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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 10 - Témoignages du 8 février 2005


OTTAWA, le mardi 8 février 2005

Le Comité sénatorial des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 34 pour étudier le projet de loi C-4, Loi de mise en oeuvre de la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles et du Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Sénateurs, monsieur McArdle, je vous souhaite la bienvenue. J'inviterai notre témoin à présenter sa déclaration, après quoi il répondra aux questions.

[Français]

M. Jim McArdle, chef des services juridiques, Exportation et développement Canada : J'aimerais remercier votre comité d'avoir invité EDC à témoigner ce matin et à donner son point de vue sur le projet de loi C-4.

[Traduction]

D'entrée de jeu, j'aimerais faire observer qu'EDC s'intéresse au projet de loi C-4. En effet, nous profiterons de la mise en œuvre de la Convention par le Canada puisqu'elle incitera d'autres pays à faire de même et que nous en profiterons lorsque nous offrirons, dans ces pays, du financement à l'égard d'aéronefs.

Dans cette perspective, j'appuierai mes observations sur l'expérience d'EDC en tant qu'institution possédant un important portefeuille de prêts et de crédits-bails lié à des achats d'aéronefs dans de nombreux pays, plutôt que de mettre l'accent sur les aspects particuliers du projet de loi. Nous croyons en effet que l'expérience d'EDC dans ces pays peut aider à comprendre comment les financiers non canadiens verront le Canada puisqu'ils financeront l'achat d'aéronefs au Canada.

J'aimerais vous présenter d'abord un bref aperçu d'EDC et du rôle que nous jouons pour aider les exportateurs et investisseurs canadiens à soutenir la concurrence dans l'économie mondiale actuelle.

[Français]

EDC est une société d'État mère constituée en société en vertu d'une loi du Parlement — la Loi sur le développement des exportations — et est l'organisme officiel de crédit à l'exportation du Canada. À ce titre, EDC fonctionne comme une institution financière et fournit une vaste gamme de services de financement du commerce extérieur et de gestion des risques aux exportateurs et investisseurs canadiens, souvent en partenariat avec le secteur privé, afin de les aider à livrer concurrence et a réussir à l'échelle internationale.

[Traduction]

Les produits et services d'EDC appartiennent principalement aux grandes catégories suivantes : assurance-comptes clients, assurance et cautionnement de contrat, assurance-risques politique, investissement en capital-actions et financement, dont le financement de projets.

EDC exerce ses activités de manière autonome, générant un revenu suffisant pour protéger ses actifs et appuyer sa croissance future. Elle ne dépend pas des recettes fiscales ni des deniers des contribuables pour son fonctionnement et ne reçoit aucun crédit budgétaire. Nous comptons plutôt sur les intérêts et les commissions que nous percevons des emprunteurs, sur les primes que nous exigeons sur nos produits d'assurance ainsi que sur l'intérêt que nous gagnons dans nos investissements pour couvrir nos frais d'exploitation et pour améliorer notre capacité financière, ce qui nous permet d'appuyer un plus grand nombre d'exportateurs et d'investisseurs canadiens.

Depuis sa création, EDC a dégagé un profit tous les ans sauf un. En 2003, EDC a accordé pour 51,9 milliards de dollars canadiens de services de financement du commerce international et de gestion des risques, dans 173 pays et territoires, afin de financer ou d'assurer des ventes à l'exportation ou des investissements à l'étranger de 7 000 sociétés canadiennes. Les données pour 2004 sont en train d'être compilées, mais elles devraient être semblables.

EDC possède une expérience considérable dans le secteur de l'aéronautique dans plusieurs pays, allant des États- Unis à l'Argentine en passant par les Maldives. C'est peut-être cette expérience qui nous donne une perspective assez unique au Canada sur les avantages de la Convention, et l'incidence qu'aurait sa ratification, au Canada et ailleurs, sur les prêteurs de ce secteur. Comme je l'ai indiqué, EDC espère que la ratification de la convention par le Canada encouragera d'autres pays à faire de même.

La ratification par d'autres pays, en particulier ceux dont les lois sur la faillite ne sont pas très développées et dont les transporteurs aériens demandent du financement à EDC pour appuyer l'achat de produits aéronautiques canadiens, sera avantageuse pour EDC.

[Français]

À l'heure actuelle, le portefeuille de prêt et de crédit-bail des aéronefs de EDC se concentre principalement aux États-Unis et touche des transporteurs certifiés dans ce pays assujettis au Code sur la faillite des États-Unis. Étant donné l'état actuel de cette industrie, EDC a pu mesurer l'efficacité des dispositions pertinentes de ce code, l'article 1110 étant la principale d'entre elles pour les prêteurs qui financent l'achat d'aéronefs.

[Traduction]

Un peu comme c'est le cas au Canada, lorsqu'un transporteur aérien se trouve en situation d'insolvabilité, il peut demander à être protéger de ses créanciers durant une période dite de suspension, conformément au chapitre 11 du Code. En l'absence d'une disposition comme le paragraphe 1110, le transporteur aurait le droit de rester en possession des aéronefs et de tout autre actif, et de les utiliser, sans être tenu de verser des paiements au prêteur durant cette période pendant laquelle il élabore une proposition de restructuration.

Par conséquent, la valeur de garantie de l'aéronef déclinerait probablement durant cette période d'utilisation sans paiement. Malheureusement, cela veut dire que les prêteurs ne sont pas autant assurés de posséder une bonne garantie, qui peut être réalisée en cas d'insolvabilité.

Le paragraphe 1110 modifie tout cela pour les transporteurs aériens « certifiés » et place le prêteur qui peut invoquer cette disposition dans une position prioritaire. Même durant les périodes de suspension, si un créancier le demande, le transporteur insolvable doit faire un choix qui s'applique après la période prescrite de 60 jours. Il doit choisir entre : i) remédier au manquement existant et s'engager à se conformer à l'avenir à toutes les obligations énoncées dans le contrat pertinent; ou ii) restituer immédiatement l'aéronef au prêteur.

Le paragraphe 1110 assure la clarté, la protection et un régime prévisible pour les créanciers de transporteurs aériens américains insolvables et donne aux prêteurs une plus grande assurance de posséder véritablement une garantie sur l'aéronef. Les dispositions de la Convention accorderaient des avantages semblables aux créanciers de transporteurs aériens des pays qui adopteraient la Convention. Ce sera très avantageux pour les prêteurs des transporteurs aériens, car un grand nombre de ces pays ne disposent pas actuellement d'un régime de la faillite développé et l'application de leur loi sur la faillite et de leur système judiciaire n'est pas aussi prévisible.

Les dispositions de la Convention profiteront à EDC même pour les aéronefs basés aux États-Unis, car elles permettront d'inscrire une « garantie internationale », ce qui protégera la position d'EDC lorsque l'aéronef visé est exploité ailleurs qu'aux États-Unis dans un pays visé par la Convention. La Convention de Genève actuelle ne fournit pas une protection suffisante dans ce domaine et n'a pas été adoptée par de nombreux pays.

De plus, la Convention porte non seulement sur les droits de reprise mais aussi sur d'autres aspects comme l'établissement d'un registre international où pourront être inscrites les garanties détenues dans un aéronef, pas seulement les privilèges, ce qui règlera les problèmes de mise en état de droits de radiation de l'immatriculation, grâce à des autorisations qui permettront aux créanciers de radier l'immatriculation de l'aéronef.

Je le répète, nous croyons que l'adoption du projet de loi C-4 par le Canada servira de catalyseur pour d'autres pays qui envisagent d'adopter la Convention ou sont en train de le faire. Pour que la Convention entre en vigueur, l'article 28 exige que huit pays l'aient ratifié. Je crois comprendre que cinq pays l'ont déjà fait — le Panama, l'Éthiopie, le Nigeria, les États-Unis d'Amérique et le Pakistan. Par conséquent, la mise en œuvre au Canada au moyen du projet de loi C-4 réduira le nombre d'autres pays qui devront adopter le traité avant qu'il puisse entrer en vigueur.

L'application du projet de loi C-4 selon la « variante A » de la Convention servira de point de repère pour d'autres pays, ce qui renforcera l'adoption de cette variante, conforme à la pratique aux États-Unis (qui prévoit une période de suspension fixe de 60 jours). Et cela réduit la discrétion judiciaire dans l'établissement des conditions pouvant permettre à un créancier de reprendre possession de l'aéronef.

Bien qu'il soit difficile de déterminer jusqu'à quel point l'adoption de la Convention par un pays sera avantageuse, concrètement, la Convention uniformisera les exigences de plusieurs pays relatives à la reprise de possession, ce qui accroîtra la prévisibilité et la fiabilité du processus. Cette amélioration variera cependant d'un pays à l'autre, selon l'état actuel des recours juridiques et des systèmes judiciaires.

L'adoption de la Convention dans certains de ces pays pourrait également avoir des répercussions sur les décisions de crédit — la décision de participer ou non au financement d'un aéronef au moyen d'un prêt ou d'un crédit-bail dans un pays donné. EDC envisage actuellement une transaction avec un transporteur aérien établi au Pakistan qui a adopté la Convention. Par conséquent, la position de garantie d'EDC sera améliorée, ce qui atténuera certains des risques liés à une transaction dans un pays de ce genre lorsque la Convention entrera en vigueur.

Je n'ai pas d'observation importante à faire sur le libellé des modifications proposées dans le projet de loi C-4, mais je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.

Le sénateur Phalen : Pourquoi les modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité sont-elles nécessaires?

M. McArdle : Actuellement, la loi permet un sursis, comme cela se produirait aux États-Unis s'il n'y avait pas le paragraphe 1110, et ce sursis empêcherait les prêteurs d'accéder à l'aéronef durant la période du sursis, ce qui réduirait la valeur de la garantie.

La modification proposée à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité permettra à l'emprunteur de choisir s'il désire conserver l'aéronef et le conserver et s'acquitter des paiements de la dette ou de le rendre immédiatement. La disposition de sursis ne s'appliquerait pas à l'emprunteur dans une telle situation. Cela nous donnerait une position privilégiée.

Le sénateur Phalen : Pourquoi était-il nécessaire de modifier la loi de la protection de la Loi sur les faillites pour nous aligner avec les États-Unis?

M. McArdle : Les financiers qui ont fait du financement des aéronefs et d'autres financements liés à des garanties aux États-Unis et qui utilisaient le paragraphe 1110 ont trouvé qu'il était très stable et prévisible et important pour eux, car il leur permet de prêter à une compagnie aérienne qui n'a pas une bonne cote de crédit, contrairement à ce qu'il est nécessaire habituellement. Si l'on peut prendre comme garantie le bien et que l'on sait que l'on peut récupérer ce bien et le revendre ou le prêter à une autre compagnie, c'est beaucoup plus facile de faire une transaction. S'il faut se fier uniquement sur le crédit d'une compagnie aérienne, c'est une autre histoire; il s'agit d'un prêt non garanti.

Aujourd'hui, un bon nombre de compagnies aériennes ne pourraient obtenir du financement aux États-Unis sans cette disposition.

Le sénateur Phalen : De quelle manière la Convention aiderait-elle les pays en développement et les compagnies canadiennes à faire des affaires dans ces pays?

M. McArdle : La Convention aiderait les pays en développement pour la principale raison que les lois sur la faillite de ces pays ne sont pas bien faites et ne sont pas stables. Lorsque vous faites un prêt à une compagnie dans ces pays, il est difficile de prendre une garantie sur un bien et même de se fier à la valeur de cette garantie. En réalité, vous faites un prêt non garanti, alors il faut souvent une garantie du gouvernement de ce pays en développement pour qu'un prêteur conclue un marché. Si la Convention était adoptée par ce pays, les prêteurs se sentiraient plus à l'aise, car les biens seraient protégés et accessibles.

En ce qui concerne les exportateurs, il est très difficile actuellement pour un exportateur de trouver un acheteur qui peut se permettre d'acheter un aéronef, à moins que cet acheteur soit lié avec le gouvernement ou possède une société- mère située à l'extérieur du pays et qui peut le soutenir, et dans ce cas, il faudrait tout de même une garantie.

Par exemple, si l'on prend la situation actuelle au Pakistan, la seule manière de conclure un marché est que le gouvernement garantisse ce marché. Si un aéronef était donné en garantie, nous pourrions peut-être soutenir la vente de Bombardier grâce à des garanties et accepter le risque que prend la compagnie, en sachant que nous pourrions récupérer l'aéronef.

Le sénateur Forrestall : Je ne sais pas pourquoi nous sommes chargés d'étudier quelque chose comme cela. Cela devrait être fait par des avocats.

Je suis curieux de savoir quel serait l'impact. Étant donné que j'ai déjà utilisé un aéronef pour garantir des prêts, je suis au courant de certains problèmes. J'aimerais savoir s'il y a une couverture complète et universelle et, par exemple, si le Québec approuve cela. Est-ce que le Québec serait prêt à laisser tomber sa compétence?

M. McArdle : D'après ce que je comprends de la Convention, chaque pays qui l'adopte doit ensuite conclure des marchés avec l'organisme fédéral, la province ou l'État, c'est-à-dire l'entité qui a le droit d'adopter des lois sur les garanties. Au Canada, ce droit revient en grande partie aux provinces.

Si le Canada adopte la Convention et crée un registre international, les provinces devront alors adopter les lois nécessaires pour mettre en place les lois et les dispositions qui refléteraient la Convention. En Ontario, il y a la Loi sur les sûretés mobilières, qui ne prévoit aucune protection ou de traitement préférentiel pour les prêteurs, comme cela se produirait si la Convention était adoptée par le Canada et si l'Ontario modifiait ses lois pour permettre son application dans la province.

Pour que ça fonctionne bien à l'échelle du Canada, il faudra harmoniser les lois provinciales et fédérales.

Le sénateur Forrestall : Est-ce qu'on pourrait voir un peu plus en détail où nous en sommes avec les provinces?

M. McArdle : Je ne suis pas très au courant de la situation. Je crois que l'Ontario et la Nouvelle-Écosse ont dit qu'elles étaient en train d'effectuer les changements nécessaires, mais les autres provinces n'en sont pas encore là. Il y a eu énormément de consultations avec elles, et leur appui est apparemment ce qui a motivé ce changement.

Le sénateur Nolin : J'aimerais corriger un détail et, comme vous êtes avocat, je suis sûr que vous voudrez rectifier l'information que vous avez donnée selon laquelle les provinces n'ont pas de pouvoirs délégués leur permettant de légiférer en matière de garanties, mais qu'elles ont des pouvoirs autonomes et fondamentaux.

M. McArdle : Oui, merci de me l'avoir fait remarquer. Ces pouvoirs ont été répartis à parts égales au moment de la Confédération.

Le sénateur Nolin : Le fédéral a aussi le pouvoir de légiférer sur ce qui relève de leur compétence.

M. McArdle : Oui, merci.

Le sénateur Forrestall : D'après ce qu'on peut voir, le gouvernement n'a pas besoin de s'impliquer de trop près dans ce dossier. Mais en quoi est-ce une bonne chose?

Je pense en particulier à Air Canada; si nous devions réinvestir un jour dans le secteur de l'aviation, le fait de fermer des portes, par exemple, pourrait finir par compliquer les choses.

M. McArdle : Je sais qu'un représentant d'Air Canada comparaîtra plus tard au cours de la session. De notre point de vue, pour un financier qui songe à investir au Canada, chose que nous ne faisons pas beaucoup, justement parce que nous sommes d'Exportation et développement Canada, mais si nous étions un prêteur américain et que nous voulions financer Air Canada, l'adoption de cette Convention et des lois qui en découlent nous permettrait d'être beaucoup plus à l'aise puisque nous aurions davantage confiance dans les biens aéronautiques d'Air Canada. Si Air Canada ou toute autre compagnie aérienne canadienne devait se trouver encore une fois en situation d'insolvabilité, les prêteurs se sentiraient beaucoup plus à l'aise avec la compagnie aérienne concernée.

Cette fois, lorsque Air Canada s'est mise sous la protection de la LACC, la cour disposait d'une grande latitude pour déterminer comment effectuer la restructuration. Les prêteurs étaient assujettis au sursis éventuel imposé par le tribunal et devaient donc agir différemment de ce qu'ils auraient fait, par exemple, s'ils avaient été aux États-Unis.

Le sénateur Forrestall : Est-ce que ceci aura tendance à favoriser l'ouverture des marchés nationaux? Cela facilitera- t-il les investissements étrangers? Cela peut-il avoir une incidence sur les droits de propriété?

M. McArdle : Faites-vous référence aux aéronefs ou aux compagnies aériennes?

Le sénateur Forrestall : Parlons de la dette.

M. McArdle : Un des avantages réels qui profiterait aux compagnies aériennes étrangères est que les bailleurs de fonds seraient plus enclins à prêter de l'argent dans des pays où, en ce moment, il est difficile d'obtenir du financement. Dans les pays où les régimes ne sont pas très solides, les seules compagnies aériennes qui peuvent emprunter sans un appui gouvernemental sont des compagnies aux reins très solides. La Cathay Pacific et la Lufthansa en sont deux exemples.

Dans les marchés et les pays plus petits, il est difficile de faire jouer la concurrence et d'offrir aux utilisateurs des prix plus bas, et c'est un défi de taille que d'encourager l'achat d'aéronefs, canadiens ou pas, à moins que les acheteurs puissent vraiment obtenir du financement.

Je crois qu'un accès plus facile au financement encouragerait l'achat de nouveaux appareils qui seraient, entre autres, moins polluants et plus économiques.

Le sénateur Forrestall : Je voudrais revenir à ma première question. Est-ce que quelqu'un, ici, représente le gouvernement?

Quelqu'un va-t-il s'assurer que nous aurons le consentement des provinces à cet égard? Si ce n'est pas le cas, ceux qui ont besoin de financement pourraient être ralentis par des retards inutiles et indus. Comme vous le savez — et c'est vrai pour tout — le temps presse lorsqu'il est question de ce genre de financement.

M. McArdle : En effet, si nous pouvions harmoniser les lois provinciales en fonction des modifications proposées aux lois fédérales, ce serait beaucoup plus facile.

Le sénateur Forrestall : Est-ce que quelqu'un travaille là-dessus?

M. McArdle : Je crois que oui, mais EDC ne prend pas part au processus.

Le sénateur Forrestall : Qui est-ce alors?

M. McArdle : Je ne suis pas certain de qui parraine le projet de loi au Parlement, mais j'ai lu certains débats, et il est évident que plusieurs discussions sont en cours avec les provinces, ce qui est une nécessité absolue.

Le vice-président : Nous recevrons le ministre et de hauts fonctionnaires demain.

Le sénateur Forrestall : Exportation et développement Canada est-elle parfaitement convaincue que c'est un pas dans la bonne direction, que nous nous rendrons où nous aurions déjà dû être il y a de cela 15 ou 20 ans?

M. McArdle : Oui, absolument. Le financement des aéronefs au Canada sera beaucoup plus facile à obtenir. Comme on l'a mentionné, EDC croit que ces mesures inciteront les autres pays à voir les régimes sur les garanties et les faillites appliqués au Canada et aux États-Unis comme des régimes perfectionnés, à les juger d'un bon œil et à les prendre pour modèles.

Le sénateur Massicotte : Un accord international rendra les choses plus faciles pour beaucoup d'entre nous parce qu'il représente les intérêts de tous les intervenants.

Mais comment cela fonctionne-t-il? À mon avis, l'industrie du transport aérien en Amérique du Nord est déjà très lourdement endettée, ce qui explique que les taux de faillite soient aussi élevés. Je n'étais pas conscient des problèmes en matière de financement. Comment finance-t-on l'achat d'appareils aujourd'hui et pourquoi faut-il modifier le processus actuel?

M. McArdle : Depuis toujours, aux États-Unis et au Canada, le financement est accordé de façon efficiente sur le plan fiscal, sous forme de « contrats de location adossée ». Les compagnies qui réalisent des profits importants placent des fonds dans une entité ad hoc, soit peut-être l'équivalent de 25 p. 100 du prix d'achat d'un appareil. Souvent, c'est un groupe de prêteurs qui finance le reste. Cette entité ad hoc achètera l'aéronef au constructeur, si c'est un RJ de Bombardier, et paiera 100 p. 100 du prix d'achat. Elle le louera ensuite à Air Canada, par exemple, à United Airlines ou à Delta, aux États-Unis, qui signeront un bail à loyer hypernet. Cette compagine aérienne sera exploitée entretenue, assurée, et cetera, en vertu d'un bail à loyer supernet, les prêteurs seront payés et les déductions pour amortissement iront au propriétaire, tout comme un certain montant d'argent à l'échéance du bail.

Selon ce principe, Air Canada considèrera cela comme une dépense et le propriétaire comme une immobilisation qu'il pourra amortir. Les prêteurs investissent et reçoivent des garanties sur l'aéronef et sur les paiements de location.

C'est généralement la façon de faire, mais on peut aussi procéder par achat ferme avec prêt hypothécaire sur l'aéronef, exactement comme lorsqu'on achète une maison et qu'on l'hypothèque. En cas de défaut de paiement, le prêteur pourrait saisir la maison.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que c'est un abri fiscal, mais je ne vois pas en quoi.

M. McArdle : C'est parce que c'est efficient sur le plan fiscal. Vous pouvez soustraire les déductions pour amortissement des profits et payer moins d'impôts. C'est généralement ce qu'ils font aux États-Unis : l'exploitant déclare cela dans ses dépenses.

Le sénateur Massicotte : C'est plutôt courant, en quoi est-ce efficient sur le plan fiscal?

M. McArdle : En fin de compte, ça coûte moins cher à l'exploitant parce qu'on peut déprécier la valeur de l'aéronef et économiser sur les taxes. Cela permet à la compagnie aérienne d'utiliser l'argent sans payer d'intérêts dessus, ce qu'elle ne pourrait pas faire si elle devait emprunter la totalité de la somme correspondant au prix d'achat de l'appareil.

Le sénateur Massicotte : Elles pourraient se mettre sous la protection de la LACC.

M. McArdle : En effet, mais en général, les compagnies aériennes ne sont pas suffisamment rentables pour vraiment profiter de la dépréciation.

Le sénateur Massicotte : Dans les deux cas, elles ont un facteur d'endettement très élevé. Autrement dit, le prêteur finance de 75 à 85 p. 100 du prix d'achat de l'aéronef. Sur quoi porte la garantie?

M. McArdle : Elle s'applique à l'aéronef lui-même, aux moteurs, au matériel d'équipement couvert par la Convention ainsi qu'aux créances de crédit-bail et au contrat de location. Les créanciers sont assurés de recevoir l'argent directement de l'exploitant sans qu'il passe par qui que ce soit d'autre.

Le sénateur Massicotte : Si on propose ces modifications, c'est parce que les garanties actuelles ne sont pas adéquates. Du coup, les gens font beaucoup d'argent, mais les garanties ne sont pas optimales.

M. McArdle : Si le Canada adopte la Convention, deux choses changeront. Premièrement, pour qu'un aéronef bénéficie de garanties au Canada, il devra être inscrit dans chacune des provinces où il atterrira. Aux États-Unis, ils utilisent plutôt un registre central. Deuxièmement, les bailleurs de fonds seraient favorisés advenant le cas où les exploitants se retrouveraient en situation d'insolvabilité.

Comme on l'a vu avec Air Canada et aux États-Unis, certaines compagnies aériennes veulent se restructurer. Actuellement, la Loi sur la faillite leur accorde une période de restructuration pendant laquelle tous les prêteurs et les parties garanties doivent se tenir à l'écart. Ils sont tenus de respecter la période de sursis et ne peuvent saisir le bien, recouvrer les capitaux investis ou en disposer, ni céder le bien ou encore le vendre à quelqu'un d'autre.

Pendant ce temps, les transporteurs aériens sont à court d'argent et sont donc incapables d'entretenir leurs appareils comme en temps normal. Ils ne donnent pas non plus un sou aux créanciers, lesquels n'ont plus accès au bien et ne peuvent récupérer leur part du gâteau. Souvent, en particulier dans les pays en développement, l'entretien des appareils n'est pas réglementé aussi sévèrement qu'au Canada et aux États-Unis; du coup, la qualité des biens s'en trouve diminuée à la longue.

Dans ces cas, les prêteurs veulent soit récupérer l'appareil immédiatement, soit obliger l'exploitant à assurer la maintenance de l'avion et à ne pas profiter de la période de sursis. C'est la façon de faire aux États-Unis actuellement, et cela a permis à beaucoup plus de compagnies aériennes d'obtenir du financement, même si elles sont insolvables. Ainsi, même si elles sont sous la protection du chapitre 11, plusieurs compagnies aériennes continuent d'acheter des appareils et d'obtenir du financement.

Le sénateur Massicotte : Ave ces modifications, les compagnies seraient tenues de payer la location comme en temps normal et d'entretenir les appareils, en dépit du sursis accordé en vertu de la LACC.

M. McArdle : Oui, ou elles pourraient choisir de restituer l'appareil au créancier.

Le sénateur Massicotte : Les créanciers de la compagnie sont-ils avantagés par rapport aux autres prêteurs?

M. McArdle : Oui, ils le sont. Peut-être pas nécessairement en termes de paiement, mais plutôt du fait qu'ils ont accès à l'appareil. Prenons l'exemple d'un appareil qui aurait été loué à United Airlines et sur lequel nous aurions des garanties. La compagnie se met sous la protection du chapitre 11. On lui dit : « Soit vous nous payez, soit vous nous rendez l'appareil. » Le créancier qui a des garanties sur ses camions ou sur tout autre équipement ne pourrait pas en faire autant. Il serait assujetti à la période de sursis.

Le sénateur Massicotte : Et si elle possède 15 appareils, peut-elle dire : « Reprenez-en cinq et je continuerai à payer pour les dix autres », ou est-ce vraiment tout ou rien?

M. McArdle : Oui, elles le peuvent.

Le sénateur Massicotte : C'est très semblable à l'immobilier, domaine dans lequel j'ai un peu d'expérience comme créancier. Je suis surpris que dans le secteur immobilier, dans les cas où l'on a fait appel à la LACC, si on veut occuper un espace de X pieds carrés, on doit verser un loyer. Les précédents sont établis; on ne peut pas faire marche arrière. Pourquoi aurions-nous besoin d'une disposition spéciale dans cette loi pour traiter différemment les aéronefs?

M. McArdle : Les aéronefs sont si coûteux qu'on les considère comme des biens en soi. Puisque ces appareils ont une longue durée de vie, les créanciers veulent s'assurer qu'ils pourront se prévaloir de leurs garanties si nécessaire. On peut saisir un aéronef. Aussi, la question de la maintenance est très importante. Si l'appareil n'est pas bien entretenu, il peut être incroyablement dispendieux de le remettre dans un état où il sera possible de le vendre ou de le louer à quelqu'un d'autre. Il s'agit d'un processus très rapide; un aéronef exige beaucoup d'entretien dont nous n'avons pas idée comme passager car tout ce qui nous intéresse, c'est que l'avion fonctionne. Il y a un cycle très régulier de réparations.

Le sénateur Massicotte : C'est pareil lorsqu'un immeuble est endommagé; les constructeurs ont les mêmes problèmes à l'égard de la LACC que les propriétaires.

M. McArdle : Je suis d'accord avec vous. Un aéronef est perçu comme un bien en soi; avant de financer l'achat d'un de ces appareils, on veut s'assurer d'y avoir accès et savoir que si cela devient nécessaire on pourra dire : « Payez-moi ou rendez-moi l'aéronef pour que je puisse récupérer mon argent. » Cela s'explique en partie par la nature très cyclique de l'industrie aéronautique : pendant les 15 à 20 années que dure un prêt pour un aéronef, une compagnie aérienne vivra souvent deux périodes creuses et deux périodes de pointe.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes en train de dire que nous aurons maintenant un système d'enregistrement international, qu'il n'y aura plus de registres provinciaux et que, parce que le droit sur le bien en cas de défaut de paiement sera beaucoup plus limité qu'il ne l'est présentement, cela donnera plus de garanties, permettra d'accroître le financement et la concurrence, tout cela au bénéfice du consommateur. Est-ce bien ce que vous pensez?

M. McArdle : Oui, au Canada et ailleurs dans le monde.

Le sénateur Massicotte : Lorsqu'on finance l'achat d'un appareil canadien et que celui-ci atterrit dans un autre pays, quelles lois s'appliquent, celles du pays qui a financé l'appareil ou celles du pays où se trouve l'aéronef?

M. McArdle : EDC ne financerait pas l'achat d'aéronefs au Canada, mais elle pourrait le faire en France ou aux États-Unis. Prenons les États-Unis pour exemple, puisque c'est dans ce pays que sont concentrés la plupart de nos prêts actuellement. Si un aéronef devait atterrir dans un autre pays ayant adopté la Convention, il n'y aurait aucun problème.

Le sénateur Massicotte : Et dans le cas contraire?

M. McArdle : Si le pays ne l'a pas signée, nous pourrions limiter le droit de l'exploitant à y atterrir. Nous pourrions même l'en empêcher.

Le vice-président : De la même façon que vous ne pouvez pas déménager votre immeuble dans un autre pays.

Le sénateur Nolin : Au Québec, on appelle cela le registre de la publicité des droits, et ce, pour une raison très précise. En effet, c'est pour publier les droits que quiconque a sur un bien.

Comment cela fonctionnera-t-il s'il n'y a plus qu'un registre, comment les créanciers auront-ils accès à cette information?

Qu'en est-il de la réimmatriculation, des nombreux biens qui ont déjà été enregistrés?

J'aimerais que vous nous expliquiez comment se fera une saisie. Comment s'y prendra-t-on? Qui s'en chargera? Comment l'argent sera-t-il réparti? Qui aura accès à l'information relative à la répartition et quelles sont les autres considérations juridiques?

M. McArdle : Comme je l'ai dit, nous finançons rarement l'achat d'appareils au Canada. Cependant, j'ai été avocat à Toronto pendant plusieurs années durant lesquelles je me suis occupé de financements de ce genre. J'essayerai donc de vous aider.

En ce qui a trait à votre première question, qui portait sur l'accès à l'information, sachez que quiconque aura payé des frais minimes pourra consulter le registre international. Ce dernier sera informatisé et probablement disponible dans Internet. On aura la possibilité d'utiliser un moteur de recherche, moyennant le paiement de frais. Il suffira d'entrer différents paramètres pour interroger la base : le nom du propriétaire, le numéro de série de l'aéronef ou le nom de l'exploitant. On saura alors si quelqu'un détient des privilèges sur l'appareil et qui en est le propriétaire. Cette recherche est impossible à faire en ce moment.

Le registre international a été conçu de telle façon que si une erreur était commise — si, par négligence, une information donnée était fausse —, le créancier qui fait la recherche pourrait réclamer une indemnisation au registre international; il existe un fonds d'assurance. Les gens peuvent s'attendre à obtenir des renseignements véridiques et exacts; toutefois, si jamais l'information fournie se révélait fausse, les utilisateurs n'en subiraient pas les conséquences. En fait, le fonds les dédommagerait.

C'est un registre d'une grande fiabilité et conçu pour être facile à consulter. Comme dans le cas du registre central que nous avons en Ontario pour les biens personnels, on peut l'interroger en ligne ou dans plusieurs bureaux du gouvernement, peu importe où les biens ont été immatriculés. Si quelqu'un habite à Sudbury, on peut chercher des informations concernant ses biens partout en Ontario. Il s'agit ici de la même chose, mais à l'échelle mondiale.

Pour ce qui est de la réimmatriculation, par le passé, il fallait l'intervention du propriétaire ou de l'exploitant pour radier et réimmatriculer l'appareil. Autrement dit, il fallait radier l'aéronef du certificat, si on peut s'exprimer ainsi, et l'inscrire ensuite sur celui du nouveau propriétaire ou de la compagnie qui le fait voler pour le prêteur.

Grâce au nouveau système, le propriétaire et l'exploitant pourront signer des autorisations à l'avance indiquant au monde entier que les prêteurs acquièrent les droits de radiation de l'immatriculation d'un aéronef. Les créanciers pourront alors agir, s'ils veulent reprendre possession de l'aéronef, sans avoir besoin de l'aide des emprunteurs.

Voilà une question qui a causé de grandes difficultés dans le passé. EDC a participé à l'achat et à la location d'un RJ en Argentine. À cause des lois et du système judiciaire de ce pays, nous étions inquiets de ne pouvoir reprendre possession de l'appareil parce que si l'emprunteur voulait se battre, rien ne l'en empêchait. Une assurance de deux ans et demi sur les droits de reprise et une garantie de six mois du constructeur nous ont permis de parvenir à une entente. Nous avions prévu que le processus de repossession prendrait trois ans puisque nous ne pouvions retirer nous-mêmes l'appareil du registre. Nous devions obtenir la coopération de l'emprunteur ou une ordonnance de la cour. Le nouveau système proposé facilitera la radiation lorsque l'emprunteur-exploitant refuse de collaborer.

Le sénateur Nolin : Les droits seront enregistrés à l'échelle mondiale, mais concentrons-nous sur le Canada et ses 10 provinces. Si un appareil est retiré du registre, sera-t-il envoyé en Irlande puisque ce sera désormais le seul endroit au monde où il sera toujours immatriculé?

M. McArdle : Je n'ai pas étudié aussi en profondeur le processus au Canada puisque, comme je l'ai dit, ce n'est pas quelque chose que nous faisons couramment. D'après ce que j'ai compris, il pourrait y avoir une copie identique du registre dans le pays. Je n'en suis pas certain, mais si je cherchais l'appareil auquel vous faites allusion, je m'adresserais à la compagnie irlandaise qui a remporté l'appel d'offres.

Le sénateur Nolin : On peut se poser la question pour Air Canada, mais s'il y a deux immatriculations, il se pourrait que cela finisse devant les tribunaux.

M. McArdle : Oui, il devrait y avoir une copie. Les registres ne doivent pas se chevaucher ni être différents. Le registre international doit primer sur tous les autres.

Le sénateur Nolin : Cela peut être mentionné dans la Convention, mais nous aurons toujours besoin d'une nouvelle mesure législative, notamment en Ontario, pour ratifier la loi dont nous discutons. Sans un instrument de ce genre, peu importe la longueur et l'ampleur de la Convention, la loi de l'Ontario continuera de stipuler que le registre ontarien est le bon.

M. McArdle : C'est ce que je crois comprendre. Chaque province qui a le pouvoir de prendre des règlements et de légiférer en matière de biens personnels — et les aéronefs en sont — devra prendre des dispositions en conséquence.

Le sénateur Nolin : Ma troisième question porte sur le processus de redistribution lors d'une saisie.

M. McArdle : Normalement, le prêteur aura hypothéqué ou assuré l'aéronef et il aura empêché toute autre partie d'avoir une garantie sur cet appareil. Un groupe de prêteurs qui finance un appareil en particulier formera un pool. En général, tous les autres créanciers de la compagnie aérienne n'auront pu prendre de garantie sur le même aéronef. S'ils essayaient, ce serait à cause d'une erreur du contrat de prêt ou concernant les droits sur le bien.

Le sénateur Nolin : Donc, il n'y a pas de répartition.

M. McArdle : Non, il n'y en a pas. Je crois comprendre qu'il est possible, selon la Convention, que des pays spécifient certains droits de priorité absolue, comme les droits d'atterrissage des aéroports. Actuellement, ceux-ci peuvent saisir un aéronef, exiger le paiement des droits d'atterrissage et refuser de rendre l'appareil jusqu'à ce qu'ils aient été payés.

Le principe de la Convention veut que l'immatriculation d'une garantie ait préséance sur tous les autres privilèges, à l'exception des droits d'atterrissage des aéroports et autres.

Le sénateur Nolin : Je présume que cela inclut les taxes?

M. McArdle : Oui, exactement.

Le sénateur Nolin : Nous avons déjà cette disposition dans le Code civil de l'Ontario. Quand on ne paie pas les taxes, cela a un effet sur le classement.

M. McArdle : Tout à fait. Le Canada peut conserver cette superpriorité pour certains éléments s'il le veut, même si la Convention encourage plutôt l'élimination de ces priorités afin que les prêteurs se sentent plus à l'aise. De toute façon, ces derniers en tiennent déjà compte et surveillent de très près le paiement des taxes des exploitants et des propriétaires, tout comme celui des droits d'atterrissage, des assurances et autres choses du genre, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de superpriorités qui s'appliquent.

Le vice-président : Si vous prêtez à deux compagnies qui présentent le même niveau de risque dans deux pays — un qui a ratifié le Protocole et l'autre pas —, jusqu'à quel point le pays qui a signé le Protocole verra une différence dans les taux d'intérêt et autres frais?

M. McArdle : Puisque nous n'avons pas encore vécu cette situation, nous ne l'avons pas évaluée. La disponibilité d'une garantie est un facteur dont on tient compte lorsqu'on décide de financer ou non un projet et qu'on établit le prix. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas déterminé si nous serons en mesure de fixer une règle générale en la matière.

Nous étudions chaque entente au cas par cas et tenons compte de tous les facteurs pour déterminer le prix, contrairement à l'Ex-Im Bank, qui offre une réduction générale de sa commission d'encours aux pays ayant ratifié la Convention. Nous examinons donc chaque entente séparément.

Je vois cela comme une façon de permettre aux créanciers d'accorder des prêts dans certains pays et pas vraiment de réduire les coûts, mais d'accroître les possibilités de financement. En ce moment, il y a de nombreux pays dans lesquels personne ne veut accorder de financement sans une garantie du gouvernement.

Le vice-président : C'était un des arguments principaux présentés au gouvernement. Ce serait un avantage et cela coûterait moins cher aux pays signataires. Il y aurait une sorte d'avantage financier. D'où cela viendrait-il? Certainement pas de vous.

M. McArdle : Cela ne vient pas de nous. Ils ont peut-être vu ce qu'avait fait Ex-Im Bank. Cela aurait du sens dans le scénario que vous avez présenté. Si, toutes choses étant égales par ailleurs, on pouvait obtenir des garanties sur un aéronef dans un pays assujetti à la Convention, et faire une comparaison avec un pays qui n'aurait pas adhéré à la Convention, je serais surpris de voir qu'il n'y a aucune incidence sur les prix. Je ne saurais vous dire dans quelle mesure. Il est difficile de se trouver dans une situation où tous les facteurs sont identiques. Les compagnies aériennes sont pour le moins inégales sur le plan de leur force et de leur viabilité financière. Il serait délicat de les évaluer dans cette situation, mais cela aurait beaucoup de sens si tout le reste était pareil.

Le vice-président : On pourrait penser que l'Alberta et le Québec seraient les deux provinces les plus intéressées à adhérer à cette Convention, particulièrement le Québec qui aurait un intérêt à adopter une loi équivalente ou parallèle à la Convention. Pourtant, autant que nous sachions, les provinces ne semblent pas avoir vraiment réagi. Que se passe- t-il?

M. McArdle : La Convention a pris beaucoup de temps avant de se concrétiser, tout comme d'autres conventions du genre. Certes, l'euphorie du début, de pouvoir mettre en oeuvre une convention prévoyant l'ouverture d'un registre international et facilitant beaucoup la vie, n'est plus aussi vive parce que la Convention a mis un certain temps avant d'être ratifiée par divers pays.

Il y a des répercussions significatives pour des constructeurs comme Bombardier dont le marché est essentiellement à l'exportation. En outre, les pays signataires de la Convention sont davantage susceptibles d'obtenir du financement.

Cela ne préoccupe pas beaucoup l'Alberta et le Québec avec Air Canada, WestJet, et cetera. Comme vous l'avez mentionné précédemment, au Canada, le financement ne pose pas vraiment problème parce que nos lois sur les faillites sont généralement bonnes. Il y avait un sursis avec lequel les gens ont dû composer pendant la crise chez Air Canada, mais celle-ci s'est finalement résorbée. Dans d'autres pays, l'incertitude et l'imprévisibilité sont plus grandes. L'adoption de la Convention par ces pays serait un grand pas en avant.

Le vice-président : Dans les notes d'information que nous avons reçues, on indique que les seuls pays engagés dans le processus sont les États-Unis, le Canada, l'Éthiopie, le Nigeria, le Pakistan et le Panama. Est-ce normal? La Grande- Bretagne, la France, le Japon, l'Espagne et le reste du monde civilisé, pour ainsi dire, ne participent pas au processus. Combien de temps cela prendra-t-il avant que ces pays n'adhèrent à la Convention?

M. McArdle : Malheureusement, les conventions prennent habituellement beaucoup de temps avant d'être adoptées de façon unanime et, dans certains cas, l'intérêt qu'elles suscitent diminue avant que leur adoption ne soit généralisée. Cette situation s'est avérée fâcheuse pour le financement, en particulier. Parfois, les profits sont marginaux.

En Grande-Bretagne, British Airways peut avoir du financement en partie grâce à sa force financière et aussi parce que les régimes de sécurité et de faillite de ce pays sont assez stables et relativement prévisibles. Ils ne sont pas aussi prévisibles ni aussi favorables aux prêteurs que ceux des États-Unis, mais ça va.

De plus, en France, Airbus reçoit beaucoup d'appui financier, alors cela n'affecte pas vraiment les ventes d'appareils parce que le constructeur obtient beaucoup d'aide du gouvernement quoi qu'il arrive.

Les profits réels enregistrés par ces pays ne sont pas aussi déterminants que pour des pays du tiers monde qui ont déjà adopté la Convention et qui espèrent que celle-ci ouvrira la voie au financement dans leur pays.

Nous espérons que le Canada agira comme catalyseur, à l'instar des États-Unis, pour que les autres pays se rendent compte qu'il s'agit de la voie à suivre.

Le sénateur Nolin : Le comité a-t-il l'intention d'entendre les représentants provinciaux pour comprendre leur analyse du sujet?

Le vice-président : Personne ne nous en a parlé.

Le sénateur Nolin : Il serait peut-être bon d'entendre ce qu'ils ont à dire. L'initiative fédérale est une chose importante, mais ce n'est pas la seule. Je crois que l'on devrait au moins demander aux représentants provinciaux s'ils veulent nous faire part de la façon dont ils comprennent les choses et dont ils conçoivent leurs responsabilités dans cette affaire.

Le sénateur Massicotte : Il est noté ici que le gouvernement n'appliquera pas cette loi tant qu'un certain nombre de provinces ne l'auront pas approuvée.

Le vice-président : C'est bien cela.

M. David Shapiro, vice-président et conseiller juridique général, Air Canada : Je vous suis reconnaissant de l'occasion qui m'est ainsi donnée de témoigner tout mon soutien pour un dossier qui, sous des apparences neutres, n'en reste pas moins crucial, du moins pour le monde de l'aviation.

Je me limiterai à expliquer sur quoi repose essentiellement, en tant que société aérienne, notre appui soutenu à ce projet, en quoi il s'agit d'une initiative des plus innovatrices et prometteuses et, enfin, je vous parlerai des avantages d'adhérer à cette Convention.

La mise en oeuvre de la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles, que j'appellerai la Convention, et le Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles, que j'appellerai le Protocole, dont fait l'objet le projet de loi C-4, constitue, selon moi, une initiative très rare, sinon unique. Cela ne doit pas arriver souvent, à mon avis, que l'on adopte une mesure législative qui ne ferait que des gagnants et pas de perdants connus. Les bailleurs de fonds, les locateurs d'avions, les avionneurs, les compagnies aériennes et le grand public y trouveraient leur compte.

L'initiative renferme des mesures significatives pour venir en aide à l'industrie tout entière, et il n'en coûtera pratiquement rien au gouvernement de la mettre en œuvre.

Par ailleurs, cette initiative permettra de corriger le déséquilibre structurel sur la scène internationale tout en égalisant les règles de jeu. La Convention pourrait atteindre tous ces objectifs si nous adoptions le projet de loi C-4.

Quelques-uns des avantages qui devraient découler de la Convention proposée pourraient profiter davantage aux compagnies aériennes étrangères que canadiennes, seulement parce que certains principes enchâssés dans la Convention existent déjà dans le droit canadien, notamment en ce qui a trait aux voies de recours, comme la force exécutoire du recours de la sûreté et le régime d'enregistrement.

Il y a, toutefois, encore des objectifs majeurs à atteindre et des valeurs à appliquer en mettant la Convention en vigueur au Canada, même du point de vue des compagnies aériennes. Un de ces objectifs est la simplification de la gestion des transactions financières et la réduction des frais qui découlent de la location et de l'achat d'aéronefs. Le but principal et fondamental est d'élargir l'accès à de nouvelles sources de financement afin de faire baisser les coûts pour toutes les compagnies aériennes. Ainsi, celles-ci réduiraient directement et indirectement leurs coûts, ce qui est évidemment une priorité pour elles dans le climat d'extrême concurrence que nous connaissons actuellement.

Vu le prix élevé des aéronefs, leur acquisition se fait souvent dans le cadre d'opérations de location ou de financement d'une grande complexité. Essentiellement, l'acquisition d'aéronefs exige des garanties semblables à celles d'une hypothèque pour une maison. De plus, les bailleurs de fonds cherchent évidemment à se prémunir contre les défauts de paiement.

Contrairement à une opération hypothécaire sur un immeuble, où l'emplacement de celui-ci et la loi qui régit l'hypothèque sont clairs, l'aéronef, lui, est mobile, ce qui donne beaucoup de fil à retordre aux avocats. On a consacré énormément de temps et d'argent à débattre du territoire de compétence où enregistrer l'hypothèque, des incidences de la localisation sur la validité de l'hypothèque et sur la capacité de la faire respecter. Je peux dire que tout le temps et l'argent consacrés à une opération hypothécaire sont pris pour acquis; c'est tout à fait normal.

Ces opérations donnent lieu souvent à des avis juridiques sur ces questions qui, tout en étant nécessaires, n'ajoutent rien. Le régime préconisé par la Convention et le Protocole aurait l'avantage de simplifier, finalement, cet élément important de la gestion des opérations financières en instituant un seul registre international et en clarifiant des questions fréquemment sujettes à débat. De plus, il créerait un contexte au sein duquel il serait possible d'uniformiser, jusqu'à un certain point, les questions de documentation et de procédure tout en éliminant les incertitudes, ce qui limiterait les analyses purement théoriques et réduirait les coûts.

À eux seuls, ces facteurs n'étaient peut-être pas suffisants pour recevoir le soutien de quelques compagnies aériennes, dont Air Canada, mais il s'agit d'un objectif important à atteindre. Le principal but visé est en réalité d'accroître les possibilités d'accès aux marchés de capitaux d'emprunt.

L'adoption du projet de loi C-4, à elle seule, permettrait d'ouvrir plus largement les portes sur de nouvelles sources de financement en facilitant l'accès aux marchés de capitaux d'emprunt alimentés par des investisseurs institutionnels et des particuliers. Qui plus est, sur ces marchés, les coûts d'emprunt sont sensiblement plus bas que ceux des banques.

Je ne voudrais pas entrer dans les détails sur la façon d'atteindre cet objectif, à moins que quelqu'un veuille des explications, mais cette mesure législative retirerait au tribunal le pouvoir discrétionnaire de déterminer si et quand les créanciers peuvent reprendre possession de l'aéronef. En cas de défaut de paiement, peu importe les modalités de financement, c'est ce qui permet d'accéder à des marchés de capitaux d'emprunt.

Ainsi, les droits des créanciers deviennent très prévisibles et permettent certains types de transactions de marché public, comme l'émission de « enhanced equipment trust certificates » aux États-Unis ou dans d'autres pays. Cela permet aux créanciers, qui sont les détenteurs finaux qui perçoivent des intérêts, de savoir dans combien de temps ils pourront ravoir leur garantie et, en cas de non-remboursement, quel montant il faudra débourser.

Sans ce deuxième avantage, la Convention n'aurait probablement pas recueilli autant d'appui. En effet, les marchés de financement par emprunt sont une solution de rechange très importante aux emprunts bancaires, qui se sont faits plus rares et plus onéreux ces dernières années, compte tenu du climat d'instabilité qui a secoué le secteur de l'aviation et vu l'écart entre les fonds propres et le financement externe. En accédant aux marchés des capitaux d'emprunt, on accède aussi à un vaste bassin d'investisseurs, sans compter qu'on accroît ses liquidités, ce qui a une incidence favorable sur les prix.

L'accès au financement par emprunt permettrait aux compagnies aériennes canadiennes de rivaliser avec les compagnies aériennes américaines qui, elles, ont accès aux sources de financement les plus efficaces et les plus économiques. Finalement, cela entraînerait une réduction des coûts et contribuerait à la stabilité et à la rentabilité des compagnies aériennes.

Je ne voudrais certes pas laisser entendre que le projet de loi C-4 est un remède à tous les maux et qu'il permettra de résoudre tous les problèmes de l'industrie, mais il n'en reste pas moins qu'il apporte un élément de réponse valable et qu'il sera utile pour trouver des sources de financement supplémentaires et réduire la pression exercée sur les gouvernements pour qu'ils accordent des subventions aux compagnies aériennes.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné qu'on aurait ainsi un meilleur accès aux liquidités sur les marchés de capitaux d'emprunt où il y a un grand pool d'investisseurs, et que cela aurait une incidence favorable sur les prix. Alors, une question me brûle les lèvres : les consommateurs peuvent-ils s'attendre à une baisse du prix des billets d'avion?

M. Shapiro : Pourquoi pas. Si on réduit la structure des coûts et si le marché dicte des coûts toujours plus bas, il est possible que cela ait une incidence sur le prix des billets d'avion. Je ne sais rien de la tarification ni de la gestion du rendement des compagnies aériennes, mais comme les tarifs et les coûts baissent sous l'effet de la concurrence, on pourrait s'attendre à un résultat du genre.

Le sénateur Mercer : Sachez que plusieurs d'entre nous sont ici pour longtemps et que vos propos ont été enregistrés. Il se peut que nous vous les rappelions un jour.

Le sénateur Nolin : Nous aimons cette formule.

Le sénateur Mercer : Je suis ici pour les 18 prochaines années. Je m'en souviendrai.

Pourriez-vous nous dire en quoi ce projet de loi aurait pu empêcher Air Canada de se retrouver dans certaines situations fâcheuses, ou nous parler des occasions que nous avons ratées parce que cette mesure législative n'était pas en vigueur?

M. Shapiro : On pourrait dire qu'il y a quelques années, Air Canada a fait des opérations de financement très innovatrices. Mais l'endettement était très élevé. Nous n'avions pas fait d'opérations sur des biens garantis sur les marchés publics. Les prix que nous avons dû payer, les sommes que nous avons dû verser aux banques et le resserrement du marché se sont fait sentir au cours des dernières années. Je ne saurais vous dire si nous aurions pu être en mesure de remédier à la situation en agissant différemment, cela dépasse mon expertise, seul un courtier en valeurs mobilières pourrait nous le dire. Toutefois, il doit y avoir moyen de réduire les coûts et j'imagine que notre directeur des finances, entre autres, a étudié de près la question.

Le sénateur Nolin : En ce qui concerne l'influence ou la position des provinces dans le cadre de ce traité, que croyez- vous qu'il arrivera dans les diverses capitales provinciales du point de vue législatif?

M. Shapiro : Je ne suis probablement pas la personne la mieux placée pour donner le report de situation le plus exact, mais je dirais encore une fois que l'avantage de base de cette convention ne dépend pas de la mise en application au palier provincial. La participation provinciale dans ce système est importante en bout de ligne, mais non pour l'avantage de base que je décrivais en termes d'accès aux marchés publics.

Le sénateur Nolin : Je comprends cela, mais ma question est davantage de nature technique. Nous voulons que ce traité soit mis en œuvre de manière appropriée. Je pense que le mot « appropriée » est le mot clé. Si nous voulons que cela soit fait de manière appropriée, nous avons besoin de la collaboration des législateurs provinciaux. Le témoin précédent n'était pas compétent ou assez compétent pour répondre à cette question. C'est pourquoi je vous la pose à vous.

M. Shapiro : Je ne suis probablement pas plus compétent que lui. J'ai entendu dire que des progrès ont été faits dans deux provinces importantes. Je ne suis pas au courant de la situation actuelle.

Le sénateur Nolin : Quelles provinces?

M. Shapiro : Je crois qu'il s'agit de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, mais je ne sais pas si des progrès ont été faits au Québec. Encore une fois, ce ne sont que des spéculations. Je ne suis probablement pas dans une meilleure position que votre témoin précédent.

Le sénateur Nolin : Le témoin précédent a dit que les provinces devront probablement avoir un registre miroir. Actuellement, nous avons au moins 11 registres au Canada. Qu'arrivera-t-il devant les tribunaux si deux registres sont applicables à une pièce d'équipement? Qui gagnera? Quelles seront les lois qui primeront?

M. Shapiro : Vous avez absolument raison. Ce n'est pas différent que de dire que nous avons actuellement 10 registres, lequel prime. Il y a des règles qui déterminent lequel des 10 l'emporte. Pour toute province qui ratifie cette convention, les mêmes règles s'appliqueraient pour dicter lequel parmi les 10 prime, mais ce registre remplacera celui qu'il y a dans la province qui a adopté cette convention.

Le sénateur Nolin : Nous sommes d'accord pour dire qu'une loi provinciale est nécessaire pour le dire?

M. Shapiro : En bout de ligne, c'est clair qu'on s'entendrait.

Le sénateur Massicotte : Nous avons tous le même objectif; comment faisons-nous profiter le consommateur de la concurrence accrue? J'aurais cru qu'Air Canada aurait dit qu'il y a suffisamment de concurrence, étant donné votre expérience des quelque dernières années. Comment cela aidera-t-il?

D'après la connaissance que j'aie de la législation proposée, je crois comprendre qu'elle permettra un enregistrement et des garanties plus faciles et qu'elle clarifiera l'application de la LACC concernant cette période de suspension que le juge peut imposer. Veuillez m'expliquer les choses à partir de ce point.

Comment voyez-vous un financement plus concurrentiel? Je crois comprendre qu'on est en train de l'élaborer à l'échelle internationale, la façon dont les aéronefs ont été financés par le biais fondamentalement de structures de l'entreprise axées sur les tâches et par lesquelles les aéronefs seront loués. Je crois savoir que le financement en Amérique du Nord, à l'exclusion peut-être du Mexique, est extrêmement concurrentiel et caractérisé déjà par un fort degré d'endettement.

Veuillez s'il vous plaît expliquer comment le financement deviendra plus compétitif et moins coûteux et un avantage pour le consommateur.

M. Shapiro : Les compagnies aériennes américaines n'ont pas appuyé activement la convention parce qu'elles profitent déjà de la source de financement la moins coûteuse. Cette convention aurait pour effet de rendre cette même source de financement accessible à leurs concurrents, alors elles n'ont aucun intérêt à exercer de fortes pressions pour l'adoption de cette convention. D'autres groupes d'intérêt aux États-Unis ont exercé des pressions en faveur de la convention.

Ici, au Canada, nous avons dû dépendre des consortiums bancaires internationaux pour assurer virtuellement la totalité du financement. Pour qu'Air Canada ou n'importe quelle compagnie aérienne nationale puisse faire l'acquisition d'un aéronef par le biais de l'une de ces transactions, ces dernières doivent se tourner vers un consortium bancaire international ou vers un des locateurs qui dispose de vastes parcs d'aéronefs disponibles pour la location. Au cours des dernières années, l'établissement des prix est devenu plus serré; au fur et à mesure qu'augmente le risque de défaut de paiement, l'instabilité de l'industrie augmente elle aussi.

La législation proposée donnera accès à une toute nouvelle source de financement et le public, les investisseurs, les investisseurs institutionnels, les caisses de retraite et les particuliers verront une augmentation dans les liquidités et une toute nouvelle source de capitaux leur sera accessible. À l'heure actuelle, ce capital est tout simplement non accessible ou accessible dans des conditions très complexes qui font en sorte que le prix est virtuellement aussi élevé que si on faisait affaire avec un consortium bancaire.

Le sénateur Massicotte : Quelle est la législation actuelle qui interdit cette forme de financement?

Pourquoi n'allez-vous pas aux États-Unis pour obtenir ce financement?

M. Shapiro : La situation à laquelle devrait faire face n'importe quelle compagnie aérienne au Canada dans l'éventualité où elle se trouverait en défaut de paiement, ou ultimement, lorsqu'elle demande une protection contre ses créanciers en vertu de la LACC ou la protection contre les faillites, c'est qu'en vertu de la LACC, le juge a la capacité de déterminer quand prendra fin la période de suspension. Le juge a le droit de dire : « Même si la compagnie aérienne ne paie pas, vous ne pouvez reprendre possession de votre aéronef ». Il y a beaucoup d'antécédents qui montrent que les juges ne diraient pas cela si vous ne continuez pas de payer durant la procédure liée à la LACC. En fin de compte, cela se résume à une opinion juridique qui doit être rendue par un avocat canadien à une agence de notation, pour rassurer cette dernière, qui donne une cote à ces transactions sur le marché public, que dans un délai de X jours vous avez le droit de reprendre possession de votre aéronef. Cela permet de structurer les éléments économiques de manière à fournir des liquidités.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que le juge Farley a présidé dans votre cas?

M. Shapiro : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : D'après ce que je peux comprendre, c'est la pratique au Canada que durant les procédures en vertu de la LACC, les paiements de location se poursuivent. Vous êtes obligés de faire les paiements de location durant cette période de temps. Étant donné qu'il ne s'agit pas d'une loi, mais d'une pratique, l'élément certitude fait défaut, ce qui gêne les créanciers ou leur nuit, et par conséquent, cela influe sur la compétitivité de votre financement.

M. Shapiro : Je pense qu'il s'agit d'un très bon résumé de ce que je dis, la seule modification étant qu'il est difficile de déterminer précisément la pratique et le nombre de jours. S'il y avait une pratique claire disant que dans tous les cas, il s'agirait à peu près d'une période de 90 jours, cela pourrait sans doute aboutir à un résultat semblable, mais la pratique diffère d'un cas à l'autre et d'un juge à l'autre.

Le sénateur Massicotte : Il y a un précédent au Canada que les paiements de location doivent se poursuivre durant cette période.

M. Shapiro : Encore une fois, cela dépend du type de transaction. Pour les contrats de location-exploitation, la réponse est oui, pour les contrats de location-acquisition, la réponse est plus vraisemblablement non. Cette question n'a pas encore été entièrement tranchée par les tribunaux dans la situation des Lignes aériennes Canadien International lorsque cette dernière a demandé la protection contre ses créanciers en vertu de la LACC, ni dans celle d'Air Canada, lorsqu'elle a fait la même chose.

Le sénateur Massicotte : Parmi les contrats de location-acquisition et de location-exploitation, lequel est le plus courant?

M. Shapiro : Le contrat de location-acquisition est celui dont on pourrait soutenir qu'il n'a pas besoin d'être payé; il n'est pas nécessaire de faire le paiement complet pour rester en possession de l'appareil.

Le sénateur Massicotte : Laissez-moi vous donner une observation tirée du secteur de l'immobilier. Dans ce secteur, nous avons un problème par lequel la question de payer le loyer durant une période de suspension est uniquement le fait des juges; il n'y a pas de loi, mais pourtant cela n'a pas empêché cela au cours des dernières années. Ils ont des blocs de créances hypothécaires. Ils ont des titres adossés à des créances immobilières sous une forme très liquide au niveau international. J'espère que vous avez raison de dire que cela aidera, mais je ne suis pas certain que c'est là l'élément qui changera quelque chose à la question de savoir pourquoi vous ne faites pas de financement adossé sur des garanties au Canada.

M. Shapiro : Vous avez probablement dépassé mon degré d'expertise. Je ne suis pas dans une position pour être critique d'un point de vue professionnel, mais de nombreuses études réalisées par des économistes et des analystes en placement démontrent que c'est ce facteur qui a empêché les compagnies aériennes dans les entités administratives qui n'ont pas ce genre de dispositions d'avoir accès à ces fonds.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi n'allez-vous pas chercher du financement aux États-Unis, si c'est le cas?

M. Shapiro : La faillite d'une compagnie aérienne canadienne restera assujettie principalement à l'autorité de l'entité administrative première; alors, ce seront les lois canadiennes qui s'appliqueront.

Le vice-président : Est-ce que d'autres compagnies aériennes en profiteraient, peu importe dans quel pays elles se trouvent? Est-ce qu'elles exerceraient des pressions sur leur gouvernement ou entreprendraient des démarches quelconque pour faire en sorte que ce protocole soit ratifié par leur propre gouvernement ou leur despote éclairé ou quels que soient leurs dirigeants?

M. Shapiro : Je pense que ce serait le cas. Encore une fois, je ne peux faire un rapport de la situation actuelle. D'autres sont mieux placés que moi pour le faire. Je penserais, d'après ce que j'ai vu au cours de l'élaboration de la convention, que ce serait le cas.

Je dois être franc; il y avait des inquiétudes au sein des compagnies aériennes face à l'adoption d'une disposition disant que vous pouvez reprendre possession de votre appareil à moins que la situation ait été corrigée dans un délai de 60 jours, cette disposition étant qualifiée de « trop favorable aux créanciers ». Franchement, c'est ridicule. Il s'agit de planifier la réorganisation et la restructuration plutôt que de planifier pour ne pas avoir à entreprendre une réorganisation et une restructuration. Certaines compagnies aériennes ont été préoccupées par cela. Pourtant, il y a eu un appui massif et d'autres compagnies aériennes auront beaucoup plus à gagner que les compagnies aériennes canadiennes où le régime juridique est assez élaboré. À part ce point particulier, il y a certainement d'autres pays où les principes du financement garanti par des actifs ne sont pas généralement reconnus et cette convention fera ce travail pour eux. Ils pourront en profiter encore davantage.

Le sénateur Mercer : Six pays ont signé cette convention et ce protocole. Certains sont des géants de l'industrie aérienne comme le Kenya, Panama, l'Éthiopie et le Nigeria. Je suis inquiet que nous soyons en train d'adopter une législation, de signer des conventions et des protocoles et que nous nous retrouvions isolés dans un coin parce que les États-Unis et le Canada ont dit que c'était une bonne chose à faire. Les acteurs importants dans l'industrie du transport aérien international ne sont pas présents à la table : les Allemands, les Français, les Hollandais, les Israéliens, les Brésiliens et les Australiens. Ce sont là des pays qui ont des compagnies aériennes de taille et qui brassent beaucoup d'affaires avec les fabricants d'avion.

Je me demande pourquoi nous faisons certaines de ces choses lorsque nous regardons la liste des pays signataires. Des six, seulement trois, les États-Unis, le Canada et peut-être le Pakistan, ont des lignes aériennes d'une certaine importance.

M. Shapiro : Je ne suis pas certain si l'honorable sénateur dit qu'il y a six pays qui ont mis en œuvre ou six pays qui ont ratifié la convention.

Le sénateur Mercer : Il y a six pays qui ont ratifié la convention. Qu'arrivera-t-il si personne d'autres ne ratifie la convention?

Est-ce que la seule chose que nous aurons faite, c'est de gaspiller le temps de la Chambre des communes et du Sénat; mon temps et votre temps?

Le vice-président : Juste pour que les choses soient claires, 28 pays ont signé.

Le sénateur Mercer : La ratification est différente, je comprends cela.

Le sénateur Massicotte : Combien de pays doivent signer pour que la convention entre en vigueur?

Le vice-président : Huit.

Le sénateur Mercer : Si deux autres pays ne signent pas, nous aurons tous perdu notre temps.

Le vice-président : C'est exact. Les pays européens ont promis de signer.

M. Shapiro : On s'attend à ce qu'un certain nombre d'autres pays signent. Comme pour la question précédente concernant la situation au sein des capitales provinciales, je ne suis probablement pas le témoin le mieux placé pour faire un rapport sur les développements internationaux.

La rumeur que j'ai entendue, c'est que l'on a très confiance que cette question ira de l'avant et que le nombre nécessaire de pays ratifiera la convention. Je pense qu'il y aura alors un petit effet de boule de neige.

Dès que la convention entrera en vigueur, même si les avantages d'un registre unique ne se seront pas matérialisés, ce que j'appelle l'avantage de base qu'est l'accès aux marchés des capitaux deviendra possible.

Le sénateur Forrestall : Est-ce que le Canada ou des intérêts canadiens quelconques ont fait des soumissions dans ce genre d'entreprise?

M. Shapiro : D'après ce que je crois comprendre, nous l'aurions certainement fait.

Le sénateur Forrestall : L'ont-ils fait?

M. Shapiro : Nous l'aurions fait, oui.

Le sénateur Forrestall : Quelle entreprise. Il y a des milliards et des milliards de dollars et tout ce que vous avez à faire, c'est de trouver une façon d'aller chercher 1 p. 100. Ces Irlandais sont toujours un pas en avant de nous, n'est-ce pas?

Le vice-président : J'ai demandé à EDC s'il y aurait une économie, si elle exigerait un taux d'intérêt inférieur ou des droits moins élevés si elle prêtait à deux compagnies aériennes dont la cote de crédit est égale ou semblable, une située dans un pays qui a mis en application cette législation et l'autre qui ne l'a pas fait. Le témoin n'a pas été en mesure de dire qu'il y aurait des droits moins élevés.

Du point de vue de l'acheteur, vous en tant que consommateur, y aura-t-il une différence entre Boeing aux États- Unis et Airbus en Europe et si leur pays avait signé une entente avec leurs établissements financiers; pensez-vous que vous auriez gagné un point ou deux sur le taux d'intérêt ou économisé de l'argent sur certains frais?

Est-ce que cela vous serait utile lorsque vous achetez ou louez?

M. Shapiro : En bout de ligne, qui en profitera? Est-ce que ce sera le public qui voyage en avion? Est-ce que l'avantage sera gardé au niveau de la compagnie aérienne? Est-ce qu'il sera refilé au niveau de la compagnie aérienne? Une partie de la réponse à cette question dépend du pays d'origine de la compagnie aérienne. Plus grande est la différence entre le régime juridique existant et le régime juridique qui entrerait en vigueur en vertu de la convention, plus grande sera la différence dans l'établissement des prix.

Au Canada, nous avons l'avantage d'avoir un régime juridique très élaboré. Je m'attends à ce que l'augmentation dans l'établissement des prix soit beaucoup moins à l'avantage des compagnies aériennes canadiennes. C'est-à-dire pour les transactions, en mettant de côté ce que je considère encore une fois comme l'avantage de base, qui est l'accès à un type entièrement différent de transaction. Il y aura certaines des retombées positives.

Je m'attends à ce que la certitude juridique plus grande apportée par cette convention profitera aux financiers, aux garants dans le cas d'EDC ou d'une banque EX-Im. Beaucoup dépend de l'endroit où est basé la compagnie aérienne et ce serait moins dans le cas d'une compagnie aérienne canadienne nationale que pour certaines autres. Toutefois, l'avantage de base serait toujours là, l'accès à ces marchés de capitaux d'emprunt.

Le vice-président : L'Association du Barreau canadien a envoyé quelques amendements. Elle envoie toujours des amendements. Je vais vous les transmettre et nous vous demanderions de bien vouloir répondre au comité par écrit; nous allons leur poser des questions sur ces amendements et il serait bien que nous ayons votre point de vue.

M. Shapiro : Merci, monsieur le président, je n'y manquerai pas.

La séance est levée.


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