Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 18 - Témoignages - Séance de l'après-midi
DIEPPE, le vendredi 22 avril 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 12 h 46 pour examiner l'état actuel des industries de médias canadiennes; les tendances et les développements émergeants au sein de ces industries; le rôle, les droits et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à nouveau à nos réunions à Dieppe et Moncton.
[Français]
Pour ceux qui ne le savent pas encore, le Comité sénatorial des transports et des communications est ici pour poursuivre son étude des médias canadiens d'information et le rôle que l'État devrait jouer pour aider les médias à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.
[Traduction]
Jusqu'ici, nous avons eu une journée et demi d'audiences extrêmement intéressantes au Nouveau-Brunswick.
Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir M. Victor Mlodecki, vice-président et directeur général de Brunswick News Inc.
Merci beaucoup d'être venu. Nous attendons évidemment avec grand intérêt ce que vous avez à nous dire. La parole est à vous.
M. Victor Mlodecki, vice-président et directeur général, The Brunswick News : Dans ma déclaration d'ouverture, sénateurs, je propose de présenter les activités de BNI, Brunswick News Incorporated. Je décrirai notre manière de fonctionner et la politique éditoriale, qui, si je comprends bien, intéresse le comité, dans l'optique de la concentration de la propriété. Je propose d'aborder ensuite certains des sujets figurant dans la liste de questions que m'a communiquée le greffier du comité, Till Heyde, et de répondre ensuite aux questions du comité.
Je travaille dans l'édition de journaux depuis plus de 30 ans. J'ai passé 13 ans chez Thomson Newspapers, qui publiait un quotidien dans trois villes, puis j'ai été vice-président et directeur de l'exploitation de la division de l'Est, qui regroupait 22 quotidiens. Après avoir quitté Thomson, j'ai acheté et exploité deux hebdomadaires dans l'Est de l'Ontario, avant de les vendre. Je suis au Nouveau-Brunswick depuis 1998. J'y ai été éditeur du Daily Gleaner, du Saint John Times Globe, du Telegraph-Journal et du Times & Transcript à Moncton. À l'heure actuelle, je suis responsable des activités des entreprises et publications indiquées dans l'annexe à notre mémoire.
Brunswick News est une société fermée du Nouveau-Brunswick dont le siège social est situé à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Toutes les actions ordinaires de BNI sont détenues par Otter Brook Holdings, une entreprise de portefeuille constituée en société au Nouveau-Brunswick, dont les actions ordinaires sont entièrement détenues et contrôlées par James K. Irving, Arthur L. Irving et John E. Irving.
Le groupe se divise en trois quotidiens, six hebdomadaires de langue anglaise, six hebdomadaires de langue française et un hebdomadaire urbain présentant une édition pour chacune des trois grandes villes. Nous avons un site Internet rattaché aux journaux, un site Internet sur les carrières, ainsi que Acadian Broadcasting Ltd., qui possède quatre stations de radio. Toutes les publications ainsi que trois des stations de radio sont situées au Nouveau-Brunswick. La quatrième station de radio est située à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse.
Un élément clé de la stratégie de croissance du groupe BNI a été d'accroître les avantages découlant de sa taille par d'importants investissements en capital dans ses différents journaux. Sans l'avantage de la taille, un grand nombre de ces publications locales n'existeraient pas ou n'auraient pas la qualité que BNI leur permet d'atteindre. Par exemple, en consolidant ses activités d'imprimerie, BNI a pu fournir du matériel d'impression de pointe et est maintenant apte à produire plus de publications en couleurs. L'un des objectifs, du point de vue opérationnel, est de maintenir la rentabilité afin d'appuyer la continuité des dépenses en capital de ce type dans un secteur qui souffre d'un déclin de lectorat.
Les éditeurs des journaux de BNI agissent selon des lignes de conduite générales, ce qui laisse entièrement entre les mains de chaque éditeur le contenu rédactionnel, la couverture quotidienne des nouvelles et la gestion des journaux. La philosophie d'exploitation de BNI peut se résumer succinctement comme suit : les journaux de BNI s'efforcent d'être une source d'information de confiance, respectée et précise pour les communautés du Nouveau-Brunswick qu'ils desservent. Nos journaux reflètent les valeurs grand public générales des citoyens du Nouveau-Brunswick. Nos journaux traitent les gens avec dignité et respect. Ce que nous publions est en accord avec les normes de notre communauté, sachant qu'elles évolueront et changeront au fil du temps. Les journaux de BNI couvrent les nouvelles le plus impartialement possible sans hantise ni préférence. Nous dénonçons les mauvaises actions, la fourberie ou l'abus de pouvoir, public ou privé. Nous croyons aux principes de vérité, de justice et de précision. Quand nous faisons des erreurs, nous les admettons et les corrigeons rapidement. Le rôle de nos journaux est de servir leurs lecteurs et d'être en mesure de fonctionner sur une base financièrement viable.
Les éléments clés qui ressortent de cette philosophie d'exploitation, du point de vue de l'éditeur, sont de produire de bons journaux respectables qui servent leurs communautés selon les normes journalistiques les plus élevées et que chaque éditeur a la liberté d'interpréter ces lignes de conduite de la façon qu'il juge la plus appropriée.
Un bref examen du Telegraph-Journal, du Times & Transcript et du Daily Gleaner révélera rapidement que les trois journaux ont une approche différente de la couverture des nouvelles, autant sur le contenu que sur la présentation des nouvelles. Les lecteurs ont souvent la chance d'observer des positions opposées de la part des éditorialistes des journaux. Chaque journal reflète les besoins de sa communauté.
Ces examens illustrent la philosophie d'exploitation de BNI en action. Les décisions rédactionnelles sont prises de façon distincte pour chaque journal. Les éditoriaux sont rédigés par les rédacteurs en chef. Les éditeurs, les gestionnaires et les rédacteurs en chef ont la responsabilité de produire un contenu qui attirera les lecteurs, ce qui garantit rien de moins que les normes les plus élevées de journalisme et d'intégrité.
Il convient de mentionner un autre élément important en raison de l'impact positif qu'il a sur la qualité de nos journaux. BNI a clairement indiqué aux éditeurs que ces activités sont considérées comme des investissements à long terme afin de livrer des produits médiatiques de qualité à la communauté qu'ils desservent. En pratique, cela signifie que les journaux BNI ont des ressources rédactionnelles plus généreuses et un espace réservé aux nouvelles plus grand que les journaux de taille semblable publiés ailleurs au Canada et aux États-Unis.
L'engagement de BNI envers la qualité journalistique et professionnelle est très important, tout comme notre engagement envers le développement de professionnels ayant une compréhension des enjeux locaux et régionaux. Récemment, BNI a démontré cet appui en faisant un don de 2 millions de dollars afin d'instaurer la chaire Irving en journalisme à l'Université St. Thomas de Fredericton et la chaire Roméo LeBlanc en journalisme à l'Université de Moncton.
L'engagement de BNI envers les communautés qu'elle dessert se manifeste aussi par le grand nombre d'initiatives locales prises par notre groupe, dont certaines sont décrites dans notre mémoire. Un exemple de notre philosophie sensible aux besoins des communautés est le fait que nous avons lancé des hebdomadaires de langue française là où auparavant ils étaient inexistants. Les deux éditions de L'Étoile, de La République et d'Hebdo Chaleur emploient 24 personnes et ont un tirage total d'environ 51 000 exemplaires. De récents investissements de capitaux et d'autres améliorations à quelques-unes de nos petites entreprises, dont le Bugle, le Grand Falls, La Cataracte/The Victoria Star, Le Madawaska et le Miramichi Leader/Weekend. Avant de traiter précisément de la propriété croisée des médias et du cadre de réglementation canadien, j'aimerais aborder la question générale de la qualité et de la disponibilité des nouvelles offertes aux Canadiens.
BNI partage l'opinion exprimée par plusieurs autres témoins durant ces audiences que l'évolution technologique de la dernière décennie a grandement accru la diversité des sources d'information des nouvelles, le nombre de sources ainsi que la quantité de nouvelles qui sont accessibles. L'offre de nouvelles et les sources de ces nouvelles ont connu une croissance spectaculaire. Que ce soit pour les journaux, les revues, les médias électroniques ou n'importe quel autre moyen accessible par les canaux à large bande — capté, numérique, par satellite, ou les radios et télévisions sur Internet — les Canadiens ont maintenant un accès sans précédent à plus de nouvelles 24 heures par jour, sept jours par semaine. Que le système de sélection soit par enjeu, par langue, par culture, par région ou par n'importe quel autre facteur, les Canadiens sont loin d'être en manque d'information. La grande abondance de choix disponibles aux consommateurs est ahurissante.
Comme le comité l'a entendu, les percées technologiques et l'offre abondante de nouvelles ont aussi engendré des effets secondaires : la fragmentation du marché ou de l'auditoire et, à un certain niveau, le déclin dans quelques médias de la couverture traditionnelle de nouvelles vraiment « régionales ». Ces percées technologiques peuvent aussi avoir contribué au déclin général du lectorat de journaux. La fragmentation de l'auditoire constitue un défi important pour les journaux papier, puisqu'ils dépendent fortement des revenus tirés de la publicité. Un journal se doit d'avoir des lecteurs s'il veut offrir des clients aux annonceurs. Un journal doit offrir une valeur sûre pour que les gens choisissent de dépenser de l'argent et du temps à s'abonner s'il veut attirer les lecteurs.
Chez BNI, nous croyons qu'une façon de retenir l'intérêt des lecteurs est de leur fournir une perspective sur les nouvelles qu'ils n'auront pas ailleurs. Cela veut dire leur donner plus de nouvelles vraiment régionales et locales que ce qu'ils trouveraient dans un autre journal ou dans la presse électronique. C'est en maintenant leur intérêt que nous pouvons continuer à attirer des annonceurs pour nos journaux et ainsi générer les profits nécessaires à la survie des journaux.
Notre stratégie, combinée à la capacité de réaliser des économies de coûts en raison de la taille, nous permet de garder les journaux en vie dans les communautés où une entité autonome ne serait pas économiquement viable. Cela permet à BNI de continuer d'investir dans ces communautés. Cela permet à BNI de contribuer à maintenir une diversité de voix et de sources de nouvelles dans la région que nous desservons.
Du point de vue stratégique ou commercial, BNI ne croit pas que la propriété croisée ou même la propriété unique soit un enjeu. Les Canadiens ont été bien servis par le cadre de réglementation qui est en place aujourd'hui et une nouvelle réglementation n'est pas requise.
Si je comprends bien, le mandat du comité sénatorial consiste à déterminer si la concentration de la propriété de médias, particulièrement de la propriété croisée de différents médias, limite la diversité d'opinion et est mauvaise pour le public canadien. BNI partage le point de vue de certains qui ont témoigné devant le comité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de preuve qui justifierait d'interférer avec ce que beaucoup de gens dans le monde considéreraient comme une réussite. Nous ne devrions pas nous interposer dans l'équilibre fragile que nous avons atteint avec deux autorités de réglementation, le CRTC et le Bureau de la concurrence, et une politique de soutien gouvernementale.
L'explosion des sources d'information disponibles aujourd'hui — des journaux payants, gratuits ou alternatifs, aux chaînes de télévision et de câble, aux publications spécialisées, au publipostage, à Internet, au babillard à la buanderie du coin — donne au public tellement de choix que les entreprises médiatiques qui ne fournissent pas une valeur sûre à leurs clients se verront faiblir et tôt ou tard s'effondrer.
Contrairement à des entreprises dans de nombreux autres secteurs de l'économie, les coûts pour un consommateur qui désire changer de source de nouvelles lorsqu'il est insatisfait de son fournisseur actuel sont presque nuls. Les Canadiens sont actuellement très bien servis par le marché.
Brunswick News Inc. croit que le modèle de presse se porte bien actuellement dans le Canada atlantique. Elle est assujettie aux impératifs du marché et est au cœur d'une bataille pour sa survie à long terme tandis que les sources d'information continuent de proliférer et que les jeunes lecteurs sont attirés par des sources d'information électroniques.
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup.
Quelle a été la dernière erreur qu'un de vos journaux a admise?
M. Mlodecki : Nous admettons nos erreurs plusieurs fois par semaine. Nous apportons les corrections habituellement à la page 2 de nos journaux et nous nous empressons de corriger les erreurs.
Le sénateur Tkachuk : S'agit-il de coquilles ou d'erreurs de fait, ou d'erreurs dans le contenu de l'article proprement dit ou encore d'un coup porté à quelqu'un incapable de se défendre?
M. Mlodecki : Nous corrigeons toujours les erreurs de faits.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons entendu ce matin Marie-Linda Lord, professeure à l'Université de Moncton. Elle n'a pas mâché ses mots au sujet du monopole exercé par la famille Irving sur les quotidiens du Nouveau-Brunswick. Je lui ai demandé si le Bureau de la concurrence était jamais intervenu.
N'Avez-vous jamais fait appel au Bureau de la concurrence ou le Bureau de la concurrence n'a-t-il jamais indiqué à la famille Irving qu'il se souciait de l'ampleur de la participation financière de la famille dans les journaux du Nouveau- Brunswick?
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : Il n'a jamais écrit de lettre, par exemple?
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de normes et de dénonciation des mauvaises actions, de la fourberie ou de l'abus de pouvoir.
Comment couvrez-vous les activités de la famille Irving dans d'autres secteurs que les médias?
M. Mlodecki : Comme celles de n'importe quelle autre entreprise.
Le sénateur Tkachuk : Si je ne m'abuse, Mme Lord, qui n'est peut-être pas seule, croit que les journalistes qui écrivent sur les avoirs de la famille Irving craignent des représailles.
Est-ce qu'un journaliste a déjà été remercié dans un de vos journaux à cause d'un article sur les entreprises Irving?
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : Ce n'est jamais arrivé?
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : Écrivez-vous des articles sur les entreprises Irving?
M. Mlodecki : Nous en écrivons beaucoup. Il est difficile de produire un journal au Nouveau-Brunswick sans parler un jour ou l'autre d'une activité de la famille Irving.
Le sénateur Tkachuk : Ce sont des articles positifs ou négatifs?
M. Mlodecki : Tout dépend des circonstances.
Le sénateur Tkachuk : J'essaie simplement de voir comment vous pourriez couvrir une nouvelle au sujet des entreprises Irving. Est-ce qu'un journaliste devrait consulter le rédacteur en chef pour obtenir des conseils sur la façon de couvrir la nouvelle?
Je ne suis pas de la région, alors je pose les questions parce que j'aimerais connaître la réponse.
M. Mlodecki : Je comprends. Nous suivons notre principe directeur, qui consiste à présenter à nos lecteurs ce qu'ils veulent savoir. Nous appliquons ce principe dans tous nos articles, y compris ceux sur les entreprises Irving. Nous n'écrivons pas ce que la famille Irving veut que nous écrivions.
Le sénateur Tkachuk : Le lecteur ne sait pas ce qu'il veut savoir parce qu'il ne sait pas ce qui se passe, mais se peut-il que le journaliste veuille savoir quelque chose qu'il croit que le lecteur peut vouloir savoir? Il ne le sait pas vraiment.
M. Mlodecki : Nous avons une bonne idée de ce qui est important pour nos lecteurs et de ce qui ne l'est pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : On pourrait poser un millier de questions, mais je vais me concentrer sur la page 7 de ce rapport, pour donner suite au témoignage de la professeure Lord ce matin. Tout le monde sait que j'ai été très troublée et attristée par l'absence d'hebdomadaires de langue française.
Je veux vous interroger sur les nouveaux hebdomadaires de langue française là où il n'y en avait pas auparavant. C'est assez important, et vous avez peut-être effectivement élargi la presse écrite.
Veuillez expliquer au comité comment vous avez eu l'idée de publier des hebdomadaires de langue française.
M. Mlodecki : Il y avait quelques régions du Nouveau-Brunswick où la population est majoritairement francophone et où il n'y avait pas de publication en français. Nous nous sommes intéressés aux publications en français après avoir acheté Le Madawaska à Edmundston. Auparavant, nous avions une publication appelée L'Étoile dans le comté de Kent, majoritairement francophone. La plupart de ces publications étaient une réussite, alors nous avons cherché d'autres régions au Nouveau-Brunswick qui pourraient être servies de la même manière. Nous avons pu offrir une deuxième édition dans la région de Madawaska avec un hebdomadaire appelé La République, puis nous avons eu une deuxième édition de L'Étoile pour les régions francophones de Dieppe, Shédiac et Cap Ouelette. Nous avons un journal de langue anglaise à Bathurst, mais les alentours de Bathurst sont surtout francophones, alors nous y avons créé récemment un autre journal, Hebdo Chaleur. Nous repérons des débouchés dans des régions qui ne sont pas servies et nous offrons des publications dans ces régions.
Le sénateur Trenholme Counsell : Les nouvelles publications que vous venez de décrire sont gratuites?
M. Mlodecki : Il y en a trois gratuites et une payante.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je veux vous poser une question délicate compte tenu de ce qui a été dit ce matin. Avant l'exposé de ce matin, avez-vous déjà entendu des propos négatifs au sujet de l'annonce de la création et du début des activités de la chaire Roméo LeBlanc en journalisme à l'Université de Moncton?
M. Mlodecki : Il y a eu des reportages à la radio et à la télévision dans lesquels Mme Lord critiquait vivement le don.
Le sénateur Trenholme Counsell : L'université a-t-elle réagi ou est-ce uniquement l'opinion de la professeure?
M. Mlodecki : Je crois que c'est seulement l'opinion de la professeure. Je crois que l'université était plutôt ravie du don.
Le sénateur Trenholme Counsell : Puis-je vous poser une question au sujet des étudiants en journalisme? Nous ne pouvons pas parler de l'avenir parce que nous ne connaissons pas les chiffres, mais je me demande dans quelle mesure les étudiants qui cherchent des emplois d'été ou les nouveaux diplômés se tournent vers Brunswick News Inc. pour trouver des débouchés de carrière?
M. Mlodecki : Les étudiants adoreraient travailler chez BNI parce que cela signifie généralement qu'ils n'ont pas à quitter la province. Le journalisme est un drôle de métier, vous savez. La plupart d'entre nous avons vécu dans de nombreuses villes, généralement parce qu'il y a un journal par ville. Étudier, obtenir son diplôme et trouver du travail en journalisme au Nouveau-Brunswick, c'est le rêve de nombreux étudiants.
Le sénateur Trenholme Counsell : Savez-vous combien d'étudiants poursuivent leur carrière ici au Nouveau- Brunswick?
Avez-vous des exemples de réussite professionnelle à nous donner au sujet des étudiants qui sortent, disons de l'Université de Moncton, et qui trouvent du travail chez Brunswick News Inc.?
M. Mlodecki : Non, mais il y a quelques diplômés de l'Université St. Thomas qui travaillent dans nos journaux.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ils ont des emplois d'été ou des emplois à plein temps?
M. Mlodecki : Des emplois à plein temps.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous n'avez pas encore accueilli d'étudiants de l'Université de Moncton?
M. Mlodecki : Je ne sais pas trop. Je ne sais pas exactement où tous nos journalistes ont fait leurs études.
Le sénateur Trenholme Counsell : L'idée d'un ombudsman a été évoquée à différentes audiences d'un océan à l'autre.
Compte tenu de certaines critiques et des controverses entendues durant nos audiences, est-ce que Brunswick News Inc. a jamais eu un ombudsman? Pourquoi ou pourquoi pas?
M. Mlodecki : Non, nous n'avons pas d'ombudsman actuellement. Je connais bien l'idée et c'est un poste qui existe généralement dans les grands journaux métropolitains. Même si nos journaux de grande envergure pour le Nouveau- Brunswick, ils ne sont pas si grands par rapport aux journaux métropolitains. C'est une idée que nous réévaluons de temps en temps, mais nous ne sentons pas de besoin urgent actuellement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Recevez-vous de nombreuses lettres que vous pourriez renvoyer à un ombudsman si un tel poste existait; autrement dit, des plaintes contre les journaux?
M. Mlodecki : Non, nous ne recevons pas beaucoup de plaintes contre les journaux et nous examinons avec beaucoup de sérieux les plaintes que nous recevons. Nous parlons ensuite avec l'intéressé et nous établissons la cause de la plainte.
Le sénateur Munson : Votre entreprise semble insatiable. Je ne sais pas exactement combien il reste d'hebdomadaires dans la province, mais avez-vous l'intention de les posséder tous?
M. Mlodecki : Nous n'avons pas d'objectif chiffré. Nous saisissons les occasions quand elles se présentent. Il y a dans la province de nombreux hebdomadaires que nous ne possédons pas encore et que nous n'avons certainement pas l'intention d'acheter. Par exemple, nous n'avons aucune participation dans le Journal Dieppe de Moncton, ni dans le County Chronicle ou Le Moniteur Acadien à Shédiac.
Le sénateur Munson : Quel objectif poursuivez-vous en achetant un grand nombre des hebdomadaires stratégiques aux quatre coins de la province?
M. Mlodecki : Les hebdomadaires sont importants pour nous, mais le facteur déterminant est leur système de distribution. Les circulaires deviennent de plus en plus importantes pour les journaux et nous avons actuellement un système de distribution qui couvre environ 90 p. 100 de la province. Cela nous intéresse davantage que l'acquisition d'hebdomadaires. Nous aimons les systèmes de distribution.
Le sénateur Munson : Au cours des deux derniers jours, nous avons entendu dire que les journalistes ne se mêlent pas des affaires de la compagnie Irving, que le groupe Irving s'immisce dans la politique rédactionnelle et que les journalistes s'autocensurent. Un témoin a déclaré que le Nouveau-Brunswick est le fief des Irving, un État féodal.
Quelle est votre réaction spontanée quand vous entendez ce genre de critique?
M. Mlodecki : Ces affirmations sont fausses.
Le sénateur Munson : Pouvez-vous vous expliquer un peu plus?
M. Mlodecki : Ce sont des affirmations fausses, mais si vous voulez discuter de chacune d'elles, je suis disposé à le faire avec vous.
Le sénateur Munson : Pouvez-vous me dire comment a fonctionné votre stratégie pour acheter le Bugle-Observer par exemple?
Nous avons entendu un témoignage au sujet de la propriété de ce journal d'information commerciale, de la baisse du prix des annonces et de l'obligation qu'a sentie le propriétaire de vendre son journal.
M. Mlodecki : Je ne suis pas d'accord. Permettez-moi de vous expliquer comment cette situation commerciale s'est développée et comme c'est arrivé avant mon temps, je vais vous raconter ce que j'ai entendu. Un journal d'information commerciale a été lancé en opposition à M. Henley quelques années avant que je vienne au Nouveau-Brunswick. Il était imprimé au Daily Gleaner sur une base contractuelle. La facture de l'imprimeur a commencé à être en souffrance et Brunswick News Inc. a alors acquis ce journal.
Le sénateur Munson : Vous possédez les presses?
M. Mlodecki : Oui. L'imprimeur exploitait le journal. Je suis arrivé en 1998 et j'ai continué à exploiter le journal. Je ne me souviens pas exactement de l'année, mais quelques années plus tard, M. Henley a lancé un nouveau journal à Fredericton. Je suppose que c'était en réaction à la situation concurrentielle à Woodstock. J'ai parlé à M. Henley, probablement en 2000, et je lui ai demandé s'il était intéressé à vendre ses journaux. Il l'était mais il a fallu deux ans pour négocier un prix.
Le sénateur Munson : C'est tout?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Munson : Le tableau qu'il a brossé hier est un peu différent.
M. Mlodecki : Quel tableau a-t-il brossé?
Le sénateur Munson : Vous n'avez pas porté attention au témoignage.
M. Mlodecki : Je n'étais pas là.
La présidente : On en a parlé dans vos journaux, monsieur.
M. Mlodecki : J'ai lu cela, mais le témoignage n'a pas été cité intégralement, n'est-ce pas?
Le sénateur Munson : J'accepte votre point de vue.
Pourquoi tous ces chroniqueurs respectés quittent-ils vos journaux, comme feu Dalton Camp et d'autres qui avaient l'impression de ne pas en avoir assez.
M. Mlodecki : Assez de quoi?
Le sénateur Munson : En un sens, assez de liberté d'expression, de liberté de presse, de liberté d'écrire ce qu'ils veulent écrire, liberté de dire ce qu'ils veulent dire.
M. Mlodecki : Ce n'est pas pour cela qu'ils sont partis.
Le sénateur Munson : Le droit d'auteur est un aspect de la liberté de parole.
M. Mlodecki : Je ne suis pas d'accord. C'est une question technique au sujet de la capacité de réutiliser un article après qu'il a été publié une fois. L'accord sur le droit d'auteur est courant dans l'industrie.
Le sénateur Munson : J'ai ici des renseignements selon lesquels il y a eu un affrontement entre la direction et les travailleurs à l'automne 1972 et certaines paroles vous sont attribuées :
Dans des situations comme celle-ci, je crois qu'il vaut mieux les licencier tous, les bons et les mauvais, les coupables et les innocents, et faire le tri par la suite.
M. Mlodecki : Je n'ai pas dit cela.
Le sénateur Munson : Certains renseignements de cet ordre m'ont été communiqués. Vous affirmez ne pas avoir employé ces mots pour décrire votre style de gestion?
M. Mlodecki : Je n'ai pas employé ces mots.
La présidente : Dans le cas du journal de Woodstock, vous n'avez pas coupé les prix des annonces dans votre journal d'information commerciale afin de nuire au journal de M. Henley?
M. Mlodecki : Le prix des annonces dans un journal d'information commerciale n'est pas établi de la même façon que dans un journal de service. Le coût d'exploitation d'un journal d'information commerciale est nettement inférieur à celui d'un journal de service qui doit contrôler ses coûts.
La présidente : Les prix sont-ils restés stables durant cette période ou ont-ils été abaissés?
M. Mlodecki : Les prix varient d'une semaine à l'autre pour les différents éléments d'un journal. Des prix différents sont exigés. Vous savez, même dans nos quotidiens, quand nous vendons des éditions spéciales, les prix ne sont pas les mêmes que pour les annonces sans place fixe.
La présidente : Avez-vous une idée du niveau général?
M. Mlodecki : Dans toute situation concurrentielle, vous constaterez qu'on fait des offres afin d'inciter les clients à changer d'annonceur, mais c'est vrai pour les deux concurrents.
La présidente : Nous avons aussi entendu ce qui a été qualifié de témoignage par ouï-dire, même si la personne qui a fait l'affirmation semblait assez crédible, au sujet de l'éditeur d'une publication gratuite pour la vente d'automobiles à qui on aurait dit qu'il ne pouvait pas le distribuer dans les dépanneurs appartenant aux Irving ni dans les postes d'essence appartenant aux Irving si elle n'était pas imprimée sur les presses appartenant aux Irving et avec du papier journal produit par les Irving. Qu'en dites-vous?
M. Mlodecki : C'est faux.
La présidente : Il n'y a jamais eu de combinaison de ces éléments?
M. Mlodecki : Non. Premièrement, je ne contrôle pas ce qui est placé dans les présentoirs à journaux dans les marchés Irving Mainways et le monde des journaux est tout à fait différent de celui de l'édition. Il n'y a rien de vrai là- dedans. C'est ridicule.
La présidente : Tout à fait différent?
M. Mlodecki : Absolument.
La présidente : Me demandez-vous de croire que les journaux produits par les Irving n'utilisent pas du papier fabriqué par les Irving?
M. Mlodecki : Irving ne fabrique plus de papier journal.
La présidente : Alors, je suis en retard dans les nouvelles. C'est une bonne raison pour que ne pas utiliser votre propre papier. Quand avez-vous cessé de fabriquer du papier journal?
M. Mlodecki : En janvier.
La présidente : Alors, je ne suis pas si en retard que cela.
M. Mlodecki : Non, vous ne l'êtes pas.
La présidente : Quand votre entreprise s'est-elle retirée de la télévision?
M. Mlodecki : Je ne sais pas. Quelques années avant mon arrivée. Je ne connais pas les circonstances.
La présidente : Savez-vous si les autorités de réglementation l'ont demandé ou exigé?
M. Mlodecki : Je ne connais pas la situation.
La présidente : Je me demande si vous pouvez vous renseigner et nous informer.
M. Mlodecki : Je le pourrais.
La présidente : Ce serait très utile.
Dites-moi, quand devient-on trop gros dans le monde des médias? Je suppose que personne ne pourrait trouver acceptable qu'une seule entreprise possède tous les médias du monde, par exemple. À partir de cet extrême, où peut se situer la limite acceptable?
M. Mlodecki : Le principal objectif de presque n'importe quelle entreprise nord-américaine est la croissance et les médias ne sont pas différents à cet égard. Je ne saurais dire quand on devient trop gros et je ne peux pas imaginer que notre entreprise devienne trop grosse.
La présidente : Sur un marché donné, supposons pour un instant que le Nouveau-Brunswick est ce marché, quand devient-on trop gros?
M. Mlodecki : Nous pourrions posséder toute la presse écrite au Nouveau-Brunswick et les gens auraient encore accès à des nouvelles provenant d'autres sources et à de la publicité provenant d'autres sources.
La présidente : Voulez-vous posséder toute la presse écrite?
M. Mlodecki : Non. En fait, je viens de vous en nommer trois ou quatre.
La présidente : Trois.
M. Mlodecki : Rien qu'à Moncton, il y en a trois que je n'ai nullement l'intention d'acheter. Il y a un groupe appelé Ossekeag Publishing qui possède cinq publications autour de St. John. Ces publications ne nous intéressent pas du tout. Il y a un journal produit dans la région de St. Mary's près de Fredericton qui ne m'intéresse pas du tout.
J'aimerais revenir sur une observation que j'ai déjà faite. Les journaux c'est bien, mais ce qui importe pour moi, ce sont les systèmes de distribution. C'est l'avenir de notre entreprise, à de nombreux égards, vous savez. Au cours des 20 prochaines années, nous devrons gérer la transition de la presse écrite à la presse sur Internet. C'est ce que nous sommes en train de faire, mais le corollaire qui devient très important, c'est la distribution de circulaires dans les foyers. Il y a cinq ans, je recevais plusieurs appels par mois de clients qui demandaient de ne pas mettre de circulaires dans le journal. Ils ne les voulaient pas. Ils les jetaient simplement à la poubelle. Maintenant, les gens aiment recevoir leurs catalogues en 20 ou 25 couleurs le samedi matin et choisir ce qu'ils vont acheter la semaine suivante.
La présidente : La transition vers Internet, que vous n'êtes certainement pas le premier à prédire, exigera la présentation de nouvelles. C'est une façon différente d'offrir ce contenu. Si la transition vers Internet est principalement ce qui vous motive dans la distribution de circulaires, qu'afficherez-vous sur vos sites Internet dans 20 ans?
M. Mlodecki : De l'information. Tous les mois, des millions de visiteurs viennent une fois sur notre site. Un nombre incroyable de gens utilisent les systèmes des grands portails mondiaux comme AOL ou Yahoo. Dans notre région, nous venons en tête. Nous sommes l'élément de la Toile visité le plus souvent là où nous sommes présents.
L'information que nous publions actuellement dans nos journaux finira par migrer complètement sur Internet. Elle y est actuellement. Toutes nos nouvelles locales sont accessibles sur Internet.
La présidente : Et les annonces?
M. Mlodecki : Pas encore. Le modèle d'affaires pour Internet est encore en transition. À l'heure actuelle, certains utilisent des fichiers PDF de toute la page afin de pouvoir l'utiliser, tandis que d'autres vendent des annonces distinctes sur Internet. Le modèle d'affaires universel n'a pas encore été mis au point.
La présidente : Évidemment, je n'ai pas encore visité votre site Internet, mais je le ferai.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Fraser au sujet du monopole et du moment où l'on est considéré comme un monopole. Quand on occupe 50 p. 100 du marché, peut-être pas, encore que, dans certaines villes américaines, c'est un problème.
Quelle est la part du marché des journaux détenue par vos journaux au Nouveau-Brunswick?
Quel est le pourcentage total des recettes publicitaires et de la distribution?
M. Mlodecki : Je ne connais pas les chiffres exacts, mais je peux vous dire que, du point de vue de la publicité, nous sommes les plus gros.
Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il dans la province des quotidiens qui ne vous appartiennent pas?
M. Mlodecki : L'Acadie Nouvelle, le Globe and Mail et le National Post sont distribués dans la province.
Le sénateur Tkachuk : Je ne parle pas des journaux d'ailleurs que le Nouveau-Brunswick, je parle de ce marché-ci.
M. Mlodecki : Nous possédons les trois quotidiens de langue anglaise.
Le sénateur Tkachuk : Alors, vous considéreriez-vous comme un monopole?
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : À cause des quotidiens de l'extérieur de la province ou des médias électroniques?
M. Mlodecki : Examinons chaque ville séparément. Ce qui est différent à Moncton, où nous possédons le quotidien, par rapport à Windsor, où CanWest possède le quotidien?
Le sénateur Tkachuk : Ne croyez pas que je n'ai pas posé les mêmes questions aux autres sur les autres marchés.
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Nous essayons d'obtenir tout au moins un cadre de référence pour les médias d'information du pays, alors je ne m'acharne pas sur vous. Je ne pose pas ces questions à vous seulement.
M. Mlodecki : Je comprends.
Le sénateur Tkachuk : Les seuls qui appuient les monopoles sont ceux qui en ont un, n'est-ce pas?
M. Mlodecki : Oui, mais nous n'en avons pas.
Le sénateur Tkachuk : Je crois que ceux qui n'en ont pas aimeraient en avoir. Je pose simplement la question. Vous exercez un monopole dans la presse écrite de cette province.
M. Mlodecki : Non. Nous avons ce que je qualifierais de « position dominante sur le marché ».
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce que cela représente; environ 80 p. 100 du marché?
M. Mlodecki : Je ne pourrais pas donner de chiffre, mais permettez-moi de revenir sur cette position dominante sur le marché. Les obstacles à l'entrée sur le marché des journaux sont presque inexistants. Tout le monde peut lancer un journal. Il suffit d'un ordinateur.
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Mlodecki : Ce n'était pas le cas il y a 25 ans, quand il fallait investir des millions de dollars dans des linotypes et des presses avant de pouvoir produire un journal. Aujourd'hui, il suffit d'acheter un ordinateur de 1 000 $ et quelques logiciels pour pouvoir produire un journal.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends. Je dis simplement qu'il y a un monopole ici.
Et la télévision et la radio? Devrait-il être plus facile de lancer une station de radio ou de télévision? Le CRTC devrait-il faire pour la radio et la télévision ce qu'il fait avec les journaux, c'est-à-dire ne pas intervenir sur le marché?
Serait-ce bon pour le pays et pour la province?
M. Mlodecki : Oui, je le pense.
Le sénateur Tkachuk : Vous n'êtes évidemment pas l'acteur dominant dans ce domaine.
M. Mlodecki : Non.
Le sénateur Tkachuk : Les acteurs dominants veulent une réglementation plus stricte.
M. Mlodecki : Nous possédons des stations de radio.
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Mlodecki : C'est une question de savoir dans quelle mesure le gouvernement devrait intervenir pour permettre à de nouvelles entreprises de démarrer. Dans la presse écrite, on peut lancer un journal n'importe où.
Le sénateur Tkachuk : Je sais que vous ne travaillez pas pour les Irving depuis longtemps, mais ils dirigent un conglomérat très prospère. J'admire leur réussite. Je ne suis pas certain que les médias soient leur secteur d'activité le plus rentable, mais où se situent-ils par rapport aux autres secteurs d'activité? Est-ce aussi rentable que le gaz ou les raffineries, par exemple? Le savez-vous?
M. Mlodecki : Je ne sais pas.
Le sénateur Tkachuk : Il semble étrange qu'ils soient à la fois dans ce secteur et dans les autres. Se sont-ils lancés dans ce secteur pour contrôler ce qu'on dit d'eux? Est-ce que cela a pu jouer dans la décision d'investir dans les médias?
M. Mlodecki : Je n'oserai pas faire des suppositions, mais je vous dirai simplement que les journaux sont des entreprises très rentables.
Le sénateur Tkachuk : Si les journaux sont si rentables pourquoi n'avez-vous pas plus de concurrents?
Il me semble que si c'est rentable, comme je le pense, quelqu'un lancerait un journal quelque part afin de devenir votre concurrent sur le marché des quotidiens.
M. Mlodecki : Cela se fait. De nouveaux journaux naissent à tout bout de champ. La tendance dans l'industrie est que l'on ne crée plus de nouveaux quotidiens. On crée des hebdomadaires reliés aux systèmes de distribution parce qu'une grande partie des budgets de publicité sont passés de la publicité sans place fixe vers les circulaires et que c'est là où la croissance est la plus rapide.
Le sénateur Tkachuk : Exactement, la distribution. J'ai une dernière question. Ce que vous avez dit au sujet d'Internet m'intéresse. Qui est votre principal câblodistributeur? Est-ce Rogers?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il aussi beaucoup de clients du service par satellite?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : C'est un monopole, en réalité.
M. Mlodecki : Je dirais que ce sont des concurrents.
Le sénateur Tkachuk : Pour vendre votre produit, vous devez le transmettre sur les réseaux. Les gens ont leur propre câble, n'est-ce pas?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Craignez-vous qu'on vous fasse payer un jour l'utilisation du câble?
Le sénateur Tkachuk : C'est le client qui paie pour le câble.
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Je paie pour la télévision et pour Internet. Pourquoi ne paierais-je pas également pour les services Internet? Il n'y a qu'une façon d'obtenir votre journal sur Internet et il passe par le câble.
M. Mlodecki : Vous n'aurez pas accès aux nouvelles locales sur notre site Internet à moins d'être abonné. Nous faisons payer notre journal.
Le sénateur Tkachuk : Je dis qu'il y a un distributeur et que le distributeur, actuellement, c'est vous.
M. Mlodecki : Distributeur de quoi?
Le sénateur Tkachuk : De vos journaux. Vous avez vos propres circuits de distribution, n'est-ce pas?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Vous ne serez pas le distributeur de votre journal. Il sera distribué par un autre journal; le satellite ou Internet.
M. Mlodecki : Oui, je comprends.
Le sénateur Tkachuk : Vous devrez vous battre pour vous tailler une place sur Internet, n'est-ce pas? Au bout du compte, quelqu'un d'autre distribuera votre produit. Craignez-vous un monopole dans ce secteur de la distribution?
M. Mlodecki : Je n'ai pas vraiment réfléchi à cette question. Franchement, l'idée ne m'était jamais venue.
Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai deux questions. La première touche à la notion de « journal du Nouveau- Brunswick » et la seconde, à une société bilingue, comme celle qui existe ici au Nouveau-Brunswick.
J'en suis venue à considérer le Telegraph-Journal comme le journal du Nouveau-Brunswick. Presque tous les jours, j'achète le Times&Transcript et je suis abonnée au Daily Gleaner parce que j'aime me tenir au courant des nouvelles à Fredericton.
Je serais plus contente si un journal avait un cahier sur Fredericton, un cahier sur Saint John et un cahier sur les nouvelles provinciales. Je trouve que chaque journal est très différent et que peu de gens ont envie d'acheter autant de journaux que je ne le fais. Je ne prétends pas les lire tous, bien que je le fasse les fins de semaine.
Dans le Times&Transcript de Moncton, il semble y avoir une couverture relativement limitée de ce qui se passe dans la capitale, y compris à l'Assemblée législative. Dans la capitale, sauf pour l'article du Centre communautaire de Sainte-Anne, on ne trouve pas grand-chose sur Moncton/Dieppe, sur la côte acadienne. À mon avis, Saint John a la meilleure couverture des nouvelles nationales et internationales, mais il est très silencieux sur le reste de la province, sauf de temps en temps.
Vous affirmez que votre mandat consiste à être « le journal du Nouveau-Brunswick » et je me demande si vous avez déjà songé à combiner vos journaux locaux en un seul vrai bon journal que pourraient lire tous les citoyens du Nouveau-Brunswick, étant donné que nous ne sommes pas si nombreux. Je crois qu'un vrai bon journal nous aiderait à échanger nos nouvelles et à grandir ensemble.
Vous êtes des gens d'affaires intelligents. Avez-vous envisagé cette possibilité?
M. Mlodecki : C'est une idée que nous avons envisagée. La province du Nouveau-Brunswick, avec ses 750 000 habitants, équivaut aux trois quarts de la population de Calgary.
Le sénateur Trenholme Counsell : Oui.
M. Mlodecki : Calgary a un quotidien et, évidemment le Calgary Sun, mais la vigueur et l'attrait des journaux actuellement dépendent surtout de la couverture de nouvelles locales. Nous voulons savoir ce qui arrive près de chez nous et ce qui se passe à l'hôtel de ville, et les lecteurs veulent savoir ce qui se passe dans les villes dans un rayon d'une heure et demie de voiture.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vraiment?
M. Mlodecki : C'est la situation au Nouveau-Brunswick actuellement.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est pour cette raison que vous gardez ces journaux distincts?
M. Mlodecki : Exactement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Mon autre question porte sur la société unique ici au Nouveau-Brunswick et sur ceux qui s'efforcent de jouer un rôle très positif et important pour bâtir cette société. Je devrai réfléchir sur les commentaires au sujet des « divisions » dans la province, bien que je ne sois pas certaine que ce soit le bon mot pour décrire ce que nous avons entendu ces derniers jours.
Avez-vous pensé à rendre vos journaux pas entièrement bilingues, mais des journaux qui recréeraient en réalité un nouvel équilibre entre les deux langues et les diverses cultures de la province, de tenter l'expérience de publier des articles en français dans les journaux?
Il y a un peu de français dans le Daily Gleaner et de temps en temps quelque chose dans le Times & Transcript. J'en vois rarement. En tant que leader et bâtisseur de cette société, avez-vous pensé à publier un journal qui serait en partie en français et en partie en anglais?
M. Mlodecki : Nous reconnaissons la double nature de la province avec ses populations francophone et anglophone; mais je n'ai pas vu de modèle nord-américain de journal bilingue qui ait fonctionné.
Nous reconnaissons la double nature de la province et c'est pour cette raison que nous avons élargi nos publications en langue française ces dernières années.
Le sénateur Trenholme Counsell : Quelqu'un vous a-t-il déjà suggéré de tenter l'expérience ici à Moncton, par exemple?
M. Mlodecki : Non, mais nous en avons discuté à maintes reprises. Nous ne voyons pas comment cela pourrait fonctionner.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous avez affirmé que vous n'avez pas vu d'exemple qui aurait fonctionné. Pouvez-vous nous donner des exemples de tentatives au Canada? Je me limiterai au Canada.
M. Mlodecki : Il y a quelques petits exemples que je connais un peu. Quand nous l'avons acheté de M. Henley, Le Cataracte était bilingue.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne le savais pas.
M. Mlodecki : Dans les années 70, j'ai travaillé pour un journal de Penetanguishene, en Ontario, qui était moitié anglais et moitié français.
Je pense que les populations visées préfèrent qu'on s'adresse à elles dans leur langue.
La présidente : Vous me rappelez une anecdote. Il y a des années, quand j'étais à la Gazette, il est arrivé quelque chose qui nous a fait penser qu'il conviendrait d'écrire un éditorial en français, ce qui n'était pas notre habitude. Avant de devenir un journal en anglais, la Gazette était une publication bilingue et, plus loin encore dans le temps, c'était une publication en français. Ce journal existe depuis environ 180 ans.
Quoi qu'il en soit, nous avons publié un éditorial en français le matin et, peu de temps après, j'ai reçu un appel d'un ami tout à fait paniqué. Il était directeur du Devoir, un excellent journal en français, mais qui lutte toujours pour sa survie. Il craignait que nous nous lancions sur le marché francophone. Il m'a dit qu'il n'avait pas besoin d'autres concurrents, étant donné sa situation financière précaire. Je ne sais pas si c'est pertinent pour Brunswick News Inc., mais je n'ai jamais oublié cette matinée.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne crois pas que cela s'applique au Nouveau-Brunswick, mais racontez-nous comment c'était lorsque votre journal était bilingue.
La présidente : Si je me souviens bien, c'était d'environ 1790 à environ 1830.
Le sénateur Munson : Monsieur, est-ce que tout le monde doit s'adresser à vous pour faire imprimer son journal? Contrôlez-vous cela aussi?
M. Mlodecki : Vous voulez dire les journaux que nous possédons?
Le sénateur Munson : Ceux qui vous appartiennent et L'Acadie Nouvelle, par exemple. Où sont-ils imprimés?
M. Mlodecki : Nous imprimons le Campbellton Tribune, qui ne nous appartient pas. Nous avons peu de contrats d'impression. Nos journaux sont imprimés sur nos presses. L'Acadie Nouvelle a ses propres presses.
Le sénateur Munson : J'ai quelques questions techniques. Vous êtes propriétaires de quatre stations de radio. Vous en dressez la liste dans votre mémoire : CHWV, 13 employés, CHSJ, 13, CHTD, six, CKBW en Nouvelle-Écosse, 17.
Avez-vous une idée du nombre de ces employés qui travaillent aux services des nouvelles?
M. Mlodecki : De mémoire, je dirais que sept d'entre eux travaillent aux services des nouvelles.
Le sénateur Munson : Comment cela se compare-t-il à la situation il y a 20 ans? Le nombre actuel est-il constant, en hausse ou en baisse?
M. Mlodecki : La radio a beaucoup changé depuis 20 ans. Si je me souviens bien des stations de radio d'il y a 20 ans, il n'y avait pas plus de personnel qu'actuellement, mais il y en avait plus il y a 30 ou 35 ans.
Le sénateur Munson : Je pose la question parce qu'à Halifax, nous avons entendu des témoignages désespérés de journalistes de la radio qui estiment que les propriétaires des stations de radio locales ignorent les nouvelles locales.
La radio d'aujourd'hui ne va pas autant à la recherche de nouvelles qu'elle le faisait à l'époque. Au début de la radio privée, il y avait des reportages en profondeur, tandis qu'aujourd'hui il y a moins de journalistes et ils sont moins capables de couvrir les événements en détail.
M. Mlodecki : À de nombreux égards, l'ère des « scoops » est révolue. L'époque où il fallait de nombreux journalistes pour aller dénicher les nouvelles avant les concurrents l'est elle aussi. Les médias électroniques annoncent toujours les nouvelles les premiers, et les stations radio peuvent utiliser les médias locaux pour dénicher les nouvelles. En outre, le marché ne demande plus ce genre de services aux stations radio. S'il existait une réelle demande de nouvelles locales à la radio, quelqu'un y répondrait.
Le sénateur Munson : Je crois que la concurrence améliore le journalisme, que ce soit à la radio, dans la presse ou à la télévision.
Par exemple, il y a eu six réseaux de radio privés à un moment donné à Ottawa. Je sais qu'il y a eu un déclin de la radio AM et que des gens ont perdu de l'argent, et que la radio FM a émergé, mais je pense qu'il y a une place pour les nouvelles à la radio. Les gens aiment s'informer en se levant le matin et avoir le contenu original. Il me semble que les journalistes à la radio vont chercher leur contenu dans les journaux.
M. Mlodecki : C'est souvent le cas.
Le sénateur Munson : Dans votre mémoire, vous affirmez,
Il convient de mentionner un autre élément important en raison de l'impact positif qu'il a sur la qualité de nos journaux. BNI a clairement indiqué aux éditeurs que ces activités sont considérées comme des investissements à long terme afin de livrer des produits médiatiques de qualité à la communauté qu'ils desservent. En pratique, cela signifie que les journaux BNI ont des ressources rédactionnelles plus généreuses et un espace réservé aux nouvelles plus grand que les journaux de taille semblable publiés ailleurs au Canada et aux États-Unis.
Avez-vous des statistiques pour montrer jusqu'à quel point vous êtes plus généreux?
M. Mlodecki : La norme dans l'industrie est que les journaux contiennent 40 p. 100 de publicité. Les nôtres en contiennent de 34 à 37 p. 100, ce qui veut dire que nous présentons plus de nouvelles.
Le sénateur Munson : Que pensez-vous des restrictions actuelles concernant la propriété étrangère et s'appliquent- elles au Nouveau-Brunswick?
M. Mlodecki : Je ne pense pas que cela s'applique au Nouveau-Brunswick. Nous ne considérons pas la propriété étrangère comme une question pressante.
Le sénateur Munson : À votre avis, la liberté de la presse appartient à la presse ou aux médias ou bien aux citoyens?
M. Mlodecki : La liberté de presse appartient à tout le monde.
Le sénateur Munson : Vous avez le sens de l'humour n'est-ce pas?
M. Mlodecki : Oui.
Le sénateur Munson : C'est la première fois que je vous vois sourire depuis que vous vous êtes assis. Je viens du Nouveau-Brunswick, moi aussi. Vous ne devriez pas avoir peur de moi. Mon père venait d'Alma et ma mère de Baie Verte, et ma femme est Acadienne.
M. Mlodecki : Je n'ai pas peur de vous.
Le sénateur Munson : C'est très bien. Je voulais seulement m'assurer que vous avez le sens de l'humour le vendredi après-midi.
La présidente : Vous avez indiqué le nombre d'employés dans les divers journaux et autres médias, mais je me demande si vous pouvez nous donner le nombre de personnes qui travaillent au service de l'éditorial. Si vous ne pouvez pas donner le chiffre tout de suite, cela ne fait rien.
M. Mlodecki : Il y a plus de 150 journalistes au Nouveau-Brunswick.
La présidente : Beaucoup plus de 150 ou un peu plus de 150?
M. Mlodecki : Un peu plus de 150.
La présidente : La plupart d'entre eux travaillent dans les quotidiens, je suppose?
M. Mlodecki : Oui.
La présidente : Une ventilation entre les quotidiens et les autres journaux serait utile.
M. Mlodecki : Il y a de 105 à 110 journalistes dans les quotidiens.
La présidente : Nous avons entendu hier qu'à Moncton, ils sont passés de 17 à 34 ces dernières années, ce qui est une tendance réjouissante pour ceux qui sortent des écoles de journalisme.
M. Mlodecki : Oui, c'est exact.
La présidente : Vous avez évoqué le monde des journaux et déclaré,
Les obstacles à l'entrée sur le marché des journaux sont presque inexistants. Tout le monde peut lancer un journal. Il suffit d'un ordinateur.
Je conviens que c'est facile d'acheter un ordinateur et que tout le monde peut avoir un blogue, mais imprimer et distribuer un journal, ce serait bien plus difficile.
Imprimez-vous les journaux de vos concurrents?
M. Mlodecki : Qu'est-ce qu'un concurrent? La seule publication périodique qui n'appartient pas à BNI et que nous imprimons est le Campbellton Tribune, un journal indépendant.
La présidente : Oui. Imprimeriez-vous mon journal si je décidais de lancer un journal en ville?
M. Mlodecki : Non.
La présidente : Je devrais trouver un imprimeur?
M. Mlodecki : Oui, vous devriez trouver un imprimeur et ils sont nombreux dans la région.
La présidente : Distribueriez-vous mon journal?
M. Mlodecki : Non.
La présidente : Nous avons parlé des profits. À votre avis, quels sont les objectifs pertinents en la matière pour un quotidien et pour un hebdomadaire?
M. Mlodecki : D'après mon expérience, une marge bénéficiaire acceptable pour les journaux se situe autour de 25 p. 100. J'ai vu des journaux du Nouveau-Brunswick qui avaient des marges de plus de 50 p. 100.
La présidente : Demandez-vous à vos éditeurs d'atteindre une marge de 50 p. 100?
M. Mlodecki : Non, la qualité en souffrirait.
La présidente : Sans blague.
Même si vous avez déclaré que personne n'a jamais été licencié parce qu'il aurait critiqué une entreprise Irving, on a indiqué publiquement qu'un journaliste, M. Mike Parker, a perdu son emploi très peu de temps après avoir écrit une chronique critique et que son journal a été acheté par Brunswick News Inc.
M. Mlodecki : Oui, j'ai entendu cela. Cela ne tient pas debout parce qu'il est journaliste et que ce qu'il écrit doit passer par un directeur de la rédaction et que si nous n'avions pas voulu le publier, nous ne l'aurions pas fait. La réalité c'est que son licenciement n'a absolument rien à voir avec cette chronique. De fait, je l'ai trouvée assez bonne.
Nous avons acheté les publications Here et, comme vous le savez, elles étaient des gouffres sans fin. Il aurait été stupide de les maintenir dans le modèle d'affaires qui faisait qu'elles perdaient de l'argent depuis des années. Nous avons éliminé des postes de journalistes et les avons remplacés par des correspondants et des pigistes.
Il a été emporté dans ce mouvement, qui n'avait rien à voir avec sa chronique.
La présidente : S'il devait se présenter chez vous et vous proposer d'écrire ses chroniques comme pigiste, ce serait tout à fait acceptable?
M. Mlodecki : Oui, ce serait acceptable.
La présidente : Je suis intéressée par votre déclaration en quatre points intitulée « Philosophie d'exploitation et liberté de presse ».
Combien de vos employés sont au courant de cette philosophie?
M. Mlodecki : Les éditeurs sont au courant.
La présidente : Ce n'est pas un document public? Des entreprises dans le secteur des médias ont et ont eu des énoncés de ce genre et les ont mis à la disposition de ceux qui produisent les nouvelles.
M. Mlodecki : C'est un document en devenir et nous pensons actuellement qu'il correspondra bientôt exactement à ce que nous voulons dire. Il pourrait être bientôt communiqué à tous les journaux.
La présidente : Évidemment, je veux en venir aux affirmations répétées au sujet de l'autocensure. Je pense à ceux qui sont à des échelons plus bas que vous et qui croient qu'il n'est tout simplement pas acceptable de couvrir les entreprises Irving ou de critiquer les entreprises Irving.
M. Mlodecki : Nous le faisons tout le temps.
La présidente : Monsieur, je ne lis pas vos journaux 365 jours par année.
Je parle des impressions qui naissent très facilement et qu'il est difficile de dissiper. C'est pour cette raison que cet énoncé m'intéresse tant.
Je suis très contente de vous entendre dire que vous envisagez de le communiquer à tout le monde.
M. Mlodecki : Je le répète, c'est un document en devenir. Il nous a fallu des années avant d'arriver au point où nous sommes à l'aise avec ce document, et nous le rendrons public très bientôt.
La présidente : Affichez-le sur Internet, distribuez-le et remettez-le à tous ceux que vous embauchez. Vous pourriez peut-être le publier dans vos journaux une fois par année ou tous les mois.
Envisageriez-vous d'ajouter un paragraphe indiquant expressément que BNI couvrira les activités des entreprises Irving exactement de la même manière que les autres?
M. Mlodecki : Ce serait les traiter autrement que les autres entreprises.
La présidente : Vous affirmez dans votre mémoire que « les journaux BNI couvrent les nouvelles le plus impartialement possible sans hantise ni préférence ». On peut supposer que cela pourrait être interprété de manière à signifier ce que je viens de suggérer. Certains pourraient préférer plus de clarté.
M. Mlodecki : Cela voudrait dire que nous traiterions les entreprises Irving différemment des autres, ce qui irait à l'encontre de notre philosophie. Les entreprises Irving sont des entreprises comme les autres.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vais me faire comparer à une lobbyiste, mais les gens comme vous ne se répètent pas très souvent; et deux fois dans votre mémoire, vous parlez de déclin du lectorat. Je ne vais pas vous demander de statistiques, parce que nous en avons discuté d'un océan à l'autre.
Avez-vous déjà pensé à distribuer des journaux gratuitement dans les écoles du Nouveau-Brunswick? Je ne veux pas dire les bureaux ou les salles des professeurs, mais plutôt les bibliothèques de nos écoles.
M. Mlodecki : Nous avons une entente avec la province afin de livrer 1 000 journaux par jour aux écoles du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous les livrez à l'école par un camelot ou par abonnement?
M. Mlodecki : Tout dépend où se trouve l'école. Nous avons conclu avec la province une entente selon laquelle nous fournissons, à un prix très réduit, 1 000 journaux au réseau scolaire du Nouveau-Brunswick tous les jours. Les journaux sont livrés à chaque école, par camion, par camelot ou autrement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ce que vous dites est différent de ce que je vous ai demandé. Vous dites « à un prix très réduit ». Je parlais de distribution gratuite.
M. Mlodecki : C'est presque gratuit.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je ne le savais pas.
Nous avons deux systèmes d'éducation dans la province. Vous offrez des journaux aux deux?
M. Mlodecki : Je devrais vérifier.
La présidente : Parlez-vous français, monsieur Mlodecki?
M. Mlodecki : Non.
La présidente : Est-ce qu'un responsable de vos publications en langue française au siège social parle français?
M. Mlodecki : Oui, notre éditeur, Hermel Volpe à Madawaska, notre éditeur de L'Étoile, Richard Thibeau, et l'éditeur d'Hebdo Chaleur, parlent tous français.
La présidente : Je peux imaginer qu'au niveau local, ceux qui dirigent les journaux en français parlent français. Je pense davantage aux employés qui parlent français au siège social.
M. Mlodecki : Ces éditeurs relèvent directement de moi.
La présidente : Nous avons entendu le témoignage L'Acadie Nouvelle, qui s'inquiète grandement de votre arrivée sur le marché des hebdomadaires de langue française. Ils croient que votre entrée sur ce marché érode leur clientèle publicitaire et que vous les ciblez. Que répondez-vous à ce témoignage?
M. Mlodecki : Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons repéré des occasions d'affaires, des publications en langue française qui seraient viables, et nous avons saisi ces occasions. L'Acadie Nouvelle pouvait également voir ces débouchés et agir en conséquence en même temps que nous, mais ce journal ne l'a pas fait. Toutes ces publications sont viables, ce sont actuellement des publications rentables.
La présidente : Étant donné l'importance de L'Acadie Nouvelle dans la communauté acadienne, et dans votre planification pour l'avenir, sentez-vous la responsabilité d'éviter de nuire aux journaux en français?
Je ne parle pas de la concurrence normale, saine; je parle d'une institution qui a une grande importance dans la communauté.
Est-ce que vous tenez compte de tout cela dans vos calculs?
M. Mlodecki : J'ai été un peu perturbé par le témoignage de L'Acadie Nouvelle. Il me semble qu'ils ne veulent pas que Brunswick News Inc. exerce un monopole afin qu'ils puissent en exercer un sur les journaux en français, ce qui ne me paraît pas correct.
La présidente : J'aimerais revenir sur quelques autres aspects. Premièrement, y a-t-il une politique commune au sujet des lettres à la rédaction; et deuxièmement, l'établissez-vous ou avez-vous une idée de la manière dont elle est appliquée dans les divers journaux?
M. Mlodecki : Chaque journal a sa propre politique concernant les lettres à la rédaction, mais la politique repose généralement sur ce qui est raisonnable. Si quelqu'un écrit 100 lettres à la rédaction, il est très peu probable que 80 d'entre elles seront publiées au cours des six mois suivants.
La présidente : Sait-on clairement quels quotas pourraient s'appliquer, combien de fois les lettres ont des chances d'être publiées dans le journal?
M. Mlodecki : Avons-nous établi des quotas sur le nombre de lettres à la rédaction qu'on peut écrire? Non. Nous examinons généralement la valeur de chaque lettre, mais lorsque nous en recevons 100 de la même personne, les lettres portent habituellement sur le même sujet.
La présidente : C'est seulement une question de clarté, afin que les gens comprennent le contexte dans lequel ils font leurs recommandations.
M. Mlodecki : Nous nous efforçons de trouver toutes les raisons possibles de publier la lettre plutôt que de trouver des raisons de ne pas le faire.
La présidente : Une autre question qui a été soulevée portait sur un film intitulé Forbidden Forest.
M. Mlodecki : Oui.
La présidente : Je crois comprendre qu'il porte sur les pratiques environnementales des sociétés forestières et que les publications Irving n'ont pas couvert ce film.
M. Mlodecki : Il y a eu un article sur ce film, ainsi qu'une annonce le jour où il a été diffusé. Il a été couvert.
La présidente : Il a été couvert, mais pas en profondeur.
Revenons au marché des journaux de langue française. Envisageriez-vous de lancer un quotidien en français?
M. Mlodecki : Je n'ai pas d'objection à publier un quotidien en français, mais il n'y a pas de place pour un autre au Nouveau-Brunswick actuellement.
La présidente : Nous avons également entendu des témoignages au sujet du contenu commun des hebdomadaires. Je suis impressionnée par votre longue liste de bureaux, y compris des correspondants à Ottawa, pour le Telegraph- Journal et le Times & Transcript.
Pour une entreprise qui a un lectorat comme le vôtre, c'est mieux que certains grands journaux que je pourrais nommer. Mais ce sont des quotidiens.
Nous avons appris que vous avez plus de contenu commun dans les hebdos que dans les quotidiens et, pendant une certaine période tout au moins, les éditoriaux étaient communs dans les hebdos.
Pouvez-vous nous expliquer comment tout cela fonctionne?
M. Mlodecki : Je ne suis pas au courant d'éditoriaux communs dans les hebdos. Je ne dis pas que ce n'est jamais arrivé, parce que je ne lis pas tous les numéros des hebdos que nous publions. Si cela se faisait, je demanderais aux éditeurs de mettre fin immédiatement à cette pratique.
La présidente : Il me semble que quand on a un hebdomadaire local, on veut qu'il soit local, pas centralisé. Ont-ils d'autre contenu commun?
M. Mlodecki : Ils achètent de la Presse canadienne un contenu semblable appelé « la boîte à outils » et ils peuvent partager des articles souscrits, mais il n'arrive pas souvent qu'ils partagent des nouvelles.
La présidente : Le siège social donne-t-il une directive sur le nombre de correspondants qu'un journal peut employer?
M. Mlodecki : Non. À cet égard, nous sommes une organisation décentralisée et les éditeurs décident ce qu'ils font chez eux.
La présidente : Les hebdomadaires ont-ils tous leur propre éditeur?
M. Mlodecki : Certains éditeurs publient deux hebdomadaires.
La présidente : Je sais que vous aller penser « Dieu nous en garde », mais si le gouvernement du Canada rétablissait une politique interdisant la propriété croisée des médias, que diriez-vous?
M. Mlodecki : Dieu nous en garde.
La présidente : C'est clair. Néanmoins, si cela devait arriver, qu'est-ce qui vous intéresserait le plus, la radio ou la presse écrite?
M. Mlodecki : La presse écrite m'intéresse davantage.
La présidente : Dans la presse écrite, préférez-vous les quotidiens ou les hebdos?
M. Mlodecki : C'est une question plus difficile à répondre parce qu'un grand nombre de quotidiens ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent sur leur marché. De ce point de vue, les hebdomadaires sont plus efficients.
Pour répondre à votre question, je resterais dans le modèle des quotidiens parce que j'aime informer les gens et que le modèle des quotidiens le fait le plus efficacement.
La présidente : C'est ce que vous pensez, malgré ce que vous avez affirmé au sujet de la situation dans 20 ans et tout ce qui se trouvera sur Internet?
M. Mlodecki : Je ne serai plus dans ce milieu dans 20 ans.
La présidente : Moi non plus.
Faites-vous payer vos abonnements Internet?
M. Mlodecki : Oui, pour le contenu local.
La présidente : Votre publication sur Internet ressemble-t-elle à celles qui affichent une amorce, mais où il faut payer pour obtenir l'article en entier?
M. Mlodecki : Nous offrons un grand nombre de nouvelles, d'articles de fond et de nouvelles de la Presse canadienne, voire même les mots croisés, mais pour obtenir les nouvelles locales de Moncton ou Saint John ou Fredericton, il faut être abonné.
La présidente : Il faut s'abonner à l'édition sur papier pour recevoir l'édition sur Internet?
M. Mlodecki : Exactement.
La présidente : Vous ne vendez pas d'abonnements séparés sur Internet?
M. Mlodecki : Non. Si vous êtes en Floride et que vous voulez avoir accès à l'édition Internet, nous vous vendons un abonnement au journal, et vous donnez votre exemplaire papier au programme de journal en classe.
La présidente : À cause d'ABC, je suppose?
M. Mlodecki : J'espère que nous sommes un peu plus altruistes que cela. L'idée de donner des journaux à des fins pédagogiques nous plaît bien. Les annonceurs accordent généralement peu de valeur aux journaux qu'ABC considère comme des copies pour le programme Le journal en classe.
Le sénateur Munson : Que pensez-vous de la Presse canadienne comme service de nouvelles national? Contribue-t- elle à une présentation cohérente d'une perspective nationale dans le pays et est-elle importante pour vos journaux?
M. Mlodecki : Absolument. Elle fait un bon travail. De fait, quand je suis devenu éditeur des journaux de Saint John, ces journaux n'étaient plus membres de la Presse canadienne et je les ai ramenés à la Presse canadienne.
Le sénateur Munson : Contente de l'entendre.
Vous avez affirmé au sénateur Fraser que les Canadiens ont été bien servis par le cadre de politique en place actuellement et qu'une nouvelle réglementation n'est pas requise.
Je pense que vous nous dites simplement de ne pas mettre le nez dans vos affaires et que tout ira bien au Nouveau- Brunswick. Ai-je bien compris?
M. Mlodecki : J'ai peut-être été un peu plus poli, mais vous avez raison.
Le sénateur Munson : Voilà, vous souriez. Merci.
Le sénateur Tkachuk : Vous aussi, Jim.
La présidente : Il nous fait toujours sourire.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je viens de Sackville et je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas acheté le Tribune Post de Sackville; pas que je veuille que vous le fassiez, mais je ne comprends pas. Vous ne me répondrez probablement pas.
M. Mlodecki : Au contraire. Le Tribune-Post appartenait au Amherst Daily News et il a été vendu à Transcontinental, il y a quelques années. Le journal de Sackville avait peu d'intérêt pour moi, parce que nous avions déjà un système de distribution dans cette ville.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est terrible à dire, mais je commençais à peine à penser que vous étiez un type bien, et vous me décevez à nouveau.
M. Mlodecki : Désolé.
La présidente : Vous avez déclaré que ce qui importe, c'est le système de distribution. Vous l'avez répété plusieurs fois.
Le sénateur Trenholme Counsell : C'est un endroit si spécial.
M. Mlodecki : C'est une ville fantastique. J'y vais souvent.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je vous inviterai chez Mel's pour un café.
M. Mlodecki : C'est un endroit formidable.
La présidente : Ma dernière question revient sur notre mandat initial, soit la politique publique. Vous ne voulez pas de modifications de la législation sur la concurrence appliquée par le CRTC et les règles sur la propriété étrangère vous importent peu.
Y a-t-il d'autres éléments de la politique publique que vous aimeriez voir changés ou des éléments de la politique publique actuelle que vous considérez très importants, que vous considérez comme la trame du tissu canadien et que nous ne devrions pas toucher?
M. Mlodecki : Je pense que le cadre et la structure actuels fonctionnent bien, et je ne vois pas de raison de les changer.
La présidente : Monsieur Mlodecki, nous vous remercions beaucoup de nous avoir consacré du temps et de nous avoir renseignés. Nous attendrons vos explications sur la question relative à la télévision et, puisque vous y êtes, pourriez-vous nous indiquer le nombre approximatif de visites que vous recevez sur votre site Internet?
M. Mlodecki : Oui, 5 millions de pages sont consultées tous les mois et il y a plus d'un million de visiteurs qui viennent une fois par mois.
La présidente : Ces chiffres portent sur les quotidiens?
M. Mlodecki : C'est le nombre de visites sur notre site. Ce qu'ils font après être arrivés sur notre site, nous ne le savons pas.
La présidente : Est-ce que Jamie Irving relève de vous?
M. Mlodecki : Oui.
La séance est levée.