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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 14 - Témoignages


ST. JOHN'S, le lundi 18 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 heures pour étudier l'état actuel des industries canadiennes de médias ; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries ; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne ; et les politiques actuelles et futures appropriées à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial des transports et des communications à St. John's. Cette semaine, nous commençons une série d'audiences au cours desquelles nous irons visiter Halifax et la région de Moncton. Je suis certaine que nous entendrons des témoignages très intéressants.

[Traduction]

Nous commençons la journée avec des représentants de la Newfoundland Broadcasting Company Limited. Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Scott Stirling, président-directeur général, M. Doug Neal, vice-président principal; M. Jim Furlong, directeur des nouvelles; et M. Jesse Stirling, vice-président, Ventes et marketing. Nous vous demanderons de faire une présentation d'une dizaine de minutes, puis nous aurons des questions à vous poser.

M. Scott Stirling, président-directeur général, Newfoundland Broadcasting Company : Je vous souhaite à tous la bienvenue ici, à Terre-Neuve-et-Labrador, et je vous remercie de nous permettre de faire une présentation vidéo aujourd'hui, pour vous donner une idée de qui nous sommes et notre raison d'être. Il paraît qu'une image vaut mille mots. Cette année, nous célébrons notre cinquantième anniversaire de télédiffusion à Terre-Neuve.

(Présentation vidéo)

Nous sommes NTV, les pionniers de la télédiffusion à Terre-Neuve. NTV est fier de servir l'île de Terre-Neuve depuis 50 ans et, depuis plus de 30 ans, nous occupons les ondes 24 heures sur 24. En 1995, NTV a accru son rayon de diffusion pour atteindre le Labrador et le reste de l'Amérique du Nord par satellite. Nous sommes en expansion et, ainsi, nous pouvons fournir un service au public. Nous divertissons et nous informons, et le public aime ce qu'il voit.

NTV diffuse les nouvelles internationales et nationales, des émissions d'information et de divertissement, tout en maintenant constamment l'accent sur la programmation et les enjeux locaux. C'est ce point de mire local qui fait que NTV a diffusé pour son public bien plus d'heures d'émissions d'information de classe mondiale que ne l'exigent les lignes directrices du CRTC.

Non seulement NTV a-t-il dépassé les attentes de l'organe de réglementation, mais nous avons aussi pu livrer un produit que le téléspectateur a appris à connaître et qui lui inspire confiance.

Cela étant dit, la programmation des nouvelles locales, et particulièrement en direct, s'est révélée coûteuse et chronophage à produire. Par exemple, il faut bien des heures de préparation par un groupe de personnes, chaque semaine, pour produire à distance les segments que nous diffusons à nos téléspectateurs chaque jour dans le cadre de notre émission primée, NTV Evening Newshour.

Notre véhicule de production a acquis une certaine notoriété sur les routes de Terre-neuve. Le Hummer de NTV est un studio de production mobile et de cueillette d'information pour tous les temps, qui a plus que fait ses preuves. Ce véhicule a été aménagé sur mesure par NTV et fabriqué entièrement à Terre-Neuve à partir du véhicule de base. Le Hummer est l'élément clé de notre production mobile de nouvelles, et il a aussi été utilisé par CTV pour l'émission Canada AM et d'autres émissions spéciales nationales de CTV.

L'une des clés du succès de NTV Evening Newshour, ce sont les productions mobiles en direct qui sont devenues partie intégrante de nos segments météorologiques. Ces segments nous font sortir tous les soirs du studio pour aller dans les collectivités que nous desservons. La préparation de ces « succès » de l'actualité météorologique commence avec Toni Marie Wiseman ou avec Sharon Snow, qui animent notre émission météo et sont les premiers points de contact avec les organisations de la collectivité.

Très peu de gens sont conscients des efforts qu'il faut pour produire hors du studio les 8 à 10 minutes d'émission en direct que nous diffusons chaque soir. En début d'après-midi, le Hummer de NTV quitte notre stationnement et part préparer pour notre public une nouvelle édition de notre journal télévisé, illustrer une autre tranche de la vie à Terre-Neuve.

Une fois sur place, le défi technologique de la mise en place commence, alors qu'est entamé le compte à rebours avant l'entrée en ondes :

Le bulletin de nouvelles no 1 de Terre-Neuve-et-Labrador, l'émission primée NTV Evening Newshour, avec Lynn Burry, Fred Hutton et Toni Mari Wiseman.

Fred à la console : « Bonsoir mesdames et messieurs. Aux nouvelles ce soir, trois députés libéraux... »

La météo, à Terre-Neuve-et-Labrador, revêt une importance énorme, mais ce segment de NTV Evening Newshour va plus loin que la météo. C'est notre lien quotidien avec les collectivités que nous desservons. La présence du véhicule de production mobile de NTV, le Hummer, est devenue une curiosité sur la scène de la télédiffusion. Il nous mène en des lieux peu ordinaires, assister à des événements inusités, quotidiennement.

Le Hummer a aussi transmis en direct pour nos téléspectateurs des événements culturels et historiques qui reflètent et modèlent nos vies. Il est devenu partie intégrante de la transmission de l'événement sportif le plus ancien de l'Amérique du Nord, la Royal St. John's Regatta, dans les salons des téléspectateurs de Terre-Neuve. Il nous a aussi permis de diffuser des événements annuels comme le défilé du père Noël. Pour ce qui est des nouvelles chaudes, nous diffusons en direct des lieux de tous les congrès d'investiture. Nous sommes sur place au moment des élections, avec les nouvelles et les résultats les plus récents. Quand la collectivité a besoin de nous en période difficile, nous sommes là aussi.

Tout cela, nous le faisons pour servir la collectivité. Nous participons pleinement à la vie de Terre-Neuve depuis maintenant un demi-siècle, et nous le faisons avec plaisir.

NTV pense qu'un incitatif à produire plus d'émissions locales de ce genre pourrait être sous forme de crédits additionnels de teneur canadienne du CRTC pour les émissions locales en direct.

M. Scott Stirling : Cela termine notre présentation. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le sénateur Tkachuk : Peut-être le savez-vous, peut-être pas, mais nous sillonnons le pays depuis déjà un certain temps pour examiner cette question. J'aimerais entendre votre avis sur la politique en matière de concurrence. Il serait facile pour une compagnie d'être propriétaire de tous les médias de Terre-Neuve, puisque c'est une île. Que pensez-vous de la politique publique en matière de concurrence? Est-ce qu'il serait plus facile pour les stations de télévision d'obtenir des permis? Est-ce que ce serait plus difficile? Je ne sais pas si vous avez des actifs en radio, mais mes observations s'appliqueraient aussi à ce médium.

M. Scott Stirling : Nous avons une station radio appelée OZFM, avec des transmetteurs partout à Terre-Neuve, alors notre station diffuse à l'échelle de la province. En plus de notre station de télévision, nous produisons un magazine de divertissement. Nous avons commencé à acquérir ces liens à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Notre revue, The Newfoundland Herald, était le produit de la première compagnie que notre fondateur a créée, en 1946. C'est en 1951 qu'est né Newfoundland Broadcasting. Nous avions un permis de station radio AM et nous avons demandé un permis pour la télévision. Il n'y avait pas d'autres postulants en 1955. Voilà 50 ans qu'ils existent et sont en ondes, et continuent aujourd'hui, bien que le permis d'exploitation de station AM a été vendu et nous avons demandé un permis pour une station FM dans les années 70. C'est ce que nous avons maintenant, OZFM.

Nous avons un portefeuille mixte. Nous n'avons pas de concentration de la propriété. En radio, il y a 17 permis commerciaux dans la province, et NewCap est propriétaire de 15 d'entre eux. Eux, ils concentrent la propriété. Nous avons un portefeuille mixte, dans le sens où nous sommes propriétaires d'une station de radio et d'une station de télévision.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que seule la SRC vous fait concurrence?

M. Scott Stirling : Atlantic Satellite Network, ASN, qui diffuse des Maritimes, exploite ce marché. La télévision et la radio de CBC y sont aussi. Avec un univers de 500 postes, avec la diffusion par satellite et par câble numérique, etc., nous avons maintenant, littéralement, des centaines de concurrents. Il y a aussi l'impact technologique, et c'est une des questions que vous avez examinées. Nous avons maintenant une station radio Internet, qui diffuse d'Halifax sur ce marché. Elle a une teneur locale et cherche à faire de la publicité locale. La radio numérique fait son apparition aussi, alors il y a beaucoup de concurrence.

Le sénateur Tkachuk : Pensez-vous qu'il nous faille un organe comme le CRTC pour appliquer les règles en matière de programmation et les politiques publiques, ou croyez-vous qu'il devrait peut-être y avoir seulement un organe qui organiserait, qui régirait les chiffres sur le cadran?

M. Scott Stirling : Il y aura toujours un organe de réglementation ou un autre. Quand Geoff a demandé un permis la première fois, c'était au BBC, le Board of Broadcast Governors. Il y aura toujours eu une espèce d'organisme d'attribution des permis. Vous pouvez parler du degré d'agressivité ou de minutie qu'affichera cet organe, ou du nombre de règles et de règlements qu'il devrait établir. Selon notre perspective, chaque compagnie devrait pouvoir prospérer et ne pas être réglementée quant à son contenu. Dans le passé, nous avons été réglementés au point où il fallait que nous ayons tant d'heures d'émission pour les enfants de moins de 11 ans, et un certain montant d'émissions pour les adolescents. Les critères de la réglementation n'ont pas cessé de changer au fil des décennies. Maintenant, ce genre d'émissions pour enfants n'est plus réglementé. Dans les années 1970 et 1980, ils pensaient que c'était une bonne idée, mais c'était difficile pour nous parce qu'il fallait trouver ce genre d'émissions, qui ne généraient pas de revenu. Je suis heureux qu'ils aient fait marche arrière et aient assoupli certains de leurs règlements.

Cependant, nous venons de passer par le processus de renouvellement de permis il y a deux ans, et bien d'autres conditions nous ont été imposées, que nous trouvons onéreuses.

Le sénateur Tkachuk : Quel genre de conditions?

M. Scott Stirling : Je parle de la teneur canadienne. Pendant 48 de nos 50 ans d'histoire, notre journée de télédiffusion commençait à 6 heures et se terminait à 1 h 30 du matin. C'était à cause du fuseau horaire. Nous avons quelque chose, appelé « simulcast », la diffusion simultanée. Les heures entre 9 heures et 11 heures à Toronto ou 8 heures et 11 heures sur la côte Est couvrent nos heures de grande écoute, alors pendant ces heures, nous pouvons faire de la diffusion simultanée. Cela signifie, pour notre marché, que la substitution simultanée commence à 9 h 30 et dure jusqu'à 12 h 30. Nous avions Lloyd Robertson et le bulletin d'actualités CTV National News à 12 h 30 après les heures de diffusion simultanée, et nous avons ensuite nos nouvelles locales. Pendant 48 ans, le Conseil nous a permis de compter notre journée de télédiffusion comme allant de 6 heures à 1 h 30 du matin.

Maintenant, il veut qu'on ait une journée de diffusion de 18 heures, comme tout le monde. Il ne veut pas tenir compte de la différence de notre fuseau horaire, ce qui nous prive maintenant de l'accès aux trois heures de diffusion simultanée; nous n'avons plus accès qu'à deux heures. Nous avions notre propre solution au problème mais, apparemment, elle n'a pas satisfait le Conseil. Nous avons dit que nous abandonnerions cette troisième heure de diffusion simultanée, que nous diffuserions Lloyd Robertson à 23 h 30, et notre bulletin de nouvelles locales suivrait, pour une heure. Nous avons demandé une plage horaire de 6 heures à 1 heure du matin, ce qui nous donnerait une heure au lieu de 90 minutes. Nous avons l'écart de fuseau horaire, et la perte d'un tiers de notre diffusion simultanée est un coup dur pour nous, parce que c'est une source importante de revenu.

Le Conseil a décidé que nous devons avoir une journée de 18 heures, et qu'il ne nous permettrait pas de compter de 6 à 7 heures du matin. Selon lui, nous devrions diffuser de 7 heures jusqu'à 1 heure du matin. Cependant, nous avons un bulletin de nouvelles de 6 à 7 heures. Nous sommes déterminés à diffuser les nouvelles, comme vous l'avez constaté dans notre présentation. Notre reporters présentent des bulletins en direct sur les écoles et sur la circulation. Par exemple, ce matin, il était possible de savoir quelles écoles allaient être fermées. C'est important pour nos téléspectateurs de voir et d'entendre les nouvelles le matin, mais maintenant ce ne sera pas compté comme contenu canadien.

C'est un exemple de la manière dont la réglementation essaie de nous faire entrer dans un moule qui convient à la plupart des fuseaux horaires, mais pas au nôtre.

Le sénateur Tkachuk : Si vous vouliez acheter les journaux de la province, pensez-vous que le gouvernement devrait pouvoir s'en mêler et vous en empêcher?

M. Scott Stirling : Je ne le pense pas. Nous pourrions avoir dix journaux s'ils pouvaient être viables, économiquement parlant. Au plan économique, je pense que c'est au marché de déterminer ce qui est viable et ce qui ne l'est pas. La liberté de la presse est l'une des pierres angulaires de la démocratie, alors que le gouvernement se mêle de réglementer ce domaine, à mon avis, est contraire à la démocratie.

Le sénateur Munson : J'aimerais signaler un conflit d'intérêts, parce que je dois reconnaître que, lorsque je travaillais pour CTV, chaque fois que je suis venu à Terre-Neuve, Jim Furlong et son équipe ont été des plus accueillants. Ils ont fait preuve de professionnalisme en acceptant que des journalistes nationaux viennent faire des reportages chez eux, et ils ont été très coopératifs. J'aimerais que ce soit au compte rendu.

M. Scott Stirling : Je vous remercie.

Le sénateur Munson : J'ai vu votre Hummer. Est-ce que vous avez agrandi votre salle de nouvelles et votre champ d'action, depuis dix ans?

M. Jim Furlong, directeur des nouvelles, Newfoundland Broadcasting Company : Absolument, monsieur le sénateur. Comparativement à l'époque où vous êtes venu, nous avons maintenant un bureau à temps plein à Corner Brook, d'où nous diffusons tous les jours. Nous avons aussi un bureau à temps plein au centre de Terre-Neuve. Notre salle de nouvelles a doublé de dimension. Nous avons découvert que les nouvelles locales sont très en demande. Je suis sûr que Scott, Doug et Jesse m'ont assez entendu parler de l'univers à canaux multiples et du fait que toutes les craintes pour la viabilité des journalistes de la télévision étaient sans fondement. Nous sommes très prospères. Cent postes diffuseront des nouvelles sur ce qui se passe à Rome, mais si vous voulez savoir ce qui est arrivé à Grand Falls ou n'importe où ailleurs dans la province, vous devez vous fier sur nous ou sur CBC. Ce n'est pas oeuvre de charité de notre part. C'est une bonne affaire. Les gens adorent leur bulletin de nouvelles locales. Ça va très bien pour nous.

Le sénateur Munson : Où en est la situation au Labrador maintenant? Dans le passé, vous sembliez avoir certaines difficultés à assurer une présence ferme au Labrador.

M. Furlong : Nous avons une série de reporters locaux au Labrador, à l'est et à l'ouest. Notre prochaine tête de pont serait la capacité de diffuser à partir du Labrador, ce qui nous échappe encore. C'est l'avantage concurrentiel dont jouit CBC sur nous.

Le sénateur Munson : Quelle est votre cote d'écoute sur le marché du bulletin d'actualité de 18 heures, ces temps-ci?

M. Furlong : Nous avons un public quotidien de 160 000 à 170 000 téléspectateurs. C'est phénoménal, compte tenu du fait que la province n'a que 500 000 habitants. CBC a de 37 000 à 38 000 téléspectateurs. Notre notoriété est en hausse constante depuis une dizaine d'années. Nous les avons dépassés il y a six ou sept ans. Ils ont fait quelques ajustements à leur programmation, sur le positionnement de leurs nouvelles, qui se sont révélés contraire à leur intérêt. Nous avons gagné un avantage sur eux en ayant une longueur d'avance. Ils ont décidé de prendre notre plage horaire pour nous enseigner une leçon, mais, là encore, ce n'était pas une bonne idée. Nous les dominons maintenant à environ quatre pour un et sur le marché — environ 165 000 téléspectateurs contre à peu près 40 000, d'après les derniers sondages BBM.

Le sénateur Munson : Monsieur Stirling, d'après ce que vous avez décrit, le nouveau règlement du CRTC vous complique la vie. Est-ce que nous devrions transmettre un message au CRTC de faire un peu machine arrière, puisque cela vous complique la vie?

Puis-je supposer que vous ne vous débrouillez pas si mal en fait de gains et profits?

M. Scott Stirling : Tout d'abord, nous apprécierions certainement que vous interveniez auprès du CRTC pour notre compte.

Deuxièmement, c'est directement en rapport avec votre discussion sur la propriété mixte et la concentration de la propriété, parce que nous avons une propriété mixte. Lorsque le Conseil est venu, il y a deux ans, examiner les permis, il s'est ouvert à recevoir des demandes pour que nous ayons une autre station radio. Pendant 27 ans, notre station radio, OZFM, a desservi toute la province avec un réseau de rediffusion de transmetteurs, mais qui est soutenu par les revenus à St. John's. Un candidat voulait avoir une station seulement qu'à St. John's. De notre point de vue, il visait à écumer les recettes à St. John's, alors que nous subventionnons l'intégralité de la province. Par conséquent, nous avons émis l'avis que nous devrions avoir un deuxième permis, puisque nous affrontions NewCap, avec 15 permis, dont quatre dans la RMR. C'était une exception qu'a consentie le Conseil parce que, normalement, on n'a droit qu'à trois permis dans la RMR. NewCap en avait déjà quatre, et ils avaient bien d'autres stations dans toute la province. Notre station radio avait beaucoup de difficulté à affronter ses concurrents, une station contre 15, qui peuvent grouper et programmer des émissions de répartie. Nous avons pensé que nous serions terriblement désavantagés, à moins d'avoir un autre permis de station radio.

Notre demande a été rejetée. On nous a donné pour motif de ce rejet la propriété mixte : « Vous avez la télévision. Nous ne pourrons pas vous laisser avoir une deuxième station radio ». Dans ce sens-là, nous avons été pénalisés, et nous avons de la difficulté, particulièrement avec la radio, à percer.

C'est un exemple de télévision qui aide à soutenir la radio. L'un des avantages de la propriété mixte, c'est qu'on peut permettre à une entreprise de se diversifier. Si nous parlions d'un concessionnaire automobile, par exemple, ce serait comme de dire « Nous avons le concessionnaire Chrysler, mais nous voulons aussi vendre des camions et des motoneiges. Pourquoi ne serions-nous autorisés à vendre qu'un type d'articles? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir de diversité? ». La diversité protège. À une certaine époque, la station radio a soutenu la station de télévision. Il n'y a rien de mal, je pense, à la propriété mixte.

Le sénateur Munson : Est-ce que cela comprend les journaux, dont vous parliez?

M. Scott Stirling : Oui. Je ne vois pas pourquoi le CRTC essaierait de réglementer les journaux.

Le sénateur Munson : Nous avons entendu des témoignages sur les marges de profits, etc. Y a-t-il une marge de profit qu'une compagnie devrait atteindre, comme 30 p. 100 ou 15 p. 100? À quel point prenez-vous ce profit pour l'investir dans votre salle de nouvelles et couvrir entièrement les événements locaux? Y a-t-il un seuil?

M. Scott Stirling : Nous ne fonctionnons pas ainsi. Nous ne regardons pas les profits et pourcentages. Une compagnie publique le ferait. Nous sommes une compagnie privée. Par exemple, lorsque nous étions en concurrence avec CBC et qu'elle était le numéro un de l'actualité, notre préoccupation et l'argument que nous avons présenté, lorsque nous nous sommes présentés au Bureau de la concurrence et au CRTC, c'est que CBC sabrait dans les prix de la publicité. Elle était subventionnée, et ce n'était pas juste qu'elle ait une équipe de journalistes de premier ordre et facture moins que nous, surtout quand on pense que nos cotes d'écoute étaient loin des siennes. C'était une véritable menace pour notre survie. Nous sommes allés au Bureau de la concurrence mais, malheureusement, nous n'avons pas obtenu la résolution que nous avions souhaité.

Mais nous avons compris qu'il nous fallait un studio de production mobile. Nous avons pris la décision d'investir dans le Hummer, qui a coûté entre 300 et 500 000 $. Nous aurions pu nous contenter de nos 10 à 15 p. 100 de profit et décider que nous ne pouvions pas nous permettre le Hummer. Cependant, nous avons compris qu'il nous le fallait pour participer à la concurrence. La création de ce studio mobile et d'une composante de diffusion en direct de l'actualité est l'une des grandes mesures que nous avons prises. Elle a inversé la tendance et nous a permis de reprendre notre première place. Nous y avons réfléchi du point de vue de ce qui est bon pour la compagnie et qui peut la consolider.

Le sénateur Munson : Je ne sais pas si cette question est pertinente, mais j'aimerais entendre votre avis sur la propriété étrangère. Est-ce que les règles devraient être restreintes, assouplies, changées?

M. Scott Stirling : Je ne pense pas qu'elles devraient être assouplies, parce que c'est une question qui touche au concept de notre souveraineté. Nous vivons dans une démocratie. Nous appliquons le concept de la liberté d'expression et de la capacité de refléter les points de vue des Canadiens et des Terre-Neuviens.

Parlons-en au niveau provincial. Nous sommes une compagnie de Terre-Neuve. Elle appartient à des gens de Terre-Neuve, et nous sommes le reflet de Terre-Neuve. Si nous vendions la compagnie et étions intégrés, disons, à ATV, alors 80 p. 100 des actualités porteraient sur les provinces maritimes et seraient diffusées de Halifax et Dartmouth, et focaliseraient sur cette région.

Nous nous concentrons entièrement sur Terre-Neuve. Ce genre de propriété étrangère existe en dehors de la province. S'il y avait des compagnies américaines qui achetaient les médias au Canada, très vite, il faudrait faire la distinction entre les actualités et les points de vue des Canadiens et ceux des Américains.

Le sénateur Munson : Mais les gens des Maritimes ne sont pas des étrangers, n'est-ce pas?

M. Scott Stirling : Ce sont des VDL, des « viennent de loin ».

Le sénateur Tkachuk : Ils deviennent conservateurs.

Le sénateur Munson : Mes amis conservateurs de là-bas sont affamés, ces temps-ci.

Quels rapports entretenez-vous avec CTV?

M. Scott Stirling : Nous achetons une certaine quantité d'émissions d'eux et nous avons une affiliation avec eux pour les actualités. Nous appelons cela une entente d'approvisionnement en actualités; et ils nous alimentent en actualités nationales, mais nous ne sommes plus une société affiliée. Il y a trois ou quatre ans, nous étions une société affiliée de CTV. Nous prenions toutes leurs émissions, leurs publicités nationales et leurs actualités. Maintenant, nous avons une entente d'approvisionnement en actualités, et ils nous vendent une part de leurs émissions.

Le sénateur Munson : Je dois vous demander si vous avez encore de ces séances de discussion qui durent toute la nuit?

M. Scott Stirling : Absolument.

Le sénateur Munson : Les gens peuvent allumer leur télévision et assister à des débats assez animés à trois heures du matin.

M. Scott Stirling : Cela arrive encore à l'occasion.

Le sénateur Munson : Est-ce que c'est impromptu?

M. Scott Stirling : Oui. Il y a environ trois ans, il y a eu une grosse discussion, ou un débat politique au sujet de Voisey's Bay. Le gouvernement de l'époque était tout près de signer une entente. Il y a eu de nombreux débats de nuit, auxquels les leaders ont été invités pour discuter avec Geoff, notre président. La discussion se déroule en un format plus libre. Ils peuvent tout simplement parler. Je pense que tout a commencé à l'époque de Joey Smallwood, quand Geoff et Joey ont tout simplement poursuivi le débat après la fin de la séance, jusqu'au petit-déjeuner. Il est étonnant de voir combien de gens sont restés debout toute la nuit pour regarder cela. Cela arrive encore à l'occasion.

M. Douglas W. Neal, vice-président principal, Newfoundland Broadcasting Company : Ce n'est pas considéré comme un contenu canadien.

M. Scott Stirling : Ce n'est pas compté comme tel, mais c'est du contenu canadien.

Le sénateur Eyton : Merci pour votre présentation. Je dois avouer que, alors que j'essayais de vaincre l'écart d'une heure et demie entre ici et Toronto, j'étais un peu dans le brouillard quand vous avez montré votre enregistrement vidéo.

J'aimerais en savoir un peu plus sur l'entreprise. Comment la compagnie a-t-elle été lancée? Votre fondateur était Geoffrey, qui, je suppose, est un parent direct, d'une façon ou d'une autre, de vous deux? Est-ce que je me trompe?

M. Scott Stirling : Père et grand-père.

Le sénateur Eyton : Dites-moi comment tout a commencé.

M. Scott Stirling : Tout a commencé avec un journal de petit format, en 1946, intitulé The Sunday Herald. À l'époque, une lutte se livrait pour gagner le cœur et l'esprit des Terre-neuviens — allaient-ils se joindre au Canada ou choisir l'indépendance? Joey et Geoff étaient dans des camps opposés de ce débat. Vous savez peut-être que le vote a été très partagé. Je pense que c'était 51 p. 100 contre 49 p. 100. À ses débuts, The Sunday Herald avait saveur politique, mais ce n'était pas une revue politique en tant que telle. C'était plus un genre de tabloïd, avec des histoires sur monsieur tout le monde, etc. Il n'était pas du tout politique.

Si je peux dégraisser un peu, Joey avait lancé un journal politique, qui n'avait pas été un succès. Il avait beaucoup de papier blanc non imprimé qu'il ne pouvait vendre. Geoff a négocié pour acheter le papier. Joey a dit : « Geoff, ça ne marchera jamais. J'ai essayé. » La réponse a été : « Eh bien, Joey, je vais écrire des articles sur toutes sortes d'autres sujets que la politique. »

Bien entendu, en 1949, nous nous sommes joints au Canada. En 1951, Geoff a demandé un permis de radio. La station, à l'époque, s'appelait CJON AM. C'était une station assez révolutionnaire pour l'époque. Il y avait une station ici, VOCM, qui existait déjà depuis une quarantaine d'années. Son contenu était principalement religieux, et les ondes étaient fermées à 18 heures. Geoff est allé voir les propriétaires de VOCM et a demandé d'acheter les 12 heures de la nuit. Il pensait qu'il y avait peut-être de l'argent à faire là-dedans. Cependant, ils ont décidé de refuser de la lui vendre. Alors, il a demandé un permis, il était en ondes 24 heures sur 24 — ce qui était assez nouveau à ce moment-là — et il a réussi. C'était CJON AM.

En 1955, il a fait une demande de permis de télévision, qui lui a été accordé. Je pense qu'il avait fait cette demande deux ou trois fois avant d'obtenir gain de cause. Peut-être le gouvernement a-t-il changé, de conservateur à libéral. En 1951, c'était le début de la radio, et en 1955 celui de la télévision.

La présidente : Selon vos documents, vous avez essayé d'obtenir un permis avant la Confédération, mais vous ne le pouviez pas parce que le gouvernement de Terre-Neuve de l'époque a dit qu'il n'avait pas le pouvoir de délivrer un permis de radiodiffusion. Cependant, il y avait cet autre élément. D'après ce que j'ai toujours compris, Joey a fait rentrer la province dans la Confédération par le biais de la radio. Qu'est-il arrivé à ce moment-là? Ce n'est pas nécessairement pertinent pour notre enquête, mais c'est intéressant.

M. Scott Stirling : Nous avions une radio. Nous avons la société, la culture, le gouvernement et tout le reste. Cependant, la station de radio de l'époque, VOCM, avait un contenu principalement religieux.

La présidente : Avec un permis délivré par le gouvernement? M. Stirling ne pouvait pas obtenir un permis du gouvernement.

M. Scott Stirling : Je regrette qu'il ne puisse être ici pour répondre à cette question, parce que ça date d'avant mon temps, et je n'ai pas étudié cette question. VOCM a récemment célébré son 75e anniversaire. La station existe depuis longtemps.

M. Neal : Je pense que toutes les stations de radio de l'époque avaient un penchant plus religieux que commercial. Il y avait, et il existe encore aujourd'hui, VOWR, VOAR et VOCM. Ces stations sont très différentes de tous les autres indicatifs d'appel ayant été accordés dans le reste du Canada, alors elles étaient hors de la norme. Elles ont bénéficié du droit acquis au moment de la Confédération.

La présidente : Il doit certainement y avoir une note de bas de page intéressante à l'histoire, ici.

Le sénateur Eyton : Je voudrais poursuivre ma leçon d'histoire, mais je ne suis pas sûr qu'il en soit de même des autres membres du comité. Donc, il y avait un journal au...

[Note de la rédaction : Difficultés techniques. Panne d'enregistrement.]

M. Neal : Non, pas que je sache. En fait, nous l'avons créé en partant de zéro. Lorsque je l'ai découvert, c'était un petit camion destiné aux mines de Sarnia. C'était un reste. Nous l'avons transformé en véhicule de production. Les fabricants de Hummer eux-mêmes, d'ailleurs, y sont très intéressés. Je leur ai envoyé des photos. Je ne sais pas ce qu'ils en ont fait. En principe, ils allaient les verser dans leur site web, mais je ne les y ai jamais vues.

Le sénateur Eyton : Ils les ont probablement reproduits et en ont vendu des milliers. Est-ce que vous faites des profits avec votre télédiffusion locale?

La présidente : Sénateur Eyton, je m'excuse de vous interrompre. Nous éprouvons des difficultés avec le système d'enregistrement. Comme vous le savez, toutes les réunions de comités du Sénat sont transcrites pour nous rafraîchir la mémoire. Je ne sais pas combien de temps cela durera. Nous pourrions suspendre la séance quelques minutes pour voir si cela peut s'arranger, ou nous pouvons poursuivre si tout le monde veut prendre des notes détaillées.

Le sénateur Munson : Ce qu'il y a de bon c'est que, pour la première fois, NTV enregistre le tout.

M. Scott Stirling : Nous vous remettrons volontiers l'enregistrement.

La présidente : Très bien. Nous allons poursuivre, puisque le problème semble être réglé. Nous aurons donc deux enregistrements.

Le sénateur Eyton : Je posais une question sur la cueillette et la diffusion de nouvelles locales. Est-ce que c'est une composante rentable de vos activités?

M. Scott Stirling : Oui, c'est ce qui fait vivre l'entreprise. L'actualité locale est le moteur des cotes d'écoute. Elle stimule l'image de la station et c'est ce qui est le plus rentable, de loin, avec la publicité. Sur une photo, on ne peut pas voir ce que fait le Hummer, mais à l'intérieur, c'est un studio mobile et nous pouvons produire toute une émission de là, avec des caméras qui transmettent les images à distance. Il y a un producteur à l'intérieur.

L'une des choses dont nous voulions parler dans cet enregistrement vidéo, c'est du nombre d'heures de préparation qu'il faut pour diffuser en direct un segment de cinq minutes hors de notre salle de nouvelles. Nous faisons beaucoup de préparatifs et il y a beaucoup d'investissements, mais nous n'avons que cinq minutes de contenu canadien pour ces cinq minutes, quel que soit le temps de préparation qu'il a fallu.

Le sénateur Eyton : Est-ce que c'est ce qui explique l'inversion radicale de la couverture et de la participation du public que j'ai remarquée depuis huit ans? Je vois une ligne bleue qui monte.

M. Scott Stirling : Oui.

Le sénateur Eyton : Vous atteignez un public d'environ 300 000 téléspectateurs.

M. Scott Stirling : Dans tout le pays, oui.

Le sénateur Eyton : La ligne rouge se situe maintenant aux environs de 100 000.

M. Scott Stirling : À la SRC. Pour répondre à votre question simplement, oui. C'est attribuable à notre engagement additionnel à la cueillette et à la diffusion de nouvelles locales et, comme l'a dit M. Furlong, nous avons ouvert un bureau sur la côte ouest, et au centre. Un jour, nous aimerions intégrer le Labrador, si nous avons moyen d'y accéder. Oui, c'est très nettement lié à cela.

La SRC, cependant, est allée dans l'autre sens. Elle a réduit la diffusion de nouvelles locales d'une heure ou deux, parce qu'elle avait un bulletin d'actualités en fin de soirée, et des émissions de nouvelles la fin de semaine, et elle produit maintenant au total deux heures et demie de nouvelles par semaine. Elle en diffuse maintenant une demi-heure les soirs de semaine. C'est tout. Nous produisons des séries plus régulières avec une production indépendante, qu'elle ne le fait, de nouvelles. Le résultat, je pense, c'est que plus nous nous rapprochons de la collectivité et plus elle s'en éloigne, le public vient vers nous. Cela ne fait aucun doute. Les 20 heures et demie d'émissions d'actualité que nous produisons maintenant représentent près de 10 fois ce que produit la SRC.

Le sénateur Eyton : J'ai maintenant une idée générale, où un tableau d'ensemble de l'entreprise. Qu'est-ce que vous envisagez pour votre croissance? Toute entreprise que je connais cherche à préserver ce qu'elle a et peut-être à l'augmenter et à grandir de façon radicale. Qu'est ce qui peut alimenter votre expansion, avec vos avoirs et vos activités actuelles?

M. Scott Stirling : Nous aimerions accroître nos activités du côté de la radio. Il y a deux ans, nous avons fait une demande de deuxième station pour avoir une programmation de répartie et grouper la production. Nous espérons que nos cotes d'écoute vont augmenter avec la station que nous avons parce que, depuis trois ans, nous avons introduit trois nouveaux sons. Nous avons fait beaucoup d'essais, et bien des gens ont changé de poste pour écouter d'autres émissions. Nous espérons les récupérer. Nous déployons beaucoup d'efforts par le biais de la participation communautaire et en établissant un lien avec les événements locaux. C'est un des moyens employés.

L'autre moyen, du côté de la télévision, ce serait de faire surface sur la scène nationale et d'avoir une part des recettes nationales. Je pense que le Conseil s'attendait, quand il nous a délivré notre permis, cette fois-ci, à ce que nous augmentions radicalement nos recettes nationales parce que nous diffusons par satellite et que nous pouvons être vus partout au Canada. Nous avons essayé d'expliquer que la compagnie nationale de publicité faite affaire avec NTV pour ce marché.

Nous aimerions nous vendre à l'échelle nationale. Nous atteignons beaucoup de gens Ontario. De fait, plus de téléspectateurs Terre-Neuviens, j'en suis sûr, sont partis qu'il n'en est resté dans la province. Nous avons un énorme public hors de la province, mais les publicitaires nationaux continuent d'acheter du temps d'antenne auprès des stations conventionnelles du pays pour leur marché. Ils achètent auprès des postes spécialisés, qui ont beaucoup moins de téléspectateurs, pour leur diffusion nationale. C'est là que j'aimerais voir notre expansion se produire. Cependant, notre croissance n'est pas aussi vive, soyons réalistes, que le Conseil avait pensé qu'elle le serait.

Je crois, cependant, que ce n'est qu'une question de temps. Tôt ou tard, nous pourrons séduire des publicitaires.

Le sénateur Eyton : Vous êtes maintenant, de fait, la voix terre-neuvienne qui est entendue partout au Canada. Vous amenez d'autres voix canadiennes à Terre-Neuve. C'est une partie de votre rôle. J'ai une maison à Boca Raton, en Floride et, avec mon service par satellite, mon poste canadien est NTV, et je l'apprécie parce que je garde ainsi mon lien avec le Canada. J'aime écouter. Je ne suis pas sûr qu'aucun publicitaire vous ait attribué le mérite qui vous revient pour cela. Je dirais que bien des gens de Boca Raton syntonisent leur radio sur NTV parce qu'ils veulent des nouvelles canadiennes.

M. Scott Stirling : Nous tirons beaucoup d'orgueil de notre cote très élevée aux Bahamas, par exemple. L'entreprise de câblodistribution nous dit que nous sommes en troisième place dans la liste des stations les plus regardées. Nous sommes diffusés par câble dans bien des pays des Caraïbes. Nous nous le sommes aussi par certains systèmes de câblodistribution en Floride et nous avons un temps d'antenne à Tampa. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen de faire de l'argent avec cela, mais nous sommes très heureux d'être là et d'exporter notre culture.

Le sénateur Eyton : Pour revenir à la croissance, il me semble qu'il y a des endroits où elle vous serait possible, mais le seul obstacle dont je vous ai entendu parler, c'est la nécessité d'un permis du CRTC pour une station de radio supplémentaire. À part cela, avez-vous, d'après vous, un champ assez clair?

M. Scott Stirling : Les obstacles sont nombreux. L'une des choses dont nous n'avons pas encore parlée ici, c'est l'accès à une bonne programmation. C'est un énorme défi pour une petite station que se d'assurer son approvisionnement en émissions parce que, sans programmation, on n'a rien a vendre. Les sources de programmation sont de plus en plus difficiles, et c'est une préoccupation.

Vous avez demandé quelle est la différence entre certains des règlements d'ici et ceux des États-Unis. Du point de vue d'un radiodiffuseur, certaines choses sont mieux ici, et d'autres peuvent l'être plutôt aux États-Unis. Cela dépend du point de vue, s'il est positif ou négatif. L'une des différences, c'est qu'aux États-Unis, les réseaux ne peuvent pas acheter leurs sociétés affiliées. Ils peuvent en acheter jusqu'à un tiers, mais ils ne peuvent pas acheter la majorité de leurs sociétés affiliées. Sous la direction du fils de Colin Powell, le président Powell, le FCC a essayé de changer cela, de relâcher les règles pour qu'en fait ils puissent acheter des sociétés affiliées. Cependant, celles-ci ont monté une campagne de pressions sur le Congrès américain pour empêcher que cela puisse arriver. Leur argument, c'est que « si les réseaux sont propriétaires de trop de sociétés affiliées, ils auront du pouvoir sur les petites sociétés affiliées, et les petites sociétés affiliées ne seront pas capables d'avoir des émissions et de faire de bonnes affaires ». On les a empêchés de grandir.

Dans notre pays, il n'y a pas eu de débat à ce sujet. CTV a pu être acheté par BCE, la compagnie de téléphone. Ils ont acheté toutes les sociétés affiliées dans tout le pays, sauf nous. Bien entendu, ce que les Américains avaient prévu nous est arrivé. La source d'émissions s'est tarie et l'entente que nous aurions pu conclure nous a été impossible. Cette année, nous sommes heureux de pouvoir dire qu'ils nous ont vendu Desperate Housewives. Cependant, nous aimerions bien aussi pouvoir acheter des émissions canadiennes, comme Canadian Idol, qui sont diffusées par ASN, dont CTV est propriétaire. Cela a été difficile.

Le sénateur Eyton : Ce comité se préoccupe de convergence et de concentration, la convergence des technologies et les façons différentes dont la télédiffusion et les médias fonctionnent de nos jours. D'après ce que je comprends de vos observations, la concentration, pour vous, ne pose pas de problème pour participer à la compétition ici, à Terre-Neuve, et atteindre le reste du Canada, et aussi amener les ondes canadiennes ici.

Nous sommes sur le point de rédiger notre rapport. Qu'est-ce que vous recommanderiez au comité comme conclusion, en ce qui concerne la convergence? Dans vos observations aujourd'hui, vous avez parlé de radio satellite et de bien d'autres choses qui se font maintenant en matière de radiodiffusion. Est-ce que vous avez des recommandations à formuler pour le comité?

M. Scott Stirling : D'après votre point de vue, nous avons une concentration de propriété. Peut-être m'avez-vous entendu dire que nous sommes tous favorables à la concentration de la propriété. Cependant, en fait, nous considérons que nous sommes des tenants de la propriété mixte. Nous avons une station de radio, une station de télévision, alors c'est la propriété croisée. Nous n'avons pas de concentration de la propriété dans le même sens que NewCap. Ils sont propriétaires de 15 stations de radio sur 17. Comme nous avons un petit marché et n'avons que ASN, la SRC et NTV, cela pourrait donner l'impression qu'il y a effectivement concentration de la propriété.

Au sujet de la convergence, on a pensé avec beaucoup d'optimisme, même chez nous, depuis le tout début, que la convergence serait un modèle fantastique pour l'avenir et que nous pourrons réunir toutes nos compagnies en un empire médiatique plus efficace. AOL and Time-Warner ont essayé cela et, aussi, CTV, de même que Global, avec le National Post. Nous avons trois composantes — un magazine, une station de radio et une station de télévision — donc, nous pensions pouvoir avoir notre propre modèle de convergence. Bien entendu, nous avons aussi, maintenant, des sites Web. Il y a eu beaucoup de convergence, en ce sens.

Cependant, nous avons constaté qu'on peut diluer l'identité de base en tentant la convergence. J'ai demandé aux gens de CTV et de Global : « Quelle est la conclusion de votre expérience de combinaison de votre journal avec votre station de télévision? ». Nous commencions à penser que peut-être nous devrions combiner notre magazine, notre station de télévision et notre station de radio. Ce qu'ils nous ont dit est exactement l'expérience que nous avons eue en fin de compte. Je pense que nous aurions dû les écouter. Ils nous ont dit que quand on va voir un publicitaire pour lui offrir des plages de publicité dans le journal et à la télévision, le publicitaire peut dire qu'il ne veut que la télévision et il demande une escompte. Autrement, il peut demander qu'on ajoute à cela l'Internet et qu'on diffuse cette publicité dans notre page d'accueil. C'est devenu, d'après notre expérience et la leur, un moyen pour le publicitaire d'obtenir une ristourne. Cela ne paie pas les factures. Si vous avez un site web, vous avez les coûts réels du site web. Si vous avez un journal, les coûts sont énormes. On ne peut pas les réduire. Le journal doit être autonome et se vendre de lui-même.

Bien des compagnies médiatiques qui ont acheté des petits médias subventionnent ceux-là et, à un moment donné, doivent prendre une décision, comme ont dû le faire AOL et Time-Warner, sur les moyens de rationaliser ce concept grandiose.

La présidente : Comme nous l'avons déjà dit, je connais très peu la technologie, alors j'aimerais comprendre comment vous diffusez vos émissions jusqu'à Boca Raton, Toronto et Calgary. À ce que je comprends, il y a beaucoup de Terre-Neuviens en Alberta. Est-ce que c'est parce qu'une fois que le signal parvient au satellite, le rayon de diffusion du satellite est tellement ample que, pour atteindre le Labrador, il faut aussi passer par Boca Raton? Avez-vous dû prendre des arrangements pour cela et, dans l'affirmative, avec qui? Est-ce qu'il vous a fallu payer pour cela?

M. Scott Stirling : Non, vous avez donné la réponse dans votre première observation. Notre grand objectif était d'entrer au Labrador et d'unir la province. C'était notre but. Lorsque Doug s'est joint à moi en tant que président il y a 17 ans, c'était notre objectif. Nous devons être diffusés par satellite, autrement, nous n'avons aucun moyen d'entrer au Labrador. Nous avions la conviction qu'il était important politiquement, économiquement, culturellement et de toute autre façon que cette province soit unie. C'était notre ultime objectif. C'est une surprise pour nous d'apprendre que nous sommes internationaux. Nous recevons tout le temps des courriels de gens de Boston, par exemple, qui nous disent qu'ils écoutent nos émissions. Les gens nous demandent comment c'est possible. Ils nous demandent s'il s'agit de piratage. Il y a tellement de nuances étranges dans toutes ces choses.

Il y a quelques années, je me suis rendu compte qu'il existait une loi aux États-Unis qui permettait aux collectivités éloignées de demander à ce que leurs émissions soient diffusées par signaux satellite. Il s'avère que NTV est diffusé dans une région du Colorado et que plusieurs villages et petites villes y ont accès. Ils ont écrit à nos artistes pour leur demander d'aller chez eux et de participer à leurs festivals.

La présidente : En retirez-vous des revenus?

M. Scott Stirling : Non.

La présidente : Ils ne vous paient pas pour utiliser votre signal.

M. Scott Stirling : Nous nous en sommes seulement rendu compte parce qu'un artiste nous a dit qu'il allait donner un spectacle au Colorado. Ils nous ont aussi demandé quelques chapeaux.

La présidente : Parlez-vous de chapeaux typiquement terre-neuviens?

M. Scott Stirling : De notre casquette NTV. Nous ne pouvons pas décider où notre signal se rend. J'ai entendu dire qu'on l'a capté aux îles Caïmans, puis qu'il est parti. On l'a capté aux Bermudes, puis on l'a perdu et on l'a retrouvé. En ce moment, je ne sais pas exactement où on peut le capter.

La présidente : Il reste du travail à faire dans ce domaine.

De toute évidence, les nouvelles sont un volet important de votre stratégie. Où se trouve le bureau central de Terre-Neuve?

M. Furlong : À Grand Falls-Windsor.

La présidente : Combien de journalistes avez-vous?

M. Furlong : Au total, nous en avons 12 ou 13. Je déteste utiliser ce mot, mais nous avons été des pionniers du photojournalisme, où le journaliste est aussi caméraman, monteur et rédacteur. Nous avons lancé ce concept il y a une dizaine d'années, puis l'industrie nous a suivis. Cela nous a beaucoup aidés.

La présidente : Vous avez dit qu'il n'y avait pas de mode de transmission à partir du Labrador, mais vous avez des pigistes là-bas, donc comment recevez-vous l'information qu'ils produisent pour vous?

M. Furlong : Par avion. Ce sont les nouvelles d'hier. Nous nous attendons à ce que la technologie nous permette de surmonter ces problèmes sous peu, les problèmes de transmission des images, entre autres. Ce n'est pas acceptable pour nous, qui sommes une organisation productrice de nouvelles.

Le sénateur Tkachuk : Pouvez-vous utiliser le type de téléphone qu'on utilise à Bagdad?

M. Furlong : Oui, nous pouvons le faire. Il y a quelques autres façons de faire, sauf que la qualité d'image n'est pas encore très bonne, mais nous y sommes presque.

La présidente : Cela va ressembler pratiquement à une zone de guerre.

Le sénateur Tkachuk : Oui, ce serait l'impression.

Le sénateur Munson : Comment CBC fait-elle?

M. Scott Stirling : Elle utilise les satellites.

Le sénateur Tkachuk : Cela coûte cher.

Le sénateur Munson : Si vous utilisez la transmission par satellite dans d'autres parties de l'Amérique du Nord, pourquoi ne pouvez-vous pas utiliser des signaux satellites à partir du Labrador? La CBC le fait.

M. Scott Stirling : C'est une question de coût. CBC est une chaîne nationale, donc elle n'alimente pas seulement St. John's ou Halifax, tout le monde reçoit son signal. Pour notre part, nous ne le ferions que pour nous, donc les coûts pourraient être rébarbatifs. Nous essayons de prendre suffisamment d'essor pour pouvoir le faire. Nous avons récemment rajouté le Hummer, et nos nouvelles ont pris de l'ampleur, donc nos revenus aussi. Nous sommes capables d'en faire davantage, et c'est ce que nous voulons faire.

M. Furlong : Nous y sommes presque. Si vous revenez l'an prochain, je serai capable de vous donner une meilleure réponse.

La présidente : Avez-vous indiqué dans votre vidéo que vous aviez des correspondants à Ottawa? Est-ce que je vous ai mal compris?

M. Scott Stirling : Par CTV.

La présidente : Cela m'amène à ma prochaine question. D'où tirez-vous vos nouvelles nationales et internationales? Viennent-elles toutes de CTV?

M. Scott Stirling : Je vais laisser notre directeur des nouvelles vous en parler, mais nous avons d'autres sources, comme CNN, en plus de CTV.

M. Furlong : Récemment, il y a environ un an et demi, nous sommes devenus partenaires de CNN. Cependant, notre représentant national est CTV, et nous en tirons nos nouvelles internationales autant que possible, parce que nous voulons une perspective canadienne plutôt qu'une perspective américaine.

La présidente : Est-ce que CTV s'objecte à votre partenariat avec CNN, parce que CTV a elle aussi sa propre chaîne consacrée aux nouvelles?

M. Furlong : Non, CTV a elle aussi une entente avec CNN.

M. Furlong : Nous en faisons tous partie.

La présidente : Nous n'avons pas encore entendu les représentants de CTV, donc vous devez nous excuser de ne pas être au courant.

Vous avez une station de radio FM. Vous avez demandé un permis pour une autre station de radio FM, mais vous ne l'avez pas obtenu. Croyez-vous qu'il reste un avenir dans le AM?

M. Scott Stirling : La station AM de NewCap est probablement sa station la plus écoutée. Je pense que c'est en partie une question de tradition. Elle existe depuis 75 ans et a son propre talk-show. C'est une chaîne très politique. Les gens veulent communiquer et ont les nouvelles à cœur, ils les ont toujours eues.

L'attachement à leur nom est très fort. Par exemple, il y a une autre station AM, CJON, qui est entrée en ondes en 1951. Lorsque Don Jamieson et Geoff se sont séparés leurs avoirs, Don a obtenu la station AM et en a changé un peu la programmation. Il a rapidement perdu son nom de station. Il n'a pas réussi à obtenir l'appellation CJON, c'est nous qui l'avons gardée, donc il a dû renommer sa station et l'a appelée Q Radio, puis elle a perdu toute identité. Aujourd'hui, cette station fait jouer de la musique terre-neuvienne, de la musique folklorique, etc., mais elle a peu de cotes d'écoute. Il serait très difficile de créer une station AM ici et de la rendre pertinente et concurrentielle. Cela coûterait très cher.

La présidente : Un nom établi a de la vie et de la vigueur, n'est-ce pas?

M. Scott Stirling : Certainement.

La présidente : La même question se pose dans d'autres marchés aussi.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez mentionné avoir aussi un site Internet. Quel avenir voyez-vous en ce sens? Vous fait-il faire de l'argent? Tout le monde en a un, mais je ne suis pas certain que quiconque en retire des profits.

M. Scott Stirling : Nous le voyons comme une extension de marque, donc nous n'y diffusons pas de publicité parce qu'encore une fois, ce ne serait pas suffisant pour en absorber les coûts.

Le sénateur Tkachuk : Une extension de marque de la télévision ou du journal?

M. Scott Stirling : La télévision a ses propres sites Web, donc c'est une extension de marque. NTV.ca est une extension de NTV. OZFM.com est une extension d'OZFM, et The Herald a son propre site web. Chacun est une extension de marque. Par exemple, à la radio, il y a eu récemment un grand concours dans le cadre duquel nos auditeurs essayaient de gagner une voiture. Les participants devaient se tenir à une voiture et celui qui s'y tenait le plus longtemps gagnait la voiture. Il y avait une caméra au centre commercial pour filmer l'événement. Il suffisait d'aller sur le site OZMF.com, de cliquer sur la caméra et on pouvait regarder l'événement en direct.

Sur le site NTV.ca, la page d'accueil montre l'image projetée par une caméra installée au sommet de la montagne. On y voit la ville et les rues, et nous pouvons faire bouger la caméra. Je pense qu'OZ a enregistré 3,5 millions de visites, donc son site est très fréquenté, il y a beaucoup de monde qui le consulte. Notre carnet de visite nous permet de constater que beaucoup de Terre-neuviens vivent à l'extérieur de Terre-Neuve et qu'ils s'ennuient, donc ils visitent notre site web et ils peuvent cliquer sur les caméras pour voir ce qui se passe dans la province.

Nous faisons le lien avec le gouvernement. Le gouvernement a des caméras sur toutes les autoroutes afin de suivre l'état du trafic. Nous montrons ces images à la télévision, mais pour ce qui est de la radio, on peut consulter notre site web pour voir ces images. C'est une façon d'offrir plus de service pour l'achat de ces marques, et c'est la façon dont nous les utilisons en ce moment.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce l'avenir?

M. Neal : C'est difficile à dire, n'est-ce pas?

M. Scott Stirling : Pour nous, c'est l'avenir. On peut devenir trop pompeux avec de tels projets, et je ne veux pas nommer personne, mais je vais le faire. Canada.com, un site de Global, a lancé un concept grandiose et y a investi des millions de dollars. C'était de la convergence, mais ce site n'avait pas de marque distincte. Quel est l'objectif? Quel est le but? Est-ce une tentative d'extension de marque de Global? Disney a fait exactement la même chose. Elle a créé Go.com et a perdu des millions de dollars pour finalement changer de stratégie.

Il faut bien définir ce qu'on veut faire. Nous savons ce que nous voulons faire, c'est-à-dire de faire prendre de l'expansion à notre marque, et il y a beaucoup de façons commerciales de faire de l'argent sur un site web, mais lorsqu'on fait le lien avec un média, je pense qu'il s'agit surtout d'un effort d'extension de marque.

La présidente : Faut-il payer pour accéder à votre site web?

M. Scott Stirling : Nous investissons dans les sites Web et nous les maintenons grâce à nos médias. Cependant, nous devrons probablement un jour ou l'autre imposer un coût d'accès, parce que nous avons énormément d'auditeurs, particulièrement à OZ, qui...

[Note de la rédaction : Difficultés techniques. Problème d'enregistrement.]

M. Scott Stirling : ... Il s'agit d'une société subventionnée de milliards de dollars. À Terre-Neuve, CBNT recevait et reçoit probablement toujours 25 millions de dollars. Comme elle le dit elle-même, elle produit 2,5 heures de nouvelles par semaine. Nous en produisons dix fois plus. Même aujourd'hui, elle a plus de personnel que nous et un plus grand service de nouvelles. Puis elle a commencé à diffuser de la publicité et à offrir des prix inférieurs aux nôtres. Elle est numéro un. La situation me semblait assez claire, mais nous n'avons pas réussi à obtenir quoi que ce soit. Il faut prouver l'intention à l'origine de l'établissement d'un prix abusif, et c'est l'une des choses les plus difficiles à prouver. C'est comme de recevoir un coup de fusil et de devoir prouver que la personne a voulu vous tuer plutôt que de simplement vous blesser.

Le sénateur Munson : Ce témoignage est important pour la préparation de notre rapport sur le rôle du Bureau de la concurrence.

M. Scott Stirling : Même si nous sommes petits, les mêmes principes s'appliquent à l'échelle microcosmique qu'à l'échelle macrocosmique. Si ce que nous pouvons dire en fonction de notre expérience a une valeur quelconque, alors cela peut s'appliquer à plus grande échelle.

Le sénateur Munson : Payez-vous un prix pour demeurer résolument indépendants et ce prix est-il élevé? Vous avez parlé de BCE qui gobait ses affiliés et qui gobait CTV, mais chacun a sa part de responsabilité. Vous n'avez pas embarqué. Avez-vous été tentés de joindre cette grande entreprise?

M. Scott Stirling : Nous devons notre position à notre fondateur, parce que c'est lui qui prend ces décisions. Parce qu'il a démarré l'entreprise, parce qu'il est terre-neuvien, parce qu'il croit en notre culture et en notre société, il est résolument pro-Terre-Neuve. Je pense qu'il a la conviction que si nous nous laissions acheter par une énorme multinationale ou même par une société d'État nationale, les Terre-neuviens perdraient une partie de leur souveraineté. Je pense que c'est avant tout une question de patriotisme : l'amour de Terre-Neuve. Il y a ATV à Halifax-Dartmouth, mais ATV couvre les Maritimes, donc il arrive que la perspective du Nouveau-Brunswick diverge de celle de la Nouvelle-Écosse, que ce soit sur les pêches ou sur autre chose. Il est très spécial d'avoir une voix qui ne s'exprime qu'au nom de sa province.

Le sénateur Munson : Je viens du Nouveau-Brunswick moi-même, donc je ne veux pas entrer dans ce débat. Cependant, je me rappelle de Lionel Television, la maison du homard, donc ce n'est pas banal que d'avoir une voix propre à sa province.

[Note de la rédaction : Difficultés techniques. Problème d'enregistrement.]

M. Jesse Stirling, vice-président, Ventes et marketing, Newfoundland Broadcasting Company : Ce n'est pas tant la façon dont les medias canadiens sont achetés et vendus qui dérange. On les vend en fonction de leur situation géographique. Dans la province, nos concurrents sont CBC, NewCap, Transcontinental et ASN-ATV. Tous reçoivent beaucoup de financement, ce sont des sociétés cotées en bourse à l'échelle internationale et au Canada, et il y a aussi CanWest, CHUM, Corus, Rogers, Bell Canada et Astral. Puis il y a nous, Stirling Communications International, une voix indépendante, la dernière société multimédia privée au Canada.

C'est une grande source de fierté pour nous, mais c'est beaucoup plus difficile pour nous d'avoir un poids commercial sur la scène nationale puisque notre principal journal télévisé, qui est incroyablement dominant localement, obtient seulement un demi-point de classement â l'échelle nationale. On comprend bien où l'on se situe dans le grand ordre des choses. Les publicitaires ne paient pas pour notre public élargi comme ils le font pour d'autres stations locales diffusées pas satellite. Les difficultés sont bien réelles. La seule raison qui fait que nous avons réussi à survivre et à garder notre public, c'est la qualité de notre produit, la qualité de nos nouvelles locales et les cotes d'écoute que nous nous attirons.

Il importe de dresser le portrait de notre situation et de nos difficultés à l'échelle provinciale et à l'échelle nationale. En ce moment, c'est la force du produit télévisuel qui soutient les entreprises de télévision, de radio et les revues.

La présidente : Si je comprends bien, la principale force de votre organisme, c'est les nouvelles.

Pour ce qui est des tarifs de publicité, CBC vendait son espace moins cher que vous lorsqu'elle était numéro un. Comment vos tarifs se comparent-ils maintenant que CBC n'est plus numéro un?

M. Scott Stirling : Ses tarifs sont toujours plus bas que ceux du marché en général, mais ils ne sont simplement pas concurrentiels avec les nôtres pour ce qui est de la masse, parce que les publicitaires veulent du public, donc cela fait toute la différence. C'est la même chose avec le problème de NewCap qui nous occupe en ce moment. Si OZ a un livre fabuleux, cela n'entrera pas en ligne de compte. Cependant, nous ne devrions pas avoir à être si bons pour rivaliser avec les autres. Nous devrions pouvoir être bons sans être obligés de dominer pour survivre.

La commission a récemment relâché les conditions imposées à la SRC pour lui permettre d'acheter des films américains. Dans notre marché, on voit maintenant Harry Potter et tous les grands canons du cinéma. Il faut se poser une question : pourquoi la SRC reçoit-elle de l'argent des contribuables pour rivaliser avec ses concurrents en matière de publicité alors qu'elle est subventionnée? Il semble y avoir un conflit. Elle fait aussi concurrence à CTV pour les droits de diffusion des Olympiques et elle peut faire des offres plus basses que CTV. C'est une entreprise très commerciale. La même chose s'applique aux parties de hockey des samedis soirs.

Il faut que le produit soit pur. De quel type de société s'agit-il? S'agit-il d'une société financée par les contribuables ou par les publicitaires? Il y a un conflit dans la prise de décisions. Si j'étais financé par ces deux sources, je devrais me demander sur quoi fonder mes décisions. Est-ce que je vais diffuser une émission commerciale pour tirer profit de la publicité ou vais-je plutôt diffuser une émission pour le bien du public? C'est un conflit qui tourne presque à la schizophrénie.

M. Furlong : Je regardais la télévision samedi soir et je me suis trouvé à voir qu'il y avait un film de Jackie Chan à CBC. Il y a quelque chose de fondamental qui cloche lorsqu'on dépense l'argent des contribuables canadiens pour diffuser ce film alors que nous nous battons pour survivre.

M. Scott Stirling : J'ajouterais aussi que comme il y a des problèmes de son, vous pouvez vous fier sur nous. Nous allons vous trouver la bande.

Le sénateur Eyton : Rassurez-vous, c'est votre enregistrement.

M. Scott Stirling : Hier soir, il y avait une émission à 20 heures à CBC, qui s'intitulait Sex Traffic. Cette émission dépeignait l'industrie de l'esclavage sexuel et montrait de la violence, des viols et de la nudité. Si NTV diffusait une émission pareille, on nous accuserait tout de suite d'être une station commerciale grossière. On nous accuserait d'essayer d'augmenter nos cotes d'écoute. Nous n'envisagerions jamais de diffuser une telle émission à 20 heures, mais CBC l'a fait dans tout le Canada.

En tant que téléspectateur et diffuseur, ça m'a dérangé. Comment réagir face à cela? Quand est-ce de l'art et quand est-ce purement commercial? Il semble bien qu'ils ne fassent plus clairement la distinction entre les deux. Nous oui. Ils reçoivent des subventions. Pourquoi font-ils cela? Est-ce approprié?

Le sénateur Tkachuk : Ils sont gouvernés différemment.

M. Scott Stirling : Je pense plutôt qu'ils s'auto-administrent différemment.

La présidente : Nous nous éloignons du sujet; nous sommes censés examiner la façon dont toute une série de politiques gouvernementales affecte la diffusion de nouvelles. Le Herald utilise-t-il le système de subvention postale?

M. Scott Stirling : Oui. Parce que nous sommes dans le secteur des pâtes et papiers; nous bénéficions donc de l'affranchissement au tarif de la troisième classe.

La présidente : La façon dont le système fonctionne vous satisfait-elle?

M. Scott Stirling : Oui. Nous avons failli ne plus y avoir droit. Il nous a fallu nous battre pour continuer d'être admissibles. Si nous avions perdu la bataille, cela aurait eu un effet dévastateur sur nos activités dans cette zone rurale parce que beaucoup de nos périodiques sont envoyés par courrier aux magasins qui les distribuent. Nos lecteurs reçoivent nos publications par la poste. Si nous avions perdu cette subvention, nos coûts de distribution auraient été multipliés par deux. C'est donc très important pour nous de la garder et, grâce à Dieu, nous y sommes parvenus.

La présidente : Y a-t-il d'autres éléments de la politique gouvernementale, au sens large, que vous aimeriez voir changer ou, au contraire, que vous vous voudriez conserver à tout prix?

M. Neal : Une des choses dont nous n'avons pas parlé — et qui concerne encore CBC, parce que ça a toujours été un problème pour nous —, c'est que CBC devrait être à l'image du Canada et des Canadiens. Ce devrait être une organisation financée par le secteur public et non par des intérêts commerciaux ou privés. Elle ne devrait pas nous faire concurrence sur le terrain de la publicité. Elle devrait être un moyen permettant à certaines productions qui en sont à leurs premiers balbutiements d'obtenir du financement et d'être connues du public canadien.

Si ces productions deviennent commercialement viables, ce serait peut-être alors aux réseaux commerciaux de prendre le relais et de les faire connaître à leur tour. Je ne vois pas pourquoi ceux qui dépensent l'argent des contribuables devraient avoir le droit d'être sur le marché et de vendre de la publicité.

La présidente : C'était ma dernière question.

Le sénateur Munson : J'aimerais vous poser quelques questions concrètes. Êtes-vous affiliés à un syndicat?

M. Scott Stirling : Oui.

M. Furlong : Le SCEP.

Le sénateur Munson : Entretenez-vous de bonnes relations avec ce syndicat?

M. Furlong : Avant, c'était le NABET.

Le sénateur Munson : Travaillez-vous en bonne entente avec ce syndicat?

M. Furlong : Oui.

Le sénateur Munson : Quelle importance occupe la Presse canadienne comme service national de dépêches dans la survie de votre agence de nouvelles?

M. Furlong : Pas très grande.

Le sénateur Munson : Même pour le Sunday Herald?

M. Furlong : Je ne peux pas parler pour le Herald, sénateur.

M. Scott Stirling : Les choses ont changé.

La présidente : Broadcast News non plus?

M. Furlong : Non, pas vraiment.

La présidente : Messieurs, je vous remercie beaucoup. C'était très intéressant. Nous vous avons gardés plus longtemps que prévu, mais vos témoignages ont été des plus instructifs.

On vient de me rappeler que nous éprouvons des difficultés techniques.

Chers sénateurs, notre prochain témoin est le professeur Ivan Emke, de l'Université Memorial de Terre-Neuve.

Soyez le bienvenu parmi nous. Voici comment les choses fonctionnent au comité : nous vous accordons 10 minutes pour faire une déclaration liminaire au terme de laquelle nous vous posons des questions. Vous avez la parole, monsieur Emke.

M. Ivan Emke, professeur, Département des sciences sociales, Université Memorial de Terre-Neuve, témoignage à titre personnel : Merci, honorables sénateurs, de m'avoir invité. Je vous ai envoyé des copies d'un document contenant des notes plus détaillées que vous pourrez examiner plus tard. Je vous parlerai un peu du travail que je fais ici, à Terre-Neuve, et ailleurs, en matière de stratégies de communication dans les collectivités rurales. Je suis professeur à l'Université Memorial, à l'unité constituante de Corner Brook. J'y enseigne la sociologie, l'anthropologie et aussi un peu le folklore. J'ai également une formation en communications et en relations publiques suffisamment complète pour m'avoir rendu cynique. J'ai donc divers centres d'intérêts dans le domaine de la communication.

Les projets dans lesquels je me suis investi sont financés par deux grands groupes ou organismes. Le premier, le Community Education Network, est établi à Stephenville, sur la côte ouest de Terre-Neuve. Ensemble, nous avons réalisé toute une série d'activités avec des stations de radio de faible puissance et la télévision par câble. Le deuxième est le New Rural Economy Group, qui fait partie de l'Université Concordia. Nous sommes en train d'étudier 32 collectivités rurales de partout au Canada, choisies au hasard. L'un des sous-thèmes traités est la communication. C'est celui sur lequel je travaille. Nous étudions les outils de communication dans les collectivités rurales ainsi que le lien éventuel entre le développement économique et les outils de communication. Voilà donc les projets auxquels je me consacre, dont je parle dans ce document et sur lesquels je vous divulguerai certains des résultats de nos recherches.

Je trouve qu'étudier les communications — comme l'ont fait Innis et McLuhan et, au niveau gouvernemental, avec la commission Aird à la fin des années 1920 ou comme aujourd'hui, à St. John's — est une caractéristique étrangement canadienne. Cela a l'air d'être un passe-temps pour nous, en partie parce que nous vivons dans un immense pays, très vaste géographiquement, et que nous essayons de voir comment rester unis. Je vous parlerai de plusieurs médias différents. Nous voyons les communications comme une sorte de moyen pour rassembler les gens ou comme un outil permettant de faciliter les relations sociales, etc., et parfois aussi comme une toile, un réseau favorisant l'interaction. Les journaux communautaires en sont un bel exemple. Ils permettent parfois d'assurer la survie d'une communauté.

Dans le New Rural Economy Group, nous avons commencé par classer ces 32 collectivités selon leur niveau de dynamisme, à la lumière de certains indicateurs économiques et sociaux, et tenté de voir s'il y avait un lien avec le type d'outils de communication à leur disposition. Nous avons découvert, comme vous le verrez à page 3 du document concernant les localités les plus dynamiques, que 42 p. 100 de ces collectivités possédaient un journal publié toutes les semaines, alors que 18 p. 100 des localités moins actives n'en avaient pas. Quarante-trois pour cent des localités affichant une certaine vitalité contre 25 p. 100 des collectivités moins actives possédaient un bulletin de nouvelles bien établi, produit, dans certains cas, par une agence de services sociaux. Il ne faut pas y voir là un lien de causalité, mais il y a certainement une corrélation entre certains outils de communication et le degré de développement, etc.

La prochaine étape a consisté à se demander quel était le contenu de ces journaux, car on s'imagine souvent qu'ils ne relatent que des faits divers sans importance et des histoires futiles. Nous avons analysé le contenu d'un échantillonnage de ces journaux locaux et codé chaque nouvelle. Nous avons découvert qu'un tiers des articles portait essentiellement sur des événements passés, présents ou à venir concernant la communauté. Environ un cinquième des articles portait sur l'éducation, que ce soit la formation des adultes, les études secondaires ou les programmes d'éducation communautaires. Dix-huit pour cent des articles portaient sur l'économie, ce qui signifie qu'une part importante des nouvelles était consacrée au développement et à la vie économiques. L'histoire représentait 8 p. 100 et les affaires sociales, 5 p. 100, ce qui est relativement peu. Il serait intéressant de comparer ces résultats avec ceux que l'on obtiendrait pour les quotidiens.

Ensuite, pour pousser plus loin notre étude, nous avons décidé de réfléchir au rôle que jouent les rédacteurs en chef dans leur communauté. Nous avons fait une enquête au sujet des rédacteurs en chef de journaux communautaires au Canada dans les collectivités de 75 000 habitants et moins. Nous avons envoyé notre questionnaire à plusieurs d'entre eux et nous avons reçu 205 réponses. Le document que je vous ai remis présente les détails de la méthodologie que nous avons suivie. Les 205 réponses venaient de partout au Canada, aussi bien de journaux francophones qu'anglophones. La première chose que nous voulions savoir concernait le type de contenu. Qui a-t-il dans ces journaux? Le contenu est-il lié à la vie de la communauté ou pas? À la page 4 du document, je présente quelques exemples de contenus que l'on retrouve à chaque fois. Il y a des éditoriaux dans environ les trois quarts des journaux; la proportion est la même pour les lettres au rédacteur en chef, ce qui signifie qu'il y a un échange avec les membres de la communauté. Voilà comment les gens communiquent entre eux et, peut-être aussi, parviennent à s'entendre sur certaines questions. Occupaient également une place importante les rubriques d'opinions dans lesquelles écrivent des chroniqueurs locaux plutôt que des chroniqueurs affiliés nationaux, les rapports émanant de conseils municipaux et régionaux, etc. Tout d'abord, nous avons conclu que les journaux se concentraient avant tout sur la collectivité locale, s'intéressant particulièrement aux intérêts du lectorat, ce qui est différent d'un journal national ou provincial, qui a tendance à se concentrer sur l'actualité dans la capitale et les grands événements politiques sur la scène provinciale ou fédérale.

Nous avons également demandé aux rédacteurs en chef de journaux comment ils voyaient leur rôle dans la communauté. Je vais m'attarder un peu sur le sujet, mais comme vous pouvez le voir, le tableau de la page 5 présente les résultats de l'enquête dans laquelle on demandait aux rédacteurs en chef de répondre aux questions et de dire s'ils étaient d'accord avec nous ou pas sur certaines affirmations. Nous avons essayé de les provoquer un peu sur la façon dont ils voyaient leur rôle dans leur communauté. La première question visait à savoir si le journal communautaire joue un rôle important dans le développement économique de la région. Bien sûr, la plupart des gens ont répondu que oui avec plus ou moins d'insistance. La suivante est intéressante parce que dans le domaine des communications, évidemment, on veut être objectif ou critique lorsque c'est nécessaire, et on veut trouver un équilibre entre les deux. Voilà donc l'assertion que nous avons faite : « Le but le plus important d'un journal communautaire est de garantir l'intégrité journalistique, même si cela signifie devoir critiquer des dirigeants locaux. » À notre grande surprise, nous avons vu que 90 p. 100 des personnes interrogées ont complètement adhéré à cette assertion. Par conséquent, ces gens ont le sentiment de ne pas faire seulement du battage publicitaire pour leur communauté, mais aussi de garantir une certaine intégrité journalistique. L'assertion suivante était semblable, et nous avons essayé d'utiliser un langage ayant une charge émotive plus grande en disant : « Parfois, les journaux communautaires doivent faire la promotion de certaines stratégies de développement au détriment d'autres. » C'était assez percutant. Dans ce cas, les réponses étaient plus mitigées, mais quand même, en règle générale, les gens adhéraient à l'idée selon laquelle le rôle du journal est encore de guider le développement et de favoriser certaines initiatives plutôt que d'autres, ce qui démontre qu'ils sont militants.

Voilà donc quelques-uns des travaux que nous avons réalisés en ce qui concerne les journaux. L'étude était beaucoup plus vaste, mais j'aimerais vous parler d'autres médias, puis nous pourrons revenir là-dessus. Le Community Education Network a fréquemment utilisé la télévision par câble. Selon l'ancienne réglementation du CRTC, les câblodistributeurs doivent fournir une chaîne d'accès communautaire, et ce sont ces chaînes que nous avons utilisées. Maintenant, on les retrouve souvent dans des écoles, mais il y en a aussi dans des clubs Lions et des organismes philanthropiques. Normalement, elles servent uniquement à diffuser des messages textuels sur des événements à venir, ou encore à donner les prévisions météorologiques, mais elles peuvent être utilisées aussi par des établissements scolaires ou des groupes communautaires. Nous avons trouvé que c'était un moyen très réussi de pénétrer au cœur de la communauté. En ciblant un thème précis, comme l'eau, on peut organiser toute la programmation d'un jour autour de cette question et demander à la population locale de s'exprimer sur le sujet. Nous évitons de faire venir des spécialistes de l'extérieur mais, si nous le faisons, nous leur demandons de s'asseoir dans l'assistance plutôt qu'à la table principale pour que le débat soit le plus possible axé sur la communauté. Par exemple, il y a quelques années, il y avait un problème d'eau à Mainland, et grâce à l'émission et à quelques vidéos, les gens de la communauté ont réussi à prendre une décision sur la façon de régler leurs problèmes.

Le lien avec les établissements scolaires est assez important car nous avons découvert, entre autres, que les jeunes n'ont pas peur de la technologie, contrairement aux gens de mon âge. Ils s'y adaptent très facilement. Des élèves de 8e année et plus vieux savent manier des caméras et utiliser tout ce qui peut l'être avec un minimum de formation. Ce n'est donc vraiment pas difficile, du point de vue technologique, d'organiser ce genre d'événements.

Un des groupes avec lesquels nous avons travaillé et dont je voudrais parler est le Burgeo Broadcasting System. Burgeo est une petite communauté d'un peu moins de 2 400 habitants située sur la côte sud-ouest de Terre-Neuve. Elle possède son propre système de câblodistribution communautaire. Elle n'est pas assez grande pour recevoir un système plus grand, mais avec environ 600 abonnés, elle peut payer les salaires de deux employés, un technicien et un directeur des programmes. Si vous vous demandez si la câblodistribution rapporte, parlez-leur. Ils facturent 19,50 $ par mois pour leurs services de câble, qui inclut notamment le service HBO. Les gens sont donc relativement bien lotis. Ce qui est intéressant, c'est que les gens paient parfois leurs factures de câble un an à l'avance; ils viennent jusqu'au bureau pour les payer, chose qu'on voit rarement ailleurs et qui prouve qu'il y a un sentiment puissant d'appartenance à la collectivité. Tous les dimanches soir, ils présentent une émission. Je ne sais pas combien de collectivités de cette taille offrent un programme télévisé hebdomadaire d'une demi-heure. L'émission s'appelle This Week in Burgeo et elle est regardée par environ 95 p. 100 de la population. Nous avons fait un sondage téléphonique et nous avons vérifié que c'était effectivement le cas. Tout cela fonctionne grâce à de jeunes bénévoles de l'école et, chaque année, on prend 14 nouvelles recrues, mais la liste d'attente est toujours très longue. Le studio de télévision est maintenant situé dans le nouveau complexe scolaire. Le lien entre l'école — dans la mesure où l'on tient compte des résultats scolaires et des programmes d'enseignement pour apprendre aux jeunes à écrire et à présenter une émission — et la télévision communautaire a été plutôt profitable dans ce cas. Voilà donc le genre de projets sur lesquels nous travaillons dans le Community Education Network.

Ça m'a toujours frappé de voir que les canaux communautaires pouvaient être une véritable bénédiction pour les câblodistributeurs qui s'inquiètent de perdre des abonnés au profit des services par satellite, alors qu'ils offrent quelque chose que les services par satellite n'ont pas. Dans certaines collectivités locales, les gens résistent à se départir de leur télévision par câble parce qu'ils n'auraient plus accès à certains programmes. Par conséquent, s'ils veulent jouer au bingo, qui est un passe-temps très populaire dans beaucoup de ces communautés, ils doivent aller chez un ami qui a le câble et, d'une certaine manière, c'est un moyen pour les câblodistributeurs de livrer concurrence aux services par satellite, au moins dans les régions rurales de Terre-Neuve.

J'aimerais vous parler brièvement de la radio. Nous avons fait une expérience dans le cadre d'une initiative concernant des émissions radiophoniques sur des événements spéciaux. Celle-ci relève d'Industrie Canada. Cela permet à un groupe communautaire de diffuser des émissions pendant 30 jours, une fois par année, mais nous ne l'avons fait que pendant trois jours, avec un signal FM et en utilisant un émetteur FM portable. C'était un émetteur de 30 watts. Industrie Canada nous a attribué une fréquence. Des gens de la communauté s'impliquent dans ce projet du mieux qu'ils peuvent et mettent à profit leurs talents d'animateur. Nous recevons toujours la visite de musiciens locaux, et les écoles de la région organisent également des activités. Cela tourne généralement autour d'un événement quelconque comme, par exemple, l'Année des retrouvailles ou une conférence. C'est quelque chose que nous avons commencé à faire. Lorsqu'il y a une conférence, certains membres d'un des groupes universitaires dont je fais partie se rendent sur place, ne portent aucune attention aux gens autour d'eux puis repartent comme ils étaient venus. Nous avons commencé à réaliser ce genre d'expérience l'automne dernier à Tweed, en Ontario. Je ne sais pas si vous êtes déjà allés à Tweed. C'est une petite communauté située entre Ottawa et Toronto. Nous y avons diffusé une conférence et durant les pauses-café, nous faisions un micro-trottroir et demandions aux gens d'où ils venaient, ce qu'ils avaient appris à cette conférence, etc. Ceci était ensuite diffusé aux membres de la communauté pour que les gens aient une idée de ce que ces étrangers étaient venus faire chez eux et pourquoi. Nous avons pensé que c'était aussi une bonne façon pour un groupe d'universitaires, dans ce cas, de s'adresser aux membres des communautés locales et d'essayer de leur montrer le sens de notre démarche, chose que nous n'avons pas toujours réussie.

Ce modèle demande évidemment le déploiement d'énormément d'énergie. Beaucoup de gens s'investissent dans le projet. C'est un événement majeur pour la communauté. Nous avons également essayé de savoir s'il y aurait des effets à la longue. À la page 8 du document, vous verrez quelques-unes des réponses à une enquête que nous avons menée dans le secteur de Bay St. George South, au sud de Stephenville. Nous avons diffusé pendant plusieurs jours des émissions sur la radio communautaire, puis nous avons fait un sondage auprès d'une centaine de personnes auxquelles nous avons demandé si elles avaient appris et retenu quelque chose durant ces émissions. Nous avons été heureux et soulagés d'apprendre qu'environ les deux tiers des auditeurs avaient appris quelque chose de nouveau. De même, nous leur avons demandé si elles avaient davantage de respect pour les actions et les aptitudes de leurs dirigeants locaux, parce que l'une de nos hypothèses était que si vous voyez des gens de la communauté interviewés ou passer à la radio, vous avez le sentiment que vous êtes pris au sérieux. C'est donc un élément de fierté. Nous avons découvert que les gens approuvaient cette approche. On leur a demandé si après avoir écouté l'émission, ils avaient davantage d'espoir pour l'avenir de leur communauté. Les réponses étaient partagées. Mais il n'en demeure pas moins que 50 p. 100 ont répondu oui et seulement 18 ou 19 p. 100 non. Nous avons aussi demandé aux gens si depuis qu'ils avaient écouté l'émission de radio, ils s'intéressaient davantage aux affaires de la communauté. Nous posions cette question dans le but de déterminer si, même si l'expérience n'avait duré que trois jours, la communauté était capable de se prendre en mains et de s'intéresser plus activement aux événements locaux.

Je termine cette partie de l'exposé en posant la question suivante : « Est-ce que les médias sont importants? » Dans le cadre de notre projet de recherche, le groupe New Rural Economy a mené un vaste sondage auprès de quelque 2 000 foyers pour savoir quelles étaient les sources d'aide sur lesquelles ils s'appuyaient quand ils vivaient des changements de vie importants sur le plan économique ou sur celui de la santé, par exemple. Comme on peut le voir à la page 9, 1 452 personnes ont identifié la famille comme étant leur principale source d'aide, 808, les professionnels, comme les médecins, mais 592, les médias. Ces derniers arrivaient au troisième rang, ce qui veut dire que les personnes aux prises avec des problèmes de santé ou autres se tournent vers les médias, que ce soit la télévision, les livres, Internet, ainsi de suite, pour trouver un moyen de gérer ce changement. Nous voulons savoir comment ils gèrent ce changement. Les médecins vont vous dire que, de plus en plus, les patients arrivent à leur bureau armés de renseignements tirés de l'Internet, ce qui n'est pas toujours bien vu, mais c'est là une des façons dont les gens gèrent les changements.

Donc, est-ce que les médias sont importants? Oui, parce que les gens utilisent le contenu dans leur vie personnelle pour gérer de grands pans de leur existence. Les conclusions de ce sondage sont donc fort significatives.

Je propose, pour terminer, quelques orientations stratégiques possibles, que vous pouvez examiner quand bon vous semble. J'insiste toutefois pour dire que nous privilégions les projets communautaires de petite échelle qui n'ont pas d'impact majeur. Nous ne parlons pas ici d'élargir les parts du marché ou encore de livrer concurrence aux grandes entreprises de radiodiffusion, mais plutôt de renforcer les capacités communautaires au niveau local, ce qui serait sans doute la solution la plus efficace, parce que les collectivités n'ont pas d'autres voix. Elles ne se retrouvent pas dans les médias nationaux.

Nous vivons dans une « société du savoir ». Il faudrait transformer celle-ci en « démocratie du savoir » en appuyant, entre autres, les initiatives de communication adaptées à la collectivité.

Je radote et je m'en excuse, mais j'ai essayé de vous donner un aperçu des travaux de recherche que nous menons, des efforts que nous déployons en vue de recueillir des données sur cette question. Je serais heureux de savoir ce que vous en pensez.

La présidente : Vous dites que vous radotez, mais c'est l'un des exposés les plus intéressants que j'ai entendus.

Le sénateur Tkachuk : C'est vrai.

Vous dites à la page 6 de votre mémoire que :

Le canal communautaire, dans le passé, devait obligatoirement faire partie du service de câblodistribution, mais que malheureusement, le CRTC a réduit les exigences à cet égard.

Est-ce que le câblodistributeur local était tenu de fournir un canal communautaire dans chaque collectivité? Quand vous dites que les exigences ont été réduites, qu'entendez-vous par là?

M. Emke : Le câblodistributeur bénéficiait d'un monopole dans cette collectivité.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

M. Emke : En retour, il devait rendre une chaîne accessible au public. En théorie, cette chaîne était accessible à tous ceux qui voulaient réaliser une émission. Par exemple, si vous faisiez partie d'une chorale, vous pouviez aller voir le câblodistributeur et lui dire : « Je veux réaliser une émission. » Cela fonctionnait, dans une certaine mesure, sauf que le contrôle se faisait à partir du sommet de la pyramide. Par exemple, à Terre-Neuve, Rogers a remplacé Cable Atlantic. Or, quand Cable Atlantic était aux commandes, elle autorisait ce genre de chose, sauf qu'elle envoyait les bandes vidéo à St. John's pour qu'elles puissent être visionnées avant d'être renvoyées à la collectivité. Il pouvait s'agir d'une vidéo sur la remise de diplômes à des enfants de la maternelle, par exemple.

Une femme à Burnt Island m'a dit : « Mais qu'est-ce qu'ils pensent que vous faisons? Que nous nous déshabillons? » Les gens étaient vraiment choqués de voir qu'ils ne pouvaient diffuser eux-mêmes ces vidéos sur leur canal communautaire sans d'abord obtenir l'aval du bureau de St. John's. Toutefois, cela faisait partie du règlement. Pour avoir un système de câblodistribution à Burnt Island ou ailleurs, vous deviez rendre une chaîne accessible.

Cette exigence n'est plus aussi importante aujourd'hui en ce sens qu'il n'est plus nécessaire, lors du renouvellement d'une licence, de démontrer que vous offrez ce service à tout le monde. Les grands câblodistributeurs comme Rogers continuent d'offrir un canal communautaire, que ce soit à St. John's, à Corner Brook ou ailleurs. Toutefois, ils ont tenté de relever le niveau du contenu. Par exemple, à Corner Brook, nous avions des émissions sur les articles de pêche, ou encore d'autres où l'on voyait des musiciens qui jouaient ensemble. Ils se sont débarrassés de tout cela dans le but d'offrir des émissions plus sérieuses. Ils ont perdu beaucoup de téléspectateurs qui aimaient vraiment les émissions sur les articles de pêche ou, sinon, qui aimaient entendre leurs voisins en parler. Donc, Rogers peut se vanter d'offrir un canal communautaire, sauf que le contenu n'est plus le même. Les câblodistributeurs essaient, en fait, de livrer concurrence aux entreprises de radiodiffusion. Il faut renforcer le règlement. On pourrait, par exemple, permettre à une école d'avoir accès au canal. Celle-ci pourrait, au moyen d'une présentation en PowerPoint, annoncer les événements à venir. Les élèves y apporteraient des modifications, au besoin. C'est ce qui se fait dans plusieurs collectivités de Terre-Neuve. Elles s'en servent, par exemple, pour afficher des anniversaires. Dans certains cas, on exige des frais pour ce service, ce qui veut dire qu'il se finance lui-même. On peut payer quelqu'un, l'été, pour aider à faire le travail. Il n'y a pas de concurrence avec qui que ce soit, mais le canal communautaire devient une sorte de centre d'attraction pour la collectivité.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu'on a réduit les exigences en raison de la concurrence; autrement dit, parce que des sociétés de communication par satellite ne sont pas tenues d'offrir un canal communautaire, et qu'elles ne peuvent manifestement pas le faire?

M. Emke : Oui.

Le sénateur Tkachuk : C'est pour cette raison?

M. Emke : C'est ce qu'ont notamment laissé entendre les câblodistributeurs : ils ont affirmé être victimes de concurrence déloyale. Offrir l'accès à un studio coûte quelque chose. Or, les sociétés de communication par satellite ne sont pas tenues d'offrir ce service. Les câblodistributeurs trouvent la situation injuste parce qu'ils doivent offrir des bouquets similaires de chaînes. Comme ils doivent, en plus, offrir un canal communautaire, ils s'estiment lésés. Il existe diverses façons de régler ce problème. On pourrait, je suppose, taxer les services offerts par les sociétés de communication par satellite et investir une partie de l'argent dans la programmation communautaire. Je sais qu'aux États-Unis, ils ont exploré l'idée d'offrir une chaîne entièrement consacrée aux émissions communautaires. Ce serait intéressant de voir des émissions en provenance de Surrey, en Colombie-Britannique, ou d'ailleurs.

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord. J'ai toujours assimilé le fait de posséder une station de télévision à une simple occasion d'affaires. C'est comme si on ouvrait une épicerie — ce n'est pas un grand symbole culturel — et peut-être qu'avec la baisse du nombre d'émissions communautaires, il serait plus facile pour quelqu'un à, disons, Weyburn, en Saskatchewan, d'obtenir une licence pour exploiter un canal communautaire à l'extérieur de la collectivité et offrir le service gratuitement. Bien entendu, il faudrait trouver des annonceurs, et tout le reste, composer avec la concurrence, ou peut-être qu'un journal local verrait le jour. Seriez-vous en faveur d'une telle initiative? Croyez-vous que les exigences du CRTC sont trop sévères et qu'elles devraient être réduites pour favoriser la concurrence?

M. Emke : Je préférerais sans doute la carotte au bâton, en ce sens qu'on pourrait permettre aux groupes communautaires d'ouvrir une station de radio ou de télévision de faible puissance qui n'est pas en concurrence directe avec les stations qui desservent des marchés étendus et, dans une certaine mesure, les radios communautaires collégiales. Le CRTC procède de cette façon. J'ai travaillé pour une station collégiale ou il fallait lire toutes les annonces nous-mêmes. Aucune d'entre elles ne pouvait être enregistrée à l'avance. On commettait beaucoup d'erreurs, ce qui ne faisait pas tellement sérieux. Cela permettait d'assurer la diffusion des publicités nationales spécialisées sur les chaînes commerciales. On pourrait peut-être trouver des moyens d'apaiser les intérêts commerciaux. Toutefois, je préférerais qu'on rende ce canal accessible, qu'on en fasse la promotion, tout comme le Programme d'accès communautaire a permis de favoriser la mise en place de la technologie informatique dans de nombreuses collectivités rurales. Pourquoi ne pourrait-on pas installer, dans la collectivité, un poste radio émetteur dont le coût serait le même ou moindre?

Nous sommes très mal desservis, à Terre-Neuve, par les radios. Quand on traverse la province en voiture, on perd les signaux radio. On ne peut syntoniser qu'un seul poste, mais ça, c'est une tout autre question, puisqu'il diffuse sur une bande fréquence à grande puissance. Or, nous pourrions permettre aux petites collectivités d'avoir leur propre station grâce à un investissement similaire à celui du PAC.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez raison. Est-ce que cette situation est attribuable à la réduction des exigences du CRTC, ou aux pressions exercées par les grandes entreprises, étant donné qu'avant, les câblodistributeurs communautaires locaux étaient plus nombreux et que maintenant, il n'y a que de gros joueurs, comme Rogers et Shaw?

M. Emke : Ils y sont pour quelque chose. Il est possible que certaines entreprises y voient là un avantage. Le câblodistributeur régional, qui est maintenant Persona, à Terre-Neuve, estime que le canal communautaire remplit un rôle utile, car il craint l'arrivée des services satellites SDN. Chaque entreprise a une culture différente. Rogers est sans doute moins susceptible d'y voir là un avantage que Persona, qui est une petite entreprise présente dans de nombreuses collectivités rurales. Elle juge qu'il est avantageux d'exploiter un canal communautaire à partir d'une école locale, parce que cela lui permet de garder ses abonnés.

Le sénateur Tkachuk : Ce serait un avantage par rapport aux satellites. C'est pour cela que j'essaie de savoir pourquoi ils veulent sortir de ce marché. Autrement dit, je pourrais, à tout le moins, suivre les travaux du conseil sur le canal communautaire, chose que je ne pourrais faire via satellite.

M. Emke : C'est exact.

Le sénateur Munson : C'est la première fois qu'on nous soumet un rapport aussi détaillé. Vous avez dû faire beaucoup de recherches. Je voudrais vous poser une question très simple : est-ce que les collectivités, les minorités et les centres éloignés sont bien desservis?

M. Emke : Non. Vous voulez dire par le système actuel?

Le sénateur Munson : Oui.

M. Emke : Je ne le crois pas. Les collectivités rurales se plaignent souvent du fait qu'elles sont absentes de l'écran. Si nous essayons, en tant qu'êtres humains, de nous définir en nous fondant uniquement sur nos interactions avec les médias, alors les jeunes, qui regardent les mêmes émissions de MusiquePlus que les autres, vont avoir beaucoup de difficulté à faire le lien entre Weyburn, en Saskatchewan, et MusiquePlus. S'ils se définissent par l'entremise des médias, ils vont manifestement essayer de quitter leurs collectivités rurales, car celles-ci ne sont présentes nulle part, sauf dans des émissions comme Corner Gas, une émission de télévision fort populaire. Toutefois, je ne pense pas que les collectivités rurales ont accès à ces émissions. Il est vrai que des efforts ont été déployés pour remédier à la situation. Prenons l'exemple du canal Country Canada, qui a été créé par la CBC. Il est vrai qu'on peut uniquement le capter via la télévision numérique et que très peu de personnes y ont accès, en tout cas dans les collectivités rurales. C'est pour cette raison, entre autres, que nous générons beaucoup d'intérêt quand nous nous rendons dans une localité pour réaliser un petit projet qui, à notre avis n'intéressera personne. Les gens sont excités parce qu'ils peuvent entendre leurs voisins parler. La radio et la télévision sont des choses magiques. La technologie est assez simple, mais il n'y a rien de plus magique que de pouvoir s'asseoir dans la voiture et écouter le maire ou une personne âgée de la communauté parler de ce qui se faisait dans le passé.

Le sénateur Munson : Est-ce que la télévision communautaire de Burgeo a accès à un canal en particulier? Est-ce le canal 13, en plus de tous les autres? Pouvez-vous commenter?

M. Emke : Oui. Je pense qu'elle diffuse sur le canal 12. Ils ont un canal à service alphanumérique, et un autre qui diffuse parfois les bulletins météorologiques. Ils exploitent une station radio pour la partie audio, et une station radio à laquelle la collectivité n'a pas accès. Ils diffusent à l'occasion leurs propres émissions communautaires. Les gens arrivent parfois avec des bandes vidéo, disons après un voyage de pêche, et disent : « Voici à quoi ressemblait le homard aujourd'hui », ou quelque chose du genre. Ils diffusent des services religieux, à des heures différentes, à l'intention des personnes retenues à la maison. Ils ont l'émission This Week in Burgeo, et une autre qui s'intitule The Chuck Wagon. Il s'agit d'une émission musicale. Ils diffusent également Pansy's Garden, qui s'adresse aux enfants. Ils ont beaucoup d'émissions pour enfants. Ils font de la lecture, de l'artisanat, ainsi de suite. Ces émissions font partie de la programmation habituelle. Ils ont un directeur de programmation, dont le salaire est payé à même les abonnements, qui se charge de tout organiser.

Le sénateur Munson : Il y a donc deux personnes qui peuvent survivre et gagner leur vie dans ce milieu?

M. Emke : Oui.

Le sénateur Munson : Est-ce que ces systèmes communautaires sont présents dans toutes les régions du pays?

M. Emke : Ils sont plutôt rares. Fait étrange, il y en a un à Ramea, une île qui se trouve à 11 kilomètres environ de Burgeo. Le système n'est pas aussi efficace, mais c'est le même. Ils l'ont installé dans une ancienne église pentecôtiste parce que, bien entendu, les collectivités qui sont très proches l'une de l'autre doivent parfois se livrer concurrence, mais tout se déroule très bien. Mis à part ces deux exemples, il est très difficile de trouver des systèmes de câblodistribution communautaires. Il y a des canaux communautaires, comme Bay TV, plus près d'ici, qui sont exploités par des personnes de l'endroit qui ne sont toutefois pas propriétaires du système de câblodistribution. Il y a, par contre, des petites collectivités le sont. Les habitants de Borgeo ont organisé des ventes de pâtisseries pour acheter du papier à en-tête et écrire aux banques en vue de solliciter des prêts. La Banque de la Nouvelle-Écosse est le seul établissement présent à Burgeo. Elle a refusé de consentir un prêt à la collectivité. Celle-ci s'est donc adressée à la Banque de développement du Canada, qui lui a accordé 55 000 $. C'était en 1984. Elle a remboursé le prêt en quelques années, mais elle a installé le câble en une fin de semaine, avec l'aide de nombreux habitants de l'endroit. Le projet a été une réussite. J'estime qu'une banque locale devrait aider les habitants de la collectivité. Ces personnes avaient toutes des comptes de dépôt dans cette banque, mais ce n'est qu'une observation. On voit à quel point les collectivités doivent parfois se battre pour aller de l'avant, les institutions locales n'étant pas toujours attentives à leurs besoins.

Le sénateur Munson : Vous dites dans votre mémoire, lorsque vous parlez des orientations stratégiques possibles :

Qu'il faut reconfirmer le rôle que jouent les stations de câblodiffusion communautaires et fournir des incitatifs aux exploitants pour qu'ils en confient la responsabilité aux groupes communautaires et aux écoles. Vous ajoutez que le CRTC devrait reconsidérer sa position dans ce dossier.

À quel genre d'incitatifs faites-vous allusion?

M. Emke : Par exemple, si l'on jugeait utile d'avoir un canal communautaire, on pourrait dire : « D'accord, si vous en confiez la responsabilité à l'école, vous aurez rempli votre mandat et vous pourrez l'exploiter gratuitement. Assurez-vous tout simplement que l'on continue d'y diffuser des émissions. » Cela pourrait inciter les câblodistributeurs à trouver quelqu'un qui serait prêt à s'en occuper, qu'il s'agisse d'un club Lions ou d'une école. L'école est une bonne solution, car les étudiants s'intéressent de près à la technologie informatique. Grâce à la convergence, ils peuvent mettre au point des programmes informatiques, qui sont ensuite diffusés. Cela leur permet d'acquérir des compétences, ce qui va amener les directeurs à dire : « Eh bien, je peux atteindre mes objectifs pédagogiques grâce aux étudiants qui participent à ce projet. » Voilà le genre d'incitatifs auquel je fais allusion.

Le sénateur Munson : Est-ce que, d'après ce qu'indiquent vos tableaux, les collectivités qui concluent de tels arrangements sont plus dynamiques? Est-ce que les gens communiquent ensemble? Est-ce que la situation économique de ces collectivités est meilleure? Y a-t-il un lien?

M. Emke : Il y en a un, plus ou moins. Les grandes collectivités sont beaucoup plus susceptibles d'avoir des journaux et la télévision par câble. Nous avons examiné d'autres moyens de communication, comme les babillards, chose que les gens trouvaient bizarre. Nous avons fait le tour des collectivités pour essayer de voir comment les gens communiquaient entre eux, comment ils se tenaient au courant de l'actualité. Nous avons pris en compte les babillards, les lieux de rencontre, comme les quais, les cafés-restaurants, ainsi de suite. La communication étant un sujet assez complexe, nous ne pouvons pas uniquement considérer les médias. Nous avons l'impression que ces collectivités sont en mesure d'arriver à un consensus. C'est un peu comme l'entreprenariat collectif, où la collectivité dans son ensemble décide de prendre des risques. « Nous envisageons d'acheter une usine de transformation du poisson », ou quelque chose du genre. Nous avons l'habitude de définir l'entreprenariat comme un effort individuel. Toutefois, il existe également l'entreprenariat collectif où les groupes peuvent décider, ensemble, de prendre des risques. Cela ne fonctionne pas toujours, parce qu'à Terre-Neuve, il y a des situations qui sont assez difficiles. Ramea, une des collectivités que j'ai mentionnées quand j'ai fait allusion à Burgeo, a acheté l'usine de transformation du poisson. Elle a décidé de faire la même chose dans le cas de la télévision par câble. La collectivité s'est réunie et a dit : « D'accord, voici les choix qui s'offrent à nous. FPI a décidé de partir. Nous pouvons acheter l'usine pour un dollar. Quels sont les travaux qui doivent être faits? » Il y avait beaucoup de personnes qui avaient travaillé à l'usine. Elles ont dit : « Eh bien, nous avons besoin de ciment ici, de peinture là-bas. » Ils ont négocié l'achat de l'usine et investi des milliers d'heures de travail communautaire dans celle-ci. Comment pourrait-on prendre de telles décisions s'il n'y avait pas de chaîne de câblodiffusion? Est-ce que certains membres du conseil abordent le sujet et en discutent ensuite avec d'autres personnes, à la caserne de pompiers. Nous pensons que cette façon de faire facilite le processus. Les gens n'étaient pas tous d'accord, mais tout le monde savait quels étaient les enjeux.

Le sénateur Eyton : Monsieur, comme vous l'avez constaté, c'est le sénateur Munson qui me précède. Il pose souvent les questions que j'aimerais poser, alors j'aimerais revenir en arrière un peu.

Vous vous êtes présenté et vous semblez avoir un document très intéressant, mais que je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire avec attention. Je veux en savoir plus long au sujet de vos antécédents et de vos intérêts. Lors de votre exposé, vous avez mentionné que vous effectuez des travaux sur la radio de faible puissance et la télédistribution. Vous avez parlé ensuite d'une enquête portant sur la relation entre les économies rurales et les médias de communication locaux. J'aimerais en savoir davantage au sujet de vos antécédents, des associations dont vous faites partie et du financement dont vous disposez. De qui obtenez-vous les fonds nécessaires pour mener vos activités?

M. Emke : Je suis un universitaire, alors je demande des fonds au Conseil de recherche en sciences humaines, le CRSH, par exemple, qui est l'un des trois principaux organismes subventionnaires du gouvernement fédéral. Certains des travaux menés dans le cadre du projet de recherche sur la nouvelle économie rurale ont été financés par l'entremise d'une subvention accordée par le CRSH. En ce moment, nous sommes en train de préparer une demande de subvention, dans le cadre de l'Initiative de la nouvelle économie, pour une recherche visant à déterminer quels sont les changements qui ont lieu dans les communautés rurales dans le contexte du passage à la nouvelle économie. L'expression « nouvelle économie » est à la mode, et parfois on se demande s'il y a vraiment une nouvelle économie ou si c'est seulement l'ancienne qui est en train de devenir un peu différente. Le CRSH avait une série de subventions à accorder pour des travaux de recherche sur la nouvelle économie, et nous avons eu la chance d'en obtenir une. Nous nous penchons sur les services au sein de la nouvelle économie, les changements sur le plan de la gouvernance, les questions liées à l'environnement et les communications. Pour ma part, je me concentre principalement sur les communications.

Une grande partie des travaux qui ont été réalisés se trouvent dans Internet, mais je n'en ai pas parlé. Ils ne concernent pas nécessairement votre rôle. Je ne suis pas certain.

Le sénateur Tkachuk : Nous sommes intéressés, alors si vous avez quelque chose à dire, allez-y.

M. Emke : Vous êtes intéressés.

La présidente : Nous devons comprendre l'ensemble du processus.

M. Emke : Le CRSH est un organisme subventionnaire important. Une assez grande partie des travaux que j'ai menés avec le Community Education Network n'ont été financés par aucun organisme. Mais on les a faits, peu importe.

Le sénateur Eyton : S'agit-il d'un réseau national ou davantage régional?

M. Emke : Non, il s'agit d'un réseau davantage régional. Il a obtenu des fonds du Bureau des technologies d'apprentissage. À l'occasion, nous recevons un peu d'argent par l'entremise du programme Partenariat rural canadien. Le réseau a été mis sur pied au début des années 1990 dans une région où les besoins en éducation des adultes étaient très grands. L'idée était d'établir un réseau au sein duquel des écoles deviendraient des centres communautaires où les membres de la population pourraient venir suivre le soir des cours aux adultes dans les matières de base. Quelques-unes des premières expériences de télédiffusion ont consisté en la prestation des cours par l'entremise de la télévision par câble. C'était immédiatement après l'imposition du premier moratoire sur les pêches. Les gens pouvaient suivre leurs cours à la maison. Ils regardaient le professeur à la télévision. Ce projet a vu le jour à un moment où on mettait beaucoup l'accent sur l'instruction, et on a réussi à le mettre sur pied avec très peu de fonds provenant d'ici et là. Parfois, le conseil scolaire est disposé à appuyer une telle initiative.

Le sénateur Eyton : Il s'agit donc largement d'un projet d'ordre provincial?

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Ce réseau est-il basé ici même à Terre-Neuve?

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Lors de votre exposé, vous avez parlé du chiffre 32.

M. Emke : Je faisais référence au groupe sur la nouvelle économie rurale; il y a 32 collectivités de partout au Canada.

Le sénateur Eyton : De partout au Canada.

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Dans l'excellente conclusion de votre document, vous parlez d'orientations politiques possibles. Pensez-vous que cela a des répercussions à l'échelle nationale, au-delà de cette province?

M. Emke : Oui, nous le croyons. Les travaux que j'effectue avec le Community Education Network sont d'ordre régional, mais, grâce au groupe sur la nouvelle économie rurale, j'ai la chance d'entretenir des rapports avec diverses collectivités de partout au Canada, et j'ai constaté qu'il existe de nombreux problèmes similaires. Dans une semaine et demie, nous allons nous rendre à Benito, au Manitoba, où nous allons lancer un bulletin. Il s'intitule Newspaper in a Box. Cette collectivité compte environ 400 personnes, qui nous ont fait part de leur besoin, c'est-à-dire se doter d'un bulletin. Les tableaux d'affichage ne sont pas suffisants. Cette collectivité a des moyens technologiques restreints, des classes d'anglais de 8e et de 9e année, des retraités et une bibliothèque. Nous serons là pendant environ six jours pour produire le premier bulletin, et nous espérons que, par la suite, la population prendra la relève. J'ai déjà visité cette collectivité et j'ai observé que les problèmes qu'elle connaît ressemblent beaucoup à ceux que vit St. George, à Terre-Neuve. Ce sont des problèmes propres aux communautés rurales — l'absence d'une voix et le besoin de communiquer à propos d'une question, qu'il s'agisse des programmes de gestion des éléments nutritifs dans les collectivités rurales de l'Ontario ou des pêches ici même à Terre-Neuve.

Le sénateur Eyton : Ce que je trouve remarquable, c'est que nous avons entendu beaucoup de témoignages, et, pour autant que je sache, ce sont les premières recommandations et suggestions que nous obtenons qui soient d'ordre national. Je trouve cela étrange, mais remarquable, que cela se produise ici à Terre-Neuve.

Le sénateur Munson : Il y a beaucoup de premières ici.

Le sénateur Eyton : Oui, sûrement. Lorsque vous parlez de télédistribution communautaire, si je me fie à ce que vous avez dit, vous parlez en fait de la radio de faible puissance, de la télévision par câble locale et de journaux locaux.

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Vous vous en êtes tenu à cela, et vous avez déclaré tout à l'heure que vous avez exclu Internet, car vous pensez qu'il s'agit d'un outil trop complexe ou quelque chose du genre.

M. Emke : Non.

Le sénateur Eyton : Nous nous intéressons à l'éventail complet.

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Lorsque vous énoncez les orientations politiques possibles, que je trouve assez bonnes, vous parlez sans cesse d'incitatifs. Ce mot est un genre de générique qui désigne toutes sortes de choses. Je crois fermement qu'un coût doit être établi pour tout et que, en bout de ligne, l'argent compte.

M. Emke : Oui.

Le sénateur Eyton : Peut-être même qu'il compte au début, mais il est certain qu'il compte en bout de ligne. Vous avez parlé de la façon dont les gens peuvent s'unir; un groupe peut faire preuve d'entrepreneurship, non seulement une personne. Comment pensez-vous que nous pourrions utiliser ces incitatifs dans le cadre d'un effort national visant les petites collectivités? Premièrement, j'aimerais que vous décriviez les incitatifs et que vous nous disiez quel serait le meilleur selon vous. Je parle en termes de dollars et je parle de la façon dont ils pourraient être appliqués à l'échelle nationale. C'est une chose de parler d'une seule collectivité, et vous avez mentionné une petite collectivité située au sud de Stephenville qui a mis en place son propre système de télédiffusion, mais j'aimerais savoir comment vous pensez que ces incitatifs pourraient faire partie d'un programme national.

M. Emke : Il existe un problème en ce qui a trait au réseautage. Lorsque des membres de collectivités rurales se réunissent dans le cadre d'une conférence, ils apprennent les uns des autres, mais ils ne sont pas mis au courant des possibilités qui existent ailleurs. Nous aimons parfois faire valoir l'exemple de Burgeo pour que d'autres communautés s'en inspirent, mais je crois que le réseautage est un problème. Quant aux incitatifs, je ne sais pas exactement comment cela pourrait fonctionner. De toute évidence, Internet peut favoriser le réseautage. Il a une certaine utilité à cet égard.

Le sénateur Eyton : Je veux parler d'argent, car tout coûte de l'argent.

M. Emke : Dans les collectivités rurales, DRHC, devenu maintenant RHDCC, finançait de nombreux postes à temps partiel — un grand nombre sont occupés par des coupeurs de broussailles à Terre-Neuve. Cependant, cela me frappe toujours de constater que les jeunes quittent leur collectivité; ce sont des jeunes qui ne peuvent pas trouver d'emploi. Ils ont peut-être effectué des études postsecondaires, mais ils ne peuvent pas trouver d'emploi dans leur propre collectivité. Dans le cadre d'un des programmes du Community Education Network, nous avons créé un poste d'animateur communautaire. Nous avons rédigé une description du poste et prétendu qu'il s'agissait d'un poste réel. Nous l'avons remise à DRHC, qui l'a approuvée. Nous avons alors embauché huit personnes pour exercer les fonctions de ce poste dans huit collectivités. C'est DRHC qui a fourni les fonds nécessaires. Il s'agissait de fonds qui provenaient de subventions que le ministère accorde à des organismes, à des municipalités, etc. Il ne s'agissait pas d'une nouvelle subvention. Nous avons été en mesure d'embaucher huit jeunes pour exercer un emploi qui leur a apporté beaucoup sur le plan humain ou donné de l'expérience dans un domaine différent. Ils ont organisé des activités en communications avec les étudiants et les communautés. L'argument que nous avons fait valoir à DRHC à l'époque, c'est que la création de ces postes constituait un bon moyen de stimuler l'emploi dans les communautés rurales. Bien sûr, le ministère s'est demandé si de tels postes devraient être financés. Il nous a demandé pourquoi on ne créait pas plutôt des emplois qui exigent un niveau de compétences plus élevé et qui sont utiles dans une plus large mesure à la collectivité. Les jeunes en question ont su négocier et ils ont accepté d'organiser une activité tous les mois. Selon nous, ce genre de chose contribue à accroître la capacité d'une communauté et ce, en utilisant une stratégie qui existait déjà.

Je le répète, il ne s'agit pas d'argent frais. On se demande encore si ces fonds auraient dû être dépensés, mais au moins il s'agissait d'une réaffectation des fonds.

Le sénateur Eyton : Qu'est-il arrivé à ces huit personnes? Ont-elles été productives? Est-ce que d'autres collectivités ont suivi l'exemple?

M. Emke : Elles ont toutes fait des choses différentes et elles ont toutes été productives à leur façon. Par exemple, un de ces animateurs communautaires s'est concentré sur les expatriés et il a dressé des listes des Terre-Neuviens qui habitent à Fort McMurray et à d'autres endroits. Il a fait cela parce qu'il voulait qu'ils participent à un projet de diffusion Web. Une fois qu'on s'est lancé dans la télédiffusion, la diffusion Web vient ensuite assez rapidement. On voulait diffuser des programmes sur le Web que ces Terre-Neuviens pourraient regarder à partir de Fort McMurray ou d'ailleurs. L'idée était d'amener ces gens qui avaient quitté leurs collectivités à investir de nouveau dans celles-ci et à participer à la vie communautaire. D'autres ont pris part au programme conventionnel de télédiffusion une fois par mois. Ce fut une grande réussite. Cependant, le projet a été abandonné parce que nous n'avions plus de fonds.

Le sénateur Eyton : Il s'agit d'un programme qui a duré un an, n'est-ce pas?

M. Emke : Dix mois. Ce fut 10 mois de plaisir pour eux. Nous avons tenté de faire en sorte que le programme soit maintenu, mais cela n'a pas fonctionné. C'est frustrant de mettre sur pied un projet et de le voir s'éteindre ensuite.

Le sénateur Eyton : Dans vos suggestions, vous mentionnez ce que vous appelez une alliance entre les régions rurales et urbaines. J'essaie d'imaginer à quoi cela pourrait ressembler.

M. Emke : Au sein du groupe sur la nouvelle économie rurale, nous discutons depuis un certain temps des principaux problèmes que vivent les communautés rurales, notamment la perception que les régions rurales sont laissées de côté, que ce soit dans le programme actuel du gouvernement ou dans d'autres cas. On a le sentiment que la croissance ou la survie d'une société rurale dépend d'une alliance avec une région urbaine, ce qui fait que les communautés urbaines sentent le besoin d'aider les collectivités rurales. Nous estimons que les communautés urbaines ne voient pas la valeur des collectivités rurales; elles sont pour elles de beaux endroits à visiter ou à parcourir en voiture de temps à autre.

Le sénateur Eyton : Durant la fin de semaine.

M. Emke : Oui, durant la fin de semaine. Les collectivités rurales ont un côté romantique, mais on pense encore qu'elles sont rétrogrades. J'aime souligner la créativité des étudiants des régions rurales dans le cadre de certains projets. Parmi eux, il y en a qui fréquentent l'Université Queen's, et il arrive parfois qu'en parlant avec quelqu'un d'autre ils mentionnent qu'ils ont travaillé pour une chaîne de télévision communautaire. Les gens qui viennent par exemple de Toronto sont étonnés. Ils leur demandent comment ils ont fait cela. L'idée voulant que les gens des collectivités rurales puissent également faire preuve d'innovation n'est pas largement acceptée je crois. C'est pourquoi j'essaie de faire valoir qu'il faudrait établir une certaine alliance entre les régions rurales et urbaines de façon à favoriser la compréhension. Il y a le Secrétariat rural à l'échelon fédéral et au niveau provincial également. Je ne sais pas s'il existe un secrétariat urbain, mais les régions rurales du Canada ont le sentiment que tout est axé sur les régions urbaines.

Le sénateur Tkachuk : Elles ont raison.

Le sénateur Eyton : On appelle cela l'infrastructure.

M. Emke : Je me demande s'il y a une façon de montrer aux régions urbaines ce que les régions rurales ont à offrir et ce qu'elles peuvent leur apporter. Quant à savoir si nous devrions laisser ces gens vivre dans ces petites communautés, si cela fait du sens sur le plan économique ou autre, c'est là une grande question.

Le sénateur Eyton : C'est très intéressant.

La présidente : En effet, c'est fascinant. Vous avez mentionné dans votre document au moins trois enquêtes, dont une qui a été menée auprès des rédacteurs en chef de journaux communautaires, une menée à Bay St. George South et une autre menée auprès des ménages.

M. Emke : Oui.

La présidente : Pourriez-vous nous faire parvenir des copies des rapports de ces enquêtes pour nos dossiers?

M. Emke : Bien sûr.

La présidente : Au sujet des émissions spéciales à la radio, c'est la première fois que j'entends parler d'un programme visant à établir des stations de radio sous les auspices d'Industrie Canada.

M. Emke : C'est un programme de courte durée.

La présidente : Et le CRTC a donné son aval?

M. Emke : L'entente est qu'il doit s'agir d'un projet communautaire à but non lucratif pour un événement spécial.

Ce projet existait depuis deux ans lorsqu'un ami qui travaille en étroite collaboration avec moi et qui est légèrement paranoïaque m'a demandé de ne pas en parler à beaucoup de gens parce qu'il craignait que le CRTC y mette fin s'il venait à être au courant.

La présidente : Quelle somme d'argent était nécessaire pour diffuser un événement spécial?

M. Emke : Le coût total de la diffusion de l'événement de Tweed s'élevait à environ 2 800 $.

La présidente : Non, ce n'est pas vrai.

M. Emke : Grâce à mon ami, nous avons acheté un émetteur FM de 30 watts, que nous louons à diverses communautés pour rentabiliser son coût, alors le tout nous a coûté 2 800 $.

La présidente : Wow.

M. Emke : Il a fallu faire le trajet aller-retour avec une fourgonnette.

La présidente : L'aller-retour entre la Nouvelle-Écosse et Tweed, en Ontario.

M. Emke : Nous sommes allés jusqu'à Tweed, en Ontario. C'est comme une tournée d'un groupe rock.

La présidente : Vous avez peut-être besoin de succursales régionales.

M. Emke : Tout à fait.

La présidente : Dans les communautés que vous décrivez, pour que des projets comme une chaîne de télévision communautaire ou une radio de faible puissance puissent être réalisés, il faudrait que quelqu'un mette sur pied un projet comme celui du News in a Box, n'est-ce pas?

M. Emke : Oui.

La présidente : Il faudrait que des gens tentent de trouver les fonds nécessaires à l'établissement d'une chaîne de télévision communautaire ou d'une radio communautaire.

M. Emke : C'est exact.

La présidente : Comme vous pouvez le constater, à l'instar du sénateur Eyton, je tente de voir où nous pouvons trouver l'argent pour financer de bons projets.

M. Emke : Nous avons certaines préoccupations; et le financement en est une. D'une certaine façon, je me sens comme un prophète. Je parle de ces vieilles technologies, comme la radio de faible puissance. Tout le monde favorise la grande puissance, ce qui est bien, mais je ne crois pas que c'est là que se trouve l'avenir des collectivités rurales. Comment financer cela? Nous consacrons beaucoup d'argent aux programmes de développement économique. Justement, l'une des collectivités qui entretient des liens étroits avec le Community Education Network a tenté d'utiliser certains des fonds qu'elle a obtenus par l'entremise de ces programmes pour organiser des activités en communications. Elle obtient des fonds de la part du gouvernement pour tenir une assemblée annuelle, qu'elle diffuse, ce qui ne coûte pas beaucoup plus cher que de simplement tenir l'assemblée dans une salle. Il s'agit d'affecter à des activités en communications des fonds destinés à des activités régulières.

Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas trouvé beaucoup d'organismes, autres que quelques fondations qui se consacrent aux questions de développement économique, qui soient disposés à offrir du financement, alors une grande partie des fonds proviennent d'organismes subventionnaires comme le CRSH ou bien nous trouvons des façons de réaffecter des fonds à un programme axé sur les communications.

Nous avons peut-être besoin au Canada d'un organisme du type ACDI pour les communications. Je sais que des organisations non gouvernementales basées au Canada travaillent à l'établissement de réseaux radiophoniques agricoles en Afrique, par exemple, et cela est important. La radio est très importante dans les pays en développement. Nous aurions pratiquement encore besoin d'une radio agricole au Canada. On dit que les médias communautaires nécessitent soit l'argent frais, soit des fonds qu'il faut supprimer à d'autres secteurs de l'industrie des communications. Il s'agit en partie d'un débat philosophique à propos de ce que devrait être pour nous la radiodiffusion. À qui appartiennent les ondes? La commission Aird a abordé cette question. Sont-elles du domaine public? Si vous obtenez la permission de diffuser ou que vous détenez le monopole de la diffusion par câble ou par satellite, peut-être devriez-vous apporter une contribution.

La présidente : Le CRTC a en place des programmes dans le cadre desquels les radiodiffuseurs sont tenus de déposer un certain montant dans X genres de fonds différents.

M. Emke : Oui.

La présidente : Je suppose que c'est aussi une formule que vous avez envisagée?

M. Emke : Oui, nous l'avons envisagée. Certains de ces programmes, comme Téléfilm, ont tendance à se concentrer sur des professionnels, à offrir des emplois à des techniciens de l'éclairage par exemple. Il serait question ici de financer du matériel de base, ce qu'ils pourraient voir comme de la concurrence.

La présidente : La remise de certificats de maternelle?

M. Emke : Oui.

La présidente : Ce n'est pas là une très grande menace pour le réseau CTV.

M. Emke : Il est à espérer que c'est ainsi qu'on la perçoit, mais sait-on jamais.

La présidente : En réalité, nous aimerions tous pouvoir la voir.

M. Emke : Le public aime regarder les événements locaux. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je crois, vous pourriez installer une caméra de télévision dans un centre commercial, et les gens s'arrêteraient pour regarder les passants à l'écran. Je me souviens, quand j'étais étudiant de deuxième cycle, que j'avais l'habitude de me coucher tard parce que je devais rédiger et que je regardais les émissions nationales. Global offrait, comme émissions à contenu canadien, Night Ride et Night Walk. Dans une de ces émissions, quelqu'un se promenait à pied dans les rues de Toronto le soir, avec une caméra, de sorte que c'était une heure de contenu canadien. À l'émission Night Ride, on se promenait plutôt en auto dans les rues de Toronto et il y avait du jazz comme musique de fond.

Le sénateur Tkachuk : C'est plus sûr.

M. Emke : Oui, c'est plus sûr. Un des organismes terre-neuviens fait passer en plein milieu de la nuit Scenes of Newfoundland, une émission où on montre simplement des chutes d'eau et ainsi de suite. Pourtant, il y a un public.

La présidente : Assurément.

M. Emke : Night Ride et Night Walk étaient presque des émissions cultes chez les étudiants de deuxième cycle parce qu'ils pouvaient travailler sur fond de jazz et voir ce qui se passait à l'intersection, là. L'émission était locale. Les gens auraient pu regarder n'importe quoi, mais ils choisissaient de regarder cette émission, ce qui est étonnant.

La présidente : Fascinant.

Le sénateur Munson : Dans vos études, avez-vous remarqué si l'on craignait que des élus puissent faire main basse sur ces stations de radio ou de télévision communautaires parce que, si l'idée est de répandre la nouvelle, les premiers à s'en servir seraient des politiques cherchant à faire passer leur message.

M. Emke : Nous les invitons. Nous les invitons dans le cadre de certaines émissions, mais comme je l'ai dit, ils ne sont pas à l'avant-scène. Ils font partie du public. Nous estimons important, comme symbole, que les feux soient braqués sur des membres de la localité. Si vous projetez de tenir un événement à la télévision communautaire, vous commencez par vous assurer de la présence de membres de la localité, puis vous y invitez des politiques. Il est important de les inviter parce qu'ils ont de toute évidence un certain pouvoir. On ne recherche pas l'affrontement avec eux. Nous les laissons faire passer leur message, mais nous permettons aussi aux membres de la localité de faire passer le leur. Cependant, je crois qu'ils peuvent probablement avoir l'attention des grands médias plus facilement que de la télé ou de la radio communautaire.

Le sénateur Munson : Nous avons parlé abondamment de questions sérieuses, et le rapport est tout à fait juste. C'est un excellent rapport. Toutefois, je ne saurais vous laisser partir sans vous poser la question que voici : là où il est question de vos réalisations, on peut lire, au début, que vos recherches sur les services de pompes funèbres reçoivent actuellement l'appui de... et ainsi de suite. Je suppose que ce début de paragraphe m'a intrigué. J'ai travaillé comme journaliste pendant 35 ans. Quand j'ai lu la première ligne au sujet des services de pompes funèbres, je suis allé voir ce qu'il y avait au dernier parapraphe, pour comprendre le lien. Je sais que cela n'a rien à voir avec le dossier qui nous occupe, mais il fallait que je vous pose la question.

M. Emke : Il s'agit-là d'un tout autre objet d'étude que j'aborderais avec plaisir avec vous, mais je suis ici pour parler de communications.

Le sénateur Munson : Nous allons éviter de nous écarter du sujet aujourd'hui. Je vous remercie.

La présidente : Nous laissons tomber. J'ai une dernière question à vous poser, pour être sûr d'avoir bien compris. Vous avez dit, en réponse à une de mes questions, qu'il n'y a pas d'avenir dans ces technologies. Cela en dit long sur les perspectives d'avenir, il me semble.

M. Emke : Je parlais du matériel de haute technologie, des trucs perfectionnés. Je ne crois pas qu'il représente l'avenir pour les collectivités rurales.

La présidente : Dans le cas des collectivités rurales. D'accord.

M. Emke : Je crois qu'elles seront plus avantagées par le genre de chose dont nous parlons.

Le sénateur Eyton : Comme toujours, j'ai une question qui s'enchaîne sur celle du sénateur Munson. Pouvez-vous nous parler un peu de la gouvernance? Il a été question de médias communautaires, de radiodiffusion et de tout le reste. Les collectivités se regroupent et, au début, quatre ou cinq personnes concrétisent le projet, mais six mois plus tard, la question se pose de savoir qui dirige vraiment. Comment faites-vous en sorte que c'est toujours représentatif de la collectivité? Je viens d'une culture qui s'appuie sur des pdg, des plans annuels et la continuité.

Il me semble qu'il serait difficile d'appliquer les mêmes valeurs à un organisme communautaire à moins qu'il ait du leadership. Par conséquent, on peut se demander d'où vient ce leadership et comment faire en sorte qu'il continue vraiment d'être représentatif de la collectivité?

M. Emke : Oui. C'est une bonne question, parce que certains projets sont étonnamment anarchiques et n'aboutissent à rien pour cette raison. Une des clés du succès des projets que j'examine, selon moi, est qu'ils institutionnalisent le renouvellement des bénévoles. Dans une école par exemple, chaque automne, quelque 14 nouveaux étudiants y apportent du sang neuf ou, chaque année, le Club Lions fait ce qu'il faut. On institutionnalise ces arrangements de manière à faire participer les membres de la localité.

Les leaders comme tels peuvent être problématiques parce que, parfois, sans fournir de noms, les leaders communautaires ont été incapables de céder le pouvoir qu'ils détiennent, sur la radio communautaire par exemple, aux nouvelles vagues de bénévoles, ce qui entraîne la mort de l'entité, car lorsqu'ils partent, tout s'écroule.

Je crois que c'est là un problème généralisé du secteur bénévole, soit d'essayer de se renouveler tout en continuant de se concentrer sur le message. Toutefois, en institutionnalisant la relève, vous aurez toujours des nouveaux qui se joindront à l'équipe, et c'est accepté. C'est sous ces conditions que vous vous êtes joint à l'équipe et vous vous attendez à ce que cela se passe ainsi. À mesure que les gens quittent, l'organisme est capable de les remplacer et de former des nouveaux. Il importe de former une grande diversité de personnes parce que, parfois, certains tentent de garder pour eux l'information, par exemple, sur la façon d'utiliser une caméra.

Le sénateur Eyton : Je me fais simplement la réflexion que si je vivais dans une petite localité, j'aimerais être celui qui décide de la programmation. Il me semble que ce serait très agréable. Par contre, s'il existait suffisamment de balises pour éviter cela, ce serait probablement plus sain pour la radio communautaire. Je vous remercie.

La présidente : Monsieur Emke, je vous remercie beaucoup.

M. Emke : Je vous en prie.

La présidente : Le débat d'aujourd'hui est vraiment fascinant. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris la peine de venir et nous n'oublierons pas ce que vous nous avez dit.

M. Emke : Je vous enverrai les rapports et je vous souhaite franc succès dans vos délibérations.

La présidente : Merci beaucoup.

[Français]

Nous avons le très grand plaisir d'accueillir M. Steven Watt, directeur général du Gaboteur, le journal de langue française à Terre-Neuve. J'ignorais, avant de commencer cette étude, qu'un journal de langue française existait à Terre-Neuve. C'est une très bonne nouvelle. Merci beaucoup d'être présent parmi nous. Nous commencerons par une présentation d'une dizaine de minutes pour ensuite procéder à la période de questions.

M. Steven Watt, directeur général, du journal Le Gaboteur : Madame la présidente, la presse francophone de Terre-Neuve est assez mal connue, alors je commencerai par une brève présentation sur notre organisme.

La Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador a fondé le journal en 1984. Depuis, nous sommes un organisme à part, une presse indépendante, et nous sommes actuellement une corporation à but non lucratif.

Nous sommes, selon la situation, entre un et deux employés permanents. Je suis présentement le directeur général. Je représente l'organisme et je m'occupe des questions administratives. Nous employons également une rédactrice en chef qui fait le montage et la préparation du journal.

Nous sommes supervisés par un conseil d'administration constitué de bénévoles, qui sont membres de la communauté francophone. Pour ma part, je ne fais pas partie de la communauté francophone de Terre-Neuve. Je suis plutôt un serviteur pour la communauté. C'est aussi le cas des autres employés qui viennent de la province de Québec ou des maritimes. C'est assez difficile de trouver dans la communauté des personnes qui soient intéressées ou qualifiées à faire le travail. Nous avons, par contre, une communication continue avec les associations régionales à St. John's sur la côte ouest puis au Labrador. Nous faisons appel régulièrement à des journalistes-pigistes en région, eux-mêmes membres de la communauté francophone, qui rédigent bénévolement des articles. Nous effectuons les corrections puis nous publions ces articles.

Nous avons un marché à la fois énorme en terme géographique et très restreint en terme démographique. Il y a approximativement 2 000 personnes de langue maternelle française à Terre-Neuve et au Labrador. On voit, selon le dernier recensement, que ces chiffres sont restés stables alors qu'ils ont eu tendance à diminuer pendant des décennies. Ces 2 000 personnes sont réparties surtout à St. John's et dans la région de la péninsule d'Avalon, sur la côte ouest de l'île, c'est-à-dire à 1 000 kilomètres environ d'ici, sur la péninsule de Port-au-Port, puis au Labrador, surtout à Labrador City. Ces trois communautés de St. John's regroupent une diversité de personnes, soit des professeurs d'université, des agents de douane, plusieurs familles de Saint-Pierre et Miquelon qui sont venus s'installer ici, des entrepreneurs ainsi que des fonctionnaires. Sur la côte ouest, on retrouve surtout une population acadienne immigrée à Terre-Neuve vers le début du XXe siècle. C'est à la Péninsule de Port-au-Port, soit le véritable berceau de la communauté franco-Terre-Neuvienne, que plusieurs institutions se sont formées dans le Terre-Neuve français et où la Fédération des francophones a fondé Le Gaboteur.

Parmi les diverses questions qui vous intéressent, je crois que la plus pertinente en regard du Gaboteur serait celle-ci : les collectivités, les minorités et les centres éloignés sont-ils bien desservis par les médias, et ailleurs au Canada? Vous savez sans doute que nous ne sommes pas les seuls qui existent dans toutes les provinces. Les journaux francophones, surtout en dehors du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l'Ontario, sont souvent des journaux qui desservent une population dispersée sur toute une province. Il s'agit d'une presse communautaire au sens le plus strict. Ce n'est pas qu'elle traite seulement d'une communauté, mais plutôt, qu'elle appartient à la communauté. Nous appartenons à la communauté francophone de la province et nous avons comme mission de refléter et de valoriser cette communauté, de la faire rayonner à l'intérieur de la province et ailleurs. C'est une mission qui, à mon avis, n'intéresserait pas une entreprise privée ou une entreprise plus grande. Nous, en tant qu'organisme, sommes et resterons très petits à cause non seulement du nombre de francophones dans la province, mais principalement à cause de notre mission.

Nous sommes importants pour la communauté, non seulement comme reflet et comme source d'information mais aussi comme archive permanente du développement de la communauté. Nous représentons un petit regroupement de personnes éloignées les unes des autres, et il y a naturellement des moments où le rythme des activités fluctue. Ce que le journal donne, dans les moments de passivité, au moment de la relève, c'est quelque chose de permanent qui sert d'archive et de moyen d'information, de mémoire collective à plus long terme, parce que souvent, le personnel change et les institutions évoluent. Même si la presse est une technologie assez ancienne, elle fonctionne très bien. Elle a un rôle très important dans un contexte comme celui-là, et, à mon avis, la presse écrite est une source d'information qui se partage.

Durant la dernière année et demie où j'ai travaillé pour le Gaboteur, en essayant d'augmenter le nombre d'abonnements, j'ai constaté que le nombre d'abonnements ne correspondait pas au nombre de personnes qui lisent le journal. Sur la côte ouest et au Labrador particulièrement, les journaux sont distribués dans la communauté par le biais de l'école. Ils sont distribués à la maison et sont partagés par les associations communautaires, donc c'est encore une fois, selon un modèle très ancien. Dans mes cours d'histoire, j'ai appris que c'était le modèle utilisé à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle, mais c'est un modèle qui est toujours en vigueur à notre époque.

J'insiste sur l'importance d'une source d'information imprimée et écrite qui puisse passer de main à main, parce que cela me fait penser aux différences entre les communautés. Si on regarde la côte ouest, la péninsule de Port-au-Port est une région qui n'a pas d'accès à Internet haute vitesse, ce qui n'est évidemment pas le cas à St. John's ou au Labrador, donc la presse écrite permet de créer ce genre d'équilibre dans la communication entre les différentes régions qui n'ont pas la même accessibilité aux ressources.

J'ai remarqué que vous vous intéressiez beaucoup au rôle du gouvernement et des politiques et des institutions gouvernementales dans les médias. Je peux affirmer que nous sommes assez dépendants des sources de revenus venant du gouvernement dont Patrimoine canadien qui nous donne une subvention annuelle, mais aussi, du Programme d'aide aux publications. Dans notre cas comme dans plusieurs autres, ce serait très difficile par exemple, d'embaucher un camelot pour livrer 100 journaux sur toute la péninsule d'Avalon, donc nous sommes dépendants de la presse, et le Programme d'aide aux publications nous aide beaucoup. Cela nous permet d'évoluer comme journal, ainsi que de respecter la Loi sur les langues officielles et les règlements qui disent que si une publicité du gouvernement est publiée en anglais, elle doit être également publiée dans un média francophone équivalent.

Nous avons évidemment le monopole, et je tiens à souligner que cette relation entre nous et le gouvernement n'est pas simplement de la charité car nous offrons un service unique qui rejoint des francophones un peu partout à travers la province. Ce n'est peut-être pas nécessaire de le faire toutes les semaines, mais pour que le gouvernement puisse rejoindre ces francophones quand il veut, il faut que nous, un journal francophone desservant toute la province, soyons présent et soyons en bonne santé parce qu'encore une fois, le problème de la dispersion des francophones dans la province créé aussi un grand problème au niveau de la vente de publicité locale.

Si notre lectorat est divisé en trois régions de la province, c'est très difficile de convaincre une petite entreprise de St. John's de publier une annonce et de payer pour cette annonce car les deux tiers des lecteurs seront à 1 000 kilomètres d'eux. Le fait qu'on soit distribué partout dans la province et que nous ciblons une petite communauté, cela rend la publicité locale difficile, mais en même temps, cela nous permet d'offrir à un gouvernement bilingue, l'occasion de rejoindre cette population de langue officielle minoritaire. Je crois avoir couvert les grandes lignes.

La présidente : On reconnaît le fait que le journal entre dans beaucoup de foyers par le biais des écoles, comme c'est le cas notamment au Manitoba. On nous a raconté les mêmes tendances. Est-ce que vous avez quelques exemplaires du journal?

M. Watt : Malheureusement pas. Je pourrais en faire venir.

La présidente : Oui, si vous pouviez nous en faire parvenir une copie. Entre nous, je ne voudrais pas vous imposer un grand fardeau.

[Traduction]

Le sénateur Eyton : Monsieur Watt, j'ai été intrigué par votre publication et, si nous en obtenons un exemplaire, je saurai à quoi m'en tenir. Pouvez-vous m'en dire plus au sujet de son tirage? Vos observations sur les deux sujets s'appuient sur quel tirage et quel lectorat?

M. Watt : Nous sommes en train d'en imprimer mille exemplaires. Nous en distribuons au total 650 environ, dont 95 p. 100 sont achetés. Un tirage de mille est essentiellement le minimum de notre imprimeur actuel. Nous ne le faisons dans l'unique but de gaspiller du papier et nous nous efforçons de distribuer ces exemplaires à des événements spéciaux ou à d'autres occasions du même genre.

Le sénateur Eyton : Vous avez mentionné un facteur, soit que votre lectorat était plus grand que votre tirage. À combien évaluez-vous votre lectorat?

M. Watt : Je n'ai jamais tenté de le faire de manière scientifique. Le semble surtout être propre propre à la côte ouest, à Labrador City. Nous avons remarqué que le nombre d'abonnements de particuliers y était très faible et, pourtant, quand nous rencontrons des gens, tous semblent être au courant de ce qui se trouve dans le journal.

Le sénateur Eyton : Le journal a-t-il des abonnés?

M. Watt : Oui. Ils s'abonnent pour l'année. Auparavant, avant mon entrée en scène, les gens le recevaient lorsqu'ils devenaient membres de l'association locale. Il existe des associations francophones à Labrador City, sur la côte ouest, et à St. John's. Or, nous avons découvert que les abonnements nous rapportaient 4 ou 5 $ alors qu'il nous en coûtait entre 12 et 15 $ par année pour produire le journal. Nous avons donc opté pour l'abonnement à 30 $, ce qui a provoqué une baisse marquée du nombre d'abonnés, et nous tentons de faire du rattrapage en offrant l'abonnement résidentiel à moitié prix. Nous offrons essentiellement l'abonnement résidentiel au coût de livraison alors que les abonnements d'entreprise et d'établissements comme les écoles, les bibliothèques et les organismes gouvernementaux coûtent 30 $. Si le manque de fonds pose problème, nous souhaitons offrir le journal au plus grand nombre de ménages possible, mais nous reconnaissons que les exemplaires en établissement sont la plupart du temps lus par plusieurs.

Le sénateur Eyton : Pouvez-vous nous parler un peu de l'historique de la publication? Vous avez mentionné qu'elle existait depuis un an et demi environ et que deux autres personnes y travaillaient avec vous.

M. Watt : C'est bien cela.

Le sénateur Eyton : La publication existe depuis plus longtemps que cela, j'imagine?

M. Watt : Oui. Le journal est publié depuis 1984. Nous en avons fêté le vingtième anniversaire, l'an dernier. Les déménagements occupent une grande place dans l'historique de la publication. En effet, nous avons changé de ville trois fois durant cette période. À l'origine, le siège se trouvait à St. John's. Au bout de deux ans environ, il est passé à Stephenville, sur la côte Ouest, afin de se rapprocher des collectivités francophones les plus actives de la province qui avaient tendance à se trouver dans la péninsule Port-au-Port. Ensuite, si je ne me trompe pas, vers 1995 ou 1996, il est revenu à St. John's, surtout parce que les autres organismes provinciaux s'y trouvaient, la fédération provinciale et la plupart des organismes gouvernementaux, qui représentaient de plus en plus notre principale source de revenu de publicité.

Le sénateur Eyton : Je sais que nous allons recevoir un exemplaire de votre journal, mais pouvez-vous me décrire brièvement son contenu et me dire de quelle façon il répond aux besoins des collectivités locales?

M. Watt : Le contenu pose un peu un défi, surtout l'équilibre entre l'information générale et les événements communautaires puisque nous avons affaire à trois collectivités très distantes, sur le plan géographique, et que chacune d'entre elles a son propre bulletin d'association. J'aurais dû préciser que notre publication est essentiellement bimensuelle. Nous publions 21 numéros par année, soit deux fois par mois, sauf en juillet et en août et durant la période des Fêtes. Nous essayons de frapper un juste équilibre entre l'information générale en français, les nouvelles et le commentaire; l'information au sujet des événements communautaires à venir et ce qui se passe au sein des organismes communautaires; et, enfin, la couverture des événements communautaires. La publication de photographies des enfants de ces collectivités est un merveilleux outil de marketing, mais aussi une responsabilité pour le journal. C'est une excellente tactique de vente, mais elle illustre aussi que ce sont des événements communautaires que ne couvriraient probablement pas les autres médias, et le journal permet aux gens de suivre leurs activités culturelles et d'enregistrer pour la postérité les petits événements qui sont souvent organisés par des groupes spéciaux.

Le sénateur Eyton : J'aimerais avoir une idée de son profil financier. Je suppose qu'il s'agit d'une publication sans but lucratif?

M. Watt : Oui.

Le sénateur Eyton : Pouvez-vous me fournir une ventilation des sources de revenu? Supposons un revenu de 1 $. Quels seraient les pourcentages des différentes sources?

M. Watt : Essentiellement, pour vous donner des chiffres très approximatifs, je dirais que les deux tiers sont des recettes publicitaires et qu'un tiers vient de diverses formes d'aide financière, surtout d'une subvention annuelle versée dans le cadre de l'Entente Canada-communautés aux collectivités de langue officielle minoritaire et du Programme d'aide aux publications qui subventionne le prix d'envoi postal des publications.

Le sénateur Eyton : Quel pourcentage représentent les abonnements?

M. Watt : Les recettes d'abonnement ne représenteraient pas plus, selon moi, d'un dixième de notre revenu. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, surtout dans le cas des abonnements résidentiels, nous en avons abaissé le prix au coût de livraison, de sorte qu'ils ne sont pas vraiment vus comme une source de revenu.

Le sénateur Eyton : Les abonnements?

M. Watt : Oui.

Le sénateur Eyton : Quelles sont les tendances pour ces sources de revenu, les abonnements, la publicité et les subventions?

M. Watt : La publicité, surtout à court terme, est profitable depuis le moratoire de l'an dernier, qui ne nous a pas été catastrophique, mais qui nous a tout de même fait mal. Nous tentons de rebâtir notre base de publicité locale en dépit des défis que j'ai mentionnés. C'est une tâche à laquelle nous nous attelons surtout l'été quand nous pouvons embaucher un ou deux étudiants parce que, durant l'année, le nombre d'employés est limité et qu'il est difficile de donner suite aux projets à long terme. Pour ce qui est de l'espace publicitaire acheté par le gouvernement, nous tentons de renforcer les liens avec les personnes responsables des ministères qui se trouvent ici et ailleurs dans la province. Une grande partie de la publicité payée par le gouvernement fédéral nous vient d'une agence de publicité située à Ottawa, mais il y a bien sûr des annonces, des offres d'emploi et ainsi de suite qui sont particulières à Terre-Neuve et qui exigent que les fonctionnaires travaillant ici à St. John's connaissent notre existence. J'essaie donc d'établir des relations — « solides » n'est peut-être pas le mot juste —, mais des relations de travail efficaces avec eux pour qu'ils soient conscients de notre existence et de la possibilité de placer des annonces publicitaires chez nous.

Le sénateur Eyton : Vous tirez un revenu de cela aussi? Ma question concernait le revenu.

M. Watt : Oui. Depuis deux ans, je dirais que la plus forte augmentation de notre revenu est venue d'espace publicitaire acheté par le gouvernement pour annoncer des initiatives locales plutôt que nationales.

Le sénateur Munson : C'est moi qui vais vous poser la question la plus difficile. Vous avez peut-être remarqué qu'on s'agitait beaucoup dans la salle pendant que vous parliez parce qu'on se pose une question cruciale et qu'on obtient plusieurs réponses différentes. Que veut dire au juste le mot « gaboteur »? Quelqu'un a dit qu'il désignait un toueur, un autre, l'anecdotique et un autre encore, que c'était un jeu de mots.

M. Watt : Que nous sachions, c'est une variante du mot « caboteur », soit d'un bateau qui transporte des marchandises ou du courrier. La façon dont on le prononce sur la côte ouest de Terre-Neuve l'a déformé et en a fait « gaboteur ».

Le sénateur Munson : Je comprends.

La présidente : Ce serait donc ces vieux bateaux à vapeur qui longeait la côte et apportaient les nouvelles d'un poste à l'autre?

M. Watt : Oui.

M. Watt : Essentiellement, nous nous trouvons à partager le nom avec un journal anglophone de la péninsule Bonavista, The Packet.

Le sénateur Munson : C'est donc un jeu de mots, essentiellement.

M. Watt : Oui. Le nom convient parce qu'il désigne le bateau qui apporte le courrier ou les colis, dont des journaux, et la prononciation est unique à la francophonie terre-neuvienne.

Le sénateur Munson : À propos, combien d'Acadiens habitent à Terre-Neuve?

M. Watt : Me posez-vous la question sous un angle culturel ou un angle ethnique?

Le sénateur Munson : C'est une question d'ordre culturel, en termes du public que vous rejoignez. Vous avez parlé de Saint-Pierre et Miquelon, de ce lectorat.

M. Watt : Oui. Saint-Pierre et Miquelon, si je puis en parler brièvement, a été tout un défi à relever. Nous y sommes presque. Les endroits où le journal est distribué par courrier posent problème. Il faut comprendre que le journal est imprimé à Corner Brook, de sorte qu'il part de là, passe par St. John's, Toronto et Paris avant d'arriver à Saint-Pierre et Miquelon. Nous croyons avoir trouvé la solution en inscrivant « via Halifax » sur l'emballage et, neuf fois sur dix, il semble être livré plus rapidement. Cependant, je ne suis pas tout à fait convaincu. En réalité, nous avons obtenu d'Air Saint-Pierre qu'elle accepte de transporter un certain nombre d'exemplaires sans frais. Le dernier obstacle consiste à trouver quelqu'un à Saint-Pierre qui accepte de leur faire franchir les douanes. Tout cela pour dire qu'actuellement, nous n'avons pas beaucoup d'abonnés à Saint-Pierre et Miquelon et qu'il est difficile de les persuader d'acheter le journal quand ils risquent de le recevoir deux mois en retard. Pouvez-vous simplement me rappeler votre question?

Le sénateur Munson : Vos lecteurs, je suppose que ce sont des Acadiens? Je suis obligé de poser ces questions. En effet, mon épouse est une Acadienne du Nouveau-Brunswick. Si je ne pose pas la question, je vais me retrouver dans de beaux draps.

M. Watt : Je ne suis pas, en règle générale, la meilleure personne pour en parler, mais les organismes francophones de la province, surtout la fédération francophone, ont livré une dure bataille pour faire reconnaître leur appartenance à la communauté acadienne de manière à ce que la francophonie terre-neuvienne puisse participer pleinement à des événements comme les célébrations de 2004. Ces fêtes ont connu beaucoup de succès à Terre-Neuve en termes tant des activités des collectivités francophones, y compris de Saint-Pierre et Miquelon, qui ont participé à leur organisation à l'échelle provinciale, que dans l'établissement de ponts avec les collectivités anglophones de Terre-Neuve. Ces collectivités ont un riche patrimoine français parce que les côtes ouest et nord de Terre-Neuve n'étaient pas territoire français avant 1904, mais que les Français y avaient des droits de pêche. Toutes ces collectivités au nom français situées dans la région septentrionale de la péninsule et le long de la côte sud étaient fréquentées par les Français. On y trouve les ruines d'anciens fours à pain et des marins français sont enterrés dans certaines cours arrière. Ce sont là deux exemples seulement des nombreux liens, souvent matériels, entre ces communautés et le patrimoine français. Les célébrations de 2004 ont très bien réussi à établir un lien entre les organismes francophones de la province et les collectivités intéressées. Les personnes qui vivent là-bas ne s'intéressent pas forcément à la langue et à la culture françaises, mais l'histoire de leur collectivité pourrait favoriser l'éclosion d'un pareil intérêt.

Un autre événement d'envergure auquel ont récemment pris part les francophones de Terre-Neuve est le Festival interceltique qui s'est tenu dans le nord de la France, en Bretagne je crois, et qui a également remporté un vif succès. La francophonie de Terre-Neuve-et-Labrador est très fière de son appartenance à l'Acadie.

La raison pour laquelle j'ai demandé si vous me posiez la question sous un angle culturel ou ethnique, c'est que la côte Ouest est le meilleur exemple de la migration des Acadiens, d'une population partie des Maritimes pour s'établir dans la partie ouest de Terre-Neuve et la développer, avec l'aide de quelques marins français qui ont déserté le navire au fil des ans.

Le sénateur Munson : Je comprends pourquoi vous hésitez, soit dit en passant, à nous donner des chiffres sur votre tirage parce que j'ai travaillé au Bathhurst Northern Light. Ils ne connaissaient jamais leur tirage parce que quelqu'un achetait le journal, puis le passait au voisin, qui lui-même le prêtait à un autre et ainsi de suite. Le journal paraissait le mercredi et, le jeudi, tout le monde avait lu le même journal.

M. Watt : Oui, ce qui explique d'ailleurs pourquoi nous hésitons à diffuser le journal sur l'Internet, par exemple. Cependant, nos données sur le tirage sont confirmées pour plusieurs raisons et, compte tenu du marché potentiel, nous n'évitons pas d'en parler. Par contre, nous faisons toujours une mise en garde.

Le sénateur Munson : Je ne voudrais pas que vous preniez ombrage de ma question, mais vous avez affirmé que vous dépendiez beaucoup du gouvernement et vous avez mentionné Patrimoine canadien. J'ai la certitude, d'après ce que nous en savons, que de nombreux petits journaux vivent de l'espace publicitaire acheté par le gouvernement un peu partout au pays.

M. Watt : C'est vrai.

Le sénateur Munson : Les petits journaux se sentent-ils pour cette raison obligés d'épargner le gouvernement? Je répète que je ne veux pas que la question vous semble malhonnête.

M. Watt : Non, la question est certes honnête. Parlez-vous de pressions exercées directement?

Le sénateur Munson : Simplement du point de vue de la rédaction.

M. Watt : Je suis en train de réfléchir à mon passage à Ottawa, la semaine dernière, pour rencontrer des homologues de divers journaux. Quelqu'un a mentionné, comme problème, qu'une annonce de la Défense nationale avait été placée sur la même page que les avis nécrologiques et qu'il en avait entendu parler. Cependant, de pareils cas sont rares et, si nous critiquions DRHC, il n'appellerait jamais pour s'en plaindre. Cela étant dit, la survie dans leur état actuel, non pas forcément la survie comme telle, de divers organismes francophones dans un contexte minoritaire comme à Terre-Neuve dépend de la reconnaissance politique déclarée de l'importance des groupes de langue officielle minoritaire et de l'appui donné à ces collectivités. À mon avis, si nous adoptions une attitude trop critique à l'égard de ceux qui les appuient, le ressac viendrait de la collectivité plutôt que du gouvernement. Non seulement la survie financière de ces institutions, mais également la reconnaissance de l'existence de ces collectivités dépendent d'une politique de bilinguisme et de la reconnaissance des collectivités de langue officielle minoritaire.

Le sénateur Munson : Vous n'auriez toutefois aucune hésitation à rédiger un article ou un éditorial pour blâmer le gouvernement, par exemple, de ne pas donner suffisamment aux groupes minoritaires en lui faisant valoir qu'il devrait agir plus rapidement, qu'on a besoin de plus d'argent pour tel ou tel dossier, et ainsi de suite? Cela n'aurait aucune incidence sur vos revenus publicitaires?

M. Watt : Non. Nous avons d'ailleurs publié récemment un article critiquant Patrimoine canadien pour la vitesse avec laquelle l'accord Canada-communauté — je ne suis plus certain de l'appellation exacte.

La présidente : L'Entente Canada-communautés.

M. Watt : Oui, c'est cela. On y critique la vitesse avec laquelle les Ententes Canada-communautés sont négociées et renouvelées.

Le sénateur Tkachuk : Je veux m'assurer de bien comprendre. Votre financement est fonction de votre diffusion et de la publicité, laquelle vient en majeure partie du gouvernement fédéral?

M. Watt : Exactement.

Le sénateur Tkachuk : Diriez-vous qu'il s'agit de 80 p. 100, 90 p. 100 ou 100 p. 100?

M. Watt : Je dirais entre 70 et 80 p. 100.

Le sénateur Tkachuk : Disons 80 p. 100. Et pour le reste de votre financement, avez-vous droit à une subvention de Patrimoine canadien?

M. Watt : Oui, nous recevons une subvention d'exploitation annuelle d'environ 60 000 $ de Patrimoine canadien.

Le sénateur Tkachuk : Pour ce qui est de vos revenus de publicité, quel est le mode de fonctionnement? Nous avons entendu certains témoignages au sujet des commissions versées par les journaux ethniques. C'était à Toronto, si je ne m'abuse. Est-ce qu'on vous demande une commission de 17 p. 100 sur les ventes ou, sinon, comment cela fonctionne?

M. Watt : Pour la majorité de notre publicité fédérale, nous travaillons avec une agence dont nous sommes copropriétaires avec plusieurs autres journaux de langue française à l'extérieur du Québec. Je crois que la commission exigée pour la vente de publicité est de 25 p. 100.

Le sénateur Tkachuk : L'agence que vous possédez conjointement avec d'autres journaux vend-elle également de l'espace publicitaire dans d'autres journaux de langue française au pays ou se limite-t-elle aux vôtres?

M. Watt : Elle s'appelle REPCO Média.

Non, comme je l'ai dit, elle a été créée par notre journal conjointement avec d'autres journaux francophones à l'extérieur du Québec, mais elle offre des services à plusieurs autres journaux par ailleurs, lesquels sont actuellement tous de langue française.

Le sénateur Tkachuk : Alors vous êtes une organisation sans but lucratif?

M. Watt : Oui, notre journal est sans but lucratif. L'agence de publicité est par contre une société à but lucratif, mais elle appartient entièrement à des journaux sans but lucratif.

Le sénateur Tkachuk : Les profits reviennent donc à vos journaux?

M. Watt : Exactement. L'agence n'existe que depuis peu de temps, mais c'est effectivement le cas.

Le sénateur Tkachuk : À l'avenir, est-ce que les profits seront utilisés par les journaux comme capitaux pour des projets d'expansion ou d'amélioration?

M. Watt : Oui, tout à fait.

Le sénateur Tkachuk : Et ce serait là le but visé par l'exercice?

M. Watt : Oui. Cette agence a été mise sur pied il y a environ un an et demi et elle tire son origine d'une scission. Il existait déjà une agence appelé OPSCOM appartenant à un plus grand nombre de journaux francophones, mais il y avait une certaine divergence d'opinion entre les journaux situés dans des marchés comme le Nouveau-Brunswick et l'Ontario qui souhaitaient une agence moins spécialisée dans la publicité gouvernementale, et ceux des autres régions qui dépendaient davantage de cette publicité et qui désiraient une agence spécialisée en ce sens. Plusieurs journaux se sont joints à la firme de publicité québécoise Les Hebdos Sélect, et nous avons créé une nouvelle entreprise nous appartenant sur le modèle de l'ancienne.

Le sénateur Tkachuk : Cette nouvelle agence de publicité traite principalement avec le gouvernement fédéral?

M. Watt : Tout à fait.

Le sénateur Tkachuk : La presque totalité de vos revenus viendrait donc du gouvernement fédéral?

M. Watt : En grande partie. Nous avons aussi d'autres clients importants, y compris General Motors, l'Université d'Ottawa et la Conférence des évêques du Canada. Nos services s'adressent aux organisations désireuses de faire de la publicité en français à l'extérieur du Québec à l'échelle nationale, ce qui explique pourquoi le gouvernement fédéral est notre principal client.

Le sénateur Tkachuk : Un gros client, effectivement.

M. Watt : Nous avons toutefois d'autres clients importants.

La présidente : J'ai également fait du journalisme dans une communauté linguistique minoritaire et je sais à quel point vous aviez raison en disant qu'il suffisait pour vous de prendre position, par exemple, contre les politiques touchant les langues officielles pour faire enrager vos lecteurs. C'est sûrement la meilleure façon de déclencher une véritable émeute. Pour les fins de la collecte de nouvelles, entretenez-vous des liens avec d'autres médias de langue française, qu'il s'agisse de ceux desservant les communautés minoritaires ou de Radio-Canada, comme cela se fait ici, ou avec La Presse ou Le Devoir? Avez-vous des liens de ce genre?

M. Watt : Nous entretenons surtout des liens avec la principale organisation représentant les journaux francophones hors Québec, soit l'Association de la presse francophone. Nous contribuons à son service de presse auquel nous puisons également. Ainsi, les nouvelles nationales que nous publions dans notre journal viennent généralement de ce service de presse ou des autres communautés du pays qui y ont contribué. Par ailleurs, nous sommes aussi en contact avec Radio-Canada. Par exemple, notre journal est publié le lundi, et le vendredi précédent, un de nos journalistes participe à l'émission du matin de Radio-Canada. Nous sommes également en contact avec les journalistes de la radio et de la télévision qui travaillent ici à St. John's; il n'y a pas de lien officiel, mais nous entretenons certes une relation de travail avec eux.

La présidente : Dans les faits, pourriez-vous utiliser un de ces journalistes comme reporter local? Si Radio-Canada dépêche quelqu'un à Goose Bay pour faire un reportage intéressant, pourriez-vous obtenir la contribution de ce journaliste pour publier un article?

M. Watt : Nous ne l'avons jamais fait. Les reportages présentés à Radio-Canada concernant Terre-Neuve ne correspondent généralement pas au genre d'articles que nous publions dans notre journal; Radio-Canada présente en effet des nouvelles concernant Terre-Neuve à l'intention des gens qui vivent ailleurs, alors que nous publions plutôt des articles qui s'adressent aux résidents de Terre-Neuve-et-Labrador.

La présidente : Pour les gens d'ici.

M. Watt : Radio-Canada produit généralement des reportages qui sont davantage d'intérêt national ou général que les nôtres, ce qui fait que nous n'avons jamais eu ce type de collaboration dans le passé. Pour ces mêmes motifs, je ne crois pas que cela serait profitable.

Le sénateur Tkachuk : C'est la question de l'agence de publicité qui m'intrigue un peu. Vous tirez la plupart de vos revenus du gouvernement fédéral, vous obtenez des subventions du gouvernement fédéral, et vous avez investi de concert avec une partie des autres journaux dans une agence qui vend de l'espace publicitaire au gouvernement fédéral. Êtes-vous en concurrence avec les agences du secteur privé? Deviez-vous payer des commissions semblables auparavant? Vous avez dit que l'agence de publicité était plutôt récente, un an et demi.

M. Watt : C'est exact.

Nous devions effectivement payer une commission semblable dans le passé. Théoriquement, les journaux qui ont créé cette agence aurait pu faire appel à une firme de publicité externe pour ce travail, mais comme nos besoins étaient extrêmement ciblés, nous avons choisi de procéder de cette façon, de fonder notre propre agence, ce qui n'est pas nécessairement la voie de la facilité. Cependant, les solutions de rechange n'offraient pas l'avantage d'un bureau à Ottawa et d'une spécialisation dans les services aux journaux desservant une minorité linguistique, notamment. Vous avez bien demandé si notre agence de publicité était en concurrence avec les autres?

Le sénateur Tkachuk : Eh bien, on parle d'un journal sans but lucratif qui tire des revenus publicitaires du gouvernement fédéral et qui obtient des subventions de Patrimoine canadien. Vous devez avoir accumulé certains capitaux ou alors les journaux ont sûrement risqué des fonds.

M. Watt : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Comment les choses se sont-elles passées? Tous les journaux propriétaires sont sans but lucratif, alors avez-vous dû contracter un emprunt auprès d'une banque pour lancer cette nouvelle agence de publicité?

M. Watt : Nous avons commencé pour ainsi dire avec un capital d'environ 6 000 $.

Le sénateur Tkachuk : Saviez-vous que vous alliez obtenir des contrats du gouvernement fédéral?

M. Watt : Il n'y a bien évidemment aucune garantie, mais depuis aussi loin que le XIXe siècle, nous faisons office de gazette officielle en français pour le gouvernement. Nos journaux sont les seuls médias où les annonces officielles peuvent être placées en français; nous avions donc bon espoir, étant donné les modalités de la Loi sur les langues officielles, de conserver la même quantité de publicité gouvernementale et même d'en obtenir davantage grâce à une agence spécialisée mieux placée pour aller chercher cette publicité. Quant à savoir d'où nous viennent les fonds, chacun des journaux pourrait traiter directement avec le ministère fédéral concerné et aller chercher des revenus publicitaires sans avoir à payer de commission. Mais cela est impossible pour bon nombre de ces journaux et pas nécessairement pratique pour la plupart d'entre eux, pas plus d'ailleurs que pour les agences gouvernementales désirant placer des annonces. Nous avons plutôt décidé de créer collectivement cette nouvelle entité qui effectue ce travail pour nous de façon centralisée, de telle sorte que la plupart des annonces qui sont confiées à cette agence sont placées dans tous les journaux qu'elle représente et que les commissions versées servent essentiellement au fonctionnement de l'agence.

La présidente : Avez-vous des liens avec les petits journaux communautaires de langue anglaise au Québec? Il me semble qu'il devrait y avoir une communauté d'intérêts toute naturelle.

M. Watt : Oui. J'ai habité à Québec et je connais le journal qui y est publié par nos homologues, tout comme en Estrie et dans d'autres endroits.

La présidente : Ils sont bien présents.

M. Watt : Notre organisation nationale, l'Association de la presse francophone, est bien consciente de leur présence et garde contact avec eux. Ironiquement, la plupart des contacts sont faits via les organisations représentant les journaux communautaires et les hebdomadaires du Québec auxquels appartiennent les journaux anglophones et au sein desquels ils constituent une minorité linguistique.

En autant que je sache, nous n'avons pas eu de liens directs avec ces journaux.

La présidente : D'accord.

M. Watt : C'est un fait que j'ai remarqué dès mon arrivée dans ce secteur et c'est certes une avenue que j'aimerais préconiser.

La présidente : Des représentants d'associations de journaux communautaires, je pense à ceux de l'Alberta, mais cela ne se limite pas uniquement à cette province, nous ont dit que l'union fait la force.

M. Watt : Tout à fait.

La présidente : Plus le groupe qui vous représente à Ottawa, si l'on pense uniquement aux politiques publiques fédérales, ou ailleurs, est imposant, plus il a de chances d'obtenir des résultats. Cela m'a frappée en vous écoutant; il doit certes y avoir une certaine communauté d'intérêts. De toute façon, c'est vous que cela regarde, et pas nous.

M. Watt : Oui.

Le sénateur Munson : Je suis un vieux journaliste qui demeure toujours curieux, même au sujet des détails les plus insignifiants en apparence. Vous avez dit que votre journal était publié le deuxième et le quatrième jeudis de chaque mois, à l'exception de décembre et juillet. Que se passe-t-il en décembre et en juillet?

M. Watt : En fait...

Le sénateur Munson : Ai-je fait erreur?

M. Watt : Non, c'était bien le cas auparavant, mais cela a changé au cours des derniers mois. Le journal est maintenant publié le deuxième et le quatrième lundis de chaque mois, à l'exception de décembre, juillet et août. Comme notre personnel est très réduit et que chacun doit prendre des vacances de temps à autre, cela permet aux gens de le faire pendant des périodes de deux semaines en été et durant le temps des Fêtes, d'autant plus que les activités diminuent juste avant Noël et durant l'été. C'est surtout une question de quantité de nouvelles et de gestion des ressources humaines.

La présidente : Merci beaucoup. Votre contribution a été très intéressante, monsieur Watt, et nous vous remercions grandement de votre présence.

Sénateurs, nous passons maintenant à la partie de notre audience à St. John's où nous accueillons les membres du public. Nous recevons donc M. David V. Jones.

Je vais vous demander de faire une déclaration ne dépassant pas cinq minutes, monsieur Jones, après quoi nous prendrons cinq minutes pour vous poser des questions. Peut-être pourriez-vous nous dire un peu qui vous êtes.

M. David V. Jones, témoignage à titre personnel : Merci beaucoup de me permettre de prendre la parole devant vous aujourd'hui. J'habite à Mount Pearl (Terre-Neuve). J'ai pris ma retraite en juillet dernier.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que je suis très préoccupé par le contenu sexuel de la programmation de différentes chaînes de télévision. Il y en a toujours eu trop, mais la situation s'est détériorée considérablement au fil des ans. Je n'ai malheureusement pas avec moi la lettre que j'ai écrite au CRTC il y a quelques années relativement à une émission de télévision diffusée sur le Women's Network ici même à St. John's, Terre-Neuve. C'est une femme qui anime cette émission intitulée Sunday Night Sex Show. J'ai donc écrit au CRTC à ce sujet et je n'ai pas été satisfait de la réponse obtenue et, bien évidemment, l'émission est toujours en ondes au moment où on se parle, à mon grand désarroi.

Cette émission, comme bien d'autres d'ailleurs, a un contenu sexuel très explicite qui devient de plus en plus condamnable ici même à St. John's, comme d'ailleurs partout au Canada. Il y a deux aspects qui me préoccupent beaucoup à cet égard. Il faut penser aux incidences physiques et psychologiques. Du point de vue physique, les activités de ce genre exposent les jeunes à toutes sortes de maladies. Ainsi, ils regardent ces émissions et se disent qu'il n'y a rien de mal à faire certaines choses, alors que c'est tout à fait le contraire. Le corollaire, c'est bien sûr que ces jeunes peuvent attraper la chlamydia, la syphilis, l'hépatite ou, pis encore, le sida, une maladie qui fait d'énormes ravages. Nous ne voulons pas pour Terre-Neuve, ni pour le Canada en fait, d'une situation comme celle qui fait actuellement rage en Afrique.

Du point de vue psychologique, il est bien certain que les scènes de sexe et les émissions sur ce sujet qui sont présentées à la télé peuvent influer sur le psychisme d'une personne. Tout d'abord, d'un point de vue religieux, certains croient que les rapports sexuels en dehors des liens du mariage constituent un péché grave, et on doit leur donner raison, bien évidemment. Toute activité sexuelle en dehors du mariage représente un grave péché. C'est ce qu'ont indiqué les papes et les enseignements du Vatican et, bien évidemment, les autres églises ont emboîté le pas, ce qui fait qu'il est généralement reconnu que la parole du pape est valable pour l'ensemble du monde religieux. Règle générale, les gens se mettent au pas lorsqu'une personne dans sa position prend la parole. Malheureusement, nous n'avons pas de pape actuellement. Un nouveau pape devrait être élu dans le courant de la semaine. Quoi qu'il en soit, le pape précédent a répété à maintes reprises que le contenu sexuel était tout à fait immoral et, comme je l'ai indiqué, cela ne s'applique pas aux seuls rapports sexuels, mais à tous les aspects liés au sexe en dehors des liens du mariage.

Je me souviens d'un incident survenu alors que je vivais à Toronto. J'ai fait un jour une rencontre sur la rue Yonge où j'ai dû faire intervenir mes convictions religieuses. Cela ne concernait pas la sexualité. Si mon souvenir est exact, l'allée qui menait à la porte de cette personne était dangereuse, ce qui m'a amené à lui dire : « Vous devez réparer cela parce que quelqu'un pourrait se blesser ou se tuer. » J'ai alors fait allusion à la sentence biblique voulant qu'une personne doive entretenir sa propriété afin d'éviter tout risque de blessure ou de décès pour ceux qui s'y rendent pour livrer le courrier ou pour toute autre raison. Quoi qu'il en soit, l'homme m'a répondu : « Il n'est pas question que vous veniez chez moi m'imposer votre point de vue. Partez d'ici. » J'ai répondu : « Monsieur, ne vous fâchez pas, je vous en prie. Je voulais seulement vous mentionner cela. Vous savez, avec la liberté d'expression dont nous jouissons ici, j'ai le droit de vous dire cela. Je ne vous impose pas mon point de vue; je vous signale simplement que l'avortement ou l'agression à coups de couteau ne sont pas les seules façons de tuer quelqu'un. Il y a aussi des risques lorsqu'une propriété n'est pas bien entretenue, notamment. » Heureusement, nous nous sommes quittés en bons termes. L'individu a repris sa bonne humeur, ce qui m'a soulagé, car il s'est vraiment offusqué au départ lorsqu'il avait l'impression que je voulais lui imposer mes volontés.

J'aimerais seulement terminer en connexion avec...

La présidente : Oui, parce que le temps file.

M. Jones : J'ai besoin de seulement dix secondes. En connexion avec le sexe à la télévision, je voulais simplement vous rappeler que la Bible dit que si quelqu'un doit scandaliser des jeunes, il serait mieux de se voir passer autour du cou une meule avant d'être jeté à la mer. Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de vous présenter mon point de vue.

Le sénateur Tkachuk : En avez-vous contre le fait que ces émissions sont diffusées à la télévision ou contre l'impossibilité de bloquer ces canaux; autrement dit, êtes-vous obligé de syntoniser une chaîne contre votre gré?

M. Jones : Eh bien, sénateur, j'ai effectivement une télécommande à la maison et je ne regarde pas moi-même ces émissions, mais je considère la situation dans une perspective générale et je n'aime pas ce que je vois. Il est maintenant devenu impossible d'expurger le contenu sexuel des bibliothèques. C'est ce qui se passe avec Internet, et c'est tout à fait condamnable. Les gens doivent pouvoir mettre un frein à cela lorsqu'ils le désirent. Nous ne voulons pas que nos enfants aient accès à ce genre de matériel dans les bibliothèques. Malheureusement, les bibliothécaires ne peuvent rien n'y faire et c'est très regrettable. Ils devraient pouvoir y avoir accès pour bloquer le tout, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Pour autant que je sache, il y a un problème quant au blocage de la connexion à Internet.

Le sénateur Munson : Vous avez dit avoir écrit une lettre au CRTC et avoir reçu une réponse inacceptable. Que disait le CRTC dans sa réponse?

M. Jones : Je dois vous dire, sénateur Munson, que je ne m'en souviens pas vraiment. J'ai cherché cette lettre partout ce matin. Voilà un certain nombre d'années que j'ai écrit au CRTC, mais c'était une lettre de suivi. C'était la deuxième lettre parce que j'avais oublié de préciser l'emplacement dans la première; il semblerait en effet que notre canal 18 ne soit pas le même que celui qui est en ondes à Ottawa, ou quelque chose du genre, alors j'ai dû écrire de nouveau pour fournir de plus amples détails. Les gens du CRTC m'ont toutefois répondu sur un ton très négatif. Je ne me souviens pas des détails exacts de ce qu'on y disait, mais pour être très honnête avec vous, j'aurais bien aimé trouver cette lettre. Quoi qu'il en soit, cette émission est toujours diffusée et elle devrait être retirée des ondes. Le contenu est très explicite.

Le sénateur Munson : De quelle émission s'agit-il?

M. Jones : Je crois qu'elle s'intitule Sunday Night Sex Show. Elle est diffusée ici sur le canal 18.

Le sénateur Munson : Ne s'agit-il pas d'une émission éducative?

M. Jones : Eh bien, vous savez, c'est un peu là le problème. Pour autant que je sois concerné, ce n'est pas de l'éducation. C'est tout à fait condamnable. Certaines personnes peuvent considérer que c'est éducatif, mais ce n'est pas le cas. C'est très explicite, et les jeunes gens peuvent penser que c'est acceptable, mais vous pouvez contracter toutes sortes d'infections si vous essayez de vous livrer à de telles activités. Ainsi, il y a un certain temps, un jeune intéressé à devenir lutteur a regardé une émission sur la lutte à la télé avant de tuer un autre jeune en mettant en pratique ce qu'il y avait vu. Il arrive que des personnes perçoivent comme acceptables des choses qu'elles voient à la télé, alors qu'elles ne le sont pas du tout.

Je sais que si on avait voulu faire quelque chose à ce sujet, l'émission ne serait plus en ondes actuellement, mais il semble qu'elle soit toujours diffusée, alors rien n'a été fait.

Le sénateur Munson : Mais vous nous avez parlé de liberté d'expression, lorsque vous avez rencontré cet homme, en faisant valoir que vous aviez le droit d'exprimer votre point de vue. N'est-ce pas la même chose pour ceux qui ont recours à ces chaînes? N'ont-ils pas le droit de considérer qu'il s'agit d'éducation sexuelle?

M. Jones : Je conviens de l'importance du libre arbitre au sein d'une société. C'est un principe très important, sénateur. Il faut toutefois fixer la limite entre les comportements qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas. D'un strict point de vue moral, je crois qu'il est reconnu au sein d'une société que certaines choses sont normales et d'autres ne le sont pas. Elles sont plutôt immorales. D'un point de vue sociétal, ces émissions sont vraiment immorales et devraient être retirées des ondes.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Jones. Je suis désolée, vous n'avez plus de temps, mais nous vous remercions d'être venu nous présenter votre point de vue.

M. Jones : Merci.

La présidente : Notre prochain représentant du public est M. Craig Westcott, qui est le directeur des actualités pour le journal l'Express.

Bienvenue au comité, monsieur Westcott. Peut-être pourriez-vous commencer par nous parler de votre journal, après quoi vous aurez droit à cinq minutes et nous aurons aussi cinq minutes.

M. Craig Westcott, rédacteur, Affaires courantes, The Express, témoignage à titre personnel : J'ai rédigé mon exposé pour qu'il dure environ quatre minutes, ce qui inclut des détails au sujet de l'Express. Je tiens à vous remercier, sénateur Fraser et les autres membres du comité, pour votre présence à St. John's aujourd'hui. J'aimerais tout spécialement souhaiter la bienvenue au sénateur Munson. Il y a environ 11 ans, sénateur, nous avons passé une semaine avec d'autres collègues à Davis Inlet, au Labrador, pour faire des reportages sur une situation de crise. Je crois que j'avais plus de cheveux à l'époque. Vous étiez à CTV et je travaillais pour le Telegram. Bon retour à Terre-Neuve.

Je m'appelle Craig Westcott et je travaille depuis 18 ans dans le secteur de l'information à Terre-Neuve. J'ai travaillé pour le Telegram, le Sunday Express, la radio de la CBC et un certain nombre de revues et d'hebdomadaires. Pendant trois ans, j'ai publié mon propre hebdomadaire indépendant sur la côte sud de la province. Je suis actuellement directeur des actualités pour l'Express, un hebdomadaire de St. John's. Je suis aussi rédacteur en chef de deux revues spécialisées, l'une couvrant l'industrie minière de la province, l'autre s'intéressant au secteur du pétrole et du gaz. Ces trois publications appartiennent à Transcontinental Media.

En février 2004, Transcontinental a fait l'acquisition de ces publications, en même temps que 25 ou 30 autres à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. À l'époque, le Bureau fédéral de la concurrence a assorti cette transaction de restrictions très peu rigoureuses, y compris une ordonnance vague obligeant l'entreprise à préserver deux hebdomadaires qui faisaient concurrence, jusqu'alors, à deux quotidiens de Transcontinental, à savoir le Telegram ici même à St. John's et le Western Star à Corner Brook. Je peux vous parler de mon expérience au sein de l'un de ces deux hebdomadaires, l'Express.

Depuis que cette transaction a été approuvée, un certain nombre de choses se sont produites pour m'amener à croire que Transcontinental essaie d'éliminer en douce l'Express, plutôt que de le sauvegarder. Premièrement, tous nos employés préposés aux ventes ont dû quitter nos bureaux. Ils ont dû déménager dans l'édifice de leur concurrent de longue date, le Telegram. Ils ont été placés dans un cagibi tellement petit qu'il ne résisterait sans doute pas à une inspection par les agents de santé et sécurité au travail. Lorsque deux d'entre eux sont dans la pièce, ils doivent littéralement se lever pour permettre à une troisième personne d'entrer pour s'asseoir. Deuxièmement, Transcontinental a changé complètement la structure de paie du personnel de vente; ils n'ont plus de salaire de base et doivent vivre uniquement de leurs commissions. Troisièmement, après la démission du directeur des ventes qui était en poste depuis très longtemps, l'entreprise a attendu des mois avant de le remplacer.

Il est bien évident que le personnel des ventes est démoralisé. Nos revenus sont en chute libre. Les employés sont sur le point de démissionner. Le moral est également à son plus bas dans la salle des nouvelles. Dans le climat d'humour noir qui prévaut dorénavant, un de mes collègues prend des notes en vue du projet plus ou moins sérieux d'écrire un jour une histoire intitulée « Comment tuer un journal ».

Le personnel de la salle de nouvelles a également été relocalisé. Nous n'avons pas déménagé à l'édifice du Telegram, mais nous nous retrouvons dans une salle tellement étroite que nous devons travailler, presque littéralement, coude à coude. Il nous a été impossible de déballer quelques-unes de nos boîtes, contenant des dossiers et des effets personnels, parce qu'il n'y a tout simplement pas de place pour mettre quoi que ce soit.

Si l'Express disparaît, il y aura une voix de moins pour parler au nom des Terre-Neuviens et des Terre-Neuviennes. Toutefois, mes préoccupations quant à cette acquisition par Transcontinental ne se limitent pas au seul Express. La transaction a aussi été néfaste pour la province. Peu de temps après avoir acheté la presse, Transcontinental a fermé une imprimerie en activité depuis près d'un siècle à Grand Falls. Dans les faits, des emplois ont été éliminés un peu partout à Terre-Neuve, mais je n'ai pu constater aucun signe du réinvestissement des économies ainsi réalisées dans le produit journalistique.

Transcontinental possède maintenant 17 des 21 journaux publiés à Terre-Neuve-et-Labrador. Pour les journalistes de l'écrit, il n'y a pas vraiment d'autre endroit où travailler. Les quatre journaux indépendants connaissent des difficultés. Des articles des quotidiens de Transcontinental sont maintenant publiés dans les anciens hebdomadaires d'Optipress, et vice versa. Il devient de plus en plus difficile d'entendre la voix des journaux indépendants. À toutes fins utiles, Transcontinental a le monopole de la publication et de l'impression des journaux à Terre-Neuve. Je crois qu'un tel degré de concentration de la propriété dans le secteur des médias est mauvais pour le journalisme et néfaste pour la démocratie. Les grandes entreprises médiatiques comme Transcontinental profitent des avantages de la fusion des opérations, mais ne réinvestissent pas les sommes ainsi économisées dans les collectivités où elles réalisent leurs profits.

J'exhorte les membres de ce comité à recommander des restrictions rigoureuses et efficaces quant à la monopolisation des médias canadiens. Le Canada est un pays trop diversifié pour que la couverture de l'actualité soit contrôlée par une poignée de conglomérats médiatiques. Merci pour le temps que vous m'avez consacré aujourd'hui et bonne chance dans la suite de vos délibérations.

Le sénateur Tkachuk : Vous dites que Transcontinental possède maintenant 17 des 21 journaux, mais ceux-ci étaient-ils auparavant indépendants ou appartenaient-ils à une seule personne ou une seule entreprise?

M. Westcott : La plupart d'entre eux appartenaient à une entreprise nommée Robinson-Blackmore, qui existe depuis très longtemps à Terre-Neuve. Il y a plusieurs années, il y a eu fusion entre Robinson-Blackmore et une société de la Nouvelle-Écosse, Cameron Publishing. La nouvelle créature qui a émergé de cette fusion a été nommée Optipress Publishing et c'est cette entreprise que Transcontinental a achetée en février de l'an dernier.

Le sénateur Tkachuk : Où sont situés les quatre autres journaux?

M. Westcott : L'un d'eux est situé à Conception Bay South. Frank Petten, l'éditeur, était d'ailleurs censé témoigner devant votre comité ce matin même. Un autre est à Portugal Cove-St. Phillips, une ville juste à l'extérieur de St. John's; il y a également un mensuel alternatif et le quatrième ne me revient pas pour l'instant.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que Transcontinental a dû passer par le Bureau de la concurrence même si Robinson-Blackmore possédait déjà ces 17 journaux? A-t-il fallu satisfaire aux critères du Bureau de la concurrence?

M. Westcott : Effectivement. Je ne connais pas les critères exacts, mais au moment où l'acquisition a été approuvée, le Bureau de la concurrence a émis un communiqué indiquant que la vente était approuvée sous réserve de la préservation de l'Express et du Humber Log, un journal de Corner Brook, qui était en concurrence avec le Western Star.

Le sénateur Tkachuk : L'Express ne faisait donc pas partie du groupe Robinson-Blackmore, ou est-ce que je me trompe?

M. Westcott : L'Express était le porte-étendard du groupe Robinson-Blackmore. C'était le journal de ce réseau à St. John's et le principal concurrent du Telegram, qui appartenait déjà au groupe Transcontinental.

Le sénateur Tkachuk : D'accord, je comprends. Ils ont permis que la transaction se fasse pour autant que l'on ne mette pas fin aux activités d'un journal.

M. Westcott : C'est exact et les fonctions éditoriales devaient être gardées complètement séparées.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que certains employés de l'Express ont essayé de s'adresser au Bureau de la concurrence pour l'avertir de ce qui se tramait parce qu'il me semble que cela aurait pu grandement les intéresser.

M. Westcott : Non. Le problème a été soulevé seulement à l'interne. J'en ai parlé à l'éditeur à plusieurs reprises. D'autres membres du personnel se sont adressés à la direction, mais personne n'est entré en contact avec le Bureau de la concurrence, du moins pas à ma connaissance. C'est probablement la première fois que ce problème est soulevé sur une tribune officielle.

Le sénateur Munson : Merci d'être des nôtres. J'aimerais que nous puissions vous gardez comme témoin pendant plus longtemps et je vais vous dire pourquoi. Je crois que vous faites montre d'un très grand courage. En effet, nous avons invité différents journalistes travaillant pour ces grandes organisations à venir comparaître devant nous et, que cela soit exprimé directement, en sourdine, ou pas du tout, même si on leur dit qu'ils sont libres de venir nous faire part de leurs points de vue et non de ceux de l'entreprise, ils ont choisi de ne pas se présenter. Craignez-vous que ce que vous nous avez dit puisse vous mettre dans une situation périlleuse?

M. Westcott : Je suis père de trois enfants et ma décision de venir ici pourrait bien signifier la fin de ma carrière. Pour en revenir par ailleurs à l'un de vos arguments, il arrive de temps à autre que Transcontinental fasse les manchettes. C'est une grande entreprise et il n'est pas rare que tous ses employés reçoivent une note de service leur indiquant qu'ils ne sont pas autorisés à faire quelque commentaire que ce soit si les représentants d'autres médias communiquent avec eux et qu'ils doivent transférer tous les appels à ce sujet à une personne désignée à cette fin chez Transcontinental. Je ne peux pas être d'accord avec de tels procédés car, comme vous le savez très bien, les journalistes gagnent leur vie en comptant sur le fait que les gens seront honnêtes et directs au sujet de leurs opinions lorsqu'ils communiquent avec eux pour obtenir une entrevue. Lorsqu'on nous ordonne de ne pas parler nous-mêmes aux médias, cela me semble relever un peu de l'hypocrisie.

Le sénateur Munson : Vous dites que l'on devrait imposer des restrictions rigoureuses et efficaces relativement à la concentration des médias. Pourriez-vous être plus précis quant à ce que nous devrions selon vous recommander, ou tout au moins examiner?

M. Westcott : Oui. Je pense que s'il y avait une façon de mesurer le rayonnement total d'une entreprise, province par province, et de s'assurer que pas plus de 50 p. 100 de toutes les publications écrites puissent appartenir à une seule et même organisation à l'intérieur d'une province donnée, cela encouragerait tout au moins une certaine forme de concurrence.

La présidente : Monsieur Westcott, en ma qualité de présidente de ce comité, je vous demande de m'écrire une fois par mois au cours des six prochains mois.

M. Westcott : D'accord.

La présidente : Cela peut être seulement deux lignes, mais je veux vraiment savoir ce qui vous arrive.

M. Westcott : Parfait.

La présidente : Vous pouvez aussi rédiger une lettre de deux pages si vous le désirez, mais sachez que nous apprécions vraiment recevoir des gens comme vous. Pouvez-vous m'en dire davantage au sujet du personnel de la salle de nouvelles? Est-ce que le nombre d'employés est demeuré stable depuis que Transcontinental a acheté le journal?

M. Westcott : C'est certainement le cas à l'Express. Nous avons un personnel réduit. Il y a un rédacteur en chef, trois journalistes, un directeur des sports — portant aussi le titre de rédacteur en chef associé — et moi-même. J'ai déjà travaillé à l'Express il y a quelques années, et il me semble qu'il y avait alors une personne de plus. Nous avons très peu de temps à notre disposition. Je suis également rédacteur en chef de deux revues, ce qui pourrait représenter autant d'emplois à temps plein.

La présidente : Est-ce que ces deux revues appartiennent également à Transcontinental?

M. Westcott : Oui. L'une d'elles est publiée dix fois par année et l'autre six fois par année, ce qui ne me laisse pas le temps pour une coupe de cheveux. Comme vous pouvez le constater, ma chevelure, ou du moins ce qui en reste, est plutôt anarchique, mais je suppose que ce sont les aléas du métier.

La présidente : Qu'en est-il des autres ressources de la salle des nouvelles? Vous avez parlé de l'espace à votre disposition. Je suppose que vous avez dû déménager pour économiser sur le prix du loyer ou sur d'autres coûts liés aux locaux?

M. Westcott : Je n'en suis pas convaincu; nous avons déménagé à l'intérieur du même édifice et je ne sais pas quelle est la justification.

La présidente : D'accord, mais il y a d'autres ressources qui entrent en jeu dans la collecte de nouvelles, de la capacité d'acquérir des services de transmission jusqu'à la tenue d'une bibliothèque, les ressources en général. Qu'est-il advenu de ces ressources?

M. Westcott : Rien du tout. Nous n'avons pas de bibliothèque et pas d'archives non plus.

La présidente : Vous n'en avez jamais eu?

M. Westcott : Nous en avons eu il y a bien des années, mais le changement est antérieur à l'acquisition par Transcontinental. Nous avons un budget de déplacement très limité. J'ai fait des pressions pour des activités de perfectionnement pour moi-même et d'autres membres du personnel, mais nous n'avons rien obtenu.

La présidente : Par ailleurs, je sais que vous êtes journaliste, mais seriez-vous par hasard au courant de ce qui se produit au niveau de la diffusion et de la quantité de publicité dans le journal?

M. Westcott : La quantité de publicité a chuté considérablement. Si vous compariez une édition du journal antérieure à l'acquisition par Transcontinental à une édition actuelle, surtout récemment, vous verriez une nette différence quant au lignage publicitaire. Nous avons toujours eu des problèmes de diffusion à l'Express parce que c'est un journal qui est censé être livré dans tous les foyers. Nous avons recours à des transporteurs à cette fin, mais nous n'avons jamais pu atteindre un taux de diffusion de 100 p. 100. Cependant, une des personnes s'occupant de la distribution du journal m'a dit que notre objectif de diffusion est d'environ 40 000 copies; ainsi pas moins de 7 000 exemplaires du journal ne font que passer d'un côté à l'autre de l'entrepôt avant d'être recyclés, car les problèmes de livraison empêchent d'en assurer la distribution. Je ne sais pas si on peut blâmer Transcontinental pour cette situation. Je crois que c'est plutôt simplement un problème de logistique dans la distribution.

La présidente : Il y a quelques années, un film québécois présentait des gars qui faisaient la distribution porte-à-porte de circulaires. On y découvrait les dessous un peu sombres de cette activité. On les voyait même jeter des circulaires. La distribution directe semble donc un véhicule un peu risqué.

M. Westcott : Tout à fait.

La présidente : Je pense que tout le monde en est conscient. Cependant, pour ce qui est du volume publicitaire, d'après ce que vous nous avez dit tout à l'heure, et je sais que vous ne travaillez pas en publicité, mais vous êtes tout de même un observateur d'expérience, il semblerait que Transcontinental laisse courir le journal à sa propre perte?

M. Westcott : Ils prétendent le contraire, mais le personnel des ventes est démoralisé en raison de la façon dont il est traité et on peut en voir les conséquences directes dans le journal lui-même. Si on tente de rectifier le tir au niveau des ventes, il est bien certain qu'on ne s'y prend pas de la bonne façon. Les ventes de publicité sont essentielles pour le journal étant donné que nous n'avons aucun revenu provenant du tirage.

La présidente : Je pense que nous ne pouvons pas vraiment vous en demander davantage.

Le sénateur Eyton : Je veux faire écho aux observations du sénateur Munson. Je vous félicite pour votre présence parmi nous et pour votre franchise. Est-ce que vos collègues sont au courant de votre démarche et quelle est leur attitude à cet égard?

M. Westcott : L'un d'eux est censé être ici aujourd'hui pour assister à mon témoignage. Il dit que ma démarche lui rappelle un phénomène dont sont témoins les policiers : une forme de suicide assistée où la personne essaie d'inciter un policier à lui tirer dessus.

Le sénateur Eyton : Voilà qui est encore bien honnête. J'estime que vous êtes un journaliste extraordinaire. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails quant à l'accord conclu avec le Bureau de la concurrence? Vous avez parlé des deux hebdomadaires. Vous avez dit qu'on s'était engagé à les maintenir en vie. Cet engagement était-il très précis et avait-il une durée déterminée?

M. Westcott : Je ne connais pas les détails des délibérations du Bureau de la concurrence. Je crois que l'engagement visait une période de deux ans, mais le Bureau de la concurrence n'est pas très généreux avec l'information. Il a seulement publié un court communiqué indiquant que les deux hebdomadaires en concurrence sur les mêmes marchés devaient être préservés et que leurs services de rédaction ne devaient pas être amalgamés; ça se limitait à peu près à cela.

Le sénateur Eyton : Oui. J'ose espérer que nous pourrons obtenir copie des modalités de cette entente. Pour terminer, pourriez-vous me dire quels changements ont été apportés aux échelons supérieurs de direction, au niveau de l'éditeur et des autres cadres, au sein de l'Express depuis l'acquisition?

M. Westcott : Certains des plus hauts dirigeants d'Optipress ont quitté l'entreprise, que ce soit de leur propre gré ou en se faisant gentiment montrer la porte, je ne sais pas. À l'échelle locale, l'éditeur du Telegram a été nommé éditeur pour le groupe à Terre-Neuve. Un vice-président du groupe Optipress à Terre-Neuve a été promu comme éditeur pour une partie de la province et il a un homologue pour la côte ouest de l'île.

Le sénateur Eyton : S'agit-il d'une nomination plutôt récente?

M. Westcott : Il y a environ un an, je crois.

Le sénateur Eyton : J'ai dit « pour terminer », mais j'ai encore une question. Qu'en est-il de l'apparence de l'Express? A-t-elle changé? Y a-t-il environ le même nombre de pages, le même type de contenu, ou y a-t-il eu des changements draconiens à cet égard?

M. Westcott : Avant l'acquisition, nous publions régulièrement quelque 48 pages par semaine. Nous en sommes maintenant réduits à environ 38 par semaine, bien que, compte tenu du lignage publicitaire actuel, nous pourrions facilement descendre à 28 par semaine pour en arriver à un ratio décent entre publicité et contenu éditorial. L'apparence n'a pas changé. La une est la même; il y a le même nombre de chroniqueurs et d'employés. La quantité de publicité est évidemment à la baisse et je crois que les problèmes de motivation que nous connaissons font en sorte que le produit n'est peut-être pas aussi intéressant qu'il l'était auparavant ou qu'il pourrait l'être.

La présidente : Est-ce que la présentation visuelle du Telegram s'est améliorée? A-t-on amélioré la qualité d'impression, la conception graphique?

M. Westcott : Non, sa présentation est toujours aussi médiocre depuis 10 ans.

La présidente : C'est ce que nous dirait un concurrent. MonsieurWestcott, encore merci. Nous sommes le 18 avril, j'attends vos lettres le 18 mai, le 18 juin, le 18 juillet et ensuite de suite.

M. Westcott : Je vous suis reconnaissant. Merci du temps que vous m'avez accordé.

La présidente : Merci beaucoup.

Sénateurs, nous allons maintenant entendre M. Patrick Hanlon.

Bonjour, monsieur Hanlon. Je vous demanderais d'abord de vous présenter et faire ensuite un exposé d'à peu près cinq minutes, après quoi nous vous poserons quelques questions.

M. Patrick J. K. Hanlon, membre, Catholic Civil Rights League of Canada, témoignage à titre personnel : Pour ce qui est de me présenter, j'imagine que je suis votre plus grand admirateur à St. John's parce que j'ai suivi vos travaux avec grand intérêt toute la journée; j'ai beaucoup appris. Je suis un simple citoyen qui suis ce qui se passe dans les médias en tant que membre de la Ligue canadienne des droits de l'homme. C'est un organisme national qui fait la promotion et se porte à la défense des croyances religieuses catholiques auprès des médias, du gouvernement et des tribunaux. J'étudie aussi en sciences politiques et je mène diverses activités à ce titre.

Je me suis présenté ici aujourd'hui après avoir pris connaissance de votre rapport et de votre mandat sur le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne. Je suis venu vous dire aujourd'hui que les médias ont la responsabilité et le devoir de ne pas blesser ni corrompre les gens. C'est essentiellement le message que je veux vous adresser.

Actuellement, il semble que l'antisémitisme et tous les autres anti ceci et anti cela ne sont pas tolérés par les médias ou la société en général, mais les préjugés dirigés contre le catholicisme sont encore acceptables dans la société, et on le voit particulièrement dans les médias. En tant qu'observateur, je constate qu'il y a beaucoup de commentaires désobligeants et de points de vue subjectifs qui sont diffusés, que ce soit dans les émissions d'information ou les émissions d'humour. Il me semble que certaines personnes cherchent à attaquer et à blesser les gens, et j'aimerais que les membres de votre comité, en tant que législateurs, songent sérieusement à faire échec à ce mouvement.

Les gens ne se rendent probablement pas compte de tous les propos négatifs qui sont dirigés contre le catholicisme, mais ils existent. Au cours des dernières semaines, depuis que le pape est décédé, on a vu à la SRC beaucoup de gens venus rendre un dernier hommage au pape dire qu'ils l'aimaient, ce qui est formidable. Il y a eu d'excellents reportages là-dessus. Cependant, à propos de dossiers plus chauds et controversés, que ce soit l'ordination des femmes, le célibat des prêtres, les abus sexuels, la contraception ou l'homosexualité, par exemple, je trouve que CBC reçoit en entrevue des gens qui critiquent l'ancien pontife et contestent l'Église. Je ne regarde pas Radio-Canada jour et nuit et à la semaine longue, seulement quelques heures par jour. Je n'ai toutefois pas entendu beaucoup de gens approuver la position du pape sur l'homosexualité, ni celle de l'Église sur le célibat des prêtres et l'ordination des femmes. C'est une lacune et, évidemment, un préjugé de la part des médias.

Même Vision TV, le réseau multiculturel et oecuménique du Canada, a présenté, en octobre, un reportage sur les vocations sacerdotales à l'émission appelée 360. On mettait en cause le célibat et l'absence de femmes dans la prêtrise pour expliquer la pénurie de prêtres mais, en fait, elle est plutôt attribuable, comme l'Église l'enseigne, au matérialisme qui ronge l'esprit et le cœur des gens. Les gens ne veulent plus faire vœu de pauvreté. C'est malencontreux. L'Église l'attribue à une désaffection sociale et personnelle à l'égard des vocations, mais Vision TV a tendance à insister sur le célibat et l'ordination des femmes, par exemple.

En tant que catholique, je trouve que c'est insultant que mes opinions ne soient pas bien représentées dans les médias. Cette attitude se manifeste même à la télévision américaine. Le 22 février, NBC a montré, pendant une émission qui s'appelle Committed, deux non-catholiques qui recevaient la communion. Ils ne savaient pas quoi faire. Ils n'ont pas avalé l'hostie, mais l'ont mise dans leur poche. Ils ont mis ce pain consacré, que les catholiques croient être le corps et le sang, l'âme et la divinité du Christ notre Sauveur, Jésus-Christ, sur un plateau avec des craquelins et de la trempette. C'est scandaleux. La Ligue catholique des droits de l'homme aux États-Unis a porté plainte à NBC qui a promis de ne pas rediffuser cette émission. Malheureusement, les diffuseurs canadiens ne nous promettent pas à chaque fois de ne plus présenter une émission, pas plus que les diffuseurs américains qui transmettent leurs signaux au Canada. Beaucoup de ces émissions ne devraient même pas figurer à l'horaire et les médias devraient encore moins les diffuser pour avoir ensuite à s'excuser, quand ils le font, ce qui est très rare.

On peut se demander si c'est de l'humour. La démarcation est mince entre l'humour ou la satire et l'insulte pure et simple, ce que semblent ignorer les médias et les responsables de la réglementation. J'ai écrit au CRTC et à d'autres et c'est un problème qui revient sans cesse.

Nos ondes canadiennes devraient...

La présidente : Vous allez manques de temps, monsieur Hanlon.

M. Hanlon : Oui. Les ondes canadiennes ne doivent pas et ne devraient pas blesser les gens. Au nom de la diversité canadienne et du pluralisme canadien, on ne doit pas blesser, attaquer et critiquer les gens. On doit plutôt célébrer la différence des autres, pas agresser les gens et s'en prendre aux catholiques. Il faut se respecter les uns les autres. J'aimerais que les catholiques pratiquants qui sont minoritaires dans notre pays soient traités avec autant de respect que les autres groupes religieux, et même les athées, et les autres minorités visibles.

J'aimerais parler brièvement des médias et de la sexualité. La société est trop axée sur la sexualité, ce qui cause de la corruption. La sexualité traite les gens comme des objets, et c'est un problème. C'est ce que les gens, à Muchacho, par exemple mettent dans la tête et le cœur de nos adolescents et de nos enfants. Si vous me laissez 10 secondes, j'aimerais dire qu'à l'émission Marketplace diffusée le 9 janvier à CBC, MuchMusic indiquait qu'il n'allait pas diffuser d'images sexuelles avant 21 heures. En fait, CBC a fait remarquer que MuchMusic avait diffusé de telles images entre 16 h 30 et 20 h 30, c'est-à-dire les heures de grande écoute des enfants. Ce n'est tout simplement pas acceptable, ni convenable.

La présidente : Merci

M. Hanlon : Voilà mon message : les médias et les ondes canadiennes ne devraient pas corrompre ni blesser les gens.

La présidente : Vous nous l'avez fait savoir avec éloquence. Laissez-nous vous poser quelques questions.

Le sénateur Tkachuk : À bien des égards, je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser, mais je remarque, en tant que catholique, que ce qui est diffusé n'est pas tellement anticatholique mais antichrétien.

M. Hanlon : C'est vrai.

Le sénateur Tkachuk : Si ce qu'on dit à propos des catholiques et des chrétiens visaient des bouddhistes, des musulmans et des juifs, bien des gens seraient traînés devant la Commission des droits de la personne. On peut faire de la satire sans verser dans l'insulte. Cependant, je ne pense pas qu'on puisse légiférer contre la liberté de parole. On peut seulement laisser des gens comme vous et d'autres catholiques et chrétiens continuer de s'exprimer publiquement, ce dont je vous remercie.

M. Hanlon : Effectivement. Merci.

La présidente : Monsieur Hanlon, comme vous l'aurez compris, même si notre mandat est très vaste, notre comité s'intéresse plus particulièrement aux nouvelles et à l'information.

M. Hanlon : En effet.

La présidente : J'ai deux questions à vous poser. D'abord, percevez-vous un manque d'objectivité dans la nouvelle et, si oui, le percevez-vous davantage dans la presse écrite ou à la radio et à la télévision? Pouvez-vous essayer de nous donner des précisions là-dessus?

M. Hanlon : Oui.

Il me semble que beaucoup de témoins aujourd'hui ont parlé de la SRC et je trouve qu'elle diffuse parfois les pires choses, que ce soit dans les émissions d'information ou les documentaires. J'ai constaté une certaine subjectivité à CTV, mais on y trouve du bon monde, comme nous tous. Dans l'ensemble, CTV est moins pire que la SRC. On véhicule toutefois des préjugés dans les nouvelles commentées et les éditoriaux, par exemple. Il y en a.

La présidente : Quand vous entendez des préjugés ou même, parfois, j'imagine des inexactitudes — comme il y en a partout, il doit bien y en avoir dans ce contexte — à qui d'autre pouvez-vous vous adresser à part un comité sénatorial, qui ne vient pas en ville tous les matins?

M. Hanlon : Effectivement. C'est une bonne chose que vous soyez ici, en fait. Il n'y a pas beaucoup de comités qui nous rendent visite. Ils s'arrêtent habituellement à Halifax, et je vous suis donc reconnaissant d'être venus jusqu'ici. Personnellement, je vais écrire une lettre et on va m'envoyer la réponse d'usage : « Monsieur Hanlon, merci beaucoup de nous avoir fait part de vos préoccupations. Votre lettre a été transmise à M. Untel ou Mme Untelle. Nous allons tenir compte de vos commentaires pour examen ultérieur. » Je suis sûr que vous avez écrit beaucoup de ces lettres comme politiciens.

La présidente : « Votre point de vue est important pour nous », oui.

M. Hanlon : En effet.

La présidente : Avez-vous déjà communiqué avec l'ombudsman de Radio-Canada?

M. Hanlon : Il envoie le même genre de réponse. Il faut revenir à la charge et faire pression sur les médias qui, un jour vont peut-être se rendre compte qu'ils doivent traiter tout le monde avec respect. C'est toutefois utile que les responsables de la réglementation, le CRTC, le Sénat du Canada et d'autres s'expriment et fassent quelque chose à ce sujet parce que les règles établies de façon volontaire vont être transgressées l'année d'après. Cela peut servir que les responsables de la réglementation soutiennent qu'il faut faire telle chose ou ne pas faire telle chose pour conserver sa licence.

La présidente : Comme vous le savez, le moins qu'on puisse dire, c'est que faire réglementer la liberté d'expression directement ou indirectement par un organisme public est un couteau à double tranchant.

M. Hanlon : Oui.

La présidente : J'aimerais vous demander en dernier lieu s'il y a un conseil de presse à Terre-Neuve et, s'il n'y en a pas, est-ce qu'il serait utile qu'il y en ait un?

M. Hanlon : Il y en a peut-être un, mais je ne le sais pas.

La présidente : Je ne crois pas qu'il en existe un. Aimeriez-vous qu'il y en ait un?

M. Hanlon : Ce serait utile. Il y a des organismes nationaux, mais c'est toujours utile d'en avoir un au niveau local.

Beaucoup de sociétés nationales, de diffuseurs nationaux, que ce soit des journaux ou la radio ont tendance à être pires que les autres. Les médias locaux, NTV et les stations de radio locales sont à peu près convenables, mais je trouve que les grands médias nationaux qui viennent d'ailleurs ont tendance à faire pire, à moins qu'un événement dramatique particulier à Terre-Neuve ne se produise. Ce serait utile, peut-être, d'avoir un conseil de presse ici.

La présidente : Merci beaucoup. J'ai trouvé votre exposé intéressant.

Le sénateur Eyton : Merci, monsieur Hanlon, d'être venu nous rencontrer. Vos principes sur une communication non blessante m'intéressent, même si je pense qu'ils sont impossibles à respecter. Je n'applique peut-être pas les mêmes critères que vous. Je ne pense pas avoir les mêmes, mais je me sens blessé des dizaines de fois par jour, tous les jours et toutes les semaines, et j'ai cessé depuis longtemps de penser qu'il est possible de contrôler le contenu des émissions ou d'y imposer des limites dans le monde actuel. En revanche, je crois qu'on peut faire la promotion de saines valeurs et attitudes. Une approche constructive est aussi utile. C'est négatif d'empêcher les gens de faire telle chose et constructif de leur proposer une meilleure façon de faire, une solution de rechange. Avez-vous des solutions de rechange constructives à nous proposer pour faire la promotion de saines valeurs et de saines attitudes? En général, je pense qu'il est impossible aujourd'hui d'avoir une approche restrictive, en dehors du contexte criminel ou quasi criminel.

M. Hanlon : Comme je ne suis pas un administrateur, je ne peux pas vous indiquer d'adopter telle loi ou d'établir tel programme. Peut-être que des mesures incitatives pour favoriser des émissions non discriminatoires fonctionneraient. La société canadienne déclare que certaines situations ne sont pas acceptables. Nous imposons des restrictions, comme dans le cas des propos haineux. Il y a des propos qu'on ne peut pas tenir sur des minorités et, essentiellement, interdire tout propos haineux limite la liberté d'expression des gens et leur droit démocratique de dire ce qu'ils veulent. Par conséquent, on peut demander aux médias de ne pas faire de discrimination et de ne pas s'attaquer ouvertement aux divers groupes religieux, y compris le mien.

Le sénateur Eyton : Je vous ferai remarquer que vous n'avez pas répondu à ma question. Je vous ai demandé si vous pensiez qu'il y a des moyens de favoriser l'action positive?

M. Hanlon : Des mesures incitatives.

Le sénateur Munson : Mon père était ministre de l'Église unie, et je comprends donc votre point de vue.

M. Hanlon : Entre le fils d'un ministre du culte et à un catholique, je me sens en pays de connaissance.

Le sénateur Tkachuk : Un à votre droite et un à votre gauche.

M. Hanlon : Tout à fait, sénateur.

Le sénateur Munson : À l'ère de la libre expression, je pense que vous aimeriez qu'il y ait un certain équilibre de la part des journalistes, que si CBC ou CTV critique le mariage des prêtres, on devrait aussi entendre l'opinion contraire et accorder autant de temps d'antenne à l'un et l'autre point de vue. Je pense que beaucoup de journalistes essaient de maintenir un juste équilibre — du moins c'est ce que j'essaie de faire — quand ils font des reportages pour que les téléspectateurs puissent se faire leur propre opinion. J'ai l'impression que c'est cet équilibre que vous ne retrouvez pas.

M. Hanlon : Probablement. Il y a des problèmes dans les émissions d'humour, ou soi-disant d'humour, et j'ai donné l'exemple d'une émission américaine, mais il y en a au Canada, comme l'épisode sur la communion à NBC. Il ne s'agit pas d'émissions d'information, où on expose les deux côtés de la médaille. C'est une critique flagrante. Cependant, dans les émissions d'information, on présente différents points de vue et, effectivement, si on explique un aspect de la question pendant cinq minutes, il faudrait prévoir autant de temps d'antenne pour expliquer l'autre aspect.

La présidente : J'interviens maintenant non pas en tant que sénateur mais parce que j'ai déjà reçu des plaintes.

M. Hanlon : Oui. Je vous en ai probablement envoyé.

La présidente : Je sais pas, à moins que vous ayez écrit à Montréal.

M. Hanlon : J'ai beaucoup de sénateurs sur ma liste de messagerie. Vous avez probablement tous reçu des courriels de ma part.

La présidente : De toute façon, je dirais que si vous continuez à envoyer des plaintes qui sont précises et claires, sans accuser la station d'avoir des préjugés...

M. Hanlon : Évidemment.

La présidente : ...mais en lui reprochant de ne pas avoir fait la part des choses, cela va avoir un effet. Même si l'organe d'information ne veut pas admettre qu'il a eu tort, des plaintes rationnelles et justifiées finissent par donner des résultats. Voilà pour mon discours d'ancienne journaliste.

Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer.

M. Hanlon : Merci à vous tous, mesdames et messieurs les sénateurs.

La présidente : Nous vous sommes très reconnaissants.

M. Hanlon : J'ai eu beaucoup de plaisir à suivre vos travaux aujourd'hui. J'aimerais pouvoir m'offrir un voyage à Ottawa. Si vous voulez faire un don, je pourrais aller vous rendre visite à la salle du Sénat. Que Dieu vous bénisse.

La présidente : Merci.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu demain matin, à 9 heures, au Delta Barrington Hotel, à Halifax.

La séance est levée.


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