Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 23 - Témoignages du 15 novembre 2005
OTTAWA, le mardi 15 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications, se réunit aujourd'hui à 9 h 5 afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, nous abordons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-37, loi modifiant la Loi sur les télécommunications.
[Traduction]
Dans le cadre de notre étude de ce projet de loi, nous accueillons ici ce matin M. Pickard, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie. Il est accompagné par des représentants d'Industrie Canada. Nous accueillons M. Michael Binder, sous-ministre adjoint, Spectre, technologies de l'information et télécommunications; M. Len St. Aubin, directeur principal, Analyse industrielle et réglementaire, Direction de la politique des télécommunications; et M. Steve Williamson, conseiller principal, Analyse industrielle et réglementaire, Direction de la politique des télécommunications.
Il s'agit du projet de loi sur les télécommunications qui porte sur une liste d'exclusion concernant les télécommunications non sollicitées. Monsieur Pickard, nous sommes heureux de vous accueillir.
L'honorable Jerry Pickard, C.P., député, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie : Je suis accompagné de Glenn Sheskay. Il est conseiller juridique à Industrie Canada.
Le projet de loi C-37 qui vous est soumis aujourd'hui contribuerait à protéger les Canadiens contre le télémarketing non sollicité en établissant un cadre législatif pour la création d'une liste d'exclusion. Pour qu'il puisse établir cette liste, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, se verrait conférer les pouvoirs nécessaires pour élaborer un système plus efficace afin de protéger les consommateurs contre le télémarketing non sollicité tout en protégeant leur vie privée.
D'emblée, je tiens à assurer les sénateurs que nous proposons dans ce projet de loi un modèle éprouvé de réglementation du télémarketing.
Il est semblable à celui qui est déjà en place aux États-Unis. C'est un modèle qui vise à respecter la volonté des consommateurs canadiens de protéger leur vie privée et de se mettre à l'abri des appels non désirés, tout en reconnaissant la nécessité que les entreprises de télémarketing légitimes puissent mener leurs activités dans un cadre réglementaire leur permettant de le faire.
Je tiens à expliquer le cadre législatif et réglementaire régissant actuellement le télémarketing non sollicité. Le Parlement a déjà conféré au CRTC des pouvoirs généraux pour réglementer ou interdire des télécommunications non sollicitées, aux termes de l'article 41 de la Loi sur les télécommunications. Cet article habilite le CRTC à prévenir toutes les nuisances et tous les inconvénients anormaux, compte tenu des impératifs de la liberté d'expression.
En 1994, le CRTC a adopté des règlements définissant un appel non sollicité comme un appel téléphonique auquel la personne appelée n'a aucunement consenti explicitement au préalable. Ils définissent par ailleurs la sollicitation comme étant la vente ou la promotion d'un produit ou d'un service, ou la sollicitation d'argent ou d'une valeur pécuniaire, directement ou indirectement, y compris les sollicitations faites au nom d'une autre partie. Les restrictions du CRTC ne s'appliquent pas aux appels non sollicités n'ayant pas la sollicitation pour objet. Par exemple, ne sont pas visés les appels faits en cas d'urgence, pour la perception de comptes, ou encore pour des études de marché et d'autres enquêtes.
Conformément aux règles de 1994, les entreprises de télémarketing doivent tenir chacune une liste de numéros à ne plus composer. Telles sont les règles actuelles. Mais au cours des dix ans où elles ont été mises en œuvre par le CRTC, elles se sont avérées inefficaces. Premièrement, les règles ont engendré une certaine confusion chez les consommateurs. Peu d'entre eux savent même qu'ils ont le droit de s'inscrire sur une liste d'exclusion, ou comment le faire. Ceux qui ne veulent pas recevoir d'appels doivent gérer leur inscription sur les listes de numéros à ne plus composer de centaines d'entreprises et d'agences de télémarketing. Ces inscriptions sont valides pour trois ans, après quoi les consommateurs doivent se réinscrire.
Le régime actuel est inefficace parce qu'il est difficile d'en surveiller l'application. Lorsque les consommateurs reçoivent de nouveaux appels après s'être inscrit sur des listes de numéros exclus, il leur est difficile de prouver qu'ils étaient effectivement inscrits sur la liste d'une entreprise précise. L'idée d'un régime d'exclusion nationale ne date pas d'hier. D'autres pays ont introduit une réglementation pour protéger les consommateurs des appels de télémarketing indésirables.
En 1999, le Royaume-Uni a adopté une législation visant à créer un service téléphonique préférentiel pour protéger les gens contre les appels ou les télécopies indésirables de marketing direct par téléphone. La législation a été mise à jour en 2003 de manière à inclure toutes les télécommunications.
En 2003, la Federal Trade Commission des États-Unis a lancé un registre d'exclusion nationale. Le fonctionnement du registre américain est simple. Les consommateurs inscrivent leur numéro de téléphone en ligne ou en téléphonant à un numéro sans frais.
Dans le cas de l'inscription en ligne, le consommateur doit remplir un formulaire et confirmer l'information fournie. Dans le cas de l'inscription par téléphone, le consommateur compose son numéro de téléphone sur le clavier de son téléphone pour l'ajouter au registre d'exclusion nationale.
Les télévendeurs américains doivent payer des frais pour avoir accès au registre et ils doivent vérifier la base de données américaine tous les mois pour effacer des noms de leurs propres listes d'appels. Les télévendeurs qui ne respectent pas le registre peuvent être mis à l'amende.
Le registre américain d'exclusion a eu un succès remarquable. Au cours des deux premières années, plus de 92 millions de numéros de téléphones y ont été inscrits. Un sondage Harris Interactive a signalé que 92 p. 100 des consommateurs recevaient moins d'appels de télémarketing et 52 p. 100 ont dit qu'ils n'en recevaient plus du tout.
En juin dernier, un sondage Consumer Car Alliance a permis d'étayer les résultats du sondage Harris Interactive en indiquant que 87 p. 100 des consommateurs recevaient moins d'appels de télémarketing. En fait, au lieu de recevoir une trentaine d'appels non sollicités par mois, ceux qui s'étaient abonnés au registre n'en recevaient plus que six.
Les systèmes d'exclusion en place dans d'autres pays sont des systèmes éprouvés. Ils constituent des moyens efficaces de protéger les consommateurs du télémarketing non sollicité. Et l'expérience des autres pays nous donne des exemples dont nous pouvons nous servir pour mettre en place une liste canadienne d'exclusion nationale.
Comme la plupart des systèmes éprouvés dans d'autres pays, le projet de loi C-37 permettra de créer un régime efficace d'exclusion nationale. Ce projet de loi permet au CRTC de faire trois choses : premièrement, d'imposer des amendes en cas de non-conformité; deuxièmement, de confier à un administrateur indépendant le fonctionnement de la base de données; troisièmement, de fixer des frais qui permettront de recouvrer les dépenses liées à la tenue à jour de la liste.
La loi doit conférer au CRTC le pouvoir d'infliger des sanctions pécuniaires administratives, c'est-à-dire des amendes, aux entreprises qui continuent d'appeler des personnes qui se sont inscrites sur une liste d'abonnés auto- exclus. L'application d'amendes constituera une forte mesure dissuasive contre les infractions.
La tenue à jour d'une telle liste entraînerait des coûts, y compris les frais pour la gestion de la base de données, le traitement des plaintes, la tenue d'enquêtes et l'application du régime. Le CRTC a recommandé qu'un administrateur indépendant soit désigné pour tenir à jour le registre national d'abonnés auto-exclus. Le projet de loi modifierait la Loi sur les télécommunications pour autoriser la nomination d'un administrateur indépendant et le recouvrement des coûts. On s'attend à ce que les coûts soient recouvrés auprès de l'industrie du télémarketing. Bien que le coût précis du fonctionnement d'une liste d'exclusion soit fonction du mode de mise en application, qui sera déterminé par le CRTC, les exemples que fournissent les régimes en application aux États-Unis et au Royaume-Uni démontrent qu'il s'agit d'un système simple lorsqu'il est complet.
Pendant que le comité examinait le projet de loi à la Chambre des communes, le Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie a recommandé que la loi prévoie des exceptions en ce qui a trait à la conformité au registre national de numéros à ne pas composer : les organismes de bienfaisance conformes à la définition énoncée à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu, les entreprises qui ont déjà établi une relation d'affaires; les journaux et les partis politiques. Les organisations exemptées seraient obligées de tenir à jour des listes d'exclusion individuelles. En outre, les maisons de sondage seront aussi exemptées du régime d'exclusion nationale et continueraient à être autorisées à recueillir le point de vue de tous les Canadiens.
Lorsque le projet de loi aura été adopté, le CRTC entreprendra des consultations pour trouver un administrateur de la liste d'exclusion nationale. Il déterminera aussi comment fonctionnera la liste et combien elle coûtera. Le CRTC s'attend à ce que la liste d'exclusion nationale soit opérationnelle 19 mois après que ce projet de loi sera devenu loi.
Les sondages de l'opinion publique démontrent que les télécommunications non sollicitées sont dérangeantes et irritantes pour la majorité des Canadiens. En 2003, Environics a sondé l'attitude des consommateurs à l'égard du télémarketing : 97 p. 100 des répondants ont signalé qu'ils avaient une attitude négative à l'égard des appels non sollicités. De ce nombre, 38 p. 100 disaient les tolérer, 35 p. 100 disaient s'en irriter, et 24 p. 100 disaient détester en recevoir.
Le projet de loi C-37 répond aux préoccupations des Canadiens. Ils en ont assez des appels de télémarketing indésirables et ils veulent une solution efficace. Et si on en juge d'après les systèmes éprouvés dans d'autres pays, les gens qui opteront pour l'inscription à une liste d'exclusion nationale seront moins souvent interrompus à l'heure du repas et pourront passer des soirées tranquilles.
Les consommateurs canadiens sont fortement en faveur d'une liste de numéros à ne plus composer pour limiter la sollicitation téléphonique indésirable. D'après les sondages, 79 p. 100 des répondants sont en faveur de la création d'une liste d'exclusion nationale. Les deux tiers ont indiqué qu'ils s'inscriraient probablement à une liste d'exclusion nationale. Ce projet de loi répond à ce que veulent les Canadiens. Un moyen facile et efficace de réduire le télémarketing intrusif, tout en protégeant leur vie privée.
Il y a une autre question dont j'aimerais traiter. On m'informe qu'une omission s'est glissée dans une des modifications apportées au projet de loi C-37 dans l'autre endroit. Le paragraphe 41.6(3) qui exige que le CRTC remette un rapport annuel sur l'utilisation de la liste d'exclusion aurait dû préciser que ce rapport doit être déposé devant les deux Chambres du Parlement par le ministre. Je crois comprendre qu'une modification de forme sera proposée à l'étape de l'étude article par article pour remédier à la situation.
J'espère que cet aperçu vous a été utile et mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions à propos de la liste d'exclusion.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais passer en revue les dispositions de ce projet de loi. À qui appartiennent les numéros de téléphone au Canada. Ce numéro m'appartient-il lorsque je loue un téléphone ou appartient-il à la compagnie téléphonique?
M. Pickard : C'est une question intéressante; je ne suis pas sûr qu'elle ait été déjà soulevée. Si personne ne peut vous fournir une réponse directe maintenant, nous vous fournirons cette information par la suite.
Len St. Aubin, directeur principal, Analyse industrielle et réglementaire, Direction de la politique des télécommunications, Industrie Canada : Les compagnies téléphoniques se voient attribuer des numéros de téléphone qui seront utilisés par les abonnés. Techniquement, les numéros sont détenus par les entreprises et peuvent être réattribués au besoin. Par exemple, lorsque vous déménagez ou vous changez de numéro de téléphone, ce numéro peut être utilisé par quelqu'un d'autre plusieurs mois plus tard. Dire que chaque abonné est propriétaire de son numéro laisserait entendre qu'il peut le garder de façon illimitée, mais ce n'est pas forcément le cas.
Michael Binder, sous-ministre adjoint, Spectre, technologies de l'information et télécommunications, Industrie Canada : J'ajouterais qu'à une époque où les numéros n'étaient pas transportables, ils étaient attribués de façon générale. Il existait une entente internationale sur la façon d'attribuer un numéro et cette attribution se faisait à l'échelle de l'Amérique du Nord. Nous partagions cette attribution avec les États-Unis et certains pays des Caraïbes. Maintenant, ces numéros sont attribués au Canada et permettent au Canada d'utiliser un certain nombre de numéros de téléphone. Il existe ensuite un système d'attribution de numéros à diverses compagnies téléphoniques.
Cependant, la situation se complique parce que nous sommes en train de passer à un régime où les numéros sont transportables. La technologie vous permet de transporter les numéros avec vous, mais j'ignore s'il s'agit d'un droit de propriété en vertu de la loi. Je pense qu'il s'agit d'une forme d'accès réglementé; mais je ne suis pas avocat, donc je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Tkachuk : Je voulais vous poser la question parce que nous sommes en train de dire que les télévendeurs ne peuvent pas téléphoner. Cependant, si les numéros de téléphone n'appartiennent pas aux abonnés, ils appartiennent à la compagnie de téléphone. C'est pourquoi je tenais à préciser ce point.
M. Binder : Cela est plus important pour ce qui est du comportement.
Le sénateur Tkachuk : Il serait utile si nous pouvions avoir cette information avant l'étude article par article du projet de loi prévue pour la semaine prochaine.
Monsieur Pickard, vous avez parlé de l'existence aux États-Unis et en Grande-Bretagne, je crois, de registres d'exclusion. Est-ce que ces deux pays ont prévu les mêmes exemptions que nous, c'est-à-dire en ce qui concerne les journaux et les organismes de bienfaisance?
M. Pickard : Aux États-Unis, des exemptions sont prévues pour les organismes de bienfaisance et les maisons de sondage. Je ne crois pas que les journaux fassent partie de la même catégorie.
Le sénateur Tkachuk : Une exemption est-elle prévue pour les partis politiques?
M. Pickard : Je crois qu'une exemption est prévue pour les partis politiques aux États-Unis. Il est possible que les journaux ne bénéficient pas aux États-Unis de l'exemption que nous avons prévue dans notre projet de loi. Nous avons prévu cette exemption pour les journaux dans le projet de loi parce que l'on considérait qu'ils représentent un bien public, en ce sens qu'ils transmettent de l'information au public de nombreuses façons. En tant qu'enseignant, j'utilisais en classe de nombreux journaux pour sensibiliser les étudiants. À bien des égards, les journaux jouent un rôle utile dans la société.
Le sénateur Tkachuk : N'importe qui pourrait invoquer le bien public pour réclamer une exemption, comme les entreprises qui vendent des médicaments ou les entreprises de câblodistribution. Je ne comprends pas pourquoi cette exemption existe, parce que si les gens ne veulent pas qu'on les appelle, ils ne veulent tout simplement pas qu'on les appelle. Que va-t-il rester une fois que cette liste d'exemption sera envisagée, les petites exploitations familiales? Que se passera-t-il dans le cas d'une personne qui est propriétaire d'une petite pizzeria de quartier? Devra-t-elle s'adresser à un registre national d'appel pour téléphoner aux gens de son quartier ou devra-t-elle payer une amende si elle fait des appels? Êtes-vous en train de dire qu'on l'en empêchera mais que les journaux, les organismes de bienfaisance et les partis politiques seront libres de faire ce genre d'appels? Comment le système fonctionnera-t-il?
M. Pickard : De nombreuses entreprises, comme Bell et d'autres grandes sociétés, font beaucoup de télémarketing dans de nombreuses régions. Il y a un grand nombre de télévendeurs. La réponse évidente, c'est lorsque l'on prend l'exemple des États-Unis, où il existe des exemptions similaires à celles que nous avons prévues dans le projet de loi, le nombre d'appels téléphoniques par mois est passé en moyenne de 30 à six. De toute évidence, il y a un plus grand nombre de groupes que ceux dont vous entendez parler aujourd'hui. En fait, aux États-unis, il y a cinq fois moins d'appels de télémarketing, ce qui représente une énorme réduction. C'est en fonction de cette réduction factuelle que le projet de loi a été conçu. Les rédacteurs du projet de loi ont déterminé que cela semblait raisonnable si la réduction en question est effectivement la règle.
Lorsque nous en avons discuté avec le comité de l'autre endroit, nous avons inclus les activités dans les régions américaines et tâché de prendre des décisions uniformes afin que les entreprises au Canada et aux États-Unis aient essentiellement des règles similaires. Les membres du comité étaient convaincus qu'il était souhaitable de laisser une telle latitude aux organismes de bienfaisance, comme cela a été fait dans d'autres pays — et cela n'a pas causé de surcroît d'obligations au secteur des télécommunications.
Le sénateur Tkachuk : Là où je diffère d'opinion avec vous, c'est qu'il est possible qu'aux États-Unis, on utilise le télémarketing de façon différente. D'après l'information dont je dispose, plus de 60 p. 100 des appels téléphoniques au Canada proviennent de personnes qui font l'objet d'une exemption de la part du projet de loi. C'est le cas chez moi et probablement dans la plupart des foyers. Ces appels proviennent de commerces ou d'entreprises, comme des compagnies d'assurances qui veulent améliorer votre couverture, ou d'organismes de bienfaisance, de partis politiques, de journaux etc. Mis à part ces groupes, qui sera autorisé à faire des appels?
M. Pickard : Pratiquement toute entreprise au pays qui présente son nom. Les exemptions énumérées sont conformes à celles qui existent dans un pays où un registre national de numéros exclus est en vigueur. Il faut que la situation qui existe dans les villes américaines et les villes canadiennes soit similaire. C'est la règle que nous utiliserions. La plupart des gens conviennent qu'il faut tirer un enseignement de l'expérience. Par conséquent, nous nous sommes inspirés de l'expérience américaine.
Je tiens également à souligner que si le système ne fonctionne pas aussi bien qu'il le devrait, en raison de certaines différences qui pourraient exister entre le Canada et les États-Unis, nous déclencherions alors le mécanisme d'examen recommandé par la Chambre des communes et les comités. Ce mécanisme d'examen nous permettrait d'apporter les correctifs qui s'imposent. De toute évidence, lorsque l'on s'aventure sur un nouveau territoire, on ignore ce que l'avenir nous réserve. Nous avons commencé par nous inspirer de l'expérience des autres.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais poser d'autres questions sur cet aspect plus tard.
Le sénateur Munson : Bonjour et bienvenue au comité.
J'ai lu un article du Globe and Mail, rédigé par M. John Ibbitson, dans lequel il écrit ce qui suit :
[...] le sénateur Tkachuk, l'un des membres les plus compétents de cette Chambre, a des réserves à propos du projet de loi parce qu'il craint que le CRTC se voie confier la responsabilité de consulter divers groupes d'intérêt avant d'établir la liste de numéros de téléphone exclus, car, soutient-il, c'est une responsabilité qui relève du Parlement.
Croyez-vous que le Parlement devrait assumer cette responsabilité?
M. Pickard : Je vous remercie de la question, sénateur. Je crois que le Parlement a assumé la responsabilité de la liste de numéros de téléphone exclus en définissant clairement qui ferait partie de la liste d'exemption. Je ne crois pas que le projet de loi confie ce rôle au CRTC. Nous avons envisagé que le rôle du CRTC sera un rôle administratif. Il est toujours important de tenir des consultations publiques lorsque nous parlons de la façon d'administrer et d'appliquer les règlements pris en vertu d'un projet de loi. Cela est indispensable. Cependant, le Parlement a saisi le taureau par les cornes, à mon avis, et a établi que ces groupes seraient les seuls groupes exemptés en vertu de la loi. C'est ce dont le comité est saisi aujourd'hui.
Le sénateur Munson : Certains commentateurs craignent que l'on établisse un parallèle entre le projet de loi amendé et le registre des armes à feu. Avez-vous une idée des coûts que pourrait représenter la mise en œuvre du projet de loi qui crée cette liste nationale de numéros de téléphone exclus?
M. Pickard : Il y en aura toujours pour penser que les coûts sont un élément essentiel. Le comité de l'industrie de la Chambre des communes a fait un examen approfondi de cet aspect. On a proposé d'inclure dans les dispositions relatives à la liste d'exclusion une marge de manoeuvre permettant au CRTC d'examiner le coût d'administration des demandes et de recouvrer ces coûts auprès des sociétés. J'ai proposé que l'on applique au Canada le modèle qui existe aux États-Unis. En outre, des modifications ont été apportées au registre des armes à feu après que l'adoption du projet de loi.
Pour contrer la levée de boucliers à l'égard du registre des armes à feu, les ministres ont décidé que le gouvernement en paierait les coûts pendant les premières années. Les contribuables se sont donc retrouvés avec une facture énorme. Je ne crois pas que la même erreur serait commise dans ce cas-ci.
M. Binder : On ne peut pas comparer ce programme et le registre des armes à feu. Pour situer les coûts dans leur juste contexte, la première année, le fonctionnement de ce programme aux États-Unis a coûté 3,5 millions de dollars, d'après AT&T. Nous gérons le système des numéros de téléphone. Le CRTC gère déjà ce système. On n'en entend jamais parler, car il fonctionne bien. Ce système est géré par le CRTC et l'industrie sans aucun problème.
Nous ne parlons pas de mesures complexes qu'il faut réinventer. Nous savons comment cela se fait. Nous avons vu comment cela fonctionne aux États-Unis. Il y a 100 millions de dollars de numéros de téléphone inscrits, et le système fonctionne sans difficulté. Il ne s'agit pas d'une nouvelle découverte époustouflante. Nous savons comment le système va fonctionner et nous pensons que ses coûts seront modiques.
Le sénateur Munson : Comment les nouvelles entreprises de ce secteur pourront-elles faire concurrence à celles qui existent déjà, aux relations d'affaires préexistantes? Feront-elles l'objet d'une exemption? Si seules les entreprises qui ont déjà des relations d'affaires sont exemptées, reçoivent-elles ainsi un avantage concurrentiel?
M. Pickard : Il faut peut-être préciser ce qu'on entend par relations d'affaires établies. Les gens peuvent avoir des relations d'affaires avec une société d'assurance, un médecin ou un cabinet de dentiste, par exemple. Pour que cette relation d'affaires puisse continuer, on a prévu une période de 18 mois. Pendant cette période, vous communiquez avec vos clients pour fixer des rendez-vous, que ce soit pour les enfants, pour l'examen dentaire ou pour toute autre chose. Cette mesure ne vise pas à limiter ces communications. Elle vise à permettre les communications nécessaires entre les sociétés ou les professionnels et d'autres personnes comme cela se fait normalement.
Dans d'autres pays, on a constaté que cette mesure est nécessaire. Certaines associations professionnelles voudraient que cette mesure leur soit également consentie, mais nous nous sommes fondés sur l'expérience des États-Unis et d'autres pays pour fixer une période à cet égard.
Mais dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, cette disposition sera elle aussi examinée.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une question au sujet de ces relations d'affaires. Si mon optométriste me dit de revenir dans deux ans et me téléphone deux mois avant mon rendez-vous pour me signaler que je dois le rencontrer le 10 avril, la période est de 22 mois. Respecte-t-il la période de 18 mois, dans ce cas?
M. Pickard : Non. Si quelqu'un vous fixe un rendez-vous dans 10 ans, peut-on appliquer le même scénario? La durée de la période est arbitraire et elle a été calculée en fonction des expériences montrant que 18 mois seraient suffisants. Nous allons examiner cette disposition, mais nous pourrions fixer cette période à 20 ans, et cela n'aurait aucune signification si l'on ne se fonde pas sur une expérience quelconque.
Si l'on constate qu'une période de 18 mois n'est pas suffisante pour régler la plupart des cas, nous pourrions l'augmenter, mais j'estime que ce serait discutable.
Le sénateur Tkachuk : Ce ne serait pas discutable du point de vue de l'optométriste. Les optométristes s'inquiètent de cette disposition et c'est pourquoi j'en ai parlé.
M. Binder : Dans le cas d'une relation d'affaires, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement pour téléphoner durant la période de 18 mois. Mais si les deux parties s'entendent pour fixer un rendez-vous, je ne crois pas que cette période de 18 mois s'appliquerait. C'est une question de contrat. Nous pourrions vous fournir des précisions à ce sujet.
Le sénateur Tkachuk : En êtes-vous certain?
La présidente : Ces appels seraient exclus, car le projet de loi porte sur les télécommunications non sollicitées. Si à votre dernier rendez-vous on vous a demandé qu'on vous rappelle dans 22 mois, l'appel est donc sollicité.
M. Binder : C'est exact.
Le sénateur Merchant : Ce qui me dérange dans ce type de mesure législative, c'est que l'on s'ingère dans le commerce. Les consommateurs bénéficient toujours de la communication d'idées.
Cela permet d'offrir aux consommateurs des produits variés à des coûts moins élevés; je parle du commerce légitime. Êtes-vous d'accord avec moi sur le fait que les consommateurs en bénéficient?
M. Pickard : Lorsque nous avons fait des sondages et demandé aux consommateurs ce qui valait mieux pour eux, une vaste majorité nous a répondu que c'est ce genre de système qu'il faut adopter. Lorsque nous avons examiné les systèmes britannique et américain, la majorité des consommateurs a dit apprécier ce système. Les deux sondages nous ont révélé que les Canadiens souhaitent ce système, et les données statistiques que nous avons sur les États-Unis et le Royaume-Uni montrent que ce système est une bonne mesure pour les consommateurs.
Le sénateur Merchant : Quand vous parlez de « ce système », de quel système parlez-vous?
M. Pickard : Je parle de la liste d'exclusion.
Le sénateur Merchant : Croyez-vous que les consommateurs apprécient de ne pas avoir suffisamment d'information? Si nous examinons les exemples, je dois convenir que ce système ne punit pas les grandes entreprises bien établies. En fait, elles doivent être satisfaites d'un tel système. Tout d'abord, elles ont la possibilité de faire de la publicité et de rejoindre les consommateurs par d'autres moyens, car elles ont l'argent nécessaire. Un tel système pénalise les entreprises qui veulent percer sur le marché, qui ont un produit à vendre mais ne sont pas bien établies et qui n'ont peut-être pas le moyen de lancer une grande campagne de publicité. Cette mesure privilégie les entreprises bien établies.
M. Pickard : Lorsqu'une nouvelle entreprise est lancée, elle doit rejoindre autant de consommateurs que possible, et il existe des moyens pour cela, par l'entremise des médias.
Les consommateurs s'entendent constamment pour dire que les enquêtes téléphoniques à leur domicile les dérangent beaucoup. Comment peut-on trouver un juste milieu entre le caractère intrusif de ces appels et les progrès des nouvelles entreprises? J'estime qu'il y d'autres moyens par lesquels les nouvelles entreprises peuvent faire leur publicité. Il faut aussi se rendre compte que, d'après les statistiques, 25 p. 100 disent détester ces appels. Cela signifie qu'en faisant ces appels, les entreprises se mettent ces consommateurs à dos. Deuxièmement, un grand nombre de gens n'aiment pas ces appels.
La liste d'exclusion fera en sorte que les appels ne seront acheminés qu'aux personnes qui y sont réceptives. Les personnes qui ne se sont pas inscrites sur la liste d'exclusion seront une clientèle de choix pour une nouvelle entreprise qui désire communiquer de l'information. J'estime qu'il vaut mieux rejoindre les personnes susceptibles d'accepter les appels plutôt que de se faire raccrocher au nez trois fois sur quatre. Outre les 25 p. 100 qui disent ne pas souhaiter s'inscrire sur la liste, il existe encore un grand nombre de gens prêts à recevoir les appels, et de nouvelles technologies feront en sorte qu'il sera peut-être plus facile aux nouvelles entreprises de rejoindre la clientèle visée, plutôt que les personnes qui se fâcheraient d'être dérangées.
Le sénateur Phalen : Vous avez dit qu'un certain nombre de personnes seraient susceptibles d'accepter ces appels. Avez-vous des statistiques à ce sujet?
M. Pickard : Ce que je dis, c'est que si des gens disent qu'ils ne s'inscriront pas, ou si les chiffres montrent que 70 p. 100 des gens s'inscriraient sur la liste, cela signifie qu'il reste d'autres personnes qui ne s'estiment pas dérangées outre mesure par ces appels. Les chiffres dont nous avons parlé montrent qu'un certain nombre de personnes seraient encore prêtes à recevoir ces appels téléphoniques. Par conséquent, elles seraient probablement la clientèle ciblée.
Le sénateur Merchant : Que penseriez-vous d'une disposition de temporarisation pour chaque inscription, puisque nous ne savons pas comment le système fonctionnera? Les inscriptions pourraient être valables pendant cinq ans, après quoi les gens devraient s'inscrire de nouveau. Croyez-vous que ce serait une bonne idée?
M. Pickard : Je n'en suis pas certain.
Le sénateur Merchant : Les gens pourraient se réinscrire au bout de cinq ou six ans s'ils souhaitent y demeurer inscrits.
M. Binder : Il faudrait dans ce cas que le CRTC tienne des audiences et décide de la façon de gérer cette base de données. Comment fixer la durée de la période, devrait-elle être de cinq ans ou de trois ans? Il faut remettre la liste à jour — les gens déménagent, les numéros changent, et il faut donc un système...
Le sénateur Merchant : Chacun serait chargé de se réinscrire.
M. Binder : Oui, un système de ce genre. Il n'y aurait pas d'inscription à perpétuité.
Le sénateur Merchant : C'est ma question.
[Français]
Le sénateur Tardif : Certaines personnes ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'incidence que la création de cette liste pourrait avoir sur les centres d'appel dans différentes régions du pays. Que pensez-vous de ces craintes?
[Traduction]
M. Pickard : Je viens d'une région qui compte l'un des plus grands centres d'appels de l'Ontario à l'heure actuelle. Il y a deux types de centres d'appels. Le premier type fait des appels à l'improviste chez les gens, et le second reçoit des appels et administre des programmes. Par exemple, on peut téléphoner à une entreprise pour payer une facture, et cette entreprise reçoit les appels et les paiements.
Les trois quarts des centres d'appels du Canada reçoivent des appels téléphoniques. Ces centres ne seront pas touchés par la mesure législative proposée car ceux qui communiquent avec eux téléphonent au sujet d'une entreprise avec laquelle ils entretiennent une relation; ces centres sont axés sur la clientèle.
L'autre quart, qui fait des appels à l'improviste, pourrait être touché dans une certaine mesure. Mais si vous avez déjà fait de tels appels — comme c'est le cas de bien des personnes en politique —, vous savez que cela peut avoir des aspects très négatifs. Il peut arriver que jusqu'à la moitié des gens soient fâchés que vous les ayez appelés.
Cette mesure permettra à ces centres d'appels à l'improviste de continuer leur travail tout en évitant les personnes qui se fâcheraient, celles qui réagissent très mal. Ces personnes seraient éliminées, et le travail des centres serait plus productif. Nous en avons discuté avec certains employés de centres d'appels, et aucun n'a réagi de façon très négative.
[Français]
Le sénateur Chaput : Le projet de loi explique la procédure à suivre en commençant par le développement de la liste jusqu'aux exclusions et aux sanctions. Y a-t-il une définition assez claire et complète de ce que veut dire une sanction et de ce qui risque d'arriver si les deux parties ne sont pas d'accord? Si par exemple vous me dites que je n'ai pas respecté la procédure et moi je vous dis que je l'ai fait, qui devra trancher à un moment donné? Cela pourrait-il prendre du temps?
[Traduction]
M. Pickard : Je vais demander à notre conseiller juridique ou à M. Binder de répondre. Le CRTC va nommer un administrateur chargé de mettre le programme sur pied et de le faire fonctionner. Je crois toutefois qu'il y aura des audiences publiques pour examiner les détails du genre d'administration nécessaire. Pour le reste, je vais demander aux fonctionnaires de répondre.
M. Binder : Si l'on estime qu'une personne ne respecte pas les règles, il existe un processus d'appel, soit devant le CRTC, soit devant le tribunal. Cette procédure est décrite dans le projet de loi.
Le sénateur Eyton : Je vous prie d'excuser mon retard, j'ai peut-être raté de l'information.
Comment cela fonctionne-t-il? Si une personne veut s'inscrire sur la liste d'exclusion, cette liste existe quelque part; puis il y a les exceptions. Bon nombre de personnes ne pourront pas composer ce numéro, mais il y a des exceptions. Ceux qui bénéficient de ces exceptions pourront faire ces appels, sans égard à la liste, mais pour les autres entreprises ou parties, cela serait interdit et constituerait une infraction. A-t-on prévu des amendes?
Théoriquement, cette mesure ne fait aucune différence. Une fois le projet adopté, n'importe qui pourra téléphoner à n'importe qui, qu'il ait une exemption ou non. Seuls ceux qui font des appels interdits seront passibles d'amendes. Nous ne savons pas très bien quelles sont ces amendes à l'heure actuelle, je suppose? Est-ce exact?
M. Pickard : Je vais demander à notre conseiller juridique de répondre. Il existe une structure pour rétablir la liste d'exclusion. À l'heure actuelle, les entreprises doivent maintenir une liste d'exclusion. Mais le système ne fonctionne pas pour bon nombre de raisons. Une fois établie une liste d'exclusion nationale à laquelle tous les citoyens peuvent s'inscrire, les sociétés seront tenues de mettre à jour leur liste d'exclusion tous les mois.
Les sociétés doivent également conserver leur propre liste. Elles doivent consulter l'administrateur de la liste nationale et mettre leur liste à jour tous les mois. En cas de contravention à cette règle ou de plainte, le processus se met en branle.
Le sénateur Eyton : Techniquement, il est encore possible de faire l'appel, mais on est alors passible d'une peine quelconque, n'est-ce pas?
M. Pickard : C'est exact.
Le sénateur Eyton : Comment justifie-t-on les exemptions? J'ai déjà reçu des appels importants, et je pense que je m'inscrirais sur la liste d'exclusion. Cependant, les appels les plus ennuyeux sont souvent ceux des partis politiques ou des organismes de bienfaisance. À mon avis, les organismes de bienfaisance voudraient peut-être être informés de ce que je ne veux pas recevoir leurs appels, tout comme les partis politiques, car ils n'ont aucune chance de réussir à me convaincre. Par conséquent, je leur ferais économiser leur argent, leur temps et leurs efforts. Pourquoi dit-on que les organismes de bienfaisance ou les partis politiques sont autorisés à nous déranger?
M. Pickard : Non, ils n'y sont pas autorisés. Si vous vérifiez les dispositions applicables aux oeuvres de charité, vous constaterez qu'elles doivent également maintenir une liste d'exclusion à laquelle sont inscrites les personnes qui ne veulent pas recevoir leurs appels. Ils sont exemptés de la liste nationale, mais si un organisme de bienfaisance vous téléphone, vous pouvez demander à ne plus recevoir ses appels, et il doit maintenir sa propre liste. Il ne s'agit pas d'une exemption générale et incontournable. Le projet de loi dit que les oeuvres de bienfaisance doivent maintenir leur propre liste.
Le sénateur Eyton : Cet organisme de bienfaisance devrait conserver sa propre liste?
Le sénateur Tkachuk : Il devrait avoir sa propre liste.
Le sénateur Eyton : Il n'y aura donc pas d'exemption générale pour ces organismes?
M. Pickard : C'est exact; si un organisme de bienfaisance vous téléphone, vous pouvez lui dire de ne plus rappeler. La raison pour laquelle on a accordé une exemption aux organismes de charité - et c'est une raison logique à mon avis — c'est que ces organismes offrent souvent de bons services à la population.
Si un organisme de bienfaisance ou un autre organisme vous dérange, vous pouvez demander à ne plus être appelé.
Le sénateur Eyton : Par cet organisme de bienfaisance?
M. Pickard : Par tout organisme de bienfaisance qui vous appelle.
Le sénateur Eyton : Je vais néanmoins recevoir l'appel.
M. Pickard : Vous pourrez dire à cet organisme de bienfaisance que vous préférez ne plus être appelé.
Le sénateur Eyton : Cela mettra fin au problème. L'organisme sera obligé de m'inscrire sur sa liste.
Le sénateur Tkachuk : Devra-t-il payer une amende?
M. Pickard : Oui.
Le sénateur Phalen : Qui serait chargé des cas des organismes de bienfaisance?
M. Pickard : Ce serait l'administrateur du CRTC.
Le sénateur Phalen : Si vous pensez que vous étiez inscrit sur la liste d'appel des organismes de bienfaisance, vous pourriez en appeler devant le CRTC?
M. Pickard : C'est exact. Vous pourriez en appeler d'une liste directe de la même façon que de la liste nationale.
Le sénateur Tkachuk : À quoi cela peut servir de donner une exemption aux organismes de charité si les personnes peuvent s'exclure elles-mêmes de leur liste d'appel? Permettez-moi de préciser ma pensée. Si quelqu'un veut éviter les appels de télémarketing d'un organisme de bienfaisance, il devra d'abord consulter la liste d'exclusion nationale. Est-ce exact? Faudra-t-il débourser de l'argent pour consulter la liste d'exclusion nationale afin d'obtenir l'exemption? Dans les faits, ce sont les frais qui feraient l'objet de l'exemption, pas les appels téléphoniques. Autrement dit, un journal n'aurait pas à faire de vérification de la liste d'exemption nationale et n'aurait donc pas à payer de frais. Mais si un citoyen venait demander à un journal de ne plus être inscrit à sa liste d'appel, le journal pourra l'exclure de toute façon. C'est le système qui serait exempté des frais, pas les appels téléphoniques.
M. Pickard : D'une certaine façon, on pourrait dire qu'il y aurait une exemption des frais; c'est exact, sénateur. En outre, je crois que la population accepte plus volontiers les appels téléphoniques d'organismes de bienfaisance que ceux d'autres groupes. C'est pour cette raison que des organismes de bienfaisance ont obtenu cette exemption. Il ne faut pas oublier que ce sont les consommateurs qui demeurent aux commandes, qu'ils ont la marge de manoeuvre nécessaire pour demander à être exclus de la liste d'appel d'un groupe. Les dispositions de ce projet de loi font en sorte que c'est au consommateur d'en décider.
Le sénateur Tkachuk : Aux yeux des organismes caritatifs, un donateur est un donateur. Je ne laisse pas entendre qu'ils font tous la même chose, mais nombre d'entre eux vont considérer que le sénateur Zimmer, par exemple, est un donateur s'il a déjà fait un don de charité. Ils vont ensuite communiquer leur liste de donateurs à un autre organisme de bienfaisance, qui téléphonera au sénateur, et la liste sera de nouveau envoyée à une énième organisation caritative. C'est pour cela que nous recevons tant d'appels téléphoniques. Une fois que vous avez donné à une œuvre, votre numéro de téléphone est communiqué à d'autres. C'est ce qui explique que les personnes âgées reçoivent tant d'appels téléphoniques, car elles font assez souvent des dons.
Faudra-t-il qu'on exempte chaque société caritative une à la fois, quand il serait plus simple de le demander une seule fois au registre téléphonique national?
M. Pickard : Si vous recevez un appel, vous pouvez immédiatement demander d'être rayé de la liste, sans plus. C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Tkachuk : On aura beau le faire, quand la Fondation des maladies du cœur vous appellera, la liste sur laquelle vous figurez passera à la Société canadienne du cancer et les appels continueront.
M. Pickard : Compte tenu de la façon dont les choses se passent, il se peut qu'on fournisse ces renseignements. Je l'ignore. Je ne vais pas discuter de la façon dont ces entreprises fonctionnent. Quoi qu'il en soit, il importe que le consommateur puisse mettre fin aux appels téléphoniques des organismes caritatifs.
La présidente : Sénateur Tkachuk, votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Tkachuk : Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas inscrire les journaux, les organisations caritatives et d'autres sur la liste nationale.
M. Binder : La formule de recouvrement des coûts n'est pas encore établie. Cela ne signifie pas nécessairement qu'un organisme devra verser des droits et l'autre pas. Cependant, il se peut qu'on exige des droits en échange de l'accès à la base de données, mais de toute façon, c'est le CRTC qui décidera de la manière dont on recouvrera les coûts d'une entreprise de télémarketing, ou même d'une organisation caritative. Cela n'a pas encore été déterminé parce qu'on le fera sur une base opérationnelle.
Le sénateur Tkachuk : Nous devrions le savoir parce que c'est important. Le système n'est pas encore opérationnel.
M. Binder : Les organismes de bienfaisance ne voulaient pas tomber dans l'oubli du fait que les consommateurs auraient choisi de s'inscrire sur la liste d'exclusion nationale sans avoir pensé aux conséquences de cette décision. Les organismes caritatifs tiennent à ce que les consommateurs prennent leur décision au cas par cas.
Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement affirme que les consommateurs ne sauraient peut-être pas ce qu'ils font. Ils pourraient bien changer d'idée.
M. Binder : Les sociétés de bienfaisance ont décidé qu'elles aimeraient que ces décisions se prennent au cas par cas. Le consommateur pourrait quand même refuser qu'on l'appelle. Tel est d'ailleurs le principe sous-jacent du traitement spécial.
Le sénateur Zimmer : Oui, les consommateurs pourraient simplement demander aux organisations caritatives qu'on les retire de la liste d'appel. Le renseignement serait ensuite communiqué aux autres organismes du même genre, qui à leur tour rayeraient le consommateur de la liste. Il faut toutefois aller plus loin et se demander pendant combien de temps durerait une telle exclusion? Les consommateurs pourraient bien demander d'être rayés de la liste, mais combien de temps est-ce que cela durerait? Qu'y aurait-il ensuite? Dans quelle mesure est-ce que les organismes de bienfaisance se conformeraient à la décision du consommateur? Est-ce qu'on infligerait des pénalités pour inobservation, et qui se chargerait de la surveillance?
M. Pickard : Il y aurait effectivement des pénalités. Les organismes de charité seraient tenus de mettre leurs listes à jour à tous les 30 jours. Je crois comprendre que lorsque quelqu'un demanderait à une organisation de charité de le rayer de la liste des gens à appeler, c'est le CRTC qui trancherait. À mon avis, une telle demande entrerait immédiatement en vigueur, tout en reconnaissant qu'il faudrait peut-être quelques jours pour que toutes les formalités administratives soient réglées. Dans l'exemple que vous venez de citer toutefois, à mon avis, le résultat de la demande serait immédiat.
M. Binder : J'ai besoin d'un éclaircissement. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques interdit qu'on communique la liste des donateurs d'un organisme de charité à un autre sans le consentement préalable des intéressés.
La présidente : Monsieur Pickard, le projet de loi s'applique-t-il aux télécopies non sollicitées?
M. Pickard : Je ne crois pas que ce soit le cas actuellement. Au Royaume-Uni, par exemple, la loi, qui s'appliquait uniquement aux appels téléphoniques, couvre maintenant la télécopie et toutes les télécommunications. Évidemment, il y aurait un examen annuel et l'on étudierait tout élargissement de l'application de la loi, comme c'est le cas des mesures législatives.
La présidente : Une télécopie non sollicitée est une télécommunication non sollicitée.
M. Binder : Le numéro de téléphone du télécopieur pourrait figurer au registre national et faire l'objet du même type de traitement.
Le sénateur Tkatchuk : Avec tout le respect que je dois aux fonctionnaires du ministère, je ne comprends pas bien leurs observations sur les télécopieurs, car il existe des listes de téléphone et des listes de télécopieur. Y aurait-t-il une liste de numéros de télécopieur dans notre registre national également? Je ne comprends pas très bien non plus la situation du Canada en matière d'exemptions, par rapport à celle des États-Unis. Quelles sont les exemptions qui s'appliquent aux États-Unis et quelles sont celles qui s'appliquent chez nous?
La présidente : Je demanderais aux fonctionnaires du ministère de fournir par écrit au comité des explications sur le système d'exemptions américain, cet après-midi, si possible, car je crois qu'un tel document existe.
Le sénateur Eyton : Si c'est un organisme caritatif qui fait cet appel, est-il touché par cette mesure?
M. Pickard : Nous vous fournirons la réponse à cette question.
La présidente : C'est très frustrant, mais nous vous remercions quand même. Cette séance a été très vivante et instructive. Nous sommes impatients de recevoir ces réponses.
M. Pickard : Merci, madame la présidente, et merci à vos collègues de nous avoir écoutés et d'avoir coopéré. Il y a toujours de questions qui émergent lorsqu'une nouvelle loi est présentée et je vous remercie de vos questions.
[Français]
La présidente : Je demanderais aux prochains témoins de bien vouloir s'avancer. Il s'agit des représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
[Traduction]
Nous entendrons aujourd'hui cinq représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et je les invite à prendre place.
Nous accueillons aujourd'hui M. Richard French, vice-président des télécommunications; Mme Elizabeth Duncan, commissaire régionale pour la région de l'Atlantique; M. Allan Rosenzveig, avocat général, Télécommunications; et M. Gerald Lylyk, directeur, Consommation. Merci d'être venus.
[Français]
Richard D. French, vice-président des télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications: Madame la présidente, nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. J'ose espérer que nous serons en mesure d'aider le comité et ses membres à comprendre le rôle du CRTC dans ce dossier un peu complexe et nouveau pour le Canada.
[Traduction]
Je serai bref, parce que je vois qu'il y a beaucoup de questions et je ne voudrais pas décevoir les sénateurs. Deuxièmement, je ferai simplement remarquer que le conseil, après l'adoption du projet de loi, envisagera, dans le cadre d'un processus parallèle, d'une part de lancer une série d'audiences publiques sur les détails de l'application du projet de loi et de certaines questions qui intéressent les sénateurs, et d'autre part de préparer les bases administratives pour qu'un délégué indépendant du conseil puisse gérer la base de données, étant donné que le conseil ne se considère pas comme étant expert dans la gestion de bases de données.
Nous pouvons traiter des questions des coûts et des échéances, mais de manière générale, il semble qu'il faudra de 19 à 24 mois environ pour mener ce projet de loi à terme et l'on s'attend donc à ce qu'il s'écoule la même période après l'adoption du projet de loi avant que les Canadiens puissent s'inscrire sur la liste d'exclusion.
Certains ont fait des parallèles avec le registre des armes à feu. Cette comparaison s'explique par le terme « registre », mais je serais du même avis que M. Binder, le sous-ministre adjoint d'Industrie Canada, quand il affirme que ces parallèles sont fragiles et qu'il s'agit de deux choses complètement différentes. Je serais heureux d'en parler plus en détail.
Enfin, beaucoup ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de la lettre de la loi et de son incidence sur certains acteurs au Canada. Laissez-moi essayer de vous apporter certaines précisions. Il est vrai que si les mères des joueurs d'une équipe de hockey peewee de Corner Brook veulent envoyer l'équipe à St. John's pour un tournoi et téléphonent à des commerçants locaux ou à d'autres personnes à domicile, elles pourraient, techniquement, contrevenir à la lettre de la loi, parce qu'elles ne sont pas un organisme de bienfaisance enregistré. Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est cibler les cas d'abus récurrents des télévendeurs commerciaux qui suscitent de nombreuses plaintes, ce qui semble nous indiquer que certains contreviennent à la loi de façon systématique et lucrative et que cela porte atteinte à la vie privée des gens.
Je veux insister là-dessus, parce que je comprends que les commerçants doivent contacter leurs clients. Nous comprenons également qu'il existe des organismes caritatifs non enregistrés qui font un très bon travail au pays; ils font en effet des démarches par téléphone de façon bénévole, comme le définit la loi, et qui sont peu susceptibles de susciter des plaintes qui nous obligeraient à les poursuivre.
Cela étant dit, je suis prêt à répondre à vos questions. Je laisserai sans doute les experts répondre à certaines, mais je serais ravi, au nom du conseil, de m'entretenir avec les sénateurs à ce sujet.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez utilisé l'exemple d'une équipe de hockey qui serait exempte de la lettre de la loi. Ensuite, vous avez expliqué qu'il faut qu'il y ait des violations répétées. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre ce que sont des violations répétées. Combien cela exige-t-il de coups de fil? Existe-t-il un chiffre précis? Est-ce que je peux appeler quelqu'un cinq fois avant qu'il s'agisse de violations répétées? Comment est-ce que cela fonctionne?
M. French : Je n'ai pas dit que les mères des joueurs de l'équipe de hockey peewee de Corner Brook étaient exemptées. Il ne s'agit pas d'un organisme caritatif. Si ces personnes appellent d'autres parents ou d'autres personnes, techniquement, elles ne sont pas exemptées. Cependant, la question, d'un point de vue de politique publique, serait la suivante, pour nous : Est-ce que les parents de Corner Brook qui ont été contactés se sont insurgés et se sont plaints auprès du CRTC ou de l'organisme national d'application de la loi pour dénoncer ces appels abresifs à Corner Brook au sujet du voyage de l'équipe de hockey peewee à St. John's? Selon moi, il y a très peu de chance que ce soit le cas et, par conséquent, cela n'attirera pas l'attention de l'organisme en question ou du conseil.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qui attirerait son attention?
M. French : Des violations répétées qui indiqueraient qu'une entreprise de télévente commerciale éviterait systématiquement d'avoir recours à la base de données et appellerait par conséquent les personnes qui figurent sur cette liste d'exclusion.
Le sénateur Tkachuk : C'est assez subjectif, non?
M. French : Tout comme la décision d'un policier d'appliquer ou non la loi sur la traversée illégale de la chaussée, ou comme la Commission de la concurrence qui décide si oui ou non...
Le sénateur Tkachuk : Non. Soit une personne a traversé la rue de façon illégale, soit elle ne l'a pas fait. Si elle l'a fait et qu'il existe une loi contre la traversée illégale, cette personne a une contravention; c'est assez clair.
Pour moi, en tant que consommateur, ou en tant qu'entreprise ou organisme caritatif, il est important de comprendre. Je suis un citoyen. J'ai le droit de savoir quand je serai poursuivi si je contreviens à la loi. En d'autres mots, je sais que si je traverse la rue illégalement, j'aurai une contravention, et je peux soit la contester devant les tribunaux, soit payer l'amende; je sais que c'est illégal.
Cependant, vous dites « des violations répétées ». Expliquez-moi ce que ça veut dire. Comment est-ce que la personne qui fait ces appels peut le savoir? Est-ce qu'on lui laisse une ou deux chances? Combien de chances lui laisse-t- on avant que l'on détermine qu'il s'agit de violations répétées? Suffit-il d'un appel, de dix? De quinze? Combien faut-il de plaintes?
M. French : Il s'agit de plaintes, pas d'appels, sénateur, n'est-ce pas? S'il s'agit d'appels, nous n'en avons pas connaissance; et si ce sont des plaintes, nous sommes au courant. Les éléments qui détermineront cela — et nous discuterons au cours d'une audience publique de ce qui sera appliqué ou non, du type de comportement qui exige des méthodes coercitives et des comportements pour lesquels on peut fermer les yeux — seront, d'abord, d'examiner s'il y a eu une série de plaintes, peut-être 10, 15, 20, ce qui indiquera...
Le sénateur Tkachuk : Combien de plaintes?
M. French : Comme je l'ai dit, nous tiendrons des audiences publiques.
Le sénateur Tkachuk : Donc, cela n'a pas été déterminé?
M. French : Ce n'est pas dans la loi, sénateur. Deuxièmement, nous nous intéressons au genre de comportements qui semblent impliquer une entreprise de télémarketing commercial qui cherche à éviter ou à ignorer la liste d'exclusion. Si ces deux éléments sont réunis, nous aurons sans doute une situation qui exigerait une poursuite. Cependant, je tiens à répéter que nous tiendrons des audiences publiques auxquelles participeront des groupes de défense des consommateurs, des organismes de marketing direct, des compagnies de télécommunications et d'autres.
Le sénateur Tkachuk : Très bien. J'ai terminé, mais j'y reviendrai peut-être plus tard. Je suis un peu déconcerté, pour l'instant.
[Français]
Le sénateur Tardif : Le CRTC a déjà une certaine expérience en administration. Pourriez-vous nous parler un peu du fonctionnement de votre administration? Je crois comprendre que vous administrez, par exemple, un système téléphonique. Comment est-ce que cela fonctionne?
M. French : Est-ce qu'on parle de notre réglementation dans le domaine du télémarketing?
Le sénateur Tardif : En effet.
[Traduction]
M. French : Monsieur Lylyk, pouvez-vous aider le comité à comprendre quelle a été notre expérience en ce qui concerne le réglementation du télémarketing, s'il vous plaît?
Gérald Lylyk, directeur, Consommation, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Au cours des années, nous avons connu diverses procédures et décisions relatives au télémarketing et aujourd'hui, il y a des éléments précis qui s'appliquent.
Notre problème concernait l'application de la loi. Dans certains cas, nous trouvons qu'il y a une certaine confusion sur ce qui existe. Nous sommes d'avis que pour progresser, nous avons besoin d'une liste d'exclusion pour régler ces problèmes de façon plus appropriée.
[Français]
Le sénateur Tardif : Votre expérience s'étend également à l'administration de d'autres systèmes. Cette liste nationale qui est proposée est un nouveau projet. Vous avez également eu des expériences antérieures en administration. Vous gérez, par exemple, un système de numéros de téléphone. Est-ce que cela va bien?
[Traduction]
M. Lylyk : C'est exact. Nous aimerions tirer profit de ces expériences. En vertu du modèle que nous envisageons et nous avons demandé à un consultant indépendant de l'étudier pour nous — nous aimerions tirer parti de nos expériences en utilisant, par exemple, un consortium de la transférabilité des numéros locaux, le consortium de l'administration de la numérotation. Selon nous, un tel consortium serait un élément clé. Nous pensons également qu'il faut une personne responsable de ces listes.
Nous avons de l'expertise, mais pas nécessairement dans le domaine des bases de données. C'est dans ce domaine que nous voulons travailler avec le consortium et la personne responsable de la liste et tirer des leçons des expériences américaines et britanniques. Notre consultant a également étudié ces questions et nous a fourni des conseils là-dessus.
Le sénateur Tardif : Que voulez-vous dire par « consortium »? Qu'est-ce que ça veut dire, ici?
M. Lylyk : On nous a recommandé de créer un consortium des parties intéressées composé, par exemple, de télévendeurs, d'organismes de défense des consommateurs et de fournisseurs de services. Leur rôle ou responsabilité serait d'abord de déterminer qui serait responsable de cette liste dans le projet. Ils auraient également d'autres fonctions, qui seront déterminées dans le cadre des audiences publiques dont M. French a parlé. Ce consortium aurait un rôle et une responsabilité de surveillance de façon à s'assurer que la personne responsable de cette liste et les personnes impliquées, du déposant au télévendeur, sont traitées de façon équitable et juste.
Le sénateur Munson : J'aimerais savoir comment fonctionnera votre plan de communication. Quel genre de programme envisagez-vous pour mettre tout cela en place? Vous avez entendu beaucoup de questions ce matin et les gens sont assez mécontents des exemptions, etc. Certains pensent qu'il s'agit d'une liste édulcorée et d'autres ne savent pas trop dans quoi ils s'embarquent. Pouvez-vous dire aux Canadiens, en termes simples, ce dont il s'agit?
M. Lylyk : En examinant ce qui s'est fait ailleurs, nous avons pensé à une campagne de sensibilisation du public. En fait, nous avions un budget réservé pour cela. Par exemple, une campagne de sensibilisation du public a été lancée aux États-Unis, lorsque la liste d'exclusion a été présentée. Nous aimerions que ce soit le cas pour notre personne responsable de la liste. Encore une fois, le consortium exercerait un rôle de surveillance et nous aurions également notre mot à dire.
Les détails de cette campagne de sensibilisation n'ont pas encore été étudiés. Cependant, il est clair que les règles et les autres éléments qui découleront des audiences publiques dont M. French a parlé devront être clairement communiqués; il faut que les gens comprennent ce qui est en jeu et connaissent les sanctions qui s'appliqueront. C'est un élément clé que notre consultant indépendant a étudié, mais nous n'en connaissons pas encore les détails.
Le sénateur Munson : Parlant d'amendes, nous tournons autour du pot, à moins que j'aie mal compris le projet de loi. De quelle sorte de pénalités parle-t-on? Quelle sera l'importance des sommes, si l'on veut pénaliser ceux qui font un mauvais usage de cette liste?
Allan Rosenzveig, avocat général, Télécommunications, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes : Toute société qui se rend coupable d'une infraction est passible d'une sanction administrative pécuniaire de 15 000 $. Cette mesure se fonde sur la loi américaine, où la sanction est de 11 000 $US. On estime que cette somme est suffisante pour dissuader de commettre des infractions, sans être une mesure punitive.
Le sénateur Munson : Au sujet des coûts, nous n'avons pas entendu de chiffres sur ce qu'il en coûtera pour mettre ce programme en oeuvre. Je sais qu'un témoin précédent a utilisé le mot « monstrueux », qu'il ne faut pas se retrouver avec un autre registre des armes à feu, etc. Mais je sais que les contribuables canadiens sont toujours préoccupés par l'argent. Avez-vous une idée des coûts qu'il faudra payer pour élaborer un plan de communication et mettre en oeuvre toutes ces mesures?
M. French : Nous estimons que les coûts de fonctionnement seront de 5 à 7 millions de dollars par année. On s'attend à ce que cet argent soit recouvré au moyen des frais imposés aux télémarketeurs pour le téléchargement des listes à partir de la liste d'exclusion nationale. Prenons l'exemple d'un indicatif régional; les télémarketeurs auraient la liste complète des numéros de téléphone de cet indicatif régional et devraient en retirer les numéros inscrits sur la liste d'exclusion nationale, ils pourraient composer les numéros de cet indicatif régional qui restent, en supposant qu'ils veulent couvrir cet indicatif. Le prix chargé aux télémarketeurs serait calculé de façon à recouvrer ces coûts.
À cela s'ajouteraient des frais annuels supplémentaires minimes pour payer la surveillance exercée par le CRTC. Ces frais seraient recouvrés de la même façon que les coûts actuels du CRTC — c'est-à-dire auprès des exploitants de télécommunications.
La présidente : J'ai une question supplémentaire. Savez-vous combien d'entreprises sont prises en compte dans ce coût proposé de 9 millions de dollars?
M. French : Ce que vous voulez savoir, c'est combien il y aurait de télémarketeurs?
Le président : Oui.
M. Lylyk : Nous n'avons pas de chiffres exacts, même si leur nombre serait beaucoup moins élevé qu'aux États- Unis. D'après les renseignements que nous a fournis notre expert-conseil indépendant, il faudrait vérifier l'estimation initiale. L'estimation initiale de l'expert-conseil était que de 6 à 10 000 télémarketeurs téléchargeraient des données. Ce chiffre a servi de base à certaines de ces estimations.
L'expert-conseil savait que notre système serait beaucoup moins étendu que le système américain. Le nombre des inscriptions prévues la première année serait de 8 à 10 millions, par opposition aux 82 millions d'inscriptions aux États- Unis à la fin de 2004.
Le sénateur Merchant : Comment cette mesure législative s'appliquera-t-elle aux télémarketeurs étrangers? Je reçois de nombreux appels téléphoniques d'une société de téléphone étrangère. Comment ces sociétés seront-elles touchées?
M. Rosenzveig : Nous estimons qu'un télémarketeur qui appelle un Canadien au Canada est largement relié au Canada, et donc le projet de loi s'appliquera à ce télémarketeur. Il faut néanmoins tenir compte de considérations pratiques dans le cas d'entreprises étrangères ou américaines, entre autres savoir si l'entreprise possède au Canada des biens contre lesquels les mesures pourraient être exécutées, etc. Ces problèmes peuvent toujours se poser.
Le sénateur Merchant : Comment ces entreprises pourraient-elles être pénalisées si elles vont à l'encontre des voeux des consommateurs? J'ai dit à une entreprise que je ne voulais plus être appelé, mais elle continue de m'appeler presque tous les soirs. Quand j'ai dit à un télémarketeur que je ne voulais pas être appelé, il m'a répondu qu'il me rappellerait le lendemain afin que la nuit me porte conseil.
M. Rosenzveig : Si vous étiez inscrit à la liste d'exclusion nationale, vous auriez le droit de déposer une plainte, et des mesures d'application de la loi pourraient être envisagées si un nombre suffisant de plaintes étaient reçues au sujet de ce télémarketeur. Si le télémarketeur possède des biens au Canada, des mesures pourraient être prises pour exécuter la sanction.
Le sénateur Merchant : Mais s'ils n'ont pas de biens au Canada, rien ne sera fait.
M. Rosenzveig : Nous ne le savons pas vraiment pour l'instant.
M. French : Sénateur, nous discutons avec la Federal Trade Commission et la Federal Communication Commission. S'il y avait des problèmes d'application des lois à l'extérieur de notre territoire, nous trouverions certainement le moyen de collaborer avec nos collègues américains pour que les problèmes soient résolus dans nos deux pays.
Le sénateur Merchant : Je suppose que les personnes dont le numéro de téléphone n'est pas inscrit dans l'annuaire ne reçoivent pas de tels appels. Bien des gens utilisent des téléphones cellulaires, et je suppose qu'ils ne sont pas non plus dérangés par les télémarketeurs. Grâce aux afficheurs téléphoniques, bon nombre de personnes peuvent également éviter certains appels.
Vous avez dit que les mesures s'appliqueraient également aux télécopieurs, mais qu'en est-il des courriels? Pourquoi ne pas inclure tous les moyens utilisés par ces entreprises pour communiquer avec les consommateurs?
M. French : Le groupe de témoins qui nous a précédé aujourd'hui est chargé de proposer une mesure législative au Parlement. Ce groupe cherche des solutions au problème des pourriels. C'est un problème différent de celui que nous essayons de régler pour l'instant. Le CRTC n'est pas chargé de corriger le problème des pourriels. Malheureusement, je suis obligé de vous donner une réponse bureaucratique. Vous devriez peut-être poser la question aux fonctionnaires du ministère qui nous ont précédés.
Le sénateur Merchant : Les télécopieurs sont-ils inclus?
M. French : Oui, dans la mesure où un numéro de télécopieur est inscrit sur la liste d'exclusion. D'autres mesures pourraient probablement être prises si le problème des télécopieurs s'aggravait. Le projet de loi C-37 confère le pouvoir de traiter le problème des télécopieurs. C'est ce que nous en disons pour l'instant.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je me mets dans les souliers de mes parents; les personnes âgées qui reçoivent beaucoup d'appels téléphoniques non sollicités. Si je comprends bien, si mon père reçoit cet appel téléphonique, il peut dire qu'il n'est pas intéressé et qu'il ne veut plus qu'ils appellent.
[Traduction]
Vous avez dit que si les consommateurs recevaient de tels appels, vous n'en seriez pas informés à moins de recevoir une série de plaintes. Cela signifie-t-il que les consommateurs devraient déposer une plainte? À combien de reprises une même plainte devrait-elle être faite avant qu'un consommateur cesse de recevoir ces appels?
[Français]
M. French : D'abord, votre père pourrait être enregistré sur la liste pour ne plus être appelé et, à ce moment-là, tout appel qu'il reçoit en dehors des exemptions serait par définition un appel prohibé et donc assujetti à notre surveillance.
Dans la mesure où une plainte est déposée, nous devenons conscients de ce phénomène. Nous recevons à peu près 9 000 ou 10 000 commentaires et plaintes par année. Notre expérience nous démontre que l'abus ne se situe pas au niveau de l'individu mais au niveau d'une entreprise qui embête beaucoup d'individus, dont une certaine partie portera plainte. Ce sont ces plaintes qui nous guideront dans la direction à suivre pour l'application de nos ressources de recherche et de poursuite.
Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, ce sont les grosses entreprises qui abusent du citoyen ordinaire.
M. French : Le malheur, c'est que cela n'a pas besoin d'être une grosse entreprise. Cela peut être une très petite entreprise qui fait beaucoup d'appels et qui embête beaucoup de monde. Les gens qui créent des problèmes et qui seront visés par cette législation ne seront pas la Banque de Montréal ou Bell Canada, mais des entreprises de télémarketing un peu « broche à foin » qui vont opérer avec une perspective à court terme, de profits à court terme.
Ces entreprises vont probablement avoir comme client des compagnies pas très informées, assez petites et qui ne savent pas trop dans quel domaine ils s'aventurent et qui ont probablement été entraînés à faire du télémarketing par la vente agressive du télévendeur lui-même.
C'est ce genre d'entreprises que nous allons prendre dans notre filet et que nous espérons contrôler. Les autres vont continuer, mais en toute connaissance de la loi, de façon ordonnée, et en pleine connaissance de leurs responsabilités et de leurs obligations.
La présidente : Pour que le consommateur sache qu'il lui est possible de porter plainte et qu'il sache comment le faire, une seule campagne de publicité ne va pas suffire. Peut-on envisager des façons de communiquer avec le public plus régulièrement sans engager des coûts faramineux?
[Traduction]
M. French : Aux États-Unis, le système a donné de bons résultats à cet égard. Il y a près de 100 million d'inscriptions sur la liste américaine. Cela représente une énorme proportion par rapport à tous les ménages.
Si nous avons l'impression que les Canadiens n'en sont pas informés, nous utiliserons les ressources nécessaires pour les informer. Le bouche à oreille permettra de communiquer le message très rapidement. Je ne crois pas que nous aurons de grands problèmes après les 18 premiers mois.
Le sénateur Eyton : Si j'ai bien compris, il existe à l'heure actuelle des listes appartenant à chaque entreprise. Ces listes sont surveillées par le CRTC et il y a toute une gamme de règles qui s'appliquent. Des mesures sont prises selon...
M. French : Pardonnez-moi de vous interrompre, sénateur. Nous ne pouvons pas prendre de mesures, car nous n'avons pas les moyens nécessaires. Ce projet de loi nous donnera ces moyens.
Le sénateur Eyton : Vous ne pouvez rien faire au sujet de ces listes des entreprises?
M. Rosenzveig : Nous pouvons agir, mais il y a des problèmes. Il faut parfois prouver si la personne a vraiment demandé que son nom soit retiré de la liste pour ne plus être appelé. Une liste d'exclusion nationale administrée de façon centrale indiquera clairement si cette personne aurait dû être appelée ou non.
En outre, la sanction que nous pouvons appliquer consiste en une poursuite pénale dans laquelle peuvent être infligées des amendes maximales assez minimes. Le régime de sanctions administratives pécuniaires, le RSAP, utilisé par bon nombre d'autres ministères et organismes du gouvernement fédéral, constituera une mesure de dissuasion efficace. À l'heure actuelle, nous n'avons pas le pouvoir de dissuader les gens de commettre les infractions. C'est pour cette raison que le conseil a estimé qu'une liste d'exclusion nationale ne sera pas aussi efficace sans le pouvoir d'appliquer des RSAP. Ce projet de loi conférera ce pouvoir au conseil.
Le sénateur Eyton : Les exemptions sont plus importantes que celles prévues à la liste nationale. Une infraction à la liste d'une entreprise n'entraîne pas de peine importante. Je ne sais pas très bien, par exemple, comment on surveillera les organismes de bienfaisance.
M. Rosenzveig : Selon le projet de loi, les organismes qui ne sont pas tenus de respecter la liste nationale des abonnés auto-exclus doivent figurer sur une liste de sociétés spéciales ou d'organismes caritatifs. Toujours en vertu du projet de loi, les personnes qui jouissent d'exemptions sont tenues d'indiquer en premier lieu le nom de l'organisme qu'elles représentent, la Fondation canadienne du rein, par exemple. On demande dans le texte législatif qu'on continue à appliquer la liste nationale des abonnés auto-exclus. Les sanctions sont les mêmes. Toute infraction aux règles de télémarketing s'accompagne d'une sanction de 15 000 $ par appel. Les mêmes sanctions s'appliquent, que les organismes visés soient exemptés ou non.
Le sénateur Eyton : Il existe une liste d'exemptions. Nous avons parlé de l'expérience américaine, qui semble avoir été positive. En effet, 100 millions de foyers, ça englobe presque tout le monde et c'est très impressionnant.
Est-ce que nos exemptions sont les mêmes qu'aux États-Unis? Sinon, dans quelle mesure sont-elles différentes?
M. French : La seule différence, c'est l'exemption accordée aux journaux au Canada. Pour ce qui est du reste, elles sont les mêmes, grosso modo.
Sachez que les tendances en matière de télémarketing risquent de ne pas être les mêmes, ce qu'a laissé entendre le sénateur Tkachuk. Les choses risquent de se dérouler différemment au Canada, mais pour l'instant on ne sait pas ce qui va se passer. En fait les exemptions sont presque identiques, à l'exception des journaux.
Le sénateur Eyton : À quoi faites-vous référence?
M. Rosenzveig : Il y a une disposition dans le projet de loi selon laquelle les appels qui ont pour but unique d'inciter les gens à s'abonner à un journal à grand tirage sont exemptés.
Le sénateur Eyton : Le terme journal est-il générique? C'est-à-dire, comprend-il les magazines, les périodiques et les livrets? Quelle est la portée de la définition?
M. Rosenzveig : À mon avis, quand on parle de journal, ça ne comprend ni les revues ni les livrets.
Le sénateur Eyton : Dans quelle mesure la Fondation des maladies du coeur du Canada, et je ne voudrais pas m'acharner sur le sort de cette organisation louable — peut-elle vendre des abonnements au National Post? Est-ce qu'elle pourrait en tirer profit d'une façon ou d'une autre?
M. French : Votre question est de nature juridique. Je ne sais pas si mon collègue voudrait y répondre. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit possible.
M. Rosenzveig : L'exception porte sur les appels qui ont pour but unique d'inciter les interlocuteurs à s'abonner à un journal. Si l'appel a pour but d'inciter l'interlocuteur à s'abonner à un journal, je suppose qu'effectivement ce serait compris.
M. French : Je pense que la question que vous voulez poser se résume à ceci : un organisme caritatif enregistré aurait- il le droit de vendre un produit qui n'est pas exempté comme les journaux? Étant donné que les organismes caritatifs bénéficient d'une exemption, je pense qu'ils en auraient le droit.
M. Rosenzveig : Si la vente est faite par une organisation à but non lucratif enregistrée, ou en son nom, il existe une exemption dans le projet de loi.
M. French : Les autorités vont s'amuser à vérifier l'enregistrement des nouveaux organismes caritatifs.
Le sénateur Eyton : C'est peut-être une méthode de financement pour certaines sociétés à but non lucratif. En effet, elles touchent peut-être une commission quand la vente est conclue, et cela peut en valoir la peine.
Le sénateur Zimmer : Beaucoup de personnes sont sur la liste rouge. Mais beaucoup de sociétés de marketing appellent quand même en générant de façon aléatoire des numéros de téléphone. Elles n'ont plus besoin de numéros de téléphone puisqu'ils sont générés de façon aléatoire. Elles se contentent de passer au travers des numéros qui sont générés. Est-ce une situation que vous pouvez contrôler? Avez-vous l'intention de vous attaquer à ce problème?
M. Lylyk : Pour l'instant, nous avons des règles qui s'appliquent au dispositif de composition automatique. Nous allons continuer à nous y intéresser.
Ensuite, on s'inquiète des informations qui se retrouvent dans les boîtes aux lettres des gens. Au lieu d'interrompre les gens en temps réel, on envoie les informations directement dans leurs boîtes aux lettres. On va sans doute vouloir fouiller davantage cette question dans le cadre de nos activités.
Votre intervention sur la protection des renseignements personnels est pertinente et dans le cadre des consultations publiques qui vont avoir lieu, nous allons en discuter et créer des règles.
M. Rosenzveig : Grâce au projet de loi, c'est la première fois qu'on accorde au conseil un mécanisme d'application de la loi renforcé. Et pas seulement pour ce qui est de la liste nationale des abonnées auto-exclus puisque c'est l'ensemble des règles de télémarketing qui est visé. Si un appel effectué par le biais d'un dispositif de composition automatique contrevient à nos règles, nous sommes en mesure d'infliger une sanction administrative pécuniaire de 15 000 $. Cette sanction nous permet de protéger la vie privée des gens.
M. French : Ce qui est important, ce n'est pas la provenance du numéro mais plutôt de déterminer si le numéro figure sur la liste. Si le dispositif de composition et d'annonce automatique compose des numéros de téléphone qui figurent sur la liste et que des plaintes sont formulées, les organismes fautifs seront identifiés et poursuivis.
[Français]
La présidente : Il nous reste quelques minutes. Nous passons donc, au deuxième tour de questions, au sénateur Chaput et au sénateur Tardif.
Le sénateur Chaput : Dans le cas des sanctions administratives, vous avez la sanction de 1 500 $ pour la personne physique et la sanction de 15 000 $ pour la personne morale. Le projet de loi prévoit également que l'employeur est responsable de la violation commise par son employé. Par conséquent, si je travaille pour une entreprise donnée, je fais l'appel et que je suis en contravention avec la loi, l'entreprise aura à payer la sanction de 15 000 $ étant donné que je suis sont employée.
Dans le cas d'une personne physique, à quelle définition vous référez-vous? S'agit-il de n'importe quelle personne?
[Traduction]
M. Rosenzveig : « Personne physique », c'est le terme légal. En anglais, on dit « an individual ». Si je n'ai pas de société mais je fais quand même du télémarketing, je suis responsable de mes actions à titre personnel.
[Français]
Le sénateur Chaput : Doit-il exister un lien avec une entreprise?
[Traduction]
Faut-il être propriétaire?
M. Rosenzveig : Non, il peut s'agir de n'importe quelle personne. Si quelqu'un agit au nom d'une autre personne, on recherche la personne responsable, pas l'intermédiaire. En général, on essaie d'identifier la personne qui est responsable.
La présidente : Ce qui veut dire que les employés qui composent un numéro de téléphone parce qu'on leur a dit de le faire, et là, je parle de personnes qui utilisent la vieille technologie, ne seront pas poursuivis.
M. Rosenzveig : On s'intéresserait dans ce cas de figure à la société qui a à son emploi la personne concernée.
M. French : En effet, on s'intéresse dans ces cas-là à la société de télémarketing, c'est-à-dire l'entreprise commerciale de télémarketing qui a à son emploi la personne concernée, et non la société qui parraine les activités, c'est-à-dire la société que l'entreprise de télémarketing représente.
[Français]
Le sénateur Tardif : Je n'avais qu'une question de clarification touchant la distinction entre la sanction de 1 500 $ pour l'individu, et celle de 15 000 $ pour la corporation.
M. French : Il faut ajouter, madame le sénateur, que la sanction est de 15 000 $ ou 1 500 $ par occasion. Cette somme peut donc s'accumuler.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'ai demandé aux témoins précédents à qui appartenaient les numéros de téléphone. Je voulais savoir si c'était le particulier, qui loue le téléphone. Je sais qu'il y a eu des affaires devant les tribunaux qui portaient sur cette question. Et comme c'est votre domaine de prédilection, je me suis dit que vous pourriez peut-être répondre à la question. Les numéros de téléphone qui sont attribués sont répertoriés dans l'annuaire. Mais si moi je ne veux pas qu'on m'appelle, c'est pour ça que j'ai un téléphone, je dois payer un supplément. Si j'accepte que mon numéro de téléphone figure dans l'annuaire, ça veut dire que je veux qu'on m'appelle, que le numéro de téléphone est public. On le retrouve donc sur Internet, dans des logiciels et dans l'annuaire.
Ne pourrait-on pas simplement interdire aux compagnies téléphoniques de faire payer le consommateur pour que son numéro de téléphone figure sur la liste rouge? À ce moment-là, les gens ne se feraient pas embêter.
M. Rosenzveig : Le téléphone est précieux car il permet aux gens de communiquer. Plus il y a de numéros de téléphone publics, plus les gens peuvent s'appeler. Il faut savoir que de mettre un numéro de téléphone sur la liste rouge, de le supprimer des bases de données et de protéger la confidentialité et la vie privée des personnes qui en font la demande, ça engendre des coûts. En même temps, le conseil s'est assuré que les services restent abordables.
Le sénateur Tkachuk : D'accord, mais ce que j'essaie de dire, c'est que quand j'étais sur la liste rouge, les organismes caritatifs ne m'appelaient pas, mais le service était payant. Quand je me suis retiré de la liste rouge, j'ai commencé à recevoir des appels. Ne serait-il pas plus simple de ne pas rendre le numéro de téléphone public? Le faisons-nous toujours pour assurer la survie du secteur des annuaires téléphoniques? On publie les numéros comme pour dire « Appelle-nous » mais, d'un autre côté, si on ne veut pas se faire appeler, il faut que notre numéro de téléphone figure sur la liste.
M. French : En général les gens se situent quelque part entre les deux extrêmes. Le service de base inclut l'annuaire téléphonique, qui permet à la clientèle d'utiliser le téléphone pour contacter diverses personnes. En fait, environ 80 p. 100 des clients veulent que leur numéro de téléphone soit répertorié dans l'annuaire contre 20 p. 100 qui veulent qu'il soit sur la liste rouge.
Cela coûte plus cher de ne pas être inscrit au bottin, car même les abonnés qui n'ont pas fait inscrire leur numéro de téléphone veulent avoir leur annuaire téléphonique. Par conséquent, les coûts supplémentaires reflètent ce qu'il en coûte à une compagnie téléphonique pour retirer et protéger le numéro confidentiel.
Si les Canadiens décidaient qu'ils veulent que ce soit l'inverse, nous serions attentifs à ce souhait, de même que les compagnies.
Le sénateur Tkachuk : Pour ma part, je veux avoir un annuaire téléphonique pour pouvoir appeler des entreprises, mais je ne l'utilise pas pour appeler qui que ce soit. J'ai mon propre répertoire téléphonique à moi et j'ai le répertoire d'Internet. Si je veux avoir l'annuaire téléphonique, c'est pour l'utiliser lorsque je veux acheter des produits de consommation, appeler le garage, le nettoyeur, des restaurants, etc. Cela n'a vraiment rien à voir.
M. French : L'Internet pourrait éventuellement rendre les annuaires téléphoniques désuets, mais ce n'est pas encore le cas. En laissant de côté les répertoires informatisés, l'opinion que vous avez exprimée ne reflète pas nécessairement celle de tous les consommateurs qui ont communiqué avec nous via les compagnies téléphoniques.
Le sénateur Tkachuk : Peut-être qu'on n'y a pas pensé.
M. French : Si on nous présente cet argument, nous en tiendrons compte; toutefois, pour l'instant, ce n'est pas ce que nous disent vouloir les consommateurs canadiens. Ils affirment vouloir avoir en main les pages jaunes et les pages blanches des abonnés résidentiels.
La présidente : Ce fut très intéressant et utile.
Nous avons couvert beaucoup de terrain de façon concise.
Chers collègues, nous prendrons une pause d'au plus deux minutes, après quoi nous inviterons nos prochains témoins à se joindre à nous. Ils peuvent d'ores et déjà s'avancer à la table. Ce sont les représentants de l'Association canadienne du marketing, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et de Eden Clean Air and Heating.
Mesdames et messieurs, nous reprenons notre étude du projet de loi C-37, loi modifiant la Loi sur les télécommunications. Nous accueillons avec plaisir un nouveau groupe de témoins.
De l'Association canadienne du marketing, nous accueillons M. John Gustavson, président et PDG, ainsi que M. Wally Hill, vice-président, Affaires publiques et communications. De la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, nous accueillons M. Rob Taylor, analyste principal, politiques et communications. De Eden Clean Air and Heating, nous accueillons son propriétaire, M. Allen Futerman.
Bienvenue à notre comité. Comme je sais que vous avez suivi nos délibérations, vous aurez constaté que nous n'avons pas beaucoup de temps à notre disposition. Je demanderais à chacun de limiter sa déclaration à cinq minutes tout au plus. J'appliquerai cette consigne rigoureusement, car vous avez constaté que les sénateurs ont beaucoup de questions à poser.
[Français]
John Gustavson, président et président-directeur général, Association canadienne du marketing : Merci beaucoup.
Madame la présidente, l'Association canadienne du marketing se fait un plaisir de présenter au comité sa position vis-à-vis du projet de loi C-37.
[Traduction]
Nous venons ici appuyer le projet de loi C-37 tel qu'il a été amendé par la Chambre des communes et demandons au Sénat de l'adopter rapidement.
Vous serez peut-être surpris de voir que la plus importante association de marketing du Canada appuie la mise sur pied d'un programme national et obligatoire de retrait de numéros de téléphone, mais il faut comprendre que ce n'est pas propice aux bonnes affaires que d'ennuyer les clients qu'il serait plus facile d'atteindre par d'autres moyens de mise en marché. Un service national de retrait de numéros de téléphone imposera les mêmes règles du jeu à tous les commerçants canadiens.
D'ailleurs, notre association exploite son propre service de retrait de numéros de téléphone depuis 1989; ce service est gratuit pour nos clients et obligatoire pour nos membres. Cinq cent mille foyers y sont inscrits, et nous rajoutons à notre liste 6 000 nouveaux noms par mois. À en juger par la réaction reçue des clients et des membres de notre association, ce programme réussit fort bien puisqu'il réduit considérablement le nombre d'appels téléphoniques reçus à domicile. Même si certains de ceux qui y souscrivent ne sont pas membres chez nous, ce n'est pas un service exhaustif.
À notre avis, un service national de retrait des numéros d'abonnés sera bénéfique à nos clients de même qu'à nos commerçants. Dès 2001, nous demandions au CRTC de créer un service de ce genre. Cette demande correspondait logiquement à notre désir de promouvoir la mise en marché responsable, et c'est ce qui explique que nous soutenions ce projet de loi.
Toutefois, je voudrais rappeler aux sénateurs que la vente de biens et services par téléphone représente un gros chiffre d'affaires au Canada. Nous ne parlons pas ici de quelques milliers d'entreprises qui vivent de la vente par téléphone.
Pratiquement toutes les entreprises et tous les organismes de charité au Canada utilisent le téléphone pour mettre en marché à un moment donné leurs biens et services ou pour solliciter des dons. Chaque année, les Canadiens achètent plus de 16 milliards de dollars en biens et services par téléphone.
La présidente : Seize milliards?
M. Gustavson : En effet. Cette activité procure de l'emploi à plus de 250 000 Canadiens. Voilà pourquoi ce projet de loi pourrait avoir des graves conséquences néfastes pour les Canadiens s'il n'était pas étudié avec soin.
Il était donc essentiel, à notre avis, d'amender la première ébauche du projet de loi C-37 afin de préciser que le Parlement n'avait pas l'intention de porter préjudice par accident à cette grande industrie pour le Canada. Il était donc important d'amender le projet de loi pour qu'il soit clair que ces dispositions ne s'appliquent pas aux communications lorsqu'il existe déjà une relation d'affaires. Nous nous réjouissons de l'amendement apporté, mais comme d'autres témoins l'ont fait remarquer, les commerçants doivent néanmoins respecter les demandes des personnes ne souhaitant pas être appelés même si une relation d'affaires existe déjà.
La version amendée du projet de loi définit mieux, à notre avis, sa portée et son application. Toutefois, le projet de loi n'est sans doute pas parfait. Ainsi, l'Association canadienne du marketing se joindra au CRTC pour étudier le cas des appels d'une entreprise à l'autre qui n'ont pas été exemptés au Canada alors qu'ils le sont dans les règlements américains.
Le projet de loi C-37 nous semble être une assise solide sur laquelle il est possible d'édifier un service national de retrait des numéros de téléphone, d'autant plus que le projet de loi prévoit un examen obligatoire par le Parlement après trois ans, ce qui permettrait de le peaufiner encore plus.
Pour conclure, nous sommes d'avis que ce projet de loi trouve un bon équilibre entre la protection des consommateurs et les intérêts des entreprises. Il donne également aux consommateurs canadiens le choix d'être inscrits ou non, tout en protégeant une industrie dont le chiffre d'affaires est de 16 milliards de dollars par année. Nous encourageons respectueusement le Sénat à adopter rapidement le projet de loi.
Rob Taylor, analyste principal, Politiques et communications, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je remercie d'abord le comité de nous permettre de nous prononcer sur cet important projet de loi. Tout comme d'autres témoins que vous entendrez aujourd'hui, nous n'avons pas eu, pour notre part, la possibilité de comparaître devant le comité de la Chambre des communes, lorsqu'il a étudié trop rapidement ce projet de loi-ci.
La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante représente les intérêts de plus de 105 000 propriétaires indépendants d'entreprises dans tous les secteurs et toutes les régions du Canada. Tout comme dans l'ensemble de l'économie canadienne, la majorité de nos membres sont des petites entreprises comptant moins de 20 employés.
Je m'attarderai aujourd'hui aux conséquences que pourrait avoir le projet de loi C-37 sur les PME. Si je dis « pourrait avoir », c'est parce que le Règlement n'est pas encore adopté, et pourtant le gouvernement vous demande de faire une confiance aveugle aux organes de réglementation du CRTC et de leur laisser toute latitude pour la conception et la mise en œuvre du registre.
Ce sont là des nouvelles inquiétantes pour les propriétaires de PME et les professionnels qui sont déjà assujettis aux frais de la SOCAN, qui sont loin de constituer un modèle d'équité et de reddition de comptes.
Toutefois, le gouvernement établit très clairement dans le projet de loi des amendes punitives et cumulatives de 15 000 $ pour chaque infraction téléphonique. Détail pratique, le projet de loi exempte clairement les partis politiques et les sondeurs de l'application du registre, dans l'intérêt de la démocratie.
Le projet de loi ne donne qu'un cadre squelettique permettant au CRTC et à ses agents de concevoir et de mettre en œuvre le registre des abonnés exclus. Les règles et la structure dudit registre se fonderont sur des consultations et des recommandations faites après coup, sans qu'elles soient soumises à un examen du Parlement. Or, si le gouvernement avait pris le temps voulu pour mener des véritables consultations avant le dépôt du projet de loi, ses rédacteurs auraient appris que les techniques courantes de marketing et de promotion des PME incluent le bouche à oreille et le suivi téléphonique.
Ainsi, beaucoup d'entreprises qui dépendent d'indices ont recours à des tirages au sort lors de foires commerciales, de salons professionnels ou d'autres événements pour monter leurs listes de clients potentiels. Ces pratiques ont dû être modifiées pour respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels qui permet le recours aux techniques d'abonnement par défaut dans la vente des billets de tirage au sort. On parle notamment de billets sur lesquels figure une case à cocher si l'on ne souhaite pas que ces renseignements personnels soient donnés à un tiers. Donc, si l'acheteur du billet ne coche dans la case, ses renseignements personnels peuvent être envoyés à d'autres.
Le projet de loi C-37 définit une « relation d'affaires en cours » comme une relation créée comme une communication bilatérale volontaire entre la personne faisant la télécommunication et le destinataire. Selon les pratiques en cours, si une entreprise imprime une case sur un billet de tirage qui indique, « Si vous ne voulez pas qu'on vous appelle à propos de nos offres spéciales, cochez ici », et que la case n'est pas cochée, un billet de tirage constitue-t- il une relation d'affaires qui découle d'une demande ou d'une demande de renseignements, ou le propriétaire de l'entreprise serait-il passible d'une amende de 15 000 $ pour suivre ce genre de piste traditionnellement viable? Cette décision doit-elle être laissée à la discrétion des instances de réglementation? Chaque appel représente-t-il un risque de 15 000 $ pour des gens d'affaires légitimes qui essaient de gagner leur vie et de subvenir aux besoins de leur famille?
En omettant de définir les processus qui se rattachent au registre de numéros exclus, le projet de loi C-37 suscite un plus grand nombre de questions qu'il ne fournit de réponses. Les entreprises devront-elles acheter les listes du registre? Quel sera le coût pour les entreprises de vérifier leurs listes avec celle du registre? Si une entreprise achète une liste d'une société de recherche, qui est responsable de s'assurer que l'on consulte le registre des numéros exclus? Comment informera-t-on les propriétaires de petites et moyennes entreprises de l'existence du registre et de ses procédures?
Le registre fonctionnera-t-il selon les directives de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral? Dans l'affirmative, quelles sont les mesures de rendement qui seront établies pour assurer l'équité du système? Quels sont les mécanismes de règlement des différends qui seront instaurés pour permettre d'exercer un recours et un contrôle? À quelle fréquence les entreprises seront-elles tenues de mettre à jour leurs listes? Quels seront les coûts d'observation qu'entraînera le nouveau régime de réglementation qui accompagne le registre?
Exception faite du fardeau fiscal général, le fardeau réglementaire et les formalités administratives représentent un grand sujet de préoccupation pour les propriétaires de petites entreprises. Les formalités administratives réduisent la productivité, limitent la croissance et coûtent à l'économie des milliards de dollars en possibilités perdues chaque année.
Pas plus tard qu'hier, dans son énoncé économique, le ministre des Finances a confirmé à nouveau l'engagement du gouvernement à réduire le fardeau réglementaire des petites et moyennes entreprises. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante copréside à l'heure actuelle un comité consultatif sur la réduction des formalités administratives avec le gouvernement. Son mandat consiste à évaluer le fardeau en matière d'observation de la loi pour les petites et moyennes entreprises, à en faire rapport et à réduire ce fardeau. Comment le projet de loi C-37 permet-il d'atteindre ces objectifs de réduction du fardeau réglementaire?
En tant que consommateur, je comprends la raison d'être d'un tel projet de loi. Cependant, une mauvaise loi, indépendamment de ses bonnes intentions, n'en demeure pas moins une mauvaise loi.
La lecture de ce projet de loi m'a incité à faire une petite recherche chez moi, où j'ai tenu un registre des appels reçus sur une période de deux semaines. Il s'agissait entre autres d'un sondage auprès des consommateurs, d'un appel à composition automatique provenant d'un candidat politique, d'un appel d'une association de circonscription d'un parti politique qui sollicitait des dons, de deux appels d'organismes de bienfaisance enregistrés, d'un appel de mon institution financière qui vantait un nouveau produit, d'un important détaillant qui m'offrait de l'assurance sur ma carte de crédit de magasin, et d'un appel d'une entreprise locale de déneigement qui cherchait de nouveaux clients.
De tous les appels que j'ai reçus, le dernier seulement était visé par le projet de loi C-37. Lorsque les appels incessants des télévendeurs exaspèrent les consommateurs au point qu'ils décident d'agir, ce sont les propriétaires de petites entreprises qui font les frais de cette exaspération et qui risquent d'être passibles d'une amende de 15 000 $. Cela me paraît injuste.
Il y a également la question du délai de 18 mois, mais je suis sûr que M. Futerman en traitera.
Nous recommandons au comité qu'il renvoie le projet de loi C-37 à la Chambre des communes afin qu'il fasse l'objet de consultations et d'un examen approfondi et approprié. Je me ferai un plaisir d'aborder le reste de mes commentaires lorsque je répondrai à vos questions.
La présidente : Vous ne pensez pas que nous pouvons faire un examen approfondi et approprié?
Le sénateur Tkachuk : Il préconise un processus de consultations. Ce serait une bonne chose.
Allen Futerman, propriétaire, Eden Clean Air and Heating : Je tiens à remercier les membres du comité de m'avoir invité à comparaître devant le comité sénatorial. Nous considérons que l'objectif fondamental du projet de loi C-37 est souhaitable, mais nous estimons également que les dispositions actuelles concernant la relation d'affaires en cours posent un important problème.
Certaines petites entreprises offrent des services périodiques ou cycliques. Par exemple, les dentistes ne voient habituellement leurs clients qu'une fois par année, et les nettoyeurs de système de chauffage, c'est-à-dire le service que nous assurons, ne voient leurs clients que tous les deux ou trois ans. Le projet de loi actuel propose qu'une entreprise puisse maintenir le contact téléphonique avec un client existant pendant une période maximale de 18 mois à partir de la date du dernier service. Cependant, un grand nombre de petites entreprises ont un intervalle de service dont la durée dépasse 18 mois.
En imitant ce délai arbitraire de 18 mois qui existe aux États-Unis, les entreprises ayant des intervalles de service cycliques plus courts peuvent fonctionner comme d'habitude tandis que celles qui ont des intervalles de service plus longs sont pénalisées. Par exemple, un dentiste dont les services sont fournis habituellement selon un intervalle annuel pourrait continuer à rappeler à un patient par téléphone une fois par année que le moment de son rendez-vous annuel est arrivé; pourtant un optométriste, qui fait des examens de la vue habituellement une fois tous les deux ans, ne pourrait plus téléphoner à un patient une fois tous les deux ans pour lui rappeler son rendez-vous, sans risquer une amende de 15 000 $ par appel. Une loi qui entraîne un traitement extrêmement différent de pratiques commerciales identiques et légitimes est une mauvaise loi.
Le projet de loi actuel prévoit une exemption pour les sondeurs, les organismes de bienfaisance, les politiciens et les journaux, qui peuvent faire des appels aléatoires. Non seulement les appels provenant d'entreprises dont les activités sont cycliques ne sont pas des appels aléatoires, ceux qui appellent une fois tous les deux ou trois ans appellent beaucoup moins souvent que les membres de ces groupes déjà exemptés.
L'Association canadienne des optométristes a déclaré dans son mémoire écrit au comité de l'industrie :
Les professionnels ou les entreprises légitimes qui communiquent avec des patients existants ou avec des clients sur une base moins fréquente ne devraient pas être pénalisés par les dispositions de la nouvelle loi.
Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire à votre comité, dont vous devriez tous avoir reçu un exemplaire, les législateurs nous ont dit — et lorsque je dis « nous », je veux dire les petites entreprises légitimes dont l'intervalle de service est d'une durée supérieure à 18 mois — que nous ne sommes pas le groupe que ce projet de loi cherchait à cibler; pourtant, en raison du libellé actuel de la loi, nous tomberions sous le coup de ses dispositions.
M. French a indiqué récemment qu'une poursuite ne sera pas déclenchée à moins qu'il y ait « une série de plaintes ». Il faut, pour le petit entrepreneur, que cela soit défini de façon précise dans les dispositions de la loi.
Les petites entreprises légitimes sont passibles d'une amende sévère de 15 000 $ par appel. Cela va entraîner la disparition des entreprises. On nous demande de fonctionner plus ou moins dans cette vaste zone grise. Il faut que l'on définisse de façon précise ce nombre mystérieux de plaintes; et il nous faut un mécanisme grâce auquel nous sommes informés immédiatement de chaque plainte qui est déposée. Comment autrement saurons-nous que nous devons modifier notre comportement?
On tiendra le compte de ces amendes de 15 000 $ dans cette zone grise mystérieuse. Nous apprendrons un jour que ce projet de loi aura anéanti notre gagne-pain lorsque la mystérieuse zone grise déclenchera soudainement une poursuite. C'est absurde.
Des délais supérieurs à 18 mois existent dans un grand nombre d'États américains, et ces modèles de rechange sont réalisables. La plupart des États américains qui prévoient une exemption relative à une relation d'affaires en cours n'ont pas de limite de temps. Autrement dit, une entreprise peut téléphoner quatre à cinq ans après la date du dernier service, tant qu'il existe une relation d'affaires en cours.
Il faudrait libeller plus soigneusement la disposition du projet de loi pour qu'elle protège les petites entreprises qui offrent des services cycliques au Canada. Il faut le faire non seulement par souci d'équité, mais la Cour suprême du Canada a déclaré dans le cadre de son critère de l'atteinte minimale, qu'il s'agit d'une obligation de la part du Parlement, étant donné que ce projet de loi limite un droit protégé par la Charte, à savoir la liberté d'expression.
Le Canada et les États-Unis sont deux pays différents. En plus de l'existence de la Charte, il faut tenir compte du fait que les petites entreprises jouent un rôle beaucoup plus important pour assurer la vigueur de notre économie. Aucune étude n'a été faite sur les répercussions que ce projet de loi aurait sur les petites entreprises au Canada. Nous considérons raisonnable d'agir avec prudence, et que s'il faut établir un délai maintenant, il devrait s'agir d'un délai de 36 mois tel qu'il existe en Arkansas et au Kansas.
Le Parlement peut observer comment évoluera la situation au cours des trois prochaines années et la réévaluer, au besoin, à l'aide de données recueillies en 2008 lorsque ce projet de loi fera l'objet d'un réexamen. Cette approche permettra de s'assurer que la courbe d'apprentissage au cours des prochaines années ne se fera pas aux dépens de la survie du secteur canadien de la petite entreprise.
La présidente : J'ignore si vous étiez là plus tôt lorsque le secrétaire d'État et ses collaborateurs ont comparu devant nous pour discuter du projet de loi. On a alors soulevé la question concernant la relation d'affaires de 18 mois. Ils ont alors convenu que ce projet de loi porte clairement, dans la Loi sur les télécommunications, sur les communications non sollicitées. Si vous avez un client dont le système de chauffage doit être nettoyé dans deux ou trois ans, et qu'en décembre 2005 vous lui dites: « Voulez-vous que je vous appelle dans quelques années? », et qu'il répond oui, vous n'aurez alors aucun problème.
M. Futerman : Disons que c'est ce que nous faisons deux ou trois ans plus tard et que le consommateur dit: « Je n'ai jamais dit une telle chose. » Nous serions passibles d'une amende de 15 000 $.
La présidente : Il pourrait peut-être y avoir une case que l'on pourrait cocher sur la facture. Je n'en suis pas sûre.
M. Futerman : Ce serait une solution.
La présidente : Je me demande si vous en avez entendu parler.
M. Futerman : C'est une bonne suggestion. Nous y avons songé. Cela peut fonctionner pour ceux qui sont au courant. Cependant, la grande majorité des petites entreprises n'est pas au courant. Si on suit la loi à la lettre, elles tomberont sous le coup de ce projet de loi.
Le sénateur Tkachuk : Je trouve intéressant que l'Association canadienne du marketing soit favorable au projet de loi dans sa version actuelle et que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ait des réserves envers le projet de loi. Cela me préoccupe. Si vous avez entendu les questions que j'ai posées tantôt, vous vous en rendriez compte.
Est-on en train d'envisager la possibilité que l'Association canadienne du marketing administre ce système?
M. Gustavson : Comme nous administrons avec succès notre propre liste de numéros exclus depuis 1989, il est possible que le CRTC nous confie cette tâche. Cependant, beaucoup d'autres groupes ont indiqué qu'ils étaient également disposés à administrer ce système, y compris l'une de nos importantes compagnies de téléphone. Aux États- Unis, une importante compagnie de téléphone s'occupe en fait de l'administration de la liste. Je n'ai aucune indication de la part du CRTC, mis à part la déclaration faite par son président en août 2004, de ses attentes à cet égard.
Le sénateur Tkachuk : Si vous vous occupiez effectivement de l'administration de cette liste une fois que le projet de loi sera adopté, est-ce que cela vous permettrait de faire un peu d'argent?
M. Gustavson : Je crois que dans nos discussions précédentes avec le CRTC, il a convenu que toute entreprise privée qui administrerait la liste aurait droit à un certain rendement du capital investi, mais le montant serait contrôlé par le CRTC et le contrat qui serait conclu. Il n'y aurait pas de profits inattendus. Nous sommes une organisation à but non lucratif. Ma seule préoccupation serait d'éviter de compromettre l'existence de l'organisation, parce que ce genre d'entreprise peut présenter des risques. Par exemple, combien de personnes s'y abonneront? D'après notre propre expérience de l'administration de cette liste nationale de numéros exclus par nos membres, la plupart ne s'abonnent pas. Les grands centres d'appels, les centres de traitement des données s'y abonnent, puis incluent ce service dans les services qu'ils offrent à leurs clients. Par conséquent, nos membres profitent du service mais ne s'y abonnent pas directement. Ils y ont accès par l'intermédiaire d'un important centre d'appels dont ils ont retenu les services ou leur centre de traitement des données s'est abonné à notre liste. Ils sont sûrs que l'on s'en sert.
De même, pour les petites entreprises, je dirais qu'un grand nombre de ces maisons de données auront accès à la liste et leur revendront la petite portion dont elles auront besoin, par exemple, un, cinq ou six indicatifs régionaux, selon ce qu'elles voudront. Comme il y a suffisamment de concurrence dans ce domaine, nous considérons que les prix demandés à la petite entreprise seraient raisonnables.
Le sénateur Tkachuk : Plus tôt, j'ai parlé du mémoire qui nous avait été présenté par les optométristes. La définition de la loi telle que l'a interprétée le CRTC m'a moi aussi posé problème, en ce qui concerne la question des incidents répétés d'utilisation abusive. Cela ne veut rien dire pour moi. J'ignore si cela signifie un appel ou cinq appels. Je pense que cela dépend de la définition de chacun et de celui qui reçoit l'appel téléphonique, quant à savoir si cette définition y correspond. Monsieur Futerman, est-ce principalement l'absence de clarté de la loi qui vous préoccupe? Est-ce cela qui vous pose problème? Ou est-ce le fait qu'on y prévoie des exemptions pour certains mais pas pour vous?
M. Futerman : Il y a deux choses qui nous préoccupent. Tout d'abord, nous considérons que la prescription de 18 mois empêche des entreprises comme la nôtre de bénéficier d'une protection. Deuxièmement, comme je l'ai mentionné, on nous demande de fonctionner dans une zone grise. Nous n'avons aucune idée du nombre de plaintes qui déclencheront une poursuite. Avec cette menace d'une amende de 15 000 $ qui pèse sur nous — ou une accumulation d'amendes de 15 000 $ —, nous considérons que ce point devrait être défini dans le projet de loi.
Le sénateur Tkachuk : Autrement dit, si une plainte est déposée, vous voudriez en être au courant immédiatement?
M. Futerman : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Au lieu d'attendre que les plaintes s'accumulent et deviennent des incidents répétés d'utilisation abusive?
M. Futerman : Je ne crois pas qu'une loi puisse s'appliquer aux petites entreprises, particulièrement s'il existe une infraction de responsabilité stricte, ce qui signifie que vous êtes coupable jusqu'à ce qu'on établisse votre innocence, selon la lettre de la loi. Une fois qu'une plainte est déposée selon la lettre de la loi, il incombe aux petits entrepreneurs de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'ils n'ont pas commis l'acte en question ou qu'ils avaient une bonne raison de commettre un tel acte.
Il s'agit d'un énorme fardeau que l'on impose aux petits entrepreneurs, avec en bout de ligne le risque d'une amende de 15 000 $, laquelle de toute évidence n'est pas conçue pour nous. Une seule amende aurait des effets dévastateurs sur nous. Elle est destinée à s'appliquer à de grosses sociétés. Il s'agit d'une infraction réglementaire que l'on applique aux petites entreprises familiales. De toute évidence elle n'est pas conçue pour de petites entreprises. Ce serait autre chose si nous recevions une amende de 100 $ et ensuite un avertissement. Même si les amendes de 100 $ étaient cumulatives, nous pourrions absorber ce genre de coûts et modifier notre comportement. Cependant, cela signifie des amendes de 15 000 $ qui s'accumulent avec chaque plainte déposée en vertu de la lettre de la loi. Une fois que les poursuites sont déclenchées, nous pourrions nous voir infliger des amendes de 50 000 $. Cela détruirait instantanément notre gagne- pain.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur Gustavson, un témoin précédent a indiqué qu'aux États-Unis, environ 100 millions de ménages sont abonnés au registre de numéros exclus. Cela inclut pratiquement toute la population du pays. Y a-t-il qui que ce soit aux États-unis qui reçoit des appels? Que ce passe-t-il à cet égard? Ou ont-ils tant d'exemptions, comme celles qui existent ici, que cela n'aura aucune importance de toute façon? Pourquoi avons-nous une loi que tout le monde considère si efficace lorsque chacun s'enregistre, et pourtant tout le monde reçoit des appels?
M. Gustavson : Cela représente un tiers des numéros de téléphone aux États-Unis, et bien des gens ont plusieurs numéros de téléphone.
Le sénateur Tkachuk : On nous a parlé précisément de 100 millions de ménages.
M. Gustavson : Nous avons 100 000 inscriptions.
Le sénateur Tkachuk : C'est un peu différent, en ce sens que cela inclut les commerces.
M. Gustavson : Selon la réglementation en vigueur aux États-Unis, les communications commerciales sont exemptées.
Le sénateur Tkachuk : Sont-elles exemptées ici?
M. Gustavson : Non.
Le sénateur Tkachuk : Devraient-elles l'être?
M. Gustavson : Nous pourrions en discuter, mais ce n'était pas prévu par la loi américaine. Le CRTC a indiqué que nos exemptions sont pratiquement identiques, sauf en ce qui concerne les journaux, ce qui est correct par rapport à la loi. Cependant, les États-Unis ont ajouté une exemption réglementaire pour les télécommunications d'une entreprise à l'autre. C'est un point important. Il y aura de nombreuses possibilités de téléphoner à ceux qui ne se sont pas inscrits. Par ailleurs, on peut toujours téléphoner lorsque les gens consentent à ce qu'on les appelle même s'ils figurent sur la liste. C'est une option qui existe. En ce qui concerne les services de marketing qui utilisent le téléphone, cette activité commerciale demeurera très dynamique.
Le sénateur Tkachuk : Combien de ménages aux États-Unis sont inscrits sur la liste des numéros exclus?
M. Gustavson : On parle de l'enregistrement primaire des numéros de téléphone. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer à combien de ménages cela correspond parce qu'un grand nombre de ménages ont trois ou quatre numéros de téléphone. Il serait difficile de déterminer le chiffre exact.
Le sénateur Tkachuk : Nous devrions obtenir des précisions à ce sujet. Je suis certain qu'un témoin précédent a parlé de 100 millions de ménages, ce que j'ai considéré étrange.
M. Gustavson : C'est peut-être que certains ne font peut-être pas du télémarketing en utilisant des numéros de téléphone cellulaire. Ces numéros ont peut-être été exclus des calculs. Comme vous l'avez dit, il faudra obtenir des éclaircissements à cet égard.
Le sénateur Merchant : Il est fort probable que je n'inscrirai pas mon numéro sur la liste des numéros exclus parce que la plupart des appels que je reçois maintenant continueront à moins que je dépose une plainte ou une objection auprès des auteurs des appels.
Monsieur Gustavson, vous représentez de grandes entreprises et vous considérez que ce projet de loi permettrait d'égaliser les règles du jeu. Comment cela fonctionnerait-il pour les petites entreprises? J'ai été élevé dans un ménage soutenu par une petite entreprise. Mes parents sont des immigrants grecs qui avaient un petit restaurant d'un seul employé. Je suis tout à fait conscient de la façon dont les petites entreprises peuvent survivre. M. Futerman a indiqué que ces sanctions seraient trop lourdes pour les petites entreprises, bien que les entreprises plus grandes pourraient absorber plus facilement ce genre de coûts. Je ne comprends pas comment ce projet de loi égaliserait les règles du jeu pour les entreprises.
M. Gustavson : Nous représentons un ensemble de grandes entreprises mais nos 800 membres comptent également des petites entreprises. La majorité de nos membres seraient considérés comme des petites ou moyennes entreprises. Tous nos membres doivent se conformer à notre service de numéros exclus et respecter les souhaits des 500 000 membres inscrits sur cette liste. Cependant, un grand nombre d'autres entreprises n'ont pas à s'y conformer et sont donc libres d'appeler qui elles veulent, tandis que nos membres essaient d'agir de façon responsable. Nos membres sont des commerçants ayant un sens de l'éthique et le problème provient de ceux qui ne respectent pas les règles. S'il existait une loi exigeant que toutes les entreprises respectent la liste nationale de numéros exclus, cela permettrait de s'assurer que tout le monde joue selon les mêmes règles. Je ne crois pas qu'il soit injuste de s'attendre à ce que les petites, moyennes et grandes entreprises se conforment à la loi. Je ne crois pas que le coût que cela représenterait pour de petites entreprises serait aussi élevé que l'a indiqué M. Futerman. Tout d'abord, le coût d'accès à la liste ne serait pas élevé, et cela pourrait se faire par l'intermédiaire d'une banque de données, d'un commissionnaire en publicité directe ou qui que ce soit d'autre. Une entreprise ne serait pas obligée de payer une taxe nationale pour télécharger le numéro de tous ceux qui se trouvent sur la liste. Deuxièmement, pour ce qui est des sanctions, effectivement, il faudrait qu'elles soient assez élevées, non seulement pour empêcher les infractions afin qu'elles ne deviennent pas simplement un moyen de contourner le service national de numéros exclus, mais aussi pour s'assurer que l'administration des sanctions est faite de façon responsable. Il faut encore établir la norme de preuve et l'intention. À ma connaissance, il ne s'agit pas d'une question de responsabilité stricte et il faut pouvoir prouver jusqu'à un certain point qu'il s'agit d'une violation délibérée des dispositions concernant le service de numéros exclus. On pourrait émettre des avertissements d'inconduite plutôt que de passer directement aux poursuites. Dans notre société, nous devons parfois nous fier à l'administration raisonnable de la loi, mais si des problèmes surgissent, le projet de loi ferait l'objet d'un examen de la part du Parlement au bout de trois ans.
Le sénateur Merchant : Vous avez indiqué que les ventes de biens et services au Canada représentent en tout 16 milliards de dollars par année. Comment ce projet de loi influera-t-il sur le commerce au Canada ou ne changera-t-il pas grand-chose à la situation en raison de l'existence d'un grand nombre d'exemptions?
M. Gustavson : Il empêchera les personnes avec lesquelles vous n'avez eu de relation d'affaires de vous téléphoner, à moins qu'elles représentent un organisme de bienfaisance ou un journal. Il s'agit d'une exemption inhabituelle, mais ce serait inscrit dans la loi. Vous constateriez une diminution importante du nombre d'appels. Il ne fait aucun doute que les commentaires que nous recevons à propos de notre liste de numéros exclus, qui régit seulement les entreprises membres qui font du télémarketing ainsi que d'autres formes de marketing, indiquent que les consommateurs sont satisfaits. Le système n'est pas parfait, mais il entraîne une diminution du nombre d'appels. Il peut être efficace. D'autres circuits de distribution assurent un accès si la petite entreprise se voit limiter par le projet de loi. Il peut s'agit de publipostage direct ou d'autres formes de publicité. Il est également important de ne pas oublier que si vous avez le consentement du client, vous pouvez appeler toutes les personnes que vous voulez. Si vous exploitez un petit restaurant où les gens laissent leurs cartes d'affaires, vous êtes libre d'appeler vos clients. Le projet de loi établit un équilibre à cet égard.
Le sénateur Tardif : Monsieur Taylor, vous avez indiqué que les petites entreprises seraient pénalisées par ce projet de loi. Ne préféreriez-vous pas téléphoner à des personnes qui seraient réceptives à vos appels plutôt qu'à celles qui s'en irriteraient? Ne serait-il pas plus facile ainsi de conclure une vente? Si je comprends bien, l'intention du projet de loi est de diminuer les contrariétés que connaissent les clients qui reçoivent des appels d'entreprises de télémarketing. Si une petite entreprise téléphonait à des clients qui ne figurent pas sur la liste d'exclusion nationale, elle serait beaucoup plus susceptible de conclure une vente.
Le CRTC entamera, au moment opportun, des audiences publiques dans le cadre de ses délibérations sur la mise en œuvre et l'application de la loi. La plupart des préoccupations que vous avez soulevées concernent le Règlement et l'aspect opérationnel du projet de loi. Le projet de loi prévoit un examen de la loi dans trois ans. Comme dans tout, il est peut-être difficile de prévoir tous les problèmes de mise en œuvre.
Vos préoccupations pourraient-elles être soulevées dans le cadre d'audiences publiques sur la mise en œuvre et au moment de l'examen triennal des procédures et des règlements existants?
M. Taylor : Nous avons examiné le projet de loi sous l'angle d'une petite entreprise. Un certain nombre d'initiatives gouvernementales qui ciblent habituellement les gros poissons peuvent malheureusement attraper de petits poissons dans leurs filets. Dans la perspective des petits entrepreneurs et compte tenu de l'impact cumulatif des règlements et des initiatives gouvernementaux sur leur vie quotidienne, ils assument à l'heure actuelle un coût élevé. Dans l'ensemble, les petites entreprises ne font pas beaucoup d'appels, donc c'est un moyen peu coûteux d'établir et d'augmenter une clientèle locale. Devoir se conformer à un certain nombre de règlements gouvernementaux ou faire appel à un tiers pour obtenir la liste, sans compter les coûts qui se rattachent à la masse salariale, à la santé et à la sécurité, ajoute au fardeau du propriétaire unique qu'un grand nombre de nos membres assument. Nous participerons aux consultations publiques du CRTC pour tâcher de nous assurer que la mise en œuvre de la loi tient compte des besoins et des souhaits des petits entrepreneurs.
Cependant, notre expérience passée nous a appris qu'ils ne tiennent pas souvent compte des besoins individuels des petits entrepreneurs parce que la loi cible les grandes entreprises.
Le même argument vaut pour un grand nombre de programmes frontaliers qui mettent l'accent sur la fabrication juste à temps. Le petit expéditeur ayant un faible volume de marchandises et présentant un risque peu élevé est attrapé à la frontière parce qu'il ignore comment se conformer aux règlements? On ne le lui a pas communiqué. Par conséquent il est pénalisé, ce qui le désavantage.
Le sénateur Tardif : Est-ce qu'une campagne d'information à l'intention des PME permettrait de régler certains de ces problèmes?
M. Taylor : Ce serait une excellente initiative. Nous travaillons avec un certain nombre de ministères à certaines initiatives afin de les aider à communiquer par l'intermédiaire de nos membres. Nous communiquons de l'information provenant de l'ARC et d'Industrie Canada, de même que d'un certain nombre d'autres ministères à nos membres.
Nous demandons que l'on examine le projet de loi de façon générale afin de déterminer quelles seront ses répercussions sur chaque entreprise au Canada, particulièrement la grande majorité de micro-entreprises qui bâtissent et soutiennent les économies locales, créent des emplois et favorisent la croissance économique partout au pays.
Le sénateur Eyton : J'ai un certain nombre de questions sans rapport avec ce dont nous venons de parler, mais j'espère qu'elles sont logiques.
Monsieur Taylor, vous avez indiqué que vous-même ainsi que votre organisation n'aviez pas eu l'occasion de comparaître devant le comité de la Chambre des communes lorsqu'il a examiné ce projet de loi. Le projet de loi a été présenté il y a presque un an. Il a été étudié par le comité en février et a fait l'objet d'un rapport en juin. Vous devez être au courant du projet de loi depuis un certain temps.
Pouvez-vous nous indiquer pourquoi vous n'avez pas eu l'occasion de comparaître devant le comité de la Chambre des communes qui examinait ce projet de loi?
M. Taylor : Nous avons écrit une lettre au comité dans laquelle nous avons indiqué nos réserves au sujet du projet de loi, et nous nous attendions à recevoir une réponse à une date ultérieure.
À l'époque, je ne m'occupais pas du dossier. D'après la lecture du dossier, lorsque le comité de la Chambre des communes a été saisi du projet de loi, la seule association commerciale qui a été invitée à comparaître devant le comité a été l'Association canadienne du marketing. Nous avons écrit une lettre au comité, mais on n'en a pas tenu compte.
Le sénateur Eyton : Avez-vous protesté contre cela?
M. Taylor : Non.
Le sénateur Eyton : J'aimerais maintenant poser une question à M. Futerman, car il représente une entreprise en exploitation, Eden Clean Air and Heating.
Depuis combien de temps êtes-vous en affaires? Comment recrutez-vous votre clientèle? Comment est-ce que vos moyens de sollicitation pourraient être affectés par ce projet de loi?
M. Futerman : Cela fait neuf ans que nous sommes en affaires. Étant donné que nos services sont de nature cyclique, notre modèle de croissance fait en sorte que nous voyons nos clients à tous les deux ou trois ans. C'est ainsi que notre entreprise a pris de l'expansion ces neuf dernières années. Est-ce que ça répond à votre question?
Le sénateur Eyton : Comment joignez-vous vos clients pour la première fois?
M. Futerman : Nous publions une grande annonce dans les pages jaunes. Je ne nierai pas que nous avons déjà fait du télémarketing, mais nous avons maintenant suffisamment de clients pour que notre carnet de commandes soit rempli; nous n'avons pas besoin d'autres mesures publicitaires.
Le sénateur Eyton : Vous n'êtes pas préoccupé outre mesure par la première sollicitation de l'entreprise?
M. Futerman : Non.
Le sénateur Eyton : Votre principal souci est de rester en contact régulier avec le client, c'est bien cela?
M. Futerman : Oui.
Le sénateur Eyton : Une période de 18 mois me semble assez exagéré. Pour ma part, je préférerais qu'on me sollicite au téléphone une fois tous les trois ans plutôt qu'une fois tous les 18 mois. J'ignore pourquoi on choisirait un intervalle de 18 mois. Ça me semble arbitraire et injuste à l'endroit de certaines entreprises.
M. Futerman : J'ai essayé de trouver les raisons pour lesquelles on avait retenu l'intervalle de 18 mois. Si vous vous reportez aux raisons invoquées par la Commission fédérale des communications des États-Unis, vous vous rendrez compte que c'est tout à fait arbitraire.
Le sénateur Eyton : Pour ma part, j'ai signé un certain nombre de contrats et de garanties avec certains marchands, et, règle générale, leur durée est de deux ou trois ans. Je ne me souviens pas d'un seul cas où le contrat ou la garantie durerait seulement 18 mois.
M. Futerman : L'Association canadienne des optométristes est du même avis : les entreprises ou les entités dont la périodicité d'entretien ou de service est plus longue sont paradoxalement pénalisées par ce projet de loi. Les entreprises qui appellent moins souvent sont pénalisées.
Ce que nous offrons est moins irritant que ce à quoi s'adonnent les groupes exclus qui, en principe, peuvent faire un nombre illimité d'appels selon le régime actuel. En revanche, nous nous contentons d'appeler une fois à tous les deux ou trois ans, et malgré cela, c'est nous que visent les amendes éventuelles.
Le sénateur Eyton : Ça me semble étrange.
Ma dernière question s'adresse à M. Gustavson. M. Gustavson et notre président ont tous les deux affirmé qu'il n'y aura aucun problème pourvu que la personne sollicitée consente à l'appel.
J'ai parcouru le projet de loi, et sous la rubrique « Relations d'affaires en cours », on trouve trois catégories. La première concerne une transaction effectuée au cours des 18 mois précédant la date de la télécommunication. La deuxième désigne une demande présentée au cours des six mois précédant la date de la même télécommunication et la troisième porte sur un contrat conclu par écrit, qui est soit toujours en vigueur ou venu à échéance dans les 18 mois précédant la télécommunication. Je ne vois toutefois rien dans ce texte qui précise un consentement quelconque. Il me semble que vous serez alors obligé d'augmenter votre chiffre d'affaires d'une autre manière. Vous avez mentionné les cartes professionnelles, par exemple.
Qu'arrive-t-il si une entreprise essaie d'élargir sa clientèle en faisant de la sollicitation téléphonique, et si pour obtenir le consentement de la personne sollicitée, elle doit s'y prendre autrement pour obtenir un tel consentement et éviter les restrictions du projet de loi?
Je ne comprends pas pourquoi notre président et vous-même affirmez que pourvu qu'il y ait consentement, il n'y aura pas de problème.
M. Gustavson : Pour répondre à cette question, précisons que lorsqu'on a une relation d'affaires avec quelqu'un, on a le droit d'appeler cette personne jusqu'à 18 mois après la fin de la transaction ou du contrat. Si, par exemple, il s'agit d'un contrat d'assurance de quatre ans, cela vous donne 18 mois après son échéance pour appeler. Ça me paraît raisonnable.
Toutefois, si votre entreprise fait de la sollicitation téléphonique une fois par trois ans, lors de la première transaction, vous demanderez simplement si la personne sollicitée est d'accord pour qu'on la rappelle dans trois ans. Ce sera d'ailleurs une bonne chose que de noter cela par écrit s'il fallait qu'on attaque votre crédibilité ou qu'on fasse une plainte. Cependant, à moins qu'il n'y ait de nombreuses plaintes, il n'y aura vraisemblablement pas de problème.
Il est assez facile d'obtenir des gens qu'ils consentent à un appel lorsqu'il est question des services courants à offrir, qu'il s'agisse de remplacer un chauffe-eau ou de donner un rendez-vous chez l'optométriste pour un examen de la vue. Je pense que les gens exagèrent à la fois la difficulté d'obtenir le consentement et les attentes des consommateurs.
Lorsqu'on m'appelle pour me rappeler de prendre rendez-vous pour me faire examiner la vue après trois ans, je suis reconnaissant, je ne serai pas irrité. À mon avis, les consommateurs raisonnables ne vont pas porter plainte parce que le bureau de l'optométriste leur aura téléphoné pour leur rappeler de prendre un rendez-vous pour un examen de la vue.
Le sénateur Eyton : Il y a quand même transgression.
Le sénateur Gustafson : Pas si vous estimez avoir une relation d'affaires avec l'entité qui appelle ou si une telle relation nécessite un rappel triannuel et s'il y a consentement.
Le choix d'un intervalle de 18 mois n'a rien d'arbitraire. La Commission fédérale des communications a d'ailleurs donné son accord. Lorsqu'elle s'est penchée sur la question, elle a tenu compte des divers intervalles demandés par les entreprises, 36 ou 60 mois, ainsi que des consommateurs qui demandaient qu'il n'y ait pas de prolongation au-delà de la fin de la relation d'affaires; pourquoi une entité serait-elle autorisée à appeler encore une fois que la relation d'affaires n'existe plus?
La Commission fédérale des communications a elle aussi précisé que le choix de 18 mois n'avait rien d'arbitraire. Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'un consommateur peut raisonnablement s'attendre à recevoir un appel de la part d'une entité avec laquelle il a une relation d'affaires, même si cet appel vient 18 mois après la fin de la transaction ou de ladite relation.
Le groupe de défense des consommateurs va demander pourquoi il devrait y avoir une telle prolongation. Il y a donc deux côtés à cette médaille.
La présidente : Sénateur Tkachuk, vous l'avez cité à maintes reprises ici à titre d'éclaircissement, j'ai précisé que le projet de loi réunit une série d'amendements aux dispositions de la Loi sur les télécommunications qui portent sur les télécommunications non sollicitées. Tout cet exercice porte donc sur les télécommunications non sollicitées.
J'ai demandé au secrétaire parlementaire et à ses hauts fonctionnaires si on était en règle lorsqu'on avait obtenu le consentement de quelqu'un — par exemple, dans le cas où le client aurait dit être d'accord pour qu'à tous les trois ans, on lui rappelle par téléphone de faire nettoyer sa chaudière, ou encore de changer ses lunettes à tous les deux ans.
Ils m'ont répondu oui, l'entreprise serait alors en règle. Je crois que M. Gustavson est d'accord avec cela, mais je n'ai pas affirmé cela sans avoir préalablement vérifié si tel était bien le cas.
Le sénateur Tkachuk : Ce qu'il y a d'intéressant cependant, c'est que le témoin du CRTC nous a dit qu'une femme qui s'occupait du club de hockey local se trouvait à transgresser la loi en recourant au télémaraketing pour amasser des fonds destinés à la tenue d'un événement.
Comment peut-on transgresser la loi? On viole la loi ou on ne la viole pas. Ça montre à quel point toute cette question est très floue. Je peux comprendre pourquoi la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est préoccupée, parce qu'elle représente les petites entreprises. La loi n'est pas claire. Notre responsabilité en tant que législateur est de faire en sorte qu'elle le soit.
La présidente : Je n'en disconviens pas.
Le sénateur Tkachuk : Nous n'allons pas nous en remettre au CRTC pour contester les dispositions de la loi. À mon avis, elles ne sont pas claires. Les témoins de ce matin eux aussi semblent en désaccord. Je ne pense pas non plus que le Bureau du commissaire à la protection de la vie privée ait raison. Je me demande vraiment quelle démarche on a suivie. Il me semble qu'on s'est vraiment trop précipité ici, et nous devrions probablement ralentir les choses.
Le sénateur Eyton : Dans le témoignage précédent, nous avons entendu dire qu'il y avait 100 millions de ménages inscrits aux États-Unis. Or, il ne s'agit peut-être pas de ménages mais d'inscriptions sur une liste, ce qui est différent.
J'ai posé des questions au sujet des similitudes entre la loi américaine et la nôtre. On nous a répondu que la seule différence était l'exclusion portant sur les journaux. J'ai toutefois entendu dire que la loi américaine prévoit une autre exclusion, les communications d'entreprise à entreprise. Encore une fois, il s'agit d'une différence importante. Je tenais à le préciser.
Le sénateur Munson : Nous avons entendu beaucoup de témoins ce matin, de l'administration gouvernementale ainsi que du CRTC. Il y a toutes ces exemptions dans le projet de loi. J'aimerais savoir qui sont les méchants là-dedans? Au nom de tous les téléspectateurs, j'aimerais savoir qui ils sont. Ainsi, par exemple, est-ce que ce sont les entreprises de télémarketing pour les cartes de crédit? Vous savez, après avoir reçu un appel téléphonique pendant lequel ils n'ont donné leur consentement à rien, des gens découvrent parfois qu'ils ont de nouveaux frais inscrits à leur carte de crédit pour assurance. Ils sont donc obligés de rappeler et de dire qu'ils n'ont jamais consenti à payer ces nouveaux frais. C'est arrivé à beaucoup de gens. J'ignore si le projet de loi couvre ce genre de situation.
J'aimerais bien qu'on me dise qui sont ces sinistres agents qui s'adonnent à toutes ces pratiques répréhensibles, qui abusent des personnes âgées et d'autres, en vendant un produit par des moyens auxquels nous sommes censés mettre un terme.
M. Gustavson : Sénateur, il y a deux questions distinctes dans ce que vous venez de dire. Il y a d'abord l'usage abusif du télémarketing téléphonique, qui constitue un cas de fraude ou de publicité trompeuse. Ici, le Bureau de la concurrence, grâce aux amendements apportés à la Loi sur la concurrence, peut intervenir fermement pour sévir contre des agissements qui sont en fait de la fraude. Nous avons d'ailleurs coordonné nos efforts avec nos collègues américains, et nous nous efforçons aussi de combattre la fraude transfrontalière en matière de télémarketing. C'est toutefois une question distincte de celle dont nous sommes saisis aujourd'hui, à savoir contrôler les appels téléphoniques non sollicités, importuns. Tel est en effet l'objet de notre réunion. Il ne s'agit pas de savoir comment la loi peut sévir dans les cas de fraude; il s'agit simplement de nous débarrasser d'appels importuns ou qui viennent à un moment importun aux yeux des consommateurs. Ces derniers ne veulent être appelés que par un nombre limité de personnes.
Vous avez donc soulevé deux questions distinctes. Je le répète, l'autre peut être réglée par le truchement de la Loi sur la concurrence et par l'intervention du Bureau de la concurrence ainsi que par les efforts déployés par un groupe de travail réunissant des agents de police de plus d'un pays.
Le sénateur Munson : Pour que les gens comprennent clairement, pouvez-vous me donner des exemples de ceux qu'on considère comme méchants dans ce dossier? Qui cherchons-nous à poursuivre grâce à ce projet de loi?
M. Taylor : Nous aimerions bien le savoir nous-mêmes.
M. Gustavson : Le projet de loi ne cherche pas à poursuivre des gens. Il a strictement pour objet de limiter les contrariétés que constituent les appels de télémarketing importuns.
Le sénateur Munson : Mais qui sont-ils?
M. Gustavson : Les consommateurs trouvent irritables bon nombre d'appels, qu'il s'agisse de nettoyer les tapis, de réparer la toiture ou de refaire l'entrée de cour. Franchement, bon nombre de plaintes portent sur les petites entreprises qui n'utilisent pas les bonnes listes ou ciblent mal leur clientèle. Bon nombre des plaintes déposées au CRTC portent justement sur les petites entreprises, pas sur les grandes.
Ce projet de loi a pour objet précis de contrôler le grand nombre d'appels de télémarketing jugés importuns par les Canadiens, mais ça ne signifie pas que de telles activités sont nécessairement de la fraude ou de la publicité mensongère. Le problème soulevé par le sénateur est causé par les entreprises qui utilisent des méthodes de vente forcée, surtout pour s'imposer auprès de ceux qui sont les plus susceptibles d'être des victimes dans notre société, par exemple, les personnes âgées, les personnes handicapées et les gens seuls. Il existe effectivement d'énormes problèmes de ce genre, que le gouvernement s'efforce d'ailleurs de combattre, mais ici, il est strictement question d'éviter aux Canadiens la contrariété de recevoir des appels non sollicités et importuns.
Le président : Est-ce que cette liste s'applique aussi à ces entreprises que j'oserais peut-être appeler « de vente sous pression ou douteuses »?
M. Gustavson : Tout à fait, oui.
Le sénateur Tkachuk : Ce que les Canadiens ne veulent pas, c'est recevoir sans cesse des appels qui les dérangent. Ils ne disent pas qu'ils veulent bloquer les appels d'entreprises leur offrant de nettoyer leur accès au garage. Tout au moins, ce n'est pas ce qu'ils me disent lorsque je les sonde, en utilisant moi-même le téléphone. Ils ne disent pas non plus qu'ils ne veulent pas que la pizzeria les appelle. Pour ma part, j'aime bien qu'on m'appelle pour m'offrir deux pizzas pour le prix d'une, surtout avant le dîner.
Non, ceux dont les Canadiens se plaignent, c'est de ceux auxquels nous accordons une dérogation. C'est d'eux qu'ils reçoivent tous ces appels téléphoniques, de tous ceux auxquels nous permettons de déroger aux règles. Où veut en venir le projet de loi? Je ne vois pas. Demandez-le à qui vous voudrez, mais les gens ne reçoivent pas d'appels importuns des petites entreprises, et il se peut aussi qu'ils aient envie de faire nettoyer leur accès au garage.
M. Gustavson : Sénateur, je crois que vous faites erreur. D'après les sondages d'opinion, les Canadiens veulent cette loi. C'est l'un des projets de loi les plus populaires qui ait été présenté pendant cette législature.
Le sénateur Tkachuk : Mais il y a toutes ces exemptions. C'est comme promettre des baisses d'impôt dans 10 ans. Les gens veulent bien des baisses d'impôt, mais pas dans 10 ans.
M. Gustavson : Sauf votre respect, vous exagérez l'étendue des exemptions. Ce n'est peut-être pas le cas des abonnements des journaux, mais dans le cas des organismes de bienfaisance, qui se dévouent incontestablement pour le bien public, les sondages indiquent que les gens acceptent assez bien ces appels. Certains souhaitent ne pas recevoir d'appels impromptus de la part d'entreprises qu'ils ne connaissent et qui leur offrent un service dont ils n'ont pas besoin. Ce projet de loi donne simplement le choix aux consommateurs.
Le sénateur Tardif : J'ai appris que le CRTC reçoit jusqu'à 9 000 plaintes par année de gens qui sont mécontents des modalités actuelles de télémarketing. Je ne sais pas qui sont les coupables, mais beaucoup de gens se plaignent.
La présidente : Et ce, même si, d'après un sondage semblable, presque personne ne sait qu'on peut porter plainte.
Le sénateur Tkachuk : De quoi se plaint-on? Des appels provenant d'organismes de bienfaisance, de partis politiques ou de petites entreprises?
Le sénateur Tardif : Je n'ai pas ces renseignements.
Le sénateur Tkachuk : Alors, cette information est inutile.
La présidente : Cette discussion a été absolument passionnante. Je vous remercie tous. Nous aimerions bien discuter avec chacun de vous pendant une journée entière, mais nous n'en avons pas le temps. Cela tient à la nature même du processus parlementaire. Toutefois, vous avez tous très bien exprimé votre point de vue de façon intelligible et succincte.
J'inviterais maintenant nos prochains témoins, les représentants du Centre pour la défense de l'intérêt public, à prendre place à la table.
Soyez les bienvenus. Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé. Ensuite, nous vous poserons des questions.
John Lawford, conseiller juridique, Centre pour la défense de l'intérêt public : Le Centre pour la défense de l'intérêt public est le premier, et je crois le seul, groupe de consommateurs à avoir témoigné jusqu'à maintenant devant l'un ou l'autre comité. Je tenais à le souligner.
Je tiens à dire clairement que les consommateurs souhaitent effectivement l'adoption de ce projet de loi. Cela ressort très clairement par ailleurs du dernier sondage de la firme Environics. Il y a cependant certains aspects de ce projet de loi que nous souhaitons commenter devant votre comité plutôt que dans le cadre du processus d'avis public du CRTC. Notre mémoire fait état de trois préoccupations qui ont été évoquées dans vos délibérations jusqu'ici, mais il y en a à présent quatre.
Permettez-moi de décrire dès le départ cette dernière préoccupation. Depuis le début des audiences de votre comité, on dit que cette liste ne coûtera rien aux consommateurs. Or, il n'y a rien dans le projet de loi qui le garantisse. Aux États-Unis, le Congrès a fourni des fonds de démarrage pour permettre d'établir la liste d'exclusion, au cas où les télévendeurs n'auraient pas assez d'argent pour tenir cette liste. Nous craignons que le projet de loi permette de facturer les consommateurs qui souhaiteraient s'inscrire sur cette liste, car rien ne l'interdit formellement; voilà un élément qui vient s'ajouter à ce qui est dit dans nos mémoires.
Trois autres aspects de ce projet de loi nous préoccupent car nous représentons les consommateurs. Premièrement, il prévoit des exemptions très vastes et n'assure donc pas un juste équilibre entre le besoin des consommateurs au respect de leur vie privée et le besoin des entreprises de communiquer avec leurs clients.
Je vais aborder une question qui n'a pas encore été discutée, et dont je crois que le prochain groupe de témoins vous parlera, la sollicitation téléphonique de la part d'organismes de bienfaisance. D'après le plus récent sondage de la firme Environics, cela représente 44 p. 100 des appels. En vertu du projet de loi, ces appels sont presque complètement exemptés, pourvu que l'organisme de bienfaisance tienne une liste secondaire. Nous craignons que ces organismes ne soient pas en mesure de tenir leurs listes à jour, si bien qu'elles risquent, faute de ressources ou par négligence, de continuer à appeler des consommateurs qui ont exprimé leur désir de ne plus être appelés et qui voudraient être inscrits sur la liste secondaire. Nous proposons un amendement selon lequel les administrateurs de la liste d'exclusion tiendraient les listes secondaires pour les organismes de charité. J'espère pouvoir explorer la faisabilité de cette option pendant la période réservée à vos questions.
Deuxièmement, il y a l'exemption prévue pour les relations d'affaires en cours. Les dispositions à cet égard ne sont pas identiques à ce qui est prévu dans les lois américaines, du moins sur le plan des demandes et sollicitations. Je crois qu'aux États-Unis, on peut vous rappeler trois mois après une demande de renseignements ou une sollicitation, alors que le projet de loi C-37 prévoit un délai de six mois. Puisque nous nous inspirons du modèle américain, je ne comprends pas la raison d'être de cette différence.
À notre avis, l'exemption relative aux relations d'affaires en cours est trop longue; il nous semble bien raisonnable qu'une entreprise soit autorisée à rappeler ses clients 18 mois après avoir fait affaire avec lui. Ce délai nous semble trop long et à notre avis, la plupart des consommateurs le jugeraient incompatibles avec la création d'une liste d'exclusion.
Enfin, notre préoccupation a trait à la question du consentement. Des témoins vous ont parlé de la question du consentement dans les entreprises cycliques. Nous craignons les conséquences de cette pratique sur le respect à la vie privée; d'après l'exemple du bocal à poissons que j'ai donné, les gens ne savent pas qu'en remplissant une telle fiche ils acceptent d'être contactés par le télévendeur; ils ne donnent pas clairement leur consentement. Si vous souhaitez inclure dans ce projet de loi des dispositions permettant de déroger au principe du consentement, vous devriez les insérer dans un amendement qui préciserait la durée de validité dudit consentement. Nous voulons qu'elle soit très courte — en fait nulle — mais nous comprenons la situation des entreprises qui doivent rappeler leurs clients après deux ans, par exemple.
Nos deux derniers commentaires visent des sujets qui n'ont été abordés qu'une fois. Premièrement, qui gérera cette base de données? Nous souhaitons que l'administrateur de la base de données soit vraiment indépendant.
L'Association canadienne du marketing s'est dite prête à gérer cette base de données, mais nous ne croyons pas que cette tâche doive lui être confiée. Elle ne veillera pas à l'intérêt public parce qu'elle sera en conflit d'intérêts, étant donné que ses propres membres sont des télévendeurs ou de gros utilisateurs de services de télémarketing. Nous demandons à votre comité d'adopter un amendement exigeant que l'administrateur de la liste n'ait aucun lien avec les services de télémarketing. On ne peut pas à la fois gérer la liste et faire du télémarketing ou représenter des télévendeurs.
Enfin, un représentant du CRTC a brièvement abordé la question du « voice casting », c'est-à-dire de laisser un message vocal dans la boîte vocale des gens sans faire sonner le téléphone. Le CRTC a accepté de soustraire ces activités aux règles qui s'appliquent au télémarketing. Nous sommes mécontents de cette décision. Les gens seraient surpris d'apprendre que la liste d'exclusion s'applique aux appels téléphoniques mais pas aux messages laissés dans les boîtes vocales sans que le téléphone n'ait sonné. Il faut à notre avis apporter un amendement technique précisant, dans la définition de « télécommunications », que les messages envoyés directement et silencieusement aux boîtes vocales sont visés par la liste d'exclusion.
Voilà ce que nous proposons. Je serais ravi de répondre aux questions des sénateurs.
Le sénateur Tkachuk : D'après le sondage de la firme Environics, si 44 p. 100 des appels provenaient d'organismes de bienfaisance, 24 p. 100 provenaient d'entreprises qui entretenaient des relations d'affaires en cours avec le client, lesquelles sont également exemptées. De plus, environ 27 p. 100 des appels impromptus venaient d'entreprises dont ils n'avaient jamais entendu parler, qui pourraient être aussi bien des journaux, voire des maisons de sondage. À l'heure actuelle, cela représente 68 p. 100 des appels de télévendeurs. Les autres appels pourraient provenir de partis politiques ou d'autres organismes exemptés. Êtes-vous d'accord avec ces exemptions?
M. Lawford : Non. Lors de notre comparution devant le comité de la Chambre des communes, nous avons indiqué que nous ne voulions absolument aucune exemption. Malheureusement, comme il semble de toute façon qu'il y aura des exemptions, nous avons adopté devant vous une attitude plus pragmatique.
Nous préférerions que l'on utilise les listes pendant les trois premières années sans aucune exemption, si c'était possible. Cependant, étant donné que l'étude du projet de loi est assez avancée, nous avons cru que cette position serait considérée comme déraisonnable. Il serait intéressant de voir les résultats d'une telle mesure sur les appels, parce que, comme vous l'avez indiqué, ces exemptions représentent la majorité des appels. En procédant de cette façon, on saurait combien d'appels seraient visés par d'éventuelles exemptions. On pourrait aussi remédier quelque peu à la situation en réduisant la durée plutôt longue des relations d'affaires en cours proposée par l'Association du marketing. Il serait utile par ailleurs de restreindre l'exemption accordée aux organismes de charité, mais je m'arrête là.
Le sénateur Tkachuk : La loi vous semble-t-elle trop floue? Elle n'est pas très précise et cela pourrait occasionner certains problèmes. Êtes-vous satisfait du libellé actuel du projet de loi? Avez-vous des améliorations à proposer? Qu'en pensez-vous, étant donné que vous cherchez à protéger les consommateurs et pas nécessairement les personnes qui pourraient subir les effets de cette mesure?
M. Lawford : Est-ce qu'en parlant de la « loi », vous entendez les modifications proposées à la Loi sur les télécommunications?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Lawford : Nous voudrions avoir plus de précision. Nous espérons qu'il y en aura dans le règlement soumis au CRTC. Par exemple, quelqu'un a posé la question suivante : si j'appelle une entreprise une fois, combien d'autres entreprises connexes peuvent m'appeler? Si un représentant de Bell Canada m'appelle et que je refuse le produit qu'on me propose, Bell Mobilité aura-t-elle le droit de m'appeler, de même que Bell ExpressVu? Le projet de loi énonce dans quelles conditions n'importe quelle personne peut m'appeler. Comment définit-on le mot « organisation »? Nous voudrions qu'il s'agisse simplement de « cette organisation-là ». Ainsi, si Bell Canada m'appelle parce que j'y ai consenti ou parce que j'entretiens avec cette entreprise une relation d'affaires, une autre entité légale comme Bell Mobilité n'aura pas le droit de m'appeler simplement parce que sa raison sociale inclut le mot « Bell ». Je crois que c'est la règle qui s'applique aux États-Unis. On a défini un critère selon lequel un consommateur raisonnable estimerait que les deux entités sont reliées. Nous préférerions un critère plus strict selon lequel il ne faudrait pas qu'il y ait de relations légales entre les deux entreprises.
Le sénateur Tkachuk : Que pensez-vous des problèmes que cela pourrait causer pour la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante? Il y a un certain malentendu au sujet de l'amende de 15 000 $; pourrait-on infliger une amende de 15 000 $ pour l'infraction globale ou pour chaque appel, ce qui est tout à fait différent. Si on peut infliger cette amende pour chaque appel, et ce que je crois comprendre, pour trois appels, le montant s'élèverait à 45 000 $. L'amende de 15 000 $ s'applique pour chaque appel, et non pas pour l'infraction en tant que telle. Cela peut représenter beaucoup d'argent.
M. Lawford : C'est assez difficile à déterminer. On pourrait peut-être créer une catégorie intermédiaire. L'amende serait assez lourde pour dissuader les télévendeurs qui persistent à enfreindre les règles, malgré les interdictions. En revanche, s'il s'agit d'une erreur de bonne foi commise par une petite entreprise, il ne faut pas la pénaliser par une amende aussi lourde. On pourrait peut-être trouver une solution de compromis. Jusque-là, je partage ces préoccupations.
Cependant, les propriétaires de petites entreprises qui appellent des gens au hasard seraient visés par le projet de loi. Il faut évaluer la mesure dans laquelle cette méthode d'établissement d'un premier contact porte atteinte à la vie privée des consommateurs.
Le sénateur Tkachuk : Mais si on fait inscrire son nom dans l'annuaire téléphonique, c'est parce qu'on veut que les gens nous appellent, non? Je ne comprends pas. Moi aussi, je suis un consommateur et si j'ai fait inscrire mon nom dans l'annuaire, c'est que je veux qu'on m'appelle. Si je ne veux pas qu'on m'appelle, je ne fais pas inscrire mon nom dans l'annuaire. Pourquoi interdirait-on aux petites entreprises d'appeler les gens pour leur proposer une voiture, une police d'assurance ou une pizza? Ceux qui ne veulent pas se faire appeler n'ont qu'à faire rayer leur nom de l'annuaire.
M. Lawford : Les consommateurs sont importunés par tous ces appels.
D'après le sondage, ils voudraient pouvoir en réduire le nombre. Les sondages ne sont peut-être pas assez précis pour qu'on sache s'ils souhaitent qu'on limite davantage les appels provenant de grosses entreprises qui seront exemptées en raison de la relation d'affaires en cours plutôt que des appels de petites entreprises. Nous l'ignorons. Je comprends que votre tâche n'est pas facile.
Le sénateur Tkachuk : Les gens n'aiment pas non plus les publicités télévisées. Ils n'aiment aucune forme de sollicitation, pas plus le feuillet publicitaire inséré dans leur journal. Il faut être plus précis que cela.
La présidente : Beaucoup de gens aiment bien les dépliants publicitaires.
Le sénateur Tkachuk : C'est mon cas; j'aime bien les coupons rabais.
[Français]
Le sénateur Chaput : Votre centre est à but non lucratif et votre association existe à l'échelle nationale canadienne. Qui sont les consommateurs que vous représentez et combien sont-ils? Vous devez sûrement les consulter, alors comment vous y prenez-vous? Quel genre de processus suivez-vous pour témoigner des inquiétudes de vos consommateurs?
M. Lawford : Notre association compte environ 1 000 membres. Nous recevons des plaintes directement des consommateurs par courriel ou par téléphone.
Nous avons également une certaine expérience comme représentant des consommateurs lors des audiences du CRTC. Nous avons fait des consultations auprès de différents groupes de consommateurs tels l'Union des consommateurs du Québec, Option Consommateurs et le BCPIAC en Colombie-Britannique. Tout récemment, nous avons mis de l'avant une initiative visant à former un collectif des différents groupes.
Nous ne sommes donc pas tout à fait au bas de l'échelle. Notre centre est là pour parler de ces sujets.
Le sénateur Chaput : Vous avez mentionné certains groupes et associations.
M. Lawford : Option Consommateurs et aussi l'Union des consommateurs du Québec.
Le sénateur Chaput : Est-ce qu'on retrouve ces groupes dans chaque province ou à travers le Canada?
M. Lawford : Non, malheureusement. L'Association des consommateurs du Canada a des sections régionales dans quelques provinces. On retrouve de ces groupes surtout au Québec, en Colombie-Britannique et en Ontario.
Le sénateur Chaput : Comment procédez-vous pour consulter les consommateurs qui demeurent dans ces quelques provinces où on ne retrouve pas de regroupement de consommateurs?
M. Lawford : Les effectifs du Centre pour la défense de l'intérêt public est plutôt minime. Nous n'avons que trois personnes qui y travaillent. Par le biais de notre conseil d'administration, nous recevons des nominations pour diverses régions. Nous acceptons les plaintes directement des consommateurs de ces régions. Toutefois, nous n'avons pas de processus formel.
[Traduction]
Le sénateur Munson : Trouvez-vous que nous allons trop vite, que nous devrions prendre le temps de réfléchir et de formuler des amendements qu'on pourrait déposer devant la Chambre? Dans ce cas, quels seraient-ils? Nous avons entendu une foule de points de vue différents. Au début de nos audiences, tout semblait presque évident, mais ce n'est plus de cas.
M. Lawford : C'est une tactique intéressante.
Au début de notre étude, je crois que le CRTC a d'abord comparu devant le comité de la Chambre des communes et s'attendait à ce que la première version du projet de loi soit adoptée. Sa position pouvait se résumer à : « Donnez-nous le droit d'infliger des amendes, laissez-nous dresser la liste et faites-nous confiance pour l'émission d'avis publics. » Par la suite, le comité de la Chambre des communes a entendu les représentants d'organismes de bienfaisance et de regroupements d'entreprises qui ont fait valoir la nécessité de prévoir des exemptions; pour une raison que j'ignore, ce comité ne nous a pas entendus. À présent, vous entendez notre point de vue et celui d'autres groupes qui semblent avoir également eu du mal à se faire entendre.
Oui, je pense que ça va très vite. Nous aurions accepté le processus d'avis public du CRTC parce que le CRTC s'en occupe depuis 12 ou 15 ans. Cependant, nous pensions que le projet de loi allait être adopté sans amendement. Or, on a proposé quelques amendements que nous n'approuvons pas; et nous sommes encore plus contrariés par la rapidité du processus. Nous demandons qu'on apporte au projet de loi des amendements favorables aux groupes de consommateurs avant de le renvoyer au Sénat; sinon, nous souhaitons qu'on renvoie le projet de loi tel quel et qu'on laisse au CRTC le soin d'examiner toutes ces questions.
Nous préférerions que vous apportiez les amendements qui nous semblent importants et que vous régliez la question de la liste toute de suite, parce que le temps file.
Le sénateur Munson : Pourriez-vous nous décrire de nouveau brièvement ce que vous demandez?
M. Lawford : Bien sûr. Tout d'abord, nous voulons qu'on exige la création d'une liste secondaire aussi bien pour les entreprises que pour les organismes de bienfaisance. Nous craignons cependant que cette mesure ne soit pas efficace parce que les organismes de bienfaisance et les entreprises auront la responsabilité de tenir ces listes secondaires. Ils seront passibles de sanctions s'ils ne les tiennent pas à jour. Des représentants de l'entreprise indépendante ont fait valoir qu'il leur serait difficile de tenir leurs listes à jour. J'imagine que cela vaut également pour les organismes de bienfaisance, gros ou petits. Pourquoi ne pas proposer un amendement en vertu duquel l'administrateur de la liste d'exclusion serait chargé de tenir la liste des noms de personnes exclues pour chaque organisme de charité? Il faudrait faire en sorte que ces renseignements restent confidentiels, mais les administrateurs pourraient peut-être s'en occuper. Ainsi, la liste secondaire serait-elle aussi gérée par les administrateurs de la liste nationale des abonnés auto-exclus. Voilà notre première proposition.
Nous demandons aussi un amendement relativement à la disposition qui prévoit l'existence d'une relation d'affaires entre l'entreprise et le client. Premièrement, à tout le moins pour les demandes de renseignements et les sollicitations, cette période devrait être ramenée de six à trois mois. Nous préférerions qu'elle n'existe même pas. Cependant, si on veut s'aligner sur le registre qui existe aux États-Unis, le délai devrait être de trois mois.
Nous aimerions également que vous songiez à adopter une période d'exemption plus courte que les 18 mois habituels après la fin d'un contrat, qui semble être une longue période pour recevoir des appels d'une entreprise avec laquelle vous avez peut-être, et peut-être pas, rompu, volontairement ou autrement.
Entre parenthèses, le projet de loi ne semble pas prévoir la dispense du consentement — en d'autres mots, une entreprise peut demander une exemption. Il semble que les parties aient de nombreuses opinions divergentes à ce sujet. Si une telle exemption est accordée, nous aimerions qu'elle soit claire afin que les consommateurs sachent et qu'ils puissent choisir d'adhérer plutôt que de se retirer. Il conviendrait peut-être d'en traiter ici.
Nous ne voulons pas empêcher les télévendeurs d'avoir accès à la liste d'exclusion simplement parce qu'ils sont de l'autre côté, et il nous faut un administrateur indépendant. Nous aimerions que cet administrateur n'ait aucune relation de marketing.
Enfin, si le courrier vocal doit devenir le nouveau mode de marketing, et s'il n'est pas visé par le projet de loi, il pourrait devenir un bon moyen de contourner la liste et nous voulons être tout à fait sûrs que cette échappatoire sera éliminée.
Voilà nos quatre suggestions pour le projet de loi. À part cela, nous souhaitons la création de la liste d'exclusion.
La présidente : Merci de cette présentation intéressante. Nous vous en sommes reconnaissants. Je suis désolé de ne pas pouvoir vous garder plus longtemps, mais nous manquons de temps.
M. Lawford : Je comprends cela.
La présidente : Je demanderais maintenant à notre prochain groupe de témoins de prendre place.
Nous sommes heureux d'accueillir de Primarica Financial Services Ltd., M. Peter W. Schneider, vice-président et directeur général, et M. Handle Bilhan, vice-président principal, Affaires gouvernementales. De l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, M. Jean-Pierre Bernier, vice-président et avocat général, et M. Peter Goldthorpe, directeur responsable des questions reliées à la réglementation du marché; et de la section d'Ottawa de l'Association of Fundraising Professionals, M. J. Boyd McBride.
J. Boyd McBride, président, section d'Ottawa, Comité des relations gouvernementales, Association of Fundraising Professionals : Je suis ici à titre de directeur national de Villages internationaux d'enfants S.O.S., le plus grand organisme de charité au monde à s'occuper des orphelins. Toutefois, aujourd'hui, je représente également l'Association of Fundraising Professionals, une association de 27 000 membres qui a pour mission d'encourager la philanthropie. Nous avons 2 700 membres au Canada et des sections dans presque chaque ville et province canadiennes. Nous sommes ici parce qu'une liste d'exclusion nationale nuirait aux activités des organismes sans but lucratif et des organismes de charité de tout le pays. C'est pourquoi nous demandons au comité sénatorial qui étudie le projet de loi de maintenir l'exemption pour les organismes de bienfaisance enregistrés prévue dans la version du projet de loi C-37 adoptée par la Chambre des communes. C'est en gros ce que je suis venu vous dire. Je serais heureux de continuer à parler pendant quelques minutes et peut-être de répondre à vos questions lorsque ce sera le temps.
Vous devez savoir que l'AFP, l'Association of Fundraising Professionals, tient à protéger la vie privée des donateurs et la confidentialité de toutes les transactions et nous souhaitons ardemment répondre aux souhaits des donateurs. Nos organismes ne pourraient pas fonctionner si nous persistions à importuner ceux qui nous donnent de l'argent en faisant des choses qu'ils nous ont demandé de ne pas faire. Nous dépendons grandement de la confiance du public afin de pouvoir continuer le travail de bienfaisance dans notre secteur. La protection de la vie privée est une question que nous comprenons vraiment. Notre organisme, comme vous le savez peut-être, est l'un des groupes à l'origine de la déclaration des droits des donateurs qu'utilisent des milliers d'organismes de bienfaisance pour gérer leurs relations avec les donateurs de tout le pays.
Nous avons également pris d'autres mesures au sein de notre organisme afin de protéger la vie privée des donateurs. Nous savons à quel point le télémarketing est important pour le secteur bénévole et à quel point cela peut être délicat pour ceux qui répondent aux appels.
Je tiens à souligner qu'à notre avis, les appels de télémarketing ne sont pas tous de même nature. Il faut faire la différence entre les appels effectués au nom des intérêts du secteur privé et ceux qui sont faits au nom des organismes de bienfaisance qui, d'une manière très réelle, représentent l'intérêt public.
Le Congrès américain a écouté les préoccupations exprimées par les organismes de bienfaisance de son pays et a agréé certaines exemptions aux exigences de la liste d'exclusion. Nous vous demandons d'examiner la possibilité d'en faire autant.
Nous estimons qu'une liste d'exclusion nationale qui inclurait les organismes de bienfaisance empêcherait celles-ci de solliciter des dons et entraînerait une baisse des contributions. Nous savons que la question fondamentale est de pouvoir demander : « Voulez-vous appuyer notre cause? » Le fait de ne pas pouvoir solliciter cette aide par téléphone nuira à nos activités. À l'heure actuelle, avec plus de 2 millions de travailleurs équivalents temps plein, 12 p. 100 de la population active et près de 7 p. 100 du produit intérieur brut, nous sommes un secteur important de l'économie. Des décisions comme celle-ci, si elles sont importantes pour tout le monde, le sont d'autant plus pour le secteur bénévole. C'est un secteur que les Canadiens connaissent et auquel ils accordent leur confiance. Un sondage récent a révélé que 90 p. 100 des répondants disaient que les organismes de bienfaisance jouent un rôle de plus en plus important dans notre société. Près de 60 p. 100 des répondants pensaient que les organismes de bienfaisance ne reçoivent pas suffisamment de fonds.
Depuis de nombreuses années, le gouvernement fédéral appuie grandement notre secteur, notamment grâce à l'initiative du secteur bénévole créée récemment. Nous demandons que les organismes de bienfaisance enregistrés soient exemptés de l'application de ce projet de loi, ce qui donnerait au gouvernement fédéral un nouvelle occasion de montrer son engagement à renforcer et à rehausser le travail effectué par notre secteur dans l'intérêt de tous les Canadiens.
[Français]
Jean-Pierre Bernier, vice-président et avocat général, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. : Madame la présidente, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de témoigner devant le comité dans le cadre de son examen du projet de loi C-37.
J'aimerais souligner d'emblée que l'industrie des assurances de personnes du Canada s'est engagée à respecter des normes élevées concernant la commercialisation et la communication avec les clients existants et potentiels. L'industrie collabore également de façon constructive et depuis fort longtemps avec les gouvernements fédéral et provinciaux sur des questions touchant la protection des renseignements personnels et de façon plus générale, les intérêts des consommateurs.
La CAP est un organisme sans but lucratif, à adhésion libre, représentant les sociétés d'assurance-vie et maladie du Canada. Les produits offerts par notre industrie comprennent l'assurance-vie, l'assurance-invalidité, l'assurance- maladie complémentaire, les rentes, les REER et les régimes de retraite. Ces produits fournissent une protection à environ 24 millions de Canadiens. En 2004, l'année dernière, presque 45 milliards de dollars en prestations d'assurance- vie et d'assurance-maladie ont été versées aux Canadiens.
[Traduction]
Il est important pour fournir cette protection que le dialogue soit maintenu entre les conseillers et les clients. Comme vous le comprenez, lorsqu'il n'est pas possible d'avoir une conversation face à face avec quelqu'un, l'un des moyens les plus efficaces de communiquer est de s'entretenir par téléphone. L'industrie s'est donc inquiétée lorsqu'elle a pris connaissance du projet de loi initial qui proposait d'accorder au CRTC le droit d'établir une liste d'exclusion, car des questions importantes touchant l'accès aux clients existants et éventuels étaient beaucoup trop dans le flou. Fort heureusement, lorsque le projet de loi a été présenté au comité de la Chambre des communes, il a fait l'objet d'un amendement visant à soustraire à l'application de la liste les appels faits aux personnes avec lesquelles l'appelant a une « relation d'affaires en cours ».
Comme vous le savez, la relation d'affaires en cours est définie selon trois critères dans le projet de loi. Le troisième critère énoncé revêt une importance particulière pour l'industrie des assurances de personnes du Canada, puisqu'il concerne l'existence d'un contrat écrit entre l'appelant et le destinataire de l'appel. Ce critère correspond bien à la nature durable de la relation entre les assureurs et leurs clients. L'exemption applicable aux appels à des personnes avec lesquelles une relation d'affaires est en cours garantit tout simplement que l'industrie sera en mesure de continuer à fournir un service de qualité à des personnes potentiellement vulnérables. Cette exemption permet aux assureurs-vie de communiquer de façon efficace avec les clients qui pourraient, par exemple, avoir des difficultés à lire les avis écrits. Elle évite également des problèmes à ceux qui pourraient faire inscrire leur nom sur la liste d'exclusion en pensant, à tort, que leur conseiller financier continuera de les appeler.
Pour ces deux raisons, l'industrie est d'avis que l'exemption relative à une relation d'affaires en cours est très importante sur le plan de l'intérêt public.
Je passe maintenant la parole à mon collègue, Peter Goldthorpe, qui abordera un autre sujet important pour notre industrie.
Peter Goldthorpe, directeur, Questions liées à la réglementation du marché, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc. : Comme les membres du comité le savent certainement, nous avons, au début du processus législatif, écrit au ministre Emerson pour lui suggérer de modifier le projet de loi C-37 afin de clarifier ce qu'il en est des indications de clients potentiels.
L'indication de clients potentiels est importante pour la vente d'assurance-vie aux Canadiens. Elle est importante pour l'industrie, pour les personnes qui achètent des polices et pour les bénéficiaires de ces polices. Je laisse à mes collègues de Primerica Financial Services (Canada) Ltd. le soin de vous expliquer en détails le fonctionnement du système d'indication de clients potentiels.
Je tenais à souligner l'importance des indications de clients pour notre industrie et l'intérêt que nous accordons à cette question. Cela met fin à notre exposé et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Peter W. Schneider, vice-président directeur général, Primerica Financial Services (Canada) Ltd. : C'est stimulant d'être ici et je trouve la discussion fascinante. C'est agréable aussi de voir de la neige. Je suis d'Atlanta, Géorgie. Je sais que vous en avez l'habitude, mais c'est nouveau pour moi.
Primerica Financial Services (Canada) Ltd. est membre de Citigroup. Nous sommes la première force de vente de services financiers en Amérique du Nord et la première compagnie d'assurance-vie au Canada en fonction du nombre d'agents. Nous avons plus de 100 000 agents en Amérique du Nord.
Nous sommes une grande entreprise, mais nos agents sont de petits agents. Ce sont des particuliers, des agents indépendants qui sont affiliés à nous et qui ont chacun obtenu une licence. Nos clients sont les personnes à revenu moyen. Nous vendons de l'assurance en fixant des rendez-vous pour rencontrer les clients éventuels dans leur cuisine. Nous ne sommes pas des télévendeurs. Nous ne vendons pas d'assurance par téléphone. En fait, ce n'est pas possible de vendre de l'assurance par téléphone. Il faut rencontrer les gens et répondre à leurs besoins. C'est ce que nous faisons.
Le problème ce n'est pas qu'il y ait trop d'appels, mais plutôt qu'il y en ait trop peu. Les Nord-Américains sont terriblement sous-assurés et cela impose un fardeau au gouvernement.
Aux États-Unis, nous avons travaillé de près avec la Commission fédérale des communications pour élaborer les lois créant des listes d'exclusion parce que c'est important pour nos agents. Suite à ces communications et après y avoir réfléchi, la CFC a créé une exemption dans la réglementation plutôt que dans la loi habilitante.
L'exemption s'applique aux relations personnelles : amis, famille et connaissances personnelles. Lorsqu'on y réfléchit, c'est logique puisque ce ne sont pas le genre d'appels de télémarketing qui sont importuns. C'est ainsi que fonctionnent les agents d'assurances. Surtout lorsqu'ils commencent dans le métier, ils appellent leurs amis, leurs parents, leurs cousins, et ce n'est pas le genre d'appels qui donnent lieu à des plaintes.
L'ennui avec le projet de loi C-37, dans sa forme actuelle, est l'absence d'une telle exemption. Ce genre d'appels n'est pas permis. Vous ne pourriez pas appeler votre mère, votre frère ou votre cousin.
Lorsque la CFC a examiné cette question, elle a déterminé que ce genre d'appels étaient acceptables puisque les destinataires s'y attendent. Il n'y a pas de risque d'abus de la part de télévendeurs utilisant des appareils de composition anonyme. Leur nombre est restreint. Ils sont importants pour lancer une entreprise. Ils ne sont pas une source de frustration pour les consommateurs et ne posent pas vraiment de problèmes sur le plan de la protection de la vie privée.
Se pose alors une question pratique : comment peut-on faire respecter cette exemption? Donnera-t-elle lieu à des plaintes? Comment la faire respecter?
Tout à l'heure, on a parlé d'une équipe de hockey peewee. Une exemption pour relation personnelle permettrait à ce groupe d'appeler les membres de l'équipe pour lever des fonds ou pour organiser une réunion. C'est une exemption de sens commun.
Sans une telle exemption, vous légiférez contre le sens commun et contre la nature humaine. Cela entraîne des conséquences terribles. Une entreprise comme la nôtre qui doit donner des directives claires à ses agents a besoin de telles exemptions. Nous rédigeons 30 000 polices d'assurance par mois. Aux États-Unis, où nous bénéficions de ces exemptions, la CFC n'a pas reçu une seule plainte à cet égard.
Je vois que vous examinez sérieusement ce projet de loi. Pendant cet examen, nous vous demandons de trouver un équilibre entre la nécessité de protéger le public contre des intrusions indues et le besoin d'assurer aux gens un accès aux services financiers, et que les gens dont ils veulent recevoir des appels puissent leur téléphoner. À notre avis, il faut pour cela une exemption pour relation personnelle et, comme l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes l'a indiqué, pour l'indication de clients potentiels, qui est simplement un sous-ensemble de cette catégorie.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais obtenir quelques éclaircissements sur ce que vous nous avez dit, monsieur Schneider.
Est-ce que vous demandez une exemption pour l'indication de clients potentiels? Par exemple, j'achète de l'assurance et l'agent me demande si je connais quelqu'un d'autre dans la même situation qui voudrait de l'assurance. « Oh, le sénateur Merchant est une de mes amies et elle serait intéressée. » Est-ce une des exemptions que vous demandez?
Autre exemple, j'obtiens un emploi de vendeur d'assurance à Primerica Financial Services (Canada) Ltd. et j'appelle des membres de ma parenté parce qu'ils constituent pour moi un marché de choix.
M. Schneider : Les règles de la CFC prévoient une exemption pour les appels à une personne avec qui l'appelant a une relation personnelle. La CFC a défini ce qui constitue une relation personnelle.
L'exemption pour indication de clients potentiels, dont parlait l'ACCAP, peut être perçue comme une extension de l'exemption pour relation personnelle, car il est concevable qu'une personne avec laquelle vous avez une relation personnelle vous conseille d'appeler quelqu'un avec qui vous n'avez pas de relation. Je pense que c'est une étape de plus sur la même voie.
De notre point de vue, nous préconisons et demandons une exemption pour les appels entre personnes ayant une relation personnelle. Je crois que les indications de clients potentiels sont importantes et que ces appels sont également bien reçus.
En général, un agent d'assurance demande une liste de noms et demande s'il peut appeler les personnes sur la liste, mais parfois le client a téléphoné à ces personnes d'avance. Par exemple, je demanderais à M. Schneider d'appeler le sénateur pour voir si ça l'intéresse d'acheter de l'assurance.
Pour être clair, l'exemption créée par la CFC concerne les relations personnelles.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais un autre éclaircissement. Nous devons conclure que les gens téléphonent parce que le télémarketing donne des résultats. Ils ne téléphonent pas parce qu'ils n'ont rien de mieux à faire et parce qu'ils veulent gaspiller de l'argent. Les gens achètent des produits même s'ils se plaignent des appels. Il est évident que le télémarketing donne des résultats.
Le cas des organismes de bienfaisance enregistrés m'intrigue. Dans ce cas, il y a une exemption. Qu'en est-il des organismes sans but lucratif qui ne sont pas des organismes de bienfaisance enregistrés?
Qu'en est-il de l'école secondaire qui organise une levée de fonds pour la remise des diplômes? Qu'en est-il de l'équipe de soccer qui téléphone à des entreprises d'une petite ville de la Saskatchewan dans le but d'amasser les fonds nécessaires pour participer à un tournoi? Qu'en est-il des écoles de ballet et des écoles de hockey? Aucun n'est un organisme de bienfaisance enregistré. Peuvent-ils téléphoner? Sont-ils exemptés de l'application de la loi ou y sont-ils assujettis? L'amende est de 15 000 $ par appel.
M. McBride : En vertu du projet de loi, ils seraient assujettis à la loi puisqu'ils n'en sont pas exemptés. Même en ce qui concerne l'exemption pour les organismes de bienfaisance enregistrés, vous avez raison; il y a une différence entre les organismes de bienfaisance enregistrés et les organismes sans but lucratif non enregistrés et ceux-ci seront assujettis à la loi si vous décidez de ne pas élargir l'exemption afin qu'elle ne s'applique pas strictement aux organismes de bienfaisance enregistrés.
Le sénateur Dawson : Cela m'amène à la différence que vous faisiez entre les exemptions prévues dans la loi et celles qui existent dans la réglementation. Je pense qu'après avoir examiné la question, le CRTC inclura des exemptions dans la réglementation. Quelle est la différence aux États-unis?
En outre, comme vous avez maintenant l'expérience de ce genre de loi, est-ce qu'il est plus facile ou plus difficile pour vous de vendre vos services aux États-unis que ce n'était le cas avant l'adoption de cette loi? Comment formuleriez-vous une exemption pour les indications de clients potentiels provenant d'un membre de la famille?
M. Schneider : Pour ce qui est des exemptions dans la loi ou dans la réglementation, les États-unis ont opté pour une loi habilitante qui permet à l'organisme de réglementation d'accorder des exemptions.
C'est un problème. C'est au législateur qu'il appartient de prendre ces décisions importantes en matière de politiques publiques. C'est mon avis. Le problème est que les organes de réglementation ne sont pas aussi sensibles aux attentes du public.
Ils ont une expérience différente. Souvent, leur intérêt c'est l'application des règles et ils ne voient pas les subtilités qui touchent les petites entreprises et les personnes qui luttent pour gagner leur vie. Lorsqu'il y a des exemptions dans certaines lois mais pas dans d'autres, il y a lieu de craindre que l'organe de réglementation pense que tous les cas ont été prévus et qu'il n'a pas besoin d'examiner d'autres règlements. C'est pourquoi je vous encourage à examiner la possibilité d'accorder ces exemptions et de les inscrire dans la loi.
Pour ce qui est de la façon dont nous fonctionnons, respecter la liste d'exclusion nous a coûté très cher, même si nous avons cette dérogation. Si vous appelez quelqu'un que vous ne connaissez pas personnellement, vous devez vérifier la législation concernant cette liste d'exclusion. Comment s'y prendre? Très souvent, nos agents travaillent à temps partiel, et certains travaillent à domicile. Comment vérifier cela depuis votre domicile?
Il faut avoir un accès informatique. Notre entreprise a donc dû sous-traiter cette activité à une tierce partie, ce qui nous coûte très cher. Lorsqu'on fait des appels téléphoniques, on doit avoir recours à leur service. Ils nous facturent pour chaque appel téléphonique utilisant leur service. Ce service vérifie automatiquement la liste d'exclusion, et l'appel sera bloqué si le nom figure au registre. Nous sommes facturés à l'appel, et il y a également un prélèvement tarifaire. Nous devons également nous acquitter des droits de permis et d'autres choses de ce genre.
Malheureusement, dans certains secteurs cette mesure législative n'est pas respectée. Je ne pense pas que cela vienne de nous. Cependant, lorsque vous appelez quelqu'un que vous connaissez, ou que vous pensez connaître, on peut se retrouver dans un cas où on ne respecte pas la loi. Mais s'il n'y a pas de plainte, il n'y a pas de plainte. Ce n'est pas une façon très efficace pour nous de fonctionner. Nous avons besoin de conseils à ce propos.
D'ailleurs, quelqu'un m'a fait une remarque intéressante à propos de son entreprise. C'était le propriétaire d'une petite station-service. Il permettait à ses employés d'avoir de l'essence gratuite, et ses employés lui ont demandé pourquoi. Il a dit : « Si je ne leur donnais pas l'essence, ils la voleraient. Et moi, je ne veux pas avoir d'employés malhonnêtes. »
Nous avons besoin de conseils pratiques en ce qui concerne la loi. Dans le cadre de votre examen, je vous demande de penser aux questions pratiques. Le respect de cette loi a été difficile et a coûté cher, mais nous l'avons fait, et nous n'avons reçu aucune plainte.
Le sénateur Dawson : Dans la mesure où on a retiré 50 p. 100 des ménages de vos cibles publicitaires, vous ciblez désormais des personnes qui sont plus à même d'acheter, non? Les gens qui ne souhaitent pas recevoir d'appels, comme le sénateur Eyton, répondent « Laissez-moi tranquille. » Si vous décidez de rester dans la liste, ça veut dire que ce type d'appels ne vous dérange pas.
M. Schneider : Il existe cette dérogation pour les cas où on connaît la personne, et ça relève de notre domaine. Ces appels-là sont généralement bien accueillis; ils ne dérangent pas la personne qu'on appelle. Les appels qui avaient agacé certaines personnes aux États-Unis provenaient d'entreprises proposant des logements à jouissance partagée, des appels à composition automatique où vous entendez un enregistrement. C'est ça qui pose problème.
Il ne s'agit pas ici de votre cousin qui vous dit : « Je suis désormais un agent d'assurance, est-ce que je peux venir vous rendre visite pour parler de vos besoins en matière d'assurances? » Ces appels-là ne dérangent pas, et c'est pour cela que nous n'avons pas reçu de plaintes.
Nous avons interdit les appels aléatoires. Il n'est pas acceptable d'appeler des personnes qu'on ne connaît pas. Est-ce que cela veut dire que notre marché est plus limité? Peut-être, un peu. Mais c'est la loi, et il est essentiel de la respecter.
[Français]
Le sénateur Tardif : Ma question s'adresse à M. McBride. Présentement, les organismes de bienfaisance, qui sont enregistrés, doivent maintenir une liste individuelle d'exclusion. Que faites-vous pour informer et communiquer au grand public qu'ils ont le droit de s'inscrire sur une telle liste? Le taux de succès ne semble pas très bon car plusieurs personnes ne semblent pas au courant du fait qu'elles ont le droit de s'inscrire sur une telle liste, que cette possibilité existe. Que faites-vous pour mieux communiquer avec le public?
[Traduction]
M. McBride : Il y a sûrement des pratiques différentes dans le secteur bénévole. Cependant, pour ce qui est des organisations que je connais bien, lorsqu'un donateur nous demande de retirer son nom de la liste de distribution ou du répertoire téléphonique, nous lui disons que nous le ferons pour les listes et répertoires de notre organisation. Si son nom ne figure pas sur notre liste, si c'est une liste que nous avons empruntée ou louée à des fins de distribution, nous lui conseillons de contacter l'Association canadienne du marketing, qui établit ces listes de personnes à ne pas contacter, et nous leur conseillons d'inscrire leur nom sur ces listes afin de recevoir moins ou même plus du tout de courrier ou d'appels.
[Français]
Le sénateur Tardif : Est-ce que vous faites des échanges des listes d'un organisme de bienfaisance avec un autre organisme? Est-ce pratique courante d'échanger des listes?
[Traduction]
M. McBride : Ça fait maintenant 10 ou 15 ans que l'échange de listes de façon ponctuelle entre organisations caritatives se fait régulièrement. Mais depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle législation relative à la protection de la vie privée, ça se fait beaucoup moins. Une organisation caritative doit désormais faire un certain nombre de vérifications avant d'être certaine que les donateurs qui figurent sur sa liste veulent bien que leur nom soit échangé afin d'aider l'organisation en question.
Le sénateur Tkachuck : Mais cela peut toujours arriver.
M. BcBride : En effet.
[Français]
Le sénateur Tardif : Présentement certains organismes de bienfaisance ne sont pas enregistrés. Quelles seraient les raisons pour lesquelles un organisme de bienfaisance choisirait de ne pas s'enregistrer auprès de l'Agence de revenu du Canada?
[Traduction]
M. McBride : Votre question est assez générale; comme il s'agit ici littéralement de centaines de milliers d'organismes, je crains de ne pouvoir répondre en leur nom à tous. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a certains organismes non enregistrés qui aimeraient bien l'être, mais dont la raison d'être ne le leur permet pas en vertu des règlements de Revenu Canada.
Mais il y en a d'autres qui sont à ce point décontractés et empiriques dans leur façon de fonctionner qu'ils ne sentent pas le besoin de s'enregistrer et ne veulent pas payer pour avoir à le faire.
La présidente : Par curiosité, lorsque les organismes caritatifs et à but non lucratif s'échangent leurs listes, les ont-ils expurgées des noms de donateurs qui ne leur rapportent pas beaucoup? Je ne parle pas ici de ceux qui ont demandé d'être retirés, mais de donateurs qui ont cessé d'envoyer des dons. Autrement dit, est-ce que l'on s'échange des listes de riches ou des listes de masse?
M. McBride : Je ne peux me faire le porte-parole de tous les organismes caritatifs, mais il faut reconnaître qu'ils sont bien conscients que leurs listes de donateurs constituent une ressource extrêmement précieuse et qu'ils doivent bien faire attention aux conditions dans lesquelles ils peuvent transmettre leurs listes en totalité ou en partie à d'autres organismes caritatifs pour leur permettre de se bâtir des listes de donateurs.
Il faut aussi reconnaître que dans le secteur des organismes caritatifs, celui qui est inscrit sur la liste d'un des organismes mais qui a omis de faire un don depuis cinq ou sept ans n'est sans doute pas le genre de personnes dont il est souhaitable de transmettre le nom.
Des paramètres existent pour faire en sorte que les noms échangés soient ceux de gens qui, au départ, ont accepté que leur nom soit échangé et pour faire en sorte que le comportement des donateurs justifie l'échange de noms.
Le sénateur Merchant : Monsieur Schneider, depuis quand la liste de retrait des numéros de téléphone existe-t-elle aux États-Unis?
M. Schneider : La loi a été adoptée en 2003 et est entrée en vigueur en 2004.
Le sénateur Merchant : Votre gouvernement n'a donc pas eu l'occasion d'évaluer la loi ou de la réexaminer, n'est-ce pas? J'aimerais savoir si des changements ont été apportés à la législation.
M. Schneider : On n'en parle pas beaucoup aux États-Unis. Le sentiment qui se dégage, c'est que cette loi était bénéfique puisque les abonnés ont reçu moins d'appels et que peu de plaintes ont été déposées. On a l'impression qu'elle fonctionne bien, mais la Commission fédérale des communications ne s'est pas penchée à nouveau sur les exemptions. Toute intervention dépend des plaintes reçues. Un des témoins précédents a parlé plus tôt du fait que l'on attendait d'abord de recevoir une série de plaintes, et je crois que c'est ce que font les organes de réglementation. Si le nombre de plaintes reçues est faible, on n'interviendra pas; par contre, s'il y en a beaucoup, on aura le sentiment qu'un problème existe. Cette réaction peut sembler subjective de la part de l'organe de réglementation, mais je pense que c'est bel et bien ce que fait la Commission fédérale des communications. Elle a infligé des amendes assez considérables, mais elle a aussi fermé les yeux sur les plus petits problèmes.
Le sénateur Merchant : Pourrait-on envisager de retirer après un nombre X d'années le nom des abonnés sur les listes pour les obliger à demander à nouveau leur retrait, uniquement pour voir si le système fonctionne et si l'abonné est sensible au rôle que joue la loi? Pensez-vous que cela pourrait être utile?
M. Schneider : Une nouvelle demande pour se faire réinscrire sur la liste des abonnés exclus pourrait être difficile d'un point de vue pratique, mais je n'en sais vraiment rien. Plusieurs problèmes pourraient se poser, comme, par exemple, le fait que la durée de votre inscription sur la liste des abonnés exclus peut avoir une incidence sur votre assurance-vie. Nous vendons, pour notre part, de l'assurance temporaire 20 ans à capital constant. Après 20 ans, nous aimons à appeler nos clients pour leur demander s'ils veulent acheter une nouvelle police ou reconduire leur assurance, faute de quoi leur assurance prendra fin.
Ces gens sont vulnérables. Nous devons les appeler, sans quoi nous manquons à nos obligations de nature fiduciaire. Personne n'affirmera que nous avons des relations d'affaires existantes avec ces clients depuis 20 ans.
Le sénateur Munson : À votre avis, qui devrait administrer cette liste des abonnés auto-exclus? Que répondriez-vous à ceux qui disaient ici ce matin que nous allons trop vite, qu'il faudrait mettre un peu les freins avant de légiférer et aussi d'apporter quelques amendements pour protéger la petite entreprise et quiconque a le sentiment de n'être pas protégé? À votre avis, qui devrait administrer cette liste?
M. McBride : Je ne saurais vous aider, sénateur.
Le sénateur Eyton : Si j'ai bien compris, vous contrôlez cela par l'entremise de l'Association du marketing, c'est bien cela?
M. McBride : Elle a une liste et cette liste est à la disposition de certains organismes caritatifs.
Le sénateur Eyton : Votre association a-t-elle un lien quelconque avec l'Association canadienne du marketing direct?
M. McBride : Tout organisme qui utilise des listes d'adresses peut consulter sa liste de retrait d'adresses.
Le sénateur Eyton : Est-ce que la plupart de vos membres en font partie?
M. McBride : Non, mais la plupart de nos membres qui utilisent sérieusement des listes d'adresses la consulteraient, oui.
M. Schneider : Pour revenir à la question de la rapidité du processus, tout dépend de ce que le législateur pense de ce dossier. Le processus est rapide. La CFC a mis beaucoup de temps pour aller jusqu'au bout de la réglementation. Elle compte 150 pages. Elle y a beaucoup réfléchi. Il s'agit maintenant de savoir si vous, les législateurs, estimez que tous les intérêts ont été entendus.
Le sénateur Tkachuk : J'aurais peut-être dû poser la question à l'Association du marketing direct; je me sens un peu mal à l'aise. La question s'est posée parce que nous parlions justement de cette liste.
Rectifiez-moi si je me trompe, mais je pense qu'un Canadien sur trois déménage chaque année. Il change donc d'adresse et de numéro de téléphone. Et cela n'arrête jamais. Admettons donc que je fasse inscrire mon numéro de téléphone sur la liste et que je déménage ensuite. Personne ne sait que j'ai déménagé. J'emménage à Calgary et j'inscris mon numéro de téléphone à Calgary. Mon numéro est sur la liste d'auto-exclusion, mais personne ne me téléphone, et donc qui sait que je suis inscrit à deux endroits différents?
En d'autres termes, ces listes sont-elles vraiment valables? J'ai entendu dire que ça allait coûter trois millions et demi de dollars seulement. Soyons sérieux. Si cette liste est vraiment bien administrée, si cela ne revient pas simplement à prendre tous les numéros de téléphone et à les mettre tous sur la liste pour les ajouter au total — il y a quelqu'un, un visage, derrière chacun de ces numéros de téléphone — cela coûtera très cher. Au Canada, il y aura probablement cinq ou six millions de gens qui vont s'inscrire sur la liste, si on compare avec ce qui s'est passé aux États-Unis, et c'est probablement un chiffre prudent. Chaque année, un tiers des numéros figurant sur la liste ne sont plus bons. Par conséquent, après quelques années, plus personne ne sait — et j'imagine qu'il en est de même aux États-Unis — s'il y a vraiment une personne, un visage, derrière chacun de ces numéros de téléphone. C'est une réalité.
La présidente : Quel est votre niveau de certitude?
M. Schneider : C'est juste un chiffre. Si quelqu'un déménage et laisse son ancien numéro de téléphone sur la liste, il y a peut-être quelqu'un d'autre qui va finir par se voir attribuer ce numéro de téléphone. Que je sache, il n'existe rien qui permette de demander à ce nouvel abonné s'il veut que son nom soit sur la liste.
Par ailleurs, les téléphones mobiles constituent également un problème aux États-Unis parce que souvent, on ne pense pas à ces téléphones-là. Il n'y a pas d'annuaires pour la téléphonie mobile. Jadis, au Royaume-Uni, où nous sommes également actifs — je ne sais pas si c'est encore le cas aujourd'hui parce qu'à mon avis il y a également dans ce pays une liste d'abonnés auto-exclus — dès lors que votre nom était dans l'annuaire, on pouvait vous appeler. Si votre nom n'était pas dans l'annuaire, c'était comme si vous figuriez sur une liste d'abonnés auto-exclus, et c'était votre décision. C'est comme cela que les choses se faisaient là-bas. Mais je ne sais pas si c'est toujours le cas.
La présidente : Chers collègues, mesdames et messieurs, cette séance a été à la fois instructive, édifiante et utile. Nous vous remercions tous, et surtout ceux d'entre vous qui ont fait tout ce chemin depuis Atlanta.
La séance est levée.