux exemples.

Un article de George Jonas, chroniqueur syndiqué de CanWest, publié en juin 2002 illustre cette pratique avec ces mots, que je cite : « C'est la faute à l'Islam que l'on fait sauter des civils, y compris des femmes et des enfants ». Et il a ajouté : « L'Islam est le nouvel empire maléfique » — imaginez ce qui se passerait si l'on utilisait cette même image pour parler des Chrétiens ou des Hindous ou de n'importe quel autre groupe.

Mais ça devient pire. En octobre 2001, on pouvait lire ceci dans un éditorial du National Post : « Un nombre petit mais conséquent de Musulmans et d'Arabes canadiens sont prêts à assister des opérations terroristes ». Une semaine plus tard, le rédacteur en chef du National Post, Jonathan Bay, a déclaré ceci dans un article intitulé « The Healthy Views of bigotry : « La culture arabe n'est pas équitable envers les autres ». Et on peut lire plus loin dans l'article : « Le multiculturalisme est une caractéristique non réaliste qui suppose que toutes les créatures vivantes sont toutes aussi civilisées et éclairées les unes que les autres lorsque vous grattez à la surface ». Et nous sommes bien sûr d'accord là-dessus.

La couverture du Moyen-Orient et du conflit isréalo-palestinien offerte par CanWest est absolument épouvantable. Elle se résume à dire qu'Israël est bon et que les Arabes sont mauvais. Les journalistes ont le choix que voici : faire ce qu'on leur dit et se taire ou perdre leur emploi.

Depuis l'achat de CanWest par la famille Asper, il est presque impossible de faire publier des opinions qui nous sont favorables tandis que les éditoriaux débordent de louanges pour Israël et pour les attaques menées contre les Arabes et les Palestiniens. Si donc vous habitez Vancouver, vous n'entendrez jamais parler de la récente décision d'Israël d'exproprier de vastes terres aux Palestiniens à Jérusalem, chose qui a été largement couverte par Haaretz et que l'on retrouve dans le service des dépêches Reuters. Avec le contrôle par CanWest d'un très grand nombre d'organisations médiatiques au Canada, son influence est terrifiante, et avec son discours qui incite à la haine contre les Arabes, il sème la discorde au Canada.

Il n'existe à l'heure actuelle aucun mécanisme efficace de surveillance de CanWest, et c'est pourtant quelque chose qu'il nous faudrait le plus rapidement possible afin de préserver l'intégrité de la démocratie canadienne. Il est temps que le Parlement se penche sérieusement sur l'incidence de la concentration des médias dans ce pays et établisse un mécanisme de contrôle efficace pour prévenir les abus. Merci de votre écoute.

La présidente : Vous êtes parfaitement dans les temps. Merci.

Monsieur Muslih, la parole est maintenant à vous.

M. Riadh Muslih, à titre personnel : Je représente ADALA, un groupe de revendication arabe. Merci encore de nous avoir invités.

Aux yeux de la communauté canadienne arabe, que je représente ici devant vous, ainsi que des communautés musulmanes, les médias occidentaux ont traditionnellement été partiaux à presque tous les égards. Et c'est encore plus le cas dès qu'il est question du conflit entre Israël et le monde arabe. Nous sommes prêts à vivre avec cela et à confronter ces préjugés intellectuellement et rationnellement lorsque nous en avons l'occasion. Cependant, le plus gros obstacle à notre acceptation en tant que citoyens égaux dans ce pays est la concentration des médias aux mains d'un très petit nombre de personnes extrêmement puissantes, surtout lorsque celles-ci ont traditionnellement été influencées par des éléments sur lesquels nous ne sommes pas en accord et par d'autres qui maintiennent encore les vieux stéréotypes des Arabes et des Musulmans.

Au Canada, CanWest Global, la plus grosse entreprise médiatique au pays et l'une des plus importantes au monde, appartient à cette catégorie. Un professeur d'université a un jour déclaré que l'on pourrait caser tous les médias à Vancouver dans un seul et même immeuble, faisant allusion à cette concentration dans les grandes villes, comme Vancouver, où les deux quotidiens et une grosse chaîne de télévision appartiennent à la même société, dont une seule et famille détient plus de 85 p. 100 des actions.

Lorsque vous reconnaissez le droit des propriétaires de médias d'établir leurs propres préférences politiques et de promouvoir leurs propres points de vue, droit que nous devrions tous connaître, défendre et respecter — CanWest a, parallèlement à cela, adopté pour politique de bâillonner tous les autres à la manière d'un bureau de censure, pouvoir que même le gouvernement ne rêve pas de posséder, et qui n'est pas très différent de celui exercé par les gouvernements des pays non démocratiques dont la plupart d'entre nous sommes originaires.

Lorsque CanWest Global s'est lancé dans sa frénésie d'achats d'un bout à l'autre du pays, frénésie qui a duré des années 70 jusqu'aux années 90, elle avait promis de reconnaître et de respecter l'autonomie locale en matière d'opinions. Mais dans les faits, la société a centralisé le gros du travail de rédaction éditoriale sur les grands dossiers canadiens et les affaires internationales aux mains de ses rédacteurs à Winnipeg. Lorsque cela lui tentait, la société retravaillait ou bloquait les éditoriaux écrits par des journalistes locaux moins critiques, afin qu'ils soient plus critiques à l'égard des Arabes et des Musulmans. Elle a poursuivi cette pratique avec impunité et refuse d'adhérer aux règles en matière d'éthique. Ses éditoriaux, ses articles et même certains de ses points de presse ne diffèrent pas dans leurs idées extrêmes de ce que l'on voit en Israël ou même dans la presse arabe et musulmane.

Le pouvoir qu'elle exerce sur ses journalistes, qui ne disposent pas de beaucoup d'autres possibilités d'emploi et de gagne-pain, fait qu'il est presque impossible pour nous qui nous sentons visés de contester ce qui est avancé, car aucun journaliste des médias grand public n'est prêt à nous écouter, sans parler de transmettre nos opinions, de crainte de perdre son emploi. Ainsi, du fait de cette concentration des médias, chose qui est plus poussée au Canada que n'importe où ailleurs dans le monde, nous n'avons en réalité nulle part où aller pour nous engager de manière libre, respectueuse et démocratique, ce à quoi nous aspirons réellement nous autres Arabes et Musulmans.

La présidente : Merci beaucoup.

Monsieur Campbell, madame May, c'est maintenant à votre tour.

Mme Barbara Jo May, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Je pense que je vais simplement foncer et faire de mon mieux.

Nous comparaissons ici au nom de la B.C. Library Association. M. Campbell et moi-même sommes tous deux bibliothécaires municipaux. Notre association réunit quelque 800 membres et défend les intérêts des usagers des bibliothèques ainsi que des bibliothèques. Nous allons faire quelques commentaires au sujet de l'état des médias au Canada et vous donner également une indication générale du genre de politique et d'orientation réglementaire qui pourraient selon nous aider à veiller à ce qu'il y ait un public informé et une démocratie robuste. Nous soumettrons plus tard une déclaration écrite au comité.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que les bibliothécaires croient que le public a droit à une diversité d'information, d'opinions et de loisirs et que ces choses peuvent lui être livrées par une vaste gamme de sources. Nous sommes préoccupés par la consolidation, par la convergence et par la propriété croisée des médias. Plus près de nous, nous sommes préoccupés par ce que David Beers a appelé le rétrécissement du discours social ou public, le rétrécissement du débat public sur les questions sociales et politiques essentielles.

Les bibliothèques sont des institutions. Notre objet est de veiller à ce qu'il ait un vaste accès à la gamme la plus vaste possible d'information, de culture, de connaissances et d'idées. Il s'agit là de l'une de nos valeurs essentielles. Nous voyons également dans le cadre de notre travail quotidien la façon dont les gens cherchent des informations et toutes les questions qui tournent autour de l'accès à l'information par le biais de l'Internet et d'autres technologies nouvelles. Nous voyons les gens qui cherchent à obtenir de l'information pour améliorer leur vie, pour améliorer leurs communautés, pour augmenter leurs connaissances et leur participation au processus politique, qu'il s'agisse d'un problème de quartier, d'une préoccupation mondiale ou d'un débat national.

Les bibliothèques mènent leur travail de diverses façons. Nous faisons chaque jour dans notre quotidien la promotion de la médiatique et nous offrons des programmes de formation par le biais de bibliothèques scolaires et de bibliothèques publiques. Nous faisons la promotion de l'alphabétisation, qui est bien sûr la clé à une population informée. Nous offrons dans nos bibliothèques publiques l'accès à l'Internet, qui est essentiel aux personnes qui n'ont pas les moyens de se procurer des ordinateurs ou qui n'y ont pas accès chez elles.

Nous utilisons des occasions comme la Semaine du droit à l'information ou la Journée de la démocratie médiatique, dont M. MacKinnon a parlé tout à l'heure, pour sensibiliser le public aux questions entourant les médias, et nous nous efforçons de constituer des collections diversifiées et de trouver de nouvelles sources d'information et en ligne et dans la presse écrite. Cependant, les bibliothèques ne peuvent organiser, offrir et promouvoir que les ressources qui sont publiées ou produites. Nous sommes de plus en plus inquiets face aux sources d'information sur ce qui se passe à l'échelle locale et provinciale qui sont à la disposition des gens, et ce pour nombre des raisons qui ont déjà été évoquées par d'autres témoins aujourd'hui.

Nous sommes inquiets pour le travail de reportage parlementaire qui se fait dans cette province. Nous avons des commentaires que nous allons vous soumettre et qui donnent le détail des inquiétudes du public à l'égard des médias. Ce sont des renseignements qui ont été recueillis lors d'enquêtes menées par le Canadian Media Research Consortium et d'autres.

Je vais passer rapidement en revue certaines mesures dont nous pensons qu'elles pourraient déboucher sur une société de l'information plus ouverte et plus diversifiée. Nous recommandons qu'un moratoire soit imposé à la délivrance de licences de radiodiffusion tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas en place une politique claire relative aux fusions et à la convergence. Nous croyons, tout comme c'est le cas de témoins qui nous ont précédés, qu'il devrait y avoir des limites ou des plafonds raisonnables quant au nombre d'entreprises médiatiques que peut détenir une seule et même société à l'intérieur d'une zone déterminée. Nous estimons que les limites actuelles en matière de propriété étrangère devraient être maintenues et nous aimerions voir un soutien accru des médias d'information communautaires et indépendants de tous genres. Il y a The Tyee, ICTV, Co-op Radio — Vancouver compte quantité de médias indépendants très dynamiques.

La présidente : Merci.

Le sénateur Tkachuk : Ma question s'adresse aux deux premiers intervenants. Ils ont dit que CanWest est pro-Israël; cependant, de nombreux groupes juifs ont dit de CBC qu'elle est anti-Israël. Ainsi, certains disent que Global est pro-Israël, et d'autres disent que CBC est pro-Israël — et je ne pense pas que ce soit le cas. Puis il y a Newsworld, qui ne l'est certainement pas. Il y a RDI, qui est loin de l'être. Le Toronto Star n'est pas pro-Israël; The Globe and Mail a un très bel équilibre. Ils ne peuvent pas tous être d'accord avec vous, mais il existe une très grande diversité d'opinions. Ne s'agit-il pas là d'un aspect sain du débat dans ce pays?

La présidente : J'ai une question pour les représentants des bibliothèques. Y a-t-il des politiques particulières en matière de médias qui entravent selon vous le flux d'information? Ce pourrait être n'importe quoi — car je ne connais pas la réponse à cette question : droits, droits d'auteur, couverture. Vous avez évoqué l'existence d'angles morts de couverture, dont il a été question plus tôt, parlant des politiques corporatives qui font selon vous qu'il est plus difficile pour vous de faire votre travail.

Le sénateur Eyton : Ceci n'est en fait qu'une question qui découle du commentaire du sénateur Tkachuk. J'accepte et appuie son propos lorsqu'il dit qu'il existe des médias de rechange. Il est certainement possible de voir que les Palestiniens ont une histoire à raconter, et je pense l'avoir vue suffisamment, tout particulièrement dans des livres qui sont très disponibles, mais également dans les sources qu'il a mentionnées. Cependant, à supposer pour le moment qu'il faille faire quelque chose, vous avez parlé d'un genre de mécanisme de surveillance que vous proposeriez dans ce pays, où pourtant nous apprécions la liberté d'expression. Exception faite de cas de diffamation verbale, de sédition, d'incitation à la criminalité ou d'autres actes extrêmes du genre, quel genre de surveillance de la part d'un gouvernement pourrait-on envisager, de manière à obtenir par décision arbitraire l'équilibre que vous cherchez?

M. Hulays : J'aimerais dire une ou deux choses. Il n'y a pas de diversité d'opinions à Vancouver s'agissant de l'actualité. La réalité est qu'une partie importante du public obtient ses nouvelles dans les journaux; or, les journaux appartiennent à la même famille — qu'il s'agisse des petits journaux ou des grands quotidiens. Ceux-ci reçoivent leurs ordres du quartier général. La liberté d'expression n'existe pas lorsqu'un propriétaire de journaux qui monopolise le marché impose son opinion; c'est en fait tout le contraire de la liberté d'expression. La liberté d'expression signifie que les membres de la communauté qui ont peut-être des opinions différentes de celles de personnes en situation de pouvoir devraient avoir le droit de faire entendre ces opinions. Dans le Lower Mainland, il n'existe presque pas d'entreprises médiatiques pour lesquelles ce soit le cas.

Quel genre de comité de surveillance? Lorsqu'on parle entreprises commerciales, il y a un assez bon nombre de règles antitrust. S'agissant de la presse, de la télévision et des médias, des règles semblables devraient les régir également, mais il doit aussi y avoir un processus qui permette à une organisation communautaire comme la nôtre de déposer une plainte auprès d'un organisme musclé, et cela n'existe pas à l'heure actuelle. Nous pouvons nous plaindre autant que nous le voulons auprès de CanWest, mais CanWest nous ignore tout simplement. Nous pouvons par exemple nous plaindre au sujet de certains articles diffamatoires portant sur la communauté arabe et qui ont été publiés. Ces plaintes restent sans réponse.

La Fondation Asper a fait venir au Canada et a présenté à la télévision des conférenciers aux propos trompeurs qui incitaient à la haine à l'égard de la communauté arabe et musulmane. En fait, l'un d'eux a récemment été interdit de séjour au Canada, le gouvernement canadien jugeant qu'il fait de la propagande haineuse. Pourtant, il a participé à une émission de télévision d'une heure de la Fondation Asper au cours de laquelle il a craché sa haine. Soyons francs : il n'existe pas de mécanisme pour une communauté comme la nôtre, qui n'est pas puissante, qui n'est pas établie. Le gouvernement canadien n'a à mon sens pas fait un bon travail de protection des communautés comme la nôtre, surtout face à une entreprise extrêmement puissante.

La présidente : Vous deux avez quatre minutes pour répondre, et vous en avez déjà utilisé trois, alors je vais vous accorder une minute, monsieur Muslih.

M. Muslih : Nous ne le savions pas. Nous n'avons pas coordonné notre comparution et nous ne comparaissons pas ensemble.

Cela étant dit, honorables sénateurs, j'espère que vous n'avalez pas cet argument selon lequel toutes les personnes qui amènent la vérité sont antisémites et anti-Israël. The Globe and Mail, CBC et tous ces autres médias que vous avez mentionnés ont été accusés d'être contre Israël et antisémites du simple fait d'avoir présenté un point de vue différent.

Mon argument était qu'en plus de cela, à Vancouver même, il y a une forte concentration aux mains de CanWest. Je ne suis pour ma part pas en faveur d'un comité de surveillance. Je suis contre la censure, et c'est ce que j'ai dit. Nous ne voulons pas de censure. Nous ne voulons pas la censure d'organisations privées. Il existe des règles pour contrôler le secteur bancaire et d'autres, mais il semble que dans le cas des médias il n'y ait pas de règle.

La présidente : Nous comprenons vos difficultés.

Je n'avais pas compris que le sénateur Trenholme Counsell souhaitait poser une question au sujet des bibliothèques, alors avant que vous ne me répondiez, je vais l'inviter à poser sa question au sujet des bibliothèques.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je voulais en effet demander aux bibliothécaires ici présents, et je suppose que vous êtes bibliothécaires, étant donné que vous représentez la B.C. Association of Librarians, si, et peut-être que vous pourrez même élargir cela au reste du pays — et je pense que vous êtes très objectifs — il y a une opinion ou une crainte généralisée qu'il y a un manque de diversité et un manque d'opinions diverses dans les médias au Canada?

Mme May : Je répondrai à votre question en disant que, oui, des résolutions ont été adoptées, non seulement au sein de notre association, mais également par la Canadian Library Association et même par nos collègues au sud du 49e, résolutions qui expriment nos inquiétudes en la matière.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pourrions-nous en obtenir copie?

Mme May : Oui, oui, certainement. Nous croyons, s'agissant de ce rôle de veiller à ce que toutes les voix se fassent entendre — certaines voix sont plus fortes que d'autres, et les médias corporatifs dans cette ville ont certainement une grosse voix, et je pense que les politiques relatives aux médias doivent être conçues de manière à veiller à ce que ces autres voix soient entendues.

En ce qui concerne le soutien à donner aux médias indépendants et communautaires ou aux radiodiffuseurs publics, nous ne disons pas que nous ne voulons pas d'un secteur médiatique commercial. Nous pensons qu'il devrait y avoir un secteur commercial sain animé d'une bonne concurrence. Cependant, il faut en même temps que d'autres voix puissent se faire entendre.

J'ignore, monsieur Campbell, si vous voulez traiter de la question du droit d'auteur, car, sénateur Fraser, il s'agit là d'un dossier énorme pour les bibliothèques.

La présidente : Ne nous donnez pas une réponse énorme. Nous serions ravis de recevoir une lettre énorme, mais pour le moment, une réponse brève ferait l'affaire.

M. Campbell : Pour être bref, notre souci est que la loi canadienne en matière de droit d'auteur est en train de s'infléchir. Les amendements proposés à la loi sont en train de pencher du côté des créateurs et des propriétaires des œuvres créées, et ces propriétaires sont pour la plupart des entreprises, ce qui fait qu'il est très difficile pour les bibliothèques et pour d'autres organisations d'accéder à quantité d'information.

Un récent exemple sur l'Internet concernait la journée Martin Luther King. Il s'est avéré impossible de montrer le documentaire sur l'histoire du Mouvement pour la défense des droits civiques du fait de l'impossibilité d'obtenir les différents affranchissements de droits nécessaires. Nous avons fait plusieurs ateliers là-dessus. La création et la recherche sont en train de devenir difficiles du fait des limites imposées et de l'orientation de la loi canadienne en matière de droit d'auteur — c'est peut-être devenu un vrai carcan.

La présidente : Sérieusement, nous serions ravis d'avoir non seulement les résolutions mais toute documentation que vous voudrez nous fournir à ce sujet.

Merci beaucoup à tous. Encore une fois, toutes mes excuses pour les couperets, mais nous devons faire ce que nous devons faire.

Je vais maintenant inviter à venir se joindre à nous M. Donald Mackenzie, Mme Raisab Ward, directrice de l'Institute for Computing, M. James Ho, de Mainstream Broadcasting et M. Richard Ward, de la Community Media Education Society. Il semblerait que M. Ho ne soit pas là.

Vous connaissez la routine. Vous disposez de quatre minutes chacun. Ce sera ensuite au tour des sénateurs de vous poser toutes leurs questions à la suite, après quoi vous pourrez répondre.

Nous allons commencer avec M. MacKenzie.

M. Donald G. MacKenzie, à titre personnel : Bonjour. J'apprécie le privilège que vous me faites en m'autorisant à m'entretenir avec vous quelques instants.

Je vais commencer par vous exprimer ma reconnaissance, en mon nom propre, et, j'en suis certain, au nom de nombreux autres, les Squamish, les Musqueam et les Tsawwassen, sur les territoires traditionnels desquels nous avons le privilège de nous retrouver.

Je vais commencer par vous citer les paroles d'un jeune Autochtone que j'ai entendu récemment alors qu'il faisait du hip-hop au centre d'amitié autochtone de Vancouver. J'aurais bien du mal à me rappeler la plupart du contenu, mais ceci, je l'ai retenu : « Récits d'événements d'actualité racontés par ceux qui ont les dollars et les cents ». J'ai dit, à la blague, que si l'on remplaçait « cents » par « sens » — s-e-n-s — ce ne serait peut-être pas si mal.

Il existe une publication intitulée Business Edge qui est relativement nouvelle ici dans l'Ouest du pays et qui l'est encore davantage dans le centre du Canada, et il m'arrive de discuter avec son éditeur en Alberta. Je lui ai dit, après avoir parcouru plusieurs numéros « Je commence à avoir l'impression que vous autres vous vous intéressez vraiment aux histoires des Autochtones et aux histoires environnementales ». Il a répondu : « Eh bien, j'ai un préjugé pour ce qui est de ces deux questions, mais nous estimons qu'il existe un marché, qu'il y a de l'intérêt pour ces deux dossiers et que ceux-ci ont tendance à être sous-représentés dans les médias grand public ».

Troisièmement, je repense à William Lyon MacKenzie King, un grand-père maternel, William Lyon MacKenzie, et à ses presses à imprimer qui se faisaient sans cesse jeter dans le port de Toronto. Les voyous qui jetaient les presses à imprimer dans le lac étaient bien sûr des jeunes issus des familles privilégiées du Pacte de famille.

Quatrièmement, le Colloque mondial des villes va avoir lieu ici à Vancouver l'an prochain. J'aimerais qu'il soit rebaptisé Colloque mondial rurbain — r-u-r-b-a-i-n — pour renvoyer au besoin d'assurer le lien entre les régions rurales et les régions urbaines, chose qui a été évoquée plus tôt aujourd'hui. L'on a également parlé de « despotisme bienveillant » et il serait peut-être préférable de parler de « despotisme humanitaire », d'un despotisme qui ne fait pas que souhaiter faire du bien, mais qui en fait véritablement. Je soulignerai que « bienveillant » est l'adjectif et que « despotisme » est le substantif, d'où la facilité avec laquelle on peut parfois retirer un adjectif pour en mettre un autre.

Il a également été question de financement robuste pour les intervenants publics, et je dirais que le peuple autochtone serait tout particulièrement qualifié pour ce genre de soutien proactif, et au sein du peuple autochtone, il y aurait lieu de viser tout particulièrement les jeunes.

Le septième et dernier point que j'ai mis en relief ici est qu'au sein de la culture orale il y a cette obligation sacrée de dire la vérité. Au début du XXIe siècle, ce pourrait-il que tous les médias soient sensibles à un genre d'obligation sacrée de dire la vérité?

Mme Ralsab Ward, à titre personnel : Je suis professeure à UBC et directrice de l'Institute for Computers. Je suis vancouveroise depuis 33 ans. Je suis Canadienne d'origine arabe et je crois avoir droit à de l'information impartiale, objective et correcte mais que la presse ici en Colombie-Britannique ne m'y autorise pas. CanWest, qui est propriétaire de tous nos quotidiens, a un préjugé très net en faveur d'Israël. Mais c'est plus que cela, en ce sens que l'on nous refuse des actualités justes et objectives. Lorsque M. Asper a été interrogé sur le Moyen-Orient dans le cadre d'une entrevue de CBC, il a dit « Qu'ils aillent lancer leur propre quotidien ».

Il y a un peu plus de deux ans, je suis allée à un dîner auquel il se trouvait quelqu'un de CanWest. J'ai parlé de cette question et cette personne a dit : « Eh bien, nous ne pouvons rien publier qui jette une lumière négative sur Israël ». Les nouvelles qu'on nous livre ne sont pas objectives, ne sont pas impartiales. Cela est très dangereux, car nous n'avons en Colombie-Britannique pas d'autres quotidiens locaux à lire. Je ne veux pas lire un quotidien torontois, car il ne contiendra aucun reportage sur ce qui se passe en Colombie-Britannique. À UBC, personne n'achète les journaux de CanWest. Je ne connais aucun professeur qui reçoive The Vancouver Sun ou The Province, mais on parle ici de l'élite intellectuelle. La plupart des gens ici lisent ces journaux, et ils sont sans cesse endoctrinés contre les Arabes et Musulmans. Il se trouve que ce sont là mes origines, et cela me bouleverse réellement, et j'estime qu'ici en Colombie-Britannique, nous devrions pouvoir obtenir des informations objectives. Je n'ai pas beaucoup de moyens, je n'aime pas regarder la télévision, j'aime simplement lire, et je ne veux pas devoir aller sans cesse sur l'Internet pour me tenir au courant de ce qui se passe. The Vancouver Sun et l'autre journal, mon journal local, appartiennent à CanWest.

Je trouve que CanWest diabolise sans cesse les Arabes et leur culture. Ce n'est pas bien, ce n'est pas cela la démocratie. Il devrait être interdit à quiconque dans n'importe quelle province de posséder plus de 50 p. 100 de la presse, surtout si sa politique est de faire du lavage de cerveau au sujet d'une chose ou d'une autre.

Reuters a fait toute une histoire avec CanWest au sujet des visions mondiales du terrorisme. J'ai entendu beaucoup de choses au sujet d'eux. Par exemple, d'importantes manifestations, les premières tenues en Iraq, n'ont jamais même été rapportées. Lorsque Scott Riddle est venu ici et l'autre, Derek Salivais et Eric Vance, il y avait des centaines de personnes, mais on n'en parle pas. Les Arabes sont toujours des terroristes meurtriers et Israël agit toujours par autodéfense. Pire que cela — ils avaient toujours été pro-Chrétien, jusqu'à ce que Chrétien décide de ne pas participer à la guerre en Iraq, puis tout d'un coup ils ont commencé à publier toutes sortes de choses négatives au sujet de Chrétien.

Hier, le Canadian Democratic Congress a publié un rapport dans les journaux, huit d'entre eux en Ontario et au Québec, et encore une fois, CanWest, le National Post, étaient en tête de liste pour ce qui est de l'usage de termes anti-islamiques —

La présidente : Excusez-moi, mais vos quatre minutes sont écoulées. Mais n'oubliez pas que vous pouvez toujours, si vous le voulez, nous envoyer tout ce que vous voulez par écrit.

Monsieur Ward, vous avez la parole.

M. Richard Ward, à titre personnel : Je suis membre du conseil de la Community Media Education Society. Le conseiller municipal Nick Volkow a dit beaucoup de ce que j'avais compté vous expliquer, mais je vais vous donner quelques explications de base.

Le canal communautaire, selon la Loi sur la radiodiffusion, est l'un des trois piliers du système de télévision canadien. En 1997, le CRTC a supprimé l'exigence que les câblodistributeurs offrent un canal communautaire. Suite à un tollé public à l'échelle du pays, et tout particulièrement au Québec, le CRTC a rectifié le tir en 2002 garantissant que la télévision communautaire soit offerte ou par un câblodistributeur ou par une société indépendante sans but lucratif.

La télévision communautaire est financée par une redevance, qui est en définitive une taxe; il ne s'agit donc pas d'argent en provenance du câblodistributeur, mais bien de son public. Dans les villes comptant plus de 6 000 abonnés, 2 p. 100 des revenus bruts des câblodistributeurs sont consacrés au canal communautaire. Les plus petites communautés en obtiennent 5 p. 100. Ici, dans le Lower Mainland, 5 millions de dollars sont chaque année consacrés à la télévision communautaire. Là-dessus, 99 p. 100 servent à de la programmation contrôlée par le câblodistributeur. Rien n'est versé à l'ICTV, l'Independent Community Television Co-operative, le groupe sans but lucratif dont les émissions sont conformes et à l'esprit et à la lettre des règles du CRTC.

J'aimerais vous renvoyer au rapport du Comité permanent de la Chambre du Patrimoine canadien, intitulé « Notre souveraineté culturelle ». Le groupe que je représente, CMES, appuie fermement la recommandation finale visant à habiliter le vérificateur général à mener des vérifications auprès des entreprises autorisées en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.

J'attirerais tout particulièrement votre attention sur la recommandation 19.17 de ce rapport, en réaction à cette déclaration au sujet de notre souveraineté culturelle dont le conseiller municipal Volkow a traité dans le détail. J'avais demandé au comité permanent, lors de la rédaction du rapport, de se renseigner sur la façon dont l'argent en provenance des redevances de câble était dépensé. J'avais dit « Je suis membre d'un groupe sans but lucratif, mais vous, vous siégez au Parlement, et vous pouvez vous renseigner ». La réponse, le résultat, comme vous pouvez le voir, est que les députés ont été frustrés et découragés. J'estime que lorsque le Parlement est si directement bafoué il doit agir de façon énergique, sans quoi nous perdrons tout le pouvoir que nous confère la démocratie.

Le canal communautaire ici en ville ne devrait pas être converti en un véhicule promotionnel bien rôdé pour les services par câble. La télévision communautaire ne devrait pas recevoir de revenus de publicité de radiodiffuseurs commerciaux, comme cela se passe ici à Vancouver. Les bénévoles devraient pouvoir utiliser le canal communautaire au service de leurs propres idées, comme lieu d'entraînement pour leurs compétences médiatiques pratiques. L'idée de la télévision communautaire est bien respectée à l'échelle mondiale. CMES a, conjointement avec ICTV, accueilli des délégations du Brésil, du Japon et de la Corée du Sud, pays qui reconnaissent le Canada comme étant le berceau des chaînes communautaires.

Si votre rapport établit la position du Canada dans les médias mondiaux, peut-être que nous pourrons tendre vers la mondialisation avec une représentation. Nous sommes encouragés par votre étude sur les politiques relatives aux médias. Nous attendons avec impatience les mesures que vous prendrez. Merci beaucoup.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci, madame la présidente, collègues et invités. Nous avons beaucoup entendu parler de la situation israélo-arabe.

Monsieur MacKenzie, pensez-vous que dans l'Ouest canadien, surtout ici en Colombie-Britannique, les questions relatives à la communauté autochtone soient couvertes de façon juste et exhaustive?

La présidente : Ma question rejoint celle-là, car j'ai cru comprendre, d'après vos remarques, monsieur MacKenzie, que vous ne pensez pas qu'une couverture suffisante soit donnée aux affaires autochtones et communautaires. Si j'ai en cela raison, alors vous répondrez à ma question en répondant à celle du sénateur Trenholme Counsell. Pensez-vous que la solution réside en une multiplication des médias autochtones ou en une augmentation du nombre d'Autochtones actifs dans les médias grand public? Vous avez la parole.

M. MacKenzie : Oui. Oui. J'ai du fil à retordre avec Broadcast News, et pas seulement avec eux. Bien franchement, je trouve depuis quelque temps que les nouvelles sont si mauvaises que je ne regarde plus les images à la télévision; je lis simplement le texte, et c'est à peu près tout ce que je peux supporter. D'aucun penseront peut-être que c'est là du pinaillage et du vitillage, mais je ne le pense pas. J'entends parler des Autochtones comme étant des « Aborigènes » ou des « sauvages », et autres choses du genre. Ce langage est à mon sens condescendant et mesquin, étant donné surtout que nous sommes l'une des catégories les plus défavorisées parmi la société canadienne.

J'aimerais donc voir une carotte, sinon un bâton, s'agissant du ton employé. Il conviendrait de parler de « peuples autochtones » et de « populations autochtones ». Je pense qu'une partie de la réponse à l'une des questions est oui et oui.

Il y a un jeune homme autochtone du nom de Duncan McHugh, qui vient du centre du Canada, et qui est rattaché à CBC ici. Il m'a dit être l'un des seuls Autochtones dans les médias grand public. J'aimerais également mentionner, afin que tout le monde soit au courant, que notre belle et bien aimée Gloria Macarenko a un seizième de sang Tlingit et qu'elle en est très fière. Je l'asticote souvent au sujet de ses liens avec les Tlingit.

Pour ce qui est du gestalt, en anglais l'on voit souvent de ce que j'appellerais l'hyper-consumérisme. « Je crois que ces Autochtones sont vraiment de très mauvaises personnes, parce qu'ils croient réellement que dans leur culture traditionnelle l'on devrait véritablement s'occuper de notre mère la terre, et que les questions de rentabilité et autres ne cadrent pas du tout avec leur culture, s'ils y sont sensibles ». J'ai trouvé les références à la société et les non-sens, selon moi, que cette connaissance à moi, qui est à la tête du Fraser Institute, a racontés dans ce film plutôt magnifique.. mais je pense que cela fait partie du contexte.

La présidente : Vous allez bientôt manquer de temps.

M. MacKenzie : Je pense que les Autochtones qui sont sensibles à leur culture sont perçus comme étant une menace au berceau de l'hyper-consumérisme, et qu'il faudrait en conséquence les dévaloriser. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur MacKenzie. Merci beaucoup à vous tous.

Ceci nous amène à notre dernier groupe de témoins. J'invite donc M. Kevin Potvin, Mme Joan Jenny et M. Chris Budgell à venir se joindre à nous.

Cette fois-ci, ce sera le greffier qui brandira son doigt après trois minutes, et vous disposerez chacun de quatre minutes.

Monsieur Potvin, allez-y, je vous prie.

M. Kevin Potvin, à titre personnel : Merci beaucoup. Je représente le Republic of East Vancouver Newspaper.

Avant de commencer, j'ai pensé qu'il serait peut-être bon de souligner, afin que cela figure au procès-verbal, comme elle le souhaiterait sans doute, que le sénateur Carney n'a pas jugé utile de rester sur place jusqu'au volet public de l'audience.

La présidente : Le sénateur Carney a résisté tant et aussi longtemps que cela lui a été possible. Elle a pris un vol de nuit pour être des nôtres ici. Sa santé n'est pas au beau fixe. Elle nous a demandé de dire à quiconque était ennuyé par son absence qu'elle s'en excuse profondément. Elle tenait beaucoup à cette visite à Vancouver. Croyez-moi, elle saura absolument tout sur ce qui s'est passé ici.

M. Potvin : Aux fins du procès-verbal, je trouve intéressant qu'on nous rappelle aujourd'hui dans l'actualité que le contrôle éditorial est l'objet même de la propriété. Vous verrez cela dans les nouvelles : la famille Asper, propriétaire de CanWest Global, a obtenu une injonction d'un montant de neuf chiffres relativement à la propriété du Jerusalem Post. Je crois comprendre d'après les rapports que j'ai vus que la principale question concerne le contrôle éditorial. Il semble qu'il y ait un différend entre les associés quant à savoir qui exercera le contrôle éditorial sur le journal. Il ne suffit pas d'avoir une entente d'une valeur à neuf chiffres, alors la propriété des journaux tourne pour la plupart ou en tout cas en grande partie autour du contrôle éditorial, au cas où il demeure quelque confusion là-dessus.

Je me demande quel est l'objet du comité sénatorial ici réuni. Vous êtes envoyés ici pour entendre des préoccupations relativement à l'état actuel des médias de divers représentants de l'industrie et du public. Comme l'a souligné le sénateur Tkachuk, de façon générale, les sénateurs ne peuvent rien y faire de précis et ne feront rien du tout. Vous venez donc ici, vous tenez ces audiences puis vous retournez chez vous, tout cela en l'espace d'une seule et même journée. Je me demande donc si, ce faisant, tous les participants ici ne sont pas en train de contribuer au maintien du statu quo, dont nous avons tous convenu qu'il est inacceptable. Tout le monde se dira maintenant : « Le gouvernement y a fait quelque chose; des rapports vont sortir. Chacun a eu son mot à dire ». Les gens sont en fait en train de gaspiller leur énergie destinée à amener le changement en faisant semblant que ce comité sert ici quelque fin.

Quelqu'un pourrait-il donc me dire quel résultat concret il entrevoit à partir d'ici?

La présidente : Merci beaucoup.

Madame Jenny, vous avez la parole.

Mme Joan Jenny, à titre personnel : Merci. Je représente la Northern Comfort Production.

J'apprécie l'occasion qui m'est ici donnée de prendre la parole devant vous ce soir et je vous rends hommage à tous d'être ici. En ma qualité d'auteure, de productrice et de directrice, je suis ici pour représenter également le public. J'ai été intervenante lors des audiences tenues par le CRTC en 1996 et je suis membre de l'équipe noyau du Craig Broadcasting System.

Le comité ici réuni aujourd'hui est un groupe de personnes courageuses dont le mandat, vu la complexité des dossiers, pourrait être perçu comme étant tout à fait non réaliste. Une question pourrait être la rentabilité et les monopoles. Une autre, la responsabilité des médias, la pertinence à l'égard de la communauté et la façon de livrer le service.

Le média lui-même, le message, lui, ne change jamais. Le message tourne autour des besoins authentiques des habitants de toutes les communautés. L'histoire des gens sera toujours la source, et non pas les entreprises, les journalistes. L'histoire sera toujours l'expérience des gens, qu'ils soient bons, mauvais ou méchants. C'est David Beers, de The Tyee, qui a le mieux résumé la situation : « Faites le travail ».

J'aimerais vous donner quelques exemples du travail que j'ai fait et qui représente les médias. En 1985, j'ai produit un reportage sur l'anorexie avec un rédacteur de mode de The Province. Je n'ai pas reçu un sou. En 1986, Keith Fraser de The Province nous a aidés avec des dossiers sur l'enseignement à domicile par les parents, dans le sillage de la Commission royale sur l'éducation. Je n'ai pas reçu un sou. En 1992, dans le quartier centre-sud de Los Angeles, j'ai travaillé aux côtés de membres de gang à un reportage qui a été couvert par KCLA et le Los Angeles Times. Je n'ai reçu aucune contribution financière. En 1995, CKVU, enchaînant sur le travail de Fabian Dawson de The Province, a fait un reportage sur l'éthique du projet B.C. Hydro International qui menaçait de déplacer le peuple Penan en Malaisie. Le projet a été stoppé. Je n'ai pas reçu d'argent et ma liste pourrait se poursuivre encore et encore.

Le public se tourne vers les sources médiatiques en vertu d'une réaction automatique qui le pousse à vouloir se renseigner lorsqu'il y a crise. Les relations médiatiques sont une vocation noble et c'est un privilège que d'y participer; mais il y a un équilibre à établir avec les profits et l'accès. Ce n'est pas pour rien que l'on parle de « relations avec les médias ». Chacun doit faire son bout de chemin pour que l'on se retrouve au milieu. Dans le cadre des discussions au sujet de The Tyee, je pense qu'il faudrait envisager la chose simplement comme une initiative commerciale, comme l'Auto Network Co-op, qui à ses débuts a été aidée par VanCity Financial Resources.

J'aimerais maintenant me concentrer sur une tâche réaliste pour ce comité constructif, et je veux vous parler de l'accès au câble pour la communauté.

La seule formation formelle que j'aie jamais reçue est celle offerte au public par Shaw Cable dans les années 1980. C'est le conseiller municipal Volkow qui vous a donné la meilleure brique à poser dans notre collectivité à l'heure actuelle. Lorsque je parle d'« accès », nous avions tout le matériel, la station, nous faisions tout nous-mêmes, il n'y avait pas d'identité corporative, et c'est ainsi que nous avons peaufiné nos compétences. Cela me ramène à ce qu'on disait tout à l'heure au sujet du désenchantement des jeunes.

Un grand nombre des questions en Colombie-Britannique — nous avons perdu des ressources par la faute de notre gouvernement, le système d'éducation ne répond pas aux besoins des jeunes, et c'est pourquoi l'accès public grâce au réseau de câblodistribution est essentiel pour nous. Merci.

La présidente : Merci beaucoup, madame Jenny.

Monsieur Budgell, vous avez la parole.

M. Chris Budgell, à titre personnel : Merci. Je ne comparais ici qu'en mon nom propre, alors je vais m'appeler citoyen. Je n'aime pas que l'on m'appelle consommateur. Je n'ai pris connaissance de vos audiences que pendant la fin de semaine, alors je n'ai de ce fait pas de notes préparées. J'ai trouvé cette rencontre très stimulante.

J'ai beaucoup d'idées au sujet des différentes choses dont j'ai entendu parler, alors j'ai pensé toucher à une ou deux questions dont je n'ai pas beaucoup entendu parler. Il me faudrait également dire que j'ai beaucoup de respect pour les propos que j'ai entendus. Je nourris un certain scepticisme quant à certaines des positions que j'ai entendues et qui semblent pencher vers le statu quo ou le laisser-faire, mais je ne vais pas faire de recommandations quant à ce que vous devriez, selon moi, faire.

Les deux aspects sur lesquels j'aimerais me prononcer sont l'idée de la créativité en vue de changer l'environnement, et le contrôle et le censure. Ce sont là deux questions très distinctes.

Je trouve très intéressante la question de la créativité. Nous n'avons pas parlé de l'histoire de l'aide aux médias, et cela m'intéresse. Il me plaît d'examiner les choses dans le long terme pour m'y retrouver, alors il me faut tenir compte du fait que la presse remonte, disons, jusqu'à au moins Gutenberg. Suite à cette invention, il y a sans doute eu une période de grande créativité, mais j'ignore pendant combien de temps elle a duré. Il semble qu'il y ait eu une autre période de créativité dans la presse écrite au XIXe siècle, du fait, largement, de la révolution industrielle, et il y a également eu de la créativité avec l'un des barons de la presse, comme on les a appelés, à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Il y a ensuite eu la cinématographie, qui n'a pas du tout été mentionnée ici, et que je considère comme étant un médium, la radio, la télévision, puis, brusquement, voilà qu'est apparu l'Internet.

Ce qui me frappe comme étant intéressant c'est l'importance du processus de créativité qui s'est dessiné avec chacun de ces médiums. Je dirais que la télévision, par exemple, a beaucoup hérité de la cinématographie et de la radio. En fait, il est survenu une brève période de créativité avec l'avènement de la télévision — je ne suis pas assez vieux pour m'en souvenir — mais je dirais qu'elle a duré moins de dix ans. Il y a eu une poussée de réelle créativité, et j'entends cela dans le sens le plus large, contenu inclus.

Ce que vous avez maintenant avec l'Internet, c'est, je pense, le grand tableau. De façon générale, l'on regarde par le rétroviseur. L'on essaie de déterminer où l'on se trouve en regardant là où on a été. L'Internet, on le voit à travers le pare-brise, et ce que l'on voit est flou, et le flou fait peur. Je pense que l'Internet va exploser sous tout l'establishment, toutes les institutions canadiennes et le monde tout entier, et nous n'y sommes pas prêts. Vous n'êtes pas suffisamment tournés dans la bonne direction.

Il semble que je vais manquer de temps, alors je ne vais rien pouvoir dire au sujet de la question de la censure.

La présidente : Peut-être que quelqu'un vous posera une question là-dessus.

M. Budgell : Bien.

La présidente : Avant que l'on ne passe aux questions, j'aimerais rassurer ou essayer de rassurer M. Potvin : non seulement mes collègues conservateurs, mais également, j'en suis certaine, mes collègues libéraux, conviendront avec moi que cette étude du comité n'a pas été lancée par le gouvernement et que nous ne représentons certainement pas le gouvernement. Cette initiative émane entièrement du Sénat lui-même. Elle émane de ce que vous appelleriez peut-être les sénateurs de l'arrière-banc. Elle a joui d'un important appui bipartisan, ce qui était nécessaire pour obtenir le mandat du Sénat d'aller de l'avant. Ces audiences ne s'inscrivent aucunement dans une étude gouvernementale. Quant à ce que nous espérons réaliser, il vous faudra attendre de voir ce que nous dirons lorsque nous déposerons notre rapport.

Le sénateur Tkachuk : Je tiens à ce que vous compreniez. Ce que j'ai dit c'est que nous n'avons pas le pouvoir. Nous avons le pouvoir de recommander, et ce sera alors au gouvernement qu'il reviendra de décider s'il veut mettre en œuvre nos recommandations. Voilà ce que j'ai dit. Je n'a pas dit que nous ne ferions rien.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai relevé dans la première question un peu de cynisme, et je tiens à dire, et je pense pouvoir parler au nom de tous mes collègues, même si je n'ai pas mené de sondage, mais j'ai certainement eu des discussions avec un nombre suffisant d'entre eux, que nous ne sommes pas le moindrement cyniques à l'égard de cette question. Il y a dans la salle un nombre considérable de personnes; cette journée a été une expérience d'apprentissage incroyable pour nous. Je pense que si nous allons être payés par le peuple canadien pour être en poste à Ottawa, il nous faut apprendre auprès de Canadiens de partout au pays, et cette journée a été formidable. Nous devons tant à toutes les personnes qui ont comparu devant nous, alors je ne pense pas du tout que vos propos tombent dans les oreilles de sourds. Je pense que même si nous ne pouvions qu'utiliser nos voix individuelles pour présenter ce que nous avons appris ici lors de nos voyages à travers le Canada, cela en vaudrait la peine. Il y aura un rapport, un rapport officiel, et j'ose donc espérer qu'en bout de ligne vous aurez le sentiment que cela a valu la peine.

La présidente : Bien sûr, nous espérons que ce sera le plus beau rapport que quiconque ait jamais écrit sur quoi que ce soit.

Ma question s'adresse à Mme Jenny. Je n'ai pas très bien suivi lorsque vous avez donné cette longue liste d'histoires fascinantes, d'histoires importantes auxquelles vous avez travaillé, lorsque vous disiez « Je n'ai pas reçu un sou ». Est-ce parce que quelqu'un a refusé de les publier, ou bien avez-vous fait ce travail de façon bénévole?

Mme Jenny : C'est parce que les histoires n'auraient pas été publiées si j'étais passée par les canaux habituels. C'est parce que j'ai tout risqué. J'ai créé tout le projet, je le leur ai livré. Cela ne leur a rien coûté du tout; c'est ainsi qu'ils ont pu ou voulu le faire.

M. Potvin : J'aimerais tout d'abord réagir à ce que vous avez dit. Je suis confus. J'avais l'impression qu'on vous avait présentés comme étant des sénateurs et qu'en tant que tels, vous étiez ici en tant que représentants du gouvernement du Canada, dont fait partie le Sénat. Si tout le monde est ici, ce n'est pas parce que vous êtes citoyens mais bien parce que vous êtes sénateurs du gouvernement du Canada. C'est pourquoi tout le monde veut vous parler. Ce n'est pas souvent que nous en avons l'occasion, en tout cas pas le long de cette côte-ci.

En ce qui concerne votre commentaire en matière de recommandations, je suppose que c'est à cela que je veux en venir. Cela rejoint également votre commentaire. Il me semble que cela s'est déjà vu maintes fois auparavant. Il y a eu la commission Kent. Il y a environ 30 ans — je n'en suis pas certain, M. Hackett pourra m'éclairer. À la lecture des rapports produits par cette commission, la chose qui m'a frappé est que l'un des commentaires finaux de M. Kent était qu'il ne devrait pas y avoir de concentration de propriété de plus de 10 p. 100 de toute branche des médias dans le marché urbain, important, sophistiqué, et pourtant nous sommes allés bien au-delà de cela. Cette commission, qui avait bien plus d'envergure que celle-ci n'en aura jamais, a donc fait ses preuves.

La présidente : Je ne veux pas me lancer ici dans le baseball, mais je pense que nous avons ici un problème de vocabulaire, qui compte énormément pour nous autres qui travaillons sur la colline du Parlement. Pour nous, il y a une distinction énorme entre gouvernement et Parlement. Pour nous, le gouvernement c'est le premier ministre, les ministres — l'Exécutif, si vous voulez. Aucun d'entre nous n'est membre du gouvernement en ce sens-là, et c'est dans ce sens-là que nous utilisons ce terme en tout temps. Dans le cadre des travaux que nous menons, nous nous percevons comme étant des législateurs, des membres de la Chambre de second examen modéré et réfléchi, des personnes que paye le peuple canadien pour faire enquête sur des sujets d'intérêt public. C'est de là que vient la confusion, je pense.

Je peux comprendre que pour beaucoup de gens, tout cela, c'est tout simplement Ottawa, n'est-ce pas?

M. Potvin : En effet.

La présidente : En tout cas, dès que vous êtes à Ottawa, il y a toute une différence. Merci beaucoup à tous.

Nous passons maintenant au groupe de témoins suivant. Il me faut dire que nous sommes vraiment très heureux du nombre de personnes qui sont venues ici et qui sont restées. C'est formidable. Tout le monde sait que Vancouver est une ville formidable, et nous en avons ici une preuve de plus.

Nous en arrivons donc maintenant à notre dernier groupe, et j'invite donc Sid Chow Tan, Isabel Minty et Said R. Khan à venir se joindre à nous à la table.

M. Khan travaille avec l'équipe 2010 Vancouver Visa. Il n'a apparemment pas pu rester pour la durée.

Nous vous sommes reconnaissants à tous deux d'être restés. Vous avez quatre minutes. Au bout de trois minutes, le greffier lèvera son doigt, et viendront ensuite les questions et les réponses.

Nous allons commencer avec vous, madame Minty.

Mme Isabel Minty, à titre personnel : J'aimerais vous faire mes remarques dans le contexte de ce à quoi nous nous trouvons confrontés — un effectif-lecteurs, un effectif-auditeurs, et effectif-téléspectateurs qui sont tout à fait dégoûtés par les limites qui nous sont imposées. En tant que citoyens, nous devrions être en mesure d'espérer que les grandes questions seront abordées; or, nous constatons que tel n'est pas le cas. Cette position limitée à accompagné la poussée corporative pour l'accord de libre-échange et le mantra de l'époque, qui était « ce qui est public est mauvais, ce qui est privé est bon ». Nous suivons les jalons ainsi établis et il me semble, malheureusement, que vous acceptez tout cela. Vous vous dites que ce n'est pas si mal.

Il n'est pas acceptable que dans une démocratie qui a les antécédents du Canada nous nous trouvions pris avec le genre de médias qui vous semble acceptable, à vous. Ce n'est pas acceptable à nous, et c'est pourquoi le public demande des médias de rechange. Les satiristes politiques se débrouillent très bien — le public en a besoin. Nous sommes écœurés. Nous partons à la recherche de solutions de rechange, car les émissions d'actualité ne donnent pas l'équilibre dont nous avons besoin, du fait du mantra « le public est mauvais, le privé est bon ». Encore et toujours, lorsque vous partez à la recherche d'un autre point de vue, vous vous rendez compte que c'est de la fiction, et la raison pour laquelle on vous présente la chose comme étant la réalité est qu'il n'existe pas de solution de rechange. L'empereur est tout nu, et le public le voit, même si cela vous échappe, à vous et aux propriétaires.

Nous avons faim pour des choses comme The Republic — le journal de M. Potvin — par exemple. Nous obtenons de bien meilleures informations de ces genres de publications que de CanWest, dont vous pensez que nous devrions être ravis. Nous ne sommes pas ravis.

CanWest a un engagement d'honneur selon lequel il y a deux sujets interdits. Il y aurait en effet lieu d'établir un équilibre dans la couverture de l'actualité internationale. Tout lecteur objectif verra que tout pays qui n'ouvre pas grand les bras aux prises de contrôle par de grosses entreprises — mauvais. Toute organisation qui dit que nos ressources sont pour le bien des gens, c'est un non — je me suis mélangée.

Quoi qu'il en soit, l'important est que si vous voulez garder chez vous ce qui vous appartient afin que cela bénéficie à la population, alors vous êtes un mauvais pays. Si par contre vous allez ouvrir vos portes en grand et nous laisser vous envahir, comme c'est le cas d'un si grand nombre de malheureux pays du tiers monde, de l'Afrique du Sud et de pays sud-américains, alors c'est bien, et ce n'est que maintenant que nous commençons à nous rendre compte que le FMI et la Banque mondiale sont en train de voler aux citoyens de ce pays toute possibilité de bénéficier de ce qui s'y trouve. Ce n'est pas dans la presse corporative ni dans les journaux de CanWest que l'on trouvera ces renseignements.

Là où il existe un autre manque d'équilibre dans ce pays c'est du côté du jeu, qui a pris tellement d'ampleur. La police a essayé de dire aux bureaucrates et aux élus que si l'on constate un tel envol du jeu c'est que les gens s'en servent pour blanchir les produits de la criminalité et du commerce de la drogue.

La présidente : Madame Minty, votre temps est écoulé. L'on vous posera peut-être une question, ce qui vous donnera l'occasion d'étoffer vos propos, mais pour le moment, je vous dis merci.

Monsieur Tan, s'il vous plaît.

M. Sid Chow Tan, à titre personnel : Merci beaucoup, madame la présidente. J'aimerais tout d'abord rendre hommage à la première nation salish du littoral, car c'est sur son territoire traditionnel que nous tenons la présente rencontre. J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant lui en personne. Je vous livrerai mes commentaires à titre personnel, bien que j'aie été administrateur fondateur du CMES, dont il a été question ici, et membre fondateur de ICTV, l'Independent Community Television Co-operative.

J'aimerais commencer par dire que les intérêts corporatifs vont rarement dans le même sens que l'intérêt public et le partage de la richesse. Cela vaut tout particulièrement pour la télévision communautaire dans le Lower Mainland. Au cours des huit dernières années à Vancouver, d'abord Rogers puis maintenant Shaw ferment leurs bureaux de télévision de quartier et refusent aux citoyens leur accès légitime à la télévision communautaire par câble. Ici, l'expérience montre que les citoyens et les groupes communautaires ne disposent pas de mesures légitimes et efficaces pour contrer le phénomène lorsque les câblodistributeurs refusent l'accès au public et gèrent mal les canaux communautaires. Au cours des huit dernières années, le CRTC a laissé d'abord Rogers puis Shaw démanteler progressivement le merveilleux réseau de milliers de bénévoles qui les entouraient et les groupes communautaires travaillant à partir des bureaux de quartier partout dans le Lower Mainland.

L'absurdité de l'exploitation et de l'établissement de la programmation des canaux communautaires par les câblodistributeurs a été illustrée il y a deux ans lorsque Shaw TV a coupé les caméras de tournage en direct lors d'une réunion du conseil municipal de Vancouver. Des centaines de citoyens exprimant calmement leur opinion quant aux carences des transports en commun dans la salle du conseil ont été ignorés par la « télévision communautaire », le maire ne reconnaissant pas la foule et levant la séance. Fred Bass, conseiller municipal, avait demandé que la caméra continue de tourner lors des interventions, mais en vain. Était-ce là une bonne décision de télévision communautaire de la part d'une grosse boîte?

Plus récemment, Shaw TV a supprimé sa couverture en direct d'une réunion d'un conseil communautaire de Vancouver pour diffuser un match de hockey junior. Ni l'une ni l'autre des équipes ne venait de Vancouver ou de la région du Lower Mainland. J'ai déposé une plainte. La réponse de Shaw TV était qu'aucune règle n'avait été enfreinte. C'est peut-être le cas, mais j'estime que l'esprit de la télévision communautaire a été violé. Cette mesure prise par Shaw TV d'abandonner une réunion du conseil municipal en faveur d'une partie de hockey est-elle raisonnable?

D'autre part, Shaw TV reçoit de l'argent de Novus Entertainment Inc., un câblodistributeur concurrent, pour la couverture des réunions de conseil. Shaw TV reçoit déjà 5 millions de dollars au titre de la redevance pour le canal communautaire, pot dans lequel elle pourrait puiser si elle voulait reprendre sa couverture du conseil. Chose intéressante, l'argent du canal communautaire de Novus est versé à Shaw TV, qui est un concurrent. Encore une fois, Shaw TV prétend n'avoir enfreint aucune règle. Encore une fois, bien que ce soit peut-être le cas, j'estime que l'esprit de la télévision communautaire est violé par ce qui semble être une double assiette pour les canaux communautaires.

En ce qui concerne Novus, il a pendant plusieurs années versé de l'argent au titre de la redevance pour le canal communautaire et jusqu'au fonds de production de l'industrie cinématographique. Il avait le choix d'offrir un financement à des groupes locaux pour les aider avec la programmation du canal communautaire. Encore une fois, même si aucune règle n'a été enfreinte, j'estime que l'esprit de la télévision communautaire a été violé.

Plus récemment, et ce qui est encore plus énorme, le district de Vancouver Nord était préoccupé par la fermeture de son studio de Shaw TV, un petit peu comme ce qui s'est passé à Burnaby, avec la fermeture du studio de Burnaby dont M. Volkow, conseiller municipal, a parlé. La question a été soulevée, et le président de Shaw Communications, Peter Bissonnette, a déclaré, et je cite : « Ce sera au moins une occasion de rendre Vancouver plus animé ». J'ai constaté la fermeture de plus d'une douzaine d'installations de télévision communautaire dans le Lower Mainland, et il en a résulté une moindre participation de la communauté à la télévision communautaire. La seule animation que l'on ait vue a été celle de citoyens et de groupes unis ensemble pour exprimer leur mécontentement face au contrôle de la télévision communautaire par les entreprises du câble.

La présidente : Merci. Je m'excuse de vous interrompre, mais il nous faut être juste. Nous ne pouvons pas faire d'exceptions.

Le sénateur Trenholme Counsell : Madame Minty, on vous a coupé la parle alors que vous étiez sur le point de dire quelque chose au sujet de la drogue, et j'aimerais entendre ce que vous alliez dire.

Mme Minty : Oui. Merci de la question. C'est une histoire qui n'est pas racontée dans les médias, et CanWest compte certainement parmi les coupables : l'industrie du jeu et les casinos existent afin que les produits du crime organisé et du commerce de la drogue puissent être blanchis. En Amérique du Nord, c'est l'argent blanchi en provenance du commerce de la drogue qui est en train de maintenir l'économie à flot. Il s'agit d'une économie fondée sur le papier, et personne n'est censé le reconnaître. Nous sommes tous censés faire semblant que notre pays est économiquement viable. Nous n'aurons bientôt plus de base industrielle, vous le savez. Ce que nous avons c'est de l'argent blanchi qui est investi dans le développement, dans des entreprises, dans la construction hôtelière, de logements, de condominiums et de tout le reste. Les compagnies numérotées obtiennent souvent leur argent de sources blanchies, et c'est là l'histoire non racontée, et vous ne la trouverez pas dans un journal de CanWest. Or, c'est une histoire que devrait connaître les Canadiens.

La présidente : Merci beaucoup à tous les deux. Merci à toutes les personnes qui sont ici et qui ont tant contribué à notre réunion ici à Vancouver.

La séance est levée.


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