Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 15 - Témoignages - Séance de l'après-midi
HALIFAX, le mardi 19 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 13 h 6 pour étudier l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergents au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables collègues, nous reprenons les séances du Comité sénatorial permanent des transports et des communications à Halifax, aujourd'hui, dans le cadre de notre étude des médias d'information canadiens. Nous avons la chance d'accueillir M. Tony Seed, rédacteur en chef et éditeur de Shunpiking Magazine. Il est accompagné de M. Gary Zatzman.
Nous vous souhaitons la bienvenue, et nous vous remercions beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Nous vous écoutons.
M. Tony Seed, rédacteur en chef et éditeur, Shunpiking Magazine : Madame la présidente, membres du comité sénatorial, mesdames et messieurs, bienvenue en Nouvelle-Écosse.
Votre invitation à venir vous présenter notre point de vue et à partager notre expérience avec vous est une consécration quelque peu ironique de quatre décennies sur le chemin de la vérité et de l'intégrité, au service de la population.
J'ai des antécédents professionnels en communications, et, au cours des 40 dernières années, j'ai été journaliste, éditeur, auteur et graphiste professionnel. J'ai également participé à la production de documentaires à la chaîne de radio anglophone de Radio-Canada et à Vision TV, comme « No Harbour for War » et « Fishing on the Brink ». J'ai établi le journal prétendument marginal The Canadian Free Press en 1967, et, à cette époque, la GRC m'a arrêté à deux reprises, à la lumière d'accusations inventées de toutes pièces.
À titre de rédacteur d'articles spéciaux pour le Globe and Mail, j'ai été mis en nomination pour un prix journalistique national, en février 1971. On m'a sommairement et injustement renvoyé neuf jours plus tard, et j'ai été ostracisé partout au Canada en raison de mes opinions, grâce à un système de lettre confidentielle. Néanmoins, j'ai continué à écrire et à publier des articles dans des journaux, comme le Boston Globe et le Telegraph à Londres, entre autres.
J'ai couvert des conflits armés et d'autres événements importants à l'étranger, en Écosse, dans les Balkans, en Inde, et, plus récemment, au Sri Lanka, en 2000, où je comptais parmi les trois journalistes — sur 180 — couvrant la guerre civile de l'intérieur.
Je suis membre de l'Association canadienne des journalistes, et j'ai déjà été membre de la Société des graphistes du Canada.
En 1986, j'ai établi New Media Services Incorporated à Halifax, pour favoriser la création de médias indépendants au service de la population canadienne, ce qui nous a permis d'aider une foule d'organismes communautaires, et sans but lucratif, d'organismes de sports amateurs et d'entreprises à concevoir leur propre outil d'information et à se doter de leur propre voix, qu'il s'agisse d'un bulletin d'information ou d'un tabloïd à quatre couleurs.
Avec sept collègues, j'ai établi Shunpiking Magazine, qui va célébrer son dixième anniversaire en décembre 2005. Le terme « Shunpiking » signifie « shunning the turnpike », c'est-à-dire bouder l'autoroute et voir du pays autrement. Les origines de cette expression remontent à 200 ans environ, avec la naissance des autoroutes à péage et le premier mouvement vers la privatisation des routes.
Comme vous le savez, les routes et les autoroutes à péage ont été conçues afin de permettre aux gens de se rendre d'une zone en développement à une autre et de contourner la foule de villes et de villages entre les deux. Ces villes et villages se sont rebellés, et ont établi des sentiers qui partent d'un côté du poste de péage, mènent à leur village, et ressortent de l'autre côté du poste de péage, et ces chemins portent le nom de shunpikes. On trouve des chemins portant le nom de shunpikes en Nouvelle-Angleterre et dans le Haut-Canada.
Chaque année, à la Fête des mères, le London Free Press organise une excursion printanière sur les shunpikes. Jusqu'à 3 000 personnes se présentent à cette activité en vue de parcourir les routes de campagne du sud de l'Ontario.
Nous qualifions Shunpiking Magazine de « revue de la découverte », car nous partons du principe selon lequel une personne doit être à la recherche de quelque chose pour faire une découverte. Du point de vue journalistique, cela signifie nécessairement l'application d'une nouvelle forme de journalisme, fondée sur la méthode scientifique. C'est une publication pour les Canadiens qui réfléchissent. Nous publions 25 000 exemplaires de notre revue, diffusée de Yarmouth à Bay St. Lawrence, à raison d'environ 50 p. 100 en milieu urbain et 50 p. 100 en milieu rural. On la distribue dans quelque 840 villes et villages et autres endroits. Nous publions également une version Internet distincte, Shunpiking Online.
Nous faisons partie de l'explosion mondiale de nouveaux médias indépendants qui se font le porte-voix des droits et des préoccupations des gens. Plus de 600 personnes ont contribué de façon bénévole à Shunpiking Magazine, et je tiens à préciser que tout notre travail, y compris le mien, est bénévole.
Nous remettons à votre greffier un fichier PDF qui contient une sélection complète d'éditoriaux et d'articles de notre revue; il vous donnera un aperçu de nos opinions, de nos objectifs et de nos pratiques à l'égard des médias indépendants, de l'édition et du journalisme, du mouvement pour l'information, ainsi que du matériel connexe. Cette information sera également versée sur notre site Web, où figure déjà votre rapport préliminaire. Nous espérons que cette information sera d'un intérêt particulier aux personnes qui sont préoccupées par la situation actuelle des médias et la qualité de l'information, ainsi que par la désinformation de masse et le sabotage de l'opinion publique permettant de priver les gens de leur capacité de réfléchir, de trouver des repères et de résoudre des problèmes en fixant leurs propres objectifs.
Notre revue a paru la première fois le 3 décembre 1995, « en raison d'une préoccupation à l'égard de la situation actuelle du journalisme médiatique et de la culture » — c'est ce que nous avions écrit à l'époque. Les médias sont embourbés dans une crise de crédibilité. La crise médiatique a été nourrie par une monopolisation accrue, une concurrence féroce entre les géants de l'information, et l'éviscération de Radio-Canada. Partout au Canada, la publicité imprimée est en baisse, on réduit le personnel, l'écriture journalistique est confiée à des pigistes, et les journaux remplissent leurs pages de photos d'archive. Les médias ont une influence sur les intérêts et le bien-être des gens et de l'environnement, et, par conséquent, leur contenu les fait tomber dans le discrédit.
À titre de créateurs et de communicateurs, nous avons dû faire un choix : nous plaindre des retombées de la monopolisation des médias, ou créer une publication sérieuse qui vise à promouvoir l'intérêt et l'information du lectorat et de nous-mêmes, dotée de sa propre vision et de sa propre politique de rédaction indépendante. C'était le premier pas, mais ce premier pas ne pouvait être pris selon les méthodes habituelles, et il ne saurait l'être. Le fichier PDF que nous vous avons fourni brosse un vif portrait de nos opinions et de notre travail.
Shunpiking Magazine a pris l'initiative de produire des suppléments annuels sur les Premières nations et les Micmacs, l'histoire des Noirs, et la langue gaélique. Nous publions des affiches d'information scientifique sur les baleines des maritimes, les plantes de printemps des Maritimes, et le cycle de vie du homard de l'Atlantique, pour ne nommer que ceux-là. Nos publications scientifiques portent, entre autres sur la flore côtière rare, les toponymes d'origine gaélique en Nouvelle-Écosse, et les 48 premières collectivités noires de la Nouvelle-Écosse. Elles figurent dans notre double page centrale, et nous en tirons un certain nombre à part, en vue de les laminer et de les vendre pour 5 $. Malheureusement, nous n'en avons plus; sinon, j'aurais été heureux de vous en offrir un comme cadeau.
Nous publions également un répertoire des ressources extérieures de 96 pages, gratuitement. Nous publions des dossiers de fond sur des questions qui concernent l'ensemble de l'humanité, comme le dossier sur la Palestine que je vous ai soumis à titre d'exemple. Même si on ne le mentionne jamais dans la presse canadienne, ce dossier a été bien reçu partout dans le monde. Nous avons imprimé 20 000 exemplaires, et environ 15 000 exemplaires ont été vendus, ce qui le place dans la catégorie des succès de librairie.
Nous participons également à la préparation d'une émission hebdomadaire de 15 minutes, sur les ondes de CFR radio à Vancouver, qui s'intitule Shunpiking Nova Scotia.
Nous parrainons des conférences et des symposiums, comme le « Halifax Political Form », tenus au début de la guerre en Irak, à titre de tribune publique. En juillet, l'an dernier, nous avons organisé à Halifax le symposium international sur les médias et la désinformation. Les deux principales résolutions adoptées à l'occasion du symposium concernaient la désinformation à titre de crime de guerre contre l'humanité, et le ciblage délibéré des journalistes par les forces d'occupation. Comme vous le savez sans doute, un plus grand nombre de journalistes sont morts en Irak au cours des deux dernières années qu'au cours de toute la guerre du Viêt-nam, et cinq journalistes de plus ont été tués au cours des quatre derniers jours.
Nous vous invitons cordialement — ainsi que votre personnel de recherche — au symposium qui aura lieu cet été, du 1er au 4 juillet, à l'Université Dalhousie. Vous constaterez que le symposium offre une expérience non seulement informative, mais peut-être même révélatrice.
Grâce à ce mémoire que nous avons rédigé, nous espérons vous informer de nos tribulations, et encourager les autres à se joindre à nous, ou à se lancer sur la voie du journalisme et des médias indépendants.
Nous avons passé en revue votre rapport préliminaire d'avril 2004, ainsi que les délibérations et les nombreux mémoires connexes. Depuis avril 2004, la monopolisation sans précédent des médias, des moyens de production et des sources d'information se poursuit sans montrer de signes de ralentissement — dans notre région, il s'agit surtout de Transcontinental Publishing et d'Irving Group. Cela signifie que, en Nouvelle-Écosse, l'éditeur indépendant n'a accès qu'à deux presses sur rotatives offset. Pour nous, c'est une question de vie ou de mort.
À mon avis, et selon mon expérience, la relation entre le monopole médiatique et les médias indépendants est non pas une relation de laissez-faire, mais bien une lutte à finir dans le cadre de laquelle la liberté de l'un exige la suppression, la monopolisation, la cartellisation ou la marginalisation de l'autre. L'expression selon laquelle « la liberté de presse appartient à ceux qui en ont une », rendue célèbre par le journaliste américain A.J. Liebling, ne s'applique plus qu'à quelques monopoles puissants.
Nous appuyons la démarche de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, qui a lancé un appel à la restriction de la monopolisation et du droit de caractère monopolistique — et par cela j'entends le droit individuel — ainsi que l'appel à la restriction du contrôle étranger, qui vous a été soumis par divers groupes d'intérêt. Toutefois, à notre avis, les Canadiens ne sont pas tout simplement confrontés à une monopolisation accrue découlant d'une vaste influence néo-libérale; il s'agit d'une désinformation de masse. Cette désinformation inculque aux Canadiens des réactions guerrières et ruine l'opinion publique en vue de favoriser l'intégration du Canada aux États-Unis, il s'agit d'une attaque néo-libérale sur la conscience et l'information.
Nous aimerions donc formuler une nouvelle recommandation : que votre Comité sénatorial mène une enquête objective sur la désinformation comme modus operandi dans divers domaines. Par cela, nous avançons que la désinformation ne découle pas d'un parti pris, de l'incompétence professionnelle, de l'ignorance ou de la mésinformation. Nous estimons qu'il s'agit plutôt du fait de « désinformer », terme composé du préfixe « dés » et du verbe « informer ». Cela correspond, finalement, à... comment dirait-on?
M. Gary Zatzman, Shunpiking Magazine : Faire en sorte qu'il soit impossible de répondre.
M. Seed : Oui.
De plus, nous ne croyons pas qu'il s'agisse là d'autocensure des journalistes — phénomène qui est également bien connu — né de la disparition de voix distinctes, comme l'a demandé le sénateur Jim Munson plus tôt. Nous devons aller plus loin. Nous devons lutter contre cette désinformation envahissante, et contre la collaboration des monopoles médiatiques aux crimes contre l'humanité qui ont été commis et qui sont commis tous les jours, contre les peuples de l'Irak, de la Palestine, d'Haïti ou d'autres peuples et nations, ou contre des attaques dirigées contre notre politique nationale.
Selon nous, les organismes d'information, les organismes mondiaux d'information, et les médias canadiens doivent être tenus responsables du rôle qu'ils jouent au chapitre de l'information et de mésinformation du public. Les monopoles médiatiques ont dilué encore plus la notion de liberté de la presse, qui prend maintenant le sens de liberté à l'égard du contrôle gouvernemental. La désinformation est telle que, loin d'être des organismes d'information exerçant leurs activités en marge du gouvernement, les médias d'information favorisent activement la réalisation des stratégies gouvernementales au pays et à l'étranger, des stratégies de « dominance sur le plan de l'information ». Une telle enquête par le sénat contribuerait à renforcer les droits souverains et démocratiques des Canadiens à l'information, ainsi que les droits des autres peuples et nations. À notre avis, non seulement le monopole médiatique ne sert-il pas des intérêts des Canadiens, il constitue même un obstacle qui empêche les Canadiens d'aborder les enjeux importants auxquels ils sont confrontés. Nous vous demandons instamment d'agir.
En décembre 1998, on a tiré les conclusions suivantes concernant le rôle d'une minorité minuscule d'intérêts privés qui ont utilisé les médias pour orienter le programme politique en fonction de ses propres intérêts :
Les tenants des droits de propriété tendent à rattacher tous les problèmes des pêches au fait que le poisson est vu comme une ressource publique. Cependant, les témoignages que nous avons entendus semblent montrer que les quotas individuels ne sont certainement pas la panacée que le gouvernement, les gestionnaires des pêches, certains chroniqueurs et éditorialistes et la plupart des économistes avaient espérée. Même si leurs plus fervents défenseurs prétendent qu'ils peuvent être conçus de manière à résister à toute critique, les quotas privés ont de très graves défauts et créent de nouveaux problèmes. Beaucoup ont affirmé au Comité que l'approche basée sur les droits de propriété avait été désastreuse pour la conservation des stocks et pour les collectivités tributaires de ces stocks.
Et on ajoute ce qui suit dans le même document :
Enfin, le débat sur les quotas individuels s'est jusqu'à maintenant limité aux cercles universitaires, aux bureaux gouvernementaux, aux porte-parole des pêcheurs et à certains chroniqueurs et éditorialistes. La population canadienne devrait être mieux informée sur cette question. Les contribuables en particulier devraient se méfier des clichés éculés et des prétentions exagérées des plus ardents partisans de la privatisation de la pêche. Au bout du compte, ce sont en effet eux qui auront à payer la note si les petites collectivités et pêcheurs sont abandonnés.
Ces déclarations sont tirées du rapport du Comité sénatorial permanent des pêches sur la privatisation et les permis à quotas dans les pêches canadiennes, à la suite duquel des changements profonds ont été apportés aux pêches. Cette démarche a été menée dans le cadre d'un processus administratif ou directeur relevant du ministre des Pêches et Océans, sans que la question soit même renvoyée au Parlement.
Le Sénat parle de désinformation. Des faits objectifs et reconnus ont systématiquement été falsifiés ou déformés, et ce processus a été facilité par le monopole médiatique.
Au cours des 15 dernières années, les Canadiens de la Région atlantique ont été victimes du portrait des plus irrationnels et complètement faux brossé par les médias nationaux et régionaux, cette désinformation selon laquelle le problème des pêches tenait au fait qu'il y avait trop de pêcheurs se disputant trop peu de poisson.
Les conclusions du Sénat, tout comme vos propres audiences, ont été marginalisées par les médias. Nous avons effectué une recherche au moyen de Google en vue de trouver des articles de journaux faisant état de la tenue d'audiences par votre Comité à l'échelle du pays, et de tels articles sont inexistants ou extrêmement difficiles à trouver. Par exemple, on peut trouver le mémoire de Transcontinental Publications sur le site Web de cette société, mais aucun des journaux de Transcontinental ne parle du témoignage de la société devant votre Comité.
Le sénateur Tkachuk : Nous sommes habitués à cela.
M. Seed : Mais à coup sûr vous ne pouvez vous contenter d'en rire. Je veux dire, vous devez vous élever contre cela. Je sais que vous avez rédigé plusieurs articles qui réfutent diverses allégations.
Quand nous examinons les liens organisationnels et rédactionnels entre le National Post, le Globe and Mail, les deux présumés groupes de réflexion que sont le Fraser Institute et l'Atlantic Institute for Market Studies, et les grands monopoles de la pêche, comme Clearwater Fisheries, une vaste supercherie se dessine à l'horizon. Clearwater n'est qu'un exemple des nombreuses occasions où notre société a été la cible d'une telle désinformation médiatique.
On a tenté de diviser la politique canadienne, y compris les Maritimes, en fonction de l'ethnicité, des croyances religieuses et d'autres croyances liées aux origines nationales, minant du coup l'unité et la souveraineté du peuple canadien, et cela est tout à fait répréhensible.
L'arrêt Marshall, neuf mois après la présentation du rapport du Sénat, a été suivi d'une série d'événements qui montrent clairement comment la couverture médiatique a été utilisée pour diviser les gens des Maritimes en fonction de la race, pour isoler et marginaliser les pêcheurs d'origines différentes et leur refuser leurs droits, en faire la cible des forces de l'ordre, présumément au nom de la conservation. J'aimerais vous lire une citation :
Deux tendances se dessinaient, reflet d'un affrontement entre deux forces. Ces deux tendances contrastent énormément. Premièrement, les médias de masse favorisent la désinformation en s'attachant uniquement à une tendance. Dans le scénario principal, on rendait compte fidèlement de toute déclaration incendiaire et de toute activité de vandalisme ou de tout conflit, et on insistait sur ces événements.
Voici deux exemples types de cette démarche. Au Nouveau-Brunswick, le 22 septembre, cinq jours après qu'on a rendu une décision dans l'affaire Marshall le 17 septembre, un éditorial de Philip Lee, dans le Telegraph Journal — qui appartient à Irving — évoque le spectre de « l'anarchie » et de la « violence » chez les Micmacs. Le 23 septembre, on pouvait lire en manchette du même journal le titre « Maritimes in Civil War over Native Fishing ». À ce moment-là, il ne s'était toujours rien passé. Dix jours avant les événements qui ont lieu à Burnt Church, largement diffusés à l'émission First Edition de la CBC ainsi que sur Newsworld, Tom Murphy a cité un pêcheur qui disait : « La guerre, je dirais la guerre civile; il va se passer quelque chose. » Il a vraiment dit que « les Autochtones dorment tout près de leur prise, avec une arme à la main. »
On n'a jamais mentionné que, depuis deux ans, les chefs Micmacs et les pêcheurs autorisés avaient été en dialogue constant au sujet de la pêche de subsistance des Autochtones dans la baie Ste-Marie. Or, la baie est à proximité de Digby. Autrement dit, on a tout simplement fait fi de l'expérience directe des gens.
Pendant toute cette période, notre publication était la seule du Canada atlantique à offrir aux Micmacs et aux petits pêcheurs la possibilité de partager leur expérience et de présenter leurs points de vue à l'ensemble de la société. Le problème tient non pas à l'absence de diversité dans les médias, mais bien à un tsunami de désinformation où seules les personnes au pouvoir ont la possibilité de faire connaître leurs opinions.
La désinformation misait également sur des événements organisés et des rencontres montées d'avance auxquelles le gouvernement participe, directement ou indirectement. Je cite :
Les grands médias présentent des pêcheurs autochtones et non autochtones s'affrontant de façon spontanée, comme un conflit racial.
Les 17 et 18 octobre, juste après ma visite à Barrington, après que des pêcheurs de homard ont bloqué des bateaux autochtones à Yarmouth Harbour et détruit leurs casiers à homard, on a assisté à la multiplication d'allégations non fondées selon lesquelles des Autochtones se seraient vengés en mettant le feu à une maison de pêcheur, dans la localité voisine de Rockwell. Ni le Chronicle-Herald ni la CBC, qui ont tous deux un bureau à Yarmouth, n'ont identifié l'incendiaire présumé. Le détachement local de la GRC, qui aurait laissé avoir lieu la destruction des casiers à homards des Autochtones et omis d'arrêter les personnes responsables, a été forcé de déclarer que les deux incidents n'étaient pas liés.
À Burnt Church, une situation similaire où on se fait justice à soi-même a eu lieu, et des accusations au criminel n'ont pas été portées avant le 12 octobre. Le Globe and Mail, évoquant des stéréotypes hollywoodiens, a parlé de « pêcheurs Micmacs renégats » dans un article.
Alors le conflit objectif — et je ne dis pas qu'il n'y avait pas de conflit — est présenté comme un conflit racial. La vérité, c'est qu'il n'y avait que 40 bateaux autochtones sur un total de 2 893 titulaires de permis de pêche au homard dans la région Scotia Fundy à l'époque.
Politiquement, ce problème a été créé par le gouvernement fédéral; il a violé les traités originaux. L'ensemble du gouvernement — y compris le Premier ministre du Canada — présentait la reconnaissance des droits autochtones comme source du problème, comme si les Premières nations étaient responsables des problèmes auxquels sont confrontés les petits pêcheurs. Il a joué la carte de la race.
Jean Chrétien, ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord, insistait pour que les Micmacs abandonnent le droit de pêcher le homard, à titre de « mesure temporaire », pour régulariser les règles régissant la conservation. C'était la propagande ronflante du cartel des pêches. « Il faudrait que l'application de la décision de la Cour suprême soit reportée de six mois, a-t-il déclaré, et il faudrait forcer les Premières nations à se soumettre au régime du MPO. » Il a lancé la première tendance.
Le ministre des Pêches Dhaliwal avait renforcé le message lorsqu'il s'est levé au beau milieu d'une allocution du grand chef des Micmacs à Halifax, et qu'il est parti. À Burnt Church et à Yarmouth, la GRC a laissé des gens détruire les casiers à homards des Autochtones.
Ainsi, l'anarchie et la violence ont suivi la désinformation, et tout cela illustre qu'il s'agit non pas seulement d'une question idéologique, mais des conséquences du mal occasionné aux Canadiens en raison de la désinformation.
La présidente : Monsieur Seed, j'espère que vous allez nous laisser une copie complète de votre exposé, mais j'ai dit que j'allais vous interrompre s'il le fallait. Et je crois que nous sommes arrivés à ce point, car nous voulons avoir l'occasion de vous poser des questions. Je vous accorde encore une minute, histoire de vous laisser résumer votre propos ou soulever un autre point essentiel, et nous passerons ensuite aux questions.
M. Seed : Il y a un grand nombre d'enjeux que j'aurais pu soulever en peu de temps. Toutefois, je tiens à m'attacher à ce problème qui survient sur tous les fronts.
J'aimerais parler de votre rapport concernant la guerre en Irak. Nous avons également l'exemple de Haïti. Il y a eu une participation canadienne à la guerre en Irak. Nous avons récemment été confrontés à la question d'un missile américain lancé au-dessus d'Hibernia, et on s'est attaché à parler de Hibernia, sans que personne ne mentionne qu'il y a des pêcheurs dans les Grands Bancs, et que la souveraineté du Canada est en jeu. On a réduit la discussion à une question de sécurité technique et de une chance sur un million.
Je crois que votre Comité n'est pas vraiment en mesure d'apprécier le phénomène de la monopolisation des médias de masse, ainsi que les problèmes perçus par les Canadiens au chapitre du contenu et de la qualité de ces médias, sans d'abord se pencher sur la question de la désinformation.
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup de votre exposé. J'ai quelques questions concernant votre magazine, lequel résume un grand nombre de frustrations ressenties par les gens à l'égard des médias, même si le langage est beaucoup plus fort que ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant.
Est-ce une publication mensuelle ou hebdomadaire?
M. Seed : La revue est publiée six fois par année. La version Internet est mensuelle.
Le sénateur Tkachuk : Je remarque le supplément sur l'histoire des Noirs et le dossier sur la Palestine. S'agit-il de suppléments annuels ou mensuels?
M. Seed : Oui. Non, le supplément sur l'histoire des Noirs, et ce que nous appelons le Mac-talla. Le Mac-talla en est un autre.
Le sénateur Tkachuk : Celui-ci?
M. Seed : Oui.
Le sénateur Tkachuk : D'accord.
M. Seed : Mac-Talla était la première publication gaélique en Nouvelle-Écosse; on l'a publiée de 1898 à 1902. Il s'agissait de la première publication gaélique en importance dans le monde à cette époque. Nous avons redonné vie à ce nom, qui signifie « écho ».
Le dossier sur la Palestine est un numéro spécial.
Le sénateur Tkachuk : Vous le diffusez une fois par année ou une seule fois?
M. Seed : Il n'a paru qu'une seule fois, mais la demande est telle que nous en produirons un deuxième, avec un contenu mis à jour.
Nous avons également commencé à publier des dossiers approfondis sur Internet, afin qu'on puisse rassembler, à l'égard d'une question donnée, toute une diversité d'analyses approfondies. Nous publions une section régulière sur Internet, qui s'appelle Media Culpa, par exemple.
Le sénateur Tkachuk : En raison de quelles opinions vous a-t-on mis sur la liste noire?
M. Seed : Le Globe and Mail avait publié une série d'éditoriaux avançant que les gens qui ont été arrêtés pour une infraction politique ne pouvaient être considérés que comme de petits malfaiteurs, parce qu'ils avaient été reconnus coupables en vertu du Code criminel du Canada. Dans la salle de nouvelles, le rédacteur en chef de l'époque était Clark Davey, que vous connaissez. J'ai manifesté mon désaccord. J'ai dit que les gestes à l'égard desquels ces gens ont été arrêtés étaient fondés sur des croyances politiques. On m'a averti, et on m'a dit que mes opinions n'étaient pas conformes à celles du The Globe and Mail.
Le sénateur Tkachuk : S'agissait-il d'opinions violentes, ou étiez-vous tout simplement en désaccord?
Quand vous parlez de gestes, vous parlez de gestes politiques?
M. Seed : C'était en 1970-1971, et il y avait beaucoup de protestations au Canada. Les Canadiens protestaient contre la guerre au Vietnam, contre l'américanisation du Canada, et ainsi de suite. Diverses personnes avaient été arrêtées à l'occasion de manifestations, par exemple.
Maintenant, je ne conteste pas la validité des preuves fournies. Ce qui importait, c'est que des gens avaient suivi leur conscience et pris position, ils avaient été arrêtés, jugés et condamnés. Il était inacceptable de rédiger des éditoriaux étiquetant ces personnes de petits malfaiteurs. C'est une violation de la liberté de conscience et de la liberté de réunion.
On m'a demandé de ne pas assister à des activités politiques, à des rencontres, à des manifestations ou à toute autre activité où on serait susceptible de savoir que j'étais journaliste pour le Globe and Mail. Ironie du sort, tout cela a eu lieu neuf jours après qu'on m'a mis en nomination pour un prix national de journalisme, pour une série d'articles de fond que j'avais écrits au sujet de la centralisation de la Commission de l'assurance-chômage à Toronto. Je leur ai dit que je ne pouvais pas faire cela, et que je n'avais rien fait qui puisse porter atteinte à la réputation du Globe and Mail. Évidemment, ce n'était pas la qualité de mon travail de journaliste qu'on remettait en question, mais je ne pouvais me soumettre à leurs conditions. J'ai mentionné mes droits à titre de Canadien. Leur réponse a consisté à me dire de vider mon bureau et de quitter la salle de rédaction avant le lendemain.
Le sénateur Tkachuk : Vous parlez de désinformation presque comme s'il s'agissait d'un complot, et, à titre de conservateur, je crois souvent la même chose.
En Nouvelle-Écosse, dans la région de Halifax, qui ferait partie de ce complot? Est-ce que le Chronicle-Herald en ferait partie? Est-ce que Global en ferait partie? Est-ce que la SRC en ferait partie? Est-ce que CTV en ferait partie? Qui prendrait part à ce processus de désinformation?
M. Seed : Si vous le permettez, je vous donne une réponse plus détaillée. Premièrement, à titre de conservateur, vous savez très bien comment on a traité John Diefenbaker à l'occasion de la Nuit des longs couteaux. Vous vous rappellerez le rôle qu'ont joué les Américains, du président Kennedy jusqu'à l'ambassadeur américain à Ottawa, et des réunions qui ont eu lieu au sous-sol de l'ambassade américaine. C'est à l'occasion de ces rencontres que les gros canons des médias canadiens ont lancé une vaste campagne de désinformation selon laquelle John Diefenbaker violait les engagements pris par le Canada dans le cadre de l'OTAN en refusant d'installer au Canada des missiles Bomarc équipés d'ogives nucléaires. Vous vous souviendrez de la colère des Américains devant son refus de prendre part au blocus maritime de Cuba, et ainsi de suite. Alors, ce n'est pas moi qui aie cerné ce phénomène.
Le sénateur Tkachuk : Je ne dis pas que vous avez fait ça, je pose tout simplement la question.
M. Seed : Il existe une imposante documentation illustrant l'attaque contre notre souveraineté, de l'intérieur du Canada aussi bien que sur la scène internationale.
En 2000, le groupe médiatique américain FAIR a divulgué que l'armée américaine avait affecté une unité de guerre psychologique de cinq personnes à la salle de nouvelles de CNN, à Atlanta. Six mois après le renversement de la statue de Saddam Hussein, les États-Unis ont révélé que ce geste avait été commis par une unité d'opérations psychologique de l'armée américaine. Cela n'a jamais été diffusé au Canada.
La présidente : Monsieur, vous devez abréger un peu. Je suis vraiment désolée.
M. Seed : Je ne vise pas les journalistes ordinaires, si ce n'est au chapitre de ce qu'on appelle l'« autocensure », et le cas de Stephen Kimber était assez bien connu. Ce chroniqueur du Daily News a dû démissionner lorsqu'on a refusé de publier une chronique où il critiquait Izzy Asper. Il a admis qu'il s'était censuré lui-même lorsqu'il s'agissait de taire certains enjeux à l'égard desquels les Aspers et CanWest avaient un intérêt direct.
La désinformation est un phénomène qui touche des questions clés. Donc, en ce qui concerne la couverture des pêches, j'implique la SRC, le Chronicle-Herald, le Daily News, le Globe and Mail et, en particulier, le groupe Irving du Nouveau-Brunswick, car c'est là que se trouve Burnt Church.
Le sénateur Munson : J'aimerais revenir sur la portée des médias grand public. Ce que nous entendons ici, c'est la vérité révélée dans vos publications. Si votre publication est indépendante, vous n'avez de comptes à rendre à personne, vous n'avez qu'à dire les choses comme vous les voyez. Est-ce là votre perception des choses?
M. Seed : Non.
Le sénateur Munson : Alors, quel est-elle?
M. Seed : Nous faisons également des erreurs. Le fait qu'une publication soit indépendante ne garantit pas que la vérité ou les nouvelles seront présentées de façon objective et scientifique. C'est notre objectif, et nous avons perfectionné nos méthodes au point où nous croyons avoir réalisé cet objectif.
La notion de vérité en soi, envisagée sous l'angle de la philosophie, par exemple, existe de façon indépendante, quelle que soit votre perception, ou la mienne. Il y a un phénomène qui s'appelle la « réalité objective ». Le journalisme objectif ne consiste pas à rendre compte de ce qui a été construit ou conçu par les deux côtés de la médaille. Il cherche à extraire la vérité à partir de faits, et ces faits se reflètent dans l'écriture. Maintenant, ce que je reproche à de nombreux journalistes ne concerne pas la compétence ou le manque d'objectivité; de nos jours, il y a tout simplement trop de journalistes qui ne font pas suffisamment de recherche sur les sujets qu'ils traitent. Je pourrais vous fournir de nombreux exemples, comme la controverse suscitée par Elvis Stojko, et ainsi de suite.
Le sénateur Munson : Est-ce que vous avancez qu'ils ne font pas de recherche approfondie parce que le fait de devoir composer avec de nouveaux propriétaires imposants leur laisse trop peu de temps pour mener leurs enquêtes de façon autonome?
M. Seed : C'est là un des aspects, et un autre concerne les écoles de journalisme. Vous pourrez en parler avec Bruce Wark lorsqu'il témoignera.
Il y a une culture qui s'est imposée chez de nombreux journalistes, qui consiste à simplement noter ce qui a été dit et à le recycler. C'est de la transcription pure et simple. Parallèlement, il y a des contraintes objectives extrêmes. M. Thompson a présenté un très bon exemple à votre Comité, celui de la fermeture de bureaux à l'étranger et de l'absence de journalistes canadiens affectés en Afrique. C'est un autre aspect du problème. Maintenant, nous n'avons pas de bureaux en Afrique non plus. Nous prenons des mesures en vue de dépêcher des journalistes indépendants à divers endroits, afin de déterminer par nous-mêmes ce qui s'y passe. Toutefois, nous avons de l'information imprimée sur l'Afrique, alors il s'agit d'évaluer les décisions rédactionnelles qui ont été prises. C'est sur cet aspect que je veux vraiment me pencher : comment les médias et les stratégies de l'État ou du gouvernement se recoupent à l'égard de divers enjeux.
Le nombre de journalistes est un problème, et le nombre décroissant de journalistes est un problème. Les contraintes imposées aux journalistes posent problème. La plupart des journalistes sont sincères et n'ont que de bonnes intentions. Nombre d'entre eux deviennent extrêmement désabusés et frustrés, et quittent l'industrie. Certains d'entre eux finissent par enseigner dans les écoles de journalisme — et quand je dis cela, ce n'est d'aucune façon pour dénigrer cette fonction. Et d'autres abandonnent, tout simplement.
Le sénateur Munson : Le paragraphe principal de notre mandat prévoit ce qui suit :
Nous étudions le rôle approprié des politiques publiques en vue de faire en sorte que les médias d'information canadiens demeurent en santé, indépendants et diversifiés.
Eh bien, à la lumière de votre témoignage, je n'ai pas l'impression que les médias d'information soient en santé, indépendants ou diversifiés.
Je comprends vos principes politiques, c'est à dire l'indépendance et la diversité, et je suppose que ces principes sont sains, d'une certaine façon.
Comment percevez-vous les médias grand public en général?
Je crois que chaque journaliste tente de faire ce qu'il faut pour veiller à ce que les médias soient en santé, indépendants et diversifiés, et je suppose qu'ils sont confrontés aux obstacles que vous mentionnez.
J'ai vécu en Chine pendant cinq ans, et le gouvernement chinois m'invitait et me disait : « Monsieur Munson, vous devez apprendre à extraire la vérité des faits. » Je réfléchis encore à cela. Les faits de qui? Quelle vérité?
Dans notre monde, où l'indépendance est très valorisée, nous avons la possibilité de prendre connaissance de vos principes politiques ou des principes de ceux qui écrivent pour votre organisme, ou nous avons le choix de consulter les médias d'information grand public, de prendre cette information et de nous faire une opinion, de nous forger une vision du monde.
M. Seed : Je ne veux pas parler pour le gouvernement chinois. J'ai connu de nombreux journalistes, à titre tant de journaliste au sein des médias grand public que de conférencier dans sept écoles de journalisme. De nombreux journalistes assistent à nos symposiums sur les médias et la désinformation. Nous voulons nouer des liens avec ces journalistes. Nous voulons qu'ils prennent position au sein de cette culture d'autocensure.
Vous connaissez peut-être le film de Michael Klare où il revient sur ses expériences au Viêt-nam. Il relate comment, pendant les années 60, il a censuré ses propres reportages sur la guerre au Viêt-nam, et il était l'un des correspondants les plus reconnus et les plus distingués de l'époque.
En théorie et en principe, nous avons un choix. Votre comité sénatorial est ici à Halifax, et je suis ici pour partager mes expériences avec vous. En réalité, cette notion de choix est très problématique. Quelles sont les ressources qui s'offrent à nous et qui nous permettent de faire connaître nos opinions?
Par exemple, on présente maintenant Internet, qui est le principal argument soulevé pour réfuter la thèse de l'homogénéisation des médias, de l'absence de diversité. Alors, nous avons Internet, et les gens peuvent naviguer sur Internet et trouver toutes sortes d'information. Parallèlement, on avance que la croissance des monopoles médiatiques est en soi un obstacle à l'homogénéisation, car ils ont la capacité d'adapter ces publications de tel ou tel intérêt. Vingt pour cent des Américains — j'ignore la statistique pour le Canada — sont abonnés au fournisseur de services Internet AOL Time Warner. Maintenant, d'après ce que je comprends, le Canada est le pays occidental où la monopolisation des médias est la plus lourde.
Nous ne pouvons produire cette publication que parce qu'on le fait bénévolement. La raison pour laquelle nous l'avons, c'est qu'elle a touché les gens de la Nouvelle-Écosse, parce que nous acheminons 400 exemplaires en Écosse et en Irlande, et parce que notre numéro sur l'histoire des Noirs se rend jusqu'aux collectivités afro-américaines, en Afrique, et ainsi de suite. Nous n'avons aucun moyen d'expédier cette publication à l'extérieur de notre province, sauf à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
En réalité, les Canadiens — outre ceux de notre localité — n'ont pas la possibilité de choisir notre publication et de prendre connaissance de nos opinions. Nos activités de marketing sont fondées uniquement sur notre travail et sur le bouche à oreille, et cela s'applique également à Internet. Maintenant, nous sommes très heureux, car Internet, c'est le World Wide Web, et notre nombre de visites a augmenté de 600 p. 100 au cours de la dernière année. Trente pour cent des visites sont de l'extérieur de l'Amérique du Nord. Cela montre qu'il y a un intérêt pour des articles de fond qui sont bien épurés, bien rédigés — je l'espère —, et bien étayés. Nous pouvons déterminer l'intérêt de nos lecteurs par le nombre de visites que nous recevons au cours d'une année.
Je suis toujours épaté par le nombre de professionnels, comme Donald Cameron, qui sont intéressés à écrire gratuitement pour notre publication. Je crois qu'il est, à l'instar d'autres rédacteurs professionnels et amateurs, désabusé des gens qui savent comment se servir des médias.
Combien de publications indépendantes ayant survécu dix ans n'ont été ni commercialisées ni intégrées à un monopole?
Aux États-Unis, l'Alternative Press fait maintenant partie du monopole du New York Times.
Le sénateur Munson : Vous semblez alléguer qu'il y a une complicité entre le gouvernement et les journalistes en ce qui concerne la désinformation.
M. Seed : Oui.
Le sénateur Munson : Eh bien, à titre d'ancien journaliste, j'ai peut-être déjà reçu des renseignements un peu douteux, mais je n'ai jamais eu le sentiment de faire partie d'une campagne ou d'un programme pour vendre de la propagande gouvernementale. J'ai protégé mon individualité au sein des médias grand public et j'ai tenté d'établir l'équilibre dans tous mes reportages. Si j'ai été victime de désinformation, alors je suppose que je devrais revenir en arrière et tenter de trouver la source de cette désinformation.
Si les journalistes en font partie, j'avancerais qu'ils ne savent pas vraiment qu'ils en font partie, car ils prennent ce qu'ils trouvent, ils tentent de tout synthétiser l'information, et de produire un reportage informatif.
Je suis un peu contrarié de me faire décrire — ou, du moins, celui que j'étais autrefois, et d'autres personnes aujourd'hui — comme une personne qui s'adonne volontairement à ce que vous qualifiez de désinformation.
La présidente : Puis-je m'imposer et vous poser une question supplémentaire avant de vous laisser répondre?
J'ai l'impression que, d'une certaine façon, du point de vue du grand public, le fait de se demander s'il s'agit de désinformation ou tout simplement d'idées reçues est presque dépourvu de pertinence. Les idées reçues jouent un rôle puissant dans le journalisme, comme partout ailleurs dans la vie.
Vous avez une présence sur Internet. Vous avez des liens qui vont bien au-delà de la Nouvelle-Écosse. À l'époque où j'étais journaliste, l'une des choses qui me fascinaient toujours était l'influence des petits médias parallèles. Votre expérience remonte presque aussi loin que la mienne, monsieur Seed.
Souvenez-vous de I.F. Stone, un être humain, assis dans un sous-sol, seul avec une pile de papier. Il a exercé une influence énorme sur beaucoup de gens, même s'il ne s'est jamais enrichi.
Je me demande si le phénomène que vous décrivez — et cette question vise peut-être à vous irriter un peu — n'est pas tout simplement dans l'ordre des choses. C'est dans l'ordre des choses qu'il y ait toujours, partout, un ensemble d'idées reçues, une vision du monde largement acceptée qui détermine ce que la plupart des gens pensent au sujet de la plupart des choses, et que la plupart des gens, y compris la plupart des journalistes, considèrent comme important. Ensuite, il y a les gens comme vous, ceux qui font toujours du bruit et qui mettent des bâtons dans les roues du système, les contestataires. Les contestataires passent leur vie à être en colère parce qu'ils croient que trop peu de gens les écoutent, mais ils ont plus d'influence qu'ils ne le croient, lorsque le découragement les gagne.
M. Seed : Je ne suis pas certain que les gens ne prêtent pas attention. Je suis plutôt heureux quand je rencontre quelqu'un, qu'on me dit que mon article était bon, et que je demande pourquoi. Dans mon bureau, c'est ce qu'on appelle une « question à la Tony ».
À mon avis, notre publication est unique en Amérique du Nord. J'en suis venu à cette conclusion à l'occasion d'un salon professionnel, quand un homme m'a dit qu'il adorait notre revue. Nous savons tous qu'il est difficile pour un homme d'exprimer ses sentiments.
Le sénateur Munson : Surtout lorsqu'il est entouré d'hommes.
M. Seed : Oui. Je n'ai pas à composer avec l'isolement de vivre dans un grenier ou un sous-sol, comme les anarchistes.
Sénateur, je ne cherche aucunement à vous incriminer, que ce soit à titre de journaliste ou de membre du CPM, car je n'ai pas étudié votre travail. Avec tout le respect que je vous dois, il y a des faits, et ces faits sont devenus si volumineux qu'ils sont inattaquables, on ne peut les nier.
L'Aboriginal Peoples Television Network a diffusé un film qui s'intitule Above the Law — Part 2. Sans vous décrire l'ensemble du film, je vous signale qu'il s'assortit d'un extrait de six minutes d'un vidéo de formation interne de la GRC qui décrit comment la GRC « utilisera des campagnes de salissage et de désinformation » pour embrouiller les médias, tenant pour acquis que si elle ne le fait pas, les médias établiront leur propre version des événements. L'exercice avait pour but de justifier l'intervention des militaires canadiens à Gustafson Lake. On cherchait à fournir une explication crédible au cabinet du premier ministre, et au Cabinet fédéral, pour le déploiement de membres des forces armées canadiennes à cet endroit.
Et je ne parle même pas du rôle joué par le SCRS pour ce qui est de fomenter ce processus d'incitation dans le sillage de l'arrêt Marshall. Il y a également une documentation à cet égard, et elle a été produite en partie par la SRC. Elle a utilisé la Loi sur l'accès à l'information pour mettre la main sur deux rapports.
Alors, je ne dis pas que les médias sont complices. Je dis que les médias ont un ensemble d'intérêts communs — et quand je dis cela, je ne tiens pas compte des employés salariés. Je parle d'intérêts directs. Pour ce qui est d'une sorte de lutte interne de ceux qui font la promotion de l'information, ou qui croient promouvoir la raison, la science et le progrès, oui, cela se révèle. La situation dans le monde et au Canada a énormément changé, comme en témoigne l'évolution de la couverture médiatique des conflits armés, entre la guerre du Viêt-nam et la guerre en Irak. Au cours de cette période, les militaires ont réussi à imposer des restrictions aux médias grand public.
Le sénateur Munson : À ce propos, je n'ai jamais aimé le mot anglais « imbedded » qu'on utilisait à l'époque.
M. Seed : Oui.
La présidente : Eh bien, nous n'avons pas fait ça ici. Nous n'avons pas suivi le mouvement.
La présidente : Les soldats non, mais les Allemands, si.
M. Seed : Non, ce n'est pas vrai que le Canada n'est pas allé. Cinq jours avant que Jean Chrétien n'annonce que le Canada ne participerait pas à la guerre, les forces aériennes américaines faisaient passer 25 vols par jours, avec 5 000 soldats, par Gander, Stephenville et St. Johns, à Terre-Neuve. Il y a trois photos de cela sur le site Web de la SRC à Gander. Tout à son honneur, la station a affiché la photo sur son site Web. Aucun reportage d'envergure nationale n'a fait état de cela. J'ai rédigé le seul article sur le sujet, mais il s'agissait d'une publication indépendante. Paul Cellucci, notre ami du Sud, a salué les efforts du Canada, dont la contribution militaire à l'effort de guerre était la quatrième en importance. Tous les grands quotidiens canadiens appuyaient la guerre contre l'Irak. Quelles sont les idées reçues qui justifient une guerre fondée sur le mensonge, la falsification et les raisonnements tendancieux? Nous connaissons maintenant toute l'histoire des présumées armes de destruction massive
La guerre en soi était illégale, en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international, mais, au Canada, on a réduit le débat à la question d'une participation multilatérale ou unilatérale, ou à la présence possible d'armes de destruction massive, et ainsi de suite. Qu'il y ait eu des armes de destruction massive ou non, cette guerre était illégale. Il s'agissait d'une guerre visant à envahir et à occuper une nation indépendante et son peuple. Parmi les nombreux arguments irrationnels en faveur de la guerre, mentionnons l'idée selon laquelle nous allions protéger la sécurité humaine. La marine canadienne a participé, et 30 membres du personnel militaire canadien étaient dans la région. Le Canada, dans l'ensemble, n'avait pas décidé de joindre les rangs de ce qu'on appelait la « coalition des volontaires ». Au Canada, à l'époque, les sondages révélaient que 60 p. 100 de la population — et au Québec, je crois que c'était 72 p. 100 — étaient contre la guerre. La manifestation contre la guerre en Irak qu'on a tenue à Montréal comptait plus de participants que les manifestations tenues à New York.
La politique rédactionnelle de la presse écrite canadienne ne reflète pas l'opinion des Canadiens. Il y a donc ce que je qualifierais de « crise de crédibilité ». On ne saurait dire que les médias s'appuient sur des idées largement acceptées, et ainsi de suite. On ne peut pas dire que l'idée de George Bush et de Tony Blair de fabriquer de toutes pièces des justifications pour partir en guerre, pour occuper l'Afghanistan, ont été bien reçues.
Le sénateur Tkachuk : Je ne veux pas lancer un débat aujourd'hui, sur l'opportunité qu'ils aillent en Irak, mais vous ne pouvez gagner sur tous les plans. Je veux dire, vous ne pouvez pas dire que les journaux sont indépendants et critiquer le fait qu'ils ne suivent pas l'opinion publique, et c'est ce que vous venez de dire.
M. Seed : Non, ce que j'ai dit, c'est que, dans ce cas, ils n'étaient pas indépendants.
Le sénateur Tkachuk : Eh bien, ils n'ont manifestement pas suivi l'opinion du public canadien. Le public canadien ne voulait pas qu'on parte en guerre. Les journaux disaient que nous devrions aller à la guerre. Si les opinions avaient été inversées, on aurait salué leur indépendance. Mais vu les opinions émises, ils ne sont pas indépendants. Alors, je ne comprends plus rien.
La présidente : Nous avons deux points de vue qui s'affrontent ici, et les deux ont été exprimés de façon fort éloquente. Nous avons du temps pour une dernière question, et le sénateur Trenholme Counsell a attendu bien patiemment.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je lisais et j'écoutais en même temps. J'adore cette revue, qui séduit l'Écossaise en moi. Je vais conserver cette revue, car c'est une ressource merveilleuse.
M. Seed : Eh bien, merci.
Le sénateur Trenholme Counsell : Nous sommes ici pour apprendre et, peut-être, être en mesure de trouver des exemples partout au pays. Comme je l'ai dit, j'adore cette revue, et je veux vous poser quelques questions que j'estime plutôt franches et honnêtes.
Tout d'abord, je vois ici le mot « gratuit ». Est-ce parce qu'il s'agit d'un supplément gratuit — et ensuite je vois le mot abonnement, je vois qu'il y a des formulaires de paiement, pour s'abonner?
M. Seed : Eh bien, après ce que vous venez de dire, je croyais que vous alliez me demander un abonnement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je le ferai peut-être. On verra comment je me sens à la fin de cette séance.
M. Seed : La revue est distribuée gratuitement dans 840 endroits. En même temps, les gens peuvent s'adonner à la revue.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce qu'ils s'abonnent à la revue en vue de la soutenir?
M. Seed : S'ils veulent la soutenir ou veiller à ce qu'ils obtiennent la revue lorsqu'elle paraît, car elle disparaît très rapidement.
Nous avons des abonnés dans 30 États américains, dans toutes les provinces canadiennes, mais la majorité de nos abonnés sont en Nouvelle-Écosse, et la majorité de ceux-là résident à Halifax.
Quand la revue paraît, elles ont à peine le temps de reposer sur les tablettes, si vous me permettez l'expression.
Le sénateur Trenholme Counsell : Et le fait qu'il y ait des piles de cette revue offertes gratuitement, et qu'en même temps on puisse s'abonner, est-ce que cela a créé un conflit?
M. Seed : Eh bien, laissez-moi répondre à cela, car cela enrichit la réponse à la question du sénateur Munson sur le choix, et les Canadiens ont le choix.
Le propriétaire de magasin, le petit entrepreneur, la succursale de grand magasin ne fait pas d'argent avec la revue. Ils nous offrent gratuitement de la place sur les étagères, et nous plaçons les revues nous-mêmes. Nous nous rendons dans chacun des 840 lieux où la revue est offerte, et nous établissons notre propre réseau de distribution. Nous fournissons de l'information aux propriétaires concernant notre revue, et nous leur expliquons comment prononcer le nom, et ce que le nom signifie. Nous comptons les propriétaires parmi nos lecteurs. Les propriétaires transmettent l'information à d'autres personnes, et c'est parti. Les magasins estiment que la revue est un atout pour leur entreprise. Ils estiment qu'elle offre une « valeur ajoutée ».
Nous avons effectivement des problèmes de distribution. Les boîtes à journaux en métal coûtent plusieurs centaines de dollars, et, dans les endroits comme Toronto, il y en a dix ou quinze à l'extérieur des métros.
La présidente : Et sont la cible de vandales.
M. Seed : Est-ce que cela répond à votre question?
Le sénateur Trenholme Counsell : Oui. Le no 41 du volume 7 a paru en 2002, et celui-ci a été produit en 2004. J'ai eu une réaction très, très différente lorsque je regarde ces deux revues différentes.
Dans vos observations préliminaires, vous parlez de parti pris médiatique et d'équilibre. Quand je regarde le no 41, je m'interroge vraiment sur le parti pris et sur l'équilibre, car il est manifestement rangé du côté des Palestiniens. Je vois que vous avez contribué à un article dans ce numéro, mais pas à l'autre, paru en 2004.
Je me demande pourquoi vous avez publié un article dans l'un, et pas dans l'autre. Est-ce parce que vous teniez à faire connaître votre opinion sur la question palestinienne?
Disons que vous voulez offrir du bon journalisme et assurer un équilibre. Seriez-vous disposé à rédiger un autre article sur le conflit israélo-palestinien, d'un angle différent?
Je vous pose la question parce que votre article est très solide et je ne vous critique pas, je dis seulement que l'article se cantonne solidement d'un côté du débat.
M. Seed : Eh bien, en réalité, j'ai publié un article dans l'édition gaélique, mais il y a une équipe de trois personnes qui se chargent de la rédaction, et nous l'avons rédigé à trois. Mon article portait sur la désinformation gaélique dans les médias provinciaux.
Quant à l'article sur la Palestine, dans le premier numéro dont vous parliez, il s'agit, en réalité, de la transcription d'un discours que j'ai prononcé.
Le sénateur Trenholme Counsell : Oui, c'est ce qu'on mentionne dans l'article.
M. Seed : Lorsqu'il y a une manifestation, les médias disent toujours qu'il y avait « un Juif » ou « un Arabe », mais on ne relate jamais l'opinion d'un Canadien au sujet de la manifestation. Ainsi, par exemple, à l'occasion de cette manifestation, les médias se sont attachés à M. Gary Zatzman, parce qu'il est juif, et ensuite, à leur grande surprise, ils ont appris que M. Zatzman n'était pas d'accord avec les politiques de l'État d'Israël à l'égard du peuple palestinien. Alors, son point de vue n'a tout simplement pas été diffusé. On s'attache donc à des stéréotypes ethniques.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne tiens pas à aborder cette question en particulier.
Je me demande si vous ne tentez pas d'être tout pour tout le monde. L'un des numéros est un merveilleux document culturel sur la Nouvelle-Écosse, et l'autre est totalement différent pour ce qui est de son contenu rédactionnel et du contenu des articles sur de nombreux enjeux très importants.
Quel est votre mandat journalistique? Est-il large?
La présidente : S'il vous plaît, je vous prie de répondre en deux phrases ou moins.
M. Seed : Eh bien, essentiellement, notre mandat est d'offrir une revue de découverte, ce qui suppose qu'on se lance sur la voie de la découverte, qu'on enquête sur les relations, dans un contexte naturel et social.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous parlez de culture, de patrimoine, d'histoire, de langue, et de politiques.
M. Seed : L'élément principal de l'autre publication est le supplément sur l'histoire des Noirs. Le Chronicle-Herald et le The Daily News ont tous deux déjà offert un supplément sur l'histoire des Noirs, mais, à l'heure actuelle, notre publication est la seule à faire cela en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est très important.
M. Seed : Il s'agit d'articles s'inscrivant dans un supplément distinct qui porte sur l'histoire des Noirs. Nous ouvrons également nos pages à d'autres groupes, sur la question de la foresterie.
Je ne dirais pas que nous avons un parti pris, mais nous tirons des conclusions. À ce titre, nous sommes partisans, nous avons des opinions partisanes. Nous tentons de distinguer, si vous voulez, nos éditoriaux de nos articles journalistiques.
Le sénateur Trenholme Counsell : Merci beaucoup, et je vais conserver ce numéro.
La présidente : Que personne ne bouge, je crois savoir que vous êtes accompagné d'un photographe, monsieur Seed.
M. Seed : Est-il venu, finalement?
La présidente : Je crois savoir qu'il est ici, et s'il veut bien venir ici rapidement, nous lui donnerons environ 30 secondes.
J'aimerais signaler que je suis intéressé par le fait qu'un tabloïde se fasse qualifier de revue. Cela me fait penser à The Economist, qui est une revue, et qu'on qualifie pourtant de journal. Je suppose que cela montre que la liberté d'expression va bien loin. Vous pouvez vous appeler tout ce que vous voulez. Votre publication a-t-elle déjà eu la forme d'une revue, ou est-ce qu'elle a toujours eu sa forme actuelle?
M. Seed : Elle a toujours été publiée sous cette forme.
La présidente : Eh bien, j'ai travaillé pendant longtemps pour un tabloïde très différent, et c'est un format merveilleux. On peut faire beaucoup de choses avec un tabloïde.
M. Seed : Eh bien, juste en passant, je tiens à signaler que la présentation graphique, la typographie et la couleur de notre revue ont influé sur les médias des Maritimes.
La présidente : Je n'en doute pas.
M. Seed : L'ancien président de Web Atlantic Limited a déclaré que nous étions les seuls à exploiter le plein potentiel de la presse sur rotatives offset.
La présidente : Oui. Et vous le faites avec goût.
M. Seed : Oui, nous avons imprimé les pages latéralement, et ainsi de suite. Maintenant, bien sûr, le National Post a également fait des choses intéressantes avec sa section « Avenue ».
La présidente : J'aimerais vraiment qu'on parle de cela pendant une éternité, mais nous ne pouvons pas. Je tiens à vous remercier beaucoup, tous les deux. J'espère que vous nous laisserez une copie complète de votre exposé.
M. Seed : J'acheminerai une copie au greffier. J'ai également un fichier PDF distinct.
La présidente : Le fichier PDF, c'est une chose, mais le contenu de votre exposé est distinct, et nous aimerions vraiment en avoir une copie, car j'ai dû vous interrompre avant que vous ayez terminé.
Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants.
Si je pouvais produire les 10 $ nécessaires, est-ce que je pourrais acheter ces affiches?
M. Seed : Oh, ceci?
La présidente : Oui. Vous avez dit qu'elles coûtent 5 $ chacune.
M. Seed : À vrai dire, puis-je vous envoyer ceci?
La présidente : Oui. Merci.
M. Seed : L'affiche de la baleine est particulièrement précieuse parce qu'elle est unique en son genre.
La présidente : Sénateurs, j'invite maintenant notre prochain témoin à prendre la parole. Il s'agit de M. Bruce Wark, enseignant à l'école de journalisme de l'Université de King's College, je crois.
M. Bruce Wark, professeur agrégé, École de journalisme, Université de King's College, à titre personnel : Merci beaucoup de m'offrir l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Il y a quelques années, quand j'assurais la réalisation de l'émission The House sur les ondes de la radio anglophone de Radio-Canada, j'ai eu le plaisir d'interviewer le sénateur Eugene Forsey. Avant l'entrevue, le sénateur Forsey m'a demandé si j'avais un lien de parenté avec le sénateur Wark. Le sénateur Wark? Je croyais qu'il se payait ma tête. Je suis né dans le nord de l'Ontario, vers la fin des années 40, et mon père et mon grand-père travaillaient dans les mines. La famille de ma mère était constituée d'agriculteurs de subsistance et de travailleurs dans des camps de bûcherons, ici même en Nouvelle-Écosse. Alors, cela m'a semblé étrange, d'entendre qu'un Wark avait été membre de l'élite canadienne. En fait, le sénateur Forsey m'a dit que l'honorable David Wark, de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, avait été convoqué au Sénat en 1867, et qu'il y a siégé jusqu'à sa mort, à l'âge vénérable de 101 ans, en 1905. Ma mère avait toujours dit qu'il faut être fier de ses racines dans la classe ouvrière, alors j'ai déclaré au sénateur Forsey que le grand sénateur Wark et moi-même n'étions ni amis ni parents.
Je suppose que ce sont mes racines plongées dans la classe ouvrière qui m'ont rendu conscient de l'existence du pouvoir et de ce que cela signifie de ne pas l'avoir, de sorte que, au cours des deux décennies que j'ai passées à la radio anglophone de Radio-Canada, j'ai beaucoup réfléchi au pouvoir des médias. Toutefois, ce n'est que lorsque j'ai déménagé en Nouvelle-Écosse en 1986 que j'ai compris ce que cela représente, de vivre dans une région du pays où le pouvoir médiatique, en plus d'être concentré dans un nombre relativement modeste de mains, appartient bien souvent à des étrangers qui se soucient bien peu du Canada atlantique. J'ai nommé les Thomson de ce monde, les Conrad Black et les Asper. D'accord, alors nous avons les Irving à l'échelon local, mais peu de gens iraient dire que la domination médiatique d'Irving a été bénéfique pour le Nouveau-Brunswick. Le Comité sénatorial dirigé par Keith Davey n'a certainement pas tiré cette conclusion.
Ce qu'il y a de particulier, quand on vit dans une région plus modeste où il y a moins de médias, c'est que l'on ressent immédiatement les effets de tout changement du paysage médiatique. Par exemple, quand Conrad Black a acheté un journal local et extrait un million de dollars du budget de ce journal pour aider à financer son nouveau National Post, nous l'avons remarqué. Quand les stations de radio affiliées à une chaîne cessent tout bonnement de présenter des bulletins d'information, nous le remarquons. Quand la télévision anglophone de Radio-Canada a pratiquement éliminé sa présence dans la région, nous l'avons remarqué. Quand la station de télévision du réseau Global achète le journal de Black et qu'un chroniqueur local démissionne parce qu'il n'a plus le droit de critiquer les Asper ou le gouvernement israélien, nous le remarquons. Quand le meilleur journaliste de la Nouvelle-Écosse décide qu'il ne peut plus mener une existence convenable, et décide de se lancer dans les relations publiques, nous le remarquons.
Il y a quelques semaines, le chroniqueur Bretton Loney, du Daily News a très bien résumé comment le paysage médiatique actuel a influé sur la couverture de l'actualité :
Quand je me suis lancé en journalisme, il y a presque 21 ans, une conférence de presse — presque toute conférence de presse tenue à Halifax — attirait au moins une dizaine de journalistes, notamment des journalistes de la radio — de CHNS, CJCH et la chaîne anglophone de Radio-Canada ainsi que des représentants des deux quotidiens de Halifax. Des journalistes de National Broadcast et de Print Wire Services arrivaient en force, tout comme ATV et la télévision anglophone de Radio-Canada. Mais maintenant, il est possible que seulement un ou deux journalistes se présentent. La couverture médiatique de votre collectivité est à la baisse, et ce n'est pas une bonne chose.
Eh bien, je suis d'accord avec lui. Je crois qu'il a tout à fait raison.
Ce n'est pas une bonne chose quand un nombre plus modeste de journalistes couvrent l'actualité locale et régionale. Certes, quand il y a de gros événements nationaux ou internationaux, les gens peuvent s'informer auprès d'une diversité de sources, mais quand il s'agit d'événements plus locaux, la couverture est probablement bien mince, voire inexistante. Je tiens à signaler que les gens de Halifax sont, comme vous l'ont dit les gens du Chronicle-Herald ce matin, relativement bien servis, par rapport à d'autres villes et villages plus petits des Maritimes. Ici, au moins, il y a deux quotidiens qui se font concurrence, dont un qui appartient à une famille locale.
En août 2000, j'ai présenté au CRTC une plainte officielle relative à la décision de Radio-Canada de faire passer sa couverture provinciale à 22 minutes par jour. Cette décision, prise au siège social à Ottawa, s'est révélée désastreuse, tant pour la SRC que pour ses téléspectateurs. Les deux réseaux télévisuels privés couvrent les trois provinces, et n'ont pas les moyens de consacrer beaucoup de temps ou d'argent à une histoire provinciale. C'était le rôle de la SRC, mais elle ne joue plus ce rôle depuis maintenant cinq ans.
Je sais que Radio-Canada parle d'effectuer un retour aux bulletins d'information régionaux, mais je crains qu'elle ne le fasse « à rabais », en combinant toutes ses ressources journalistiques; selon moi, une telle décision aura des répercussions néfastes sur la radio. Croyez-moi, mon expérience de la radio de Radio-Canada m'a montré quelles sont les répercussions réelles de la fusion des équipes des actualités sur la couverture radiophonique.
J'aimerais que votre Comité recommande la prise de mesures positives qui jouiraient d'un solide appui du public, et qui permettraient d'améliorer le journalisme dans le Canada atlantique, et d'atténuer les effets les plus néfastes de la concentration des médias.
J'espère que vous recommanderez, tout comme l'a fait le Comité permanent de la Chambre des communes sur le patrimoine canadien, que le gouvernement fédéral consente un financement pluriannuel stable à Radio-Canada. Même s'il est difficile d'établir des comparaisons internationales, le Comité a conclu, à la lumière de chiffres pour 1999, que le Canada se situe sous la moyenne de l'OCDE au chapitre du financement de la télédiffusion publique par habitant. Je cite le rapport du comité du patrimoine :
La Finlande, le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni ont occupé les quatre premiers rangs; leurs dépenses étaient de trois ou quatre fois supérieures au financement attribué à la SRC au Canada.
Le réinvestissement dans la SRC est d'une importance cruciale, compte tenu de la proximité du marché américain, et la SRC a besoin d'argent pour satisfaire à l'exigence de la Loi de 1991 sur la radiodiffusion selon laquelle le télédiffuseur public doit :
Refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions.
Cette exigence est particulièrement importante pour une région aussi modeste que la nôtre.
On a fait valoir que les réseaux de télévision privée font du bon travail, que leurs bulletins d'information attirent un public important, et qu'il n'est pas vraiment nécessaire que le contribuable ait à payer la note pour la SRC. Dans de petites régions comme la nôtre, elle devrait offrir dans la province une couverture parallèle qui met l'accent sur le journalisme d'enquête plus coûteux. C'est le genre de journalisme qui nous fait gravement défaut, et c'est ce que la télévision de Radio-Canada offrait autrefois, mais qu'elle n'offre plus, malheureusement, et aucun autre média ne s'est vraiment proposé de combler cette lacune. Je me suis réjoui, ce matin, quand j'ai entendu les gens du Chronicle-Herald dire que le journal est maintenant doté d'une unité d'enquête de deux personnes.
La radio de la SRC a besoin d'argent afin que le travail d'enquête se fasse davantage sur le terrain, et moins au téléphone. Elle est également confrontée à un autre problème : l'absence de concurrence locale. Les radiodiffuseurs privés, comme on vous l'a dit ce matin, n'ont pas de journalistes, et ne produisent pas de nouvelles originales. Autrement dit, cela signifie que ceux qui veulent davantage que du journalisme réchauffé n'ont d'autre choix que de syntoniser la radio de la SRC. En raison de cette absence de concurrence, et de graves compressions budgétaires, la SRC est devenue fade. Je tiens également à signaler qu'en raison de cette absence de concurrence, le personnel est surchargé et est démoralisé.
J'espère que vous recommanderez qu'on procède au remaniement de la réglementation des radios privées, afin que les stations à vocation commerciale soient tenues de fournir au moins un certain niveau de journalisme original. À cet égard, j'ai été encouragé quand j'ai lu la déclaration suivante dans la récente réponse du gouvernement au rapport du comité du patrimoine. On peut y lire ce qui suit :
Le gouvernement entend exercer les pouvoirs que lui confère l'article 7 de la Loi sur la radiodiffusion pour donner au CRTC des instructions afin qu'il veille à ce que les Canadiens vivant dans des collectivités de tailles diverses aient accès à un niveau approprié d'émissions de nouvelles et d'affaires publiques locale et régionale provenant de sources diverses.
Et je me suis réjoui tout particulièrement de voir les mots « provenant de sources diverses », de constater que cela ne s'appliquera pas uniquement à la radio de la SRC.
Nous devrions envisager la possibilité d'un mouvement du pouvoir médiatique vers les régions. Dans un récent article paru dans le Globe and Mail, Noreen Golfman, qui enseigne à l'Université Memorial, à Terre-Neuve, avance que la SRC devrait établir un meilleur équilibre entre la programmation régionale et les émissions de réseau. Elle dit que la région devrait produire davantage d'émissions destinées aux heures de grande écoute, que le style et le contenu de cette programmation devraient être très variés, et refléter les besoins locaux. Même si je conviens que cela serait souhaitable, franchement, je doute fort qu'on arrive à convaincre les bureaucrates de la SRC à Toronto, à Ottawa ou à Montréal de faire une telle chose. Il suffit de penser à la façon dont Brian Mulroney a forcé la CBC à régionaliser Newsworld; quand Mulroney est parti, les bureaucrates de la CBC ont graduellement centralisé ce service.
Je crois, par conséquent, que nous devons envisager soigneusement la possibilité d'assurer une gouvernance régionale de la SRC, d'établir des conseils d'administration régionaux qui remplaceraient le conseil d'administration national.
Je suggère que le gouvernement fédéral réinvestisse dans la SRC en vue d'améliorer le journalisme provincial et régional et d'atténuer les effets les plus néfastes de la concentration des médias. Je lance également un appel au remaniement de la réglementation des stations de radios privées, afin qu'elles soient tenues de produire des émissions d'information et d'actualité originales, et j'aimerais qu'on envisage sérieusement la possibilité d'attribuer davantage de pouvoirs médiatiques aux régions, peut-être par l'établissement de conseils d'administration régionaux de la SRC.
Le sénateur Eyton : Merci d'avoir témoigné. J'ai depuis longtemps des liens avec l'Université de King's College, et c'est pour ça qu'on m'a demandé de partir le bal. Je vais y aller en douceur.
Vos commentaires et les recommandations font allusion à l'absence de couverture et de participation régionales et locales. Nous avons entendu parler du phénomène des petites stations de radio de faible puissance, qui, je crois, pourraient jouer un rôle important au chapitre de la radiodiffusion communautaire ou locale. Les collectivités et les journaux sont nés largement grâce aux efforts de bénévoles, mais peut-être avec une base d'abonnés. Il y a des exemples merveilleux, et d'autres qui, je suppose, n'ont pas donné les résultats escomptés, malgré un début fulgurant. J'ai l'impression que c'est une bonne idée, et que c'est quelque chose qu'on devrait encourager.
Croyez-vous qu'un tel mouvement, amplifié, disons, dix fois, serait en mesure de combler certaines des lacunes que vous avez cernées au chapitre de la couverture médiatique, ici au Canada?
M. Wark : En théorie, c'est une idée prometteuse, mais la réalité, c'est qu'il n'y a pas assez d'argent pour soutenir une telle entreprise. Ici à Halifax, nous avons la station CKDU du campus communautaire, notre plus grande station communautaire. Elle est financée par l'association étudiante de l'Université Dalhousie. L'Université de King's College utilise cette station pour diffuser ses émissions du programme de journalisme. Or, CKDU n'a que 50 watts. Je veux dire, j'ai des ampoules plus puissantes que ça. On ne peut l'entendre au-delà du centre-ville de Halifax. Elle est toujours à court d'argent, et elle ne peut engager beaucoup de membres du personnel.
Le journalisme, comme l'ont dit, je crois, les gens du Chronicle-Herald ce matin, est une chose coûteuse. C'est un coût opérationnel. Il faut beaucoup d'argent pour faire du bon journalisme, et je ne crois pas que la collectivité puisse produire du journalisme de la qualité ou de l'étendue de, disons, Radio-Canada, dans cette région, avec un budget convenable.
Le secteur communautaire, même s'il est important à titre de secteur tertiaire en radio, n'est pas adéquat. Il n'est pas en mesure de fournir une couverture complète de l'information.
Le sénateur Eyton : Je me disais seulement que cela pourrait faire partie de la solution. Vous avez parlé des compressions budgétaires à Radio-Canada, et de sa capacité réduite d'assurer une couverture locale, et même régionale. Il y a sept ou huit ans, les bulletins et les émissions d'information de Radio-Canada étaient en tête à Terre- Neuve, et NTV était solidement installé dans le Sud. Après les compressions budgétaires, NTV s'est rétabli, la situation s'est inversée, et NTV progresse vers le nord, et Radio-Canada semble s'être stabilisé à un niveau plutôt modeste.
J'ai été frappé de voir que le marché a comblé le vide laissé par Radio-Canada. Alors, de fait, les Terre-neuviens avaient apparemment l'impression d'avoir accès à un service parallèle, d'avoir un choix à faire, et je présume — puisque, d'une façon ou d'une autre, nous soutenons cela par l'entremise des annonceurs et d'autres formes de revenu — qu'il n'y a pas eu de retombées négatives dans tout cela, malgré les compressions budgétaires. Cette information nous a été présentée sous forme de diagramme, hier, quand nous étions à Terre-Neuve.
Ne croyez-vous pas que certaines interventions du secteur privé soient appropriées? Je ne crois pas que les bureaucraties et les gouvernements fassent bonne figure à l'égard de ce genre de chose, en général, de sorte que je cherche des situations où Radio-Canada doit faire quelque chose pour répondre à un besoin manifeste que le secteur privé ne saurait satisfaire.
Je ne suis pas du tout certain d'être convaincu. Il faudrait que je voie des preuves claires qu'il y a un besoin non satisfait auquel seule Radio-Canada pourrait répondre, et je crains que cet exercice soit un peu difficile.
M. Wark : Eh bien, je crois que votre commentaire est très valable, et c'est un commentaire auquel croyaient, je crois, les administrateurs du siège social de Radio-Canada. Robert Rabinovitch croyait que Radio-Canada devrait assurer une solide présence nationale, il ne croyait pas qu'elle doive avoir des racines dans les régions. Il avait tort, car Radio-Canada a perdu une part importante de son auditoire. L'émission locale du réseau anglais de Radio-Canada, à l'heure du souper, attirait plus de monde que Peter Mansbridge et The National.
Je crois que le gouvernement a eu raison de répondre au comité Lincoln que les Canadiens accordent plus d'importance aux informations locales qu'aux informations nationales ou internationales.
Vous avez raison de dire que ATV et, dans une moindre mesure, Global Television, ont comblé le vide laissé par Radio-Canada. ATV offre maintenant deux heures d'informations et d'actualités par soir. Son personnel est insuffisant, mais le travail est professionnel, les cotes sont excellentes, et on arrive, d'une façon ou d'une autre, à combiner la couverture des trois provinces des Maritimes.
Ce que je dis, c'est que le travail d'ATV — si bon soit-il — ne suffit pas, en raison des problèmes liés à la concentration des médias dans la région. Nous avons besoin d'une solution de rechange publique. Je ne préconise pas l'adoption de règles supplémentaires et l'interdiction de la propriété croisée ou des réseaux : c'est le marché qui va résoudre ces problèmes.
Ce que je dis, c'est qu'il faut laisser le radiodiffuseur public jouer son rôle, tel que l'exige la Loi de 1991 sur la radiodiffusion. Je suggère que Radio-Canada respecte les exigences que lui a imposées le CRTC au moment du renouvellement de la licence actuelle, en janvier 2000. Je suggère que Radio-Canada respecte ses propres engagements et offre une solution de rechange plus large, afin que les citoyens de la Nouvelle-Écosse obtiennent la couverture qu'ils payent à titre de contribuables. Si Radio-Canada remplit son engagement, elle servira de complément à la couverture déjà offerte par les deux radiodiffuseurs privés.
Votre commentaire au sujet de la bureaucratie est valide, mais je crois qu'il y a une perception erronée. J'ai travaillé à Radio-Canada pendant 19 ans. Je suis resté à l'extérieur de l'administration. J'avais l'habitude de dire que j'étais plus puissant que le président de Radio-Canada, parce que j'avais le pouvoir de mettre des choses en ondes. Les journalistes qui sont aux premières loges, les réalisateurs, les rédacteurs, ce sont des gens qui ne sont pas des bureaucrates et ne font pas partie d'une bureaucratie; ils s'affairent à couvrir l'actualité.
J'aimerais dire ceci de Radio-Canada : on vous donne énormément de liberté pour ce qui est de couvrir les événements à titre de journaliste, dans la mesure où vous respectez les normes de Radio-Canada. Un journaliste de Radio-Canada n'a pas à se préoccuper de considérations commerciales ou autres, il n'a qu'à faire son travail. De plus, Radio-Canada est très déterminée à former de nouveaux employés.
J'espère que j'arrive à vous convaincre que, dans une petite région comme la nôtre, où il n'y a que deux autres stations de télévision, il y a une place pour Radio-Canada. À Terre-Neuve, la situation est encore plus extrême qu'ici en Nouvelle-Écosse. Qu'on ne s'étonne pas si les gens ont tourné le dos à Radio-Canada, comme l'a constaté le Comité d'examen des mandats en 1996; et quand le comité Caplan-Sauvageau a déclaré, en 1986, que « Radio-Canada doit assurer une présence dans les régions », il avait raison.
Le sénateur Eyton : Établissez-vous une distinction entre la radio et la télévision de Radio-Canada, comme le font, selon moi, la plupart des Canadiens?
M. Wark : Je crois que la radio de Radio-Canada a fait de l'excellent travail pour ce qui est de se faire connaître des leaders d'opinion au pays. La télévision de Radio-Canada doit plaire à tout le monde, de l'amateur de hockey jusqu'à l'inconditionnel de Suzuki, en passant par l'amateur de téléromans. La télévision du réseau anglais de la SRC n'est pas aussi prisée du public, mais elle offre des émissions qu'on ne peut trouver ailleurs, comme celles de Suzuki, The Nature of Things, ou Marketplace, ou The Fifth Estate.
Je crois qu'on juge trop durement la télévision de Radio-Canada, alors que la radio de Radio-Canada, depuis la révolution radiophonique des années 70, a été en mesure de miser sur une animation intelligente et une couverture intelligente de l'actualité. La radio de Radio-Canada est très prisée des leaders d'opinion et de l'élite. On a pleuré Peter Gzowski quand il est décédé. La télévision de Radio-Canada dispense également beaucoup de bons services à titre de télédiffuseur public, qu'on reconnaisse nécessairement sa contribution; au réseau anglais, l'émission The National est vraiment une ressource merveilleuse pour notre pays.
Le sénateur Munson : Eh bien, je suis en conflit d'intérêts avec toutes les questions que je vous pose aujourd'hui, je vous le dis. Je veux dire, mon fils fréquentera King's à l'automne. Michael Meighen est un grand ami. Trevor Eyton devient un bon ami. J'ai enseigné à King's pendant un an, je crois que j'étais la seule personne issue du secteur privé qui ait jamais enseigné là.
J'aime les propos que vous tenez à l'égard de la télévision régionale. Je viens du secteur privé, et je vous dis cela en toute sincérité, et j'ai travaillé ici de 1992 à 1997, à mon retour de la Chine. J'aimerais que les sénateurs puissent voir les merveilleux documentaires produits à Terre-Neuve. J'oublie le nom de l'émission, mais elle a raflé de nombreux prix.
M. Wark : Oui. Je suppose que vous pensez à Land and Sea.
Le sénateur Munson : Land and Sea et une autre émission locale, Here and Now, et les deux ont disparu. Quel génie à Toronto enlèverait cela au Canada atlantique? Quelle personne pourrait même penser à mettre un terme à cette ressource?
Je défends ardemment ATV et CTV parce que je suis de la région, mais, pour ce qui est de la production d'émissions documentaires qui vont en profondeur, c'est chose du passé. Ce débat s'est éteint. Je crois que c'est dommage qu'on ait retiré ces émissions, et j'espère que nos délibérations insisteront sur l'importance de la programmation régionale. Je veux dire... tout le monde dit que toute nouvelle a une incidence locale; toute nouvelle a une incidence régionale, comme vous dites.
M. Wark : C'est mon point de vue sur la diversité. ATV peut diffuser Live at 5 et son bulletin de nouvelles, et la CBC fait ce qu'elle a à faire, et diffuse davantage de travail documentaire et de reportages de fond. Je crois que nous pouvons assurer la diversité sans adopter de règlements ou nous ingérer dans la salle de nouvelles.
Le sénateur Munson : Pourquoi ont-ils tout simplement coupé et coupé encore?
M. Wark : Pour être juste, n'oublions pas que M. Rabinovitch était plutôt mal pris. Radio-Canada a perdu environ le tiers de son budget pendant les années 90. M. Trudeau avait amorcé le processus en 1978. C'est là que les premières compressions budgétaires ont eu lieu, si étonnant que cela puisse paraître, et le premier ministre Mulroney a continué à affaiblir Radio-Canada, petit à petit. Si vous êtes un tenant de la radiodiffusion publique, le Livre rouge des Libéraux laisse présager de belles choses. Ce n'est que lorsque les Libéraux sont arrivés au pouvoir qu'ils ont vraiment commencé à couper, et, depuis 1993, environ le tiers du budget a été coupé.
En 1986, le comité Caplan-Sauvageau a déclaré que la radio de Radio-Canada ne devrait plus faire l'objet de compressions budgétaires, et que cela mettrait Radio-Canada en danger. Notre bulletin d'information du matin, à la radio anglophone de Radio-Canada, se tire d'affaire avec une fraction du personnel qu'il y avait avant, et on entend vraiment la différence. L'émission a gardé son animateur, et elle continue à se tirer d'affaire, mais c'est vraiment une situation médiocre.
Le sénateur Munson : C'est le gouvernement libéral qui a effectué les compressions.
M. Wark : Oui, malheureusement. C'est Paul Martin qui a rédigé le Livre rouge. Le Livre rouge témoigne d'une compréhension de l'importance de la radiodiffusion publique, mais, malheureusement, le budget de Radio-Canada a été réduit. Je suggère qu'on réinvestisse dans la SRC.
Le sénateur Munson : Je ne crois pas non plus que le secteur privé va dépenser de l'argent — peut-être à certains endroits — en vue de combler les lacunes dans les régions. Il fera du bon travail, mais il ne va pas mener des enquêtes approfondies de plusieurs semaines.
M. Wark : Le secteur privé n'aime pas voir Radio-Canada se retirer, car cela affaiblit le marché et ouvre la porte à des coupures.
Le sénateur Munson : Où vont vos étudiants lorsqu'ils obtiennent leur diplôme?
M. Wark : Ça pourrait faire l'objet d'un reportage. Ce qui se passe, c'est que les plus vieux, comme moi, ceux qui coûtent plus cher, s'en vont et touchent une indemnité pour départ volontaire, et les étudiants sont embauchés à titre d'employés temporaires occasionnels. Ces postes occasionnels de premier échelon sont comme des stages. Au fil des ans, Radio-Canada s'est convertie en banque de journalistes qui n'ont aucune sécurité d'emploi, et ça, ce n'est pas bon non plus.
Le sénateur Munson : Que pensez-vous de la propriété multimédia?
M. Wark : Je n'aime pas ça, mais si, après la Commission royale sur les quotidiens de 1981, on n'a pas eu envie de réagir, alors je ne crois pas qu'on ait envie de réagir aujourd'hui. Je crois que nous devons faire autre chose, c'est-à-dire renforcer le secteur public afin de faire contrepoids à ce phénomène, et laisser décider le marché.
Le sénateur Munson : Alors, il n'y a aucun espoir de revenir en arrière et de rétablir toutes les choses dont nous parlons tous avec nostalgie?
M. Wark : Nous pourrions livrer une telle bataille, mais je ne crois pas que cela vaille la peine. Je crois que nous évoluons désormais dans un nouvel environnement, et que le temps est venu de tourner la page.
Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions à poser au sujet de Radio-Canada. Les sénateurs me corrigeront si je me trompe, mais nous avons entendu dire que NTV avait relancé son bulletin d'information de fin de soirée en remaniant le contenu et le style, et en prolongeant sa durée d'une heure.
Je remarque que vous recommandez qu'on donne plus d'argent. J'ignore combien d'argent de plus il faut leur donner pour qu'ils influent sur un marché donné, mais j'ai toujours pensé que la radio de Radio-Canada était une très bonne source d'information.
Le témoignage que nous avons entendu disait que le budget de nouvelles de Radio-Canada était supérieur à celui d'ATV, et que Radio-Canada comptait un plus grand nombre de journalistes. Même avec moins de budget et moins de journalistes, NTV a réussi à s'emparer du marché de Radio-Canada. Je ne partage pas l'opinion selon laquelle il faut plus d'argent pour produire de meilleures nouvelles, comme vous suggérez qu'on fasse avec la télévision de Radio- Canada.
M. Wark : Je dis que les deux ont besoin de plus d'argent.
Le sénateur Tkachuk : Si nous sommes derrière la Finlande et le Danemark et le Royaume-Uni, est-ce que leurs radiodiffuseurs publics sont meilleurs que les nôtres?
M. Wark : Oh, oui.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que le milieu des nouvelles dans ces pays est plus sain que le nôtre?
M. Wark : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Parlez-nous de cela, parce que je pense que nous aimerions entendre parler des différences.
M. Wark : Il y a une analyse des différences dans le rapport du comité du patrimoine.
J'ai vécu pendant un certain temps à Londres, en Angleterre, et c'est un paradis médiatique, c'est le paradis pour les accros de l'information. Les Anglais ont des journaux populaires, des tabloïdes, et des journaux de qualité, comme The Guardian, The Observer, The Times, et ainsi de suite. La qualité de la télévision et de la radio de la BBC est vraiment impressionnante. Les radiodiffuseurs privés sont meilleurs que les nôtres, et je crois que cela tient à l'existence d'une tradition en matière de radiodiffusion publique. Comme vous le savez, la Grande-Bretagne a résisté à la radiodiffusion privée jusqu'au milieu des années 50, et la BBC n'avait jamais diffusé de publicité. La notion de radiodiffusion publique est bien ancrée en Grande-Bretagne, alors que le système canadien est en quelque sorte un hybride des systèmes anglais et américain. Cette notion, je crois, a amélioré la qualité, ou maintenu la qualité du journalisme britannique bien au-delà du journalisme pratiqué dans le nord de l'Amérique du Nord.
Le sénateur Tkachuk : Ce doit être plus facile en Grande-Bretagne, car ils ont 50 millions de personnes sur un territoire qui correspond à un petit coin de la Saskatchewan.
M. Wark : Ils ont des avantages.
Le sénateur Tkachuk : Ils ont effectivement des avantages, et il est extrêmement difficile et très coûteux pour nous de dispenser un service comparable.
M. Wark : Ils ont une tradition de radiodiffusion publique, et elle est bien ancrée dans leur culture politique, alors que nous n'avons pas cela au Canada.
Pendant des années, nous avons tout fait pour réussir. Il y a eu la Commission royale de la radiodiffusion, la CCR des Conservateurs, la SRC des Libéraux, et toutes les commissions royales. Nous avons eu plusieurs versions de la Loi sur la radiodiffusion, et je crois que nous avons fini par trouver la bonne formule, avec la Loi de 1991 sur la radiodiffusion. Je crois que le simple fait d'appliquer ce qui est prévu dans cette loi nous permettrait de résoudre beaucoup de nos problèmes liés à la diversité. Nous avons ce modèle, et je suis heureux de voir le gouvernement réitérer cela dans sa réponse au comité Lincoln.
Le sénateur Tkachuk : Il n'y a pas trop longtemps, nous n'avions que deux réseaux de télévision; il y avait Radio- Canada et CTV, et personne ne se plaignait de l'absence de diversité. Maintenant, nous en avons trois, nous avons Global, nous avons CTV, et nous avons Radio-Canada. Nous avons plus de diversité que jamais.
M. Wark : Oui, mais mon argument nous ramène aux régions — ou pensez à la province de la Saskatchewan. Je ne nie pas que nous jouissions d'une plus grande diversité avec les trois réseaux, mais le problème est ici, en Nouvelle- Écosse, où Radio-Canada n'existe presque plus. Radio-Canada ne nous accorde plus que 22 minutes par jour, cinq jours par semaine, et ce n'est pas une couverture digne de ce nom, et, tout comme à Terre-Neuve, plus personne ne la regarde.
Certes, nous avons accès à une vaste couverture médiatique, ce ne sont pas les nouvelles qui manquent, mais nous avons besoin de quelqu'un qui prendra compte de ce qui se passe au conseil municipal et au sein de l'assemblée législative, et ainsi de suite. Il n'y a qu'un vidéojournaliste pour Radio-Canada, et un journaliste du Globe and Mail. Je l'appelle « le journal national de Toronto » : un journaliste qui couvre les quatre provinces, vous voulez rire.
Le sénateur Tkachuk : Je crois que nous en avons un à Edmonton, et qu'il couvre toutes les Prairies.
M. Wark : Oui.
Le sénateur Munson : Et il n'y a pas de revue Maclean's au Canada atlantique.
M. Wark : C'est exact.
Le sénateur Munson : J'espère que le nouvel éditeur reconnaît qu'il a des journalistes partout au pays sauf au Canada atlantique.
M. Wark : C'est un problème grave. Cela reflète, à mon avis, un manque de diversité.
Le sénateur Tkachuk : Je vais maintenant céder la parole à le sénateur Trenholme Counsell, car je ne voudrais pas qu'elle m'en veuille.
Le sénateur Trenholme Counsell : Merci, monsieur Wark. Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit au sujet de Radio-Canada et du CRTC. Nous n'avons pas beaucoup discuté des stations de radio privées et de leur capacité de diffuser davantage de nouvelles locales.
En votre qualité de professeur d'histoire et d'éthique du journalisme, qu'estimez-vous être les trois plus grands défis que doivent relever les journalistes de nos jours au pays sur le plan éthique?
M. Wark : Eh bien, lorsque j'étais journaliste pour le réseau anglais de la SRC, j'avais l'habitude de dire que la rédaction était la partie la plus difficile du travail, mais j'ai fini par comprendre que c'était plutôt la présentation du matériel, car il fallait être crédible en ondes. Puis, après un certain temps, j'ai commencé à penser que le plus difficile, c'est de s'assurer que l'histoire est exacte, car on peut toujours en faire plus pour chercher à en connaître tous les faits.
À mon avis, la plus grande question éthique à laquelle font face les journalistes de nos jours est celle qui concerne les recherches, le fait de prendre le temps qu'il faut et d'avoir les compétences requises pour bien les faire. Sénateur Munson, vous savez ce que c'est que de travailler contre la montre. Pour revenir à la diversité et au nombre plus restreint de journalistes, les délais semblent encore plus serrés qu'auparavant.
La SRC effectuait des compressions en 1986, au moment où j'ai été envoyé ici à titre de journaliste national chargé de couvrir les trois provinces maritimes. Je soumettais un reportage tous les deux jours, puis j'ai rapidement commencé à le faire tous les jours. Je crois que j'ai passé un an et demi ici, et, je ne devrais peut-être pas vous dire ça, mais je n'ai fait qu'un seul reportage inédit pendant tout ce temps-là. C'était un petit reportage. En fait, tout ce qu'on peut faire en général, c'est de présenter sous un nouveau jour des annonces, des déclarations et les derniers événements. C'est malheureux qu'il en soit ainsi, car je crois que les recherches sont essentielles au maintien de l'éthique journalistique.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous estimez que la toute première priorité, c'est de prendre le temps d'effectuer les recherches nécessaires. D'après vous, quelles seraient les deuxième et troisième priorités?
M. Wark : Les trois grandes priorités sont les recherches, les recherches et encore les recherches.
Le sénateur Trenholme Counsell : Wow! Vous ne coupez pas les cheveux en quatre.
M. Wark : À mon avis, c'est quelque chose de très important, car les journalistes ne sont pas corrompus : ils n'ont pas tendance à tourner les coins ronds. Je crois qu'ils tirent fierté de leur travail, mais je crois aussi qu'ils doivent bâcler les choses lorsqu'ils n'ont pas le temps de bien les examiner. Tony Seed a parlé de cette affreuse mentalité de meute qui s'établit, et je dois reconnaître qu'il a raison. Je suis membre de la Tribune de la presse d'Ottawa et de la Tribune de la presse de Queen's Park depuis six ans, de sorte que je comprends bien cette mentalité.
Lorsqu'un journaliste n'a pas le temps d'aller au fond des choses, soit peut-être de lire un livre ou d'effectuer des recherches sur le sujet, il finit par faire un reportage terriblement superficiel. Je rédige des articles dans l'hebdomadaire parallèle The Coast, dont certains ont porté sur la commission Gomery, dont l'histoire est très tronquée. Nous sommes confrontés à ces problèmes depuis le scandale du Pacifique, mais comme je rédige un article toutes les deux ou trois semaines, j'ai en fait le temps de faire des recherches au sujet de questions comme le scandale du Pacifique ou le scandale en Nouvelle-Écosse dans les années 70 et 80.
J'enseigne le volet recherche, et je crois fermement en l'importance des recherches. C'est simple, nous pouvons parler autant que nous voulons de l'importance de l'éthique, de l'honnêteté, de l'objectivité, de l'équité et de l'équilibre, mais ça ne veut rien dire si nous n'allons pas au fond des choses.
Le sénateur Trenholme Counsell : Puisque nous parlons d'une convergence prononcée et de propriété élargie, est-ce un facteur dont il faut tenir compte dans le domaine de l'éthique en ce qui concerne chaque journaliste?
M. Wark : Je suis intéressé par le problème que pose le fait de travailler pour plusieurs médias à la fois — et les journalistes soumettent des reportages non seulement à la radio, mais aussi à la télévision. Comme nous avons de moins en moins de temps à notre disposition, nous devons faire face à de plus en plus de pressions. J'ai couvert les élections jamaïcaines en 1987. Une heure après avoir atterri sur place, je soumettais un reportage d'après les renseignements fournis à la radio jamaïcaine. Je n'avais jamais visité le pays avant, mais les pressions étaient si fortes, et je servais un seul maître : la radio.
Je me demande ce qui doit arriver lorsqu'on sert plusieurs maîtres à la fois et qu'on a encore moins de temps à sa disposition. Le temps dont on dispose pour effectuer des recherches diminue au lieu d'augmenter. Nous allons dans la mauvaise direction.
Sénateur Eyton, nous avons consacré les années 70 à élaborer de très bonnes émissions radiophoniques pour le réseau anglais de la SRC, comme This Country in the Morning, Morningside, Sunday Morning et As it Happens. Toutes ces émissions étaient bien financées et dotées de ressources humaines suffisantes, puis nous avons passé les années 80 et 90 à les éliminer. Je trouve que c'est bien dommage.
La présidente : Vous avez suscité mon intérêt en racontant comment vous avez couvert les élections en Jamaïque, soit en faisant ce que j'appellerais du « journalisme de tourisme ».
M. Wark : Oui, du « journalisme de parachute ».
La présidente : Oui, le genre de journalisme où, en sortant de l'avion, on regarde autour de soi et on dit : « Je vois des palmiers ».
M. Wark : J'ai passé une semaine à couvrir des événements qui ne sont jamais arrivés. J'ai maintenant très honte de ce que j'ai fait, car j'étais là pour faire un reportage sur des tensions croissantes qui ne se sont jamais matérialisées.
La présidente : Les médias d'information canadiens en général ferment leurs bureaux à l'étranger et demandent de plus en plus aux journalistes de se rendre par avion sur place lorsqu'il y a un problème. Dans quelle mesure est-ce inquiétant?
Vous pouvez voir un peu ce que j'en pense d'après la manière dont j'ai formulé ma question, mais surtout ne vous gênez pas pour me contester.
Est-ce que nous devrions être préoccupés par cette situation?
M. Wark : Oui, même si ce n'est pas nouveau. Le Canada se fie depuis longtemps à des sources étrangères pour ses reportages. Nous n'avons jamais tellement eu de correspondants à l'étranger.
La présidente : Nous avions quand même beaucoup plus de bureaux à l'étranger que maintenant.
M. Wark : Nous en avions effectivement plus, mais nous n'en avons jamais eu tellement par rapport aux autres pays de taille semblable. Ça n'a jamais été une priorité, car nous avons le réseau CNN et l'Associated Press.
La présidente : Est-ce que cela nuit à la qualité de l'information que reçoivent les Canadiens?
M. Wark : Oui. Entendez-vous parler de l'Afrique ou lisez-vous quoi que ce soit à son sujet s'il n'y a pas une crise terrible, un massacre ou quelque chose du genre? Savez-vous que l'Afrique fait quatre fois le Canada, et que nous n'entendons parler que des crises auxquelles elle fait face?
Notre vision du monde est très atténuée, et je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Si nous croyons que nous sommes des citoyens du monde et que nous vivons dans un village mondial où nous sommes tous de plus en plus dépendants les uns des autres, nous devons nous débarrasser de notre mentalité nord-américaine de clocher. C'est ce genre de mentalité qui a rendu les événements du 11 septembre si dévastateurs : personne ne les a vu venir, même si c'était clair qu'une attaque était imminente. On pouvait voir les incidents terroristes se multiplier, mais les Américains ne se souciaient que de Gary Condit et de Chandra Levy au cours des derniers jours qui ont mené aux attaques terroristes contre les États-Unis.
Nos médias sont mieux parce que nous avons un secteur de la fonction publique, mais je crois néanmoins que nous avons le même genre de vision isolationniste du monde que les Américains, et ce n'est pas une vision saine dans un village mondial.
La présidente : Vous avez déjà déclaré que le réseau de télévision de la SRC devrait répondre aux besoins de tout le monde. Où est-ce écrit que c'est son mandat?
Les gens ont des opinions divergentes au sujet du réseau de télévision de la SRC. Nous entendons beaucoup les propriétaires de stations privées se plaindre du fait que Radio-Canada essaie d'envahir leur marché avec des films à grande diffusion, de leur voler leurs commanditaires et d'augmenter leurs cotes d'écoute pour obtenir les fonds de publicité dont le secteur privé estime avoir besoin. Par contre, on entend des gens dire — et je parle maintenant en tant que fidèle téléspectatrice, que Radio-Canada fait partie intégrante de notre pays. La SRC déclare que, si elle n'obtenait pas les cotes d'écoute et les fonds publicitaires requis, elle ne pourrait pas faire tout le reste.
Pourrions-nous suivre un modèle différent?
M. Wark : Lorsque la SRC a vu le jour, c'était la seule station qui était en mesure de présenter des émissions américaines dans des régions où on ne pouvait pas les obtenir. La SRC n'a jamais diffusé sans annonces publicitaires et a offert dès ses débuts des services aux commanditaires. À mesure que la SRC a pris de l'expansion, elle a adopté une culture et une mentalité lui permettant d'avoir un public aussi vaste que possible.
Je crois que plus Radio-Canada prenait de l'expansion, plus on s'attendait à ce que ce réseau, qui est financé par le Parlement, rejoigne le plus possible d'électeurs, des amateurs de sport aux amateurs d'opéra, en passant par les amateurs d'émissions dramatiques. Le réseau de télévision de la SRC s'est employé à satisfaire tous les publics. À la télévision, bien sûr, on évalue le succès d'après les cotes d'écoute. Je suis d'accord avec vous : ce n'est pas une bonne façon de mesurer le succès.
La présidente : J'essaie de voir si nous pourrions examiner un autre modèle. Vous savez que la SRC fait concurrence aux réseaux commerciaux pour tout ce qui a trait aux sports, du hockey aux Olympiques. Je ne suis pas une amatrice de sport, mais lorsque je suis en Angleterre, j'aime regarder à la BBC les courses de chevaux, le cricket et d'autres sports dont je n'ai jamais entendu parler. Je trouve que le soccer ressemble au hockey, et je ne l'aime pas, mais j'ai tendance à le regarder quand même en raison de la manière dont la BBC s'y prend pour le présenter.
Est-ce que la SRC s'entête en fait à garder de vieilles habitudes?
M. Wark : J'espère que non, mais regardez ce qui est arrivé lorsqu'on a annulé la saison du hockey. Au lieu de présenter à la place des matchs de hockey féminin ou de hockey amateur — ce que j'espérais voir —, le réseau anglais de la SRC a opté pour une série intitulée Movie Night in Canada. Il trouvait que ça lui aurait coûté trop cher que de diffuser des matchs de hockey féminin ou de hockey amateur. Ce genre de mentalité découle de restrictions budgétaires : le réseau anglais de la SRC a donc préféré présenter des films plutôt que du hockey féminin, car celui-ci ne lui garantissait pas les fonds publicitaires dont elle a besoin, qui doivent compter pour le tiers de son budget.
Je crois que nous serons aux prises avec ce genre de mentalité et de modèle tant que nous aurons un système commercial devant répondre, comme le veulent les politiciens, aux besoins de tous les gens. J'aimerais qu'on établisse un autre modèle.
La présidente : Nous faisons tous partie du système politique. Par conséquent, vous ramenez la balle dans notre camp.
Le sénateur Tkachuk : Serait-ce possible que la SRC ne comprenne pas bien la culture canadienne?
Aux termes de son mandat, la SRC doit refléter la culture canadienne, mais TSN diffuse des matchs de hockey universitaire, des tournois de curling et des matchs de hockey féminin. Le hockey junior et le hockey universitaire font partie intégrante de notre culture. La culture, ce n'est pas uniquement l'opéra, les orchestres symphoniques et les poètes.
Serait-ce possible que la SRC ne comprend pas notre culture?
M. Wark : Je crois que la SRC s'est associée à la Ligue nationale de hockey pour des raisons commerciales, en commençant par nul autre que Foster Hewitt. L'impératif commercial est très fort au réseau de télévision de la SRC.
Qui sont les grands Canadiens? Don Cherry et David Suzuki, du réseau anglais de la SRC. Il me semble que vous voyez les choses de façon un peu trop pessimiste lorsque vous dites que la SRC ne comprend pas notre culture.
Le sénateur Tkachuk : Je crois que Don Cherry est arrivé là par accident. Je ne crois pas qu'on le voulait vraiment.
M. Wark : La SRC a différentes ramifications : c'est un gros réseau. Comme vous pouvez voir, je soutiens le réseau de radiodiffusion publique Radio-Canada, même si je suis très critique à l'endroit de ce qu'il fait. La SRC doit s'améliorer, et les politiciens de notre pays doivent, à mon avis, montrer un certain engagement à cet égard.
Le sénateur Munson : Je suis également un mordu des actualités, et je suis d'ailleurs heureux d'annoncer que j'ai des nouvelles à annoncer au Comité. Mon petit BlackBerry me dit que le cardinal Ratzinger est le prochain pape, Benoît XVI. Alors, voilà. Je devais simplement le dire à quelqu'un, car j'ai été journaliste pendant 35 ans et je suis comme vous : dès que j'ai un peu d'information, je veux la partager. Comme je n'ai pas effectué de recherche, j'espère que c'est exact. Je n'ai pas vérifié l'information.
La présidente : Monsieur Wark, merci beaucoup.
Nous poursuivons nos audiences accompagnées de membres du public, qui sont invités à prendre la parole.
Nos premiers invités, M. Kevin Cox et Mme Racquel Reid, de Allnovascotia.com, ne sont pas ici tout à fait de leur propre chef, car on leur a un peu tordu le bras pour qu'ils viennent s'adresser à nous. Veuillez présenter un exposé de cinq ou six minutes, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Kevin Cox, Allnovascotia.com, à titre personnel : Avant de commencer, je tiens à préciser que nous avons préparé cet exposé à la dernière minute. La dernière fois que j'ai comparu devant une commission royale d'enquête, c'était en 1981, au cours des audiences de la Commission Kent. À l'époque, nous craignions que Southam et Thomson ne dominent l'empire, si nous avions la moindre idée de ce qui nous attendait ensuite.
J'ai travaillé pendant 23 ans et demi pour le The Globe and Mail, et cinq ans pour le Hamilton Spectator, et j'ai passé, avec Mme Reid, environ six semaines seulement avec Allnovascotia.com; par conséquent, je suis désolé, mais je n'ai pas les renseignements détaillés que vous voulez.
Pour préciser un peu, nous appartenons à la Grande-Bretagne, et nous n'avons pas reçu la permission de comparaître ici aujourd'hui pour parler au nom de la société, si petite soit-elle.
Je crois savoir que vous examinez la situation de la concurrence et la concentration des médias, ainsi que les solutions possibles à ces problèmes. Comme vous en avez probablement entendu parler, le paysage médiatique ici en Nouvelle-Écosse est dominé par le Chronicle-Herald. J'ai vécu avec ça pendant 16 ans à titre de correspondant de la Région atlantique pour le Globe and Mail. Ce sont essentiellement eux qui décident des horaires et qui dirigent les actualités. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais ils ont leur propre style de nouvelles et leur propre façon de les présenter.
Dans cette province, nous avons besoin de médias parallèles et de voix dissidentes. Les gens doivent critiquer les institutions de notre province et analyser ce qui se passe dans la province. Le Daily News n'est pas, à mon avis, dans la même situation et ne fait pas vraiment concurrence au Chronicle-Herald.
Toutes mes excuses aux personnes du Daily News qui pourraient se trouver dans la salle. Ils ne représentent pas un concurrent important pour les autres médias écrits. La presse nationale n'est pas compétitive, pas plus qu'elle ne cherche à l'être, parce qu'elle a son propre public.
Ce que nous faisons à Allnovascotia.com — et Mme Reid peut me contredire si je me trompe —, c'est publier un journal électronique, l'un des rares en Amérique du Nord qui fait réellement des profits. Ne me demandez pas comment il y arrive, car c'est du ressort de Mme Reid.
Allnovascotia.com a été créé par David Bentley, fondateur du Daily News. C'est à ça qu'il ressemble en format papier, sauf que nous ne sommes pas supposés l'imprimer, car c'est un journal électronique. Allnovascotia.com est publié quotidiennement et est envoyé par courrier électronique. Chaque jour, trois et parfois quatre journalistes soumettent huit articles d'affaires pour publication. Uniques, ces articles ne proviennent pas d'agences de transmission. Ils sont fondés parfois sur des communiqués de presse, mais la plupart du temps sur des renseignements que nos propres gens transmettent par téléphone. Nous ne croyons pas au fil de presse. Nous critiquons les entreprises et parfois les mêmes personnes qui nous achètent des abonnements. Nous avons rédigé un article intéressant sur les primes qu'offre Aliant à l'heure actuelle et sur les primes versées à ses cadres supérieurs, et nous avons également examiné la situation pour voir si cela était justifié pendant l'année où les prix de ses actions ont chuté, qu'elle a fait beaucoup moins de profits que prévu et qu'elle a dû faire face à une grève de cinq mois et demi. C'est le genre de nouvelles que nous couvrons.
Nous couvrons beaucoup de micro-entreprises. Qui bâtit quoi? Qui achète quoi? À mon avis — et, là encore, tout ça est nouveau pour moi —, c'est un modèle de média parallèle. Les coûts associés à la production sont minimes. Il n'y a pas beaucoup de frais généraux. Nul besoin de presses à imprimer. Ce n'est pas une chronique Web. Des journalistes professionnels rédigent cette publication. J'ai été formé aux pratiques du Globe and Mail, et je constate qu'Allnovascotia.com suit les mêmes règles que les gens travaillant pour le Chronicle-Herald ou le Globe and Mail. Nous avons de stricts principes éthiques, le même respect face aux renseignements confidentiels et un produit aussi professionnel que possible.
Allnovascotia.com n'a pas démarré grâce à des contributions du gouvernement; M. Bentley a investi ses propres fonds dans cette entreprise et continue de le faire jusqu'à ce jour. Les gens nous ont désigné comme une publication de créneau, mais je ne suis pas sûr que ce soit une description adéquate.
Les gens nous ont également demandé si nous comptions devenir un journal électronique complet, qui porterait aussi sur les sports et tous les autres thèmes habituels. C'est quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas envisager, étant donné que nous sommes une si petite publication.
Mme Racquel Reid, Alnovascotia.com, à titre personnel : Nous sommes très spécialisés, donc je ne crois pas que nous puissions jamais devenir un journal complet.
Le prix de ce quotidien est de 23 $ par mois, et nous avons des abonnements un peu partout dans le monde. Notre bassin d'environ 1 000 abonnés augmente très lentement, mais sûrement.
La présidente : Nous avons des questions.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que vous compensez vos coûts par la publicité?
Mme Reid : En fait, nous venons tout juste de commencer à vendre de la publicité.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que vous faites des profits strictement avec les abonnements?
Mme Reid : Avant les derniers mois, nous ne générions aucune recette de publicité. Au début, seuls les abonnements nous permettaient d'en produire.
Le sénateur Tkachuk : Lorsque vous parlez d'abonnements un peu partout dans le monde, est-ce que la majorité sont en fait dans cette province?
Mme Reid : Un très fort taux, probablement 85 p. 100, de nos abonnés sont en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Tkachuk : Et visez-vous les gens d'affaires comme lecteurs?
Mme Reid : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce une revue d'affaires?
Mme Reid : Oui.
Le sénateur Munson : Vous visez les gens d'affaires. Est-ce que vous rédigez les articles de la même façon que vous le feriez dans le Globe and Mail, ou bien est-ce, en un sens, du journalisme « biaisé »?
M. Cox : Nous poussons l'analyse plus loin que ne le fait le Globe and Mail. En tant que journaliste, c'est quelque chose que j'aime pas mal, sénateur Munson, comme vous devez certainement vous en douter. C'est vrai que nous présentons plus de commentaires. Notre analyse est plus poussée. Nous nous tournons vers les éditoriaux.
Le sénateur Munson : Qu'est-ce qui attire vos 1 000 abonnés? Est-ce le fait qu'ils peuvent obtenir rapidement des nouvelles d'affaires, au lieu d'avoir à trouver la page d'affaires du Chronicle-Herald ou du Globe and Mail?
Comment vos abonnés ont-ils entendu parler de vous?
Mme Reid : Les abonnés reçoivent tous les jours un avis relatif à nos points saillants, et nous leur fournissons un lien qui leur permet d'accéder à ces nouvelles. Nous nous efforçons d'annoncer le tout à d'éventuels abonnés.
M. Cox : Nous offrons une perspective unique, et nous couvrons des points qui ne paraissent pas dans d'autres publications. Nous ne couvrons pas beaucoup de conférences de presse, car nous essayons de traiter le sujet à notre façon. Je sais que nous avons l'air de nous draper dans notre dignité, mais c'est la vérité. Nous voulons couvrir les événements à notre façon, afin que nos lecteurs connaissent une perspective qui ne leur serait pas présentée ailleurs. De toute évidence, nos lecteurs sont heureux, et nos abonnés sont de plus en plus nombreux
Le sénateur Tkachuk : Les nouveaux médias font partie de ce que nous examinons, et ce genre de publication est très importante pour nous permettre de tirer des conclusions. C'est la première fois que j'entends parler de ce genre de présentation, du moins depuis que je siège au Comité.
La présidente : Ce modèle est différent de tous ceux dont nous avons entendu parler au cours des audiences de notre Comité.
M. Cox : Il y a une publication sur Internet qui s'appelle Business Edge. Le problème avec son service, comme avec le nôtre, c'est qu'il s'agit d'abonnements payants, de sorte qu'on peut difficilement les examiner comme il faudrait, mais je crois que nous pourrions offrir un abonnement d'essai au sénateur Munson pour quelques semaines.
Le sénateur Munson : Je ferai circuler le tout.
M. Cox : Nous pourrions le faire, ou nous risquerons d'avoir des problèmes.
Le sénateur Munson : Si je vous ai bien compris, c'est un modèle qui doit paraître dans un proche avenir, n'est-ce pas?
M. Cox : C'est ce que je crois. Je suis peut-être dans l'erreur. D'après mes connaissances limitées, je crois que c'est la seule façon pour que quelqu'un puisse faire des profits sur Internet.
D'après mon expérience au Globe and Mail, les ressources requises ne sont pas affectées au service Internet. Les ressources principales sont placées dans le journal.
Le monsieur de Transcontinental a fait l'école de journalisme à King's, et il a souligné que tout ce que nous voulons faire sur Internet, c'est de choisir des produits à acheter. Le but, c'est non pas de vous offrir une gamme complète de services, mais de vous amener à acheter quelque chose.
Nous publions tout ce que nos lecteurs veulent connaître du milieu des affaires actuel en Nouvelle-Écosse. Je peux imaginer que les gens me diront qu'ils n'ont pas besoin de connaître tout au sujet des sports en Ontario ou des arts en Colombie-Britannique, ni de nouvelles publications devant répondre à ces besoins. C'est la réalité, et c'est le modèle qui fonctionne.
Le sénateur Eyton : Eh bien, c'est fascinant : merci d'être venu.
Comment M. Bentley a-t-il eu cette idée? Ça me paraît un peu inusité comme idée, car je peux obtenir beaucoup de renseignements d'affaires dans les nouvelles dès mon réveil à 6 heures du matin, jusqu'au coucher, à minuit. Bon, de toute évidence David Bentley estimait qu'il existe une lacune qu'il voulait combler, mais quelle a été son inspiration? Je suis curieux.
M. Cox : Malheureusement, seul M. Bentley peut répondre à cette question, et il n'est pas ici aujourd'hui.
En ce qui a trait à ce que vous avez dit au sujet des nombreuses nouvelles d'affaires, le problème, c'est qu'il n'y a pas autant de couverture sur place dans les petites provinces. Il y a peu de couverture approfondie. En Ontario, on peut savoir pas mal tout ce qui se passe dans le milieu des affaires. Ayant travaillé pour le Globe and Mail, je sais que c'est possible, mais ce n'est pas la même situation en Nouvelle-Écosse, même avec la couverture du Chronicle-Herald et du Daily News.
Mme Reid : On peut obtenir certains des renseignements, mais ils sont difficiles à trouver.
M. Cox : Permettez-moi de vous donner un exemple du genre d'article que nous publions. L'autre jour, on a voté pour la fermeture d'une autre installation de gaz naturel liquide dans le nord-est des États-Unis. Après avoir obtenu des renseignements comme ça, nous nous demandons ce qui arrivera aux propositions de Port Hawkesbury et de Saint John.
Nous envisageons les événements sur le plan local. Lorsque j'étais rattaché au Globe and Mail, nous présentions des dossiers nationaux au sujet d'événements locaux.
Le sénateur Eyton : C'est formidable. Que comptez-vous faire l'année prochaine? Vous avez une approche unique, mais aucune entreprise n'est statique. Quels sont vos plans pour l'avenir de votre entreprise?
Mme Reid : Nous comptons continuer de prendre de l'expansion.
M. Cox : Nous nous sommes fixé pour objectif de prendre de l'expansion et d'augmenter notre personnel de rédaction. Je dois avouer que nous sommes plutôt serrés pour l'instant. Vendredi dernier, j'étais le seul journaliste. Un journaliste qui travaille trop perd de son originalité, quoique ce n'est même pas une question qui se pose pour CTV, sénateur Munson.
Le sénateur Munson : Bien sûr que non, mais, Kevin, vous avez toujours travaillé beaucoup.
Le sénateur Trenholme Counsell : Monsieur Cox et madame Reid, c'est bien que vous soyez ici aujourd'hui. J'ai apprécié votre exposé, qui était très intéressant.
Je crois que nos jeunes auraient tout intérêt à lire votre publication, même si le fait qu'ils doivent s'abonner puisse les faire reculer. Peut-être qu'Allnovascotia.com pourrait offrir cette publication à titre de service public à l'intention de nos jeunes.
Vous pourriez, par exemple, rédiger un article ce soir au sujet du nouveau pape et l'évaluer afin de déterminer s'il est cool ou non. Vous pourriez sensibiliser nos jeunes, ce qui est une préoccupation de notre Comité.
Est-ce que quelqu'un a pensé à offrir ce service aux jeunes?
M. Cox : Il existe un modèle très semblable.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que les choses bougent de ce côté-là?
M. Cox : Non, et à ma connaissance, il n'y a rien de tel aux États-Unis non plus.
Ce marché du courrier électronique peut diffuser cinq manchettes auprès de n'importe quel groupe d'âge ou groupe d'intérêt. Si un groupe cherche à faire du journalisme indépendant, je crois qu'on le trouvera par courrier électronique. C'est la voie de l'avenir.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cela pourrait faire de bons projets d'étudiants en journalisme.
M. Cox : En effet.
Le sénateur Trenholme Counsell : D'après ce que vous savez, existe-il un service du genre à l'intention des jeunes lecteurs?
M. Cox : Non, même si je suis d'accord avec vous : les écoles de journalisme pourraient participer à des projets tenant compte de ce modèle. Cela pourrait donner des résultats intéressants.
Le sénateur Trenholme Counsell : Eh bien, peut-être que je pourrais faire germer cette idée.
M. Cox : Oui.
La présidente : Le point soulevé par le sénateur Trenholme Counsell selon laquelle l'abonnement fait reculer les gens me semble bel et bien s'appliquer à l'élaboration d'un réseau potentiel de publications de créneau. Je peux comprendre qu'on procède ainsi en affaires, effectivement, car il y a un marché de gens qui peuvent payer 23 $ par mois pour la publication. Il y aurait aussi probablement un marché pour les avocats qui veulent savoir ce qui se passe dans les tribunaux de la Nouvelle-Écosse. Qu'en est-il du domaine des arts, des établissements d'enseignement et des organismes communautaires qui ont besoin d'accéder aux nouvelles, mais qui ne peuvent payer l'abonnement? Mon raisonnement est-il erroné?
M. Cox : Non, il n'est pas erroné du tout. Je crois que toute la question financière devra être abordée. À mon avis, ce qui arrivera, c'est que ce service ne sera peut-être pas offert par des publications indépendantes.
Je crois que les journaux commencent tout juste à se faire à l'idée qu'Internet est là pour de bon — mais je n'en suis même pas certain —, qu'on pourrait affecter un personnel de rédaction chargé de faire exactement ce que le sénateur Trenholme Counsell a proposé. On pourrait prévoir entre autres des abonnements spéciaux pour les gens de moins de 25 ans.
Mme Reid : Le New York Times offre ce genre de service. Vous pouvez recevoir uniquement la catégorie de renseignements qui vous convient.
La présidente : On pouvait s'y attendre du New York Times.
M. Cox : Oui. C'est dommage, mais il reste que les publications canadiennes traînent derrière les publications américaines dans ce domaine. Les éditeurs canadiens ne profitent pas encore de la révolution électronique.
La présidente : Quelqu'un nous a dit hier que même les entreprises qui essaient de le faire n'y arrivent pas bien. Elles n'arrivent pas à décider quoi faire avec leurs gros investissements dans leurs sites Internet. Dois-je en conclure que vous êtes du même avis?
M. Cox : Oui. Je crois que ce sont uniquement des petites entreprises qui peuvent comprendre ce marché. C'est ce que j'ai compris pendant la brève période que j'ai passée avec ces gens. Ils comprennent bien leur marché, ainsi que la manière de répondre à ses besoins. Plus on prend de l'expansion, moins on comprend ces choses, jusqu'à ce qu'on ne comprenne plus rien du tout.
C'est l'un des problèmes des médias de masse, n'est-ce pas?
La présidente : Le sénateur Eyton a une autre question. Vous avez au total, si je comprends bien, quatre ou cinq employés. Où est situé votre bureau, et quelles en sont les dimensions? Votre bureau a-t-il les dimensions de cette table?
Mme Reid : Notre bureau est à peu près de la grandeur de cette salle. Nous avons six employés à plein temps et un employé à temps partiel.
Le sénateur Eyton : Disons que si vous acceptiez de vous prostituer un peu, j'aurais une bonne suggestion à vous faire. Vous pourriez publier une chronique quotidienne assortie d'un « conseil du jour », et faire vendre des actions. J'ai publié Money Letter, qui était assez bien connu un peu partout au pays. Je l'ai vendu il y a quelques années, mais c'était populaire, et j'en ai tiré un bon prix parce que nous faisions en fait des recommandations. Donc, votre quotidien serait idéal. Vous ne voulez peut-être pas faire ça, mais vous pourriez tirer par ailleurs beaucoup d'avantages de ce genre de chose.
Mme Reid : Oui.
La présidente : Merci beaucoup à vous deux. C'était très intéressant.
Je demanderais maintenant à M. Philip Bruce McLean de prendre la parole.
Veuillez nous dire qui vous êtes et prendre environ cinq minutes pour présenter votre exposé, monsieur McLean, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Philip Bruce McLean, à titre personnel : J'ai 53 ans et je suis un mordu des actualités. Je ne représente personne ni aucune organisation, mais je tenais uniquement à vous faire part de deux ou trois réflexions.
Je suis en quelque sorte intéressé par les aspects religieux ou spirituels de la vie dans les médias électroniques et imprimés. Je trouve que l'on néglige ces aspects dans les médias, et que si on en parle, c'est généralement de façon négative. Je peux comprendre pourquoi les gens aiment entendre de mauvaises nouvelles. Malheureusement, j'aime moi-même en lire, qu'elles soient de nature séculaire ou religieuse; dans une certaine mesure, nous sommes tous friands de scandales. J'aimerais que les médias présentent les questions religieuses de façon un peu plus positive qu'ils ne le font. En outre, j'aimerais qu'ils couvrent non seulement des questions parallèles, mais aussi des questions traditionnelles, bref des questions religieuses de toutes sortes, par exemple le débat touchant le mariage entre les personnes de même sexe, ou encore l'avortement.
Mon autre commentaire porte sur le manque de suivi relatif aux nouvelles importantes. Je suis abonné aux réseaux du câble et à Newsworld, du réseau anglais de Radio-Canada, ce que j'apprécie beaucoup, notamment dans le cas des documentaires. J'aimerais que ces documentaires fassent partie de la programmation des réseaux ordinaires de la SRC, mais, jusqu'à présent, on ne semble pas vouloir aller en ce sens. Il s'agit entre autres d'émissions comme Rough Cuts et The Passionate Eye. J'ai constaté que ces émissions s'inscrivent dans une catégorie à part et ne semblent pas passer aux réseaux ordinaires. Je crois que nous perdons beaucoup, car je trouve ces documentaires très intéressants. Ils parlent de voyages et de cultures, ainsi que de choses politiques, et même parfois de choses religieuses. J'aime beaucoup regarder Vision TV.
Je suis d'accord avec M. Wark : la SRC couvre moins les Maritimes. Je trouve ça bien dommage. Je suis originaire du Cap Breton, et je m'ennuie des nouvelles locales présentées à la télévision là-bas. Nous en avons ici, mais pas autant qu'au Cap Breton.
Je crois bien que c'est tout ce que j'avais à dire. De toute façon, j'ai probablement parlé trop longtemps.
La présidente : Non, vous avez abordé beaucoup de points en un court laps de temps.
M. McLean : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Tkachuk : Hier, à St. John's, un intervenant a soulevé en partie les mêmes préoccupations, notamment sur les plans social et religieux. Bon nombre de ces points sont assez controversés.
M. McLean : En effet.
Le sénateur Tkachuk : Je comprend assez bien ses propos, ainsi que les vôtres, car je ne sais pas si ces questions sont adéquatement couvertes.
À votre avis, la couverture de questions comme l'avortement et le mariage entre personnes de même sexe est-elle diversifiée ou unilatérale?
M. McLean : Je crois qu'elle a été diversifiée, mais je crois aussi que l'optique est surtout libérale, notamment à la SRC. Celle-ci s'est rangée du côté des libéraux, et je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose en soi, mais je ne dis pas non plus que c'est une bonne chose.
Pour répondre à votre question, la couverture est assez équilibrée, mais pas autant que je l'aurais souhaité. En d'autres mots, l'optique est plutôt libérale en ce qui a trait à des questions comme le mariage entre personnes de même sexe et l'avortement. Peut-être que c'est tout simplement dans la nature humaine, je ne sais pas, mais je suppose que c'est ça. J'ai remarqué cela récemment, et ça m'agace parfois, mais pas toujours. C'est juste que ça m'agace de temps en temps.
La présidente : Lorsque vous avez dit que l'optique était plutôt libérale, vouliezvous dire libéral avec un petit « l », ou bien avec un grand « L », avec toute la partisanerie qui s'y rattache?
M. McLean : Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.
La présidente : Alors, je supposerais que vous ne parliez pas de partisanerie. Je suis plutôt d'accord avec vous : lorsque les médias grand public se montrent partiaux, leurs chaînes ont tendance à pencher du côté libéral avec un petit « l » — une attitude propre aux grandes villes —, du côté des valeurs « progressistes » libérales avec un petit « l », que je partage d'ailleurs, même si cela ne m'empêche pas de les reconnaître lorsqu'elles me sont présentées de façon non partisane.
M. McLean : Je crois que je voulais dire libéral avec un petit « l », dans son sens progressiste.
Le sénateur Munson : Il y a des journalistes dans tous les domaines : des journalistes en santé, des journalistes scientifiques et des journalistes juridiques, pour n'en nommer que quelques-uns.
D'après vous, les médias grand public comme les réseaux de la SRC ou de CTV devraient-ils avoir des journalistes religieux?
M. McLean : Oui. Oui, ils devraient couvrir non pas uniquement une religion, mais toute la panoplie de religions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis originaire du Nouveau-Brunswick. Je ne parlerai pas des médias nationaux, car j'estime que c'est une autre question, même si je crois que le sénateur Munson vient de soulever un bon point.
À ma connaissance, deux ou trois de nos quotidiens ont une section sur la religion dans le numéro du samedi.
À votre avis, comment devrions-nous aborder la religion dans un article touchant un pays si multiculturel?
Nous avons tellement de religions différentes, comment pourrions-nous arriver à discuter d'un aspect religieux sans entrer en conflit avec d'autres croyances religieuses?
L'exemple qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est l'énorme couverture médiatique de la vie et du décès du pape Jean-Paul II. Je ne crois pas qu'un des groupes confessionnels critiquerait les journaux pour cette couverture, mais veuillez nous en dire plus au sujet de votre idée.
M. McLean : Bien sûr. Je tiens à préciser à mon tour que, tous les samedis, je lis la section sur la religion dans le Chronicle-Herald.
Le sénateur Trenholme Counsell : Il y en a une dans ce journal également?
M. McLean : Oui. On y aborde non seulement les religions chrétienne, ou protestante et catholique, mais aussi les religions juive et musulmane, et j'en passe.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ah oui?
M. McLean : Oui. Peut-être que la section portait seulement sur les Chrétiens il y a 20 ans, mais elle traite maintenant toutes les confessions. Même si les Chrétiens y sont encore davantage représentés, d'autres confessions le sont aussi, ce qui est une bonne chose.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je me demande si c'est le cas aussi de la plupart des autres couvertures médiatiques portant sur la religion au Canada.
M. McLean : J'ai également lu la section sur la religion du Calgary Herald, et on y aborde également diverses confessions. Je trouve cela très éducatif, car on parle aussi des religions musulmane, juive et zoroastrienne.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne crois pas que nos journaux nationaux présentent ce genre de couverture, n'est-ce pas, madame la présidente?
Ils ont une section sur la santé, une section sur les carrières et une section sur la technologie de pointe, mais je ne crois pas qu'ils en ont une sur la religion.
M. McLean : Non.
La présidente : Le Toronto Star a toujours eu un journaliste religieux, et le Globe and Mail en a un de temps en temps.
Monsieur McLean, le réseau anglais de Radio-Canada présentait une émission animée par Roy Bonisteel. Vous rappelez-vous cette émission?
M. McLean : Oui, je crois, vaguement.
La présidente : Il examinait des sujets de préoccupation, parfois sur le plan philosophique et parfois sur le plan purement religieux. Est-ce le genre de chose que vous aimeriez voir?
M. McLean : Oui. Il y a quelques années, à la radio du réseau anglais de la SCR, on présentait une bonne émission religieuse en soirée. Je ne me rappelle plus comment elle s'appelait, mais c'était une émission assez bien faite. Je crois qu'on l'a retirée des ondes.
La présidente : Le dimanche après-midi, on présente une émission intitulée Tapestry à la radio du réseau anglais de la SRC. Comme c'est une émission assez intéressante, je crois que vous pourriez l'écouter.
M. McLean : Je dois vous avouer que je n'écoute pas la radio. J'ai arrêté de l'écouter lorsqu'ils sont passés de AM à FM, ce qui m'a un peu déboussolé.
La présidente : Ils vous ont perdu. Eh bien, vous pourriez essayer d'écouter Tapestry s'il pleut un dimanche après- midi et que vous n'avez rien d'autre à faire. Oui, oui ou bien s'il y a du brouillard, ou pour toute autre raison. Merci beaucoup, monsieur McLean.
M. McLean : Il n'y a pas de quoi, et merci à vous.
La présidente : Tout cela a été très intéressant.
Notre prochain intervenant est M. Shalom Mandaville.
Bienvenue parmi nous, monsieur. Si vous pouviez nous dire qui vous êtes et présenter un exposé d'environ cinq minutes, ce serait formidable.
M. Shalom Mandaville, Soil and Water Conservation Society, région métropolitaine de Halifax, à titre personnel : Je suis un scientifique spécialisé dans l'étude des lacs. Je dirige un groupe de scientifiques bénévoles d'environ 400 membres, qui viennent de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et de quatre États américains.
Je consulte régulièrement l'Environmental Protection Agency des États-Unis, ainsi que de nombreux groupes de bénévoles en Colombie-Britannique. Le Chronicle-Herald, le Mail Star et le Daily News nous ont donné une très bonne publicité locale. Nous sommes très reconnaissants d'avoir fait la une de ces journaux.
En passant, trois sénateurs me connaissent : les sénateurs Buchanan, Forrestall et Oliver et même le sénateur Forrestall me connaît personnellement. En fait, il a traité avec nous lorsqu'il était député, de sorte que nous lui sommes très reconnaissants.
Ce qui me dérange, c'est que les médias nationaux comme le Globe and Mail et même le National, du réseau anglais de la SRC, ne suivent pas les actualités locales. Je leur ai envoyé de nombreux courriels, de sorte que je suis maintenant bien connu d'eux. Vous n'avez qu'à demander à monsieur le maire Kelly, qui me connaît personnellement, et il pourra vous parler du nombre faramineux de courriels que j'ai envoyés. Certains sont brefs, et d'autres comportent des pièces jointes. Ce qui me dérange, c'est que les médias nationaux ne suivent pas les actualités locales, tandis que le journal américain The Christian Science Monitor, suit nos travaux. Je ne comprends pas pourquoi nos médias nationaux ne m'ont pas interviewé, tandis que ce journal américain a pris la peine de le faire.
Je suis un citoyen canadien. Je suis arrivé ici le 19 septembre 1966, après avoir émigré de Hollande. À part moi et une autre personne qui vient du Bangladesh, le reste de notre groupe est constitué de personnes originaires de la région. En fait, nous avons des gens très riches comme des chirurgiens et des médecins spécialistes, car nos travaux leur donnent envie de se joindre à notre groupe. À l'Université Dalhousie, environ 150 étudiants se sont servis de nos données et de nos conclusions scientifiques pour parfaire leur éducation. Si nous devions évaluer nos travaux bénévoles sur le plan monétaire, le montant estimé dépasserait sans conteste 1,25 million de dollars, car chacune de nos études coûte environ de 40 000 $ à 50 000 $. Malgré tous les travaux que nous effectuons, nous ne sommes toujours pas reconnus par les médias nationaux, et ça me dérange.
L'autre chose qui me dérange, c'est la couverture des accidents d'automobile. Nous ne sommes pas intéressés par ces accidents ou toute autre chose du genre.
Il y a une troisième chose qui me dérange : les attaques contre les politiciens. J'aime les politiciens, quels que soient leurs antécédents, et ils me traitent comme une personne de marque, surtout le maire Kelly. Je ne veux pas qu'on les attaque personnellement. Ça nous est égal de savoir que quelqu'un a 13 petites amies.
Y a-t-il un moyen de s'assurer que les médias se montrent courtois envers les professionnels comme nous?
J'ai utilisé seulement 3 minutes, 14 secondes de mon temps, mais j'arrêterai ici. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Eh bien, vous avez réussi à susciter mon intérêt lorsque vous avez déclaré ne pas aimer qu'on attaque les politiciens.
M. Mandaville : Non.
Le sénateur Tkachuk : Vous dites que vous étudiez les lacs?
M. Mandaville : Cette science s'appelle la limnologie. Je suis un limnologiste spécialisé en recherche appliquée, c'est- à-dire en sciences appliquées. Je suis l'un des rares limnologistes à l'échelle internationale.
Le sénateur Tkachuk : En quoi consiste l'étude de la limnologie?
M. Mandaville : La limnologie permet de connaître la chimie et la biologie des lacs.
Le sénateur Tkachuk : Quelle est votre profession?
M. Mandaville : Je fais les deux. J'étais auparavant dans un autre domaine, mais je suis un expert-conseil. Je fais du travail surtout pour les États-Unis. Je ne travaille plus ici. Il arrive que j'obtienne un contrat de la municipalité régionale de Halifax, mais je travaille généralement à titre de bénévole. Je suis dans la soixantaine.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce les gens vous embauchent pour que vous étudiiez un lac?
M. Mandaville : Je me dois de vous rappeler que je ne suis pas ici en mon nom personnel. Je le suis au nom du groupe appelé Soil and Water Conservation Society (région métropolitaine de Halifax). Je suis ici pour discuter de recherches bénévoles.
Nos travaux bénévoles sont du même calibre que ceux d'experts-conseils, car nous traitons avec les mêmes personnes.
Le sénateur Tkachuk : Je vois. Eh bien, peut-être que le fait d'être ici vous permettra d'obtenir une certaine attention des médias nationaux. Je ne sais pas ci cela aidera ou non, mais il y a beaucoup de gens aux prises avec le même problème.
Sur ce, merci beaucoup.
M. Mandaville : Je voudrais seulement ajouter quelque chose, madame la présidente. Je ne sais rien de la Saskatchewan, et je crois que le sénateur Tkachuk est originaire de là-bas.
Le sénateur Tkachuk : Oui, en effet.
M. Mandaville : Je connais assez bien l'Ontario et le Manitoba.
Le sénateur Munson : Monsieur, vous avez parlé des médias nationaux et de tous ces courriels que vous avez envoyés. Quels genres de réponses avez-vous obtenues après vous être plaint du fait que vous ne recevez pas assez d'attention de la part des médias?
M. Mandaville : En fait, ils ne veulent rien savoir de moi; je n'obtiens aucune réaction. Rien du tout.
Le sénateur Munson : Rien du tout?
M. Mandaville : J'ai essayé d'envoyer des courriels d'une ligne, car certains conseillers municipaux se sont plaints du fait que mes courriels étaient trop longs. J'ai envoyé des courriels de cinq lignes.
Le sénateur Munson : Eh bien, merci. Je voulais seulement savoir si vous aviez obtenu une réponse.
M. Mandaville : Non.
La présidente : Ce qui vous dérange, pour reprendre vos mots, au sujet des médias nationaux, est-ce que c'est le fait qu'ils ne couvrent pas votre organisation, ou bien qu'ils ne font pas appel à votre expertise lorsqu'ils font un reportage sur les problèmes auxquels fait face le Canada en ce qui concerne ces lacs d'eau douce?
M. Mandaville : En fait, ils n'ont tout simplement jamais fait de reportages sur nos problèmes locaux. Je lis tous les médias de façon régulière. À l'instar du monsieur qui m'a précédé, je suis un mordu des médias; il faut l'être lorsqu'on est un activiste. Je ne suis pas ici pour parler de moi, car, à titre d'expert-conseil, je n'ai pas le droit de révéler d'informations sur mes clients. C'est ce qu'on appelle le principe de la confidentialité qui doit s'établir avec les clients.
Je suis ici pour parler de mes activités bénévoles. J'aurais dû le préciser dès le début, je m'excuse.
La présidente : Non, non, vous l'avez fait. J'essaie seulement de savoir si vous voulez obtenir l'attention des médias pour votre association bénévole, ou bien si vous voulez que les médias fassent appel à votre expertise lorsqu'ils font un reportage plus général. Comprenez-vous la distinction que j'essaie d'établir?
M. Mandaville : Oui, je comprends. Je ne suis pas venu ici servir mes intérêts personnels, non. C'est juste que j'estime qu'ils devraient couvrir nos travaux, puisque nous avons étudié 1 500 lacs : c'est vraiment beaucoup. Nous avons également examiné les comtés avoisinants.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez précisé que vous ne vouliez plus lire de nouvelles au sujet d'accidents d'automobile; j'ai tout de suite pensé... eh bien, je crois que bon nombre d'entre nous partagent le même sentiment face au sensationnalisme, à ces événements tragiques qui constituent souvent la majeure partie des nouvelles télévisées.
Comment arrive-t-on à trouver un juste équilibre entre le sensationnel et l'essentiel?
Je ne veux pas dire qu'un accident d'automobile n'est pas important, et je crois que les gens veulent le savoir s'il y en a eu un dans leur collectivité. Ils veulent le savoir parce que c'est une histoire. C'est une histoire pour leur collectivité et les membres de leur famille.
M. Mandaville : L'une de mes anciennes petites amies, qui était journaliste, m'a dit que les médias aiment le sensationnalisme. J'étais jeune et célibataire à l'époque, et j'ai eu toutes sortes de fréquentations. Je suis honnête avec vous. Je suis plus mature aujourd'hui, ça je peux vous l'assurer.
Oui, les médias aiment le sensationnalisme, j'en suis pleinement conscient, mais ils n'ont pas besoin d'en faire trop.
Par exemple, ce qui me dérange le plus, ce sont leurs attaques contre les politiciens. Comme ce sont nous qui avons élu ces gens, ne peut-on pas dire qu'ils nous attaquent aussi par voie de corollaire? J'ai été un très grand partisan du sénateur Forrestall lorsqu'il était député.
Le sénateur Trenholme Counsell : Donc, si je peux me permettre, vous estimez que les médias n'arrivent pas à atteindre cet équilibre?
M. Mandaville : Je ne peux répondre à cette question, car je dois faire attention avec ce genre de sujets.
Le sénateur Eyton : Vous avez piqué ma curiosité. Vous avez bien mentionné 1 500 lacs, n'est-ce pas?
M. Mandaville : C'est bien le nombre de lacs que nous avons étudiés en Nouvelle-Écosse, surtout dans la MRH, mais aussi dans ses comtés avoisinants.
La présidente : Par « MRH », vous voulez dire la municipalité régionale de Halifax, c'est bien ça?
M. Mandaville : Oui, et dans cette seule région de un hectare, il y a 1 300 lacs et étangs. Il y a 6 600 lacs et étangs en Nouvelle-Écosse, alors que l'Ontario compte 300 000 lacs.
Le sénateur Eyton : Vous avez beaucoup de travail. Dans vos remarques, je vous ai entendu parler d'un nombre précis : 1,25 million de dollars.
M. Mandaville : Nos études bénévoles se chiffrent à 1,25 million de dollars.
Le sénateur Eyton : Est-ce une évaluation des travaux entrepris par votre groupe bénévole jusqu'à ce jour, ou bien s'agit-il d'une estimation annuelle?
M. Mandaville : Cette évaluation correspond aux travaux accomplis jusqu'à maintenant.
Le sénateur Eyton : Porte-t-elle sur plusieurs années?
M. Mandaville : Elle porte sur l'ensemble de nos travaux effectués depuis 1991.
Le sénateur Eyton : Ah bon. Depuis 1991, d'accord.
M. Mandaville : Nous publierons bon nombre de nos conclusions dans des revues spécialisées.
Le sénateur Eyton : J'imagine que, ce qui vous dérange, c'est que vos travaux ne suscitent pas beaucoup l'attention des médias, et que ce serait pourtant un bon reportage. Dans quelle mesure plus d'attention de la part des médias ou plus de notoriété vous aiderait-elle dans vos travaux? Serait-ce utile?
M. Mandaville : Je ne connais pas le mot « notoriété », mais nous aimerions que les gens soient informés de nos travaux, car nous estimons que nous devrions tous travailler ensemble. Soit dit en passant, nous sommes des radicaux qui nous opposons au développement. Nous avons une politique sévère à cet égard.
C'est juste que nous avons reçu davantage de publicité à Washington (D.C.) et à New York qu'à Ottawa. Bien sûr, nous en avons reçu à Halifax, mais je parle de couverture nationale.
La présidente : Merci beaucoup.
M. Mandaville : Merci, sénateurs. Nous avons un très bon Sénat.
La présidente : Merci.
J'invite maintenant Mme Alison Tofflemire à prendre la parole.
Bienvenue parmi nous. Veuillez nous parler un peu de vous et nous présenter un exposé d'environ cinq minutes, après quoi nous vous poserons des questions.
Mme Alison Tofflemire, à titre personnel : J'ai 32 ans, et j'aime beaucoup écouter la radio, quand je le peux. Je tiens à préciser avant tout que j'ai pris ici beaucoup de notes, et je m'excuse, car le tout sera peut-être un peu désordonné, compte tenu de tous les médias que nous avons et du fait que j'ai entendu parler de l'audience seulement ce matin au cours d'une émission locale à ligne ouverte. On ne l'a mentionnée qu'une fois; personne d'autre aux actualités télévisées du réseau anglais de la SRC ou du réseau ATV, ou ailleurs, ne l'a mentionnée. Comme personne d'autres n'a mentionné cette chose, j'ai tout simplement rédigé le plus de notes possible.
Je tiens surtout à parler du marché de la radio locale, de ce qui se passe dans ce domaine et de ce qu'il faudrait faire. Alors, soyez indulgents, car je m'éparpille.
Notre marché local est en stagnation. Nous n'avons plus beaucoup de diversité à la radio. Par exemple, nous avons quatre postes qui ne jouent pour ainsi dire que de vieilles chansons. L'un d'entre eux se démarque des autres parce qu'il fait tourner une chanson récente à chaque heure. Nous avons aussi deux postes de musique country, et un poste qui passe de la musique contemporaine, mais qu'on pourrait prendre parfois pour un poste de musique country parce qu'on entend de temps en temps les mêmes choses. Nous avons un poste de musique parallèle, mais c'est très difficile d'arriver à le capter. Pour y arriver, il faut trouver l'endroit exact ou avoir une radio très performante. Nous avons la chaîne CBC Two, qui offre uniquement de la musique classique, et la chaîne CBC One, ce que j'écoute le plus, car j'aime avoir des nouvelles. Malheureusement, la chaîne CBC One a aussi tendance à reproduire des choses.
Je trouve que la radio est le meilleur moyen de se tenir à jour lorsqu'on n'est pas chez nous, car on peut amener une radio partout où on va. N'importe qui peut avoir une radio. J'en ai une dans ma poche de droite, et dès que je partirai d'ici, je vais mettre Live at 5, que j'écouterai en me rendant chez moi dans l'autobus.
J'ai constaté qu'il n'y a vraiment pas beaucoup de nouvelles locales sur le réseau anglais de la SRC pendant les fins de semaine, sauf peut-être deux ou trois minutes de nouvelles du Nouveau-Brunswick. Ce qui serait vraiment bien, ce serait qu'on déplace cette charmante émission de musique traditionnelle de violoneux à la chaîne CBC Two. Cette émission devrait être remplacée par une demi-heure de nouvelles locales. C'est un avantage de savoir exactement ce qui se passe dans notre communauté locale. Après cette demi-heure de nouvelles locales, je crois que nous pourrions avoir une demi-heure de nouvelles du Canada. Je pense à quelque chose comme Live at 5, mais en mieux.
La radio du réseau anglais de la SRC a repris une seule fois quelques reportages que personne d'autres n'a ensuite repris. J'aimerais donc que ça puisse arriver. J'aimerais qu'on retransmette certaines choses à la chaîne CBC One et à la chaîne CBC Two, surtout les samedi et dimanche soirs, car on a de vieilles chansons et de la musique classique. Par exemple, ce serait bien de le faire pour l'émission The House. Ce serait formidable si on pouvait retransmettre cette émission le samedi ou le dimanche soir, car elle passe à 9 h le samedi matin. Combien de gens sont debout pour écouter cette émission? Parfois, j'en manque une partie, et c'est vraiment une bonne émission à écouter, car on y apprend beaucoup de choses.
J'aimerais bien que, le dimanche soir, on laisse tomber la musique classique pour présenter une émission à ligne ouverte, qui nous permettrait d'appeler et de parler de n'importe quel sujet sur les ondes. Nous n'aurions même pas besoin de sujets précis. Nous avons une seule émission à ligne ouverte, de sorte que nous avons essentiellement trois heures seulement de démocratie par jour pour discuter de différentes choses. Ce serait bien que cela change.
Nous devions obtenir un poste de radio d'émissions-débats et peut-être aussi un poste de danse urbaine. Je le croirai quand je le verrai.
J'aimerais voir davantage de diversité. Lorsque j'étais à Boston l'année dernière, je pouvais trouver n'importe quoi comme poste de radio. Malheureusement, j'ai surtout écouté deux postes d'émissions-débats, car les élections approchaient, et je voulais savoir ce qui se passait.
Comme je viens de le dire, je trouve que la radio est le média le plus simple. Normalement, nous devrions être en mesure d'obtenir tous les renseignements nécessaires à la radio sans avoir à revenir chez nous pour regarder les actualités de 18 heures. Nous devrions avoir différents choix de musique à la radio. Je veux dire que nous devrions éliminer deux des postes de vieilles chansons et les convertir en postes de musique contemporaine, car j'ai remarqué, surtout le dimanche matin entre 8 h et midi qu'il n'y a absolument aucun poste où on peut écouter de la musique contemporaine. C100 est le seul poste qui est assez facile à capter. Nous n'avons pas assez de diversité. Parfois, ça m'endort tout simplement. Je vous le jure. Nous avons besoin de plus d'émissions à ligne ouverte et de plus de diversité à l'intérieur des postes actuels.
Prenons quelques bons exemples de ce que la radio pourrait être, et de ce qu'elle était. Q104 était formidable au début. Vous aviez du rock, du métal et toutes sortes de choses que personne ne jouait ailleurs. Ce poste a même fait la promotion de groupes de musique locaux. Je ne sais pas combien de gens connaissent même juste de nom le groupe Haywire. Sans Q104, ce groupe n'aurait probablement jamais percé, ou il aurait pris davantage de temps à le faire. Le poste de radio a pratiquement créé ce groupe de musique. C'est un groupe local. Le poste a organisé un concours visant à promouvoir les groupes de musique locaux, et Haywire a décroché un contrat. Ce groupe a réussi en fait à produire beaucoup de CD simples.
Il y a aussi la fois où le disc-jockey était en colère parce que le groupe Rush avait arrêté sa tournée canadienne à Montréal. Le disc-jockey avait décidé de faire quelque chose à ce sujet. Ça a été l'un des grands moments de la radio lorsqu'il a décidé de faire campagne pour amener Rush à venir à Halifax. Je faisais partie du groupe de gens qui se promenaient avec des pétitions. Maintenant, c'est essentiellement : « Envoyer deux personnes par avion à Toronto pour voir Elton John. »
La présidente : Alors, est-ce que Rush est venu à Halifax?
Mme Tofflemire : Oui.
La présidente : Bravo.
Mme Tofflemire : Ça a marché. Des gens se plaignent du fait que nous n'avons pas assez de concerts à Halifax. Nous avons besoin d'un plus gros stade. Nous pouvons organiser des concerts de taille moyenne, mais pas de grands concerts. Si j'étais un promoteur de concert, j'examinerais bien le marché parce que personne n'arrivera à le promouvoir, car on ne joue pas la musique de bon nombre des groupes actuels.
La présidente : Comme vous le savez peut-être, notre mandat principal porte non pas sur la musique, mais sur les actualités, mais les nouvelles concernant la musique sont des nouvelles tout de même. De toute façon, nous n'avons presque plus de temps, de sorte que je voudrais vraiment passer aux questions. Sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : Quelque chose me dérange. En passant, vous avez très bien fait ça.
Mme Tofflemire : Je tiens à souligner que je ne savais pas au sujet de la musique, car, comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas eu beaucoup de renseignements, et je suis arrivée ici vers 15 heures.
La présidente : Nous sommes très heureux que vous soyez venue.
Le sénateur Tkachuk : Effectivement, nous en sommes très heureux.
Mme Tofflemire : Je suis contente d'avoir entendu parler de ça, car j'aime bien exprimer mon point de vue. Peut-être que mes plaintes pourraient donner des résultats cette fois : j'en ai assez de me heurter contre un mur.
Le sénateur Tkachuk : Trouvez-vous que vous obtenez la plupart de vos nouvelles à la radio?
Mme Tofflemire : Eh bien, ça permet d'avoir de la diversité. Lorsque je suis chez moi, je peux parfois regarder les nouvelles. Je trouve que celles du réseau ATV sont généralement les plus équilibrées. Je pourrais vous donner deux exemples de reportages que la radio du réseau anglais de la SRC a couverts, mais qu'on n'a pas entendus aux autres actualités. Ce sont les deux reportages sur les logements abordables et le phénomène des sans-abri. Le problème — et je crois que c'est en Colombie-Britannique —, c'est qu'ils veulent arrêter les sans-abri qui ont un chariot d'épicerie, comme si c'était illégal d'en avoir un. On en a parlé une seule fois à Live at 5.
La fin de semaine dernière, je crois, il y a eu un incendie dans une maison de chambres au Nouveau-Brunswick, et c'était essentiellement... bon, ça me revient... non, ce n'était pas un incendie : ça avait rapport avec le code du bâtiment, ou quelque chose comme ça, et on a averti les résidents du fait qu'ils avaient 24 heures pour évacuer l'édifice. Ils ont interviewé une femme qui reçoit de l'aide sociale. Elle disait qu'elle ne pouvait pas emménager avec ses amis parce qu'ils reçoivent également de l'aide sociale et qu'ils n'ont donc pas le droit de le faire.
On nous a en fait relaté d'autres situations illustrant les problèmes auxquels faisaient face les locataires, et on précisait que le propriétaire voulait seulement qu'on accorde un peu plus de temps à ses locataires. Il essayait de réparer l'édifice, mais le problème, c'est que personne d'autres ne couvrait cet événement.
On peut aller plus en profondeur à la radio. L'ouragan Juan est un bon exemple. Essentiellement, Peter Kelly, notre maire, a donné une conférence de presse, et nous avons en fait pu l'entendre presque au complet à la radio.
De toute façon, on ne peut regarder la télévision ni se brancher à Internet lorsqu'il y a une panne d'électricité. La radio, c'est aussi bien. On obtient seulement une capsule d'information aux actualités télévisées, car c'est visuel; à la radio, on peut faire de plus longues entrevues et avoir de plus longues conversations, par exemple. On peut vraiment approfondir une question parce qu'on a davantage le temps de le faire et qu'on n'est pas axé sur ce qu'on voit. On est axé sur ce qu'on entend. On écoute. On se concentre sur ce que la personne dit. Je crois que j'aimerais que ce soit davantage comme ça, qu'on ait plus d'informations et plus de nouvelles.
La plupart du temps, j'aime ce qu'ils présentent. Par exemple, ce qu'ils présentent en soirée est très intéressant. Ils diffusent des émissions de Radio Pays-Bas et l'émission Voix de la Russie, ainsi que d'autres choses du genre. C'est vraiment formidable. J'en parle constamment aux gens, car j'ai pu constater qu'ils font face en grande partie aux mêmes problèmes que les nôtres, entre autres le chômage et les coupures dans les programmes sociaux. C'est donc seulement pour montrer aux gens que tout ça arrive bel et bien ici, et ainsi de suite.
J'aimerais qu'on mette davantage d'émissions comme ça et moins de charmante musique traditionnelle de violoneux. Laissons cette musique à la chaîne CBC TOS. J'aimerais qu'on diffuse moins les émissions en double, car nous n'avons pas beaucoup de chaînes ici. Nous avons perdu notre poste de radio d'émissions débats. Le radiodiffuseur a commencé par convertir le tout aux sports, puis, dans son infinie sagesse, il a décidé de nous offrir une autre radio de vieilles chansons, en plus des trois autres déjà en place. Je ne savais même pas qu'il y avait un poste d'émissions débats, et je l'ai appris environ un an seulement avant sa malheureuse disparition. Mais je l'écoutais tout le temps, et je trouvais plein de choses très intéressantes, par exemple les émissions-débats américaines et locales. J'aimais bien le fait que ce poste de radio diffusait en simultané les nouvelles du réseau ATV; c'était formidable, car je n'avais qu'à me promener avec mes écouteurs sur les oreilles pour écouter les nouvelles si je devais me rendre quelque part à 19 h.
Le sénateur Mun Son : Je suis d'accord avec vous : l'émission The House et les émissions de soirée devraient être rediffusées à la chaîne CBC. Je crois aussi que le groupe Hayworth devrait venir à Ottawa et nous présenter un spectacle avant le lancement des débats du Sénat, afin que nous soyons plus motivés et plus productifs.
Nous avons déjà une émission à laquelle tous les Canadiens peuvent participer. Vous parlez d'une émission pour la Nouvelle-Écosse, n'est-ce pas?
Mme Tofflemire : Oui. J'aimerais que ce soit le soir, car on n'a seulement que de la musique après une certaine heure. Ce serait la même chose que ce qui est offert à la chaîne CBC Two.
J'aimerais qu'on présente davantage d'émissions à ligne ouverte, car on n'en a pas assez. Je crois que l'émission Cross Country Checkup est très bonne, et je la suis presque toujours. Nous avons besoin d'émissions locales. J'aimerais beaucoup obtenir plus de nouvelles locales et de reportages détaillés. Avec la radio, c'est possible.
Le sénateur Munson : Donc, puis-je vous poser une dernière question, car je dois le savoir officiellement? Que pensez-vous de l'émission de Don Connolly, présentée le matin au 90,5, au réseau anglais de la SRC? Je vous pose cette question parce que c'est mon meilleur ami.
Mme Tofflemire : Parlez-vous de l'émission The Whole World?
Le sénateur Munson : Que pensez-vous de cette émission matinale? Je dois juste le savoir officiellement.
Mme Tofflemire : Eh bien, je l'aime bien en général, car on traite les sujets en profondeur.
Le sénateur Munson : Bien.
Mme Tofflemire : Par exemple, ce matin, on parlait de... je trouve qu'on examine bien les choses. On va au fond des choses, et c'est très bien. On parlait ce matin d'une société immobilière, qui venait de démarrer; on y est allé en détail et on a vraiment parlé avec ces gens-là. C'était fascinant à écouter. J'étais consternée. Je me suis dit : mon Dieu, ils prennent le dessus. Mais c'est juste que je me demandais où on peut avoir d'autres émissions comme celle-là qui vont vraiment au fond des choses, vous savez...
Le sénateur Munson : Donc, vous dites qu'à Halifax, on trouve davantage ce genre d'interaction avec...
Mme Tofflemire : Exactement, tout comme avec les problèmes des sans-abri et d'autres problèmes du genre. Au lieu de nous plaindre continuellement des appareils de loterie vidéo, comme nous le faisons en ce moment, nous devrions plutôt nous pencher sur des problèmes importants comme ceux touchant les sans-abri et les logements abordables, ainsi que sur les enjeux politiques qui s'y rattachent et les raisons pour lesquelles on ne fait rien, entre autres. J'aimerais voir ça davantage ici, c'est-à-dire que les journalistes enquêtent davantage au sujet des décisions politiques qui sont prises. Pourquoi obtiennent-ils ces grosses augmentations tandis que des gens meurent dans les rues? J'aimerais qu'on en parle à la radio et à la télévision.
Comme je l'ai déjà dit, la radio, c'est quelque chose que je peux toujours avoir avec moi, et que je peux écouter n'importe où. C'est le média le plus accessible aux gens. Ainsi, je n'ai pas d'ordinateur ni Internet chez moi, car ça me coûterait trop cher. Pour regarder la télévision, il faut être à la maison. C'est difficile de lire le journal dans l'autobus, et ça revient cher après un certain temps. Mais avec seulement 20 $, vous pouvez vous acheter une radio, et voilà, vous avez tout ce qu'il vous faut. Vous pouvez même vous procurer une vieille radio pour quelques dollars. Même si vous étiez un sans-abri, vous pourriez avoir une radio et continuer de vous tenir informé. Donc, l'idéal, c'est d'obtenir toutes ces informations à la radio. On n'aurait alors même pas besoin de revenir à la maison pour les actualités de 18 h à la télévision. Ce serait mon rêve. J'aimerais beaucoup pouvoir écouter le réseau anglais de la SRC à la radio du matin au soir, sans pouvoir m'en décrocher parce que je trouverais tout ce qu'on y présente si intéressant.
La présidente : Madame Tofflemire, vous avez été formidable. Merci beaucoup. Nous sommes très heureux que vous ayez entendu parler de nous.
Mme Tofflemire : Merci de m'avoir écoutée.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis heureuse que vous n'ayez pas été préparée, car ça n'aurait sûrement pas été aussi intéressant.
La présidente : Oui, tout à fait. Vous nous avez permis de terminer sur une belle note.
Sénateurs, cette journée très intéressante arrive maintenant à sa fin. Notre prochaine réunion se tiendra demain à 9 heuresZ| dans cette salle. Merci aux sénateurs, aux employés et aux membres du public. Nous avons passé une belle journée.
La séance est levée.