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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 15 - Témoignages - Séance du matin


HALIFAX, Nouvelle-Écosse, le mardi 19 avril 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorable sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous sommes à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous avons le grand plaisir de visiter ma province natale où nous continuons notre étude des médias d'information et du rôle que l'État devrait jouer pour aider les médias à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années. Il s'agit notamment de la mondialisation, des changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.

[Traduction]

Ce matin, nous sommes heureux d'accueillir M. Paul Schneidereit, président national de l'Association canadienne des journalistes, et M. Murray Brewster, qui est le représentant de la section de la Nouvelle-Écosse du Bureau national de direction de l'Association canadienne des journalistes. Je devrais probablement préciser que l'Association canadienne des journalistes n'est pas un syndicat, mais une association professionnelle. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer ce matin. Nous sommes heureux de vous accueillir. Je crois que vous comprenez essentiellement comment nous fonctionnons. Nous vous demandons de faire une déclaration d'une dizaine de minutes, après quoi nous allons vous poser des questions. Qui va commencer? Monsieur Schneidereit, la parole est à vous.

M. Schneidereit, président national, Association canadienne des journalistes : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et bienvenue à Halifax. Je m'appelle Paul Schneidereit et je suis éditorialiste et chroniqueur au journal The Chronicle-Herald. Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que président national de l'Association canadienne des journalistes. J'aimerais vous expliquer dans les grandes lignes le point de vue de notre association sur certaines des questions que votre comité examine. Mon collègue, Murray Brewster, représente la section de la Nouvelle-Écosse. Je vous remercie de nous donner l'occasion de comparaître devant vous. Ma déclaration sera brève pour laisser plus de temps à la discussion, au besoin.

L'Association canadienne des journalistes, qui en est maintenant à sa 27e année, est un organisme sans but lucratif qui sert de porte-parole aux journalistes canadiens. L'organisme a été fondé en 1978 pour encourager et soutenir le journalisme d'enquête. Aujourd'hui, c'est toujours un de nos objectifs les plus importants mais, au fil des années, notre mandat premier a évolué pour comporter maintenant deux grands rôles : le premier, assurer le perfectionnement professionnel de nos plus de 1 400 membres, surtout en organisant des ateliers et des tables rondes pendant notre congrès annuel qui a lieu tous les printemps et le National Writers Symposium qui se tient chaque automne ainsi que de nombreuses activités dans chacune de nos sections locales; et, le deuxième, défendre avec vigueur les intérêts des journalistes et le droit du public de savoir. Parmi les questions qui intéressent nos membres, ainsi que le grand public d'après nous, citons l'ingérence des policiers, quand ils se font passer pour des journalistes, saisissent leurs notes et leurs bandes et même les arrêtent simplement parce qu'ils font leur travail, l'absence de lois pour protéger ceux qui dénoncent des méfaits, une meilleure protection pour les journalistes qui veulent garder leurs sources confidentielles, les tentatives faites par certains éditeurs pour dépouiller les pigistes de leurs droits et même le dérapage dans la séparation vitale entre la publicité et la nouvelle.

Notre association est presque entièrement dirigée par des bénévoles. Notre seul employé est John Dickins, notre directeur exécutif, qui s'occupe d'arrache-pied de notre bureau à Ottawa. Le conseil d'administration est composé de journalistes actifs qui représentent des médias écrits et parlés de toutes les régions du Canada ainsi que de plusieurs pigistes.

Au sujet de la concentration de la presse, c'est le journalisme qui nous préoccupe. La liberté de presse, qui est inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés, est fondamentale pour notre démocratie. C'est donc dire qu'une démocratie saine et efficace doit avoir une presse saine et efficace qui renseigne la population, en lui présentant à la fois des informations de base sur ce qui se passe et des interprétations et des points de vue divers sur le monde qui l'entoure.

Les journalistes expriment les préoccupations du grand public. Nous voulons faire connaître les enjeux parce que la population a le droit fondamental de savoir. Notre mission, et j'emploie ce mot délibérément, rend beaucoup de journalistes farouchement indépendants. Les journalistes vont parfois croire en leurs reportages alors que leurs collègues, leurs rédacteurs et même leurs employeurs n'y croient pas. J'ai déjà été affectateur et je peux dire en connaissance de cause que diriger une salle de presse s'apparente parfois à essayer de former une meute de chats. Il reste que cette indépendance d'esprit, combinée à la persévérance et à un esprit critique implacable, a permis de mettre au jour des nouvelles d'une importance indéniable qui autrement seraient restées inconnues.

On retrouve ce genre de conflit dans toutes les salles de nouvelles. Parfois, les journalistes ont gain de cause, et parfois non. C'est pourquoi la diversité des points de vue est tellement importante. Ce qui n'est pas jugé important par une salle de nouvelles, pour une raison quelconque, pourrait l'être par une autre. La nouvelle qui n'est pas rapportée dans un quotidien pourrait l'être à la télévision, à la radio ou dans un hebdo local à moins, peut-être, que toutes ces sources d'information ne soient pas indépendantes les unes des autres.

L'Association canadienne des journalistes s'oppose catégoriquement à toute ingérence ou réglementation de la part du gouvernement en ce qui concerne le contenu éditorial des médias, sauf dans des situations comme la diffamation, qui sont déjà prévues par la loi. Nous ne pouvons pas dire quelle est la meilleure solution à propos de la concentration horizontale de la propriété de médias, mais nous croyons qu'il ne serait pas dans l'intérêt public qu'une seule entreprise soit propriétaire de tous les journaux au Canada, par exemple. Notre priorité est le journalisme d'enquête et le droit du public de savoir mais, quand nous sommes témoins d'actes qui nous semblent nuire à nos intérêts, nous nous faisons entendre et nous incitons les autres à en débattre.

Comme les journalistes sont souvent indépendants d'esprit, ce qui est une bonne chose, ils peuvent parfois être en conflit avec leurs employeurs. C'est la réalité et c'est aussi pourquoi il est tellement important d'encourager la diversité des points de vue.

Nous estimons que, par définition, la propriété croisée des médias sur un même marché peut avoir un effet négatif sur la diversité des points de vue. D'autres ont fait remarquer, et je suis d'accord là-dessus, que, si les États-Unis, qui sont le bastion de la libre entreprise, peuvent adopter des lois pour empêcher la propriété croisée des médias sur un marché afin de protéger la diversité des points de vue, nous devons nous demander pourquoi, au Canada, nous ne semblons pas attacher autant d'importance à ce grand principe.

D'autres témoins vous ont aussi proposé que le gouvernement contribue à sensibiliser davantage la population aux médias par un soutien accru à l'éducation. L'Association canadienne des journalistes appuie ces recommandations.

Pour conclure, je répète que l'Association canadienne des journalistes s'oppose à l'ingérence du gouvernement dans les salles de nouvelles du pays. Nous estimons, cependant, que des règles sur la propriété croisée des médias semblables à celles qui existent dans d'autres pays devraient être examinées afin que le Canada en tire des leçons. Il est essentiel, pour une démocratie saine et efficace, que le public ait accès à une diversité de points de vue.

M. Murray Brewster, représentant du chapitre de la Nouvelle-Écosse, Bureau national de direction, Association canadienne des journalistes : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et bienvenue à Halifax. J'aimerais vous remercier d'être venus nous rendre visite et de nous permettre de vous présenter notre point de vue. Je suis journaliste à la Presse canadienne et à Broadcast News. Je m'exprime ce matin au nom de la direction de l'Association canadienne des journalistes et non pas au nom de mon employeur.

Maintenant, cela dit, je veux simplement vous indiquer que, dans notre province, l'Association canadienne des journalistes représente une centaine de journalistes qui offrent leurs services à divers médias et différents employeurs. Nos membres travaillent pour la radio, la presse écrite, la télévision et les nouveaux médias et ils ont des expériences et des intérêts variés. Ils sont à l'emploi de diffuseurs publics et privés, ainsi que de quotidiens indépendants, d'hebdos et de journaux locaux.

Dans l'ensemble, pour ce qui est de la presse écrite, la question de la concentration dans notre province n'est pas un problème aussi important qu'ailleurs au pays. Le principal quotidien de la province, The Chronicle-Herald, est un journal indépendant et le seul à être distribué partout en Nouvelle-Écosse. Son principal concurrent est le Transcontinental Group, qui est propriétaire des journaux The Halifax Daily News, Truro Daily News, Cape Breton Post, The New Glasgow Evening News et Amherst Daily News ainsi que de nombreux hebdomadaires comme The Yarmouth Vanguard. À peu près partout, il y a une saine rivalité entre The Chronicle-Herald et les journaux des petites localités de la province. Notre association estime que la concurrence est utile, non seulement parce qu'elle assure plus d'emplois en journalisme, mais parce qu'elle est essentielle à la démocratie, comme M. Schneidereit l'a dit.

Vous allez constater que la Nouvelle-Écosse est l'une des provinces les plus actives sur le plan politique, ayant élu deux gouvernements minoritaires au cours des sept dernières années. Nous croyons que c'est attribuable en partie aux débats vigoureux et parfois déchirants que les enjeux soulèvent. La province est aussi bien servie par la radio et la télévision de Radio-Canada. Il y a également une saine concurrence entre la télévision de Radio-Canada et Atlantic Television System, ATV, une société Bell Globemedia, et la télévision de CanWest Global à Halifax.

Ce qui préoccupe surtout notre association en ce qui concerne la concentration de la presse dans la province, c'est la radio privée, qui est souvent la source des nouvelles et des informations dans les localités de l'ensemble de la province, y compris Halifax et Sydney. La vingtaine de stations de radio commerciales de la province appartiennent avant tout à quatre grandes chaînes : Maritime Broadcasting, NewCap Broadcasting, Astral Média et CHUM. Quant au groupe Irving, il possède seulement une station au sud de la province. Il y a encore quelques stations de radio locales indépendantes, principalement CJLS à Yarmouth, CKEC à New Glasgow, CJFX à Antigonish et CIGO à Port Hawkesbury.

Il y a 15 ans, la radio privée était en déroute. Dans les années 1980, le gouvernement de M. Mulroney a permis l'octroi d'un très grand nombre de licences radio et, au moment de la récession des années 1990, il y avait tellement de stations qui s'arrachaient le nombre trop restreint de commanditaires que l'industrie perdait des millions de dollars chaque année. Pour s'en sortir, on a d'abord relâché le contenu parlé des émissions de premier plan à la radio FM, ce qui a entraîné la réduction des émissions d'information. On a raccourci les bulletins de nouvelles et remercié des journalistes, mais ce n'était qu'un début. Ensuite, il y a eu concentration de la presse. Le CRTC a autorisé la concentration des stations de radio privées dans l'ensemble du pays de deux façons, notamment en permettant les ententes sur la gestion locale en vertu desquelles une ou plusieurs stations de radio concurrentes pouvaient se regrouper et partager leurs ressources. Au même moment, le Conseil a laissé un grand nombre de petites stations de radio indépendantes se faire avaler par de plus grandes chaînes.

Pour vous donner une idée des ravages faits aux salles de nouvelles des radios privées, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, la station CJCH de Halifax et sa concurrente CHNS comptaient environ 11 à 15 employés, et diffusaient des bulletins de nouvelles de six heures du matin jusque tard le soir et les week-ends. Aujourd'hui, les deux salles de nouvelles comptent trois et quatre employés qui produisent les bulletins de nouvelles pour deux et parfois trois stations de radio privées différentes.

La présidente : Il y en a trois ou quatre dans chacune ou trois ou quatre au total?

M. Brewster : Trois ou quatre dans chacune.

La présidente : D'accord, merci.

M. Brewster : Oui, trois ou quatre employés à chaque station de radio. Je sais qu'il y a de petits journaux locaux dans la province et la région qui se débrouillent avec seulement un journaliste. Ce qui a été le plus touché par la réduction de personnel et la concentration des médias est la capacité de la salle des nouvelles d'envoyer des journalistes couvrir les événements locaux. À Halifax, la radio privée ne dispose pas des ressources nécessaires pour rendre compte de ce qui se passe à l'hôtel de ville et à la cour municipale. Elle reprend ce qu'en disent les journaux locaux. Dans les petites localités rurales de la province, c'est à peine mieux parce que le journaliste, qui est souvent celui qui lit les nouvelles le matin ou l'après-midi, a à peine le temps de se présenter aux réunions entre les bulletins de nouvelles. Certaines salles de nouvelles n'ont pas assez d'employés pour travailler les fins de semaine. Cela a causé des problèmes, surtout au moment de l'ouragan Juan. Dans le rapport qu'il a produit après la catastrophe, Environnement Canada a exprimé sa frustration de ne pas avoir pu faire diffuser des avertissements météorologiques parce que les salles de nouvelles des radios privées n'avaient pas de personnel. Je peux vous fournir une copie de ce rapport si vous le voulez.

La présidente : Oui, j'aimerais bien que vous nous le remettiez.

M. Brewster : Il y a eu des plaintes semblables formulées au Nouveau-Brunswick après la tempête de verglas de 1998. Pour combler le manque de nouvelles, les stations de radio privées s'en remettent beaucoup au fil de presse, à Broadcast News. Vous pouvez penser que je trouve que c'est une bonne chose étant donné que c'est mon employeur, mais pas nécessairement. La contribution des membres des stations locales est un aspect très important du service de presse. Les correspondants de Broadcast News et de la Presse canadienne ne peuvent être partout où il se passe quelque chose. Nous comptons sur les idées et les contributions des stations de radio locales pour produire les bulletins de nouvelles nationaux. Ces contributions ont diminué de façon alarmante dans notre région depuis cinq ans parce que, dans bien des cas, il y n'y a personne dans les salles de nouvelles pour nous alimenter.

Je ne vais nommer aucune chaîne ou entreprise en particulier. Je vous ai décrit la situation générale des nouvelles dans les radios privées. Certains diront que ce n'est pas bien grave. La radio privée diffuse de la musique et, quand on veut des nouvelles on syntonise Radio-Canada. Effectivement, j'ai d'anciens collègues et directeurs des programmes radio qui sont de cet avis. Ce qui ne va pas, c'est que la concentration de la presse, le sujet de discussion d'aujourd'hui, limite la diversité des points de vue. En réduisant le personnel et le temps consacré aux nouvelles, en supprimant les bulletins de nouvelles les fins de semaine et en renonçant presque à donner des nouvelles locales, certains diffuseurs privés ont favorisé la concentration de la presse, qui s'oriente vers une source, Radio-Canada.

Il faut dire que la situation est peut-être sur le point de changer à Halifax avec l'ouverture d'une station de radio de nouvelles continues qui va être exploitée par Rodgers. La concurrence sera positive ici.

Je sais que l'Association canadienne des radiodiffuseurs a témoigné devant vous et vous a fourni une série de statistiques indiquant que le nombre de stations de radio a augmenté au pays et que la concentration est moins grande que dans les années 1970 et 1980. Tout cela est vrai. Il y a plus de stations qu'avant et plus de joueurs dans l'industrie, mais j'encouragerais le comité à ne pas examiner la concentration de la presse seulement du point de vue de la propriété. Indépendamment du fait qu'il y a plus de stations, les Canadiens reçoivent leurs informations d'un bassin plus réduit de journalistes. Les chiffres vont montrer que les gens écoutent davantage les nouvelles à la télévision qu'à la radio. En fait, j'ai entendu des gens dire que la radio est sur son déclin à cause d'Internet. Eh bien, je ne suis pas cet avis parce que, quand les gens se lèvent le matin, ils allument la cafetière et ensuite la radio pour savoir quel temps il va faire et ce qui se passe chez eux. C'est d'autant plus vrai dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse.

L'Association canadienne des journalistes croit fermement que la radio privée a un rôle important à jouer, surtout dans les petits centres de la province et nous espérons vraiment que votre comité va le reconnaître et va appuyer les recommandations qui vont rétablir son rôle.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Brewster, vous parlez de la concentration des stations de radio et peut-être de la diminution des nouvelles, mais vous dites aussi que le nombre des stations de radio a augmenté; quelle serait la solution, avoir moins de stations de radio, en avoir plus, ou avoir plus de concurrence? On ne peut pas prévoir un mandat ou des lois, ou on le peut peut-être, en disant « Vous devez diffuser des nouvelles », alors quelle politique publique devrait être élaborée pour régler le problème?

M. Brewster : D'abord, sénateur, c'est à des gens plus intelligents que moi de comprendre le problème, mais je dirais que les stations de radio ont été réglementées pour diffuser un certain nombre d'émissions d'information avant 1990. On a renoncé à cette réglementation plus ou moins pour de bonnes raisons parce que l'industrie connaissait de grandes difficultés mais, pour l'Association canadienne des journalistes, tous les diffuseurs qu'ils soient privés ou publics comme Radio-Canada, ont le devoir de fournir des informations à la population locale. Pour ce qui est de ce que la loi devrait prévoir précisément, je n'ai pas d'idée claire là-dessus. J'aimerais voir ce qui va ressortir de vos délibérations.

Le sénateur Tkachuk : Devrait-il être plus facile d'obtenir une licence de radiodiffusion, ou plus difficile?

M. Brewster : Je pense qu'il est déjà assez difficile d'en obtenir une.

Le sénateur Tkachuk : Je sais, mais est-ce que cela devrait être plus facile?

M. Brewster : Est-ce que ce devrait être plus facile?

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ce devrait être plus facile de pénétrer le marché? En ce moment, c'est assez difficile, mais est-ce que ce devrait être plus facile de pénétrer le marché, d'avoir plus de stations de radio?

M. Brewster : S'il devrait y avoir plus de stations de radio?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

M. Brewster : Je ne suis pas un expert de la situation dans le reste du pays, mais je pense qu'en ce moment, le marché dicte habituellement combien de stations de radio il peut y avoir. Les fonds de publicité son limités, et pour ce qui est des obstacles réglementaires, je dirais que de notre point de vue, la situation est assez acceptable.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous avez parlé de la propriété croisée, monsieur Schneidereit, vous avez mentionné la politique publique américaine sur la propriété croisée. Cette politique devrait-elle être nationale ou locale? Autrement dit, devrait-on prévenir la propriétaire croisée dans la ville de Halifax, par exemple, ou dans la province de la Nouvelle-Écosse plutôt qu'à l'échelle nationale, où on dirait : « Oh! Peut-être que Global ne peut pas être propriétaire du Mclean's », qui est un magazine de nouvelles? Qu'aviez-vous en tête?

M. Schneidereit : Lorsque j'ai dit cela, je pensais vraiment aux marchés locaux. Vous savez qu'on dit toujours que les gens se soucient d'abord et avant tout des nouvelles locales.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

M. Schneidereit : À Halifax, nous avons de la chance parce qu'il y a de la concurrence, donc il y a des voix différentes. Je pensais plutôt aux marchés uniques où les consommateurs de nouvelles n'ont qu'un choix limité parce que toutes les voix sont sous le contrôle du même propriétaire, en théorie.

Le sénateur Tkachuk : Oui, donc si Global voulait vous acheter, ce devrait être un problème?

M. Schneidereit : Je ne peux pas prononcer pour The Chronicle-Herald sur ce qu'il aimerait ou non.

Le sénateur Tkachuk : Prétendons que vous en êtes propriétaire. Est-ce que ce serait un problème à vos yeux?

M. Schneidereit : S'ils n'étaient pas déjà dans ce marché? Mais ils y sont.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

M. Schneidereit : Oui, ce pourrait être un problème. Je ne connais pas en détail les règles de tous les autres pays en ce qui concerne la propriété croisée.

Le sénateur Tkachuk : D'accord.

M. Schneidereit : Je sais qu'il y en a dans divers autres pays, donc je serais porté à dire que de toute évidence, ces règles existent pour une raison. C'est une question de politique publique, et on a jugé qu'elle était assez importante pour que ces règles existent, donc nous devrions nous pencher sur la question.

Le sénateur Tkachuk : En fait, il ne manque qu'un journal pour que toute la province appartienne à la même personne, pour ainsi dire, « Bienvenue en Saskatchewan ». Si votre journal était vendu à cette autre chaîne, ce serait fini. Il y aurait une entreprise qui serait propriétaire de pratiquement tous les quotidiens, parce qu'elle semble posséder tous les quotidiens sauf le vôtre, n'est-ce pas?

M. Schneidereit : Je pense que oui.

Le sénateur Tkachuk : Il y aurait alors évidemment un monopole dans la province. Ce serait une question pour le Bureau de la concurrence, je pense. Je n'en suis pas certain. Cela existe dans d'autres provinces, comme la mienne, ou il y a le Leader-Post, The Star Phoenix et quelques autres quotidiens qui appartiennent tous à la même personne.

M. Schneidereit : Oui, comme je l'ai déjà dit, s'il y a propriété horizontale d'un certain nombre de journaux, nous ne voulons pas vraiment déterminer à combien de journaux fixer la limite, parce que nous ne pensons pas que ce soit notre rôle. Ce qui me dérange de la grande propriété croisée, c'est que si l'on allume sa radio ou son téléviseur ou encore qu'on ouvre un journal, tout le contenu vient de la même source. Nous y voyons un problème de diversité.

Le sénateur Munson : Je ne peux pas croire que 40 ans se sont passés. Vous avez mentionné CJLS. C'est là où j'ai commencé en 1965, à 32 $ par semaine, et comme vous n'êtes pas ici pour The Chronicle-Herald, mais que vous travaillez pour The Chronicle-Herald, je devais lire les nouvelles du The Chronicle-Herald. Tout le monde retournait chez soi pour dîner et voir combien de fautes je ferais. Je me rappelle avoir fait une grossière erreur à l'époque. J'avais dit que le premier ministre Leaster B. Pearson avait affirmé que si les Canadiens ne se serraient pas la ceinture, nous allions tous souffrir de grave infalation (sic), parce que je n'avais jamais vu ce mot auparavant. Nous n'avions pas de fil de presse, mais nous avions des propriétaires différents. C'était une autre époque; c'était la belle époque, il y a 40 ans!

Tout cela pour dire que j'adore la radio privée. J'adore la SRC et j'aime la radio privée. J'ai fait mes débuts à la radio privée. Je me demande, monsieur Brewster, si vous croyez que le CRTC devrait revenir à cette réglementation qui obligeait les stations de radio privées à diffuser au moins une certaine quantité de nouvelles ou, selon la taille du marché, à dépêcher un journaliste aux assemblées publiques locales. J'ai beaucoup d'empathie pour votre argument, parce que nous l'avons déjà vu. Nous avons reçu des représentants de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui nous ont balancé une série de statistiques sur la situation. Ils nous ont dit combien tout avait changé, parce que nous sommes passés du AM au FM, donc il y a une façon de parler et par conséquent, les nouvelles occupent une place différente. C'est une chose que d'entendre des gens râler à la radio et c'en est une autre que d'assurer la couverture de l'actualité et de servir les citoyens. Croyez-vous qu'on devrait remettre certaines règles en vigueur pour que les voix de la démocratie soient entendues dans nos collectivités?

M. Brewster : Comme je l'ai déjà dit, je ne veux pas être catalogué à une solution en particulier, parce que l'industrie a ses difficultés. Cependant, je pense que le CRTC devrait l'envisager, en être conscient et y réfléchir. Je ne dis pas qu'il devrait remettre en vigueur des règlements qui existaient dans les années 80, parce que franchement, certains d'entre eux étaient absolument idiots. Cependant, je pense vraiment que l'industrie devrait travailler davantage avec le CRTC et que le CRTC devrait travailler avec l'industrie; ils doivent reconnaître qu'il doit y avoir un certain degré d'engagement communautaire. C'est le plus précis que je peux être.

Le sénateur Munson : Au Canada atlantique, pouvez-vous me rappeler qui possède quoi encore? J'étais en train de le prendre en note, et je suppose que j'ai Maritime, puis Astral, et cetera.

M. Brewster : Je peux vous parler de la situation de la Nouvelle-Écosse, oui.

Le sénateur Munson : Oui, je voulais dire la Nouvelle-Écosse.

M. Brewster : À Halifax, nous avons les stations de radio CJCH et C100, qui appartiennent au groupe CHUM. Elles font actuellement l'objet d'une entente de gestion locale avec NewCap Broadcasting, qui possède CFDR et Q104. Ce groupe est aussi copropriétaire de COOL FM. Son appellation a changé récemment, c'était Sun FM avant, à Halifax. Ces cinq stations de radio font partie de l'entente de gestion locale. La grande concurrence vient des stations CHNS et Country 101, qui appartiennent à la chaîne Maritime Broadcasting. Cette chaîne possède CKDH à Amherst, en Nouvelle-Écosse, et CKEN, à Annapolis Valley. Elle possède aussi CJCB et la radio country FM. Je ne me rappelle plus des lettres qui la désigne. Si je ne me trompe pas, elle est aussi copropriétaire de CHER à Sydney. Les trois stations de radio que je viens de mentionner à Sydney font toutes partie elles aussi de l'entente de gestion locale. Nous avons ensuite la station de radio Irving, CKBW, le long de la rive Sud, à Bridgewater. Nous avons CJLS, qui est de propriété indépendante, à Yarmouth. Il y a ensuite CKEC, de propriété indépendante, à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. Nous avons CIGO et ses affiliés FM à Port Hawkesbury, qui sont formés en coopérative, si je ne me trompe pas. À Truro, il y a la radio combo FM, qui appartient au groupe Astral.

Le sénateur Munson : Dites-vous que la majorité d'entre elles n'ont pas de journaliste assurant la couverture des nouvelles locales?

M. Brewster : Non, non, tout dépend de la station de radio et de sa volonté, mais il y a de une à trois personnes dans la plupart des salles de nouvelles rurales. Bien souvent, il y en a trois, s'il s'agit d'une station de radio FM ou d'une combinaison AM/FM. C'est seulement que les salles de nouvelles sont très, très petites dans la province.

Le sénateur Munson : Vous avez piqué ma curiosité, vous avez dit que certaines stations n'étaient pas en mesure de diffuser les avertissements la fin de semaine, qu'elles n'avaient pas de personnel sur place non plus. Est-ce que la radio publique, les stations ou les propriétaires essaient d'économiser? Est-ce qu'ils essaient de réduire leurs coûts au minimum en disant qu'il n'y a pas de nouvelles la fin de semaine? Je pense, entre autres, à Global Television, qui était très fière l'an dernier ou une autre année de dire qu'elle avait maintenant un bulletin de nouvelles de fin de semaine. Je pensais qu'il y avait des nouvelles sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Je veux dire, où la fierté? Ce ne devrait pas être une question.

Brewster : Certaines stations de radio, cela dépend de chacune, n'ont pas de bulletin de nouvelles la fin de semaine. Certaines dépendent du Broadcast News National Report, le BNR, qui est diffusé toutes les heures et est transmis par satellite. Dans l'exemple concret de l'ouragan Juan, la nouvelle venait d'un rapport d'Environnement Canada. J'ai préparé un reportage à ce sujet l'an dernier, et Environnement Canada essayait de diffuser des avertissements météo. Le ministère voulait diffuser ces avertissements par les agences de transmission. Je ne sais pas à quel point les sénateurs savent comment fonctionnent les salles de nouvelles, particulièrement celles pour la radio, mais bien sûr, les agences de transmission produisent les bulletins locaux, et s'il y a un bulletin météo, un message apparaît à l'écran des ordinateurs de la plupart des salles de nouvelles, mais il doit y avoir là quelqu'un pour le lire. Les gens d'Environnement Canada ont appelé certaines salles de nouvelles locales et sont tombés sur des répondeurs, parce qu'il n'y avait personne pour répondre. Les fonctionnaires ont exprimé une grande frustration et ils ont fini par appeler notre salle de nouvelles et nous dire : « Écoutez, nous voulons que les gens sachent que cette tempête s'en vient. » Bien sûr, l'agence de transmission a préparé un reportage puis, comme on l'a dit, tout le reste s'est enchaîné. Le même mécontentement a été exprimé après la tempête du verglas au Nouveau-Brunswick, en 1998.

Le sénateur Munson : Quelle est l'importance de l'agence de transmission pour les journaux, la radio et la télévision des petites villes?

M. Brewster : Elle est absolument indispensable.

Le sénateur Eyton : Nous avons eu des rencontres dans tout le Canada, où nous avons parlé à toutes sortes de Canadiens d'horizons différents sur le sujet qui préoccupe le comité, et je vous dirais que nous avons fréquemment entendu qu'il manque de diversité. Je suis un grand féru de nouvelles. Je lis tout ce que je peux, j'écoute tout ce que je peux et à l'occasion, je prends même la peine d'y réfléchir. Il y en a plus que je ne peux en absorber. J'aime me rappeler de l'époque où il y avait une, deux ou peut-être trois chaînes de télévision, quelques journaux et quelques stations de radio privées. La diversité d'aujourd'hui, pas seulement dans ces secteurs, mais aussi dans les autres sources comme l'Internet et la diffusion par satellite, m'offre un menu des nouvelles et d'informations que je ne peux pas absorber. Il n'y a simplement pas assez de temps pour le faire. Vous n'avez absolument rien dit sur les nouvelles technologies et les nouvelles sources de nouvelles ou d'information. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je m'adresse aux deux témoins, je pense.

M. Schneidereit : Oui, il ne fait aucun doute qu'avec l'Internet, les satellites et tout le reste, il y a divers choix pour les personnes branchées. Je suis moi aussi un féru de nouvelles; je navigue sur Internet tous les matins et tous les soirs. Je peux trouver des nouvelles quand je veux, mais tout le monde ne mange pas de nouvelles comme moi. Il y a des gens qui sont très occupés et dont la seule source de nouvelles est peut-être la radio qu'ils écoutent en se rendant au travail et le journal qu'ils feuillettent au bureau ou ailleurs. Il y a différentes personnes dans différentes circonstances. Sans répéter les critiques sur le degré de convergence, je crains que dans les marchés uniques, il y ait des personnes n'ayant pas accès à Internet ou à d'autres médias pour une raison ou une autre, par manque de temps ou autre chose, qui n'aient pas de diversité.

Le sénateur Eyton : Monsieur Brewster?

M. Brewster : Monsieur le sénateur, je ne vais pas m'inscrire très en faux avec ce que vous dites. Il y a de multiples diffuseurs de nouvelles maintenant. Les ramifications n'ont jamais été aussi nombreuses qu'en ce moment, mais laissez- moi vous poser une question : y a-t-il une partie du contenu qui n'est que répétition ou régurgitation des mêmes nouvelles?

Le sénateur Eyton : Bien sûr.

M. Brewster : Dans bien des cas, les sources de nouvelles et d'information ont beaucoup de ramifications, mais il n'y a qu'une ou deux grandes sources qui alimentent ces canaux d'information, et c'est ce qui nous intéresse. Laissez-moi vous donner un exemple, pour revenir au problème de la radio privée que j'ai mentionné. Je couvre le Parlement néo- écossais pour le BN et le CP, et il y a à peine 10 ans il y aurait eu au moins deux autres représentants de radio privée là, et chacun aurait préparé son propre reportage. Maintenant, il n'y a que ma voix qui est diffusée, ma perception de l'affaire, et c'est cette perception qui est diffusée dans toute la province. Il y a tant de véhicules différents pour diffuser les nouvelles; je pense que nos collègues de Toronto les appellent « platforms ». Il y a les téléphones cellulaires et ces petits appareils audio qu'on trouve dans les ascenseurs de Toronto. Il y a les casques radio et les baladeurs. Il y a le Blackberry. Cependant, vérifiez d'où vient l'information et voyez si ces sources sont diversifiées.

M. Schneidereit : Passons à votre couverture du sous-marin en Écosse.

M. Brewster : C'est un autre exemple. J'ai été envoyé en Écosse pour couvrir la tragédie sous-marine et je devais alimenter à la fois la radio et les journaux, mais il y avait très peu de médias canadiens là-bas en comparaison avec les années antérieures. La SRC est venue une journée environ. La radio de Radio-Canada n'a pas pu envoyer de correspondant national. Elle a réussi à envoyer seulement un pigiste quelques jours. Le fait est qu'il faut se rendre compte que la source de toutes ces ramifications est assez restreinte.

Le sénateur Eyton : On peut avoir certaines opinions sur certains sujets. J'ai l'impression que pour les questions plus vastes, d'ampleur plus que régionale comme toute la commission Gomery en ce moment, il y a beaucoup de voix, beaucoup d'opinions et beaucoup de diversité, mais il y a peut-être une lacune au Canada en ce qui concerne les nouvelles et la couverture locales. C'est ce qu'on nous répète un peu partout au pays. L'une des solutions possibles serait la diffusion communautaire, les stations de radio de faible puissance et les petits journaux, pratiquement de quartier. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de cette possibilité pour contrer la pénurie de nouvelles et de couverture locales que les Canadiens semblent vouloir?

M. Schneidereit : Oui. Je pense que c'est évident. Je pense qu'il y a des questions dont les gens veulent parler, et ils trouvent les moyens d'en parler; pas partout, mais cela arrive beaucoup. À Halifax, il y a un hebdomadaire qui est sorti, The Coast. Il vient de célébrer sa 500e édition. C'est une option. On le voit clairement sur Internet, l'avènement de ce qu'on appelle les carnets Web ou « blogues », où les gens parlent de ce qui se passe dans leur localité. Je pense que les gens veulent diffuser leurs nouvelles. Je ne suis pas certain qu'on puisse se fier aux blogues et aux petits médias dans toutes les collectivités, par contre, pour obtenir des nouvelles locales.

Le sénateur Eyton : Vous avez mentionné plus tôt le manque de publicitaires et de fonds de publicité. Pouvez-vous proposer d'autres sources de revenu qui permettraient à un plus grand nombre de journalistes de diffuser les nouvelles et l'information?

M. Brewster : Tout ce que je peux vous répondre, c'est que nous avons un diffuseur public, qui fait de l'excellent travail, et que nous avons l'industrie privée, qui devrait dépendre strictement de ses revenus de publicité. Je ne vois pas d'autre moyen dans le marché pour remédier à la situation.

Le sénateur Eyton : Par exemple, la possibilité d'avoir des abonnés à n'importe quel niveau ou d'une approche à la PBS aux États-Unis dans laquelle des personnes apportent leur soutien à divers médias. Est-ce possible au Canada.

M. Brewster : Le Canada n'est pas assez grand pour avoir une organisation du modèle de PBS.

Le sénateur Eyton : Qu'en est-il d'un journal local ou d'une station radio de faible puissance? Est-ce possible?

M. Schneidereit : Je pense que cela existe déjà dans une certaine mesure. Sur la côte Est, ici en Nouvelle-Écosse, une petite station radio a commencé à émettre il n'y a pas longtemps et ils comptent sur le soutien des auditeurs de la collectivité pour envoyer des donations s'ils aiment les émissions. Je ne dirai pas que ce n'est pas possible, mais je crois que cela dépend de la compétence de ceux qui veulent se faire entendre pour trouver un tel financement.

Le sénateur Eyton : Pour que cela fonctionne, oui.

Qui réussit? Je me souviens que nous surveillions de très près ce que les autres faisaient, la façon dont ils le faisaient et s'ils le faisaient mieux que nous, afin de les imiter et de faire mieux qu'eux. Avons-nous été meilleurs à un certain moment ou à un certain endroit? En fait, que devrions-nous faire aujourd'hui? Il me semble qu'il vous faut des normes ou des paravents que vous utiliserez pour mesurer votre propre performance. D'après vous, qui réussit?

M. Schneidereit : Je pense que des marchés réussissent très bien et il y en a d'autres où la recherche de cette diversité pose un problème. Je ne vais pas choisir d'endroit, à part Toronto, évidemment, qui offre beaucoup de choix, mais il y a un grand marché. Je pense que nous avons de très bons résultats ici, à Halifax. Nous avons la chance d'avoir un journal indépendant et la concurrence est saine. L'ACJ n'est pas un syndicat et nous ne prenons pas partie dans les relations syndicales-patronales. Nous essayons de parler de journalisme et nous exprimons nos préoccupations quand nous estimons qu'il n'y a pas autant de diversité qu'il en faudrait dans certains endroits et certaines situations.

Le sénateur Eyton : Vous avez mentionné votre rôle dans la promotion du journalisme ou de bons journalistes. Pouvez-nous donner un peu plus de détails? Je devrais peut-être dire qu'il y a quelques années, je faisais partie d'un groupe qui avec, l'argent d'Eric Jackman, je crois, a créé la Fondation pour le journalisme canadien. Ça commencé comme une sorte d'exercice descendant qui a complètement échoué, à mon avis, puis quelqu'un a eu une bonne idée et a dit : « Au lieu d'une direction pyramidale, qui ne sait pas très bien comment s'y prendre, pourquoi ne pas commencer avec les journalistes? Demandons-leur d'élaborer des programmes et de se consulter, puis nous leur offrirons des séminaires et des assemblées où ils pourraient acquérir des connaissances des spécialistes dans divers domaines. » Cela a donné de très bons résultats. Je suppose que vous connaissez les travaux de la Fondation pour le journalisme canadien?

M. Schneidereit : Oui.

Le sénateur Eyton : Est-ce le genre de choses que vous feriez au sein de votre association de journalistes?

M. Schneidereit : Un bref historique : Quand l'AJC a été fondée en tant que Centre de la presse d'enquête, je crois qu'il y avait 400 ou 500 membres, peut-être 600 au plus. Puis, le nom a été changé au début des années 90, je crois, et est devenu l'Association canadienne des journalistes afin d'inclure tous les journalistes, d'enquête ou non. Il y a aujourd'hui environ 1 400 membres ou un peu plus. Nous travaillons surtout au niveau local. Nous tenons une conférence nationale tous les printemps dans différentes villes du pays. Cette année, ce sera à Winnipeg où un comité local prépare cette conférence depuis un an. Le comité a organisé des groupes de discussion et des ateliers sur l'évaluation des compétences, a contacté et invité des orateurs réputées qui parleront de sujets d'actualité. Mais ce sont les groupes locaux qui décident du programme. Nous nous attendons à ce qu'il y ait 300 journalistes ou plus à Winnipeg le mois prochain durant cet événement de trois jours, il y aura beaucoup de perfectionnement professionnel. Depuis 1998, nous tenons chaque automne, ce que nous appelons, un colloque national des écrivains qui dure une journée et demie et qui est axé sur les compétences. L'automne dernier, nous étions à Charlottetown, un marché très petit, mais il y avait 75 journalistes qui ont assisté pendant un jour et demi à des ateliers sur les techniques de l'interview, le travail éditorial, la rédaction, les compétences liées au journalisme de radio-télévision et toutes sortes de choses. Puis, des sections régionales partout au Canada organiseront des événements où il y aura des discussions et des ateliers sur l'évaluation des compétences. C'est un de nos deux objectifs principaux. Voilà ce que nous essayons de faire.

Le sénateur Eyton : Oui.

M. Schneidereit : Ce qui nous importe, c'est le nombre de participants, pas seulement de la région locale, mais pour une conférence nationale, ceux qui voyagent en en avion de partout, voilà ce que veulent nos membres. Nous aimerions faire plus, mais le fait que notre organisation soit sans but lucratif et soit administrée bénévolement, nous sommes limités par les fonds provenant des droits d'adhésion qui constituent de loin le plus gros pourcentage de nos finances.

Le sénateur Eyton : C'est très impressionnant. Que pourrait faire le comité pour vous aider dans le processus que vous venez de décrire?

M. Schneidereit : Je crois qu'un encouragement moral serait apprécié. Nous sommes autonomes et nous faisons ce que nous pouvons.

Le sénateur Eyton : C'est une autre façon de le dire, n'est-ce pas?

La présidente : Je ne sais pas si cela est vraiment nécessaire, mais j'essaie toujours de parler avec le plus de transparence possible. Je dois dire que j'ai travaillé longtemps avec deux de vos pères fondateurs, Don McGillivray et Henry Aubin, dans des journaux différents, mais pendant plusieurs années avec chacun d'entre eux. J'avais et j'ai toujours beaucoup de respect pour ces deux personnes. Monsieur Brewster, vous avez dit que Rogers Communications va inaugurer une station de nouvelles en permanence à Halifax. Savez-vous si ses plans ou ses conditions de licence comprennent un contenu local dans un programme de nouvelles en permanence?

M. Brewster : Oui. La demande affichée dans le site Web et qui a été approuvée par le CRTC prévoit un petit réseau régional de stations de radio — une à Halifax, une à Moncton et une à Saint John — avec une équipe des nouvelles dans chaque ville. Une fois de plus, je ne sais pas si c'est exactement ce qu'ils veulent faire quand ils seront sur les ondes plus tard cette année, mais la « roue des heures », comme on dit, prévoyait que l'émission du matin serait diffusée à partir de Halifax avec des interventions locales pour les stations de Moncton et de Saint John. Le programme de midi serait diffusé de Moncton, au Nouveau-Brunswick, avec des interventions locales pour les nouvelles locales faites à partir de Halifax et de Saint John. Les émissions ciblant les automobilistes de l'après-midi seraient diffusées à partir de Saint John, au Nouveau-Brunswick, mais avec des interventions locales de Halifax et de Moncton. Il est prévu d'employer 38 personnes pour Halifax. Ces informations proviennent du site Web du CRTC.

La présidente : Ce nombre comprend-il les personnes chargées de la publicité et des ventes, les techniciens et tout le monde?

M. Webster : Oui, cela comprend tout le monde.

La présidente : Peut-on supposer que cela inclurait un nombre raisonnable de journalistes?

M. Webster : Il faut espérer.

La présidente : Ce que vous avez dit au sujet de la diminution des grandes salles de nouvelles radiophoniques n'est pas nécessairement unique à cette ville, je voudrais que vous nous décriviez plus en détail leur fonctionnement afin que nous comprenions. Par exemple, à Montréal, le fait que les nouveaux propriétaires de la station de radio CKAC aient l'intention de fermer la salle de nouvelles radiophoniques qui compte 17 journalistes a suscité beaucoup de protestations. En contrepartie, ils ont offert au CRTC qu'ils établiront dans un certain nombre de régions où il y a aussi de bonnes stations de radio, mais où il n'y avait pas de journalistes d'établir un journaliste ou un journaliste et demi. Mes collègues du Québec me disent que cette proposition réjouit les régions. À Montréal, il y a beaucoup de protestations. Pouvez-vous nous expliquer la différence en termes de travail, de productivité, de capacité et de possibilités entre une salle de nouvelles radiophoniques centrale de 17 journalistes qui n'est pas diffusée dans les région et d'un réseau d'un seul journaliste, mais bien placé dans une région? Quelle est la différence?

M. Webster : En ce qui concerne Montréal, je ne connais pas très bien la situation, donc je ne veux pas me prononcer là-dessus.

La présidente : Non, je veux dire en général. Je me suis seulement servi de cela comme exemple pour suggérer que Halifax n'est pas le seul endroit qui a ce problème.

M. Brewster : Non, non et je suis d'accord avec vous, mais à mon avis, ayant été chef des nouvelles, il est logique, en terme de couverture, de disperser les employés, donc, oui, ce devrait être fait en terme de couverture. Cependant, est-ce fait pour cette raison ou pour une raison commerciale afin de camoufler les coupures? Je dis cela tout à fait théoriquement. Je ne veux pas laisser entendre que c'est ce qui se passe à Montréal. C'est l'une des questions que l'on doit se poser chaque fois qu'une réorganisation de ce type est faite. Autre chose, si une station de radio promet d'avoir un nombre « X » d'employés, la plupart du temps, elle peut ne pas avoir autant d'employés. C'est un cas isolé, mais je sais que des stations de radio ont promis à la commission qu'elles recruteraient un nombre « X » de journalistes et qu'elles ne l'ont pas fait. Encore une fois, il s'agit de cas isolés. Je n'ai pas ces renseignements spécifiques; c'est, donc, une autre question qui devra être posée. Pour ce qui est de votre question, si c'est logique d'un point de vue de couverture, en fonction de la géographie, du lieu de l'événement, alors bien sûr, il est préférable de disperser les journaliste et ne pas les avoir tous à un même endroit central. On peut se demander si même à un endroit central, le nombre de journalistes suffit pour les reportages essentiels ou fondamentaux? Pour quelqu'un qui travaille dans les nouvelles ou un journaliste, pour moi, dans une collectivité, les reportages essentiels et fondamentaux se font évidemment au conseil municipal et aux tribunaux et si vous avez suffisamment de journalistes, les commissions scolaires et les différents conseils d'administration des hôpitaux, et cetera. Je pense que c'est un problème qui se pose, aujourd'hui, au secteur privé de la radio qui a un nombre de journalistes qui suffit à peine à couvrir, même, les reportages fondamentaux.

La présidente : Si vous êtes le seul journaliste à Pictou, Granby ou ailleurs, que pouvez-vous faire? Vous vous levez le matin et vous avez supposément une journée de huit heures qui peut s'étendre à 10 heures, mais probablement pas plus si vous avez un conjoint et des enfants. Que faites-vous de ce temps?

M. Brewster : Si vous étiez le seul journaliste dans une station de radio, et cela dépend de la station de radio et des circonstances, la journée peut inclure la lecture de quelques nouvelles le matin. Par exemple, je connais des gens qui se réveilleront et liront les nouvelles sur les ondes de leur station radio locale. Les premières nouvelles sont diffusées à 6 heures du matin, ce qui veut dire qu'ils doivent être à la station aux environs de 4 heures du matin pour se préparer. Ils liront des nouvelles jusqu'à 9 heures ou 10 heures du matin. Puis, ils prendront un magnétophone, un microphone, sortiront et s'il y a une conférence de presse, ils la couvriront ou s'il y a quelque chose au tribunal, ils feront le reportage au tribunal et retourneront pour lire les nouvelles de midi. Il n'est pas inhabituel pour certains de ces journalistes de travailler tout l'après-midi, couvrir des événements, même lire les nouvelles diffusées en fin d'après-midi jusqu'à 18 heures.

La présidente : Rédigent-ils eux-mêmes les nouvelles?

M. Brewster : Oui.

La présidente : À partir de quelle source, la Presse canadienne et Broadcast News?

M. Brewster : La presse canadienne, les vérifications policières.

La présidente : Oui.

M. Brewster : Je peux aussi dire, en connaissance de cause, qu'aujourd'hui les journalistes qui restent dans les salles de nouvelles radiophoniques privées, car il en reste si peu, comptent davantage sur ce les communiqués de presse, les documents et les vérifications policières qui leur sont remis. Je ne veux pas dire qu'il y a des imprécisions, mais l'esprit critique et la capacité de s'interroger sur la validité de ce qui leur a été remis en souffre.

Permettez-moi de vous donner en exemple un problème spécifique qui se pose aux radiodiffuseurs privés aujourd'hui, je dirais même à tous les médias. Dans le reportage des crimes et des incidents signalés à la police, les autorités ont eu tendance, ces cinq dernières années, à garder le silence. Il faut vraiment se battre pour obtenir le moindre renseignement sur un accident mortel courant ou sur un incident en cours. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a eu un incident, il y a quelques années, au pénitencier de Renous au Nouveau-Brunswick. La seule information communiquée par Corrections Canada annonçait l'hospitalisation d'un prisonnier blessé par coups de poignards. C'était tout. Cette nouvelle a été envoyée au bureau de Halifax. Est-ce qu'il y a eu une émeute? Que s'est-il passé là-bas?

La présidente : Est-ce qu'un gardien avait été pris en otage?

M. Brewster : Oui, est-ce qu'un gardien avait été pris en otage, et cetera? Toutefois, les autorités n'ont rien dit d'autre. C'est tout ce qu'ils nous avaient communiqué et c'était tout ce que je pouvais lire aux nouvelles à la station de radio. Ce genre de situation a diminué la capacité de vérifier, de chercher à en savoir plus ou de contester les renseignements donnés.

Le sénateur Tkackuk : À Saskatoon, il y a un plus grand nombre de stations radio aujourd'hui qu'à l'époque. Il n'y a pas si longtemps, il n'y en avait que trois ou quatre. Il y avait CFQC AM et CKOM. Le poste régional se trouvait à Rosetown, pour l'amour de Dieu, et la SCR. C'était tout. Aujourd'hui, il y en a des tonnes. Y a-t-il eu une époque quand les nouvelles radiophoniques étaient vraiment plus importantes qu'elles ne le sont aujourd'hui, car je ne m'en souviens pas? Je ne pense pas que ce soit pire. Je ne sais pas si elles se sont améliorées avec la multitude de stations radio. Vous semblez dire qu'il y a un problème, mais la preuve serait un nombre de journalistes beaucoup plus inférieur et moins de nouvelles et points de vue différents. Si l'on tient compte de tout ce qui s'est passé depuis; c'est-à-dire, un nouveau réseau de télévision, Internet et toutes ces choses. Je vous en prie.

M. Brewster : Y a-t-il jamais eu un âge d'or de la radio, monsieur?

Le sénateur Tkackuk : Oui, des nouvelles radiophoniques.

M. Brewster : J'ai travaillé pendant 21 ans dans les nouvelles radiophoniques et je peux vous dire que durant le temps que j'y ai passé, il y a eu une diminution de la capacité de la radio à donner des nouvelles à titre privé. Vous pouvez demander cela à n'importe qui a travaillé longtemps dans ce secteur, il sera d'accord.

Votre deuxième question était, est-ce vraiment important?

Le sénateur Tkachuk : Oui, si vous les obtenez d'une autre source.

M. Brewster : C'était seulement mon avis personnel, monsieur.

Le sénateur Tkachuk : C'est justement ce que nous voulons.

M. Brewster : Oui. Pour beaucoup de gens, la radio est encore un moyen important de se tenir informé. Ce n'est jamais, à mon avis, la priorité, mais, comme je l'ai dit dans ma déclaration, quand les gens se lèvent le matin, la première chose qu'ils font habituellement après avoir fait une tasse de café, c'est d'allumer la radio et d'apprendre ce qui s'est passé dans leur collectivité. Je crois qu'ils le font très consciemment. Les images de la télévision étant tellement fortes visuellement, les gens diront automatiquement qu'ils entendent la plupart des nouvelles à la télévision. En tant que consommateur de nouvelles, je ne le crois pas, car la plupart du temps, c'est par la radio que les gens qui sont au travail, à la maison ou qui conduisent leurs voitures entendent quelque chose pour la première fois.

M. Schneidereit : Me permettez-vous de répondre?

Le sénateur Tkachuk : Je vous en prie.

M. Schneidereit : Je n'ai travaillé que dans la presse écrite, donc je ne peux parler qu'en tant qu'auditeur. Il y a plus de 20 ans que j'habite à Halifax. Je me souviens quand je suis arrivé, on pouvait allumer la radio et il y avait des équipes de journalistes, des nouvelles locales et des rubriques d'opinions. J'ai remarqué, sans vraiment garder des notes au cours de toutes ces années, que cela a lentement disparu dans beaucoup de cas. Il y a eu un changement à ce niveau.

Le sénateur Tkachuk : Nous étions à St. John's hier et nous avons entendu une déclaration de NTV, je crois que c'est leur nom. Ils parlaient de la télévision et la façon dont ils sont devenus le no 1 dans les nouvelles. Lorsqu'ils ont compris que les auditeurs les écoutaient en raison des nouvelles, ils se sont efforcés de devenir le no 1 et la SRC est à la deuxième place loin derrière, alors que, selon eux, la SRC était no 1 il y a peu de temps. Ils ont utilisé les nouvelles pour arriver à la première place. Je pense que si les nouvelles étaient importantes dans les ondes ou vendues aux radios, les radios feraient le même effort car je ne connais pas un seul homme d'affaires qui ne voudrait pas faire un profit. Si les gens écoutaient les nouvelles radiophoniques, il y en aurait et plus de publicité serait vendue pour faire plus d'argent. Pourquoi perdraient-ils de l'argent?

M. Brewster : Je vous dirais que CKNW à Vancouver, CFRB à Toronto et CJAD à Montréal comptent parmi les stations de radio les plus rentables au pays. Ces stations ne diffusent que des nouvelles et des causeries. Elles ont un plus grand marché, mais il faut dépenser de l'argent pour diffuser les nouvelles et certaines radios trouvent qu'il est peut-être plus facile de gagner de l'argent en ne jouant que de la musique. Chaque société et chaque entreprise doit prendre ses propres décisions. Cependant, ayant été chef des nouvelles radiophoniques et connaissant les méthodes de ciblage et de sondage des groupes, je vous dirais qu'il y a encore un marché pour le secteur privé de la radio et pour les nouvelles radiophoniques privées. Il semble que parfois les questions posées aux groupes ciblés, pendant la préparation d'un plan d'affaires, ne sont pas les bonnes. Je crois que si l'on pose la question à l'homme de la rue, il y a de grandes chances qu'il vous réponde qu'il veut entendre le matin les nouvelles et qu'il veut savoir ce qui se passe dans sa collectivité. Pour cela, la façon la plus rapide et habituellement la plus facile consiste à allumer la radio.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez mentionné des changements faits par le CRTC au milieu des années 1980 pour trouver une solution aux problèmes qui se posaient au secteur de la radio, surtout à la radio AM. Certains changements ont été faits pour tenter de corriger le problème et redonner vigueur au secteur radiophonique. Quels ont été les changements qui ont donné des résultats positifs et ceux qui ont donné de mauvais résultats?

Le sénateur Munson : Il fallait, à l'époque, jouer de la musique canadienne, les Laurie Bower Singers sans arrêt. C'était l'une des conditions.

Le sénateur Tkachuk : En plus, ils définissaient les nouvelles. Il fallait avoir tant de nouvelles et ils faisaient les comptes et tout. Ils ont éliminé certains règlements. Qu'ont-ils fait de bien qui a permis la croissance de la radio FM dans ce pays? Quels sont, selon vous, les changements qui ont donné des résultats malheureux afin que nous ne les recommandions pas?

M. Brewster : Je ne peux parler que de ce qui s'est passé au niveau des nouvelles radiophoniques, car la teneur canadienne est quelque chose qui est complètement hors de mon domaine et je ne veux vraiment pas en parler. Je dis clairement qu'à l'époque où le CRTC a fait les changements, ces changements étaient nécessaires car l'industrie traversait une crise. Il n'y avait pas d'alternative. À mon avis, ils ont offert la meilleure solution possible à l'époque, soit éliminer certaines exigences de teneur de créations orales et de programmes prioritaires. Dans certains cas, ces exigences étaient très coûteuses, surtout en ce qui concerne les programmes prioritaires, telles les exigences locales concernant les télémagazines. Souvent, même les stations ayant un effectif complet luttaient pour remplir les engagements irréalistes qu'elles prenaient quelquefois pour obtenir des licences. Donc, l'élimination de certaines de ces restrictions n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Je suggère que l'industrie et le CRTC étudient de nouveau la signification de l'engagement à l'égard de la collectivité. C'est une réponse un peu alambiquée, monsieur le sénateur, mais c'est essentiellement ce que je recommanderais, car les changements faits à cette époque étaient nécessaires. Il fallait les faire. Devrions-nous examiner le contenu des nouvelles diffusées aujourd'hui dans les collectivités? Oui. Est- ce que cela devrait être mandaté et gravé dans des règlements? Je ne suis pas sûr d'appuyer complètement cette approche, mais je crois que nous devons sensibiliser les gens, car, je reviens aux zones rurales de la Nouvelle-Écosse. Là-bas, les nouvelles radiophoniques du secteur privé et les nouvelles radiophoniques locales sont quelquefois l'élément vital d'une collectivité.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons déjà entendu des témoignages là-dessus. Des gens d'affaires obtiennent une licence, que ce soit pour la télévision ou la radio, et s'engagent à faire telle ou telle chose. Ils savent, en raison de l'incohérence du CRTC, qu'ils peuvent revenir un an plus tard et dire, « Je suis désolé, mais je ne peux pas faire cela. »

M. Brewster : C'est vrai.

Le sénateur Tkachuk : Ils le font et à la télévision et à la radio. Ce qui arrive, c'est que, comme ils savent qu'ils ne seront pas pénalisés, les gens présentent une demande et obtiennent une licence, conscients qu'ils pourront déclarer, un an plus tard, « Je ne peux pas faire cela. » S'il octroie une licence, l'État peut, par l'entremise du CRTC, imposer certaines conditions. Si elles ne sont pas remplies, la licence est retirée. Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un avait perdu sa licence pour une raison ou pour une autre.

La présidente : Il y a un cas à Québec.

M. Brewster : Il fait l'objet d'un appel, n'est-ce pas?

La présidente : C'est le seul cas me vient à l'esprit.

M. Brewster : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Où voulons-nous en venir? Si l'État dit que les ondes appartiennent au public, de deux choses l'une : ou il les ouvre et accorde une licence à quiconque souhaite exploiter une station radio. Il vend les ondes aux enchères pour que le public, à tout le moins, puisse réaliser un profit. Ou il dit, « Voici ce que nous voulons. Si vous voulez une licence, vous devez remplir telle et telle exigence. Si vous ne le faites pas, vous perdez votre licence. »

Pouvons-nous nous doter d'une telle politique? Je ne sais pas si elle serait efficace. Je pose tout simplement la question.

M. Brewster : Non, et vous avez raison, sénateur. Je ne veux pas proposer de solutions précises, chaque cas étant particulier. Toutefois, à mon avis, si vous faites une promesse au CRTC, vous devez la tenir. Il faut prévoir des mesures pour assurer le respect des engagements qui sont pris. Quelles mesures? Je ne sais pas. Il revient au conseil et à l'industrie de décider. Toutefois, si vous faites une promesse au CRTC, vous devez, dans la mesure du possible, la respecter.

Le sénateur Munson : M. Brewster ne m'a pas demandé de faire ce commentaire, mais vous venez de répondu à votre propre question. Le multitâche est une chose merveilleuse. Il est bon de pouvoir lire, écrire, faire toutes ces choses. Toutefois, prenons, par exemple, l'affaire du sous-marin qui est survenue en Écosse. À mon avis, les Canadiens n'ont accès ni à des points de vue différents, ni à une couverture même raisonnable lorsqu'un journaliste ne peut faire enquête sur un sujet de manière approfondie. Je sais que dans le cas de la PC, vous devez soumettre des articles, passer en ondes, travailler sur Internet, peut-être rédiger des chroniques sur le Web, ainsi de suite. On ne rend pas vraiment service aux lecteurs ou aux auditeurs, surtout lorsqu'une tragédie de cette ampleur se produit, quand on ne peut faire son travail comme on l'entend, ou comme l'entend n'importe quel journaliste au Canada qui traite d'événements de ce genre. On ne fait que tirer une manchette, sans poser de questions, comme cela s'est produit dans l'affaire Renous, que vous avez mentionnée. Je tenais tout simplement à faire ce commentaire en tant qu'ancien journaliste.

M. Brewster : Est-ce une question, sénateur?

Le sénateur Munson : C'est une observation. Si vous voulez en parler, allez-y.

La présidente : Voulez-vous que l'on ajoute un point d'interrogation à la fin de la phrase?

Le sénateur Munson : Je comprends pourquoi les préambules sont si longs au Sénat.

M. Brewster : Vous faites allusion, sénateur, à ce que le milieu appelle la « convergence ». On le voit à la PC, à la SRC. Je travaille comme journaliste à la fois pour BN et pour la PC, et je sais que la convergence, dans certains cas, est efficace. Vous avez parlé de l'affaire du sous-marin. Franchement, je pensais avoir fait du bon travail...

Le sénateur Munson : Oui. Votre reportage était excellent. Tout ce que je dis...

M. Brewster : ....étant donné que j'avais réussi à mettre à jour certains faits. Est-ce que la convergence, le multitâche peuvent parfois devenir problématiques? Oui. Dans le cas de la convergence, un phénomène qui ne risque pas de disparaître, les directeurs des salles de nouvelles doivent être en mesure de déterminer quand y avoir recours.

Le sénateur Munson : Absolument.

M. Brewster : Quoi qu'il en soit, c'est ce que je pense. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites, mais il faut savoir quand avoir recours à la convergence, et quand affecter plus de personnel à la couverture d'un événement.

Le sénateur Munson : J'ai travaillé comme journaliste et quand la convergence a fait son apparition... je pensais que je n'avais plus rien à apprendre du métier. Je voudrais parler du projet de loi sur la protection des dénonciateurs. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, pour que nous ayons une idée des recommandations que nous pourrions formuler sur la question?

M. Schneidereit : D'accord. Nous voulons une loi qui protégerait les fonctionnaires, les employés des grandes sociétés, les personnes qui dénoncent des actes fautif,s mais qui hésitent à le faire en raison des répercussions que cela peut avoir sur leur travail, leurs perspectives d'emploi futures. Je sais qu'aux États-Unis, il y a une loi fédérale et une loi au niveau des États qui protège les gens. Un projet de loi en ce sens avait été déposé l'an dernier au Canada, mais il est mort au feuilleton juste avant le déclenchement des élections. Or, ce projet de loi n'allait pas assez loin. Je n'ai pas tous les détails en main, mais si je me souviens bien, il proposait un processus assez compliqué pour obtenir le feu vert. Il fallait avoir l'autorisation du patron pour dire quelque chose de négatif au sujet de l'entreprise. Cela ne nous convenait pas du tout. Nous voulons quelque chose de plus solide. Par ailleurs, si la question des sources confidentielles est tellement importante, c'est parce que les gens ne disposent que d'un seul moyen pour dénoncer certains actes, c'est-à- dire les journalistes. Ils savent que leur nom ne sera pas divulgué.

Le sénateur Munson : J'aimerais poser deux autres questions aux fins du compte rendu. Que pense l'ACJ des règles et des restrictions sur la propriété étrangère? Est-ce qu'elles devraient être modifiées?

M. Schneidereit : L'ACJ n'a pas de position officielle là-dessus.

Le sénateur Munson : Non?

M. Schneidereit : Non.

Le sénateur Munson : Nous avons parlé, brièvement, de la notion de propriété horizontale. Nous avons également parlé de la propriété croisée, mais je ne crois pas qu'on devrait se lancer dans une longue discussion là-dessus. Est-ce que le comité devrait formuler des recommandations à ce sujet?

M. Schneidereit : Cela fait partie de nos propositions. Comme d'autres pays ont adopté des règles en matière de propriété croisée, nous devrions nous aussi en discuter, examiner ce qui se fait dans ce domaine, pour quelles raisons, évaluer l'efficacité des mesures, voir si elles pourraient s'appliquer au Canada. Concernant le journalisme, et je m'exprime de façon hypothétique, si nous avions un marché vertical où chaque voix appartenait à la même personne ou au même groupe, la source d'information s'en trouverait à tout le moins étouffée. Pour ce qui est de la convergence, qu'arrive-t-il lorsque le reporter qui est appelé à desservir tous les médias oublie un facteur, ou encore ne pose pas les bonnes questions parce qu'il manque de temps? Il nous faut une diversité de voix. Nous devons pouvoir compter sur un plus grand nombre de personnes; c'est plus sain.

La présidente : J'aimerais poser quelques questions et faire une observation. J'ai appris moi aussi, depuis mon arrivée au Sénat, à faire des préambules. J'avais l'habitude de poser des questions pointues, car il est trop tentant de s'éparpiller. J'aimerais revenir à l'affaire du sous-marin. Vous avez raison. J'ai trouvé votre reportage excellent. Il doit être excitant de relater un incident au monde entier. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec le sénateur Eyton quand il dit qu'il s'agit d'un événement à caractère local. L'affaire du sous-marin est devenue rapidement, comme nous l'avons encore vu, hier soir, aux nouvelles, une histoire à caractère national qui a des ramifications internationales en raison des liens avec Westminster. Malgré l'excitation, il doit être un peu inquiétant de ne pas avoir plus de sources. Peu importe l'excellence de votre travail, des erreurs peuvent être commises.

M. Brewster : C'est vrai.

Le président : On peut commettre des erreurs, se tromper, oublier certains faits. C'est un exemple presque parfait d'une histoire où, même si ce n'était pas évident au début, on s'est vite rendu compte que le pays avait besoin du plus grand nombre possible de voix pour traiter de l'événement. C'est une observation, mais pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

Mr. Brewster : Si vous voulez savoir si j'aurais aimé que d'autres médias traitent à fond de l'affaire du sous-marin comme je l'ai fait, la réponse est oui.

La présidente : Très bien.

M. Brewster : Je dis oui, parce que non seulement la concurrence est-elle saine, mais je pense que dans ce cas précis, il était important de faire toute la lumière sur ce qui était arrivé.

La présidente : Et d'expliquer pourquoi.

M. Brewster : Oui.

La présidente : Monsieur Schneidereit, vous vous en êtes tiré à bon compte jusqu'ici. Vous avez dit que vous avez consacré toute votre carrière à la presse écrite. Avez-vous toujours travaillé pour le Chronicle-Herald?

M. Schneidereit : Presque toujours, oui.

Je suis allé à l'Université Carleton. Mon premier emploi, je l'ai eu avec CJOH TV. J'ai ensuite déménagé en Nouvelle-Écosse. J'ai travaillé pour un hebdomadaire pendant neuf mois environ avant de me joindre à l'équipe du Chronicle-Herald. J'ai fait un peu de pige en même temps avant d'être recruté par le Chronicle-Herald.

La présidente : Donc, pendant presque toute votre carrière, vous avez travaillé pour l'un des rares quotidiens indépendants au Canada.

M. Schneidereit : Oui.

La présidente : J'espérais que vous alliez dire, « non, j'ai travaillé pendant 20 ans pour l'une des chaînes », pour que vous puissiez me donner un autre son de cloche. Toutefois, compte tenu de ce que vous avez appris de vos collègues au sein de l'AJC et ailleurs, quelle est la différence entre travailler pour un quotidien indépendant, et travailler pour un journal qui appartient à un groupe de personnes? Je ne vous demande pas nécessairement de dire si l'un est meilleur que l'autre, mais il doit y avoir des différences. Quelles sont-elles?

M. Schneidereit : Une des principales différences, bien entendu, c'est que vous ne pouvez être transféré, du moins à l'extérieur de la province. Le Chronicle-Herald a, depuis toujours, un réseau de bureaux . Je pense qu'il en compte sept, dont un à Ottawa, mais les autres sont situés dans la province. J'ai commencé à travailler au bureau de Bridgewater. J'ai passé un an et demi sur la côte Sud avant de m'installer à Halifax. Il peut y avoir des transferts, parfois, entre les bureaux et l'administration centrale, mais lorsque vous travaillez pour le Chronicle-Herald, il y a peu de chances que, demain, vous vous retrouviez à Calgary. C'est donc là une différence importante.

Le Chronicle-Herald a lui aussi un passé bien à lui. Je n'entrerai pas dans les détails, mais j'ai trouvé intéressant d'entendre mes collègues parler des défis qui se posent lorsque des journaux sont vendus ou changent de propriétaire, compte tenu des répercussions que cela entraîne. J'ai la chance de travailler pour un quotidien indépendant, très stable, qui appartient à une famille qui en est propriétaire depuis des générations. Le quotidien est extrêmement dévoué aux habitants de la Nouvelle-Écosse. J'ai beaucoup de chance de me trouver dans cette situation.

L'an dernier, le Chronicle-Herald a commencé à utiliser de nouvelles presses. En avez-vous là une copie? Il s'agit d'un investissement de plusieurs millions de dollars.

La présidente : C'est beaucoup mieux qu'avant.

M. Schneidereit : Oui. Comme vous allez rencontrer, plus tard, un représentant du Chronicle-Herald, je n'en dirai pas plus. Toutefois, le personnel du journal était absolument enchanté parce que, pendant des années, la couleur et l'encre utilisées laissaient à désirer. La réaction des lecteurs a été très positive. Ce fut une belle expérience.

La présidente : Vous êtes éditorialiste?

M. Schneidereit : Je le suis devenu.

La présidente : C'est un emploi fort intéressant.

M. Schneidereit : Oui. J'adore ce que je fais.

Le sénateur Munson : Vous signez vos éditoriaux.

La présidente : Non. La dynamique est différente. Les éditoriaux du Chronicle-Herald ne sont pas signés, n'est-ce pas?

M. Schneidereit : Non.

La présidente : Non. C'est une tout autre question. Y a-t-il des sujets que vous évitez d'aborder parce que la pression venant de la collectivité deviendrait trop forte, et je parle ici de la pression exercée par les publicitaires, de la pression sociale, de la perte d'abonnements, ainsi de suite?

M. Schneidereit : Non, je ne crois pas. Il faut être à l'écoute de la collectivité. Il ne faut pas aborder des sujets que vous jugez inappropriés.

La présidente : Vous avez raison.

M. Schneidereit : Je n'ai jamais senti aucune pression. On nous pose souvent la question, étant donné que nous travaillons pour un quotidien indépendant qui appartient à une famille. Personnellement, je ne me suis jamais senti obligé de modifier un article ou d'adopter une certaine ligne de conduite. Pour ce qui est des règles de publicité, elles sont assez strictes, comme il se doit. L'ACJ estime qu'il y a des problèmes à certains endroits, mais je n'ai jamais éprouvé aucune difficulté de ce côté-là.

La présidente : Ma dernière question recoupe celle du sénateur Tkachuk. Elle porte sur le CRTC, son mode de fonctionnement. La question s'adresse à vous, monsieur Brewster. Monsieur Schneidereit, si vous avez quelques observations à faire, n'hésitez pas à intervenir. Le dilemme est le suivant : personne ne tient à ce qu'une agence située à Ottawa intervienne dans les activités des salles de nouvelles. Ce serait non seulement peu pratique, mais moralement inacceptable. Par ailleurs, Ottawa rend des décisions qui ont un impact profond sur les salles de nouvelles. Vous avez dit que vous ne vouliez pas entrer dans les détails. Toutefois, croyez-vous que le CRTC, quand il rend ses décisions, accorde suffisamment d'importance aux médias d'information? Connaît-il bien le milieu? Ou doit-il revoir ses priorités, améliorer ses compétences en la matière?

M. Schneidereit : À notre avis, les salles de nouvelles ne devraient être assujetties à aucune réglementation gouvernementale. Le conseil d'administration de l'Association, et je m'exprime en tant que président national, ne s'est pas réuni pour discuter de la question de savoir s'il y aurait lieu d'adopter des règlements pour régir l'utilisation des licences. Il n'est pas exagéré de dire que nous voudrions voir ce qui est proposé, mais nous rejetterions tout règlement qui influe sur les médias d'information.

La présidente : Vraiment?

M. Schneidereit : Oui.

La présidente : D'accord.

M. Brewster : Je ne pense pas que nous serions en faveur d'une réglementation gouvernementale qui influe sur les activités des salles de nouvelles. Toutefois, comme vous l'avez signalé, sénateur, les décisions du CRTC ont un impact profond sur le fonctionnement des centres de diffusion, pas nécessairement sur le contenu, mais sur la forme. Je ne saurais vous dire si le CRTC a une bonne connaissance du milieu, et s'il a les compétences voulues en la matière. Est-ce qu'il leur accorde suffisamment d'importance? À mon avis, pour ce qui est de la radio privée, et je travaille dans ce domaine depuis 20 ans, j'estime qu'il ne lui accorde pas suffisamment d'importance, mais je suis certain qu'il y en a d'autres qui ne seraient pas d'accord avec moi.

La présidente : C'est bien. Je voulais connaître votre opinion.

M. Brewster : D'accord.

La présidente : Vous avez dit très clairement que vous ne parliez pas au nom de vos employeurs et que l'ACJ n'a pas de position.

M. Brewster : C'est exact.

La présidente : La dernière question sera celle du sénateur Trenholm Counsell.

Le sénateur Trenholme Counsell : Mon préambule sera très bref. Comme je suis arrivé en retard, je ne sais pas si vous avez discuté des mesures à prendre pour inciter les jeunes à lire les journaux, si c'est une question qui intéresse l'Association ou si vous organisez des conférences là-dessus. Avez-vous abordé le sujet, ce matin?

La présidente : Non.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je pose toujours la question parce que je m'intéresse beaucoup, depuis quelques années, aux jeunes, à leur éducation. Le produit que vous offrez joue un rôle formateur très important, nous en convenons tous. Est-ce que votre association se penche là-dessus? Je fais allusion, ici, aux étudiants du secondaire, aux jeunes qui approchent la fin de l'adolescence, aux personnes qui sont dans la vingtaine, dans la trentaine.

M. Schneidereit : Oui. Quand nous organisons des conférences dans différentes régions du pays, ou encore notre symposium national des écrivains, qui a lieu à chaque automne, nous discutons de perfectionnement professionnel. Nos comités organisateurs locaux entrent en contact avec les écoles de journalisme pour les informer des produits que nous offrons. Nos sections régionales entretiennent des contacts suivis avec les écoles de journalisme. Chaque section réserve un siège au sein de l'exécutif local à un représentant étudiant. Nous avons essayé d'établir des liens avec la Presse universitaire canadienne, ce qui s'est avéré difficile, le roulement du personnel dans ce bureau étant assez fréquent. Nous arrivons parfois à établir des contacts avec une personne sauf que, l'année d'après, elle n'est plus là, ce qui nous oblige à faire affaire avec de nouvelles personnes. Nous organisons également des tournées dans différentes écoles de journalisme, et même dans des écoles secondaires, afin de sensibiliser les étudiants à ce que nous faisons. Même si nous sommes une organisation bénévole composée de journalistes et que notre temps est limité, nous déployons des efforts en ce sens.

Le sénateur Trenholme Counsell : Quand vous effectuez des tournées dans ; les écoles de journalisme, vous prêcher à des convertis.

M. Schneidereit : Pas toujours.

Le sénateur Trenholme Counsell : Nous prêchons tous à des convertis, mais je fais surtout allusion à vos responsabilités sociales, peut-être à d'autres niveaux, auprès d'autres groupes de personnes, notamment les étudiants du secondaire.

M. Schneidereit : Bien sûr.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que vous jugez que vous devez, en tant qu'association, susciter l'intérêt des jeunes, les informer, les amener à s'intéresser aux médias?

M. Schneidereit : Tous les journalistes pensent de cette façon. Pour ce qui est de l'association, nous manquons de temps et de ressources. Nous ne pouvons pas en faire autant que nous le souhaiterions. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, j'ai noté, en relisant les comptes rendus de certaines réunions, que l'on avait insisté sur l'importance de l'alphabétisation, de l'initiation aux médias, de l'éducation. C'est une initiative que nous appuyons.

M. Brewster : Si je puis me permettre, sénateur, je tiens à dire, pour ce qui est des efforts qui sont déployés en vue d'amener les jeunes à s'intéresser au journalisme, que l'ACJ, en Nouvelle-Écosse, n'a pas ciblé les étudiants du secondaire de façon précise. Toutefois, je sais qu'au moins trois ou peut-être quatre de nos membres agissent comme mentors auprès d'étudiants du secondaire. L'école secondaire St. Patrick, à Halifax, offre un programme coop assez dynamique. J'ai eu le privilège d'encadrer deux jeunes qui voulaient devenir journalistes. Nous préférons travailler avec les étudiant séparément, et non en groupe, pour les raisons que M. Schneidereit a invoquées. Souvent, nous devons faire des démarches auprès de l'école de journalisme à s'organiser, mais le travail se fait surtout sur une base individuelle.

M. Schneidereit : J'aimerais ajouter quelque chose. Le sénateur Eyton a posé, plus tôt, une question sur le soutien qui pourrait être accordé à l'association. Mon directeur exécutif serait vexé si je ne mentionnais pas le fait qu'à nos conférences, nous avons un programme qui permet d'acheter de la publicité.

La présidente : À combien s'élèvent les cotisations annuelles de l'ACJ?

M. Schneidereit : Elles varient en fonction du revenu, surtout si vous êtes étudiant.

La présidente : D'accord.

M. Schneidereit : Je crois qu'elles sont de 75 $ par année, ce qui n'est pas beaucoup.

La présidente : Il faut que ce soit abordable si vous voulez attirer les jeunes.

M. Schneidereit : C'est exact.

La présidente : Nous avons eu droit à une discussion fort intéressante. Nous vous avons gardé plus longtemps que prévu, mais c'est parce que nous voulions entendre ce que vous aviez à dire. Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.

Sénateurs, nous devions entendre le représentant de l'Atlantic Community Newspaper Association. L'association avait confirmé sa présence, mais elle a annulé sa comparution, vers la fin de la semaine dernière, en raison d'un conflit d'horaire.

Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant les représentants du Chronicle-Herald, un des rares quotidiens indépendants du pays. Nous recevons Mme Sarah Dennis, vice-présidente, marque et contenu, M. Bob Howse, rédacteur en chef, et M. Terry O'Neil, éditeur en chef.

Mme Sarah Dennis, vice-présidente, marque et contenu, The Chronicle-Herald : Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est avec grand plaisir que je m'exprime au nom de mes collègues du Chronicle-Herald et du Sunday Herald, les plus grands quotidiens indépendants au Canada qui appartiennent à des familles. Je fais partie de la quatrième génération de la famille qui s'occupe du journal. Tout a commencé avec mon arrière grand-oncle, le sénateur William Dennis, suivi de mon grand-père, le sénateur William Dennis. Aujourd'hui, mon père, Graham Dennis, et moi dirigeons le journal. Comme je l'ai mentionné, nous sommes une entreprise privée indépendante, et nous entendons le demeurer.

Nous avons investi beaucoup dans notre journal, et dans de nombreux domaines, pour conserver notre indépendance. Au cours des dernières années, nous nous sommes dotés d'installations de production ultramodernes, et aussi d'une presse à imprimer dont nous sommes très fiers. Nous sommes en train d'installer une nouvelle salle de traitement automatisé du courrier, et un système frontal dans notre salle de nouvelles. Par ailleurs, nous avons accru le contenu papier de notre journal. Nous innovons constamment et essayons de trouver de nouvelles façons d'améliorer la qualité de notre produit.

Il n'est pas exagéré de dire que le marché et, plus directement, nos lecteurs, nous obligent à tenir compte des nouveautés et à répondre à leurs attentes. Or, les attentes des consommateurs n'ont jamais été aussi élevées qu'aujourd'hui. Une plus grande variété de choix s'offre à eux sur le plan de l'accès à l'information. La concurrence est très vive. La géographie n'est plus un facteur. Je peux capter la BBC sur ma télé et lire le South China Morning Post à l'Internet, sans jamais quitter ma maison de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous devons constamment adapter et évaluer notre couverture, nos services. La seule constante qui existe aujourd'hui, c'est le changement. La technologie occupe une place de plus en plus importante dans les médias. Les compagnies de journaux vont continuer de chevaucher les deux mondes, celui du support papier traditionnel et sa version électronique, et investir dans les technologies nouvelles. Toutefois, peu importe le support d'information que nous choisissons, notre rôle demeure le même : fournir aux lecteurs des renseignements objectifs et justes. Nous devons suivre le rythme d'évolution des moyens de production si nous voulons garder nos clients et demeurer en affaires. Les journaux, comme je l'ai mentionné, vont continuer d'investir davantage dans les médias électroniques, surtout qu'ils sont de plus en plus utilisés par nos publicitaires.

Concernant la réglementation fédérale, nous nous appuyons sur plus de cent ans d'expérience pour dire que le gouvernement du Canada ne devrait pas intervenir davantage dans les activités des salles de nouvelles. Les journaux suscitent la confiance du public. Pour maintenir cette confiance, nous devons demeurer libres et à l'abri de toute influence du gouvernement. Ce sont les lecteurs qui déterminent la qualité, l'utilité, l'objectivité et la globalité de notre produit. Leur loyauté et leur pouvoir d'achat sont des preuves de leur attachement. Nous sommes conscients des prérogatives de nos lecteurs, de leurs contraintes de temps. Quand vous publiez un journal, vous devez chercher à fournir tous les jours à vos lecteurs, qu'ils soient jeunes ou âgés, qu'ils vivent en milieu urbain ou rural, des articles qui vont capter leur intérêt et les encourager à continuer de lire votre journal.

Le Chronicle-Herald, nous sommes fiers de le dire, est le seul quotidien livré à domicile qui dessert l'ensemble de la Nouvelle-Écosse. Nous livrons notre journal dans des collectivités éloignées qui ont été délaissées par Postes Canada. Nous nous sommes engagés, en tant que quotidien provincial, à desservir l'ensemble de la province, au détriment de la rentabilité. Or, nous allons être confrontés à un défi économique de plus en plus grand au fur et à mesure que les populations continuent de diminuer dans de nombreuses régions rurales.

Nous assurons la couverture de nouvelles provenant de l'ensemble de la province et d'ailleurs. Nous comptons des bureaux à Sydney, Yarmouth, Bridgewater, Truro, Amherst, Kentville et Ottawa, en Ontario. Nous avons des reporters locaux à Chester, Antigonish, New Glasgow, Port Hawkesbury et Baddeck. Nous en avons aussi à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, à St. John's, Terre-Neuve, et à Charlottetown, à Île-du-Prince-Édouard. Nos reporters traitent des sujets les plus divers : mentionnons l'agriculture, les transports, les ports, l'énergie, l'éducation, les consommateurs, la santé, les sciences, les forces armées, les services policiers, l'assemblée législative provinciale, l'hôtel de ville de Halifax, les tribunaux provinciaux, la Cour suprême, les loisirs, les syndicats, le milieu des affaires, la sécurité, les télécommunications et les sports. Nous avons divers chroniqueurs qui représentent toute une gamme d'opinions et de groupes ethniques. Cette couverture variée, qui s'adresse aux habitants de la Nouvelle-Écosse, nous permet de fournir à ces derniers une voix unique et indépendante. Aucun autre journal dans la province ne compte sur une équipe comme la nôtre. Nous sommes le principal quotidien de la Nouvelle-Écosse, et nous en sommes fiers.

Nous sommes par ailleurs très accessibles. Nos lecteurs peuvent communiquer avec nous, et le font, pour discuter de questions touchant la qualité du service, proposer des idées d'articles, formuler des plaintes et transmettre des compliments. Nous avons une rubrique qui s'intitule « Lettres à l'éditeur » qui, en 2004, a reçu plus de 10 000 lettres. Nous publions tous les jours les numéros de téléphone et les adresses électroniques de l'équipe de direction. Je peux vous dire qu'ils sont fréquemment utilisés. Nous sommes devenus membre, au fil des ans, du Conseil de presse de l'Atlantique. Nous avons même eu notre propre ombudsman. Quand il était en poste, il recevait très peu de plaintes. La plupart de celles-ci étaient réglées à la satisfaction du service de l'éditorial. Nous avons maintenant une politique de déontologie qui s'applique aux reporters, et j'accepterai volontiers de vous en fournir une copie. Nos processus et notre milieu sont très ouverts et accessibles au public. Nous avons tiré des leçons des plaintes formulées dans le passé. Nous avons amélioré notre savoir-faire. Nous sommes devenus plus objectifs.

Toutefois, c'est le client qui a le dernier mot. S'il n'aime pas notre produit, il peut annuler son abonnement ou son contrat de publicité, et c'est là un outil très puissant qui tient lieu, au bout du compte, de réglementation. Après le tsunami en Asie, nous avons publié, à la une du journal du dimanche, une photo très saisissante : c'était un gros plan de la main d'une victime du tsunami, qui portait une alliance au doigt. Nous avons reçu de nombreuses plaintes, y compris certaines annulations. Nous avons tout de suite réagi. L'éditeur a communiqué avec les clients qui avaient annulé leur abonnement. Nous avons expliqué en première page, le dimanche suivant, les raisons qui nous ont poussé à publier cette photo. D'autres médias dans la province ont repris la nouvelle, qui a généré beaucoup de débats à l'interne et à l'externe. Nous avons beaucoup appris, grâce aux contacts que nous avons eus avec nos clients, et nous allons continuer d'apprendre. En tant que quotidien, nous avons le devoir d'être à l'écoute de nos clients, d'être sensibles à leurs besoins et désirs.

À mon avis, il ne fait aucun doute qu'il existe actuellement un clivage technologique entre générations. Les jeunes Canadiens se tournent vers des sources électroniques pour leurs loisirs et les nouvelles, tandis que les plus âgés semblent être plus à l'aise dans les médias traditionnels pour ce qui est des nouvelles et de l'information, même si, de plus en plus, ils ont recours à Internet. C'est en raison de cette tendance que les journaux sont à cheval sur les deux modes de production, le papier et l'électronique. Cette réalité mobilise toutes nos ressources et fragmente le marché. Toutefois, quel que soit le médium, comme je l'ai déjà dit, notre travail reste inchangé et consiste à fournir à nos lecteurs une information juste et équilibrée qu'ils trouvent utile dans leur quotidien. Des innovations telles que les Blackberries, les blogues et salons de clavardage Internet témoignent de la façon dont la technologie a amélioré la diversité des organes d'information au Canada et ailleurs dans le monde. Elles ont changé la façon dont les gens se tiennent au courant, ont également permis à plus de voix et d'opinions d'être entendues et ont rehaussé le niveau de la concurrence et fragmenté le marché. À mon avis, vous verrez que les journaux, tout comme nous, vont continuer d'investir encore davantage dans les médias électroniques.

Enfin, votre comité examine le lien entre la concentration et la diversité de la couverture des médias. Ce sont des questions fort importantes. Dans notre province, nous avons eu la chance au cours des ans de pouvoir prendre toutes nos décisions. Nous sommes fiers de l'indépendance de notre journal qui appartient à des intérêts locaux et qui est dirigé localement. Nous n'avons jamais reçu un sou du gouvernement pour notre journal, ce qui est essentiel pour notre indépendance. Nous habitons ici, nous sommes au courant des enjeux locaux, nous sommes engagés envers cette province, sa prospérité et ses habitants. Je dirais que la ville de Halifax fait des jaloux, car c'est une ville où l'on retrouve deux quotidiens. La concurrence entre journaux stimule les journalistes qui souhaitent ardemment publier leurs reportages avant les autres et faire un meilleur travail, sans compter qu'intervient aussi une certaine question d'amour-propre. Je pense donc que les lecteurs en sont les véritables gagnants.

Je dirais avec beaucoup de respect que le gouvernement du Canada ne devrait pas s'immiscer davantage dans la presse, le dialogue, la libre circulation des idées et le débat qu'elle suscite. Ce sont des éléments essentiels de toute société libre et démocratique. Personnellement, je doute fort que le public fasse confiance à un journal sous réglementation gouvernementale. Toute politique ou cadre de réglementation instauré pour assurer ou encourager la diversité des nouvelles et des opinions, causerait plus de mal que de bien, selon moi. Un tel cadre nuirait davantage aux journaux garants de la diversité d'opinion dans notre pays, soit les petits journaux indépendants. Un tel environnement réglementaire serait un fardeau pour ces journaux et gaspillerait les ressources déjà rares dont il faut disposer pour s'occuper à la fois des versions papier et électronique, puisqu'il faudrait respecter le règlement au lieu de privilégier les nouvelles qui sont en fait notre métier.

L'indépendance des médias, la libre circulation des idées et les débats, sans compter la liberté de la presse, jouent un rôle essentiel dans toute société démocratique. Toute pression négative ou positive exercée sur cette indépendance, même si elle est bien intentionnée, serait une erreur, selon moi. Le Bureau de la concurrence ne devrait pas s'occuper des questions de rédaction, mais plutôt se concentrer sur la concurrence et les questions économiques. Il est inutile d'ajouter quoi que ce soit à l'expression « liberté de la presse ». Nous pouvons tirer des leçons d'autres pays au sujet de la réglementation des médias et je pense résumer le tout en disant qu'il faut s'en abstenir. À mon avis, démocratie et réglementation des médias ne font pas bon ménage.

Merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer devant le comité.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue et merci pour votre exposé.

En ce qui concerne la liberté de la presse, vous êtes l'exemple idéal, puisque votre journal est indépendant, ne fait pas partie d'une grande chaîne, ne reçoit pas de fonds du gouvernement, mais est bien ancré dans la collectivité. Dans le cadre de notre étude, nous examinons les questions de propriété et je vais faire une petite déclaration avant de poser ma question, car j'aimerais peut-être que vous nous disiez ce que vous pensez du problème dont nous sommes saisis ici. Pratiquement tous les représentants des journaux qui ont comparu devant nous ont dit la même chose que vous : « N'entrez pas dans les salles de presse. » Je ne pense pas que quiconque ici souhaiterait le faire. Toutefois, l'industrie de la radiodiffusion et, bien sûr, la CBC-SRC, organe d'État, ont l'habitude de la présence des gouvernements que l'on retrouve partout, n'est-ce pas? La télévision et la radio ont l'habitude de composer avec le gouvernement, la politique, les bureaucrates, et cetera. Lorsque cette industrie fait l'acquisition d'un journal, ce principe fondamental « N'entrez pas dans les salles de presse » ne s'applique jamais. Tout d'un coup, on se trouve devant une réalité bizarre, celle d'un journal qui appartient à un réseau, qui dépend des licences du gouvernement. Pensez-vous que ce soit sain?

Mme Dennis : Il m'est difficile de dire quoi que ce soit à ce sujet, puisque je ne représente qu'un journal, si bien que ce sont uniquement nos propres expériences qui vont déterminer nos réponses. En tant que journal, nous faisons intervenir des intérêts privés. La télévision et la radio font intervenir des biens publics d'un genre ou d'un autre, et des ondes, par réglementation et octroi de licences. La question que je me pose porte, je crois, sur la concentration de cette propriété et la diversité des opinions dont vous avez parlé et si d'autres voix peuvent être entendues au sein de la collectivité. Si une partie de la diversité de cette opinion est perdue à cause de la propriété croisée, je crois alors que c'est une perte pour tous les Canadiens. Les journaux sont dirigés sans aucune influence du CRTC ou de tout autre bureau et, je dirais, d'après notre expérience dans tous les cas, que les choses ne devraient pas changer à cet égard. Je ne sais pas si M. Howse a quelque chose à ajouter.

M. Bob Howse, rédacteur en chef, The Chronicle-Herald : La question est intéressante puisque l'on en vient à parler d'une combinaison de biens publics et d'intérêts privés. Il faudrait peut-être avoir les moyens de s'assurer que les quotidiens sont indépendants de la radiodiffusion et qu'il n'existe pas de subvention croisée par suite d'un recours aux biens publics. Comme l'a soutenu Mme Dennis, lorsque vous représentez un journal autonome et indépendant comme le nôtre, il faut savoir que nous n'avons pas recours à des biens publics, que nous ne sommes pas en partenariat avec les contribuables en ce qui concerne l'utilisation d'une largeur de bande ou autre chose du genre. Toutefois, je dirais que tant que le journal appartient à une société multimédia où il est dirigé de façon indépendante, ce pourrait ne pas être un problème, mais le CRTC voudrait peut-être se demander s'ils sont bien distincts au plan financier.

Le sénateur Tkachuk : Lorsque le rédacteur du National Post, par exemple, quotidien qui appartient à CanWest, comparaît devant nous en disant : « N'entrez pas dans la salle de presse, » eh bien, son propriétaire y est déjà. Le gouvernement fait en quelque sorte partie des propriétaires, puisqu'il octroie les licences voulues, et cetera. Les représentants de ce quotidien doivent régulièrement demander : « S'il vous plaît, ne retirez pas notre licence, » et doivent demander à d'autres de faire du lobbying pour eux, et cetera. Selon moi, ce ne semble pas aussi important lorsque cela vient d'eux. Je ne suis pas sûr qu'il faudrait intervenir dans les salles de presse, ou que le gouvernement devrait intervenir dans la radiodiffusion et c'est bien là le problème dont nous sommes saisis.

M. Howse : Effectivement.

Le sénateur Tkachuk : Nous devons régler cette une question qui en est une de politique d'intérêt public. Comme nous en avons discuté un peu plus tôt avec l'un des témoins précédents qui travaille également dans votre journal, vous représentez un journal qui est loin d'être un monopole vu que vous êtes indépendants et que les autres sont propriétaires de tout le reste. Le gouvernement devrait-il intervenir ou le Bureau de la concurrence devrait-il s'inquiéter au cas où, pas aujourd'hui, mais peut-être à l'avenir, on pourrait assister à une tentative d'acquisition de votre journal si bien qu'il n'y aurait plus qu'un seul propriétaire de tous les journaux de la province? Le gouvernement devrait-il intervenir pour empêcher que ne se crée un monopole?

Mme Dennis : Tout d'abord, je ne crois pas qu'on puisse parler de monopole, car, à mon avis, nous fournissons de l'information et les gens ont accès à énormément de fournisseurs à cet égard. Je pense que nous ne soutenons pas uniquement la concurrence avec l'autre quotidien, mais avec les hebdomadaires gratuits, les stations de télévision, les stations radio et toutes les possibilités offertes par Internet. La concurrence se situe au niveau du temps, des gens et de l'intérêt qu'ils ont à lire l'information que nous fournissons. Nous sommes un fournisseur d'information comme bien d'autres, ce qui fait que je ne dirais pas que nous ne sommes qu'un journal. Nos concurrents sont très nombreux.

À mon avis, ce sont les consommateurs qui, en bout de ligne, vont décider qui va survivre, car ce sont eux qui savent ce qu'ils veulent acheter et où ils veulent dépenser leur temps et leur argent; c'est donc le marché qui décidera qui subsistera et qui disparaîtra . Je ne crois pas qu'il y aura de monopole, car il existe aujourd'hui tellement de façons d'obtenir de l'information. Je ne sais pas si vous avez autre chose à ajouter.

M. Howse : Non.

Le sénateur Tkachuk : Cela dit, les fonds du gouvernement devraient-ils permettre de financer la Société Radio- Canada qui est une source importante de nouvelles pour la radio et la télévision à l'échelle du pays? Le gouvernement est très présent, je ne connais pas vraiment l'ampleur de son influence, mais il est bel et bien là.

M. Terry O'Neil, rédacteur administratif, The Chronicle-Herald : La SRC est gratuite. Il suffit en effet d'avoir une télévision pour capter la SRC n'importe quand. Si vous voulez lire notre journal, vous devez l'acheter, comme c'est le cas de tous les autres journaux, et vous y avez parfois accès sur le Web et sur les canaux spécialisés.

Le sénateur Tkachuk : C'est exact.

M. O'Neil : C'est un peu différent pour la SRC, car elle est gratuite partout.

Le sénateur Munson : J'ai tellement de questions. Voulez-vous être sénateur?

Mme Dennis : Non, merci.

Le sénateur Munson : L'attente est longue. Pas vraiment?

Mme Dennis : Non, pas pour l'instant.

Le sénateur Munson : Vraiment?

Question no deux : S'agissait-il de sénateurs conservateurs ou de sénateurs libéraux...

Mme Dennis : Je n'en suis pas sûre.

Le sénateur Munson : ... ou de sénateurs indépendants?

Mme Dennis : Indépendants.

Le sénateur Munson : Vous avez dit que vous seriez tentée d'acheter des actions dans les médias électroniques. Avez- vous envisagé de le faire? Toujours dans la même veine que la question posée plus tôt, comment régleriez-vous vous- même la question de propriété croisée?

Mme Dennis : Nous nous occupons bien sûr de la version électronique de notre journal, de la transmission électronique de l'information que nous fournissons, et nous allons devoir être plus actifs à cet égard si nous voulons survivre dans le monde des médias. Compte tenu de l'évolution démographique de la population, je pense que les gens vont davantage préférer obtenir leur information à partir de leur téléphone cellulaire, leur Palm ou leur Blackberry, si bien que nous allons devoir être en mesure de fournir notre information de cette façon-là. Je ne vois rien dans notre avenir qui indiquerait que nous allons nous investir dans la télévision, mais je ne veux pas écarter une telle possibilité.

Le sénateur Munson : Oui.

Mme Dennis : Nous sommes très actifs en ce qui concerne la version électronique de notre journal et nous allons continuer de l'être à l'avenir, car je crois que c'est ce que nous demandent nos clients.

M. O'Neil : Nous envisageons, non pas de dominer la télévision, la radio ou l'Internet, mais d'utiliser ces médias pour transmettre notre produit et susciter l'intérêt des gens, les tenir à jour pour qu'ils nous reviennent.

Le sénateur Munson : Est-ce que de grandes sociétés de Toronto ont essayé de faire l'acquisition de votre journal?

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Munson : Pourriez-vous en parler?

Mme Dennis : Parler de quoi?

Le sénateur Munson : Nous dire qui a essayé de mettre un terme au règne d'une famille propriétaire d'un journal.

Mme Dennis : Je dirais sans me tromper qu'il y en a eu beaucoup. Ces sociétés ne se sont jamais adressées à moi personnellement, plus à mon père, mais je peux affirmer que toutes les propositions ont été poliment refusées.

Le sénateur Munson : Bien. Un autre témoin nous a parlé ce matin d'une proposition d'investissement dans le journal. Même si je sais peu de choses au sujet de The Chronicle-Herald, il fut un temps, toutefois, où les choses étaient assez difficiles et où il ne s'agissait pas du journal par excellence dans la province de Nouvelle-Écosse, contrairement à la façon dont vous le décrivez aujourd'hui.

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Munson : Pourriez-vous me dire précisément ce que vous avez dû faire, pas nécessairement pour regagner la confiance, mais pour rebâtir votre réputation, ces cinq ou dix dernières années, j'imagine?

Mme Dennis : Je pense pouvoir parler sans problème des cinq dernières années, ces messieurs sont là depuis un peu plus longtemps que moi, si bien qu'ils pourront vous parler un peu plus des années précédentes. Je pense que la concurrence nous a rendus meilleurs, plus agressifs et qu'elle a été un point positif pour nous, vu que l'on voyait les gens se tourner vers d'autres fournisseurs d'information. La concurrence a été salutaire, car elle nous a fait travailler plus fort, nous a améliorés et nous a rendus plus réceptifs. Nous avons compris que nos publicitaires voulaient voir leurs annonces en couleur, souhaitaient de meilleurs procédés de reproduction et que nos clients voulaient un papier de meilleure qualité. Nous avons pris tous ces éléments en compte et avons investi fortement non seulement dans nos capacités de production, mais aussi dans le contenu de notre journal. Nous savions que notre survie en tant que journal indépendant dépendait de tels changements afin d'offrir à nos clients ce qu'ils attendaient pour qu'ils continuent d'acheter nos produits.

Le sénateur Munson : Cela a dû coûter très cher.

Mme Dennis : Oui, surtout pour une entreprise indépendante.

Le sénateur Munson : Effectivement.

M. O'Neil : La situation des journaux est unique. Si nous sommes les premiers à publier un reportage et que la radio et la télévision le diffusent toute la journée, personne ne pense que nous l'avons eu en premier. Si un événement se produit durant la journée et que nous en parlons dans le journal du lendemain, alors que les gens en ont été informés le soir précédent, ils pensent que nous sommes une journée en retard, alors qu'en fait c'est une question de délai en ce qui nous concerne. Nous avons travaillé très fort ces quelques dernières années et cela fait plus de cinq ans que nous changeons les choses, que nous faisons tout ce qui est possible pour être aussi bons que n'importe qui d'autre. Les journalistes prennent tout ceci très au sérieux. Nous suivons les nouvelles électroniques chaque jour et s'il y a des reportages que nous n'avons pas, cela nous dérange et nous faisons tout pour que cela ne se reproduise pas. On est constamment en train d'essayer de soutenir la concurrence et de rivaliser avec les autres médias.

Le sénateur Munson : Vous avez parlé de l'ombudsman, concept qui, à mon avis, est très intéressant, pourtant beaucoup de journaux n'en ont pas aujourd'hui. Comment pouvez-vous vous permettre d'avoir un ombudsman?

Mme Dennis : J'aimerais préciser que nous n'avons pas d'ombudsman pour l'instant.

Le sénateur Munson : Oh.

Mme Dennis : Il a pris sa retraite.

Le sénateur Munson : D'accord, je vois.

Mme Dennis : Bob, vous pourriez en parler, puisque vous avez été membre du conseil de la presse.

M. Howse : Oui. Au cours des 15 dernières années probablement, nous nous sommes occupés de diverses façons des plaintes ou du service à la clientèle. Nous avons été membres du conseil de la presse pendant un certain temps, pendant près de 10 ans, puis nous avons eu un ombudsman. Initialement, nous avons constaté que le conseil de la presse était utile, mais au bout d'un certain nombre d'années, il était tout à fait inactif et nous réglions la plupart des questions nous-mêmes à l'interne, la gestion s'occupant des personnes qui formulaient des plaintes ou des préoccupations. Nous n'avons pas renouvelé notre adhésion au Conseil de la presse de l'Atlantique et nous avons eu un ombudsman pendant un certain temps.

Le sénateur Munson : D'accord.

M. Howse : À d'autres moments, nous avions une personne désignée qui n'était pas partie prenante, un cadre supérieur, qui se chargeait de la question, qui faisait enquête et trouvait une solution. Nous utilisons de nouveau ce système, les cadres traitant avec le public. Cela nous a semblé l'approche préférée du public, une approche plus directe faisant intervenir le gestionnaire visé qui doit lui-même régler la question. Nous n'avons donc pas vraiment eu...

Le sénateur Munson : La question du tsunami m'intéresse parce que, comme j'ai été correspondant à l'étranger pendant un certain de temps, je sais qu'il y a une réalité qui existe que vous devez montrer et ensuite, il y a la réalité du bon goût ou peu importe comment vous l'appelez.

M. Howse : Oui.

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Munson : S'agissait-il d'un mouvement de rejet important de la part de gens qui ont effectivement vu cette image particulière, parce que cette image était la réalité?

Mme Dennis : Oui.

M. Howse : C'est exact et c'est une plainte fréquente. Vous pouvez le voir dans le cas des accidents ou des tragédies familiales.

Mme Dennis : Oui.

M. Howse : Nous recevons des plaintes des consommateurs assez souvent à propos de ce genre de chose et habituellement, le problème est réglé. Les gens écrivent des lettres et nous en discutons. Parfois le directeur rédigera un article. Il l'a fait dans ce cas.

M. O'Neil : Si vous mettez l'image à la une le matin lorsque les gens mangent leur petit déjeuner, l'effet est différent de celui que vous obtenez si vous mettez la photo dans la section du milieu et que la photo n'est pas en couleur. Cependant, il s'agissait d'une histoire si saisissante qui a touché le monde entier que nous avons pensé que cette photo était pertinente à l'époque. C'est la décision qui a été prise. Nous donnons aux éditeurs le pouvoir de prendre des décisions, mais ils doivent comprendre que c'est eux qui prennent ces décisions et qu'ils doivent avoir une bonne raison de le faire. Ils le savent et c'est pourquoi notre éditeur du dimanche a très bien défendu ce point.

Mme Dennis : Je pense que l'éditeur vous dira qu'il a appris quelque chose de l'interaction qu'il a eue avec les abonnées et qu'il a compris comment cela a touché ces derniers, mais je ne pense pas qu'il changerait ce qu'il a fait.

M. O'Neil : non.

Le sénateur Munson : Parlant de changement, vous avez dit que la seule chose qui est constante, c'est le changement, mais chaque fois que je reviens à la maison dans le Canada Atlantique, la seule chose qui est constante, c'est que les gens n'aiment pas le changement. On dit toujours : « Nous n'allons pas changer ». Est-ce que c'est une bataille que vous devez livrer tout le temps? Par exemple, à partir de ce que j'ai lu dans votre journal, l'ouverture des magasins le dimanche a été l'une des questions les plus chaudement débattues, encore plus que la peine capitale, il me semble. En tant que journal, comment arrivez-vous, je suppose, en équilibre, à traiter de ce genre de question avec des gens qui disent : « Jamais. Pas de magasinage le dimanche dans cette province » et pourtant, vous avez probablement l'autre moitié de la population qui dit : « Oui, soyons de notre temps ».

M. Howse : Oui, ce fut un débat très chaud qui en a surpris beaucoup, et on peut en dire autant de la façon dont le référendum s'est déroulé.

Le sénateur Munson : Parlant de référendum, il n'était pas question de séparation ou de quelque chose du genre?

M. Howse : Non.

Le sénateur Munson : En tant que journal, cela doit être un rôle difficile pour vous. Dans l'éditorial, vous deviez vous prononcer sur cette question?

M. Howse : Oui et nous avons fait un peu attention également, parce qu'en temps que média publicitaire, le magasinage le dimanche serait bon pour nous puisque nous sommes un véhicule publicitaire. Nous voulions prendre une perspective indépendante par rapport à cette question et regarder du côté des gens pour qui cette question suscitait des préoccupations réelles dans leur travail ou leur pratique religieuse, à savoir si ces questions étaient raisonnablement prises en compte par le gouvernement. Je pense qu'en Nouvelle-Écosse, curieusement, le facteur déterminant a probablement été la question de la démographie. Notre population est moins concentrée et il y avait beaucoup de villes d'une taille raisonnable à l'extérieur de Halifax qui craignaient de voir leurs gens aller magasiner à Halifax plutôt que de le faire chez eux. Je pense que ce fut le facteur déterminant, avec le fait que des personnes qui étaient en faveur de cette mesure n'ont pas voté.

Mme Dennis : Je pense que c'est un rôle essentiel que devait jouer notre journal, de permettre un débat libre dans nos pages. La capacité de couvrir la province de la Nouvelle-Écosse au complet a donné aussi bien aux résidents de zones rurales qu'à ceux des zones urbaines l'occasion d'exprimer leur opinion et à d'autres d'apprendre à partir de leurs opinions et de les exprimer dans une tribune qui permettait une compréhension commune. Peut-être que les gens n'étaient toujours pas d'accord entre eux, mais c'était notre rôle et nous étions heureux de pouvoir offrir ce véhicule.

Le sénateur Munson : Pensez-vous qu'en tant que journal familial vous avez une connaissance plus intime des questions en Nouvelle-Écosse que les grandes chaînes de médias qui achètent beaucoup de journaux et qui sont présentes dans de nombreux marchés?

Mme Dennis : J'irais jusqu'à dire que je pense que nous connaissons très bien la Nouvelle-Écosse. Nous sommes ici depuis très longtemps et nous essayons de rester branchés et de répondre aux attentes des gens de la Nouvelle-Écosse. La proximité que nous avons par rapport aux gens que nous desservons est un avantage pour nous.

Le sénateur Munson : Voici une question injuste : pourquoi n'y a-t-il pas plus de journaux familiaux? C'est la même chose pour la ferme familiale en Saskatchewan. Ces dernières disparaissent et les journaux familiaux disparaissent, et pourtant vous parlez de vitalité, vous parlez de faire de l'argent et vous parlez de couvrir votre province. Vous êtes très positive à l'égard de l'avenir et vous avez investi dans l'avenir et pourtant, nous voyons les gens de Bell Globemedia de BCE et les gens de CanWest sillonner le pays pour faire main basse sur tout ce qu'ils peuvent.

Mme Dennis : J'attribuerais cela à mon père et à son dévouement inébranlable envers la Nouvelle-Écosse et les gens de la Nouvelle-Écosse. C'est ce qui l'anime. Cela ne veut pas dire que ce n'était pas le cas des autres, mais je dirais que notre secret est la détermination de mon père de demeurer indépendant et il fait des grands efforts pour garder le journal.

Le sénateur Munson : Alors, pour les fins du compte rendu, voilà quelque chose dont le pays a grand besoin. Merci.

Le sénateur Trenholme Counsell : C'est très intéressant, c'est une expérience unique dans nos audiences de parler à quelqu'un d'aussi indépendant que vous l'êtes et qui couvre toute la province. Malgré que j'ai essayé d'écouter attentivement, je ne suis pas certaine si vous êtes propriétaire d'hebdomadaires?

Mme Dennis : Non.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ignore si vous voulez répondre, mais je me demande simplement si vous avez eu la tentation, comme ce fut le cas dans certaines autres provinces, de faire l'acquisition d'hebdomadaires ou si vous estimez que le journal est votre mandat et que vous allez bien le remplir?

Mme Dennis : Je pense qu'on peut dire sans se tromper que c'est la deuxième hypothèse, qu'il s'agit-là de notre mandat et que nous nous concentrons sur notre quotidien.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous n'avez jamais eu d'hebdomadaires?

Mme Dennis : Non.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez deux journaux, mais un mandat?

Mme Dennis : Oui, on pourrait dire cela.

M. O'Neil : Nous n'avons jamais eu d'hebdomadaires dans ce sens qu'ils étaient publiés dans ces villes, mais nous avions des tabloïdes hebdomadaires qui étaient conçus spécifiquement pour différentes régions.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que cela faisait partie de votre journal?

Mme Dennis : Oui.

M. O'Neil : Mais cela faisait partie de notre journal.

Le sénateur Trenholme Counsell : À titre d'encart?

M. O'Neil : Oui.

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : De nombreux journaux font cela, bien que j'ignore si cela se fait dans les grandes villes.

M. O'Neil : Mais oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous n'êtes jamais allé sur le marché des hebdomadaires en tant que tel.

M. O'Neil : Non.

Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez dit que vous faisiez concurrence à des hebdomadaires gratuits. Évidemment, il s'agit d'une forme de concurrence. En termes de lectorat, pouvez-vous nous dire quelque chose au sujet des tendances? Je suppose que la population croît légèrement en Nouvelle-Écosse et je ne veux pas de chiffres, évidemment, mais je me demandais tout simplement quelle est la tendance en termes de lectorat à Halifax et, ensuite, pour l'ensemble de la province? Je suis certaine que vous avez des chiffres là-dessus.

Mme Dennis : Si l'on regarde les données démographiques de la province, nous constatons une certaine urbanisation de la province, une diminution des populations des régions rurales, alors, nous avons encore une circulation importante dans la province, mais la région où nous voyons une croissance assez importante, c'est dans la région métropolitaine et la répartition démographique de notre lectorat tend davantage vers les lecteurs plus âgés. Cependant, comme je l'ai lu dans les témoignages de nombreux autres journaux, nous sommes toujours à l'affût de nouvelles manières d'attirer les lecteurs plus jeunes, pour faire en sorte qu'ils gardent l'habitude de lire les quotidiens. De plus, je pense que cela fait partie du mandat de notre version électronique, qui vise, nous l'espérons, à amener les gens à prendre l'habitude de faire confiance au journal The Chronicle-Herald, que ce soit dans sa forme électronique ou dans sa forme imprimée, pour obtenir leurs nouvelles.

Le sénateur Trenholme Counsell : Étant donné que votre journal est en très grande partie une institution de la place, une institution de Halifax, une institution de la Nouvelle-Écosse, ayant, évidemment, un intérêt direct très important dans la continuation de votre succès, travaillez-vous avec les écoles secondaires pour intéresser les jeunes gens aux médias imprimés ou, évidemment, aux médias électroniques.

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Il me semble que lorsque nous posons cette question à la plupart des groupes, il ne leur est pas facile de répondre parce qu'ils couvrent un territoire si vaste, mais vous avez cette concentration.

Mme Dennis : Nous participons à la distribution des journaux dans les établissements d'enseignement. Je pense que l'an dernier, en 2004, nous avons distribué plus de 200 000 journaux dans l'ensemble de la province...

Le sénateur Trenholme Counsell : Aux écoles?

Mme Dennis : Aux écoles.

Le sénateur Trenholme Counsell : Aux écoles secondaires?

Mme Dennis : Aux écoles secondaires et aux écoles élémentaires pour utilisation dans les classes. De même, nous essayons de fournir aux jeunes quelque chose d'intéressant qu'ils liront. Quelle est la page de la jeunesse?

M. O'Neil : Elle s'appelle la page « What's Up? »

Mme Dennis : La page « What's Up? »

M. O'Neil : Il y a ce qu'on appelle la « Youth Generations Press ».

Mme Dennis : Oui.

M. O'Neil : Et par le biais de notre couverture habituelle, par le biais des sports et du divertissement et des nouvelles. Vous allez dans n'importe quelle école en région rurale en Nouvelle-Écosse et ces découpures sont épinglées sur tous les babillards. Nous avons un véritable lien là.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que vous envoyez les journaux à toutes les écoles secondaires ou seulement à celles qui en font la demande?

Mme Dennis : Si les enseignants et enseignantes sont intéressés à utiliser le journal dans le cadre de leur programme, nous avons...

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que les écoles les obtiennent gratuitement?

Mme Dennis : Eh bien, pas entièrement gratuitement. Nous avons des commanditaires qui aident, les entreprises de papier. Bowater, Stora and EnCana ont offert un très bon appui, alors les journaux sont vendus à prix réduit grâce à l'argent des commanditaires pour diminuer les coûts.

Le sénateur Trenholme Counsell : Lorsque vous dites que ce n'est pas entièrement gratuitement, alors ce n'est pas gratuit? Même dans la région de Halifax, vous ne donnez pas vous journaux aux écoles secondaires.

Mme Dennis : Non.

Le sénateur Trenholme Counsell : Le journal coûte moins cher que pour un citoyen ordinaire?

Mme Dennis : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je voulais poser une autre courte question au sujet du journalisme d'enquête. Je ne suis pas de cette province et j'ai entendu récemment, comme c'est toujours le cas des personnes qui viennent d'ailleurs, deux choses qui me préoccupent. Je me demande si vous faites enquête sur cette question et dans quelle mesure il en a été question dans vos journaux. Premièrement, il y a la situation des gangs de rue. Cette histoire s'est retrouvée dans les nouvelles de l'Atlantique, du moins à la radio, qu'il y a eu des attaques en bande à main armée juste ici dans les rues du centre-ville de Halifax. L'autre question encore plus douloureuse, c'est qu'il y a eu une discussion avec certains éducateurs récemment et ces derniers ont dit qu'il y avait une situation encore assez triste en ce qui concerne la population noire. Je ne veux pas nécessairement que vous me donniez des exemples précis, mais est-ce que vous considérez que l'une ou l'autre de ces questions fait partie des mandats sur lesquels vous travaillez?

M. O'Neil : Nous venons juste de créer une équipe d'enquête de deux personnes qui sont les seules responsables de cette question et elle —

Le sénateur Trenholme Counsell : Laquelle?

M. O'Neil : Excusez-moi.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai soulevé deux questions. Je ne lie pas nécessairement les deux questions ensemble.

M. O'Neil : Non, je dis que nous avons affecté deux personnes pour faire uniquement du travail d'enquête.

Le sénateur Trenholme Counsell : Oh, très bien.

M. O'Neil : Ces deux questions ne figurent pas au programme à l'heure actuelle, mais nous avons eu un certain nombre d'articles au sujet de certaines bandes et d'attaques qui ont eu lieu. Nous posons des questions et essayons de nous renseigner. Nous faisons cela dans le cadre de notre couverture régulière. Il y a une bande de jeunes, G-Lock ou quelque chose du genre, que la police tente de neutraliser en mettant beaucoup d'efforts. C'est une question qui est apparue au cours des cinq ou six derniers mois, alors il est certain que nous essayons de travailler sur cette question pour tenter d'en tirer des reportages.

Mme Dennis : De même, nous avons récemment fait des recherches avec une entreprise de Halifax, Corporate Research Associates, sur la criminalité chez les jeunes. Nous avons publié une série d'une semaine comportant une diversité d'articles de perspectives différentes fondées sur cette recherche et également sur les événements dans les nouvelles; une enquête sur la criminalité chez les jeunes en Nouvelle-Écosse. Nous avons parlé à certains des contrevenants qui sont dans des établissements correctionnels, à la police et à des victimes du crime — pour couvrir toute la question. Encore une fois, je pense que c'est notre rôle de promouvoir le débat. Le simple fait de publier ces articles et les résultats de cette recherche et de les soumettre à l'attention du public continue d'alimenter le débat. Ce sont des questions importantes, je pense, et c'est un rôle que nous assumons, avec cette série sur la criminalité chez les jeunes, et que nous continuerons d'assumer. Nous avons fait une étude semblable sur l'immigration en Nouvelle- Écosse et à l'heure actuelle, nous faisons une enquête sur l'éducation.

Le sénateur Trenholme Counsell : Avez-vous été étonnés que je soulève la question de la couleur? Est-ce quelque chose dont on a parlé dans les journaux récemment ou non?

M. O'Neil : Il s'agit d'une question continue et d'une lutte continue pour les gens que d'essayer de trouver la meilleure façon d'obtenir la meilleure éducation pour tout le monde, mais ce n'est pas une question précise qui est sur la table à l'heure actuelle. Il y a quelques mois, des éducateurs noirs faisaient des pressions pour que certaines recommandations qui ont été faites soient mises en application par le gouvernement provincial, alors, il y a des questions continues portant sur leur lutte.

La présidente : Quel est votre tirage?

Mme Dennis : Environ 110 000.

La présidente : Est-ce que vous publiez sept jours par semaine?

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Oui?

Mme Dennis : Le dimanche, c'est environ, je dirais —

M. O'Neil : Soixante-seize.

Mme Dennis : 76 000.

La présidente : Oui, c'est le samedi que le tirage est le plus élevé et le dimanche qu'il est le plus faible.

Mme Dennis : Oui, et aujourd'hui, c'est le sixième anniversaire de notre journal du dimanche.

La présidente : Merveilleux.

Mme Dennis : Le journal a été lancé il y a six ans aujourd'hui.

La présidente : Félicitations. Le journal et les exemplaires destinés à l'éducation sont vendus parce qu'ils comptent comme un tirage payé, si vous exigez qu'on paie pour les obtenir?

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Combien avez-vous de journalistes?

M. O'Neil : L'effectif total de la salle de nouvelles est de 114 personnes. Mais cela comprend les chefs de bureau des différents bureaux dont Mme Dennis a parlé auparavant.

La présidente : Éditeurs?

M. O'Neil : C'est un mélange de journalistes, d'éditeurs et d'employés de soutien. Il s'agit de l'effectif total de la salle de nouvelles.

La présidente : Comment compariez-vous cela avec les chiffres, disons, d'il y a cinq ans.

M. O'Neil : C'est comparable à ce que nous avions il y a cinq ans, oui.

La présidente : Ni supérieur ni inférieur d'une manière visible?

M. O'Neil : Peut-être de deux personnes dans un sens ou dans l'autre.

La présidente : C'est un défi énorme que de garder votre position. Vos presses doivent avoir coûté quoi, 50 millions ou 60 millions de dollars de toute manière?

Mme Dennis : Non —

La présidente : Non?

Mme Dennis : — mais beaucoup d'argent.

La présidente : Beaucoup? Oui?

Mme Dennis : L'investissement a été supérieur à 26 millions de dollars pour les installations de production et maintenant, il y a un nouvel investissement de plusieurs millions de dollars pour ce qui est de la salle du courrier et du système frontal pour les salles de nouvelles, plus le papier des pages que nous avons ajoutées.

La présidente : Vous avez augmenté le créneau réservé aux nouvelles?

M. O'Neil : Oui, certainement.

Mme Dennis : Avec la ligne de lecture, oui.

La présidente : Oui?

M. O'Neil : Oui. La partie la plus coûteuse de l'entreprise, c'est le papier et les gens.

La présidente : Exact. Oh, sans blague.

M. O'Neil : Nous avons pris un journal de trois ou quatre cahiers et nous en avons fait un journal de cinq ou six cahiers et avons spécialisé chaque cahier, les sports et le divertissement formant chacun un cahier distinct. C'était un changement très important pour nous, mais il a été accepté.

Mme Dennis : À bras ouverts.

M. O'Neil : À bras ouverts.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Dans le cas des lecteurs, évidemment, plus il y a de monde, mieux c'est. Je suppose que c'est la raison pour laquelle vous l'avez fait, pour maintenir le tirage?

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Combien de pages avez-vous, en moyenne?

Mme Dennis : Le samedi, c'est une grosse journée.

M. O'Neil : Eh bien, le samedi, cela peut dépasser une centaine de pages.

Mme Dennis : Cent.

M. O'Neil : Les jours de semaine, cela varie entre 50 et 60.

Mme Dennis : Et le dimanche, aux environs de 48 à 50.

M. O'Neil : En fait, 52, oui.

Mme Dennis : Cinquante-deux.

La présidente : En augmentant le créneau destiné aux nouvelles, avez-vous maintenu le même rapport nouvelles- publicité qu'auparavant ou avez-vous tout simplement dit : « Nous allons leur donner plus de nouvelles peu importe ce qui arrive? »

Mme Dennis : Ce fut une belle croissance des deux, je pense, parce que les annonceurs ont aimé les capacités de production de notre journal ainsi que la couleur, le placement et la reproduction, mais les deux vont de pair. Nous ne pouvons avoir l'un sans l'autre. La publicité, c'est ce qui nous permet de payer les factures et ce qui nous permet de faire ce que nous faisons, de servir toute la province, d'employer des gens et de continuer d'investir dans notre produit.

La présidente : En desservant la province au complet, vous avez laissé entendre que cela deviendrait un défi économique plus grand que de continuer à livrer le journal à chacune des maisons où quelqu'un veut s'abonner au Chronicle-Herald.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Je sais que beaucoup de journaux ont réduit leur distribution dans les endroits les plus éloignés simplement à cause des coûts. Allez-vous devoir commencer à faire la même chose?

Mme Dennis : Pas dans un avenir prévisible et je pense que nous avons pris l'engagement de fournir le journal aux gens de Nouvelle-Écosse. Je n'ai pas de boule de cristal, mais pour l'instant, nous allons continuer d'avoir un système de livraison porte-à-porte.

La présidente : C'est là fondamentalement votre franchise, n'est-ce pas?

Mme Dennis : Oui.

La présidente : C'est la promesse qui vous tient à cœur.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Vous semblez également laisser entendre qu'après 130 ans, vous pensez à vous diversifier dans d'autres médias, pas uniquement l'Internet, mais la télévision. Ai-je saisi cette implication?

Mme Dennis : Non, je ne pense pas.

La présidente : Vous avez dit que vous n'alliez pas fermer la porte à ces possibilités.

Mme Dennis : Eh bien, je ne dirais jamais non.

La présidente : Oui.

Mme Dennis : Je veux garder toutes mes options.

M. O'Neil : Nous l'utilisons maintenant surtout pour promouvoir le produit principal, qui est le journal.

La présidente : Par la publicité?

Mme Dennis : Oui.

M. O'Neil : Nous faisons un peu de radio pour annoncer les articles que nous avons, et nous utilisons le Web pour essayer d'offrir le plus de choses possibles pour rendre le tout plus accessible aux gens, surtout pour ceux qui ne peuvent pas recevoir le journal. Il y a des gens qui nous contactent sur l'Internet et qui viennent d'Australie, d'Europe et de partout dans le monde, d'anciens résidents de la Nouvelle-Écosse qui veulent garder le contact. Cela est très important pour nous.

La présidente : Est-ce que vous exigez des frais pour votre version Internet?

Mme Dennis : Pour les abonnements à Internet, oui, et seulement une partie du contenu est accessible sur Internet. Vous devez vous abonner pour...

La présidente : Si vous êtes abonné à la version imprimée, pouvez-vous obtenir l'ensemble.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Si vous n'êtes pas abonné à la version imprimée, pouvez-vous vous abonner à une version réduite électroniquement.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Combien coûte cet abonnement?

Mme Dennis : C'est moins cher que le coût d'abonnement réel. Je ne sais pas exactement. Je peux trouver cette information.

La présidente : Peut-être que vous pourrez nous le laisser savoir.

Mme Dennis : Certainement.

La présidente : De même, pourriez-vous nous faire parvenir l'énoncé de politique, les documents dont vous avez parlé plus tôt.

Le sénateur Tkachuk : Avez-vous le nombre de personnes qui s'abonnent par Internet?

Mme Dennis : Oui, je peux vous donner cela.

Le sénateur Tkachuk : Je suis certain que c'est public de toute manière.

Mme Dennis : Effectivement.

La présidente : En tient-on compte dans les résultats de l'Audit Bureau of Circulations ou l'ABC?

MmeDennis : Je n'en suis pas certaine. Je ne le crois pas.

M. O'Neil : Non.

La présidente : Je pensais qu'on venait tout juste de modifier les politiques.

Mme Dennis : On vient peut-être de le faire, et je pense qu'on procède à une uniformisation.

La présidente : Oui.

Mme Dennis : Je pense que je peux effectivement vérifier le tout.

La présidente : Ça nous serait également très utile. À court terme, quel serait le modèle économique pour l'Internet?

M. O'Neil : Il y a des agences de publicité qui savent maintenant que, aux yeux des gens, le marché s'est diversifié et a gagné l'Internet. C'est pourquoi on y affecte une partie du budget en se disant : « C'est ce que nous ferons pour annoncer sur l'Internet afin de viser ces gens. » Ces solutions commencent à se révéler viables pour les journaux, qui peuvent investir dans le Web pour toucher les montants tirés de la publicité.

La présidente : A-t-on cherché à évaluer l'efficacité de la publicité sur l'Internet. Comme bien d'autres, j'élimine systématiquement les annonces.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Si elles sont bien conçues, les annonces dans les journaux peuvent attirer l'attention du lecteur.

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Il est difficile d'ignorer les annonces à la télévision. Celles sur l'Internet, me semble-t-il, sont très faciles à éliminer. Il s'agit simplement d'appuyer sur la touche Suppression.

Mme Dennis : Effectivement.

La présidente : J'ignore quelle est l'efficacité de la publicité sur l'Internet. Des études ont-elles porté sur cet aspect?

Mme Dennis : Je l'ignore, mais je sais cependant qu'il existe un logiciel qui vous aide à suivre l'évolution —

La présidente : À l'aide de mouchards et d'applications analogues.

Mme Dennis : En demandant aux internautes de s'enregistrer sur votre site, vous disposez de renseignements les concernant. Vous pouvez déterminer le cahier du journal et les annonces qu'ils consultent ainsi que le temps qu'ils y consacrent. Vous pouvez participer aux concours dans les annonces, qui vous donnent par exemple la chance de gagner un repas au restaurant. Les gens participent à ce genre de concours. Par conséquent, le publicitaire sait qui consulte les annonces.

La présidente : Très bien.

Mme Dennis : On dispose ainsi d'informations sur ce client, et il est possible de s'adapter, qu'il s'agisse de couverture ou d'annonces publicitaires, pour viser ce client grâce aux renseignements obtenus lorsque l'internaute s'inscrit et indique ses centres d'intérêt.

La présidente : À long terme pensez-vous qu'il y a de la place pour ce qu'on appelle la presse écrite, dont la forme serait différente mais qui utiliserait encore l'écrit?

Mme Dennis : Oui.

La présidente : Vous lisez la version électronique sur l'Internet.

Mme Dennis : Cette version représente une valeur pour nous parce qu'elle reflète le contenu de notre journal.

La présidente : Oui.

Mme Dennis : Que notre contenu soit diffusé sur papier ou électroniquement, il n'en demeure pas moins valable, parce que nous avons affecté des journalistes qui n'ont pas lésiné sur les efforts pour écrire leurs articles. Quel que soit le support, le contenu est valable, et je pense que nous méritons notre salaire.

La présidente : Je souhaite aborder une question tout à fait différente, mais je le ferai au cours de la deuxième série. Sénateur Tkachuk, nous vous entendrons au cours de cette deuxième série.

Le sénateur Tkachuk : Je souhaitais poser une question supplémentaire. Nous connaissons la valeur de l'Internet car des entreprises comme Google y gagnent beaucoup d'argent, essentiellement en tirant de la publicité des milliards de dollars.

Mme Dennis : Effectivement.

Le sénateur Tkachuk : Ce sont des entreprises gigantesques. J'ai remarqué que, par exemple, le moteur de recherche de Google permet de consulter les actualités internationales et comporte désormais une rubrique intitulée Local, ou vous pouvez taper « Halifax », pour connaître ce qui se passe sur la scène locale.

Mme Dennis : Effectivement.

Le sénateur Tkachuk : Comment Google obtient-il ses nouvelles? A-t-elle recours à vous? Vous paie-t-elle ou vous vole-t-elle ces nouvelles? Comment le tout fonctionne-t-il? J'ajouterais que nous avions l'habitude de voler le signal des canaux américains. Comment Google obtient-il ses actualités?

M. O'Neil : Google peut s'abonner à Broadcast News ou à un organisme analogue. On couvre tout le pays; vous n'avez qu'à taper le nom de l'endroit.

Le sénateur Tkachuk : C'est exact, car vous tapez Halifax et vous obtenez des renseignements sur ce qui s'y passe, un point c'est tout.

M. O'Neil : Effectivement, Broadcast News est une composante de la Presse canadienne, avec des bureaux dans l'ensemble du pays.

Le sénateur Tkachuk : Oh!

La présidente : Nous venons d'entendre un de ses représentants.

Le sénateur Tkachuk : Il y a peut-être des occasions d'affaires, parce qu'ils se plaignent beaucoup.

M. O'Neil : Peut-être. C'est une supposition de ma part.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

M. O'Neil : J'ignore comment on s'y prend réellement.

Mme Dennis : C'est pourquoi nous serons en mesure, espérons-le, de continuer d'offrir aux Néo-Écossais leurs actualités en leur procurant ce contenu local dans la version électronique.

Le sénateur Tkachuk : C'est exact.

Mme Dennis : Je pense que la quantité d'actualités diffusées sur l'Internet est telle qu'elle défie l'entendement. Si les Néo-Écossais nous autorisent à continuer de leur donner les actualités les concernant, du moins le contenu local, nous serons heureux de pouvoir le faire, que ce soit sur support papier ou dans le version électronique.

Le sénateur Tkachuk : Je suis paresseux par rapport aux actualités. J'aime qu'on me les donne d'une façon structurée. C'est pourquoi je regarde la télévision et lit les journaux plutôt que de consulter l'Internet parce que vous ignorez ce que vous y lisez et si la source d'information est valable ou non, n'est-ce pas?

Mme Dennis : Effectivement, la confiance est un aspect important.

Le sénateur Tkachuk : J'abonde dans votre sens et je ne pense pas qu'on ait encore réussi à y parvenir.

M. Howse : Ce n'est pas vraiment une solution de rechange à une équipe de nouvelles locales qui recueille l'information que d'autres délaissent en fait.

Le sénateur Tkachuk : Je suis tout à fait d'accord.

La présidente : C'est vraiment l'essentiel, n'est-ce pas?

M. Howse : Ce sont les journalistes.

Mme Dennis : Effectivement.

La présidente : Ils possèdent l'expérience, les compétences et le sens de l'éthique nécessaires.

M. O'Neil : Il faut offrir un produit exclusif. Si chaque station de radio ou de télévision et si chaque journal diffusait le même produit, vous n'auriez qu'à choisir si vous êtes un lecteur paresseux, comme vous l'avez indiqué. Vous pourriez regarder la télévision ou écouter la radio. Cependant, tous cherchent à obtenir une information exclusive qui attirera et fidélisera les lecteurs parce qu'ils sauront pouvoir trouver ce que personne d'autre ne leur offre. C'est ce que nous nous efforçons de faire quotidiennement.

Le sénateur Tkachuk : J'ai terminé mes questions et je souhaiterais simplement vous remercier, car la séance a été vraiment enrichissante et nous a permis d'entendre des témoignages pertinents et indépendants. La semaine dernière, nous avons accueilli les représentants du groupe The Walrus, qui est, je pense, un nouveau venu indépendant dans le domaine. Le directeur de la rédaction et l'éditeur ont été très intéressants et nous ont donné un son de cloche différent. Ce fut agréable de venir à Halifax pour entendre vos témoignages. Je vous en remercie.

Mme Dennis : C'est bien d'avoir l'occasion de s'exprimer.

La présidente : Nous n'avons pas encore terminé.

Le sénateur Tkachuk : J'ai terminé.

La présidente : Le sénateur Tkachuk a terminé, mais le sénateur Munson et moi avons encore des questions.

Le sénateur Tkachuk : Je m'en remets à elle. Tous les politiques devraient tirer une leçon de ses propos.

Le sénateur Munson : Êtes-vous d'avis que, par la publicité qu'elle diffuse, CBC/Radio-Canada vous livre une concurrence déloyale?

Mme Dennis : Un radiodiffuseur public devrait-il avoir droit à cette source de financement? Je l'ignore, mais je sais qu'il a une part du marché de la publicité en Nouvelle-Écosse et est donc notre concurrent.

Le sénateur Munson : Quelles sont vos règles régissant le droit d'auteur lorsque vous passez un contrat avec un pigiste? Ces règles semblent varier d'une région à l'autre. Je vous pose la question parce que beaucoup de pigistes ont l'impression qu'ils s'enfoncent lentement dans la pauvreté à cause de ces règles.

M. O'Neil : C'est fonction de la salle de presse. Les journalistes sont représentés par différents syndicats. Si vous examiniez chaque contrat, vous constateriez qu'il comporte toujours un aspect ayant une connotation locale. Parfois, le nombre de pigistes est restreint en vertu du contrat que le syndicat a conclu avec l'entreprise. Quant à nous, nous passons des contrats avec les pigistes et nous les payons ce que nous estimons un montant raisonnable.

Le sénateur Munson : Quand leurs articles peuvent-ils être repris ailleurs lorsqu'ils ont paru dans The Chronicle- Herald? Y a-t-il un délai?

M. O'Neil : Il y a un délai de sept jours, puis nous les affichons sur notre site Web pendant sept jours. C'est alors qu'ils peuvent en disposer à leur guise.

Le sénateur Munson : C'est, à mon avis, cohérent.

Dans la foulée de la question du sénateur Trenholme Counsell, je voudrais aborder très brièvement un autre point. Une bonne école de journalisme est établie ici même et il y en a d'autres ailleurs. Ces écoles disposent-elles de programmes de bourses ou de programmes analogues pour les études supérieures?

M. O'Neill : Nous avons une entente régissant les stages non rémunérés, ce qui permet aux étudiants d'être affectés à une salle de presse de quatre à six semaines au cours de la première ou de la deuxième session — habituellement la première. On leur donne des affectations et ils sont mis au parfum de la réalité dans une salle de presse.

Le sénateur Munson : C'est excellent.

La présidente : Vous avez aboli le poste d'ombudsman?

Mme Dennis : Non, le titulaire a pris sa retraite.

La présidente : Vous ne l'avez pas remplacé?

Mme Dennis : Non.

M. O'Neil : Non.

La présidente : Vous ne faites plus partie de l'Atlantic Press Council?

Mme Dennis : Je crois que c'est...

La présidente : Existe-il encore? Je pense qu'il existe encore en théorie, mais votre départ...

M. O'Neil : Je n'en suis pas certain. J'ai cherché à obtenir des renseignements à cet égard, mais je n'en ai pas entendu parler depuis un certain temps.

La présidente : Votre départ a dû être un dur coup.

M. O'Neil : Les activités se sont poursuivies pendant un certain temps. Je pense que les médias avaient l'impression que, lorsque l'Atlantic Press Council existait, on observait davantage de résistance de la part des gens qui disait qu'ils pouvaient porter plainte auprès du conseil de presse et que celui-ci pourrait prendre les mesures qui s'imposent. Si quelqu'un voulait porter plainte contre vous devant l'Atlantic Press Council, le processus était assez laborieux. Aujourd'hui, mon téléphone sonne; c'est une ligne directe, et on me met au courant. Mon nom figure dans le journal tous les jours, comme ceux ce Mme Dennis et de M. Howse. Nous sommes saisis de ces plaintes directement et nous les traitons immédiatement et attentivement. Nous ne passons plus par l'intermédiaire d'un conseil de presse ou d'un organisme analogue. Je pense que cela est vraiment efficace pour nous, à l'heure actuelle.

Mme Dennis : Nous sommes plus au courant de ce qui est publié dans notre journal et nous pouvons davantage intervenir. À mon avis, les gens s'en rendent compte, car c'est tous les jours.

La présidente : C'est encore une question de transparence. J'ai en fait aboli le poste d'ombudsman une fois. Ce n'est pas un secret. C'est l'une des mesures qu'il me déplaît le plus de prendre.

Mme Dennis : Ce ne l'est pas maintenant.

La présidente : Ça n'a jamais été un secret. C'est l'une des choses que j'ai le plus regrettée. J'avais le choix entre perdre un autre journaliste ou l'ombudsman. Ce fut le seul motif. Cela étant dit, il me semble que les ombudsmans ont tendance, grosso modo, à traiter les plaintes que vous évoquez : « Pourquoi avez-vous publié cette photo? » « Pourquoi ma lettre ne figure-t-elle pas dans le journal? » « Pourquoi avez-vous mal écrit le nom de mon voisin? » « Pourquoi n'avez-vous pas assuré la couverture du championnat de basketball des écoles secondaires? » Les plaintes portent sur des aspects très précis et très concrets. Je ne dis pas que toutes les plaintes de ce genre sont importantes. Cela m'amène à songer au modèle de rédacteur en chef du public dont le New York Times a fait récemment l'expérience. Ce n'est pas la même histoire. On ne lui demande pas vraiment : « Pourquoi a-t-on mal écrit le nom de mon voisin? » « Pourquoi a- t-on mal écrit mon nom? » Il se penche sur des questions beaucoup plus profondes ayant trait à la philosophie du journal, notamment sur les motifs justifiant pourquoi certaines choses sont accomplies de cette façon. Croyez-vous que ce genre d'institution soit valable? Il est difficile de dire : « Je laisserai quelqu'un se servir de nos pages pour analyser comment nous faisons les choses. » Par contre, croyez-vous que cela puisse renforcer la crédibilité?

Mme Dennis : Je peux franchement vous dire que certains passages des témoignages des autres personnes qui ont abordé notamment ces idées m'ont intriguée et que certaines autres offrent des possibilités intéressantes. Je ne pense pas que nous devrions écarter les possibilités qui s'offrent. Si, à un moment donné, nous avions l'impression que les gens ne croyaient pas que nous avions réagi correctement ou avions reflété suffisamment leurs opinions et leur avions donné la possibilité d'exprimer leur opinion, nous envisagerions certainement de rectifier le tir. En outre, je penserais que notre courrier du lecteur donne à beaucoup de personnes autres que les journalistes l'occasion de faire valoir leur opinion sur ce que nous faisons et la façon dont nous le faisons. Ma mère est une ancienne infirmière en pédiatrie. L'autre jour, avant me rendre au travail le matin, je reçois d'elle un appel sur mon téléphone cellulaire. Elle me dit : « Le journal a publié une autre photo d'un planchiste qui ne porte pas de casque. C'est épouvantable. Nous devrions promouvoir la sécurité. » Cette semaine, une femme de l'association de la chirurgie du cerveau a fait parvenir une lettre au journal pour souligner qu'il nous incombait de donner aux Néo-Écossais des exemples de pratique sûre du patinage sur planche à roulettes et des autres activités. Je pense que nous avons plus d'un rédacteur en chef du public en mesure d'écrire à notre journal quotidiennement pour faire valoir leurs opinions dans la page des lettres à la rédaction. Bob, souhaiteriez-vous ajouter des observations?

M. Howse : Il y a un autre modèle par rapport à ce que vous venez de dire : les mesures que nous avons prises lorsque Paul O'Connell, rédacteur en chef du numéro du dimanche, a expliqué dans le journal pourquoi il avait utilisé la photo. Vous pouvez vous servir du modèle de l'ombudsman et dire : « Nous avons un intervenant indépendant qui traitera les plaintes et fournira des explications. » Par contre, vous pouvez appliquer le modèle selon lequel la personne qui prend la décision justifie celle-ci, peut faire l'objet de critiques de la part du public et doit composer avec le tout. C'est peut-être un modèle tout aussi crédible.

La présidente : Effectivement.

M. Howse : C'est également un modèle crédible que de devoir justifier une de ses décisions sans s'en remettre à l'ombudsman.

La présidente : Ce modèle peut se révéler extrêmement intéressant.

M. Howse : Effectivement.

La présidente : De toute évidence, tout modèle comporte des lacunes. La lacune de ce modèle, c'est qu'il est toujours extrêmement difficile d'avouer que nous nous sommes royalement fourvoyés.

M. Howse : Effectivement.

La présidente : Néanmoins, cela ne vient pas contester la validité de vos propos. Vous avez bien précisé ne pas vouloir d'une ingérence de l'État dans les salles de presse canadiennes, ce que nous ne souhaitons pas, nous non plus, comme l'a indiqué le sénateur Tkachuk. Cependant, il y a un vaste éventail de politiques du gouvernement qui concernent la presse. Je ne parle pas de radiodiffusion mais de tous les autres aspects, de la Loi de l'impôt sur le revenu aux subventions postales, et il y en a bien d'autres.

Mme Dennis : Il y en a effectivement bien d'autres.

La présidente : Selon vous, quel aspect de la politique du gouvernement fédéral devrait-on modifier le cas échéant ou quel aspect revêt une telle importance que sa modification serait très risquée ou modérément risquée?

M. O'Neil : Je voudrais bien proposer la Loi sur l'accès à l'information et les autres lois analogues. Les commissaires devant déterminer ce qui peut être divulgué, ce qui ne peut pas l'être et les personnes en cause, la bureaucratie a pris une telle ampleur que les droits exigés ont augmenté. Les journalistes qui n'en ont pas les moyens ne recourent plus à ce processus —

La présidente : Combien en coûte-t-il pour obtenir des extraits?

M. O'Neil : Je pense que le prix varie selon la quantité de renseignements que vous souhaitez obtenir et le temps estimé qu'il faudra pour vous transmettre le tout. Un droit uniforme est peut-être exigé à la présentation de la demande de renseignements, mais on tient compte par la suite du temps qu'il faudra consacrer pour effectuer les recherches nécessaires. Aux yeux du public, cela commence à ressembler à du camouflage. Si la paperasserie administrative atteint un certain niveau, le public —

Le sénateur Tkachuk : C'est le cas.

M. O'Neil : Cependant, c'est plus compliqué qu'auparavant, et les demandes d'accès à l'information donnent parfois des résultats intéressants, comme nous l'avons vu dernièrement dans les actualités.

La présidente : Sans blague. Que pensez-vous des lois protégeant la confidentialité des sources?

M. O'Neil : Je n'en suis pas tellement au courant.

La présidente : J'entends par là les lois qui protègent un journaliste à qui —

Mme Dennis : Ses sources.

La présidente : — à qui on demande de révéler ses sources.

M. O'Neil : Je pense qu'il ne faudrait par les abroger. Elles sont à mon avis vraiment importantes.

La présidente : Le sénateur Eyton voulait vous poser des questions. Il a dû s'absenter et il s'en excuse.

Avant que nous mettions un terme à nos travaux, je vous demanderai de rester tous assis et d'avoir l'air fasciné, car il y aura une autre séance de photo. Madame Dennis, je vais vous raconter une anecdote sur ma famille.

Il y a de nombreuses années, le sénateur Dennis envoyait à ma grand-mère des roses une fois par année. Ils s'étaient rencontrés lors d'un souper, dans les années 20, je pense. Ma grand-mère lui avait alors dit qu'elle pensait qu'une certaine personnalité de la ville était en quelque sorte un escroc. Celui-ci lui a répondu : « C'est impossible, pas un pilier de la communauté. » Cette personnalité s'est révélée être un escroc qui avait fait main basse sur beaucoup d'argent. Lorsque l'affaire a été mise au jour, le sénateur Dennis a envoyé des roses à ma grand-mère et a continué de le faire pendant des années, à l'anniversaire de cette journée. Elle en était tellement fière. Elle nous en a reparlé pendant des années lors des repas.

Je pense que nous avons terminé. Nous vous remercions infiniment. La séance a été très intéressante. Le Chronicle- Herald est un journal important. C'est pourquoi il était essentiel d'entendre votre témoignage.

Mme Dennis : Merci. C'est la première fois que je comparais devant un comité. Je vous en remercie.

La présidente : Vous pouvez revenir n'importe quand.

La séance est levée.


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