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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 10 - Témoignages du 9 février 2005


OTTAWA, le mercredi 9 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-4, Loi de mise en œuvre de la Convention relative aux garanties internationales portant sur les matériels d'équipement mobiles et du Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles, se réunit ce jour à 18 h 17 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous reprenons l'étude du projet de loi C-4, Loi de mise en œuvre de la Convention relative aux garanties internationales portant sur les matériels d'équipement mobiles et du Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles.

[Français]

Hier, nous avons entendu des représentants d'Air Canada et d'Exportation et développement Canada. Aujourd'hui, nous avons le très grand plaisir d'accueillir le ministre des Transports, M. Jean Lapierre. C'est la première fois que le ministre comparaît devant ce comité, et je suis certaine que vous allez vous joindre à moi pour lui souhaiter la plus cordiale bienvenue. Le ministre est accompagné de Mme Nada Vrany, qui est directrice de la politique aérienne internationale à Transport Canada, de M. Gilles Lauzon, avocat général au Secrétariat pour le droit aérien international, à Justice Canada, et de Mme Mireille-France Blanchard, analyste principale de la politique juridique, Politique du droit corporatif et de l'insolvabilité à Industrie Canada.

L'honorable Jean C. Lapierre, C.P., député, ministre des Transports : Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous entretenir sur le projet de loi C-4, mais avant d'entrer dans le vif du sujet, étant donné que c'est ma première visite devant ce comité, j'aimerais vous présenter mes priorités à titre de nouveau ministre des Transports. Je tiens d'abord à préciser que l'efficacité de notre réseau de transport est absolument capitale pour la compétitivité du Canada sur le plan économique. Les utilisateurs de réseaux de transport s'attendent à ce que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership sur ce plan. Depuis ma nomination en tant que ministre des Transports, je me suis concentré sur trois questions que je considère fondamentales pour l'avenir de notre réseau de transport dont en premier lieu, promouvoir la sécurité et la sûreté de notre réseau de transport.

La sûreté est un nouvel élément, car en termes de sécurité, Transports Canada a une réputation enviable à travers le monde, mais en termes de sûreté, depuis les événements du 11 septembre, c'est une toute nouvelle facette de notre mandat qui apparaît. C'est donc pour moi la priorité numéro un.

La priorité numéro deux veut qu'on améliore les corridors commerciaux et notre infrastructure stratégique. Je parle de corridors commerciaux, parce que si on augmente la sûreté, le danger est qu'en même temps on provoque des délais qui mettent en péril la mobilité. En ce sens, si on augmente le nombre de nos corridors commerciaux — on sait que nos voisins du Sud représentent une grande partie de notre commerce international —, on augmente les mesures de sécurité et on met en péril notre commerce. Ce qui n'est pas mieux. Finalement, on veut encourager le transport, mais on veut qu'il soit durable.

[Traduction]

La sécurité a toujours été notre première priorité. Et, depuis ces dernières années, les considérations rattachées à la sûreté se sont avérées absolument essentielles au bon fonctionnement de notre réseau de transport. Dans le climat actuel de renforcement de la sûreté et de sensibilisation aux menaces potentielles, la sûreté des transports est capitale. Mais nous ne pouvons pas nous contenter d'assurer la sûreté de notre réseau de transport, il faut aussi en assurer l'efficacité. L'attention que nous portons à la gestion de notre réseau de transport doit être dictée par le bon sens.

Par conséquent, ma deuxième priorité consiste à éviter que notre frontière ne devienne un obstacle. Aussi, nous devons trouver des moyens d'assurer la sécurité et la sûreté de notre réseau de transport, tout en assurant le mouvement efficace des personnes et des marchandises au pays et à la frontière.

Plus de 1,5 milliard de dollars d'échanges commerciaux franchissent chaque jour la frontière canado-américaine. La majeure partie de ces échanges, soit plus de 60 p. 100, est acheminée par camion. C'est pourquoi il est impératif d'assurer le fonctionnement efficace de nos corridors commerciaux. Or, l'augmentation de nos échanges commerciaux jumelée aux nouvelles mesures de sûreté a entraîné des problèmes grandissants de congestion à la frontière. Aussi, Transports Canada est déterminé à mettre en place des initiatives destinées à permettre le mouvement sûr et efficace de la circulation le long de nos principaux corridors commerciaux.

Ma troisième priorité consiste à promouvoir le transport durable. Le défi consiste à trouver des moyens de tirer parti des avantages économiques d'un réseau canadien de transport efficace, accessible et sûr, tout en réduisant les effets néfastes des activités et de l'infrastructure de transport sur l'environnement.

[Français]

On sait que le transport compte pour 25 p. 100 des émanations nocives.

[Traduction]

Notre stratégie de développement durable traite d'une multitude de questions environnementales allant des changements climatiques à l'assainissement de l'air et de l'eau, en passant par la gestion de nos sites contaminés. Plusieurs nouveaux programmes sont en place pour réduire les émissions, favoriser une planification améliorée des transports et encourager le développement de nouvelles technologies.

Ces trois priorités sont à l'image des efforts que je déploie pour mettre en place, pour le Canada et les Canadiens, un réseau de transport sécuritaire et durable, un réseau qui nous permettra d'être compétitifs sur la plan mondial. Je suis persuadé que nous aurons souvent l'occasion de discuter des activités et des enjeux majeurs qui caractérisent notre réseau de transport. Mais pour l'instant, permettez-moi de vous parler du projet de loi C-4.

[Français]

Je suis heureux de vous entretenir de ce projet de loi C-4 qui, malgré sa nature vraiment technique, revêt une grande importance dans la mesure où il amènera une réduction des coûts pour les compagnies aériennes canadiennes et offrira une meilleure protection aux prêteurs et avionneurs qui appuient les opérations d'achat d'aéronefs. Ce n'est pas le genre de projet de loi qui attire des applaudissements, mais c'est essentiel puisque cela uniformisera les règles du jeu avec les concurrents des États-Unis lorsque les compagnies canadiennes procéderont au refinancement ou à l'élargissement de leur parc d'aéronefs. L'industrie américaine profite déjà de taux de financement moins élevés grâce aux dispositions du US Bankruptcy Code qui augmente la certitude des créanciers.

Les objectifs visés sont simples et valables. Je compte utiliser le temps dont je dispose aujourd'hui pour décrire le processus que nous devrons suivre pour apporter ces changements positifs et expliquer en quoi ce projet de loi se révèle avantageux tant pour nos transporteurs aériens que pour les voyageurs.

L'adoption de ce projet de loi permettra au Canada de franchir une nouvelle étape dans sa démarche pour ratifier la convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles et du protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d'équipement aéronautiques à la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles.

[Traduction]

Ces traités, aussi appelés la convention et le protocole du Cap, auront pour effet de promouvoir l'application des règles modernes du financement commercial, lesquelles, pour la plupart, sont déjà en vigueur au Canada, pour les transactions internationales visant les équipements mobiles de grande valeur, comme les aéronefs et les moteurs d'avion.

La convention et le protocole représentent une amélioration marquée du financement dans le domaine de l'aviation internationale, d'importance vitale pour les intérêts aéronautiques et aérospatiaux du Canada, particulièrement si l'on tient compte des difficultés auxquelles l'industrie est confrontée aujourd'hui.

Comme vous le savez peut-être, l'Association du transport aérien international signale que depuis le 11 septembre 2001, l'industrie aéronautique a subi des pertes de plus de 35 milliards de dollars US à l'échelle mondiale, et l'industrie canadienne du transport aérien n'a pas été épargnée par ces pertes importantes. Nombre de secteurs de l'industrie ont eu à composer avec des événements comme l'épidémie du SRAS, la guerre en Irak, les menaces terroristes et les niveaux record du prix du carburant d'aviation. L'industrie continue d'insister sur la nécessité de réduire ses coûts si elle veut demeurer compétitive. En outre, les intervenants ont prié le gouvernement de faire sa part pour venir en aide à l'industrie.

Selon moi, cette initiative marque une étape importante pour aider l'industrie à rationaliser ses coûts.

[Français]

Lorsqu'ils seront pleinement en vigueur, la convention et le protocole contribueront à la modernisation des parcs d'aéronefs des transporteurs du monde entier et vont élargir l'application des règles modernes du financement commercial pour qu'elles visent les transactions internationales comprenant les cellules, les moteurs d'avion et les hélicoptères. Les avantages économiques de la mise en œuvre de ces traités auront vraiment une portée mondiale. Les transporteurs aériens dans les pays moins développés pourront également moderniser leur parc d'aéronefs dans la mesure où ils auront accès à un financement reposant sur l'actif qu'ils n'auraient pu obtenir autrement et en ayant accès à un financement pour l'acquisition d'aéronefs à des taux de financement réduits là où du financement est disponible.

Le transport par avion sera donc par le fait même plus sécuritaire et moins polluant grâce à l'utilisation d'aéronefs plus modernes. En outre, on s'attend à ce qu'il y ait une augmentation des exportations pour les pays qui jouent un rôle important dans l'industrie aéronautique comme le fait le Canada au fur et à mesure que les commandes d'aéronefs augmenteront.

La convention et le protocole aéronautique se sont déroulés sous les auspices concertés de l'OACI et d'UNIDROIT, l'Institut international pour l'unification du droit privé. C'est une organisation qui étudie les moyens d'harmoniser et de coordonner le droit privé d'État et de préparer graduellement l'adoption par divers États de règles de droit privé.

Pour sa part, l'OACI dont le siège social est à Montréal, est un organisme des Nations Unies spécialisé dans la réglementation technique et économique de l' aviation civile.

[Traduction]

La convention et le protocole ont été conclus en novembre 2001 au Cap, en Afrique du Sud, et ont été signés jusqu'à ce jour par 28 États. Le Canada est devenu signataire le 31 mars 2004. Il est bon de rappeler ici que dans le cas de conventions internationales de ce genre, les signatures ont l'effet de déclaration d'intention. La force exécutoire s'applique lorsque la signature est officiellement ratifiée par l'État.

La convention est entrée en vigueur le 1er avril 2004, lorsqu'elle a été ratifiée par les trois États requis. Cela dit, la convention n'aura aucun effet pratique jusqu'à ce que le protocole aéronautique entre en vigueur. Conformément à ses modalités, le protocole entrera en vigueur lorsqu'il sera ratifié par huit États. À l'heure actuelle, cinq pays, dont les États-Unis, ont ratifié la convention et le protocole.

La convention a été conçue pour s'appliquer à toute catégorie d'équipement mobile de grande valeur par l'adoption d'un protocole propre à l'équipement. Le seul protocole de ce genre adopté jusqu'à présent est le protocole aéronautique, qui s'applique aux cellules, soit le fuselage de l'aéronef, aux moteurs d'avion et aux hélicoptères au-delà d'un certain seuil sur le plan de la taille ou de la puissance.

Le fondement même de la convention et du protocole est qu'une réduction du risque pour les bailleurs de fonds lorsqu'ils accordent un crédit entraîne une réduction des coûts du financement par l'emprunteur. Actuellement, ceux qui accordent un financement reposant sur l'actif pour l'acquisition d'équipements mobiles de grande valeur sont tributaires des lois des États précisés dans leurs ententes visant à gérer le recouvrement du paiement et/ou de l'actif sous-jacent en cas de défaut de paiement.

Ces ententes ne sont pas sans risque pour ceux qui accordent un financement puisque les lois nationales diffèrent quant à leur façon de reconnaître les garanties et au choix du droit qui s'applique.

[Français]

Dans nombre d'États, le facteur de risque est significatif du fait que les lois nationales ne protègent pas les bailleurs de fonds en cas de défaut de paiement et d'insolvabilité et/ou sont très imprévisibles.

Dans le cas des aéronefs, leurs mouvements faciles par nature entre pays, ne sont pas sans ajouter à cette incertitude en raison du fait que les aéronefs se déplacent d'un État à un autre.

Ainsi, un bailleur de fonds ne peut pratiquement pas savoir où se trouve un aéronef le jour où survient un défaut de paiement ou une insolvabilité et les règles qui s'appliquent. C'est cette incertitude qui augmente le coût du financement de l'acquisition d'aéronefs, comme en fait foi le taux d'intérêt qui est imposé à l'emprunteur par le bailleur de fonds.

L'adoption de la convention et du protocole augmentera le degré de certitude en fournissant au bailleur de fonds un certain nombre de recours pour tout aéronef dont l'acquisition est financée par les emprunteurs qui se trouvent dans les États qu'ils auront ratifiés.

En cas de défaut de paiement, cela comprend entre autres le droit de prendre possession du contrôle ou du bien, de vendre ou de donner à bail dans le bien, de percevoir ou toucher les revenus aux bénéfices afférents à la gestion ou à l'utilisation du bien, et de faire radier l'immatriculation de l'aéronef et exporter et transférer physiquement les biens aéronautiques.

L'attribution de certains de ces droits est tributaire des déclarations faites par un pays lorsqu'il dépose ses instruments de ratification. On s'attend qu'en fournissant plus de certitude, de clarté et de confiance lors du financement qui repose sur l'actif, une augmentation des flux de capitaux à un coût moindre pour l'emprunteur, avec de nouvelles possibilités d'affaires pour les avionneurs, devrait en résulter.

Règle générale, la convention adopte les pratiques de financement reposant sur l'actif qui sont déjà utilisées au Canada. En d'autres mots, peu de modifications législatives sont requises pour permettre aux Canadiens de profiter de ce régime en ce qui a trait aux fins d'obtenir des garanties pour l'équipement mobile aéronautique.

[Traduction]

Néanmoins, pour que certaines dispositions de la convention et du protocole puissent être mises en œuvre au Canada, certaines modifications devront être apportées à la législation fédérale. Plus précisément, des modifications devront être apportées à la Loi sur les banques, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi sur les liquidations et les restructurations. Les modifications à la Loi sur les banques enlèveront toute possibilité de conflit entre les règles de la convention et du protocole et certaines règles financières de la Loi sur les banques qui ne s'appliquent pas habituellement au financement des aéronefs.

L'adoption de modifications à la loi canadienne sur l'insolvabilité, dans le but d'inclure les règles imposées par le protocole, contribuera à uniformiser les règles du jeu pour nos transporteurs aériens nationaux et nos avionneurs, alors que les concurrents américains profitent déjà de dispositions semblables conçues pour augmenter la certitude des créanciers.

La création d'un registre international pour enregistrer les droits sur l'équipement aéronautique aidera aussi à augmenter le degré de certitude des créanciers. La priorité sera établie lorsque les créanciers et les acheteurs déposeront un avis de leur garantie dans le registre international. Lorsqu'une garantie aura été déposée et deviendra consultable dans le registre, l'acheteur et le créancier auront une priorité sur les garanties non enregistrées ainsi que sur toutes les garanties subséquentes qui seront enregistrées.

Le registre international sera accessible par Internet des quatre coins de la planète, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Des droits seront perçus pour le dépôt d'un avis d'une garantie ou d'une garantie future pour effectuer une recherche dans la base de données et pour bénéficier d'autres services liés à l'utilisation du registre.

[Français]

On s'attend à ce que l'OACI assure la surveillance continue du registre international, en tant qu'autorité de surveillance, avec le but visé de garantir l'intégrité du registre et un barème de redevance raisonnable.

Le résultat de mettre œuvre le projet de loi C-4 et la convention et le protocole sera de réduire l'incertitude des créanciers, ce qui permettra de diminuer le taux d'intérêt qu'ils doivent demander pour tenir compte de leur risque. L'augmentation de la certitude offerte par la convention et le protocole favorisera particulièrement les économies au niveau du développement pour lequel les compagnies aériennes doivent souvent assumer des taux d'intérêt élevés tout en bénéficiant de modalités moins favorables.

D'autre part, les transporteurs aériens et avionneurs canadiens devraient profiter également de la plus grande certitude offerte par ce régime juridique international et, de ce fait, être en mesure de réduire leurs coûts. La convention et le protocole ont l'appui de l'industrie aéronautique, de compagnies aériennes et de la collectivité financière du Canada.

Les intervenants ont appuyé la convention et le protocole et continuent de prendre part à des efforts visant à soutenir l'élaboration de la législation qui sera la plus avantageuse pour l'économie canadienne. Comme je l'ai déjà dit, la convention et le protocole devront aussi recevoir l'appui provincial avant que le gouvernement fédéral décide de les ratifier. Certaines lois de mise en œuvre provinciales complémentaires devront être adoptées avant que la convention et le protocole puissent entrer en vigueur pour ce qui est du Canada. L'Ontario et la Nouvelle-Écosse ont déjà adopté des lois pour la mise en œuvre de la convention et du protocole.

[Traduction]

En réponse aux observations du sénateur Tkachuk dans son discours en deuxième lecture, j'aimerais souligner que bien qu'aucune autre province ou aucun autre territoire n'ait actuellement de loi pertinente à son calendrier des travaux législatifs, il est prévu que les autres provinces ayant des intérêts dans le secteur économique passeront à l'action en temps opportun. Il faut également souligner que les provinces qui mettent en œuvre la convention et le protocole devront déposer des déclarations dans les domaines qui relèvent de leur compétence.

En conclusion, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à mentionner que le Canada a joué un rôle de chef de file dans l'élaboration de la convention et du protocole parce que les intervenants ont appuyé les objectifs de ces instruments. Puisque le protocole n'est pas encore en vigueur et que le registre international n'est pas encore ouvert, le Canada s'emploie activement à inciter la communauté internationale à veiller à ce que les intérêts des Canadiens soient pris en compte. L'adoption du projet de loi C-4 aura pour effet d'accélérer l'entrée en vigueur de ces ententes et l'apport des bienfaits économiques pour notre économie, les pays en développement et la sécurité et la sûreté de l'aviation internationale.

Si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Au sujet des remarques que vous avez faites au début de votre présentation, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a d'autres comités du Sénat qui seront sans doute très intéressés aussi par les priorités que vous avez décrites, dont le comité spécial qui est à étudier le projet de loi C-36, où j'ai le bonheur mitigé de participer.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : En ce qui concerne une législation parallèle dans les provinces, considérant qu'il est nettement dans l'intérêt du Québec d'adopter ce projet de loi, s'il est aussi bon que vous le dites — et je crois qu'il l'est —, le Québec a-t-il indiqué que le texte figurera à son calendrier de travaux législatifs prochainement? Y a-t-il un problème de compétence?

M. Lapierre : Je n'ai vu aucun problème de compétence. M. Lauzon pourra peut-être vous en parler.

M. Gilles Lauzon, avocat général, Secrétariat pour le droit aérien international, Justice Canada : On ne nous a informés d'aucun problème de compétence particulier avec le Québec. Nous avons travaillé main dans la main avec le Québec pendant la négociation de cette convention, comme avec toutes les provinces. L'équipe de négociation était composée en partie d'avocats du Québec; un en particulier, Me Michel Deschamps, de McCarthy's, a été désigné par le gouvernement du Québec pour participer aux négociations. Les consultations ont eu lieu tout au long des négociations. Il y a eu une série de réunions qui ont mené à l'élaboration de la convention. Dans chaque cas, nous avons consulté les provinces, dont le Québec, et chaque qu'elle nous faisait des observations, celles-ci ont été intégrées aux instructions données à la délégation du Canada, les choses à obtenir pour la prochaine réunion.

Le Québec a été très présent dans le processus. Comme je l'ai dit, son représentant fait partie de l'équipe de négociation. La province a même désigné une deuxième personne à l'équipe de négociation, Mme Suzanne Potvin- Plamondon, directrice du Registre des droits personnels et réels mobiliers du Québec. Elle est experte dans le domaine. Elle vient de créer ce nouveau registre en vertu du nouveau Code civil québécois et elle nous a beaucoup aidés. Ce registre a été conçu selon un modèle que les Québécois qui travaillent dans ce domaine connaissent très bien.

Autant que nous puissions voir, la convention répond aux besoins du Québec. Pourquoi le Québec n'a-t-il pas pris les mêmes mesures que l'Ontario et adopté une loi est une question à laquelle je ne peux pas répondre.

M. Lapierre : Je m'engage à la soulever auprès du premier ministre Charest à la première occasion, et les occasions se présentent souvent. Je lui en parlerai parce qu'il est évident que cela serait utile.

Le sénateur Tkachuk : Dites-lui bonjour de ma part.

M. Lapierre : Oui. De bons vieux amis.

Le sénateur Tkachuk : Je vais poser une autre question de nature plus générale. Qui s'occupe de la mise en œuvre? Autrement dit, nous sommes les cinquièmes, ou il y a cinq pays qui l'ont mise en œuvre, et il y en a une vingtaine qui l'ont signée. Peut-on savoir quelque part quelle est la position de chacun? Autrement dit, est-ce qu'il semble que les pays vont y adhérer ou serons-nous les seuls avec les quatre autres? Autrement dit, que fait le reste du monde?

M. Lauzon : Nous ne sommes pas tous seuls dans notre coin parce que les États-Unis sont dans notre camp. C'est notre principal partenaire commercial et il représente une très large part du secteur mondial de l'aviation. Nous ne sommes pas tous seuls dans notre coin. Les Américains seront à nos côtés si nous y adhérons.

Vous êtes sans doute curieux de savoir ce qui se passe en Europe. D'après nos renseignements, l'Europe est en train de se transformer, car elle a un Parlement central de même que des Parlements d'État, un peu comme au Canada. Il y a donc plus d'un palier de compétences. D'après les conversations que nous avons eues avec les représentants de divers pays européens, nous avons l'impression que l'on attend là-bas que Bruxelles bouge pour adopter les lois de mise en œuvre qui sont nécessaires. Je pense notamment aux règles sur les compétences qui se trouvent dans la convention et que Bruxelles a du mal à définir. Je suis sûr qu'on y parviendra avec le temps. Mais d'après l'information que nous avons, c'est cette filière bruxelloise qui semble ralentir le tout.

Nous savons que d'autres pays, et particulièrement ceux du tiers monde, songent à emboîter le pas eux aussi. C'est tout à fait inattendu, car même si le Canada et les États-Unis montrent l'exemple en adoptant des lois de mise en œuvre, ce n'est pas dans ces deux pays que les changements seront les plus importants. Ce sera plutôt dans les pays du tiers monde qui, comment dire, ont un certain retard législatif à rattraper, puisqu'ils n'ont pas de lois protégeant les créanciers.

Le sénateur Tkachuk : On a beaucoup de chemin législatif à faire là-bas.

M. Lauzon : En effet. Mais la convention montre la voie à ces pays qui constatent qu'elle joue le rôle d'incitatif financier les encourageant à modifier leurs lois pour qu'elles protègent mieux les créanciers. Ce sont eux qui veulent emboîter le pas.

Le président Bush a dû envoyer au Sénat américain un message pour lui demander conseil et appui pour la ratification, comme cela se fait là-bas. Or, la lecture du message présidentiel révèle que la liste des avantages visent surtout l'étranger, afin qu'il soit plus facile de faire des affaires à l'extérieur des États-Unis. Le message ne vise donc pas à renverser complètement la législation américaine, mais plutôt à faire du reste du monde un endroit plus convivial pour les gens d'affaires américains.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une autre question au sujet des faillites. Supposons que certains pays adhèrent à la convention. Ce projet de loi-ci a pour effet de rehausser le statut du créancier. Dans nos contacts avec EDC, nous avons abordé la question des actifs que représentaient les aéronefs et leur financement, et le projet de loi devait leur permettre de récupérer rapidement l'aéronef, soit pour le revendre, soit pour le libérer. Cela se comprend si l'avion constitue une dette importante, mais qu'arrive-t-il si c'est le contraire, c'est-à-dire si l'avion constitue un actif important et qu'il n'y a presque plus de dettes? Supposons que la British Airways fasse faillite et qu'un de ses avions soit atterri à Toronto. J'imagine que dès que l'on constatera que la valeur de l'actif est imposante parce que l'avion n'est presque plus grevé d'endettement, les avocats, employés et tous les autres créanciers interviendront pour faire appliquer des injonctions afin de mettre la main sur la compagnie aérienne et empêcher que ce protocole n'entre en vigueur. Tout cela parce que l'avion a une valeur d'actif intéressante. J'imagine que vous avez réfléchi à cela, mais j'aimerais savoir comment cela se passera. Ce sera une situation fébrile.

Mme Mireille-France Blanchard, analyste principale de la politique juridique, Politique du droit corporatif et de l'insolvabilité, Industrie Canada : Il faut comprendre qu'une fois le projet de loi adopté, la période de sursis de 60 jours, qui est fixe, donne aux créanciers une arme. Mais après cette période de sursis de 60 jours, peu importe ce qui arrive, le créancier aura le pouvoir d'intervenir et de récupérer l'avion, à moins que le débiteur ne corrige toutes les inexécutions dans le contrat et n'accepte de continuer à faire les versements. Cela ne donnera lieu à aucune procédure judiciaire, étant donné que le créancier aurait le pouvoir automatique d'agir ainsi.

Le système qui existe déjà aux États-unis nous a déjà donné des exemples. Vous savez sans doute que le Code de la faillite des États-unis a des dispositions qui ressemblent de très près à ce que nous cherchons à adopter dans le projet de loi.

Le sénateur Tkachuk : Je l'ignorais, merci.

Mme Blanchard : Ce qui se passe en réalité, c'est qu'il peut y avoir une demande présentée d'urgence en vertu du chapitre 11 et qui permet au débiteur de dire, même un dimanche, « Il faut absolument m'accorder ce sursis afin que mes créanciers ne puissent rien faire à mon encontre, et il faut donc absolument que je fasse ma demande immédiatement », de sorte que tous les créanciers se trouvent sur la touche, y compris ceux qui ont loué les avions, mais uniquement pour la période réglementaire de 60 jours.

Ce qui se produira en pratique, c'est que comme la compagnie débitrice sait que son créancier va pouvoir faire saisir l'appareil, et dans le cas d'une compagnie aérienne, l'avion et le matériel connexes représentent son principal actif, le débiteur se trouve littéralement contraint de négocier avec ses créanciers beaucoup plus tôt pendant le processus.

Comme je l'ai déjà dit, on en a vu de exemples aux États-Unis. À notre connaissance, il n'y a pas eu d'autres dossiers ayant abouti à d'autres issues. Ce qui se passe, c'est que le débiteur négocie un arrangement quelconque avec son créancier. Mais jamais le créancier n'a été jusqu'à reprendre possession d'un avion. Le débiteur a toujours pu négocier de meilleures conditions. À notre connaissance, tous les créanciers aux États-Unis ont pu être intégralement payés aux termes du contrat de prêt, mais il leur a fallu plus longtemps.

Dans le cas d'Air Canada, il y a eu une demande aux termes de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies qui a duré un an et demi, et les créanciers n'ont pas été payés avant très longtemps, plus de six mois je crois, de sorte que la compagnie débitrice a pu profiter de la situation et éviter d'avoir à affronter ses créanciers. Avec ce système, elle aurait dû le faire beaucoup plus rapidement.

Le sénateur Phalen : Merci, monsieur le ministre. J'aimerais poser quelques questions au sujet du registre, mais d'abord je voudrais vous demander quelles sont les provinces qui ont un intérêt en cause.

M. Lauzon : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question. Quelles sont les provinces qui ont un intérêt en cause?

Le sénateur Phalen : Quelles sont les provinces qui auraient surtout un intérêt dans ce dossier? Le Québec assurément, à cause de Bombardier. Y en a-t-il d'autres?

M. Lauzon : Je pense que les provinces qui ont une industrie aéronautique sont celles qui devraient le plus s'intéresser à toute cette convention, et pas uniquement au registre. On parle essentiellement ici de l'Ontario. On parle aussi du Québec. Manifestement, la Nouvelle-Écosse estime avoir également un intérêt dans ce dossier puisqu'une compagnie aérienne y a son siège. Il y a aussi bien entendu l'Alberta avec WestJet. Nous savons aussi que la Colombie- Britannique a également dit vouloir que le dossier progresse. À notre connaissance, ce sont ces provinces-là.

Le sénateur Phalen : Pour revenir au registre, je crois savoir qu'à l'heure actuelle, toutes les provinces ont le droit de s'enregistrer. Est-ce que je me trompe?

M. Lauzon : Ce n'est pas la province, qui a le droit de s'enregistrer. Le droit d'enregistrement appartient au créancier hypothécaire.

Le sénateur Phalen : N'y a-t-il pas des lois provinciales qui permettent ce genre de choses?

M. Lauzon : C'est le débiteur qui est important, de sorte que si le débiteur est au Québec et si le Québec a adopté la loi proposée, les gens pourront consulter le registre.

Le sénateur Phalen : Le registre international, voulez-vous dire?

M. Lauzon : C'est cela. Par contre, les gens d'une province qui aurait décidé de ne pas participer n'auront pas accès au registre international. Ils continueront à s'inscrire dans leur registre provincial.

Le sénateur Phalen : C'est cela que je voulais savoir. Peut-il y avoir plusieurs registres?

M. Lauzon : Tout à fait. Ce n'est pas le but, mais c'est une possibilité.

Le sénateur Phalen : Toujours en ce qui concerne le registre international, que se passe-t-il lorsqu'un matériel quelconque a servi à garantir plusieurs créances?

M. Lauzon : En cas de faillite, la priorité entre ces créanciers multiples ira à celui qui s'est enregistré le premier. C'est lui qui sera le premier à être payé s'il y a liquidation de l'actif.

Le sénateur Phalen : Cela concerne le discours du ministre et une déclaration que nous a faite hier Jim McArdle. J'aimerais vous lire ces citations pour vous remémorer ce que contenait le discours du ministre. Lorsque le projet de loi C-4 a été déposé à la Chambre des communes le ministre a dit :

Ces nouvelles règles réduiront les risques associés au financement et assureront une plus grande confiance des créanciers et des manufacturiers d'aéronefs. Ceci fera en sorte qu'il y aura un crédit plus important qui sera disponible pour les compagnies aériennes à un coût moindre et, par contrecoup, les consommateurs bénéficieront aussi de services accrus des compagnies aériennes et/ou de tarifs moins élevés.

Hier, M. Jim McArdle, d'Exportation et développement Canada, nous a dit :

[...] contrairement à Ex-Im qui a offert une réduction générale des taux et une réduction de la commission d'encours dans un pays qui a adopté la convention.

Nous n'en sommes pas encore là. Il a ajouté :

Nous ne savons pas encore si nous serons en mesure de faire une déclaration sur cette question.

Pouvez-vous nous justifier la différence entre ce qui a été dit à la Chambre des communes à propos de cette réduction des taux d'intérêt débiteur devant résulter de cette mesure législative et ce que M. McArdle nous a dit hier?

M. Lauzon : Il parlait de choses légèrement différentes. Dans son discours, sauf erreur de ma part, le ministre évoquait un principe général. Quand les risques pour les créanciers sont réduits, le coût du crédit diminue pour l'emprunteur. C'est ce qu'il vient de vous dire dans sa déclaration d'aujourd'hui. C'est une évidence.

Les études le démontrent. Vous nous avez demandé de citer des exemples d'études de ce genre et nous les avons réunies pour vous. Elles sont à votre disposition et leur démonstration est tout à fait claire.

Je peux me tromper, mais je crois que votre témoin d'hier pensait plus en termes d'évaluation précise. Il n'a pu encore faire ce calcul. Je peux comprendre la position de M. McArdle parce que leur approche vis-à-vis de leur concurrent, la banque Ex-Im, est différente. Cette banque a pu faire les calculs et offrir une réduction d'un tiers de la commission d'encours pour les pays ayant ratifié la convention. Les services de M. McArdle ne peuvent pas faire un calcul aussi précis. EDC fonctionne différemment. Si j'ai bien compris, il vous a dit qu'avec le temps il finirait par avoir une idée plus précise.

Le sénateur Phalen : Je tenais à ce que ce point soit clarifié car c'est un des arguments en faveur de cette mesure.

La présidente : Personne ne vous le tiendra pour dit, mais estimez-vous possible que la réduction au Canada en pourcentage soit équivalente à celle aux États-Unis, en moyenne et à terme?

M. Lauzon : Ce n'est pas ma spécialité et ce serait pure spéculation de ma part. Cependant, si vous instaurez des règles identiques au Canada et aux États-Unis, il serait normal d'attendre des résultats comparables.

Le sénateur Merchant : Bonjour, monsieur le ministre, mesdames et messieurs.

C'est un dossier très technique. Je ne prétends pas en comprendre exactement toutes les implications, mais, sauf erreur, la ratification de cette convention et de ce protocole simplifiera les choses. Contrairement à ce qu'a dit le sénateur Tkachuk, j'ai lu quelque part hier que cela réduirait en fait le nombre d'avocats. Actuellement, il y a beaucoup d'avocats qui sont mêlés à ces transactions. Cette initiative est censée simplifier les choses.

Le sénateur Tkachuk : Je le croirai quand je le verrai.

Le sénateur Merchant : Je ne suis pas juriste, mais il y a beaucoup d'avocats dans ma famille et je suis leur porte- parole.

Monsieur le ministre, j'aimerais citer la lettre qui a été envoyée à notre présidente par l'ABC. Bien que le Barreau approuve la ratification de la convention et du protocole, il pose quatre questions. Vous les avez probablement en main. Je peux vous les lire si vous ne les avez pas. Vous les connaissez.

Qu'avez-vous l'intention de faire à propos de ces quatre questions?

M. Lapierre : Avocat moi-même, je suis un peu en conflit d'intérêts. Nous espérons que cette ratification simplifiera les choses. Tout cet exercice a pour but de créer plus de sécurité. Pour ce qui est de la lettre du Barreau, les avocats ne discutent qu'entre eux, je vais donc demander à quelqu'un qui pratique le droit ou qui en sait plus que moi de vous répondre.

Mme Blanchard : Industrie Canada est en contact avec des représentants du Barreau depuis déjà plusieurs semaines. Les questions posées dans cette lettre ne nous surprennent pas. Nous étudions ces recommandations et nous en discutons avec le Barreau en consultation avec des spécialistes de l'insolvabilité ainsi que des spécialistes du financement de matériel aéronautique.

Nous estimons que ces recommandations ne sont pas essentielles à l'application de la convention et du protocole au Canada. Le Barreau a fait neuf recommandations. Je ne sais si vous avez ce document mais il se trouve à la page 20. Les recommandations 6 à 8 qui traitent des déclarations faites par le Canada avant la ratification de la convention ou du protocole, seront prises en compte, d'après ce que nous disent les gens du ministère de la Justice, plus tard lorsque le Canada sera prêt à ratifier.

Les recommandations 4 et 5 portent sur des questions de terminologie de nature plus technique. Par conséquent, elles ne sont pas essentielles pour le moment.

Les recommandations 1 à 3 concernent des dispositions qui n'apparaissent pas dans le projet de loi C-4 et par conséquent soulèvent des questions de politique débordant la portée et les intentions du projet de loi. À cet égard, nous notons que la dernière recommandation du Barreau suggère que ces questions soient examinées dans le contexte de modifications corrélatives à la LFI et à la LACC. Nous continuerons à discuter de ces recommandations avec le Barreau dans le contexte de la réforme de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Industrie Canada participe actuellement à un large exercice de réforme de la législation canadienne en matière d'insolvabilité — la LFI, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et la LACC —, conséquence du dépôt d'un rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce de 2003. Nous étudions ces recommandations et nous les considérerons dans ce contexte, si nécessaire.

Le sénateur Merchant : Cette lettre a été écrite le 7 février, c'est-à-dire il y a un ou deux jours. Est-ce que ce sont toujours ces mêmes questions qui les inquiètent et à propos desquelles vous n'avez pu vous mettre d'accord avec le Barreau? Permettez-moi de vous citer ces quatre questions.

La première demande si les modifications proposées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies sont assez efficaces pour permettre la réalisation de l'objectif visé.

La deuxième concerne l'incidence des modifications proposées à la LFI et la LACC sur les parties concernées, la troisième, l'incidence de certaines déclarations auxquelles le Canada est habilité en vertu de la convention et du protocole sur le droit et la pratique de l'insolvabilité au Canada; et la quatrième, si les modifications au régime canadien de l'insolvabilité devraient s'inscrire à l'extérieur du processus de réforme continuelle du régime de l'insolvabilité. Ce sont les quatre questions qu'ils nous ont adressées.

Je me demandais si vous continuiez...

Mme Blanchard : Oui, je crois. Une personne présente à l'audience d'hier m'a donné le mémoire du Barreau canadien.

La présidente : Avez-vous une copie de la lettre qu'ils nous ont envoyée?

Mme Blanchard : Non. J'ai leur mémoire mais pas la lettre.

La présidente : À la deuxième page de cette lettre figurent les recommandations de l'ABC et à la page 1 ces quatre points dont vient de vous parler le sénateur Merchant.

Mme Blanchard : Je n'avais pas cette lettre. Si je compare le document que j'ai reçu hier avec ceux que nous consultons avec l'ABC depuis quelques semaines, ce sont les mêmes recommandations que celles qui se trouvent à la deuxième page de cette lettre. C'est à elles que je faisais référence. Oui, il semble que ce sont les mêmes.

Le sénateur Merchant : Il reste des points qui ne sont pas encore résolus et sur lesquels vous continuez à travailler?

Mme Blanchard : Exactement. Nous les examinerons dans le contexte de notre exercice de réforme de la Loi sur l'insolvabilité comme l'a recommandé l'Association du Barreau canadien.

Le sénateur Merchant : Merci.

La présidente : Aux fins de clarification, je devrais probablement ajouter que nous avons invité l'Association du Barreau canadien à comparaître comme témoin devant notre comité mais elle a choisi de nous envoyer une déposition écrite plutôt que d'apparaître en personne.

Le sénateur Tkachuk : Si des modifications sont apportées ultérieurement à ce projet de loi, les provinces devront- elles adopter des mesures législatives complémentaires pour les prendre en compte?

Mme Blanchard : Non. Nous continuons à travailler sur plusieurs scénarios possibles de rédaction avec l'ABC. Pour l'instant nous estimons que ces modifications n'auront pas d'incidences sur le contenu actuel du projet de loi C-4. Elles concerneront d'autres dispositions de la LFI et de la LACC, dans le but, pour l'essentiel, de faciliter la procédure, mais ces dispositions ne concernent pas le projet de loi C-4. J'espère que c'est clair.

Le sénateur Eyton : Merci, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, d'être venus nous voir ce soir. Je suis désolé d'avoir raté votre déclaration liminaire car vous avez la charge d'un portefeuille qui est considéré comme un des plus importants et des plus difficiles du pays et je vous souhaite tout le succès possible pour régler tous ces problèmes.

Mes questions sont relativement simples bien que la tête me tourne en pensant aux multiples permutations d'application de ce projet de loi.

J'aimerais vous parler du registre. Pour commencer, un système de registre pour le protocole a-t-il été développé et est-il prêt à être mis en place? Nous savons qu'il y a des systèmes de registre qui n'ont pas donné les résultats escomptés. C'est un registre international qui rassemble les dispositions juridiques complexes de toute une série de pays. Est-il en place et comment y aura-t-on accès?

M. Lauzon : Excellente question. Est-il en place? Je crois que non, pas encore. Est-ce qu'il sera bientôt en place? Je crois que oui, certainement.

Nous approchons de la phase finale. Il y a une série de réunions à Bruxelles et à Montréal sur cette question. Les règles de fonctionnement du registre qui répondent aux attentes du Canada ont été adoptées. Une compagnie, après sélection, a été désignée pour gérer ce registre international. C'est la compagnie Aviareto Inc., compagnie irlandaise qui a des liens avec le monde de l'aviation, et par conséquent le connaît, qui a été désignée.

Il y a encore des questions à régler concernant ce registre mais le concept lui-même est en très bonne voie. Il n'est pas encore opérationnel. L'intention est de le rendre opérationnel, tout du moins à titre d'essai, au cours des prochains mois.

Le sénateur Eyton : Je suppose que nous avons le logiciel pour ce système de registre complexe ou que tout du moins vous êtes certain qu'il sera prêt à temps.

M. Lauzon : Cette compagnie avait déjà mis au point un prototype de logiciel avant de faire son offre, en conséquence le logiciel est prêt. Les derniers petits détails sont en train d'être réglés. En fait, je crois que cette compagnie a déjà prévu de commencer les enregistrements même si la convention n'est pas encore en vigueur simplement pour acquérir un peu d'expérience et essayer d'éliminer certains problèmes.

Le sénateur Eyton : Pour moi, c'est indispensable. Si ce registre ne marche pas, rien ne marchera.

M. Lauzon : Exactement. Nous pensons également que c'est indispensable. C'est indispensable à cause de l'importance des transactions. Nous n'avons pas droit à l'erreur.

Le sénateur Eyton : Vous avez dit que cette compagnie irlandaise avait déjà une certaine expérience dans ce domaine. C'est peut-être la raison pour laquelle elle a été choisie. Pour moi il importe de choisir la bonne compagnie, le bon endroit avec les bons branchements, ici je pense en termes d'Internet. Je suppose que ces enregistrements se feront par Internet.

M. Lauzon : C'est exact. Il s'agit effectivement de s'enregistrer par Internet. Le registre sera fonctionnel 24 heures par jour et sept jours par semaine en raison des fuseaux horaires.

Le système doit être parfait et nous suivons cela de près.

Le Canada fait partie d'un petit groupe de pays qui supervisent le processus. Nous faisons de notre mieux pour que cela soit absolument parfait, ne serait-ce qu'à cause de l'importance de ces transactions et aussi parce qu'il s'agit du premier registre de droits de ce genre à exister dans le monde.

Vous avez dit supposer que la compagnie a été choisie à cause de son expérience dans le monde de l'aviation. Cela a été un facteur. Il s'agit d'une compagnie qui a été expressément constituée pour administrer le régime, mais elle est par contre placée sous le contrôle de la SITA, un organisme qui a été créé au début des années 50 essentiellement pour assurer les communications entre les différentes compagnies aériennes. Les compagnies aériennes avaient donc ce réseau qui leur permettait de communiquer entre elles pour effectuer les facturations et les réservations.

Le sénateur Eyton : Le processus de sélection a-t-il respecté les principes de la concurrence?

M. Lauzon : Tout à fait. Il y avait quatre compagnies en lice et, si cela vous intéresse, je peux vous donner leurs noms.

Il y avait entre autres Aviareto Inc. Il y avait aussi un organisme du secteur public espagnol du nom de Registradores de España. Il y avait une compagnie de Singapour du nom de Crimson Logic et une compagnie canadienne, CSRS ou Canadian Securities Registration Systems, de Burbany en Colombie-Britannique.

Le sénateur Eyton : Et nous n'avons pas eu le contrat.

M. Lauzon : Nous n'avons pas eu le contrat. Nous aurions dû l'avoir, mais nous ne l'avons pas eu.

Le sénateur Eyton : Simple curiosité de ma part, mais il n'empêche qu'il y a eu beaucoup de discussions au sujet du financement des avions de ligne et du fait aussi que parfois, les plans de financement offerts représentent un avantage concurrentiel.

La forme que revêtent les subventions ou les aides financières demeure nimbée de mystère. Ce système d'enregistrement pourrait-il être suffisamment complet pour donner le niveau de détail nécessaire à une meilleure transparence du système de financement des achats d'avions de ligne?

M. Lapierre : Cela serait effectivement utile puisque ainsi, nous pourrions mieux voir à quel point certains pays font preuve d'ingéniosité.

Le sénateur Eyton : Quel genre d'information trouverait-on dans ce registre?

M. Lauzon : Très peu, puisqu'il s'agit d'un registre international. Il y aurait le nom du débiteur, le nom du créancier, la nature de la transaction et ce serait à peu près tout. L'idée est ici de faire savoir à tout un chacun qu'il y a eu des transactions. Cela ne ressemblerait pas à un registre foncier, surtout un registre foncier comme il en existait auparavant, où tous les documents sont enregistrés. Les Américains ont déjà ce système qui fait que tous les documents doivent être enregistrés pour permettre au gouvernement de les analyser. C'est un système très lent et dépassé.

Ce nouveau système est calqué sur des modèles canadiens comme la Loi sur les sûretés mobilières ou encore le Code civil du Québec. Le registre contient le strict minimum d'information qui vous permet de savoir qu'il y a une transaction, après quoi il faut s'adresser aux parties prenantes pour avoir plus de détails. C'est un système qui est aussi très convivial si l'on songe qu'il doit pouvoir servir dans tous les pays du monde qui ont toutes sortes de systèmes juridiques différents et qu'on ne veut pas devoir commencer à analyser en détail telle ou telle transaction.

Le sénateur Eyton : Ma dernière intervention est simplement un signe d'émerveillement de ma part. Actuellement, 28 pays sont déjà assujettis au protocole ou ont accepté celui-ci, de sorte qu'il en reste encore 150 qui n'y ont pas souscrit. Qu'est-ce qu'on compte pouvoir atteindre comme chiffre? Je compare 28 à 150, et puis je pense aux créatures subnationales comme les provinces qui ont leurs propres lois, des lois qui s'intègrent mal à tout cela. Ce que je voulais dire, pour mémoire, c'est que les avions volent. Les avions peuvent aller ailleurs. Je vois cela et je me dis : « Bon sens, voilà tout un problème pour les avocats, les pilotes, les banquiers et tout le reste. » Je m'étonne que cela ressemble un peu actuellement à un genre d'outil de marketing qui permette aux banquiers de dire : « Oh, mais cela vaut un point ou un points et demi de moins. »

M. Lauzon : Ce qui vaut un point et demi de moins, ce n'est pas simplement le registre, il y a bien d'autres éléments en cause. En ce qui concerne le registre, pour parler précisément de cela, il suffit que huit États ratifient la convention pour que le registre soit mis en œuvre. À long terme, l'objectif consiste à rallier tout le monde afin qu'on puisse savoir avec certitude ce qui se passe partout. On saura à ce moment-là quelles sont les garanties qui frappent tel ou tel type de matériel.

J'ai appris quelque chose tout récemment. Dans le secteur de l'aviation, les financiers sont très malins. Ils vont insister pour que le contrat mentionne que la transaction devrait être inscrite au registre, qu'il s'agisse ou non d'une transaction couverte par la convention. Bien sûr, on pourra toujours dire : « D'accord, c'est inscrit au registre, mais cela ne tombera sous le coup de la convention. » Mais cela ne semble pas les décourager. L'important ici, c'est d'avoir un outil qui leur permet de découvrir à peu près tout sur ce qui concerne l'avion. Que cela soit ou non exécutable, peu importe, ils estiment que c'est une mine d'or.

Un système contractuel fait que les grands organismes prêteurs du monde entier veulent faire en sorte qu'à peu près tout ce qui est pertinent y figure, peu importe que cela tombe sous le coup de la convention, il s'agit simplement pour eux d'avoir une trace écrite. Cela semble les mettre très à l'aise.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne connais pas grand-chose dans ce domaine, et je n'ai donc guère de questions à poser. J'apprends beaucoup par contre.

J'ai bien écouté et, d'après le peu de choses que j'ai pu lire dans les journaux et ce que j'ai pu entendre lors de discussions sur les questions aéronautiques, j'ai formé l'impression que le Brésil était un joueur de premier plan. Je n'ai pas entendu parler du Brésil ce soir, et je n'ai vu le nom de ce pays nulle part dans les listes.

[Français]

Y a-t-il un problème avec le Brésil?

[Traduction]

M. Lauzon : J'aurais bien voulu pouvoir répondre à cette question. Ce que je peux vous dire d'après ce que j'ai pu voir, c'est que les Brésiliens ont participé de très près aux négociations. Chaque fois qu'il y avait un sous-groupe qui intervenait pour établir une réglementation concernant le registre international, ils étaient là. Ils avaient sur place des délégations de trois personnes, bien plus que le Canada n'a envoyées à ces petites réunions. Ils étaient présents d'un bout à l'autre des négociations.

Voici ce que nous savons du Brésil. Nous savons qu'avec Embraer, les Brésiliens doivent tout naturellement s'intéresser à ce genre de chose, et qu'ils militent pour la ratification de la convention et qu'ils montrent un peu l'exemple en la ratifiant eux-mêmes. J'imagine que le Brésil est au nombre des pays qui pourraient profiter de la mise en œuvre de certains des principes inscrits dans la convention.

Par contre, je ne saurais vous dire si le Parlement brésilien est déjà saisi de la chose, je n'en sais rien.

Le sénateur Trenholme Counsell : Pour mon édification personnelle, le Brésil est-il le troisième ou le quatrième plus grand producteur d'avions au monde?

M. Lauzon : Il se situe immédiatement après le Canada, au quatrième rang donc.

Le sénateur Trenholme-Counsell : C'est précisément de cela que nous parlons. Le Brésil suit le Canada, il ne le précède pas?

M. Lauzon : À moins que la situation ait changé récemment. Personnellement, j'avais l'impression que les quatre grands étaient Boeing, Airbus — je pense même qu'Airbus vient de doubler Boeing — et ensuite on trouve Bombardier et Embraer qui sont néanmoins des avionneurs de grande envergure.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mais on ne sait pas vraiment ce qui se passe du point de vue de la convention au Brésil.

M. Lauzon : En effet.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'aimerais avoir quelques éclaircissements. Vous savez, il est important de pouvoir rire une fois chaque jour, et nous savons qui nous a fait rire hier. Lorsqu'un débiteur est en défaut, est-ce qu'on saisit tout l'avion ou simplement certains matériels qui se trouvent à son bord, est-ce de cela que vous parlez?

Mme Blanchard : Cela dépend. Si le créancier a pris l'avion en garantie, à ce moment-là il fera saisir l'appareil. S'il a pris en garantie certaines parties de l'avion, en théorie il aurait également le pouvoir de faire saisir ces éléments-là. Cela me ramène à ce que je disais un peu plus tôt, c'est-à-dire qu'en réalité, cette arme dont dispose le créancier va probablement inciter beaucoup le débiteur à négocier avec lui. Le débiteur veut pouvoir garder son avion, il veut que sa compagnie puisse continuer à fonctionner, et il ne veut donc pas que son avion soit saisi. Or, en réalité, il ne tient pas à garder son avion. La situation pourrait changer, mais la plus grande partie de la flotte d'Air Canada est assez ancienne et la valeur de revente de ces appareils n'est donc pas très élevée. Ce serait donc essentiellement un facteur dans le processus de négociation entre le débiteur et le créancier.

Le sénateur Trenholme Counsell : Si j'ai bien interprété la chose, je trouvais cela un peu comique. Si vous ne payez pas les mensualités de votre voiture, on ne va pas venir vous saisir les sièges ou le lecteur de disque compact, on saisit la voiture purement et simplement. Je voulais simplement savoir ce qu'ils allaient prendre. Soyons sérieux, si on interprète cela correctement, est-ce qu'ils vont saisir l'avion ou se contenter d'une porte ou de quelques sièges? On parle ici de « matériels d'équipement mobiles ». Pourquoi ne pas parler simplement d'un avion?

M. Lapierre : Lorsqu'on parle d'un matériel d'équipement, il s'agit de l'avion tout entier, et pas d'un morceau.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je me posais simplement la question. Je ne pense pas que cela soit totalement clair.

M. Lapierre : On peut absolument sans problème faire voler un matériel d'équipement.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez passé l'épreuve haut la main, monsieur le ministre, je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je veux m'assurer de bien comprendre votre propos. Le Canada devient le 28e pays ou État à signer la Convention relative aux garanties internationales. Les objectifs visés, d'après ce que vous dites et ce qu'on a lu, sont très louables. On parle de garanties pour les créanciers et les bailleurs de fonds. On parle même de choses positives pour les compagnies aériennes et les consommateurs, puisqu'on touche l'aspect de la compétitivité et de l'économie. Tous ces éléments sont très positifs.

Le gouvernement canadien présente son projet de loi. Le projet de loi est adopté et on fait affaires avec les provinces. Si les provinces n'adoptaient pas de loi de mise en œuvre, est-ce que les parties prenantes auraient encore droit à certains bénéfices provenant de la convention?

M. Lauzon : La réponse est oui, en théorie, ils auraient encore droit à certains bénéfices. Un État ou une province n'ayant pas signé, ou n'importe qui, peut fouiller dans le registre et avoir accès à l'information qu'il contient à condition de payer la somme exigée. En ce sens, il y aurait un bénéfice. L'ensemble des bénéfices appartiendra aux provinces ou États qui ont signé la convention.

Simplement pour mettre les choses en contexte, cette convention a une particularité qui a été négociée par le Canada, elle n'a pas besoin d'être mise en vigueur par la totalité d'un pays. On peut mettre en vigueur une convention pour une partie d'un pays lorsqu'il s'agit d'une fédération comme le Canada. Le Canada ratifie donc la convention pour les trois ou quatre provinces que l'on nomme. Pour cette raison, les lois provinciales de mise en œuvre sont importantes. Elles vont déterminer dans quelle région du Canada la convention va s'appliquer.

M. Lapierre : En pratique, il est rare que les provinces puissent être en mesure de faire quelque chose pour leur industrie sans qu'il ne leur en coûte quoi ce soit. Je ne vois donc pas de raison pour une opposition. Il s'agit tout simplement de trouver du temps à la Chambre. Ce n'est pas le genre de projet de loi qui suscite une grande controverse. Comme vous l'aurez constaté, on a vu très peu d'éditoriaux à ce sujet. Une partie intéressée comme Bombardier serait sans doute la première à exercer des pressions auprès du gouvernement du Québec pour solliciter son appui afin que la convention soit adoptée. C'est le genre de loi qui ne fait de mal à personne et qui, au contraire, profite à tous.

Le sénateur Chaput : Cette loi comporte-t-elle des aspects négatifs? On parle des aspects positifs de la loi, mais quels pourraient être les défis ou la problématique?

M. Lapierre : Les personnes qui ne paient pas leurs dettes sont l'aspect négatif.

Le sénateur Chaput : Est-il possible, éventuellement, que ce registre international en devienne un qui s'imposerait partout dans le monde, peu importe que les pays l'aient ratifié ou non?

M. Lapierre : À mon avis, cet instrument sera utile pour tous. Étant un outil universellement disponible, tout le monde voudra le consulter, et plus particulièrement les gens qui travaillent dans le domaine. Maintenant, l'application systématique ne se fera pas nécessairement, car je présume qu'on ne retrouve pas des joueurs partout.

M. Lauzon : Effectivement, on ne retrouve pas des joueurs partout. Certains pays n'ont aucun d'intérêt dans ce genre d'instrument, car ils sont trop petits pour avoir une grande quantité de lignes aériennes. Généralement, l'objectif est de couvrir le monde entier et surtout les pays du tiers monde qui ont besoin de réformes dans leur système et leurs droits civils en ce qui concerne les relations avec les créanciers. Il ne faut pas oublier que dans le cas échéant, le domaine de l'aviation est restreint. Espérons que les changements apportés couvriront bientôt d'autres domaines. Cette convention aura des effets positifs pour les économies de ces petits pays en voie de développement.

Une fois que le secteur de l'aviation auront réalisé les bénéfices d'un tel régime qui traite les créanciers de façon décente et qui profite à l'économie, on verra peut-être le même genre de régime s'étendre comme une tache d'huile.

La présidente : Je ne suis pas avocate, ce qui deviendra très évident lorsque vous aurez entendu ma question. Sous la rubrique « Définitions et interprétation » à l'article 2, paragraphe (3) du projet de loi, on parle d'interprétation.

Peuvent servir à l'interprétation de la Convention et du Protocole aéronautique :

a) le Commentaire officiel sur la Convention [...] dans sa version approuvée pour distribution par le Conseil de Direction de l'institut international pour l'unification du droit privé (d'UNIDROIT);

[Traduction]

Je ne connais pas suffisamment UNIDROIT pour être tout à fait certaine des tenants et des aboutissants de la chose, mais il me semble que lorsque nous laissons un commentaire interpréter notre loi — pas le texte d'un traité, un simple commentaire — un commentaire venant de quelqu'un d'autre, c'est un peu unilatéral, non? Est-ce que ces commentaires risquent de changer? Je voudrais parvenir à comprendre comment le système fonctionne. Je ne me souviens pas avoir jamais vu une disposition comme celle-là dans un texte de loi qui nous était soumis.

M. Lauzon : C'est à ça que cela ressemble. C'est un document. C'est un document bien circonscrit auquel personne ne changera un iota. C'est UNIDROIT qui l'a produit, et il existe donc en anglais et en français. Il s'agit d'un commentaire officiel de Sir Roy Goode, CBE, QC, professeur émérite de droit à l'Université d'Oxford.

Vous avez je crois tous constaté que la convention et le protocole sont à la fois très techniques et fort difficiles à comprendre. On a jugé qu'il serait bon qu'ils soient assortis d'un commentaire qui permettrait aux gens de comprendre comment on en est arrivé à ces dispositions et qu'est-ce que celles-ci sont censées signifier.

M. Goode a agi comme ce qu'on pourrait appeler un rapporteur pour UNIDROIT. Il a composé un rapport qui a servi de préalable à l'élaboration de la convention. C'est également lui qui a présidé une série de comités de rédaction qui ont travaillé là-dessus. Lors de la conférence, on l'a chargé de composer un commentaire. Ce qu'il a fait, il a composé ce commentaire de 200 ou 300 pages qui a été ensuite communiqué à certains, dont le Canada, afin que ceux- ci en prennent connaissance et déterminent s'ils se sentaient à l'aise avec son texte. À mon tour, j'ai transmis ce document à tous ceux qui avaient fait partie de la délégation canadienne afin d'avoir la certitude que ce texte reproduisait fidèlement ce qui avait été dit, mais également les intentions initiales.

Voilà comment ce document a été élaboré. Voilà comment ce document a été au bout du compte approuvé, puis officiellement distribué par UNIDROIT.

La présidente : Sommes-nous bien certains que ce texte ne changera jamais? Ce n'est pas comme Beauchesne, dont le texte change avec chaque nouvelle édition? C'est à cela que je pensais. C'est peu vraisemblable.

M. Lauzon : Non, ce document est la référence et c'est la seule. La loi dit qu'on peut y faire référence pour mieux comprendre la convention. Si on vient à décider un jour que ce texte est dépassé, j'imagine qu'on arrêterait d'y faire référence. Par contre, pour nous ce texte est une référence unique. Il a été composé par un éminent juriste d'Oxford. Tout le monde s'accorde à dire que c'est un document utile pour l'interprétation de la convention.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais revenir sur ce dont nous parlions lorsque j'avais posé mes premières questions. Nous avions terminé en parlant de Bruxelles, je pense, du moins, et de l'Union européenne. En Europe, les États signataires ont signé la convention à titre individuel. L'Irlande a-t-elle signé?

M. Lauzon : Non.

Le sénateur Tkachuk : C'est étrange. Vous avez dit, monsieur Lauzon, que la lenteur affichée par l'Union européenne rendait les choses un peu difficiles. Même si tous les États membres ont signé à titre individuel, la mise en œuvre exigera-t-elle l'adoption de ce texte par chacun des parlements nationaux, mais également par Bruxelles? S'il faut attendre Bruxelles, cela ne se concrétisera probablement pas avant que nos petits-enfants soient grands. Faut-il donc les deux?

M. Lauzon : Oui, sénateur Tkachuk. C'est la réalité européenne. N'oubliez pas non plus qu'en droit international, une signature n'est pas nécessairement exécutoire. Ce n'est pas un contrat, ce n'est qu'une déclaration d'intention. Les pays se sont dit que c'était une bonne convention et ils l'ont donc signée. Maintenant, il faut qu'ils en saisissent leurs Parlements respectifs ainsi que le Parlement de Bruxelles pour l'y faire adopter. Cela prendra sans doute un peu de temps.

Le sénateur Tkachuk : Cela ne devrait pas avoir pour effet de bloquer une bonne idée.

Le sénateur Eyton : En fait, ma question était plutôt un signe de regret. Montréal est le siège de l'Association internationale du transport aérien, et elle représente donc le monde entier dans secteur du transport aérien. Montréal a également la bonne fortune d'avoir une excellente magistrature qui est également indépendante et qui connaît à la fois la common law et le droit civil. Nous semblons un peu avoir raté une occasion en or. Cet organisme se serait fort bien trouvé à Montréal, à proximité immédiate, pourrait-on dire, du siège de l'industrie et de toutes ces compétences particulières. Je le déplore. Monsieur le ministre, vous avez peut-être un sentiment à exprimer à ce sujet.

M. Lapierre : Le même que le vôtre. C'est vrai, Montréal aurait été un excellent siège. Je pense qu'aucune compagnie montréalaise ne s'était portée candidate, est-ce que je me trompe?

M. Lauzon : Il y avait cette compagnie de Colombie-Britannique qui voulait le registre et avait l'intention de l'installer à Montréal. C'est une bonne compagnie. Elle administre le registre pour la Banque du Canada, et ses références sont donc excellentes. Elle administre également plusieurs registres provinciaux de sûreté immobilière. Elle était toute prête à installer le registre à Montréal pour être proche de l'IATA, mais le sort en a décidé autrement.

Le sénateur Eyton : C'est tout à fait dommage.

Le sénateur Tkachuk : J'espère que cela n'a pas été le produit de l'influence de l'Union européenne.

M. Lauzon : Je ne pense pas que les Européens y aient été pour quoi que ce soit.

Le sénateur Phalen : Le sénateur Tkachuk a évoqué la question du nombre d'États qui doivent ratifier la convention pour qu'elle puisse entrer en vigueur. J'aimerais quant à moi savoir combien de provinces doivent se rallier. Suffirait-il que les provinces qui ont un intérêt direct s'y rallient pour que la loi puisse être adoptée au Canada?

M. Lauzon : Ce serait pure conjecture de ma part. Je n'en sais rien. Cette question appartient au conseil des ministres. On pourrait effectivement soutenir que si les provinces qui ont un intérêt immédiat sont d'accord, la liste est complète. Par contre, je ne peux préjuger de ce que le conseil des ministres pourrait décider à cet égard.

M. Lapierre : Il faut que je vous dise qu'aucune province ne m'a signalé une objection quelconque. La situation a été fort calme sur ce front. Il est certain que les provinces intéressées vont donner le feu vert. Après cela, je suis certain que nous allons pouvoir faire les recommandations nécessaires.

[Français]

La présidente : Je tiens à remercier infiniment nos témoins de ce soir. Vos témoignages ont été extrêmement utiles. Nous regrettons de vous avoir gardé un peu plus longtemps que prévu.

[Traduction]

M. Lapierre : Je vais devoir comparaître à nouveau très bientôt devant vous parce que j'ai quelques textes de loi en préparation que je voudrais vous soumettre — la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, la Loi sur les aéroports du Canada et quelques autres encore. J'espère que nous allons nous voir souvent.

La présidente : Nous avons également la question des communications dont le comité doit se soucier. Ne nous inondez pas de choses qui concernent uniquement les transports.

Honorables sénateurs, nous tiendrons notre prochaine réunion ici même à 9 h 30 le mardi 15 février. Nous avons offert aux gouvernements provinciaux de venir nous présenter leurs instances sur ce projet de loi. S'ils déclinent, nous passerons donc à cette occasion directement à l'examen article par article de ce texte de loi. Lorsque ce sera fait, nous prononcerons le huis clos pour parler de notre étude des médias canadiens.

La séance est levée.


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