Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 20 - Témoignages du 7 juin 2005
OTTAWA, le mardi 7 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour étudier le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, la Loi sur les aires marines et nationales de conservation du Canada et la Loi sur les océans.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous allons examiner le projet de loi C-3. Nos témoins sont Mme Paquin, M. St-Julien et M. Schiller.
[Français]
Bienvenue à tous. J'imagine qu'on vous a expliqué notre procédure. On vous demande de faire une déclaration d'une dizaine de minutes environ, pour ensuite poursuivre avec la période des questions. Qui veut prendre la parole pour commencer? Madame Paquin, vous avez la parole.
[Traduction]
Mme Suzanne Paquin, vice-présidente, Nunavut Eastern Arctic Shipping Inc.,, et présidente, Transport Nanuk Inc. : Honorables sénateurs, je vous saurais gré de bien vouloir faire figurer le mémoire que j'ai déposé au compte rendu des travaux du comité comme si je l'avais lu devant vous; cela nous fera gagner du temps. En outre, je vais m'efforcer de prendre moins de 10 minutes pour faire mon allocution.
Au nom des partenaires de la Nunavut Eastern Arctic Shipping, ou NEAS, comme nous l'appelons, je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de participer à l'étude du projet de loi C-3. Nous ne sommes pas contre la composante administrative de ce projet de loi omnibus. Nous nous rendons pleinement compte qu'il s'agit d'abord d'une mesure législative de nature administrative axée essentiellement sur des questions de sûreté maritime. Ce projet de loi vise à redistribuer les responsabilités réglementaires et opérationnelles entre Transports Canada, Pêches et Océans Canada et la Garde côtière canadienne.
Depuis le 11 septembre 2001, les travailleurs et travailleuses assidus de Transports Canada, de Pêches et Océans Canada et de la Garde côtière méritent de disposer de tous les outils leur permettant de mener à bien leur importante mission qui consiste à assurer la sécurité des Canadiens, et cela passe par des pouvoirs législatifs renouvelés.
Aujourd'hui, nous voudrions attirer votre attention sur une petite partie de ce projet de loi, à savoir les éléments contenus au paragraphe 16(2). Selon ces dispositions, le projet de loi C-3 laisse au ministre des Pêches et des Océans la responsabilité des questions de politique liées à l'établissement et au paiement des frais pour les services à la navigation maritime ou frais maritimes. Nous soutenons que ceci est peut-être contraire à l'objectif déclaré du projet de loi de transférer à Transports Canada, entre autres, toutes les responsabilités stratégiques de la Garde côtière canadienne concernant les services de navigation maritime.
Nous espérons vous faire réaliser l'incidence profonde que ce petit paragraphe a eue et continuera d'avoir sur le Nord canadien et les populations, les communautés ainsi que les agences et les entreprises du territoire du Nunavut et du Nunavik, la région du nord du Québec, qui dépendent pour leur ravitaillement du transport maritime.
Avant d'examiner la teneur même du projet de loi, permettez-moi de vous parler un peu de la NEAS. La NEAS est une entreprise de transport maritime et un fournisseur de services connexes dont les actionnaires sont majoritairement inuits. Parmi les partenaires majoritaires inuits, citons la Makivik Corporation, du Nunavik, de même que la Qikiqtaaluk Corporation et Sakku Investments, du Nunavut. En tant que sociétés inuites, ces organisations ont pour mandat, au nom de leur population, d'administrer les fonds accordés en vertu des ententes de revendications territoriales pour le développement social, économique et de l'emploi. Le pilier de la NEAS, le partenaire chargé de la gestion, est Transport Nanuk Inc., une coentreprise associée à Logistec Corporation de Montréal et à la North West Company de Winnipeg. Cela fait plus de 50 ans que nous offrons des services de transport maritime dans l'Arctique.
En vertu des dispositions en vigueur, la NEAS est reconnue à la fois comme une société inuite et une société du Nunavut d'après l'entente sur les revendications territoriales du Nunavut et les politiques du gouvernement du Nunavut.
Exploitant deux navires, la NEAS dessert exclusivement l'Arctique de l'Est. Nous transportons toutes sortes de marchandises solides, comme des matériaux de construction, des voitures et des camions ainsi que des denrées non périssables. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le défi opérationnel est de taille étant donné que la saison de navigation est courte dans le Nord puisqu'elle ne dure que cinq mois, entre début juillet et début novembre.
Nous avons fait œuvre de pionniers en modernisant les services de transport maritime dans le Nord, notamment en introduisant la conteneurisation et de nouvelles techniques de manutention. En 2000, nous avons acheté et importé le premier navire porte-conteneurs polyvalent de côte glace de classe 1 de l'histoire du Canada, le MV Umiavut (« Notre Bateau »). La NEAS a lancé un programme de formation maritime innovateur favorisant l'embauche de personnel inuit local sur ses navires.
Conformément à notre mandat, nous avons pour objectif de fournir les services les plus efficients possibles tout en contribuant au développement économique durable assuré par les Inuits.
Les responsables gouvernementaux, y compris le secrétaire parlementaire du ministre des Transports, ainsi que le commissaire de la Garde côtière ont clairement indiqué que l'objectif du projet de loi C-3 est de consolider les responsabilités politiques et réglementaires au sein du ministère des Transports tout en laissant le soin à la Garde côtière canadienne de s'occuper des questions opérationnelles. Même si on a qualifié le projet de loi C-3 de politiquement neutre à l'égard de la Garde côtière, l'objectif n'est pas atteint.
Nous attirons l'attention des honorables sénateurs sur le paragraphe 16(2). Celui-ci donne au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir de prendre des règlements pour « régir la fixation et le versement des droits à payer à l'égard des services rendus dans le cadre de l'application de la partie 5 (Services de navigation) ». Nous demandons aux sénateurs qu'ils réfléchissent mûrement à cette disposition, particulièrement compte tenu du fait que par le passé, c'est la Garde côtière qui s'occupait de la politique relative aux droits maritimes dans le Nord.
En 1996-1997, on a instauré des droits d'utilisation, comme mécanisme de recouvrement des coûts, pour les services maritimes offerts par la Garde côtière canadienne. La mise en oeuvre d'une politique applicable aux droits de services maritimes a été difficile pour tout le monde, y compris pour la Garde côtière et l'industrie. Mais cela a été particulièrement dur pour le Nord canadien. Celui-ci jouit d'un statut unique en vertu de la politique liée aux droits maritimes. C'est la seule région bénéficiant d'une exemption explicite pour ces droits, qui est fondée sur la reconnaissance des conditions socio-économiques. Cette exemption doit être appliquée par la Garde côtière, particulièrement dans l'Arctique de l'Est où la réalité socio-économique actuelle montre une dépendance totale à l'égard du ravitaillement en provenance du Sud.
Récemment, l'Assemblée législative du Nunavut est allée jusqu'à adopter unanimement une motion demandant au gouvernement fédéral d'appliquer enfin l'exemption pour les navires desservant l'Arctique de l'Est et de rembourser rétroactivement tous les frais imposés par la Garde côtière et payés jusqu'à présent. De plus, le Conseil consultatif maritime de l'Arctique, l'organisme qui représente tous les transporteurs du Grand Nord, a également demandé officiellement à la Garde côtière d'appliquer l'exemption pour le Nord canadien.
Il est essentiel que les sénateurs comprennent que reconnaître les conditions socio-économiques de l'Arctique de l'Est signifie reconnaître que cette région a absolument besoin, pour son ravitaillement, de l'accès aux voies de communication avec le Sud. C'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés actuellement étant donné le manque d'infrastructures de transport alternatives.
Les intervenants du Nord craignent que si la Garde côtière devait assumer la responsabilité politique concernant l'établissement et la perception des droits maritimes, tel que proposé dans le projet de loi C-3, non seulement l'exemption ne serait pas appliquée, mais en plus, le Nord perdrait purement et simplement cette exemption. Si l'objectif du projet de loi C-3 est de séparer les opérations des politiques, il faudrait que cela s'applique également aux services maritimes et de navigation.
Nous demandons l'aide de votre comité pour que soit reconnue, dans le projet de loi C-3, la complexité de la situation dans le Nord canadien. Par le passé, la Garde côtière avait adopté différentes approches concernant les droits dans le Nord. Au départ, elle avait proposé un barème de droits plus bas pour les navires polyvalents. Toutefois, cela a été changé par la suite et les droits ont augmenté. Selon le barème actuel, nos deux navires sont soumis à deux tarifications différentes même s'ils transportent le même type de cargaison pour les mêmes communautés. Le taux appliqué pour un navire est environ dix fois supérieur à celui appliqué pour l'autre. Cela n'a aucun sens.
Nous savons qu'il s'agit là d'une requête extraordinaire, mais nous demandons à votre comité de modifier le projet de loi C-3 et de retirer au ministre des Pêches et des Océans le pouvoir de fixer les droits pour les services de navigation, tout au moins en ce qui concerne la fourniture de services dans le Nord. Nous souhaitons que ce pouvoir soit transféré à une autre agence ou que soit indiquée explicitement dans la loi l'exemption applicable dans le Nord.
Si les sénateurs ne veulent pas modifier le projet de loi C-3, nous les exhortons à demander, dans le rapport qu'ils présenteront au Sénat au sujet de la mesure législative, au ministre des Pêches et des Océans d'exiger à la Garde côtière de reconnaître les conditions socio-économiques du Nord et d'accorder la même exemption pour tous les droits maritimes à l'ensemble des communautés situées au nord du 60e parallèle, y compris celles de l'Arctique de l'Est. D'autre part, nous demandons à votre comité qu'il examine la possibilité de réaliser une étude complète et de faire rapport sur les problèmes liés aux droits maritimes, en menant des consultations auprès des intervenants de l'industrie et des représentants des gouvernements territoriaux concernés.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter. Je cède maintenant la parole à M. Julien.
[Français]
M. Guy St-Julien, conseiller spécial en relations gouvernementales auprès du président, Makivik Corporation, Nunavut Eastern Arctic Shipping Inc.: Madame la présidente, M. Pita Aatami, président de Makivik Corporation, s'excuse de ne pas être présent aujourd'hui. Son message est le suivant: Makivik Corporation a essayé par tous les moyens de comparaître devant le comité qui étudie le projet de loi C-3 à la Chambre des communes. Dans une lettre du 9 décembre, M. Aatami disait :
Nous croyons que votre comité aurait avantage à connaître notre point de vue et notre expérience en ce qui concerne le projet de loi C-3 qui confère au ministre des Pêches et des Océans un pouvoir non contrôlé en ce qui a trait à l'établissement et au paiement des droits de service de navigation, ce qui augmente directement le coût de la vie des collectivités du Nord québécois.
Honorables sénateurs, nous savons que les Inuits du Nunavik, du Nunavut et des Territoires payent des impôts, des taxes et même que — ils sont peut-être les seuls au Canada — les Inuits du Nunavik payent deux taxes, comme tout autre citoyen du sud.
La présidente : Merci beaucoup à nos témoins.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Nous n'avons pas encore eu l'occasion de recevoir le ministre pour qu'il nous explique la teneur de ce projet de loi. Toutefois, je vais faire de mon mieux.
Pourriez-vous nous dire à quand remonte l'exemption pour les droits d'utilisation de la Garde côtière dans le Nord? En vertu de quel pouvoir législatif cette exemption a-t-elle été accordée? Quand devait-elle prendre effet?
M. Paquin : En 1996-1997, la Garde côtière a décidé d'imposer des droits de services maritimes; c'était une époque difficile. Nous avons soutenu qu'il existait une disposition dans la politique selon laquelle le Nord devait être exempté du paiement de ces droits. Pourtant, nous avons travaillé en coopération avec la Garde côtière dans l'espoir qu'elle reconnaîtrait l'exemption et qu'elle nous l'accorderait en temps opportun, mais cela ne s'est pas produit. La Garde côtière a renié les promesses faites dans le cadre des négociations et refusé de mettre en œuvre les solutions proposées pendant ce qu'elle a appelé le moratoire sur les droits de services maritimes. Nous avons toujours soutenu que le Nord devait être exempté du paiement de ces droits, mais il ne s'est jamais rien passé. Néanmoins, nous sommes toujours désireux de travailler avec la Garde côtière pour résoudre ce problème qui existe depuis l'adoption de la politique.
Le sénateur Tkachuk : Autrement dit, l'exemption n'a jamais été accordée; elle a seulement fait l'objet de discussions ou de négociations avec la Garde côtière. Qui d'autre a participé à ces discussions? Le gouvernement territorial du Nunavut et votre société y étaient-ils représentés?
Mme Paquin : Je vous renvoie à la fiche d'information jointe aux documents que nous vous avons fournis. Elle est très claire. Elle dit :
Pour le moment, les droits ne s'appliqueront pas à la prestation de services au nord du 60e parallèle, ce qui inclut les eaux des Baie d'Hudson, James et d'Ungava, le lac Athabasca et d'autres ports isolés. Cette exemption se justifie par les conditions socio-économiques du Nord.
Nous travaillons en coopération avec la Garde côtière.
Le sénateur Tkachuk : Aucune exemption n'a donc été concédée.
Mme Paquin : C'est dans la politique.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qui empêche de faire des poursuites judiciaires? Comment la Garde côtière encaisse- t-elle l'argent? Demande-t-elle d'être payée avant de briser les glaces? Comment ces droits sont-ils perçus? Où va l'argent?
Mme Paquin : C'est la Garde côtière qui perçoit les droits. J'imagine qu'elle garde l'argent. Elle nous envoie une facture pour droits de services maritimes, que nous payons.
L'Arctique de l'Ouest est exemptée du paiement des droits maritimes étant donné que dans cette région, les services sont fournis différemment. Ça se fait à Hay River, dans les Territoires du Nord-Ouest. Par contre, dans l'Est, on exige le paiement de droits parce que, depuis toujours, le service est fourni par le Sud.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi serait-ce différent, du point de vue de la politique publique, si c'est le ministère des Pêches et des Océans qui s'en occupe plutôt que la Garde côtière ou le ministère des Transports?
Mme Paquin : Il est important de séparer les politiques des opérations. Laisser à la Garde côtière le soin de définir l'orientation politique revient à lui donner carte blanche. Il convient de modifier le projet de loi ou de demander au ministre de faire quelque chose pour que la situation change. Reconnaître les conditions socio-économiques de l'Arctique de l'Est revient à reconnaître qu'en réalité, le ravitaillement se fait par le Sud.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends bien. Toutefois, si la politique gouvernementale est d'accorder au Nord, et particulièrement à l'Arctique de l'Est, une exemption pour les frais d'utilisation, quelle différence cela fait-il que ces droits soient perçus par le ministère des Pêches et des Océans, par la Garde côtière ou par le ministère des Transports? Ou voulez-vous que cette disposition soit complètement éliminée?
Mme Paquin : Nous voulons tout simplement que l'exemption s'applique. Elle est stipulée dans la politique. Nous croyons que c'est très simple. Le ministre peut régler le problème sans changer la politique actuelle ni la tarification. Nous demandons seulement que l'exemption s'applique.
Le sénateur Tkachuk : Faudrait-il prendre un règlement pour que cela change ou modifier le projet de loi?
Mme Paquin : Tout ce qu'il faudrait, c'est une note d'information car c'est déjà reconnu dans la politique. Nous voulons tout simplement que cette politique soit appliquée comme prévu.
Le sénateur Tkachuk : N'est-ce pas ce que faisait le ministère des Transports avant que cela ne soit transféré au ministère des Pêches et des Océans? Maintenant, ce projet de loi renvoie la responsabilité au ministère des Transports, n'est-ce pas?
Mme Paquin : C'est la Garde côtière qui s'en occupait toujours.
Le sénateur Adams : Je vous remercie de votre présence. Je me suis toujours intéressé au transport maritime et aérien dans l'Arctique.
M. Curley est député à l'Assemblée législative du Nunavut; il est originaire de Rankin Inlet. Il y a environ un mois, il a déposé une motion à l'Assemblée exprimant ses préoccupations au sujet des frais maritimes.
Il s'agit d'un problème majeur pour le Nord à cause du coût élevé du transport des marchandises, y compris des matériaux de construction. Cela fait seulement un peu plus d'un mois que nous avons découvert qu'on exige le paiement de ces droits maritimes depuis 1990.
La Garde côtière a beaucoup de mal à atteindre certaines communautés parce que tous ses navires ne sont pas des brise-glaces. Elle a commencé à aller à Pelly Bay il y a cinq ou six ans. Pelly Bay s'est développée grâce au transporteur aérien qui dessert l'Arctique, avec toutes les retombées que cela comporte, y compris la construction de logements. Je ne sais pas combien cela a coûté de bâtir cette communauté depuis sa création en 1970, ou peut-être même que cela remonte aux années 1960.
Ce qui me préoccupe, ce sont les droits élevés prélevés pour l'expédition de marchandises dans ces régions. Les droits exigés par la Garde côtière constituent un coût supplémentaire pour le transport des marchandises dans le Nord, n'est- ce pas?
Mme Paquin : Effectivement, c'est un coût additionnel, et toute dépense supplémentaire engagée pour le transport des marchandises dans le Nord est de trop.
Le sénateur Adams : Vous avez dit que ces droits ne s'appliquent pas dans l'Ouest, comme à Hay River. Est-ce parce que le chemin de fer se rend jusque là? Connaissez-vous la différence de coût par tonne entre le transport par rail et le transport par eau?
Mme Paquin : Non, je l'ignore.
Le sénateur Adams : Comme l'a fait remarquer le sénateur Tkachuk, si ce projet de loi est adopté, la gestion des droits sera transférée à Transports Canada. Ce ministère n'a aucun contrôle là-dessus pour le moment. Avant, c'est Transports Canada qui était responsable des ports, mais maintenant ceux-ci relèvent de la Garde côtière. Je crois que la Garde côtière ne s'occupait pas des ports auparavant. Ai-je raison?
Mme Paquin : Oui, c'est exact.
Le sénateur Adams : Actuellement, combien demande la Garde côtière aux expéditeurs pour les droits de navigation?
Mme Paquin : Elle demande 0,4 p. 100 du coût.
Le sénateur Adams : Ai-je raison de dire que ce qui vous préoccupe le plus, c'est le transport des marchandises expédiées de Montréal?
Mme Paquin : Oui. Actuellement, tout l'Arctique de l'Est est desservi par des navires venant de la région de Montréal, qui doivent payer des droits de services maritimes même s'il existe une disposition spécifique exemptant le Nord du paiement de droits maritimes pour des raisons socio-économiques.
Le sénateur Adams : Il fut un temps où c'est la clause f.o.b. qui s'appliquait pour le transport des marchandises. Est- ce que moyennant le paiement de ces droits, les marchandises sont livrées sur place, actuellement?
Mme Paquin : Cela dépend du contrat signé avec nos clients. Certains viennent chercher la marchandise au port et d'autres préfèrent qu'elle soit livrée au magasin ou dans un endroit précis de la communauté. Nous fournissons aux clients les services qu'ils demandent.
Le sénateur Adams : Lorsque j'étais plus jeune, la Compagnie de la Baie d'Hudson s'occupait du transport des cargaisons, et je me souviens que les gens amenaient les marchandises jusque dans les magasins. Aujourd'hui, les navires disposent de leur propre équipement pour le déchargement.
Mme Paquin : C'est nous qui nous occupons du déchargement. Souvent, lorsque c'est possible, nous demandons un transporteur local de s'occuper d'acheminer la cargaison jusqu'à sa destination finale.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je voudrais éclaircir trois choses, madame Paquin. Vous avez répondu au sénateur Tkachuk concernant l'exemption. Je comprends bien que c'est uniquement une politique du ministère ou de la Garde côtière canadienne. Ce n'est pas une loi ou un règlement. C'est purement une politique publique?
Mme Paquin : C'est écrit dans la législation sur les droits de service maritime. C'est dans la politique de cette loi.
Le sénateur Nolin : Je comprends. Le document que nous avons est une politique publique. Ce n'est pas une loi. Autrement dit, le Parlement n'a jamais autorisé cette exemption. C'est purement une décision du ministre ou du Cabinet d'octroyer une exemption au nord du 60e parallèle et les eaux de la baie d'Hudson, de la baie d'Ungava, du lac Athabasca. Est-ce exact?
Mme Paquin : Oui, c'est écrit, mais cela n'a jamais été appliqué.
Le sénateur Nolin : Je comprends, mais c'est parce que pour nous, c'est toute la différence au monde. Une loi est une chose, un règlement est une chose et une politique publique est autre chose. Je les ai nommés dans l'ordre pour ce qui est de la difficulté à les modifier. Modifier une loi, c'est nous. Changer un règlement, c'est un plus facile car c'est le gouvernement. Changer une politique, le ministre peut le faire et le lendemain matin, la changer à nouveau et ainsi de suite le surlendemain; nous n'y pouvons rien.
Ce que vous nous demandez, si je comprends bien, c'est d'introduire cette politique publique dans la loi?
Mme Paquin : De l'appliquer.
Le sénateur Nolin : Je comprends, mais laissez de côté l'application. Vous nous demandez de prendre cette politique et d'en faire une exemption législative?
[Traduction]
M. Francis Schiller, conseiller en affaires gouvernementales, Nunavut Eastern Arctic Shipping : Le but du projet de loi C-3 est de séparer le contenu politique des fonctions opérationnelles en confiant à Transports Canada les responsabilités relatives à la réglementation et à l'orientation stratégique et à la Garde côtière les responsabilités opérationnelles uniquement.
Le sénateur Nolin : Vous voulez dire la responsabilité de faire le travail, n'est-ce pas?
M. Schiller : Oui. Selon nous, si c'est l'objectif visé par l'ensemble du projet de loi, cela devrait s'appliquer à toutes les dispositions, y compris aux droits de services à la navigation maritime. Dans le projet de loi C-3, les seules fonctions politiques que conserve la Garde côtière concernent ces droits de services à la navigation maritime. Mme Paquin et la NEAS, qu'elle représente, demandent que nous prenions comme exemple le Nord pour montrer pourquoi il est peut- être approprié d'adapter les droits de services à la navigation maritime aux objectifs du projet de loi afin d'instaurer un certain équilibre. Si une agence fonctionne sur la base du recouvrement des coûts, il doit y avoir un système de freins et de contrepoids, dans le processus utilisé par l'agence, pour déterminer qui doit payer. Le commissaire de l'époque l'avait expliqué mieux que moi lorsqu'il avait comparu devant le comité permanent de la Chambre des communes. Il avait déclaré que les organismes de service spécial ou OSS sont normalement politiquement neutres. Autrement dit, les OSS n'ont pas pour habitude de fournir des conseils d'orientation stratégique aux ministres.
Pour pouvoir faire de la Garde côtière une OSS, on a dû épurer ses politiques et règlements. C'est la relation entre ce qui a été retiré et ce qui est resté. Nous étions parfaitement d'accord avec le commissaire lorsqu'il a déclaré devant le comité permanent que la Garde côtière devait être déchargée de ses responsabilités politiques, y compris dans le domaine des droits maritimes. Nous pensons que le Nord constitue un exemple de la façon dont on peut, en l'absence de freins et de contrepoids, devenir dépendant ou tributaire de revenus tirés d'une région qui devrait être exemptée du paiement de droits.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je comprends ce que vous dites. J'ai besoin d'un autre éclaircissement. Vous avez parlé dans votre témoignage, madame Paquin, de deux tarifs pour deux bateaux qui font la même chose. Pouvez m'expliquer cela davantage?
Mme Paquin : Oui. Dans votre pochette, il y a des fiches. Il y a deux navires : le MV Aivik. Ce navire est considéré un navire RoRo (Roll-on/Roll-off). La Garde côtière canadienne considère que ce navire est un « container ship » d'après leur définition. L'autre navire, le MV Umiavut, est un navire qu'elle ne considère pas RoRo et elle ne le considère pas comme un « container ship », même s'il a un « container plan ». Elle le facture donc sur la jauge brute, c'est ce qu'on appelle le GRT. En facturant un navire d'une façon et l'autre navire d'une autre façon, c'est ce que cela donne.
Le sénateur Nolin : Cela passe du simple au double.
Mme Paquin : Cela fait une incroyable différence.
Le sénateur Nolin : Je ne suis pas sûr de comprendre. Je m'aperçois qu'on utilise la fonctionnalité de deux navires pour établir selon quel tarif chacun des navires sera facturé.
Mme Paquin : C'est exact. La Garde côtière canadienne juge les navires dans différentes catégories et facture selon ce qu'elle croit que le navire devrait être. Elle les catégorise.
Le sénateur Nolin : Je comprends.
Mme Paquin : Si vous comprenez, tant mieux. Moi, je ne comprends pas.
Le sénateur Nolin : Le projet de loi C-3 nous demande, à l'article 16(2) — donc celui qui vous préoccupe — de modifier l'article 35(3) de l'ancienne loi. Est-ce que l'alinéa d) — qui est celui qui vous préoccupe — figurait dans l'ancienne loi?
M. Schiller : Oui, je pense qu'il était dans l'ancienne loi.
Le sénateur Nolin : Autrement dit, le projet de loi C-3, dans cette disposition, ne crée rien de nouveau? C'est une ancienne disposition uniquement transposée dans le projet de loi actuel?
[Traduction]
M. Schiller : Dans cet article, on fait une distinction entre les différentes responsabilités conférées au ministre des Pêches et des Océans et au ministre des Transports, en confiant à ce dernier les nouveaux pouvoirs de réglementation et d'élaboration des politiques.
Le sénateur Nolin : Sauf pour cela.
M. Schiller : Exactement.
Le sénateur Nolin : Dans l'ancienne mesure législative, l'alinéa d) faisait partie du paragraphe 35(3). Le paragraphe 16(2) du projet de loi vise à amender l'ancien paragraphe 35(3).
M. Schiller : Tout à fait.
Le sénateur Nolin : Et la responsabilité incombe au ministre des Pêches et des Océans, n'est-ce pas?
M. Schiller : Absolument.
Le sénateur Nolin : Vous dites que toutes les questions relatives à la politique relèvent désormais du ministre des Transports. Il devrait en être de même pour le pouvoir de réglementation.
M. Schiller : Si l'on se fie à l'objectif du projet de loi, cela devrait être effectivement le cas, sénateur.
Le sénateur Nolin : Vous ne nous demandez pas d'inclure une exemption dans le projet de loi, n'est-ce pas?
M. Schiller : Pas nécessairement.
Le sénateur Nolin : C'est une question de politique, le ministre des Transports devrait s'en occuper.
M. Schiller : Conformément à l'objectif inhérent au projet de loi.
Le sénateur Munson : Comment justifie-t-on qu'un tarif appliqué dans un cas soit 10 fois supérieur à celui appliqué dans l'autre? Pouvez-vous nous l'expliquer en termes simples? Vous a-t-on donné une raison?
Mme Paquin : On nous a expliqué que l'Umiavut est considéré comme un navire de type classique et que pour ce motif, on ne peut lui appliquer le taux prévu pour les porte-conteneurs. Par contre, ce dernier s'applique au MV Aivik, qui est un roulier, c'est-à-dire un navire à manutention par roulage, car on le considère comme un porte-conteneurs. C'est ce qu'on nous a dit.
Le sénateur Nolin : C'est donc moins cher pour les porte-conteneurs.
Mme Paquin : C'est ainsi qu'on les a définis.
Le sénateur Munson : Quand vous dites « on », à qui faites-vous référence?
Mme Paquin : Je veux parler de la Garde côtière.
Le sénateur Munson : Les gens disent toujours « on ». Sont-ce ces bureaucrates assis en arrière qui disent : « Établissons des règles pour les navires conteneurs »?
Mme Paquin : Au départ, elle appliquait à nos deux navires la tarification prévue pour les porte-conteneurs. Puis la définition a changé et notre bateau a été exclu. À notre connaissance, c'est le seul qui ait été exclu.
Le sénateur Munson : À quel point ces droits qui vous sont exigés nuisent à vos activités?
Mme Paquin : Dans le Nord, tout paiement d'un droit additionnel cause des torts. Le coût de la vie y est très élevé. Toute dépense supplémentaire est néfaste pour le Nord.
Le sénateur Munson : Combien payez-vous, chaque année, en droits d'utilisation? Pouvez-vous me donner un chiffre? J'imagine que vous voulez évidemment gagner de l'argent.
Mme Paquin : Notre actionnaire est l'Inuit Development Corporation, de sorte que l'argent retourne immédiatement dans le Nord. Je tenais à le préciser. Les droits concernant les services à la navigation maritime coûtent seulement à notre entreprise plus de 25 000 $ par année, et nous ne sommes pas l'unique compagnie desservant le Nord qui doive s'acquitter de ces droits.
Le sénateur Munson : Où va cet argent? Revient-il tout simplement dans les coffres du Trésor?
Mme Paquin : Nous ne savons pas ce que fait la Garde côtière de cet argent. Est-ce la question que vous me posez?
Le sénateur Munson : Oui. J'aimerais bien le savoir. Je voulais avoir une idée de la façon dont tout ceci fonctionne. C'est nouveau pour moi. Comme vous l'avez dit, plus on consacre d'argent au développement économique du Nord, meilleur c'est. C'est une bonne chose.
Mme Paquin : Oui. Nous devons limiter les coûts. Il ne fait aucun doute que toute dépense additionnelle est préjudiciable au Nord.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma question fait suite aux questions du sénateur Nolin. Vous avez peut-être déjà répondu à ces questions, mais je veux m'assurer que je comprends bien vos interventions.
Il y a deux points clés. Il y a la question des frais de service. De quelle façon sont-ils établis? Il y aussi la question de savoir qui a le pouvoir d'établir et d'exiger ces frais. Le projet de loi C-3 fait en sorte que ce pouvoir demeure à Pêches et Océans Canada.
Votre préoccupation est-elle plus axée aux frais de service, à savoir la façon qu'ils sont établis et s'ils devraient être éliminés ou non? Si c'est le cas, si je comprends bien, c'est une politique. Le projet de loi pourrait demeurer tel quel et la question des frais de services pourrait être traitée, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Schiller : C'est séparé, mais interrelié; si le but du projet de loi est atteint, si Pêches et Océans Canada conserve le pouvoir politique, il faudra se demander s'il y a moyen de contrôler ce pouvoir. Compte tenu de l'expérience que nous avons en matière d'application des politiques dans le Nord, nous portons cette question à l'attention des honorables sénateurs dans l'espoir qu'ils envisageront la possibilité de modifier le projet de loi pour y ajouter une disposition relative à la surveillance des pouvoirs et à la séparation entre les responsabilités opérationnelles et les responsabilités politiques.
[Français]
Le sénateur Chaput : Quelle serait la différence si cela était transféré à Transports Canada au lieu de Pêches et Océans Canada?
[Traduction]
Transports Canada n'était pas tenu de générer des revenus. Il sera probablement plus objectif ou politiquement neutre.
[Français]
Mme Paquin : Notre crainte, c'est que les frais augmentent ou que les frais de brise-glace soient applicables dans le Grand Nord.
Le sénateur Chaput : Ce n'est pas vous qui prenez les décisions Elles sont prises par quelqu'un d'autre.
Mme Paquin : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Phalen : Ma question va dans le même sens. À ma connaissance, il existe une Loi sur les frais d'utilisation, n'est-ce pas?
M. Schiller : Je n'en suis pas sûr, sénateur.
Le sénateur Phalen : Il me semble qu'il existe une Loi sur les frais d'utilisation et que c'est cette loi qui fixe les frais, pas le ministère des Pêches et des Océans ni Transports Canada. Vous demandez que le pouvoir de fixer les droits soit retiré au ministre des Pêches et des Océans. Je ne pense pas que cela fasse partie de ses attributions. Je crois plutôt que c'est prévu dans la loi, mais je me trompe peut-être.
La présidente : Je crois qu'il existe un projet de loi d'initiative parlementaire au sujet des droits d'utilisation; je ne pense pas qu'il ait été adopté. Je ne sais pas s'il est mort au Feuilleton, mais je ne crois qu'il ait déjà force de loi. Je ne suis pas sûre qu'il existe maintenant une loi-cadre sur les droits d'utilisation. Quelqu'un a-t-il une mémoire institutionnelle plus longue que la mienne?
Le sénateur Nolin : Je sais que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation étudie la question des droits et la façon dont ceux-ci doivent être calculés, ainsi que les pouvoirs conférés aux différents ministères pour fixer ces droits. À ma connaissance, il n'existe pas de loi omnibus là-dessus, mais je peux me tromper.
Le sénateur Tkachuk : Nous pourrions poser la question au ministre demain.
La présidente : Je me souviens que plusieurs discours sur le budget ont fait état de l'application de droits d'utilisation. Est-ce que cela s'est concrétisé au moyen d'un projet de loi, je l'ignore. Le sénateur Phalen nous a posé une vraie colle.
Le sénateur Phalen : Très bien.
Pour en revenir à ce qu'a dit plus tôt le sénateur Adams, je ne sais pas si on a répondu à la question étant donné que j'ignore où se trouve Hay River. Le barème de tarification appliqué pour l'Arctique de l'Ouest est-il différent de celui prévu pour l'Arctique de l'Est?
Mme Paquin : Oui, il y a une différence. À ma connaissance, dans l'Ouest, on ne paie pas de droits pour les services à la navigation maritime, alors que dans l'Est, si. Cela tient à la façon dont le service est fourni. Dans l'Est, le service vient directement du Sud. Dans l'Ouest, le service est fourni de telle sorte que les cargaisons sont transportées par camion jusqu'à Hay River, qui se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest, puis acheminées vers les différentes communautés de l'Arctique de l'Ouest.
Le sénateur Phalen : Est-ce que le barème des droits qui s'applique est le même que partout ailleurs au pays?
Mme Paquin : Je ne crois pas.
Le sénateur Phalen : À ma connaissance, Transport Nanuk possède un navire. Vous soutenez que votre bateau devrait être considéré comme un porte-conteneurs et non comme un navire de charge; avez-vous une chance d'obtenir gain de cause?
Mme Paquin : Nous croyons que nous devrions être dispensés du paiement de tous les droits car le Nord, pour les raisons socio-économiques précisées dans la politique, aurait dû être exempté depuis le début.
Le sénateur Phalen : Vous n'avez pas réussi à les convaincre de considérer votre bateau comme un porte-conteneurs et non comme un navire de charge, n'est-ce pas?
Mme Paquin : Nous avons travaillé en coopération avec la Garde côtière dans ce sens. Au départ, les navires étaient considérés comme des porte-conteneurs. Nous avons sans cesse dit que le Nord devait être exempté. On nous a toujours promis qu'on s'occuperait du dossier. Nous avons collaboré pendant longtemps, toujours en soutenant que le Nord devait être dispensé. On nous a informés que cette exemption serait examinée lors de consultations futures, mais il ne s'est rien passé. En fait, on nous a envoyés promener.
La présidente : Le montant des droits s'élève à environ 25 000 $ par année.
[Français]
Quelle proportion de vos revenus représentent ce 25 000 $?
Mme Paquin : Nous chargeons 0.4 p. 100.
La présidente : La compagnie a des revenus, j'imagine. Ce 25 000 $ représente quelle proportion de ces revenus?
Mme Paquin : Nous sommes une compagnie privée, nous ne divulguons pas nos résultats. On charge 0.4 p. 100 de nos revenus et c'est à peu près égal.
La présidente : Ce n'est pas pour vous immiscer dans vos affaires, c'est pour comprendre la lourdeur ou la légèreté du fardeau dont il s'agit.
Mme Paquin : Parfait.
[Traduction]
La présidente : On nous dit que ce projet de loi traduit en termes législatifs des changements administratifs qui ont déjà été faits sous l'autorité du gouverneur en conseil; c'est tout ce que fait ce projet de loi. Vous avez confirmé que cet article existait déjà. Il semblerait que si on modifie la mesure législative dans le sens que vous proposez, cela aura pour effet de changer la nature du projet de loi et, par conséquent, de lui enlever son caractère administratif. Du coup, ce ne serait plus un projet de loi établissant purement un cadre administratif, mais un projet de loi permettant d'élaborer des politiques. Toute la nature de la mesure législative changerait, n'est-ce pas?
Mme Paquin : Je vais laisser le soin à M. Schiller de vous répondre là-dessus.
M. Schiller : Je ne sais pas si l'objectif global du projet de loi est de séparer la politique des opérations. Si c'est effectivement le but, il conviendrait de mettre en évidence, dans l'intérêt des sénateurs, la disposition qu'ils ont peut- être oubliée concernant l'élaboration des politiques relatives aux droits exigibles. Pour nous, c'était cela le but du projet de loi. En outre, plusieurs dispositions d'ordre administratif concernant la sécurité revêtent une grande importance. Nous tenons à faire remarquer aux membres du comité que le pouvoir d'élaborer les politiques relatives aux droits sur les services à la navigation maritime est confié au ministère des Pêches et des Océans. À prime abord, cela semble être incompatible avec l'objectif global du projet de loi proposé.
La présidente : Pour en revenir aux questions d'argent, je ne comprends rien au montant total recouvré au moyen du paiement de droits indiqué dans les grandes lignes dans la fiche d'information. Vous avez dit que vous étiez la seule entreprise qui assurait le transport dans la région.
Mme Paquin : C'est exact.
La présidente : Je vois que 99,8 millions de dollars ont été alloués au transport commercial, dont seulement une petite partie est allée à l'Arctique de l'Est. Savez-vous combien cela représente?
Mme Paquin : Non, je l'ignore.
Le sénateur Tkachuk : Je tiens à préciser que M. Schiller n'est pas un employé du gouvernement, mais qu'il représente une entreprise de lobbying.
M. Schiller : C'est vrai.
Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous, pour les fins du compte rendu, indiquer le nom de cette entreprise de lobbying et nous dire qui en sont les dirigeants?
M. Schiller : Je suis l'un des directeurs du Industry Government Relations Group. Il y en a trois autres, MM. Gary LeRoux, Duncan Hill et Kirk Cox.
Le sénateur Tkachuk : Qui sont le président et le vice-président? Est-ce un partenariat?
M. Schiller : Nous sommes tous au même niveau. Nous n'avons pas de titres formels, comme président, même si dans ce cas-ci, j'agis comme tel.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous d'autres clients dans les territoires, à part ce groupe particulier?
M. Schiller : J'ai eu la chance de travailler pour la Nunavut Eastern Arctic Shipping pendant plusieurs années. Je travaille aussi avec la North West Company.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce que cette North West Company?
M. Schiller : C'est une société qui exploite environ 150 magasins partout au Canada. C'est elle qui emploie le plus grand nombre d'Autochtones après le gouvernement fédéral. C'est aussi le plus gros employeur du secteur privé au Nunavut et le plus grand employeur d'Inuits au Nunavut.
Le sénateur Tkachuk : Elle reçoit les marchandises expédiées par la Nunavut Eastern Arctic Shipping.
Mme Paquin : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : C'est aussi à son avantage.
Mme Paquin : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Plusieurs problèmes sont clairs à nos yeux. La Garde côtière a relevé de Transports Canada, puis du ministère des Pêches et des Océans, et maintenant, c'est une agence indépendante. Est-elle complètement séparée du ministère des Pêches et des Océans ou relève-t-elle encore de lui, même si c'est une agence?
M. Schiller : Je pense qu'elle fait toujours rapport au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Pêches et des Océans.
Le sénateur Tkachuk : Je suis tout à fait disposé à accepter un amendement demandant que l'imposition de droits relève du ministre des Transports, puisque ce serait ainsi conforme au reste du projet de loi, plutôt que de laisser cette responsabilité au ministre des Pêches et des Océans, étant donné que c'est contraire à l'objectif du projet de loi. Cela résume ma position et je voulais être certain de la vôtre pour que vous soyez correctement représentés lorsque le ministre comparaîtra devant nous demain.
Mme Paquin : C'est tout à fait cela.
La présidente : Maintenant, je suis perdue. J'ai une autre question. Votre objectif fondamental est d'éliminer les droits, n'est-ce pas?
Mme Paquin : Notre objectif est d'éliminer les droits d'utilisation pour le Nord.
La présidente : Vous pensez que ce serait plus pertinent que cette responsabilité incombe au ministre des Transports plutôt qu'à celui des Pêches et des Océans, exact?
Mme Paquin : Absolument.
Le sénateur Adams : Les pétroliers naviguent fréquemment dans les eaux du Nord. Doivent-ils payer des droits pour cela?
Mme Paquin : Tous les bateaux qui naviguent dans l'Arctique de l'Est doivent acquitter des droits.
Le sénateur Adams : À une époque, la Garde côtière devait s'occuper, sous l'égide de Transports Canada, de livrer le pétrole dans ces communautés. Actuellement, la plupart des pétroliers ont été privatisés. La Garde côtière possède-t- elle toujours des pétroliers?
Mme Paquin : Pour certaines communautés, comme celles de Pelly Bay ou de Kugaaruk, c'est la Garde côtière qui s'occupe du transport du pétrole qu'elle effectue par transbordement à partir de Nanisivik. Dans la plupart des autres communautés, ce sont des pétroliers commerciaux qui apportent le pétrole.
Le sénateur Adams : La Garde côtière est-elle une concurrente pour les droits? Nous avons un travail à faire à Pelly Bay, par exemple. Habituellement, certains navires cargos vont jusqu'à Nanisivik. Est-ce que le vôtre se rend aussi loin?
Mme Paquin : Oui, Nanisivik est utilisée comme point de transbordement pour Kugaluk et Eureka. La Garde côtière prend la cargaison à Nanisivik et la transporte jusqu'à ces deux destinations.
Le sénateur Adams : Avez-vous quelque chose à voir avec les pétroliers ou leurs cargaisons?
Mme Paquin : Nous ne transportons que des marchandises sèches. Nous ne transportons pas de pétrole, sauf en barils.
[Français]
Le sénateur Nolin : J'aurais une autre question.
[Traduction]
Dans votre allocution, vous avez déclaré que vous pensiez que ceci était peut-être contraire à l'objectif déclaré du projet de loi. De quelle preuve écrite disposez-vous pour dire que le ministère aurait affirmé pareille chose et que c'est l'objectif déclaré du gouvernement?
M. Schiller : Je vous renvoie aux deux citations figurant dans l'exposé. La première porte sur les commentaires formulés par le secrétaire parlementaire du ministre des Transports à la Chambre des communes : « Plus précisément, toutes les responsabilités de la Garde côtière canadienne en matière d'orientations et d'opérations... ont été transférées à Transports Canada ». Ceci est tiré du hansard du vendredi 15 octobre 2004. La deuxième citation vient des commentaires faits le 30 novembre devant le Comité permanent des transports par le commissaire de l'époque de la Garde côtière.
Nous nous en sommes remis aux spécialistes de la législation. Nous nous en tenons simplement à ce que nous avons pu déduire des observations des représentants du gouvernement au sujet du projet de loi.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur Schiller, dans la lettre que vous nous avez envoyée, vous dites que le gouvernement du Nunavut, ainsi que plusieurs importants groupes inuits, dont la Nunavut Tunngavik Incorporated, avaient écrit au comité de la Chambre des communes dans le but d'exposer leurs points de vue. Est-ce faux? Vous aviez demandé à comparaître, mais sans succès. Votre demande a-t-elle été rejetée?
Mme Paquin : Oui.
Le sénateur Tkachuk : M. Schiller semble avoir des doutes. Le comité a-t-il refusé de vous rencontrer? A-t-il également refusé de rencontrer le gouvernement territorial du Nunavut?
M. Schiller : D'après ce que j'ai compris, le comité avait décidé de ne pas entendre de témoins. Le comité avait reçu plusieurs lettres, y compris une du gouvernement du Nunavut. Ce dernier aurait annulé sa participation à la dernière minute. À ma connaissance, le comité avait décidé de ne pas entendre d'autres témoins.
Le sénateur Tkachuk : On avait accordé du temps au gouvernement pour que ses représentants témoignent puis tout a été annulé. Pouvez-vous l'expliquer à nouveau?
M. Schiller : Je ne sais pas très bien ce qui s'est passé. Je crois que le gouvernement du Nunavut avait demandé à comparaître devant le comité permanent, tout comme Transport Nanuk, Nunavut Tunngavik Incorporated et d'autres. Le comité avait réservé du temps pour le gouvernement du Nunavut, mais ce dernier a annulé la rencontre proposée. Du coup, le comité a décidé de ne pas entendre d'autres témoins. C'est ce que j'ai cru comprendre.
Le sénateur Tkachuk : Le président du comité vous a-t-il envoyé une lettre, à vous, à monsieur Schiller ou à la société expliquant les raisons de l'annulation, ou bien était-il trop occupé pour le faire?
Mme Paquin : Je crois qu'il était trop occupé.
Le sénateur Adams : J'aimerais en avoir le cœur net. Pourquoi la Chambre des communes refuserait-elle d'entendre des témoins? Pour votre information, sachez qu'à une époque, il y avait un comité des transports à Igloolik. À quand remonte l'entente de partenariat avec la société de transport? A-t-elle été conclue il y a deux ou trois ans?
Mme Paquin : Nous avons été constitués en 1998.
Le sénateur Adams : Je veux être certain que les membres du comité comprennent bien la différence entre le Nunavut et le Nunavik. Le Nunavut est un territoire et le Nunavik est une région du Nord du Québec.
Actuellement, en partenariat avec la société de transport, vous possédez deux navires, n'est-ce pas?
Mme Paquin : Effectivement, nous sommes propriétaires de deux bateaux.
Le sénateur Adams : Quel est le tonnage des cargaisons?
Mme Paquin : Le Umiavut transporte environ 14 000 mètres cubes de charge, et le Aivik, approximativement 12 000. Chacun d'eux fait trois voyages dans toute la région de l'Arctique de l'Est, y compris dans les 14 communautés du Nunavik, de l'Île de Baffin, de Kivalik et d'ailleurs.
Le sénateur Adams : Depuis que la Churchill Northern Transportation Company Limited (NTCL) a fermé ses portes, travaillez-vous plus dans la région de Keewatin, autour de la baie d'Hudson?
Mme Paquin : Nous ne desservons pas la région de Kivalik pour le compte du gouvernement du Nunavut. Nous desservons la région de l'Île de Baffin et celle du Nunavik, même si nous l'appelons Rankin Inlet, ainsi que Coral Harbour et Repulse Bay. Actuellement, nous ne sommes pas le transporteur du gouvernement du Nunavut pour la région de Kivalik.
Le sénateur Adams : Savez-vous exactement ce que dit la Garde côtière à propos du tonnage, étant donné que vous n'avez pas de brise-glace pour vous rendre jusqu'à Pelly Bay? La Garde côtière va-t-elle jusqu'au fiord Grise?
Mme Paquin : Nous allons jusqu'au fiord Grise.
Le sénateur Adams : C'est la dernière communauté aux confins de l'Arctique.
Mme Paquin : C'est une région très difficile d'accès.
La présidente : Je renvoie ceux qui ne font pas très bien la différence entre le Nunavut et le Nunavik à la dernière page du dossier qui nous a été remis et qui contient une carte très utile. Fiord Grise s'y trouve aussi.
Le sénateur Adams : Le ministère ne veut pas d'amendement. Le comité aurait eu une chance à la Chambre des communes avant que le projet de loi n'arrive au Sénat. Nous sommes face à un problème. Ces gens ont écrit une lettre au comité de la Chambre des communes, qui a refusé de les rencontrer.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur St-Julien, vous vouliez faire un commentaire?
[Français]
M. St-Julien : Pour faire suite à la question du sénateur Tkachuk, le président de la société Makivik, M. Pita Aatami, a essayé par tous les moyens d'intervenir comme témoin, mais en vain. Dans la province de Québec, au nord du 60e parallèle — c'est l'une des seules provinces du Canada — où le territoire du Nunavik compte sept villages nordiques par décret au nord du 60e parallèle. M. Aatami, de la société Makivik, a essayé de s'assurer que les Inuits du Nunavik qui vivent au nord du 60e parallèle soient au courant de cette politique. Il a essuyé un refus total.
[Traduction]
La présidente : J'allais dire que même si je pense qu'il est approprié que le comité du Sénat examine ce qu'a fait le comité de la Chambre des communes, nous risquons de nous retrouver dans une impasse si nous voulons élucider les raisons psychologiques derrière tout cela.
Le sénateur Munson : Pour information, qui préside ce comité?
La présidente : C'est M. Gallaway.
Mme Paquin : Nous avons rencontré M. Karygiannis après la réunion du comité et nous lui avons fait part de nos préoccupations à l'égard du projet de loi.
La présidente : Merci à tous.
[Français]
Comme vous voyez, cela a été pour nous un voyage de découvertes, merci beaucoup.
Mme Paquin : Merci beaucoup.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous allons faire une pause de deux minutes puis nous reprendrons nos travaux à huis clos pour discuter brièvement d'un autre sujet qui n'est pas relié à ce projet de loi. Je tiens à remercier encore nos témoins de leur participation.
[Français]
Si nous avons besoin de plus amples renseignements, nous pouvons toujours vous contacter.
La séance est levée.