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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 2 - Témoignages du 31 mai 2006


OTTAWA, le mercredi 31 mai 2006.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 21 pour étudier la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada, et en faire un rapport.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte.

Nous reprenons l'étude du développement économique qui avait été lancée sous le leadership du sénateur Sibbeston. Nous accueillons aujourd'hui des représentants de l'Assemblée des Premières nations : Jason Goodstriker, chef régional de l'Alberta, Judy Whiteduck, directrice du développement économique, et Dean Polchies, analyste de politiques, Secrétariat du partenariat économique.

Bienvenue devant notre comité. Vous avez la parole.

Le chef Jason Goodstriker, chef régional de l'Alberta, Assemblée des Premières nations : Merci, monsieur le président. Bon après-midi, sénateurs. C'est avec plaisir que nous comparaissons devant votre comité. Nous avons préparé une déclaration, après quoi nous serons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Au nom de l'Assemblée des Premières nations, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître ce soir. C'est un plaisir pour moi de vous présenter notre travail concernant un avant-projet économique pour les Premières nations.

Je tiens à dire respectueusement aux membres du comité que nous n'avons pas eu le temps de faire traduire notre mémoire. La traduction a commencé et nous vous enverrons le document dans les prochains jours.

Une année est passée depuis notre dernière comparution devant le comité et beaucoup de choses ont changé depuis. Comme vous le savez, notre organisation a été fort occupée durant cette période relativement courte. Nous avons contribué à l'élaboration d'un accord politique. Nous avons cherché une solution au problème des pensionnats. Nous avons participé à la rencontre des premiers ministres et aux préparatifs correspondants. Nous avons coordonné un nombre phénoménal de sessions d'information et de débats politiques, l'un d'entre eux consacré aux économies des Premières nations.

Lors de ma dernière comparution devant le Sénat, en juin dernier, je vous avais donné un premier aperçu des systèmes dont nous avons besoin pour transformer l'économie de nos collectivités. J'avais parlé de la nécessité d'adopter de nouvelles mesures pour mieux équiper nos économies, qui sont confrontées à de nombreux défis. J'avais souligné aussi les carences de certains programmes et services et notre décision de ne pas appuyer la décision du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien de réduire les crédits de développement économique destinés aux Premières nations et aux Inuits.

Aujourd'hui, en ma qualité de président du Comité du développement économique de l'Assemblée des Premières nations, je voudrais vous communiquer trois messages : premièrement, vous exposer les thèmes de l'ébauche d'avant- projet économique des Premières nations, deuxièmement, vous indiquer les raisons pour lesquelles cet avant-projet a été préparé et, troisièmement, vous dire quelles sont les étapes suivantes et ce que nous attendons de vous.

Avant cela, je tiens à préciser les bienfaits que peut avoir la prospérité économique pour les Premières nations.

Le développement économique est un puissant déterminant du bien-être social des populations autochtones. Les mesures indirectes produisent des résultats indirects. L'un des avantages du modèle que nous proposons est qu'il permet de recentrer nos efforts en fonction d'une stratégie directe, en faisant intervenir des facteurs supplémentaires pour mettre en œuvre des stratégies précises avec des investissements focalisés dans les collectivités des Premières nations.

Le Canada, pays caractérisé par le sens du civisme et la conscience sociale, sait qu'il est dangereux de laisser se creuser l'écart des niveaux de vie, de ne pas tirer pleinement parti des possibilités d'accroissement de la productivité et de ne pas prendre de mesures concrètes pour permettre à chaque secteur de la société de participer pleinement à la population active. Notre avant-projet économique vise donc à proposer des solutions dans ces trois domaines.

Une étape importante a été franchie en septembre 2005 devant le comité des chefs sur le développement économique. C'est en effet à ce moment-là que le comité a entrepris ses délibérations sur une nouvelle stratégie économique, conformément au mandat que lui avaient confié les chefs de l'Assemblée en juillet 2005.

Nous avons alors réuni certains des esprits les plus brillants des Premières nations — notre groupe consultatif d'experts économiques — pour commencer à définir des concepts fondamentaux. La première question que nous leur avons posée était celle-ci : si l'on faisait table rase, que mettriez-vous dans une stratégie destinée à appuyer la croissance de nos économies?

Dans la première partie de notre exposé, nous vous donnerons leur réponse à cette question et à l'orientation fixée par notre comité des chefs.

Le but global de l'avant-projet économique est de contribuer à la croissance économique des Premières nations en tenant compte de leur diversité.

Cette diversité des économies autochtones se traduit dans l'avant-projet par plusieurs étapes de croissance qui sont respectivement une économie en développement, une économie émergente et une économie dynamique. L'avant-projet repose sur un échéancier de 10 ans qui est identique à celui des autres plans nationaux que nous avons formulés. Les objectifs économiques ont été regroupés en plusieurs thèmes dont chacun comprend des prévisions et des indicateurs.

Les thèmes de l'avant-projet sont au nombre de cinq : infrastructures économiques, perfectionnement des ressources humaines, stratégie de relations avec les entreprises, établissement de partenariats avec les organisations non gouvernementales, et édification des nations.

Le thème de l'infrastructure économique englobe les infrastructures physiques et gouvernementales susceptibles d'appuyer l'activité économique à l'intérieur des Premières nations et autour d'elles. Nos experts ont conclu que les Premières nations ont besoin d'une assise plus dynamique et robuste pour attirer, favoriser et conserver le développement, le capital humain et les investissements économiques, et pour développer les capacités.

L'infrastructure matérielle désigne les tuyaux, les câbles, les briques et le ciment nécessaires au développement. Cela se traduit par des coûts et par des options de développement en matière de transports aériens, terrestres et maritimes, d'énergie et de télécommunications, dans les régions et les collectivités.

L'infrastructure gouvernementale désigne les programmes, services et incitatifs économiques locaux et régionaux nécessaires pour appuyer chaque étape de croissance économique, c'est-à-dire le développement, l'émergence et l'épanouissement. L'un des résultats critiques à cet égard sera la capacité des gouvernements à répondre aux besoins de l'économie.

Les besoins en capital, l'utilisation des terres et des ressources, et la répartition des compétences sont des thèmes secondaires importants dans la planification de l'infrastructure économique, qu'elle soit gouvernementale ou matérielle.

Le thème du perfectionnement des ressources humaines intègre le thème de l'infrastructure économique gouvernementale des Premières nations au thème du développement des ressources humaines autochtones pour assurer une planification adéquate des possibilités de croissance économique et d'emploi dans les collectivités et les régions. À l'heure actuelle, il n'y a pas de relation adéquate entre suffisamment de secteurs pour dresser des plans adaptés aux besoins des jeunes.

Certains des sous-titres de ces parties comprennent l'organisation de forums régionaux sur la planification du développement avec les Premières nations concernées; obtenir la participation des forums traditionnels de développement économique régional; et procéder à l'évaluation des besoins d'emploi régionaux sur des cycles de trois ans.

Le thème des relations avec les entreprises a pour objectif de porter à un niveau supérieur nos relations avec les entreprises du Canada. Nos experts ont constaté qu'il est nécessaire d'adopter une démarche extrêmement interactive entre les Premières nations et le secteur privé pour permettre aux Premières nations de participer aux secteurs économiques où s'exerce l'essentiel du contrôle de l'activité économique. Pour instaurer cette interaction, il faudra dresser un plan visant à encourager l'établissement de partenariats entre les entreprises traditionnelles et les entreprises autochtones afin de faciliter l'accès de ces dernières à l'activité économique; inciter les entreprises à investir dans les Premières nations pour aider les collectivités à développer leurs capacités conformément à un plan de développement local ou régional; permettre aux Premières nations d'avoir accès aux contrats et aux appels d'offres des entreprises, ainsi qu'aux possibilités de commerce avec des entreprises associées; et assurer l'emploi de membres des Premières nations dans les projets de développement directs et indirects.

En ce qui concerne les partenariats et les organisations non gouvernementales, il est nécessaire d'entreprendre des recherches pour recueillir des données qui permettront de fonder les politiques des Premières nations sur des bases solides. La même chose vaut pour l'information économique des Premières nations. Nos experts recommandent à ce sujet l'instauration d'une stratégie de recherche multilatérale englobant l'ANSAF, le Conference Board du Canada, l'Institut sur la gouvernance, le CAADA, la Aboriginal Financial Officers Association, l'ANFA, CAMSC et d'autres organisations pour dresser des plans de recherche répondant aux besoins des Premières nations et de leurs économies régionales et pour identifier les bases de données statistiques nécessaires.

Finalement, en ce qui concerne l'édification des nations, l'avant-projet économique des Premières nations est conçu pour respecter les relations historiques et les efforts politiques visant à favoriser les relations de gouvernement à gouvernement et de nation à nation. Ceci se fera en améliorant la coordination, les communications et l'harmonisation des priorités économiques des nations, des groupes des traités et des formations communautaires. Le thème de l'édification des nations respecte l'aspiration des Premières nations à coordonner leurs priorités politiques et culturelles en allant au-delà des structures de la Loi sur les Indiens et au-delà des contextes provinciaux.

L'accès accru aux ressources est l'une des questions les plus fondamentales pour améliorer les relations politiques et le développement économique des Premières nations. Ceci exigera l'établissement de cadres pour appuyer l'accès aux ressources, ainsi que de nouveaux arrangements budgétaires comme élément des relations entre gouvernements et nations. Des cadres seront élaborés au sujet de l'utilisation des sols, du partage des revenus issus des ressources, et des relations commerciales.

L'une des grandes préoccupations des experts est qu'une nouvelle stratégie exige de nouveaux investissements.

Les projections d'investissement préliminaires sont fixées à 760 millions de dollars sur cinq ans, chiffre qui représente l'estimation avancée par l'APN dans les consultations prébudgétaires de l'automne 2005. Les prévisions d'investissement de six à 10 ans dans le cadre de l'avant-projet économique sont en cours d'élaboration.

Si vous vous demandez pourquoi cet avant-projet apparaît maintenant, c'est parce qu'il y a dans notre population beaucoup de jeunes qui veulent entrer dans la population active. Nos économies représentent une source importante de risque et d'opportunités pour l'économie canadienne à court terme et, plus important encore, à long terme.

Ceci est particulièrement clair dans les trois domaines suivants : gains ou pertes de productivité, coûts des programmes sociaux sans investissements adéquats dans l'économie, et incertitudes concernant les régimes d'exploitation, ce qui engendre aussi des pertes d'opportunités.

Nous proposons une nouvelle approche fondée sur les conclusions de la Commission royale sur les peuples autochtones et sur deux éléments clés mentionnés dans la Reconnaissance et la mise en œuvre des gouvernements des Premières Nations et dans notre plan de rattrapage.

D'un point de vue plus général, nous constatons aussi que cela harmonise nos intérêts avec ceux du Canada en matière de reddition de comptes et d'équilibre fiscal.

Les mesures concrètes exigées sont reliées aux divers éléments de l'avant-projet que je viens de mentionner.

Du point de vue programmatique, la dernière stratégie fédérale importante d'appui à nos économies remonte à 1989.

Certains éléments de cette stratégie qui existent encore aujourd'hui doivent être conservés, comme le Programme de développement économique des collectivités, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le PDEC, dont le principal objectif concorde bien avec les principes des Premières nations. Il était prévu, dans le cadre de ce PDEC, que les collectivités posséderaient le pouvoir de déterminer, de concevoir et de mettre en œuvre leurs priorités économiques, au lieu que ce pouvoir appartienne au ministère fédéral. Ce principe est conforme au rôle que veulent jouer les gouvernements des Premières nations et leurs institutions économiques.

Cet objectif du programme respectait les recommandations figurant dans le célèbre Projet de Harvard sur le développement des Indiens américains — avant qu'il ne devienne un rapport de recherche.

En revanche, certains éléments de la stratégie sont dépassés ou n'ont pas répondu aux besoins des Premières nations et d'autres groupes parce que les programmes des Premières nations étaient regroupés avec ceux d'autres entités autochtones. Mentionnons à titre d'exemple les formules de financement sans variables de population et d'inflation, ou les programmes qui ne peuvent pas concorder avec le cadre législatif particulier des Premières nations.

Cela a-t-il contribué à stimuler le développement économique des Premières nations? Oui. Est-il temps d'envisager une autre stratégie? Encore une fois, oui. Il faut avancer.

J'aimerais réitérer un message de l'an dernier concernant la nécessité d'effectuer de nouveaux investissements pour produire un changement économique à long terme. Le gouvernement fédéral dit investir plus de 9 milliards de dollars chez les peuples autochtones. Sur cette somme, 0,03 p. 100 concerne le changement économique à long terme, et nous constatons aussi qu'il n'y a que 0,06 p. 100 pour toutes les initiatives économiques autochtones.

Je dis ceci uniquement pour souligner que des investissements de changement économique à long terme sont nécessaires et non pas pour critiquer ce qui se fait actuellement ni pour dire qu'il faudrait éliminer les fonds destinés aux autres programmes concernant la santé ou les services sociaux des Premières nations.

La jeunesse de notre population est une source de tension mais aussi d'opportunités renouvelées sur le plan économique. Nous devons nous préparer à tirer parti de cette ressource inexploitée afin qu'elle puisse devenir un volet important de nos économies locales et régionales. L'éducation et l'acquisition de compétences sont les clés du progrès économique.

Il est temps de se concentrer sur ce qui marche. L'économie et le secteur privé du Canada marchent.

Nous prenons note aussi de deux publications récentes importantes de la vérificatrice générale et des Nations Unies où l'on recommande une plus grande participation économique de nos collectivités, en fonction de nos propres plans. Dans son rapport du 16 mai, la vérificatrice générale mentionne sept facteurs de succès cruciaux, notamment la nécessité de développer et de financer les capacités des Premières nations en collaboration avec elles, et c'est ce que nous proposons aussi aujourd'hui.

En conclusion, voyons quelles devraient être les étapes suivantes et ce que nous attendons de votre comité sénatorial.

Une approche impulsée par les Premières nations sera couronnée de succès si elle débouche rapidement sur des partenariats et sur des résultats mesurés. Le progrès sera jugé à l'aune du rendement des investissements dans des économies régionales plus solides. La prochaine étape consistera donc à fixer des indicateurs de rendement.

Les prochaines étapes comprendront aussi l'établissement de processus de collaboration entre le gouvernement fédéral et les Premières nations, et de relations avec le secteur privé et les ONG pour étoffer les thèmes de l'avant- projet.

Ce que je vous demande, c'est de travailler avec nous pour bâtir un modèle de changement — un modèle axé sur le renforcement des économies locales et sur la croissance économique régionale.

Nous vous demandons d'adresser au gouvernement fédéral un rapport recommandant l'adoption d'une nouvelle stratégie, et de le faire avant la prochaine grande réunion nationale qui se tiendra en Saskatchewan en 2000 au sujet du développement économique des Premières nations.

Une dernière remarque : Kelowna était un excellent point de départ pour nos économies. Nous étions tous conscients de son importance et savions qu'il y avait encore beaucoup à faire pour appuyer cette priorité.

Ceci me rappelle que les premiers ministres de l'Ouest ont débuté leur rencontre de cette semaine en implorant le gouvernement fédéral de préserver et de respecter l'accord. Ayant participé directement aux négociations, je comprends parfaitement leur message et je me joins à eux en demandant au Sénat de recommander au gouvernement fédéral d'assurer sa mise en œuvre.

Merci, monsieur le président et sénateurs.

Le président : Merci, chef Goodstriker.

Le sénateur Sibbeston : Je vous remercie de cet exposé. C'est un plaisir de rencontrer des représentants de l'APN, organisation importante puisqu'elle représente l'ensemble des Premières nations du pays.

Notre comité a eu le privilège de se rendre dans différentes régions, notamment en Colombie-Britannique et en Alberta, l'automne dernier, et nous avons pu constater que de nombreuses initiatives et entreprises ont vu le jour dans les Premières nations ces dernières années. C'est très encourageant. Toutefois, tout cela se fait localement.

Nous commençons à réaliser que certaines conditions doivent être présentes pour que les peuples autochtones aient du succès sur le plan économique. Il faut une bonne structure de gouvernance. Il faut des institutions culturellement adéquates, créées par eux. Il faut du leadership, et cetera. Ces choses-là doivent être présentes sur le terrain. Bien souvent, elles n'apparaissent pas de manière spontanée mais avec l'encouragement et la coopération du secteur privé. Fort McMurray en est probablement un bon exemple. Dans les Territoires du Nord-Ouest, d'où je viens, Diavik Mines est un excellent exemple d'entreprise minière intégrant des membres des Premières nations dans toutes ses activités.

J'aimerais avoir des précisions sur votre rôle. Il y a des entreprises locales mais, inévitablement, cela exige du leadership. Il faut un chef ou des gens qui sont tellement déterminés à voir naître ces entreprises que celles-ci finissent par voir le jour — après qu'on ait versé beaucoup de sang, de sueur et de larmes. Étant donné que c'est au niveau local qu'il faut agir et que les projets économiques sont le fruit des efforts locaux, quel rôle envisagez-vous pour vous-même, alors que vous résidez à Ottawa et faites partie d'une organisation nationale? Vous considérez-vous comme une sorte de promoteur de ces petites entreprises et de ces projets économiques locaux? Comment voyez-vous votre rôle? Nous savons que le gouvernement a un rôle à jouer mais quel doit être le vôtre pour aider les Premières nations à connaître du succès sur le plan économique?

M. Goodstriker : Dans notre exposé, nous avons aussi voulu souligner que l'autonomie gouvernementale des Premières nations fait partie intégrante des changements qui devront intervenir. Ce facteur est important parce que les chefs et les collectivités sont engagés dans cette voie depuis plusieurs années, notamment pour le développement économique.

Vous avez tout à fait raison de signaler comment certains des projets des 15 ou 20 dernières années ont pu être couronnés de succès. Dans le Nord, nous avons l'exemple des diamants. Certains de nos amis travaillent dans le secteur de la forêt ou de la pêche. Il y a eu des succès dans ces domaines.

En ce qui concerne ce qui s'est produit dans le passé, l'Assemblée des Premières nations a été invitée à plusieurs reprises à être le témoin ou à ouvrir les portes à certains chefs et à des collectivités pour organiser des négociations.

Nous avons fait partie intégrante de ce processus et continuerons à favoriser le climat nécessaire pour que le leadership, local et régional, ait accès au développement.

Nous continuerons à agir sur ce thème car, comme nous l'avons indiqué, le développement économique doit devenir l'une des priorités des Premières nations, et doit être considéré comme une priorité par les membres de la Chambre. On constate une dynamique intéressante quand commence à s'instaurer un climat de changement.

Pendant la période des questions, mes collaborateurs pourront intervenir aussi.

Le sénateur Hubley : Bienvenue devant notre comité. J'ai déjà fait partie du comité des peuples autochtones dans le passé. Je l'avais quitté pendant un certain temps mais j'y suis revenu. Hélas, je n'ai pas participé à l'étude consacrée au développement économique.

Je suis fort impressionnée par votre exposé et je tiens à vous féliciter pour l'esprit d'initiative dont il témoigne. La production d'un document de cette qualité témoigne d'un travail ardu et soutenu. Elle démontre aussi qu'il doit y avoir quelqu'un qui est conscient des possibilités offertes et qui a une vision de l'avenir.

Je voudrais vous demander en premier comment ceci a été appliqué. Vous avez parlé de développement économique mais aussi, dans une certaine mesure, d'aspects sociaux, notamment quand vous avez dit que votre organisation est solide et peut organiser des négociations pour les autres parties.

Je voudrais aussi avoir des précisions sur les étapes suivantes que vous envisagez. J'aimerais savoir comment vous en êtes arrivés à l'étape actuelle. Au point où vous en êtes, vous constatez qu'il faut plus d'investissements pour aller de l'avant.

Pourriez-vous nous dire quelle est votre vision actuelle?

M. Goodstriker : Vous avez raison de dire qu'il y a eu des documents précédents. J'ai mentionné le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, qui fixait les paramètres d'une certaine évolution. Il y a eu aussi une étude — Mme Whiteduck pourra en parler à la fin de ma réponse — intitulée « The Cost of Doing Nothing ». C'est exactement ça. Que se passe-t-il quand on lance un processus sans avoir fait d'investissements pour le développement économique, l'éducation et de la santé, la garde des enfants ou le logement?

C'est un rapport traitant de choses très concrètes. Nous pourrons vous donner les références si vous voulez.

Tout ce dont nous parlons est très axé sur le développement régional. C'est la discussion des premiers ministres, avec toutes les conséquences sociales et autres.

Nous sommes ici pour dire que le développement économique est nécessaire pour résoudre les problèmes sociaux. Je ne veux pas dire que ceux-ci sont secondaires mais, quand les investissements sont axés sur le développement économique, ça permet de réduire les coûts sociaux. Nous en sommes fermement convaincus.

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question — les étapes futures — notre comité des chefs sur le développement économique a conclu que certaines des relations étaient peut-être devenues improductives et qu'il faudrait peut-être appliquer certaines stratégies avec plus de vigueur. Le comité des chefs s'est donc réuni et a produit cet avant-projet qui actualise, en quelque sorte, sa ligne de pensée.

Le programme lancé dans les années 80 comportait certains volets importants concernant spécialement les Premières nations, avec des programmes solides. Qu'est-ce qui a changé depuis? Nous avons beaucoup plus de membres, qui sont plus professionnels, qui ont plus d'expérience de travail dans les mines, à des postes supérieurs. Nous avons beaucoup plus d'agents gouvernementaux de notre côté. Nous avons accès à beaucoup plus d'experts et c'est pourquoi nous avons convoqué un forum d'experts.

Nous avons des financiers et des avocats qui sont au cœur des négociations sur le pétrole. Nous avons des femmes d'affaires qui font des choses incroyables. Nous avons commencé à produire ces experts parce qu'ils savent quelle est la réalité et qu'ils passent suffisamment de temps sur le terrain pour savoir que cela change la situation. Cela transformera nos collectivités.

Voilà ce que nous avons l'intention de faire : aller au-delà et continuer à mettre en œuvre. Toutefois, les choses ont changé. Nous avons des gens qui commencent à être efficaces pour nous, ce qui est positif.

Judy Whiteduck, directrice du développement économique, Assemblée des Premières nations : Je vous remercie de cette question. Merci, chef régional, de me donner la parole.

Je pense que vous avez indiqué le coût de l'inaction, en expliquant très bien ce que coûterait une attitude passive. En ce qui concerne les prochaines étapes, je pense qu'il faut en arriver au point où cela deviendra une nouvelle stratégie pour appuyer les économies des Premières nations et les autres économies. Pour le moment, nous continuons essentiellement à fonctionner dans la même dynamique, avec les mêmes autorités qui étaient là en 1989. Toutefois, c'était il y a 17 ans et toutes les économies environnantes ont changé. L'économie mondiale a changé, les économies nationales ont changé, ainsi que les économies régionales, mais l'assise sur laquelle reposent nos systèmes économiques de gouvernement n'a pas changé. Il faut donc engager un autre débat pour introduire ce genre de système de gouvernement qui contribuerait à une infrastructure économique plus dynamique.

Le sénateur Peterson : Je souhaite la bienvenue aux témoins. J'aimerais avoir une meilleure idée du déroulement de ce projet. Tout semble avoir débuté avec le mandat des chefs, en juillet 2005, qui vous a amené à préparer un avant- projet évolutif, en octobre 2005. Je ne sais pas si le projet va continuer d'évoluer. Vous nous demandez de vous aider à bâtir ce modèle et d'adresser un rapport au gouvernement fédéral pour recommander l'adoption d'une nouvelle stratégie, et de le faire avant votre réunion de l'an prochain.

Je ne suis pas sûr que nous voulions aller aussi vite. C'est ce qui nous a causé des difficultés dans le passé. Peut-être serait-il préférable que vous poursuiviez le développement de ce document et, si vous souhaitez, que nous collaborions avec vous pour formuler les mécanismes de contrôle financier. Autrement dit, il s'agirait de fixer un échéancier plus précis et de voir ce que nous pouvons faire.

Mme Whiteduck : Je conviens que l'échéancier est très serré. Nous avons eu l'occasion de vous présenter le fruit de notre réflexion sur ce que pourrait être une nouvelle stratégie. Les experts économiques sont enthousiasmés par le travail qu'ils font.

L'avant-projet que nous vous avons remis a été traduit. Il y a une autre version qui comprend un plan d'action, ce qui veut dire que le travail est déjà plus avancé que ne l'indique ce document. En ce qui concerne l'avant-projet, nous proposons d'aller à l'étape suivante, comme je l'ai dit, mais nous demandons aussi au comité, dans son rapport et dans les conclusions de son étude sur le développement économique autochtone, d'envisager la nécessité d'une nouvelle stratégie et de juger s'il est temps pour le gouvernement fédéral d'y participer. Si tel est le cas, les éléments que nous avons proposés en feront-ils partie?

Le sénateur Watt : Bonjour. J'ai l'intention de poursuivre dans le même ordre d'idées que le sénateur Peterson en mettant l'accent sur vos remarques de conclusion.

Vous avez dit que le comité devrait vous aider à formuler une nouvelle stratégie économique. Vous souhaitez que le comité participe avec vous ou avec des organisations similaires à l'examen des changements qu'il faudrait apporter pour mieux refléter vos besoins.

Vous avez dit que vous êtes en train d'établir des relations avec le secteur privé et avec des ONG. Voulez-vous dire que le secteur privé participe à l'élaboration de l'avant-projet ou qu'il participe à des ententes de partenariat ou de partage de revenus? Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre ça?

M. Goodstriker : En ce qui concerne la séquence des événements, voici ce qui s'est passé. Les casinos autochtones sont un concept aujourd'hui implanté au Canada. Il s'agit là d'une forme de développement économique à laquelle nous n'avions pas accès dans le passé, et nous n'avions pas de stratégie nationale. On discute maintenant d'un groupe national de Premières nations, proposé par le chef Alphonse Bird de la Federation of Saskatchewan Indian Nations. Nous avons commencé à réunir ce groupe. Il y a 10 ou 15 ans, on ne parlait pas de casinos; aujourd'hui, 20 à 25 Premières nations possèdent et exploitent des centres de villégiature et des terrains de golf, et elles obtiennent de bons résultats. Plusieurs Premières nations ont proposé de répondre aux questions de développement économique non seulement pour leurs collectivités mais aussi pour les collectivités environnantes, ce qui serait utile pour l'emploi et l'économie.

Il n'y a pas encore eu de dialogue national sur les questions de financement concernant les terrains des Premières nations. Cette question n'a jamais été réglée, ce qui veut dire que nous ne pouvons pas emprunter en hypothéquant nos terres, à cause de la situation fédérale. Nous n'avons pas résolu ce problème. Nous avons besoin de l'aide de nombreuses organisations, notamment du Sénat et d'autres parties du gouvernement, pour trouver ces réponses.

Le développement économique ne concerne pas que les Indiens dans leurs collectivités, il concerne des régions entières qui sont en difficulté. En tant que chef en Alberta, j'entends beaucoup parler de gens qui quittent des provinces comme la Saskatchewan pour aller chercher du travail en Alberta. Il faut répondre à ces questions.

Il y a dans ma région 115 000 Indiens inscrits dans 47 bandes. Il y a en outre 20 000 à 25 000 autres membres des Premières nations qui sont partis travailler en Alberta. Il faut tenir compte de ce phénomène de migration quand on parle de développement économique.

Le sénateur Watt : Allons un peu plus loin en ce qui concerne la question des terres. Le problème que vous évoquez est que vous n'avez pas de capital relié à ces terres. Vous ne pouvez donc pas obtenir de capital des institutions financières ou du gouvernement. Dans certains cas, il vous faut aussi du capital-risque. Comment pourriez-vous l'obtenir? Le comité pourrait peut-être adresser des recommandations au gouvernement à ce sujet.

Je sais fort bien qu'il faut du capital pour réussir en affaires. Il faut suffisamment de capital et suffisamment de liquidités. Je sais ça.

Si je comprends bien, vous nous demandez de réfléchir aux méthodes qui permettraient au gouvernement de vous aider. Vous voulez que nous adressions à ce sujet des recommandations au gouvernement dans notre rapport.

Vous ne pouvez pas disposer des terres puisqu'il s'agit de terres des réserves, et vous n'avez donc pas la possibilité d'emprunter de l'argent en les hypothéquant. Tant qu'on n'aura pas changé la Loi sur les Indiens, ça ne changera pas. Comme vous ne pouvez pas hypothéquer les terres pour obtenir du capital, vous voudriez que nous trouvions une autre solution. Si je vous comprends bien, c'est ce que vous souhaitez.

Vous voulez deux choses : résoudre ce problème de capital foncier et trouver des méthodes pour vous permettre d'obtenir du capital-risque.

Vous ai-je bien compris?

M. Goodstriker : Vous avez parfaitement compris. On ne saurait trop parler de risque et de capital. Chaque fois qu'une idée de développement économique est proposée pour les Premières nations, il y a un problème de capital. Je crois pouvoir dire que plus de la moitié des projets sont abandonnés à cause de ce problème. Cela touche beaucoup de choses et nous fait perdre beaucoup d'occasions.

Quand on discute de champs d'éoliennes, il faut bien parler des terres sur lesquelles on veut les construire.

Tous ces facteurs entrent en jeu.

Nous n'avons jamais eu de dialogue avec toutes les parties concernées au sujet de cette partie de la Loi sur les Indiens. C'est une question très importante. Il faut que cela devienne une priorité car, en fin de compte, les questions de terres et de capital sont le point de départ d'autres discussions sur le développement économique des Premières nations.

Le sénateur Watt : On a annoncé hier qu'il y aurait un sommet économique en 2007. Ce sera tout à fait opportun. Vous êtes les représentants régionaux de l'APN.

À ce moment-là, serez-vous prêts à recevoir une expression d'intérêt du secteur privé concernant des possibilités de création d'entreprises en partenariat? Cela vous intéresserait-il? Cela pourrait peut-être se faire au moment où le ministre rencontrera les chefs des Premières nations.

M. Goodstriker : Il est important que nous marchions la main dans la main, avec confiance. Quand on parle de groupe constitutionnel, il est important de réussir. Le succès est important pour tout le monde.

On m'a posé une question similaire en Inde. Le secrétaire d'État de ce pays m'avait demandé : « Pourquoi faites- vous partie d'Équipe Canada pendant ce voyage en Inde? » Je lui ai répondu : « Parce que nous voulons aller de l'avant ». Il était très intéressé par notre statut de « Peaux-Rouges » — c'est comme ça qu'il nous appelait. Je lui ai dit : « Honnêtement, nous sommes ici parce que nous voulons construire. Nous sommes les collectivités les plus pauvres du pays et nous voulons changer ça ». Voilà la simple réponse que je lui ai donnée.

Le sénateur Segal : Je tiens à vous dire que je suis impressionné par la qualité et la teneur de votre exposé.

Je voudrais aborder ces questions sous un autre angle. Nous avons ici un document de stratégie économique aussi bon que tout ce que j'ai pu voir venant du gouvernement. Or, pour préparer ce document, je suis sûr que vous n'avez pas eu accès aux innombrables ressources que possèdent les gouvernements. Voilà la bonne nouvelle.

Voici maintenant la mauvaise — et je vous demande de ne pas interpréter cela négativement. Les taux de pauvreté autochtone sont énormes. Les paramètres démographiques de votre population, de nos frères et sœurs des Premières nations, sont tels que vous avez un très grand nombre de membres de moins de 25 ans pour qui il faudra trouver des emplois à un rythme que l'économie canadienne ne pourra jamais satisfaire. Les problèmes auxquels vous êtes confrontés, et que vous comprenez mieux que quiconque ne fait pas partie d'une communauté autochtone, tournent autour de l'abus de drogues, d'une surreprésentation massive dans le système carcéral — largement supérieure à ce que la population devrait produire —, de problèmes de diabète et de maladies chez les adultes — en proportion largement supérieure à ce qu'ils sont dans les collectivités rurales pauvres de partout au pays et pas seulement chez nos frères et sœurs autochtones.

Vous nous avez remis un superbe macro-document, qui présente la situation globale. On y parle de processus et de politiques à élaborer, ainsi que de questions financières à résoudre. En tant que Comité sur le développement économique de l'APN, comment faites-vous la différence entre le macro et le micro — je parle ici des gens qui vivent dans les réserves et dans nos villes et qui sont à certains égards économiquement dépossédés pour des raisons sur lesquelles ils n'ont absolument aucun contrôle?

Je songe à un exposé — lors d'un colloque qui s'est tenu à l'Université Queen's il n'y a pas très longtemps — fait par un vice-chef d'un conseil de bande de Saskatoon du nom de Lafond qui a abandonné tout espoir au sujet des revendications territoriales et du processus constitutionnel. Comme d'autres, il ne veut plus se consacrer qu'aux enfants. Il a mis sur pied ce qu'on appelle là-bas une ligue de hockey des écureuils. Dans le passé, on ne pouvait pas faire partie de ces merveilleuses équipes de hockey, qui étaient essentiellement composées d'Autochtones, si on n'avait pas une moyenne d'au moins 80 p. 100 à l'école. Les deux questions se renforçaient mutuellement. Il disait qu'il était beaucoup plus heureux de faire des progrès avec les enfants, au cas par cas, parce qu'il ne pensait pas que les solutions globales pouvaient être appliquées suffisamment vite pour changer vraiment la vie des gens.

Je comprends que nous parlons de développement économique et que l'on vous a demandé de vous attaquer au problème d'un point de vue global, ce que vous avez superbement fait. Puis-je cependant vous inviter à quitter ce rôle et à réfléchir simplement à ce micro problème individuel en nous disant ce que devrait faire le comité pour, comme disait Winston Churchill, agir aujourd'hui même? Pour faire immédiatement quelque chose qui puisse vraiment changer la situation.

M. Goodstriker : Au sujet de la situation en cause, il y un document très important qui est sorti de mon bureau. Nous l'avons préparé en collaboration avec le ministère des Affaires indiennes de l'Alberta. Il est intitulé « The Labour Market Strategy ». Nous avons examiné la situation réelle d'aujourd'hui. L'une des choses les plus frappantes que nous avons constatées est que les jeunes de 17 ans tombent complètement en dehors du système quand ils arrivent en 12e année.

Nous venons d'avoir une discussion avec Corrections Canada. Nous avons analysé les chiffres avec eux. Comme vous l'avez dit, c'est effrayant. Ce qu'il faut faire, c'est renverser ce genre de tendance.

En ce qui concerne le membre autochtone de base, ce à quoi je reviens continuellement c'est la nécessité d'instaurer un climat. Nous voulons créer un climat qui permettra aux jeunes et aux autres de réussir. Cela suppose des possibilités d'emploi et beaucoup d'autres choses. On peut mener le cheval à l'abreuvoir. Nous voulons simplement nous attaquer à cette situation.

Après ça, la communauté autochtone, les chefs et les membres, auront leur mot à dire. Pour le moment, il y a des questions législatives, des questions raciales et beaucoup d'autres choses qui constituent des obstacles. Voilà le mur qu'il faut franchir. Vous ne pouvez pas le voir mais il est là.

Nous voulons créer cette situation ultime où les gens peuvent avoir un emploi et terminer l'école secondaire, et où la bande peut signer une entente. Nous voulons créer le genre de climat qui nous permettra d'aller de l'avant. C'est important pour nous.

Mme Whiteduck : Je voudrais revenir sur les remarques du chef régional.

Premièrement, j'attire votre attention sur le thème des relations avec les entreprises qui est de faire participer les acteurs qui sont déjà sur place. Je songe en particulier aux secteurs qui connaissent déjà du succès régionalement et économiquement. De cette manière, nous pourrons faire en sorte que la situation macro se produise aussi au niveau micro plus rapidement. Nous pourrons nous assurer qu'il y a des achats, des investissements, des partenariats et des possibilités d'emploi avec les entreprises du Canada. Comme l'a dit le chef régional, nous voulons mettre l'accent sur ce qui marche. L'économie du Canada marche et nous voulons en faire partie.

Si nous pouvions créer et bâtir sur ce thème et développer ces relations avec les entreprises du Canada, pour avoir des investissements progressifs dans les Premières nations pendant une dizaine d'années, ça pourrait être un défi adressé par le gouvernement du Canada aux grandes entreprises en leur disant : « Nous voulons vous voir investir la même chose que nous dans les Premières nations. Voilà le défi que nous vous lançons ». Ça pourrait être une manière de réussir au niveau micro dans la situation macro.

L'autre élément consiste à s'assurer qu'il existe une infrastructure gouvernementale dans les collectivités des Premières nations et une infrastructure économique régionale pour que les collectivités des Premières nations puissent s'assurer qu'il y a des possibilités économiques harmonisées avec les capacités locales, ou qu'il y a moyen de satisfaire ces intérêts. À l'heure actuelle, nous consacrons beaucoup d'attention au développement des ressources humaines et au perfectionnement de la main-d'œuvre. Si l'on compare la branche économique d'une Première nation au niveau local ou régional, on constate qu'elle est sérieusement sous-financée et que la branche de la main-d'œuvre l'est un peu mieux mais pas au niveau voulu pour exploiter ces possibilités régionales et garantir qu'il y a des emplois.

Le sénateur Peterson : Quand nous étions en Alberta, l'an dernier, nous nous sommes arrêtés à Calgary et avons rencontré un certain nombre de bandes qui connaissent beaucoup de succès. Elles avaient un projet qu'elles avaient développé et elles s'étaient adressées au ministère des Affaires indiennes pour lui demander de l'argent qu'il conserverait en fiducie à leur intention. Après avoir examiné le projet, le ministère leur a dit qu'il ne l'aimait pas. Pourtant, le projet a eu du succès avec quelqu'un d'autre. Combien d'argent vous appartenant le ministère garde-t-il? Avez-vous rencontré le même type de problème?

M. Goodstriker : Ça arrive tout le temps. Le fonds de revenu se trouve à la Banque du Canada. Le ministre possède un pouvoir discrétionnaire exclusif quant à son utilisation. Si vous obtenez des revenus de votre collectivité, ils sont censés être versés dans le fond de revenu et de capital. Nous devons tous demander poliment le droit d'avoir accès à nos propres dollars. Nous le faisons tous depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens. C'est la réalité de ce que doivent faire les collectivités des Premières nations pour aller de l'avant.

Dans certains cas, des lois ont été adoptées pour permettre aux bandes d'y avoir accès grâce à leurs propres comptes. Dans ces cas-là, il y a des critères de reddition de comptes, et les bandes les acceptent. C'est ce qu'elles veulent. Nous n'avons aucun problème à accepter ce genre de dynamique. C'est la réalité brutale de ce avec quoi nos chefs sont obligés de composer.

Le sénateur Sibbeston : J'ai beaucoup de respect pour les entreprises. Je pense que c'est une activité noble qui représente plus que trouver du travail puisque ça exige qu'on mobilise des compétences, qu'on s'organise, qu'on ait de la discipline, qu'on soit focalisé et qu'on ait la volonté de réussir.

J'aimerais connaître votre avis. Vous êtes ici à Ottawa et vous connaissez donc peut-être toute la scène nationale. Vous avez probablement l'avantage d'aller dans toutes les régions du pays. Au cours des 10 ou 15 dernières années, j'ai vu apparaître le phénomène des entreprises autochtones. C'est une chose difficile. Mon oncle me disait qu'il faut un cœur d'acier pour réussir en affaires. C'est un monde de chiens, le monde des affaires. Il faut être dur pour réussir. J'ai vécu dans le monde des affaires et j'ai dû apprendre. Moi, par nature, je suis un doux. Je ne veux choquer personne et je n'ai aucune agressivité quand il s'agit d'économie et d'affaires. J'ai dû apprendre à fonctionner dans le monde des affaires, c'est évident, parce que c'est indispensable pour réussir.

Au Canada, ce phénomène des Autochtones se lançant en affaires s'explique-t-il simplement par le fait qu'ils font des études? Sinon, est-ce plutôt parce qu'ils ont soudainement réalisé qu'ils n'ont pas le choix et qu'ils doivent entrer dans le monde industriel comme tout le monde s'ils ne veulent pas périr? À quoi attribuez-vous ce phénomène des Autochtones qui se lancent en affaires? Comment le décririez-vous?

M. Goodstriker : Après des années et des années où nous n'avons été que des membres de bandes, une chose a changé : beaucoup de nos membres sont allés à l'université. Les chiffres sont effarants par rapport à ce qu'ils étaient il y a 15 ou 20 ans. À la fin des années 70, nous n'avions qu'une cinquantaine ou une soixantaine de diplômés d'universités. Aujourd'hui, nous en avons pas loin de 30 000 dans tout le pays. Je ne connais pas les chiffres exacts mais le nombre a considérablement augmenté.

C'est le fruit du progrès.

Le développement économique et les emplois ont toujours été là. Les mères et les pères ont toujours dû gagner leur vie. Ils ont toujours dû élever leur famille. Le seul véritable obstacle que nous avons eu n'existe que depuis une trentaine d'années : ce sont les conséquences du système de bien-être social. Nous avons eu beaucoup de mal avec ça mais nous commençons à en sortir. Par l'éducation et le progrès, les chefs et les leaders communautaires savent ce que ça veut dire. Nous commençons à revivre cette vie.

J'ai été actif dans plusieurs entreprises, l'une d'entre elles concernant un projet d'agriculture et d'irrigation de la tribu Blood. Nous avons fourni 400 emplois pendant 12 ou 13 ans à des membres des Premières nations.

La famille est ce qui compte le plus pour qu'un projet réussisse. La fierté est incommensurable et les enfants sont encouragés quand ils voient leurs parents gagner un chèque de paye. C'est ça le développement économique. C'est aussi élémentaire que ça, mais une des choses que nous essayons tous de garantir, c'est d'avoir des familles en bonne santé et des jeunes en bonne santé. Voilà ce que peut donner le développement économique pour nous.

Le président : Le sénateur Segal et moi-même participions hier soir à une réunion aux Affaires étrangères. L'ambassadeur de Rome nous a dit que l'on avait dépensé trois billions d'euros pour 14 millions de gens en Europe de l'Est et qu'on n'a pas encore fait la moitié de ce qu'il faut faire. C'est une indication de ce qu'il faut investir pour permettre à un peuple d'entrer dans le courant économique. Ce chiffre m'a abasourdi. C'est une indication de tout ce que nous avons encore à faire, comme Canadiens, pour faire en sorte que vous puissiez avoir votre part de l'économie et avoir la prospérité qui devrait vous revenir.

Nous vous remercions beaucoup de votre exposé. Il se peut que nos chercheurs reprennent contact avec vous pour obtenir des précisions, que nous ne pouvons évidemment pas demander dans le cadre d'une réunion comme celle-ci. J'espère que vous accepterez de collaborer avec nous, chef Goodstriker.

M. Goodstriker : Absolument. Je vous remercie. En conclusion, je prends note de ce que vous venez de dire au sujet de la scène internationale. Internationalement, tout le monde connaît les Peaux-Rouges. Nous ne voulons pas être les moutons noirs du Canada ni que les autres pays puissent dire : « Ils sont donc bien mal traités au Canada ». Nous voulons réussir. L'industrie est en train de changer. Nous avons plus d'acteurs. Nous commençons à être actifs dans l'industrie. Nous commençons à faire des choses et nous voulons que ça continue.

Le président : Je connais tous les membres de ce comité et je peux vous assurer que c'est aussi ce qu'ils veulent au fond de leur cœur, que vous ayez la place qui vous revient dans notre société. Merci.

Nos prochains témoins sont des représentants de l'Association nationale de foresterie autochtone : Lorraine A. Rekmans, directrice générale, et Harry Bombay, directeur des initiatives stratégiques.

Bienvenue devant notre comité sénatorial. Je suppose que vous avez une déclaration à faire. Après cela, les sénateurs voudront peut-être vous interroger. Par contre, si votre déclaration est parfaite, il n'y aura peut-être aucune question. Si elle est presque parfaite, vous en aurez quand même beaucoup.

Lorraine A. Rekmans, directrice générale, Association nationale de foresterie autochtone : Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.

Au nom de l'ANFA, nous sommes heureux de représenter une ONG à but non lucratif sous contrôle autochtone. Nous avons eu des discussions la semaine dernière sur le fait que les ONG sont des organisations marginales, et encore plus quand elles sont autochtones. Nous sommes une catégorie tout à fait à part.

Nous avons des défis particuliers à relever si nous voulons que nos ONG jouent un rôle dans l'avenir de nos nations. L'un des sénateurs en a parlé tout à l'heure en disant qu'il faut des institutions pour appuyer la gouvernance, et surtout de bonnes institutions pour assurer une bonne gouvernance.

Pour commencer, je voudrais vous donner un aperçu de l'ANFA. Nous existons depuis 1991. Nous sommes un organisme à but non lucratif. Lors d'une réunion qui s'était tenue en Colombie-Britannique, les Premières nations avaient réclamé la création de ce genre d'organisation pour traiter particulièrement des questions de politique forestière, en examinant comment les droits autochtones et issus des traités pouvaient être efficacement représentés dans les politiques sur les forêts.

Dans nos discussions en vue de cette comparution, nous nous sommes demandé pourquoi les Autochtones sont sous-représentés dans le secteur de la foresterie et quels sont les obstacles à ce sujet.

Ce problème remonte loin dans le passé mais c'est seulement en 1991 que l'ANFA a été constituée officiellement.

Nos membres sont des Premières nations, des conseils de bandes et d'autres organisations autochtones. Nous avons aussi quelques sociétés forestières autochtones, des entrepreneurs, des établissements d'enseignement, des enseignants et des particuliers. Il y a plusieurs catégories de membres. Cela dit, nous sommes avant tout une organisation contrôlée par les Premières nations et notre conseil d'administration représente les différentes régions du pays.

Bon nombre des gens qui sont actifs au sein de l'ANFA considèrent que la participation des Autochtones au secteur de la forêt est fondamentale pour le développement des collectivités des Premières nations. À notre avis, une telle participation est non seulement l'occasion d'améliorer notre situation économique, c'est aussi le moyen le plus direct pour nous de préserver notre relation avec le sol.

C'est aussi le moyen pour nous d'utiliser et de protéger le savoir traditionnel de nos peuples et d'en tirer des bienfaits contribuant à la préservation des cultures et à l'harmonie sociale.

Tels sont les arguments que l'ANFA a présentés au ministre de l'Industrie, par écrit, dans le cadre de la table ronde sur le développement économique de décembre 2004. L'ANFA a participé à cette table ronde, avec d'autres parties, notamment des entreprises forestières.

Notre préoccupation est que les questions de foresterie autochtones ne soient pas envisagées uniquement sous l'angle du développement économique. En effet, elles sont à l'évidence reliées à d'autres questions telles que la santé, l'éducation et la culture.

Le développement durable des forêts est l'une de nos priorités car notre relation avec le sol est étroitement reliée à la préservation de la biodiversité et aux fonctions et services écologiques qu'offrent des forêts saines. À mesure qu'évolue la foresterie au Canada, nous comprenons que la problématique ne cesse de s'élargir. Par exemple, notre organisation s'intéresse aussi aujourd'hui à des questions telles que le changement climatique. Il y a aussi de nouvelles questions qui apparaissent, comme la discussion sur les biocarburants, les produits forestiers non ligneux, la protection du savoir écologique traditionnel, et même des questions de sécurité alimentaire et d'accès privilégié aux produits forestiers non ligneux.

Brièvement, avant que M. Bombay poursuive notre exposé, je tiens à dire que l'objectif primaire d'une organisation comme la nôtre est de travailler avec les citoyens, les autres parties prenantes, les entreprises, les gouvernements et les universitaires pour élaborer un cadre de politiques devant permettre aux collectivités autochtones de participer efficacement au secteur forestier et à tout ce qu'il englobe.

La problématique est complexe car elle intéresse divers paliers de gouvernement, elle touche des arrangements institutionnels qui favorisent fortement les acteurs industriels établis, elle va à l'encontre des idées reçues sur la manière dont les forêts devraient être gérées, et elle fait appel à la science pour trouver des solutions aux problèmes pressants.

Notre présentation d'aujourd'hui portera sur les principales questions touchant la gestion des forêts et le secteur dans son ensemble, ainsi que sur leur incidence sur les collectivités autochtones, et nous vous indiquons en conclusion le genre de mesures qui sont nécessaires pour accélérer la participation autochtone à une gestion durable des forêts.

Harry Bombay, directeur des initiatives stratégiques, Association nationale de foresterie autochtone : Mon exposé comprendra plusieurs parties et je commencerai par les questions d'ordre économique et les entreprises établies du Canada. Nous savons tous que le secteur des forêts est important au Canada puisqu'il représente 3 p. 100 de notre PIB. Il y a un million d'emplois dans ce secteur, directs et indirects. Nous savons tous que la compétitivité de l'industrie diminue à cause de l'accroissement de l'offre de produits forestiers et de la hausse des coûts de la main-d'œuvre, de l'énergie et de la protection de l'environnement. Il faut aujourd'hui ajouter à cela la hausse du dollar canadien qui cause de nouveaux problèmes, notamment dans nos échanges avec les États-Unis.

Ce sont ces divers facteurs qui expliquent pourquoi l'industrie est obligée de se transformer. Nous voyons qu'elle change profondément ses manières de faire. Nous constatons plus de sous-traitance des services à de grandes entreprises, ainsi que des fusions et acquisitions dans le secteur. En Ontario, par exemple, huit entreprises utilisent approximativement 90 p. 100 du bois, alors que 24 en utilisaient 90 p. 100 en 1991.

De nombreuses scieries ont fermé leurs portes et il continue d'y avoir beaucoup de changements. Toutefois, les principaux acteurs du secteur, c'est-à-dire les gouvernements et les entreprises, sont déterminés à préserver la compétitivité de l'industrie, et le gouvernement fédéral appuie cet objectif. Dans son dernier budget, il a prévu 400 millions de dollars pour le secteur de la forêt. Nous avons récemment obtenu un nouvel accord-cadre sur le bois d'œuvre avec les États-Unis, bien qu'il n'ait pas encore été ratifié. Ce sont des phénomènes de cette nature qui détermineront l'évolution des politiques canadiennes de la forêt à l'avenir.

L'incidence de ces changements sur les collectivités autochtones signifie que nous devons traiter plus souvent avec des entreprises du secteur privé au sujet de l'utilisation des ressources. Comme ces entreprises sont grandes, les gouvernements provinciaux leur délèguent plus de responsabilités en matière de gestion des forêts, et les Autochtones sont obligés de discuter avec elles des grandes questions concernant l'utilisation des ressources forestières.

Les Autochtones se trouvent en grande mesure cantonnés dans certains secteurs de l'industrie, comme la coupe du bois, la sylviculture et la lutte contre les incendies. Nos entreprises ne sont pas très actives dans le secteur de la transformation. Certes, des Autochtones possèdent quelques scieries dans le pays mais, généralement, ils ne sont pas présents dans les activités en aval comme le marketing, la promotion et la distribution des produits forestiers, et c'est quelque chose que nous voulons changer.

Le gouvernement appuie des projets de science et de technologie et des programmes de recherche sur la forêt, ce qui a pour effet de renforcer la domination exercée par les entreprises actuelles.

Le programme d'aide à l'industrie produit par le gouvernement n'aide pas beaucoup la communauté autochtone dans le secteur forestier. De fait, il risque d'avoir pour effet de l'exclure encore plus de certains secteurs de croissance clés.

Notre avenir est influencé par la manière dont le gouvernement appuie l'industrie et nous pensons qu'il est important qu'il tienne compte des préoccupations des Autochtones — notre utilisation traditionnelle des sols et les autres intérêts que nous avons à cet égard, notamment sur le plan économique — quand il formule des politiques et des choses telles que l'accord-cadre avec les États-Unis sur le bois d'œuvre.

Nous avons d'autres préoccupations concernant le secteur forestier, notamment sur le plan environnemental. L'effet cumulé des aménagements réalisés dans le pays — conversions agricoles, exploitation des forêts, création de routes d'accès, exploitation minière et pétrolière, hydroélectricité, et cetera — a une incidence sur les forêts et sur les Autochtones.

Mme Rekmans a parlé du changement climatique. Nous pensons que ce phénomène, avec les stratégies d'atténuation et d'adaptation, devrait être envisagé dans le contexte de la gestion des forêts et que les Autochtones devraient participer à l'élaboration de ces stratégies.

La protection des forêts est une autre question environnementale importante et très préoccupante. Les groupes écologistes du Canada clament sur tous les toits que la protection des forêts est la solution de tous les problèmes environnementaux. Certes, cela aide à résoudre les problèmes de biodiversité, d'épuration des eaux et d'entreposage du carbone, mais il y a aussi une contrepartie pour les Autochtones du point de vue des pressions que cela pourrait exercer sur les forêts naturelles par l'empiètement d'autres utilisations des sols, ce qui réduirait les possibilités d'utilisation par les Autochtones. En outre, les mesures de protection ont pour effet d'accroître les risques d'incendie et d'infestation par les insectes.

Certaines ONG appuient l'Initiative boréale canadienne en disant que la moitié des forêts boréales devrait être réservée sous forme de parcs et de zones protégées. Cela aurait cependant une incidence énorme sur les collectivités autochtones dans la mesure où leur utilisation des territoires traditionnels pourrait être réduite de moitié.

Nous tenons à souligner que la dépendance des collectivités autochtones à l'égard des ressources forestières les rend particulièrement vulnérables au changement environnemental et aux changements touchant l'utilisation des terrains forestiers. En conséquence, il convient d'appuyer vigoureusement les collectivités autochtones dans leurs efforts d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation à ces derniers, et elles devraient être des acteurs clés dans les initiatives de protection des forêts et de la biodiversité.

L'engagement des collectivités autochtones dans les stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique ou dans les initiatives de protection de la biodiversité commence avec des collectivités autochtones exécutant elles-mêmes les recherches clés, notamment en ce qui concerne leur occupation et leur utilisation traditionnelles des sols. Ceci est nécessaire pour assurer une participation autochtone efficace.

Une autre question qui nous préoccupe actuellement est celle des produits forestiers non ligneux. Nous croyons qu'un potentiel énorme s'offre aux collectivités autochtones du point de vue de l'utilisation de certaines ressources forestières non ligneuses pour mettre au point de nouveaux produits. Je ne pense pas que l'on ait fait assez de R-D dans ce domaine.

Je parle ici de choses telles que les aliments naturels, les plantes médicinales, les herbes, la végétation florale, les produits d'artisanat décoratif, les produits d'aménagement paysager, le sirop d'érable, les champignons, le riz sauvage et les baies. Les Autochtones bénéficient de certains avantages en ce qui concerne la commercialisation de ces choses mais il importe avant tout qu'ils aient accès à ces ressources afin de pouvoir les exploiter.

Un autre secteur de croissance que nous devons envisager d'un point de vue autochtone est celui-ci de la mise au point de produits biologiques forestiers. Il s'agit de produits dérivés de la biotechnologie et des ressources naturelles — au fond, de la biomasse forestière. On trouve dans la liste de nombreux produits pharmaceutiques, des biocarburants, des produits recyclés, des biopesticides et d'autres produits de cette nature.

Il y a beaucoup de controverses à ce sujet dans certains milieux, notamment quand on fait appel au génie génétique qui consiste essentiellement à transférer des gènes d'un organisme à un autre. La controverse tourne autour de questions d'ordre éthique et légal au sujet des organismes génétiquement modifiés, les OGM, qui peuvent avoir une incidence négative sur les écosystèmes naturels, la biodiversité et, en bout de ligne, les êtres humains vivant dans ces écosystèmes qui, dans l'ensemble, sont des Autochtones.

Bien qu'il y ait des possibilités dans ce domaine, il y a aussi des dangers. Les Autochtones estiment qu'il convient de faire beaucoup de recherches et d'études pour déterminer quelles sont les méthodes adéquates dans le secteur de la biotechnologie.

Pour vous donner un exemple, je prendrai le cas de l'if de l'Est, que vous connaissez peut-être. C'est une plante utilisée par les Autochtones à des fins médicinales. Aujourd'hui, elle est exploitée par de grandes entreprises du Canada pour produire un agent intervenant dans la chimiothérapie du cancer. C'est un exemple de plante autochtone que de grandes entreprises exploitent sans aucun bénéfice pour les Autochtones.

Je vais conclure. Toutes les activités dont je viens de parler existent à l'heure actuelle dans ce qu'on appelle le secteur forestier émergent. Je parle de secteur forestier émergent pour souligner l'importance décroissante de l'industrie forestière traditionnelle, par rapport aux activités de transformation à valeur ajoutée, par exemple pour la fabrication de produits biologiques forestiers. Ceci provoque des changements dans les arrangements institutionnels qui encadrent le secteur forestier, c'est-à-dire les lois, les baux, les régimes d'exploitation et d'autres choses qui subissent actuellement des changements au sein des gouvernements provinciaux. À mesure que ces changements se produisent, il importe que les préoccupations des Autochtones ne soient pas laissées de côté.

Le secteur forestier au sens large offre actuellement beaucoup de possibilités et, si certaines choses sont faites, les Autochtones pourront en tirer certains bénéfices. Comme l'a dit Mme Rekmans, la question des droits issus des traités entre en jeu ici.

Divers arrêts de la Cour suprême ont porté sur des questions de foresterie. Vous ne le savez peut-être pas mais des arrêts tels que Delgamuukw, Halfway River, Haida, Bernard et Mikisew portaient sur l'utilisation des ressources et sur le fait que les Autochtones étaient privés de leur utilisation des sols ou subissaient un empiètement de leurs droits fonciers. Ce sont des questions qui ont été portées devant la Cour suprême.

Les tribunaux ont dit que l'État fédéral a le devoir de mener des consultations, notamment avec les Premières nations. Il a le devoir de se comporter honorablement quand il traite avec les Premières nations. Dans certaines circonstances, des accommodements doivent être prévus pour tenir compte des droits et intérêts des Autochtones. Le pouvoir du gouvernement de gérer les terres et les ressources doit être concilié avec les intérêts autochtones et l'intérêt public de manière générale.

Il y a là pour le gouvernement l'indication générale de ce qu'il doit faire sur les questions de terres et de ressources.

Au point où nous en sommes, les arrangements institutionnels dans le secteur forestier n'ont pas tenu compte des droits autochtones issus des traités. Il y a des exceptions dans certains cas touchant les revendications territoriales, par exemple dans le Nord. Dans la négociation et la mise en œuvre de nouvelles relations en Colombie-Britannique, on commence à se pencher sur des choses telles que les régimes d'exploitation, les droits de coupe et le partage des revenus, pour tenir compte des intérêts forestiers des Autochtones.

En revanche, dans le reste du pays, les gouvernements sont restés silencieux. Ils sont réticents à reconnaître que les droits autochtones comportent cet élément économique et que l'on doit en tenir compte là où ils existent, c'est-à-dire, en grande mesure, dans les forêts.

Le gouvernement fédéral a un rôle intergouvernemental clé à jouer pour appuyer les négociations des Premières nations avec les gouvernements provinciaux touchant l'utilisation des terres et des ressources.

J'aimerais proposer trois point de départ à ce sujet. Le premier est la recherche sur les forêts. Les nouveaux arrangements institutionnels touchant le secteur forestier devront être bien pensés. Ils devront être fondés sur la science, le savoir traditionnel et l'expérience acquise dans le secteur forestier. À l'heure actuelle, les gouvernements du Canada consacrent plus de 300 millions de dollars par an à la recherche sur les forêts mais moins de 0,2 p. 100 de cette somme est consacré aux préoccupations des Autochtones en la matière. Il nous faut une capacité de recherche pour pouvoir jouer un rôle clé dans l'élaboration des nouveaux arrangements institutionnels.

Le seul programme fédéral appuyant la participation des Premières nations dans le secteur forestier est le Programme de foresterie des Premières nations, qui est un programme commun du ministère des Affaires indiennes et du Service canadien des forêts, lequel fait partie de Ressources naturelles Canada. C'est un programme de cinq ans avec un budget de moins de 5 millions de dollars par an pour tout le pays et il arrivera à expiration le 31 mars 2008. C'est un programme qui a permis de réaliser des projets couronnés de succès mais, globalement, il n'a rien apporté du point de vue des préoccupations clés des Premières nations.

Il ne porte pas sur la recherche en foresterie, il ne porte pas sur le développement des capacités des collectivités autochtones pour qu'elles puissent tirer parti des possibilités offertes par la forêt et il ne porte pas sur la gestion durable des forêts des réserves indiennes. Les forêts des réserves indiennes relèvent à l'évidence des responsabilités du gouvernement fédéral mais le ministère des Affaires indiennes ne fait à rien à ce sujet en ce moment.

Ces trois domaines constituent certains des points de départ clés que nous pourrions soulever collectivement auprès du gouvernement actuel.

Le message fondamental que je veux communiquer est que l'appui institutionnel à la foresterie autochtone, sur le plan de l'élaboration des politiques, des structures et de la recherche, est absolument inadéquat. Nous espérons que votre comité nous aidera à transmettre ce message.

En conclusion, je tiens à mentionner quelques études où vous trouverez des échos de certaines des choses que nous vous avons dites. La première est Avenir boréal : La gouvernance, la conservation et le développement dans la région boréale du Canada. C'est un rapport de 2005 de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, et l'on y trouve sept recommandations sur la gestion des forêts dont deux portent sur les questions autochtones. L'une concerne le développement des capacités et l'autre, l'appui au développement institutionnel.

La deuxième que nous vous invitons à consulter est intitulée Une forêt durable : l'engagement canadien. Elle a été publiée dans le cadre de la Stratégie nationale sur les forêts 2003-2208. Vous y trouverez sous le troisième thème intitulé « Droits et participation des peuples autochtones » plusieurs recommandations clés et propositions de mesures concrètes touchant par exemple les droits, le développement des capacités et le développement institutionnel.

Le document de la Stratégie nationale sur les forêts a été préparé par les parties prenantes, pas nécessairement par les seuls gouvernements. Nous constatons cependant un manque d'engagement gouvernemental envers la mise en œuvre de cette stratégie et nous vous demandons de vous pencher sur ce document et, peut-être, d'identifier les secteurs clés dans lequel vous pensez que le gouvernement ne prend pas d'engagement. Nous pouvons vous y aider.

L'ANFA a produit plusieurs autres études au cours des années, portant sur les diverses questions que nous avons soulevées ce soir. Nous pourrons les mettre à votre disposition si vous le souhaitez.

Le président : Je vous remercie de votre exposé.

Il se trouve que je viens de la Colombie-Britannique, M. Bombay, et que je suis familier avec ce qui se passe là-bas. Je peux dire à mes collègues sénateurs que l'on y fait des progrès considérables. Le gouvernement actuel de la province collabore avec le gouvernement fédéral pour essayer de garantir que les Autochtones pourront tirer parti des ressources de l'industrie forestière.

Je pense que les 400 millions de dollars du budget dont vous avez parlé, ou la majeure partie, sont réservés à la lutte contre l'infestation de dendroctone du pin.

Le sénateur Sibbeston : La participation des Autochtones à l'industrie forestière est-elle tributaire en partie de l'intérêt des Premières nations à l'égard des terres traditionnelles, intérêt qu'elle pourrait invoquer auprès du gouvernement et de l'industrie pour obtenir cette participation? Si tel est le cas, la situation évolue-t-elle de manière telle que les Autochtones auront plus de possibilités à l'avenir de participer à l'industrie forestière?

Mme Rekmans : Nous avons dit dans notre exposé que la plupart des instruments permettant aux Premières nations de participer à l'exploitation des forêts ne tiennent pas nécessairement compte des droits et intérêts des Autochtones à l'égard des terres. Quelqu'un parlait tout à l'heure de capital. J'ai travaillé avec des collectivités qui s'efforcent d'affirmer leurs droits à l'égard de leurs territoires traditionnels et de s'en servir comme d'un capital pour travailler en partenariat avec le secteur privé, généralement sans succès. Nous constatons que les outils existants ne permettent pas nécessairement une participation autochtone de cette manière. Et j'ajoute que nous cherchons essentiellement à établir des relations économiques, pas des relations équitables.

Quand nous examinons le problème du dendroctone du pin en Colombie-Britannique, nous voyons que l'on prend des mesures à court terme et non durables pour y réagir.

Certaines recherches ont été consacrées aux relations. Dans une étude, Peggy Smith et Monique Ross examinent comment ces relations industrielles peuvent parfois susciter de profondes divisions dans les collectivités. Il y a parfois des conflits au palier communautaire lorsque les gens estiment que leur intérêt à l'égard des terres traditionnelles est un intérêt collectif et communal, ce qui va à l'encontre des notions de privatisation et d'entreprise privée. Ces choses-là ne concordent pas avec l'entreprise privée.

Quand nous parlons de recherche, nous pensons qu'il est crucial de se pencher sur ces questions en grand détail. Qu'est-ce qui est culturellement adéquat quand on parle de développement économique? Quels types d'instruments sont nécessaires pour permettre des relations saines et équitables?

Il nous est difficile d'obtenir des informations sur la participation autochtone. Nous avons soumis à l'attention des sénateurs un rapport dans lequel nous avons tenté d'évaluer le degré de participation des peuples autochtones au secteur forestier. Comment mesurer ça? Comment obtenir les données? S'engager à combler le fossé suppose qu'on accepte la responsabilité de faire le point sur notre situation afin de voir dans quelle mesure nous progressons.

M. Bombay : Je pense que l'intérêt évolue. Différentes communautés abordent la foresterie de manière différente, selon l'endroit où elles se trouvent et la nature de leurs relations avec l'industrie. Les régions du Sud sont beaucoup plus actives avec l'industrie, alors que celles du Nord sont plus axées sur l'utilisation traditionnelle. Ce qui est important, c'est que les peuples des Premières nations ont besoin d'un certain contrôle sur leurs territoires traditionnels afin que les aspects traditionnels et les aspects contemporains puissent être équilibrés et afin qu'ils puissent tirer des bienfaits économiques et sociaux de l'utilisation de ces terres.

Le sénateur Sibbeston : Je crois que la région de la Colombie-Britannique à laquelle vous pensiez, sénateur St. Germain, est la Great Bear Rainforest qui est devenue une zone réservée avec la coopération des Premières nations, des écologistes et des sociétés forestières. Ça s'est fait juste l'hiver dernier. C'est une grande région en plein milieu de la province qui a été mise de côté avec la coopération de toutes les parties mentionnées, ce qui est un bon signe.

Je pense que la Colombie-Britannique fait des progrès dans ce domaine. Voyez-vous des signes dans d'autres provinces que les Autochtones pourraient à l'avenir être beaucoup plus actifs dans l'industrie forestière?

M. Bombay : Comme vous le savez, on agit dans le cadre d'ententes de gouvernement à gouvernement, comme l'ont fait les Cris de la baie James. Il y a d'autres ententes de même nature au Québec. Dans d'autres provinces, on adopte plus une approche industrielle, comme en Saskatchewan où les Premières nations détiennent des ententes de gestion des forêts. En tout cas, il y en a eu une, et la promesse d'une autre.

Pour le moment, la Colombie-Britannique est la seule province reconnaissant les droits des Premières nations, ce qui est la question clé. C'est tout à fait différent. Ça se reflète dans leur processus des traités, leurs ententes sur les mesures intérimaires et, maintenant, dans les ententes sur les forêts énoncées dans ce nouveau document auquel le président faisait allusion, qui guidait les relations entre les Premières nations et le gouvernement provincial pour ce qui est de la foresterie.

Le sénateur Segal : Je vous remercie beaucoup de votre exposé, à la fois de la partie générale et de la partie détaillée. J'ai trois questions à vous poser.

À la lecture de la documentation et du rapport de votre organisation au sujet des droits fonciers des Autochtones sur les forêts, je conclus que l'intérêt fondamental de votre organisation est d'assurer la participation des Autochtones à l'industrie et à la propriété, et pas nécessairement d'augmenter le nombre de Canadiens autochtones employés dans l'industrie. J'aimerais savoir si vous avez une idée générale du nombre de Canadiens autochtones dont l'emploi ou le revenu régulier dépend dans une certaine mesure de l'industrie.

Le comité de l'agriculture s'est beaucoup intéressé à la foresterie dans le contexte des biocarburants et des déchets forestiers. Nous sommes sur le point d'être confrontés à un problème institutionnel qui est que l'industrie de l'automobile veut produire des véhicules fonctionnant avec ces carburants — et il y a toutes sortes d'excellentes raisons pour ça — alors que les compagnies pétrolières ne sont pas particulièrement enthousiastes. Il semble y avoir là un échec du marché et, en même temps, une possibilité qui s'offre aux coopératives, aux groupes autochtones et à d'autres entités. Aux États-Unis, il existe beaucoup de stations distribuant de l'essence à l'éthanol qui ont essentiellement été construites par les producteurs céréaliers et d'autres entités qui tiennent à assurer la survie de ce nouveau carburant. Votre organisation a-t-elle réfléchi à la question de l'utilisation des déchets des forêts?

Si notre comité pouvait obtenir que le gouvernement fasse une chose qu'il ne fait pas actuellement ou, au contraire, qu'il cesse de faire une chose qu'il fait, afin d'avoir l'impact le plus fort possible sur les intérêts que vous représentez avec tant de talent ce soir, quelle serait cette chose? S'il vous plaît, ne me parlez pas d'une étude, d'une commission d'enquête ou d'une recherche.

Ne tombez pas dans la mentalité bureaucratique d'Ottawa qui nous tuera tous. Quelle serait donc cette chose?

Mme Rekmans : Je vais répondre à la première question, M. Bombay répondra à celle des biocarburants et, si possible, nous répondrons tous les deux à la troisième.

Je voudrais dire quelques mots de la manière dont nous mesurons le succès. Le rapport sur le mode d'occupation des sols nous a causé de gros problèmes parce que nous voulions produire un rapport s'appliquant à toutes les juridictions. Nous avons donc dû trouver des critères pour essayer de mesurer le niveau de participation à la prise de décision. Au fond, c'est essentiellement de cette manière que nous envisageons une relation saine. Nous avons donc défini des catégories pour ce faire. Nous avons classé les gens dans certaines catégories.

Tout ceci revient à la définition des indicateurs de succès, ce qui est crucial. Nous avons des difficultés avec un élément — les critères et indicateurs du Canada en matière de gestion forestière durable, dans un document produit par le Conseil canadien des ministres des Forêts. Dans ce document, le Canada propose une définition d'une « gestion forestière durable » et tente de montrer à quoi ça pourrait ressembler. On y trouve un critère portant sur les questions autochtones et les droits issus des traités. Quand nous avons voulu influencer les indicateurs, parce que nous estimons que c'est un élément tout à fait crucial, nous avons eu peu de succès. Pourtant, les indicateurs sont cruciaux et la participation autochtone à l'élaboration d'indicateurs adéquats est essentielle.

M. Bombay : Votre question porte en partie sur l'emploi. Selon nos estimations, 15 000 Autochtones occupent un emploi dans le secteur forestier. Bien que nous n'ayons pas les indicateurs ou l'information dont parle Mme Rekmans, nous pensons que le secteur forestier est le plus gros employeur d'Autochtones au Canada après les gouvernements autochtones et la fonction publique autochtone. Toutefois, je le répète, nous n'avons pas de données fiables à ce sujet. J'ai dit plus tôt que nous nous situons essentiellement dans les activités exigeant une main-d'œuvre peu qualifiée, comme la plantation d'arbres et la lutte contre les incendies, plutôt que dans les activités lucratives comme la transformation, le marketing ou la distribution, qui existent aussi dans le secteur forestier.

Dans le document, nous faisons une distinction entre les droits d'exploitation des Autochtones et les régimes d'exploitation des forêts autochtones. Les droits d'exploitation sont des droits de coupe industrielle octroyés par les gouvernements provinciaux. Ce qu'il faut dans ce pays, à notre avis, c'est autoriser un régime d'exploitation des forêts des Premières nations dont l'objectif primordial serait la gestion des forêts, et c'est différent. Il n'y a que trois ou quatre régimes d'exploitation des forêts autochtones au pays, alors que nous détenons environ 120 permis de coupe.

En ce qui concerne les biocarburants et l'utilisation des produits biologiques, l'industrie forestière utilise beaucoup de ses déchets pour la production d'énergie dans les scieries qu'elle exploite encore. On fait également un beaucoup plus grand usage des biopesticides pour contrôler certains insectes. À cet égard, l'industrie se nourrit elle-même. Pour ce qui est de l'utilisation généralisée des biocarburants dans le secteur automobile, je ne pense pas qu'il y ait actuellement des incitatifs gouvernementaux adéquats pour aller dans cette voie.

En ce qui concerne les Autochtones de l'industrie forestière, si j'avais un vœu à faire, ce serait que le gouvernement fédéral oblige d'une manière ou d'une autre les provinces à mettre en œuvre un processus d'accès aux ressources pour les Premières nations. Autrement dit, qu'il crée ce genre de régimes d'exploitation des forêts autochtones et l'accorde largement aux Premières nations pour qu'elles puissent développer leurs propres économies. Ça ne se fera jamais sur les terres des réserves parce que la plupart d'entre elles ne sont pas plus grandes qu'une grande ferme. Comment 700 personnes pourraient-elles gagner leur vie sur la superficie qu'exploite un seul agriculteur non autochtone?

Mme Rekmans : Nous avons eu le temps d'imaginer le monde parfait de nos rêves quand nous préparions la Stratégie nationale sur les forêts, et vous y trouverez une liste très complète sous le troisième thème. J'ai passé beaucoup de temps à réfléchir à la question du développement des capacités parce qu'elle touche toutes les autres, comme l'obligation de consulter et l'honneur de la Couronne, qui est en jeu. Nous revenons continuellement à la question de savoir qui l'État consulte. Il faut que nous ayons de l'autre côté de la table des parties capables de régler les problèmes. Je veux parler des forestiers, des biologistes et des écologistes, afin de prendre des décisions au nom des collectivités. En réponse, je dirais que nous souhaitons un engagement envers le soutien institutionnel et le développement des capacités pour le secteur forestier de la collectivité autochtone.

Le sénateur Peterson : J'ai le sentiment que vous envisagez la forêt d'une manière complètement différente qu'une entreprise comme CANFOR. Vous dites que 0,2 p. 100 du budget de recherche sera consacré à la recherche forestière autochtone. Souhaitez-vous des lignes directrices ou des structures séparées pour faciliter ça?

M. Bombay : Oui, c'est ce que nous souhaitons. Les valeurs forestières autochtones et l'importance que les Autochtones attachent aux utilisations traditionnelles, avec leurs pratiques sociales et culturelles, signifient qu'ils géreront la forêt à des fins différentes. Ce sera peut-être pour des médicaments ou pour les plantes des forêts. Les objectifs de gestion ne consisteront pas simplement à enlever tant de mètres cubes de bois par hectare comme le font les compagnies forestières. Les priorités seront différentes, mais ça ne signifie pas nécessairement qu'il y aurait jamais de coupe de bois. Bon nombre de communautés en dépendent et elles seraient tout à fait prêtes, si elles avaient accès aux ressources, à négocier des ententes d'approvisionnement avec les société non autochtones, à condition que le régime d'exploitation qu'elles auront obtenu leur permette aussi d'atteindre leurs objectifs sociaux et culturels.

Le sénateur Peterson : Votre organisation est-elle totalement indépendante? Quelles relations avez-vous avec les Premières nations de chaque province?

Mme Rekmans : Voici quelques précisions. L'ANFA a été créée en 1991 avec l'appui d'une résolution de l'Assemblée des Premières nations. Nous négocions actuellement un protocole d'entente avec l'APN. Nous sommes une association non gouvernementale, à but non lucratif et apolitique. Nous avons 380 Premières nations membres de tout le pays et ce sont elles qui élisent notre conseil d'administration. Nous sommes une ONG indépendante.

M. Bombay : Nous collaborons depuis 12 à 15 ans avec l'APN sur divers dossiers et nous avons produit des rapports ensemble. J'ai accompagné plusieurs des chefs nationaux appelés à prononcer des conférences, par exemple. Sur les questions de foresterie, nous avons souvent collaboré.

De temps en temps, nous nous tournons vers l'APN pour obtenir un appui politique, selon le dossier en jeu. Au cours des années, nous l'avons souvent fait sur toutes sortes de questions.

Nous avons une excellente relation de travail. Le protocole d'entente dont parle Mme Rekmans est destiné à formaliser cette relation.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins. Ayant été ministre fédéral des Forêts, je connais bien les défis dont vous parlez. Comme vous l'avez dit, l'arrêt Delgamuukw et beaucoup d'autres ont clarifié beaucoup de questions concernant les peuples autochtones.

Dans bien des cas, la situation est complexe parce que les ressources sont contrôlées par les provinces. M. Bombay et Mme Rekmans ont dit que nous devrions forcer nos collègues provinciaux à collaborer avec nous. Je suis né au Manitoba mais j'ai passé la majeure partie de ma vie en Colombie-Britannique où j'ai été élu député, et c'est la région que je représente maintenant. Nous faisons beaucoup de progrès en ce qui concerne les questions autochtones. Je sais que l'on en fait beaucoup dans le Nord, la région du sénateur Sibbeston. Nous avons travaillé sur le projet de loi des Tlicho et avec d'autres nations autochtones, comme les Gwich'in et les Sahtu.

L'avenir est prometteur. Je tiens à vous remercier d'être venus nous parler. Comme je l'ai dit à l'APN, nous reprendrons peut-être contact avec vous pour obtenir d'autres informations car on ne peut pas tout aborder pendant une séance comme celle-ci. J'espère que nos chercheurs pourront s'adresser à votre organisation ou à vous deux si nous avons besoin d'autres informations pour agir dans le meilleur intérêt de nos peuples autochtones.

Mme Rekmans : Merci, monsieur le président. Nous leur répondrons avec plaisir.

Le président : Les sénateurs sont-ils satisfaits?

Nous avons maintenant quelques détails à régler. Il y a un projet de mise à jour de notre étude sur le développement économique qui doit être publiée sur notre site Web. Vous en avez reçu des exemplaires. C'est conforme à notre mandat et j'aimerais que quelqu'un propose une motion à ce sujet. Qui veut proposer la motion?

C'est proposé par le sénateur Peterson, avec l'appui du sénateur Sibbeston. Tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Lors de la prochaine réunion, nous traiterons de questions budgétaires. Je vous remercie de votre patience.

La séance est levée.


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