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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 6 - Témoignages du 1er février 2005


VANCOUVER, le mardi 1er février 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le feuteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, membres du public, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Le comité poursuit son étude des médias d'information au Canada en faisant une tournée dans les provinces de l'Ouest canadien.

[Traduction]

Nous nous réunissons aujourd'hui à l'École de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique, et je tiens à remercier tout particulièrement la directrice de l'école, Donna Logan, de nous recevoir ainsi aujourd'hui et du si chaleureux accueil qu'elle nous a donné à tous.

Le comité est en train d'étudier les médias d'information canadiens et la politique qu'il faudrait pour aider à veiller à ce que les médias d'information demeurent vigoureux, indépendants et diversifiés face aux changements énormes survenus au cours des dernières années, notamment la mondialisation, l'évolution technologique, la convergence et la concentration accrue de la propriété.

Notre premier témoin de ce matin est Donna Logan, qui a déjà comparu devant le comité et qui nous a dit, lorsqu'elle est venue nous voir à Ottawa, qu'il se fait du travail très intéressant ici à l'école. Elle est ici aujourd'hui pour nous entretenir des fruits de ce travail fort intéressant. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de vous joindre à nous une deuxième fois et de nous avoir ouvert l'école. Cela nous aide de voir l'école et de pouvoir en faire la visite.

Mme Logan est accompagnée par Mary Lynn Young, professeure, qui a elle aussi, si j'ai bien compris, beaucoup participé à cette étude.

Il me semble que c'est vous, madame Logan, qui allez commencer l'exposé. Allez-y, je vous prie.

Mme Donna Logan, directrice, École de journalisme, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Merci, madame la présidente et honorables sénateurs, de l'invitation de venir comparaître devant vous aujourd'hui. Avant de commencer, je tiens à vous dire combien nous sommes heureux de vous accueillir ici à Vancouver et tout particulièrement à l'École de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique.

Le programme d'études supérieures en journalisme que nous offrons est le seul qui soit à l'ouest de l'Ontario, et il n'existe que depuis six ans et demi. Nous espérons que notre présentation fera ressortir l'importance de l'éducation en journalisme et l'importante contribution que nous pourrons faire à l'avenir des médias dans ce pays en offrant et une excellente formation journalistique et des travaux de recherche très nécessaires au sujet des médias.

Je serai aidée, dans mon exposition de notre point de vue, par ma collègue, Mary Lynn Young, qui est professeure ici à l'école. J'ai fait distribuer des copies des transparences, mais je vous encouragerais à suivre à l'écran si vous le pouvez.

La présidente : L'écran est merveilleusement bien placé pour que les sénateurs puissent le voir. Les membres du public auront peut-être un peu plus de difficulté. Si ces chaises peuvent être déplacées, cela ne nous offenserait aucunement que vous les tourniez pour pouvoir regarder l'écran.

Le sénateur Tkachuk : Je jugerais même cela tout à fait normal.

Mme Logan : Étant donné le temps limité dont nous disposons, il m'a fallu écourter la présentation d'aujourd'hui. Ce que je vous ai fait distribuer sera peut-être un peu difficile à suivre dans l'immédiat, mais cela vous fournira beaucoup plus de renseignements.

Lorsque j'ai pour la première fois comparu devant le comité tôt l'an dernier, je vous ai parlé du Canadian Media Research Consortium et de l'enquête qu'il comptait entreprendre et que le sénateur Fraser a mentionnée. Pour vous rafraîchir un peu la mémoire, le CMRC est un partenariat entre trois universités au Canada — UBC, York et Laval — et nous nous sommes retrouvés en vue de favoriser la discussion au sujet des médias et d'effectuer de la recherche sur des questions relatives aux médias.

Notre première étude d'envergure nous a amenés à effectuer un sondage auprès de 3 000 Canadiens, et nous y avons examiné quatre volets différents. Premièrement, nous avons étudié la façon dont les Canadiens consomment les actualités; deuxièmement, nous avons exploré les opinions des Canadiens quant à la crédibilité des nouvelles qu'ils reçoivent; troisièmement, nous avons comparé l'attitude des Canadiens à celle des Américains; et, enfin, nous avons analysé la différence entre les Canadiens anglophones et les Canadiens francophones s'agissant de leur degré de satisfaction quant au travail des journalistes du pays. Nous avons, à partir de toutes ces données, dressé le bulletin de notes du journalisme canadien.

Aux fins de la présentation d'aujourd'hui, je vais sauter par-dessus la partie concernant la façon dont les Canadiens utilisent les médias. Je devine que vous savez déjà le gros de tout cela et cela figure dans le document qui vous a été distribué.

Notre étude exhaustive a été la première enquête du genre au Canada, ce qui en dit déjà long sur l'état de la recherche sur les médias dans ce pays. Comme vous le savez, il se fait de la recherche du genre aux États-Unis depuis environ 30 ans. Nous étions curieux de savoir comment cela se comparait à la situation au Canada. C'est ainsi qu'à l'étape de la conception de notre projet, nous avons travaillé étroitement avec le Pew Research Center à Washington et avons déterminé ensemble plusieurs moyens de mesurer la crédibilité, y compris exactitude, parti pris, justesse et équilibre, reddition de comptes, sensationnalisme et confiance, indépendance, et consolidation et propriété.

Voyons donc les résultats de ces indicateurs, en commençant par l'exactitude. Pour ce qui est de l'exactitude, l'une des mesures les plus importantes en ce qui concerne la crédibilité des médias, nous constatons qu'une majorité de Canadiens estiment que les médias d'information rapportent fidèlement les faits. Au Canada, la mauvaise nouvelle est que près du tiers, soit 31 p. 100 des Canadiens, estiment que les reportages-actualités sont inexacts, ce qui donne presque un sur trois. La bonne nouvelle, cependant, est que cela pourrait être pire. Aux États-Unis, les proportions sont inversées, 56 p. 100 des Américains étant d'avis que les actualités rapportées sont inexactes.

Voyons maintenant le parti pris. Nous avons constaté que les Canadiens sont plutôt cyniques quant aux nouvelles qu'ils obtiennent. Un nombre étonnant de Canadiens ne pensent pas que les actualités soient impartiales. En effet, près de 80 p. 100 des Canadiens pensent que les préjugés du journaliste influent souvent ou parfois sur les nouvelles rapportées. Comme vous pouvez le voir sur cette transparence, le constat s'agissant du parti pris des journalistes est très semblable aux résultats obtenus aux États-Unis.

En ce qui concerne la question de la justesse et de l'équilibre, les deux tiers des Canadiens pensent que les nouvelles ne sont pas souvent justes et équilibrées; cependant, seuls 16 p. 100 d'entre eux pensent que les nouvelles sont rarement ou jamais équilibrées. Chose intéressante, les Québécois sont plus positifs. En effet, 44 p. 100 des francophones interrogés considèrent que les nouvelles sont souvent justes et équilibrées. Ce sont les Canadiens plus jeunes, et cela a été une découverte étonnante, qui sont davantage portés à percevoir un manque d'équilibre. Soixante-quatorze pour cent d'entre eux disent constater au moins à l'occasion un manque d'équilibre. Lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pensaient que la question de la justesse et de l'équilibre était en train de devenir un plus gros ou un plus petit problème, 55 p. 100 d'entre eux ont dit que le problème était en train de s'aggraver.

Il est clair qu'avec le volume de produits que fournissent les médias chaque jour de la semaine des erreurs font forcément survenir, et nous avons donc voulu savoir de quelle façon les médias traitent les erreurs et ce que pense le public de la façon dont ils traitent les erreurs. Les Canadiens ne pensent pas que les médias sont très prompts à reconnaître leurs erreurs. En fait, 54 p. 100 pensent que les médias d'information essaient de cacher leurs erreurs. Seuls 34 p. 100 des personnes interrogées pensent que les médias sont prêts à reconnaître leurs erreurs. Les jeunes Canadiens sont plus cyniques à cet égard. Chez les Canadiens âgés de 19 à 25 ans, 68 p. 100 pensent que les médias d'information s'efforcent de cacher leurs erreurs. À cet égard, les Américains sont encore plus pessimistes que les Canadiens. Le public dans les deux pays estime clairement que les médias ne sont pas suffisamment redevables.

Pour ce qui est de la faculté de réceptivité des médias, une autre mesure de la crédibilité, nous avons constaté que seuls 53 p. 100 des Canadiens croient que les organisations médiatiques prêtent attention aux plaintes émanant du public. Aux États-Unis, les chiffres sont encore une fois bien pires. Seuls 35 p. 100 des Américains trouvent que les médias d'information sont sensibles à ce qu'ils pensent et ils sont presque 60 p. 100 à croire que les médias ignorent les plaintes qui sont faites.

Je vais maintenant céder la parole à Mary Lynn Young pour qu'elle passe en revue d'autres indicateurs de crédibilité.

Mme Mary Lynn Young, professeure, École de journalisme, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Bienvenue, sénateurs. Nous avons également posé des questions au sujet du sensationnalisme et de la confiance. Nous avions en fait deux questions portant sur le sensationnalisme. La première demandait aux Canadiens s'ils percevaient les actualités comme étant de nature sensationnelle, cela étant défini comme étant une exagération ou une mise en relief de détails d'ordre émotif, dans le but d'attirer l'attention ou de faire passer un message. La plupart des Canadiens, soit 92 p. 100, ont rapporté avoir relevé du sensationnalisme dans les actualités.

La question suivante était une question de suivi. Nous avons demandé aux répondants ayant dit que les médias étaient souvent ou parfois sensationnalistes de dire si leur confiance à l'égard des informations en était atteinte. Soixante-trois pour cent des répondants ont déclaré que le sensationnalisme avait une incidence sur leur confiance à l'égard des médias d'information. Chose intéressante, ce sont les gens plus jeunes qui ont dit que le sensationnalisme des médias risquait le plus d'avoir une incidence sur leur niveau de confiance. Les Québécois sont par ailleurs davantage portés à relever du sensationnalisme, mais moins susceptibles de s'en préoccuper.

Nous avons également demandé aux participants s'ils estimaient que les médias étaient indépendants. Les Canadiens ne nourrissent apparemment aucune illusion quant à l'indépendance des organisations médiatiques. Ils sont convaincus que les informations qu'ils reçoivent sont fortement influencées par des personnes ou des groupes puissants. Ce cynisme se trouve reflété dans le fait que moins d'un Canadien sur cinq juge que les organisations médiatiques sont indépendantes. Chose intéressante, les Américains ne sont pas plus cyniques que les Canadiens pour ce qui est de la question de l'indépendance, même s'ils sont davantage cyniques à l'égard des médias pour d'autres aspects. Nous ne savons trop quoi penser de ce constat. Il est possible que les Canadiens ne considèrent plus que les médias ont pour responsabilité de maintenir la confiance du public ou bien qu'aux yeux du public les bureaux de presse ne sont plus que des entreprises comme les autres.

Nous avons ensuite voulu savoir qui, selon les Canadiens, influence les nouvelles. Aux répondants qui avaient indiqué penser que les nouvelles étaient influencées par des personnes ou des organisations, nous avons posé une question ouverte au sujet des influences majeures sur le contenu des actualités. C'est ainsi que nous avons pu, à partir du vaste éventail de réponses données, établir des catégories générales pour cerner les sentiments des Canadiens. La catégorie la plus fréquemment citée, mentionnée par 42 p. 100 des répondants, était celle des intérêts politiques, englobant gouvernements locaux et fédéral, politiciens et bureaucrates. La deuxième catégorie la plus populaire, celle-ci citée par 27 p. 100 des répondants, était celle des intérêts économiques, comprenant personnes riches et influentes, secteur privé et grosses boîtes. Seuls 12 p. 100 des répondants ont mentionné la propriété des médias.

Nous avons ensuite posé des questions au sujet de la consolidation et de la propriété des médias, car par le passé certains commentateurs avaient dit croire que les Canadiens ne sont pas préoccupés par la question de savoir qui possèdent leurs médias. Nos résultats montrent que tel n'est clairement pas le cas. En effet, 56 p. 100 des Canadiens considèrent que la consolidation de la propriété des médias a une incidence négative sur leur confiance à l'égard des médias. Ce sentiment est également partagé par les auditoires américains.

Ceci nous amène à une question qui est souvent débattue mais qui est difficile à mesurer dans le cadre d'une enquête de ce genre : le rôle des médias et les idées des gens au sujet de la question de savoir si les médias aident la société à fonctionner. Ici, nous avons utilisé une question du Pew Research Center de façon à pouvoir comparer les attitudes des Canadiens à celles des Américains en la matière. Nous avons découvert que les Canadiens sont clairement plus optimistes quant à l'influence des médias sur le pays et à la capacité des médias d'aider à résoudre les problèmes. De fait, 48 p. 100 des Canadiens pensent que les médias d'information aident la société à résoudre des problèmes, comparativement à seulement 31 p. 100 des Américains. Près de six Américains sur dix croient en fait que les médias d'information entravent la résolution de problèmes.

En plus d'examiner le rôle des médias en général, nous avons voulu nous pencher sur la contribution de différents types de médias à l'explication de l'actualité. Ici, nous avons découvert que la télévision offre aux Canadiens une meilleure vue d'ensemble de l'actualité, l'emportant sur les journaux dans un rapport de deux pour un. Lorsqu'on a demandé aux répondants quel médium offrait les meilleures explications, les journaux l'ont emporté sur la télévision, mais pas par une marge aussi large que ce que se plaît à le penser l'industrie de la presse écrite. En effet, l'écart ici n'était que de 7 p. 100.

La télévision et la presse écrite sont les principales sources de nouvelles pour la plupart des Canadiens. L'Internet n'est pas encore une source majeure, bien qu'une nouvelle étude émanant des États-Unis montre que les médias en ligne et ethniques sont à l'heure actuelle deux des plus grands secteurs de croissance dans le monde des médias.

Nous avons également interrogé les participants sur leur degré de satisfaction à l'égard de différents aspects du contenu des nouvelles. Dans l'ensemble, les Canadiens sont satisfaits de la variété des sujets et des points de vue livrés dans les nouvelles. S'agissant de la présentation de points de vue différents, le public désire clairement voir une plus vaste gamme de perspectives, et cela vaut tout particulièrement chez les Canadiens plus jeunes et les immigrants.

Nous avons également voulu cerner la compréhensibilité des reportages aux yeux des gens. Nous étions curieux de savoir si les Canadiens comprennent réellement ce qui se passe dans le monde sur la base de la façon dont les médias leur présentent l'actualité. Parmi ceux qui sont prêts à reconnaître qu'ils ont de la difficulté à comprendre les nouvelles, un pourcentage étonnant de 26, soit un Canadien sur quatre, reconnaît avoir à l'occasion ou souvent de la difficulté à comprendre. Cette découverte laisse entendre qu'une part appréciable du public n'est pas bien servie par les médias d'information.

J'aimerais maintenant rendre la parole au professeur Logan.

Mme Logan : Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons surtout comparé notre étude de base avec des statistiques américaines, mais nous avons également relevé des différences intéressantes entre les auditoires francophone et anglophone au Canada. Vous trouverez beaucoup de renseignements à ce sujet dans le document qui vous a été distribué, alors je vais pour le moment me concentrer sur quelques-unes seulement de ces différences.

Les Québécois francophones sont sensiblement plus positifs en ce qui concerne la capacité des médias d'information d'aider à résoudre les problèmes de la société. Ils sont en fait près de deux fois plus positifs que les Américains. Colette Brin, de l'Université Laval, notre collègue francophone au sein de l'équipe de l'étude, devine que cela reflète peut-être une intégration plus étroite des médias francophones au Québec avec les communautés qu'ils desservent.

Les francophones sont par ailleurs plus positifs que les anglophones à l'égard des bulletins de nouvelles télévisés comparativement aux autres médias. C'est pour cette mesure que les différences sont les plus frappantes, mais elles ressortent à nouveau lorsqu'on interroge les Canadiens sur le médium qui présente selon eux le meilleur aperçu général de l'actualité ou une meilleure variété de points de vue sur des questions controversées. Encore une fois, le professeur Brin pense que c'est peut-être dû au fait que les résidents du Québec regardent davantage la télévision que la population du Canada anglais; en d'autres termes, le nombre d'heures passées devant la télévision par personne est supérieur au Québec.

Que tout cela signifie-t-il? Après avoir examiné nos résultats, nous les avons classés dans les trois différentes catégories du bulletin de notes que nous avons élaboré. Dans la catégorie très positif, nous avons inclus ceci : variété des sujets traités dans les nouvelles; intérêt à l'égard des nouvelles, qui est très élevé au Canada, comme vous le constaterez à la lecture de la documentation que nous vous avons fait distribuer; variété de points de vue, qui semble être satisfaisante; et degré de compréhensibilité des nouvelles, qui semble lui aussi être satisfaisant. Dans la deuxième catégorie, avec un constat toujours positif mais moins fort que pour la première catégorie, nous avons inscrit ceci : exactitude, faculté de réceptivité et rôle des médias dans la société. Enfin, dans la catégorie sujets de grave préoccupation, on trouve ce qui suit : équilibre et justesse; concentration de la propriété; reddition de comptes; indépendance et parti pris des journalistes.

En résumé, si l'on regarde quatre des cinq volets pour lesquels les gens ont de sérieuses préoccupations quant au rendement des médias, il devient clair que l'éducation et la recherche en journalisme sont des outils importants pour bâtir un meilleur avenir pour les médias au Canada. Ces quatre aspects sont l'équilibre et la justesse, les partis pris des journalistes, l'indépendance et la reddition de comptes.

Le cinquième sujet de préoccupation sur cette liste est la concentration de la propriété. L'histoire nous a montré qu'il est difficile pour le gouvernement de traiter efficacement de la propriété des médias et de la concentration. Nous pensons néanmoins qu'il se pourrait qu'il y ait un rôle pour le gouvernement, celui d'établir un cadre qui favorise le bon journalisme. Ce qu'il faut c'est une meilleure formation pour les personnes qui se lancent dans le monde du journalisme, une formation meilleure et plus poussée pour les journalistes déjà en activité et de la recherche qui mesure le rendement des médias et qui livre des données réelles pour venir remplacer toutes les paroles vides sur lesquelles reposent à l'heure actuelle la plupart des discussions au sujet des médias. Le Canadian Media Research Consortium pourrait très bien être un véhicule de lancement d'initiatives dans tous ces domaines.

Aujourd'hui, vous avez vu les résultats de notre première initiative de recherche d'envergure. Nous allons, d'ici quelques semaines, rendre publics les résultats de la première étude exhaustive jamais faite au Canada sur l'utilisation de l'Internet. Cette étude s'inscrit dans un examen mondial de la façon dont les gens utilisent l'Internet. À la fin du mois, le consortium va tenir à UBC une conférence réunissant les grands décideurs en matière de journalisme canadien en vue d'un examen de ce qu'il importerait de faire pour rétablir la confiance des gens à l'égard des médias. Plus tard dans l'année, nous entamerons la phase deux de notre projet sur la crédibilité, en tenant des forums publics dans différentes régions du pays et en sondant les journalistes pour recueillir leurs idées sur ce qu'il faudrait faire pour améliorer les normes et les pratiques.

Nous sommes guidés dans ce travail par ce que font aux États-Unis le Project for Excellence in Journalism et le Committee of Concerned Journalists. Comme vous le savez sans doute, ce travail est financé par deux énormes fondations médiatiques, la John S. and James L. Knight Foundation et Pew. Malheureusement, au Canada, nous n'avons pas le luxe de telles ressources, mais ce qu'a entrepris le consortium est au moins un début. Son financement est cependant insuffisant pour abattre tout le travail qu'il y a à faire. Aux États-Unis, le Committee of Concerned Journalists offre des séances de formation gratuites à des salles de nouvelles de partout au pays. Inutile de dire que cela est coûteux, mais cela commence à donner des résultats, selon une récente évaluation qui est sur le point d'être rendue publique. Le Canadian Media Research Consortium pourrait jouer ce même rôle ici au Canada.

Voilà qui met fin à notre exposé. Merci de votre écoute.

La présidente : Merci. Ce n'est pas souvent que je me surprends à dire que je suis frustrée par la brièveté d'un exposé. La plupart du temps, je bouscule en fait les gens pour qu'ils aillent plus vite.

Mme Logan : On nous avait dit qu'il nous fallait faire court.

La présidente : Oui, et nous vous en sommes extrêmement reconnaissants, car nous avons bien sûr beaucoup de questions, mais vous nous livrez ici une quantité énorme de choses au sujet desquelles réfléchir. Nous allons commencer avec le sénateur Tkachuk, qui sera suivi du sénateur Carney.

Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup. Il est agréable de voir que les médias ont été ramenés au même niveau de crédibilité que celui des politiciens. J'étais en train de me demander ce que penserait le public à l'idée de nous voir tous deux ici en train d'essayer de résoudre certains de ces problèmes.

Avez-vous fait des ventilations régionales dans le cadre de votre enquête?

Mme Logan : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous nous dire s'il y a eu de grandes variations d'une région à une autre? Peut-être que la Colombie-Britannique serait un bon exemple.

Mme Logan : Je ne peux en fait pas vous le dire car nous n'avons pas encore effectué les ventilations régionales. Nous avons jusqu'ici pu faire des comparaisons avec les États-Unis et entre francophones et anglophones. Nous avons cependant des données que nous serions prêts à mettre à votre disposition, si vous voulez, mais sans analyse. Nous commençons à peine à travailler avec ces données en vue de faire des ventilations régionales.

Le sénateur Tkachuk : Pensez-vous que les journalistes à qui vous parlez adhéreraient aux résultats de votre étude ou bien fermeraient-ils simplement leurs yeux en disant « Non, nous n'avons pas de parti pris. Nous livrons les faits tels qu'ils sont »? Dans toutes les discussions que j'ai eues avec des journalistes, ils m'ont toujours dit être impartiaux.

Mme Logan : Il s'agit là d'une question très intéressante. Aux États-Unis, le Committee of Concerned Journalists a fait beaucoup pour rallier les journalistes à la cause lorsqu'il a soumis des données du genre, pour les aider à réaliser qu'il y a des problèmes, et pour travailler avec les journalistes. Dans notre pays, ce travail constitue la phase deux du projet. Nous espérons soumettre ces données aux journalistes, les engager et obtenir qu'ils œuvrent à nos côtés à des solutions. Une fois confronté aux résultats de l'étude, il est difficile de nier qu'il existe un problème.

Le sénateur Tkachuk : Comment faire pour surmonter le fait que les médias sont perçus comme étant très influencés par les institutions mêmes qu'ils sont censés surveiller? Après tout, la presse se voit accorder par la société un certain standing et certains privilèges dans l'attente qu'elle sera le chien de garde de la société s'agissant du gouvernement et des institutions puissantes.

Mme Logan : Clairement, les médias ne sont pas aussi indépendants et ne sont pas perçus comme étant aussi indépendants qu'ils devraient l'être de l'avis du public. Nous avons utilisé presque exactement la même question que celle qui a été utilisée à répétition par Pew aux États-Unis, alors nous considérons qu'il s'agit là d'une conclusion valide.

Le sénateur Tkachuk : L'on a parlé du fait que des gens des médias travaillent pour le gouvernement et que des gens du gouvernement travaillent dans les médias. Cela contribue-t-il selon vous au problème? En d'autres termes, les gens ne voient plus de séparation entre les médias et les institutions que couvrent ceux-ci.

Mme Logan : C'est possible. Mais si je tentais de répondre à la question, ce ne serait que des suppositions de ma part. Je pense qu'il y a d'autres facteurs qui jouent un rôle plus important. Cela m'a toujours ennuyé, dans le cadre de mon travail en journalisme et maintenant à l'école, qu'il n'y ait pas suffisamment de discussion au sujet du rôle des médias dans la société. Je suppose qu'au fur et à mesure que les médias sont devenus plus commerciaux et de moins en moins publics, les gens ont perdu de vue le rôle supplémentaire que jouent les médias dans la société. Avec le consortium, nous nous efforçons d'amener les gens à parler du rôle des médias dans notre société. Les journalistes n'ont pas suffisamment l'occasion de parler au public de leur rôle, et le public n'a pas suffisamment l'occasion de faire connaître ses vues aux propriétaires des médias.

Des études réalisées aux États-Unis montrent que 80 p. 100 des nouvelles proviennent de sources officielles — gouvernement, gens d'affaires de renom, forces policières — et qu'il s'agit de données relativement peu analysées, c'est-à-dire de commentaires et de citations. Je pense que c'est peut-être là une partie de la raison pour laquelle le public considère que ces institutions exercent une influence sur les nouvelles rapportées.

Le sénateur Tkachuk : Je pense qu'une erreur que commettent peut-être écoles, étudiants et journalistes est qu'ils n'assument aucune responsabilité quant à la perception qu'ont Monsieur et Madame Tout-le-Monde des médias. Les gens ont le sentiment qu'il y a une raison pour laquelle ils doivent se méfier des médias. Quand les médias vont-ils se regarder en face et dire « C'est de notre faute; nous ne faisons pas notre travail et que nous faut-il faire pour corriger la situation »?

Mme Logan : Eh bien, vous savez, je pense que les journalistes angoissent beaucoup au sujet du travail qu'ils font, des ressources dont ils disposent, des limites qui sont imposées au travail qu'ils veulent accomplir. Il n'y a jamais assez de temps. La concurrence est féroce. Vous connaissez les différents facteurs aussi bien que moi. Je pense qu'ils font beaucoup d'introspection, mais peut-être qu'il n'y a pas suffisamment de discussion entre les journalistes et le public, et c'est peut-être là un moyen d'améliorer ce dialogue.

Le sénateur Carney : Bonjour. J'ai quatre questions et vous pourrez décider entre vous de la façon dont vous voulez vous y prendre pour y répondre. En ce qui concerne votre première question, celle de savoir qui s'intéresse aux nouvelles, vous dites que 67 p. 100 des gens regardent les nouvelles. Vos études donnent-elles une ventilation démographique de ce chiffre?

Mme Logan : Le document que nous vous avons fait distribuer renferme beaucoup de renseignements au sujet de la ventilation démographique. C'est dommage que nous n'ayons pas eu le temps de parcourir tout cela ici.

Ce qu'il y a d'intéressant dans la ventilation, en tout cas pour moi, est que les jeunes gens consacrent pas mal de temps à l'acquisition d'informations. L'on s'inquiète beaucoup dans ce pays car les jeunes gens, paraît-il, ne lisent pas les journaux et ne regardent même pas les bulletins de nouvelles télévisés, mais si l'on tient compte de l'Internet, alors on constate que les jeunes consacrent autant de temps à l'acquisition de nouvelles ou l'accession à des informations que les générations plus âgées. La différence réside dans la façon dont ils s'y prennent. Ils recourent à l'Internet et ils lisent des journaux à l'Internet. Ils regardent la télévision à l'Internet. Ils consultent d'autres sources d'information à l'Internet. Il y a quelques années, un de mes étudiants a fait une étude là-dessus et a découvert que les jeunes gens consacrent autant de temps que les générations plus âgées à rechercher des informations. Ils s'y prennent autrement, c'est tout.

Le sénateur Carney : Si vous ajoutez ensemble toutes les personnes qui utilisent l'Internet, soit quotidiennement, soit au moins une fois par semaine, cela donne 45 p. 100, ce qui est conséquent. Pensez-vous qu'un grand nombre d'entre elles sont de jeunes lecteurs? Dans l'affirmative, que cela va-t-il signifier pour la presse écrite et le journalisme télévisé?

Mme Young : Je supposerais que beaucoup d'entre eux sont jeunes, définitivement. Pour The Globe and Mail, la lecture en ligne est un secteur de croissance de revenu clé, et c'est également chez cette catégorie de lecteurs que l'on relève la plus forte croissance. L'on constate le même phénomène aux États-Unis. Dans le monde de la presse écrite, la clientèle en ligne a été citée comme étant l'un des seuls secteurs de croissance. C'est pourquoi les quotidiens sont, je pense, en train d'investir beaucoup de ressources dans leurs services en ligne, créant du nouveau contenu pour la distribution en ligne.

Le sénateur Carney : Un autre témoin que vous devez connaître, Catherine Murray, de l'Université Simon Fraser, nous a entretenu des questions d'équité et de reddition de comptes, que vous avez identifiées comme étant des aspects problèmes. Elle recommande la création d'une agence ou d'une commission qui servirait à renforcer la reddition de comptes. Sa position est que les conseils de presse sont trop faibles et qu'il n'y a pas suffisamment de reddition de comptes. Elle inclurait dans un tel organe de surveillance des membres du public et ce qu'elle appelle des représentants des parties prenantes. J'ai argué que l'existence d'un comité de surveillance composé de différentes parties prenantes pourrait déboucher sur un conformisme politique.

Je vous ai déjà fait part de mon parti pris. Comment pensez-vous que nous pourrions obtenir une meilleure reddition de comptes de la part des journaux et que pensez-vous de l'idée d'un organe de surveillance auquel siégeraient les parties prenantes?

Mme Logan : L'idée d'un organe de surveillance me fait peut. J'estime que dès que vous créez une agence du genre, il y a toujours, comme vous le dites, le danger d'un conformisme ou d'un parti pris politique au sein de celui-ci. Nous avons examiné tous les différents mécanismes qui existent de par le monde pour contrer ce problème. Le Project for Excellence in Journalism aux États-Unis a l'an dernier produit un bulletin de notes sur le rendement des médias, et il compte faire cela chaque année. Je pense que ce serait là une entreprise énorme au Canada. Je ne pense pas qu'il faille faire cela chaque année, mais ce serait peut-être faisable tous les deux ou trois ans. Je pense que cela pourrait avoir un très puissant effet.

Le sénateur Carney : Merci. Nous avons entendu des plaintes d'autres témoins au sujet du manque de diversité dans les salles de nouvelles. Un professeur à Ryerson a déclaré qu'il n'y a pas suffisamment de diversité ethnique dans les salles de nouvelles au Canada. Il y a chez vos étudiants une énorme diversité d'origines culturelle et d'expérience. Quels commentaires pourriez-vous nous faire à ce sujet et pensez-vous qu'il s'agit d'une préoccupation valable ou qu'il est nécessaire d'assurer une certaine diversité ethnique afin d'avoir une couverture plus équilibrée?

Mme Young : Si l'on prend Vancouver comme exemple, le tiers de la population vancouveroise est asiatique, d'origine asiatique. Si vous regardez les salles de presse dans cette ville, vous pouvez compter sur les doigts d'une main le nombre de journalistes qui peuvent parler le mandarin ou le cantonais ou une quelconque autre langue de cette partie du globe. Je pense qu'il y a un problème d'accès. Il y a un problème de représentation et un problème de communauté. Il y a dans cette ville des médias ethniques en plein essor, et je pense qu'il faut également qu'il y ait un dialogue au sein de la communauté tout entière. Je pense que la diversité contribuerait beaucoup à cela. Des études montrent que plus les salles de presse sont représentatives de la population, plus les journaux et chaînes de télévision sont en mesure d'attirer ces catégories de lecteurs et de téléspectateurs.

Le sénateur Carney : J'aimerais que vous éclaircissiez ce que vous avez voulu dire en déclarant que le tiers de la population vient d'Asie. Vous voulez dire que le tiers est d'origine ethnique asiatique, car un grand nombre de ces personnes sont nées au Canada, ont fait leurs études au Canada.

Mme Young : Oui.

La présidente : Et encore un autre éclaircissement : lorsque vous avez dit que presque personne dans les salles de presse ne parle ces langues, vous songiez, je suppose, aux principaux médias de langue anglaise. Vous ne songiez pas à Ming Pao.

Mme Young : Je songeais aux principaux médias de communication en langue anglaise ici. Presque personne chez eux ne parle le mandarin ou le cantonais, mais Ming Pao et Fairchild sont clairement des cas à part.

La présidente : Clairement. Aviez-vous terminé, sénateur Carney?

Le sénateur Carney : Oui, sauf que je tiens à dire que c'est une étude extrêmement intéressante. Je sais que Donna Logan a été à l'origine de cette étude, et je trouve que c'est là une contribution formidable et extrêmement importante.

Mme Logan : Merci.

Le sénateur Phalen : Vous avez mentionné un bulletin de notes. Qui fait l'étude aux États-Unis?

Mme Logan : Cette étude est en train d'être menée par Project for Excellence in Journalism, un groupe financé par Pew à Washington et dirigé par Tom Rosenstiel, un journaliste de renom aux États-Unis.

Le sénateur Phalen : Et vous ne pensez pas qu'ils pourraient faire cela au Canada?

Mme Logan : Je pense que si nous avions les ressources, nous le pourrions. C'est une entreprise coûteuse. Il n'est pas nécessaire de faire cela chaque année. Nous nous sommes rendus à Washington et en avons discuté là-bas avec les gens qui s'en occupent, et je pense que nous pourrions faire la même chose au Canada et que ce serait une contribution formidable à la reddition de comptes.

Le sénateur Phalen : Pourriez-vous nous suggérer quelqu'un au Canada qui serait en mesure de mener une pareille étude?

Mme Logan : En bien, comme j'ai essayé de le dire, je pense que le Consortium pourrait le faire, mais pas dans le contexte de ses ressources actuelles. Il lui faudrait des ressources supplémentaires.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Le suivi découlant de telles études dépendrait bien sûr des genres de questions posées. À moins de nous pencher sur cet aspect-là, nous ne pouvons pas nous prononcer sur la fiabilité des résultats. Êtes-vous convaincue de la fiabilité de ces résultats? Comment mesurez-vous la fiabilité des conclusions? De quelle façon avez-vous mené cette étude? Les questions du questionnaire ont-elles été posées au téléphone?

Mme Logan : J'ai indiqué au début de ma présentation que nous avons travaillé avec le Pew Research Center à Washington. Pew est bien respecté partout dans le monde. Le directeur de recherche a passé une semaine ici à travailler avec nous à l'élaboration des questions. Notre équipe de recherche comprenait entre autres Angus Reid, sondeur de renom dans ce pays; à l'époque, il travaillait à l'université après avoir pris sa retraite et vendu sa boîte. Il a, depuis, quitté son poste à l'université, mais à l'époque il faisait partie de notre équipe. Je pense pouvoir dire avec un degré élevé de confiance que nous comptions parmi notre équipe les meilleurs dans le secteur aux États-Unis et au Canada pour nous aider dans la préparation du questionnaire. Les sciences sociales ne sont pas une science exacte, comme vous le savez, mais nous sommes convaincus que les questions étaient aussi justes que possible.

Le sénateur Merchant : Et avez-vous interrogé les gens au téléphone ou en personne?

Mme Logan : Nous avons passé contrat avec une entreprise qui s'est chargée des entrevues. Parce que les répondants étaient répartis dans tout le pays, il a fallu faire les entrevues au téléphone. Il est intéressant de noter que, bien que le taux de refus enregistré par les maisons de sondage soit en train de devenir un énorme problème, comme vous le savez sans doute, lorsque la question porte sur les médias, le taux de refus diminue quelque peu. Nous avions l'habitude d'écouter certaines des entrevues pour voir comment les choses se passaient et s'il fallait rajuster le tir avec certaines des questions, et ce qui nous a frappé c'est que personne n'ait jamais voulu abandonner prématurément l'entrevue. La plupart des entrevues duraient 25 minutes. Même les sondeurs qui faisaient les appels n'en revenaient pas que les gens veuillent autant parler de cela.

Le sénateur Merchant : Ce que cela nous dit c'est que les gens sont très préoccupés, très frustrés par le genre d'informations qu'ils obtiennent. Je pense qu'il y a un énorme fossé entre les nouvelles qui sont rapportées et les dossiers que le public juge importants. Les journalistes ont leurs propres intérêt et semblent se concentrer sur ce qui leur paraît important, pour ensuite dire à tous les autres ce qu'ils doivent considérer comme important. Par exemple, lors du passage ici l'automne dernier du président Bush, Pierre Burton est mort, et la grosse nouvelle le soir, c'était le décès de Pierre Burton. Quelqu'un avait décidé que c'était cela qui était important ce jour-là. Mais beaucoup de gens avec qui j'ai discuté par la suite étaient choqués par le peu de couverture donnée à la visite du président Bush. Je viens de Regina, et nous sommes toujours très intéressés par ce qui se passe entre les États-Unis et le Canada, à cause de l'ESB, ou maladie de la vache folle, et du dossier du commerce. Or, ce soir-là, cela n'a pas été mentionné. Il semble que les informations soient livrées dans l'optique que c'est à prendre ou à laisser, et c'est ainsi que beaucoup de gens laissent tomber.

Que pensez-vous de cela? Que pensez-vous de ce fossé entre l'auditoire et le présentateur?

Mme Logan : Eh bien, il n'y a aucun doute qu'il y a un fossé. Nous en parlons beaucoup ici à l'école. Le problème se pose tout particulièrement dans le cas des jeunes gens, car ils estiment que les médias traditionnels plus particulièrement ne traitent pas de leurs intérêts et de leurs besoins.

Hier soir, lors d'un dîner avec des gens du Toronto Star, nous avons discuté de ce qu'il faudrait faire face à ce problème. Les gens des services des nouvelles sont formés pour déterminer ce qui constitue une nouvelle. Cela ne correspond pas toujours à ce que vous-même ou quelqu'un d'autre considère comme étant une nouvelle. Il me semble que les médias devraient peut-être tenir compte de ce qui intéresse les citoyens. James Fallows, qui était autrefois le rédacteur de l'Atlantic Monthly à Washington, a, il y a quelques années, écrit un livre intéressant dans lequel il expliquait que les médias d'information ne traitaient pas des sujets de préoccupation du citoyen moyen. Je n'ai pas de réponse, mais je pense que les gens de la presse sont à l'heure actuelle aux prises avec cette question.

Le sénateur Merchant : Peu importe la qualité de l'émission d'actualité si les gens ne la regardent pas. Par exemple, la CBC offre une merveilleuse programmation, mais n'attire qu'un très petit auditoire. Peu importe, en vérité, la qualité de son travail, car personne n'écoute.

Vous dites que l'École de journalisme ici est unique. Nous avons une école de journalisme à Regina. Pourriez-vous me dire en quoi votre école est différente?

Mme Logan : L'Université de Regina n'offre pas un programme d'études supérieures. Dans notre cas, c'est tout ce que nous offrons.

Le sénateur Merchant : J'ignorais cela. Merci beaucoup.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci, madame la présidente, collègues, distingués professeurs et membres du public. Je suis toujours tournée vers le futur en pensant à nos jeunes, et j'ai été très intéressée par toutes les choses que vous avez dites au sujet de notre jeune population canadienne.

J'ai souligné les choses que j'ai relevées, et il me semble que vous avez constaté dans l'ensemble que les jeunes gens étaient plus avertis et plus critiques. Un plus grand nombre d'entre eux trouvent qu'il y a un manque d'équilibre. Un plus grand nombre pensent également que les erreurs commises sont cachées. Un plus grand nombre d'entre eux pensent que les nouvelles sont colorées par le sensationnalisme, et ainsi de suite. Vous n'avez pas fait état de cela dans votre présentation, mais davantage de jeunes gens utilisent l'Internet pour obtenir leurs nouvelles. Pourriez-vous étoffer un petit peu les impressions qui vous viennent de ce sondage et de votre professorat, s'agissant de ces jeunes Canadiens, de la génération suivante et de l'avenir des actualités?

Mme Logan : Nous devrions sans doute demander aux étudiants de se prononcer là-dessus, et beaucoup de choses ont été écrites en la matière, mais d'après ce que j'ai pu observer, les médias traditionnels ne réagissent pas aux intérêts des jeunes comme ceux-ci le souhaiteraient. La valeur de l'Internet, bien sûr, est que l'on peut y trouver les médias traditionnels, mais également des solutions de rechange.

La préoccupation que vous soulevez est une préoccupation d'envergure pour les propriétaires de médias de partout dans le monde et qui cherchent différents moyens d'en traiter. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il existe de nombreuses nouvelles publications qui s'adressent à des auditoires plus jeunes. C'est notamment le fait de quotidiens. Il y en a un à Chicago qui s'appelle Red Eye.

Mme Young : CanWest Global lance une publication du genre dans cinq villes.

Mme Logan : Oui, CanWest Global lance un journal axé sur les jeunes dans cinq villes du pays l'an prochain. L'entreprise a clairement reconnu que les médias traditionnels ne répondent pas à la demande d'un auditoire plus jeune et elle tente différents moyens de rectifier le tir. Les expériences menées aux États-Unis sont considérées comme étant réussies, et je suppose qu'il nous reste à voir ce qui va se passer au Canada.

Le sénateur Trenholme Counsell : Merci. Ce journal pour jeunes de CanWest Global sera-t-il gratuit?

Mme Young : J'en ai en fait tout juste parlé dans ma rubrique la semaine dernière. Il sera gratuit. Il va être lancé dans cinq villes en mars. Il s'appelle Dose et il est calqué sur le Chicago Tribune.

Le sénateur Trenholme Counsell : Oui, j'ai vu un article là-dessus quelque part. Ce journal sera-t-il également disponible sur l'Internet?

Mme Young : Je ne sais pas s'ils vont l'offrir en ligne. Je suppose que oui, mais cela n'a pas encore été annoncé. L'on s'inquiète de la concurrence de la part de quotidiens gratuits. Metro, l'entreprise suédoise qui est à Toronto et à Montréal, va faire un tour du côté de Vancouver. Les choses bougent beaucoup à l'heure actuelle dans l'industrie.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quelle est l'humeur dominante actuelle parmi vos étudiants? Est-ce l'optimisme?

Mme Logan : Eh bien, nous avons tout juste hier vu une annonce dans le journal : Metro est en train d'embaucher à Vancouver. Je suppose donc que la boîte se sentira un petit peu mieux qu'avant.

Le sénateur Munson : Je suis curieux de savoir quelle incidence aura votre sondage sur l'attitude des étudiants et s'il changera la façon dont vous enseignerez à partir de maintenant.

Mme Logan : Question intéressante. Nous suivons tous le travail fait par Pew, et dans le cadre de l'élaboration de notre programme nous avons été très sensibles à ce qui se passait dans l'industrie, y compris toutes les choses dont nous parlons ici aujourd'hui, et notamment l'effet de la technologie. La plupart des écoles de journalisme continuent de viser la spécialisation de leurs étudiants, ou pour la radio, ou pour la télévision ou pour la presse écrite. Dès le départ, nous avions décidé que, parce que nous n'avions pas de professeurs uni-média, nous éliminerions la spécialisation pour essayer de produire des journalistes capables de travailler dans le nouveau monde convergé et de réussir dans la presse écrite, la télévision et l'Internet, ainsi que la radio. C'est là une façon dont non seulement notre étude mais d'autres également ont influé sur ce que nous faisons ici.

J'ai toujours cru, et cette étude vient renforcer cette idée, qu'il nous fallait des journalistes ayant fait des études dans un domaine autre que le journalisme. Traditionnellement, les gens ont fait des études de premier cycle en école de journalisme, pour ensuite parfois obtenir un diplôme d'école de journalisme pour ensuite se lancer dans l'industrie. J'en suis arrivée à la conclusion au fil des ans que ce n'est pas la meilleure façon de faire, qu'il est préférable d'avoir des gens qui ont fait des études dans un autre domaine et qui ont choisi le journalisme par la suite. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des étudiantes de cette école possèdent un diplôme, parfois deux, dans un autre domaine et viennent poursuivre ici leur maîtrise en journalisme par la suite. Je crois que c'est là l'avenir de l'éducation en journalisme, qu'il est de plus en plus important d'avoir des gens qui comprennent la façon dont fonctionne le monde et qui ont des connaissances spécialisées, que ce soit en finances, en études asiatiques ou en santé, pour ainsi être en mesure de faire des reportages ciblés. Pour moi, le secret c'est une meilleure éducation au premier cycle ainsi qu'aux cycles supérieurs.

Notre programme comporte un volet culture générale. Les étudiants ne prennent pas que des cours en journalisme. Pendant les deux années, il leur faut accumuler 12 crédits dans une discipline sur laquelle ils sont en mesure de faire des reportages, par exemple relations internationales.

Le sénateur Munson : Vous avez parlé brièvement d'un monde en convergence et de la détention de la propriété par certaines familles ou certains groupes. La tournée du comité n'est pas le plus gros événement au monde, mais nous étions ici en Colombie-Britannique hier, et aucun journaliste n'a couvert l'événement. J'ignore pourquoi. Cela aurait sans doute donné un bon reportage. Nous nous intéressions aux médias et aux nombreuses voix que nous avons entendues hier, mais ces voix n'ont pas été entendues dans The Vancouver Sun ou The Province. J'aimerais connaître l'attitude de vos étudiants et la vôtre s'agissant de ce monde en convergence et du fait qu'un seul et même propriétaire possède une grosse station de radio, des quotidiens et des journaux communautaires. Est-ce là une bonne chose?

Mme Logan : Nous pourrions passer beaucoup de temps à répondre à cette question.

Le sénateur Munson : Ce sera ma dernière.

Mme Logan : Cette ville est la plus convergée qui soit au pays. Ce n'est sans doute pas une situation saine, mais elle n'est pas aussi désespérante que semblent le penser beaucoup de gens. Nous avons CBC ici, et la société jouit d'un auditoire très respectable. Nous avons également CTV, qui jouit lui aussi d'un auditoire respectable. En anglais, le reste appartient à CanWest. Cependant, comme nous l'avons évoqué plus tôt, il existe ici une presse ethnique incroyablement vigoureuse et qui sert une population énorme. Et nous avons deux ou trois autres stations de télévision et plus de stations de radio que l'on ne pourrait compter et qui commandent des auditoires énormes. La situation qui existe ici est beaucoup plus complexe qu'on ne le dit parfois.

Le sénateur Eyton : Merci. J'aimerais dire, en guise de préface, que tout ceci est formidable et c'est une vraie douche froide comparativement à certains commentaires anecdotiques et enflammés que l'on entend de-ci de-là. Il est formidable de voir ces chiffres et de voir une étude concrète à laquelle s'amarrer.

J'ai été abasourdi d'entendre que votre école d'études supérieures n'a que cinq ans et que c'est la seule école d'études supérieures à l'ouest de l'Ontario. Combien d'autres écoles d'études supérieures du genre existe-t-il au pays?

Mme Logan : Ce serait difficile à dire car tout dépend de la définition que vous donnez à école d'études supérieures en journalisme. Si vous parlez strictement d'écoles d'études supérieures en journalisme, il n'en existe que deux autres, celle de l'Université de Western Ontario et celle de l'Université Carleton, à Ottawa. Ils sont en train de créer un programme d'études supérieures à Ryerson, et il y a également des écoles de communications dotées de programmes d'études supérieures. Mais, à strictement parler, en matière de journalisme, il n'en existe que trois ou quatre, selon la définition que vous employez.

La présidente : Et qu'en est-il de Laval?

Mme Logan : Le programme de Laval est un programme d'études médiatiques. Il ne produit en réalité pas de journalistes, même si certains de ses diplômés se lancent par la suite dans le journalisme.

Le sénateur Eyton : J'aurais pensé, sur la base de mes propres connaissances, qu'il en existait davantage, mais peut-être que ma définition est plus large que la vôtre.

Nous n'avons pas eu beaucoup l'occasion d'examiner votre étude, mais elle est fascinante. Je vais la relire ce soir pour en avoir toute la saveur. Il semble qu'elle ait été effectuée de façon professionnelle, alors la seule question que j'ai concerne l'échantillonnage lui-même. Il s'agit d'un échantillon important, avec plus de 3 000 répondants, et les entrevues ont été approfondies, ce qui est très bien. Comment avez-vous établi l'échantillon? Au moyen d'appels téléphoniques au hasard?

Mme Logan : C'était une enquête téléphonique à composition aléatoire.

Le sénateur Eyton : Eh bien, cela a donné une masse de travail fort impressionnante.

Sur la base de ma lecture rapide, il me semble que les médias dans leur ensemble ont une note très inférieure à la moyenne, si l'on applique des jugements et des valeurs ordinaires. Je pense qu'ils échouent, et cela fait ressortir quantité de préoccupations. J'irais plus loin encore disant que si ce carnet de notes visait l'industrie automobile ou l'industrie de la marmelade, elle fermerait boutique. Vous en entendriez certainement parler dans les médias. Pensez-vous que ce travail et ses ramifications seront repris de façon générale par les médias canadiens? S'agira-t-il d'un dossier qui s'inscrira dans la durée, plutôt que d'une histoire d'un jour qu'on découvre dans le journal le lundi et qu'on a oubliée avant vendredi? Cela sera-t-il largement diffusé et l'industrie s'intéressera-t-elle aux ramifications du rapport? Dans quelle mesure pensez-vous que cette étude sera bien accueillie et bien couverte?

Mme Logan : Eh bien, nous avons fait une présentation là-dessus au Banff Television Festival. C'était une présentation très préliminaire car notre analyse des données était moins approfondie qu'elle ne l'est maintenant. J'ai été plutôt étonnée et déçue par la couverture médiatique que cela a reçu. Étant donné que c'est la première enquête nationale publique d'envergure du genre, nous avions pensé qu'elle attirerait une meilleure couverture. Nous avions recouru à des professionnels pour assurer la publicité pour nous. Nous avions envoyé des communiqués de presse à l'échelle du pays, en recourant à tous les moyens qu'utilisent habituellement les médias pour nous mettre au courant. Il y a eu un article dans The Vancouver Sun mais il n'a été repris nulle part ailleurs dans la presse écrite anglophone. Le service des dépêches Canadian Press a pondu un petit reportage qui a été repris par La Presse et il y a eu plusieurs interviews à la radio. Je pense avoir fait environ 11 entrevues à la radio, genre émission lignes ouvertes, qui ont été plutôt bonnes. Il n'y a pas du tout eu de couverture à la télévision. Ma réponse à votre question, donc, en un seul mot, serait « non ».

Le sénateur Eyton : L'industrie est merveilleuse s'agissant de critiquer tous les autres et il serait formidable qu'elle applique une partie de cette objectivité à elle-même.

Hier, nous avons eu une très longue et très intéressante journée dans le centre-ville de Vancouver. Je suis fasciné par la question de savoir qui influence les nouvelles. La présentation d'hier laissait entendre que la concentration des médias compte pour environ 90 p. 100 du problème, les annonceurs comptant pour les autres 10 p. 100, avec peut-être un ou deux autres groupes dans le mélange. D'après votre enquête, pour ce qui est de la question de l'influence, les intérêts politiques se voient accorder 42 p. 100, les intérêts économiques 27 p. 100, et les pauvres propriétaires des médias en sont à 12 p. 100. Les propriétaires des médias ont du mal à décrocher une place à l'écran s'agissant de l'influence qu'ils exercent sur les journaux. Pour ce qui est de la consolidation de la propriété des médias, la majorité des gens sont préoccupés par la concentration des médias, ce que je comprends, mais il importe d'inscrire cela dans le contexte où, d'après votre sondage en tout cas, les propriétaires n'exercent qu'une influence minime, se situant au même rang que les groupes de lobbying, les syndicats et les annonceurs, qui n'exercent presque aucune influence quelle qu'elle soit.

Je pense que l'industrie se doit d'examiner ce que sous-entend l'étude. Ce travail exige un plan d'action. Et je ne serais pas aussi pessimiste que vous, qui laissez entendre que le Canada ne pourrait pas entreprendre un projet pour l'excellence en journalisme parce que nous sommes plus petits et disposons de moins d'argent et de moins de ressources. Je conviens que les États-Unis comptent une ou deux merveilleuses fondations qui disposent de beaucoup d'argent pour financer ce genre de choses. Mais je n'abandonnerais pas pour autant l'idée, car il me semble que la transparence et une meilleure compréhension de l'industrie par les gens à l'intérieur et par le public sont essentielles. Je vous félicite du travail que vous avez fait; c'est une merveilleuse contribution pour nous. Merci.

Le sénateur Chaput : J'aimerais me concentrer sur les questions les plus sérieuses, à commencer par l'indépendance des médias. L'étude montre que et les Canadiens et les Américains ne croient pas que les médias sont indépendants; ils estiment qu'ils sont plutôt influencés par des gens puissants. Les chiffres varient entre 76 et 70 p. 100.

Cela m'amène à la concentration de la propriété. Si j'ai bien compris, l'un des témoins d'hier a dit que les règles sont différentes aux États-Unis et qu'elles ne limitent pas la concentration des entreprises. Cela ne semble pas changer grand-chose, étant donné que les gens continuent de dire que les médias ne peuvent pas être indépendants. Êtes-vous allés jusqu'à examiner les règles ou règlements différents qui existent au Canada et aux États-Unis? Allez-vous effectuer ce genre d'analyse?

Mme Logan : Nous n'avions pas réfléchi à cela, mais ce n'est pas une mauvaise idée. Les lois sont différentes, mais il existe toujours beaucoup de concentration aux États-Unis car nombre des ententes en place ont bénéficié de clauses de droits acquis lors de l'adoption de la nouvelle loi. En fait, il se trouve dans certaines villes américaines autant de concentration que ce que l'on peut trouver ici.

Le sénateur Chaput : Cela est très intéressant. Je n'avais pas compris cela hier.

En tant que francophone de l'Ouest canadien, je suis très heureuse de constater que l'étude a traité les francophones comme constituant une clientèle distincte. Dans le cadre de votre étude, avez-vous contacté des francophones en Ontario ou des Acadiens de la région de l'Atlantique ou des francophones de l'Ouest du Canada? Ou bien vous êtes-vous limités à des Québécois francophones?

Mme Logan : L'échantillon de 3 000 incluait des francophones de partout au pays. Malheureusement, il n'y en avait pas suffisamment à l'extérieur du Québec pour que l'on puisse faire une ventilation.

Le sénateur Chaput : M'autorisez-vous à poser une troisième question?

La présidente : Absolument.

Le sénateur Chaput : Merci. Ma troisième question concerne l'Internet. Un témoin nous a dit hier que nous devrions nous pencher sur ce qu'il a appelé les médias électroniques. Les médias électroniques s'en viennent et nous devrions envisager différentes règles les régissant. Auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?

Mme Young : Pourriez-vous être plus précise s'agissant de ce que vous entendez par règles?

Le sénateur Chaput : Peut-être qu'il vaudrait mieux parler de lignes directrices en matière de réglementation.

Mme Young : Voulez-vous parler de lignes directrices pour l'Internet?

Le sénateur Chaput : Oui. Pour les nouveaux médias électroniques.

Mme Young : Je pense qu'il nous faut envisager les médias de façon plus large que cela. Lorsqu'on parle concentration ou médias électroniques, je pense qu'il importe de savoir si ce qui nous intéresse c'est la diversité des nouvelles locales, la diversité des nouvelles nationales ou la diversité des nouvelles internationales. L'Internet a en fait assuré une plus vaste distribution de ces informations. Grâce aux services en ligne, les gens partout dans le monde peuvent glaner différents points de vue idéologiques ou communautaires sur les questions qui les intéressent. J'ignore s'il nous faut forcément des lignes directrices pour l'Internet. Je pense qu'il nous faut nous concentrer sur l'amélioration de la qualité du journalisme dans ce pays, tant pour les nouvelles locales que pour les nouvelles nationales, et sur les moyens à mettre en œuvre pour que l'industrie soit plus redevable.

Le sénateur Carney : J'ai le privilège de siéger au conseil consultatif auprès de l'École de journalisme depuis sa création, et cela a été pour moi une expérience fascinante que de voir l'école se développer.

J'ai une question au sujet de l'Internet. La publication de l'école, pour laquelle les étudiants accumulent des crédits, est un journal en ligne intitulé The Thunderbird. Que je sache, vous n'avez pas de publication sur papier. Vous n'avez pas de version papier de The Thunderbird. Vous comptez entièrement sur l'Internet pour ce journal, qui est la voix de l'école. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez choisi de procéder ainsi au lieu d'avoir, comme c'est la norme, un journal sur papier?

Mme Logan : Il y a à cela plusieurs raisons. L'une est d'ordre financière : nous n'avons pas l'argent nécessaire pour faire imprimer un journal, ce qui est beaucoup plus coûteux. Par ailleurs, ce n'est à mon sens pas une mauvaise chose.

Le sénateur Carney : Bien.

Mme Logan : Comme je l'ai dit à maintes reprises, les étudiants eux-mêmes sont très axés sur l'Internet. Lors de la première série d'admissions à l'école, j'avais pour habitude de demander aux étudiants par quel moyen ils avaient pris connaissance de l'école de journalisme à UBC. Quatre-vingt-dix-huit pour cent avaient dit que c'était « sur l'Internet ». C'est ainsi que je me suis rendue compte que les jeunes se tournaient vers l'Internet pour se renseigner. Le gros du journal concerne les médias, et nous ne traitons pas que de questions locales, mais également de questions nationales et internationales. Nous avons jugé que l'Internet était le meilleur moyen de joindre les étudiants, qui appartiennent pour la plupart à une certaine tranche d'âge.

La présidente : J'ai trois questions. Premièrement, il me semble que vous avez dit que 26 p. 100 des répondants trouvaient que les nouvelles étaient difficiles à comprendre. Cela correspond-il au problème d'analphabétisme? Si mes souvenirs sont exacts, la plupart des sondages disent que c'est à peu près là le pourcentage de Canadiens qui ont des problèmes pour lire et écrire.

Mme Young : Nous n'avons pas creusé si loin que cela dans les données pour voir s'il y avait un lien avec l'analphabétisme. En fait, nous n'avons pas posé de questions relatives à l'analphabétisme. Nos questions portaient sur l'éducation. Nous pourrions cependant puiser cela dans les données, pour voir s'il y a un parallèle entre niveau d'instruction et difficulté de compréhension des actualités.

La présidente : Il serait peut-être intéressant de regarder cela à l'avenir. J'ai tout simplement été frappée par l'idée qu'il y avait peut-être là un parallèle à dresser.

Deuxièmement, nous savons tous que lorsque vous posez des questions aux gens, ils donnent parfois des réponses contradictoires. Mais j'ai été frappée par le contraste entre les 54 p. 100 qui disent que les médias s'efforcent de cacher leurs erreurs et les 53 p. 100 qui disent que les médias d'information prêtent attention aux plaintes au sujet d'inexactitudes dans les reportages. Pourriez-vous m'expliquer cette contradiction apparente.

Mme Young : Il a été question plus tôt de la façon dont les questions sont formulées et dont le sondage est organisé.

La présidente : Oui, exactement.

Mme Young : Certaines des questions que nous avons posées ne figurent pas ici. Il y a quelques anomalies et le cas que vous évoquez figure probablement parmi elles. La façon dont la question est posée, c'est-à-dire en forme négative ou en forme positive, peut susciter des réponses différentes.

La présidente : Oui. En bout de ligne, donc, nous ne savons pas trop quoi tirer de celle-là.

Mme Young : Nous n'en sommes pas certains. Du fait que c'était un sondage au hasard, nous n'avons pas de groupe témoin à interroger plus avant, mais ce serait formidable de pouvoir enchaîner à ce niveau-là.

La présidente : Oui. Ma dernière question porte sur le sensationnalisme et la confiance. Le groupe le plus nombreux qui ait dit que le sensationnalisme a une incidence sur leur niveau de confiance est la tranche d'âge de 19 à 25 ans. Je devine que ce qu'ils ont voulu dire c'est que le sensationnalisme a une incidence négative sur leur confiance, mais c'est peut-être là une erreur de ma part. Je suis fascinée par cela, car je pense que la sagesse conventionnelle veut que depuis au moins 20 ans il faille, pour attirer de jeunes lecteurs, habiller tout cela, y mettre des plumes et des paillettes et ainsi de suite et, surtout, réserver beaucoup de place au sexe.

Le sénateur Carney : Cela, c'est pour les vieux.

La présidente : C'est peut-être ce que nous dit l'étude. Que cela signifie-t-il selon vous? Cela signifie-t-il que les jeunes sont plus sophistiqués?

Mme Logan : Je pense que cela signifie qu'ils sont plus critiques. Mais j'ai toujours pensé que c'était une fausse prémisse que de dire qu'il faut toutes ces fioritures pour attirer les jeunes. Ils utilisent l'Internet et l'Internet est de façon générale difficile à lire et, bien qu'il s'y trouve beaucoup de mouvement, il n'offre pas le genre de choses que peut présenter un journal, voire même la télévision. Songez à la façon dont cela se passait lorsque vous étiez à l'université. Les jeunes gens sont très cyniques s'agissant des moyens conventionnels de faire presque n'importe quoi, ce qui est tout à fait normal. C'est la seule période dans sa vie où l'on a ce luxe.

La présidente : J'espère que lorsque vous raconterez cette histoire, surtout aux gestionnaires des médias, vous porterez tout particulièrement cet aspect-là à leur attention, car je devine que ce sera sans doute l'une des choses les plus étonnantes dans toute cette étude. J'ai trouvé cela fascinant.

Mme Logan : Nous espérons engager certains des gestionnaires de médias dans le cadre de notre conférence à la fin du mois.

La présidente : Merci beaucoup à toutes les deux. Vous aurez deviné que nous avons tous été absolument fascinés par votre travail, et nous envisageons avec plaisir de recevoir votre prochaine étude, dont j'ai cru comprendre qu'elle doit sortir dans quelques semaines.

Mme Logan : Oui, elle devrait sortir d'ici le milieu du mois.

La présidente : Formidable. Faites-en sorte que nous la recevions.

Mme Logan : Je m'en occuperai.

La présidente : En attendant, merci beaucoup pour ce travail absolument fascinant.

Mme Logan : Tout le plaisir était pour nous.

La présidente : Le témoin suivant est le professeur Stephen Ward, professeur adjoint, éthique en journalisme, ici à l'École de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique. Le professeur Ward vient tout juste de publier un livre intitulé The Invention of Journalism Ethics : The Path to Objectivity and Beyond.

Avant que le professeur Ward ne commence sa présentation, j'aimerais que les étudiants dans la salle sachent que les sénateurs ici présents tiennent à leur réserver au moins quelques minutes ou pour qu'ils puissent nous dire ce qu'ils veulent ou pour qu'ils puissent nous poser des questions, auxquelles nous aurons peut-être, mais peut-être pas, les réponses. Nous tâcherons de faire cela à la fin de la réunion.

Allez-y, je vous prie, professeur Ward.

M. Stephen Ward, professeur, École de journalisme, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : J'aimerais simplement vous faire savoir que mes étudiants sont ici et qu'après cette audience, qui empiète un petit peu sur notre temps de cours, nous allons discuter de certaines de ces questions dans le cadre de mon cours sur l'éthique.

Merci encore. C'est un honneur pour moi de pouvoir m'entretenir avec vous au sujet de la question fort importante du journalisme canadien et de l'éthique, ce qui est mon domaine de recherche et de spécialisation. Je vais d'abord vous faire un bref survol de ma recherche récente sur l'éthique, de la pertinence de l'éthique dans le contexte des politiques et des politiques médiatiques, pour ensuite aborder certaines questions qui se posent selon moi à l'heure actuelle en matière d'éthique journalistique, et enfin vous soumettre quelques idées en vue d'améliorer l'éthique en journalisme. Je tiens à souligner que je vais ici me cantonner à l'éthique étant donné que je ne suis pas expert en ce qui concerne les volets financier ou technologique des médias, bien que j'aie certaines opinions au sujet de différentes questions que vous posez. Si donc vous souhaitez connaître mes opinions sur ces aspects, je vous les donnerai, bien que je ne sois pas expert dans ces domaines.

En ce qui concerne mes activités professionnelles, j'ai, au cours des dernières années, aidé l'Association canadienne des journalistes à élaborer deux codes d'éthique, soit un code général et un code se rapportant particulièrement au journalisme d'enquête. Je suis très intéressé à aider les journalistes et les salles de presse à élaborer des politiques et des procédures susceptibles d'améliorer leur couverture de l'actualité.

Dans le domaine universitaire, ma spécialisation est l'éthique appliquée, qui renvoie aux pratiques et normes d'une discipline professionnelle donnée. Je définis l'éthique en journalisme comme étant les normes et les idéaux que devraient suivre les journalistes dans le cadre de leur travail au service du public.

Ma recherche au cours des dernières années a porté principalement sur l'histoire de l'éthique en journalisme — pas le journalisme, mais l'éthique du journalisme, bien que les deux choses aillent bien évidemment de pair. J'ai publié ou suis plutôt sur le point de publier un livre intitulé The Invention of Journalism Ethics. Ce livre comporte deux parties. Je commence par retracer l'évolution des normes en journalisme du XVIIIe siècle à aujourd'hui, pour ensuite jeter un coup d'œil prudent sur l'avenir, car celui-ci s'annonce comme étant très complexe. Une autre partie du livre traite de la montée et du déclin de l'idée de l'objectivité en journalisme.

Même si je demeure très intéressé par l'histoire, ma nouvelle recherche porte sur l'avenir de l'éthique et sur ce vers quoi l'on tend dans la discipline et dans la pratique. Je suis également intéressé par l'éthique du journalisme à l'échelle mondiale et me demande si nos normes existantes sont suffisantes étant donné que les médias ont aujourd'hui une incidence mondiale et peuvent influer sur les affaires internationales, les efforts humanitaires, et ainsi de suite. Notre code d'éthique est-il adapté à ce genre de monde?

Je m'interroge également quant à la pertinence de l'éthique dans le contexte de la politique médiatique. Une partie de l'éthique en journalisme concerne l'objectif que devraient avoir les médias dans la société. À quoi devrait ressembler notre système de médias d'information? Quel devrait-il être?

Pour moi, il se pose trois grandes catégories de questions. Il y a, tout d'abord, les questions éthiques d'ordre normatif. Quel est le but visé? Quel genre de nouveau système souhaitons-nous avoir? Pouvons-nous même imaginer à quoi cela devrait ressembler? Vient ensuite la question empirique qui, tout comme notre étude, tente de nous situer dans le moment présent, de déterminer ce que le public pense des médias, quelle est la situation actuelle du journalisme dans les bureaux de presse d'aujourd'hui, et ainsi de suite. Enfin, à supposer que nous sachions où nous sommes et quels objectifs nous visons, il y a la question de savoir comment combler le fossé entre là où nous nous trouvons et ce vers quoi nous nous dirigeons. Et c'est là une question pratique de réforme institutionnelle que je trouve des plus complexes et des plus paralysantes, à l'occasion, lorsque je m'efforce de déterminer de quelle façon nous allons pouvoir améliorer le journalisme et relever les défis de l'avenir. C'est donc une question de moyens et de connaissances, de mécanismes et de connaissances, axée sur nos objectifs.

Lorsque poussé à répondre à la question de ce qu'est l'objectif, j'adopte une vision plutôt politique du journalisme, soit que l'objet premier du journalisme est de livrer aux citoyens les renseignements dont ils ont besoin pour être libres et capables de s'autogouverner, y compris des renseignements sur les grands dossiers du jour, comme par exemple l'économie, la santé et l'environnement, et pas juste la politique. Idéalement, notre premier devoir en tant que journalistes est de rechercher la vérité au service du public. En ma qualité de journaliste, je me suis toujours efforcé d'être loyal en tout premier lieu au public. L'essence du journalisme, comme le laisse entendre le livre de Kovach et Rosenstiel, est la vérification par l'intermédiaire de journalistes indépendants et la livraison de nouvelles et d'opinions proportionnelles et exhaustives. Je sais que cela peut paraître très idéaliste, mais il vous faut avoir devant les yeux un idéal d'un genre ou d'un autre si vous allez évaluer ce que vous êtes censé faire pour l'avenir.

J'ai également ici une citation de Robert McChesney, qui parle des systèmes médiatiques comme ayant pour objet une autonomie gouvernementale éclairée et active. À mon sens, c'est à toutes fins pratiques la même chose.

Où en sommes-nous à l'heure actuelle? Nous pourrions discuter pendant des heures de là où nous situons les médias à l'heure actuelle. Je pense que nous vivons une difficile révolution médiatique, amorçant une transition difficile vers ce que j'appellerais un système médiatique mixte. En gros, ce ne sont plus les médias grand public et les médias traditionnels qui sont les seuls propriétaires de l'information. Ils doivent partager l'avant ou le côté de la scène avec de nombreux genres de journalistes : carnetiers, chroniqueurs en ligne, auteurs de sites Web de tous genres. Il y a et il y aura un va-et-vient constant entre les médias grand public et les sites Web et tout ce qui se trouve en marge. Il y a également utilisation de tout un mélange de médias; les gens sont en effet nombreux à consulter les médias grand public, mais ils recourent également aux médias personnels. Par exemple, lors du Tsunami, les gens ont non seulement regardé The National sur CBC, mais ont envoyé des messages alphabétiques, ont utilisé des téléphones cellulaires et recouru à quantité de médias pour obtenir et échanger des renseignements. Voilà le monde dans lequel nous vivons, et pour moi il s'agit là d'un aspect très important.

D'autre part, du fait de cette convergence et de l'expansion des médias, il se profile quantité de tendances qui pourraient avoir des effets positifs ou négatifs à long terme, et il est difficile de savoir comment tout cela va tourner. L'on constate une prolifération de nouveaux médias assortis de pratiques de communication et d'idées totalement nouvelles s'agissant de ce qu'est le journalisme. Il y a de nouvelles valeurs qui émergent. Les médias sont plus rapides et omniprésents. Les médias se sont élargis et on les voit partout. On a presque l'impression qu'ils empiètent sur la vie privée des gens, 400 journalistes se présentant à la porte de gens qui pleurent la disparition d'un proche.

La société est elle aussi en train de changer. Clairement, si les habitudes des auditoires et des lecteurs changent, cela aura une incidence sur les bureaux de presse. Les gens deviennent plus impatients pour ce qui est de l'actualité, ils changent rapidement de chaîne avec leur télécommande. Ils veulent utiliser diverses formes de médias qui n'ont pas d'horaire. Ils ne veulent pas forcément avoir à s'asseoir à 18 h pour écouter les nouvelles. Ces habitudes changeantes et ces nouvelles façons d'utiliser les médias ont une incidence sur la façon dont les services des nouvelles auront à livrer l'information. Avec la prolifération des médias que l'on constate à l'heure actuelle, l'environnement médiatique bouge beaucoup. Il s'exerce des pressions énormes pour capter l'attention des gens, les divertir, saisir les marchés qui restent, alors que tout le monde se bat pour les différents marchés créneaux. Cela peut avoir une incidence sur les normes et procédés.

L'on constate également depuis longtemps une dérive vers la définition des nouvelles et des reportages comme étant principalement ou seulement une activité commerciale, les divisions des nouvelles étant des divisions de produits et les rapports trimestriels nous poussant sans cesse à attirer plus de lecteurs et décrocher de meilleures cotes. J'ai remarqué, lors de conférences sur le journalisme, que l'on parle de plus en plus du « produit » par opposition au journalisme, à l'actualité et aux opinions des citoyens. Ce langage pourrait être un problème.

Il y a convergence dans les marchés créneaux. Certains tentent de réassembler des auditoires autour de plates-formes. D'autres optent pour des créneaux. Et il y a également le phénomène du journaliste multimédia, qui est vieux si l'on s'appuie sur les normes de la Presse canadienne. Lorsque je travaillais pour la PC, je faisais de la radio et de la presse écrite. L'on constate dans les services des nouvelles une imbrication de plus en plus serrée de ces fonctions.

Une dernière tendance qu'il me faut mentionner est que les médias sont en train de se mondialiser, avec des conglomérats internationaux et de très grosses boîtes médiatiques. Cela s'accompagne de risques de conflits d'intérêt entre ce que vous rapportez et les intérêts économiques de votre conglomérat international.

L'effet de tout cela est une éthique de journalisme confuse. L'on constate à l'heure actuelle une bataille ou collision ou convergence entre normes anciennes et normes nouvelles. Prenez l'objectivité, par exemple. Est-elle en déclin? Vaut-elle la peine d'être sauvée? Peut-être que ce qu'il nous faut c'est un journalisme d'affirmation, d'attitude, de tournure visant à rallier les gens autour de son point de vue. Il y a également la question de la protection du public. Lorsqu'il semble qu'il n'y ait plus de porte à garder, lorsque tout le monde a accès à une multitude de formes de médias, le principe du rôle de garde-porte vaut-il toujours? L'exactitude est encore un autre aspect. Dans quelle mesure faut-il être exact sur le Web? Vos normes pour le produit en ligne devraient-elles être les mêmes que pour votre journal, si vous êtes propriétaire des deux? Il se livre à l'heure actuelle un débat énorme au sujet de l'éthique en journalisme et de la façon de faire.

Ce que nous constatons est que l'éthique est chose très difficile; il est difficile de faire des déclarations et de maintenir des normes, car le journalisme est triplement enchâssé, et pris dans un feu croisé. Nous avons des médias d'information en évolution, un environnement médiatique en évolution et une société en évolution. La question qui interpelle est donc la suivante : nos normes éthiques existantes sont-elles pertinentes? Les gens discutent de principes et de normes en journalisme, et du fait d'une absence de consensus sur les principes, l'on se retrouve en quelque sorte dans un vertige éthique. Où nous situons-nous? Quelles normes devrions-nous épouser?

Nos normes sont-elles suffisamment solides? Sont-elles suffisamment appuyées dans les bureaux de presse d'aujourd'hui? Ou bien d'autres facteurs l'ont-ils emporté sur l'éthique? Et la deuxième question qui interpelle est donc la suivante : approchons-nous de la fin de l'éthique en journalisme? Notre intérêt pour l'éthique et les normes survivra-t-il aux lourdes pressions commerciales qui s'exerceront sur lui, et ainsi de suite?

Comment s'y prendre pour tendre vers ces objectifs? J'appelle cela l'énigme Monty Python. Monty Python avait cette merveilleuse séquence où un voyageur demandait à un fermier comment se rendre à la ville, et la réponse que celui-ci lui a donnée a été « Vous ne pouvez pas vous y rendre à partir d'ici ». La question pour nous est celle de savoir si nous pouvons atteindre nos objectifs. Où voulons-nous que le système médiatique aille à partir d'ici et comment nous y prendrions-nous? Comment faire pour élaborer un système de médias qui satisfasse nos besoins démocratiques avec des mécanismes qui renforcent les normes éthiques au beau milieu de cette révolution? En d'autres termes, comment faire pour renforcer l'éthique en journalisme dans le contexte actuel?

Il y a plusieurs obstacles au changement fondamental en matière d'éthique. On me demande souvent pourquoi les journalistes ne font pas simplement ce qui est bien. Après tout, nous avons toutes ces normes et procédures et codes. Ne soyons pas naïfs : il existe quantité de problèmes, et cela m'a toujours frustré au fil des ans en ma qualité de professeur d'éthique.

Premièrement, le journalisme est une profession non isolée, enchâssée, en ce sens que non seulement les journalistes ont des normes et des idéaux professionnels, mais il leur faut les appliquer à l'intérieur d'une salle de nouvelles, qui fait partie d'une grosse boîte et qui est animée par quantité d'allégeances contradictoires — allégeances quant aux sources, quant à ce que veut le rédacteur en chef, quant à la survie de l'entreprise. C'est ainsi que l'éthique peut assumer une importance secondaire et que les journalistes peuvent perdre de leur autonomie dans la prise de leurs décisions. L'éthique peut être compromise.

Il existe également dans le monde du journalisme des attitudes négatives à l'égard de l'éthique; il existe un sentiment selon lequel le journalisme est un art pratique tandis que l'éthique est davantage pour les professeurs qui passent leur temps assis en salle de classe. Le journalisme est trop rapide; il n'y a pas de temps pour réfléchir aux normes et aux principes lorsqu'on essaie de prendre une décision au beau milieu d'un événement qui vient de se produire. Il y a chez certains journalistes une attitude fataliste et anti-intellectuelle. Il y a un sentiment que l'on ne peut rien faire, c'est-à-dire que l'on peut combattre les forces du mauvais journalisme, mais je ne suis pas convaincu qu'on puisse réellement amener des changements et faire le saut d'ici à là.

Intervient également la structure complexe des médias d'information. Il existe toutes sortes d'entreprises médiatiques, toutes sortes de journalistes, avec toutes sortes d'attitudes, argumentateurs et autres. Le consensus est difficile. Si je devais produire mon code d'éthique aujourd'hui et dire « voici la voie de l'avenir », il y aurait dans les salles de nouvelles et parmi les journalistes des divergences d'opinions à n'en plus finir. Dès que vous essayez d'imposer des règles en matière d'éthique, vous vous trouvez confrontés à des problèmes légaux, à des contestations fondées sur la constitution, à des questions de liberté de la presse, et ainsi de suite.

La nature informelle de l'éthique en journalisme constitue en soi un obstacle. Mais nous ne sommes pas structurés à la manière des médecins ou des avocats. Nous n'avons pas de règles d'admission, de définitions strictes régissant qui peut être un journaliste et qui ne le peut pas, ni d'organes qui imposent des pénalités pour mauvais comportement.

Il y a également des mécanismes inadéquats de réaction aux problèmes d'ordre éthique. Il se produit tout un enchaînement d'éthique en situation de crise : un cas de plagiat ou de fabrication surgit quelque part, tout le monde est choqué, et les rédacteurs exclament « Écoutez, nous allons vraiment essayer de régler ces problèmes. Nous allons nous pencher sur nos normes », et au bout de quelques années la crise est oubliée et des problèmes semblables surviennent deux ans plus tard. Il n'existe aucune structure institutionnelle pour l'éthique afin de veiller à ce qu'une réforme soit soutenue pour le long terme à l'échelle transinstitutionnelle.

Étant donné ces obstacles, il nous faut vraiment nous interroger quant à la doctrine de l'autoréglementation dans les médias. Ce n'est pas simplement qu'il se trouve que certains journalistes recourent à des pratiques douteuses. Plutôt, il existe des obstacles systémiques, qui ont à voir avec les façons dont notre profession et l'institution sont structurées. En dépit du fait que nous ayons des journalistes mieux instruits, des salles de nouvelles plus sophistiquées et de puissantes techniques de recueil de nouvelles, l'éthique demeure précaire et l'adhésion aux normes inégale. L'autoréglementation, que l'on prône depuis au moins 100 ans, ne semble pas suffire en soi; le roseau plie.

Alors quelles sont les options? Ici, je vais commencer à me faire l'écho de certains des commentaires faits par mes collègues au sujet de la reddition de comptes. Il nous faut une influence ou une réglementation publique ou une reddition de comptes publique au-delà des mesures de contrôle habituelles du marché, comme par exemple ne pas acheter un journal. Il nous faut un mécanisme de surveillance publique de l'utilisation arbitraire du pouvoir des médias et il nous faut des mesures de pression en vue d'obtenir le respect des normes. Je peux penser à au moins cinq initiatives qui pourraient être prises en vue d'améliorer la reddition de comptes.

La première étape se situe au niveau conceptuel. Il nous faut commencer au tout début et repenser cette chose que nous appelons éthique dans les médias ou le journalisme. Nous pourrions commencer à appeler cela « éthique des citoyens » ou « éthique en matière d'information pour le citoyen », et l'éthique en journalisme pourrait alors s'y trouver une place. Cela voudrait dire que l'on commencerait à tenir compte de ce à quoi le public s'attend de la part des journalistes, et non pas simplement de ce que les journalistes en tant que professionnels attendent d'eux-mêmes. Nos sondages d'opinions et autres études donnent à penser qu'il nous faut commencer à laisser le public participer au processus de discussion des genres de normes auxquelles ils s'attendent de la part de leurs réseaux médiatiques et d'information.

Deuxièmement, je pense qu'il nous faut également tendre vers ce que j'appellerais « l'éthique en matière de participation publique ». Il nous faut trouver des structures qui permettent de mieux discuter de ces questions au Canada. Il y a un modèle interne qui dit que l'éthique, c'est en gros pour les journalistes. L'éthique en journalisme c'est ce qui doit gouverner les journalistes, en tant que profession, dans leurs conférences, leurs bureaux de presse et leurs relations les uns avec les autres. Oui, nous entendons le public se plaindre, puis nous réagissons.

L'autre perspective est externe : il existe ces énormes et méchantes entreprises médiatiques et les journalistes sont en quelque sorte l'ennemi qui doit être surveillé, contrôlé et maté par des lois, pour entraver les genres d'actualités que nous n'aimons pas. Aucun de ces deux extrêmes n'est la bonne façon de faire, mais il existe peut-être une troisième voie. J'appelle cela le MSE, ce qui veut dire mobilier, structurer et examiner.

Premièrement, si l'on pouvait mobiliser l'intérêt et la participation du public relativement à ces questions, l'on pourrait former des coalitions de journalistes intéressés; l'on pourrait tenir des conférences nationales annuelles ou semi-annuelles sur l'état des médias et au cours desquelles l'on pourrait discuter et explorer ces différentes questions. À moins de pressions publiques considérables, les normes en matière de journalisme ne vont pas s'améliorer.

Deuxièmement, il faut non seulement qu'une multitude de voix parlent des médias, mais il faut également structurer cette discussion publique afin qu'elle soit diversifiée et délibérée. Le débat sur le journalisme n'a jusqu'ici pas été exhaustif; le débat a engagé des organisations ou des personnes déjà dotées de programmes politiques, ou alors il n'a pas été informé par tous les faits relatifs aux médias, ou alors s'est résumé à une tirade sur le tout dernier petit problème ou partie de problème dans le monde du journalisme. Il nous faut, au lieu de cela, prendre un peu de recul et regarder le tableau général tout entier des médias. L'organisation de conférences et de coalitions nationales au sein desquelles l'on pourrait avoir une discussion plus inclusive et plus ciblée et qui fassent intervenir le public serait un pas en avant. En passant, je ne crois pas que les gens demeureront intéressés si les journalistes eux-mêmes ne se présentent pas à ces rencontres.

Troisièmement, il nous faut faire une étude objective et exhaustive des médias d'information. C'est là chose très difficile; il ne s'est pas fait suffisamment d'études comme celle que nous venons d'effectuer, et nous ne disposons pas de suffisamment de renseignements de base sur la nature, la fonction, le financement et la structure de médias. Ces renseignements doivent être mis à la disposition non seulement des journalistes et des rédacteurs mais également du public. Nous devrions avoir des sites Web et un centre de distribution pour réunir tous ces renseignements avant la discussion. Comme cela a été le cas avec notre étude, je pense que l'on pourrait créer à partir de ces coalitions des équipes de recherchistes représentant tout un éventail d'orientations politiques et respectés dans leur profession, et qui pourraient ainsi avoir des discussions plus sérieuses et plus délibérées autour de toutes ces questions.

La troisième étape concerne l'établissement de mécanismes de reddition de comptes à l'intérieur même des services des nouvelles. J'ignore si d'aucuns seraient prêts à m'emboîter le pas là-dessus, mais j'ai un certain nombre d'idées.

Premièrement, je pense qu'il nous faudrait dans les salles des nouvelles un certain leadership qui établisse nos normes dans le détail. Quelles sont très précisément les normes auxquelles nous adhérons et comment allons-nous faire pour les respecter? Par exemple, comment expliquer nos valeurs et procédés au personnel et au public? Souvent, les employés travaillant dans les bureaux de presse ne sont même pas au courant de certaines des règles régissant des aspects particuliers du travail de leur service. Prenez par exemple la question des pressions concurrentielles et de la vérification. Le scandale memogate Rathergate de CBS, avec ce reportage sur le service militaire du président Bush fondé sur des notes de service non authentifiées, a donné lieu à un gigantesque examen indépendant qui a produit un rapport de 220 pages. La réaction de CBC a été de dire aux journalistes qu'ils ne devraient pas laisser des pressions concurrentielles faire obstacle à la vérité. À l'époque où nous vivons, il faut dire et répéter cela.

Je pense qu'il nous faut également examiner la relation propriétaire-journaliste. Dans quelle mesure les droits de propriété influent-ils sur les reportages, reportages qui sont censés livrer uniquement des actualités? Il y a également la question des conflits d'intérêt. J'ai demandé à différents services des nouvelles s'ils ont des règles explicites dont le personnel est au courant, par exemple si un journaliste spécialiste en affaires peut faire des reportages sur une entreprise dont il possède des actions ou dans laquelle il a des intérêts. Vous seriez surpris par le nombre de fois que la réponse qu'on me donne est « Eh bien, tout le monde sait cela ». Le problème avec les règles non écrites que tout le monde connaît à peu près est que des choses arrivent, et lorsque les choses arrivent, vous ne pouvez rien dire. Les gens se demandent s'il existe des règles, s'ils ont enfreint une quelconque règle, étant donné qu'aucune règle n'est établie.

J'estime que les codes d'éthique ne sont pas suffisants pour du bon journalisme, mais je crois qu'il est important d'expliciter les règles sous forme de code. Si vous ne dites pas réellement aux gens ce en quoi vous croyez, si vous ne mettez pas cela par écrit, alors il est difficile pour les gens de vous demander des comptes, car vous pouvez toujours vous esquivez et dire « Oh, mais nous n'adhérons pas réellement à cela », après coup, une fois la plainte déposée. Et c'est pourquoi vous voudriez peut-être intégrer ces règles ou normes dans des codes nationaux et suivre l'évolution des codes internationaux dans le monde.

Afin de récupérer notre crédibilité, il importe que nous trouvions des moyens transparents pour permettre au public d'évaluer la façon dont les reportages sont faits. Avec les sites Web, il est aujourd'hui assez facile d'expliquer dans le cas de dossiers importants ou controversés quelles sont vos sources, pourquoi vous les avez choisies, quels étaient vos journalistes sur le terrain, de quelle façon vous vous y prenez pour glaner vos renseignements et, si vous prenez des décisions éditoriales controversées, pourquoi vous les avez prises, pour ensuite rattacher ces décisions au code d'éthique ou aux lignes directrices et normes pour établir que vous avez agi de façon conséquente. Dans n'importe quelle autre profession, ce serait le cours d'éthique 100, n'est-ce pas?

Cette reddition de comptes active est une chose à laquelle nous pourrions travailler. Il ne suffit pas de dire aux gens : « Faites-nous confiance, nous sommes bons. Dans le monde de l'information, c'est en nous que les gens ont confiance ». Je souhaite non seulement avoir accès aux nouvelles, mais également pouvoir les évaluer. Je pense que c'est là un mouvement dans l'éthique en journalisme, l'idée de pouvoir évaluer et avoir accès.

Enfin, pour les grosses entreprises médiatiques, j'aime l'idée de la nomination de rédacteurs responsables des normes et responsables devant le public, comme cela s'est vu au New York Times et à CBS. CBS a nommé un rédacteur aux normes, et non pas un rédacteur public, mais le New York Times a nommé les deux. Encore une fois, le fait d'avoir un ombudsman constitue une forme de reddition de comptes, le public pouvant ainsi soulever des questions au sujet du journalisme que vous pratiquez.

Je vais maintenant aborder rapidement quelques autres mécanismes. Il pourrait y avoir des comités éditoriaux à l'éthique pour traiter de normes ou de problèmes à l'intérieur des services des nouvelles, de telle sorte que si un journaliste a le sentiment qu'il y a un conflit d'intérêt dans le bureau relativement à une personne ou à une pratique donnée, alors il pourrait faire une plainte confidentielle et il s'ensuivrait une discussion parmi l'équipe quant à la question de savoir si les normes sont en train d'être respectées. Il resterait bien sûr à déterminer de quelle façon cela fonctionnerait.

Je pense par ailleurs qu'il nous faudrait des politiques claires, simples et sans réserve s'agissant des rectificatifs. Après toutes ces années, des membres du public continuent de venir me voir pour se plaindre du fait qu'ils n'aient pas obtenu de rectificatif ou que même lorsqu'ils en ont eu un, celui-ci s'est trouvé enterré à la page 29 alors que l'erreur avait figuré sur la première page. Nous pourrions avoir des politiques en matière de rectificatifs, et faire en sorte que ces politiques et procédures soient très claires pour le public.

J'aime l'idée de la tenue d'enquêtes indépendantes dans le cas de graves problèmes mettant en cause la crédibilité de toute une organisation d'information, comme par exemple le New York Times ou CBS, lorsqu'un reportage important a mal tourné. Les enquêteurs devraient être des personnes de l'extérieur qui connaissent les dossiers, et les résultats devraient être rendus publics.

Je pense qu'en cette ère où les gens s'inquiètent de la fabrication de nouvelles, d'informations, de citations et de sources, l'on devrait pourvoir trouver moyen de faire des vérifications d'exactitude et de fabrication au hasard dans les services de nouvelles. L'on pourrait choisir un jour par mois dans le bureau de presse ou bien cibler un journaliste donné, vérifiant l'exactitude de ses reportages, et cetera. Il existe également à l'heure actuelle des logiciels qui permettent de relever par exemple les cas de plagiat, mais certains d'entre eux sont très coûteux. Ce pourrait être utile.

D'autre part, comme je l'ai dit, nous devrions éviter toute crise en matière d'éthique. L'éthique ne vous livre pas instantanément une solution formelle à chaque problème qui survient; chaque cas présente ses propres détails et circonstances. Nous pourrions cependant avoir des lignes directrices couvrant les situations récurrentes et ces lignes directrices pourraient être examinées à intervalle régulier. Par exemple, il existe aux États-Unis des organisations médiatiques qui affichent sur leur site Web leurs lignes directrices régissant, par exemple, les entrevues d'enfants, la couverture de funérailles et les genres de photographies qui peuvent ou non être utilisées.

Les gens sont nombreux à dire que ces lignes directrices ne fonctionnent pas lorsqu'un événement vient tout juste de survenir, et cela est vrai. L'on ne peut pas faire dans l'éthique lors d'une crise. Il faut avoir en place, avant que la crise ne survienne, des normes et des procédures de base établies. Vous souvenez-vous de tout le tollé autour de l'inclusion de journalistes parmi les militaires lors du déclenchement de la guerre en Iraq? Eh bien, une bonne question à poser aux bureaux de presse ou aux gestionnaires serait celle de savoir si, sur la base de cette expérience-là, ils ont revu leurs politiques s'agissant de l'enchâssement des journalistes ou s'ils ont élaboré pour l'avenir une politique en la matière. L'on parle ici de lignes directrices et de procédures simples, normales et professionnelles. Y en a-t-il qui existent dans les bons bureaux de presse? Bien sûr que oui. Je ne dis pas le contraire. Mais je pense que leur existence est inégale dans le monde du journalisme.

Il faut pénaliser les comportements condamnables et contraires à l'éthique, et non pas les dissimuler. Il vous faut envoyer le message que de tels comportements ne seront pas tolérés. Je prévoirais même une vérification annuelle de la dimension éthique par des équipes indépendantes. Il y a eu par le passé des quotidiens, dont les titres m'échappent pour le moment, qui ont demandé à des groupes de personnes de venir y mener une vérification de l'éthique, examiner l'exactitude des textes ou des reportages télévisés, et passer en revue toutes les normes en matière d'éthique grâce auxquelles l'on évalue les services de nouvelles.

M'éloignant maintenant des bureaux de presse pour englober toute l'industrie ou toute la profession, il nous faut réfléchir de façon générale à l'amélioration ou à la réforme des conseils de presse et des conseils de médias. Je pense que les conseils de presse ne sont en fait pas très bien connus du grand public, qu'ils ont un profil très bas. Ils ont tendance à être motivés par les plaintes et sont perçus comme étant des instances auxquelles l'on recourt pour se plaindre des médias. Ils ne sont pas proactifs et ils ne disposent souvent pas des budgets et des ressources nécessaires pour faire de la commercialisation et pour faire leur travail. Il nous faudrait peut-être des conseils de presse ou de médias nationaux. Peut-être qu'il nous faudrait des conseils multimédias en cette époque où une organisation d'information possède plusieurs types d'entreprises médiatiques. J'aimerais les voir équipés de fonds et de personnel suffisants pour être des éducateurs en matière de médias, pour pouvoir se promener parmi le public et tenir des audiences publiques portant sur toutes sortes de questions.

Mes recommandations en matière d'associations professionnelles sont l'écho de ce que disaient les professeurs Logan et Young, notamment qu'il importe qu'il y ait un soutien accru pour les associations journalistiques, la recherche et l'éducation pour les journalistes. J'ose espérer que nous aurons des associations pouvant se pencher sur les politiques en matière d'éthique et les politiques éditoriales ainsi que sur la formation et les compétences. Lors des congrès annuels de l'Association canadienne des journalistes il se dessine une nouvelle tendance : l'on y parle non seulement de la façon d'aborder un reportage donné, d'obtenir qu'une source particulière parle et d'autres compétences, mais également des politiques et de l'éthique médiatiques, et je pense que c'est là la bonne marche à suivre.

Enfin, je considère que la médiatique est extrêmement importante, et je ne dis pas cela simplement du fait que je suis employé par une école de journalisme. Je pense qu'il nous faut des journalistes qui soient en mesure de traiter des questions plus complexes qui se posent dans notre société, et cela exige un renforcement des programmes de journalisme universitaires. Je pourrai revenir là-dessus plus tard si vous voulez. J'estime par ailleurs que l'éducation en médias pour les citoyens dans nos écoles est très importante. Même les étudiants universitaires de première année, bien qu'ils consomment de vastes quantités de produits médiatiques, ne savent pas qui possèdent les médias au Canada. Ils ne savent même pas comment les médias construisent les histoires. Il me semble que l'intérêt public serait plus facilement mobilisé si les gens étaient plus au courant de ces questions.

Ma conclusion est que des améliorations exigeront un mélange sage et judicieux d'autoréglementation, de politiques médiatiques et de reddition de comptes originales, assurant un juste équilibre entre la liberté de la presse et la responsabilité de la presse, tout en alimentant une discussion publique nationale mettant l'accent sur l'amélioration des normes et des procédures, appuyant les journalistes éthiques sur le terrain ainsi que les organisations éthiques tout en exerçant de réelles pressions en cas de non-observance, et établissant des mécanismes de reddition de comptes appropriés et clairement définis. À défaut de cela, je suppose que l'éthique continuera de mener une existence précaire et que l'objectif public du journalisme ne sera pas réalisé. Est-ce possible? Je l'espère.

Le sénateur Tkachuk : Une bonne partie de ce que vous dites, qui rejoint ce que d'autres nous ont dit, correspond au problème que je vois moi-même dans les médias. Vous avez mentionné Dan Rather. J'ai trouvé cette affaire très symbolique. Il est âgé de 72 ans et probablement l'un des journalistes les plus renommés du monde. Lorsqu'il a été pris sur le fait, j'ai dit à ma femme : « Regardons le journal télévisé ce soir, je te garantis que ce sera le dernier sujet traité, si même on en parle, sur CBC et CTV ». Et c'était effectivement le dernier sujet de CBC ce soir-là. On y disait : « Le diable m'y a poussé ». C'est représentatif d'un problème culturel plus large. « La concurrence m'y a poussé. La raison pour laquelle j'ai menti... le fait que j'ai menti n'est pas la partie importante. La concurrence m'a obligé à mentir, il est donc licite de mentir ». Eh bien, il n'est pas licite de mentir. Ces choses sont extrêmement troublantes et elles sont la manifestation d'une certaine mentalité.

Que dites-vous à vos collègues dans le milieu sur le fait que cette étude n'a jamais été mentionnée dans les nouvelles? Et je n'en suis pas surpris. Comment poussez-vous vos collègues à prêter attention? Quel rôle l'école de journalisme et des gens comme vous jouent-ils vis-à-vis de ce problème culturel? Il n'est pas bon, dans une société démocratique, que le public soit aussi sceptique à l'égard des médias.

M. Ward : Eh bien, nous pouvons faire plusieurs choses. Premièrement, nous pouvons préparer nos étudiants à être sensibles à ces questions et leur inculquer une haute considération pour l'éthique et les normes professionnelles et le métier. L'éducation est donc un élément à ne pas négliger. Nous pouvons aussi offrir notre savoir-faire, pour ainsi dire, aux rédactions qui veulent introduire des changements; par exemple, j'ai été consultant, ou conseiller, pour aider des rédactions à analyser la façon dont elles traitent un problème particulier qui leur a éclaté au visage.

En outre, je pense que nous pouvons être des porte-parole du public au sein des médias, pour tenter de soulever ces problèmes et critiquer les actions que nous désapprouvons. Nous devons prendre position et le faire publiquement.

Enfin, je pense que nous pouvons participer à l'étude des médias. J'adorerais construire des coalitions de personnes et lancer un mouvement au Canada sur le modèle de ce qui se passe aux États-Unis. Lorsque les gens débattent de ces questions, il s'agit au préalable d'établir les faits tels qu'ils existent chez nous, avant de se lancer dans des assauts rhétoriques au sujet des médias.

Le sénateur Munson : Je dois déclarer un conflit d'intérêts. Nous sommes tous deux ambassadeurs du Nouveau-Brunswick et nous adorons bavarder et c'est pour moi un grand plaisir que de vous revoir, monsieur.

Lorsque je travaillais comme journaliste à Beijing, un responsable du gouvernement chinois m'a dit que je devais apprendre à chercher la vérité à travers les faits. Cela m'a laissé perplexe et je n'ai jamais compris ce qu'il voulait dire. Je me suis toujours demandé de quels faits il parlait — ceux du gouvernement ou les faits tels que je les vois. C'est parfois là le dilemme des journalistes.

Un homme célèbre a dit un jour : « L'État n'a pas sa place dans les chambres à coucher de la nation ». Qui viendra dans les salles de presse faire ou refaire l'éducation de journalistes chevronnés? Quel organe indépendant pourrait faire le tri, enseigner à comprendre les faits ou à les présenter, et rappeler aux journalistes les normes déontologiques?

M. Ward : Je ne pense pas que vous pourriez avoir des organismes ou des instituts débarquant dans les rédactions pour leur dire comment faire leur travail. Mais il pourrait y avoir de très bons instituts qui rassembleraient plusieurs experts, dont des journalistes, pour discuter et élaborer des programmes. Ensuite, s'il y avait un intérêt de la part des rédactions, une école ou un autre institut pourrait offrir d'organiser des séminaires ou des stages d'édition, ou même élaborer une politique sur des problèmes déontologiques particuliers. Mais je ne préconise nullement de l'imposer aux rédactions. Je dis que s'il y avait un large débat public là-dessus, on pourrait espérer voir des effets concrets dans les salles de presse et intensifier la pression sur ceux qui ne respectent pas ces règles.

Le sénateur Munson : Pensez-vous que ce devrait être obligatoire? Pensez-vous qu'une fois par an le Toronto Star devrait envoyer tous ses journalistes suivre un stage d'une semaine à Banff?

Le sénateur Tkachuk : Ou bien ici?

M. Ward : Non, je n'imagine pas cela, mais j'espère qu'ils autoriseraient leurs journalistes individuels, ou des groupes d'entre eux, à perfectionner leurs compétences et leurs connaissances du système médiatique et débattre de ces questions. De nombreux journalistes me disent qu'ils souhaitent améliorer leurs compétences et se former plus, mais ils n'en ont pas l'occasion. Le problème, si vous êtes journaliste, une fois que vous avez un poste et que vous êtes lancé, vous êtes tellement occupé à faire du journalisme sans cesse que vous n'avez jamais l'occasion de faire une pause, de vous recycler et de réfléchir, car vous êtes toujours bousculé. Je pense donc qu'il y a des façons dont nous pourrions soutenir le journalisme aujourd'hui.

Le sénateur Munson : J'ai une question portant sur les aspects pratiques du journalisme et les voix canadiennes dans le monde journalistique. J'ai travaillé avec vous pendant la guerre du Golfe et ailleurs. Vous étiez là comme reporter de l'Agence Presse canadienne.

M. Ward : Oui.

Le sénateur Munson : Presse canadienne n'a plus de reporters. Je me demande quel message on envoie aux apprentis journalistes qui aspirent à être une voix canadienne, par opposition aux journalistes américains ou à tous les autres. Ces étudiants ne peuvent plus devenir un Stephen Ward, car PC et tous les autres compriment les effectifs.

M. Ward : Oh, certainement. Un problème est de savoir comment on recueille les nouvelles à l'étranger et si l'on a des rédactions avec du personnel ayant suffisamment d'expérience du terrain et qui soit capable de couvrir correctement ces événements. Vous avez raison. Cependant, les gens continuent à trouver du travail, peut-être pas au sein d'organisations canadiennes, mais dans d'autres. Il y a des possibilités pour des pigistes, pour des magazines, des sites Internet, et cetera, qui couvrent ces sujets et qui peuvent faire appel à votre travail, et ce n'est donc pas entièrement impossible à faire. Mais je partage votre préoccupation pour ce qui est des journalistes dépêchés sur le terrain.

Le sénateur Munson : Eh bien, ils peuvent toujours commencer au Bathurst Northern Light.

M. Ward : Oui.

Le sénateur Carney : Tout d'abord, je signale que notre présidente, Joan Fraser, porte un autre chapeau, en ce sens qu'elle a participé de près à l'élaboration d'un code d'éthique pour le Sénat.

La présidente : De conflit d'intérêts.

Le sénateur Carney : Conflit d'intérêts. D'accord. Elle comprendra très bien les nombreux problèmes que vous avez à élaborer un code d'éthique pour les journalistes. J'espère que cela prendra moins de temps.

Il est difficile de condenser tout votre livre. Vous avez couvert énormément de terrain dans votre présentation et malheureusement nous n'allons pas avoir assez de temps pour tout approfondir. Mais j'aimerais vous demander ceci : a-t-il jamais existé un âge d'or du journalisme où tout le monde était pur et sans tâche?

M. Ward : Vous trouverez cet âge d'or dans la Genèse.

Le sénateur Carney : Il n'y en a pas eu?

M. Ward : Non.

Le sénateur Carney : Oh.

M. Ward : On parle beaucoup de diversité et on s'inquiète de la tournure économique; très franchement, ces mêmes craintes existaient déjà la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, avec toutes sortes de critiques adressées aux médias, et l'on se demandait comment il pouvait y avoir du vrai journalisme alors qu'apparaissaient les barons de presse et que des gens comme Scripps et Hearst formaient les premières chaînes de journaux. En un sens, ces problèmes sont très anciens et c'est pourquoi ils sont frustrants, et je me demande pourquoi nous ne parvenons pas à mieux les régler.

Le sénateur Carney : Votre appréciation est très décevante, mais réaliste.

M. Ward : Mais je ne conseille pas le désespoir ni de baisser les bras. Je dis simplement qu'il ne faut pas oublier qu'historiquement les changements en matière de journalisme ont été inégaux et très lents et tout ce que nous pouvons faire c'est promouvoir le bon journalisme dans notre métier, autant que possible.

Le sénateur Carney : D'accord.

M. Ward : Certains jours, quand je vois ce qu'écrivent les journaux ou ceux qui passent à la télévision, je me demande pourquoi j'enseigne la déontologie. C'est sans espoir. Mais je ne vais pas renoncer. Oui, il y a des jours où je suis fier de mon métier et d'autres où je ne le suis pas. Nous devons persister à exprimer nos préoccupations.

Le sénateur Carney : Comment concilier la notion que la première obligation des journalistes est envers les lecteurs, alors que la première obligation des soi-disant barons de presse ou éditeurs est envers les actionnaires? Vous ne mentionnez pas cela dans votre déontologie.

M. Ward : C'est ce qui engendre le problème déontologique pour les journalistes, car les idéaux déontologiques entrent en conflit avec d'autres impératifs, tels que l'impératif commercial, ou celui du profit. C'est l'un des problèmes les plus fondamentaux de l'éthique aujourd'hui et il l'est depuis que l'on a commencé à vendre des gazettes dans le Londres du XVIIe siècle.

Le sénateur Carney : Il me semble que beaucoup de journalistes aimeraient avoir un code de déontologie pour se soustraire aux pressions concurrentielles. Nous avons l'affaire Dan Rather et l'affaire du plagiat du New York Times et celle du journaliste local accusé d'avoir obtenu un appartement à rabais pendant qu'il écrivait sur le marché immobilier, parce que les journalistes n'ont pas de code d'éthique auquel se raccrocher. Pensez-vous que les journalistes désirent un bout de papier disant « Je ne suis pas obligé de faire cela, monsieur l'éditeur »?

M. Ward : Oui. Je sais bien que beaucoup de journalistes restent sceptiques face aux codes de déontologie dans le métier, mais nous n'avons pas rencontré beaucoup de résistance contre le code de l'Association canadienne des journalistes car c'était une époque où les journalistes s'inquiétaient suite à la décision de CanWest de publier des éditoriaux nationaux et ils craignaient pour leur indépendance dans la salle de presse. Même les sceptiques tendaient alors à dire qu'il valait mieux avoir quelque chose sur papier que rien du tout.

Les codes sont des bouts de papier inutiles à moins d'être incorporés dans les décisions quotidiennes des rédactions. Ils sont une condition nécessaire, mais non suffisante, d'un bon journalisme. Peu importe que vous les appeliez codes ou non ou que vous disiez qu'ils vont énoncer vos principes et lignes directrices et informer le public. « Code » est peut-être un terme trop pompeux pour le journalisme. Les codes sont précieux aussi car non seulement le public sait-il exactement ce que vous êtes censé faire et peut vous demander des comptes, mais vos propres employés peuvent les considérer et se demander si ce qu'ils font est bien légitime, s'ils ne sont pas en train d'enfreindre quelque ligne directrice.

Le sénateur Carney : Ou bien constater que leur rédacteur en chef leur demande de les enfreindre, comme prendre la photo du cadavre.

M. Ward : Absolument. Comme je l'ai dit au sujet de la triple intégration, le problème avec la déontologie, c'est qu'elle doit affronter tous ces autres impératifs.

Le sénateur Carney : Vous êtes l'un de nos rares correspondants à l'étranger. Il était déjà assez grave que PC n'ait qu'un seul journaliste en Europe pour couvrir tout le continent. Je partage la préoccupation du sénateur Munson. Y a-t-il un rôle pour la déontologie dans le fait que nous n'avons pas la couverture étrangère qu'il faudrait dans nos journaux?

M. Ward : C'est une question de ressources, d'une insuffisance de l'effectif de journalistes, manifestement. Mais je pense que cela devient également un problème éthique, pas seulement une considération économique, car cela influe sur la qualité et la fiabilité de l'information donnée aux Canadiens. Cela détermine le nombre d'éclairages différents d'un événement que l'on va avoir.

Le sénateur Carney : C'est une question de diversité.

M. Ward : Oui, de diversité. J'ai été correspondant en Bosnie, à Sarajevo. J'étais le seul journaliste canadien là-bas et — je sais que je dramatise — tout le Canada dépendait de ma dépêche pour savoir ce que les troupes canadiennes faisaient ce jour-là. Et parfois je me trompais. Je suis imparfait. J'ai ma propre optique et mes préjugés. J'aurais voulu 20 autres journalistes là-bas pour contrebalancer ce qu'écrivait Ward. Donc, oui, il y a un problème de diversité. Il y a aussi un problème de ressources. Si vous êtes le seul correspondant à l'étranger d'un journal, on vous fait travailler à mort. Vous êtes tellement occupé à couvrir les nouvelles quotidiennes que vous n'avez aucune possibilité de faire des analyses, des articles de fond, ces autres tâches journalistiques que vous aimeriez accomplir.

Le sénateur Carney : Merci. Je vais acheter votre livre.

M. Ward : Oh, excellent.

Le sénateur Munson : Je vais l'emprunter.

La présidente : Oui, mais vous pouvez l'inviter à dîner. Moi, je vais acheter le livre.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup. Toutes sortes de gens très qualifiés nous communiquent des idées merveilleuses, comme vous ce matin, et il y a tant à faire et si peu de temps pour chacun. Pour ce qui est de l'avenir, comment amener un changement? Nous pouvons appliquer ce que le passé nous enseigne, mais les choses changent très vite. Est-ce que des rencontres en petit groupe comme aujourd'hui sont efficaces? Y a-t-il un rôle pour le gouvernement? Est-ce que ces interventions ont donné des résultats dans le passé? Que pensez-vous qu'il va se passer lorsque nous publierons notre rapport?

M. Ward : J'espère que votre rapport apportera des renseignements utiles pour ceux qui veulent s'attaquer à ces problèmes. Mais, sauf votre respect, je ne pense pas que la discussion que vous tenez ici soit suffisamment large ou suscite suffisamment d'attention, pour des raisons qui vous échappent peut-être. Lorsque vous déposerez votre rapport, le gouvernement du moment décidera ce qu'il veut en faire.

Je pense qu'il y a trois options, peut-être une combinaison de trois stratégies. Il y a l'autoréglementation, où les journalistes s'organisent entre eux pour élaborer leur propre code de déontologie, et c'est possible dans une certaine mesure. Il y a l'intervention gouvernementale, qui peut prendre la forme de lois, d'organismes de tutelle, de nouveaux règlements. Je préférerais ne pas en venir là, pour préserver la liberté de la presse et parce que je ne veux pas qu'un organisme gouvernemental dise aux journalistes quoi faire ou ne pas faire et quoi écrire. Mais je pense que le gouvernement peut mettre en place un ensemble de politiques concernant les médias qui favoriseraient la diversité. Par exemple, et je sors là de mon domaine, peut-être pourrait-il y avoir des crédits de recherche ou un soutien à la création de médias alternatifs ou pour diverses formes de radiodiffusion communautaire, pour faciliter l'entrée dans le monde du journalisme. Cela, au moins, accroîtrait la diversité dans les marchés concentrés. Il y a là un rôle pour les pouvoirs publics. Je n'accepte pas le laisser-faire consistant à donner libre cours au marché et aux sociétés, qui exercent déjà une telle influence par l'intermédiaire des médias. Cependant, puisque je trouve que l'autoréglementation laisse à désirer, je cherche un moyen terme entre, d'une part, des lois et structures gouvernementales et, d'autre part, l'autoréglementation. C'est là où j'entrevois une action concertée du public, sous une forme ou une autre, avec l'aide de coalitions de journalistes et d'universitaires et instituts. Je ne sais pas si cela marchera, mais cela vaut la peine d'essayer.

Le sénateur Merchant : Mais nous ne semblons pas en mesure de dialoguer avec le public. Ce dernier ne sait pas comment communiquer son message. Il n'a pas l'impression d'être entendu.

M. Ward : Oui. Un problème est de savoir comment susciter ce débat et je ne sais pas trop comment on s'y prendrait. Cependant, je ne crois pas que ce soit impossible. Regardez la réaction du public lorsque les États-Unis ont décidé d'affaiblir la législation sur la propriété des médias : un nombre assez substantiel d'Américains ont réagi. Apparemment, trois millions de personnes ont participé au processus. Je pense qu'il faut écrire sur ces enjeux d'une manière qui montre qu'ils touchent effectivement la société, mais je crois que nous ne disons pas des choses suffisamment précises. Au lieu de discussions générales sur la diversité, peut-être faudrait-il choisir des aspects problématiques particuliers, offrir des solutions et des programmes spécifiques. Je n'ai pas la solution pour vous mais ce peut être une possibilité. Pourrons-nous susciter l'intérêt du public? Je l'espère. En tout cas, ne disons pas que c'est impossible avant même d'essayer.

La présidente : S'agissant de l'engagement du public, ce n'est pas comme si nous étions face à un désert total.

M. Ward : Non.

La présidente : Hier, il y avait quelques membres très engagés du public ici, et nous n'avons même pas placé d'annonces dans les journaux.

M. Ward : Exact.

La présidente : Dans le passé, plus qu'aujourd'hui, il y avait des propriétaires de médias qui avaient des énoncés de principes. L'ancienne société Southam avait un énoncé de principes exprimant nos convictions, ce que nous faisions et ne faisions pas. Un ancien éditeur de La Presse nous a remis un énoncé de principes qui s'appliquait lorsqu'il était là, mais je ne sais pas s'il est toujours en vigueur car je ne sais pas ce qui se passe sous le régime actuel. Il y a les fameux principes Atkinson au Toronto Star. Est-ce que ces choses font une différence? S'agit-il de vœux pieux, de platitudes creuses ou bien ces énoncés ont-ils un effet?

M. Ward : Je pense que tout dépend de l'organisation de presse concernée, des propriétaires et rédacteurs en chef et s'ils en tiennent compte. Comme je l'ai dit des codes, ils peuvent simplement être une décoration murale, quelque chose que l'on accroche au fur, sans influencer en rien les décisions dans les salles de presse ou les comités de sujet. Je pense qu'ils ont eu quelques effets positifs et ont guidé les gens dans la prise de décision, mais insuffisamment.

En outre, il existe toute une série de nouveaux problèmes sur lesquels ces codes sont silencieux. Si vous allez construire un code, je pense qu'il faut le faire à deux niveaux. Au niveau supérieur, il faut votre énoncé de principes, c'est-à-dire des choses très générales — souvent des truismes et évidences — mais qui ont quand même besoin d'être dites. En dessous, il faut des politiques plus précises concernant des problèmes spécifiques, comme par exemple la couverture des suicides, la couverture des funérailles, toute une série de sujets. Si nous avions une pression du public pour assurer le respect de ces codes, je pense que cela améliorerait la situation.

La présidente : Comment conciliez-vous un code d'éthique détaillé dans une rédaction avec la négociation collective et les droits syndicaux? Comprenez-moi bien, je pense que les syndicats sont une force positive. Je ne suis pas là pour dire le contraire. Cependant, j'ai vu des syndicats déposer des griefs et gagner en arbitrage contre des sanctions disciplinaires infligées pour ce que tous les journalistes que j'ai jamais vus considèrent comme des fautes graves, telles que fabrication, plagiat, acceptation de pots-de-vin. Ce sont là des choses que les journalistes ne sont pas censés faire.

M. Ward : Exact.

La présidente : Mais une commission d'arbitrage a jugé qu'il n'y avait là rien de bien grave.

M. Ward : Oui.

La présidente : Parce que le montant en jeu n'était pas important, par exemple. Comment concilier cela? Est-ce que vous ou quelqu'un d'autre a fait du travail dans ce domaine?

M. Ward : Ce n'est pas ma spécialité, mais il me semble que beaucoup d'organes de presse ont des codes de déontologie détaillés et ne se sont pas spécialement heurtés à cet obstacle, encore que je convienne qu'il peut surgir. En tant qu'éthicien, tout ce que je peux faire c'est encourager les syndicats à intégrer l'éthique dans leurs préoccupations et à ne pas simplement protéger les agissements blâmables, si c'est effectivement ce qu'ils font.

La présidente : Je me demande comment cela va marcher lorsque se posera un cas délicat. Je lisais le code que Le Devoir a été assez avisé de négocier avec son syndicat et son personnel. Il est distinct de la convention collective mais il a été adapté en concertation avec le syndicat. Et tout au long on lit des clauses du genre : « Ceci n'est pas sujet à la procédure des griefs, ceci est exclu de la négociation collective ». Mais ensuite, lorsque survient une affaire délicate, mettant peut-être en jeu un membre de la rédaction que tout le monde adore, le litige monte jusqu'en Cour suprême.

M. Ward : Il me semble qu'il faudrait avoir une clause dans la convention collective qui clarifie cet aspect et évite la défense de comportements contraires à l'éthique, si effectivement les faits sont avérés. Il faut un processus pour déterminer les faits.

La présidente : Il faut être certain.

M. Ward : Je n'ai pas de réponse spécifique, sauf pour dire qu'il faudra régler cela à l'avenir.

La présidente : Merci beaucoup. Nous vous devrons des droits d'auteur.

Le sénateur Eyton : Je suis peut-être un peu naïf, mais je suppose que tout organe de presse qui se respecte a en place un code de déontologie, que la SRC en a un, que CTV en a un, que le Toronto Star en a un, et cetera. Suis-je naïf de le penser?

M. Ward : Tous n'en ont pas. Le Vancouver Sun n'a pas de code d'éthique, par exemple.

Le sénateur Eyton : Est-ce que ce n'est pas essentiel?

M. Ward : Il n'a pas de code d'éthique.

Le sénateur Eyton : Je ne puis imaginer gérer une entreprise de cette sorte sans normes régissant le travail que l'on fait.

M. Ward : Certainement.

Le sénateur Eyton : Et le Vancouver Sun n'en a pas?

M. Ward : Pas à ma connaissance. Il y a probablement beaucoup d'autres organes qui n'en ont pas — les petits en particulier. Certains ont peut-être un énoncé de principes à leur siège couvrant toutes les salles de presse de leur chaîne. Je sais que vous avez du mal à le croire, mais il n'existe pas de code d'éthique partout.

Le sénateur Eyton : Il me semble que ce serait élémentaire, si je puis employer le terme.

M. Ward : Oui, je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Eyton : Je ne comprends pas, dans ce cas.

Vous avez très peu parlé des limites qui s'opposent à l'exercice ou à la pratique d'une bonne déontologie dans le journalisme. Le sénateur Carney a mentionné l'argent, mais il y a toutes sortes de limites : la main-d'œuvre disponible, l'argent disponible, le coût, le temps, les pressions concurrentielles, d'autres circonstances. Je m'en tiens là, car c'est un long débat et je ne suis pas sûr du temps que cela nous prendrait.

M. Ward : Oui.

Le sénateur Eyton : Mais j'aimerais que vous nous parliez du droit des citoyens à la vie privée. Vous avez parlé de l'obligation de chercher la vérité et de fournir au public la totalité des faits. Mais il me semble qu'il y a un intérêt contraire au niveau des particuliers, soit leur droit à leur vie privée et je pense que des comportements inquisiteurs et excessifs de la part des journalistes vont à l'encontre de ce droit. Il faut un équilibre, mais on dirait que les journalistes considèrent avoir le droit, quoi qu'il advienne, à mettre à jour tous les faits et ils persistent et je pense souvent qu'ils exagèrent. Comment réagissez-vous?

M. Ward : C'est un gros problème de déontologie journalistique; il y a lieu d'étudier et d'analyser de nombreux aspects en rapport avec cela.

Il y a deux positions extrêmes. Vous pouvez prétendre, mais c'est peu plausible, que vous avez le droit de tout savoir et que donc les journalistes doivent pouvoir mettre le nez dans tout et chez tout le monde. À l'inverse, on peut devenir si sensibilisé à la vie privée que la faculté des journalistes de couvrir les événements ou de recueillir l'information se trouve indûment restreinte. Je pense qu'il faut inscrire le concept de vie privée dans le principe de la minimisation des préjudices, des préjudices infligés inutilement dans l'exercice du journalisme, et cela signifie deux choses. Premièrement, nous n'empiétons pas sur la vie privée des personnes ou divulguons leur vie privée s'il n'y a pas un avantage public ou justification prépondérante. Parfois, la vie personnelle peut se répercuter sur l'exercice d'une charge publique, par exemple. Deuxièmement, il y a la nécessité d'agir avec compassion et d'approcher les sujets de manière respectueuse et appropriée. Il ne faut pas oublier qu'il y a des façons d'approcher des personnes vivant une tragédie, telles que des parents qui viennent de perdre un membre de leur famille dans un accident de voiture ou d'avion, des façons qui réduisent notre intrusion dans leur intimité, peut-être en ayant recours à un membre de la famille comme intermédiaire, par exemple.

Mais il faut définir avec prudence la vie privée. Il y a quelques années, une loi du Nouveau-Brunswick a défini une violation de la vie privée comme le fait d'infliger une publicité indue à quelqu'un. Eh bien, cela couvre à peu près n'importe quoi : autant fermer nos salles de rédaction et rentrer chez nous. Il faut donc se montrer prudent avec cette notion de vie privée. Peut-être ne faudrait-il plus publier dans la presse les noms des personnes tuées dans des accidents. C'est une affaire de vie privée. Mais on peut vouloir utiliser la vie privée comme moyen d'éviter des embarras ou de cacher l'inaptitude de responsables face à des crises du type incendie de forêt.

L'argument éthique est que, si vous allez empiéter sur la vie privée de quelqu'un, vous devez le justifier au moyen de vos obligations envers le public. C'est nécessaire. Il faut qu'il s'agisse d'un enjeu public grave et que l'information ne puisse être obtenue d'autres sources. Vous n'avez pas d'autre choix que de suivre cette route et c'est justifié par l'intérêt public.

Le sénateur Eyton : Qu'en est-il du facteur pertinence?

M. Ward : Absolument. La pertinence, c'est ce que j'entends lorsque je dis que ce doit être important dans l'intérêt public.

Le sénateur Eyton : Pourriez-vous parler de la protection par les journalistes de leurs sources, quoi qu'il advienne?

M. Ward : Eh bien, oui. Nous pourrions passer encore une heure ou deux là-dessus.

La présidente : Vous n'avez pas une heure, mais vous pouvez nous écrire une lettre. Dans l'intervalle, une réponse brève suffira.

M. Ward : Le recours à la confidentialité est surutilisé et fait l'objet d'abus, mais il est nécessaire dans certaines circonstances. Mais il s'agit d'être sûr de pouvoir justifier les raisons et il faut un contrôle éditorial strict sur l'emploi de sources confidentielles, ce qui signifie que votre rédacteur en chef doit savoir ce que vous faites.

La présidente : Faudrait-il une législation protégeant les sources?

M. Ward : Oui, j'aimerais en voir, mais c'est peu probable.

Le sénateur Eyton : Merci.

La présidente : Cela a été fascinant, réellement fascinant, et nous vous sommes très reconnaissants.

M. Ward : Merci. Nous allons maintenant poursuivre la discussion en haut.

La présidente : J'espère que vous n'emmenez pas vos étudiants tout de suite. Nous espérions réellement, après les prochains témoins, que nous ne pouvons pas faire attendre, disposer d'au moins un quart d'heure pour donner à vos étudiants la possibilité de nous dire ce qu'ils pensent ou de nous poser des questions.

M. Ward : Cela me convient très bien.

La présidente : Sénateurs, notre prochain témoin représente Fairchild Television. Mme Winnie Hwo est directrice de l'information et des actualités pour l'Ouest du Canada chez Fairchild Television, qui diffuse des émissions en langue chinoise, et nous savons tous combien cela est important à Vancouver.

Nous sommes très heureux de vous voir parmi nous, madame Hwo. Je pense que l'on vous aura expliqué notre fonctionnement — une déclaration liminaire d'une dizaine de minutes, ce qui nous laissera du temps pour vous poser quelques questions. Vous avez la parole.

Mme Winnie Hwo, responsable des nouvelles et des affaires d'actualité pour l'Ouest canadien, Fairchild Television Ltd. : Merci de me recevoir. J'apprécie réellement cette rare occasion de m'adresser au comité sénatorial.

Fairchild TV est en fait une chaîne nationale payante. Nous diffusons en cantonais. Nous avons également une chaîne sœur du nom de Talentvision, qui diffuse en mandarin. Les deux stations sont des chaînes nationales. Outre le fait que nos abonnés doivent payer environ 20 $ par mois pour la réception, notre service, la manière de diffuser et concevoir notre programmation, surtout dans le domaine de l'information et des affaires d'actualité, ne diffèrent en rien de celles d'autres réseaux, par exemple la SRC, Global ou CTV. De toute évidence, une grande différence, c'est le montant de nos recettes publicitaires, qui est beaucoup moindre, mais nous sommes néanmoins une société à but lucratif.

Cela fait dix ans que nous sommes sous la bannière de Fairchild TV. Nous avons fêté notre 10e anniversaire tout juste l'an dernier. Mais pour ce qui est d'une télévision et radiodiffusion chinoises, nous existons depuis pas mal de temps, au moins 20 ans. Je suis entrée à Cathay TV, qui était le prédécesseur de Fairchild Television, à la fin des années 80, après l'obtention de mon diplôme universitaire ici, en Colombie-Britannique. La station a prospéré, a été rachetée par Thomas Fung qui l'a fusionnée avec un service national de Toronto pour former Fairchild Television.

Ensuite est né Talentvision. Tout au long des 10 années, la haute direction a scindé les deux marchés. Fairchild est devenu principalement une chaîne cantonaise tandis que Talentvision est devenu la chaîne de mandarin. Fairchild TV est la grande sœur. C'est là que sont placées la plupart des ressources. Les deux stations ont, chacune, leur canal, leur journal télévisé, leurs émissions d'actualité, bien que certains journalistes puissent travailler pour les deux.

Chez Fairchild TV, nous nous efforçons d'aider nos téléspectateurs et il est donc important de savoir qui ils sont. Du fait que nous diffusons en dialecte cantonais, la plupart de ceux qui nous regardent appartiennent à la vague des immigrants de Hong Kong du début des années 90. Nos téléspectateurs ont évolué avec nous au cours des 10 dernières années, en suivant notre expansion et épanouissement. Un grand avantage tient au fait que, faisant partie nous aussi du groupe, nous sommes à la fois usagers et fournisseurs d'émission. Nous avons l'impression de bien connaître les besoins de nos téléspectateurs et qu'ils ont établi avec nous une relation très forte. Notre rôle a changé considérablement au fil des ans. Je dirais qu'il y a 10 ans, la plupart de nos journaux télévisés et émissions d'affaires courantes étaient conçus pour aider le spectateur à mieux connaître le Canada. Nous leur expliquions que le Canada possède trois niveaux de gouvernement, que le premier ministre fédéral n'est pas la même personne que le premier ministre de la Colombie-Britannique et que tous les deux ans il se tient une élection municipale, qui est très différente de l'élection fédérale.

Pendant de nombreuses années, nous avons instillé à nos téléspectateurs les connaissances fondamentales dont ils ont besoin pour être Canadiens. Dès le premier jour, nous avons pris très au sérieux notre travail, et notre vision et notre philosophie, le tout marqué du sceau du principe multiculturel canadien : nous voulions aider nos téléspectateurs à devenir canadiens sans pour autant avoir honte d'être chinois. Je pense que c'est toute l'idée derrière les médias chinois — pas seulement nous-mêmes, mais les autres médias chinois, journaux quotidiens compris. J'ai suivi toute cette évolution avec beaucoup de bonheur et nous grandissons tous ensemble.

La plupart de nos téléspectateurs sont là depuis une dizaine d'années, certains plus et d'autres un peu moins, et ce qu'ils attendent de nous évolue. J'ai remarqué, surtout au cours des deux ou trois dernières années, que nos téléspectateurs sont beaucoup plus éveillés et ouverts. Ils veulent du contenu plus ardu. Ils veulent connaître les enjeux complexes. Nous n'avons plus besoin de leur dire qu'il y a trois niveaux de gouvernement, et ils seraient fâchés que nous le fassions. Ce n'est plus cela qu'ils veulent. Aujourd'hui, ils veulent connaître le contexte des politiques. Par exemple, pourquoi le gouvernement introduit-il le projet de loi sur le mariage homosexuel? Quels sont les arguments dans la balance?

J'appartiens également à la communauté chinoise. Je suis née à Hong Kong et j'y ai passé la plupart de mes années d'adolescence. La mentalité là-bas, partagée par tous, veut que l'on respecte et écoute l'autorité. Si un politicien parle, il nous faut écouter. La plupart de ceux qui suivent nos émissions procèdent de cette même mentalité

Cependant, je constate des changements profonds chez mes téléspectateurs après 10 années au Canada. Ils ne pensent plus que lorsque les politiciens ouvrent la bouche, il faut écouter. De plus en plus ils considèrent que les politiciens dépensent trop de notre argent. L'argent est une grande affaire, ce qui est aussi très chinois. Ils veulent savoir comment les politiciens dépensent notre argent. Ils veulent savoir pourquoi le gouvernement fédéral introduit aujourd'hui le projet de loi sur le mariage homosexuel. Ils posent des questions. Ils ne sont plus toujours du même avis. Je sais que la perception publique veut que la plupart des Chinois n'aiment pas le mariage homosexuel et désapprouvent l'homosexualité. Mais lorsque nous filmons nos actualités et que nous allons leur parler, ce n'est pas ce que nous constatons. Lorsque nous ouvrons nos lignes téléphoniques pour une émission en direct, les téléspectateurs qui appellent ont certainement des opinions divergentes là-dessus, comme sur beaucoup d'autres questions.

Nous savons que nous avons affaire à des téléspectateurs très avertis aujourd'hui. Ils sont également au courant de ce qui se passe dans leurs pays d'origine — Hong Kong, Singapour, Taiwan et Chine continentale. Et ils s'intéressent beaucoup aux affaires internationales, par exemple le rôle joué par les Américains en ce moment. Ils sont également très informés sur ce qui se passe dans leur pays adoptif, ici au Canada. Nous cherchons à leur donner ce qu'ils ont besoin de savoir, ce qui aujourd'hui signifie que nous devons leur en donner beaucoup plus dans nos journaux télévisés. Il y a 10 ans, nous pouvions simplement indiquer qu'une conférence de presse a été tenue et que telle chose a été dite. Aujourd'hui, cela ne marche plus, car nous recevrions quantité d'appels et de courriels de plaintes. Aujourd'hui nos spectateurs nous demandent d'indiquer non seulement ce que le gouvernement a déclaré, mais aussi l'opposition, et de situer le contexte. Les attentes de nos téléspectateurs nous imposent de consacrer plus de ressources à l'information et un journaliste ne peut plus couvrir aujourd'hui trois sujets.

Il ne fait aucun doute que, dans le domaine des médias électroniques chinois, Fairchild est le plus gros joueur, car non seulement nous avons les deux chaînes de télévision nationales, mais aussi un certain nombre de stations de radio à travers le pays. Nous avons en outre trois grands centres de production — Vancouver, le plus gros, Toronto et Calgary. Nous avons deux stations de radio à Vancouver, deux à Calgary et deux à Toronto.

Un changement majeur est en cours à Vancouver. L'an dernier, Channel M est né. Il s'agit d'une station multiculturelle, mais elle a également beaucoup investi dans sa programmation chinoise. Nous allons manifestement affronter une concurrence, et selon mon point de vue, j'en suis ravi, parce que mes patrons me disent : « Faites en sorte d'accroître votre budget cette année car nous devons soutenir la concurrence ». Mon personnel est également ravi car je peux le laisser faire beaucoup de choses agressives. La concurrence est excellente pour nous à condition que nous suivions tous les mêmes règles.

Je voudrais également mentionner brièvement la question de services étrangers venant partager nos ondes. Comme journaliste, je déteste réellement cela, pour une raison précise. Peu m'importe le facteur financier; je sais que mes patrons détestent l'idée car nous aurions à partager les ressources ou perdre des recettes publicitaires, mais ce n'est pas là mon problème. Ma préoccupation tient au fait que nous sommes astreints aux règles du CRTC et de la Loi sur la radiodiffusion de 1991. Je suis extrêmement sceptique face à l'irruption de services étrangers. Respectent-ils les mêmes règles? Je ne le crois pas

Nous en avons vu un bon exemple il y a quelques années. Talentvision s'est mis dans un gros pétrin et nous avons dû présenter des excuses sur les ondes pour avoir diffusé quelque chose qui n'était pas juste pour nos spectateurs et pour un groupe d'adeptes religieux. Nous avions utilisé les services de CCTV, soit China Central TV, qui est un service étatique en Chine. La Chine a toujours de gros problèmes avec un groupe d'adeptes religieux. Notre rédacteur de fin de semaine a diffusé un sujet qui venait de CCTV, sans l'avoir visionné au préalable. C'était une attaque extrêmement négative et sanglante contre ce groupe de personnes. Elle ne respectait aucune des règles journalistiques canadiennes. J'en ai ressenti une grande honte par la suite. Aujourd'hui encore, je ne me pardonne pas d'avoir permis la diffusion de ce sujet. Je crains que si CCTV est autorisé à diffuser sur nos ondes canadiennes sans censure, ses émissions seront sur les ondes presque chaque jour sur un canal que les gens peuvent regarder. Nous avons des règles strictes régissant nos journalistes canadiens, qu'ils diffusent en langue cantonaise, en mandarin, en punjabi ou en anglais, et nous devons faire preuve d'esprit critique et d'objectivité. À moins que les services étrangers ne soient contraints d'appliquer les mêmes règles, je ne pense pas qu'il faille les autoriser à s'implanter. S'ils ne respectent pas les mêmes règles, ce sera injuste pour les journalistes canadiens. Mais surtout, ce sont les téléspectateurs qui seraient les perdants ici au Canada, car nous avons déjà de fortes attentes à l'égard du comportement journalistique au Canada.

Le sénateur Carney : Je vous remercie de cet excellent exposé.

Pourriez-vous faire parvenir au comité une liste de ce que vous possédez au Canada, à titre de service national, et indiquer où se situent vos stations de radio et de télévision? Pourriez-vous nous dire quelles sont vos cotes d'écoute nationales? Et tout ce que vous pourrez nous dire sur votre concurrence sera apprécié.

Mme Hwo : Oui.

Le sénateur Carney : Fairchild Television appartient à une grosse société de Hong Kong n'est-ce pas?

Mme Hwo : Non. Ce serait impossible. Je crois que la propriété d'entreprises de radiodiffusion canadiennes doit être majoritairement canadienne et, effectivement, Fairchild Television appartient à Thomas Fung. Il est le propriétaire majoritaire. Une petite partie des parts reste aux mains de TVB à Hong Kong, mais elle est extrêmement mince et je crois que, en droit, elle ne peut détenir rien de plus. C'est également notre fournisseur d'émissions de divertissement.

Le sénateur Carney : Oui. C'est la source de ma confusion, car le volet divertissement est important.

Mme Hwo : Oui.

Le sénateur Carney : Vous diffusez en dialecte cantonais, c'est-à-dire pour les immigrants originaires de Hong Kong et Guangdong. Un nombre croissant d'immigrants chinois au Canada viennent de Chine continentale. Est-ce à eux que s'adresse votre service en mandarin?

Mme Hwo : En fait, nous avons lancé notre service en mandarin avant l'arrivée de la vague venant d'Angleterre et, pendant un bon moment, nombre de nos téléspectateurs étaient de Taiwan. Ils continuent de représenter une bonne proportion, mais nous avons aussi appris qu'au fil des ans beaucoup sont rentrés à Taiwan. Lorsque nous réalisons nos programmes, nous devons faire très attention car nous savons que des Taiwanais nous regardent, ainsi que des Chinois continentaux, et en général ils se détestent. Nous recevons sans cesse d'eux des appels se plaignant de nos émissions.

Le sénateur Carney : D'accord, mais vous êtes le principal radiodiffuseur pour les continentaux et les taiwanais parlant mandarin.

Mme Hwo : Oui.

Le sénateur Carney : C'est ce que je voulais confirmer.

Mme Hwo : Les deux groupes nous regardent.

Le sénateur Carney : D'accord. Pour ce qui est de votre contenu éditorial, vous dites que vous recevez vos émissions de divertissement de Hong Kong, un volet très important avec toutes ces vedettes de Hong Kong. Est-ce que la plus grande partie de votre contenu éditorial est d'origine canadienne locale ou bien nationale? Est-ce que vous échangez avec d'autres régions. Recevez-vous certaines émissions de Toronto, alors qu'une partie des vôtres partent là-bas?

Mme Hwo : Oui, la production locale est très importante. Je ne peux vous dire le pourcentage, mais je l'ai quelque part dans mon bureau.

Les règles du CRTC nous imposent une certaine proportion — une forte proportion — de production locale. Je pense que la production locale est la raison pour laquelle moi-même, avec les employés du journal d'information et des affaires courantes avons pu nous maintenir si longtemps.

Le sénateur Carney : Combien d'heures par semaines diffusez-vous et, sur ce nombre, quelle proportion sont des émissions d'affaires publiques?

Mme Hwo : Je pense qu'il serait plus facile de vous donner les chiffres par jour.

Le sénateur Carney : D'accord, du moment que nous les avons.

Mme Hwo : Oui, oui.

Le sénateur Carney : Channel M est relativement nouveau. Qui dessert la grosse collectivité indo-canadienne, les Vietnamiens, les Coréens? Lorsqu'on dit qu'un tiers de l'auditoire ici en Colombie-Britannique, c'est-à-dire un tiers de la population du Lower Mainland, est asiatique, cela englobe tous ces groupes. Qui dessert les Canadiens non chinois?

Mme Hwo : Sur Talentvision, nous avons au cours de la journée des émissions coréennes et vietnamiennes, mais pas de bulletins de nouvelles quotidiens. Il y a des bulletins hebdomadaires.

Je ne pense pas que nous offrions de programmes indo-canadiens du tout. Mais certains des radiodiffuseurs généralistes, comme City TV, ont des émissions indo-canadiennes. Je crois que Now TV en a également. Channel M diffuse un bulletin de nouvelles d'une demi-heure chaque jour pour la communauté indo-canadienne. Nous avons peut-être fourni ce service brièvement lorsque nous étions encore Cathay TV, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Le sénateur Carney : Je me demande s'il y a des parties de cette énorme population asiatique qui reste mal desservie sur le plan de l'information. Nous n'avons reçu ici que des représentants de la communauté chinoise, et personne de l'importante communauté indo-canadienne qui, bien entendu, a ses propres journaux, et cetera et que nous ne devons pas ignorer. Vous faites un merveilleux travail au service de la communauté sino-canadienne et étrangère, mais pensez-vous que comme radiodiffuseur régional, il existe des secteurs de la communauté asiatique qui manquent d'accès à l'information?

Mme Hwo : C'est une question très difficile mais j'y réfléchis depuis longtemps. Lorsque je considère mes propres spectateurs de la communauté chinoise, je me rends compte que de plus en plus ils regardent nos bulletins de nouvelles par choix, et non pas parce qu'ils ne comprennent pas les émissions en langue anglaise. Ils comprennent. Ils lisent le Vancouver Sun. Ils lisent The Province.

Le sénateur Carney : Oh, excellent.

Mme Hwo : Ils regardent également Global, CBC et les autres chaînes anglaises. Notre journal télévisé commence à 19 h, en direct. Les autres grands radiodiffuseurs commencent le leur à 18 h. Pour en avoir parlé aux téléspectateurs et d'après l'expérience de ma propre famille, je sais que de plus en plus on a pris l'habitude de regarder le journal télévisé des grandes chaînes à 6 h, puis de se brancher sur notre programme à 7 h.

Le sénateur Carney : Du soir?

Mme Hwo : Oui, 7 h du soir. Je conclus donc qu'ils nous regardent non pas parce qu'ils ne comprennent pas les bulletins de nouvelles en anglais, mais parce qu'ils veulent la saveur chinoise qui les fait se sentir davantage chez eux; bien sûr, nous apportons un éclairage différent sur certains sujets. Je ne peux parler qu'au nom de la communauté chinoise, mais c'est la tendance que je discerne.

Mon impression générale est qu'à l'intérieur de la communauté indo-canadienne, la connaissance de l'anglais est au moins aussi bonne que chez les Chinois. Peut-être suivent-ils aussi les journaux télévisés en langue anglaise des chaînes grand public. Peut-être la raison pour laquelle il existe peu d'émissions d'information en punjabi en ville est-elle due à l'absence de marché, peut-être n'ont-ils pas besoin de ce service. Je ne fait que spéculer, je ne prétends pas être experte dans ce domaine.

Le sénateur Munson : Votre présentation était très solide. Pourriez-vous expliquer plus avant votre position concernant les services étrangers, qui ne devraient pas être autorisés, qu'il devrait exister des règles et un terrain de jeu égal. Dans ce pays, nous avons Canal 5, Fox, Aljazeera, astreints à quelques règles, encore que je ne sache pas en quoi elles consistent. Le CRTC va probablement approuver également l'arrivée de Rye TV. Ces chaînes sont là et je ne pense pas qu'il faille en avoir peur. J'ai travaillé en Chine pendant cinq ans comme journaliste à Beijing et j'ai pu voir ce que CCTV sait faire. Dites-vous qu'une société étatique comme CCTV ne devrait pas avoir de présence ici du tout?

Mme Hwo : Oui, c'est ce que je dis. Je pense que c'est très dangereux, car il existe certaines autorités dans le monde, même au sein de la société canadienne, même au sein de la communauté chinoise, envers lesquelles nous formulons de sérieuses réserves. Si nous ouvrons nos ondes à ces services de télévision ou radiodiffuseurs, nous allons remplir nos ondes avec de la rhétorique, avec quantité de promotions déloyales. Les gens vont utiliser les ondes pour diffuser des programmes à des fins de propagande et publicitaires, plutôt que comme nous le faisons au Canada, où nous prenons notre rôle de journaliste au sérieux, où nous ne diffusons pas sans réfléchir des nouvelles sensationnelles ou critiques à l'endroit de personnes, qu'il s'agisse de particuliers ou de gouvernements. Comme M. Ward vient de l'indiquer, il faut faire preuve de déontologie. Il faut être au moins équitable et objectif. Est-ce que ces autres en font autant? Selon mon expérience, je dois répondre non. Nous devons faire très attention lorsque nous diffusons des émissions de CCTV ou utilisons certains de ses reportages. Au moins, avec le système actuel, du fait que les programmes de CCTV passent par notre intermédiaire, nous, journalistes canadiens, pouvons choisir les reportages diffusés et nous savons qu'un tel respecte les règles et que tel autre ne les respecte pas, et donc nous ne le diffusons pas.

La grosse erreur que nous avons commise avec Talentvision il y a quelques années — et j'étais alors nouvelle directrice du journal — a été de laisser passer ce sujet sur les ondes. C'était cataclysmique. Ce type avouait aux autorités qu'il avait tué tous les membres de sa famille uniquement parce qu'il s'était joint à Falun Gong. Je ne pense pas que nous permettrions à aucun journaliste au Canada de faire cela et, effectivement, nous avons eu des ennuis. Le CRTC, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision, tout le monde nous a dit que nous n'aurions pas dû diffuser ce reportage et je suis totalement d'accord. Je pense qu'il serait très dangereux que ces services diffusés sans interruption inondent nos ondes, sans qu'ils aient à respecter aucune règle.

Le sénateur Munson : En cette ère de technologie nouvelle, CRTC ou pas CRTC, nous allons les avoir sur nos ondes d'une façon ou d'une autre et les gens vont les recevoir. Êtes-vous en faveur de bloquer la réception de ces chaînes sur notre territoire?

Mme Hwo : Je ne pense pas qu'il soit réaliste de les bloquer, mais je pense qu'en tant que pays, que collectivité canadienne, nous devons transmettre comme message à nos téléspectateurs, aux Canadiens, que les services diffusés sous la bannière canadienne sont là parce qu'ils respectent les valeurs qui sont les nôtres. Nous ne pouvons bloquer ces services, mais nous pouvons dire lesquels n'ont pas le sceau d'approbation canadien. Il serait stupide à notre époque de penser que nous pouvons les bloquer, mais cela ne signifie pas que nous devons leur donner notre aval.

La présidente : Permettez-moi d'observer, si cela vous rassure, que c'est toujours les fins de semaine que se glissent les mauvais reportages.

Mme Hwo : J'ai constaté que c'est toujours le vendredi.

La présidente : Pas seulement chez vous, dans tous les organes de presse de ma connaissance, car les journalistes d'expérience sont chez eux. Ils ont gagné le droit d'être chez eux en fin de semaine. Ce sont les nouveaux qui travaillent en fin de semaine et ils commettent des erreurs. Ce n'est donc pas seulement votre station.

Le sénateur Trenholme Counsell : Votre exposé était merveilleux. Ceux d'entre nous qui venons de l'est du pays apprenons beaucoup à vous écouter et nous vous sommes reconnaissants. J'ai eu l'impression, en écoutant ce matin, qu'il y a une différence sensible au niveau du contenu canadien, et peut-être de l'accent mis sur le multiculturalisme, et sur les valeurs canadiennes, et cetera entre votre chaîne et ce que nous avons entendu hier au sujet de la presse écrite chinoise. J'aimerais connaître votre réaction à cela.

Deuxièmement, je suis fascinée par ce que je perçois être — et je ne veux pas utiliser le mot « intellectuel » — par votre auditoire très intelligent qui s'interroge et veut débattre et connaître les différents côtés d'un enjeu. Si c'est le cas, je suis prête à admettre que c'est un auditoire plus intelligent que celui que nous avons dans nos régions du pays. J'aimerais entendre votre avis là-dessus également.

La présidente : Faites attention où vous mettez les pieds.

Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, c'est mon impression.

Mme Hwo : Je pense que l'auditoire doit être plus intelligent, car il reçoit en fait deux ensembles de contenu. Les spectateurs savent ce qui se passe dans leur culture d'origine, qui n'est pas la culture canadienne, et en même temps savent ce qui se passe dans la culture canadienne. Vous parlez là d'un groupe très intéressant de gens qui évoluent de manière à devenir de plus en plus des Canadiens. Et nous y veillons, car nous pensons que c'est notre rôle de média chinois. Nous ne sommes pas ici pour cantonner les médias chinois dans de petits ghettos et les faire vivre dans un monde à part. J'espère que ce n'est pas ainsi que le gouvernement canadien voyait les choses lorsque nous avons créé les médias chinois. J'espère toujours, et nous travaillons en ce sens, que les médias chinois aideront les immigrants chinois à devenir de meilleurs Canadiens. Et de fait, nombre de ces immigrants sont devenus des citoyens du Canada. Ceux qui ne se plaisaient pas ici sont déjà retournés dans leurs pays d'origine.

Beaucoup sont restés et j'en parle aujourd'hui avec tellement d'assurance parce que nos téléspectateurs sont avec nous depuis dix ans. Et ceux qui sont restés ont monté leur entreprise, fait de la publicité, grandi pendant dix ans et leurs enfants étudient ici depuis dix ans. Ils ont donc un attachement très concret, très fort. Ils possèdent maintenant le contexte pour comprendre si, dans une conversation, vous lancez un nom comme Glen Clark. C'est intéressant, parce que si vous évoquez Jou Soo Yung, ils peuvent vous parler également de lui. Mais si vous parlez ensuite de Brian Mulroney, ils savent également qui il est et ils ont certainement beaucoup à dire sur Jean Chrétien. Ce sont réellement des téléspectateurs avertis. C'est un auditoire intelligent et nous veillons à le contenter, car il paye pour notre service.

Lorsque nos gens sont arrivés ici, ils aspiraient à un monde meilleur. Certains, surtout ceux de Hong Kong, ceux parlant cantonais, sont partis parce qu'ils avaient peur de ce qui arriverait après l'arrivée au pouvoir des communistes à Hong Kong. Mais ceux qui sont restés ici ont pris cette décision parce qu'ils aiment vivre ici. Ils comprennent donc qu'il leur faut en apprendre plus sur la société canadienne. Certains sont venus avec leurs enfants, ou bien ont eu des enfants ici, et ont fait venir leurs parents pour s'en occuper. Nous avons donc ce groupe d'actifs d'âge moyen, mais aussi leurs parents et leurs enfants, et leurs enfants grandissent également ici et arrivent dans l'adolescence. Ils veulent donc de l'information sur l'éducation, les soins de santé, les politiques sociales, la criminalité, la drogue, la police. Le contenu canadien, à mon sens, doit également englober toute la mosaïque canadienne et le multiculturalisme.

Nous nous soucions de toutes ces choses autant que n'importe quel autre Canadien et nos spectateurs aussi car c'est ici qu'ils doivent vivre. À cet égard, il n'y a pas de différence entre eux et le restant de la société canadienne. La seule différence est que nos téléspectateurs continuent également à suivre ce qui se passe dans le système politique à Hong Kong, par exemple, se demandant pourquoi il n'y a toujours pas d'élections démocratiques là-bas alors que les Iraquiens ont voté dimanche dernier. Ce sont là les questions dont ils parlent.

Nous avons également un ensemble très dynamique de stations de radio ici; la radio chinoise prospère. Les émissions de causeries, en particulier, attirent beaucoup d'annonceurs et d'auditeurs. Du lundi au vendredi, de 5 h à 6 h de l'après-midi, et de nouveau le samedi matin de 10 h à midi, les deux stations de radio concurrentes passent des émissions causerie avec chaque fois un thème donné et les auditeurs appellent pour exprimer leur opinion. Ils parlent des grands enjeux, surtout d'envergure nationale. Donc, ceux qui suivent nos journaux télévisés et émissions d'affaires courantes ont accumulé beaucoup de savoir et d'information et disposent aussi d'un canal pour en parler, échanger des opinions avec l'animateur et d'autres auditeurs. Les immigrants ou citoyens chinois savent certainement aujourd'hui ce qui se passe dans le pays et veulent en parler. Parfois nous pensons que même ce genre d'émissions ne suffit pas car ils donnent l'impression de vouloir parler encore plus. Cet épanouissement des médias chinois s'engage réellement dans une direction très positive en ce moment.

Le sénateur Chaput : Mon intervention sera très courte, mais je voulais vous remercier pour votre exposé et vous féliciter de l'excellent travail que vous faites.

Mme Hwo : Merci.

Le sénateur Chaput : Il y a un mois environ, l'ambassadeur de la France au Canada, M. Jouanneau m'a dit avoir visité la Colombie-Britannique, comme il le fait de toutes les provinces. En Colombie-Britannique, la France a des bureaux de l'Alliance Française et il m'a dit que celui d'ici est bombardé de demandes de sino-Canadiens qui souhaitent que leurs enfants apprennent, en sus de leur langue ancestrale, les deux langues officielles du Canada. Je suis sûr que vous en avez entendu parler. Il a été très impressionné de cela.

Mme Hwo : Je suis heureuse que vous abordiez cela. Nous avons même réalisé une émission d'affaires courantes, d'une demi-heure, traitant de ce sujet. C'est vrai, et pas seulement pour ce qui est de l'Alliance Française, mais aussi des écoles d'immersion française. Mon fils était dans une école moitié immersion française moitié anglaise l'an dernier. J'ai été réellement étonnée de voir le nombre d'élèves chinois dans les programmes d'immersion française. De fait, la fille de l'un des chroniqueurs de Sing Tao fréquentait la même école que mon fils l'an dernier et elle est en immersion française depuis longtemps.

Je pense que cela traduit le désir des immigrants chinois de rester au Canada et de s'intégrer au système canadien. Ils savent que pour être véritablement canadiens et avoir la flexibilité de travailler partout, il faut parler les deux langues officielles; on n'est pas véritablement Canadien à moins de connaître les deux langues. Et ils savent aussi que si vous possédez les deux langues, vous pouvez aller n'importe où. Alors que si vous êtes comme leurs parents, qui parlent un anglais peu courant ou même un bon anglais avec un léger accent, de nombreuses portes vous restent fermées. Ces parents chinois veulent tout ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants et ils croient réellement en la société canadienne. Ils pensent que s'ils possèdent et le français et l'anglais, ils seront canadiens et que c'est cela l'essence du Canada et qu'alors le ciel sera totalement ouvert pour leurs enfants. Lorsque nous avons réalisé cette émission il y a deux ans, je crois que c'était le début et que c'est révélateur de la volonté profonde des citoyens chinois de s'intégrer au Canada.

Le sénateur Merchant : Je pense que vous êtes une merveilleuse Canadienne.

Mme Hwo : Merci.

Le sénateur Merchant : Je vous comprends très bien car je suis née en Grèce et suis arrivée dans ce pays au début de l'adolescence. J'ai donc toujours un pied dans chaque culture et je comprends que nous avons besoin de ce pont et que nous sommes très à l'aise à cheval entre les deux pays.

Vous dites que Fairchild Television a un très bel avenir. Que faites-vous pour conserver dans votre auditoire les enfants chinois nés ici? Peut-être les coutumes et la culture chinoises comptent-elles moins pour eux?

Mme Hwo : Oui, c'est une excellente question. J'ai un fils de huit ans. Il y a deux ans, je m'inquiétais, car il ne s'intéressait guère aux choses chinoises, bien qu'il parle cantonais avec ses grands-parents et aussi avec moi. Mais cette année, je suis rassurée, depuis trois mois. Comme je l'ai dit, nous concevons nos émissions pour les parents actifs qui sont dans la trentaine et la quarantaine, pour leurs parents et aussi leurs enfants. Et je peux dire avec confiance que nous intéressons également ces enfants. La raison de cette assurance est que je suis allée récemment dans la classe de mon fils et ses amis, qui sont du même âge, m'ont tous regardée et m'ont souri, comme ils le font chaque matin lorsque je dépose mon fils. Il y a un mois environ, mon fils m'a dit : « Maman, tu sais cette émission politique que tu présente tous les mardis — mes amis Wesley, Sean, Ryan et Andrew m'ont dit qu'ils t'ont vue à la télévision hier soir et qu'ils ont beaucoup aimé ». Maintenant que je sais pourquoi les enfants sourient lorsque je dépose mon fils à l'école, je leur parle. Et j'ai réalisé qu'ils sont effectivement nos téléspectateurs. Ils suivent effectivement nos émissions de nouvelles et écoutent nos émissions de radio et je suis donc beaucoup plus assurée qu'ils nous regardent par choix, parce qu'ils veulent avoir cette touche chinoise et ne pas oublier leurs origines.

Mais est-ce qu'ils parlent couramment anglais en même temps? Oui. Mon fils vient juste d'avoir une excellente note en français hier. Il va donc parler couramment le français et aussi, je l'espère, couramment le cantonais et le mandarin. Je m'inquiète donc moins de ce qui va se passer lorsque nous perdrons le groupe d'âge moyen. Je pense que nous conservons la jeune génération. Même les parents parlent beaucoup mieux l'anglais qu'il y a dix ans, à leur arrivée. Mais le fait que le nombre de nos abonnés continue d'augmenter m'indique qu'ils doivent nous regarder parce qu'ils trouvent chez nous quelque chose qu'ils apprécient, et non parce qu'ils ne comprennent pas l'anglais. Je sais que beaucoup d'entre eux lisent le Vancouver Sun.

La présidente : J'ai quatre questions très courtes et le sénateur Carney a une dernière question.

Combien d'heures de nouvelles passez-vous chaque jour?

Mme Hwo : C'est compliqué maintenant. Nous avons notre journal télévisé en direct de 7 h à 8 h.

La présidente : Cela fait une heure.

Mme Hwo : Oui. Ensuite nous reprenons le journal de 11 h 30 à 12 h 30. Et nous avons maintenant un insert local si bien que pendant la première demi-heure, les téléspectateurs de Vancouver voient un bulletin d'information totalement différent de ceux de Toronto. Calgary et Vancouver ont le journal d'information de Vancouver pendant la première demi-heure, tandis que Toronto a un bulletin totalement différent pendant la première demi-heure, et ensuite nous partageons la dernière demi-heure.

La présidente : D'accord. Ici à Vancouver, qui est votre navire amiral, en quelque sorte, de combien de journalistes disposez-vous?

Mme Hwo : J'ai 32 personnes dans la rédaction. Chaque jour, j'ai cinq journalistes qui se déplacent et nous avons quatre traducteurs dans la salle de presse. Ensuite, nous avons des éditeurs et producteurs.

La présidente : D'où proviennent vos journalistes?

Mme Hwo : De Vancouver. Ils doivent être citoyens canadiens ou immigrants reçus. Notre directeur de l'information radiophonique a engagé une jeune fille de Hong Kong qui étudiait ici. Elle est extrêmement agréable et aussi très efficace. Nous l'avons embauchée et elle demande un visa. Mais dans le cas du journal télévisé, étant donné que c'est une rédaction beaucoup plus grosse, il est peu sage pour moi de faire cela. Nous recrutons toujours localement.

La présidente : Si le rayonnement quotidien moyen de Fairchild est de 103 900 adultes chinois de Vancouver, quelle proportion de ce nombre regardent les informations? Si vous n'avez pas le chiffre ici, vous pourriez peut-être nous le communiquer plus tard.

Mme Hwo : Je ne suis pas sûre, mais je crois que c'est le cas de presque tous.

La présidente : À peu près tous?

Mme Hwo : Oui. Cela a également évolué au fil des ans. Il y a longtemps, on m'a dit que nul dans la communauté chinoise n'aime regarder les informations. Mais récemment, mon président a raconté à tout le monde que les émissions les plus suivies sont les nouvelles et les affaires courantes.

La présidente : Oh, félicitations.

Mme Hwo : Et l'émission en tête est celle des affaires d'actualité, ce qui montre donc que les gens sont très intéressés.

La présidente : Formidable.

Le sénateur Carney : Je suis née en Chine et je suis intéressée par votre dualisme culturel. Mais je veux signaler à mes collègues, et j'espère que d'autres ici le confirmeront, que depuis de très nombreuses années l'anglais est une langue minoritaire pour ce qui est de la langue parlée à la maison par les élèves de Vancouver. Cela fait pas mal de temps que l'anglais n'est plus la langue majoritaire; il faudrait vérifier quel est le chiffre exact aujourd'hui. Il y a donc là un énorme auditoire pour de nombreuses langues différentes. Merci.

La présidente : Merci infiniment, madame Hwo. Vous avez pu constater à quel point nous avons tous été fascinés.

Mme Hwo : Merci de m'avoir reçue.

La présidente : Oh, M. Thomas Fung, il est citoyen canadien, je suppose?

Mme Hwo : Depuis plus longtemps que moi.

La présidente : D'accord. Merci infiniment. Cela a été une conversation des plus intéressantes. Je sais que nous vous avons retenue un peu plus tard que prévu, et nous vous sommes reconnaissants d'être restée.

Mme Hwo : Il n'y a pas de quoi. Merci.

La présidente : La prochaine partie n'était pas prévue, et nous n'avons donc pas de microphone sur pied dans la salle, comme c'est la pratique courante lorsque nous invitons l'assistance à intervenir. Nous sommes réellement désireux d'écouter les étudiants qui pensent avoir quelque chose à nous dire ou qui aimeraient nous poser des questions. Cette invitation s'adresse aux étudiants seulement. Approchez-vous d'un microphone et veuillez indiquer votre nom pour le procès-verbal.

Mme Jhenifer Pabillano, à titre personnel : Bonjour, je me nomme Jhenifer Pabillano. Je vais vous épeler le nom plus tard. C'est un peu compliqué.

Nous recherchons actuellement des stages car nous avons besoin d'un stage de trois mois pour recevoir nos diplômes. Il est difficile d'en trouver et un problème que nous rencontrons, c'est que beaucoup de ces stages ne sont pas rémunérés. Il est réellement difficile d'acquérir de l'expérience en radiodiffusion et cela exclut beaucoup de gens, car vous devez faire don de votre temps et parfois même vous rendre à Toronto ou Montréal ou ailleurs pour accumuler une expérience, sans être rémunéré. Nous sommes donc un peu limités sur le plan de nos possibilités d'emploi.

Et le nombre de stages, d'après ce que je vois, diminue au fil des ans. J'ai lu un article en ligne de Shelley Fralic, du Vancouver Sun, qui était interviewée au sujet des stages. Cela figurait dans le Langara Journalism Review. Elle a dit que lorsqu'elle a été embauchée dans les années 70, il y avait 14 stagiaires dans l'équipe, mais qu'aujourd'hui il n'y en a plus que cinq ou six. Il devient plus difficile d'accéder au métier. Des journalistes plus âgés nous disent qu'il y a 30 ans ils pouvaient passer directement de la rédaction d'un journal étudiant au Sun ou au Journal, ou peut-être le Journal appelait-il directement pour vous inviter à vous joindre à l'équipe de rédaction, mais cela n'existe plus. Aujourd'hui, il faut avoir suivi des études supérieures. Et si les ouvertures n'existent pas, cela devient réellement difficile.

La présidente : Vous mettez là le doigt sur quelque chose de très intéressant. Merci d'avoir porté cela à notre attention.

Le sénateur Carney : Je voulais juste indiquer que j'ai fait exactement ce que vous avez dit, j'ai sauté d'un journal étudiant aux grands journaux, The Province et le Vancouver Sun, et ils payaient 25 cents le pouce, ce qui incitait à rallonger la sauce.

La présidente : Maintenant vous entendez le sénateur Munson discuter pour savoir qui commençait au plus bas salaire dans le bon vieux temps.

Le sénateur Munson : Trente-deux dollars par semaine, 1965, CJLS.

La présidente : J'étais dans la grande ville, je touchais 50 $ en 1965.

Un intervenant non identifié : Trente-cinq dollars par semaine, The Province.

Le sénateur Tkachuk : Cela payait quand même deux mois de loyer.

La présidente : Merci beaucoup, Jhenifer. Quelqu'un d'autre?

M. Richard Warnica, à titre personnel : Je suis également étudiant ici. Je voulais juste faire un commentaire, pour dire que je reste un peu sceptique devant les chiffres des sondage d'opinion, surtout lorsqu'ils concernent les jeunes. Si vous demandez aux gens si telle ou telle organisation est partiale, les gens vous diront qu'elle est partiale si elle ne répercute pas leurs propres opinions. Par exemple, j'ai grandi à Calgary et lorsque je dis aux gens de Calgary que je veux devenir journaliste, ils me disent « Ah bon, mais tu ne pourras pas travailler pour CBC parce qu'ils sont partiaux et pro-libéraux ». J'ai passé mon diplôme à Victoria et lorsque je rentre à Victoria et je dis aux gens que je vais être journaliste, ils disent « Oh, tu ne pourras pas travailler pour CanWest, ils sont tellement partiaux et tellement pro-libéraux ». Lorsque les membres du public disent que les journalistes sont partiaux de cette manière, il faut réellement le prendre avec un grain de sel car je ne suis pas entièrement sûr que le public soit toujours informé. Si l'on en croyait les sondages, Stephen Harper serait premier ministre aujourd'hui, savez-vous. C'est ce que les journalistes et les sondages d'opinion nous disaient pendant la dernière campagne électorale.

Je ne suis pas d'accord lorsqu'on dit que le public a parlé et que voici l'état du journalisme et qu'il ne faut pas faire confiance aux journalistes. Il y a des groupes qui ont de très bonnes raisons de dire aux gens de ne pas croire les journalistes. Ce sont des gens qui veulent contourner les journalistes et faire passer un message directement au public sans que leur crédibilité soit éprouvée par une organisation publique ou sans vérification des faits. Ils peuvent facilement contourner les journalistes et les vérifications en convainquant le public qu'il n'y a pas d'objectivité. Cela a très mal démarré pendant l'administration Nixon aux États-Unis, avec cette notion que les médias de masse étaient libéraux et qu'il fallait donc contourner cette subjectivité libérale et transmettre le message directement. Mais je ne pense pas que les choses soient aussi graves que les chiffres de ces enquêtes les font apparaître.

La présidente : Des commentaires? Je dirais que ceux d'entre nous qui sommes libéraux seraient surpris d'entendre que CanWest, ces jours-ci, a un gros penchant pro-libéral. Est-ce que je me trompe, collègues? Mais la société en aurait le droit. Les gens ont le droit d'être partiaux.

Le sénateur Tkachuk : Mais pas la SRC.

La présidente : Eh bien, même là-dessus je pourrais vous contester assez vivement, mais nous ne sommes pas ici pour mener des débats partisans. Mais votre argumentation, en substance, c'est que les médias et le public devraient se méfier des sondages.

M. Warnica : Oui, et je crois qu'il y a beaucoup de bon journalisme et qu'il incombe d'une certaine façon au public de le trouver. Les gens disent qu'ils n'aiment pas le sensationnalisme, mais qu'achètent-ils? C'est la même argumentation que l'on entend toujours au sujet de la pornographie. Tout le monde déteste la pornographie, mais c'est l'un des commerces les plus florissants au monde. Les gens disent une chose mais font le contraire. Donc, ce qu'ils disent dans un sondage ne reflète pas nécessairement les choix médiatiques que les gens font.

Le sénateur Eyton : Êtes-vous sûr d'être originaire de Calgary?

M. Warnica : C'est pourquoi j'ai déménagé en Colombie-Britannique.

La présidente : Merci beaucoup. À qui le tour?

M. Kesten Broughten, à titre personnel : Je ne suis pas vraiment étudiant en journalisme ici, mais je fais partie de CITR Radio, qui est la radio du campus de l'UBC.

La présidente : Non, c'est réservé aux étudiants de l'UBC.

M. Broughten : Bon, d'accord.

Intervenant non identifié : C'est la radio du campus.

La présidente : La radio du campus. Oh, désolée. Excusez-moi. J'ai cru vous entendre dire « radio capitaliste ».

M. Broughten : En fait, nous sommes tous des bénévoles.

La présidente : Nous vieillissons tous.

M. Broughten : Je voulais simplement attirer votre attention sur un groupe local du nom de « Check Your Head ». Il a été lancé il y a cinq ans environ par deux personnes qui depuis se sont lancées dans la politique locale. Kevin Millsip est au Vancouver School Board et Lyndsay Poaps siège au Vancouver Parks Board. Le groupe faisait le tour des écoles secondaires, discutait avec les élèves et les amenait à parler du genre de choses dont il est question ici aujourd'hui. Ils parlaient beaucoup de la concentration des médias. Je me demandais si un comité comme le vôtre serait intéressé à approfondir l'étude que vous menez en faisant appel à des groupes locaux comme celui-ci? À ma connaissance, nul ne poursuit ce travail en ce moment. Initialement, ils étaient financés par la British Columbia Teachers' Federation, entre autres. Ce pourrait être intéressant pour votre étude d'approcher certains groupes spécialisés.

La présidente : C'est sûr, pas plus que les journalistes, les comités sénatoriaux ne peuvent tout couvrir, et nous sommes intéressés à en savoir autant que possible sur tout. Mais je dois vous dire que nous n'avons pas d'argent à investir dans des groupes communautaires. Ce n'est pas ce que les comités sénatoriaux sont autorisés à faire. Mais si vous pouviez nous écrire une lettre ou un courriel donnant les coordonnées du groupe dont vous parlez et indiquant ce qu'il a fait, ce serait réellement très utile.

M. Broughten : D'accord.

La présidente : Le greffier pourra vous dire où envoyer cela. Y a-t-il des questions? D'accord, au suivant.

M. Brad Badelt, à titre personnel : Je suis étudiant ici, à l'École de journalisme. Je voulais revenir sur quelque chose que Jhenifer a mentionné tout à l'heure. Je sais que l'on s'inquiète beaucoup de la concentration de la propriété des médias, mais je crois que le plus gros problème c'est le manque de diversité dans les rédactions, particulièrement pour ce qui est de l'âge. Les rédactions n'ont pas fait de recrutement pendant longtemps et il y a toute une génération de journalistes d'âge mur qui font leur chemin, et il n'y a rien à redire. Mais je pense que des journalistes plus jeunes apporteraient une optique très différente sur quantité d'événements d'actualité. Nous n'avons pas vécu toute l'histoire qui a conduit à eux, et je pense que des journalistes plus jeunes tendent à poser la question « Pourquoi » beaucoup plus souvent, abordent certaines événements selon un angle peut-être différent et l'on ne voit guère cela dans les informations que nous obtenons. Par exemple, CBC a le « George Strombolopolous Show », qui est d'une heure par semaine, et que l'on vante comme étant « l'émission jeunesse ». Mais si vous regardez le pourcentage de l'auditoire de CBC, c'est beaucoup plus qu'une heure sur sept jours par 24.

Je ne pense pas que la proportion des jeunes soit reflétée dans les médias. Plus que la concentration des médias, ce me semble être le plus gros problème qui fait que les jeunes ne lisent pas les journaux et ne suivent pas les nouvelles des grands médias. C'est donc un plaidoyer pour davantage de jeunes journalistes.

La présidente : Permettez-moi de vous demander quelque chose. J'ai regardé le George Strombolopolous Show l'autre soir. Désolée, mais j'ai encore quelques problèmes avec les anneaux dans le nez. Mais, en fait, j'ai trouvé que c'était une assez bonne émission. Elle jette un regard neuf sur diverses choses et m'a intéressée. Ensuite je me suis dis : j'ai 60 ans — si cette émission me plaît, est-ce qu'elle ne passe pas à côté de la cible? J'aimerais un vote à main levée. Combien d'entre vous l'ont vue et pensez-vous qu'elle est utile, que ce que CBC fait avec cette émission est le genre de choses qui va aider le radiodiffuseur public? Je ne suis pas l'audimètre Nielsen. Je suis juste curieuse de savoir.

Un intervenant non identifié : Comme ci, comme ça.

La présidente : Ce n'est pas tout à fait ça, n'est-ce pas? Ils essayent trop fort?

M. Badelt : Personnellement, je pense qu'ils en font un peu trop; faire venir quelqu'un de Much Music, c'est vraiment vouloir paraître jeune et cool.

La présidente : Oui?

M. Badelt : Ce n'est pas qu'ils sous-estiment l'intelligence des jeunes. Les jeunes sont intéressés par une discussion sérieuse aussi, et c'est ce qu'il offre.

La présidente : Oui.

M. Badelt : Mais je trouve qu'ils s'en vantent un peu trop, en un sens.

Le sénateur Tkachuk : Un peu condescendant?

M. Badelt : Un peu.

Le sénateur Carney : J'aimerais poser une question sur l'Internet. Combien d'entre vous utilisez l'Internet comme première source d'information, par opposition aux grands médias? Pouvez-vous lever la main? Ah, voilà. Donc, nous savons. D'accord. Pensez-vous que cela va influer sur l'avenir du journalisme de presse écrite ou des médias grand public? Pourriez-vous nous en parler?

M. Badelt : Je pense que cela va faire une énorme différence. Je pense que nous tous, dans le courant de chaque jour, vérifions sur l'Internet les nouvelles, en sus de la lecture du journal. Jusqu'à présent, les journaux ne font que copier et coller sur l'Internet mais ils pourraient faire beaucoup plus de ce média. Ce pourrait être un outil beaucoup plus vivant et interactif.

Le sénateur Munson : Je ne pense pas que ce soit une affaire de jeunes. J'ai un fils de 20 ans et un autre de 17 ans, et j'ai pris leurs habitudes et inscrit leurs sites dans mes signets. Je vérifie le Globe and Mail en ligne toutes les demi-heures pendant que je travaille; c'est devenu pour moi une routine. Ce n'est pas seulement pour les jeunes.

Le sénateur Merchant : Pourrais-je poser une question aussi? Vous êtes tous étudiants en journalisme et donc l'actualité vous intéresse. Pensez-vous que vous 30 ici soyez représentatifs des jeunes en général?

La présidente : Juste un instant.

Le sénateur Carney : Le compte rendu de cette réunion ne peut pas consigner les signes de tête. Il faut que quelqu'un parle. Merci.

M. Badelt : Non.

Le sénateur Merchant : Combien d'entre vous pensent que les autres jeunes de votre âge font la même chose que vous, que vous êtes représentatifs de cette tranche d'âge?

M. Badelt : Avec l'Internet?

Le sénateur Merchant : Où vont-ils chercher les nouvelles si l'actualité les intéresse, s'ils cherchent des informations?

Un intervenant non identifié : Oh, oui.

Le sénateur Merchant : Oui, je suis sûr qu'ils vont chercher sur l'Internet. Est-ce que les jeunes s'intéressent aux nouvelles? Je ne sais pas.

La présidente : Ces étudiants sont tous dans le journalisme.

Le sénateur Merchant : Je sais.

La présidente : Il y a une autosélection à l'œuvre ici.

Le sénateur Tkachuk : Il y a deux questions différentes ici auxquelles nous n'avons pas réellement obtenu réponse : premièrement, pensent-ils être représentatifs des jeunes d'aujourd'hui pour ce qui est de la consommation des nouvelles et, deuxièmement, les jeunes d'aujourd'hui sont-ils intéressés par les nouvelles. Ce sont deux questions distinctes. Je pense que c'est ce que vous avez demandé.

Le sénateur Merchant : Eh bien, prenez la suite.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie juste de clarifier.

La présidente : Je sais que le sénateur Trenholme Counsell veut poser une question, mais je voulais approfondir votre réponse au sénateur Carney.

Le sénateur Merchant : Non, je comprends. Je disais cela amicalement.

M. Badelt : Mon impression est que nous sommes représentatifs pour ce qui est de l'utilisation de l'Internet, mais pas nécessairement pour ce qui est de l'intérêt pour l'actualité. Nous consommons probablement davantage d'information que la moyenne des gens de notre âge.

La présidente : Oui, vous êtes l'auditoire privilégié des organes de presse car vous adorez tous l'information. Lorsque vous utilisez l'Internet pour cela, est-ce que c'est principalement pour accéder aux nouvelles des grands organes de presse classiques, ou bien plutôt pour chercher des sources nouvelles non traditionnelles?

Un intervenant non identifié : Des blogues.

La présidente : Eh bien, les blogues ne sont pas exactement du journalisme, je parlais plutôt de magazines, et cetera.

Mme Darcy-Anne Wintonyk, à titre personnel : Je suis également étudiante ici. Pour ce qui est de savoir si les étudiants en journalisme sont représentatifs des jeunes, je ne crois pas du tout que ce soit le cas. Les étudiants en journalisme sont généralement beaucoup plus cyniques par rapport à ce qu'ils voient dans les médias. Je pense que l'Internet est excellent pour l'apprentissage axé sur la destination, et c'est le plus gros avantage de la recherche d'information sur l'Internet. Peut-être n'utilisons-nous pas les sources d'information classique, mais nous en utilisons beaucoup plus. Un site comme Google News va vous fournir les articles sur une même nouvelle provenant de 20 organisations différentes; ensuite, vu notre cynisme, nous pouvons décider ce que nous aimons le mieux et puiser ce que nous voulons dans chacun.

La présidente : Très bien. Sénateur Trenholme Counsell.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis ravie d'avoir l'occasion de vous poser cette question. Peut-être pouvez-vous m'éclairer. Maintes matinées enneigées, chez moi dans l'Est, au lieu de sortir chercher les journaux, j'utilise l'Internet et mon fils m'y pousse. Mais je trouve que je dois beaucoup chercher ce que je veux, alors que dans un journal, j'en obtiens plus au même endroit. Je ne sais pas comment vous faites pour faire le tour complet des nouvelles sur l'Internet, car vous avez les gros sujets, mais vous n'avez pas toutes les petites nouvelles qui sont aussi dans le journal. Si vous tournez les pages d'un journal, vous voyez un titre qui vous accroche le regard et vous décidez de lire l'article. Je ne pense pas que vous obtenez cela si vous ne faites que cliquer sur le Globe and Mail ou le National Post ou l'Ottawa Citizen. Peut-être après cela vais-je mettre le Vancouver Sun dans mes favoris.

Deuxièmement, à moins d'être abonné, on n'obtient pas grand contenu des journaux en ligne, et je doute que vous soyez nombreux à vous abonner. J'aimerais connaître votre réaction à ces deux remarques.

Mme Wintonyk : Je pense que vous avez plutôt raison, car lorsque nous allons en ligne pour chercher des nouvelles, c'est pour trouver ce qui nous intéresse le plus à ce moment là. Idéalement, j'aimerais lire un journal chaque jour et j'aimerais en lire plusieurs pour voir tout ce qui existe, mais je ne peux pas. C'est peut-être un problème de la recherche de nouvelles sur l'Internet, et ce sera probablement un problème à l'avenir car nous passons davantage par l'Internet pour nos sources.

La présidente : D'accord. Nous avons du temps pour encore un ou deux.

M. Badelt : Je crois que l'Internet offre également des récits à la première personne, que les gens apprécient, comme les blogues, ou bien cette sorte d'évaluation directe, et vous pouvez alors retourner régulièrement sur le site de cette personne, ce qui n'est pas aussi facile avec la télévision ou les journaux.

La présidente : Merci beaucoup.

Mme Meena Mann, à titre personnel : Je suis également étudiante, actuellement en communications.

En réponse à la question du sénateur Carney sur la différence que nous percevons entre la presse écrite et le journalisme en ligne, je dirais qu'il y a certainement une différence de style, mais tous les principaux journalistiques sont là, y compris le style journalistique consistant à capter l'attention du lecteur. C'est pareil dans les deux sources.

Pour ce qui est du George Strombolopolous Show sur CTV, je pense que c'est une très bonne représentation de la diversité que l'on cherche à atteindre dans nos médias et de la main tendue à différentes catégories de personnes. Vous avez dit ne pas apprécier les anneaux dans le nez, mais d'autres personnes peuvent s'identifier à lui et se passionner pour ce qu'il dit.

La présidente : Oui, et j'ai regardé l'émission en dépit de l'anneau dans le nez.

Mme Mann : Oui, exactement, vous avez regardé. Vous pouvez donc imaginer que toutes les autres personnes, pour qui il est la norme, soient très intéressées par ce qu'il a à dire.

Il existe un site d'information en ligne canadien, du nom de TheTyee.ca. C'est un excellent site Web. Vous pouvez exprimer votre opinion à la fin de l'article, sans préjugé. C'est un type de journal très libéral, ce qui est important. Il faut incorporer davantage ce genre de choses dans les médias d'aujourd'hui.

Le sénateur Munson : En petites doses.

La présidente : L'ouverture d'esprit.

Mme Mann : Oui.

La présidente : Éclairés.

Mme Mann : Oui.

Le sénateur Carney : Elle veut dire qu'ils sont très ouverts.

La présidente : Oui, nous le savons, sénateur Carney.

Le sénateur Carney : En d'autres termes, conservateurs au sens libéral.

Le sénateur Trenholme Counsell : Modérés.

La présidente : Autrement dit, une entreprise splendide.

Mme Mann : Oui, c'est vrai. J'ai été très impressionnée par ce service en ligne. C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente : Merci infiniment. Nous avons du temps pour encore une voix. Nous en avons deux? Nous allons en caser deux.

M. James Weldon, à titre personnel : Je suis également étudiant en journalisme ici. Je voulais répondre sur un aspect qui a été brièvement évoqué, à savoir que l'avènement de l'Internet va se répercuter sur le journalisme de presse écrite et aussi, par extension, télévisuel. Il m'apparaît qu'un aspect n'a pas été soulevé, soit qu'à certains égards l'Internet ne pourra jamais supplanter les journaux ou la télévision entièrement, ni pour les jeunes ni pour les téléspectateurs plus âgés. C'est dû au fait qu'il y a un élément de passivité en jeu et dans la télévision et dans la presse écrite qui n'existe pas sur l'Internet. Avec l'Internet, comme vous l'avez dit, il faut activement aller chercher les nouvelles. Cela exige de l'effort, de la réflexion, et il faut lire. Et je crois qu'il y a un certain plaisir à rester assis sur le canapé avec la télécommande à la main et laisser quelqu'un d'autre vous servir les nouvelles à la cuillère. Je ne pense pas que cela disparaisse jamais et je crois que c'est une dimension à laquelle les autres médias pourront se raccrocher pour conserver un auditoire. Et il y a aussi un aspect humain que les gens apprécient, le fait d'avoir un visage associé à l'information, quelqu'un assis derrière un pupitre qui vous raconte d'une voix apaisante ce qui se passe, et même d'avoir une photo d'un visage associé à une chronique est utile pour les gens. Cela leur donne au moins l'illusion d'une paternité claire et transparente de l'article.

Mme Carrie May Siggins, à titre personnel : Je suis étudiante ici. Une question qui se pose, c'est la notion de contrôle de l'accès. Des études comme celles d'UBC montrent que les jeunes sont plus sceptiques face aux médias. Je pense que leur scepticisme vise le portier, l'institution qui choisit quelles nouvelles vont être proposées à la consommation. Avec l'Internet, on a l'illusion que le portier est éliminé, que les gens peuvent choisir eux-mêmes leur information. Il y a à cela et des inconvénients et des avantages. Les jeunes abordent les émissions d'information avec plus de sophistication. Ils savent que les jeunes représentent un marché, une couche démographique exploitable et que les organes de presse cherchent à leur vendre quelque chose. Mais cela est érodé par l'Internet.

La présidente : Je vous ai entendu dire quelque chose de très important, à savoir que lorsqu'ils vont sur l'Internet, ils ont l'illusion qu'il n'y a pas de portier.

Mme Siggins : Oui.

La présidente : Mais il existe pourtant des portiers.

Mme Siggins : Oui. De plus en plus d'organes d'information se montent sur l'Internet, et le New York Times, CBS, le Globe and Mail existent depuis 100 ou 150 ans; ce sont des institutions établies. Ceci est une période de croissance pour l'Internet, où les institutions acquièrent une réputation. C'est également une période passionnante.

La présidente : Quelqu'un contrôle le portail.

Mme Siggins : Exactement.

La présidente : Un énorme portail. Bien, nous nous amusons beaucoup. J'ai dit que nous n'avions du temps que pour encore deux, mais si quelqu'un d'autre souhaite — d'accord.

M. Robert Ammamdale, à titre personnel : Je suis également étudiant ici, à l'École de journalisme.

Je ne sais pas si votre question sur l'Internet a reçu la réponse que j'aurais donnée. Il est vrai qu'il est difficile de retirer parfois de l'information du site du Globe and Mail parce qu'il faut être abonné, et c'est le cas de beaucoup d'autres sites. Mais l'attrait est celui-ci : lorsque vous lisez quelque chose dans le journal, vous avez un article de 500 mots environ, et c'est tout ce que vous aurez; mais si je lis quelque chose sur l'Internet, qu'il y ait ou non des liens, je suis rarement limité à seulement 500 mots. Cela conduit toujours à un tas d'autres choses. Je peux peut-être obtenir le document initial et le lire par moi-même pour voir s'il a été analysé de la même manière que je l'aurais analysé. Ou si quelqu'un dit une chose intéressante, je peux chercher le nom et voir ce que la personne a pu dire d'autre, et fouiller beaucoup plus profond. C'est cela l'attrait, pour moi.

M. Dustin Pirillo, à titre personnel : Je suis étudiant de Langara. Je fais un stage au magazine Adbusters. Marshall McLuhan a dit qu'une troisième guerre mondiale serait une guerre des médias, une guérilla médiatique pour l'information, car l'information se fait déformer sur tellement de fronts. J'ai parlé à de nombreux journalistes de CanWest qui ont été mis à la porte parce qu'ils voulaient parler du réchauffement climatique. Ils voulaient écrire que les Palestiniens mouraient en se défendant, alors que CanWest voulait les présenter comme terroristes. Chaque fois que les journalistes d'une énorme société veulent dire quelque chose de différent ou de contraire à ce que veulent les commanditaires, on les vire. Est-ce que l'information que l'on nous dispense dans les médias est fonction des produits que l'on veut vendre? C'est une notion effrayante. Mais on le constate à la lecture des journaux.

J'ai regardé un reportage de Global sur une attaque à coups de couteau dans Metrotown; la caméra a fait un zoom sur une affiche de cinéma au Silver City Metrotown, pour le film « Lemony Snicket's » et la voix disait : « Eh bien, cela a été une série d'événements regrettables ». Ils ont donc profité de ce fait divers pour promouvoir un film. Où est la morale dans tout cela, lorsqu'on cherche à vous vendre quelque chose? Et c'est vrai de toutes les sources d'information que nous avons ici à Vancouver. C'est le Sun, le National Post, la chaîne Global. Lorsqu'on est si gros, il faut plaire à ses commanditaires, présenter les nouvelles comme ils l'exigent. Et s'il y a quelque chose de controversé, CanWest le soumet à l'aval de ses gros annonceurs. Si le texte leur déplaît, l'article est expurgé.

La présidente : Je sais ce qui se passe à la rédaction de CanWest, encore que nous espérions en apprendre encore plus au fur et à mesure de notre étude. Il me semble que ce dont vous parlez nous ramène droit à ce que disait le professeur Ward concernant le code d'éthique.

M. Pirillo : Avec la concentration des médias, vous n'avez plus le choix une fois que vous devenez si gros, car c'est de là que vient tout votre argent. Si vous venez à manquer d'argent, vous perdez la compagnie, n'est-ce pas?

La présidente : Effectivement.

M. Pirillo : Vous manquez d'argent, vous perdez la compagnie. Je n'ai rien contre les journalistes. J'ai parlé à beaucoup de journalistes et à des gens qui ont été virés. Ils veulent faire leur travail correctement. Ils veulent respecter l'éthique. Le problème, ce n'est pas les journalistes, ce sont ceux qui signent leur chèque de paye.

La présidente : Certains d'entre eux. Je pense que nous comprenons tous votre argument sur les pressions commerciales exercées sur les médias.

M. Pirillo : Une dernière chose : l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme pourrait être invoqué pour assurer que les individus puissent s'exprimer et passer des annonces d'intérêt social dans les médias pour offrir une optique différente. Je pense que ce serait une bonne façon pour le public d'exercer un contrôle sur les conglomérats d'information. L'article 19 dit que tout le monde a le droit à la liberté d'opinion et d'expression et que ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre des informations et des idées par tous les médias, indépendamment des frontières. Je pense que cette déclaration pourrait être le plus important moyen de contrôler la qualité de l'information et permettre à tout le monde de s'exprimer, au lieu que l'on dise aux journalistes : « C'est nuisible pour nos annonceurs, vous ne pouvez pas dire ceci ». Eh bien, c'est un droit humain. On a le droit de le dire, quoi qu'en dise votre annonceur, puisque votre annonceur ment.

La présidente : Bien. Merci infiniment à tous. Vous êtes formidables, réellement, et nous vous sommes très, très reconnaissants à tous. Cette séance a été la plus amusante de toutes. Bien que n'ayant eu que peu de temps pour vous, nous vous sommes très reconnaissants à tous.

La séance est levée.


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