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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 19 - Témoignages du 11 mai 2005


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 26, afin de poursuivre son étude sur l'état actuel des industries de médias canadiennes, les tendances et les développements émergeant au sein de ces industries; le rôle, les droits, et les obligations des médias dans la société canadienne; et les politiques actuelles et futures appropriées par rapport à ces industries.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue. On continuera ce soir notre étude des médias canadiens d'information et du rôle que l'État devrait jouer pour aider les médias à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années, notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.

Nous avons entendu plusieurs témoins au cours de notre étude. Nous accueillons ce soir trois témoins qui sont parmi les plus intéressants que nous avons pu accueillir.

[Traduction]

Nous recevons ce soir des représentants du journal The Globe and Mail. Accueillons donc M. Greenspon, rédacteur en chef, Mme Stead, éditrice déléguée, et M. Martin, éditeur responsable des commentaires.

Je ne pense pas que des présentations soient nécessaires dans le cas du Globe and Mail, en tout cas pas en ce qui concerne les sénateurs et sans doute pas non plus dans le cas des téléspectateurs qui suivent la séance. J'ai cependant devantmoi une note qui dit que l'histoire du journal remonte à l'année 1844, ce qui est respectable où que ce soit. Il n'existe pas beaucoup de journaux qui soient plus vieux que le Globe and Mail. Il y en a un au Canada qui est plus âgé, mais il n'y en a pas beaucoup ailleurs.

Bienvenue, et merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Je pense que vous connaissez la routine. Nous vous demandons de faire vos remarques liminaires, après quoi nous vous poserons des questions. Allez-y, je vous prie.

M. Edward Greenspon, rédacteur en chef, The Globe and Mail : Honorables sénateurs, je vous remercie de l'invitation à venir comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai pris du temps pour me renseigner sur vos travaux et ai constaté que vous êtes aux prises avec des questions qui méritent un examen sérieux et sobre.

Je compte vous faire une mise à jour sur l'état du Globe and Mail, le journal national du Canada, et nos ambitions en vue d'en faire un moyen encore meilleur de livrer les informations et les idées dont nos lecteurs ont besoin pour bâtir un pays meilleur et des vies meilleures. Ce faisant, je compte que j'aborderai nombre des questions qui vous intéressent.

Il me faudrait ajouter que lorsque je parle du Globe and Mail, je parle de plus que le simple journal. Nous exploitons également un service de revue ainsi qu'un service en ligne, et nous avons lancé la première et la seule chaîne d'affaires spécialisée, Report on Business Television. Dans chacune de ces initiatives, notre but est d'être le meilleur.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter les deux collègues du Globe qui m'ont accompagné ici aujourd'hui. Assise à ma droite est Mme Stead, notre éditrice déléguée. Mme Stead a 30 années d'expérience chez The Globe and Mail, où elle a commencé en tant que stagiaire d'été. Elle y a occupé de nombreux postes importants, y compris reporteur dans le domaine de l'éducation, reporteur à Queen's Park, rédactrice nationale adjointe, rédactrice nationale et, aujourd'hui, éditrice déléguée.

Assis à ma gauche est M. Martin. M. Martin est notre rédacteur responsable des commentaires, ce qui fait de lui le grand responsable de la page en regard de la page éditoriale, du courrier des lecteurs, de la page « Facts and Arguments », et du cahier du samedi sur les livres. M. Martin joue un rôle clé pour veiller à ce que notre journal reflète une diversité d'opinions sur les questions d'importance. M. Martin s'est joint à l'équipe du Globe and Mail en 1984, après une carrière fort réussie dans le monde de la radiodiffusion, y compris trois années comme coanimateur de l'émission Sunday Morning de CBC. Il est également coauteur d'un livre sur la course à la chefferie du Parti progressiste- conservateur de 1983.

Au Globe and Mail, M. Martin a été rédacteur du cahier « Focus », notre correspondant pour le Moyen-Orient et notre rédacteur pour ce qui est des nouvelles étrangères, ce en plus de ses fonctions actuelles. Il est également reconnu comme expert en matière de politique étrangère et à ce titre il est souvent invité à participer à des conférences et est également panéliste à l'émission Diplomatic Opportunity de TV Ontario.

Ces deux personnes sont des journalistes exemplaires aux vastes connaissances, reflétant le niveau de qualité élevé auquel aspire The Globe and Mail.

Comme l'a mentionné la présidente, The Globe and Mail occupe depuis longtemps une place d'honneur en tant qu'institution clé dans la vie politique, économique et culturelle du pays. The Globe and Mail a été fondé en 1844 par un jeune réformiste politique du nom de George Brown et a joué un rôle essentiel dans les débats et les processus politiques qui ont précédé la Confédération et est intervenu dans tous les débats d'importance subséquents survenus au cours du développement du pays.

Notre journal demeure fidèle à la vision originale de Brown, celle d'un journal sérieux mettant tout particulièrement l'accent sur les affaires nationales, le commerce et les nouvelles étrangères. Brown a réussi grâce à son engagement envers l'excellence, et c'est là un principe qui est toujours au cœur de notre stratégie commerciale. The Globe and Mail a toujours été caractérisé par de vastes horizons. En 1959, nous sommes devenus le premier journal occidental à établir un bureau en Chine communiste. À la fin des années 70, nous avons été les premiers dans le monde à utiliser la technologie par satellite pour produire simultanément le journal dans des imprimeries très éloignées les unes des autres. Aujourd'hui, nous imprimons notre journal dans six localités : Halifax, Boucherville, Mississauga, Brandon, Calgary et Vancouver.

En juin 2000, The Globe and Mail a franchi encore un grand pas en avant avec le lancement d'un service Internet 24 heures de nouvelles de dernière heure sur globeandmail.com. Nous avons embauché 20 journalistes supplémentaires pour être certains d'offrir un service à grande valeur ajoutée. Les lecteurs de globeandmail.com nous ont récompensés pour nos efforts. En effet, nous sommes passés de 25 000 visiteurs individuels par jour en 2000 à 250 000 visiteurs individuels par jour aujourd'hui, soit une multiplication par dix.

Nous offrons également sur le Web un service de carrière, avec affichage d'emplois et conseils. En effet, la réussite de Workopolis, notre initiative conjointe avec le Toronto Star et La Presse fait du Canada l'un des seuls pays au monde à résister à la domination exercée par monster.com. Au Canada, le chef de file dans le marché est un site à propriété et à exploitation canadiennes.

Nos sites Web constituent un élément essentiel de notre stratégie pour l'avenir. Il a été largement constaté que les lecteurs, surtout les plus jeunes, sont de plus en plus nombreux à recourir au Web pour leurs actualités. L'Internet offre l'instantanéité et une interactivité accrue et accorde au consommateur un niveau de contrôle sans précédent. Il s'agit d'un nouveau médium qui offre un potentiel énorme que l'on ne cerne pas encore très bien. La seule chose que nous savons est qu'il nous incombe de livrer les nouvelles dans la forme que préfèrent nos lecteurs. Toutes les entreprises médiatiques vont dans les années à venir tenter diverses expériences. Il leur faut être libres de réussir et d'échouer en fonction de leurs choix. J'ai confiance que le résultat ultime ne sera rien de moins que de brillants nouveaux produits pour les consommateurs de nouvelles et d'information.

Permettez que je revienne maintenant au journal qui demeure le naviremère de toute l'opération. C'est lui qui offre les bons nom, réputation et culture d'entreprise dont nous dépendons.

En tant que journal national, nous sommes principalement intéressés aux questions qui ont une incidence sur les Canadiens où qu'ils vivent. Une politique novatrice dans une province pourrait être très pertinente pour une autre. Afin d'aider les Canadiens à comprendre leurs concitoyens d'autres régions, nous exploitons une série de bureaux installés dans dix villes réparties dans le pays, et dont nous pensons qu'il s'agit du plus vaste réseau national d'entreprises de la presse écrite. Nous exploitons par ailleurs le plus important bureau de presse écrite parlementaire à Ottawa et le plus vaste réseau de correspondants étrangers parmi tous les journaux, avec une présence à Londres, à Moscou, à Beijing, à Jérusalem, à Johannesbourg, à Washington et à New York.

The Globe and Mail est un journal national et non pas local. Bien que les nouvelles régionales et que certaines nouvelles locales fassent partie de notre mélange, nous nous efforçons de publier des articles qui intéresseront tous les Canadiens. Nous concurrençons et complétons des journaux locaux d'un bout à l'autre du pays. Il n'existe au pays aucun endroit où nous jouissons d'un monopole voire même d'une emprise sur le marché. À Vancouver, nous sommes en concurrence avec quatre quotidiens qui appartiennent à part entière à CanWest, The Vancouver Sun, The Province, the National Post, Dose, et un journal qui appartient en partie à CanWest, et notre part de marché est en train d'augmenter. À Toronto, nous sommes en plein essor dans l'un des marchés de journaux les plus compétitifs en Amérique du Nord. Nous offrons une voie de rechange de niveau supérieur partout où nous sommes distribués.

Nous ne pouvons pas couvrir le monde ni même le pays tout seul. Nous achetons une variété de services de nouvelles et appuyons activement la Presse canadienne, la coopérative de service de dépêches la plus importante et la plus ancienne au pays. Phillip Crawley, notre éditeur, siège au Conseil d'administration de la PC et est ancien président de l'Association canadienne des journaux.

Chaque jour, entre 1 et 1,3 million de Canadiens lisent The Globe and Mail. Sur une semaine, 2,5 millions de Canadiens en liront au moins un numéro. Vous avez peut-être entendu parler plus tôt ce mois-ci des graves chutes de tirage ayant frappé des journaux au Canada et aux ÉtatsUnis. The Globe and Mail est l'une des rares exceptions dans un tableau plutôt triste. Nous vivons une croissance, bien que lente.

Notre pénétration par tête d'habitant est beaucoup plus élevée que celle de tout quotidien aux États-Unis. Le Wall Street Journal et USA Today, les deux plus gros journaux aux Etats-Unis, ont un tirage d'à peine un peu plus de 2 millions. Celui de The New York Times est d'environ 1,2 million chaque jour.

Comme je l'ai dit plus tôt, nos mots d'ordre dans tout ce que nous faisons sont la qualité et l'excellence. Voilà selon nous ce qui nous démarque dans un marché médiatique de plus en plus bousculé, et c'est là l'explication simple de notre réussite.

Nous avons lourdement investi ces dernières années dans l'amélioration de notre journalisme et, partant, de notre relation avec les lecteurs. Nous avons ouvert de nouveaux bureaux, appuyé les reportages approfondis, élargi notre présence sur le Web et recruté des journalistes chevronnés. Nous nous attachons par ailleurs à encadrer une génération plus jeune qui sera notre relève pour l'avenir.

Permettez-moi de vous fournir quelques exemples.En 2003, nous avons ouvert un nouveau bureau en Afrique, avec la journaliste Stephanie Nolen. Je pense qu'il serait juste de dire que le travail primé de Mme Nolen a aidé à mieux sensibiliser les Canadiens aux graves défis sur les plans santé et développement auxquels se trouve confronté le continent le plus pauvre du monde.

Nous avons également récemment élargi notre présence en Colombie-Britannique, notre deuxième marché en importance. Les Britanno-Colombiens nous disent à répétition qu'ils considèrent qu'il y a une trop forte concentration des médias dans leur marché. Nous comptons mieux y desservir nos lecteurs existants et potentiels.

Nous avons lourdement investi dans des projets journalistiques d'envergure dont nous pensons qu'ils aideront les Canadiens à comprendre et leur héritage et l'avenir qui se presse aux portillons. Quelques exemples sont notre couverture du Jour du Souvenir, et des anniversaires du Jour-J et du Jour de la Victoire en Europe, notre série « New Canada » et notre édition spéciale « China Rising ».

Nous appuyons un tandem de journalistes acharnés d'Ottawa dans leur poursuite du scandale des commandites, qu'ils mènent depuis cinq ans déjà. Daniel Leblanc et Campbell Clark ont livré un important service public grâce à leur travail d'enquête, et le mois dernier The Globe and Mail s'est vu attribuer le prix Michener pour service public méritoire dans le domaines des médias.

Pour chacune des six dernières années, nous avons été en tête de liste ou ex æquo au premier rang pour les nominations au Concours national de journalisme. Nous avons récemment reçu une rare médaille d'or de la prestigieuse Society of Newspaper Design pour la meilleure utilisation de la photographie parmi tous les journaux du monde. En plus d'avoir remporté le grand prix cette année dans le cadre des prix Michener, le travail de notre équipe de « Report on Business » s'est quatre fois au cours des six dernières années vu décerner une mention par le Comité des prix Michener, soulignant la crédibilité de notre journalisme sur les affaires à Bay Street et au-delà.

La Report on Business Television offre les reportages sur le monde des affaires les plus agressifs et les plus objectifs que vous puissiez trouver au Canada. Nous ne considérons pas que son rôle soit de promouvoir les affaires — les nôtres ou celles de quiconque mais plutôt de couvrir le monde des affaires. C'est pourquoi le ROB a par exemple été au premier rang s'agissant de questions de gouvernance avec notre « Corporate Governance Report » annuel dans le journal et notre « Corporate Social Responsibility Report » dans la revue. Une partie de notre responsabilité est de promouvoir un marché juste et transparent, condition préalable essentielle à une économie forte.

Le journalisme de qualité élevée n'est pas bon marché. Le désir de consentir les investissements requis commence avec des actionnaires favorables qui comprennent que The Globe and Mail n'est pas n'importe quelle entreprise, mais bien une société qui joue un important rôle de service public. Nous sommes une entreprise à but lucratif, mais une entreprise qui repose sur la reconnaissance que bon journalisme est synonyme de bonnes affaires.

Nos actionnaires n'interviennent pas dans les positions rédactionnelles du Globe and Mail. Ils nomment l'éditeur, qui nomme à son tour le rédacteur en chef. La famille Thomson a la réputation de laisser les journalistes faire leur travail sans crainte ni favoritisme. Sa philosophie se trouve transposée dans Bell Globemedia, détenue en copropriété par les Entreprises Bell Canada et la famille Thomson.

Nous avons fait une couverture agressive de différents événements commerciaux intéressant les EBC, notamment la controverse quant au traitement accordé à sa filiale Téléglobe Inc. Ces histoires n'ont pas dû être agréables pour les cadres des EBC, mais ceuxci ne sont pas intervenus ni n'ont tenté d'intervenir. Quant à nos cousins chez CTV, nous examinons leurs programmes de la même façon que nous nous penchons sur ceux de Global ou de CBC. Notre page courrier des lecteurs a mis en vedette plusieurs missives de cadres de CTV critiquant certains aspects de notre couverture.

Le comité ici réuni se penche sur la question de la propriété croisée des médias. The Globe and Mail a les mêmes propriétaires que CTV News. Cependant, mon mandat est clair : toujours agir dans l'intérêt de The Globe and Mail. Certains de nos bureaux sont partagés avec CTV. Là où nous avons un bureau commun, nous exploitons chacun de notre côté notre service avec une équipe et un leadership distincts.

Le seul volet formel de partenariat rédactionnel est celui des sondages politiques, et il s'agit là d'une relation qui est antérieure à notre actuelle structure de propriété. Nous menons parfois des sondages conjointement avec La Presse ou la radio CFRB. Nos journalistes participent souvent à des émissions de CBC TV et de CBC Radio, ainsi que de TVO et de CTV.

Bien que nous ne soyons pas captifs de la convergence, nous croyons que notre structure de propriété croisée présente certains avantages. Nombre d'entre eux existent à un niveau informel, à la base. Il est souvent arrivé que des journalistes du Globe and Mail et de CTV fassent équipe ensemble dans la croyance que cela améliorera la qualité de leur journalisme. Un exemple notable a été le travail extraordinaire d'Avis Favaro, chroniqueuse santé de CTV, et André Picard, chroniqueur santé de Globe, sur les gras trans. Leur reportage a galvanisé les Canadiens et amené plusieurs joueurs dans l'industrie à modifier les ingrédients entrant dans la composition de leurs aliments transformés.

Bien que nos décisions en matière d'actualité soient prises de façon indépendante, c'est souvent que nous bénéficions de services de cueillette d'information communs. Tel a été le cas récemment lorsque Katherine Harding, la correspondante du Globe à Edmonton, a appris auprès de collègues locaux de CTV qu'il y avait eu une tuerie en région rurale albertaine. Ce renseignement lui a donné une grosse longueur d'avance en vue de son reportage sur les quatre membres de la GRC qui avaient été abattus. C'est ainsi que les lecteurs ont pu bénéficier d'une couverture supérieure.

Dans ce cas-là et dans d'autres, comme par exemple les incendies d'été de 2003 autour de Kelowna, nous avons également eu accès à des informations visuelles grâce aux hélicoptères et aux caméramans de CTV. C'est toujours The Globe and Mail qui choisit quelles nouvelles couvrir, mais notre partenariat avec un vaste réseau de journalistes de radiodiffusion nous offre la possibilité de concurrencer les journaux de chaîne sur un terrain de jeu beaucoup plus égal.

L'élément important ici est que c'est toujours le choix du Globe and Mail. Nos reporteurs et rédacteurs décident de ce qui est mieux pour nous et mieux pour nos lecteurs.

Au lieu d'entraver notre capacité d'agir dans l'intérêt de nos lecteurs, la propriété croisée l'a en fait améliorée. Cela est vrai de nos opérations actuelles mais pourrait l'être davantage encore à l'avenir au fur et à mesure de l'évolution imprévisible de l'Internet. L'un des aspects les plus excitants de mon travail de journaliste consiste à essayer de puiser dans les caractéristiques uniques de l'Internet en vue de mieux servir de nouveaux clients. La capacité de travailler plus étroitement avec un partenaire de la radiodiffusion pourrait fort bien devenir indispensable pour nous aider à trouver les solutions.

J'ai parlé de la façon dont nos actionnaires appuient notre liberté d'exercer notre métier comme nous l'entendons, et notre engagement inébranlable à l'égard de la liberté de la presse s'étend à notre relation avec le gouvernement. Le libre mouvement d'information est un élément essentiel du fonctionnement d'un État démocratique. Les principes de la liberté de la presse et de la démocratie sont inséparables. C'est pourquoi la liberté de la presse a été enchâssée dans la Charte canadienne des droits et libertés en 1982.

L'histoire nous montre que dans le cadre de tout conflit avec la presse, les gouvernements seront tentés d'utiliser leurs pouvoirs, petits et grands, pour protéger leurs propres intérêts au nom de l'intérêt public. C'est la leçon que l'on nous livre depuis les Pentagon Papers.

Aujourd'hui, au Canada, notre capacité de rapporter les nouvelles est souvent entravée par la mauvaise application des lois en matière d'accès à l'information ou par un excès de zèle s'agissant des lois en matière de protection de la vie privée. Nous sommes également troublés par la tendance de certains éléments de l'appareil judiciaire de recourir de plus en plus aux interdictions de publication voire même aux procédures tenues en secret. The Globe and Mail intervient régulièrement en vue de maintenir ouvertes les artères de l'information.

Il nous faut toujours veiller à résister à la sirène de l'intervention gouvernementale dans les salles de presse du pays, aussi bonnes soient les intentions visées. C'est le marché qui est le meilleur endroit pour faire le tri des lacunes perçues de toute entreprise médiatique ou de nouvelles. Si un service médiatique ne livre pas la marchandise, les lecteurs ou les téléspectateurs feront connaître leurs opinions.

The Globe and Mail n'a aucune crainte d'être jugé sur le marché. Si nous ne parvenons pas à servir les Canadiens, ils nous le feront savoir. Si nos concurrents ne parviennent pas à les servir, les lecteurs le leur feront savoir.

Nous sommes en tout cas très sensibles à nos responsabilités : rapporter l'actualité de façon juste et exacte et offrir une gamme de points de vue sur les questions d'importance publique. Nous sommes très fiers du fait que The Globe and Mail ait une solide réputation s'agissant de son autorité et de son intégrité. Il s'agit d'un héritage qui nous été transmis à travers les générations et que nous n'allons pas mettre en péril pendant la nôtre.

Nos lecteurs s'adressent à nous de diverses façons, y compris à travers les 200 à 300 lettres au rédacteur que nous recevons chaque jour. Nous sommes membres du Conseil de presse de l'Ontario et, en tant que tel, sommes assujettis aux plaintes et jugements déposés par le public contre nous et que nous avons pour obligation de publier. Nous publions chaque jour à la deuxième page du journal les rectificatifs qui s'imposent. Nous maintenons un code de conduite formel, qui est disponible dans le guide stylistique du Globe and Mail. Notre code dit explicitement ce qui suit :

The Globe and Mail cherchera à livrer des comptes rendus raisonnables d'opinions opposées dans toute controverse, ce afin de permettre aux lecteurs de décider pour euxmêmes.

En effet, nous invitons activement l'expression d'une diversité d'opinions dans nos pages commentaires. Nous rejetons la notion qu'ont certains journaux qui utilisent les pages d'opinions pour renforcer les opinions politiques des propriétaires. Nos pages commentaires et nos éditoriaux relèvent de rédacteurs différents qui rendent compte tous les deux au rédacteur en chef. Le mandat de l'un est d'exprimer les opinions réfléchies du comité de rédaction tandis que le mandat de l'autre est de veiller à ce que nous favorisions un échange dynamique de perspectives et de points de vue différents.

Vous trouverez sur notre page commentaires une vaste gamme de voix de tous les coins du pays et de partout dans le monde. Au cours de la seule année écoulée, vous aurez pu y lire Robert Bateman et David Suzuki, l'Aga Khan et le Prince Hassan de Jordanie, Anne Golden et Fraser Mustard, Jeffrey Sachs et Danny Williams, Sheema Khan et Lorna Dueck, Rami Khouri et Shira Herzog, pour ne citer que quelques exemples. Ces intervenants auront parlé de tout, allant des mérites du Protocole de Kyoto au ridicule du changement climatique, de moyens à mettre en œuvre pour réformer les Nations Unies aux raisons pour lesquelles il faudrait les abolir, en passant par l'inviolabilité du mariage traditionnel et un plaidoyer en faveur des mariages de personnes de même sexe.

L'indépendance du Globe and Mail n'est d'aucune façon compromise par notre structure de propriété. C'est en fait tout le contraire. Nos propriétaires ont beaucoup investi en la qualité journalistique et ne sont pas intervenus dans les décisions rédactionnelles.

Bien qu'étant la propriété de Bell Globemedia, The Globe and Mail a pour mandat d'œuvrer en fonction de ses intérêts. C'est un modèle du bon genre de convergence, qui permet de combiner les forces qui existent de façon logique plutôt que d'homogénéiser le contenu, de limiter les points de vue et d'étouffer la réflexion indépendante.

Au contraire de nombreux autres quotidiens, The Globe and Mail ne fonctionne pas à l'intérieur d'un marché quasi ou pleinement monopolistique. En tant que quotidien national du Canada, il livre concurrence sur tous les marchés du pays, offrant une solution de rechange unique à d'autres produits médiatiques.

La croissance de l'Internet viendra presque certainement augmenter la diversité des voix dans les médias, mais l'exploitation du potentiel de l'Internet exigera expérimentation et investissement. Le rassemblement d'orientations journalistiques différentes devrait fertiliser ce processus créatif.

The Globe and Mail est une tribune pour une vaste diversité de voix et de points de vue. Il encourage le débat dans ses pages d'opinions. Il ne pratique pas une orthodoxie maison rigide en bannissant de ses pages les opinions indésirées. Au contraire, il recherche activement des perspectives autres.

Une presse libre ne peut s'épanouir que dans un marché libre.

Mes collègues et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, et merci également d'avoir apporté votre code de conduite. C'est toujours une bonne chose d'avoir cela sous la main.

Le sénateur Tkachuk : Merci. Dans le cadre de notre étude, l'une des questions clés sur lesquelles nous nous penchonsest celle de la convergence. Pourquoi M. Sabia, propriétaire et président-directeur général des EBC, qui a été invité, n'estil pas ici avec vous?

M. Greenspon : Sénateur, comme vous le comprendrez, il s'agit là d'une décision dont je ne sais pas grand-chose. M. Sabia ne s'occupe pas de mes affaires, ce que j'apprécie, et je ne m'occupe pas des siennes. Je sais que le comité m'a demandé de venir et j'étais heureux de venir.

Le sénateur Tkachuk : Dans le cadre de notre étude sur la convergence, des participants évidents n'auraientils pas été ceux et celles qui ont étudié et organisé la convergence, c'est-à-dire les propriétaires des EBC, qui possèdent CTV et The Globe and Mail?

Ils se sont montrés réticents à venir. Je dirais même, madame la présidente, que cette réticence n'est pas unique aux EBC, mais qu'elle a été unique aux propriétaires de CanWest. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose, mais je ne sais pas.

Ne pensez-vous pas qu'il aurait été bon que nous discutions avec ces personnes de convergence?

M. Greenspon : Je me plais à croire que si vous voulez parler convergence, nous pourrons contribuer utilement à la discussion.

Le sénateur Tkachuk : Je ne dis pas le contraire, mais nous aimerions rencontrer ces personnes également.

M. Greenspon : En bout de ligne, les avantages que nous verrons avec le recours à de nouvelles technologies pour livrer un produit qui soit utile aux gens seront le fait de journalistes. Il est difficile pour moi de dire pourquoi quelqu'un, en dehors de mes collègues et de moi-même, a ou n'a pas comparu devant le comité.

Si la convergence est une question que vous intéresse, nous pouvons vous dire de quelle façon elle évolue dans le monde du Globe and Mail.

Le sénateur Tkachuk : J'aime The Globe and Mail. C'est un journal formidable, non seulement dans le contexte canadien, mais dans le contexte mondial. Et je ne dis pas cela pour être gentil. Je m'efforce de vous dire ce que je pense.

Lorsque vous vous êtes joint au journal, ces changements avaient-ils été apportés? Au début, de quelle façon The Globe and Mail atil abordé sa relation avec CTV? Y atil eu des mises à pied? A-t-on érigé un mur afin que vous puissiez vous couvrir les uns les autres? De quelle façon ces décisions sontelles prises? Les directions de The Globe and Mail et de CTV prennentelles des décisions ensemble? Comment tout cela fonctionnetil?

M. Greenspon : À l'époque, j'étais ici à Ottawa. Je n'étais à l'époque pas rédacteur en chef du Globe and Mail, mais je pense que nous comprenions tous que nous avions nos propres intérêts à servir et qu'il n'y aurait pas une marche forcée vers l'uniformité, mais plutôt un certain nombre d'avantages.

Je parle ici de mon point de vue. Craig Oliver, qui gérait le bureau d'Ottawa de CTV, et moi-même échangions peutêtre des informations plus librement que nous ne l'aurions fait précédemment. De toute façon, tous les journalistes sur la colline ont leurs relations informelles, mais nous avions tout d'un coup une certaine structure. Il arrivait que M. Oliver m'avertisse d'une histoire qui allait sortir dans la soirée. En règle générale, c'est dans ce sens, malheureusement, que cela fonctionnait.

Nous partagions d'autre part un bureau. Nous nous sommes installés dans un bureau ensemble, mais il était très clair que nous n'allions pas fusionner nos administrations, que le bureau du Globe and Mail allait être distinct, même dans son espace, de celui de CTV. Alors que nous nous trouvions dans les mêmes locaux, il y avait une division. D'aucuns craignaient que leurs histoires se retrouvent dans le bulletin national avant d'être publiées dans The Globe and Mail.

Nous avons établi des distinctions pour servir nos intérêts et pour que CTV serve les siens, et là où il pouvait y avoir un avantage réciproque, alors c'était le cas. Comme je l'ai dit, nous avions déjà une relation s'agissant des sondages d'opinions. Nous avions travaillé antérieurement avec CTV, comme nous l'avions fait des années auparavant avec CBC, aux fins de sondages.

Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous toujours en concurrence pour les nouvelles avec CTV?

M. Greenspon : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Cela n'a pas été touché? Vous avez mentionné Craig Oliver.

M. Greenspon : La couverture du scandale des commandites en serait un exemple. The Globe and Mail doit offrir quelque chose de valable chaque matin. Le journal ne peut tout simplement pas livrer une version réchauffée des nouvelles télévisées de la veille au soir. La valeur est une chose qui vient de nouvelles uniques, de perspectives uniques et de points de vue et d'analyses. Il y a quantité de façons différentes d'en arriver là. Peut-être que le moyen le meilleur et le plus futé d'en arriver là est le bon vieux scoop, et nous tenons beaucoup à préserver cette capacité que nous avons. C'est là un aspect important du journal qu'on ramasse le matin.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons eu des discussions au sujet du fait que la plupart des journaux qui n'appartiennent pas à des entreprises de radio-télédiffusion ne vivent en vérité aucune intervention gouvernementale. Les radio-télédiffuseurs ont l'habitude d'être réglementés. Il leur faut comparaître devant le CRTC. Il leur faut faire des demandes de licence. Il leur faut justifier leur existence tous les cinq ans. J'ignore si tout cela compte, car aucune d'entre elles ne se voit refuser. Cependant, il leur faut se soumettre à ce mode de fonctionnement.

Croyez-vous que vous couvrez tous les environnements de réglementation de façon aussi critique qu'avant la convergence?

M. Greenspon : Nous avons avec nos lecteurs un contrat non écrit qui va au cœur même du Globe and Mail en tant que journal de qualité. Nos lecteurs le savent instantanément si nous n'agissons pas dans leur intérêt, si nous avons d'autres intérêts que les leurs à cœur.

Comme je le disais, nous sommes un joueur en croissance dans un marché de quotidiens qui va rétrécissant. La grande valeur que nous pouvons offrir est que nous avons du poids et de l'intégrité. Nos propriétaires, les autres rédacteurs du journal et moi-même n'allons pas risquer notre réputation sur une histoire du genre auquel vous songez. C'est au fruit qu'on juge l'arbre. Notre fruit est la couverture que nous avons faite des problèmes des EBC il y a deux à quatre ans pendant la période où elles ont connu de grandes difficultés. Nous faisons des critiques de la programmation de CTV. Nous recevons à l'occasion pour la rubrique du courrier des lecteurs des lettres du vice- président de la programmation chez CTV ou du vice-président des communications de CTV.

M. Patrick Martin, éditeur responsable des commentaires, The Globe and Mail : J'ajouterais que les chroniqueurs comme Eric Reguly, dans « Report on Business », parlent clairement, s'agissant de traiter de Michael Sabia lui-même ou d'autres. Il ne ménage personne.

« Report on Business » est un modèle pour sa couverture de l'industrie, et nos chroniqueurs télévision n'ont jamais essayé de s'esquiver en ce qui concerne la couverture de la saison de télévision, et on ne les y a jamais invités non plus. Vous trouverez n'importe quel jour des commentaires ayant donné lieu à un certain nombre de lettres des différents vice-présidents, critiquant l'opinion énoncée ou en tout cas en exprimant une autre. Nous voyons là une marque de notre indépendance.

Le sénateur Tkachuk : La salle de rédaction de The Globe and Mail et, à votre connaissance, celles d'autres grands journaux ontelles décidé que le Sénat est sans pertinence? Vous ne le couvrez jamais.

M. Greenspon : Non, nous n'avons en réalité pas eu cette discussion.

Le sénateur Tkachuk : Mais vous pourriez l'avoir maintenant.

M. Greenspon : C'est une question intéressante, mais nous n'avons pas eu cette discussion. Il y a eu d'importants carrefours auxquels le Sénat s'est montré très pertinent. Je songe à certaines enquêtes menées par le Sénat. Je pense par exemple à l'enquête sur l'aéroport Pearson, à laquelle vous avez peu-être participé, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : J'y ai participé.

M. Greenspon : Le Sénat doit lutter pour de la place dans les journaux à côté de toutes les autres histoires, et cette semaine, c'est peutêtre la Chambre des communes qui est en train de gagner, mais il n'y a aucune décision consciente de notre part de ne pas couvrir les travaux du Sénat.

Le président : Pour enchaîner sur la question du sénateur Tkachuk au sujet de M. Sabia, je soulignerai aussi, aux fins du procès-verbal, que l'éditeur du Globe and Mail a choisi de ne pas comparaître devant le comité, et il nous a signifié son refus par votre intermédiaire, M. Greenspon, dans une lettre qui, si je me souviens bien, a été rédigée dans une langue fort élégante. Il y disait simplement qu'il ne serait pas disponible pas qu'il ne serait pas disponible tel ou tel jour, mais simplement qu'il ne serait pas disponible.

Nous finirons par devoir vous poser certaines questions que nous aurions normalement adressées à l'éditeur, mais vu que vous le remplacez, alors bienvenue.

Le sénateur Johnson : Nous sommes heureux de vous voir tous ici ce soir. Je vous félicite de vos nombreuses réalisations. J'estime que vous avez un journal formidable. Je suis très impressionnée par certaines des nouvelles choses que vous faites, comme le travail de Stephanie Nolen. Son travail est excellent et de nombreux jeunes gens que je connais sont en train d'apprendre beaucoup de choses grâce à son type de journalisme. Le bon journalisme fait de bonnes affaires.

Vous avez déclaré :

L'un des aspects les plus excitants de mon travail en tant que journaliste est d'essayer de déterminer de quelle façon exploiter les caractéristiques uniques de l'Internet afin qu'elles bénéficient aux nouveaux consommateurs.

Pourriez-vous expliquer un peu cela.

M. Greenspon : Je vais expliquer, dans la mesure où je le peux, compte tenu de la présence dans la salle d'un cadre de CanWest.

Le président : Il me faudrait souligner que cette audience est ouverte à quiconque souhaite y assister. Vous comprenez cela.

M. Greenspon : Oui, sénateur.

J'étais le rédacteur de lancement de globeandmail.com en juin 2000. Je n'étais aucunement, sous quelque forme que ce soit, un mordu de l'Internet; j'étais un simple journaliste qui s'était vu attribuer cette tâche. Il est tout de suite devenu apparent qu'il s'agissait d'un médium unique présentant des propriétés extraordinairement uniques. Ce n'est pas juste une combinaison de journaux et de télévision. L'Internet peut faire beaucoup de ce que fait la presse écrite, mais pas tout. L'Internet peut sans doute faire tout ce que fait la télévision. En plus, il offre un caractère immédiat qui le fait ressembler davantage à la radio, et son interactivité ne ressemble à rien d'autre que nous ayons vu jusqu'ici.

La relation entre le rédacteur et le lecteur est en train de changer. Le genre de fonction hiérarchique de type gardien du temple, où c'est le rédacteur qui décide des nouvelles qui seront présentées et où le lecteur est le récipiendaire passif des décisions du rédaction, est en train de passer. Nous vivons dans un monde de cyber-chroniqueurs, dans une blogosphère où les lecteurs peuvent communiquer immédiatement avec nos journalistes. Nous vivons dans un monde de courriel. Il s'y passe quantité de choses différentes. L'Internet a une puissance informatique phénoménale, et vous pouvez donc y intégrer des outils.

Lors des dernières élections, nous avons élaboré des outils qui permettaient aux gens de surveiller la situation dans différentes circonscriptions et de découper les schémas de vote. Les gens peuvent suivre l'évolution de la valeur de leurs actions instantanément et prendre tout de suite des décisions sur leurs investissements. Il s'offre quantité de possibilités lorsque vous rassemblez tout cela, si vous êtes vraiment créatif et inventez quelque chose qui sera unique, puissant et qui mettra davantage de pouvoir aux mains du consommateur par opposition au producteurs. Cela est peut-être terrifiant pour certains producteurs, mais pour ma part je trouve cela excitant.

Mme Stead, éditrice déléguée, The Globe and Mail : C'est également illimité. C'est là l'une des caractéristiques uniques de l'Internet. Par exemple, pour les gens qui sont très intéressés par un quelconque sujet que nous avons couvert, par exemple, la Journée de la Victoire en Europe, nous pouvons afficher toutes les premières pages du Globe and Mail et toutes les informations qui nous sont venues sur le sujet. Il n'y a sur l'Internet, contrairement à la télévision ou à la presse écrite, aucune limite quant à l'espace occupé.

Le sénateur Johnson : De nombreux témoins nous ont parlé de diversité culturelle et d'ethnicité. Quelle est la composition ethnique de la salle de presse du Globe and Mail?

Pensez-vous que l'absence de minorités dans les médias grand public soit un problème et, dans l'affirmative, quelle en est la cause et quelles mesures ont été prises face au problème?

De nombreux témoins nous ont dit que les salles de presse canadiennes ne sont pas représentatives de la population générale à cause d'un manque de minorités visibles ou autres. Les journaux ne sont pas assujettis à la Loi sur l'équité en matière d'emploi, au contraire des radio-télédiffuseurs. Cela fait partie de notre étude, pour ce qui est de nombreuses dimensions et minorités.

M. Greenspon : La première chose que nous avons faite — ce qui ne répond pas directement à la question au sujet du personnel — que nous avons pensé pouvoir faire avec le journal est de faire en sorte que les pages soient plus représentatives du pays dans son entier côté sélection des photos et des reportages. Notre série« New Canada » est une déclaration que le Globe and Mail d'aujourd'hui n'est pas le Globe and Mail de votre grand-père. C'est un Globe and Mail qui reconnaît la diversité extraordinaire de ce pays, surtout en région urbaine. Nous y avons mis beaucoup de couverture, et nous continuerons de le faire.

Comme c'est le cas de nombreuses organisations, nous n'avons pas une structure d'effectif qui soit pleinement représentative de la diversité du pays. Nous nous démenons avec cela, comme c'est le cas de beaucoup d'autres organisations qui essaient d'établir le bon mélange, étant donné surtout la nature rapide du changement que nous constatons dans le pays. Il est difficile d'en suivre le rythme. Nous nous efforçons très délibérément de faire du recrutement et de la promotion afin que notre personnel reflète mieux la population générale, car cela est également dans l'intérêt de nos affaires et il est logique pour nous de comprendre les principales communautés, et elles sont nombreuses, qui existent dans ce pays.

Mme Stead : L'Université Ryerson étudie cela depuis plusieurs années et compile des données auprès de sources diverses.

Le sénateur Johnson : Ces renseignements viennent de M. John Miller, de Ryerson.

Mme Stead : Nous augmentons certainement la représentation, mais M. Greenspon a raison, nous n'y sommes pas encore. Nous faisons des efforts. Nous faisons des efforts dans le cadre de notre programme d'été et dans le cadre de notre recrutement. Nous avons récemment recruté plusieurs personnes qui reflètent cette représentation.

Il y a également l'autre histoire : même si vous ne pouvez pas refléter pleinement la composition de la population au sein de votre personnel, vous le pouvez dans le cadre de vos reportages. Nous venons de faire la série New Canada et nous avons un journaliste qui se consacre à plein temps à l'immigration et qui traite de sujets intéressants en la matière. Mme Jan Wong vient tout juste de faire une série sur le quartier chinois. Mme Petti Fong, à Vancouver, fait des reportages semblables à Vancouver. Mme Wong a également passé une longue période de temps dans une communauté très intéressante de Toronto du nom de Thorncliffe Park, et elle a ainsi pu expliquer cette merveilleuse communauté multiculturelle aux Canadiens. Tout récemment, à Toronto, nous avons un journaliste et un photographe qui ont passé un mois à Regent Park, un autre quartier à composition ethnique très diverse, et leur but n'était pas simplement d'écrire une histoire, mais bien d'y habiter et de vivre eux-mêmes l'expérience.

M. Martin : Vous trouverez sur la page en regard de l'éditorial du Globe and Mail et sur de nombreuses autres pages toute une gamme de voix différentes. N'importe quel jour, vous y trouverez des personnes de tous les groupes ethniques et de toutes les régions du pays. Nous en sommes très fiers. Hier, M. Joseph Wong a parlé de la question sino- japonaise. Les communautés juive et musulmane sont également chez elles sur notre page en regard de l'éditorial, ainsi que sur la page arrière et ailleurs dans le journal.

Sur une note personnel, maintenant, j'aimerais indiquer que le Globe and Mail souffre de ce dont souffrent de nombreuses institutions. Nombre de nos employés travaillent chez nous depuis longtemps. La nature changeante du Canada est dramatique.

Si vous m'aviez interrogé au sujet de la composition ethnique de l'équipe du journal il y a 25 ans, vous auriez peut- être été surpris qu'il n'y ait pas eu davantage de voix italiennes et grecques et autres. Nous avons aujourd'hui ces voix- là et nous nous efforçons maintenant de rattraper du côté de ces autres voix qui doivent être représentées au journal.

Le président : Quelle est la proportion des femmes parmi votre effectif?

Mme Stead : Je n'ai pas les chiffres exacts en tête, mais j'imagine que c'est un tout petit peu moins de la moitié.

Le président : Cela vaudrait la peine d'être vérifié.

Mme Stead : Comme l'a souligné M. Greenspon, au cours de mes 30 années au Globe and Mail, il y a eu un changement dramatique : on est passé d'une poignée de femmes journalistes à à peu près la moitié de l'équipe à l'heure actuelle. J'ai l'impression que c'est plus ou moins équilibré.

Le président : Selon mon expérience, les gens surestiment toujours les choses. Je ne dis pas que cela vaut dans votre cas. Mais typiquement, quelque part entre 15 et 20 p. 100, les gens commencent à surestimer le nombre de femmes qui sont présentes au lieu de travail. Dès que l'on approche des 25 p. 100, un nombre étonnant de personnes diront en toute sincérité que c'est un partage 50/50. Alors je vous demanderais de bien vouloir vérifier, s'il vous plaît.

Mme Stead : Oui.

Le sénateur Johnson : Et cela amène la question suivante : en tant que journal quotidien, quel est selon vous votre responsabilité à cet égard? Vous ne pouvez pas refléter tout. Il y a d'autres journaux. Il y a les journaux communautaires et ethniques. J'essaie de déterminer dans quelle mesure il vous incombe d'être représentatif dans votre journal de toutes les minorités du Canada.

M. Greenspon : Cela est important pour nous car nous nous efforçons de parler au pays et d'attirer davantage de lecteurs tout en maintenant notre réputation en matière d'autorité. Si nous ne comprenons pas le pays et les importants courants qui le mènent, alors cela ne rejaillit pas très favorablement sur le Globe and Mail. Les gens vivent une certaine réalité dans ce pays et si de notre côté nous vivons une réalité différente, alors ce n'est pas une bonne chose. Nous nous efforçons de comprendre la réalité des gens qui vivent dans ce pays.

En effet, chaque journaliste qui vient à la table avec ses idées, ainsi que celles d'autres, est un individu qui a des enfants qui vont à l'école, un conjoint qui a d'autres activités, et toutes ces personnes vivent elles-mêmes la réalité canadienne. Elles s'attendent à ce que cela se trouve reflété dans les pages du journal.

Les pages sont dans une certaine mesure un peu moins institutionnelles qu'elles ne l'étaient il y a 20 ans. Tout ne tourne pas autour de ce qui est arrivé hier à la mairie.

L'on s'intéresse à ce qui se passe dans la ville, dans le pays, en Afrique. Nous nous efforçons de cerner davantage de tendances et pas simplement les événements survenus hier, même si les événements sont parfois de très bons moyens d'aborder, en journalisme, les tendances.

Géographiquement, nous ne pouvons bien sûr pas saisir chaque tranche du Canada dans chaque numéro du journal. Mais sur une période de temps raisonnable nous présenterons des reportages essentiels et des récits importants qui parlent aux Canadiens en tant que groupe, que ce soit par région géographique, par groupe ethnique, par groupe mondial ou autrement, selon le découpage que l'on veut faire.

Le sénateur Johnson : J'ai remarqué au cours des deux dernières années environ que vous avez augmenté le cahier« Report on Business » et réduit le cahier arts pendant la semaine, mais que vous compensez la fin de semaine. Les pages consacrées aux arts et à la culture continuent de figurer sous la rubrique des sports ou après les pages sur les sports.

M. Greenspon : Les pages sur les sports figurent en règle générale sous les pages arts et culture dans l'édition nationale, sauf le lundi, où vous aurez des articles sur tous les événements sportifs tenus pendant la fin de semaine.

Le sénateur Johnson : Équilibrez-vous cela dans l'édition de fin de semaine? Je m'intéresse à la culture et je suis les arts. J'aime savoir ce qui se passe dans le monde des arts au Canada.

Allez-vous conserver ce genre de format en ce qui concerne les arts?

M. Greenspon : Sénateur Johnson, la place que nous consacrons aux arts, à la culture et aux divertissements est aussi robuste qu'auparavant, et la proportion du personnel qui s'y consacre l'est certainement aussi. Nous avons des critiques de théâtre, de musique et des arts visuels qui s'y consacrent à temps plein ainsi que de nombreux rédacteurs d'articles de fond sur les arts. Il s'agit là d'un volet important pour nous et je ne pense pas que nous l'ayons diminué en faveur des pages affaires.

La couverture des affaires au cours des 20 dernières années, pour regarder ce que donne une longue courbe dans le temps, a pris de l'ampleur dans la plupart des journaux du monde. L'un des piliers du Globe and Mail est le « Report on Business ». Il n'y a absolument aucun doute là-dessus. C'est un gros élément de notre couverture.

Je ne dirais pas que cela est venu aux dépens de la couverture artistique, pas du tout. Nous venons tout juste d'augmenter notre couverture des arts. Nous venons tout juste de recruter quelqu'un en ColombieBritannique pour augmenter notre équipe à l'extérieur de la région de Toronto.

Le sénateur Johnson : Quelle incidence a sur votre journal, sur le plan concurrence, le National Post ?

M. Greenspon : C'est là à certains égards une grosse question. La concurrence entre le Globe and Mail et le National Post par les temps qui courent ressemble un petit peut à ceci : ma main gauche est sur le Globe and Mail et ma main droite est sur le National Post.

L'écart se creuse à chaque recensement. Les études sur l'effectif-lecteurs de la NADbank ou les études sur les tirages de l'Audit Bureau of Circulation déterminent le taux de croissance et ainsi de suite dans notre industrie. Avec chaque nouveau jeu de chiffres, l'écart se creuse entre nous.

Comme je le disais, nous sommes en croissance, mais cette croissance est lente. Nous avons augmenté de 2 ou 3 p. 100 au cours de la dernière année tandis que le Post recule. Ce n'est plus notre obsession quotidienne.

M. Martin : Vous avez posé une question au sujet de la composition de notre effectif selon le sexe. Dans mon petit secteur, j'ai 16 subordonnés directs. Vous avez raison; ce n'est pas tout à fait moitié-moitié. J'ai 16 journalistes sous responsabilité directe, dont six sont des femmes et dix sont des hommes.

Le président : J'ai vu de pires scénarios, mais je parie que vous pensiez que le pourcentage était plus élevé que cela.

M. Martin : En effet.

Le sénateur Milne : Quelle incidence a globeandmail.com sur vos autres produits? Il n'y a aucun doute que c'est fonction de l'âge des gens. Les jeunes lecteurs passent beaucoup plus de temps sur l'Internet que les personnes de mon âge.

Cela a-t-il une incidence sur vos ventes ou estce en train de les augmenter?

M. Greenspon : Au Globe and Mail, il n'y a pas la moindre preuve que cela entame le chiffre de tirage. Le tirage augmente, mais l'industrie des journaux est une industrie mûre. Après 161 ans, vous n'allez pas voir de croissance très rapide.

Le sénateur Milne : Cela augmente au fur et à mesure qu'augmente la population.

M. Greenspon : Oui. Et la population n'augmente pas rapidement non plus, mais elle augmente. Nous sommes très encouragés par les derniers chiffres de l'Audit Bureau of Circulation, qui sont sortis la semaine dernière, et qui montrent que trois journaux canadiens sont à la hausse, et nous comptons parmi ces trois. Je crois même que c'est nous qui affichons le taux de croissance le plus élevé parmi les trois et certainement le tirage de la plus haute qualité. Les abonnements payants sont notre plus fort secteur de croissance.

L'Internet es en train de croître beaucoup plus vite que le journal.

Le sénateur Milne : De 25 000 à 250 000 en l'espace de cinq ans.

M. Greenspon : Sur une base quotidienne.

Le sénateur Milne : Et s'agit-il là d'abonnements payés?

M. Greenspon : Les gens ont plusieurs façons d'accéder à notre produit sur l'Internet. Le véhicule le plus large est globeandmail.com, qui est appuyé par les annonceurs et gratuit. Nous avons également une chose appelée INSIDER Edition. Environ 10 p. 100 de notre contenu est versé à l'INSIDER Edition, et les abonnés doivent payer pour accéder à ce site. Puis nous avons nos sites financiers, et Globeinvestor est un site accessible gratuitement, tandis que globeinvestorGOLD.com est un site à abonnement.

Je pense que tout le monde tente des expériences. L'on peut voir que le Wall Street Journal n'a pour son site qu'un accès abonnement. Il a récemment lancé quelques petites expériences en en ouvrant quelques parties à des heures données. Le New York Times a déjà eu un site de type gratuit, mais il a lui aussi tenté certaines expériences.

Le sénateur Milne : J'achète le New York Times pour avoir les mots croisés.

M. Greenspon : Vous payez pour un certain contenu, le contenu qui vous est le plus précieux, comme par exemple les mots croisés. Chacun cherche sa voie à tâtons dans l'industrie, et vous payez votre journal, n'est-ce pas?

Le sénateur Milne : Oui. Je suis inquiète parce que je ne veux pas voir disparaître les journaux au sens traditionnel.

J'avais espéré vous entendre dire que le jeune qui s'abonne d'abord au service gratuit en ligne, pour ensuite s'abonner en bonne et due forme en ligne, finirait par choisir de lire un vrai journal.

M. Greenspon : C'est là notre attente et notre espoir. Le quart de nos lecteurs sont âgés entre 18 et 34 ans. Ce n'est pas qu'ils ne sont pas nombreux dans cette catégorie.

Notre attente est qu'au fur et à mesure que les gens s'attachent à la société, c'es-à-dire qu'ils achètent une maison, fondent une famille, envoient leurs enfants à l'école et ouvrent leur premier REER, il est plus probable qu'ils deviennent lecteurs. C'est toujours cette tendance que l'on constate. Cela étant dit, à l'échelle internationale, l'industrie se préoccupe beaucoup de ces questions et de ces tendances que vous avez soulignées.

Il semblerait que les quotidiens des régions métropolitaines accusent de plus sévères baissent de leur tirage que notre type de journal national de qualité supérieure.

Le sénateur Milne : Avez-vous fait des études démographiques de votre effectiflecteurs, en dehors de celles que vous avez mentionnées?

Je ne suis pas membre régulière du comité alors je n'ai pas entendu ce groupe de témoins.

Monsieur Greenspon, vous avez parlé de la nature très rapide du changement dans le pays. Vous disiez bien qu'environ 35 p. 100 de vos lecteurs sont âgés de moins de 35 ans?

M. Greenspon : Ving-cinq pour cent de nos lecteurs sont âgés de moins de 35 ans.

Le sénateur Milne : Le lien entre la presse écrite et la télévision atil une incidence sur ces chiffres?

Percevez-vous un gain ou une perte du fait qu'il y ait davantage de contrôle gouvernemental chez CTV, en tout cas plus que chez votre journal?

Vous sentez-vous menacé par le contrôle gouvernemental exercé sur la télévision? Craignez-vous que cela finisse par déborder sur les journaux?

M. Greenspon : Permettez-moi d'aborder l'aspect philosophique de votre question. Mme Stead s'occupe beaucoup des arrangements de partenariat et elle voudra peut-être dire quelque chose au sujet des avantages ou des coûts qu'elle relève dans le cadre de ces arrangements.

Sur le plan philosophique, vous avez raison, et un autre sénateur a parlé de cela également, c'es-à-dire la réglementation de la radio-télédiffusion par opposition à la presse écrite. Nous nous inscrivons dans une tradition de liberté de la presse vieille de plusieurs centaines d'années et dans laquelle les gouvernements n'interviennent pas dans les affaires des journaux et les journaux vivent ou meurent en fonction des choix de leurs lecteurs dans un « marché d'idées » libre, pour citer John Milton.

Étant donné la rareté des ondes, la radiodiffusion a commencé en tant qu'industrie réglementée. Nous ne voudrions pas menacer les centaines d'années de tradition qui ont fait de la presse une industrie robuste dont nous pensons qu'elle est essentielle au bon fonctionnement d'une société démocratique, pour faire basculer celleci dans la sphère de la radiodiffusion.

Nous n'avons pas du tout ressenti ce genre de froid. Cette question ne figure pas sur notre écran radar depuis l'absorption du Globe and Mail par Bell Globemedia. Sur un plan philosophique, j'estime qu'il s'agit d'une liberté qui vaut la peine d'être préservée et défendue, mais c'en est une qui n'est selon nous pas menacée.

Mme Stead : Si vous me permettez d'éclaircir un autre point, l'étude Ryerson dont j'ai parlé est une étude des salles de presse. Ryerson a mené un sondage pour déterminer combien de femmes et de membres de minorités visibles se retrouvent dans des postes de gestion, et ainsi de suite. Le sénateur Johnson est très au courant de cette étude.

Les journalistes trouvent la convergence utile car cela les aide lorsque surgissent de grosses affaires. M. Greenspon a, dans ses remarques liminaires, mentionné un certain nombre d'événements du genre, comme par exemple la tuerie des agents de la GRC à Mayerthorpe.

Nous avons une seule journaliste à Edmonton, Katherine Harding, qui travaille toute seule. Il est très difficile pour elle de couvrir seule toute la partie nord de la province. Le fait qu'elle ait des collègues qui lui diront qu'une affaire vient de se déclarer, afin qu'elle n'ait pas à surveiller tout en permanence, nous rend bien service. En un sens, la convergence est utile.

À Vancouver, la convergence a aidé lors de la nouvelle-choc de l'incendie de Quatsino où tous ces enfants sont morts de façon si horrible. Encore une fois, nos collègues chez CTV nous avaient très vite alertés.

C'est là en réalité l'aspect le plus utile de la convergence, soit recueillir les renseignements, les tuyaux qui sont à la portée de tout le monde, et avoir la capacité de concurrencer les très grosses entreprises.

Nous collaborons nous aussi pour certaines choses, mais cela a tendance à se limiter à quelques personnes seulement. Les journalistes spécialisés dans le domaine de la santé sont très bons et ils trouvent que ce travail en commun fonctionne très bien pour eux.

Nous avons co-financé certaines études, par exemple une sur la teneur en matières grasses des aliments. Nous avons participé conjointement à des études sur l'état de santé physique des gens à travers le pays ainsi que sur les additifs dans les aliments que nous consommons. C'est une façon de réunir nos deux organisations pour qu'ensuite chacune raconte ses propres histoires et livre les renseignements aux gens à sa manière.

Ce n'est peut-être pas quelque chose que nous aurions entrepris sur une telle échelle si nous n'avions pas également eu de l'aide de la part de CTV pour payer une partie des études et du reste. En un sens, cela nous a été utile.

Cependant, la vérité est que cela surgit deça, delà, et qu'il y aura bien des jours au cours desquels les journalistes n'auront pas beaucoup de contacts entre eux, chacun faisant son boulot de son côté.

[Français]

Je cède la parole à madame le sénateur Chaput. Ensuite j'aurai moi-même quelques questions à poser et on commencera la deuxième ronde de questions.

[Traduction]

Le sénateur Chaput : Dans votre exposé, vous dites que les politiques pourraient être différentes selon l'endroit où le journal est implanté. Vous aije bien compris?

M. Greenspon : Des locaux partagés dans certains cas, oui.

Le sénateur Chaput : Ma question concerne les contrats. Plusieurs témoins ont critiqué les contrats que certains journaux imposent à leurs collaborateurs pigistes. À titre d'exemple, ce pourrait être la rétention des droits d'utilisation.

Quelle est la politique du Globe and Mail en ce qui concerne les contrats passés avec des pigistes?

M. Martin : Les journalistes pigistes signent un contrat de collaborateur pour la page en regard de la page de l'éditorial. Ils s'engagent à respecter notre exigence que nous détenions des droits exclusifs de première publication de leurs écrits et nous reconnaissent également des droits électroniques non exclusifs pour la banque de données du Globe and Mail. Leurs articles sont versés à nos ressources.

Mme Stead est peutêtre au courant de la situation des journalistes pigistes, mais ceux qui écrivent des articles d'opinion ou autres signent un contrat à cet effet.

Le sénateur Chaput : Ressemble-t-il au contrat chez les autres journaux?

M. Martin : Je ne peux pas répondre à cette question. Je ne connais que nos contrats. Chaque collaborateur pigiste signe un contrat. Cela a pour objet de nous protéger de telle sorte que lorsque nous entreposons ces articles dans notre banque de données électroniques il soit clairement entendu que les auteurs nous y ont autorisés.

Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, c'est vous qui détenez les droits d'auteur.

M. Martin : Non. Ils conservent les droits d'auteur. Nous, nous achetons les droits de première publication, c'est-à- dire que nous publions l'article une fois, et une fois seulement, car c'est ce droitlà que nous achetons ainsi que les droits électroniques non exclusifs. Ils sont libres de prendre le même papier et de l'offrir ailleurs une fois qu'il a été publié dans le Globe and Mail, ce par accord mutuel, en règle générale 24 heures après sa première parution. S'ils le désirent, ils peuvent le proposer à CBC, à Global ou à un autre journal.

Le sénateur Chaput : Peuvent-ils être payés à nouveau?

M. Martin : Ce sont eux qui détiennent les droits d'auteur.

Le président : Il est intéressant, monsieur Greenspon, que vous ayez embauché 20 journalistes ou cueilleurs d'information pour l'Internet.

M. Greenspon : C'est en effet ce que nous avons fait lorsque nous avons lancé le site Internet en l'an 2000.

Le président : Combien d'employés comptez-vous à l'heure actuelle pour ce site Internet?

M. Greenspon : À peu près le même nombre.

Le président : Comment cela fonctionne-t-il? Ces journalistes supplémentaires travaillent-ils conjointement avec les journalistes de la presse écrite? Retravaillent-ils les reportages de la presse écrite aux fins de l'Internet?

M. Greenspon : J'aimerais pouvoir vous donner une réponse claire et nette, mais je vais plutôt passer en revue avec vous la façon dont cela fonctionne. Cela n'est ni totalement distinct ni totalement intégré. Lorsque nous avons lancé globeandmail.com, nous avons pensé qu'il lui fallait des journalistes réservés, pour servir l'intérêt du Web, étant donné surtout la taille du quotidien à l'époque comparativement au Web. Nous avions pensé que l'intérêt du Web ne serait peut-être pas servi à moins d'yconsacrer des journalistes spécialisés. Nous avions également pensé qu'en vue de tirer profit de la connaissance des journalistes du Globe and Mail, nous voudrions peut-être que les journalistes de la presse écrite contribuent également au Web. Le journal sort une fois par jour sur un échéancier de 24 heures, mais le Web est continu. Si un journaliste découvre quelque chose de fascinant à 15 h, nous voulons que le Web le mette à la disposition des lecteurs à 15 h. La seule exception survient lorsqu'il s'agit d'un scoop fabuleux, auquel cas nous voudrions que cela paraisse d'abord dans le journal.

Comme vous le savez, cela arrive souvent qu'un journaliste soit seul au courant d'une affaire pendant une ou deux heures. Autant diffuser tout de suite une nouvelle afin que les gens en prennent connaissance le plus rapidement possible. Nos journalistes de la presse écrite comprennent qu'ils travaillent pour le journal et pour le Web. Cependant, nos journalistes qui travaillent pour le site Web ne font que cela. Notre chroniqueur affaires, pour le site Web, M. Matthew Ingram, travaille quant à lui principalement pour notre site Web, mais pas exclusivement, car ce qu'il écrit pour le Web est si bon que nous l'utilisons le lendemain dans le journal. Il ne s'agit donc pas d'une relation tranchée, mais bien d'une relation en évolution, qui a pour objet de servir dans toute la mesure du possible les deux intérêts.

M. Martin : Si vous permettez, il existe d'autres exemples qui vont dans le sens contraire. Le membre de globeandmail.com qui est responsable du club de lecture en ligne assiste à notre réunion hebdomadaire du club de lecture afin d'avoir une bonne idée de ce que nous allons couvrir. Nous discutons ensemble du livre qui serait le meilleur choix pour l'extrait dans notre chronique« Chapter One » ou du livre à retenir pour le « Book Club ». Il est prévu qu'il y ait un certain va-et-vient.

La rubrique « Chapter One » propose chaque semaine en ligne le premier chapitre d'un livre d'importance. Si une personne le désire, elle peut demander un nouveau titre qui vient tout juste pendant la semaine de faire l'objet d'une critique. Le premier chapitre du livre pourrait alors être affiché sur le site Web de notre « Book Club ». Les maisons d'édition sont ravies de collaborer, même si au départ elles ont été plusieurs à hésiter à donner quoi que ce soit gratuitement. La clé est qu'une fois qu'un livre vous a accroché, vous allez sans doute vouloir l'acheter pour lire la suite. Nous faisons cela chaque semaine et il y a en la matière un certain va-e-vient.

Le président : D'après votre description, les journalistes qui couvrent les nouvelles du jour pour The Globe and Mail, et je ne parle pas des journalistes enquêteurs qui travaillent peut-être sur une histoire pendant un mois, fonctionnent selon un cycle de 24 heures à la manière des émissions radiophoniques de nouvelles continues.

Quelle incidence cela a-t-il sur leur capacité de rechercher les faits, de fouiller davantage et de faire des appels téléphoniques pour recueillir des informations?

M. Greenspon : Nous étions très sensibles au fait que nous ne voulions pas entraver leur capacité de prendre le temps nécessaire pour faire le travail de reportage original. Nous avons toute une variété de modèles, de telle sorte que si un journaliste apprend qu'il se passe quelque chose, il ou elle peut communiquer avec le « bureau de réécriture », qui est un vieux concept de l'industrie des journaux que nous avons ressuscité dans l'industrie du Web. Le journaliste peut dire au rédacteur du bureau des réécritures ce qui se passe et il y aura un débreffage; cela peut prendre trois à cinq minutes.

Ils savent tous que la principale mission d'un reporteur de journal est de servir le journal et que sa deuxième mission est de servir le Web. C'est ce qui se passe le samedi lors de congrès politiques. Le site Web est notre journal en continu de sorte que lorsqu'un chef est choisi lors d'un congrès à la chefferie un samedi, les journalistes envoient tout de suite leur reportage à globeandmail.com. Puis, comme c'est le cas de tous les journalistes, il leur faut trouver un autre angle pour le lundi.

Nous ne voyons pas le Web concurrencer le Globe and Mail, mais il ne faut pas oublier que nous vivons dans un monde où, avec la télévision et la radio de nouvelles en continu, auxquelles s'ajoutent d'autres sites Web, les gens veulent leurs nouvelles tout de suite. Je me plais à dire que c'est toujours « à l'heure sur globeandmail.com » parce que vous n'attendez pas 17 h pour les actualités. Les nouvelles sont disponibles lorsque le lecteur les veut.

Mme Stead : Les 20 journalistes travaillant pour globeandmail.com et dont M. Greenspon a parlé sont des reporteurs et des rédacteurs. Je ne regardais pas le Web ce soir mais lorsque nos journalistes sont sur la Colline pour suivre des votes, par exemple, nous avons toujours également un journaliste de globeandmail.com qui suit à la télévision afin de pouvoir afficher des nouvelles instantanées. L'objet ici est de battre le service de dépêches pour annoncer le résultat du vote. Ces journalistes travaillent de leur côté, loin des journalistes sur le terrain qui participent aux mêlées de presse pour glaner d'autres nouvelles. Une partie du rôle de ces 20 journalistes est d'obtenir le plus rapidement possible les nouvelles-choc de dernière heure.

Le sénateur Milne : Lorsque vous dites qu'ils suivent à la télévision, entendez-vous par là qu'ils regardent CPAC?

Mme Stead : Ils regardent CPAC afin de pouvoir gratter tout de suite l'article.

Le président : Combien les gens doivent-ils payer pour cette couche supplémentaire d'accès à vos sites Internet?

M. Greenspon : Vous voulez parler des sites Web?

Le président : Oui.

M. Greenspon : Je pense qu'un non-abonné au journal paye 14,95 $ par mois, mais c'est peut-être 13,95 $ par mois.

Le président : Disons que c'est 14,95 $.

M. Greenspon : Pour un abonné au journal, le prix est très réduit, s'établissant, je pense, à 6 $ par mois.

Mme Stead : Mais cela ne compte que pour 10 p. 100 du site. Pour ce qui est de « Breaking News » et de tout le reste, c'est gratuit.

Le président : Clairement, comme tout le monde, nous essayons de cerner quels modèles ont les meilleures chances de survivre et de maintenir en place en quantité nécessaire les établissements de cueillette d'informations dont nous avons besoin.

M. Greenspon : C'est là un point important, car le bon journalisme exige un investissement dans la cueillette d'informations, qui n'est pas une chose gratuite. Les gens sont prêts à payer s'ils pensent qu'ils obtiennent de la valeur en retour, sur le Web ou ailleurs.

Pendant que vous vous faites vos recherches, nous autres expérimentons différents modèles pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. C'est ainsi que doit fonctionner une entreprise : elle tente des choses et elle vérifie si ses clients — dans notre cas nos lecteurs — aiment ou n'aiment pas ou y trouvent de la valeur.

Le président : Qu'est-ce qui ne fonctionne pas?

M. Greenspon : Je ne connais rien qui ne fonctionne pas sur le Web; que je sache, il n'y a rien qui ne n'y fonctionne pas. Nous avons constaté une croissance énorme, et je vous l'ai expliquée, quant au nombre de personnes qui recourent à globeandmail.com. Le service à large bande devient de plus en plus sophistiqué, s'améliore et est de moins en moins coûteux à exploiter. La diffusion sur le Web crée des auditoires de plus en plus spécialisés.

Nous vivons les débuts d'un nouveau médium. Lorsque nous nous y repencherons d'ici 10 ou 20 ans, les gens auront vécu des moments véritablement « eureka » que nous ne pouvons même pas imaginer.

Le président : Le Sénat a une Webdiffusion sonore. Nous ne nous sommes aventurés que jusque-là, mais la suite s'en vient.

Combien de personnes travaillent dans votre salle de presse?

M. Greenspon : Au total, quelque 350 journalistes travaillent à temps plein pour The Globe and Mail, et il y a également des journalistes pigistes qui ont des contrats réguliers avec le journal.

Le président : Je ne suis pas certaine d'avoir compris. Ce chiffre englobe-t-il l'Internet?

M. Greenspon : Oui, cela inclut l'Internet.

Le président : Cela englobe-t-il l'opération tout entière?

M. Greenspon : Cela inclut la revue, l'Internet, le journal, y compris les bureaux nationaux et les bureaux à l'étranger.

Le président : Cela m'amène à ma question suivante. Vous avez sept bureaux à l'étranger.

M. Greenspon : Oui, nous avons sept bureaux à l'étranger, et qui emploient environ 12 personnes.

Le président : Vous êtes parmi les dernières organisations médiatiques au Canada qui semblent accorder une grande priorité au maintien de bureaux à l'étranger. Comment cela se fait-il?

M. Greenspon : Je ne peux qu'essayer de deviner pour quelle raison les autres ne font pas de même. Je n'en sais vraiment rien. Nous le faisons car les nouvelles étrangères, notamment en ce qui concerne le monde des affaires, sont un pilier important qui croît en importance. Je vais demander à M. Martin, en tant qu'ancien rédacteur étranger, d'essayer d'expliquer ce que nous faisons et pourquoi nous considérons que cela est important.

Cependant, dans le cadre de toutes les recherches que nous ayons jamais entreprises auprès de nos lecteurs, les nouvelles étrangères ont toujours compté parmi les rubriques qui intéressent le plus les gens dans The Globe and Mail. Cela vaut tout particulièrement dans le cas de nos lecteurs, qui se démarquent des lecteurs des autres médias par une caractéristique démocratique essentielle, soit le niveau d'instruction. Nos lecteurs s'intéressent à ce qui se passe dans le monde. J'oserais même dire qu'ils sont encore plus intéressés par la mondialisation.

Je pense, bien que ce soit là davantage anecdotique qu'analytique, que dans le monde de l'après 11 septembre,ils sont encore plus intéressés. J'ai entendu dire qu'avantle 11 septembre, personne n'avait jamais entendu parler du Taliban, et qu'après le 11 septembre, les gens pouvaient décrire l'Iraq comme étant un pays composé de Sunnis, de Shiites et de Kurdes.

Le niveau de sophistication est très élevé car les gens comprennent que ce qui se passe ailleurs dans le monde est très important pour eux, tant pour leur intérêt propre que pour leurs valeurs, comme nous l'avons constaté dans le cas de la couverture de l'Afrique.

M. Martin : Je sais, m'appuyant sur ce que j'ai vécu dans le Moyen-Orient et en tant que rédacteur des nouvelles étrangères que les lecteurs réagissent très fortement à nombre des reportages que nous publions.

Nous avons tendance à détacher nos correspondants dans des endroits de grand intérêt, par exemple en Chine, à Moscou, au Moyen-Orient et en Afrique, où nous avons eu une présence cyclique car, tristement, ce sont des endroits du monde qui n'ont pas engendré le genre de réaction publique que nous aurions espérée. Il semble que cela soit en train de changer.

Nous aimerions néanmoins en retirer un certain crédit car des personnes comme Stephanie Nolen ont travaillé fort dans des régions comme le Darfour pour porter cela à l'attention des gens.

Cependant, la réaction des lecteurs que j'ai constatée pendant ces périodes, et que je constate aujourd'hui dans le courrier des lecteurs, est phénoménale. Nous nous efforçons de servir nos lecteurs et le grand public, et ceux-ci manifestent un grand intérêt pour ce que nous leur livrons.

Je sais d'expérience que les gens réagissent à ces dossiers : je sais, du fait de ma participation occasionnelle à une émission sur les affaires étrangères de TV Ontario que cette émission suscite des réactions énormes. Aujourd'hui à Ottawa des gens de Peterborough m'ont dit « Tu es le type de TVO ».

Il existe un appétit énorme pour les nouvelles étrangères. La question de la sécurité en fait partie; la mondialisation en fait partie; et le fait que les Canadiens voyagent de plus en plus en fait partie. Il s'agit d'un domaine dans lequel de nombreuses autres organisations médiatiques ont loupé le coche. C'est coûteux, et c'est sans doute ce pourquoi ils n'ont pas de bureaux à l'étranger.

Le président : Combien cela vous coûte-t-il de maintenir un bureau à l'étranger?

M. Martin : Il en coûte environ 250 000 $ par an pour maintenir un bureau à l'étranger.

Le président : Quelle est la différence entre avoir votre propre bureau dans ces différents endroits et ce que vous obtiendriez des différents services de nouvelles experts de par le monde — The New York Times, The Guardian — ou du fait d'envoyer simplement des journalistes là où vous pensez qu'il se passe quelque chose qui mérite d'être couvert?

M. Martin : Nous ne faisons pas que couvrir le monde à travers les yeux de nos correspondants, bien que ce soit là un volet énorme de notre travail. Nous savons que les correspondants étrangers ne peuvent pas couvrir toute l'actualité. Nous avons le luxe d'avoir tous ces services que vous venez de décrire ainsi que la possibilité d'envoyer nos propres journalistes en zone névralgique. Je suis allé passer un mois en Iraq en juin et en juillet dernier car ce me semblait être la bonne chose à faire pour qu'il y ait quelqu'un sur place à ce moment-là. C'était une histoire formidable.

Rien ne remplace l'œil chevronné d'un correspondant étranger qui apporte au dossier un bagage et une perspective canadiens. Cela revêt une importance vitale quant à la façon dont nous rapportons ce qui se passe dans ces régions pour notre auditoire.

M. Greenspon : Sénateur, pendant la guerre de l'Iraq, nous avons eu quatre correspondants, dont Stephanie Nolen. Elle a passé toute la guerre en région kurde en Iraq. Les histoires qui sont sorties sont très différentes de ce qu'aurait rapporté la presse britannique ou la presse américaine.

Elles ont été différentes parce qu'elles ne passaient pas toutes par le prisme de l'intérêt stratégique de ces pays. Elles étaient différentes parce qu'elles mélangeaient à l'histoire stratégique d'ensemble des histoires d'intérêt humain. À bien des égards, je pense qu'elles ont été uniquement canadiennes.

Dans d'autres endroits, vous verrez des histoires qui mettent l'accent sur ce que des Canadiens font dans le monde. C'est le cas de nombre de nos reportages sur l'Afrique.

L'an dernier, nous avons envoyé dix personnes en Chine dans le cadre d'un très ambitieux projet visant à essayer d'aider nos lecteurs à comprendre les deux grandes forces dans le monde d'aujourd'hui et l'incidence qu'elles auront sur leurs vies. Il y a tout d'abord eu la question entourant les croyances islamiques radicales, et l'autre dossier a été le changement économique, culturel, stratégique et militaire en Chine. Nous voulions livrer ces renseignements à nos lecteurs.

Les réactions ont été phénoménales. Nous avons épuisé les stocks de Globe and Mail partout au pays ce samedi-là. Cela avait été un petit peu risqué de prendre tout un numéro du journal et d'y utiliser un lettrage correspondant à une langue autre que celle de nos lecteurs. Nous avions jugé que c'était une histoire importante et nous voulions la livrer et préparer nos lecteurs à l'avenir qui se dessine.

La réaction est toujours remarquable. Vous faites l'investissement et cela paye. Vos lecteurs comprennent que vous êtes là pour eux, achètent le journal puis s'y abonnent à cause de vos efforts.

Le sénateur Milne : Comptez-vous faire des articles semblables au sujet de l'Inde?

Le sénateur Ruth : À la page 9 de votre mémoire, vous discutez du conflit de la presse avec des institutions comme les gouvernements, l'appareil judiciaire, et ainsi de suite.

Vous utilisez des termes que je considère comme forts dans vos constats du genre « mauvaise application des lois en matière d'accès à l'information », « application trop zélée des lois en matière de protection de la vie privée », ou « conflits amenés par les tendances de certains éléments du système judiciaire ».

Dans le contexte de cette soif générale de nouvelles, si ces choses étaient assouplies et que vous aviez un meilleur accès à l'information, et si les juges ne faisaient pas ce qu'ils font, en quoi cela vous aiderait-il sur le plan de la concurrence?

M. Greenspon : Je n'ai pas soulevé cette question dans le contexte de la concurrence. C'est une préoccupation qui est partagée par tous les médias; c'est une question de société ouverte; c'est une question de capacité de rapporter les nouvelles. La question n'est pas celle du Globe and Mail par opposition à n'importe quelle autre entreprise médiatique. En fait, dans bien des cas, nous nous joignons à d'autres médias pour tenter de faire lever une interdiction de publication ou pour que soient rendues publiques des audiences tenues à huis clos.

Nous appuyons le National Post dans une affaire concernant Andrew MacIntosh et les tentatives de la GRC d'accéder à un document divulgué clandestinement. Nous intervenons à notre sens au service d'un intérêt général.

Nous considérons qu'il y a bel et bien des cas d'application erronée des lois en matière d'information. Les soidisant « lois d'accès à l'information » bloquent souvent la divulgation d'informations qui devraient selon nous être rendues publiques. C'est ainsi que nos journalistes ont très tôt été entravés lorsqu'ils ont tenté de se renseigner au sujet des commandites. On leur a bloqué l'accès à de l'information qu'ils auraient à notre sens dû obtenir.

Je vais vous donner un exemple de ce que je considère comme étant une utilisation absolument ridicule des lois en matière de protection de la vie privée. Nous avons pour le Jour du Souvenir de l'an 2000 fait un reportage sur les anciens combattants de la Première Guerre mondiale. Nous voulions rendre hommage à tous les anciens combattants canadiens de la Première Guerre mondiale qui étaient toujours en vie, ce dans le cadre d'un article à leur sujet. Je pense qu'ils ne sont plus qu'une quinzaine environ. Même si le ministère des Anciens combattants voulait nous fournir des renseignements et travailler avec nous, il a jugé qu'il ne pouvait pas divulguer ces renseignements à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il ne pouvait même pas contacter ces personnes pour notre compte pour voir si elles étaient d'accord pour que quelqu'un du Globe and Mail s'entretienne avec elles.

Nous avons eu énormément de mal à trouver la liste des victimes canadiennes dans l'écroulement des tours du World Trade Center. C'est frustrant pour nous. Dans de nombreuses affaires d'immigration, dans le cadre desquelles nous croyons qu'un certain intérêt public est en jeu, nous avons le sentiment que les fonctionnaires se cachent derrière les lois en matière de protection de la vie privée alors qu'il n'était pas prévu que celles-ci soient si strictes.

Nous respectons la vie privée des gens. Notre code de conduite impose certaines limites quant aux situations dans lesquelles nous ne donnons pas l'identité des gens. Il existe certaines interdictions légales que nous respectons, par exemple la Loi sur les jeunes contrevenants, dont nous comprenons la raison d'être et l'objet. Je ne parle pas ici en tant qu'absolutiste; je parle de l'application relative ou de ce que nous interprétons comme un détournement de certaines de ces lois.

Mme Stead : Nous avons certainement joué un rôle de militant au sujet de diverses choses, ce pour tenter d'ouvrir les tribunaux, et dans plusieurs cas nous n'avons pas été seuls. Je citerai tout particulièrement la CBC et le Toronto Star, qui sont eux aussi intervenus. J'ai une liste qui inclut l'affaire Bernardo et l'enquête de la commission Gomery. Il y a également la fameuse affaire dite Dagenais qui a ouvert davantage de renseignements aux médias. Nous avons été très actifs s'agissant d'obtenir la diffusion de documents dans le procès au sujet de l'affaire Air India.

Il est coûteux d'obtenir ces informations et ce n'est pas forcément avantageux pour nous. Les renseignements sont souvent livrés en même temps à tous les médias, mais nous croyons fermement dans le droit du public de savoir. C'est pourquoi nous jouons un rôle de militant à cet égard. Nous avons deux membres qui siègent au Comité des affaires juridiques de l'ACJ. Nous travaillons également procès par procès.

Comme l'a dit M. Greenspon, nous avons appuyé le National Post dans un procès concernant des tentatives livrées par le gouvernement pour obtenir un document ayant pu faire l'objet d'une fuite. Nous sommes également intervenus dans l'affaire de Julie O'Neill, ajoutant notre appui à celui des autres médias. Nos avons de fermes convictions quant à notre rôle pour essayer de faire avancer cette cause.

Le sénateur Ruth : Je demeure marqué à jamais par l'affaire de la Canadian Newspapers Co. devant la Cour suprême du Canada et au cours de laquelle le Globe and Mail a voulu publier les noms des victimes de viol. Je n'ai jamais oublié cette affaire.

Le président : Même certains d'entre nous journalistes ne trouvaient pas que c'était une bonne idée.

Le sénateur Tkachuk : Le contribuable canadien finance la CBC, qui est en concurrence avec votre société sœur, CTV.

Pourquoi n'estil pas approprié que le gouvernement finance un quotidien national, comme l'a suggéré Patrick Watson?

M. Greenspon : J'ai parlé avec M. Watson de la suggestion d'une « CBC de la presse écrite », pour reprendre la formule qu'il emploie. J'ai dit qu'avec les valeurs qu'il a énoncées, nous avons la CBC de la presse écrite sans qu'il faille que le gouvernement en soit le propriétaire. The Globe and Mail est tout à fait la CBC de la presse écrite. Le journal a pour vocation le journalisme de qualité. Il investit dans son journalisme, il accomplit des fonctions de service public et le gouvernement n'en est pas propriétaire.

Il semble que ce soit pour moi un pas nécessaire, un pas qui a été franchi dans d'autres pays et qui aboutit à une situation où les organes de l'État ne rapportent pas les faits de façon équitable et fidèle. Ils ont à cœur les intérêts de l'État. Il me semble qu'il y a là une certaine redondance et que ce n'est pas la meilleure utilisation à faire des fonds publics ni un bon précédent à établir.

Le sénateur Tkachuk : Cela n'est pas arrivé dans le cas de la CBC.

M. Greenspon : Non, cela n'est pas arrivé à la CBC. Il y a un certain nombre de cas très connus dans lesquels certains prétendent que c'est ce qui est arrivé, mais il n'y en a pas eu beaucoup, heureusement, ces dernières années. Vous avez raison. La BBC et la CBC sont, cela est évident, de très bonsradio-télédiffuseurs publics.

Le sénateur Tkachuk : Est-il possible que la CBC lance un journal sur le Web? Je pense que oui, et j'aimerais savoir si vous êtes du même avis que moi. Elle n'a pas besoin d'un journal. Elle pourrait avoir un journal qui serait très différent de la CBC mais qui serait un journal Internet public.

M. Greenspon : Les deux principaux intervenants dans le domaine de la livraison de nouvelles-choc de dernière minute sur le Web sont globeandmail.ca et cbc.ca, qui, toutes deux, font un bon travail.

Je sais qu'il y a déjà eu des débats quant à savoir s'il s'agit là d'une bonne utilisation des ressources de la CBC. Voilà ce qu'est la convergence. Peut-être que ce sera une version électronique d'un journal, mais une version électronique de journal n'est en réalité pas un journal. Comme je l'ai dit, l'Internet offre des qualités uniques. Un journal présente lui aussi des qualités uniques. Vous pouvez le toucher, le sentir, le tenir et vous le frotter contre le visage. Il est portable. Il a une certaine vitalité, surtout avec l'utilisation de la couleur et la révolution qui s'opère côté disposition et mise en page. Peutêtre que la CBC ira dans cette direction-là. Je dirais qu'elle est aujourd'hui le principal concurrent de globeandmail.com sur le Web pour ce qui est des nouvelles toutes fraîches, et nous sommes heureux de l'y concurrencer.

Le sénateur Milne : Je suis une accroc des quotidiens, et je les lis avec un appétit vorace. Je crois très fermement dans la liberté de la presse et dans votre droit de protéger vos sources.

Je trouve que c'est une juxtaposition plutôt intéressante de dire que les gouvernements ne devraient pas abuser des lois en matière de protection de la vie privée alors que vous vous êtes complètement libres de protéger vos sources.

M. Greenspon : Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire.

Le sénateur Milne : Ce que je dis c'est que vous avez un système de deux poids deux mesures.

M. Greenspon : Vous pouvez interpréter les choses ainsi, mais je ne pense pas que nous appliquions deux poids deux mesures. Ce ne serait pas mon cas à moi. Nous protégeons nos sources afin de pouvoir livrer l'information au public. Nous ne privons pas le public d'information. Tout l'objet de la protection des dénonciateurs est de donner au public accès à l'information, et non pas de mettre des informations à l'abri du domaine public. Les gouvernements disposent de renseignements publics et les gouvernements sont les serviteurs des citoyens.

Le sénateur Milne : Parlez m'en. Cela fait huit ans que j'essaie de libérer les recensements historiques.

M. Greenspon : J'applaudis à vos efforts et je les appuie. Je pense que nous sommes des alliés, sénateur.

Nous ne devrions pas mal interpréter l'objet de la protection de sources. Il arrive que des personnes veuillent fournir des renseignements mais craignent des représailles. Je tiens à être très clair làdessus.

Le sénateur Milne : Êtesvous en train de dire que le gouvernement devrait avoir des lois en matière de dénonciation pour protéger également les sources à l'intérieur du gouvernement?

M. Greenspon : Je ne vais pas me mêler de l'aspect législatif de la chose, mais dans le contexte de plusieurs centaines d'années de tradition de liberté de la presse, la protection des sources est nécessaire, mais dans le but de livrer les renseignements au public.

Le sénateur Johnson : Recevez-vous de nombreuses plaintes de lecteurs au sujet de votre couverture? Quel genre de plaintes recevezvous et combien en recevezvous de façon régulière?

M. Martin : Si l'on inclut le courrier qui est aujourd'hui envoyé directement à notre site Internet, nous recevons chaque jour au-delà de 300 lettres au rédacteur. Nous recevons chaque jour entre 200 et 300 lettres que nous examinons aux fins de leur publication dans le courrier des lecteurs. Et la plupart d'entre elles sont-elles critiques à l'égard de notre travail? Oui. La grande majorité d'entre elles ne louangent pas ce que nous faisons, mais en règle générale elles viennent en réponse à des opinions exprimées ou dans la page de l'éditorial ou dans le cadre de commentaires ou de déclarations faites par des personnalités et que nous avons rapportés. Les lettres sont des expressions d'opposition. Dans bien des cas, les opinions contestées sont celles de nos propres chroniqueurs. Ce sont sans doute eux qui attirent le plus de courrier, et le gros de ce courrier sera critique. Les gens contesteront une position prise. Lorsqu'ils sont contre quelque chose ils ont tendance à envoyer une lettre au rédacteur, mais lorsqu'ils sont d'accord, c'est plutôt à l'auteur de l'article qu'ils écrivent directement. Nous ne passons en revue que les lettres adressées au rédacteur. Encore une fois, ces critiques visent le fond, le contenu, mais non pas le travail du journal en tant que tel.

Le sénateur Johnson : Le New York Times a un rédacteur public qui fait enquête sur les plaintes, mais dans votre cas, il ne s'agit pas vraiment de plaintes?

M. Martin : Dans certains cas, et il nous faut alors décider si nous voulons les publier ou non. Lorsqu'on nous souligne des erreurs, nous publions des rectificatifs.

Le sénateur Johnson : Que pensez-vous de ce qu'ils ont au New York Times?

M. Greenspon : Le New York Times a nommé son propre rédacteur public dans le contexte de la crise que vivait le New York Times, une crise de crédibilité. C'est une chose dont nous discutons de temps à autre.

Je serais plutôt porté à dire que les rédacteurs du journal, et en bout de ligne moi, en ma qualité de rédacteur en chef, devons être responsables du contenu du journal. Il me faut en rendre compte. Je reçois des courriels, des lettres et des appels de lecteurs ou de personnes dont on a parlé dans des reportages et qui se plaignent, disant que la façon dont elles ont été présentées dans tel ou tel article n'était pas juste. Tous les rédacteurs reçoivent des lettres du genre.

Je marque des points lorsque la température monte et qu'on est aux prises avec un dossier chaud que ce soit le mariage entre personnes de même sexe ou la couverture de la guerre en Iraq. En période de campagne électorale, je reçois des nouvelles de partisans de tous les partis qui viennent me dire que tel ou tel article était injuste. Ce qu'on reçoit est souvent contradictoire. Nous sommes également la cible de campagnes organisées. Nous avons récemment été visés par une campagne organisée dans le cadre de laquelle nous avons reçu des centaines et des centaines de courriels sur le mariage gai. Cela fait partie de la vie.

Le rédacteur en chef est responsable du contenu du journal. D'autres gens expérimentent d'autres modèles, et je ne vais pas les écarter automatiquement. Je n'ai tout simplement encore jamais été convaincu par l'un quelconque d'entre eux.

M. Martin : Nous fournissons souvent de la place sur la page en regard de l'éditorial pour l'expression de voix critiques du travail des journaux, y compris le nôtre. Certains de nos propres chroniqueurs sous contrat s'y aventurent souvent et nous laissent savoir ce qu'ils pensent.

Le président : Il y a eu quelque chose de très intéressant dans le National Post d'aujourd'hui. Je ne veux pas dire par là que cela a été la seule fois. Dans une des pages commentaires, il y a un article du rédacteur de la page éditoriale qui donne une longue liste de personnes dont il dit qu'elles doivent des excuses à Judy Sgro, et y figure sa propre page. Il est très rare de voir un journal reconnaître qu'il lui faut réellement s'excuser pour quelque chose qui a paru dans le journal. J'ai trouvé ce commentaire intéressant, ainsi que son placement. C'est du fait de sa rareté que cela est si intéressant.

Le sénateur Tkachuk : Peut-être qu'ils se sont excusés trop vite.

Le président : Je ne le pense pas.

Vous appartenez au Conseil de presse de l'Ontario. Sa surveillance s'exerce-t-elle sur votre site Web, ou bien le Conseil n'a-t-il compétence qu'en ce qui concerne le produit imprimé?

Mme Stead : Je ne connais pas la réponse à cette question. Je viens tout juste d'assumer la responsabilité en ce qui concerne le conseil de presse.

Le président : Nous avons entendu des représentants du conseil de presse et je dois avouer que je ne leur ai pas posé cette question.

Mme Stead : Il n'y a pas eu la moindre plainte sur quoi que ce soit qui ait été affiché sur le site Web.

M. Greenspon : Je pense que tout ce qui paraît dans le journal figure également sur le site Web. En plus du site « Breaking News », tout le contenu du journal est disponible sur le Web.

Le président : Si quelqu'un portait plainte devant le conseil de presse, vous défendriez-vous en disant « Vous n'avez pas le mandat de faire cela? »

Mme Stead : Je ne sais pas. Il nous faudrait vérifier ce que dit la Charte. Franchement, je ne sais pas.

Le président : Comme vous nous l'avez dit, monsieur Greenspon, vous avez une vaste gamme de concurrents. Le plus évident est le National Post. Il perd de l'argent, tout le monde le sait. The Globe and Mail en gagne-t-il?

M. Greenspon : Je ne sais trop si je devrais aborder la situation financière du Globe and Mail. Le Globe and Mail ne figure pas à part dans les déclarations publiques.

Vous pouvez examiner ces déclarations publiques et voir que le groupe médiatique se débrouille fort bien, mais je ne sais pas s'il me revient à moi de discuter de ces renseignements. Ces renseignements ne sont pas rapportés par mon intermédiaire. Je suis le rédacteur en chef du journal et non pas son directeur des finances.

Le président : Vous n'êtes pas membre du comité de gestion?

M. Greenspon : Je suis membre du comité de gestion. Je dirais que le journal se porte bien.

Le président : C'est utile. Si je pose la question, ce n'est pas par intérêt luxurieux, bien que l'on s'intéresse bien sûr toujours à ces choses. La raison de ma question remonte à la question antérieure quant à la capacité des grosses organisations d'information à survivre sur le plan commercial.

M. Greenspon : C'est une bonne question dans ce contexte-là. Clairement, il nous faut des médias d'information qui puissent réunir suffisamment de ressources pour pouvoir investir dans leur journalisme. Nous comprenons tous la nature fragmentée des médias. Il n'est pas très utile d'avoir 200 journalistes travaillant pour 200 boîtes différentes et qui racontent tous exactement la même histoire.

Il est plus utile d'avoir de grosses organisations qui puissent rassembler des ressources journalistiques et investir dans la recherche, envoyer des gens en Chine, appuyer des enquêteurs sur le scandale des parrainages, avoir des correspondants en Afrique ou autre. Nous avons le bonheur de nous trouver dans une telle situation. Vous en voyez la preuve chaque jour, comme c'est le cas de nos lecteurs. Nous prenons très au sérieux cette responsabilité.

Le président : Nous avons parlé de l'incidence de l'Internet sur le journalmère.

Le nombre croissant de quotidiens distribués gratuitement atil une incidence sur le modèle traditionnel du journal qu'il faut payer?

M. Greenspon : Les quotidiens gratuits sont un bon exemple de ce que vous obtenez, en un sens. Ce qu'ils font c'est qu'ils réemballent les actualités de quelqu'un d'autre. Vous ne verrez pas ces publications distribuées gratuitement annoncer beaucoup de nouvelles en primeur.

Les premières preuves de leur incidence nous ont été livrées par les dernières statistiques en matière d'effectif-lecteurs à Toronto, la ville canadienne où ces journaux gratuits existent depuis le plus longtemps. Metro et 24 Hours comptent maintenant parmi leur groupe un troisième journal gratuit. Pendant cette période, le Globe and Mail a connu une croissance de 3 p. 100 à Toronto. Il s'agit de marchés très différents. Ces renseignements ont été très encourageants pour nous.

Le président : Vrai, mais ils attirent certains lecteurs.Avez-vous pris quelque mesure de défense?

M. Greenspon : Non. Nous avons investi dans le journalisme. Pendant cette période, nous avons augmenté notre prix au numéro et nous avons continué de connaître une croissance.

D'autres journaux semblent connaître davantage de difficultés. J'ignore si c'est là un résultat direct de ce nouvel arrivant gratuit. L'effectif-lecteurs du Toronto Star semble être demeuré le même, voire avoir augmenté quelque peu. Les chiffres du National Post et du Toronto Sun ont baissé de façon marquée. Il est difficile d'en connaître la cause, mais nous sommes heureux de notre tendance à la hausse.

En effet, nous investissons beaucoup plus lourdement à Vancouver. Nous y comptons un certain nombre de nouvelles recrues. Nous avons augmenté notre personnel et nos locaux en Colombie-Britannique. Notre croissance dans le marché rétrécissant des journaux à Vancouver, surtout avec l'édition du samedi, va très bon train, et il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un marché à l'intérieur duquel il existe de nombreux journaux gratuits. Il y a eu une expansion agressive des journaux gratuits dans ce marché. Nous nous plaisons à croire et à espérer que nous sommes en concurrence pour un genre de lecteur différent, un lecteur qui est prêt à payer pour de la qualité.

Le président : Quel est votre tirage à Vancouver ou en Colombie-Britannique?

M. Greenspon : Notre effectif-lecteurs quotidien se situe entre 125 000 et 150 000.

Le président : Et comptez-vous deux lecteurs et demi par journal?

M. Greenspon : Oui, quelque chose du genre.

Le président : Êtes-vous en faveur des lois en matière de confidentialité des sources qui protègent les journalistes?

Vous pouvez répondre en votre qualité de journalistes actifs si le Globe and Mail n'a pas en la matière de position officielle.

M. Greenspon : Ce que nous avons vu dans les tribunaux a été bien, notamment en ce qui concerne l'interprétation des garanties de la Charte en matière de liberté de la presse et l'affaire Dagenais. Il y a une affaire en cours à Hamilton que les gens suivent de très près.

Bien franchement, il me faut dire que je ne pense pas que nous ayons beaucoup discuté de la question de savoir si les lois en matière de confidentialité des sources sont une réponse nécessaire. Nous sommes en faveur de la possibilité pour les journalistes de protéger leurs sources car c'est là un élément très important de leur mode de fonctionnement. Nous croyons que l'affaire Dagenais est en train de faire ressortir très clairement pour les tribunaux la nécessité d'équilibrer liberté de la presse et droit à un procès équitable et de ne pas empiéter à la légère de quelque façon que ce soit sur ces libertés.

Quant à la question des lois en matière de confidentialité des sources en tant que telles, je ne peux malheureusement pas m'y prononcer. Je vais y réfléchir plus avant.

Le président : Si vous avez d'autres idées, communiquez-les nous. C'est un couteau à double tranchant car pour avoirune loi qui protège les journalistes, il vous faut définir ce qu'est un « journaliste ».

Si vous permettez que je revienne sur la relation avec CTV, lors de la fusion, le CRTC a imposé des conditions. Le CRTC ne peut imposer des conditions qu'à CTV. Cependant, ces conditions comprennent une gestion de salle des nouvelles distincte.

Je pense que vous avez établi clairement qu'à votre avis il existe une gestion de salle des nouvelles distincte.

Une autre exigence était la création d'un comité de surveillance chargé de recevoir les plaintes et d'enquêter sur les principes visés dans les conditions établies par le CRTC.

Avez-vous jamais vu la moindre preuve de l'existence d'un tel comité de surveillance?

M. Greenspon : Ayant parcouru certains des autres témoignages, je sais que le comité ici réuni a déjà posé la question. Nous ne faisons affaire avec aucun comité de surveillance. Il ne serait pas approprié que nous soyons surveillés étant donné que nous nous auto-surveillons et que nous nous efforçons d'être très transparents.

Le président : Ce n'est pas un comité du CRTC mais bien un comité de CTV qui a été créé.

M. Greenspon : Cela n'est pas de mon domaine.

Le président : J'en déduis que vous ne l'avez jamais rencontré ce comité.

M. Greenspon : C'est exact.

Le président : Vous avez parlé, de manière très intéressante, de la façon dont, au jour le jour, des journalistes peuvent ou non collaborer ou décider de couvrir conjointement une affaire donnée, si cela semble indiqué. Vous nous avez également dit que c'est là votre décision et que personne ne vous dit quoi faire. Je suis à peu près certain que c'est là le message que vous nous livriez.

Votre code de conduite figure-t-il sur le Web?

M. Greenspon : Oui, sur notre site Web.

Le président : Il est formidable que tous vos journalistes reçoivent le code de conduite comme partie intégrante du guide stylistique; cela est fascinant.

Les EBC ou quelqu'un d'autre ontils jamais élaboré un énoncé de stratégie quant à la façon dont, dans le contexte des opérations journalistiques, cette relation devait être gérée?

En d'autres termes, y a-t-il jamais eu une telle déclaration au sujet de votre relation avec les EBC sur le plan journalisme?

M. Greenspon : Pendant mes trois années en tant que rédacteur, il n'y a jamais eu de discussion du genre.

Le président : Ce que j'aimerais déterminer c'est si quelqu'un vous a jamais offert cette couche de protection supplémentaire pour votre indépendance journalistique?

M. Greenspon : Ils m'ont tendu les clés du bureau et m'ont dit: « Vas-y et fais ton travail ». Jusqu'ici, j'ai toujours supposé qu'ils parlaient contenu, mais ce n'est là qu'une hypothèse, car ils ne me parlent pas.

Le président : Vous avez toujours les clés du bureau.

M. Greenspon : Oui, j'ai toujours les clés du bureau.

Le président : Si je vous pose ce genre de question c'est que différents journalistes et professeurs nous ont parléd'auto-censure. Des personnes qui couvrent l'actualité ou des rédacteurs de première ligne qui affectent les tâches ou passent derrière disent que l'auto-censure va parfois au-delà de ce que le propriétaire aurait en fait souhaité, même un propriétaire très interventionniste.

Avez-vous jamais pensé qu'une chose du genre pourrait être un danger dans une situation comme celle que vous connaissez à l'heure actuelle?

M. Greenspon : Non. Comme je l'ai dit, je pense que nos propriétaires comprennent que bon journalisme est synonyme de bonnes affaires, surtout pour un journal comme The Globe and Mail qui a des lecteurs très sophistiqués qui ont la puce à l'oreille. Ils comprennent que notre devise c'est notre autorité, notre crédibilité, notre intégrité et notre réputation.

Voici ce que dit le premier paragraphe de notre code de conduite :

Les meilleurs atouts du journal sont son intégrité et sa crédibilité. L'objet premier du présent document est de veiller à ce que The Globe and Mail et son équipe de rédaction se comportent de façon honorable en tout temps et soient perçus comme ce faisant. Le deuxième est que l'on ne s'immisce pas plus dans la vie des employés que cela n'est nécessaire à cette fin.

Un comité supérieur de rédacteurs et de journalistes a élaboré ce code. Il ne nous est pas simplement venu de la direction. On y travaille et on le remanie depuis plusieurs années. Nous n'avons pas une couche de protection supérieure, pas plus que nous en voulons une.

Le président : Cela vous nuirait-il?

M. Greenspon : Nous sommes libres de faire le travail comme bon nous semble. À nous d'exercer cette liberté, je l'espère, à bon escient. Nous sommes tous très professionnels quant à notre liberté journalistique. Nous sommes trois cent cinquante journalistes de toute première classe à comprendre cette liberté.

Le président : Cela vous nuirait-il qu'il y ait une telle déclaration?

M. Greenspon : Pourriez-vous expliquer quelle serait cette déclaration?

Le président : Je songe à une déclaration disant que vous devez fonctionner indépendamment de CTV et traiter les EBC exactement de la même façon que vous traitez toutes les autres sociétés que vous couvrez.

M. Greenspon : J'évite toujours de codifier quoi que ce soit qui puisse de quelque façon être interprété de travers. Je ne considère pas que ce soit nécessaire.

Le président : Merci beaucoup à tous les trois. Cette séance a été extrêmement intéressante. Si vos 14,95 $ s'avèrent être le mauvais chiffre, pourriez-vous nous le faire savoir?

M. Greenspon : Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

La séance est levée.


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