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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 11 - Témoignages du 16 février 2005


OTTAWA, le mercredi 16 février 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 16 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous continuons notre étude des médias canadiens d'information et du rôle que l'État devrait jouer pour les aider à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous avons le très grand plaisir de recevoir une délégation impressionnante de Torstar, l'une des principales sociétés dans le domaine des médias au pays. Aux fins de la transparence, il me faut souligner que M. Goldbloom et moi-même avons travaillé ensemble pendant plusieurs années et que cette relation professionnelle a pris fin il y a neuf ans. M. Collins et moi-même avons eu des contacts de travail dans les années 80, mais ces contacts sont restés minimes. Peut-être qu'il ne pensait pas que c'était minime. Il comptait des chiffres et moi j'essayais à l'époque d'en dépenser.

Monsieur Prichard, vous avez la parole. Allez-y, je vous prie.

M. Robert Prichard, président et chef de la direction, Torstar Corporation : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de représenter la Torstar Corporation ici ce soir. Nous avons préparé un mémoire écrit exhaustif. J'ose espérer que vous en avez copie devant vous. Je ne vais vous présenter qu'une version abrégée de ce mémoire en guise de déclaration liminaire, mais j'espère que vous aurez l'occasion d'examiner ultérieurement le document dans son entier.

Torstar est l'une des plus grosses entreprises médiatiques du Canada. Nous publions des journaux et nous publions des livres. Torstar a fait ses débuts sous l'appellation Toronto Daily Star, qui a pour la première fois été publié en 1892. L'éventail des activités de Torstar s'est élargi avec l'acquisition d'intérêts dans le monde de l'édition, l'expansion de notre volet journaux grâce à des achats, et des entreprises toutes nouvelles.

La majorité des actions avec droit de vote de Torstar, qui représentent environ 31 p. 100 du capital-actions de la société, sont détenues dans le cadre d'un organisme de fiducie avec droit de vote, qui réunit les intérêts des cinq familles qui ont acheté le Toronto Star en 1958.

Torstar est une société cotée à la bourse. Nous rendons publics chaque année tous les aspects de nos opérations. Torstar est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un président non exécutif, M. John Evans, Compagnon de l'Ordre du Canada.

Nous publions des quotidiens et des journaux communautaires. Sur le plan revenus, nous nous classons au deuxième rang derrière CanWest parmi les éditeurs de journaux canadiens. Notre quotidien vedette est le Toronto Star, qui est le plus important au pays, tant pour son effectif-lecteurs que pour son tirage. Comptent parmi nos autres quotidiens The Hamilton Spectator, The Record et le Guelph Mercury. Notre volet journaux communautaires est dirigé par Metroland, qui publie 67 journaux communautaires dans la région du sud de l'Ontario et qui, ensemble, rejoignent chaque semaine environ 3,5 millions de lecteurs. Torstar détient également un intérêt de 20 p. 100 dans Black Press, grand éditeur de journaux en Colombie-Britannique et en Alberta. Notre maison d'édition, Harlequin Enterprises, est le plus important éditeur mondial de romans pour femmes, mais je ne vais pas insister sur ce volet-là ce soir.

En ce qui concerne nos journaux, les objectifs de Torstar sont les suivants : premièrement, être le meilleur éditeur de journaux au Canada; deuxièmement, publier nos journaux conformément aux normes de journalisme les plus élevées; troisièmement, veiller à ce que nos journaux servent de façon exemplaire leurs lecteurs et leurs communautés.

Tous nos journaux sont guidés par huit principes simples mais importants. Nous tenons à l'excellence rédactionnelle. Nous considérons que nous servirons aux mieux nos lecteurs, nos communautés, nos annonceurs et nos actionnaires en produisant des publications de qualité supérieure. Deuxièmement, nous tenons à l'indépendance de chacun de nos éditeurs; chacun d'entre eux est pleinement responsable du contenu de son journal. Troisièmement, au Toronto Star, nous adhérons aux principes d'Atkinson. Nous avons un engagement légal et historique spécial en vue du respect et de la promotion des principes que Joseph Atkinson, qui a longtemps été notre éditeur, a poursuivis tout au long de sa vie. Quatrièmement, nous tenons à l'avancement du journalisme et des journalistes. Nous croyons qu'il se trouve au cœur des grands journaux de grands journalistes et que pour faire avancer notre engagement à l'égard de la qualité il nous faut également faire avancer la profession de journaliste. Cinquièmement, nous tenons à veiller à ce que tous nos journaux poursuivent un journalisme de qualité, libres de crainte d'influence indue de la part de n'importe quelle source, qu'elle soit publique ou privée, et nous faisons tout en notre pouvoir pour veiller à ce que tous nos journaux demeurent férocement indépendants. Sixièmement, nous sommes engagés à l'égard des communautés que nous desservons, nous les reflétons, nous les informons et nous les servons. Septièmement, nous tenons à ce que nos journaux soient et de bonnes publications et de bonnes entreprises. Nous croyons qu'un bon journal, c'est une bonne entreprise. Nous croyons également que pour être un bon journal, celui-ci doit être une bonne entreprise. Huitièmement, nous sommes engagés à l'égard de notre équipe, les 6 000 hommes et femmes qui conçoivent, créent, enquêtent, écrivent, impriment et vendent de la publicité dans nos journaux.

Les journaux de Torstar ont tous un legs de réussite et d'engagement à l'égard du journalisme de qualité. Je pourrais consacrer le restant de ma présentation à vous citer des exemples de cela. Permettez-moi de ne vous en livrer que deux. Le Toronto Star a remporté plus de prix nationaux de journalisme que n'importe quel autre quotidien, remportant 101 prix pendant son histoire de journal national longue de 55 ans. Passant maintenant à Metroland, en 2004, les journaux de Metroland ont remporté 160 prix d'excellence éditoriale décernés par nos associations provinciales, nationales et nord-américaines. Metroland se classe régulièrement en tête de liste en tant que première entreprise canadienne d'édition de journaux communautaires.

Permettez que je passe maintenant au travail du comité ici réuni. Madame la présidente, nous sommes ici ce soir à cause du respect que nous avons pour vous et vos collègues au comité et pour tous vos collègues au Parlement du Canada. Vous nous avez dit qu'il était important dans le contexte du travail de votre comité que nous comparaissions devant lui, et c'est pourquoi nous sommes ici. Vous savez cependant, madame la présidente, que nous comparaissons ici devant vous aujourd'hui animés par un certain degré d'inquiétude. Nous croyons fermement que l'État ne devrait d'aucune façon, que ce soit directement ou indirectement, s'immiscer dans les salles des nouvelles des journaux canadiens. Pour paraphraser notre feu premier ministre Pierre Trudeau, l'État n'a pas à se mêler des bureaux de presse de la nation. Il nous faut résister avec fermeté à toute notion que le Parlement du Canada a le moindre rôle à jouer en matière de législation ou de réglementation du travail des journaux canadiens, et nous insistons à dire que les lois portant sur les journaux doivent être limitées à des lois d'application générale.

D'autre part, à notre sens, la Charte des droits et libertés, en enchâssant la liberté d'expression et la liberté de la presse, a établi une interdiction constitutionnelle de toute ingérence dans notre travail. Notre crainte est que les origines de votre comité violent cette séparation importante entre le gouvernement et les journaux. Notre examen du débat parlementaire et public ayant précédé l'établissement du comité laisse entendre que ces audiences pourraient être comprises comme portant, en partie, sur certaines décisions en matière de comités éditoriaux et de décisions personnelles prises par CanWest en 2001-2002 et, plus particulièrement, le renvoi par CanWest de Russell Mills en tant que rédacteur en chef du The Ottawa Citizen et l'élaboration par CanWest d'une politique éditoriale nationale pour ses journaux. C'étaient sans nul doute là des décisions controversées, qui ont été largement critiquées et à l'intérieur de l'industrie et à l'extérieur. Cependant, dans la mesure où ces audiences sont une réaction à ces événements et une tentative visant à décourager CanWest ou d'autres de se comporter de la même façon, nous estimons que ce n'est pas une question qu'il revient au Parlement d'examiner ou de trancher. Au contraire, par respect pour la séparation essentielle et fondamentale entre l'État et les journaux, le Parlement ne doit pas s'immiscer dans ce domaine et ce n'est pas parce que nous comparaissons ici devant vous que nous donnons notre aval s'agissant de cet effort. Nous refusons par ailleurs de nous prononcer sur ces controverses, non pas parce que nous n'avons pas d'avis à leur sujet, mais parce que nous jugeons qu'il ne serait pas opportun que nous le livrions à cette tribune.

Nos inquiétudes à cet égard sont amplifiées par le fait qu'à des occasions antérieures, bien que préalables à la Charte, lorsque notre industrie a été examinée par le Sénat avec le rapport Davy ou la Commission royale avec la commission Kent, ces études, bien que proclamant un engagement à la liberté de la presse, ont en fait avancé des énoncés politiques qui, s'ils avaient été adoptés, auraient violé cette liberté. Ces études incluaient des propositions visant des règles hautement interventionnistes et restrictives quant à la propriété des quotidiens, des interventions directes dans la structure de gestion des bureaux de presse, l'élargissement du domaine de compétence de la Commission des droits de la personne pour englober la réglementation des quotidiens, et la création d'un conseil des droits de la presse. À notre avis, toutes ces propositions étaient mal avisées et presque certainement suspectes du point de vue constitutionnel, surtout depuis l'adoption de la Charte. Toutes ces propositions auraient, directement ou indirectement, estompé la séparation entre la presse et le gouvernement et limité la liberté de la presse. Nous les avions opposées à l'époque et nous les opposons à nouveau aujourd'hui.

Les journaux sont une fiducie publique et un élément essentiel de l'État démocratique, mais il s'agit d'une fiducie publique qui doit s'exprimer par le biais de moyens privés. Les journaux doivent être totalement indépendants du gouvernement sur tous les plans. Dans le contexte de notre conception de la presse écrite comme constituant un quatrième État, il est essentiel qu'ils constituent un élément distinct et indépendant de notre société démocratique. Il ne peut y avoir aucun compromis en la matière, aucune demi-mesure. Nos salles de presse ne peuvent pas faire l'objet d'ingérence directe ou indirecte de la part de nos pouvoirs publics. Nous ne pouvons pas être financés, détenus, réglementés, dirigés, autorisés ou autrement influencés par le gouvernement.

Mes collègues et moi-même qui comparaissons devant vous aujourd'hui avons le privilège de diriger l'une des plus importantes entreprises de publication de journaux du Canada. Cela étant, nous avons le devoir fiduciaire et moral de résister énergiquement à toute tentative d'intervention dans nos affaires. Comme le dit votre rapport intérimaire, le Canada compte parmi les chefs de file mondiaux sur le plan liberté de la presse. Nos meilleurs journaux se classent parmi les meilleurs au monde. Il nous faut maintenir cette position enviable et en étendre encore le rayonnement, et, à notre sens, des interventions législatives la mineraient.

Nous vous exhortons à examiner toute proposition pouvant avoir une incidence sur les journaux sous la lentille de la liberté de la presse. En cas de doute, penchez du côté de la liberté. L'histoire n'a eu de cesse de donner raison à ceux qui ont agi ainsi et de donner tort à ceux qui ont fait le contraire.

Votre rapport intérimaire juxtapose deux conceptions de la liberté de la presse. Une approche envisage la réglementation de la presse comme moyen d'équilibrer les reportages et les commentaires ainsi que pour multiplier les points de vue — c'est l'approche prônée par le professeur Trudel. Une deuxième approche, à notre sens de loin préférable à celle-là, reconnaît que la presse ne peut pas servir de chien de garde auprès des institutions gouvernementales à moins d'être absolument libre de toute ingérence et inconditionnellement indépendance. Comme l'a dit le professeur Jamie Cameron, et je cite :

Ou l'État peut exiger que la presse rende des comptes au gouvernement, ou la presse peut exiger que le gouvernement rende des comptes au public.

Nous endossons l'avis du professeur Cameron s'agissant de la liberté de la presse et exhortons le comité à faire de même. La Charte des droits et libertés et la Cour suprême du Canada l'ont déjà fait.

Nous avons expliqué pourquoi, sur les plans et de la politique et de la loi, nous croyons que le gouvernement ne devrait pas réglementer les journaux. Cela amène la question de savoir, si le gouvernement ne doit pas réglementer les journaux, qui ou quoi devrait les réglementer? Premièrement, la force de réglementation la plus importante en matière de journaux, c'est le public. Le travail que font les journaux est jugé chaque jour par le public et est en permanence sujet à examen par l'ensemble des Canadiens. Nos lecteurs le savent lorsque nous nous trompons et ils n'hésitent pas à nous le faire savoir. Presque tous les journaux publient des lettres au rédacteur. Le Toronto Star reçoit chaque année environ 40 000 lettres de lecteurs. Nous avons également des pages réservées à des articles d'opinion à l'intérieur desquelles le public exprime toute une diversité de vues. Certains journaux, notamment le Toronto Star, sont dotés de comités de rédaction communautaires et le Toronto Star a également un rédacteur public.

Deuxièmement, les journaux ont une longue tradition de maintien, entre eux, de l'honnêteté, et la nature concurrentielle des médias au Canada est telle que les quotidiens sont sans cesse en train de surveiller et, souvent, de critiquer, la couverture faite par les autres. La prolifération des médias, notamment sur l'Internet, a multiplié le nombre de voix critiques et augmenté la facilité avec laquelle celles-ci peuvent exprimer leurs opinions, sous forme, notamment, de blogues, accroissant ainsi la rapidité, la visibilité et le volume des examens de notre travail de reportage.

Troisièmement, les journalistes sont une force majeure au sein des journaux. Eux-mêmes et leurs rédacteurs sont souvent les voix les plus informées, les plus éloquentes et les plus critiques à l'égard des quotidiens qu'ils servent. Leurs normes déontologiques et professionnelles déterminent la façon dont les journaux font leur travail et imposent le degré d'intégrité rédactionnelle.

Quatrièmement, les écoles de journalisme de partout au pays analysent et commentent, souvent de façon critique, le comportement des journaux.

Cinquièmement, les journaux ont instauré dans la plupart des provinces un processus d'autoréglementation par le biais de conseils de presse indépendants qui servent de tribune pouvant recevoir, examiner et trancher les plaintes émanant du public.

En 1972, Torstar a été la force motrice derrière la création du Conseil de presse de l'Ontario. Les journaux financent les conseils de presse et publient les rapports des décisions rendues à leur sujet.

Permettez que je passe maintenant au défi central, celui d'avoir des journaux de qualité et du journalisme de qualité, choses qui vous préoccupent, je le sais, vous aussi. Vous et nous sommes préoccupés quant à la façon de maintenir la qualité des journaux canadiens, et cette préoccupation est partagée par nombre des témoins qui ont comparu devant le comité. Le fondement de notre préoccupation est cependant très différent de celui de l'inquiétude d'autres intervenants que vous avez entendus. Comme cela figure dans votre rapport intérimaire, certains des intervenants ont déclaré que la qualité des journaux canadiens avait baissé, attribuant cette baisse à toute une gamme de prétendus maux liés à la propriété : la propriété des entreprises, la prétendue augmentation de la concentration de la propriété, l'émergence de chaînes de quotidiens détenus par un même propriétaire, le déclin de journaux à propriétaire indépendant, la convergence des médias et l'absence de réglementation publique, et la surveillance des journaux dans l'industrie des journaux.

Nous convenons que c'est la qualité qui est la question pertinente, mais toutes ces causes qui ont été alléguées, nous les écartons. Contrairement aux allégations qui ont été faites, voici ce qui peut être affirmé : la propriété corporative a amené à l'industrie une force et une capacité financières qui échappent pour la plupart aux propriétaires individuels, exception faite des plus riches, ce qui amène des investissements et des innovations qui ne seraient pas possibles autrement. La quasi totalité des grands journaux dans le monde appartiennent à des entreprises et ce sont elles, et non pas des exploitants indépendants, qui ont été la principale force contemporaine dans l'avancement de journaux de qualité supérieure.

Les médias modernes, poussés par l'innovation technologique, ont été principalement marqués par une fragmentation et une concurrence accrues, et non pas par une concentration accrue. Les mises en garde alarmistes voulant qu'une ou peut-être deux entreprises viennent à contrôler l'industrie canadienne des journaux se sont clairement avérées être non fondées. Au lieu de cela, ce sont de nouvelles entreprises en expansion qui ont émergé en tant que propriétaires, le résultat étant que le Canada compte aujourd'hui 15 grands propriétaires de journaux, alors que l'on n'en dénombrait que dix il y a une décennie.

Par ailleurs, l'Internet offre une bien plus vaste gamme de choix aux lecteurs, le New York Times comptant à lui seul plus de Canadiens inscrits sur son site Web que le Toronto Star n'a d'abonnés. L'on a également constaté une explosion des journaux ethniques, reflétant la riche mosaïque culturelle et linguistique du Canada et présentant encore plus de choix aux lecteurs.

Le défi pour nombre de journaux canadiens n'est pas le fait de trop peu de concurrence mais bien de trop de concurrence. En dépit d'allégations répétées avancées notamment par la commission Kent et voulant que la propriété de chaînes de journaux soit une force négative, aucune preuve causale de cette hypothèse n'a jamais été fournie. Certaines des chaînes de journaux du Canada ont en fait été les principales sources d'avancement dans l'innovation parmi les quotidiens canadiens. Nous citerions sans fausse modestie à titre de bons exemples Torstar et Southam Newspapers.

La convergence médiatique qui multiplie les auditoires pour un seul et même propriétaire est une réaction naturelle et logique à la fragmentation des auditoires amenés par les progrès technologiques, les nouveaux médias et les produits créneaux. La convergence est une source importante d'innovations potentielles et seule l'expérimentation nous dira si cela est ou non essentiel à la santé à long terme des journaux. Fort heureusement, les entreprises médiatiques canadiennes sont en train de mettre à l'épreuve ces hypothèses, et ces essais et expériences devraient à notre sens se poursuivre.

Aucun argument convaincant en faveur d'une surveillance réglementaire accrue des quotidiens canadiens n'a jamais été présenté. Le Canada a toujours rejeté, et ce à très juste titre, les recommandations mal avisées et du rapport Davey et de la Commission Kent.

Si nous nous inquiétons pour la qualité à long terme des journaux, c'est pour des raisons tout à fait différentes. Premièrement, nous n'acceptons pas la prémisse voulant que les qualités d'au moins nos journaux ait baissé. Nous en sommes très fiers et arguerions qu'ils se comparent favorablement à leurs prédécesseurs, eux aussi de bons journaux à leur époque.

Deuxièmement, nous craignons que les forces auxquelles nous nous trouvons confrontés — fragmentation des auditoires, importance croissante de l'Internet, omniprésence de médias concurrentiels, rythme ininterrompu de percées technologiques, pénétration réduite des effectifs-lecteurs de quotidiens et coûts croissants de production de journaux de qualité — viennent militer encore plus vivement contre la viabilité financière des gros investissements que nous devons consentir pour recueillir les nouvelles, évaluer et trier les faits et publier des journaux de qualité supérieure.

C'est ceci, cette menace à la qualité, qui devrait être votre réel souci et l'objet de votre quête de solutions. Le grand défi pour nous est que la qualité coûte cher. Elle exige le recours à un nombre suffisant de journalistes très talentueux pour produire une couverture et des commentaires excellents. Notre base d'abonnés se voyant fragmenter par de nombreux nouveaux produits et médias concurrentiels et nos annonceurs se voyant offrir bien plus de véhicules pour dépenser leurs dollars de publicité, nous sommes confrontés à un défi toujours croissant s'agissant de maintenir notre investissement dans la qualité.

Nous appuyons une variété d'initiatives à l'échelle de l'industrie qui augmenteraient nos revenus potentiels, réduiraient nos coûts et nous permettraient de mieux faire notre travail. C'est ainsi que nous adhérons aux initiatives menées par l'Association canadienne des journaux, que nous appuyons fermement et qui sont le fait de Mme Pike.

Nombre de ces mesures supposent la suppression d'entraves que le gouvernement a érigées autour des médias. Les mesures précises que nous appuyons sont au nombre de sept. Premièrement, nous appuyons le remaniement urgent et en profondeur de la Loi sur l'accès l'information. Deuxièmement, nous appuyons le droit des journalistes de protéger leurs sources d'information, libres de toute menace de divulgation forcée. Troisièmement, nous appuyons la révocation de l'article 4 de la loi sur la sécurité de l'information, qui établit en gros que c'est un crime pour un journaliste d'entrer en possession d'un secret gouvernemental. Quatrièmement, nous appuyons une protection efficace des fonctionnaires dénonciateurs, ce pour faciliter l'exposition des actes préjudiciables commis dans la fonction publique. Cinquièmement, nous appuyons l'allocation par le gouvernement de son budget publicitaire sur la base de la seule efficacité, libre, pour des raisons de principe, de toute considération relative à la surveillance des activités du gouvernement par un quotidien. Sixièmement, nous appuyons la modernisation des règles canadiennes en matière de publicité relative à la santé en vue de la suppression des restrictions manifestement déraisonnables quant au genre de renseignements que les citoyens peuvent recevoir au sujet de leur santé. Et, septièmement, nous nous opposons aux amendements à la Loi sur le droit d'auteur qui entraveraient nos activités de cueillette de nouvelles et viendraient augmenter nos coûts.

Nous appuyons également la collaboration de l'industrie et tout particulièrement le service de dépêches de la Pression canadienne, qui assure depuis 1917 une contribution tout à fait unique à la qualité des journaux canadiens. Torstar est pleinement engagé à appuyer et à maintenir le service des dépêches CP, qui revêt une importance énorme pour la quasi totalité des quotidiens et des entreprises médiatiques du Canada. Il joue un rôle fondamental les aidant à accéder à des reportages exhaustifs qui informent des millions de Canadiens.

Nous exhortons par ailleurs le comité à jouer un rôle de leader en préconisant l'augmentation de l'investissement public dans l'enseignement et l'étude du journalisme. L'ingrédient le plus important dans la création de bons quotidiens est la disponibilité de bons journalistes, dirigés par de bons rédacteurs et de bons éditeurs. L'existence d'une profession journalistique plus forte et plus vive est le moyen le plus important de veiller à ce que nous ayons des journaux de qualité élevée, informés par une saine éthique et un travail de qualité exceptionnelle. C'est ainsi que nos universités et collèges doivent élaborer de meilleurs programmes pour préparer les générations futures de journalistes à assumer leurs rôles essentiels.

Nous exhortons par ailleurs le comité à plaider en faveur d'un investissement public accru dans la recherche sur le journalisme et sur les médias. Nous croyons que cela amènerait dans le temps des différences profondes dans notre compréhension, ce qui augmenterait à son tour la transparence et la confiance à l'égard du journalisme en stimulant un débat éclairé.

L'amélioration de l'instruction et la multiplication des travaux de recherche exigeront des investissements accrus, tout particulièrement de la part des pouvoirs publics. En notre qualité d'entreprise d'édition de journaux, nous ne cherchons à obtenir du gouvernement aucune subvention, aucun prêt, aucun cadeau financier. Nous exhortons plutôt le gouvernement à consacrer ses ressources financières au développement du capital humain dont dépendent des médias forts, et à appuyer la recherche dont les Canadiens ont besoin pour mieux comprendre le rôle que jouent les médias dans notre société.

Madame la présidente, je conclurais en revenant à notre thème central. Les journaux sont une fiducie publique livrée par des moyens privés. Ils revêtent une importance fondamentale pour notre démocratie et nos citoyens. Étant donné leur importance, ils sont souvent la cible d'appels à une réglementation publique. Cependant, le principe constitutionnel et la politique de liberté de la presse sont tels que l'État ni ne peut ni ne doit s'ingérer dans notre industrie, autrement que par l'exécution de lois d'application générale. Les journaux doivent au contraire s'autoréglementer, comptant sur le jugement de nos lecteurs, le professionnalisme de nos journalistes, la sagesse de nos conseils d'administration, le marché des idées, les forces de la concurrence, les interrogations des savants et la juridiction d'organes émanant de l'industrie, pour créer et promouvoir des journaux de qualité supérieure libres d'influences externes. Ce n'est pas parfait, mais c'est préférable à tout le reste.

Le rôle qui revient donc aux pouvoirs publics est de respecter nos libertés constitutionnelles, d'éliminer les contraintes inutiles à notre capacité de faire notre travail, d'assurer aux journalistes une protection dans la loi et d'investir dans l'éducation et la recherche en journalisme.

Nous exhortons le comité à rejeter les appels à la limitation de la propriété des journaux, exception faite de l'application de la Loi sur la concurrence. Nous exhortons également le comité à rejeter d'emblée toute notion d'élargir la compétence du CRTC, de la Commission des droits de la personne, du Vérificateur général ou de tout autre organe de réglementation en vue d'englober les journaux. Nous exhortons le comité à rejeter toute autre barrière artificielle susceptible d'étouffer l'innovation et l'expérimentation dans l'industrie des journaux et dans ses relations avec d'autres types de médias. Nous exhortons le comité à se concentrer sur les vraies questions et à appuyer les mesures pouvant être prises en vue de renforcer notre capacité d'investir dans la qualité, de faire notre travail de façon plus efficace et plus efficiente, et de collaborer plus étroitement.

Nous autres, chez Torstar, sommes fiers de nos journaux et des gens qui les créent. Nous sommes fiers de nos réalisations en tant qu'entreprise de publication de journaux. Nous croyons être depuis plus d'un siècle une force du bien parmi les journaux canadiens. Nous sommes engagés à élargir et à enrichir notre dossier solide dans les décennies à venir et nous sommes déterminés à défendre et à consacrer les libertés fondamentales qui sont une condition essentielle à notre travail. Nous vous remercions de nous avoir écoutés et envisageons avec plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Prichard. Vous nous donnez là beaucoup matière à réfléchir. Nous allons commencer avec le sénateur Carney.

Le sénateur Carney : J'espère qu'il y aura un deuxième tour.

Le président : Bien sûr.

Le sénateur Carney : Premièrement, nous aimerions tous vous remercier de votre mémoire étoffé, qui est très clair, ainsi que du fait que vous ayez fait des suggestions concrètes. Nous connaissons votre position au sujet du nombre de ces questions et cela nous est très utile.

J'aimerais, dans cette première ronde, discuter avec vous de trois aspects. Vous avez dit très clairement que vous rejetez totalement l'intervention gouvernementale sauf dans certains domaines bien précis qui sont déjà couverts par la loi, notamment la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur la concurrence. Vous avez mentionné qu'en ce qui concerne la Loi sur le droit d'auteur vous n'aimez pas les changements proposés touchant les photographes et tels que l'utilisation archivale de photos serait difficile pour vous.

Le comité a entendu des journalistes qui sont très mal à l'aise avec certains contrats, et dans le cas que j'ai en tête il était question de CanWest, qui les obligent à céder leurs droits à perpétuité s'ils veulent être employés par cette chaîne de journaux. Comme vous le savez, les journalistes pigistes vivent du recyclage de ce qu'ils produisent sur différents marchés.

Pourriez-nous nous dire quel est votre degré de confort s'agissant de ces genres de contrats à perpétuité liant des journalistes?

M. Prichard : Nous estimons que les questions d'emploi entre les journaux et leurs employés devraient être tranchées à la manière des relations de travail habituelles, que ce soit sous forme de contrats d'emploi individuels ou, ce qui est plus fréquemment le cas dans le monde des journaux, par le biais de la négociation de conventions collectives. Nous croyons que c'est là la méthode appropriée pour fixer les conditions d'emploi pour nos employés et que nous ne devrions pas pouvoir assujettir cela à autre chose.

Le sénateur Carney : Cela ne répond pas à ma question.

Le président : Monsieur Goldbloom, sauriez-vous par hasard ce qu'exigent vos contrats avec vos pigistes?

M. Michael Goldbloom, éditeur, The Toronto Star : Mme Pike pourrait en discuter avec vous.

Le sénateur Carney : Cela concerne des questions de propriété intellectuelle et de droits du créateur à l'égard de ce qu'il produit.

M. Jagoda Pike, présidente, CityMedia et éditeure, Hamilton Spectator : Cela nous ramène, je pense, à la question de l'autonomie de l'éditeur. Vous constaterez que même à l'échelle de Torstar, tous les quotidiens ne signent pas les mêmes ententes avec les pigistes. Je vous citerai à titre d'exemple mon journal, The Hamilton Spectator, ainsi que, je pense, The Record, mais il y a également un autre éditeur à l'étranger qui est dans le même cas : nous signons des contrats avec les pigistes, mais nous payons pour chaque article et chaque insertion. Si le pigiste passait contrat avec The Hamilton Spectator, nous payerions pour cette insertion. Le Toronto Star, s'il reprend le texte paiera lui aussi et si le Record fait de même, il paye également. Je devine que cela est différent de ce à quoi ressemblent les contrats de CanWest.

Le sénateur Carney : Je suis certaine que vous allez être inondé de demandes de contrat de la part de pigistes.

La deuxième question concerne la Loi sur la concurrence, que vous avez évoquée en passant. Vous convenez, en la matière, que l'intervention gouvernementale est nécessaire ou acceptable. Vous acceptez l'application de la Loi sur la concurrence avec la reconnaissance que la concurrence entre médias élargit la définition même du marché pertinent.

Nous savons que bien que vous publiiez des journaux, vous avez fait une demande de licence de télévision dans la région torontoise et que, bien que le CRTC ait dit que la proposition était très séduisante, elle a été rejetée du fait que le plan d'affaires n'était pas réaliste étant donné que vous seriez dans l'incapacité de livrer le contenu canadien de 85 p. 100 annoncé dans le plan déposé.

Vous livrez concurrence sur un marché à l'intérieur duquel le National Post et le Globe and Mail ont des volets radiodiffusion. Pourriez-vous étoffer votre commentaire quant à votre acceptation de l'application de la Loi sur la concurrence? Y a-t-il quelque chose que vous suggéreriez que nous proposions dans notre rapport et qui resserre, définisse ou élargisse la couverture de votre industrie par la Loi sur la concurrence?

M. Prichard : Premièrement, les lois que vous avez à juste titre citées, c'est-à-dire la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur la concurrence, font partie d'une catégorie; il s'agit de lois d'application générale qui valent pour toutes les entreprises. Nous acceptons bien sûr que ces lois s'appliquent également à nous. Notre proposition est que nous ne croyons pas qu'il doive y avoir de lois qui ne s'appliquent qu'à nous. Voilà la distinction que nous faisons.

Nous croyons que la Loi sur la concurrence et la jurisprudence en découlant devraient s'appliquer et nous ne recherchons aucun traitement spécial de quelque genre que ce soit en vertu de ce texte de loi. Les mots que nous avons mis entre parenthèses dans notre mémoire à cet égard ont pour seul objet d'indiquer que dans l'application de Loi sur la concurrence, la question est toujours la suivante : quel est le marché pertinent? Dans un monde médiatique où la radio fait concurrence à des journaux communautaires et où la télévision fait concurrence à la radio, toutes les différentes formes de médias se livrant concurrence pour les mêmes dollars de publicité, nous estimons que la question est celle de l'application opportune de la Loi sur la concurrence. Le marché devrait être défini largement dans le contexte de la concurrence livrée pour le dollar de publicité, au lieu d'être limité aux seuls quotidiens ou journaux communautaires ou à la radio ou à un quelconque média pris séparément. Voilà ce que nous essayons de dire.

Le sénateur Carney : Je suis certaine que nous voudrons examiner cela plus avant dans le cadre d'autres questions, mais ma troisième pour cette ronde-ci concerne la convergence. Je sais que vous êtes très intéressé par la convergence, et votre demande de licence de radiodiffusion témoigne de cet intérêt. Je sais que le comité a entendu des témoignages selon lesquels nos jeunes obtiennent leurs informations sur l'Internet au lieu de lire des quotidiens.

Vous avez dit ne pas vouloir que les pouvoirs du CRTC soient élargis, mais si son domaine de compétence couvre la radiodiffusion mais non pas les journaux, il me semble que l'on ne pourrait même pas le qualifier d'équitable. Vous voudrez peut-être vous prononcer là-dessus. Avez-vous déterminé le moyen de gagner de l'argent avec la convergence? Tout le monde a très hâte de savoir si c'est le cas.

M. Prichard : Mes collègues vous expliqueront comment ils s'y prendront pour nous gagner des sous à partir de l'Internet. Permettez-moi de commencer par me prononcer sur la proposition générale.

Le sénateur Carney : Je vous ai posé deux questions, l'une sur le CRTC et l'autre sur la façon de gagner de l'argent avec la convergence.

M. Prichard : En dépit des questions posées par le comité au sujet du CRTC, comme vous l'aurez constaté, nous ne prenons position sur aucune d'entre elles, mais nous contentons simplement de déclarer que nous estimons que le CRTC ne devrait pas avoir compétence relativement à nous. Nous résistons à toute proposition visant l'élargissement de ses compétences, directement ou indirectement, en vue de nous y englober. Si nous détenions une licence de télévision, nous accepterions bien sûr le pouvoir du CRTC s'agissant de cette licence, et nous n'avons rien à redire là- dessus. Notre perspective en ce qui concerne le CRTC est qu'il ne devrait pas avoir son mot à dire sur nous tant et aussi longtemps que nous sommes actifs dans le monde des journaux et non pas dans ceux de la télévision ou de la radio.

En ce qui concerne l'Internet, et la convergence de l'Internet et nos produits imprimés, cela fait déjà partie de notre noyau d'activités, avec l'utilisation extraordinaire qui est faite de nos sites Web. Thestar.com est notre site Web le plus achalandé, alors M. Goldbloom pourrait peut-être vous en dire quelques mots.

M. Goldbloom : J'avais pensé commencer par un commentaire publié récemment dans la rubrique de notre spécialiste des médias, Antonia Zerbesias. Nous sommes ici en train de parler de liberté d'information alors que les jeunes gens parlent d'information libre. C'est là, bien sûr, le défi auquel nous nous trouvons confrontés, et notre site Web, thestar.com, affiche chaque année pour les usagers qui le visitent des millions de pages. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen de faire en sorte que ce soit une entreprise entièrement rentable. Le site thestar.com produit certains revenus, mais nous ne facturons pas les lecteurs pour le contenu. Nous autres, aux côtés d'autres journaux, sommes toujours à la recherche de notre chemin en vue de gagner suffisamment de revenus pour justifier l'investissement. Nous touchons de l'argent pour des publicités et nous en sommes donc plus ou moins arrivés au seuil de rentabilité. Nous sommes sur une voie positive. Si les tendances des deux dernières années se maintiennent, nous espérons pouvoir gagner un bon profit avec l'Internet. C'est ce que nous laissent entrevoir les lecteurs.

Nous avons une autre initiative dans le cadre de laquelle nous sommes partenaires avec The Globe and Mail et La Presse : cela s'appelle Workopolis, et il s'agit d'un site Internet qui affiche des emplois. Les personnes qui font passer une annonce dans un de nos journaux peuvent, moyennant un supplément, faire afficher leur annonce sur le site Workopolis. Workopolis est sur la voie de devenir une entreprise très payante. Nous n'en sommes encore qu'aux tous débuts et, bien franchement, nous gagnons beaucoup plus d'argent avec les annonces d'emploi dans nos quotidiens qu'avec Workopolis, mais il s'agit néanmoins d'une nouvelle source de revenus et de profits pour nous.

Le sénateur Carney : C'est à contrecoeur que je cède le micro. J'attends avec impatience un deuxième tour.

Le sénateur Phalen : J'ai plusieurs questions au sujet des principes d'Atkinson. J'ai bien aimé, et cela m'a rassuré de les lire.

Chez Torstar, à qui s'appliquent les principes d'Atkinson?

M. Prichard : Au seul Toronto Star.

Le sénateur Phalen : N'y a-t-il pas d'illogisme à vouloir gérer le Toronto Star conformément à ces principes tout en essayant d'augmenter la marge bénéficiaire du journal?

M. Prichard : Pas du tout.

Le sénateur Phalen : Vous dites dans votre mémoire, et je cite :

Il nous faut résister avec fermeté à toute notion que le Parlement du Canada a le moindre rôle à jouer en matière de législation ou de réglementation du travail des journaux canadiens et nous insistons pour dire que les lois portant sur les journaux doivent être limitées à des lois d'application générale.

En ce qui concerne les principes d'Atkinson, le numéro six dit, et je cite :

Lorsque Atkinson croyait que l'entreprise privée et les forces du marché ne pouvaient répondre aux besoins du public, il préconisait vivement l'intervention du gouvernement.

Auriez-vous quelque commentaire à faire à ce sujet?

M. Prichard : Nous pensons que M. Atkinson aurait répondu en citant le troisième principe qui figure dans le document dont vous vous inspirez. Atkinson insistait pour que tous les citoyens soient traités également par la loi, en particulier les minorités; il était un ardent défenseur des libertés fondamentales de culte, de pensée, d'opinion et d'expression et de la liberté de la presse. Il était l'un des premiers et des plus éloquents défenseurs de l'indépendance complète et féroce des journaux. Je pense qu'en l'espèce il appuierait et aimerait la position que nous avançons dans notre mémoire.

Le sénateur Phalen : Vous dites dans votre mémoire :

Les journaux reconnaissent depuis longtemps que leurs rôles uniques sont assortis de responsabilités uniques et d'un devoir accru de reddition de comptes.

Lorsque Peter Kohl a comparu devant le comité, il a déclaré ceci :

Je proposerais que l'on exige de tous les groupes médiatiques et de toutes les personnes propriétaires de médias qu'ils publient trimestriellement des énoncés de principe traitant dans une large mesure de la liberté d'information. Prenez une demi-page, deux, trois ou quatre fois par an pour un énoncé de principes et d'obligations envers le public.

La société Torstar trouve-t-elle cette solution acceptable?

M. Prichard : C'est ainsi que nous agissons déjà, dans le cas du Toronto Star. Nos principes sont affichés sur notre site Web et sont donc disponibles 365 jours par an. Nous en faisons état dans le journal. Nous estimons que c'est la chose à faire. Nous résisterions à l'imposition de toute exigence en ce sens, car si cela nous était imposé, cela violerait les libertés même dont nous parlons. Je trouve offensant que vous y voyez une pratique séduisante et que vous vouliez encourager d'autres à l'adopter. Nous nous efforçons de mener par l'exemple, mais nous ne suggérerions jamais qu'une quelconque règle soit appliquée à nos concurrents. En fait, nous ne l'appliquons pas forcément à chacun de nos éditeurs. Chacun d'entre eux fait un choix à cet égard. M. Goldbloom a fait un choix. Mme Pike n'a pour le moment pas choisi de faire de même. Nous croyons que c'est la diversité qui est la voie de l'avenir.

Le président : Mis à part le Toronto Star et les principes d'Atkinson, y a-t-il un autre de vos journaux qui ait des principes codifiés du genre? Je ne veux pas forcément parler de principes hérités du père fondateur, mais je songe à tout code d'engagement à l'égard du public qui serait rendu public, voire même qui circulerait dans la salle des nouvelles?

M. Prichard : Je vais faire appel à M. Skinner afin qu'il nous parle de son approche à l'égard des journaux communautaires et de l'accent qui y est mis, par principe, sur la qualité, et de la façon de vous y prendre avec les rédacteurs.

M. Murray Skinner, président, Metroland, Printing, Publishing and Distributing, Torstar Corporation : Il y a une liste de huit principes généraux que nous appliquons dans l'ensemble aux différentes entreprises. Chacun de nos éditeurs de journal conviendrait qu'il s'agit d'un ensemble de principes avec lesquels ils doivent tous fonctionner. Nous n'imposons rien au rédacteur de chacun de nos journaux. Nous ne leur disons pas qu'il leur faut suivre une certaine politique ou appuyer un segment donné de la population, un organe gouvernemental donné ou autre chose du genre. C'est au rédacteur qu'il revient d'essayer de déterminer ce qui est dans l'intérêt de la communauté qu'il sert et de fournir à chaque collectivité les services requis.

Le sénateur Munson : Monsieur Pritchard, je ne pense pas qu'il vous soit possible de trouver de plus grands défenseurs de la liberté de la presse en dehors de cette salle de comité. J'estime qu'en régime démocratique le dialogue est une bonne chose.

Vous déclarez, à la page 10, et je cite :

Nous craignons que les origines et les audiences de votre comité ne violent l'importante séparation qui est faite entre le gouvernement et les journaux.

À quoi voulez-vous en venir? Êtes-vous en train de dire que ce que nous nous efforçons de faire, s'agissant de recueillir de tous les coins du pays des renseignements auprès de journaux, de stations de radio, de chaînes de télévision, dans les petites villes comme dans les grandes, n'est pas opportun, que nous nous y prenons mal, s'agissant de soumettre peut-être de nouvelles recommandations et pas forcément d'arguer en faveur d'une plus grande réglementation ou d'une ingérence du gouvernement dans les journaux? Vous semblez remettre en question l'existence même du comité.

M. Prichard : Vous avez bien compris la teneur du mémoire. Je vais essayer de vous expliquer notre position, car je ne voudrais certainement offenser personne. Je ne désire aucunement dénigrer l'engagement de l'un quelconque d'entre vous à l'égard de la liberté de la presse. Nous estimons qu'il est parfaitement approprié que le Sénat du Canada fasse enquête sur l'état des médias au Canada et tienne des audiences et livre toutes ces questions à un débat public. Nous croyons au débat public et en la transparence de notre travail et nous nous efforçons de faire sur ce plan de bonnes contributions. Nous sommes ici par respect de ce principe.

Permettez que je sois précis en ce qui concerne l'inquiétude qui se trouve reflétée dans ce paragraphe. Nous ne pensons pas qu'un processus parlementaire devrait être utilisé pour tenter de changer le comportement d'une entreprise de publication de journaux donnée relativement à ses politiques en matières de nouvelles. Nous estimons qu'il s'agit là d'ingérence mal avisée du gouvernement dans les bureaux de presse. Nous avons lu les procès-verbaux et témoignages ainsi que le hansard correspondant au débat ayant précédé la création du comité ici réuni et avons constaté que des inquiétudes quant au comportement de CanWest en matière d'éditoriaux nationaux et que le renvoi par CanWest de M. Mills y avaient pris beaucoup de place. Nous avons relevé que lorsque M. Clark Davey a comparu, il a dit la même chose; lorsque M. Murdoch Davis a comparu, il a tenu des propos semblables devant le comité. Je ne pense donc pas que ce soit une lecture idiosyncrasique que de dire qu'une des grandes causes qui a amené la création du comité a été un comportement de salle de nouvelles donné. Dans la mesure où c'est là la cause immédiate de la création du comité, cela nous met très mal à l'aise.

Nous avons également noté à la lecture des transcriptions que nombre des personnes qui ont comparu devant vous ont voulu parler de ces mêmes incidents, ce que nous refusons catégoriquement de faire, non pas parce que nous n'avons pas d'opinion là-dessus mais parce que nous croyons qu'il n'est pas opportun de faire intervenir dans ces discussions, par votre entremise, le gouvernement du Canada.

Le sénateur Munson : Nous ne sommes pas ici pour nous en prendre à qui que ce soit, mais en ce qui concerne la propriété croisée, la propriété des médias, j'aimerais connaître vos opinions et sentiments sur ce qui se passe à Vancouver, où un propriétaire possède deux journaux et toutes les stations de télévision.

Nous nous sommes rendus là-bas. Nous n'étions pas à la recherche de couverture médiatique, mais je dois dire qu'aucune de ces organisations ne nous en a donnée. Nous sommes néanmoins passés dans le Westender à Vancouver. Dans toute démocratie, le fait d'entendre des voix divergentes est très précieux. Pensez-vous que les habitants de Vancouver obtiennent cette valeur avec ce genre de propriété croisée?

M. Prichard : Permettez que je m'exprime ainsi. Nous croyons en l'application de la Loi sur la concurrence et nous croyons qu'elle aurait dû s'appliquer et qu'elle devrait continuer de s'appliquer à notre industrie et à toutes les autres industries du Canada. Nous estimons que la concurrence est une bonne chose. Nous croyons qu'une diversité de voix est meilleure qu'une absence de diversité de voix. Nous sommes donc sur ces deux question en accord avec vous. Quant à la situation particulière à Vancouver, nous ne sommes pas les experts en la matière, mais je dirais que dans ce cas-ci la concurrence va vraisemblablement émerger à Vancouver. Le marché de Vancouver est un marché intéressant qui va attirer d'autres joueurs. Si j'étais au CRTC, cela m'intéresserait de créer d'autres véhicules pour introduire davantage de concurrence sur le marché. Les forces du marché vont finir par aboutir à une plus grande concurrence dans le marché des journaux de Vancouver. Il y a Black Press qui est un vigoureux concurrent pour CanWest. Il y a le Georgia Strait, un merveilleux journal qui est en train de prendre de l'ampleur et qui devient de plus en plus compétitif. J'ai lu des rapports émanant de notre concurrent et selon lesquels Torstar va peut-être faire son apparition sur le marché vancouverois. Les forces du marché vont finir par donner lieu à une plus grande diversité d'opinions et de voix sur ce marché.

Comme nous l'avons dit dans nos remarques liminaires, l'application de la Loi sur la concurrence est tout à fait appropriée pour notre industrie, comme elle l'est pour toutes les autres industries canadiennes.

Le sénateur Munson : Je m'inquiète néanmoins à l'occasion. Nous recevons de nombreux quotidiens le matin. Lorsque je travaillais pour l'ancien premier ministre, il m'avait demandé un jour ce qui était dans le National Post. Je l'avais alors entretenu des reportages dans le National Post. L'ancien premier ministre m'avait alors demandé ce qui était dans le Ottawa Citizen, et je lui ai dit que c'étaient les mêmes reportages que dans le National Post. Il m'avait demandé ce que l'on pouvait lire dans la Gazette de Montréal, et je lui ai dit qu'on pouvait lire dans la Gazette ce que l'on avait déjà vu dans le Ottawa Citizen. En tant qu'ancien journaliste, ce qui me préoccupe est que l'on ne retrouve pas dans certains de ces quotidiens des voix distinctes.

Vous dites que le gouvernement n'a pas sa place dans les bureaux de presse de la nation et je suis d'accord avec vous. Le gouvernement a-t-il un quelconque rôle à jouer en vue de l'assouplissement des règles en matière de propriété étrangère? Si les règles en matière de propriété étrangère étaient quelque peu relâchées, quelle serait la position de Torstar?

M. Prichard : En ce qui concerne la propriété étrangère, c'est à dessein que nous n'avons pas pris position en la matière. Nos éditorialistes ont déjà pris position. La société en tant que telle n'a pas pris position. Notre silence en la matière était délibéré.

Côté principes, nous considérons que cela devrait être envisagé non pas comme une question portant spécifiquement sur l'industrie des journaux, pour les mêmes raisons que celles données tout à l'heure s'agissant d'éviter des règles d'application unique aux journaux, mais plutôt comme un aspect de la politique culturelle canadienne au sens large en matière de propriété d'un éventail d'industries du secteur culturel canadien auquel s'appliquent des restrictions.

Certains de nos journaux ont été de fervents défenseurs de ces politiques tandis que d'autres ont jugé ces dernières plus restrictives qu'elles ne devraient l'être. Nous sommes d'avis qu'il est parfaitement légitime que le gouvernement et que le Parlement en débattent. Nous nous attendrions à ce que les journaux soient saisis dans cet exposé plus large de la question plutôt que par une loi exemptant spécifiquement les journaux, dans un sens ou dans l'autre, de l'actuel règlement en matière de propriété découlant de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Munson : Je suis curieux quant à vos principaux concurrents, le National Post et The Globe and Mail et j'aimerais enchaîner sur vos commentaires. Considérez-vous que leur volet radiodiffusion leur confère un avantage concurrentiel?

M. Prichard : Dans certaines circonstances, il peut être avantageux sur le plan de la concurrence de pouvoir faire intervenir une plus vaste gamme de médias. À ce jour, la valeur économique de cet avantage concurrentiel a été modeste et n'a pas été appuyée par les coûts supplémentaires d'établissement d'avoirs dans la façon dont ces avoirs ont été réunis. Seul le temps nous dira dans quelle mesure la propriété des deux sera nécessaire pour réaliser ces avantages ou si ceux-ci pouvaient tout aussi bien être obtenus par le biais de contrats ou d'autres formes de relations. À titre d'exemple, il est clairement avantageux pour le Toronto Star que notre distinguée chroniqueuse Chantal Hebert non seulement écrive régulièrement pour le Toronto Star, mais participe également régulièrement à des émissions de CBC. C'est une bonne chose pour CBC et pour Torstar. Mais une fusion des deux n'est pas nécessaire pour parvenir à cela. Il est clairement avantageux que sa voix soit entendue par un plus grand nombre de Canadiens du fait qu'elle participe à plus d'un média, étant donné qu'elle est une communicatrice fort douée et à la télévision et dans la presse écrite.

Le sénateur Johnson : Je suis une grande lectrice de quotidiens et je ne suis pas en désaccord avec vous lorsque vous dites que le gouvernement ne devrait pas s'immiscer dans les bureaux de presse de la nation. J'aimerais parler des jeunes gens et de ce que l'on pourrait faire pour les amener à lire plus souvent les journaux. Est-ce une question qui revient proprement aux journaux? Y a-t-il d'autres forces que nous ne serons pas en mesure de surmonter?

M. Prichard : Mme Pike et M. Goldbloom font beaucoup en la matière à l'heure actuelle et je vais donc les inviter à intervenir.

Le sénateur Johnson : Il serait bon, aux fins de notre étude, que nous connaissions les chiffres pour ce qui est des jeunes lecteurs. Dans ma localité des Prairies, 70 p. 100 des gens lisent des hebdomadaires mais aucun des journaux nationaux. Toute information en provenance des grands journaux du pays leur est livrée par les services en ligne. Je vois de plus en plus de jeunes gens à Gimli, au Manitoba, qui lisent l'Interlake Spectator pour avoir les nouvelles locales. J'aimerais que les gens lisent davantage les nouvelles nationales ainsi que le contenu étranger. Vous avez fait remarquer que le New York Times et le New York Book Review comptent au Canada plus d'abonnés que Saturday Night.

M. Prichard : J'inviterais Mme Pike, M. Goldbloom et M. Skinner à se prononcer là-dessus. Nous ne considérons pas que ce soit une mauvaise chose que les gens lisent des journaux communautaires, et je vais donc m'assurer que M. Skinner se prononce là-dessus.

Le sénateur Johnson : C'est tout simplement que les jeunes ne suivent pas l'actualité nationale et étrangère.

Mme Pike : C'est pour nous un grand défi. Il est certain que lorsque je regarde ce que fait mon fils âgé de 16 ans, je vois toutes sortes de schémas se dessiner, mais je sais qu'il lit. Il ne lit pas forcément chaque matin mon quotidien que je pose sur la table de la cuisine, mais il picore. Cela semble être représentatif de la jeune génération. Ils lisent des quotidiens distribués gratuitement, comme par exemple Metro, dont nous sommes propriétaires à moitié. Ils lisent dans une certaine mesure des journaux et des quotidiens communautaires. Ce n'est peut-être pas vers ce contenu-là que nous les dirigerions, mais il y a certaines rubriques qui les intéressent.

Au cours de la dernière année, nous avons apporté d'énormes changements aux différents cahiers et au contenu du Hamilton Spectator. Ces changements semblent avoir été bien accueillis par les lecteurs plus jeunes. Lorsque je dis plus jeunes, et cela vaut pour l'ensemble des quotidiens, je veux parler des gens âgés de la fin vingtaine à la début trentaine. La catégorie des adolescents pose tout un autre défi.

Le lectorat ne sera pas ce qu'il était il y a 10 ou même 20 ans, et l'alphabétisation est une question dont nous devons nous occuper en tant que nation.

Le sénateur Johnson : Très juste.

Mme Pike : L'éducation, les programmes de journalisme et la recherche sont extrêmement importants. C'est une boucle continue telle que si nous parvenions à rectifier le tir pour l'avenir, alors nous pourrions bâtir un plus grand effectif-lecteurs qu'à l'heure actuelle.

Il est juste de dire que nous déployons tous beaucoup d'efforts et que nous affichons certains succès. Savons-nous quelle est la solution? Non, nous ne le savons pas. Une partie de la solution sera l'Internet, qui est certainement le moteur d'une grande partie de l'activité de lecture dans ma maison. Au fil de cette migration vers un monde situé entre les mots sur papier et les mots sur un écran, vous pouvez voir ce lectorat. Cependant, ce n'est pas le genre de comportement que nous avons nous-mêmes vécu.

M. Goldbloom : Je me ferais l'écho de tout ce que Mme Pike a dit.

Si vous permettez que je vous entretienne de ce qu'a fait le Toronto Star, nous sommes très conscients du fait qu'il nous faut créer de nouvelles générations de lecteurs. Nous avons des programmes pour presque chaque catégorie d'âge. Nous avons une publication intitulée Brand New Planet que nous distribuons gratuitement et qui cible les jeunes âgés de 8 à 12 ans. Nous livrons Brand New Plant gratuitement à tout abonné du Toronto Star, et cette publication est aujourd'hui disponible dans les écoles.

Nous avons un deuxième programme auquel participent d'autres journaux au Canada, Newspapers in education, grâce auquel nous livrons littéralement des milliers de journaux à des écoles secondaires et élémentaires de la région torontoise et créons des programmes scolaires axés sur les journaux et pouvant être utilisés en salle de classe.

Nous distribuons chaque jour environ 15 000 à 20 000 journaux dans des campus scolaires et universitaires de la région de Toronto. Encore une fois, nous faisons cela dans l'espoir d'attirer une nouvelle génération de lecteurs qui seront accros des journaux.

En tant qu'éditeur d'un quotidien que nous demandons aux gens de payer, je peux dire que l'avènement de quotidiens distribués gratuitement dans les transports en commun est une chose au sujet de laquelle je me sens quelque peu schizophrène, ce en partie parce que Torstar possède en fait la moitié de Metro, l'un de ces quotidiens torontois distribués gratuitement. La vérité est que ces publications sont en train de former de nouvelles générations de lecteurs. Des gens qui ne lisaient pas le journal commencent à ramasser ces publications lorsqu'ils montent dans le train de banlieue. Nous espérons qu'ils finiront par décider qu'ils auraient plus de contenu, de contexte et de reportages approfondis dans un journal grand format comme le Toronto Star.

Bien qu'il soit vrai que chaque génération a moins lu de journaux que la génération qui l'a précédée, nous sommes absolument engagés à veiller à attirer de nouveaux lecteurs à l'avenir. Nous consentons d'importants investissements en ce sens.

M. Skinner : Je ne peux qu'étoffer un peu les propos de mes collègues. Ils ont assez bien couvert la chose. Il nous faut entre autres veiller à ce que notre contenu soit à la disposition des plus jeunes sur l'Internet, car c'est là qu'ils vont pour obtenir l'actualité. Mes deux collègues ont parlé de Metro, qui s'adresse aux 18 à 34 ans, et qui réussit à attirer les plus jeunes lecteurs, comme l'a dit M. Goldbloom.

Nous avons fait encore d'autres choses. Je m'occupe pour ma part principalement de nouvelles communautaires locales et nous nous efforçons de joindre avec nos journaux communautaires les enfants. Ce sont des gamins qui sont nos livreurs. Nous avons des milliers de livreurs, et ce sont des jeunes qui livrent nos journaux. Nous essayons de leur offrir un contenu qui leur plaise. Nous avons un produit semblable à celui de M. Goldbloom et qui s'appelle News for Kids. Les textes sont rédigés par des enfants pour des enfants. Il s'agit là aussi d'un produit qui réussit très bien.

Il n'existe pas de solution unique au dilemme. Il y a de nombreuses initiatives que nous devrons continuer de prendre.

Le sénateur Johnson : Cela est très encourageant. L'important est qu'ils lisent et qu'ils apprennent à écrire. Étant donné l'omniprésence de l'ordinateur par les temps qui courent, lorsque je recrute des recherchistes, la première chose que je leur demande de faire est de m'écrire un papier sans utiliser leur ordinateur.

Je suis fascinée et réellement impressionnée par toute cette idée de recherche et d'écoles de journalisme et convaincue de leur importance. Je conviens totalement que les écoles de journalisme ne jouissent pas de la considération qu'elles méritent, étant donné que l'on parle ici des personnes qui nous racontent les histoires et qui nous renseignent sur notre monde, dans lequel nous vivons. Cela m'impressionne beaucoup que vous fassiez la promotion de ce genre de chose. Vous pourriez peut-être nous éclairer quant au statut de ces programmes au pays? Sont-ils bien établis? La situation est-elle en train de s'améliorer quelque peu? Combien d'étudiants sont admis à ces programmes? Il y a eu une grosse vague dans les années 60 et les années 70, puis, si je me souviens bien, les écoles de journalisme ont marqué toute une chute.

M. Prichard : La meilleure chose que je puisse vous dire au sujet des écoles de journalisme est qu'il y a quatre merveilleux étudiants de l'Université Carleton assis derrière moi qui sont inscrits au programme de journalisme, qui a commencé avec 240 étudiants la première année, pour ensuite passer à 160, et il n'y en a eu que 80 qui sont entrés en deuxième année, et les quatre étudiants ici présents comptent parmi ces 80 qui ont réussi à franchir ce cap. J'espère, madame la présidente, que vous êtes heureux de les accueillir.

Je vous encourage à envisager d'inviter à venir comparaître devant vous en tant que groupe les doyens des facultés de journalisme. Si je dis cela c'est que cela vous permettrait de les réunir tous ensemble dans la même salle, ce qui serait intéressant, car ils n'agissent en temps normal pas en tant que groupe. Les doyens des facultés de médecine au Canada se retrouvent tout le temps. Même chose pour les doyens des facultés de droit. Quant aux doyens des facultés de génie, ils sont sans cesse en train de faire du lobbying pour obtenir des budgets de recherche et un meilleur soutien provincial. Ils agissent en tant que groupe et c'est ainsi que ces personnes ont pu créer des écoles de médecine, de droit et de génie qui se comparent favorablement à ce qu'il y a de mieux ailleurs dans le monde. Nous n'avons pas vu cette même communauté d'intérêt surgir parmi les écoles de journalisme.

Je ne suis pas expert en matière d'écoles de journalisme. Je ne pense pas que l'un quelconque d'entre nous prétendrait être expert en la matière, mais en tant qu'éducateur, ce que j'ai été pendant une partie de ma carrière, je n'en reviens pas de la pénurie de ressources à la disposition des écoles de journalisme au Canada. L'université où j'ai travaillé, l'Université de Toronto, n'a pas d'école de journalisme. Lorsque je regarde les écoles de journalisme et le peu de ressources dont elles disposent, comparativement aux autres professions, j'en reste bouche bée. Si vous visitiez l'Université de la Colombie-Britannique, par exemple, là où je suis allé et à l'école de droit et à l'école de journalisme, vous verriez que les deux ont de beaux bâtiments et la faculté de droit compte 40 professeurs à temps plein. La faculté du journalisme n'a que deux professeurs et demi.

Il est ainsi difficile d'imaginer comment, avec un corps professoral de deux et demi qui, grande nouvelle, va bientôt passer à trois et demi, l'on peut penser que ces piètres ressources suffiront à la seule école d'études supérieures en journalisme à l'ouest de l'Ontario.

Il reste à combler un besoin énorme. Si vous pouviez, par l'intermédiaire de vos travaux, donner de la visibilité à cette cause et inviter à comparaître devant vous les doyens et les éducateurs qui sont les experts en la matière, je pense que le comité pourrait couvrir du terrain très important.

Des instances précoces sont en train d'être présentées au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada par un certain nombre de professeurs de journalisme, dont un qui a comparu devant vous lorsque vous étiez en Colombie- Britannique. Si vous vous promenez sur le site Web du Conseil de recherches en sciences humaines, vous n'y trouverez pas le mot « journalisme ». Vous pourrez creuser, mais vous ne le trouverez pas. Le Conseil appuie quelques travaux de recherche en journalisme, mais ils sont très difficiles à trouver alors que si vous regardez du côté d'autres disciplines, vous verrez telle initiative spéciale en droit ou telle initiative spéciale dans un autre domaine. Pourquoi pas une initiative spéciale de dix ans pour le journalisme et la recherche médiatique, ce dans le but de donner de la visibilité à ces questions?

Votre rapport de comité, si vous y faisiez pression là-dessus, ce qui est un objet d'investissement public tout à fait à- propos, pourrait réellement changer les choses.

Le sénateur Carney : Très simplement, lorsque j'ai lu cette partie de votre mémoire, j'ai songé à la situation de l'éleveur de bétail qui veut améliorer son investissement et qui investit donc son propre argent dans son troupeau. Une musicienne qui veut améliorer la qualité de son instrument va y investir son propre argent. L'on nous a répété à maintes et maintes reprises — et il a été dit que l'emploi dans les bureaux de presse est en chute libre — que les salles des nouvelles sont vides. Vous dites que le coût croissant de la production de journaux de qualité est l'un des problèmes réels auxquels vous êtes confrontés, et la solution à laquelle recourent la plupart des salles des nouvelles face aux coûts croissants est d'éliminer des postes de journalistes.

Pourquoi l'industrie n'investirait-elle pas son propre argent dans les écoles de journalisme au lieu de demander aux contribuables de le faire? Pourquoi feriez-vous cela à une époque où les emplois dans les médias urbains grand public subissent des coupures à répétition?

M. Prichard : Premièrement, le Toronto Star, qui est la plus importante aile philanthrope de Torstar Corporation, a, pour ses œuvres philanthropiques, trois priorités, dont les études de journalisme. Notre cadeau le plus récent a été un don de 1 million de dollars au programme de journalisme de l'Université Ryerson. Nous pouvons donc, au moins chez Torstar, être fiers de notre contribution aux études de journalisme et nous continuerons d'investir notre propre argent à l'appui des programmes de journalisme.

Deuxièmement, je rejette la proposition voulant que notre emploi de journalistes chez Torstar est en baisse. Que je sache, tel n'est pas le cas. Je pense qu'il est peu probable que ce soit le cas chez Torstar. Je crois que la salle des nouvelles au Toronto Star, monsieur Goldbloom, est une écurie depuis au moins une décennie pour toutes les catégories d'emplois au Toronto Star. Cette allégation, en ce qui nous concerne en tout cas, n'est tout simplement pas fondée.

Si vous songez au nombre de personnes qui sont concernées par le journalisme au Canada, au sens large du terme, comme M. Davis vous l'a dit lors sa comparution devant vous à Winnipeg, nous croyons que le nombre de personnes est en train d'augmenter. Ces personnes ne sont peut-être pas employées dans les mêmes proportions dans les quotidiens traditionnels, mais le nombre de personnes occupées à compiler des nouvelles et à rédiger des commentaires, avec toutes les ramifications de l'Internet et ainsi de suite, est, je pense, en train d'augmenter et non pas de reculer.

Enfin, quant à la question de savoir pourquoi le gouvernement devrait investir là-dedans, encore une fois, il peut y avoir divergence d'opinion à ce sujet, mais permettez que nous vous livrions la nôtre. Nous croyons que l'investissement dans le développement de la prochaine génération dans chacune des professions au Canada est tout à fait appropriée pour les pouvoirs publics, au niveau tant provincial que fédéral, et que de tels investissements créent des biens publics, améliorent la qualité de notre démocratie, améliorent la qualité de nos vies. J'estime que le journalisme devrait figurer très haut sur la liste, étant donné surtout qu'historiquement il a été au bas de la liste sur le plan ressources reçues.

Bien sûr, l'industrie doit prendre des engagements à l'égard de la formation des siens, et elle doit créer des emplois en tant qu'œuvre philanthropique. Chez Torstar, nous faisons beaucoup, mais nous pourrions faire davantage encore. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable de dire que le journalisme, au contraire des autres professions au Canada, ne devrait pas recevoir un appui public adéquat pour la formation des générations futures et pour le rehaussement des normes de la profession. Je considère que je n'ai pas d'excuses à faire du fait de demander que cet investissement dans cette profession soit placé au même niveau que ceux dans les autres professions.

Le président : Je réservais mes petites requêtes en attendant qu'on vous dise au revoir. En règle générale, je dis à nos invités qu'il a été très agréable de les entendre et je leur demande ensuite de nous faire parvenir certains renseignements. Voici donc les renseignements que j'allais vous demander, étant donné que cela se rattache directement à ce dont nous venons à l'instant de discuter.

Combien d'argent la fondation, les journaux et tous les autres consacrent-ils à l'appui des études en journalisme et de la formation en journalisme? Cela engloberait des choses comme les bourses Atkinson qui, je pense, existent toujours. Combien de journalistes avez-vous au Toronto Star et ailleurs? Avez-vous des données comparatives pour les niveaux d'emploi d'il y a cinq ans, d'il y a 10 ans, et ainsi de suite? Cela m'intéresserait d'avoir une ventilation car l'on a relevé un schéma selon lequel de nombreuses entreprises auraient un quotidien phare et d'autres journaux, et ce ne sont pas forcément les mêmes exigences qui s'appliquent aux deux.

Le sénateur Carney : Si vous permettez, il serait peut-être bon que vous mettiez dans la liste les fourchettes salariales. Le tarif courant pour les correspondants sur l'Internet tourne autour de 25 000 $ par an.

Le président : Si même ils arrivent à décrocher cela.

Le sénateur Carney : Oui. Vous pourriez peut-être nous donner également une idée des fourchettes salariales pour vos journalistes employés dans les journaux communautaires ou vos hebdomadaires comparativement aux fourchettes salariales pour le Toronto Star. Ce ne sont pas que les chiffres d'emploi qui nous intéressent, mais également les revenus des journalistes. D'après les renseignements qui nous ont été fournis jusqu'ici, les taux de rémunération pour certains de ces emplois sont bien inférieurs à ce qu'ils étaient autrefois. Nous nous intéressons donc non seulement aux chiffres pour les emplois, mais également aux fourchettes salariales.

Le président : Nous ne vous demandons pas de violer le caractère confidentiel du traitement de certains employés. Cependant, tout renseignement que vous pourriez nous donner, sur vos conventions collectives, par exemple, dont les travailleurs qui les signent sont au courant, serait très utile.

Enfin, j'aimerais quelques données au sujet de vos bureaux, tant à l'étranger qu'ici au Canada. Combien de personnes y travaillent? Avez-vous au cours des cinq ou dix dernières années ouvert ou fermé des bureaux? Ce sont là autant de renseignements que nous serions intéressés à avoir.

Ne vous inquiétez pas, monsieur Prichard, nous ne sommes pas sur le point de dire qu'il devrait y avoir une loi exigeant que vous ajoutiez des bureaux au nombre que vous avez à l'heure actuelle.

M. Prichard : Nous vous fournirons tous les renseignements que vous demandez. Ce qui nous préoccupe c'est l'interprétation qui en sera faite. Permettez que je vous donne un exemple. Vous trouverez peut-être que le nombre de personnes travaillant dans un service de nouvelles donné a baissé. Ce pourrait bien être le cas si nous avons trouvé une façon plus efficiente de produire le journal, en réduisant par exemple le nombre de personnes nécessaires pour en faire la pagination. Ce n'est pas la même chose que de réduire le nombre de journalistes. De la même façon, en ce qui concerne les bureaux étrangers, c'est un très bon sujet de discussion, et je vais faire appel à M. Goldbloom quant à la question de savoir si nous devrions avoir un bureau étranger qui se résume à une seule personne qui couvre à elle seule une région du globe ou si nous devrions considérer qu'un bureau est un groupe de personnes qui se rendent régulièrement dans cette partie du monde si c'est le meilleur moyen pour nous de tisser des liens avec ces communautés.

Le président : La question de la portée, et l'entrevue du barman pour couvrir une guerre. Excusez-moi, monsieur Goldbloom, cette remarque était sarcastique.

M. Goldbloom : Ce dont parle M. Prichard c'est notre couverture de l'Asie du Sud. C'est une très importante région du globe et une très importante région du globe pour les lecteurs du Toronto Star, étant donné le nombre de personnes originaires d'Asie du Sud qui vivent à Toronto. Traditionnellement, nous avons eu une personne en poste à New Delhi. La question que nous nous posons concerne le fait que la nature de l'expérience immigrante, telle que nous la percevons au Canada, a changé au fil des décennies. Un immigrant au Canada qui est d'origine indienne, par exemple, a sans doute des liens beaucoup plus forts avec son pays d'origine dans l'immédiat à cause de l'Internet, à cause des tarifs interurbains bon marché et à cause du coût relativement peu élevé des voyages.

L'une des questions auxquelles nous réfléchissons est la suivante : il nous faut veiller à couvrir la communauté indienne torontoise d'une façon qui corresponde réellement à la manière dont ses membres vivent leur vie. Un aspect est le recoupement entre leur vie au Canada et leurs liens en Inde. Nous ne comptons pas consacrer moins de ressources à notre couverture de l'Inde, mais il se pourrait que nous décidions qu'il vaudrait mieux avoir un groupe de personnes qui couvrent la communauté indienne à Toronto dans le contexte de leur vie à Toronto et de leurs rapports avec l'Inde.

Il ne s'agit pas de réduire cet investissement, mais bien d'aborder différemment la question des correspondants à l'étranger.

Si vous permettez, j'aimerais suggérer encore une autre question au sujet de laquelle vous voudrez peut-être nous demander des renseignements.

Le président : Absolument.

M. Goldbloom : M. Prichard n'est peut-être pas heureux de ma suggestion que vous nous demandiez plus, mais je pense que l'un des importants investissements que nous faisons en tant que journal concerne la formation de journalistes. Dans le courant d'une année au Toronto Star, il y a plus de 30 jeunes gens qui étudient le journalisme et qui viennent passer une partie de l'année à travailler au Toronto Star. Nous ne comptons pas pouvoir les recruter tous, mais nous y voyons une occasion pour nous d'identifier les meilleurs talents, mais c'est également notre sens de responsabilité à l'égard du journalisme dans son entier qui nous pousse à vouloir offrir aux jeunes inscrits dans des programmes de journalisme l'occasion d'accumuler une certaine expérience de travail.

Le président : Comme nous l'avons entendu à Vancouver, ces étudiants se font payer quelque chose par les quotidiens syndiqués mais ce n'est pas toujours le cas ailleurs.

Le sénateur Merchant : Je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue et à vous remercier d'une présentation très instructive et très bien menée.

Vous avez déjà répondu à certaines de mes questions. J'allais vous interroger au sujet de ce que fait le journal pour attirer les minorités ethniques et du visage très changeant de la ville de Toronto en particulier.

Pour commencer, tout ce que je sais de vos journaux est purement anecdotique. J'habite Regina. Je ne lis pas vos journaux. Vous avez dit au début que le Toronto Star est le plus important journal au Canada. Pensez-vous que nous puissions dans un proche avenir obtenir le Toronto Star à Regina? Nous obtenons The Globe and Mail, le National Post et j'estime que ce sont tous deux de bons journaux. J'aime beaucoup les lire tous les deux. Cela vous donne des points de vue différents. Pourquoi ne distribuez pas vos journaux dans le reste du Canada?

M. Goldbloom : Nous adorerions pouvoir faire en sorte que le Toronto Star soit disponible à l'échelle du pays. Nous sommes en train d'explorer des moyens d'utiliser l'Internet pour qu'au moins une partie de notre contenu soit plus facilement accessible aux gens.

La réalité de notre secteur, comme vous l'aurez, j'en suis sûr, appris au fil de ce processus, est qu'environ 80 p. 100 de nos revenus proviennent des annonceurs. Dans le cas du Toronto Star, nos annonceurs s'intéressent principalement à la région du grand Toronto. Partant, même si je serais heureux si des gens de partout au pays lisaient le journal, pour nos annonceurs, franchement, ce sont les Torontois qui les intéressent le plus et c'est tout simplement trop coûteux pour nous d'assurer la distribution du journal à l'échelle du pays.

Comme vous le savez sans doute, le prix de vente d'un journal à l'unité ne couvre dans certains cas pas le coût du papier et les frais de distribution. Ce serait pour nous une très coûteuse entreprise que d'assurer la distribution à l'échelle du pays de la copie papier du journal.

Nous sommes en train d'explorer d'autres moyens pour donner un meilleur profil et un meilleur accès à certains de nos chroniqueurs les plus intéressants par le biais de l'Internet.

M. Prichard : Je tiens à vous assurer que la qualité de votre vie s'améliorera si vous faites ce que je fais, c'est-à-dire si vous vous levez le matin, lancez votre ordinateur et vous rendez sur le site thestar.com. Je peux vous assurer que le restant de la journée sera bien meilleur.

Le sénateur Merchant : Merci beaucoup, mais cela me plaît de recevoir le journal car lorsque je quitte la maison à la course je peux le prendre avec moi. Cela me plaît en fait de toucher le journal.

En quoi cela diffère-t-il des deux autres quotidiens nationaux? Vous dites que vous êtes un journal national.

M. Goldbloom : Non. Nous disons que nous sommes un journal métropolitain.

Le sénateur Merchant : The Globe and Mail.

M. Goldbloom : Sa perspective est qu'il vise un auditoire national. Il ne cible pas des détaillants locaux mais vise plutôt à faire de la publicité à l'échelle nationale. Je ne veux pas dire par là que le Toronto Star ne fait pas de la publicité nationale, mais c'est là la dynamique commerciale de ces journaux.

M. Prichard : Il est juste de dire que le contenu de notre journal donne également une vaste couverture à Toronto; nous sommes le quotidien de Toronto, tout comme le Winnipeg Free Press couvre Winnipeg, mais ne présenterait qu'un nombre relativement limité de reportages qui intéresseraient beaucoup les gens qui ne s'intéressent pas à Winnipeg. Le Toronto Star offre une couverture disproportionnée de Toronto car c'est cette collectivité que nous desservons, alors que The Globe and Mail et le National Post ont une couverture plus nationale et présentent une moindre couverture locale de notre collectivité.

Le sénateur Merchant : Nous avons entendu des témoins qui nous ont parlé non pas de votre journal mais d'autres, des membres de la communauté musulmane, par exemple, qui estiment que la façon dont ils sont dépeints dans les journaux n'est pas juste. Que faites-vous pour attirer des lecteurs au sein de votre communauté, car votre communauté est aujourd'hui très diversifiée?

Comme vous l'avez dit plus tôt, une personne originaire de New Delhi a une certaine vision des événements qui se passent là-bas mais a une vision de la vie et une interprétation des événements qui peuvent être différentes de la norme canadienne, et il importe donc que vous l'attiriez à votre journal.

Votre salle des nouvelles reflète-t-elle le visage du Canada? Vous avez ce genre d'auditoire. Vous dites que vous êtes un journal torontois. Dans quelle mesure desservez-vous ces différents segments de la population?

M. Goldbloom : Nous faisons de notre mieux pour couvrir ces communautés. Nous sommes très sensibles au fait qu'elles sont essentielles à l'avenir de notre journal. Nous avons un intérêt direct à veiller à produire un journal qui intéresse la majorité des Torontois. Or, la majorité des Torontois ne sont pas nés à Toronto. C'est là un impératif pour nous.

S'agissant de la diversité de notre salle des nouvelles, cela est en train de s'améliorer. Sa composition reflète mieux le visage de Toronto qu'il y a de cela plusieurs années. Si l'on remonte à l'an 2000, aux derniers chiffres que j'ai vus en ce qui concerne les minorités visibles représentées au sein de notre bureau de presse, il y a eu une augmentation d'environ 25 p. 100 pendant cet intervalle. Le nombre reste relativement petit. Mon objectif est de veiller à ce que cette tendance positive se poursuive. J'aimerais voir les chiffres augmenter sensiblement. Si je me base sur le groupe d'internes qui se sont joints à nous, il y a toute une masse de gens talentueux et d'origines très diverses qui s'annoncent pour le futur. Cela ne viendra pas aussi vite que je l'aurais souhaité, mais la tendance amorcée va se poursuivre.

Une autre nouveauté est que nous nous sommes dotés d'un comité de rédaction communautaire. En effet, en vue d'intégrer différentes voix à notre journal, nous avons créé un comité composé de 12 personnes qui, en tant que groupe, nous donnent des conseils au sujet du journal. Nous avons en fait reçu cette année 600 demandes de personnes intéressées à y participer. Les membres du comité ont par ailleurs la possibilité d'écrire pour le journal. C'est une autre façon pour nous de donner une voix à différentes communautés au sein du Toronto Star.

Le sénateur Merchant : Vous avez dit recevoir des lettres au rédacteur. J'en oublie le nombre.

M. Prichard : Quarante mille.

Le sénateur Merchant : Et ces personnes se plaignent-elles d'un aspect particulier de votre journal? Quelle est leur doléance la plus courante?

M. Prichard : Juste l'éditeur.

M. Goldbloom : Ces lettres recouvrent une vaste gamme de dossiers. Nous sommes davantage enclins à publier les lettres qui critiquent ce que nous avons fait plutôt que celles qui nous louangent. Nous nous efforçons de présenter dans la page du courrier du lecteur la plus grande diversité d'opinions possible. Que les gens soient si nombreux à nous écrire témoigne du degré d'engagement des lecteurs à l'égard du journal. Il s'agit là de l'un des avantages de l'Internet, qui a de beaucoup facilité la communication par les gens avec leurs journaux et la publication par nous de leur courrier.

M. Skinner : Puis-je ajouter quelque chose en réponse à votre question antérieure? L'une des initiatives de la Torstar Corporation a été de lancer un partenariat avec Sing Tao. La communauté chinoise de Toronto est très importante. Nous avons lancé un partenariat avec le propriétaire majoritaire de Sing Tao, le quotidien chinois de Toronto. Sing Tao obtient beaucoup de ses actualités de Hong Kong et en puise également auprès du Toronto Star. Le journal tout entier est en chinois et est destiné à la communauté chinoise, mais il livre aux lecteurs des nouvelles torontoises et des nouvelles chinoises. C'est là encore une autre initiative de la société.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je vous remercie de votre présentation qui était fort intéressante.

Ma première question traite des journaux que vous exploitez. Vous avez trois sociétés de journaux. Vous avez sûrement un plan d'affaires et je suppose que vous avez aussi un code d'éthique ou un code de conduite.

Est-ce que ce code s'applique à l'ensemble des trois sociétés de journaux ou s'applique-t-il uniquement à un seul?

[Traduction]

M. Prichard : Les principes énoncés dans notre mémoire s'appliquent à la totalité de nous journaux. En dehors de cela, nous avons également des codes de conduite et des codes d'éthique pour les dirigeants et les membres du conseil d'administration de la Torstar Corporation, y compris nos collègues qui dirigent nos journaux. Mis à part cela, c'est la responsabilité de l'éditeur de chaque journal d'élaborer un code de conduite approprié pour celui-ci, de telle sorte que le Toronto Star a ses propres codes de conduite et de pratiques et règles en matière de conflits d'intérêt et tout le reste, et le Hamilton Spectator a les siens, et toutes ces règles sont élaborées de façon indépendante sous l'égide de l'éditeur concerné. Au-delà de nos ambitions et de nos principes généraux, le principe central chez Torstar est que chaque éditeur est responsable de tout ce qui paraît dans son quotidien. C'est l'éditeur qui est redevable envers nous en ce qui concerne le journal et le comportement de ceux et celles qui y travaillent.

[Français]

Le sénateur Chaput : Vous avez mentionné, dans votre présentation, qu'un des plus grands défis, c'est un excès de compétition par opposition à un manque de compétition. Pouvez-vous élaborer un peu plus, s'il vous plaît?

[Traduction]

M. Prichard : Le marché torontois, qui est la base d'activités de Torstar, est de façon générale décrit comme étant le marché des journaux le plus concurrentiel qui soit en Amérique du Nord. C'est peut-être là une légère exagération. Il est concevable que le marché new-yorkais soit aussi compétitif que celui de Toronto, mais ce seraient là les deux marchés de journaux les plus concurrentiels dans tout le continent nord-américain.

Mon collègue, M. Goldbloom, et mon collègue, M. Skinner, qui est responsable de Metro, notre quotidien pour banlieusards — nous voyons chaque jour dans les rues quatre quotidiens, le Globe and Mail, le National Post, le Toronto Star et le Toronto Sun. Nous voyons également chaque jour dans les rues deux quotidiens distribués gratuitement, soit Metro, le journal de M. Skinner, et 24 hours, un autre journal produit par Quebecor, ou Sun Media. Il y a donc six quotidiens qui luttent chaque jour pour attirer des lecteurs.

En plus de cela, il y a le quotidien Sing Tao, dont nous avons fait état plus tôt, qui est lui aussi dans la course aux lecteurs. Quelque 40 journaux ethniques se livrent concurrence à Toronto. Puis il y a toute une variété d'autres publications, en plus de l'Internet, qui nous livrent concurrence pour nos lecteurs. Le Sunday New York Times est lui aussi largement distribué à Toronto. Le site Web du New York Times, où vous devez vous inscrire pour pouvoir le visiter, compte plus d'abonnés canadiens qu'il n'y a d'abonnés au Toronto Star, même si ce dernier est le quotidien canadien qui affiche le plus fort tirage.

La concurrence est déjà extrêmement intense ne serait-ce que parmi les journaux, sans compter les stations de radio d'information continue, qui elles aussi sont en concurrence directe avec nous. Il y a trois postes de nouvelles en permanence, CBC, CTV et CHUM, ainsi que des chaînes de télévision d'information continue, en plus de CNN, qui sont proposés à l'auditoire. La concurrence dans le domaine des actualités et la concurrence pour les dollars de publicité sont extraordinaires. C'est ainsi qu'il est extrêmement difficile de soutenir l'investissement dans la qualité qui est requis pour produire les journaux que nous produisons.

Le sénateur Munson : J'aurai une courte question supplémentaire. Vous avez mentionné Sing Tao. Quel est le mode de fonctionnement de sa propriété? Quel est le contenu éditorial de ce journal s'agissant de la ventilation entre les propriétaires de Hong Kong, le courrier du lecteur et le comité de rédaction distinct?

M. Prichard : Je vais répondre à la question portant sur la propriété et M. Skinner répondra à celle portant sur l'aspect éditorial. Pour ce qui est de la propriété, nous avons un mode de propriété partagée avec nos collègues à Sing Tao, qui est structuré de façon à être conforme à l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi qu'aux exigences en découlant en matière de contrôle. C'est ainsi que Torstar en est arrivé à devenir propriétaire d'une partie de Sing Tao. Nous avons organisé nos affaires en conformité des exigences de l'Agence du revenu du Canada.

M. Skinner : Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de voir un numéro de Sing Tao. Il s'agit d'un quotidien grand format qui paraît sept jours par semaine. Il fait chaque jour plus de 100 pages. C'est un gros journal et il est très populaire. Il renferme chaque jour environ 40 pages pleines de nouvelles de Hong Kong. Nous avons un service d'information en provenance du Toronto Star et nous avons des rédacteurs à Sing Tao qui compilent les actualités en fonction des besoins de la communauté chinoise. Ils choisissent les sujets et combinent nouvelles locales et nouvelles internationales sept jours par semaine.

M. Prichard : Nous suivons le même principe avec l'éditeur d'un journal qui en responsable du contenu. L'éditeur doit rendre des comptes à un conseil d'administration composé de représentants de Torstar et de représentants de Sing Tao.

Le sénateur Munson : Quelle est la politique rédactionnelle de Torstar.

M. Prichard : Pour être clair, Torstar n'a pas de politique rédactionnelle.

Le sénateur Munson : Y a-t-il dans ce journal une politique rédactionnelle?

M. Prichard : Oui. C'est la responsabilité de l'éditeur de Sing Tao, conformément au principe qui veut que chaque éditeur soit responsable de la politique rédactionnelle choisie. La décision est prise par l'éditeur et l'éditeur doit continuer de jouir de la confiance du conseil d'administration, qui est composé d'un nombre égal de représentants de Torstar et de représentants de Sing Tao.

Le sénateur Munson : Cette politique rédactionnelle vient-elle de Hong Kong?

M. Skinner : C'est la politique de l'éditeur à Toronto. Nous avons un Sing Tao à Toronto et un Sing Tao à Vancouver. C'est la politique de l'éditeur dans chacune de ces deux villes, mais ce n'est pas forcément la politique du Toronto Star. Ils ont certainement accès à cette information, mais ce n'est pas la politique du Toronto Star qui régit Sing Tao.

Le président : Puis-je enchaîner là-dessus?

Le sénateur Carney : J'ai des questions d'éclaircissement à poser plus tard.

Le président : Pour ce qui est du contenu de Sing Tao, 40 pages, sur les 100 pages que vous publiez chaque jour, viennent de Hong Kong avec un ratio de publicité 60/40. Combien de sources de nouvelles autres que de Hong Kong le journal utilise-t-il véritablement?

M. Skinner : Il en utilise pas mal. Il y a chaque jour 40 pages de contenu en provenance de Hong Kong et les rédacteurs choisissent parmi tout cela du contenu à publier dans le quotidien ce jour-là. Ce n'est pas tout le contenu qui est publié.

Le président : Je suis intéressée par les règles en matière de propriété car j'ai un peu de mal à comprendre comment cela fonctionne réellement. Vous avez structuré vos affaires de façon à être conformes à la Loi de l'impôt sur le revenu. Cela signifie-t-il que vous détenez 50 p. 100 plus un?

M. Prichard : C'est plus compliqué que cela. Il existe en fait deux entités. Si j'ai bien compris, et mon conseiller juridique me corrigera si je me trompe, nous possédons 75 p. 100 de l'une des entités et une part moindre de l'autre. Les règles de l'ARC s'appliquent à l'entité s'agissant d'être conforme à l'article 19, et nous sommes donc propriétaires à 75 p. 100. Nous avons arrangé nos affaires pour ce faire. L'autre entité dont nous détenons une moindre partie fait un peu du travail en coulisse, ce qui n'a pas d'incidence sur cette position de propriétaire à 75 p. 100. Nous avons fait examiner cela par l'Agence du revenu du Canada et cela a été approuvé.

Le président : Pourriez-vous nous faire parvenir une description de la façon dont cela fonctionne?

M. Prichard : Je ne sais pas si nous donnerons suite à cette requête. Il me faudrait l'avis de nos conseillers juridiques s'agissant de savoir ce que nous devrions faire, car le fait que nous ayons organisé nos affaires de cette façon nous procure un avantage concurrentiel. Ainsi, ou nous vous enverrons cela ou nous vous expliquerons pourquoi nous préférerions ne pas divulguer ces informations.

Le président : Dans la mesure où vous nous expliquez de quelle façon il faut s'y prendre pour être conforme à ces règles, ce serait extrêmement utile.

M. Prichard : Cela, nous le ferons.

Le président : Je suis très sérieuse.

M. Prichard : Nous espérons que vous prendrez des mesures afin que d'autres soient tenus de s'y conformer.

Le président : En effet. Ceci m'amène directement à ce que j'aimerais savoir. Quel est le mécanisme d'exécution de la loi? Vous faut-il déposer des rapports notariés annuels? Appose-t-on un timbre d'approbation sur un document et vous êtes bon pour les 100 prochaines années? Qui vérifie et à quelle fréquence?

M. Prichard : Je vais répondre à cette question par écrit car nous ne sommes pas experts en la matière. Je sais seulement que l'aspect exécution est assuré par l'ARC. Nous déposons chaque année des déclarations de revenus qui sont examinées. Je pense que c'est lors de ces examens que ces questions sont tranchées. Nous vous fournirons cependant une réponse écrite à cette question.

Le président : Je n'ai moi-même pas fait de déclaration de revenus exigeant ce genre d'information.

Madame Pike, en tant qu'éditeure de The Hamilton Spectator et dans le cadre des fonctions que vous exercez pour l'Association canadienne des journaux, j'aimerais vous poser une question au sujet du principe de la confidentialité des sources et de la contraignabilité des journalistes à témoigner. Lorsque j'étais jeune journaliste, la philosophie fondamentale voulait que vous ne puissiez pas avoir ce genre de protection, la liberté d'expression étant un droit reconnu à tous les citoyens, et vous ne jouissiez pas de privilèges spéciaux du simple fait d'être journaliste. Si vous avez jamais épousé cette opinion, il me semble, madame Pike, que vous en avez changé.

Mme Pike : Cela m'est venu très récemment, avec l'affaire Ken Peters.

Le président : Pourriez-vous nous en dire quelques mots?

Mme Pike : Absolument. Pour commencer, nous sommes tout à fait en faveur de certains éclaircissements en la matière, s'agissant de savoir si c'est judiciaire ou juridique. Il se peut que nous ayons besoin d'une loi, mais c'est le temps qui nous le dira. Nous ne disons pas qu'il faut qu'il y ait une protection absolue des journalistes. Il y a un équilibre délicat entre l'administration de la justice et la liberté d'expression. Ce qu'il y a d'intéressant avec l'affaire Ken Peters, sans aller dans le détail des origines de l'affaire, c'est qu'au bout du compte le juge Crane a jugé qu'il y avait outrage, ce qui était très notable pour l'industrie des journaux et les médias au Canada. De telles décisions sont rares. La deuxième raison pour laquelle cela est notable est que le juge a imposé une amende de 32 000 $. Il s'agit là, et de loin, de la plus grosse pénalité pour outrage jamais imposée au Canada. C'est un problème de taille, car si vous êtes une petite boîte de nouvelles, vous y réfléchirez plus qu'à deux fois avant de vous lancer dans une affaire qui pourrait donner lieu à ce genre de coût. Le Spectator paiera cette pénalité pour le compte de M. Peters si nous échouons en appel.

Ce qu'il y a de plus grave est que cette affaire a malheureusement fait reculer plusieurs décennies en arrière la jurisprudence canadienne, en ce sens que les tribunaux ont traditionnellement établi un équilibre entre l'administration de la justice et la liberté d'expression. Ils ont en fait fait un assez bon travail en ne laissant pas l'un couper l'autre. Or, voici que le juge Crane a décidé que cette immunité relative des journalistes n'était plus nécessaire, en ce qu'il ne se soit pas fondé sur la jurisprudence antérieure. Je dirais qu'il a de façon générale ignoré la Charte, et au bout du compte il a en fait dit que dès lors que vous pénétrez dans la salle d'audience, l'administration de la justice est absolue, et il n'y a absolument aucune protection quelle qu'elle soit.

Je trouve que c'est là une situation malheureuse. Avant cette affaire, la situation au Canada était beaucoup plus saine pour ce qui est de l'équilibre entre les deux priorités. C'est un dossier très chaud aux États-Unis. Et le Sénat et la Chambre sont en train d'examiner une loi fédérale en matière de confidentialité. Environ 31 États ont déjà une loi du genre, et c'est parce que cet équilibre a été perdu dans le système judiciaire, près d'une douzaine de journalistes risquant d'être déclarés coupables d'outrage au tribunal. En ce qui nous concerne, c'est un message épouvantable à envoyer aux journalistes. Si nous ne pouvons pas avoir accès à des informations et être en mesure de promettre une certaine confidentialité, alors nos sources resteront muettes, et nous en subirons tous les tristes conséquences.

M. Prichard : Je suis du même avis que Mme Pike, et je tiens à ce qu'il soit bien clair que nous en appelons de la décision dans l'affaire de M. Peters. Nous appuyons pleinement M. Peters. Nous estimons que la décision rendue est une décision anormale et nous sommes confiants qu'elle sera renversée en appel, mais s'il devait y avoir toute une série de décisions du genre de celle rendue par le juge Crane, alors je pense qu'il serait justifié d'envisager une solution législative.

Le président : Pourriez-vous, à ce stade-ci, nous suggérer une quelconque formule à envisager?

Mme Pike : Il serait difficile de faire cela. Même aux États-Unis, si vous examinez la loi qui a été déposée, il n'y est pas question d'une loi de confidentialité absolue des sources. Il est question d'un ensemble de règles déterminant quand un journaliste est protégé et quand il ne l'est pas. Vous pourriez examiner le détail de ce à quoi cela ressemblerait, mais ce n'est pas dissemblable de ce qui a été dit pendant de nombreuses années ici au Canada par différents tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada.

M. Prichard : Notre préférence serait une solution jurisprudentielle découlant de la Charte et de la Cour suprême du Canada. Notre crainte est que les plus petites entreprises médiatiques soient moins en mesure de subir les frais juridiques que nous avons dû absorber dans cette affaire et qu'il nous faudra payer à l'étape de l'appel. Nous défendons et dédommageons nos journalistes avec des moyens que n'ont pas les boîtes plus petites. Si la menace de frais juridiques persistait au point de figer les gens, alors nous serions davantage en faveur d'une solution législative. Nous croyons que la meilleure solution est la solution fondée dans la common law et livrée par un tribunal dans le respect du rôle central des journalistes et fondée sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada en la matière.

Le président : Merci.

Le sénateur Carney : Comme à l'habitude, madame la présidente, vous avez posé la question que j'avais en tête relativement à la loi en matière de confidentialité des sources. Je pensais qu'il nous fallait faire figurer cela au procès- verbal, car il s'agit d'un concept relativement nouveau pour nous et qui découle des cas que vous avez soulevés.

J'ai deux autres questions d'éclaircissement. Nous sommes tous en train de nous imposer une très stricte autodiscipline car votre témoignage est fascinant. Ma première question concerne les conseils de presse. Vous dites non à l'intervention gouvernementale et oui à l'autoréglementation. Les conseils de presse sont cités comme méthode d'autoréglementation. Premièrement, seules neuf provinces ont des conseils de presse; deuxièmement, celui de la Colombie-Britannique est très faible; et, troisièmement, en Alberta ils ont un très bon code d'éthique élaboré par le conseil de presse et qu'ont ratifié tous les journaux hebdomadaires, mais lorsque nous avons posé des questions au sujet de l'aspect exécution, on nous a dit très carrément que certains des journaux s'y conforment et d'autres pas. Mis à part votre propre expérience, il serait utile pour nous de savoir quel genre d'autoréglementation pourrait fonctionner dans votre industrie en l'absence d'intervention gouvernementale.

M. Prichard : Pour ce qui est de la dernière partie de votre question, la réponse figure dans la documentation fournie. Nous pensons que les différentes forces dont nous faisons état sont les moyens par lesquels les journaux devraient s'autoréglementer : la force de leur public, celle de leurs journalistes et chacun des autres éléments que nous avons mentionnés, et nous ne pensons pas qu'il faille autre chose en plus.

En ce qui concerne les conseils de presse, je vais inviter mes collègues à faire des commentaires s'ils en ont. Notre expérience se limite à la seule province de l'Ontario, et le Conseil de presse de l'Ontario est un organe utile et efficace qui compte aujourd'hui plus de 30 années d'expérience. Il a fait un bon travail et attire de bons éléments, et on lui a jusqu'ici soumis plus de 500 cas. Il s'agit d'une force considérable. Je ne pense pas que Mme Pike ou que M. Goldbloom soient des experts s'agissant des autres provinces et de leurs expériences.

Aimeriez-vous ajouter quelque chose au sujet des conseils de presse?

Mme Pike : Non, je pense que tout a été dit. Je n'ai aucune expérience en dehors de l'Ontario, alors je ne peux pas du tout me prononcer sur les autres provinces.

Le sénateur Carney : Il vous faudrait savoir qu'en ce qui concerne les conseils de presse dont il a été question, il n'y a pas eu beaucoup de preuves probantes selon lesquelles ce serait un mécanisme d'autoréglementation efficace. C'est une question pour le comité.

Ma deuxième question concerne la Presse canadienne. Vous êtes parmi les rares personnes qui aient eu quelque chose de gentil à dire au sujet de la Presse canadienne. Vous avez dit très clairement que vous estimez qu'il s'agit au Canada d'un instrument nécessaire en vue de la dissémination de nouvelles. Le coût est un problème pour la Presse canadienne.

Cela vous ennuierait-il de nous dire combien vous payez pour appuyer la Presse canadienne et ce que l'industrie pourrait faire de plus pour l'appuyer, car elle compte plus d'ennemis que d'amis si l'on se fie aux témoignages que nous avons entendus?

M. Prichard : Je vais demander à M. Collins de vous donner une réponse pour ce qui est des coûts, et je vais inviter M. Goldbloom à faire quelques commentaires au sujet de la Presse canadienne, car il compte au nombre de ses administrateurs et c'est lui qui en a la connaissance la plus intime.

M. Pat Collins, vice-président exécutif, Journaux, Torstar Corporation : En chiffres ronds, la société Torstar dépense environ 1 million de dollars par an entre le Toronto Star et CityMedia.

M. Goldbloom : Je siège au conseil d'administration, mais c'est tout récent, alors je ne peux pas prétendre être expert en la matière. Je peux vous dire, sur la foi de mon expérience en tant qu'éditeur de The Gazette à Montréal et maintenant avec le Toronto Star, que la Presse canadienne a été une source essentielle de nouvelles et d'information pour nos journaux. En tant que membre du conseil, l'une des choses qui m'a particulièrement impressionné ces derniers jours est que la Presse canadienne a fait un travail formidable sur le plan contrôle des coûts. Je ne pense pas qu'il y ait eu la moindre augmentation des tarifs imposés aux journaux membres au cours des quatre ou cinq dernières années.

La direction de la Presse canadienne fait, à mon sens, un travail extraordinaire en continuant d'offrir à prix abordable un service de toute première classe et qui est extrêmement rentable. Et ce n'est pas simplement en tant que membre du conseil d'administration de la Presse canadienne, mais également en tant que bénéficiaire du service au Toronto Star, que je dis qu'il s'agit d'une institution essentielle pour le journalisme au Canada.

Mme Pike : Je vous dirais que, du point de vue d'un journal d'importance moyenne, comme The Hamilton Spectator et The Record, qui font partie de mon groupe, ce service est absolument indispensable. Il nous serait impossible de livrer à nos communautés la perspective canadienne en son absence.

Le sénateur Carney : Il est incroyable que nous n'ayons pas entendu exprimer davantage de témoignages en sa faveur. Vos commentaires sont précieux.

Je vais céder la parole au sénateur Munson, mais je tiens à souligner que son propos selon lesquels les éditoriaux des journaux de Torstar seraient établis de façon indépendante n'explique pas pourquoi ils sont tous libéraux et pas conservateurs.

M. Prichard : L'ancien premier ministre Harris serait surpris par ce commentaire étant donné qu'il avait été endossé par The Hamilton Spectator lors des dernières élections, lorsqu'il s'est présenté comme candidat pour être le premier ministre de l'Ontario.

Mme Pike : C'était avant que je n'y sois.

M. Prichard : C'était M. Collins qui était à l'époque éditeur.

Le sénateur Munson : Je tiens à déclarer, afin que cela figure au procès-verbal, que j'appuie fermement la Presse canadienne et je suis heureux d'entendre ce que vous êtes en train de faire, car certains jours il m'arrive de craindre pour la survie de la Presse canadienne étant donné les différentes forces et l'environnement concurrentiel qui nous entourent. Il n'y a pas si longtemps, la Presse canadienne avait beaucoup plus de journalistes sur la colline du Parlement. On disait autrefois d'elle qu'elle était le deuxième hansard. Chaque secteur était couvert par un journaliste donné. J'ai le sentiment que la Presse canadienne est à court de ressources et j'ose espérer que d'autres journaux du pays appuieront autant son avenir que vous.

J'aimerais discuter brièvement avec vous de publicité. Vous dites dans votre mémoire :

Nous ne cherchons pas de subventions gouvernementales ni n'en dépendons pour publier nos journaux. Nous fonctionnons sur la base de principes commerciaux, mais la publicité constitue un volet important de notre activité.

Puis, vous dites à la page 22 :

Tout ce que nous demandons c'est la même écoute de la part du gouvernement. Nous demandons également que, par principe, le gouvernement ne tienne pas compte de nos positions rédactionnelles et de la surveillance que nous faisons des initiatives gouvernementales comme facteur dans la détermination des allocations faites par le gouvernement de ses budgets de publicité.

Il s'agit là d'une question importante pour vous et pour d'autres journaux. Avez-vous quelque preuve d'ingérence gouvernementale? Vous êtes là en train de réfléchir et de vous demander pourquoi vous ne décrochez pas de gros contrats de publicité. Est-ce à cause d'une position rédactionnelle ou avez-vous entendu parler du cas d'autres quotidiens? Si tel est le cas, ce que vous dites est très grave.

M. Prichard : Nous ne faisons aucune allégation dans ces remarques. Nous disons qu'il s'agit d'un principe que vous pourriez embrasser et recommander au gouvernement, soit que cela n'intervienne jamais dans les allocations en matière de publicité. Nous avons noté que notre part du panier publicité a baissé, c'est-à-dire que la part du gâteau de la publicité du gouvernement qui revient à l'industrie des journaux a, comme nous le disons, sensiblement rétréci. Cela nous préoccupe. Nous considérons que c'est notre responsabilité, et non pas la vôtre, de renverser cela, en faisant un meilleur travail de vente auprès de ceux qui prennent les décisions en matière de publicité gouvernementale. Nous ne sommes pas en train de vous demander de faire cela pour nous. Nous considérons que c'est là une responsabilité qui nous revient.

Ce serait un signal de votre engagement si l'allocation devait être faite exclusivement sur la base de l'efficacité de la publicité gouvernementale et de programmes d'information, à l'abri de toute considération que nous nous appliquons plus que nos concurrents à critiquer ou à surveiller le gouvernement. Ce serait un principe rassurant si vous l'adoptiez, principe qui, il me semble, jouirait d'un appui universel. Nous ne faisons aucune allégation quant au passé en exposant nos arguments en vue d'obtenir que le gouvernement se comporte de façon plus équitable, en distribuant le travail de façon plus proportionnelle, comme c'est le cas des autres annonceurs. En d'autres termes, la baisse de la publicité gouvernementale est attribuable au fait que le gouvernement fait moins appel aux journaux que les autres. Il nous faut renverser cette situation, et il nous incombe à nous de défendre notre point de vue. Nos collègues de la Canadian Community Newspapers Association étaient ici aujourd'hui pour défendre ce même thème. C'est à nous que revient ce travail, mais nous considérons que le principe que nous offrons ici en est un qui devrait être embrassé par les gens de tous côtés.

Le sénateur Munson : J'aimerais revenir à la question de la propriété étrangère. Vous avez dit ne pas avoir adopté de politique. Pourrions-nous discuter de la question de savoir pourquoi vous attendez? Il nous serait utile que des journaux grands, petits et entre les deux nous exposent leur position quant à la limitation de ces règles en matière de propriété étrangère. D'aucuns nous ont dit craindre une avalanche d'Américains qui viendraient au Canada, après quoi nous serions confrontés à tout un barrage médiatique du genre de Fox Network. J'aimerais avoir une meilleure explication des raisons pour lesquelles vous attendez.

M. Prichard : Premièrement, une prise de position en la matière exigerait une décision délibérée et mûrement réfléchie du conseil d'administration de Torstar Corporation. J'ai le privilège d'en être le président et chef de la direction, mais je pense que si nous devions adopter une position ferme dans un sens ou dans l'autre, il faudrait qu'il en soit décidé dans le cadre de délibérations très étroites avec le conseil d'administration.

Il importe que chacun de nos éditeurs se sente libre de prendre position en la matière au fil d'un débat, sans que l'entreprise ne prenne gratuitement position de façon préemptive. D'après ce que j'ai compris, la question ne fait pas l'objet d'une initiative législative de la part du gouvernement. Le parti au pouvoir n'a pas communiqué d'intention de changer les choses. Cela entraverait inutilement la liberté de nos éditeurs et de leurs rédacteurs de débattre cette question sans se préoccuper de savoir si cela pourrait être contraire à une position adoptée par la maison mère, ce qui n'est pas le cas.

Troisièmement, Torstar est une société très canadienne. Quelles que soient les règles en matière de propriété, je pense que Torstar va demeurer une société à propriété et à contrôle canadiens par choix, et non pas à cause de règles en matière d'impôt sur le revenu qui l'exigent.

Le sénateur Munson : Êtes-vous satisfait de la situation actuelle?

M. Prichard : En tant qu'entreprise, nous choisirons d'être canadiens, quelles que soient les règles. Notre groupe de propriétaires, canadiens à 100 p. 100, possède l'entreprise depuis 1958. Il s'agit de propriétaires à très long terme animés d'un engagement à très long terme à l'égard du Canada.

En ce qui concerne la question de politique publique, qui n'est pas celle de savoir ce que fera Torstar, nous estimons qu'il s'agit là d'une préoccupation légitime.

Dernièrement, je tiens à dire que le fait de limiter la discussion aux seuls journaux est une façon trop étroite d'envisager la situation, car il est question d'une intervention très directe dans notre secteur, et dans notre seul secteur. La règle prévue à l'article 19 s'applique aux revues et journaux. Le gouvernement a diffusé une politique publique à la radio, à la télévision, dans des revues et des quotidiens et par l'intermédiaire d'une vaste gamme d'autres médias. Nous pensons que c'est cette prise de position-là qui devrait être mise à l'essai et débattue, au lieu de la seule question des journaux. Ce débat au sujet des seuls journaux est à notre sens trop étroit et trop proche d'une ingérence indirecte dans les bureaux de presse du pays.

Le sénateur Munson : Ceci n'est pas une doléance à moi, et peut-être que le cas ne se présente pas au Toronto Star, mais c'est quelque chose qui compte aux yeux de certains témoins que le comité a entendus. Ces personnes veulent savoir pourquoi les rétractions ou rectificatifs se trouvent noyés dans le journal. Des erreurs sont faites à la télévision, et je suppose qu'à la radio ou même à la télévision il serait rare que dès le lendemain d'un reportage des excuses soient présentées.

Le sénateur Carney : Heureusement pour vous.

Le sénateur Munson : Oui, heureusement pour moi, pour une partie de ma vie. Cela est venu de nos témoins, pas de moi.

M. Collins : Ayant été éditeur pendant cinq ans, je sais que dès que vous faites une erreur, il est rare que vous puissiez satisfaire les gens. Notre politique était toujours de publier notre rectificatif ou nos excuses à la page 2 et de faire en sorte que le message ressorte aussi clairement que possible. Nous nous efforcions d'expliquer de notre mieux et dans tout le détail possible les raisons de l'erreur. Pendant ces cinq années j'ai certainement entendu beaucoup de gens dire qu'on avait fait tout un plat avec une histoire donnée, pour qu'en bout de ligne la personne soit déclarée non coupable, et cetera. Depuis les tous débuts des journaux, l'impossibilité de pouvoir jamais satisfaire ces gens est un problème chronique.

M. Goldbloom : J'aimerais simplement profiter de l'occasion pour dire qu'aujourd'hui le Toronto Star a nommé notre nouveau rédacteur public, Sharon Burnside, et que l'un de ses rôles et responsabilités sera d'assurer une interaction avec le public, de discuter avec lui de ses doléances et de veiller à ce que les rectificatifs soient complets et figurent bien en vue dans le journal. La rubrique de Mme Burnside sera très importante pour le journal dans les cas pour lesquels elle jugera que nous n'avons pas fait un bon travail s'agissant de réagir aux critiques des lecteurs.

Le sénateur Munson : Ce message devrait peut-être être envoyé à tous les journaux du pays.

M. Prichard : Les journaux sont plutôt remarquables pour ce qui est de ce qu'ils font bien. Oui, ils font des erreurs et, oui, je partage l'avis de mes collègues, mais ce qu'il y a d'extraordinaire chez les journalistes c'est leur capacité d'écrire dans les délais sur des questions complexes et souvent difficiles à comprendre. Les journalistes s'exécutent dans des délais très serrés, et c'est souvent leur quotidien. N'ayant jamais été moi-même journaliste, je peux faire cette déclaration avec une admiration non contenue. Ils possèdent un talent extraordinaire pour interpréter ce qui se passe autour d'eux, et ils tombent juste 99 fois sur 100.

Nous tous convenons que lorsque nous nous trompons, nous devrions faire de notre mieux pour rectifier le tir, et ce de bon cœur et comme il se doit, car en agissant ainsi, nous sommes mieux en mesure de bien servir les communautés et les lecteurs.

Le président : Sénateurs, il est déjà très tard et nous ne sommes pas encore prêts à libérer nos témoins.

M. Prichard : Nous sommes heureux d'être ici.

Le président : Je vous demanderais de resserrer vos questions au maximum.

Le sénateur Johnson : Vous avez dit très clairement que le gouvernement ne devrait pas toucher à la totalité des aspects réglementaires de votre secteur. Un témoin qui vous a précédé a déclaré que le gouvernement n'est pas la seule menace à l'indépendance des médias. Qu'en est-il des annonceurs, propriétaires, peut-être à l'occasion sans scrupules, et de l'incidence que ceux-ci peuvent avoir sur les événements qui sont couverts et ceux qui ne le sont pas, et à quelle fréquence, et cetera? Comment faites-vous pour protéger à cet égard les consommateurs?

M. Prichard : En ce qui concerne les annonceurs, l'un des arguments importants que nous avançons est que cette échelle de propriété crée en fait une plus grande indépendance par rapport aux effets que pourraient avoir sur le bien- être de nos quotidiens un seul annonceur.

L'histoire de nos journaux, et bien sûr de tous les autres, est truffée de cas où un annonceur mécontent de la couverture donnée à son industrie ou profession ou autre menace de retirer la publicité. Il s'agit là d'un droit légitime pour un annonceur mécontent, mais il est essentiel que nos journalistes sachent que cette menace n'aura jamais d'incidence sur leur couverture rédactionnelle. Nous croyons que notre taille en tant qu'entreprise médiatique nous permet de mieux résister à cette menace que si nous étions plus petits, plus limités et plus vulnérables.

En ce qui concerne les propriétaires sans scrupules, il est sans doute vrai que dans tous les aspects de nos vies il intervient des personnes plus ou moins scrupuleuses, et notre industrie n'est sans doute pas à l'abri de cette réalité. Nous sommes tous exposés à cela dans tout ce que nous faisons, mais nous croyons que notre industrie, à cause du travail que nous faisons, attire une réaction plus forte et plus immédiate de la part de ceux que nous servons, soit nos lecteurs et nos annonceurs, que la plupart des industries. Il nous faut chaque jour mériter leur confiance. Il nous faut produire un nouveau journal chaque jour. Il nous faut vendre de la publicité dans un nouveau journal chaque jour.

Comme vous l'aurez remarqué à maintes reprises, lorsque nous nous trompons ou lorsque nous agissons de façon non appropriée, nous en entendons parler et tout le monde en entend parler, car le marché concurrentiel est tel qu'il est très payant pour nos concurrents de nous montrer du doigt lorsque notre comportement n'est pas conforme à ce qu'ils considèrent comme étant la norme appropriée. Nous faisons la même chose à l'égard de nos concurrents lorsqu'ils commettent des erreurs semblables.

Lorsque se posent des questions de controverse immédiate en matière de propriété des médias, les voix les plus fortes que l'on entend viennent d'autres entreprises médiatiques et d'autres journaux qui pensent en tirer un avantage concurrentiel. D'autre part, au sein de nos propres institutions, si des gestes qui ne jouissent pas de l'approbation de mes collègues dans la salle des nouvelles d'un ou de plusieurs de nos quotidiens sont faits au niveau de l'administration de Torstar, alors ces journalistes en parlent dans le journal, dans notre journal, décrivant ce qu'ils considèrent comme étant les manquements du comportement corporatif de Torstar. C'est leur droit et leur privilège. Et chacun de nos éditeurs défend ce droit. C'est ainsi que cela doit être.

Pourrions-nous avoir une industrie libre de personnes sans scrupules? Bien sûr que non, pas plus que ne le pourrait n'importe autre industrie. Les cas de comportement malhonnête au sein de notre industrie sont-ils signalés plus rapidement et de façon plus visible que dans n'importe quelle autre industrie que je connaisse? Je pense que oui, du simple fait des différentes forces qui s'inscrivent sous la rubrique de l'autoréglementation.

Mes collègues sont libres de s'exprimer et, en fait, d'exprimer leur désaccord, comme ils le font souvent dans d'autres contextes.

Le sénateur Johnson : Vous nous avez donné une réponse très enflammée. Merci.

Le sénateur Merchant : J'ai une courte question. J'aimerais revenir sur la question des communautés ethniques. L'on entend parfois des gens dire qu'ils ne veulent pas ouvrir un journal parce que l'on n'y trouve que des mauvaises nouvelles et jamais de bonnes nouvelles.

Nous constatons dans les communautés ethniques que cela a parfois une incidence sur nous, les gens ayant une mauvaise impression du fait que les reportages se concentrent sur un petit nombre de personnes. Prenons pour exemple une personne qui a eu des problèmes ou autres, et tout semble tourner autour d'elle. Cela déteint sur la communauté tout entière. Les gens trouvent que l'impression qu'on donne d'eux est injuste.

Pour bien servir les lecteurs et la communauté, où se situe la responsabilité en ce qui concerne la présentation de modèles d'identification positifs? Les journaux ont pour objet d'informer, d'éduquer et de dépeindre une société. Où se situe selon vous la responsabilité? La responsabilité d'insuffler une norme différente revient-elle aux écoles de journalisme? Pensez-vous que les lecteurs soient davantage impressionnés par des reportages genre mauvaises nouvelles? Pourquoi semble-t-il y avoir plus de mauvaises que de bonnes nouvelles dans les journaux?

M. Goldbloom : La première partie de ma réponse serait que l'actualité est presque toujours, par définition, ce qui est exceptionnel. Le fait que notre avion qui nous a transportés aujourd'hui de Toronto à Ottawa ait atterri sans problème n'est pas une nouvelle. S'il n'avait pas atterri en toute sécurité, ç'aurait été matière à nouvelles. Ce n'est pas là la seule définition de ce qui constitue une nouvelle, mais cela en fait partie. C'est l'exceptionnel qui a tendance à attirer notre attention.

Nous tous, les écoles de journalisme, comme vous l'avez mentionné, mais surtout les rédacteurs en chef et les journalistes de nos quotidiens, avons pour responsabilité d'offrir à nos concitoyens une perspective pleine et exhaustive, ne nous concentrant pas seulement sur l'aspect négatif mais nous intéressant également à l'aspect positif de chacune des communautés qui composent nos collectivités plus importantes.

C'est un défi permanent. Les journaux canadiens s'efforcent de s'y améliorer, mais c'est une chose à laquelle nous devons prêter attention. Il nous faut être à l'écoute de ces communautés lorsqu'elles nous reprochent de ne pas les dépeindre comme il se doit.

Le sénateur Merchant : Pensez-vous assurer dans votre journal un bon équilibre? Comme je l'ai dit, je ne lis pas votre journal, alors je ne sais pas.

M. Goldbloom : Je suis confiant en disant que je crois que c'est le cas du Toronto Star. Je vais m'exprimer sans modestie aucune et dire que d'après moi le Toronto Star est sans doute mieux perçu dans la communauté torontoise que la quasi-totalité des autres journaux pour sa diversité de couverture et ses efforts pour peindre un portrait positif des différentes communautés qui composent notre ville.

M. Skinner : Du point de vue d'un journal communautaire, je pense que nos rédacteurs diraient qu'ils ont pour responsabilité d'être le reflet et le miroir des communautés qu'ils desservent. Nous nous retrouvons avec, dans nos journaux, des bonnes nouvelles et des mauvaises nouvelles.

S'il me fallait vous dire quelle plainte nous entendons le plus, ce serait que nos journaux renferment plus de bonnes nouvelles que de mauvaises nouvelles, ce qui va à l'encontre de ce que vous avez laissé entendre. Je pense que nous avons un bon équilibre. Ce dont les gens se plaindraient peut-être le plus en ce qui concerne nos journaux est qu'ils reflètent ce qui se passe dans la communauté. Nous avons sans doute un penchant en faveur des nouvelles heureuses plutôt que des nouvelles tristes.

Le sénateur Merchant : C'est peut-être dans la tête du lecteur. Lorsqu'il lit les reportages, il y greffe ses propres perceptions, et son interprétation peut être différente. Peut-être que de votre point de vue, la couverture est équilibrée, mais qu'elle ne l'est pas du point de vu du lecteur. La nature humaine est ainsi.

Le président : Monsieur Prichard, vous avez établi solidement mais également passionnément que vos différents journaux jouissent d'une indépendance rédactionnelle et qu'il revient à l'éditeur local et au rédacteur en chef, je suppose, de décider de la politique rédactionnelle. J'aimerais vous interrogez au sujet d'autres formes de partage. Avez- vous d'autres formes de mise en commun de ressources, d'initiatives conjointes, de lignes directrices communes parmi vos journaux?

M. Prichard : Nous avons les principes dont je vous ai entretenu et qui régissent la façon dont nous nous comportons dans tous nos journaux.

Nous avons le groupe des journaux Torstar, qui s'efforce de trouver toutes les efficiences possibles parmi nos entreprises médiatiques, afin de nous permettre de produire de la façon la plus efficiente possible des journaux de la meilleure qualité possible. C'est M. Collins qui est responsable du groupe des journaux Torstar.

Par exemple, nous avons une importante imprimerie pour le Toronto Star à Vaughan. Nous avons une grosse imprimerie à Hamilton, sous la responsabilité de Mme Pike. Nous avons une demie douzaine d'imprimeries sous la responsabilité de M. Skinner. Le travail de M. Collins est d'essayer de faire en sorte que nous utilisions ces ressources d'imprimerie de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. Il regarde le tableau dans son ensemble, au lieu de le découper en silos.

La notion de silos concerne l'indépendance rédactionnelle et la responsabilité de chaque éditeur. Cependant, en tant qu'entreprise de journaux, nous nous efforçons d'être efficients, à tous les niveaux, dans les coulisses des journaux, si vous voulez. Nous nous efforçons d'assurer les ressources, les connaissances, le personnel, les programmes de formation — tout ce que nous pouvons — à l'ensemble des journaux afin qu'ils puissent tous en bénéficier et tirer pleinement profit de l'échelle qui est la nôtre.

Lorsque nous offrons de la formation en leadership, nous l'offrons aux employés de tous les journaux. Lorsque Metroland offre de la formation au personnel rédactionnel, cette formation se fait dans tous les bureaux de presse des journaux de Metroland, et nous faisons souvent appel à des gens du Toronto Star pour assurer l'enseignement et faire les démonstrations des meilleures pratiques, pour mettre à profit cette ressource là.

Tous les journaux ont accès au service des nouvelles du Toronto Star, qui vient du Toronto Star, et le Toronto Star publiera parfois un reportage du Hamilton Spectator ou du Kitchener-Waterloo Record. Les rapports d'enquête qu'ils font passeront également dans le Toronto Star, alors nous partageons nous aussi nos ressources en matière d'information. Nous nous efforçons de préserver l'indépendance de chaque éditeur afin que celui-ci puisse décider du contenu de son journal et tracer son parcours, mais en même temps, nous voulons mettre à l'entière disposition de chaque éditeur la totalité des ressources du groupe. M. Collins a pour responsabilité d'assurer la disponibilité de ces ressources sans pour autant compromettre l'indépendance de chaque éditeur.

Si vous avez des questions plus détaillées à poser, M. Collins ou les éditeurs ici présents se feront un plaisir d'y répondre.

M. Goldbloom : À titre d'exemple de ce que disait M. Prichard, vous avez posé des questions au sujet des bureaux étrangers. Nous avons quatre bureaux étrangers et nous avons cinq bureaux à l'échelle du Canada. Le travail de ces journalistes est disponible par l'intermédiaire de CityMedia en particulier, et vice versa.

Le président : Par exemple, parmi les journaux communautaires ou les quotidiens du palier tout juste en dessous du Toronto Star, mettez-vous en commun des ressources pour couvrir des événements? Dans l'affirmative, qui prend la décision?

Mme Pike : Parlant ici au nom de CityMedia, nous avons ce que nous appelons le service de presse de Torstar. Ce service est offert au groupe tout entier, y compris Metroland. Comme l'a dit M. Prichard, nous pouvons choisir ce que nous voulons prendre. Parce que nous savons que cela va être disponible auprès du service de nouvelles, nous n'allons pas nous-mêmes nous déplacer pour couvrir certaines choses.

Par exemple, si les Maple Leafs jouaient à Toronto — si jamais ils se remettent à jouer — nous n'enverrions vraisemblablement pas de journaliste pour couvrir les Maple Leafs de Toronto. Nous prendrions le reportage du Toronto Star. Ce n'est pas forcément le cas; tout dépend du match, des circonstances, et cetera.

Ce service de nouvelles nous permet de concentrer nos ressources sur la communauté locale. Au bout du compte, c'est cette communauté que nous desservons. Dans le cas d'un journal de taille moyenne, nous n'avons tout simplement pas les moyens; cela n'a jamais été le cas. Le Hamilton Spectator appartenait autrefois à Southam, et sa situation était très semblable. Les journaux de taille moyenne n'ont pas les moyens d'avoir les bureaux dont M. Goldbloom a parlé et ne disposent pas des ressources dans lesquelles nous pouvons puiser du fait d'appartenir au groupe. Ce groupe nous assure une merveilleuse couverture de la région du Grand Toronto, ainsi qu'une merveilleuse couverture nationale et internationale, mais il nous permet également d'appliquer nos ressources au marché local, là où nous avons un avantage concurrentiel, et c'est ce que veulent nos lecteurs. Cela contribue en fait à améliorer sensiblement la qualité que nous pouvons offrir.

Le président : Mettez-vous en commun les ventes de publicité?

M. Prichard : Oui. Nous vendons des annonces multi-marchés à partir de notre bureau de ventes publicitaires du Toronto Star, et ce pour le compte des différents journaux de la catégorie des quotidiens. Nous vendons pour le Toronto Star, mais également pour le Hamilton Spectator.

Mme Pike : Un groupe au Toronto Star vend ce que nous appelons la publicité nationale et la publicité grand groupe de détail. En dehors de cela, les autres initiatives de publicité sont locales.

À titre d'exemple, à CityMedia nous avons des ventes conjointes d'annonces classées, car les marchés sont très proches, et nous pouvons vendre sur plusieurs marchés à la fois. Mais de façon générale, les équipes de vente de publicité sont gérées et dirigées séparément.

M. Prichard : Dans notre volet journaux communautaires, réunissant quelque 65 journaux, il y a et un bureau de vente corporatif qui offre la parution dans un grand nombre de quotidiens, et des équipes de vente propres à chaque journal qui travaillent pour obtenir des publicités locales à la manière des quotidiens.

Le président : L'automne dernier, lors d'une présentation à des investisseurs, il a été suggéré que l'une des stratégies est de bâtir l'entreprise et d'améliorer les marges dans tous nos quotidiens, et de livrer une croissance annuelle à deux chiffres dans Metroland et les journaux communautaires.

Il est certain que toute entreprise souhaite toujours gagner davantage d'argent. Y a-t-il une limite? Comment faire pour y parvenir? Le moyen rapide est de réduire les coûts. Avez-vous une philosophie en la matière, et y a-t-il une limite?

M. Prichard : Premièrement, oui, nous avons une philosophie. Celle-ci est exprimée dans les huit principes régissant nos journaux dont un dit qu'un bon journal est également une bonne entreprise. Si un journal veut être un bon journal, il a tout intérêt à être une bonne entreprise, car c'est en étant une bonne entreprise que l'on peut investir davantage afin de mieux faire notre travail. Ce sont la force et la rentabilité de nos journaux qui nous permettent de faire toutes les choses dont nous avons parlé ce soir. Nous sommes fiers de la façon dont nous avons pu investir dans nos journaux.

Pour ce qui est de la question de nos objectifs en tant qu'entreprise, nous sommes cotés à la bourse et avons donc des actionnaires. Vous avez très bien décrit ce qui figure sur notre site Web pour ce qui est de nos objectifs à l'égard de nos journaux.

Notre objectif à l'égard de nos quotidiens est de les développer dans le temps en vendant davantage de publicité et en nous aventurant dans davantage de produits afin de servir davantage d'annonceurs et davantage de lecteurs. Grâce à des efficiences opérationnelles, nous nous efforçons d'améliorer ce que l'on appelle le volant de trésorerie, la marge d'exploitation de nos journaux, ce afin de maximiser les gains réalisés par nos actionnaires.

Pour ce qui est de nos journaux communautaires, Metroland est l'une des plus belles entreprises au Canada. Il s'agit d'une institution remarquable par son entrepreneurship, sa créativité et son esprit novateur, et cela fera bientôt une décennie qu'elle livre annuellement une croissance de 10 p. 100 ou plus en tant que journal, desservant de plus en plus de lecteurs et de plus en plus de communautés.

Ce sont cette force financière et cette virtuosité entrepreneuriale qui nous ont permis de créer de nouveaux journaux. C'est ainsi que nous avons créé de nouveaux journaux à Cobourg, à Peterborough, à Lindsay, à Barrie et à Orilia, et, plus récemment nous avons lancé encore un autre journal dans la région de Niagara. En effet, mes collèges à Metroland ont brillamment lancé un nouveau journal, Niagara This Week, qui va être publié à compter du 15 avril 2004. C'est maintenant le plus important journal communautaire au Canada; c'est ainsi que l'on va desservir 185 000 ménages à Niagara avec un journal qui n'existait pas il y a 12 mois. C'est un merveilleux ajout à ce qui est offert aux résidents de Niagara.

Cela a été possible grâce au succès affiché par Metroland et à sa concentration sur la croissance et le profit. Nous finirons par investir ailleurs et à servir ainsi encore d'autres régions. La force amène la force. C'est un cercle vertueux de croissance et de rentabilité accrue qui nous permet de servir davantage de lecteurs, de recruter davantage de journalistes et de mieux servir nos annonceurs. C'est un cercle vertueux de croissance, et nous en sommes fiers.

Nous pensons bien servir toutes nos communautés en gardant bien en vue les objectifs que vous avez si fidèlement bien repris de notre site Web.

Le président : Metroland a affiché un profit d'exploitation de 20,7 p. 100 en 2003, d'après les chiffres que j'ai. Comptez-vous augmenter seulement le chiffre des revenus, maintenant une proportion plus ou moins stable, ou est-ce la profit d'exploitation exprimé en tant que pourcentage que vous voulez voir augmenter?

M. Prichard : Nous voulons voir une croissance à deux chiffres du profit d'exploitation de Metroland chaque année, ce que nous avons réussi cette année-ci et les deux années antérieures. Nous ne déposerons nos résultats financiers pour la fin de 2004 que mercredi prochain, alors il ne serait pas approprié que je vous dise si Metroland a atteint son objectif cette année. Les progrès qu'elle a cependant rendus publics au cours des neuf derniers mois sont très encourageants. L'objectif fixé, que nous partageons avec nos actionnaires, est une augmentation annuelle de 10 p. 100 de notre profit d'exploitation. Metroland a à ce chapitre un dossier enviable et s'il a réussi son pari c'est en créant davantage de quotidiens et en servant davantage de gens avec davantage de services, et ce chaque année depuis son établissement, et c'est là une réussite extraordinaire.

C'est également une entreprise qui, grâce à son esprit d'entreprise et à sa créativité, remporte plus de prix de journaux communautaires au Canada qu'aucune autre entreprise de journaux n'a jamais raflé. Elle se classe régulièrement parmi les trois premières entreprises de journaux communautaires, et ce pas seulement au Canada, mais à l'échelle de l'Amérique du Nord, remportant les médailles d'or, d'argent et de bronze dans les concours d'associations de journaux de banlieue. Et lorsque je dis que Metroland se classe confortablement parmi les trois premiers, je ne veux pas dire qu'elle se classe troisième. Je veux dire que parmi les trois premières entreprises, nous remportons autant de prix que les deux autres, et nous décrochons souvent la première, la deuxième et la troisième places en Amérique du Nord. C'est une entreprise de journaux formidable et une partie de la raison à cela est qu'elle est axée sur le profit et la croissance. C'est cela qui nous permet de continuer de servir de plus en plus de gens.

Le sénateur Munson : J'aurais une petite observation à faire. Il est possible de poser une question avec une seule petite observation. Je suis en train de me demander, après deux heures et quart passées avec des étudiants en journalisme assis derrière les cadres de Torstar, quelle sera la manchette?

Le sénateur Carney : Je peux faire mieux, car ma question est la suivante : Est-ce que le Toronto Star est en train de couvrir l'audience que tient ici ce soir le comité sénatorial au sujet des médias?

M. Goldbloom : Oui.

Le sénateur Carney : Alors quelle est la manchette?

M. Prichard : Au risque d'offenser le comité, nous avons diffusé un communiqué de presse à 16 h au sujet de ce que nous comptions dire ici, même si nous n'avions encore rien dit, et nous avons été ravis de voir que l'un de nos collègues du bureau d'Ottawa était ici. Quant à savoir si son reportage sera publié dans le journal, c'est là une toute autre question.

Sénateur Munson, si je me souviens bien, vous avez dit que vous-mêmes et vos collègues étaient des champions de la liberté de la presse. Je ne veux pas mettre en doute cette proposition. Cependant, dans votre rapport intérimaire, j'ai vu un contraste équivoque entre le point de vue du professeur Trudell et le point de vue du professeur Cameron. C'est peut-être inhérent à tout rapport intérimaire, et peut-être qu'il aurait été prématuré pour vous de choisir entre ces deux opinions contradictoires, et si la chose se résume à cela, alors je comprends que vous réserviez votre jugement.

Cependant, il nous semble à nous que ce n'est pas une question qui se prête à l'ambiguïté. Les champions de la liberté de la presse embrasseraient l'opinion énoncée par le professeur Cameron, la dernière des deux que vous avez citées, et j'ose espérer que le comité, au moins dans son rapport final, s'associera visiblement et à l'unanimité au principe de la liberté de la presse. Il me faut dire que l'opinion de Trudell, dont je n'ai pris connaissance que dans votre rapport et à la lecture de son témoignage, serait une trahison de la liberté de la presse telle qu'elle a été défendue par ce qu'il y a de meilleur dans la tradition canadienne. C'est le message équivoque livré dans votre rapport intérimaire qui explique en partie nos inquiétudes, qui sont venues se greffer sur la question de départ.

Ce que je viens de dire n'a aucunement pour objet d'être offensant ou impoli. Simplement, je veux vous dire à quel point il est, je pense, important, que le comité, à la fin de ce processus, embrasse pleinement la proposition de la liberté de la presse.

Merci, madame la présidente, de m'avoir autorisé à vous tenir ces propos.

Le président : Tout est dans les détails, monsieur Prichard.

Merci beaucoup à tous. Cette séance a été extrêmement intéressante et instructive. Étant donné que nous n'avons reçu les annexes que ce soir, nous aurons encore plus à lire qu'auparavant, ce qui est merveilleux. Vous allez nous faire parvenir d'autres documents, mais, dans l'intervalle, nous vous sommes extrêmement reconnaissants d'être venus comparaître ici. Si vous souhaitiez ajouter quelque chose, sentez-vous bien libres de nous envoyer des lettres. Nous nous réservons le droit de faire de même, mais cela semble peu probable étant donné tout le terrain que nous avons couvert ici.

M. Prichard : Merci de la courtoisie dont vous avez fait preuve ici pendant cette réunion et de l'intérêt que vous avez porté à notre documentation. Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous a été donnée de comparaître ici devant vous et vous souhaitons bonne chance dans vos travaux.

Le président : Merci beaucoup.

La séance est levée.


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