Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages
CALGARY, le mercredi 2 février 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 8 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le feuteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à Calgary. Nous poursuivons notre étude des médias canadiens d'information dans le but d'évaluer le rôle que l'État devrait jouer pour les aider à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché le domaine des médias au cours des dernières années — notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété. Notre visite se poursuit dans les provinces de l'Ouest canadien. Nous avons commencé à Vancouver au début de la semaine.
[Traduction]
Nous sommes très heureux d'être à Calgary, en Alberta. Nos premiers témoins, qui représentent l'Alberta Press Council, sont M. Bruce Hogle, Mme Colleen Wilson et M. Robert Ardiel. Bienvenue à tous.
M. Bruce Hogle, président, Alberta Press Council : Mesdames et messieurs les sénateurs, bienvenue en Alberta. Nous vous remercions de nous avoir invités à participer à vos travaux ce matin.
Le comité du Sénat qui s'est penché sur les communications de masse avait recommandé entre autres choses la formation de conseils de presse au Canada. L'Alberta est la première province à créer de son propre chef un conseil de presse. Nous assumons un mandat à trois volets : nous défendons les libertés établies de la presse, évidemment; nous faisons office de médiateur dans le cas de plaintes déposées par les membres de la presse écrite et nous nous élevons lorsque des barrières sont érigées pour limiter l'accès à l'information.
Sept des neuf quotidiens de l'Alberta sont membres du conseil et il en va de même des 111 hebdomadaires de la province. Le conseil dispose d'un modeste budget de 70 000 $. Le conseil n'a qu'un employé, notre secrétaire-trésorier exécutif, M. Robert Ardiel.
Le conseil commandite une bourse pour un élève albertain de dernière année du secondaire. Quelque 140 demandes ont été présentées de tous les coins de l'Alberta l'année dernière; les candidats devaient présenter une dissertation sur une question fort intéressante : quelles limites devrait-on imposer à la liberté d'expression dans le cas de commentaires qui pourraient inciter à la discrimination?
Je n'ai sans doute pas besoin de vous remémorer les changements phénoménaux qui se sont produits depuis la fondation du premier journal canadien à Halifax, en 1752, ni les périodes difficiles que nous traversons ainsi que le nombre de journalistes courageux, hommes et femmes, qui ont perdu la vie simplement parce qu'ils essayaient de dire la vérité. Il est un peu ironique que nous ayons maintenant besoin d'un comité pour protéger les journalistes. Selon ce comité, 337 journalistes sont morts dans l'exercice de leur profession au cours des dix dernières années; 57 d'entre eux ont été tués en 2004 seulement. Les carrières militaires et policières mises à part, aucune autre profession ne comporte autant de danger.
Le Canada n'est pas à l'abri de cette violence. Tara Singh Hayer, rédacteur en chef du Indo-Canadian Times de Vancouver a été assassiné en 1988 alors qu'il était assis dans sa chaise roulante dans son garage. Dix ans plus tôt, il avait été blessé par balle et rendu infirme par ceux qui l'ont plus tard assassiné. Sa fille a pris sa succession à Vancouver malgré des menaces incessantes faites à sa personne et à sa famille. En l'an 2000, le journaliste montréalais d'expérience Michel Auger a survécu à trois balles. Il avait été victime d'une tentative d'assassinat liée à ses articles révélateurs sur le monde criminel.
Plus récemment, des journalistes ont fait l'objet de pressions et de harcèlement pour qu'ils révèlent leurs sources, mais ils ont résisté courageusement. Il semble que la GRC et les tribunaux gagnent du terrain pour ce qui est de forcer les journalistes à divulguer les sources d'information qui font l'objet de fuites.
Les Canadiens et les habitants de l'Occident ont tendance à tenir trop facilement pour acquis la presse libre. En Alberta, nous nous en sommes toujours gardés. Le 1er octobre 1937, le gouvernement Crédit social de l'Alberta déposait la loi Accurate News and Information Act (Loi sur l'exactitude des nouvelles et de l'information). Cette loi aurait entraîné la limitation et le contrôle de la liberté de la presse en exigeant des quotidiens et des hebdomadaires de cette province qu'ils publient les déclarations gouvernementales selon les instructions, sans y apporter aucun changement. Naturellement, les courageux éditeurs albertains se sont opposés vigoureusement à ce projet de loi. Le lieutenant-gouverneur de la province refusa donc de proclamer la loi, laquelle fut par la suite invalidée et par la Cour suprême du Canada et par le Conseil privé britannique.
L'année suivante, soit en 1938, l'école de journalisme de la Columbia University présenta aux journaux quotidiens et hebdomadaires de l'Alberta un prix Pulitzer spécial pour le brave combat qu'ils livrèrent avec succès. Ce fut le premier Pulitzer accordé à l'extérieur des États-Unis.
Les éditeurs albertains d'aujourd'hui n'oublient pas ce triste épisode.
La liberté de la presse et les responsabilités qui en découlent constituent l'un des principaux mandat de l'Alberta Press Council. En conséquence, sachant que nombre d'entre vous avez œuvré dans le secteur des médias, nous applaudirions de votre comité sénatorial une solide déclaration renforçant la liberté de la presse, établie de longue date et si chèrement défendue, et appuyant les hommes et les femmes qui se chargent de recueillir l'information et de la diffuser sans contrainte. Il est impérieux que les sources d'information cruciales soient protégées et que ceux et celles qui les recueillent ne soient pas forcés de révéler leurs sources.
Notre deuxième grand mandat est lié à la nécessité de traiter les plaintes objectivement, uniformément et promptement. En fait, l'Alberta Press Council fait office, dans le monde des médias écrits, d'un ombudsman, d'un médiateur et d'un conciliateur. Vous trouverez dans notre documentation un exemplaire de notre code d'éthique et vous constaterez qu'il dicte sans détour qu'un comportement contraire à l'éthique, de n'importe lequel de nos membres, met en danger les objectifs de la liberté de la presse.
Il importe de souligner que le conseil prend ses décisions en franchise totale de l'influence des éditeurs. Lorsqu'une décision est prise au sujet d'un journal membre, le membre du conseil qui provient de ce journal n'assiste pas aux discussions relatives à la plainte pour que celles-ci se déroulent en toute liberté.
Depuis sa création, l'Aberta Press Council a reçu environ 300 plaintes. Notre processus d'instruction a permis de trouver une solution satisfaisante à la majorité des plaintes. Une cinquantaine de plaintes ont fait l'objet d'une décision et un blâme a été jeté à des journaux dans 15 cas. Dans tous les cas, les journaux ont publié nos conclusions en un endroit très en vue de leur édition et les conclusions ont été diffusées par la presse canadienne.
Je me permets de garantir au comité que l'Aberta Press Council s'est attaqué à des dossiers extrêmement difficiles par le passé, parfois sous la menace d'être poursuivi en justice.
Naturellement, l'Aberta Press Council s'occupe des plaintes émanant de la province. Cependant, son règlement l'autorise à se saisir des plaintes provenant de l'extérieur des limites de la province. De fait, nous avons exercé ce pouvoir lors de notre dernière décision à l'encontre d'un quotidien membre, à la suite d'une plainte déposée par une Autochtone de l'Ontario qui avait lu une série de chroniques publiées sur Internet. Elle était représentée dans sa démarche par le maire de Brooks. Nous lui avons donné gain de cause et le journal intimé a publié notre décision, comme il était censé le faire. Jamais un journal blâmé n'a refusé de publier nos conclusions.
Nous pouvons comprendre les visées de certaines instances qui souhaitent imposer arbitrairement une organisation nationale qui serait chargée de traiter les plaintes contre les journaux dans les provinces qui ne sont pas dotées d'un conseil de presse. À notre avis, cela constituerait un grand pas en arrière. Nous encourageons plutôt le comité à réitérer son appui aux conseils de presse locaux de chaque province et à inviter les journaux à y adhérer. Nous osons croire que cela deviendra réalité d'ici la fin de 2006.
Nous tenons à souligner aux sénateurs ici assemblés ce matin que le Canada a une longue avance sur les États-Unis, qui ne comptent que trois conseils consultatifs des médias dans les États de Washington, du Minnesota et d'Hawaï. Il faut savoir en plus qu'aucun de ces États n'a le pouvoir de répondre aux plaintes comme le font les cinq conseils de presse du Canada, qui communiquent entre eux quasi quotidiennement et qui se réunissent tous les deux ans pour tenir des discussions fructueuses.
L'Aberta Press Council s'apprête à communiquer avec la collectivité de manière beaucoup plus proactive. Par exemple, nous avons présenté aux directeurs du Red Deer College et du Grant MacEwan College d'Edmonton ainsi que, le week end dernier, aux directeurs des départements de journalisme du SAIT et du Mount Royal College, à Calgary, une proposition en vue d'offrir ce qui deviendra une série de séminaires destinés à mesurer le sentiment des jeunes à l'endroit des médias. Je vais vous laisser un document supplémentaire sur ce sujet, même s'il provient des États-Unis.
De fait, juste avant de partir, je me suis entendu avec les étudiants en journalisme de Grant McEwan et à mon retour, début mars, nous allons tenir notre premier séminaire. Cela nous enthousiasme beaucoup.
Nous encourageons également les membres de notre conseil de presse à se tenir au courant et à informer la population au moyen de discours, de participations à des tribunes téléphoniques ou à des interviews, selon le cas. Comme président, je suis particulièrement fier du calibre élevé et de l'apport considérable du temps que consacrent bénévolement tous les membres du conseil de presse, en particulier Mme Wilson et M. Ardiel.
Pour conclure, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir que je vais vous laisser deux articles fort intéressants. Le premier vient de l'Association canadienne des directeurs de l'information en radio-télévision, qui vient d'annoncer le lancement d'un projet national pluriannuel détaillé destiné à aider les médias à mieux refléter la diversité culturelle du pays. C'est un projet de deux ans que nous appuyons à fond. Il compte trois grands objectifs, l'un étant d'améliorer l'illustration de la diversité au pays dans les émissions d'information et un autre, d'aider les directeurs de l'information à recruter un effectif plus diversifié. Nous trouvons cela magnifique.
L'autre article — que je viens de recevoir de mon fils qui lui aussi travaille dans l'information — est un document de onze pages du numéro de janvier et février de la Columbia Journalism Review. Il s'inspire de l'Associated Press Managing Editors Conference qui s'est tenue à Louisville, au Kentucky, l'automne dernier. Je pense que vous le trouverez fort instructif. Je sais qu'il ne s'applique pas à la situation au Canada. Le titre est « Let's blame the readers ». Peut-on faire du journalisme de qualité si le public s'en moque?
Je ne vous impose pas ces articles. S'ils vous intéressent, par contre, j'en ai des exemplaires. Je vais les laisser au greffier du comité.
Vous trouverez des exemples de ce qui a été fait dans certains cas. Des gens de partout aux États-Unis sont venus exprimer leurs vues à cette conférence pour essayer de comprendre les causes du désintérêt des jeunes. Il y a 30 ans, 6 p. 100 des élèves de la 6e année avaient un téléviseur dans leur chambre; aujourd'hui, le chiffre est de 70 p. 100.
Je vais remettre au greffier les articles de la Columbia Journalism Review et de l'Association canadienne des directeurs de l'information radio-télévision.
Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Tkachuk : Vous dites que sept des neuf quotidiens albertains siègent au conseil de la presse. Quels sont les deux autres qui n'en font pas partie?
M. Hogle : Le Calgary Sun et l'Edmonton Sun. Je suis en communication constante avec eux. Je leur ai rappelé qu'en Ontario un des journaux Sun en fait partie et l'autre pas. Je suis un optimiste. Pour moi, le verre est toujours à moitié plein. J'ai discuté lundi dernier avec l'éditeur de l'Edmonton Sun et j'ai parlé au téléphone vendredi avec l'éditeur du Calgary Sun — qui, soit dit en passant, est absent cette semaine et que je devais rencontrer pour lui vanter les mérites d'appartenir au conseil de la presse. Les deux se disent en mesure de se débrouiller tout seuls et ne voient pas l'avantage leur apporterait leur adhésion. Je leur ai dit que ce serait très économique; qu'il y a de gros avantages à avoir quelqu'un de l'extérieur du journal pour s'occuper de ces questions au lieu d'avoir son propre médiateur. L'analogie que je donne, c'est le cas de la Commission de police d'Edmonton et du Service de police d'Edmonton : s'ils font l'objet d'une plainte, ils embauchent quelqu'un de l'extérieur pour faire enquête. Jusqu'à présent, je n'ai pas eu de succès, mais je ne perds pas espoir.
Le sénateur Tkachuk : Combien d'organes de presse y a-t-il dans la ville? Il y a CBC, CTV et Global. Y a-t-il une station indépendante ici et à Edmonton?
M. Hogle : Il y en a déjà eu. Il y a eu le A Channel à Edmonton et à Calgary, qui appartenait à la famille Craig de Portage-la-Prairie et de Brandon. Leur filiale de Toronto a eu des difficultés et ils ont dû utiliser les profits de leurs activités lucratives en Alberta pour poursuivre leurs activités à Toronto. En fin de compte, la famille a dû vendre toute la chaîne au groupe CHUM. Le CRTC a approuvé la transaction, mais le groupe n'a pas encore officiellement repris ou renommé les stations. En réponse à votre question, sénateur, non : actuellement il n'y en a pas.
Le sénateur Tkachuk : Il y en a encore quatre en service, n'est-ce pas?
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Pensez-vous que le habitants de l'Alberta sont bien servis par les médias d'information ici dans la province?
M. Hogle : Comme ancien journaliste, je sais que les journalistes ne sont jamais convaincus d'en faire assez. C'est leur conviction profonde. C'est une passion. En revanche, nous avons d'excellentes stations multilingues. Nous avons des stations de langue française, aussi bien de radio que de télévision. Le CRTC a été discret lorsqu'il les a approuvées.
Quand le groupe CHUM entrera en activité, il accentuera et renforcera la concurrence. Cela profitera à tout le monde. Avec une concurrence de qualité, les autres stations doivent s'améliorer pour conserver leur auditoire.
Oui, je suis convaincu que les habitants de l'Alberta sont bien servis.
Le sénateur Carney : Monsieur Hogle, vous êtes le premier conseil de presse que nous entendons, dans notre visite dans l'Ouest en tout cas, et nous sommes heureux d'entendre comme vous le dites dans votre mémoire que 109 membres de l'Alberta Weekly Newspaper Association sont membres du conseil de presse et que sept des neuf quotidiens de l'Alberta le sont également.
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Carney : Comptez-vous parmi vos membres des stations de radio et des stations de télévision?
M. Hogle : Non.
Permettez-moi de vous corriger : ce chiffre est dorénavant de 111. Il a changé dimanche dernier, où j'ai fait un séminaire pour les rédacteurs en chef des hebdomadaires de Calgary.
Le Conseil de presse du Québec les inclut, mais pas nous. Comme il y a le CRTC et d'autres regroupements comme l'Association canadienne des radiodiffuseurs et la Western Association of Broadcasters, il n'y a pas lieu de les inclure, à notre avis.
Nous avons vu le jour il y a 32 ans. À l'époque, notre mandat était de nous occuper des imprimés : hebdomadaires et quotidiens. Chose curieuse, ceux des Territoires du Nord-Ouest appartiennent aussi à l'Alberta Weekly Newspapers Association. Par contre, nous ne nous occupons pas des plaintes qui viennent de là. De fait, nous n'avons jamais reçu de plaintes concernant ces journaux.
Le sénateur Carney : Votre mandat se limite à ces médias.
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Carney : Vous dites compter huit membres de la presse et être représentatifs sur le plan géographique. Des représentants des grands journaux siègent-ils à votre conseil?
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Carney : Comprennent-ils l'Edmonton Journal et le Calgary Herald?
M. Hogle : Oui, le Calgary Herald, l'Edmonton Journal, le Medicine Hat News, le Lethbridge Herald, le Red Deer Advocate, le Fort McMurray Today, et le Grande Prairie Daily Herald-Tribune.
Le sénateur Carney : Vous pouvez difficilement être plus représentatifs.
M. Hogle : En effet, sénateur.
Le sénateur Carney : J'aimerais aborder deux questions avec vous. Un de nos témoins à Vancouver, Mme Murray de l'Université Simon Fraser, a déclaré que le conseil de presse devrait être renforcé et comprendre des représentants du grand public, ceux qu'elle appelle les « parties intéressées ». Qu'en pensez-vous?
M. Hogle : C'est déjà fait, sénateur. Le Medicine Hat News est représenté par un membre de la presse et Mme Wilson est la représentante de la population de Medicine Hat. Pour chaque membre appartenant à un journal, il y a un membre de la population générale. Le président doit d'ailleurs lui aussi représenter la population. Si le Calgary Sun et l'Edmonton Sun se joignaient à nous, chacun d'eux aurait un représentant et nous ajouterions un représentant du grand public pour chaque ville. La population est bien représentée.
Le calibre de nos membres est exceptionnel. Par exemple, Claire Carefott de Drayton Valley, qui représente le grand public, a fait partie de la Commission nationale des libérations conditionnelles pendant 12 ans. Elle vient d'être nommée directrice administrative de la banque alimentaire de Medicine Hat. Nous comptons des gens extrêmement dévoués et bien en vue. Nous ne les rémunérons pas; en revanche, et c'est normal, nous leur versons des honoraires et remboursons leurs dépenses pour les audiences auxquelles ils participent.
Nous restons aussi en contact. Nous tenons au moins deux assemblées par année et pouvons en tenir jusqu'à quatre. Nous restons aussi en contact régulier par téléphone parce qu'ils sont éparpillés entre Medicine Hat, Fort McMurray et Grande Prairie. Cela marche bien.
Le sénateur Carney : Les membres du comité aimeraient avoir de l'information sur les autres membres représentant le public.
La présidente : Il y a une liste dans le rapport annuel de 2003. Est-ce que les membres ont changé?
M. Hogle : Je vais demander à M. Ardiel de vérifier tout de suite.
Le sénateur Carney : J'aimerais maintenant qu'on parle des plaintes. Votre conseil existe depuis maintenant 33 ans, et en 33 ans, vous avez reçu environ 300 plaintes. Ça fait moins de 10 plaintes par année. En Alberta, le public doit être très passif et prêt à avaler ce qu'on lui sert, et les journalistes très responsables. Vous ne recevez pas beaucoup de plaintes. De quoi les gens se plaignaient-ils auparavant et de quoi se plaignent-ils maintenant? Qu'est-ce qui les préoccupe le plus?
M. Hogle : Je ne dirais pas que le public est passif.
Le sénateur Carney : Je le disais pour rigoler.
M. Hogle : Ce sont les éditeurs qui, de leur propre chef, ont décidé de publier les résultats. Nous avons de forts pouvoirs en ce sens. Je vais vous parler des deux dernières décisions. Vous pourrez ainsi comprendre le sérieux du processus.
Il y a un journaliste qui a écrit cinq articles sur les femmes autochtones à l'échelle du Canada. Ces articles ont été affichés sur Internet et c'est là que la femme ontarienne les a vus. La Canadian Press a publié l'article au complet. J'en ai moi-même un exemplaire, que je pourrais vous montrer si cela vous intéresse. Dans ce cas-là, la plainte portait sur la nature discriminatoire des remarques. L'éditeur du journal en question a reconnu que l'article aurait dû être fortement révisé, mais que ce n'avait pas été fait.
Je vais vous donner un deuxième exemple. Celui du rédacteur en chef d'un hebdomadaire qui était également président d'un comité de la chambre de commerce qui tentait d'avaliser le projet d'implantation d'une usine de produits agricoles en vrac. Le projet en question suscitait un mouvement d'opposition. Ce n'était pas un petit projet, il y avait même des investissements japonais. La femme qui s'est opposée à l'article a comparé le projet à celui des talibans. Quand on est rédacteur en chef d'un journal et qu'on est élu ou qu'on a un poste de responsabilité, on doit faire tout son possible pour s'assurer que ceux qui s'opposent aux intérêts qu'on a ont voix au chapitre, au même titre que les autres, voire plus.
Nous mettons cartes sur table, et cela se sait. Nous respectons les médias. Nous respectons la liberté de la presse. Par contre, si quelqu'un est offusqué et le journal en question ne peut pas rectifier la situation, alors nous intervenons et nous prenons des mesures sévères.
Le sénateur Carney : Comme vous le savez, il est très facile d'offusquer les politiciens. Mais je vais patienter avant de poser le reste de mes questions sur ce sujet, madame la présidente.
Le sénateur Munson : Dans vos remarques, vous avez indiqué que dans tous les cas, vos conclusions ont été publiées bien en vue dans tous les journaux. Vous dites qu'il y a cinq ou six autres conseils de presse à l'échelle du pays.
M. Hogle : Je dirais qu'il y en a quatre.
Le sénateur Munson : Est-ce qu'ils fonctionnent tous de la même façon? Y a-t-il une certaine uniformité à l'échelle du pays? On se plaint justement du fait que les plaintes sont cachées et qu'elles ne sont pas rendues publiques.
M. Hogle : Votre question est pertinente, monsieur le sénateur, mais je ne peux pas y répondre, malheureusement. Dans notre cas, le résultat de la plainte est généralement publié à la page 2, bien que ce ne soit pas obligatoire, tant qu'il est bien en vue. Nous ne voulons pas que les plaintes soient cachées, comme vous l'avez dit. Mais je ne pourrais pas parler au nom des autres conseils de presse.
Le sénateur Munson : Lorsque vous rencontrez les représentants des autres conseils, soulevez-vous l'importance de l'uniformité à l'échelle du pays?
M. Hogle : Notre prochaine réunion aura lieu à Québec l'année prochaine. C'est Mme Wilson qui sera la présidente. Il faut bien que le vieux cède sa place. M. Ardiel sera également là. Je demanderai qu'on soulève cette question, qui me semble pertinente.
Le sénateur Munson : Vous n'êtes pas vieux, vous êtes un ancien. J'ai le plus grand respect pour votre travail. Les Calgary Herald et The Edmonton Sun sont de bons journaux. D'ailleurs, ils rapportent gros, n'est-ce pas?
M. Hogle : Effectivement.
Le sénateur Munson : Pourtant, en 2005, ils n'ont pas de journalistes à Ottawa, alors qu'ils en ont déjà eus. Les journalistes du National Post, dont un grand nombre sont mes amis, donnent leurs points de vue aux Albertains à partir d'Ottawa, mais il n'y en a pas un qui comprenne véritablement l'Alberta parce qu'ils ne sont pas nés en Alberta. Dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons aux impacts des compressions. Est-ce positif pour la démocratie? Et pour l'Alberta?
M. Hogle : C'est une question pertinente, mais elle ne s'inscrit pas dans notre mandat.
C'est vrai qu'on aurait besoin d'un journaliste local pour couvrir les dossiers locaux. Ce sont sans doute les contraintes budgétaires qui expliquent la situation. Par contre, idéalement, ce serait possible et on répondrait mieux aux besoins des Albertains.
Le sénateur Munson : Il y a eu des compressions budgétaires partout et des incidences se font ressentir partout. Il est remarquable que le seul quotidien à part de l'Ouest, à savoir le Winnipeg Free Press, ait un reporter et soit indépendant.
M. Hogle : Oui. Je voudrais tout de même nuancer vos propos, monsieur le sénateur, en disant que les compressions se font fait plus ressentir dans le secteur de la radio et moins, par exemple, dans les milieux de la télévision et des journaux. C'est ainsi non seulement en Alberta, mais partout au Canada.
Le sénateur Munson : Est-ce que vous pensez que la qualité des journaux télévisés et des informations diffusées au Canada ont souffert des compressions?
M. Hogle : Tout à fait. Je remarque que dans certaines stations de radio touchées, il n'y a qu'un journaliste responsable du bulletin de nouvelles pour, disons, quatre stations différentes. Malheureusement, bien des lecteurs retrouvent l'habitude de ce qu'on appelle « déchire et lit » se limitant à certaines sources : la Canadian Press, les journaux, la United Press et peut-être quelques bulletins télévisés.
Je ne pense pas que ce soit satisfaisant. À l'époque où j'étais responsable d'une station de radio à Regina, il y avait six journalistes et nous étions tous très occupés. Même au Trail Daily Times, il y avait cinq reporters, dont moi.
Je répète que le journalisme, c'est une histoire de passion. Parfois, il est facile de réduire les nouvelles. Moi je n'y crois pas trop, mais c'est parce que j'ai un cœur de journaliste. Sur ce point, je n'étais pas d'accord avec les comptables. À mon avis, un reportage, ça demande des recherches approfondies. Il y a beaucoup de documentaires et d'éditoriaux dont on ne parle même plus à la radio ou à la télévision.
Le sénateur Munson : Est-ce que la concentration a une incidence sur la diversité des bulletins de nouvelles? Une concentration accrue en aurait-elle une?
M. Hogle : C'est possible, sénateur. C'est une question que vous faites bien de poser. D'un autre côté, la compétition pourrait accroître la diversité. Je pense qu'avec la venue de CHUM à Toronto et à Edmonton, les nouvelles seront améliorées. Je pense que CHUM va donne du fil à retordre aux chaînes CTV à Edmonton et à Calgary ainsi qu'à Global pour obtenir des fonds. J'estime que plus il y a de la concurrence, plus il y a de la diversité. NewCap regroupe maintenant 60 stations de radio à l'échelle du Canada, dont 22 sont en Alberta. Au cours des dernières semaines, NewCap, Corus et Astral, à Montréal, ont tous modifié leur façon de faire dans le but de trouver la meilleure façon de procéder.
Il y a quelques années j'ai fait des petites recherches pour CTV, j'ai travaillé sur CHUM et CTV. Trois chaînes ont disparu en Ontario et trois ont fait leur apparition dans les provinces maritimes. Les chaînes n'essayaient pas d'améliorer leur situation financière, mais estimaient, du moins dans le cas de CTV, qu'on répondrait mieux aux besoins de la population canadienne en implantant trois chaînes dans les provinces maritimes, qui en étaient dépourvues jusque-là. Il y a des avantages et des inconvénients à cela.
Tout dépend aussi de ce que recherche le propriétaire. Les propriétaires sont très exigeants. Il faut dire qu'il faut également être exigeant envers soi-même et gérer avec soin la salle de presse. Trop souvent, ce sont les mêmes reporters qui sont responsables de l'Assemblée législative de l'Alberta, par exemple, pendant une éternité. Or ils se lassent de toujours couvrir le même dossier, même en étant passionnés, et ce n'est pas sain. Vous me direz sans doute, monsieur le sénateur, qu'il faut mettre en place une rotation pour éviter ce problème. Mais je m'écarte, j'en suis désolé.
La présidente : Tous ceux d'entre nous qui ont fait du journalisme seront d'accord avec vous, monsieur Hogle. Pardonnez-moi. Je n'ai pu résister
M. Hogle : Je sais.
Le sénateur Merchant : Je sais que vous allez nous envoyer une liste des membres du conseil de presse, mais pourriez- vous mettre un visage à côté de ces noms parce que parfois, les noms ne veulent pas dire grand-chose. Avez-vous des membres de minorités comme les Premières nations au conseil de presse?
M. Hogle : Si nous n'en avons pas, sénateur, c'est seulement parce qu'ils n'en ont pas fait la demande. Quand il y aura un poste vacant à Grande Prairie ou à Medicine Hat, par exemple, ce qui sera le cas au printemps, nous allons mettre une grande annonce dans le journal en question, le Medicine Hat News ou le Grande Prairie Daily Herald- Tribune, pour demander des candidats. Nous procéderons ensuite à des interviews. Un des membres du conseil, Sonny Rajoo, est un Noir d'Afrique du Sud. Il possède son propre journal. Avant, il était à Brooks, mais aujourd'hui il est à Two Hills, en Alberta. Il est le représentant de la presse de l'Alberta Weekly Newspapers Association.
Permettez-moi de revenir aux candidatures. L'une des candidates au poste de secrétaire-trésorier exécutif était une Autochtone. Elle n'a pas été recrutée pour une autre raison. Il y avait trois finalistes dans ce concours et nous les avons interviewés tous les trois. Mme Wilson, moi-même et une autre personne nous en sommes occupés. Nous avons interviewé trois personnes pendant une journée entière et nous n'arrivions pas à nous décider.
Il est certain que nous croyons en la diversité multiculturelle. Quand je dirigeais le service de l'information de CFRN TV, c'était l'un de nos objectifs. C'est très important et nous l'encourageons.
Quand j'étais président de la faculté de journalisme de Grant McEwan et que je siégeais au conseil d'administration de l'Université de Regina, nous travaillions étroitement avec les populations autochtones.
Un des problèmes fréquent que je constate chez les jeunes diplômés en journalisme aujourd'hui, quelle que soit leur origine ethnique, c'est qu'ils ne veulent pas apprendre leur métier dans une petite boîte. Ils ne veulent pas aller à Spirit River, dans le Nord de l'Alberta, ni à Bow Island, dans le Sud de la province, ni travailler dans une station de radio à Edson ou à Lloydminster. Ils veulent commencer tout de suite à Edmonton ou à Calgary. Comme nous le savons, ce n'est pas comme ça la vie. Il faut faire son apprentissage.
Nous en sommes très conscients, sénateur. C'est une excellente question et elle nous occupe l'esprit constamment.
Le sénateur Merchant :Parfois, il faut faire bouger les choses. Quand vous interviewez les gens, il faut ouvrir la porte aux minorités ou aux jeunes Autochtones, même s'ils ne sont pas le candidat idéal, parce qu'ils apportent leur propre sensibilité au processus.
Par exemple, à Vancouver, qui a entendu les plaintes de la communauté musulmane qui reprochait à certains journaux de ne pas les dépeindre fidèlement. S'il y a des gens d'origine musulmane au conseil de presse, ils y apportent des connaissances de base, une certaine sensibilité à la question qui nous échappe à nous.
Mme Colleen Wilson, vice-présidente, Alberta Press Council : Madame la présidente, j'aimerais compléter cette réponse. Je comprends vos inquiétudes ainsi que votre question.
Pour ajouter à ce que M. Hogle disait à propos de cette candidate, lorsqu'un poste s'est ouvert dans sa ville, nous lui avons envoyé une lettre pour nous assurer qu'elle était au courant pour qu'elle puisse, si cela l'intéressait — et elle l'était lorsqu'elle a postulé — briguer le poste de représentante de la population. Elle a décidé de ne pas se présenter.
Nous allons nous occuper de la question. En tant que présidente du Comité des politiques et des procédures depuis quatre ans, je peux vous assurer que cela fait l'objet de discussions. Nous allons nous démener pour trouver de gens appartenant à ces groupes.
M. Hogle : Sur une note plus personnelle, j'ajouterai que j'ai deux petits-fils qui sont dans la vingtaine. L'un d'eux est à l'Université de l'Alberta. Une fois par mois, je déjeune avec lui, un de ses amis musulmans, un de ses amis noirs et un de ses amis juifs. Je trouve magnifique de pouvoir discuter de différents sujets avec eux. Ils savent que nos discussions restent entre nous. Nous allons dans les écoles pour savoir ce qui préoccupe les jeunes. C'est un sujet excellent, auquel nous devons être plus sensibles que jamais.
Le sénateur Merchant : Je viens de la Saskatchewan. Y a-t-il un conseil de presse dans cette province?
M. Hogle : Non. J'ai travaillé à Regina et à Saskatoon. J'ai eu la chance de travailler dans cinq provinces. Je les ai toutes aimées et visitées. Il est certain que nous aimerions voir un conseil de presse en Saskatchewan. Comme je vais quitter la présidence cette année, je suis tout disposé à offrir mes services gratuitement — sauf le remboursement de mes dépenses — pour aider à en créer un parce que c'est quelque chose à quoi je tiens. C'est un catalyseur magnifique pour la population et je pense que cela vaut mieux que de créer un comité ou un conseil de presse du gouvernement qui s'occuperait, par exemple, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve et des Maritimes. C'est pourquoi je proposais, sans vouloir être présomptueux, que le comité fasse une déclaration qui rappellerait que la formation sur une base volontaire de conseils de presse est largement préférable à la création arbitraire de tels conseils ou à l'exercice d'une autorité arbitraire quelconque sur les médias. Oui, je pense que la Saskatchewan devrait avoir un conseil de presse.
Le sénateur Eyton : Vous ai-je entendu dire dans votre déclaration que votre budget annuel était de 70 000 $?
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Eyton : Je vous ai aussi entendu dire que vos membres comptent sept quotidiens et une centaine d'hebdomadaires.
M. Hogle : Oui, 111.
Le sénateur Eyton : Vous dites que votre mandat est de défendre le secteur, d'instruire les plaintes et de vous faire entendre sur les grandes questions comme celle de l'accès. Pour moi, c'est beaucoup pour une somme aussi dérisoire que 70 000 $. J'ai du mal à imaginer que vous faites tout ce que vous avez affirmé avec un budget comme celui-là, à moins de disposer d'une armée de bénévoles bien organisés.
Y aurait-il lieu d'augmenter votre budget? S'il était plus important, que pourriez-vous faire de plus pour mieux servir la population?
M. Hogle : Oui, il y aurait lieu d'augmenter notre budget. Ces dernières années, cela a plutôt été l'âge des ténèbres — et je ne dis pas cela de manière désobligeante du tout. Il est arrivé qu'après une décision, on nous ait menacés d'une poursuite en justice de 1,5 million. À l'époque, nous n'avions pas la moindre assurance. Nous avons fait du surplace jusqu'à ce que nous puissions obtenir une assurance responsabilité. J'ai déjà fait l'objet d'une poursuite. J'ai été mêlé à une affaire qui a duré cinq ans, je sais donc de quoi je parle.
Nous avons maintenant une police. Nous avons aussi des règlements.
Oui, nous avons besoin de plus de fonds. Cela nous permettrait d'améliorer notre programme de bourse. Actuellement, nous ne décernons que 1 000 $ par année. Il nous arrive de recevoir 140 demandes accompagnées de dissertations brillantes. Le dernier jury s'est retrouvé avec onze finalistes. Il aurait été magnifique de décerner 1 000 $ à chacun. Nous serions au comble de la joie d'avoir autant d'argent.
Cela nous permettrait aussi d'augmenter le nombre de séminaires que nous organisons. Nous serons les hôtes du séminaire qui suivra celui du Québec. Dans trois ans se tiendra la prochaine réunion des conseils de presse nationaux à Edmonton.
Nous aimerions faire deux choses. Aider la Saskatchewan à créer un conseil et aider la région de l'Atlantique à en faire autant. L'argent serait employé à bon escient.
Laissez-moi maintenant vous parler de nos bénévoles. Les gens ne peuvent pas se présenter à brûle-pourpoint aux réunions annuelles ou semestrielles du conseil de presse de l'Alberta sans que nous les remarquions. Si vous manifestez votre intérêt, nous allons aller à votre rencontre. Mme Wilson s'est occupée de nos politiques et de nos procédures. Elle a fait des interurbains partout au pays. M. Ardiel, lui, a coordonné l'élaboration de nos nouveaux règlements. Nous avons consulté une avocate de nos connaissances, et elle savait que nous lui demandions la charité. Je lui ai dit qu'il nous restait 500 $. C'est ce qu'elle a accepté comme honoraires.
Je pense que nous sommes au diapason de notre époque. Je veux voir les deux Sun se rallier à nos côtés. Nous serions ravis qu'il y ait un conseil de presse en Saskatchewan, parce que nous pensons que c'est essentiel et que nous savons que c'est efficace. Il faudrait que la région de l'Atlantique ait un conseil de presse viable. Il y a bien eu un conseil à la noix par le passé. Excusez ma façon de parler, mais c'est bien ce dont qu'il s'agissait. C'est tombé à l'eau.
La présidente : Vos propos sont enregistrés, monsieur. Ils pourraient revenir vous hanter.
Le sénateur Munson : Vous n'êtes pas des Maritimes.
M. Hogle : Pardonnez-moi, sénateur Munson, mais j'ai raison. Le sénateur Munson voudra peut-être vous parler des raisons pour lesquelles cela s'est produit dans cette région.
Nous pouvons faire davantage en matière d'éducation. Nous pourrions peut-être aller dans les écoles musulmanes pour parler des médias. Je pense que les médias suscitent une certaine méfiance. Il se passe tant de choses dans le monde d'aujourd'hui. Nos gens subissent davantage de pression, ils doivent être mieux éduqués, et nous encourageons cela aussi.
En réponse à votre question, oui, nous avons besoin de plus d'argent. Nous y voyons. Nous allons certainement en faire bon usage.
Le sénateur Eyton : Je vais aborder un sujet délicat. Y aurait-il lieu de faire du conseil de presse une sorte de conseil des médias? Vous avez mentionné l'industrie de la radiodiffusion. Je dis cela en partie parce que la presse, les médias imprimés, créent pour beaucoup les nouvelles. J'ai la certitude qu'ils ont travaillé très fort hier. Les journaux sortent le matin, et leur contenu forme la substance de presque tout ce que nous entendons à la radio ou voyons à la télévision. Dans un sens, ce sont toujours les mêmes sources et presque toujours les mêmes faits.
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Eyton : Y aurait-il lieu d'admettre des radiodiffuseurs à votre conseil de presse?
M. Hogle : Est-ce que les médias imprimés et électroniques voudraient faire cause commune? La société Global, qui est dans l'imprimé aussi bien que dans l'électronique, pourrait être intéressée. Suncor aussi pourrait s'intéresser à cela. Avec le mandat que nous avons, je me demande si cela marcherait. J'ignore quelle charge de travail cela créerait. J'imagine que nous recevrions un grand nombre de plaintes, par exemple, en ce qui concerne les lignes ouvertes à la radio ou à la télévision; à propos d'un éditorialiste à la télévision d'Edmonton. Le budget pourrait tripler ou quadrupler. Je ne dis pas que c'est impossible, mais j'ignore comment on pourrait le faire, monsieur le sénateur.
Le sénateur Eyton : Nous étions hier à l'école de journalisme de l'Université de la Colombie-Britannique où le professeur Logan a parlé d'un consortium de recherche qui réunit trois partenaires : l'Université de la Colombie- Britannique, bien sûr, l'Université York à Toronto et l'Université Laval de Québec, et ils reçoivent un financement important. Le financement total était, je crois, de 3,5 millions de dollars, qu'ils touchent par tranches. Je crois qu'il reste au moins quatre ans à ce projet.
Le professeur Logan nous a remis un rapport de facture professionnelle et bien fait sur les médias de tout le pays. Je crois qu'il y avait eu plus de 3 000 répondants. Les questions portaient sur les médias et l'exactitude, le parti pris, la propriété, la satisfaction et le professionnalisme. Les questions étaient nombreuses et précises. C'était bien fait. Ce rapport, si je peux l'appeler ainsi, donnait une mauvaise note aux médias canadiens.
Ce sondage a été rendu public il y a quelques mois de cela, et les médias n'ont accordé presque aucune attention à ce rapport fort critique à leur endroit. Rien qu'en le lisant en diagonale, j'aurais donné une note proche de 40 p. 100, 40 sur 100.
J'incline pour ma part au laissez-faire. De manière générale, nous avons des lois sur la diffamation, ainsi que des lois pénales, et nous exigeons le respect de normes professionnelles élevées.
Si le rapport de ce consortium de recherche avait porté sur une autre industrie que je connais, il aurait fait la manchette, et la couverture se serait prolongée longtemps. On dirait que les médias canadiens ont décidé de faire comme s'il n'existait pas.
Après ce long préambule, voici ma question. Les conseils de presse ont-ils pour rôle de signaler certaines défaillances des médias canadiens, pour ainsi encourager un meilleur rendement et l'émergence de meilleurs médias pour les Canadiens?
M. Hogle : Bonne question. Considérant la somme d'argent qu'ont reçue ces trois universités prestigieuses, je suis surpris qu'on n'ait pas jugé bon d'envoyer directement copie de ce rapport à tous les conseils de presse. C'est la première fois que j'entends parler de ce rapport. Je ne met pas en doute le fait qu'il existe. Je suis surpris qu'eux-mêmes n'aient pas dit : « Si les médias ne parlent pas de nous, pourquoi ne pas nous adresser aux conseils de presse? » Si vous pouviez me donner le nom d'une personne contact plus tard, je vais téléphoner, parce que je tiens à avoir une copie de ce rapport.
Les médias imprimés ont leurs défauts. J'ai été dans ce milieu, donc je sais que nous avons tous des défauts. Il est facile de s'en prendre aux médias. Je ne les défends pas dans ce cas particulier, car qui ne commet pas d'erreur? Toutefois, normalement, un bon journal va publier ce genre de chose. Je sais qu'à l'époque où je faisais des éditoriaux à la télévision, si je me montrais provoquant, l'éditorial de rétroaction paraissait toujours le vendredi soir.
Les journaux n'ont normalement pas de mal à admettre la critique. Selon notre mandat, nos quotidiens et hebdomadaires membres doivent mentionner au moins une fois semaine, et beaucoup le font tous les jours, le fait qu'ils appartiennent à l'Alberta Press Council. Ils en publient l'adresse électronique, le numéro de téléphone et l'adresse postale. Ils font savoir à leurs lecteurs comment nous rejoindre. Nous n'hésitons pas à le faire. Nous nous donnons du mal pour dire aux gens qui nous sommes et ce que nous faisons. On ne peut pas résoudre le problème de cette façon-la.
Il se peut que certains journalistes soient très incompétents. Cela s'applique probablement aussi aux rédacteurs en chef ainsi qu'aux politiciens, aux juges, aux avocats, aux médecins, aux chefs indiens, etc. Autrement dit, je ne veux pas mettre tous les médias dans le même panier parce que certains d'entre eux font un travail exceptionnel.
Cette semaine et la semaine précédente, dans la page réservée aux opinions du Edmonton Journal — et je n'ai jamais vu cela auparavant dans aucun journal en Amérique du Nord — il n'y avait absolument aucun éditorial. J'ai pensé : « Il y a peut-être quelque chose que je n'ai pas compris. » Il y a toute une controverse à Edmonton qui concerne la commission de police, le service de police, etc. Le journal avait publié la réponse d'un agent de police, mais il n'y avait aucun éditorial. Je me suis demandé s'il s'agissait d'une expérimentation, si le journal voulait voir si ses lecteurs en avaient assez de lire des éditoriaux. Le journal veut peut-être savoir si le public regrette les éditoriaux.
À une certaine époque, l'entreprise Global imposait des éditoriaux nationaux à ses journaux du Canada. Elle a mis fin à cette pratique. Cela ne se fait plus. Ses éditoriaux provenaient de Winnipeg.
Il y a des journaux qui sont probablement mieux gérés que d'autres. Ce commentaire s'applique aussi aux stations de radio et de télévision. Il est évident que Sears est mieux gérée que Eatons ou Woodwards. De toute évidence, Air Canada, grâce au gouvernement, nous sert mieux que Canadian autrefois. J'espère que cela répond à votre question, monsieur le sénateur.
Le sénateur Eyton : Je ne veux pas parler au nom d'Air Canada.
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous avons vu que le cynisme public était élevé au Canada. Hier, par exemple, des gens représentant leurs propres intérêts nous ont dit que certaines chaînes de journaux ne traitaient pas leurs dossiers équitablement. D'autres groupes sont très cyniques. De même, des journalistes nous ont dit qu'ils n'ont plus la marge manœuvre qu'ils avaient et que s'ils écrivent certaines choses, ils vont se retrouver au chômage dès demain.
Qu'en pensez-vous? À la page 3 de votre mémoire, vous parlez de la liberté de la presse et de la capacité des intéressés de réunir et de publier librement les nouvelles. Vous dites que vous souhaitez voir notre comité prendre position fermement à cet égard.
À la page 5, vous affirmez avec force que votre conseil s'assure de protéger l'intérêt public. C'est très fort. J'aime votre optimisme. J'aime votre vision positive des choses. Mais pourriez-vous nous parler un peu du cynisme, du découragement dont nous avons été témoins de la part de certains groupes au Canada, de certains journalistes, et de ceux qui représentent ces autres journalistes?
M. Hogle : « Cynisme », c'est le bon mot. J'incline cependant plutôt à employer le mot « apathie ». Je songe à l'apathie dont on est témoin dans toutes les élections au Canada. L'une de nos récentes élections fédérales a été la pire depuis les années 1800. On devrait peut-être songer à faire ce que l'on fait en Australie, où toute personne habilitée à voter qui ne vote pas doit payer une amende de 75 $. C'est pourquoi la participation y est de 95 p. 100, bulletins de vote annulés compris. C'est cependant une autre question dont on discutera une autre fois.
Étant donné la prolifération des médias au Canada et l'expansion de toutes leurs facettes, il est vrai que le nombre de cyniques augmente. Cela dit, je crois qu'il est facile de jeter la pierre aux médias collectivement. Et je crois que cela est attribuable aux points de vue éditoriaux. Un certain journal peut avoir un point de vue à propos d'un certain parti et un point de vue différent pour un autre. Tous les éditoriaux qui traitent du Moyen-Orient, particulièrement de la situation en Irak ou en Iran, vont offenser certaines personnes du fait de leur origine ethnique. À Vancouver particulièrement, la langue maternelle de 51 p. 100 des élèves de la ville n'est pas l'anglais. Vous en avez peut-être été témoins lors de vos audiences de lundi et de mardi.
Les journalistes d'aujourd'hui subissent des pressions plus fortes que jamais. Il ne fait aucun doute que nous devons mieux éduquer nos journalistes du fait de la somme de matière qu'ils doivent absorber et des nouvelles qu'ils doivent couvrir. Un journaliste peut parler d'une transplantation cardiaque à l'hôpital de l'Université d'Edmonton le lundi et couvrir le procès de Jim Keegstra à Red Deer le lendemain. Ce sont deux sujets totalement opposés.
Les gens des médias subissent des pressions aujourd'hui, ils ne sont probablement pas favorables aux expansions. Je peux le comprendre. En fait, je serais aux premières loges et je dirais : « J'ai besoin d'une autre personne aux sports, aux nouvelles ou aux affaires publiques. »
Nous avons une responsabilité réelle, mais nous respectons aussi profondément la presse et ses artisans, sachant ce qu'ils font. Tout aussi important est notre respect pour le public et ce qui le préoccupe.
Dans le cas particulier de Mitsy Brown de l'Ontario, qui s'est plainte de ces cinq chroniques parues dans un quotidien de l'Alberta, j'ai été très surpris, comme les autres membres de notre conseil, que nous n'ayons reçu aucune plainte de l'Alberta. Il s'agissait de quelques déclarations très dures à l'égard de ces mères qui ont des enfants de pères différents et ce genre de choses. Nous avons pris position fermement. Nous avons ainsi montré que nous prenions la chose au sérieux.
Les bons conseils de presse se donnent beaucoup de mal. J'étais debout à cinq heures ce matin. Je ne dis pas cela pour vous impressionner, mais je crois en ce que je fais, tout comme vous croyez au Canada. Votre contribution est importante. Si nous avons des problèmes, réglons-les.
Je tiens à avoir une copie du rapport que vous avez mentionné. Je veux savoir qui l'a écrit.
Nous allons dans les écoles et nous voulons commencer à organiser des séminaires régulièrement. Nous allons au Collège Grant MacEwan peut-être une fois par année. Lorsque je présidais le conseil du journalisme du Collège Grant MacEwan, j'enseignais à cette école et nous avons créé les premières bourses privées de concert avec les chefs de nouvelles de la radio et de la télévision, particulièrement Dick Rice, l'ancien propriétaire de CFRN TV. Dans un monde parfait, l'Alberta Press Council pourrait prendre le leadership quand on augmentera son budget. Nous pourrions revenir devant le Sénat et dire au sénateur Eyton que nous décernons des bourses et qu'il y a des gens formidables qui se lancent en journalisme. Ce serait merveilleux si nous pouvions faire augmenter le nombre de nos bourses. Nous pourrions peut-être même financer les études en journalisme d'un jeune.
On se préoccupe toujours des médias. Il subsiste des questions auxquelles nous devons donner réponse. Je comprends que des journalistes se demandent pourquoi ils n'ont pas plus de monde, par exemple, au cahier des affaires ou aux sports. Ils font tout le travail. Ils assurent même la couverture intégrale des Hitmen de Calgary. Ils croient peut- être que leur salle des nouvelles doit agrandir. Nous avons quatre stations à Calgary. Nous avons quatre stations à Edmonton, et il y a une entreprise qui a cette chance. Il nous faut plus de gens pour faire le travail, pour faire mieux que ce que nous faisons aujourd'hui.
Je ne crois pas qu'il existe de réponse facile. Il est sûr que les gens se font mieux entendre qu'auparavant. Je félicite votre comité pour l'excellent travail qu'il accomplit depuis presque deux ans. C'est très nécessaire. Je ne dirai jamais que les médias sont parfaits. Je ne dirai jamais non plus que le conseil de presse de l'Alberta est parfait, loin de là. Nous pouvons toujours faire davantage, et nous devrions faire davantage.
Mais ce que je dis, c'est que nous avons besoin de votre soutien pour les conseils de presse volontaires. J'adorerais en voir en Saskatchewan, parce que je sais le bien qu'ils peuvent faire. Je sais le bien que les gens peuvent faire en Colombie-Britannique et tout le mal qu'ils se donnent. Vendredi, vous allez entendre les gens du Manitoba à Winnipeg. Les gens de l'Ontario font de l'aussi bon travail. Nous avons parlé avec eux l'an dernier à Vancouver. Vous avez également entendu les gens du Québec. Ils sont eux aussi très forts.
Vous avez évoqué la question : devrions-nous ressembler davantage au conseil de presse britannique? Tout d'abord, le conseil de presse britannique dispose d'un budget et d'un personnel immenses. Il fait la chasse à ce qui est offensant. Autrement dit, nous nous considérons davantage comme des ombudsmans, des conciliateurs médiatiques, peu importe. Nous n'avons pas les moyens à ce stade-ci de faire ce qu'il fait et, très franchement, je ne sais pas si c'est bien ce que nous voulons faire. Je ne sais pas si veux lire le Lethbridge Herald, par exemple, et dénoncer régulièrement ce qu'il n'aurait pas dû publier dans telle ou telle annonce classée. Est-ce notre rôle? Je ne sais pas. Je me le demande. Les Britanniques font cela, et je ne le leur reproche pas. Je ne sais pas si c'est l'orientation que nous voulons prendre. Je ne crois pas que nous ayons le mandat de faire cela. Je ne crois pas que nous ayons besoin de faire cela.
Je pense que nos quotidiens et hebdomadaires en Alberta sont responsables. Lorsque nous avons rendu cette décision défavorable à un hebdomadaire, son éditeur a envoyé à 110 journaux un courriel qui disait : « Sortez Hogle du conseil de presse. L'heure est venue de se débarrasser de ce gars-là. On n'a pas besoin de ce genre de choses. » C'est bien. Je ne réagis pas aux pressions excessives. J'ai la peau dure. Nous avons tous la peau dure, et c'est comme ça que ça doit être.
Je ne sais pas si j'ai fait le tour de la question, monsieur le sénateur, mais j'espère que oui.
M. Robert Ardiel, secrétaire-trésorier exécutif, Alberta Press Council : Je peux peut-être ajouter que le mandat du conseil de presse se limite à l'étude des plaintes sur ce qui est écrit. J'ai reçu des courriels de lecteurs de journaux qui se plaignaient du fait que le journal n'avait pas parlé d'un événement auquel ils étaient mêlés et auquel ils accordaient la plus grande importance. On aurait aimé encourager le journal à envoyer un reporter pour couvrir cet événement, mais nous n'imposons pas nos volontés aux journaux, à nos membres; nous ne leur disons pas quel doit être le degré de couverture ou quels événements doivent être couverts par eux.
Comme l'a mentionné notre président, nous tâchons d'être plus proactifs dans la mesure où nous créons des forums où les gens de la presse et les simples citoyens peuvent se parler et se poser des questions. Nous pourrons ainsi peut-être susciter davantage d'intérêt de la part des éditeurs et des reporters pour la couverture d'événements qui intéressent les groupes qui se font entendre.
Le sénateur Chaput : Ma question porte sur vos membres. Vous avez des quotidiens qui sont membres, et des hebdomadaires qui sont membres par l'entremise de leur association. Est-ce exact?
M. Hogle : Oui.
Le sénateur Chaput : Est-ce que certains de ces journaux sont publiés dans d'autres langues, comme le français ou le chinois?
M. Hogle : Non, pas que je sache. Je songeais à la région de St. Paul. Non, aucun n'est publié dans une autre langue, madame le sénateur.
Le sénateur Chaput : La question de l'appartenance à des intérêts canadiens plutôt qu'à des intérêts étrangers entre- t-elle en ligne de compte?
M. Hogle : Non.
Le sénateur Chaput : Tous les journaux membres de votre association appartiennent-ils à des intérêts canadiens?
M. Hogle : Oui. J'ajouterai que si un des journaux ethniques ou francophones de l'Alberta souhaite devenir membre de l'Alberta Weekly Newspapers Association — bien sûr, il faudrait que ce soit approuvé —, il devrait aussi être membre du Alberta Press Council.
Le sénateur Chaput : Vous n'iriez pas jusqu'à leur demander qui est propriétaire de ce journal. Il ne vous appartient pas de vérifier cela, n'est-ce pas?
M. Hogle : Non.
Le sénateur Chaput : Je comprends.
En ce qui concerne les bourses que vous accordez et les essais que vous avez reçus en 2004, je trouverais intéressant de savoir ce que ces étudiants pensaient de la liberté d'expression.
M. Hogle : Voudriez-vous que nous vous en remettions des copies, madame le sénateur?
Le sénateur Chaput : J'aimerais bien cela, parce que je me rends compte que les décisions que nous prenons aujourd'hui sont celles avec lesquelles les jeunes vont devoir vivre demain.
M. Hogle : Sénateur, nous vous en procurerons une copie intégrale. Nous organisons toujours un déjeuner avec le candidat lauréat et, dans ce cas-ci, il s'agissait d'Erin. Nous tenons à nous assurer que nos candidats poursuivent leurs études universitaires et que l'argent sert à cette fin. Erin est une femme charmante, et sa dissertation est tellement bien rédigée. Notre comité a eu de la difficulté à choisir un gagnant parmi les trois finalistes de cette année. Nous vous ferons certainement parvenir une copie de ces textes ainsi qu'une liste de tous les membres actuels.
Le sénateur Phalen : Selon moi, ce que nous avons entendu au sujet des conseils de presse, du moins jusqu'à ce moment-ci, n'est pas très favorable. Toutefois, vous avez présenté d'excellents arguments et votre exposé est très convaincant. Permettez-moi de vous dire certaines des choses que nous avons entendues.
Comme vous êtes financés par les propriétaires, on vous croit partiaux. Comment réagissez-vous à cette perception?
M. Hogle : Très bonne question, sénateur. Je vois bien comment il pourrait y avoir possibilité de la partialité. Cela dit, compte tenu de nos règlements, de nos directives et de nos méthodes, qui ont tous été approuvés, et compte tenu du fait que les éditeurs ont dit accepter que, si nous prenons une décision qui leur est défavorable, ils ont l'obligation d'en faire état dans leur publication, il n'y a jamais eu le moindre différend. Oui, tout comme le conseil de presse de la Colombie-Britannique, nous sommes financés par les journaux. D'autres sont financés par l'entreprise privée ou par le gouvernement lui-même. Si nous étions financés par le gouvernement, je suis certain qu'il y aurait également accusation de partialité, puisque nous recevrions notre argent du gouvernement.
Nous faisons deux choses. Tout d'abord, nous nous assurons qu'il y a des membres du public pour faire contrepoids aux membres de la presse représentant chaque journal. Deuxièmement, s'il y a désaccord, sénateur — et imaginons que le sénateur Munson représente le Vancouver Sun — nous demanderions au sénateur Munson de quitter la salle pendant que nous discutons d'une plainte contre le Vancouver Sun, afin qu'il ne soit pas présent. Dans le dernier cas concernant le quotidien en question, cette personne n'était pas là et la discussion s'est déroulée pendant la plus grande partie de la journée. Ce qui était en cause, c'était cinq chroniques rédigées par un journaliste en particulier. Ce journaliste n'a pas été présent pendant toute la journée.
Vous pourriez me demander ce qu'il en est du représentant de la même chaîne qui était peut-être assis de l'autre côté de la salle. Nous nous sommes rendus compte que la solidarité ne va pas jusque-là. Autrement dit, dans le cas des cinq articles en question, il y a eu une décision quasi unanime, puisque tous les membres représentant le public et tous ceux qui représentaient la presse sauf un y ont souscrit. Le seul membre de la presse qui n'a pas voté était du sud de l'Alberta et c'est parce qu'il venait à peine de devenir membre du conseil de presse qu'il ne s'est pas considéré apte à exprimer une opinion. Je crois que ce type de perception va toujours exister. Nous avons fait d'immenses efforts pour contrer cette perception directement et pour la corriger sans nous dérober.
Le sénateur Phalen : Je dois vous dire que j'ai déjà posé cette question deux ou trois fois, et que c'est la première fois que j'obtiens vraiment une réponse.
M. Ardiel : Sénateur Phalen, j'estime également que la partialité que l'on prête à un conseil de presse est bien moindre que la partialité qu'on imputerait à un journal qui devrait répondre à une plainte à son propre endroit. Je crois que la présence d'une tribune où, pendant les délibérations, sont représentés le public et les journaux autres que celui qui fait l'objet d'une plainte doit nécessairement réduire la perception de partialité de la part de ceux qui réagissent à la plainte. La perception n'est pas la même lorsque c'est un membre du personnel du journal concerné qui répond à la plainte.
Madame la présidente, le conseil de presse doit probablement mieux communiquer avec le public pour expliquer son rôle exact. Nous avons de nouveaux règlements qui ont été déposés auprès du registre albertain, auxquels nous avons ajouté un article qui oblige tous les journaux membres à publier, une fois par mois, notre adresse et notre numéro de téléphone, et à préciser quotidiennement que le journal est membre du conseil de presse et que toute plainte au sujet d'un article ou d'un éditorial peut être transmise au conseil de presse.
Le sénateur Phalen : Les conseils de presse ont-ils des codes ou des normes à observer? Quelles sont les mesures disciplinaires dont ils disposent pour garantir le respect de leurs règlements?
M. Hogle : Commençons au sommet. Si nous recevons une plainte contre un journal et qu'elle n'est pas publiée, nous avons la capacité de rencontrer l'éditeur et de lui dire de publier le texte de la plainte. Nous lui rappelons qu'il a accepté de faire cela en devenant membre.
Pouvons-nous le traduire devant les tribunaux? Probablement que non, sénateur. Je dois être tout à fait honnête à ce sujet. Toutefois, je crois qu'il faut affronter les responsables et les regarder dans le blanc des yeux. En ce qui me concerne, une entente verbale scellée par une poignée de mains vaut bien un contrat écrit. Si vous et moi faisons un pari sur l'issue du Super Bowl de dimanche et que nous nous serrons la main, je m'attends à ce que vous me payez si je gagne et vice et versa.
Je crois qu'il faut faire face à ses responsabilités et préciser que ce sont là les règles à suivre. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais nous sommes tous des personnes honorables. Cette façon raisonnable de faire les choses a bien fonctionné jusqu'à présent. Dans la vie, il faut que les gens se respectent. Cela ne veut pas dire que personne n'est en désaccord avec mon éditorial ou qu'on ne m'ait jamais téléphoné à 2 heures du matin. C'est arrivé.
Stefan Sorokin, de l'organisme Sons of Freedom nous a réclamé 100 000 $ en dommages-intérêts lorsque nous l'avons dénoncé dans nos articles. L'interrogatoire préalable a duré cinq ans. Toutefois, nous avons eu gain de cause parce que nous avions dit la vérité et nous nous en sommes tenus à notre version des faits. En ce qui me concerne, cette façon d'agir s'applique à l'Alberta Press Council et à toutes les personnes avec lesquelles nous traitons.
Mme Wilson : Madame la présidente, je voudrais faire une observation au sujet de votre remarque antérieure. Je tiens à apporter une précision. Ce ne sont pas uniquement des procédures concernant les plaintes que nous nous occupons dans le cas des comités des normes. Dans chacun de ces comités, il y a toujours un membre de la presse ainsi que deux membres du public. Les membres des comités ont beaucoup de respect les uns pour les autres. Nous sommes là pour nous exprimer d'une seule voix, pour servir au mieux la population albertaine et, à ce jour, cela fonctionne vraiment bien.
Depuis quatre ans, lorsque les journaux membres nomment des représentants au conseil de presse, je trouve que les personnes qu'ils nous envoient sont très impressionnantes.
Nous travaillons ensemble dans l'intérêt de la population. Je tenais à ce que vous sachiez que nous ne faisons pas que nous occuper des plaintes. Nous avons des structures et des comités et ils font partie de l'ensemble.
Le sénateur Phalen : Je ne suis pas sûr que les Canadiens sachent que vous existez. Que pouvez-vous faire pour les sensibiliser?
M. Hogle : Nous sommes probablement un secret très bien gardé. Les médias savent qui nous sommes. Le week-end dernier, nous avons tenu un colloque pour l'Alberta Weekly Newspapers Association et il y avait 300 personnes présentes. Bien sûr, nous voulons que ces personnes reviennent nous voir.
Lorsque je me rends d'Edmonton à Calgary, je m'arrête pour rendre visite à des rédacteurs en chef, chemin faisant. Je cherche également à être invité en qualité de conférencier et à recevoir des invitations pour participer à des tribunes radiophoniques. Toutefois, ce n'est jamais assez. Il ne faut jamais s'arrêter de le faire.
Dans le cadre du programme des bourses, nous donnons de l'information à l'AWNA pour qu'elle la distribue à tous les hebdomadaires. Nous nous assurons ensuite que la dissertation gagnante est publiée, accompagnée d'une photo du gagnant, en compagnie de M. Ardiel et de moi-même.
Il s'agit d'un travail constant, permanent. Comme pour toute autre chose dans la vie, on ne peut pas tenir pour acquis que le public nous connaît. On ne peut pas non plus présumer que tout le monde votera automatiquement pour un gouvernement au pouvoir. On ne peut tout simplement pas supposer cela.
Le sénateur Phalen : Hier, on nous a dit qu'il y avait une étude en cours au sujet de la presse aux États-Unis. En fait, il s'agit d'un rapport d'évaluation de la presse. Seriez-vous en faveur d'une étude de ce type sur la presse au Canada?
M. Hogle : Oui. Ce genre d'activité est méritoire et utile. Je crois que vous le faites en ce moment même. Je n'y vois aucun mal. La méthode à laquelle les rédacteurs en chef d'Associated Press ont recouru était excellente. Ils ont amené des gens de l'extérieur. La réponse est oui, je serais en faveur.
La présidente : Je voudrais en revenir à une de vos observations, madame Wilson. Permettez-moi de poser une question sur les limites des organisations dont le travail est de recevoir les plaintes. En grande partie, les conseils de presse sont des organismes chargés de recevoir les plaintes, tout comme le CRTC d'ailleurs.
Vous avez failli décrire le système britannique comme une « chasse aux sorcières », où des personnes sont à l'affût des articles répréhensibles. On ne s'y concentre pas autant sur la capacité de prendre publiquement position sur des problèmes systémiques qui concernent l'intérêt légitime du public, y compris le fait de signaler ce qui ne se fait pas. Permettez-moi de donner un exemple extrême.
Si les journaux de l'Alberta cessaient de publier des articles sur l'industrie pétrolière, il pourrait être approprié de signaler que des centaines de milliers de citoyens de cette province ne sont plus adéquatement informés de choses qui concernent leur vie quotidienne, et que les journaux ont le devoir de les informer. Évidemment, j'invente cela de toute pièce. Ce n'est pas un exemple très fouillé. Il me semble qu'il y a une difficulté propre à tous les systèmes qui sont du moins perçus comme étant strictement axés sur les plaintes. En effet, les plaintes — tous ceux qui en font l'objet vous le diront — tendent à porter sur des détails. Songeons par exemple à la plainte du lecteur ou de la lectrice dont la lettre à la rédaction n'a pas été publiée. Il est rare qu'une plainte porte sur des questions plus vastes.
Je dois dire que j'ai été très impressionnée par ce que vous nous avez dit au sujet de votre programme de rayonnement sous ses diverses formes. Vous en faites beaucoup plus que les autres conseils de presse qui se sont adressés à nous jusqu'à présent. Cela me semble typique de l'Alberta. C'est conforme à l'esprit de maillage communautaire de cette province. Toutefois, cela n'est qu'officieux. Cela n'a pas la structure à laquelle je songe. Pouvez-vous répondre à cette question plutôt incohérente?
M. Hogle : Nous semblons axés sur les plaintes, mais ce n'est peut-être que parce que la population attend cela de nous et n'attend rien d'autre. Toutefois, sénateur, je crois que nous avons franchi une étape, pour ainsi dire, en nous rendant dans les écoles. Nous devons maintenant nous demander ce que nous pouvons faire d'autre.
Ce qui me vient à l'esprit, c'est ce que nous avons fait pour les Shriners. Nous devons peut-être demander à ceux de nos membres qui représentent la population à Grande Prairie, par exemple, de s'adresser aux Chevaliers de Colomb et à la Chambre de commerce. Nous pourrions demander à nos membres de faire cela dans leur propre région et de demander également qu'on leur pose des questions. Lorsqu'on fait cela, on obtient parfois des idées géniales. Je suis sûr que c'est ce que vous cherchez en ce moment même, alors que vous vous préparez à rédiger votre rapport final, qui sera fondé sur vos excellents rapports préliminaires, lesquels, soit dit en passant, m'ont beaucoup impressionné.
Nous devons en faire plus. Nous ne pouvons pas nous arrêter là. Nous devons continuer d'être des visionnaires et chercher à faire d'autres choses. Que devrions-nous faire d'autre? Nous gardons l'esprit ouvert. Nous envisageons toutes les options, et c'est d'ailleurs ce que nous devons faire.
La présidente : Vous comptez au nombre de vos membres des représentants de la population et des représentants des journaux, c'est-à-dire, si je comprends bien, des propriétaires. A-t-on songé à ajouter une troisième catégorie, c'est-à- dire les représentants des journalistes? Je ne dis pas qu'aucun propriétaire ne comprend le journalisme, mais il y a parfois un conflit de perceptions, sinon d'intérêts, entre les propriétaires et les travailleurs.
M. Hogle : Il existe à Edmonton une organisation pour les journalistes qui compte de 30 à 35 membres, tous des représentants des médias, aussi bien électroniques qu'écrits. Ils se réunissent régulièrement. Ils viennent d'ailleurs de rencontrer le juge Allan Wachowich, un des juges de notre cour supérieure, qui était en ville. Nous voulons discuter avec lui de la possibilité d'installer des caméras dans les tribunaux. C'est l'un des sujets que nous avons abordés dans notre exposé. Chose encore plus importante, c'est peut-être l'Alberta Press Council qui devrait diriger nos démarches parce que, très franchement, je crois qu'il nous faut des caméras de télé dans les tribunaux.
Ce n'est pas pour me vanter, mais plutôt pour illustrer mon propos que je vous raconte cela. À la station de télévision CFRN, c'est nous qui avons rencontré Peter Lougheed et qui lui avons dit qu'il nous fallait des caméras à l'assemblée législative. Cela s'est fait en trois mois. Nous avons été les premiers dans tout l'empire britannique à disposer de ce moyen de communication et cela a mené à la présence de caméras à toutes les réunions gouvernementales. Nous pouvons faire beaucoup plus encore. Nous proposons de plus en plus d'idées nouvelles, de façon organisée.
La présidente : Vous ne les intégrez pas en qualité de membres. Vous auriez à modifier vos statuts, pour faire cela.
M. Hogle : Très bonne question. Je ne sais pas s'ils voudraient se joindre à nous. Sonny Rajoo, de l'hebdomadaire Two Hills, est membre des deux organismes. C'est une question dont nous pourrions discuter.
Toujours au sujet des idées nouvelles, Ted Byfield, un journaliste controversé de l'Alberta, va venir s'adresser à nous. Je suis sûr que ses remarques seront très stimulantes, parce qu'il a des opinions extravagantes, et il n'y a rien de mal à cela. Il est probable que chaque personne dans la salle ait un parti pris, que ce soit pour les Canadiens de Montréal ou les Maple Leafs de Toronto, ou encore pour tel ou tel parti. Cela est tout à fait naturel. Toutefois, lorsqu'on est journaliste, il faut juguler ces partis pris afin que les opinions personnelles ne viennent pas diminuer la capacité et la compétence à dire la vérité.
Le sénateur Carney : Je tiens à vous rassurer tout de suite. Les anciens membres des médias au sein de ce comité-ci proviennent de petites boutiques. À Bathurst, j'ai fait mes débuts à CKLM, à Nelson, et nous pensions à l'époque que vous, qui étiez au Trail, étiez des poids lourds.
Vous nous avez présenté le code de pratiques de l'Alberta Press Council, qui est concis, mais très complet. Il porte sur 17 rubriques. Pour les fins du compte rendu, je vais en nommer quelques-unes. Il s'agit de l'exactitude, de la possibilité de répliquer, de la protection des renseignements personnels, de l'équilibre des points de vue, de la nécessité d'avoir le plus de latitude possible dans les opinions exprimées, du recours à des subterfuges ou de la nécessité de se servir de moyens transparents pour obtenir de l'information, et du fait que les délinquants ou les témoins des procès en justice pénale ne devraient pas être rémunérés. Le code porte également sur le fait de s'imposer à une personne accablée par la peine, les entrevues avec des enfants, les infractions sexuelles, les photos, la discrimination, le fait que les journalistes ne devraient pas se servir de l'information financière qu'ils obtiennent pour en tirer eux-mêmes un profit, le comportement des journalistes dans les hôpitaux et les sources confidentielles. Tout cela ne couvre que deux pages, mais c'est très clair.
Est-ce que le même texte s'applique aux autres conseils de presse du Canada, ou ce code est-il semblable à celui d'autres conseils de presse? D'où provient-il?
M. Hogle : Ce qui est merveilleux dans le fait d'être président, c'est que l'on peut s'entourer de personnes brillantes, dont deux m'accompagnent justement ici aujourd'hui. Nous travaillons à la rédaction de ce texte depuis des années. Il a été raffiné, précisé, amélioré et modifié partout où cela était nécessaire.
Je ne peux pas me prononcer au nom d'autres conseils de presse. Nous avons vu les leurs et, j'en suis certain, ils ont vu le nôtre. Vous le constaterez, la plus longue section a 10 lignes. C'est succinct, lisible et facile à suivre. Personne ne pourrait prétendre avoir mal compris. C'est une combinaison, sénateur, de nombreuses choses. Je le répète, je ne peux me prononcer sur les codes des autres conseils de presse.
Le sénateur Carney : Vos membres adhèrent-ils à ce code? Est-il affiché dans leurs salles de nouvelles? Colleen ou Robert pourrait peut-être répondre. Les journalistes sont-ils tenus de respecter ce code, ou est-ce que ce ne sont que de belles formules sur papier?
M. Hogle : Ce n'est certainement pas un ramassis d'évidences ni de vœux pieux. C'est notre code de pratique. C'est ce que nous attendons de nos membres. Si vous sortez de votre retraite, venez travailler pour nos journaux, c'est ce que nous attendrions de vous. Nous ne faisons pas de mystère à ce propos. Quand quelqu'un s'inscrit, qu'il devient membre de l'exécutif du conseil de presse, ou qu'il travaille pour un journal affilié — nous nous attendons à ce que chaque membre représentant de la presse fasse de même. C'est aussi ce que nous attendons des représentants du public. Nous n'avons pas de scrupules à dire à quelqu'un qu'il a violé les règles.
Le sénateur Carney : Vous ne répondez pas à ma question.
La présidente : Je crois que Mme Wilson essaie d'y répondre.
Le sénateur Carney : Le remet-on aux journalistes? Dit-on aux journalistes ou aux rédacteurs en chef qui sont embauchés ou qui travaillent que c'est là le code de déontologie? Est-ce simplement inclus dans le formulaire d'adhésion que l'éditeur reçoit, et qui se trouve à faire partie du conseil de presse?
Mme Wilson : Tout au long de ce processus, un membre de la presse faisait partie du comité. Tout le monde dans la salle a voté en faveur de l'adoption de ce code de pratique, de ses politiques et procédures. Je pense que, par prudence, les membres de l'Alberta Press Council devraient le rapporter à leur salle de presse et à leur éditeur et, bien sûr, s'y conformer. Je demanderai certainement si c'est le cas.
Le sénateur Carney : Est-ce que les journalistes sont au courant, et pas simplement les éditeurs?
La présidente : Quand vous aurez posé la question, voudriez-vous nous transmettre la réponse?
Mme Wilson : Certainement. Je demanderai quel processus a été appliqué une fois le code adopté.
M. Ardiel : Sénateur, il s'agit des normes qui servent à examiner les plaintes.
Nous avons récemment précisé et modifié certains de ces énoncés. Nous prévoyons publier un tableau de 14 x 17 po qui sera distribué dans des bibliothèques de la province et qui, nous l'espérons, se trouvera dans le hall d'entrée de tous nos journaux affiliés. Pour ce qui est de le transmettre aux journalistes mêmes, je ne vois pas bien comment nous pourrons y arriver. Nous pouvons certainement demander aux membres de la presse qui font partie du conseil de veiller à en discuter avec leur direction.
Le sénateur Carney : Il me semble qu'il serait très utile de les envoyer à toutes les écoles de journalisme au Canada, pour que les étudiants aient en main un ensemble de principes qu'ils puissent examiner et dont ils puissent discuter.
M. Hogle : Nous allons certainement le faire.
Le sénateur Merchant : Je regarde le no 17 du code de pratique. Vous demandez instamment au comité d'accorder tout son appui au no 17, qui concerne les sources confidentielles des reporters. À votre avis, que devrions-nous dire exactement? La question de savoir si les reporters devraient protéger leurs sources et, par conséquent, si on devrait protéger les reporters est un sujet d'actualité. Jusqu'où voulez-vous aller?
M. Hogle : On pourrait tout simplement rappeler cette déclaration particulière. Je ne voudrais pas dicter à ce comité sénatorial ce qu'il doit dire. Une formulation ayant ce sens précis, semblable au libellé du point 17, serait très efficace. On ferait ainsi comprendre que cette règle est essentielle et qu'il faut s'y conformer. La liberté de presse est fondamentale. Dans le passé, les journalistes avaient des sources confidentielles. Ils ne révélaient tout simplement pas ces sources malgré les pressions exercées sur eux. Il est arrivé que les tribunaux et, parfois, la force de police nationale fassent pression sur eux.
Le sénateur Merchant : En quoi cela protège-t-il le public? Je ne dis pas que les journalistes devraient révéler leurs sources inconditionnellement, mais ne pourrait-il pas y avoir des cas où l'intérêt public serait mieux servi si ces sources étaient dévoilées? À titre d'exemple, il arrive que des prêtres qui refusent de parler aillent en prison. Les médecins, le corps médical, ont à dévoiler de l'information, alors pourquoi la presse devrait-elle être astreinte à une norme plus rigoureuse?
M. Hogle : Le public, le comité et la société en général exigent du journalisme qu'il respecte des normes strictes. Cela dit, je pense que le gouvernement devrait affirmer qu'il devrait protéger ce groupe particulier d'individus. Ainsi, bien des choses ne se seraient pas passées n'eût été des révélations de Deep Throat au journaliste, dans l'affaire Watergate. C'est très simple. Nous avons tous eu des sources confidentielles qui, au fil des années, nous ont dit des choses, et il ne s'agit pas de faire machine arrière ni rien de ce genre. Il s'agit de savoir ce qui se passe, et de protéger la source.
Sans nommer qui que ce soit en particulier, nous en avons vu des exemples, et cette question nous tient vraiment à cœur. Toutefois, c'est au comité de décider. Certains peuvent être d'accord, d'autres non. C'est une question fondamentale qui procède de la liberté de presse dont nous bénéficions.
Le sénateur Merchant : Nous avons un système judiciaire. Pourquoi ne pas laisser aux juges le soin de décider si c'est un impératif absolu dans un cas donné, parce que cela contribuerait à l'administration de la justice ou permettrait de mieux servir l'intérêt public? Pourquoi les juges ne pourraient-ils pas prendre la décision pour nous?
M. Hogle : Ce que nous vous suggérons, c'est de soutenir le principe. Dans toute poursuite, le juge se prononcera là- dessus. Nous espérons que vous serez d'accord là-dessus en principe. Quand j'ai travaillé à Trail, il aurait été terrible que j'aie à dévoiler le nom du garde du corps de Stefan Sorokin qui nous a fourni l'information sur laquelle nous nous sommes fondés pour publier ce reportage.
Je pourrais peut-être vous expliquer la nature de ma préoccupation. Tout le village de Ootischenia, un village près de Castlegar, entre Nelson et Trail, avait été détruit. Trois cents maisons avaient été rasées par le feu. Il ne restait que les cheminées, les cadres d'acier des lits et des poêles. Ted Moore, le photographe, et moi-même avons été les premiers à arriver sur les lieux. La police n'était pas encore arrivée. Il n'y avait là aucun autre journaliste. C'était tôt un dimanche matin. On se serait cru à Hollywood. Nous avons gravi la colline. Il y avait de la fumée partout et les Sons of Freedom conventionnels pensaient que nous étions des sympathisants des Sons of Freedom radicaux et ils nous ont cerné notre voiture. Nous ne pouvions pas bouger. Nous étions pris au piège. Finalement, j'ai mentionné le nom de John Verigin, de Grand Forks, en Alberta. J'ai dit : « Appelez John. Il nous connaît. » Nous nous en sommes finalement sortis.
L'émotion me gagne quand j'en parle, parce que je revois en esprit ces bâtiments perdus. Ils ont pris une maison vide et y ont empilé des bombes incendiaires à l'essence et ces baraques ont toutes brûlé. Pour moi, c'est impératif à ce point.
Vous pouvez vous adresser aux tribunaux, mais j'attends de vous une approbation de principe. Je pense que c'est un véritable credo pour tout bon journaliste, et nous en avons besoin. Du même coup, nous devons protéger nos sources. Comme je vous le dis, le cas d'Ootischenia nous vient à l'esprit. À l'occasion, d'autres journalistes du Canada auront à protéger leurs sources. Je suis sûr qu'il y a ici trois sénateurs journalistes qui, à un moment ou l'autre, ont dû protéger leurs sources, peut-être même de leur direction. Ils peuvent avoir eu à tout dire à leur directeur dans le plus grand secret, ou même à lui remettre une enveloppe cachetée avec la consigne de l'ouvrir au besoin.
Sénateur, je ne voudrais pas que les tribunaux se chargent de cela. Vous attendez des réponses de l'Alberta Press Council, et nous devons rendre des comptes, certainement. Nous devons faire notre travail. En ce qui concerne le point 17, je ne pense pas que ce soit une demande déraisonnable à soumettre aux tribunaux et au présent comité.
Le sénateur Merchant : Je m'en tiendrai à cela.
Le sénateur Munson : Je ne ferai qu'une observation. Vous dites à la page 2 que cela ne vous dérange pas de comparaître quand une plainte est déposée devant le conseil. Peut-être que cela devrait servir d'exemple à la radio et à la télévision. Je reconnais qu'il y a le secteur privé et le secteur public. Cela pourrait contribuer à l'impartialité si nous établissions un genre de conseil pour que le public puisse faire des plaintes au sujet de la programmation de la radio et de la télévision. Je ne sais pas si CTV ou CBC/Société Radio-Canada ou toute autre station le fait. Ils pourraient, tout au moins, à l'occasion, reconnaître dans leur bulletin de nouvelles qu'une erreur a été commise.
La présidente : Merci beaucoup à tous. Vous avez pu constater à quel point nous sommes extrêmement intéressés par ce que vous avez à dire. Vous avez abordé des questions vitales, et nous vous en sommes reconnaissants à tous. Vous allez nous faire parvenir ce document.
Monsieur Hogle, pour votre information, en ce qui concerne l'étude dont ont parlé quelques sénateurs, la première personne avec qui communiquer serait Donna Logan, directrice de l'École de journalisme de la UBC, University of British Columbia.
M. Hogle : Merci beaucoup.
La présidente : Sénateurs, les prochains témoins représentent l'Alberta Weekly Newspapers Association. Nous accueillons M. Roger Holmes, président; et M. Dennis Merrell, directeur exécutif.
Merci beaucoup d'être venus. Monsieur Merrell, vous avez la parole.
M. Dennis Merrell, directeur exécutif, Alberta Weekly Newspapers Association : Je ferais d'abord quelques observations, et je suis sûr que Roger aura quelque chose à ajouter. Je sais que vous avez entendu les représentants de la Canadian Community Newspaper Association lundi à Vancouver, et nous allons, nous l'espérons, ajouter aux observations qu'ils ont faites, en présentant la question sous l'angle de l'Alberta, soit le rôle que nos membres jouent en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous avons quelques observations à faire, bien sûr, sur le document que nous avons reçu du comité.
La mission de l'Association est d'encourager et d'aider ses membres pour s'assurer qu'ils publient des journaux communautaires de grande qualité. L'Association y parvient en offrant des possibilités d'éducation, de commercialisation et des bourses de recherche. Notre association compte actuellement 111 journaux qui ont un tirage hebdomadaire de 625 000 copies. Nous comptons parmi nos membres des publications qui sont la propriété de sociétés ainsi que de petits propriétaires. En fait, nous croyons que notre association est l'un des derniers bastions de la presse communautaire libre et indépendante. Elle forme la majorité, et nous en sommes assez fiers. En fait, notre conseil d'administration est, pour la majorité, composé d'éditeurs de journaux communautaires indépendants.
Les journaux communautaires offrent un milieu éditorial unique qui permet d'établir un rapport personnel avec ses lecteurs. Les lecteurs des journaux communautaires sont souvent des gens difficiles à joindre, que d'autres médias ne joignent pas facilement. Comme l'a bien montré l'étude portant sur le lectorat de la ComBase, soit la Community Newspaper Database Corporation, la majorité des adultes sans égard à leur âge, à leur sexe ou à leur statut social et tant dans leur communauté urbaine que rurale lisent l'information locale et les nouvelles pertinentes, et accordent une grande importance au rôle que jouent les journaux communautaires dans leur vie.
Selon l'étude 2003-2004 de la ComBase, 79 p. 100 des adultes en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest ont dit avoir lu le dernier numéro de leur journal communautaire. Ce pourcentage ce compare au taux de 51 p. 100 des adultes, de 18 ans et plus, qui ont répondu avoir lu un quotidien et au taux de 61 p. 100 de ceux qui ont dit avoir écouté la radio la veille. Il est bien clair que la lecture d'un journal communautaire est un élément important de la vie des Canadiens.
Les journaux communautaires de l'Alberta doivent satisfaire aux critères suivants pour devenir membres de notre association. D'abord et avant tout, une preuve de diffusion vérifiée doit être fournie avant de demander l'adhésion. Il faut prouver que la diffusion a fait l'objet d'une vérification. Deuxièmement, le journal doit présenter des nouvelles et des articles qui ont trait à sa communauté, qui contiennent au moins 60 p. 100 d'articles qui ne sont pas des articles repris d'ailleurs et ait une page éditoriale ou une tribune libre. Troisièmement, les membres doivent accepter des normes de publication, qui sont approuvées par le conseil d'administration. Quatrièmement, les journaux membres de l'association doivent publier le texte intégral de toute décision de l'Alberta Press Council concernant une plainte présentée contre ce journal.
L'Association a offert sur le marché de nombreux services qui sont maintenant largement utilisés et qui ont depuis été adoptés par d'autres associations communautaires, notamment notre service « ONE Stop » de planification et d'achat de la publicité; l'accès à un système d'archivage numérique qui permet une recherche par mot clé dans les archives contenant quelque 200 journaux communautaires — qui inclut des journaux d'autres provinces ainsi que de l'Alberta — et permet le visionnement des fichiers en format pdf des pages du journal le lendemain de sa parution; une banque de données complète qui compte plus de 4 000 domaines d'information sur l'état du marché actuel et qui fournit un aperçu économique et démographique de chacun des centaines de journaux communautaires de l'ensemble du Canada — c'est un service que nous offrons aussi aux autres associations de journaux; des composantes littéraires comme le concours « Write-On » offert aux écoles de l'Alberta; ainsi qu'un programme de bourses d'études et de bourses. Vous en avez un peu entendu parler par le Conseil de presse. Nous participons également à des programmes de bourses d'études en journalisme dans les écoles secondaires et les collèges communautaires de l'Alberta.
L'association a soutenu l'Alberta Press Council dès ses débuts. Créé en 1972, le Alberta Press Council a été le tout premier conseil de presse à voir le jour au Canada, et notre association en fait partie depuis le tout début ou presque, l'a constamment soutenu depuis et continue d'en être un ardent défenseur.
Comme on vous l'a dit, le Conseil de presse a résolu des centaines de plaintes présentées par des lecteurs de l'Alberta et où l'on a conclu que le journal communautaire avait commis une faute. Ces journaux ont publié les conclusions du conseil. Un certain nombre de ces cas ont touchés des journaux communautaires.
L'association tient tellement à ce processus qu'elle exige dans son règlement qu'on respecte les décisions du Conseil de presse. En bref, les membres peuvent être expulsés s'ils ne respectent pas ces décisions du conseil.
L'Association croit que l'autoréglementation par l'intermédiaire d'un conseil de presse indépendant et financé par la presse écrite fonctionne, et elle s'opposerait à toute forme de réglementation de ces journaux par voie de mandat ou par voie législative.
Nous encourageons fortement le présent comité à faire une déclaration à l'appui des conseils de presse. Nous croyons qu'il devrait y avoir un conseil de presse dans toutes les provinces, et nous ferions certainement notre part pour aider Bruce dans ses efforts en vue d'en créer un dans la province voisine de la Saskatchewan.
Entre autres choses, vous nous avez demandé ceci : les citoyens canadiens ont-ils suffisamment d'information sur les nouvelles locales, nationales et internationales? Les journaux communautaires publient d'abord et avant tout des nouvelles sur les communautés locales qu'ils desservent et généralement laissent la couverture des nouvelles nationales et internationales aux quotidiens nationaux. Il est clair que les journaux communautaires publient les nouvelles locales de façon efficace, comme l'a montré la recherche sur le lectorat de ComBase. Je vous renvoie à nouveau à ComBase.
Cette recherche nous montre que 26 p. 100 des Canadiens non seulement lisent des journaux communautaires mais aussi qu'ils ne regardent pas la télévision, n'écoutent pas la radio ou ne lisent pas de quotidiens de façon régulière. C'est une couverture exclusive qu'aucun autre média ne peut prétendre avoir. Cela montre, je pense, qu'il y a certainement des Canadiens qui ont l'habitude de lire les journaux communautaires et qui ne font pas nécessairement appel aux autres médias.
L'Association ne croit pas que la concentration des médias réduise la liberté éditoriale des reporters et des rédacteurs en chef des journaux communautaires de l'Alberta. Comme je l'ai mentionné, notre industrie est toujours dominée par des éditeurs et des rédacteurs en chef indépendants. Les journaux membres de notre association et qui font partie d'une grande société de médias disent avoir toujours pu déterminer l'orientation éditoriale de leurs journaux respectifs sans que le siège social n'exerce sur eux le moindre contrôle ni la moindre influence.
Nous ne croyons pas que la consolidation de la propriété de journaux communautaires ait eu un effet significatif sur le budget des salles de nouvelles, la dotation et la qualité des nouvelles, du moins en ce qui concerne les journaux communautaires de l'Alberta. Nous reconnaissons effectivement que la comptabilité, la production et l'impression des journaux bénéficient souvent des économies d'échelle que permet la propriété collective, mais il est rare qu'en raison de celle-ci les services éditoriaux soient réduits. La réussite de tout journal communautaire dépend dans une large mesure de la qualité de son contenu rédactionnel, et elle n'est généralement pas du tout compromise, quelle que soit la structure de propriété.
Dans le document que nous avons reçu, il est fait référence à un journal national qui serait l'équivalent pour la presse de Radio-Canada. Peut-être faudrait-il trouver une formule pour contrebalancer l'idée selon laquelle la concentration de la propriété pourrait avoir pour effet de limiter les opinions que peuvent obtenir les lecteurs chaque semaine. Nous avons considéré la question. Nous estimons que si Radio-Canada reçoit des fonds publics, c'est essentiellement pour que les Canadiens des localités éloignées puissent profiter d'une radio et d'une télévision publiques. Nous estimons que les journaux communautaires à financement privé qui desservent les mêmes localités éloignées risquent d'être pénalisés par la formation de ce journal national bénéficiant de fonds publics. L'Alberta Weekly Newspapers Association s'oppose au financement public d'un journal qui, à notre avis, entrerait en concurrence avec des journaux communautaires à financement privé.
Nous considérons que les lecteurs sont bien desservis par nos journaux communautaires albertains et que l'intérêt public ne justifie pas la mise en place d'une structure de réglementation qui, de toute évidence, n'est pas indispensable.
Nous vous remercions de nous avoir permis de comparaître aujourd'hui. Comme je l'ai dit, mon collègue Roger aura peut-être quelques remarques à ajouter. Nous avons hâte de consulter votre rapport final ainsi que les recommandations qui résulteront de votre étude. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
M. Roger Holmes, président, Alberta Weekly Newspapers Association et éditeur du Wainwright Star Chronicle : Je n'ai rien à ajouter pour l'instant. J'ai été fasciné par les propos que vous avez échangés avec le conseil de la presse. J'ai eu bien du mal à garder le silence. J'aurais voulu intervenir pour contribuer modestement au débat. Si vous avez des questions à poser sur le sort des hebdomadaires albertains, je serai ravi de vous dire ce que j'en pense.
Nous avons présenté un exposé assez succinct. Vous n'avez pas grand temps, et je vous répondrai de façon succincte et directe. J'aimerais beaucoup qu'un dialogue s'établisse. Je vous parlerai très franchement de la façon dont l'association des journaux communautaires fonctionne.
J'en suis à mon deuxième mandat de président de l'Alberta Weekly Newspapers Association, ce qui est inhabituel dans notre organisme. C'est la première fois qu'un président assure deux mandats consécutifs. Cette situation est due à des circonstances malheureuses.
J'ai terminé récemment une tournée des 111 membres de notre association, qui a duré 11 ou 12 mois. J'ai personnellement franchi la porte de tous les journaux communautaires qui adhèrent à notre association. Ce fut une merveilleuse expérience.
Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions ou à vos commentaires, et je vous présenterai mon point de vue personnel.
Le sénateur Tkachuk : Merci pour votre exposé. Vous dites que la majorité de vos membres sont indépendants. Que représente cette majorité?
M. Holmes : Actuellement, environ 65 p. 100 de nos membres sont indépendants. Environ 45 p. 100 appartiennent à une chaîne ou à une société. Nous nous sommes demandé combien il fallait de maillons pour faire une chaîne. À notre avis, c'est 10. La société qui possède 10 journaux possède une chaîne; s'il n'y a que trois ou quatre journaux, c'est un groupe.
Le sénateur Tkachuk : Ces 45 p. 100 correspondent-ils à des journaux autonomes ou à des groupes?
M. Holmes : Il s'agit de journaux indépendants, ou de ce que nous appelons des petits groupes. Je suis de Wainwright, en Alberta. Nous comptons parmi nos membres trois journaux communautaires de Wainwright. Je ne me considère pas comme une chaîne, et j'en possède trois. Je vote trois fois à la réunion annuelle.
M. Merrell : Après vérification des chiffres, je crois que la proportion des indépendants est plus proche de 55 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que les sociétés sont de l'Alberta, de l'extérieur de la province ou des deux? De qui s'agit-il?
M. Holmes : Sun Media est notre plus gros groupe de journaux. Il s'est constitué en Alberta sous la forme de la chaîne de journaux Bowes. Bowes a été acheté par Sun Media, qui est affilié à Quebecor. C'est notre groupe le plus important.
Plusieurs de nos membres appartiennent au groupe de presse Black, de Colombie-Britannique. Il y a quelque temps, un groupe appelé Great West Newspaper Group Ltd. avait des rapports avec le groupe Hollinger. Il y a aussi, dans le sud de l'Alberta, un groupe appelé Southern Alberta Newspapers, qui avait lui aussi, au départ, des relations avec le groupe Hollinger, mais qui est exploité différemment.
M. Merrell : C'est là l'essentiel de nos chaînes.
M. Holmes : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Des groupes de presse ethnique et des hebdomadaires se sont plaints des budgets fédéraux de publicité, dont ils estiment ne pas obtenir un juste pourcentage. Curieusement, nous n'avons pas entendu les mêmes plaintes ici. Pensez-vous que les hebdomadaires albertains obtiennent leur juste part des dépenses fédérales de publicité?
M. Holmes : Je vais vous donner ma réponse, et celle de Dennis sera peut-être légèrement différente. Je ne pense pas que nous obtenions notre juste part. Nous avons du chemin à faire. Notre association et notre industrie ont été négligentes et ne se sont pas suffisamment manifestées au niveau fédéral. Nous avons pris des mesures, au niveau de la CCNA, pour nous faire représenter à Ottawa par une personne qui transmet notre message, que nous n'exprimons avec force que depuis peu de temps. Il est fondé sur les chiffres de l'étude ComBase concernant notre lectorat. Nous pouvons maintenant nous exprimer de façon empirique. C'est ce que nous avons fait, et nous en voyons déjà les excellents résultats.
Si nous n'avons pas obtenu notre juste part, c'est parce que nous n'avons pas fait nos devoirs. Nous devons faire valoir correctement notre cause. Nous avons fait ce qu'il faut et nous avons maintenant des études sur notre lectorat. Nous avons de l'information. Nous sommes un organisme beaucoup plus professionnel qui peut défendre sa cause auprès du gouvernement fédéral. Voilà la formule que nous avons choisie, et à laquelle j'adhère totalement. Je ne pense pas que nous ayons droit à quelque part que ce soit. À cet égard, j'adopte plutôt le point de vue capitaliste.
M. Merrell : Actuellement, nous avons environ 9 p. 100 des dépenses canadiennes auprès des médias. Environ 6 p. 100 du budget du gouvernement fédéral sont accordés aux journaux communautaires. Il y a donc une disparité à ce niveau.
Comme l'a dit Roger, nous considérons que c'est à nous de faire parvenir notre message aux ministères à Ottawa et de les convaincre qu'ils doivent prendre nos médias en considération. C'est ce que nous faisons. Nous avons maintenant un représentant à temps plein à Ottawa, qui fait les appels nécessaires.
Le sénateur Tkachuk : Quand vous parlez d'une personne à Ottawa, voulez-vous dire qu'elle représente l'Alberta Weekly Newspapers Association?
M. Merrell : Je rectifie le tir. Je dis « nous » parce que je considère que nous faisons partie de la CA. Cependant, en réalité, c'est la CA qui a un représentant.
Le sénateur Tkachuk : Vos journaux fonctionnent-ils par abonnement ou est-ce qu'ils sont expédiés gratuitement par la poste?
M. Holmes : Autrefois, les journaux communautaires fonctionnaient par abonnement. Depuis 20 ans, les journaux distribués gratuitement ont pris de plus en plus d'importance. Lorsque j'étais enfant, les journaux distribués gratuitement — et mon père publiait un journal communautaire, comme son père l'avait fait avant lui — étaient considérés comme le mouton noir de la presse. Mon père les appelait des journaux à poubelle. Nous les détestions. Cependant, nous avons reconnu progressivement qu'un journal distribué gratuitement peut être un bon journal, et du reste, notre association en compte plusieurs. Je n'en connais pas la proportion. Peut-être que Dennis pourrait m'aider. Est-ce moitié-moitié?
M. Merrell : Non. La majorité de nos adhérents jusqu'à maintenant sont des journaux à diffusion payée, par abonnement payé. Il y a 20 ans, 80 à 90 p. 100 des journaux de nos membres étaient vendus. Il y a eu une évolution en faveur du tirage réglementé, et leur proportion est maintenant tombée à un niveau bien inférieur à 80 p. 100.
M. Holmes : À mesure que la concurrence se resserre, de nouveaux produits gratuits arrivent sur le marché et nous sommes obligés de leur faire concurrence. Si quelqu'un propose un bon produit éditorial qu'il distribue gratuitement, il est difficile de vendre un produit équivalent sur un marché soumis à la concurrence. C'est en partie le marché qui a imposé cette tendance.
Le sénateur Tkachuk : On nous a parlé d'une tendance à la vérification en Colombie-Britannique et en Ontario, et je suis sûr qu'on va en entendre parler en Saskatchewan. Il est possible de faire une vérification auprès des journaux achetés pour évaluer leur tirage, mais comment peut-on faire la vérification d'un journal gratuit?
M. Holmes : La vérification peut être faite de différentes façons. Tout dépend du mode de distribution du journal. Il y a les reçus du bureau de poste. Le journal qui passe par Postes Canada est tenu de remplir un formulaire qui fera l'objet d'une vérification. On peut vérifier si l'affranchissement a été payé, disons, pour 10 000 exemplaires du journal au cours d'une semaine donnée.
Les organisations de la presse écrite exigent des certificats de tirage indiquant le nombre de journaux qui ont été imprimés. On exige parfois des factures pour vérifier si le journal a payé son imprimeur pour faire imprimer un certain nombre d'exemplaires.
Lorsque des journaux gratuits sont envoyés par la poste, on suppose qu'ils sont livrés. Lorsque des produits gratuits sont placés dans des kiosques ou sur des présentoirs, le journal doit noter lui-même, pour chaque cycle hebdomadaire, le nombre de journaux distribués et les quantités ramenées. Tout cela est comptabilisé, et il faut en rendre compte.
Le mode de vérification de la diffusion que préfèrent la plupart de nos membres est ce qu'on appelle un CP, ou « verified audit process », appliqué par la CCNA. On est en train de définir une procédure de vérification qui comporte des contrôles ponctuels auprès des fournisseurs de journaux. Les contrôleurs peuvent se présenter à votre bureau et inspecter votre comptabilité pour vérifier si les invendus sont indiqués correctement.
Le sénateur Tkachuk : Quand quelqu'un achète un journal, on peut supposer qu'il va le lire, puisqu'il consent à faire un modeste investissement. Lorsqu'un journal est livré par la poste, on ne sait pas s'il ne va pas se retrouver directement à la poubelle dans le bureau de poste ou ailleurs.
M. Holmes : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Comment peut-on vérifier si quelqu'un lit le journal?
M. Holmes : La vérification ne permet pas de le faire. Elle n'est pas censée être un outil de gestion du lectorat. Elle porte sur la diffusion, c'est-à-dire qu'elle indique si un journal a effectivement diffusé un certain nombre d'exemplaires. On ne sait pas si ces exemplaires sont lus ou non. C'est seulement une des mesures que nous utilisons.
L'étude du lectorat que nous avons faite avec ComBase ne tient pas compte du nombre d'exemplaires imprimés. C'est sans importance. Ce qu'on veut savoir, c'est le nombre d'exemplaires qui sont lus.
L'argument contraire au sein de notre association, c'est ce qu'on appelle le lectorat par transmission. Un abonné lit son journal, l'envoie à sa tante, qui l'envoie à sa cousine. Ce phénomène n'est pas comptabilisé dans une vérification de diffusion, mais il l'est dans une vérification de lectorat. Actuellement, nous avons deux façons de mesurer ce que nous appelons la pénétration de nos produits dans la collectivité.
Personnellement, je pense qu'on finira par en venir à la mesure du lectorat, et ce sera l'information intéressante. C'est ce que les gens ont besoin de savoir. Le nombre d'exemplaires imprimés et expédiés, et le nombre de ceux qui se retrouvent à la poubelle importent peu. Cependant, il va sans doute falloir 10 ou 20 ans avant que notre industrie passe à la vérification du lectorat. Pour l'instant, nous avons besoin des deux éléments, car nous nous sommes habitués aux vérifications de diffusion.
Le sénateur Munson : Avez-vous d'autre chose à dire avant que je pose mes autres questions? Je sens que toute cette salle est pleine d'énergie.
M. Holmes : Oui, je voulais dire que les journaux ont des comptes à rendre. Je le constate dans mon propre journal, mais je ne vois pas l'équivalent, dans les autres médias, de ce que font les journaux. Je veux parler des lettres à la rédaction. Chaque année, je reçois plus de lettres à la rédaction que n'en recevra jamais un conseil de presse, et ce sont des éléments essentiels pour mon journal. Les membres de la collectivité sont intéressés directement par ce qui figure ou qui ne figure pas dans un journal. Ils peuvent exprimer publiquement leur mécontentement dans les colonnes de mon journal, et nous publions toutes les lettres, même celles qui m'adressent des reproches, à condition qu'elles soient signées. Nous vérifions si c'est bien la personne indiquée qui en est l'auteur.
Voilà une chose qui passe sous silence lorsqu'on parle de conseils de presse. C'est uniquement lorsqu'un dossier prend une certaine importance qu'il peut se rendre au niveau du conseil de presse. Grâce aux lettres à la rédaction, tout le monde peut exprimer sa frustration quant à la façon dont un journal communautaire a traité une situation ou ne l'a pas traitée, et c'est la collectivité qui juge.
Parfois, des rédacteurs en chef comme moi-même publient un addendum ou une note pour apporter une précision; nous pouvons revenir sur un argument pour expliquer pourquoi nous avons agi de telle ou telle façon. Je mets au défi n'importe quel autre secteur d'activité d'afficher à la porte une lettre de reproches. Pouvez-vous imaginer Wal-Mart qui recevrait une lettre de plainte et qui l'afficherait à la porte de façon que tous les clients puissent en prendre connaissance? Pourtant, c'est exactement ce que font les journaux, et je considère qu'ils le font de façon assez équitable. Cela nous est utile, et empêche qu'une question soit soumise aux conseils de presse.
Voilà ce que j'avais si hâte de vous dire.
Le sénateur Munson : Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire quand vous parlez de 60 p. 100 du contenu? Est- ce que c'est la norme dans l'ensemble du pays, ou uniquement en Alberta?
M. Holmes : Cela signifie que 60 p. 100 du contenu rédactionnel du journal doit être produit localement, et non pas que les nouvelles doivent représenter 60 p. 100 du journal.
Dennis, est-ce que c'est 70-30 ou 60-40?
M. Merrell : Nos règlements exigent un minimum de 30 p. 100 de contenu éditorial dans l'ensemble du journal. Sur ces 30 p. 100 de contenu éditorial, 60 p. 100 au moins doit être produit au niveau local. Je parle ici des colonnes de nouvelles concernant la collectivité. Un journal communautaire a la possibilité de présenter également ce que nous considérons comme une copie conforme d'un article venu d'ailleurs, ou de la presse canadienne, mais ce que nous apportons avant tout, c'est la nouvelle locale.
Quant à savoir comment cela se compare avec les autres associations du Canada, il faudrait que je vérifie avant de vous donner la réponse, car je ne sais pas exactement si c'est la norme. C'est ce que nous avons adopté dans nos règlements en Alberta. D'autres associations l'ont adopté également, parce que nous faisons des comparaisons.
M. Holmes : Nous exigeons également que 80 p. 100 de la première page soient consacrés à des nouvelles, la publicité étant limité à 20 p. 100. Un journal qui adhère à notre association peut présenter un peu de publicité en première page, mais s'il veut en présenter davantage, il enfreint nos règlements. C'est précisément ce qui empêche certains journaux de type « dépliant publicitaire » d'adhérer à notre association. Ils présentent en première page plus de publicité que la quantité permise.
Le sénateur Munson : Voici une question sempiternelle que tous ceux qui s'occupent des médias doivent se poser tôt ou tard. Nous étudions les préjugés dans les médias. Les journaux des petites villes et leurs propriétaires font parfois preuve de parti pris politique. Est-ce que les journalistes font l'objet de pression? Est-ce qu'ils vous adressent des plaintes? Est-ce qu'ils peuvent porter plainte sans crainte de se retrouver dans une autre petite ville?
Nous entendons souvent dire qu'un journal est considéré comme conservateur, qu'un autre est considéré comme libéral ou encore comme NPD. Comment le journaliste peut-il préserver son objectivité lorsque son patron lui suggère de rédiger son article dans tel ou tel sens?
M. Holmes : Je vous répondrai par deux choses. La première réponse est non, il n'y a pas de mécanisme de recours prévu pour le journaliste qui veut porter plainte. S'il est mécontent, il ne lui reste plus qu'à partir.
Cependant, ce que l'on constate en Alberta — et je pense qu'il en va de même dans l'ensemble du pays — c'est que si la situation est totalement déséquilibrée, l'informatique permet aujourd'hui de lancer un journal du jour au lendemain. Il n'est pas nécessaire d'avoir un permis. On peut s'installer sur la table de cuisine et lancer son propre journal si on estime que le journal local manque d'équilibre. On compte maintenant une douzaine de petits marchés locaux en Alberta qui ont deux journaux communautaires. L'un d'entre eux a commencé parce que quelqu'un trouvait que la collectivité n'était pas suffisamment bien desservie et que les articles du journal local manquaient d'équilibre. Des journaux ont même fait leur apparition dans des villes desservies par des journaux appartenant à des chaînes. À la limite, on a ainsi un système de contrepoids. C'est le public qui décide.
Du point de vue de notre association, nous acceptons ces deux types d'adhérents dans notre association, s'ils sont dans la même petite ville, et nous essayons de les traiter aussi équitablement et également que possible. Nous sommes dans un marché. Si ces journaux sont en concurrence, c'est le marché qui décidera lequel des deux survivra si l'un d'eux doit disparaître pour des raisons économiques.
M. Merrell : Bruce Hogle y faisait justement allusion la fin de semaine dernière à Calgary, à notre symposium annuel où étaient présents 300 membres du personnel de nos 111 journaux. J'animais une séance de critique des éditoriaux et il se trouvait là probablement 60 ou 70 éditorialistes différents des journaux membres de notre association. Nous avons pu nous assurer que personne dans la salle n'a signalé avoir subi une influence quelconque de la part du propriétaire de son journal pour ce qui est de la rédaction de l'éditorial de cette semaine-là. Ils ont tous indiqué qu'ils jouissaient d'une liberté totale pour écrire l'éditorial qu'ils jugeaient à propos d'écrire dans le journal de cette semaine-là, sans aucune influence. Et cela valait aussi bien pour les propriétaires collectifs que pour les éditeurs indépendants. Personne n'en a fait mention.
S'il est vrai que certains d'entre eux possèdent une sorte de conseil éditorial, où l'éditeur, le rédacteur en chef et les journalistes principaux se rencontrent et décident de l'éditorial qu'ils vont publier dans le journal de la semaine, d'une manière générale, ce qui revenait le plus souvent, c'est qu'il appartient au rédacteur en chef de décider. Le rédacteur en chef décide de l'éditorial qui sera publié dans le journal de la semaine, avec très peu d'influence indue de la part de l'éditeur. Je voudrais dire que c'est assez typique de la façon dont les choses se passent.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je viens d'une petite ville du Nouveau-Brunswick, où je considère que le journal est très important.
Je voudrais savoir ce que vous pensez des journaux gratuits ou « cadeaux promotionnels ». Au Nouveau-Brunswick, on trouve ces journaux gratuits dans les dépanneurs et ils ont beaucoup moins de contenu éditorial et moins d'articles locaux. Ils ont beaucoup plus de publicité. Est-ce la tendance? Un certain nombre de gens nous ont dit que les journaux devaient rendre des comptes à leurs propriétaires et contribuer au bilan de l'entreprise, c'est pourquoi la publicité tend à augmenter rapidement dans les hebdomadaires locaux. Dans les magazines, c'est une affaire incontrôlable. Quelle est la tendance? Je sais qu'un certain nombre de journaux sont désormais gratuits. Quel effet cela aura-t-il, d'après vous, sur le contenu journalistique?
M. Merrell : Je suis d'accord pour dire qu'il y a une certaine pression pour augmenter le pourcentage de publicité. Dans notre cas, comme je l'ai dit, nous ne permettrons pas que la publicité dans les journaux dépasse 70 p. 100. Nous avons été très fermes en Alberta. Nous n'avons pas cédé.
Dans d'autres régions, on parle de passer à 75 p. 100. C'est une pente savonneuse. Nous nous définissons comme des journaux communautaires qui communiquent l'actualité. La limite entre les produits de nos adhérents et ce que nous pouvons considérer comme étant typique d'une publication de consommation est très mince. Une fois que vous arrivez au niveau de 75 ou 80 p. 100, alors vous pouvez vous demander : quel contenu trouve-t-on? Ce journal donne-t-il des nouvelles locales ou bien est-il trop dilué? Nos membres sont certainement préoccupés par cette question.
La présidente : Qu'est-ce qui crée ce genre de pression? Est-ce qu'il y a de plus en plus de publicité et pas suffisamment de nouvelles pour remplir les espaces libres entre les publicités? Imprimer un journal coûte cher. Est-ce que la publicité engendre des revenus énormes? Y aurait-il une diminution à cause du prix du papier journal?
M. Merrell : Probablement que c'est essentiellement pour des raisons économiques. Nous n'avons pas subi ce genre de pression en Alberta, mais elle se fait sentir dans d'autres provinces. Je ne peux pas parler en leur nom, mais j'imagine que la raison est essentiellement économique. Les propriétaires de journaux considèrent peut-être le coût total pour imprimer une page de journal et trouvent qu'ils ont besoin d'un pourcentage de cet ordre pour rentabiliser le tout.
M. Holmes : Je serais ravi de pouvoir avoir 70 p. 100 de publicité dans mes journaux. La plupart des journaux de notre association se trouvent dans la plage des 50 à 60 p. 100. Soixante pour cent est le but recherché. Chaque semaine nous comptons les publicités que nous avons. Et puis, nous faisons le calcul. Si nous avons 60 p. 100 de publicité, nous avons 40 p. 100 d'actualité et c'est ce que nous aimons.
Parfois, cela doit changer. Si vous avez trop de pages, il vous faut calculer par multiples de quatre pages. Parfois, les gens essaient de tout faire tenir dans quatre pages. D'autres fois, je vais dépasser les quatre pages et augmenter la taille des photos. Nous comblons une lacune en terme d'actualité.
Pour répondre à votre question, sénateur, on ne manque pas de nouvelles dans nos collectivités. Nous pouvons les trouver.
La présidente : Manquez-vous de publicité?
M. Holmes : Nous manquons de publicité. Cependant, cela provient de notre incapacité à vendre notre produit sur la rue principale. Dans l'Alberta rurale et dans l'Ouest canadien rural, les rues principales ont tendance à se contracter. Les magasins à grande surface s'installent. Ils ne font pas beaucoup de publicité dans les journaux communautaires. Nos revenus de publicité locale diminuent et cela fait diminuer le nombre de pages du journal.
Nous avons une forte représentation dans ce que nous appelons les publicités nationales, par l'intermédiaire de notre association. Si vous posez la question à des éditeurs de journaux albertains, ils vous diront que l'une de leurs plus grandes préoccupations, c'est que l'annonceur de la rue principale de leur collectivité, qui était le principal responsable de leur viabilité financière, annonce de moins en moins.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je voudrais continuer là-dessus, parce que je crois que c'est très important. Est-ce que la passion et la loyauté envers le journalisme local peuvent influer sur cette tendance? Est-ce que votre association, les voix de la communauté locale ou un comité comme le nôtre peuvent influer sur cette tendance?
Je n'achète pratiquement plus les magazines que j'achetais auparavant, parce que page après page, ce n'est que de la publicité, pour la plupart concernant les rides. Qu'en pensez-vous?
M. Holmes : Je pense que l'économie a quelque chose à voir dans tout cela. Je pense qu'une communauté de 1 000 habitants pourrait avoir un petit journal communautaire, si ce journal pouvait avoir un employé qui serait à la fois rédacteur en chef et éditeur. Son travail serait de trouver des annonceurs et de rédiger les articles. J'imprime des journaux pour d'autres collectivités un peu partout en Alberta. Nous faisons parfois des petits tirages de 500 exemplaires. Dans certains cas, ils ne sont que deux ou trois membres du personnel. Et dans un cas, il n'y a qu'une personne. Un seul employé s'occupe du journal. L'échelle de grandeur va jusque là. À un moment donné, ces journaux ne seront plus viables et devront fusionner avec d'autres journaux ou tout simplement fermer leurs portes.
M. Merrell : En tant qu'association, nous faisons ce que nous pouvons pour exercer une influence. Nous avons une certaine influence et un certain contrôle sur nos membres, pour ce qui est de ne pas dépasser le pourcentage de 70 p. 100 de contenu publicitaire. Cependant, pour les journaux qui ne sont pas membres de notre association et qui penchent dans cette direction, tout ce que nous pouvons faire, c'est d'essayer de les influencer de manière positive. L'Association canadienne a également quelque chose à dire à ce sujet. Nous faisons tous partie d'une fédération et nous faisons tous partie du CCNA. En tant qu'association, nous avons la possibilité de contrôler jusqu'à un certain point les membres de l'association.
Au-delà de cela, si les journaux décident de quitter notre association parce qu'ils pensent ne pas pouvoir survivre en respectant les critères d'adhésion, ce serait une autre histoire. Je ne pense pas que nous allons changer nos règlements.
Le sénateur Trenholme Counsell : Dans un pays où la liberté de la presse est l'une des libertés les plus fondamentales, les journaux sont libres de publier ces publicités.
M. Holmes : Il y a également la liberté d'échouer. Si votre journal n'est plus rentable, vous êtes libre de mettre la clé dans la porte. C'est une des dures réalités de la vie.
Le sénateur Carney : Votre exposé est impressionnant. Lorsque vos membres adhèrent à l'Alberta Press Council, est- ce que le personnel est au courant de l'existence du code de déontologie?
M. Holmes : Le code de déontologie est rédigé par notre conseil et tous les journaux doivent s'y conformer. C'est cette norme que nous jugeons. Certains de nos journaux en sont très conscients, mais d'autres n'ont pas la moindre idée qu'il existe.
Le sénateur Carney : Vous avez pensé à nous fournir cette fiche de référence intitulée AdWest Quick Facts pour l'année 2005, qui donne la liste de tous les journaux en Alberta. Ce serait une très bonne liste d'envoi pour les partis politiques, d'ailleurs. Cette liste inclut-elle les journaux autochtones, tels que Windspeaker? Qui les dessert?
M. Holmes : Qui dessert la presse ethnique?
Le sénateur Carney : Qui dessert la presse ethnique? Qui dessert les Autochtones?
M. Holmes : L'Alberta Weekly Newspaper Association ne dessert pas bien du tout la presse ethnique en Alberta. Et la raison, c'est que notre critère principal pour adhérer à l'association est que vous devez publier au moins une fois par semaine. La plupart de ces journaux ethniques ne satisfont pas à ce critère. S'ils satisfaisaient à tous nos critères, ils seraient certainement les bienvenus dans notre association.
Je pense que nous avons fait un travail plutôt médiocre dans notre association pour aller chercher les journaux ethniques en Alberta. Je dis cela, car c'est l'un de mes échecs. Nous pourrions faire davantage pour aller chercher les journaux ethniques. Cette exigence de publication au moins une fois par semaine exclut bon nombre de journaux ethniques.
Le sénateur Carney : J'ai regardé les chiffres que vous nous avez distribués concernant les parts de marché. Vous avez dit dans votre exposé que vous n'avez pas l'impression que la concentration de la propriété était un facteur en Alberta. Cependant, si vous additionnez vos chiffres de part de marché pour les quotidiens de CanWest et de Quebecor, qui publient les journaux Sun, on arrive au chiffre de 90 p. 100. Par conséquent, 90 p. 100 de la diffusion des quotidiens de la province de l'Alberta est le fait des deux grandes chaînes. Horizon et Black ont 70 p. 100 et 30 p. 100. Quatre-vingt-dix pour cent des parts du marché appartiennent à deux chaînes. N'avez-vous pas l'impression qu'il s'agit d'un marché concentré?
M. Holmes : Vous dites que 90 p. 100 des quotidiens sont contrôlés par deux chaînes. Nous sommes les hebdomadaires.
Le sénateur Carney : Je sais, mais je vous demande votre opinion. Dans votre exposé, vous ne faites aucune observation sur le problème de la concentration? Ne croyez-vous pas que c'est un facteur?
M. Holmes : Nous ne croyons pas que c'est un facteur dans l'industrie de l'hebdomadaire.
Le sénateur Carney : Pourriez-vous alors nous dire comment les Albertains sont desservis, globalement, par rapport aux chiffres que vous avez présentés? Quatre-vingt-dix pour cent du marché est détenu par CanWest et Quebecor.
M. Holmes : Je m'inscrirais en faux contre vos propos. Je ne crois pas que 90 p. 100 du marché soit détenu par CanWest.
Le sénateur Carney : Je fais l'addition. Ce sont les chiffres que vous nous avez donnés. Nous avons cette part de marché. Ces chiffres ne viennent-ils pas de vous?
La présidente : Non. Ces données proviennent du SCEP (Syndicat canadien des communications, de l'énergie, et du papier), le Moniteur Média SCEP.
Le sénateur Carney : Ils étaient avec votre documentation.
La présidente : Je ne pense pas qu'ils fassent des sondages sur la meilleure diffusion. J'imagine qu'ils l'ont obtenu de quelqu'un comme ABC et l'ont juste imprimé pour nous.
M. Holmes : Nous contestons le fait que les quotidiens détiennent 90 p. 100 de la diffusion ou du lectorat. Dans les communautés que nous desservons, nous ne constatons pas ce genre de concentration.
Le sénateur Carney : Vous avez mentionné la Presse canadienne à plusieurs reprises. Certains des journaux les plus importants, les quotidiens, nous ont dit ou ont dit publiquement que la Presse canadienne n'était plus pertinente dans leur stratégie de collecte d'information. Est-ce que les membres de votre association sont des membres de la Presse canadienne, et quelle est la pertinence de la Presse canadienne pour vos membres?
M. Holmes : Je voudrais dire qu'elle n'a pas du tout de pertinence, parce qu'elle fournirait des dépêches pour la plupart provinciales, nationales ou internationales. La plupart de nos nouvelles sont de niveau local. La plupart de nos lecteurs sont intéressés par ce qui se passe dans leur voisinage, ce qui s'est passé à la dernière réunion du conseil municipal, ce que le préposé au ramassage de chiens a fait la semaine dernière et si Marie a pris son thé avec Sally. Alors, je dirais que non, la Presse canadienne n'est pas du tout pertinente.
Le sénateur Carney : Est-ce un changement historique?
M. Holmes : Non, c'est notre tradition.
Le sénateur Merchant : Au cours de nos audiences, nous n'avons pas vu souvent de jeunes visages et nous n'entendons pas souvent de jeunes gens. Hier, nous avons pu en voir au programme de deuxième cycle de l'Université de la Colombie-Britannique. Nous avons entendu les jeunes. Ils formaient notre auditoire et participaient.
Offrez-vous aux jeunes, aux étudiants des écoles de journalisme, une forme quelconque de stage? Avez-vous des liens avec les établissements d'enseignement? Êtes-vous en mesure de payer les étudiants s'ils font un stage chez vous? Avez- vous de jeunes lecteurs? Essayez-vous d'attirer les jeunes lecteurs? Après tout, vous voulez vous perpétuer, et vous devez rejoindre les gens tôt dans leur vie afin qu'ils grandissent avec vous.
M. Holmes : Un grand nombre de journaux communautaires sont la première porte d'entrée dans le journalisme pour les jeunes diplômés des écoles de journalisme. C'est là qu'ils décrochent leur premier emploi. Ils y acquièrent de l'expérience avant de passer à d'autres domaines du journalisme, si c'est ce qu'ils veulent faire.
On admet de plus en plus que l'on peut faire toute sa carrière en journalisme communautaire, et qu'il s'agit d'un choix légitime et sensé que de passer toute sa carrière dans le secteur communautaire. Les communautés que nous représentons sont d'excellents endroits pour élever une famille. Pour ma part, si je reste dans le journalisme communautaire, c'est parce que je peux mener mon entreprise et faire un profit raisonnable pour le travail que je fais. Je peux être un élément important de mon milieu. On peut exercer une influence dans un petit milieu lorsqu'on pratique le journalisme communautaire.
Nous accueillons les jeunes journalistes à bras ouverts. Ils entrent dans nos rangs, après quoi ils passent à d'autres entreprises journalistiques. Nous collaborons également avec les écoles de journalisme qui nous envoient des étudiants dans le cadre de leur formation. Certains sont bénévoles. Certains sont obligés de faire ce stage dans le cadre de leur cours. Ils passent trois ou quatre semaines chez nous sans salaire et nous leur permettons d'acquérir de l'expérience.
De même, notre industrie emploie souvent des étudiants en journalisme l'été, et ceux-ci nous aident pendant les deux ou trois mois où ils ne sont pas dans le programme de journalisme. Souvent, les membres du personnel sont en vacances, et nous engageons ces jeunes gens pour leur donner une expérience et, essentiellement, pour nous permettre de passer la période des vacances estivales.
Le sénateur Merchant : Recevez-vous beaucoup plus de demandes des étudiants que vous n'avez de postes à offrir?
M. Holmes : Oui, c'est le cas.
Le sénateur Merchant : Quelqu'un a dit que de nos jours, les étudiants veulent commencer au haut de l'échelle et ne veulent pas vivre dans les petites localités. Cependant, vous dites que vous recevez plus de demandes que vous n'avez de postes?
M. Holmes : Il est sûr que nous recevons plus de demandes que nous avons de postes. Les candidats qui semblent nous convenir le mieux sont ces étudiants des écoles de journalisme des villes, mais qui ont des racines dans les campagnes de l'Alberta. Ils ont tendance à revenir chez nous parce qu'ils peuvent vivre au sein de nos localités, et c'est là qu'ils se sentent à l'aise. Certains d'entre eux restent et d'autres s'en vont.
Le sénateur Merchant : Savez-vous si les jeunes lisent vos journaux? Pourquoi les lisent-ils? Que mettez-vous dans vos journaux pour attirer les jeunes lecteurs?
M. Holmes : Nous faisons de grands efforts pour couvrir les nouvelles scolaires, la participation des enfants dans les activités. Je ne sais pas si quelqu'un vous a parlé auparavant de la Loi sur la liberté d'information et la protection de la vie privée. Au cours des dernières années, nous avons eu certaines difficultés d'interprétation de cette loi et cela a nui à une partie de notre couverture scolaire. Nous envoyons des reporters sur les terrains d'école avec une caméra, et voilà qu'on nous impose des restrictions. Cela a préoccupé notre industrie pendant un certain temps. Nous croyons que nous comprenons bien les choses maintenant, et nous croyons que les écoles comprennent bien ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire à cet égard.
Nous couvrons beaucoup d'activités sportives des ligues mineures. C'est là qu'on voit des enfants. Leurs parents font également partie du lectorat. Nous avons aussi les dessins, les casse-tête et autres choses du genre qui encouragent les gens sur place à lire.
Notre association de journaux a un concours annuel qu'on appelle le concours « Write-On ». C'est le moyen que nous avons pris pour faire entrer les journaux dans les écoles, et chaque journal a un gagnant. Les gagnants passent ensuite à un autre niveau de compétition. Nous avons aussi des gagnants reconnus du concours Write-On à l'échelle provinciale afin d'encourager les jeunes lecteurs et les jeunes auteurs à ce niveau.
M. Merrell : J'ajouterai une chose à propos des programmes de coopération que nous avons avec les écoles de journalisme de l'Alberta. J'ai mentionné le colloque que nous avons organisé à Calgary la fin de semaine dernière. Nous avons envoyé des invitations à tous les étudiants en journalisme de tous les collèges de la province pour qu'ils assistent à ce colloque. Nous avons eu plus de succès avec certains établissements qu'avec d'autres. Par exemple, le Souhtern Alberta Institute of Technology, ou le SAIT, depuis les 15 années que nous organisons ce colloque, nous a toujours encouragé et s'est assuré que presque tous ses étudiants y participent. Le coût de la participation est symbolique. Ils ont tous les moyens de se le permettre, donc ils viennent. Cela leur donne la possibilité de rencontrer des employeurs potentiels. Ce programme, je crois, connaît la plus forte participation de la part des étudiants en journalisme en Alberta. Je crois que cela atteint les 70 ou 80 p. 100. À leur sortie de l'école de journalisme, les étudiants finissent par obtenir leur premier emploi chez nos membres.
On surmonte ainsi la difficulté qu'il y a à convaincre les diplômés en journalisme de quitter les grands centres parce que nous sommes essentiellement situés à l'écart des grands centres. Il est un peu difficile de les convaincre parce que certains d'entre eux ont grandi dans les villes. Il n'est pas toujours facile, par exemple, d'encourager un étudiant à s'installer à Wainwright. En ce qui concerne cet établissement en particulier, c'est un des succès que nous avons eus. Il est malheureux que nous n'ayons pas le même succès avec tous les établissements.
Le sénateur Merchant : Notre quotidien à Regina offre aux étudiants un espace dans le journal une fois par semaine, pour leur permettre de commenter l'actualité. Je crois que cela s'appelle « -20 ». Ils doivent avoir moins de 20 ans. C'est un espace du journal où les étudiants peuvent publier leurs textes. Ils peuvent exprimer leurs opinions sur le mariage de conjoints de même sexe ou sur tout autre sujet qui les intéresse.
Permettez-vous aux jeunes d'écrire dans vos journaux?
M. Holmes : Dans mon journal à moi, cette offre n'est pas aussi structurée que cela. Il y a des jeunes qui écrivent à l'éditeur. C'est toujours possible de faire cela. Cependant, nous n'avons pas de cadre aussi structuré que celui que vous venez de décrire, et je ne sais pas ce qui en est chez nos autres membres.
M. Merrell : Bon nombre de nos journaux ont une formule semblable. La St. Albert Gazette a ce qu'on y appelle la « Kids' Gazette », c'est une chronique permanente. Les étudiants eux-mêmes écrivent les textes. Ils s'occupent de la publicité et produisent tout le projet, et le journal le publie. Il y a d'autres exemples de cela. Et j'aimerais qu'il y en ait plus mais, malheureusement, ce n'est pas une pratique répandue dans toute l'association.
Le sénateur Merchant : Encouragez cela autant que vous le pouvez.
Le sénateur Chaput : Je vous félicite d'avoir pris l'initiative de rendre visite à tous vos membres. Je trouve cela très bien.
Je crois savoir que, par exemple, 55 p. 100 de vos membres sont de petits journaux, et il n'y a pas plus que trois journaux qui ont le même propriétaire. Dans les 45 p. 100 qui restent, le même propriétaire peut avoir, par exemple, 10 journaux.
M. Holmes : Oui.
Le sénateur Chaput : Vous avez des journaux gratuits et des hebdomadaires à abonnement. Où trouve-t-on la plupart des journaux gratuits? Dans la catégorie des 45 p. 100 ou celle des 55 p. 100?
M. Holmes : Je crois que vous trouveriez davantage ceux qui sont payants dans la catégorie des 55 p. 100, car ceux-ci se trouvent dans des très petits marchés.
Les chaînes ont acheté la plupart des marchés de banlieue et les journaux communautaires en périphérie des zones métropolitaines en Alberta, car cela permet de réaliser des économies d'échelle dans la mesure où l'on peut se servir d'une imprimerie centrale et diriger tout un réseau peut-être même à partir du local de leur propre quotidien. Ce serait généralement les journaux à grand tirage, les collectivités grandissantes, de même qu'on trouverait davantage des journaux gratuits dans ces zones.
M. Merrell : C'est plus une question de géographie que de propriété. Un journal appartenant à une chaîne et occupant un terrain où il n'y a pas de concurrents, et si en plus il a des abonnés, les recettes proviendront alors des lecteurs. Si ce journal peut générer des recettes auprès des lecteurs, il ne deviendra pas gratuit. Seule la concurrence fait qu'un journal devient gratuit. À mon sens, c'est la concurrence qui a été à l'origine de la rivalité entre journaux gratuits et journaux payants dans notre secteur.
Le sénateur Chaput : Comme vous avez consulté tous vos membres, je suis sûr qu'ils vous ont fait part de leurs principales inquiétudes. Quelle est la différence entre les inquiétudes des petits propriétaires et des grands propriétaires?
M. Holmes : Les inquiétudes les plus vives qui m'ont été exprimées sont venues de la part du propriétaire d'un journal communautaire local. C'est quelqu'un qui s'occupe de ce journal depuis longtemps, qui est très attaché à sa collectivité et qui ne se voit pas aller ailleurs. Il se dévoue entièrement à sa collectivité. À mes yeux, cela représente un type de journalisme différent.
En ce qui concerne le journal appartenant à une chaîne, les responsabilités relatives à la gestion et à l'édition sont confiées à des jeunes, et le renouvellement du personnel est donc plus fréquent. Ces jeunes n'ont pas d'intérêt financier dans leur collectivité. Cela étant, je ne saurais vous citer d'exemples de quelqu'un qui a fait quelque chose de terrible, ni quelque chose d'excellent. Mon impression d'eux est différente. Les jeunes ont envie de gravir les échelons et voient par-delà leur collectivité leur prochain poste dans une plus grande collectivité. C'est normal. Ce n'est pas mauvais en soi, c'est tout simplement différent de ce qu'étaient les choses quand j'étais plus jeune. Cela répond-il à votre question?
Le sénateur Chaput : Oui, monsieur, tout à fait.
Qu'en est-il des salaires? Je présume que les journalistes sont mieux payés par les grands journaux que par les journaux communautaires?
M. Holmes : Dans l'ensemble, oui. Toutefois, à notre grand dam, notre secteur n'a pas la réputation d'être très lucratif. Pour ma part, je suis convaincu que nos produits sont suffisamment forts et que nous pourrions demander une plus grande part du marché de la publicité de sorte à pouvoir payer nos salaires et offrir de meilleurs salaires à nos membres. Nous devons simplement prendre conscience de notre valeur. Dans le secteur des journaux communautaires, nous sous-estimons notre propre produit. Nous pourrions par exemple le vendre à un prix plus élevé, car notre collectivité serait prête à l'acheter, et nous pourrions alors verser de meilleurs salaires. C'est quelque chose sur laquelle je travaille actuellement pour tenter de changer les choses en parlant aux gens.
La présidente : Ce serait très intéressant de voir le résultat. Vous êtes en train de chambouler des siècles de tradition. Qu'à cela ne tienne, loin de moi l'idée de vous décourager.
Nous avons parlé de données sur les tirages, et le sénateur Carney a fait allusion à CanWest et à Quebecor, lesquels contrôlent 90 p. 100 des tirages. Est-ce 90 p. 100 des quotidiens?
M. Holmes : Oui.
La présidente : Bien que ces chiffres nous soient parvenus imprimés sur une feuille préparée par quelqu'un d'autre, ils sont néanmoins comparables aux autres données que nous avons déjà vues. Si vous disposez de données différentes, veuillez nous en faire part.
M. Holmes : Je n'ai pas de raison de contester les données dont vous disposez.
La présidente : Ces données ne vous concernent pas, puisque votre journal est un hebdomadaire.
M. Holmes : C'est exact.
La présidente : Vous avez 111 membres. Savez-vous combien de journalistes sont employés par vos 111 membres?
M. Holmes : Non, je ne le sais pas. Ce n'est pas le genre d'information que nous recueillons. Cela étant, compte tenu de la taille et de la variété de nos membres, certains journaux comptent entre 10 et 15 journalistes. D'autres, en revanche, n'en ont qu'un seul qui s'occupe aussi de la vente de publicité.
Je dirige trois journaux communautaires dans ma ville. Je publie un journal le lundi, un autre le mercredi et un autre le vendredi, et j'emploie quatre journalistes à cette fin. J'ai deux rédacteurs en chef, un chroniqueur sportif et un journaliste général. J'ai donc quatre journalistes qui travaillent pour moi, s'entend des journalistes de la presse écrite, dans la ville de Wainwright, qui compte une population d'environ 5 000 habitants. Ces journalistes produisent trois journaux par semaine.
La présidente : De combien de pages?
M. Holmes : Chacun des trois journaux compte entre 24 et 32 pages par semaine.
La présidente : Ils méritent bien leur salaire?
M. Holmes : Tout à fait! Une des choses qu'on apprend en journalisme communautaire, c'est comment rédiger rapidement. C'est une excellente expérience. Nous ne consacrons pas énormément de temps à une histoire que nous couvrons. Nous trouvons les faits, puis nous publions un bon nombre de photos qui accompagnent ces faits, car c'est ce qui intéresse les gens de notre collectivité. Ils veulent voir leurs photos dans le journal.
La présidente : Quand nous parlions tout à l'heure de la présence des chaînes dans le monde des hebdomadaires, vous avez dit que la Great West Newspaper Company et une autre avaient émané de Hollinger.
M. Holmes : Oui.
La présidente : Ce n'est plus le problème de Hollinger.
M. Merrell : C'est quelque peu ambigu. À ses débuts, la Great West Newspaper Company était indépendante, et le principal concerné, Duff Jamison, est toujours propriétaire d'une bonne partie de la compagnie, mais son partenaire initial était Southern, dans un premier temps, puis c'est devenu Hollinger. Pour ce qui est de la propriété, disons que les eaux sont actuellement troubles. C'est en grande partie en raison de toute la situation de Hollinger.
M. Holmes : Southern Alberta Newspapers, qui comprend un éventail de journaux communautaires, le Taber Times, le Sunny South News de Coaldale, le Medicine Hat News et le Lethbridge Herald, appartient au Southern Alberta Newspaper Group qui a des liens avec M. Radler.
La présidente : Merci infiniment. Votre exposé fut fascinant. Nos prochains témoins nous attendent patiemment, mais sachez que votre témoignage a été extrêmement intéressant et utile.
M. Holmes : Nous voulons vous remercier infiniment de cette occasion de nous entretenir avec vous. Nous espérons que notre comparution pourra vous aider dans vos travaux.
La présidente : Elle a été très utile.
Je voudrais maintenant demander à notre prochain témoin, M. Ross Mayot, de se présenter. Nous attendons avec un vif intérêt ce que vous avez à nous dire. Vous avez la parole.
M. Ross Mayot, vice-président, Administration et affaires commerciales, Access Media Group : Madame la présidente, monsieur le vice-président et honorables membres du comité, je m'appelle Ross Mayot. Je suis vice- président et responsable de l'Administration et des affaires commerciales pour le groupe Access Media, propriétaire et titulaire de la licence d'ACCESS, la télévision éducative de l'Alberta. Je voudrais vous remercier de nous avoir donné l'occasion de contribuer à votre étude importante et opportune sur la radiodiffusion et les médias d'information au Canada.
Comme vous le savez, cette année, l'Alberta célèbre sont centième anniversaire en tant que province au sein de la fédération canadienne. Nous saluons le comité pour ses efforts visant à recueillir les opinions de l'Ouest canadien sur le sujet de votre étude.
Je voudrais commencer par vous confier quelque chose : ACCESS n'offre pas de bulletin d'information et ne s'occupe pas du tout d'actualité. Cela dit, nous estimons que les programmes présentés sous forme de nouvelles, d'actualité, d'affaires publiques ou d'informations font tous partie d'un modèle de programmation qui a pour but d'informer les téléspectateurs sur le monde qui les entoure, que ce soit au niveau local, national ou mondial. ACCESS, à titre de diffuseur à vocation éducative, occupe un créneau important au sein de ce modèle grâce à ses émissions d'information et d'affaires publiques qui offrent aux Albertains un service qu'aucun autre diffuseur albertain n'offre, ce qui nous permet de jouer un rôle unique en son genre au sein du système de radiodiffusion canadienne. Permettez- moi de vous parler un peu d'ACCESS.
ACCESS est la télévision éducative provinciale de l'Alberta, la seule autorité en la matière telle que définie dans la Loi sur la radiodiffusion.
Il y a dix ans, notre société, ACCESS Media Group, qui appartient majoritairement à CHUM Ltd., a soumis un plan au gouvernement provincial et s'est engagé à sauver et à revitaliser la télévision éducative dans cette province. Nous avons donc converti une chaîne publique en chaîne privée. À l'époque, elle était la seule, et continue d'être la seule, télévision éducative provinciale dont les propriétaires et les exploitants sont du secteur privé. Notre modèle d'entreprise et notre licence octroyée par le CRTC sont fondés sur un partenariat public-privé unique en son genre avec le ministère de l'Éducation de l'Alberta.
ACCESS ne reçoit aucune subvention de l'État. En revanche, les ministères sont nos clients, et nous avons des contrats de services en bonne et due forme avec eux. Ces contrats génèrent environ la moitié des recettes d'ACCESS, l'autre moitié provenant d'activités commerciales, essentiellement la publicité et les commandites. Cela dit, nous ne passons pas de publicité commerciale durant les heures d'antenne consacrées aux émissions du ministère ou aux émissions destinées aux enfants d'âge préscolaire, ce qui représente près de la moitié de notre programmation.
Nous sommes convaincus que la télévision éducative peut et devrait être un outil accessible, pertinent et utile pour les apprenants quels que soient leur âge et leurs intérêts, et qu'elle peut servir à faire efficacement la promotion de l'apprentissage toute la vie durant. Nous sommes convaincus qu'ACCESS en a fait la preuve au cours des dix dernières années. En 2004, il ressortait d'un sondage public que 87 p. 100 des Albertains considéraient que les émissions d'ACCESS étaient éducatives, divertissantes et informatives.
Nous avons rendu la télévision éducative plus contemporaine, populaire et vitale, et ce faisant, nous avons renforcé sa capacité à soutenir et à promouvoir une culture d'apprentissage en Alberta. Nous avons adopté une position connue de tous les bons éducateurs, à savoir que l'on peut entretenir une relation saine entre une éducation de qualité et du divertissement de qualité. Les deux ne sont pas mutuellement exclusifs. Peut-être Marshall McLuhan avait-il expliqué la situation en termes beaucoup plus éloquents en disant ceci : « Ceux qui font une distinction entre l'éducation et le divertissement ne connaissent rien ni à l'un ni à l'autre. »
Nous avons mis les recettes de la publicité au service de l'éducation, mobilisé des fonds de l'extérieur de la province pour contribuer à financer la production indépendante en Alberta et avons considérablement accru la contribution du système d'enseignement officiel.
Nous avons également réduit de manière notable le coût de service jadis assumé par les contribuables, et nous avons élargi notre champ d'action de manières qui contribuent à la santé éducative, sociale et économique de la province.
En faisant front sur ACCESS, nous avons bâti, et ne cessons de bâtir, un secteur de l'apprentissage national prospère, qui possède plusieurs chaînes de télévision : Canadian Learning Television, Book Television et CourtTV Canada, toutes des chaînes accessibles partout au pays.
En outre, nous dirigeons une société de distribution d'émissions éducatives qui s'appelle Distribution ACCESS; une école pour l'éducation permanente et l'épanouissement personnel qui s'appelle The Learning Annex; ideaCity, une conférence annuelle sur le pouvoir des idées. Toutes ces activités contribuent à notre capacité à mieux respecter les engagements que nous avons pris envers la province de l'Alberta.
Nous avons constamment accru le nombre et la variété de téléspectateurs, et nous avons même réussi à interpeller un segment démographique traditionnellement abandonné par la télévision éducative, soit le groupe d'âge entre 18 et 49 ans. Nous avons donc captivé l'auditoire des jeunes et des moins jeunes, et nous avons ajouté à cela plus de poids en attirant les téléspectateurs de 18 à 49 ans, segment démographique crucial pour la réussite de toute stratégie d'apprentissage permanent. L'essentiel de notre horaire, y compris les séries dramatiques et les longs métrages, est lié à des cours ou à des priorités du ministère de l'Éducation, et nous entretenons des relations de travail avec pratiquement la totalité des 26 établissements postsecondaires de l'Alberta.
ACCESS travaille sans relâche à demeurer pertinente et utile pour tous les apprenants, y compris les enfants d'âge préscolaire, au profit desquels nous avons maintenu une télévision éducative hors pair ainsi qu'un bloc quotidien d'émissions de qualité sans publicité. Les émissions de langue, les études autochtones, la famille et le mode de vie, la santé et les personnes âgées ainsi que les télécours portant sur un vaste éventail de sujets font tous partie de notre programmation régulière. À cela s'ajoutent des émissions stimulantes pour les apprenants adultes qui ne sont peut-être pas officiellement inscrits à des cours, mais qui néanmoins veulent utiliser la télévision éducative comme moyen de s'instruire tout en se divertissant.
De plus, fait important pour nous et pour les éducateurs de l'Alberta, nous avons compris l'impact de la convergence technique et les potentialités qu'elle offre pour l'éducation. Nous avons continué d'évoluer et de nous adapter à l'ère numérique pour faire en sorte que notre contenu soit utile et accessible dans divers formats, que ce soit la radiodiffusion, le multimédia ou les larges bandes. C'est dire que nous sommes en train de changer avec le changement des impératifs, des priorités et des capacités techniques des éducateurs, des apprenants et de la société dans son ensemble.
Informer et engager nos téléspectateurs constitue une priorité pour nous. Nous produisons, achetons et diffusons des émissions qui aident les gens à comprendre davantage les causes, l'impact et l'importance des enjeux et des événements qu'ils ont peut-être vus dans des bulletins d'information sur d'autres chaînes. Notre but est de diffuser des émissions qui encouragent les gens à apprendre et à être actifs, à comprendre les enjeux sociaux comme l'intimidation, la violence familiale, la diversité culturelle et les relations raciales, à assimiler et à respecter le changement scientifique, historique et social, à s'exprimer, à lorgner de nouveaux intérêts et à comprendre la valeur de l'alphabétisation, y compris la sensibilisation médiatique et le développement de la petite enfance.
Fournir un contexte propice à l'apprentissage est un rôle de première importance pour ACCESS et pour la télévision éducative. C'est quelque chose qui, à notre sens, renforce le sentiment de citoyenneté et encourage les gens à être actifs dans leur propre vie et au sein de leur propre collectivité.
À titre d'exemple, dans notre émission quotidienne, en direct et interactive d'une heure qui s'appelle Help!tv, les tendances du marché de l'emploi et des informations à jour, la santé mentale et physique, les carrières, la diversité culturelle, le leadership, les avancées technologiques, le bénévolat, les sources d'assistance, ainsi que toute une palette d'autres sujets, sont autant d'éléments qui font partie de notre programmation quotidienne.
Par ailleurs, dans notre série hebdomadaire primée Careers TV, nous parcourons le pays afin de couvrir des questions d'ordre professionnel et éducatif, les tendances professionnelles et commerciales, et nous avons même un segment consacré aux carrières et aux vocations non classiques qui s'intitule « Off The Beaten Path ».
Speakers Corner est une autre de nos émissions hebdomadaires qui permet aux Albertains d'exprimer leurs points de vue sur des questions et des événements d'importance pour eux. Ils nous racontent l'actualité.
Que ce soit Business In The New Economy, émission produite en association avec l'Université Athabasca, Living Literacies, produite avec le concours du Collège Frontier et de l'Université York, ou Memory Project, produite en association avec l'Institut Dominion, mettant en vedette d'anciens combattants canadiens racontant des histoires remarquables et souvent héroïques à leurs compatriotes, notamment les jeunes Canadiens, toutes ces émissions reflètent la contribution singulière d'ACCESS à la programmation informative en Alberta et dans le système de radiodiffusion canadien.
En bref, voilà un aperçu d'ACCESS.
Le comité nous avait posé un certain nombre de questions, ayant trait pour la plupart aux enjeux entourant les médias d'information. Comme nous ne produisons pas d'émissions d'information, nous pensons que d'autres sont mieux placés que nous pour vous parler de l'état des médias d'information au Canada. Cela étant, en guise d'observation générale, nous vous dirons que nous pensons que, comme il ressort d'ailleurs de la recherche faite par le comité, a priori, les Canadiens jouissent d'un plus grand accès à une grande diversité de sources d'information locales, nationales et internationales que du temps du rapport du sénateur Davey il y a quelque 35 ans.
Nous adhérons également aux affirmations faites dans le rapport interne du comité, à savoir que les Canadiens sont bien servis en ce qui a trait à la qualité et à la quantité d'informations qu'ils reçoivent par rapport à d'autres pays. Mieux encore, les bulletins d'information sont certainement plus hétérogènes et représentatifs sur le plan culturel que par le passé.
Nous croyons que nous devons lever notre chapeau à Citytv à Toronto qui a été à l'origine de ce changement sur le plan national.
À cet égard, les politiques, la réglementation et la législation actuelles semblent raisonnablement bien servir l'intérêt public. Une des choses dont nous ne voyons pas la nécessité, et nous pensons pas non plus que cela servirait davantage l'intérêt public, c'est l'augmentation du nombre de propriétaires étrangers de médias canadiens.
Le comité avait posé une question sur le rôle des radiodiffuseurs publics canadiens à la lumière des changements massifs survenus dans le paysage de la radiodiffusion au cours des 25 dernières années. Je suis sûr que vous avez déjà entendu beaucoup de témoignages à propos du rôle de la SRC, et nous n'avons rien de nouveau à ajouter à cela.
Toutefois, nous connaissons bien la télévision éducative et la situation de la diffusion publique éducative. Notre président, Ron Keast, moi-même et d'autres membres de notre équipe avons plusieurs années d'expérience en télévision éducative, publique et privée — en fait, quelques dizaines d'années.
Comme vous le savez, aucun diffuseur éducatif public n'a l'obligation de diffuser des informations en vertu d'un mandat du gouvernement provincial ou d'une licence délivrée par le CRTC. Nous avons rencontré nos collègues de la télévision éducative de l'Association des télédiffuseurs éducatifs du Canada, l'ATEC, et autant que nous sachions, ils ne s'intéressent nullement à la diffusion de bulletins d'information. Étant donné le niveau de financement actuel, nous pensons que c'est une attitude raisonnable.
Toutefois, tout comme nous, ils produisent, acquièrent et diffusent une excellente programmation d'affaires publiques et d'information et ils apportent une contribution appréciable à notre système de diffusion. L'année dernière, par exemple, nous avons acquis en commun avec d'autres télédiffuseurs éducatifs l'exceptionnelle série Canada : A People's History pour la diffuser et la distribuer sous forme de cassettes dans les écoles de l'Alberta.
Il est évident que les contraintes financières que subissent les télédiffuseurs éducatifs qui comptent sur un financement public sont le reflet des pressions générales exercées sur le Trésor public. Il va falloir trouver le moyen de faire face à ces contraintes et de démontrer aux bailleurs de fonds et au public qu'une telle dépense permet d'obtenir des ressources rentables, pertinentes et éducatives et par conséquent, qu'elle mérite un financement permanent à même les deniers publics.
Vous comprendrez que nous appuyons vigoureusement le partenariat secteur public/secteur privé en télévision éducative. Nous avons fait la preuve en Alberta que cela fonctionne et que cela pourrait convenir à d'autres provinces. Depuis quelques années, nous avons rencontré les autorités de certaines provinces pour discuter de notre modèle et il leur appartient de décider des méthodes à retenir pour appuyer et faire prospérer les services publics de télévision éducative.
Comme nous l'avons signalé au départ, nous pensons que la télévision éducative a joué un rôle particulier et important dans le réseau de diffusion canadienne et cela se poursuit avec le recours à la télévision et d'autres technologies d'apprentissage qui constituent une ressource utile et accessible pour un apprentissage traditionnel et moins traditionnel.
Madame la présidente, avec cela, nous terminons notre exposé. J'espère qu'il sera utile aux travaux du comité et je répondrai volontiers à vos questions.
La présidente : C'est un modèle unique. On ne doit pas s'étonner qu'en Alberta on trouve des modèles uniques dans toutes sortes de domaines.
Le sénateur Trenholme Counsell : La télévision éducative me tient particulièrement à cœur car récemment, je me suis consacrée énormément à l'apprentissage de la petite enfance et aux questions reliées à la famille. Votre œuvre est importante, intéressante et probablement innovatrice à certains égards. Vous avez environ 10 ans d'existence.
C'est tout à fait louable mais vous oeuvrez en Alberta et l'Alberta a des ressources que d'autres régions du Canada n'ont pas. Ce type de télévision existe également en Ontario. Je suis du Nouveau-Brunswick. Pouvez-vous me présenter une perspective nationale de ce genre de programmation télévisuelle éducative? Pouvez-vous me dire ce que vous envisagez pour l'avenir à l'échelle nationale?
M. Mayot : Il existe des services de télévision éducative publics et financés à même les fonds publics en Colombie- Britannique. Le réseau de la connaissance de l'ouest, qui fait partie de la Open Learning Agency, diffuse en Colombie- Britannique.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-il financé à même des fonds publics?
M. Mayot : Oui. ACCESS est une société privée qui bénéficie d'un partenariat public en Ontario. TVOntario exploite TVO, le réseau de langue anglaise et TFO, le réseau de langue française. Tout cela est public. Télé-Québec est le diffuseur au Québec et SCN le diffuseur éducatif en Saskatchewan.
Nous nous occupons de télévision éducative depuis 1974 et nous avons eu des liens avec tous ces diffuseurs, en tant que collègues, de sorte que nous sommes bien au courant de l'excellent travail qu'ils font. À notre avis, cela continue d'être un travail important.
La télévision éducative ne s'adresse pas uniquement aux jeunes. Nous avons essayé, avec ACCESS, d'offrir un contenu et de jouer un rôle positif pour l'apprentissage permanent. Pour cela, il nous faut avoir des téléspectateurs dans le groupe d'âge 18-49, sinon l'essence même de la notion d'apprentissage permanent disparaît.
Quand j'étais à TVOntario, nous disions : « Notre auditoire, ce sont les enfants d'âge préscolaire et nous avons l'exclusivité. » À partir de l'âge de 8 ans, ils regardaient plutôt Homer Simpson et The Simpsons. Ainsi, ils étaient perdus pour nous jusqu'à ce qu'ils aient leur propre famille et qu'ils regardent Elwy Yost et Saturday Night at the Movies. Entre les deux, il y avait un grand écart parce que la télévision éducative n'intéressait pas le groupe de téléspectateurs âgés de 18 à 49 ans.
Nous avons relevé ce défi en tâchant d'être plus populaire. Nous ne voyons rien de honteux ou d'inquiétant à essayer d'attirer ce groupe en lui offrant une programmation populaire, parce qu'une fois cela fait, nous pouvons les attirer vers l'apprentissage permanent et la façon de s'inscrire à un cours. Établir des rapports entre l'instruction et la carrière, ce genre de messages, n'est possible que si l'auditoire nous est déjà acquis.
Le sénateur Trenholme Counsell : Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Mayot : À propos de l'avenir de la télévision éducative, j'ajouterai que nous avons constitué un service national de télévision éducative, le CLT, Canadian Learning Television, essentiellement parce que les services provinciaux étaient incapables pour des raisons politiques et de partage des compétences de se réunir pour offrir un service national, mais cela n'a pas été facile. Pour constituer ce service éducatif national, nous avons dû mener des luttes juridiques et de réglementation. Nous pensons que c'est un élément important pour garantir que de Terre-Neuve à Victoria et jusque dans le Grand Nord, on puisse compter sur un service éducatif qui fait la promotion uniforme de l'apprentissage permanent et qui offre un contenu à cette fin.
Pour ce qui est de l'avenir de la télévision éducative en général, nous espérons évidemment qu'elle sera maintenue. Nous avons établi toutes sortes de partenariats. Malgré des différences dans les modèles financiers, nous avons en commun la même mission. Nous abordons la politique publique avec les yeux du secteur privé. Ailleurs, on le fait avec les yeux du secteur public. Nous voulons que cela continue.
Le sénateur Trenholme Counsell : Télé-Québec est-il public?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Tout comme SCN, n'est-ce pas?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que tout votre financement privé vient de CHUM?
M. Mayot : CHUM Ltée est le principal actionnaire. CHUM détient 60 p. 100 des intérêts. Il y a d'autres actionnaires minoritaires et notre président est Moses Znaimer, bien connu pour ses initiatives avec Citytv et au sein de l'entreprise CHUM.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je m'inquiète de ce que le Manitoba et les provinces de l'Atlantique ne puissent pas compter sur ce genre de service. Comment le Canada se compare-t-il à d'autres pays en matière de télévision éducative?
M. Mayot : Si l'on s'en tient aux services qui existent dans quatre provinces, je pense que le Canada est dans une situation très honorable. Nos diffuseurs éducatifs gagnent des prix de par le monde pour leur production. Aux États- Unis, ils sont recherchés par les autres services de type PBS. Nous pouvons compter sur un marché solide pour ce que nous produisons. Les États-Unis achètent notre programmation.
Il n'existe pas d'autre modèle comme ACCESS. Les autres modèles sont publics. Aux États-Unis, par exemple, on offre des services spécialisés sur des chaînes comme The Learning Channel, A & E, Discovery, National Geographic, et une grande partie du contenu de ces chaînes était autrefois l'apanage de la télévision éducative. On a donc reconnu la valeur de cette programmation mais ces chaînes n'offrent pas de véritables services éducatifs. Elles n'ont pas de relations avec les universités, les collèges et les instituts techniques.
La présidente : Et pour y avoir accès, il faut payer, n'est-ce pas?
M. Mayot : Oui. Il faut effectivement payer pour avoir accès à des chaînes par le câble ou par satellite.
Le sénateur Trenholme Counsell : Votre service est-il le seul qui permet à un étudiant de suivre des cours de niveau universitaire ou collégial grâce à la télévision?
M. Mayot : Le Knowledge Network, SCN et TVOntario, dans une certaine mesure, ont des relations avec les écoles, et cela est en train de prendre de l'ampleur.
TVOntario, pendant un certain temps, s'est détourné de cela, mais depuis quelques années, on le réintègre pour en faire une part importante de la mission de la société qui est d'entretenir des liens avec non seulement le niveau postsecondaire mais également de la maternelle à la 12e année.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous servez-vous des productions américaines?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Dans quelle proportion?
M. Mayot : Les conditions de notre licence, puisque nous sommes à toutes fins pratiques un diffuseur commercial, exigent que notre programmation quotidienne soit à 60 p. 100 canadienne mais en fait, nous utilisons des productions américaines, britanniques, australiennes et d'autres.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pour 40 p. 100, n'est-ce pas?
M. Mayot : Jusqu'à 40 p. 100, oui.
Le sénateur Trenholme Counsell : Quelle proportion de vos émissions pour enfants est-elle canadienne?
M. Mayot : Environ 90 p. 100. Le Canada a une solide réputation pour la production d'une programmation préscolaire de qualité.
La présidente : Je sais que mes enfants préféraient The Polka Dot Door à Sesame Street.
Le sénateur Chaput : Vous parlez des émissions en langue seconde à la page 4 de votre exposé. En quelle langue sont- elles?
M. Mayot : Nous en avons de toutes sortes. Il y en a un certain nombre diffusées le jour. Il y en a également pendant le week-end.
Le sénateur Chaput : Est-ce que c'est orienté vers l'école également? Par exemple, les écoles d'immersion ont-elles accès aux émissions en français que vous offrez?
M. Mayot : Oui, tout à fait. Nous offrons des émissions en français, en espagnol, en allemand et en diverses autres langues.
Le sénateur Chaput : Je viens du Manitoba où la télévision éducative n'existe pas et je vois ce qui se passe ici en Ontario. Accepteriez-vous des partenariats avec d'autres provinces?
M. Mayot : Absolument. Comme je l'ai dit brièvement, au fil des ans, nous avons eu des discussions avec les autorités provinciales, y compris celles du Nouveau-Brunswick, sur la façon dont ce modèle secteur privé/secteur privé permet d'obtenir un service de qualité en utilisant le capital du secteur privé, et des capitaux du secteur public mais dans une proportion moindre, pour offrir un service de télévision éducative de qualité.
Selon nous, ce modèle est très fonctionnel et efficace. À en juger par la réaction de notre public ici en Alberta, ce modèle est extrêmement attrayant car la contribution publique est beaucoup plus faible qu'elle ne le serait d'ordinaire.
Le sénateur Chaput : Vous obtenez environ 50 p. 100 de vos revenus de la province et, au lieu de qualifier cela de subvention, la province paie votre réseau pour des services offerts dans les écoles. C'est cela, n'est-ce pas? La province vous achète les services?
M. Mayot : Oui. Notre contrat vise nos activités, émissions diffusées et non diffusées. Nous avons un centre de ressources des médias qui s'occupe essentiellement du doublage de la programmation et nous achetons les droits de sorte que les écoles d'un bout à l'autre de l'Alberta y ont accès sur cassette ou, de plus en plus, sur DVD ou en ligne.
Le sénateur Chaput : À la page 3, vous parlez de la production indépendante en Alberta. Je suppose que cela signifie que des producteurs indépendants produisent des émissions pour vous. Achetez-vous également des émissions produites à l'extérieur de l'Alberta?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Chaput : Vous faites cela également, n'est-ce pas?
M. Mayot : Oui, absolument.
Le sénateur Chaput : Fixez-vous un certain pourcentage?
M. Mayot : Non. À vrai dire, nous accordons la priorité à ce qui est pertinent pour les écoles albertaines. Nous accordons la priorité aux producteurs indépendants albertains. Environ 75 p. 100 de notre budget de production, de notre budget pour les nouvelles émissions, est consacré aux producteurs indépendants.
Le sénateur Eyton : Ai-je raison de penser que ACCESS, du moins dans sa première incarnation, était propriété publique et que c'est seulement il y a 10 ans que l'entité est devenue propriété privée financée par le secteur privé?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Que s'est-il passé alors? S'agissait-il tout simplement d'une politique provinciale? CHUM Ltée, la famille Waters, est bien connu pour le sérieux de sa gestion, et je suis curieux de savoir pourquoi cela les a intéressés.
M. Mayot : Vers 1993, le gouvernement de l'Alberta a décidé de quitter le secteur de la télévision. Il s'occupait de la télévision éducative et il a annoncé qu'il allait cesser, et qu'il ne la financerait plus. Le gouvernement a demandé au conseil d'administration d'étudier la possibilité de solutions de rechange.
Grâce aux anciennes relations de Ron Keast avec la télévision éducative et grâce aux miennes, nous connaissions très bien cette communauté. Nous avons décidé de ne pas laisser ce service disparaître et nous avons donc proposé notre propre plan, notre propre modèle financier. Nous avons dit au conseil que nous pourrions l'aider à rester dans le domaine de l'éducation par le biais des nouvelles technologies d'apprentissage mais qu'il n'aurait plus à s'en charger. Nous leur avons dit que cela coûterait beaucoup moins cher et que le rayon éducatif serait beaucoup plus large grâce à nos moyens.
Le conseil a accepté cette proposition et l'a transmise aux responsables politiques. Ce modèle a plu au cabinet. Le gouvernement de l'époque a appuyé notre demande de licence auprès du CRTC. Nous étions les premiers. C'était quelque chose de tout à fait nouveau par rapport à la politique courante tant pour le gouvernement que pour le CRTC.
Le sénateur Eyton : Les actionnaires y trouvent leur compte?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Pourriez-vous me dessiner le profil des sources de recettes pour ACCESS sur une base annuelle? Par exemple, avez-vous des recettes publicitaires?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Des contributions?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Des fonds gouvernementaux?
M. Mayot : Oui. C'est un service intégré. Il y a ACCESS, Canadian Learning Television et Book Television, tous basés à Edmonton, donc ces chaînes sont plus ou moins regroupées, ce qui nous permet des économies d'infrastructure et de coûts. Les recettes d'ACCESS sont d'un peu moins de 10 millions par an, dont environ la moitié correspondent à des contrats avec les ministères du gouvernement. Le reste des recettes est pratiquement couvert par la publicité et le parraine des programmes.
Le sénateur Eyton : Si j'ai bien compris une de vos réponses précédentes, vos coûts sont inférieurs à ce chiffre, vous faites donc un petit bénéfice.
M. Mayot : Oui, un petit bénéfice. Lorsque nous avons lancé ce service, nous ne faisions pas de bénéfice, mais depuis cinq ans nous donnons la preuve que ce modèle fonctionne tant sur le plan financier que sur le plan, tout aussi important, éducatif. Aujourd'hui, nous faisons un bénéfice. Pour certains diffuseurs commerciaux, cela ne suffirait peut-être pas, mais nous faisons un bénéfice.
Le sénateur Eyton : Puisque c'est un succès, savez-vous s'il y a d'autres modèles de ce genre dans d'autres régions du Canada?
M. Mayot : Il y a quatre ou cinq ans, il en a été vaguement question en Ontario, où il s'agissait encore une fois de l'éventualité de privatisation d'une entreprise publique. L'Ontario avait envisagé de privatiser TVOntario. Nous leur avons fait part de notre expérience. Plus récemment, le gouvernement de Colombie-Britannique a envisagé de dissoudre le Knowledge Network ou de réfléchir à des modèles financiers qui reposeraient sur d'autres sources que des fonds publics. À ma connaissance, la Colombie-Britannique continue de réfléchir à cette idée. Ils n'ont pas encore pris de décision.
Le sénateur Eyton : Vous avez parlé de relations avec d'autres services analogues. Puis-je en déduire que la coopération entre eux est bonne?
M. Mayot : Nos responsables de la programmation se réunissent pour étudier les possibilités d'achats groupés car, pour être franc, l'éducation au Canada est fort balkanisée. Toutes les provinces défendent jalousement leur juridiction. Même s'il y a beaucoup de points communs, il reste toujours des silos qui font obstacle à la coopération.
Un producteur peut commencer dans l'est et venir dans l'ouest pour essayer de vendre une série d'émissions. Il peut trouver des acheteurs individuels. Cependant, si nous pouvons trouver des émissions du genre que tous les radiodiffuseurs éducatifs voudront acheter, le prix diminue et le coût est plus largement partagé. Certains de nos collègues ont fini par l'accepter.
Le sénateur Eyton : Est-ce que CLT est l'un des outils utilisés?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Y a-t-il débordement aux frontières?
M. Mayot : Mon espoir est de partager les auditoires et de les conserver. Lorsqu'il y aura 120 canaux, il faudra que les cinq ou six chaînes éducatives coopèrent. Il faut créer une masse critique d'auditeurs et de téléspectateurs pour que la télévision éducative ne disparaisse pas. S'ils nous connaissent, ils en connaîtront forcément d'autres comme CLT ou le Knowledge Network. Nous sommes un élément infime de cet univers.
Le sénateur Eyton : Mais vous travaillez ensemble.
M. Mayot : Oui. Un des objectifs de notre stratégie est de multiplier les efforts de coopération.
Le sénateur Eyton : Qu'aimeriez-vous lire dans notre rapport sur la télévision éducative?
M. Mayot : Qu'elle continue d'exister et qu'elle ne soit pas un simple canal parmi tant d'autres car la télévision éducative a pour mission d'être une ressource d'apprentissage et le champion de l'éducation permanente. C'est une question qui concerne tout le Canada. Il n'y a pas beaucoup de supports nationaux ou provinciaux qui peuvent véhiculer ce message au public. Nous, nous le faisons et toute l'aide que vous pourrez nous apporter à véhiculer ce message sera des plus appréciée.
Le sénateur Munson : J'habite en Ontario et je suis un téléspectateur assidu de TVO. Vous avez parlé de coopération. Est-ce que les programmes produits par TVO ont une chance d'être diffusés sur ACCESS?
M. Mayot : Certainement. Nos responsables de la programmation se rencontrent dans les foires consacrées à la télévision et ils discutent. Ils se connaissent tous entre eux. Ils voient ce qui est disponible et si le prix est juste, ils achètent et ils vendent.
Le sénateur Munson : Vous avez acheté des émissions produites en Ontario sur, par exemple, le nord de l'Ontario ou les Autochtones, et vous les avez montrées à vos téléspectateurs en Alberta, n'est-ce pas?
M. Mayot : Oui. Monsieur le sénateur, de plus en plus de projets reposent sur la coproduction. Il n'est plus question d'acheter ou de vendre simplement des produits finis. La coproduction est devenue une réalité, qu'elle soit le fait de producteurs indépendants ou de producteurs maison. Il arrive qu'on nous dise : « Nous avons l'intention de produire cette série. Est-ce que cela vous intéresserait de la coproduire, de nous aider à la produire plutôt que d'acheter le produit fini? » C'est de plus en plus fréquent.
Le sénateur Munson : Je trouve fascinant ce maillage éducatif à l'échelle du pays. J'aimerais beaucoup voir une émission en provenance de l'Alberta diffusée sur TVO.
M. Mayot : Moi aussi.
Le sénateur Munson : Quelle est votre part de marché?
M. Mayot : La part qui est toujours revenue traditionnellement à la télévision éducative, mais ce n'est pas la même chose du côté canadien que du côté américain. Cela représente moins de 5 p. 100. Cela ne bouge pas beaucoup que cela soit notre modèle ou un autre.
Le sénateur Munson : Quelle est la recette de Speakers Corner?
M. Mayot : Il faut une unité vidéo mobile qui permet à tout le monde de parler à la caméra. Nous l'installons dans les mails, dans les écoles, dans les centres communautaires. Il nous arrive de proposer un thème. Cependant, c'est Speakers Corner, ce qui veut dire que vous pouvez monter sur votre boîte à savon et dire ce que vous voulez à la caméra. Nous regroupons toutes ces interventions et chaque semaine nous créons une émission d'une demi-heure sur ce que les Albertains ont à dire. Ils peuvent râler, louer ou parler d'une question qui les intéresse ou qui est, à leur avis, ignorée. C'est notre manière de donner directement la parole au public.
Le sénateur Munson : CTV avait essayé mais il semblerait qu'il n'arrivait pas à trouver suffisamment de points de vue divergents, ils ont donc abandonné. L'expérience a été très courte.
M. Mayot : Il est certain que cela ne rapporte pas gros, mais c'est une dimension de communication importante pour nous.
Le sénateur Merchant : Quand programmez-vous Speakers Corner?
M. Mayot : Le jeudi soir.
Le sénateur Merchant : Vous n'avez pas de problème à alimenter une émission d'une demi-heure toutes les semaines?
M. Mayot : Non. Parler longtemps ne fait pas peur aux jeunes.
Le sénateur Merchant : Apportez-vous votre participation, par exemple, à des campagnes contre l'alcool au volant ou la consommation de drogues? Au moment des élections le gouvernement du Canada fait une campagne de publicité encourageant les jeunes à voter. Est-ce que vous choisissez des événements pendant l'année pour lesquels vous essayez de solliciter la participation locale, l'encourager ou, en quelque sorte, la promouvoir? Par exemple, participez-vous aux journées consacrées aux carrières, ou laissez-vous les étudiants intervenir sur votre chaîne?
M. Mayot : Oui. Je dis quelques mots dans mon mémoire sur Careers TV et Help!tv. Help!tv est une émission quotidienne unique dans le paysage télévisé canadien. C'est une émission d'une heure, à l'heure du souper, qui aborde toutes les questions possibles et imaginables. C'est une émission en direct avec appels, courriels et télécopies en direct. Nous avons une banque de spécialistes de toutes les questions qui participent à chaque émission. Cette émission aborde tout. Elle peut être consacrée entièrement à la toxicomanie; aux brimades; à l'obésité ou à toute question sociale. Elle invite les téléspectateurs à appeler et à s'exprimer, à dialoguer avec les spécialistes. Ceux qui veulent parler d'obésité peuvent le faire en toute candeur et en privé. Les conseils qui leur sont donnés par les spécialistes le sont hors antenne. Les spécialistes les aident en les informant sur les ressources disponibles.
Help!tv est une émission pleine d'énergie et de rythme destinée au jeune public. Elle leur parle de leurs problèmes dans une langue qu'ils comprennent, dans un format qui leur convient, et c'est un véhicule remarquable pour ce genre de questions. Il y a toutes sortes de médecins, de travailleurs sociaux et de spécialistes qui participent à ces émissions.
Le sénateur Merchant : Pouvez-vous mesurer votre audience?
M. Mayot : Oui. Nous mesurons notre audience. Encore une fois, le taux est loin d'atteindre celui de America's Funniest Videos mais nous avons un bon auditoire compte tenu de la nature de nos émissions et de la valeur des messages adressés aux jeunes et aux moins jeunes.
Le sénateur Merchant : Vous vendez des écrans de publicité?
M. Mayot : Oui, il y a de la publicité dans cette émission.
Le sénateur Merchant : Est-ce que vous essayez consciemment d'éviter certains types de publicité puisque votre objectif est d'atteindre tous les niveaux d'âge, mais dans le contexte de la télévision éducative? Par exemple, d'aucuns n'admettent pas la présence dans les hôpitaux de McDonald ou de stands de beignets puisque les hôpitaux sont censés promouvoir des habitudes alimentaires saines. Je sais que nous n'avons pas le droit d'interdire aux gens de manger ce qu'ils veulent et que c'est à eux de prendre leur décision. Est-ce que malgré tout vous faites des efforts pour éviter de faire passer certaines publicités à certaines heures de la journée?
M. Mayot : Comme condition de l'attribution de leur licence, tous les diffuseurs doivent respecter des codes de publicité qui indiquent ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Je ne prétendrai pas que nous sommes plus diligents que d'autres radiodiffuseurs. C'est possible, mais il est impossible de le mesurer.
Nous réglons ces problèmes au niveau du contenu éditorial de ces émissions. Nous prenons des engagements vis-à- vis de certaines questions mais nous n'assujettissons pas la publicité à notre philosophie car, pour être honnêtes, nous avons besoin de ces recettes de publicité.
Le sénateur Merchant : Vous pourriez avoir une émission sur les acides gras trans suivie de publicité sur les produits de restauration rapide.
M. Mayot : Je n'ai pas connaissance d'exemple de ce genre, mais c'est possible, oui.
Le sénateur Merchant : Pour un enfant de 4 ou 5 ans, cela peut poser des problèmes de compréhension.
Le sénateur Munson : Je prête mon concours à Ottawa : l'amie de la jeunesse. Une conférence antibrimade a été organisée à Ottawa en mars au cours de laquelle nous avons entendu plusieurs conférenciers, y compris Peter Yarrow de Peter, Paul and Mary, le trio de chanteurs. Je viens d'envoyer des messages à TVO. Je trouve que participer est très inspirant car j'adore les programmes éducatifs. Ils ont un côté positif et des conséquences positives sur la vie des autres.
M. Mayot : Une conférence analogue a été organisée ici à Edmonton, en Alberta, en juin ou juillet de l'année dernière. Nous avons été les seuls à la télédiffuser intégralement.
Le sénateur Eyton : Je trouve votre programmation et ce que vous faites fascinant. Les particuliers peuvent-ils financer certains de vos programmes, et le font-ils?
M. Mayot : Sous forme de parrainage?
Le sénateur Eyton : Oui, c'est une forme de parrainage.
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Ce n'est pas vraiment de la publicité?
M. Mayot : Non. Le programme du parrainage a été l'image de marque de la télévision éducative qui ne présente pas de publicités. C'est le modèle qu'a utilisé PBS aux États-Unis. La télévision éducative au Canada présente à ses téléspectateurs un message du genre : cette émission vous est présentée grâce à un tel ou un tel, ou a reçu l'appui notamment de la société X.
Le sénateur Eyton : Est-ce que c'est tout?
M. Mayot : Oui.
Le sénateur Eyton : Est-ce qu'il peut s'agir de personnes?
M. Mayot : J'aimerais que des personnes se présentent en se disant prêtes à s'associer avec nous pour permettre la diffusion d'une émission. Mais cela n'arrive jamais.
Le sénateur Eyton : Je pensais en particulier à Calgary, qui est une ville prospère. On trouverait un certain nombre de personnes de bonne volonté, ayant parfaitement réussi dans la vie, qui seraient prêtes à faire quelque chose.
M. Mayot : Jusqu'à maintenant, des fondations nous ont accordé des parrainage, mais pas des personnes.
La présidente : Est-ce que vous acceptez la publicité destinée aux enfants?
M. Mayot : Non.
La présidente : Quel est le seuil critique?
M. Mayot : Le seuil critique est fixé par les conditions de la licence qu'impose le CRTC à tous les radiodiffuseurs. Dans notre cas — et ce n'est pas une condition, c'est une exigence de notre part, un choix délibéré — aucune de nos émissions pour enfants ne contient la moindre publicité.
La présidente : Je suppose que le reste de votre programmation a quand même certaines retombées.
M. Mayot : Nous avons très peu d'émissions de ce genre. La nature des émissions que nous présentons en journée et en soirée ne se prête pas à la publicité de Cheerios ou des jouets pour enfants.
La présidente : Vous dites que vous n'êtes pas dans la nouvelle à proprement parler. Cependant, à vous écouter, je me souviens que dans les années 80, la formule à la mode, c'était « de la musique et des nouvelles ». Vous ne présentez pas de nouvelles. Vous ne transmettez jamais les discours politiques de l'heure. Vous n'avez pas de journal télévisé quotidien. Cependant, vous diffusez Help!tv, Careers TV et Speakers Corner. Vous avez même des émissions d'affaires. C'est le genre de choses auxquelles s'intéressent de près les organismes de nouvelles. Je ne me plains pas de la quantité de nouvelles qu'on nous propose. J'essaye de voir où il faut placer la limite. Quand on essaye de comprendre le monde de l'information, c'est là un élément à prendre en considération.
Est-ce que vous envisagez de pénétrer davantage la scène des affaires publiques avec des tribunes à caractère politique comme celles que proposent TVOntario et Télé-Québec?
M. Mayot : Je comprends ce que vous dites, c'est effectivement un spectre. Où commence un élément et où finit l'autre? Je disais que nous ne faisons pas de nouvelles et nous ne préparons pas de journal télévisé, comme on dit dans le monde de la télévision commerciale, pas plus que de collecte de l'information. Je parle ici du domaine de la télévision. Nous n'intervenons pas dans le domaine des nouvelles. Nous ne nous y intéressons pas. C'est une activité qui coûte cher. À notre avis, ce n'est pas un domaine auquel la télévision éducative doit s'intéresser, c.-à-d. au côté éphémère des nouvelles d'aujourd'hui, de demain ou d'après-demain.
Notre objectif est d'aider les gens à comprendre ce qui se passe, à se sensibiliser et cela comprend toutes sortes d'émissions, sur la santé, les sciences, l'histoire ou la médecine légale.
Je ne prétends pas que nous sommes meilleurs que ceux qui présentent des émissions de nouvelles. Je dis simplement que nous pouvons nous concentrer sur un autre créneau, conformément à notre mandat, qu'il est important de proposer nos émissions aux Canadiens et aux Albertains, et on ne peut donc pas parler d'un domaine qui commence où un autre finit. Nous ne faisons pas de nouvelles. Nous n'avons pas de bulletin de nouvelles à 18 heures, à 22 heures pas plus qu'à 23 heures. Nous avons des émissions d'information, mais d'un autre genre.
Quant à une intrusion dans les affaires publiques pour présenter une émission du genre Studio 2, comme TVOntario, nous ne le souhaitons pas. Pour cela, il faudrait des ressources considérables. Studio 2 est une émission excellente, mais coûteuse. Elle a commencé lorsque j'étais à TVOntario, mais c'est un projet qui coûterait cher pour une petite station au budget de neuf ou dix millions de dollars comme ACCESS.
La présidente : Merci.
M. Mayot : Le plaisir était pour moi.
La présidente : J'aimerais demander à Rebecca Aizenman de s'avancer.
Soyez la bienvenue au comité. Je vais vous demander de parler pendant quatre minutes, puis nous vous poserons des questions.
Mme Rebecca Aizenman, à titre personnel : Je tiens à remercier le comité de donner la parole à la population de cette ville. Il est rare que de simples citoyens aient l'occasion d'exprimer leur point de vue à des comités officiels du gouvernement, et je vous remercie donc de me permettre de le faire, et je vous en félicite.
J'aimerais parler des normes et responsabilités des médias écrits en prenant quelques exemples précis trouvés dans les journaux, dont la lecture est un de mes passe-temps favoris. Je suis abonnée à trois journaux de Calgary, dont la lecture m'occupe une bonne partie de la journée. J'essaye d'en tirer l'essentiel.
J'aimerais également aborder certaines omissions et certains exemples du journalisme télévisuel tel qu'il s'est récemment manifesté en Asie du Sud-Est.
Le lendemain de la catastrophe d'Asie du Sud-Est, l'État d'Israël a fourni un avion d'EL AL tout équipé qui s'est rendu dans la zone du sinistre. On a aperçu furtivement l'équipement avant le départ de l'avion. Le reportage a été présenté pendant quelques secondes à la télévision de CBC. Il n'a jamais été rediffusé.
Il y a quelques semaines, quelqu'un a porté un problème à mon attention. L'information provenait du site Internet de B'nai Brith aux États-Unis. L'État d'Israël a envoyé 80 tonnes de nourriture et de fournitures dans une certaine région. Je crois que c'était à Ache, dans le nord-ouest de l'Indonésie. La presse canadienne n'en a jamais parlé. J'ai parcouru le Globe and Mail, le National Post et, bien sûr, le Calgary Herald. Ils n'en ont jamais parlé. Le tout petit pays d'Israël fait ce qu'il peut pour aider d'autres pays à survivre, et les médias nationaux n'en parlent pas, alors que vous posez une question concernant le rôle des médias dans la compréhension des relations internationales. À vous de juger.
J'aimerais maintenant parler des normes de la presse écrite. Je suis abonnée au Globe and Mail depuis 35 ans. J'étais autrefois éducatrice, et le Globe and Mail m'a servi de référence dans mes études canadiennes il y a plusieurs années. Si le Globe and Mail en parle, c'est que c'est vrai; c'est exact. Le Globe and Mail a été très rarement poursuivi pour avoir publié des articles inexacts ou inconvenants, ou pour avoir présenté quelqu'un de façon désobligeante. Je vous dis cela parce que le Globe and Mail fixe la norme du journalisme écrit dans ce pays. Je ne pourrais pas vivre sans lui. Je félicite également le National Post pour son cahier sur les affaires. On y trouve des faits exacts, bourrés d'informations, et ce journal fixe lui aussi la norme. Je ne parlerai pas de son contenu éditorial, car c'est là la prérogative de chaque journal. Cependant, j'aimerais parler de la presse écrite locale, si vous voulez bien m'accorder quelques instants supplémentaires.
Au début des années 70, la commission Davey a parcouru le pays pour étudier la presse écrite. Même à l'époque où Parker Kent signait l'éditorial du Calgary Herald, c'était un excellent journal local. Je ne l'aurais sans doute pas classé parmi les dix premiers journaux canadiens, mais c'était un bon journal.
Je suis née à Calgary. J'ai vu ce journal se transformer pour se consacrer aux paillettes et au tape-à-l'oeil. À mon avis, il ne peut plus servir de source de nouvelles faisant autorité. Il se flatte de rejoindre les couches populaires de la population de Calgary et traite essentiellement de vie quotidienne et de loisirs. Pendant une semaine, on a eu une série sur les spas de Calgary ou sur la façon de faire mieux que Martha Stewart. Je n'invente rien de cela. Ce n'est pas de l'information.
Je ne peux pas citer de référence mais, il y a quelques années de cela, une étude qui a été faite a démontré que les gens qui lisent les médias imprimés sont des électeurs beaucoup plus informés que ceux qui regardent la télévision. Cependant, il y a 10 ans de cela, la télévision était une excellente source journalistique. Les reportages de M. Don Murray sur la Chine ont suscité un intérêt sans précédent. Toux ceux qui ont regardé ces deux émissions avaient envie de sortir de chez eux et de se renseigner sur la Chine. Il a établi ce faisant une norme journalistique pour ses collègues.
La présidente : Est-ce que je me trompe en disant qu'il s'agissait en fait de Patrick Brown?
Mme Aizenman : Vous avez raison.
La présidente : J'ai regardé ces émissions, et je suis d'accord avec vous pour dire qu'elles étaient parfaites. On avait dit tant de choses ces soirs-là.
Le sénateur Munson : On dirait qu'il y a de moins en moins de journalistes affectés à la couverture de la scène nationale. Lorsque j'étais reporter à Ottawa, le Calgary Herald y avait un reporter chargé des affaires nationales. Entrevoyez-vous ici une pente savonneuse où les journaux à but lucratif font entendre moins de voix dans une démocratie?
Mme Aizenman : Oui, je le crois. Encore une fois, mon cadre de référence est ici. Pour obtenir des nouvelles d'Ottawa, je dois lire autre chose que mon journal local. Je suis peut-être une aficionado de la politique, même j'aime savoir ce qui se passe dans mon pays.
Je mentionne un autre exemple de bon journalisme imprimé, madame la présidente, hier le Globe an Mail a publié une pleine page en primeur sur la manière dont les députés fédéraux allaient voter dans le débat sur le mariage gai. C'était de l'excellent journalisme d'enquête. Cela doit nous servir de référence future, et nous verrons comment les choses se seront passées lorsque le vote ultime aura lieu. Pour moi, c'est à cela que servent les reportages de fond. Au niveau local, j'ai peine à trouver des reportages de fond.
Sans les journaux nationaux, je ne saurais pas ce qui se passe. Je regarderais la télévision, mais je crois que le journalisme imprimé doit vous donner des renseignements de fond. Ce n'est peut-être pas rentable, mais quelle est la raison d'être d'un journal? J'ai l'habitude de chercher dans les journaux pour trouver des nouvelles afin de savoir ce qui se passe dans le pays.
Le sénateur Munson : Soit dit en passant, lorsque nous étions à Vancouver hier, j'ai lu le Vancouver Sun, et je n'y ai pas trouvé un seul article sur l'étranger.
Mme Aizenman : C'est bien ce que je dis.
Le sénateur Trenholme Counsell : On nous a dit à maintes reprises à Vancouver qu'on ne couvre pas ou à peu près pas l'assemblée législative provinciale. Qu'en est-il de la situation en Alberta?
Mme Aizenman : Lorsque l'assemblée siège, il y a une couverture parce que ce sont les grandes nouvelles qui nous proviennent d'Edmonton. Quand l'assemblée ne siège pas, on en parle peu, mais cela dépend des questions du jour. Ce qui pose la question de savoir comment on rapporte les nouvelles. Il y a des moments où il y a lieu de croire que le journal local est un instrument de la division des communications du gouvernement parce qu'il privilégie une certaine orientation. Il y a au moins un chroniqueur dont les chroniques sont très mordantes, et celles-ci sont toujours favorables au point de vue gouvernemental, ce à quoi on peut répondre en écrivant à la rédaction. Je ne vois pas ce genre de choses dans le Globe and Mail. C'est une observation personnelle.
La présidente : J'ai l'obligation de signaler qu'il n'entre pas dans les attributions d'un comité du Sénat de dire aux journaux quel doit être leur parti pris politique. Votre perspective en tant que résidente de Calgary et lectrice de journaux nous importe, mais ne vous attendez pas à ce que nous produisions un rapport où nous dirions qu'un certain journal ne devrait pas employer tel ou tel chroniqueur.
Mme Aizenman : Je comprends cela. C'est seulement mon point de vue. C'est pour cette raison qu'on lit d'autres journaux, pour obtenir un autre point de vue, et il n'y a rien de plus instructif que d'apprendre d'un journal national des choses qui se passent en Alberta.
La présidente : Merci beaucoup.
À tout hasard, je dois vous dire que, le lendemain, j'ai appris cette histoire à propos des 80 tonnes d'Israël. Je ne me souviens pas comment je l'ai appris, mais le fait est que je l'ai appris. Je savais qu'Israël avait fait un effort massif, immédiat, pour une population qui est la même que celle de mon secteur du Grand Montréal. C'était très impressionnant, et j'ai noté cela. Quelqu'un m'en a parlé.
Le sénateur Merchant : J'étais au courant aussi. Je ne sais pas où je l'ai vu, mais je l'ai vu. Il se peut que je l'aie vu à la télévision américaine.
La présidente : J'aimerais vous donner la référence, mais j'en suis incapable. Je sais que j'étais au courant. D'une manière ou d'une autre, la nouvelle sort, si cela peut vous rassurer.
Mme Aizenman : Je vous remercie de m'avoir écoutée.
Le sénateur Merchant : Il se peut que je l'aie vue sur CNN parce que je zappe tous les postes américains.
Mme Aizenman : La nouvelle provenait de sources américaines.
Le sénateur Merchant : Je crois que vous avez raison.
La présidente : Merci beaucoup.
Je vais maintenant demander à M. Oscar Fech de s'avancer.
M. Oscar Fech, à titre personnel : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. J'étudie l'histoire mondiale. J'ai parcouru plus de 50 pays. Je me suis présenté comme député provincial deux fois, et je trouve affreux que les médias ne parlent pas de vraie justice et d'équité. J'ai été en quelque sorte interdit de télévision, des journaux et du Calgary Herald. Je pourrais vous en parler longtemps.
Le fait est que j'ai rencontré M. Gorbachev. J'ai rencontré George Bush père ici même, dans cet hôtel. Je m'intéresse en quelque sorte à la politique. J'ai rencontré le sénateur Hays au congrès ici à Calgary, et j'ai également parlé au sénateur Michael Kirby. Il a parlé des soins de santé. Je lui ai dit qu'à mon avis, il y a tellement de conditionnement médiatique partout qu'il nous faut revenir aux vraies choses, et exiger une vraie reddition de comptes en toute chose.
Il me semble qu'avec la mondialisation, nous vivons exactement comme les gens à l'époque de l'empire romain. Nous sommes tous manipulés. Nous devons nous défendre. Moi je me défends. J'ai été harcelé et mon téléphone est mis sur écoute. C'est terrifiant. Nous vivons dans un monde que l'on dit démocratique mais qui ne l'est pas. Ce n'est pas le cas. Nous vivons dans une dictature mondiale, et il faut y mettre fin. Si nous ne faisons rien, nous ne sauverons l'environnement. Nous ne faisons rien pour les pauvres, les sans-abri et les nécessiteux. Les médias n'en parlent pas. Une seule chose les intéresse, c'est faire de l'argent, et cela est mauvais.
J'ai fait passer une annonce à propos de ma campagne, juste une petite annonce, et il m'en a coûté 3 000 ou 4 000 $. C'est du vol de grand chemin. Il vous en coûte 200 et quelques dollars pour deux lignes. J'ai écouté les débats dans la tribune de la Chambre des communes et du Sénat. Si nous ne commençons pas tous à nous défendre, à lutter pour la vraie justice, l'équité, notre société va imploser. Les médias ne s'en préoccupent pas beaucoup. L'argent est leur seule préoccupation, semble-t-il. Il en était ainsi à l'époque de l'empire romain.
Nous avons tous des ancêtres. L'origine de ma famille remonte à la famille des Tsars qui gouvernait la Russie. Nous sommes tous aux États-Unis et au Canada depuis 300 ans. Au début, nous étions Italiens, Français, Espagnols et Allemands. Je dis ce que je pense et, comme je l'ai dit, je suis harcelé. C'est terrifiant. Nous vivons dans un pays démocratique, mais il n'y a pas de liberté ici. On m'a empêché d'aller au micro, et on m'a dit parfois : « Oscar, tu n'as pas le droit de poser des questions. »
Le sénateur Hays sait cela aussi. Je le connais depuis des années. J'ai rencontré Brian Mulroney, et j'ai assisté à certaines séances. Je n'essaie pas de vous impressionner. J'énonce simplement les faits.
Le fait est que nous devons tous nous défendre, que nous soyons sénateurs, députés provinciaux, fédéraux ou autre chose. C'est une poignée de gens qui gouvernent le monde, et tout le problème est là. C'était la même chose à l'époque de l'empire romain. Nous revenons à l'époque de Sodome et Gomorrhe.
Quand on supprime la morale, tout implose, et cela peut arriver plus tôt qu'on ne le croît. Les gens ont peur de parler, et je les comprends. Des gens m'ont dit : « Oscar, j'aime ce que vous faites. Vous prenez la parole et vous dites la vérité. » Des femmes et des hommes m'ont dit : « J'ai dit ce que je pensais et j'ai été congédié, et j'ai des enfants à nourrir. »
En votre qualité de sénateur, votre priorité est de légiférer sur ce que les médias peuvent et ne peuvent pas faire. La principale raison pour laquelle je dis cela, c'est qu'ils doivent rendre des comptes.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Fech. Avant de demander aux sénateurs s'ils ont des questions, je tiens à vous remercier pour ces bonnes paroles à propos du sénateur Hays, notre président. J'ajoute qu'il ne rate jamais une occasion de nous dire quelle merveilleuse province est l'Alberta.
Avez-vous entendu l'exposé du Conseil de presse de l'Alberta?
M. Fech : Oui.
La présidente : Est-ce le genre de mécanisme que vous aviez à l'esprit lorsque vous avez parlé de « reddition de comptes »?
M. Fech : Exactement. Je comprends.
La présidente : Vous êtes-vous déjà adressé au conseil de presse?
M. Fech : J'ai parlé aux médias. Ils m'ont dit : « Oscar, nous écoutons ce que vous dites. » J'envoie quelque chose et on épure mon texte. On ne vous fera pas de place sur les ondes. On vous filme. Ils disent : « Oscar, vous dites des choses que nous ne voulons pas faire connaître, parce que vous croyez dans la vérité, la justice et l'équité, et cela ne passe pas. »
J'ai rencontré M. David Asper à Calgary lorsque je me suis présenté aux élections provinciales. J'ai dit à M. Asper : « Le maire chez nous ne veut pas de débat. C'est vous le patron. Pourquoi ne dites-vous pas à vos journalistes qu'un débat doit avoir lieu? » Il a répondu : « Oscar, allez parler à mes journalistes. ». Vous voyez, c'est ce que je dis.
Le sénateur Carney : Très peu de citoyens sont venus nous parler. Vous n'êtes que deux ici. À Vancouver, ils étaient 17.
Comment avez-vous entendu parler de notre audience, ou comment avez-vous su qu'il vous était permis de venir nous parler?
M. Fech : Je n'aurais pas su si je n'avais pas lu le journal. J'ai découpé l'annonce dans le Calgary Herald.
Le sénateur Carney : Le Calgary Herald en a parlé?
M. Fech : Oui.
La présidente : Nous avons fait mettre une annonce dans le Calgary Herald, comme nous l'avons fait dans d'autres journaux. Ils en ont peut-être parlé aussi, je l'ignore, mais nous avons mis une annonce.
Le sénateur Carney : C'est grâce à la publicité. Le témoin précédent hoche la tête. Il est très encourageant de voir qu'il valait la peine de payer pour mettre l'annonce. On nous critique parfois parce qu'on dépense de l'argent pour faire connaître le Sénat, mais si c'est la seule façon de rejoindre le public, c'est très encourageant de voir cela. J'aimerais seulement vous écouter plus longtemps.
M. Fech : J'aimerais faire une autre observation. Les médias de l'Alberta forment une seule grande famille, et cela ne me plaît pas.
La présidente : Il s'agit en fait de deux grandes familles.
Je tiens à expliquer aux deux citoyens qui se sont présentés ici — et nous vous sommes reconnaissants de vous être déplacé — que si je vous interrompt après un bref moment, c'est parce que nous tâchons de traiter sur le même pied tous les citoyens partout au pays. C'est la formule sur laquelle nous nous sommes entendus. Si j'étais un citoyen qui s'était présenté à Vancouver et qui s'était fait couper la parole après quatre minutes, je serais furieuse d'apprendre qu'on a donné beaucoup plus de temps à quelqu'un d'autre.
Nous vous sommes reconnaissants d'être ici aujourd'hui et nous espérons que vous avez à la fois été intéressés et encouragés en nous écoutant aujourd'hui. Si vous avez d'autres réflexions, n'hésitez pas à nous les communiquer par écrit. Nous vous serions reconnaissants de toute contribution supplémentaire. Nous espérons que, quand vous verrez notre rapport définitif, vous approuverez le travail que nous nous efforçons de mener à bien.
M. Fech : Serait-il possible d'obtenir un exemplaire du rapport?
La présidente : Il n'a pas encore été rédigé, mais nous avons votre adresse, la vôtre, monsieur Fech, et la vôtre, madame Aizenman.
M. Fech : Battez-vous pour la vérité, la justice et l'équité.
La présidente : Oui.
Sénateurs, cela conclut notre réunion.
La séance est levée.