Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 4 - Témoignages du 26 septembre 2006 - Séance de l'après-midi
SASKATOON, le mardi 26 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 13 h 32, pour étudier, afin d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a reçu le mandat d'étudier, en vue d'en faire rapport, la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada. Nous avons entendu des témoins de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, des Territoires du Nord-Ouest et d'autres régions du pays. Aujourd'hui, nous avons l'honneur de tenir notre séance en Saskatchewan.
Nous recevons aujourd'hui Lester D. Lafond, président de Lafond Insurance and Financial Services Ltd.; Lucy Pelletier, présidente de la Saskatchewan Indian Equity Foundation Inc.; Crystal McLeod, présidente du conseil chez SIEF Investments Inc.; et enfin, Greg Fofonoff, PDG à la Sasknative Economic Development Corporation.
Lester D. Lafond, président, Lafond Insurance and Financial Services Ltd. : J'aimerais remercier le comité de me donner l'occasion de parler de questions concernant le développement économique, en ma qualité de membre d'une Première nation. Je suis fier d'appartenir à la nation crie de Muskeg Lake. J'ai la chance d'avoir deux fils âgés de 21 et 19 ans qui habitent ici, à Saskatoon.
Les initiatives de développement économique ont été très importantes pour l'amélioration de la situation de certaines personnes et communautés des Premières nations au cours des 20 dernières années, spécialement en Saskatchewan. L'importance accordée à la réussite en affaires et à la gouvernance des Premières nations a créé une synergie qui a suscité un désir de réussite chez les individus et au sein des communautés. Au cours de la dernière décennie, cela s'est avéré particulièrement exact pour ce qui est du développement économique des Premières nations.
En plus des exemples de réussite qu'on pourrait citer en matière de développement économique en Saskatchewan, l'une des plus grandes réalisations a été l'embauche de membres des Premières nations. Nous pourrions nommer des sociétés comme SIGA, Creeway Gas et MLTC. Le succès de l'embauche et de la rétention de ces membres des Premières nations témoigne d'une profonde compréhension des ajustements nécessaires à l'environnement de travail. Les entreprises des Premières nations ont une forte propension à embaucher des Autochtones. Nous sommes malheureusement victimes de stéréotypes ainsi que de la méfiance des gens, ou tout simplement de racisme de la part d'employeurs non autochtones. Je ne veux pas généraliser, mais le phénomène est assez répandu pour avoir un impact sur l'embauche des personnes issues des Premières nations. Beaucoup de programmes et d'organisations visent à régler ces problèmes, et je me réjouis des efforts déployés dans ce sens.
On m'a demandé de parler des problèmes et des difficultés d'après mon expérience personnelle. Premièrement, je dirais que, plus tôt dans ma vie, emprunter à la banque n'était pas facile. À mesure que j'ai développé mon entreprise, la situation s'est améliorée, même lorsque j'ai dû changer de carrière après un accident. Je suis en affaires depuis près de 30 ans. Jusqu'à il y a environ sept ou huit ans, l'écueil le plus important était que mes clients des Premières nations ne me croyaient pas aussi compétent qu'un consultant non autochtone. Pour que cette perception cesse, j'ai dû accumuler des réussites en représentant mes clients, en préparant leurs plans d'affaires et en négociant des ententes pour mettre en œuvre ces derniers. Ces difficultés étaient attribuables au fait qu'on voyait peu de gens des Premières nations traiter avec les banques et les compagnies d'assurances, exploiter leur entreprise, acquérir des biens immobiliers à l'extérieur de la réserve et négocier des ententes pour développer et appliquer des plans d'affaires. C'est le fait d'avoir pu surmonter nombre de ces obstacles qui est à l'origine du succès de mon entreprise.
Je vais maintenant vous donner mon avis quant à la façon dont une personne membre des Premières nations peut contourner les embûches et réussir en affaires. Peu importe le milieu des affaires où une personne évolue, elle doit connaître sa clientèle et son secteur d'activité. Elle doit comprendre le marché, les pratiques commerciales courantes ainsi que celles en vigueur dans les contextes respectifs des clients qui se trouvent à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves. Il faut posséder une solide expérience en matière de pratiques de gestion. Il est important d'avoir des connaissances générales de base, et une formation postsecondaire est utile.
Je souligne également qu'il est important de se joindre à des associations d'entreprises, peu importe le secteur concerné. C'est essentiel à la communication entre les personnes et les groupes, ainsi que sur le plan des connaissances que vous pourrez en tirer pour votre entreprise. Le bénévolat est également utile. On ne doit jamais craindre de demander des conseils à des professionnels.
On m'a demandé d'expliquer ce qui avait contribué à ma réussite. Peut-être suis-je une anomalie. J'ai la chance d'appartenir aux clans Lafond-Venne, qui font partie de la Nation crie de Muskeg Lake. Pendant de nombreuses générations, les membres de ces clans ont été à la fois des entrepreneurs et des leaders dans notre communauté. J'ai eu des parents qui m'appuyaient sans réserves, et mon père connaissait beaucoup de succès dans ses activités agricoles, notamment avec la constitution d'un cheptel de vaches Aberdeen Angus de qualité supérieure ces 50 dernières années. Cela m'a mis en contact avec de nombreux producteurs non autochtones. J'ai été membre du 4H Beef Club pendant 12 ans, j'ai reçu une formation en production bovine, et j'ai rencontré de nombreux membres du 4H Beef Club de partout en Saskatchewan. Bien sûr, on m'a encouragé à faire des études supérieures.
Le fait de recevoir l'appui de ma communauté de Muskeg Lake dans mon travail a été essentiel à ma réussite. Depuis 1983, le chef et les conseils de bande m'ont permis de les seconder et de les conseiller en matière de développement économique et de droits fonciers issus de traités.
Nous ne devons jamais sous-estimer la contribution d'une famille au succès d'une entreprise. J'ai la chance d'avoir deux fils qui m'aident à conserver cette volonté de réussir. On doit mettre de côté son humilité et mettre de l'avant les qualités nécessaires au succès, comme la confiance en soi ainsi que la capacité et le désir de prendre des décisions. On doit être capable de prendre des risques. J'ai grandi comme fermier; ces habiletés me sont donc venues naturellement. On m'a dit que je faisais preuve de persévérance et de ténacité. Mon expérience à la ferme m'a donné une grande aptitude au travail, surtout si on tient compte du fait j'ai commencé à conduire un tracteur dès l'âge de 10 ans. Ainsi, très jeune, j'ai intégré une certaine éthique de travail. J'ai appris la maîtrise de soi et la tolérance. Lorsque nous rencontrons des difficultés, je suis d'un optimiste sans borne face à ce merveilleux pays qui est le nôtre. J'ai toujours recherché les conseils de personnes expérimentées et avisées concernant mes domaines d'activité.
Au cours de ma vie, j'ai su profiter de qualités dont j'ai hérité ou que j'ai développées, comme le sens du leadership et le dynamisme. En témoignent les prix et la reconnaissance que j'ai reçus de différentes organisations de ma communauté. J'ai eu l'occasion de voyager au Canada et aux États-Unis pour étudier les initiatives de développement d'entreprises, tant tribales qu'individuelles. J'ai payé de ma poche un grand nombre de ces voyages parce que je souhaitais en tirer un enseignement.
Les recommandations que je souhaiterais faire sont celles-ci : appuyer le règlement des revendications territoriales, notamment la création de réserves supplémentaires en milieu urbain; ne pas aider des secteurs précis, puisque tous les secteurs sont importants; rendre accessibles les programmes d'équité en matière d'emploi, tant pour les entreprises des Premières nations que pour les Autochtones, étant donné que c'est essentiel à la réussite des uns et des autres; ne pas avoir de programmes d'équité en matière d'emploi qui imposent des limites quant au nombre de postes offerts. La nécessité de créer autant d'emplois pour tant d'argent nous limite, ici, dans l'ouest du Canada, surtout dans le secteur des ressources naturelles. L'agriculture, la foresterie et les mines, par exemple, sont des secteurs à forte capitalisation.
En matière de développement économique, il est essentiel de pouvoir compter sur le soutien continu et l'expansion d'institutions des Premières nations, comme la Saskatchewan Indian Equity Foundation, la First Nations Bank, le Saskatchewan Indian Institute of Technology, la First Nations University of Canada et le First Nations Ag Council of Saskatchewan.
Finalement, nous recommandons au fédéral de créer et d'appliquer des ententes fiscales plus souples avec les gouvernements des Premières nations, notamment en ce qui a trait aux taxes foncières et scolaires, qui pourraient constituer un revenu pour les Premières nations. Il n'y a pas de règles du jeu équitables au Canada en raison de toutes les taxes imposées par les différents paliers de gouvernement.
Lucy Pelletier, présidente, Saskatchewan Indian Equity Foundation Board : Bonjour, chers sénateurs, invités et membres du public. Au nom de la Saskatchewan Indian Equity Foundation Inc., je suis heureuse d'avoir, cet après- midi, l'occasion de vous parler des peuples autochtones.
Je suis membre Crie/Saulteaux de la bande de Cowessess. Depuis trois ans, j'occupe le poste de présidente à la SIEF. J'ai une longue expérience en développement communautaire, compte tenu de mes 25 années passées sur le terrain. Mon objectif aujourd'hui est de vous fournir une brève description de la SIEF ainsi que du rôle qu'elle joue en Saskatchewan dans les stratégies de développement économique régional. Nous voulons également vous donner notre point de vue sur les conditions et les obstacles concernant le développement économique des Autochtones. Je vous parlerai principalement des aspects de notre compagnie qui se rapportent au crédit, et ma collègue Crystal McLeod mettra l'accent sur nos activités d'investissement.
Fondée en 1986, la SIEF est l'une des 59 institutions financières autochtones du Canada qui accordent des prêts et offrent des services aux entreprises, ainsi que des possibilités d'investissement aux personnes et aux communautés des Premières nations de la Saskatchewan. Nous sommes une institution de crédit autochtone à but non lucratif de classe B qui gère un portefeuille de prêts d'environ cinq millions de dollars, de même qu'un portefeuille d'investissements d'environ huit millions de dollars. Notre établissement est affilié à la FSIN, et appartient aux membres de celle-ci, qui sont les 75 Premières nations de la Saskatchewan.
Au cours des cinq dernières années, avec l'encouragement et l'appui et la FSIN, la SIEF a reçu de ses membres le mandat d'étudier et de renforcer sa viabilité économique. C'est ainsi que s'est accomplie, en 2003, la fusion entre la Saskatchewan Indian Loan Company, ou SILCO, une institution financière autochtone, et Inpro West Investments. En 2006, la société a affiché une nouvelle image, une gouvernance innovatrice et une plus grande efficacité opérationnelle. La fusion a facilité cet esprit de renouveau; nos opérations ont été rationnalisées, ce qui nous a permis de prendre une part plus active dans l'élaboration de stratégies visant à favoriser la croissance économique. Notre expansion et notre faible coefficient de pertes sur prêts des trois dernières années témoignent de ces accomplissements.
Le tableau qui figure dans mon mémoire fait état de la distribution des prêts par secteur de l'industrie. Il montre qu'il existe des possibilités de pénétration accrue de la SIEF et des Premières nations dans des secteurs en croissance de l'économie. La construction et les technologies sont des domaines que nous ciblons, étant donné qu'ils représentent seulement 1 ou 2 p. 100 de nos investissements totaux et que nous croyons pouvoir effectuer une percée plus grande dans ces secteurs.
Un de nos problèmes, en ce qui a trait aux stratégies régionales, c'est que nous sommes la seule institution financière autochtone qui représente et sert exclusivement les Premières nations et qu'il nous manque un cadre de développement économique ainsi que des stratégies régionales globales. Cette situation est attribuable à des ressources humaines et un financement inadéquats, de même qu'à un déséquilibre des actifs communautaires. On privilégie les solutions rapides et à court terme plutôt que le développement durable. Des rassemblements régionaux stratégiques permettraient peut-être d'en apprendre davantage et de participer à l'élaboration d'un cadre global de développement économique. Nous recommandons que le gouvernement fédéral se penche sur les initiatives de développement durable de l'INAC en consultant les régions pour pouvoir commencer à construire un cadre complet. Nous croyons qu'il est important d'investir dans la recherche, la consultation et le développement car c'est essentiel pour pouvoir ensuite appuyer un programme ou des changements de politiques.
En outre, dans notre région, il est difficile de créer des stratégies lorsque seulement 30 à 40 p. 100 des Premières nations peuvent y participer et que 70 p. 100 des communautés autochtones font l'objet de mesures correctives et ont peu de volonté de changement. Il est nécessaire de fournir des ressources aux chefs et aux conseils pour la formation. Nous recommandons l'établissement d'un comité directeur qui examinera et évaluera l'efficacité de la gestion par une tierce partie. Nous croyons que c'est indispensable pour encourager et appuyer le développement des capacités au sein des communautés.
En vertu des droits fonciers issus des traités, les communautés des Premières nations seront les plus grands propriétaires terriens de la région. C'est tout un défi, étant donné que les fiduciaires ont été établis en fonction du cadre des DFIT; du coup, les chefs et conseils de bande de certaines Premières nations ont des lacunes dans les domaines de la gouvernance et des connaissances institutionnelles. Ce problème pourrait probablement être résolu en enseignant aux chefs et aux conseils la gouvernance d'entreprise, et pas seulement les principes comptables. Nous recommandons que le gouvernement fédéral offre, de façon continue, soutien et formation aux bandes. Nous appuyons également la création de régimes de gestion des biens immobiliers et des propriétés s'appliquant au bien le plus précieux d'une Première nation : ses terres. Celles-ci pourraient également être utilisées en garantie pour des prêts, ce qui n'est pas possible actuellement.
En tant qu'institution financière autochtone, à la différence du CCDF, le capital et les subventions d'exploitation nous font défaut. Cela s'explique par un manque de collaboration entre les ministères qui offrent des services aux institutions financières autochtones à l'intention des Premières nations et des Métis. Pour remédier à la situation, il sera nécessaire de procéder à un examen, d'apporter des changements qui reflèteront un arrangement plus équitable et d'appuyer les activités courantes de façon cohérente. Nous croyons que pour en arriver à une solution équitable, il est important de continuer à travailler en collaboration avec l'Association nationale des sociétés autochtones de financement.
Les personnes et les communautés autochtones de la région manquent de capitaux propres pour créer des entreprises et faire des investissements. C'est malheureux qu'on ait aboli le Programme des possibilités régionales de l'AINC sans le remplacer. Il faut un programme élaboré avec des critères qui permettront d'améliorer et de façonner le développement économique, et nous recommandons que le gouvernement fédéral rétablisse un programme de financement qui repose sur des méthodes propres aux entreprises ainsi que sur des modèles de réussite.
Les personnes et les communautés devraient prendre le temps d'apprendre et de comprendre les rouages du monde des affaires, de même qu'améliorer leurs capacités et être patients lorsqu'ils investissent. Ils devraient prendre le temps de créer des relations durables avec les gouvernements et les intervenants clés.
Le bureau des services aux entreprises pour les institutions financières autochtones a été éliminé vers 1998, puis rétabli en 2005. Cela a causé un manque de continuité et une incapacité à attirer des ressources humaines qualifiées. Le bureau de services aux entreprises devrait être financé non pas en tant qu'initiative spéciale, mais comme partie intégrante des opérations de base permanentes des institutions financières autochtones; cet aspect est essentiel au développement commercial. Nous conseillons aux autres institutions financières autochtones de rechercher les avantages de fournir des services de soutien à leurs communautés respectives.
En matière de gouvernance et de développement organisationnel, nous faisons face à diverses difficultés, dont les environnements politiques instables au sein des communautés en raison d'une mauvaise situation financière. Cela est dû à un manque de connaissances générales sur les entreprises et le monde des affaires et à une insuffisance de ressources pour la formation et le développement de compétences dans les domaines de la gestion des ressources humaines et financières. L'évolution de l'autonomie gouvernementale doit être recentrée afin d'inclure des ressources pour appuyer le développement économique de base au moyen d'un examen du Programme de formation des gestionnaires indiens et en créant des capacités sur les plans politique et organisationnel.
Environ 70 p. 100 des Premières nations de la Saskatchewan font l'objet d'une forme quelconque de mesures correctives par des tiers chargés de la gestion qui n'ont aucune obligation de créer des capacités, et qui n'ont par conséquent aucune envie de changer la situation. Le Programme de formation des gestionnaires indiens est disponible seulement pour les bandes qui ont conclu une entente de transfert souple, à la différence de l'Entente globale de financement, dont on a davantage besoin. Le MAINC et les Premières nations devraient procéder à un examen conjoint du cadre de responsabilisation, particulièrement en ce qui a trait à la gestion par des tiers. On devrait prendre des mesures pour s'assurer que tous les nouveaux chefs et conseils disposent des ressources nécessaires pour recevoir une formation en gestion financière en vertu du cadre de responsabilisation. Les ententes avec des gestionnaires tiers devraient prévoir des mécanismes de développement des capacités.
Le dernier problème est une pénurie de ressources humaines causée par un manque de possibilités d'accroître le nombre de gens de métier compétents. Il n'y a pas suffisamment d'espaces de formation et de financement pour créer des bassins de main-d'œuvre qualifiée. Lorsque de tels espaces sont disponibles, bien des gens sont dissuadés de suivre une formation parce que les allocations sont très faibles et que cela entraînerait une baisse significative de leur revenu. Nous recommandons que chaque compagnon d'apprentissage ait au moins trois apprentis subventionnés par le gouvernement. Il devrait y avoir une collaboration plus complète entre les organismes externes pour développer des stratégies visant à maximiser le développement de la main-d'œuvre.
Notre organisation réussit bien parce que nous entretenons des liens avec les communautés des Premières nations, qui nous ont donné un mandat, et que nous sommes membres de l'Association nationale des sociétés autochtones de financement. Par l'entremise de cette association, toutes les institutions financières autochtones ont accès à un soutien, à de la formation et à d'autres programmes spécialement conçus pour les institutions de crédit autochtones.
Nous avons continué de créer et d'entretenir des relations avec les gouvernements autochtones, régionaux et national par l'intermédiaire de la FSIN, de la SNEDCO, de l'EAC, du MAINC, de la First Nations and Metis Relations et de l'ANSAF. Grâce au soutien de la FSIN, la SIEF a été dépolitisée, ce qui a entraîné la nomination d'un conseil de professionnels composé de deux membres de la FSIN, de deux personnes du secteur du développement économique et des entreprises, de deux représentants du secteur agricole et d'une personne du secteur bancaire et commercial. À nous tous, nous cumulons plus de 70 ans d'expérience en ressources humaines, et ces dernières années, nous avons accru nos effectifs. Nous croyons en la bonne gouvernance et nous appliquons ce principe, et tous les profits générés par la SIEF sont reversés dans le portefeuille de prêts aux entreprises pour assurer un meilleur accès au capital d'emprunt à nos nations membres.
Crystal McLeod, présidente du conseil, SIEF Investments Inc : Bonjour mesdames, messieurs et membres du comité sénatorial. En tant que présidente du conseil de la SIEF Investments, j'ai le privilège et l'honneur d'être ici aujourd'hui pour vous parler de notre entreprise et du développement économique autochtone. Je suis avocate à Saskatoon et je m'occupe de nombreux aspects de l'investissement et du développement économique des Autochtones depuis plusieurs années. Je suis membre de la Première nation Yellow Quill de la Saskatchewan.
SIEF Investments Incorporated est une compagnie de placements relativement récente qui représente des actionnaires issus des 75 Premières nations de la Saskatchewan. SIEF Investments est à l'origine une compagnie à numéro que la SIEF a achetée à la FSIN en 2004. À l'époque, cette société à numéro gérait seulement quelques investissements. En 2005, la SIEF a changé le nom de la société à dénomination numérique pour SIEF Investments Inc. Nous continuons de transférer les activités et les fonctions de la société mère vers SIEF Investments et, à terme, tous les placements actuellement détenus par la SIEF seront entre les mains de SIEF Investments.
Je vais brosser le portrait de tous les placements détenus par la SIEF et SIEF Investments. Les objectifs et les critères qui s'appliquent aux placements de SIEF Investments consistent à faire fructifier le capital et à accroître le retour sur investissements, à créer des débouchés en gouvernance lorsqu'il y a des placements en actions et à créer des emplois pour les Autochtones. À SIEF Investments, nous visons notamment à faire passer notre capital d'investissement de 7,8 millions en 2006 à 16 millions en 2010, au bas mot. Nous pourrons y arriver en accroissant le capital au moyen d'investissements clés et en tirant profit des capitaux existants. À ce sujet, vous pouvez vous reporter au tableau qui figure dans le mémoire.
Un autre de nos objectifs est de maintenir et de développer des stratégies d'investissement et des partenariats, comme celui que nous avons établi avec Westcap Management Ltd., qui gère la première société de capital de risque des travailleurs en importance en Saskatchewan, de même qu'avec la Crown Investment Corporation. L'an dernier, celle-ci était à la recherche d'un administrateur pour les fonds des Premières nations et des Métis, et à l'issue de discussions avec Westcap Management Ltd., on a déterminé que la SIEF, grâce à ses relations avec les communautés des Premières nations, serait un atout appréciable pour le fonds, en tant que partenaire stratégique. Grâce à ce nouveau partenariat, on surveillera le développement du Fonds des Premières nations et des Métis, qui sera utilisé pour accroître les investissements et les occasions d'affaires pour les Autochtones de partout en Saskatchewan. Nous continuerons d'investir dans des compagnies de la province et du Canada en général qui présentent des avantages pour les Premières nations sur le plan des emplois, de la gouvernance des conseils, des dividendes et de l'accroissement des capitaux.
Nous voulons aussi continuer de créer des capacités au moyen d'une bonne gouvernance, de politiques d'investissement stratégiques efficaces et de la formation et du développement continus des employés et des conseils. Nous entendons collaborer avec différents paliers de gouvernement pour nous assurer que les plans de développement économique pour les Autochtones des régions et des milieux urbains donnent des résultats probants.
À l'heure actuelle, une bonne partie de nos investissements sont regroupés dans la Banque des Premières Nations du Canada. La SIEF est le principal actionnaire de cette institution financière universelle nationale créée en 1996 par et pour les Premières nations, qui détient des succursales à service complet dans huit communautés. La banque prévoit réunir des capitaux, compléter les transferts de la banque vers les actionnaires autochtones et pénétrer de nouveaux marchés canadiens. On prévoit ouvrir de nouvelles succursales au cours des prochaines années.
Nous avons également investi dans Big Sky Farms Inc., un producteur porcin établi en Saskatchewan et, en ce moment, nous cherchons à tirer des bénéfices de cet investissement. Nous avons aussi investi dans SIEF Real Estate Holdings, dont le principal actif est le nouvel édifice construit par la SIEF en 2006, qui abrite cette dernière et tire des revenus de location de ses espaces. Nous avons également des CPG et des obligations; tout récemment, lors d'une réunion sur la planification stratégique des investissements, on a décidé que ces fonds seraient prochainement investis dans divers secteurs en Saskatchewan.
En ce qui a trait aux facteurs qui ont fait la réussite de SIEF Investments, j'approuve tout ce que ma collègue Lucy Pelletier a déjà dit à ce sujet. Je ne répéterai pas ses propos, mais j'aimerais ajouter cinq points.
Pour que les Premières nations soient en mesure de participer au développement économique, le Canada doit s'attaquer aux problèmes sociaux, de logement et de santé. Il est difficile pour les personnes et les Premières nations de participer au développement économique lorsqu'elles peinent à survivre. J'aimerais que vous vous reportiez à la page 1 de notre journal local, le StarPhoenix de Saskatoon. On y décrit la situation dans certaines communautés des Premières nations de la Saskatchewan.
La séparation du monde des affaires d'avec les dirigeants politiques des Premières nations est un facteur essentiel, même au niveau des bandes. Il est nécessaire qu'une compagnie comme SIEF Investments puisse compter sur un conseil qui a les compétences, la formation, reflète la diversité et a la capacité d'agir au nom d'une société d'investissement autochtone.
La réussite et la croissance continues dépendront du soutien futur du gouvernement à tous les niveaux. Nous recommandons non seulement que le gouvernement fédéral continue d'appuyer financièrement SIEF Investments, mais qu'il augmente son soutien pour lui donner la possibilité de créer des capacités et de faire fructifier le capital existant. Un tel financement permettrait une croissance soutenue grâce à la formation et au développement d'entreprises et aiderait SIEF Investments à saisir diverses occasions. Il servirait par exemple à organiser un colloque sur l'investissement; élargir les réseaux; concevoir des stratégies et des outils de marketing; développer des structures internes comme un site Internet et des brochures; et à former et embaucher davantage d'Autochtones pour occuper des postes comme celui de directeur des investissements, dont on a bien besoin. Pour que SIEF Investments continue de croître, il est important qu'elle ne soit pas sous-financée et qu'elle dispose des ressources nécessaires disponibles.
En conclusion, je dirais que SIEF Investments devrait être considérée comme un modèle pour toute entreprise des Premières nations qui souhaite faire son entrée sur le marché des investissements. SIEF Investments est toujours disposée à partager ses connaissances et les leçons qu'elle a apprises avec tous les groupes gouvernementaux ou autochtones qui veulent savoir ce que nous faisons et pourquoi nous réussissons.
Greg Fofonoff, PDG, Sasknative Economic Development Corporation : Honorables sénateurs, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de vous informer des activités de la Sasknative Economic Development Corporation, ou SNEDCO, une société de financement autochtone qui offre des services aux entreprises métisses de la province de Saskatchewan. Je n'ai pas l'intention de m'étendre longuement sur la question complexe du développement économique. Mais d'autres éléments, comme la formation professionnelle et l'éducation, sont très importants pour la participation des Métis au développement économique. Je mettrai donc l'accent sur la SNEDCO en tant qu'agence de développement commercial au service des entreprises métisses de la Saskatchewan.
D'après ce que j'en sais, il existe 59 institutions financières autochtones au Canada. La SNEDCO en fait partie, et elle existe depuis 1987. Notre objectif est d'utiliser le monde des affaires comme tremplin pour que le peuple métis revienne à sa tradition de fierté et d'autonomie.
De nouvelles entreprises sont lancées par des Métis dans de nombreux secteurs, et nous avons le mandat de leur fournir un soutien financier pour l'ouverture, l'achat ou l'expansion de petites entreprises viables et administrées par des Métis de la Saskatchewan.
En 1987, nous avons bénéficié d'un capital d'apport de 5 millions de dollars grâce à la Stratégie canadienne de développement économique des Autochtones, maintenant connue sous le nom d'Entreprise autochtone Canada. De mai 2002 à avril 2003, nous avons reçu un capital de financement additionnel de 1,5 million de dollars.
Nous croyons que depuis nos débuts, à l'automne 1987, nous avons eu un impact considérable pour la communauté métisse. Nous avons accordé 1 054 prêts à 582 entreprises administrées par des Métis, pour un total de 24,4 millions de dollars. Ces entreprises ont créé et maintenu des emplois pour environ 1 730 Métis de la Saskatchewan.
Notre succès est celui de nos clients. Évidemment, avec notre capital de base, nous n'aurions pas pu poursuivre nos activités si la grande majorité des prêts ne nous avait pas été remboursée. Le financement de base accordé par Entreprise autochtone Canada, soit le gouvernement fédéral, a été réutilisé et recyclé plusieurs fois. Dans le mémoire, un tableau fait état des capitaux que nous avons reçus et des prêts que nous avons accordés.
Nous comptons sur l'aide continue d'Entreprise autochtone Canada depuis des années pour accroître notre capital de base et aider d'autres petites entreprises. Voici les trois principaux programmes : le programme des sociétés de financement des Autochtones; un programme de prêt aux petites entreprises qui existe depuis 1987 et qui permet de verser jusqu'à 250 000 $ par demandeur; et un programme d'entrepreneuriat pour les jeunes Métis âgés de 18 à 35 ans, mis sur pied en juin 2005. Nous offrions également un programme de services-conseils aux entreprises depuis 1992, auquel nous avons dû mettre fin en 2003 en raison d'un manque de financement. Toutefois, en 2005, nous avons de nouveau reçu des fonds pour ce programme par le biais d'Entreprise autochtone Canada.
À l'heure actuelle, nous avons 72 prêts en cours d'une valeur de 2,7 millions de dollars. Notre programme de services-conseils aux entreprises, dont vous a parlé Lucie Pelletier, la présidente de la SIEF, a donné de très bons résultats pendant qu'il était financé. Dans le cadre de ce programme, nous avons participé à 759 projets d'entreprise, ce qui représente un financement de plus de 34 millions de dollars. C'est également un aspect important de la société.
J'ai toujours eu le sentiment que les sommes prêtées retournaient directement dans les coffres des gouvernements fédéral et provinciaux. Même une entreprise modeste ayant une masse salariale d'un million de dollars fait des retenues salariales d'environ 250 000 $. Bien que nous ayons utilisé l'argent des contribuables pour financer nos activités dans le cadre d'Entreprise autochtone Canada, nos clients ont payé beaucoup d'impôts. D'ailleurs, certaines années, le montant de ces impôts a facilement dépassé celui du financement fédéral.
Dans mes recommandations, je pense avoir adopté une optique plus étroite que certains de mes collègues, qui ont abordé différents aspects du développement économique.
Le soutien continu que nous obtenons grâce à Entreprise autochtone Canada est important pour nous et pour toutes les sociétés de financement autochtones, qui pour la plupart ont des expériences semblables à la mienne. Nous servons les Métis de la Saskatchewan qui, d'après Statistique Canada, étaient 43 695 dans la province en 2001. On les retrouve un peu partout sur le territoire, dont en milieu urbain, mais ils sont surtout établis dans le nord-ouest de la Saskatchewan.
Si la SNEDCO existe, c'est entre autres parce que la majorité des Métis qui font appel à elle ont les caractéristiques suivantes : les quelques rares clients qui peuvent investir disposent habituellement de moins de 5 000 $, ce qui peut être suffisant pour un petit projet, mais pas pour une plus grande entreprise. Même si la majorité d'entre eux ont des connaissances ou des compétences dans le domaine dans lequel ils se proposent de créer une entreprise, ils ne connaissent rien à la planification financière ou à la tenue de livres. De nombreux clients ne peuvent compter sur un revenu d'emploi ou le revenu d'un conjoint, ni même sur un coussin pour traverser une période difficile. Les clients qui ont cette sécurité sont plus susceptibles de réussir. Rares sont ceux qui ont de l'expérience dans l'exploitation d'une entreprise. C'est pourquoi nos clients ont très peu de chances d'obtenir du financement auprès d'une banque ou d'une caisse populaire.
En tant que directeur général de la SNEDCO, je recommande le maintien du programme Entreprise autochtone Canada qui, d'après ce que je comprends, fait actuellement l'objet d'un examen car il devrait prendre fin en mars 2008.
Le sénateur Peterson : Monsieur Lafond, j'ai lu quelque part que les Autochtones qui réussissent au sein de leur communauté ne sont pas perçus comme un modèle à suivre; on les regarde plutôt avec mépris et on les considère comme des Blancs. Êtes-vous d'accord?
M. Lafond : Oui, je l'ai vécu lorsque j'étais plus jeune. Ce n'est pas aussi fréquent de nos jours, mais cela existe toujours. Les communautés réussissent mieux lorsqu'elles ont adopté, du point de vue de la gouvernance, une position visionnaire axée sur la communauté et mis en place des stratégies de développement économique, ce qui est le cas dans ma communauté. Cela permet à la collectivité de se développer et aux personnes d'être soutenues, entre autres financièrement. Chez moi, nous avons dépassé ce stade. Cette attitude était courante dans les années 60-70. Je suis heureux de voir que ce n'est plus le cas aujourd'hui et que mes fils ne seront pas traités comme je l'ai été.
Il est important de comprendre que le développement économique va de pair avec la gouvernance. La force de notre gouvernement est aussi importante que la force de notre développement économique.
Le sénateur Peterson : Vous avez affirmé que les jeunes Autochtones avaient de la difficulté à trouver un emploi à cause des stéréotypes. Maintenant que nous sommes aux prises avec une pénurie de gens de métier qualifiés, ne serait-il pas temps d'éliminer les stéréotypes?
M. Lafond : Absolument. À l'heure actuelle, il y a une très forte demande de travailleurs dans les entreprises. Toutefois, il y a un écart entre les compétences requises et les compétences disponibles. Il y a également un problème financier. On encourage les Autochtones à quitter leur communauté pour venir s'établir à Saskatoon, mais on ne tient pas compte des choses les plus simples. Je tente justement de remédier à la situation, de concert avec d'autres organisations. Par exemple, une personne qui se rend à Saskatoon et qui obtient un emploi doit payer deux mois de loyer à l'avance et attendre deux semaines avant de recevoir son premier chèque de paye. Si elle vient de se sortir de l'aide sociale et ne peut pas compter sur l'aide financière de sa famille, elle éprouvera des difficultés. Ce sont les types de problèmes que nous devons régler.
Depuis 25 ans que je vis à Saskatoon, j'ai vu d'énormes changements. À certains égards, Saskatoon est une exception : elle semble y avoir plus de cosmopolitisme et moins de stéréotypes. Ceux-ci existent, certes, mais beaucoup moins qu'à Prince Albert, North Battleford, Yorkton ou même Regina, par exemple. Les débouchés sont là, mais il y a sans aucun doute un grand manque de compétences chez les membres des Premières nations, et c'est un problème majeur.
Le sénateur Peterson : Madame McLeod, SIEF Investments investit-elle directement dans les entreprises ou accorde- t-elle des fonds à la Banque des Premières Nations du Canada, qui elle, fait les investissements?
Mme McLeod : Nous investissons au nom des actionnaires autochtones qui sont les 75 Premières nations de la Saskatchewan. SIEF Investments investira des capitaux directement pour eux. Lucy est ici au nom de la SIEF, qui est un établissement de crédit accordant des prêts de catégorie B. C'est sa particularité.
Le sénateur Peterson : La SIEF et la Banque des Premières Nations ne font-elles qu'un?
Mme McLeod : Nous investissons dans la Banque des Premières Nations en tant qu'actionnaire. SIEF Investments est un actionnaire majoritaire de la Banque des Premières Nations du Canada.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Sur une échelle de un à dix, pouvez-vous nous dire combien de femmes ont accès à votre financement?
Mme Pelletier : Voulez-vous savoir combien de nos clients sont des femmes?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui. Combien y en aurait-il, selon vous, sur une échelle de un à dix?
Mme Pelletier : Je dirais environ six.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis ravie de l'entendre. Monsieur Lafond, vous avez dit qu'il vous avait été difficile d'obtenir du financement pour votre entreprise. Pourriez-vous nous dire pourquoi? Il me semble que seuls les Autochtones financent les Autochtones.
M. Lafond : Tout d'abord, c'était il y a 30 ans. Depuis, je me suis associé à de nombreuses organisations, particulièrement dans le secteur agricole, et nous travaillons avec les banques depuis 1978. Le règlement des droits fonciers issus des traités en 1992 est ce qui a eu le plus d'incidence sur les banques de la Saskatchewan. Lorsque vous annoncez le transfert d'un demi-milliard de dollars aux membres des Premières nations, cela attire l'attention des banques et elles écoutent. Elles n'ont pas hésité à changer leurs politiques afin de traiter avec les entreprises et les particuliers autochtones dans les réserves.
Le sénateur Hubley : Monsieur Fofonoff, vous avez parlé d'un programme de prêts aux petites entreprises et d'un programme de prêts destiné aux jeunes. Pourriez-vous nous dire en quoi ils sont différents des autres programmes de prêts?
M. Fofonoff : Les prêts accordés aux jeunes sont à un taux d'intérêt légèrement plus bas que ceux consentis aux petites entreprises, et nous avons un agent qui s'occupe spécialement des jeunes avant et après l'octroi du prêt pour contribuer à la viabilité de l'entreprise.
Vous vouliez savoir ce qui différencie les prêts que nous offrons aux petites entreprises de ceux accordés par les institutions financières traditionnelles, n'est-ce pas? Je pense que c'est une question de positionnement. Nous aimons nous définir comme un établissement de crédit contribuant au développement. Lorsque nous examinons une demande de prêt, nous prenons en considération certains des mêmes critères que les banques, notamment l'avoir, la garantie et le mode de gestion. Mais nous allons plus loin que ça. Si l'entreprise est viable, même si elle présente une insuffisance au niveau de la garantie ou de l'avoir, nous évaluons si elle a les liquidités pour rembourser le prêt, verser un salaire au propriétaire, et cetera, et si c'est le cas, nous pouvons lui accorder le prêt. Vous allez dire que nous prenons plus de risques, mais je préfère dire que nous consacrons plus de temps à la mise sur pied du projet pour contribuer le plus possible au succès de l'entreprise, même si le traitement de la demande est plus long chez nous que dans une institution traditionnelle. Au fond, ce qui nous différencie, c'est l'octroi des prêts de développement.
Le sénateur Hubley : Vous avez dit que l'examen d'une demande pouvait prendre plus de temps. Offrez-vous de l'aide à un demandeur de prêt d'une petite entreprise? Mais avant de répondre, est-ce que « jeunes » se rapporte à l'âge ou à l'expérience?
M. Fofonoff : Cela se rapporte à l'âge des jeunes auxquels s'adresse le programme, c'est-à-dire les 18-35 ans. Par le biais de nos services-conseils aux entreprises, nous offrons une aide supplémentaire aux demandeurs avant l'octroi du prêt pour qu'ils planifient leurs activités d'entreprise et parfois pour qu'ils accèdent à d'autres programmes tels que Entreprise autochtone Canada ou, dans cette province, le Clarence Campeau Development Fund, qui se veut un programme de contributions à l'avoir propre. De cette façon, l'entreprise aura plus de chances d'être prospère.
Dans certains cas, les clients nous arrivent avec des projets embryonnaires. Au lieu de les refuser sans donner beaucoup d'explications, comme le font les banques, nous allons essayer de faire une évaluation. Si celle-ci est concluante, nous irons de l'avant avec le projet, même si cela entraîne certains coûts, parce que notre personnel doit y consacrer pas mal de temps.
Le sénateur Hubley : Dans votre exposé, vous avez énoncé les caractéristiques de quelques-uns des Métis qui vous ont emprunté de l'argent. Selon vous, comment pourrions-nous remédier à ces problèmes? Appartient-il à l'établissement financier d'évaluer ces caractéristiques et d'accorder un prêt en conséquence?
M. Fofonoff : Il y a un programme d'Entreprise autochtone Canada qui peut aider dans ce sens, mais qui est souvent offert en fonction du secteur et de l'âge; il ne s'adresse donc pas à tout le monde. J'ai dit que le Clarence Campeau Development Fund reçoit une aide provinciale et peut régler le problème des fonds propres, même si, dans certains cas, c'est au moyen d'un mélange de produits; l'emprunteur contracte une dette subordonnée sans intérêts.
Par ailleurs, les gens qui connaissent peu la planification financière et la tenue de livres peuvent avoir recours pendant un certain temps à notre programme de services-conseils aux entreprises. Sinon, en général, il faudrait soutenir les établissements qui offrent ce genre de services.
Pour ce qui est de la question des revenus provenant d'autres sources, il faut savoir que le développement économique crée de la richesse pour les familles. Je m'occupais de l'Aide au développement des collectivités avant de me joindre à la SNEDCO. La plus grande différence était que, même si les clients qui faisaient appel à l'établissement de crédit offrant le programme d'Aide au développement des collectivités dont j'étais responsable présentaient certaines de ces caractéristiques, leurs familles pouvaient souvent plus leur venir en aide que ce n'est le cas au sein des communautés métisses et autochtones. Donc même si le demandeur n'a pas beaucoup d'argent, un membre de sa famille peut lui avancer des fonds ou l'aider à traverser une période difficile.
Le sénateur Dyck : Merci pour vos excellents exposés. Monsieur Lafond, vous disiez que les ententes de règlement des droits fonciers issus de traités ont été une grande réussite. Selon vous, quelle est la raison de ce succès en Saskatchewan? Pourquoi sommes-nous l'une des provinces à avoir réussi à négocier un si haut pourcentage?
M. Lafond : Je suis connu pour mon sens de l'humour, mais je vais être prudent. Cela tient peut-être au gouvernement au pouvoir à ce moment-là à Ottawa.
Des gens d'affaires m'ont demandé de prononcer un discours environ deux semaines après la signature de cette entente. Pendant mon discours, j'ai dit que 27 Premières nations avaient signé cette entente, mais que malheureusement, dans cinq à dix ans, il n'y en aurait pas autant. Nous espérions tout de même que plus d'une vingtaine obtiendraient satisfaction à divers degrés. Comme nous pouvons le voir aujourd'hui, c'est ce qui s'est produit.
Il y a d'autres aspects à ne pas négliger. Cette entente a permis aux Premières nations d'acquérir une assise territoriale pour la communauté et d'investir le reste des fonds dans le développement de la collectivité. La Première nation à laquelle j'appartiens a acheté une terre et décidé, après un vote, que le reste de ses fonds de fiducie seraient désormais utilisés pour le bien de tous. C'est ce genre de vision et de leadership qu'il nous faut pour bâtir notre avenir. Nous sommes ici depuis plusieurs milliers d'années et nous voulons que la bande Muskeg Lake y reste pendant encore des millénaires; tel est notre but.
Nous investissons, entre autres, dans une société d'État indienne et nous appuyons les membres de nos communautés, qu'ils soient à Saskatoon, à Prince Albert, à Wetaskiwin ou à Edmonton; nous les aidons professionnellement et financièrement dans le développement de leurs entreprises.
Dans mon discours, j'ai également dit que tout cet argent à notre disposition était notre dernière chance de réussir.
Il faut également parler des partenariats établis dans le secteur des ressources, notamment pour le partage des ressources ou des emplois. Ces ententes sont importantes; par exemple, grâce aux conseils tribaux qui représentent les membres des communautés, ces derniers ont la possibilité de devenir des propriétaires d'entreprise. Cela a bien réussi en Saskatchewan.
Le sénateur Merchant : Je sais que les infrastructures sont très importantes pour le développement économique d'une région. De quelle façon le gouvernement fédéral devrait-il intervenir dans le développement des infrastructures des régions éloignées de la Saskatchewan? Les services à large bande sont-ils utiles dans ces régions? Pourriez-vous nous dire où en est le développement économique des régions les plus éloignées de la Saskatchewan?
M. Lafond : En ce qui concerne les infrastructures, le gouvernement a reconnu qu'il y avait des besoins, autant dans les réserves autochtones des centres urbains que des régions rurales. Malheureusement, il n'a pas offert un soutien financier stable. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien nous a versé des sommes considérables pour la région. Toutefois, le financement a récemment été réduit comme peau de chagrin et il reste très peu d'argent pour le développement des infrastructures; par exemple, certaines communautés y consacrent à peine 20 p. 100 de leur budget. Devant une telle instabilité, il est très difficile de favoriser le développement économique des communautés éloignées.
Le sénateur Merchant : Lorsqu'il y a des débouchés économiques viables, pensez-vous qu'il revient aux Premières nations de convaincre le gouvernement fédéral d'investir dans les infrastructures de ces régions éloignées?
M. Lafond : Absolument. Aucun projet ne sera financé entièrement, et il est absolument nécessaire que les Autochtones évaluent ces débouchés et s'assurent que leur projet donnera de bons résultats avant d'investir.
Le président : Nous avons parlé plus tôt de la pénurie de gens de métier dans certains domaines, notamment la charpenterie et la plomberie, et du formidable potentiel que représentent les jeunes Autochtones. Madame Pelletier, s'est-on au moins soucié de convaincre le gouvernement de la Saskatchewan d'orienter ces jeunes vers ces métiers le plus tôt possible?
Mme Pelletier : D'après ce que j'ai dit lors de mon exposé, vous pouvez constater que nos investissements dans le secteur de la construction représentent un très petit pourcentage de l'ensemble de nos investissements, ce qui témoigne de la pénurie de gens de métier. Je conviens que nous avons autant besoin de personnes avec des compétences professionnelles que de gens de métier parce qu'ils jouent un rôle essentiel. En effet, les gens de métier contribuent au développement économique des collectivités parce que grâce à eux elles peuvent attirer chez elles des projets, car les gens de métier possèdent la capacité de bâtir des infrastructures. Étant donné que ces deux dernières années, on a attribué aux bandes la responsabilité des nouvelles stratégies de perfectionnement de la main-d'œuvre, il est possible d'élaborer une stratégie régionale à l'intention des Autochtones qui quittent les réserves pour aller chercher un emploi dans les centres urbains. Comme Lester l'a mentionné, ces gens-là ont besoin d'aide durant cette période de transition, et l'aide sociale ne leur fournit plus le soutien nécessaire. Dès le départ, ils n'ont aucun avantage concurrentiel. Former des gens de métier est essentiel à la création d'emplois de qualité.
Le président : Est-il possible dans les réserves de former des gens de métier? Je pose cette question, car mon partenaire dans une entreprise de construction était maître-plombier en Allemagne. Il était très fier de son métier et il m'avait expliqué que, dans sa communauté, un maître-plombier jouissait du même statut qu'un médecin. Je crois que nous devons commencer à valoriser les métiers. Sinon, il y aura toujours une pénurie.
J'aimerais remercier tous les témoins pour leur exposé et pour avoir répondu à nos questions. Si vous n'avez pas eu l'occasion de nous faire part de certains renseignements aujourd'hui, dont vous estimez que le comité devrait prendre connaissance, n'hésitez pas à nous le faire savoir.
Honorables sénateurs, nous avons parmi nous Mme Marianne Ironquill Meadmore, qui a demandé de prendre la parole pendant trois minutes pour présenter une recommandation au comité. Je dois obtenir votre approbation pour pouvoir lui accorder la parole. Êtes-vous d'accord? C'est unanime.
Marianne Ironquill Meadmore, à titre personnel : Comme je ne dispose que de trois minutes, je vais formuler immédiatement mes recommandations. Elles portent sur l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale. Lorsque vous discutez de développement économique, vous devez penser à la possibilité que de nombreux Autochtones souffriront d'une incapacité résultant de troubles causés par l'alcoolisation fœtale et ne seront donc pas en mesure de participer au développement économique, ni même d'occuper un emploi. Vous devez connaître ce que sont ces troubles et leur incidence sur les collectivités.
Premièrement, les Autochtones doivent comprendre les troubles causés par l'alcoolisation fœtale de sorte qu'ils puissent parvenir quand même à contribuer au développement économique, au maintien d'une bonne santé et à tout ce qui permet de garder nos réserves paisibles. À l'heure actuelle, 32 500 recherches de grande envergure sont publiées dans Internet, mais, pour certaines raisons, les gens ne sont pas au courant, ce qui donne lieu à un manque de connaissances chez les Autochtones des réserves. Dans tout ce que nous entreprenons, nous devons tenir compte des troubles causés par l'alcoolisation fœtale.
Ces troubles touchent l'ensemble de l'humanité. Tous les enfants dont la mère a bu pendant la grossesse seront touchés par les troubles causés par l'alcoolisation fœtale. Cependant, chez les Autochtones, ce problème est beaucoup plus répandu en raison de l'expérience que nous avons vécue dans les pensionnats. Quand les Autochtones ont quitté les pensionnats, ils se sont tournés vers l'alcool dans une très grande proportion. D'autres personnes non autochtones qui buvaient ont aussi eu des enfants souffrant des troubles causés par l'alcoolisation fœtale, mais chez les Autochtones, la situation était beaucoup plus grave, et nous avons à cause de cela pratiquement perdu toute une génération.
Quand une femme boit durant les deux premières semaines de sa grossesse, elle ne sait peut-être pas alors qu'elle est enceinte, mais l'alcool, à ce stade-là, peut causer des déformations au niveau du visage et il est certain que des cellules seront détruites. Même si la mère consomme occasionnellement de l'alcool durant la grossesse, cela se produira. Les synapses risquent de ne pas bien se développer, de sorte que, dans les cas graves, la capacité de raisonner ne pourra jamais se développer; et sans cette capacité, comment peut-on faire quoi que ce soit? Il est impossible d'apprendre une compétence ni de devenir un employé fiable.
J'ai déjà donné des séances d'information à des travailleurs en santé communautaire et je leur posais toujours cette question : parmi les gens avec lesquels vous travaillez, combien selon vous souffrent de troubles causés par l'alcoolisation fœtale? D'après eux, c'était 100 p. 100. Ce sont là des personnes qui travaillent quotidiennement avec des familles touchées par ce problème. De toute évidence, les répercussions sur les communautés sont grandes à tous points de vue. Je sais que certains dirigeants bien connus des Premières nations souffrent de troubles causés par l'alcoolisation fœtale.
Il n'existe aucun traitement, et c'est pourquoi j'ai déclaré que nous avons peut-être perdu une génération.
Le président : Je vous remercie, Marianne, d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui, et je peux vous dire que, si notre horaire nous le permet au cours de notre étude, il se pourrait que nous vous invitions à comparaître étant donné que les troubles causés par l'alcoolisation fœtale touchent tous les aspects de la vie des peuples des Premières nations.
Nos prochains témoins proviennent du ministère provincial des Relations avec les Premières nations et les Métis ainsi que du Conseil pour le développement des ressources humaines autochtones du Canada.
Richard Gladue, sous-ministre adjoint, Saskatchewan First Nations and Métis Relations : Je vous souhaite la bienvenue, à vous, monsieur le président, et aux membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je vous remercie de vous être déplacés jusqu'ici et je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion d'exposer les points de vue du gouvernement de la Saskatchewan sur le développement économique des Autochtones.
La Saskatchewan est très consciente de l'importance que revêt la participation des Métis et des Premières nations au développement économique, et c'est pourquoi notre gouvernement travaille très fort dans ce domaine. Les peuples autochtones, comme vous le savez, sont davantage marginalisés sur le plan économique et plus souvent en chômage ou sous-employés que les non-Autochtones. Le chômage et le sous-emploi donnent lieu à un mode de vie malsain, à la consommation de drogues, à la dépendance à l'aide sociale et à des démêlés avec la justice. Tous ces problèmes sont également reliés à ce dont Mme Meadmore vient de parler. De nombreuses collectivités en Saskatchewan et ailleurs au Canada sont confrontées aux problèmes que posent les troubles causés par l'alcoolisation fœtale, et cela nous préoccupe grandement.
Comme on l'a déjà déclaré, la population autochtone en Saskatchewan est jeune et en croissance; la province vit un énorme changement démographique. Une proportion élevée de la population s'est établie dans les régions urbaines. D'après ce que je sais, le taux se situe entre 45 et 55 p. 100. Le gouvernement de la Saskatchewan souhaite bâtir un avenir prometteur de sorte que personne ne soit laissé pour compte et que les jeunes fassent leur vie ici. L'avenir de la Saskatchewan passe en grande partie par le développement économique des Autochtones.
J'ai été chef du Conseil tribal de Meadow Lake pendant 25 ans et j'ai pris part à plusieurs initiatives économiques. Je sais très bien la valeur qu'a le développement aux yeux des Premières nations. J'occupe le poste de sous-ministre depuis janvier dernier.
Lorsque s'ouvrent des possibilités d'emplois et de développement pour les Premières nations et les Métis, cela contribue à améliorer les conditions socioéconomiques dont j'ai parlé. Tant les Autochtones que la province et l'ensemble du Canada en profitent. C'est pourquoi le prochain sommet économique organisé par le gouvernement provincial et qui se tiendra au début de 2007 sera axé sur les Autochtones. Nous nous sommes demandé pendant longtemps si nous ne devrions pas plutôt appeler cette rencontre un symposium, car à bien des égards c'est ce que cet événement sera; un symposium est assez différent d'un sommet. De concert avec des dirigeants autochtones de la province, nous avons invité des dirigeants de partout au pays.
Le gouvernement de la Saskatchewan a déjà lancé plusieurs initiatives qui contribueront à améliorer le niveau de vie des Premières nations et des Métis. Le meilleur exemple que je puisse vous donner est notre partenariat avec la Federation of Saskatchewan Indian Nations, qui a permis à des Premières nations d'exploiter plusieurs casinos rentables. L'exploitation de ces casinos a des répercussions positives sur le plan économique et social pour les Premières nations et les Métis, voire l'ensemble des habitants de la province.
Plus tôt cette année, nous avons mis sur pied deux nouveaux programmes destinés à faire passer davantage les Autochtones dans le courant économique dominant. Un programme de développement économique visant les collectivités des Premières nations et les Métis, doté d'un budget de cinq millions de dollars, a été mis sur pied par le ministère provincial des Relations avec les Premières nations et les Métis. En outre, un fonds de 20 millions de dollars destiné encore une fois aux Premières nations et aux Métis a été créé par la Crown Investments Corporation. Les personnes qui présentent une demande doivent cibler des secteurs en croissance, comme ceux de l'énergie et des mines, pour maximiser les résultats.
Je vais parler un peu du programme établi par le ministère provincial des Relations avec les Premières nations et les Métis. Il s'agit d'un programme de subventions de démarrage destiné aux particuliers et aux organismes, comme les bandes et les groupes métis, pour leur permettre d'acheter, de fonder ou d'agrandir une entreprise. Dans le cadre de ce programme, nous travaillons en collaboration avec la Saskatchewan Indian Equity Foundation, un organisme des Premières nations dont la présidente, Lucy Pelletier, s'est adressée à vous tout à l'heure, ainsi qu'avec le Clarence Campeau Development Fund, qui est un organisme métis. Ces deux organismes ont participé à l'élaboration du programme et ils en assurent la majeure partie de la gestion.
Cependant, nous devons faire davantage et c'est pourquoi nous souhaitons que le gouvernement fédéral joue un rôle plus proactif et plus important tant en dehors qu'à l'intérieur des réserves de la province et qu'il donne suite aux intentions exprimées lors de la rencontre des premiers ministres portant sur des questions autochtones, qui s'est tenue à Kelowna en novembre 2005. Durant cette rencontre, le premier ministre de la Saskatchewan, Lorne Calvert, a déclaré ceci :
En tant que Canadiens, nous ne pouvons certes plus nous contenter de vivre au sein d'une nation qui compte deux Canada, c'est-à-dire un pour les riches et un pour les pauvres; un qui fait l'envie du reste du monde et un qui ressemble passablement au tiers monde; un porteur d'espoir et un de désespoir. Que nous soyons des dirigeants fédéraux, provinciaux ou autochtones, nous devons faire davantage et faire mieux et nous devons aussi agir maintenant et ensemble.
Entre autres, l'accord de Kelowna a fait croître les attentes à l'égard de mesures économiques concrètes. Nous sommes conscients que le gouvernement actuel, qui a été élu après la Conférence des premiers ministres, ne se sent peut-être pas contraint de donner suite aux conclusions dégagées lors de cette rencontre et souhaite peut-être plutôt adopter une autre stratégie ou un processus différent. Toutefois, peu importe la décision qu'il prendra, il ne doit pas faire abstraction du développement économique des Autochtones. Les gouvernements de tous les niveaux ont convenu qu'il s'agit d'un des principaux domaines sur lesquels il faut travailler.
Le développement économique des Autochtones ne doit pas être examiné en tant que tel uniquement; il est lié à l'éducation et à la formation ainsi qu'à la participation au marché du travail et à son développement. Il est clair qu'une approche multidisciplinaire, intégrée et coordonnée est nécessaire. Cela signifie que les gouvernements et les organismes de tous les niveaux doivent collaborer. Il est aussi essentiel que le gouvernement fédéral cesse de penser qu'il assume uniquement la responsabilité financière dans les réserves. Les droits issus de traités et les droits des Autochtones doivent continuer d'être respectés à l'extérieur des réserves. De même, on doit aussi se concentrer sur le développement économique des Premières nations à l'extérieur des réserves. Nous exhortons le gouvernement fédéral à prendre l'initiative de conclure des partenariats avec le gouvernement de la Saskatchewan et des organismes autochtones afin de mettre sur pied des programmes à l'intention des Autochtones qui vivent à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves.
Pour commencer, nous recommandons que le gouvernement fédéral rétablisse les programmes du ministère des Affaires indiennes et du Nord qui ont été abolis. Le ministère, de concert avec les dirigeants autochtones, doit décider s'il faut rétablir les programmes éliminés ou en créer de nouveaux. Le gouvernement de la Saskatchewan serait ravi d'offrir son concours à cet égard. Lorsque des fonds fédéraux supplémentaires sont alloués, il est important que la Saskatchewan reçoive sa juste part.
Nous demandons aussi au gouvernement fédéral de respecter l'engagement le plus important qu'il a pris à l'égard de notre province, c'est-à-dire exclure les recettes tirées des ressources non renouvelables de la formule de péréquation. Nous voulons un programme de péréquation convenable, adapté à la situation et juste pour les habitants de la Saskatchewan et l'ensemble des Canadiens. Nous estimons qu'un tel programme serait très avantageux pour la province sur le plan financier. Les peuples autochtones font partie intégrante de la population de notre territoire. La Saskatchewan recevrait ainsi davantage de fonds, qui serviraient à soutenir des projets prioritaires.
Je tiens à souligner qu'en raison du taux élevé de migration vers les régions urbaines, la Saskatchewan subit d'énormes pressions financières quand il s'agit de fournir les services nécessaires. Cela dit, tous les programmes qui sont créés doivent être ciblés. Nous savons que les programmes de développement économique des Autochtones, tant fédéraux que provinciaux, qui sont trop généraux ont tendance à être sous-utilisés. Dans bien des cas, les Autochtones ne peuvent pas profiter de ces programmes parce qu'ils ne disposent pas des capitaux ni des avoirs nécessaires pour présenter une demande. Par surcroît, il ne faut pas oublier que les lois fédérales interdisent la reprise de possession des terres des réserves et des biens meubles qui s'y trouvent, comme les maisons et les entreprises. Les banques et d'autres établissements de prêt hésitent à accorder des prêts aux personnes qui n'ont aucun avoir à offrir en garantie. Nous exhortons le gouvernement fédéral à prendre les devants. C'est à l'avantage des peuples autochtones et de tous les Canadiens.
Je vous remercie, et j'attends avec impatience votre rapport. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Kelly Lendsay, président-directeur général, Conseil pour le développement des ressources humaines autochtones du Canada : Je vous souhaite la bienvenue en Saskatchewan. J'ai grandi dans cette belle province et j'ai eu l'occasion de voyager et de travailler avec des membres des Premières nations, des Métis et des Inuits de partout au Canada, car nous avons un mandat national. J'ai l'expérience du développement économique. J'ai travaillé avec le sénateur Dyck à l'Université de la Saskatchewan, où nous avons participé à la création d'un programme de maîtrise en administration des affaires spécialisée en gestion d'entreprises autochtones, qui est le premier programme de la sorte en Amérique du Nord.
Je pourrais vous entretenir des marchés et des taux d'intérêt, mais je vais plutôt m'attarder aujourd'hui à deux éléments, soit l'aspect du développement économique qui touche les ressources humaines et l'importance des métiers et de la formation en apprentissage. Je vais parler de l'élaboration de stratégies novatrices visant à favoriser la création de partenariats dans le domaine des ressources humaines et du développement économique.
À une certaine époque, je faisais beaucoup de natation et j'ai même été désigné un des meilleurs sauveteurs au Canada au milieu des années 1980. Pour apprendre à des gens à nager, devons-nous les lancer à l'eau dans la partie peu profonde ou dans la partie profonde? Vous conviendrez je crois qu'il faut évaluer leurs compétences pour pouvoir le déterminer. Que faisons-nous avec les peuples autochtones? Nous les lançons tous dans la partie peu profonde. Nous partons toujours du plus petit dénominateur, mais je dois vous dire que j'ai observé partout au Canada chez les Autochtones une vaste gamme de compétences et de talents et une capacité à faire preuve d'initiative.
La natation m'a permis d'apprendre qu'il faut adopter une approche très pragmatique quant à la façon dont les gens acquièrent des compétences, sinon ils risquent de se noyer. Il faut une approche coordonnée et des instructeurs qualifiés. Si le développement économique était comme les Jeux Olympiques, l'objectif serait de gagner. Nous sommes d'ailleurs en concurrence avec le reste du monde pour obtenir des travailleurs compétents.
Je pense que nous devons adopter cette même approche pragmatique quand il s'agit d'enseigner aux agents de développement économique comment établir des partenariats. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous faisons au Canada. Selon le secteur privé, l'approche adoptée pour favoriser le développement du marché du travail autochtone n'est pas systématique et elle est fragmentée, et en plus, il n'existe aucun plan de communication et les stratégies ne sont pas coordonnées. Il en résulte une pénurie de travailleurs.
En travaillant avec de nombreux partenaires partout au Canada, le Conseil a constaté que le succès des initiatives en matière de développement économique repose sur des stratégies visant les ressources humaines. De telles stratégies doivent être élaborées dans le cadre des projets de développement économique. Elles doivent respecter deux critères particuliers. D'une part, elles doivent refléter les principes établis en fonction des intérêts de la communauté et du secteur privé et, d'autre part, elles devraient comporter une approche sectorielle fondée notamment sur de l'expertise, des objectifs et l'obligation de rendre des comptes.
En 2006, le rapport publié par les Partenaires du milieu de travail, intitulé Compétences et pénuries de compétences : Les points de vue des dirigeants, du patronat, des syndicats et du secteur public au Canada, révélait que bien plus de 50 p. 100 des gestionnaires des secteurs privé et public et près des deux tiers des dirigeants syndicaux de deux secteurs considèrent la pénurie de compétences comme un grave problème pour l'économie et le marché du travail du Canada. D'après les gestionnaires du secteur public, la pénurie de compétences est le principal problème au Canada, tandis qu'aux yeux des gestionnaires du secteur privé, c'est le troisième plus grand problème.
La majorité des dirigeants syndicaux et des gestionnaires du secteur public dans les provinces de l'Ouest ont affirmé que l'embauche d'Autochtones était « assez importante » ou « très importante » pour combler leurs besoins en compétences. Ce qui devrait nous préoccuper, c'est la proportion assez élevée de dirigeants du secteur privé, soit de 50 à 60 p. 100 dans chacune des provinces de l'Ouest, qui ont déclaré que l'embauche d'Autochtones n'était pas importante pour combler les besoins futurs de leur organisation en matière de main-d'œuvre et de compétences.
Malgré certains progrès, il existe toujours des indications troublantes que des attitudes négatives à l'égard des Autochtones persistent. Une récente enquête menée par le Centre de recherche et d'information sur le Canada présente des données inquiétantes à propos de la façon dont les Canadiens non autochtones perçoivent leurs concitoyens autochtones. Plus de 20 p. 100 des répondants estiment que les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones se détériorent. Ce qui est d'autant plus préoccupant, c'est que plus de la moitié des répondants ont déclaré que selon eux la situation financière des Autochtones est aussi bonne sinon meilleure que celle du reste des Canadiens. Les indices publiés par les Nations Unies prouvent tout le contraire; en effet, d'après ces données, les Autochtones du Canada occuperaient le 43e rang mondial sur le plan des conditions économiques.
Cette attitude négative à l'égard des Autochtones déteint-elle sur les entrepreneurs et les agents de développement économique autochtones? Je ne peux pas répondre à cette question. Les entreprises autochtones et leur main-d'œuvre sont-elles considérées comme véritablement aptes à répondre aux besoins du marché?
Les résultats de l'enquête donnent à penser qu'il y a toujours un manque de compréhension, et le Conseil s'emploie à y remédier. Nous avons adopté une approche très simple, c'est-à-dire que nous essayons de voir comment faire coïncider l'offre avec la demande. C'est un des principes de base en économie. Nous nous sommes rendu compte que ce n'est pas facile. Pour ce faire, il faut aller au-delà des forces du marché; il faut mettre en place des stratégies de changement. Il faut créer des liens et des partenariats et viser l'atteinte de résultats communs.
Comme je l'ai dit, le secteur privé a du mal à établir des liens avec le marché du travail autochtone et à créer des possibilités et, de façon plus importante, il ne comprend pas comment investir pour que cela donne des résultats. Nous avons besoin de mesures visant le marché du travail canadien et une approche pancanadienne qui respecte les Premières nations, les Métis et les Inuits. Cette idée n'est pas populaire au sein des dirigeants autochtones, qui souhaitent des stratégies très précises pour chacune de leur circonscription.
Je crois qu'on peut se doter d'un cadre national destiné à appuyer les stratégies régionales et le développement économique dans les régions et d'un autre cadre national en vue de régler les problèmes auxquels sont confrontés les partenaires, tant sur le plan de l'offre que de la demande, en veillant à ce qu'il existe une stratégie efficace de communication permettant de mettre en rapport les employeurs autochtones avec les spécialistes en ressources humaines. Il faudrait recueillir de l'information au sujet du marché du travail national et des sous-secteurs et créer des programmes d'accréditation pour accroître le niveau des compétences et assurer la mobilité des travailleurs, ce qui constitue un grand problème. Il faudrait aussi évaluer les taux de recrutement, de rétention et de promotion des Autochtones et déterminer quels sont les employeurs de choix pour les Autochtones. Il faudrait mieux comprendre la participation des employés autochtones et améliorer la coordination entre les parties intéressées, l'industrie et le système d'éducation. Enfin, il faudrait établir des pratiques nationales relatives au marché du travail dans le secteur minier et déterminer comment transférer ces connaissances à d'autres industries.
Je vais vous donner un exemple très pratique. J'ai dit que je voulais parler des métiers et de la formation en apprentissage. Nous avons commencé notre travail en 1999, à la suite de la publication d'un rapport marquant intitulé Making it Work : Arboriginal People in Trades. Par suite de ce rapport, on a créé en Alberta le Alberta Arboriginal Apprenticeship Project, qui visait à accréditer 180 apprentis. Quatre ans plus tard, l'objectif a été dépassé; 262 apprentis ont été accrédités. On a demandé aux responsables du programme albertain s'ils étaient disposés à partager leurs connaissances, leurs bases de données et leurs vidéos avec d'autres partenaires en vue de créer un réseau, et ils nous ont répondu qu'ils étaient prêts à le faire. Quand la Colombie-Britannique a voulu mettre sur pied un programme semblable, nous avons demandé aux responsables du programme albertain de partager leur expérience. Des programmes semblables ont vu le jour en Ontario, en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Saskatchewan. Ils permettent d'offrir de la formation et donnent lieu à des emplois.
En Colombie-Britannique, nous avons réuni tous les responsables de l'offre, les communautés autochtones en charge des budgets de formation et d'emploi pour leur demander combien chacune dépensait. Au total, elles dépensaient cinq milliards de dollars par année. Elles ont commencé à prendre conscience qu'elles avaient le pouvoir d'attirer l'attention du gouvernement et de l'industrie. Elles pouvaient coordonner leurs investissements pour constituer une seule base de données provinciale, au lieu d'en avoir une par communauté. Elles ont découvert que la coordination et le partenariat pouvaient créer une synergie et faire réaliser des économies d'échelle.
L'industrie s'en est réjouie. Il ne lui était plus nécessaire de s'adresser à dix groupes autochtones différents. Elle peut s'adresser à un seul guichet, le guichet autochtone qui comprend trois comités représentant les Premières nations, les Métis et les Inuits.
En 2004, nous avons organisé le premier Forum des métiers de l'Ouest canadien qui a réuni 150 experts dans le domaine. Il y a un an, nous avons reçu 2,6 millions de dollars de RHDS pour renforcer ce partenariat.
Plus tard, je crois que nous allons pouvoir appliquer les principes de cette approche sectorielle des métiers et de l'apprentissage aux soins de santé. Nous pourrions adopter pour les soins de santé et d'autres secteurs de l'économie la même stratégie intégrée que celle qui existe pour la main-d'oeuvre autochtone.
Ce sera une tâche difficile; si c'était facile, nous l'aurions déjà fait. Mme Meadmore, qui a fait son exposé avant nous, a parlé des enfants souffrant de l'alcoolisation foetale. C'est facile de parler des talents des Autochtones, mais on estime qu'au Québec 52 p. 100 des enfants souffrent de troubles causés par l'alcoolisation foetale. Nous avons justement besoin d'une approche coordonnée pour les clients à barrières multiples. Comment trouver des moyens pour que ce réseau en expansion acquiert et partage des connaissances? Qu'il s'agisse de la mobilité de la main-d'oeuvre, de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale et d'autres questions du genre, il s'agit d'enjeux nationaux pour lesquels une structure nationale s'impose. Si nous réalisons ce projet, l'économie autochtone pourrait montrer comment le Canada peut rendre le marché de l'emploi et le système économique plus efficaces.
En terminant, je crois qu'une approche sectorielle pour le développement de l'économie et des ressources humaines doit être appuyée par l'expertise voulue. Il faut établir des partenariats entre les employeurs, les gouvernements et les communautés autochtones. Je recommande que le gouvernement fédéral finance la structure souple nécessaire pour que les partenaires puissent, grâce à leurs investissements, apporter une contribution importante au développement social, économique et communautaire du Canada. Il est temps de conjuguer nos efforts.
Nous ne cessons d'entendre parler de l'explosion démographique des Autochtones. La productivité soutenue du Canada dépend du succès de mesures de développement économique qui prévoient une stratégie globale en matière de ressources humaines.
Le sénateur Peterson : Merci de vos exposés. Vous avez dit qu'un sondage avait révélé que 60 p. 100 des entreprises privées ne jugeaient pas les Autochtones importants pour répondre à leurs besoins en matière d'emploi. Ce sondage a-t- il été mené en Saskatchewan?
M. Lendsay : Il a été effectué dans l'ouest du Canada. Chacune des provinces de l'Ouest a signalé que c'était l'avis de 50 à 60 p. 100 des chefs de file du secteur privé.
Le sénateur Peterson : Leur ignorance est étonnante. Où pensent-ils trouver des employés?
M. Lendsay : C'est aussi notre avis. Le sondage a été effectué en 2006. Je devrais vous envoyer le rapport de Partenaires du milieu de travail. Je suis membre du conseil d'administration du Forum canadien sur l'apprentissage, et nous savons que nous avons besoin d'immigrants au Canada étant donné que notre taux de croissance nette sera négatif d'ici 2020. J'entends les gens parler de stratégies en matière d'immigration quand il y a des communautés autochtones, métisses et inuites tout près. C'est illogique.
Le Globe and Mail a publié un article il y a quelques semaines sur le travail de liaison avec la main-d'oeuvre que nous avons fait pour les magasins Safeway et qui nous a permis de créer des liens entre le secteur privé et les communautés autochtones. Nous l'avons fait dans cinq provinces jusqu'à maintenant et c'est le projet de Vancouver dont il était question dans l'article. Comme le Globe and Mail l'indiquait, des représentants de Safeway sont allés à Vancouver, ont rencontré des Autochtones et, en l'espace de deux semaines, ont recruté 26 membres de la nation Sto :lo pour travailler dans le magasin de Chilliwack. Comme le fait remarquer le journaliste qui a écrit l'article, le gestionnaire de Safeway a dû se rendre à Vancouver pour apprendre que la nation Sto :lo était établie à sept kilomètres. C'est le Canada. Au lieu de discuter du bien-fondé de la question, je crois qu'il faut veiller à ce que les gens créent des liens. Cependant, il faut une stratégie de communication concertée pour sensibiliser les dirigeants du secteur privé à l'explosion démographique autochtone.
Le président : Dans votre exposé, monsieur Lendsay, il est question du centre de recrutement des Forces armées canadiennes. Hier, nous étions à La Ronge, et un des aînés nous a parlé de sa carrière dans la Force aérienne. Je suis Métis et j'ai quitté la maison très jeune pour entrer dans l'Armée de l'air. J'y ai appris un métier et je suis devenu pilote. Cet aîné a fait la même chose que moi et on se rendait compte que son expérience militaire lui avait permis de contribuer de façon importante à sa communauté.
S'efforce-t-on d'encourager les jeunes Autochtones à entrer dans l'armée? Les perspectives sont nombreuses dans ce domaine. J'ai été chanceux de pouvoir faire partie de la Force aérienne, et ma carrière dans le monde des affaires en a sûrement bénéficié. J'aimerais savoir si des efforts concertés sont déployés pour inciter les jeunes Autochtones à choisir cette voie. Je crois qu'on peut s'enrôler pour trois ans et retourner chez soi faire profiter les autres de ses talents de leader.
M. Gladue : Je peux parler par expérience étant donné que mon fils a passé neuf ans dans les Forces armées et vient de joindre les rangs de la GRC. La FSIN encourage les jeunes à entrer dans l'armée en offrant le programme Bold Eagle deux fois par année en Saskatchewan. En fait, c'est ce qui a amené mon fils à s'enrôler. On les incite fortement à entrer dans l'armée ou la GRC.
La GRC déploie beaucoup d'énergie en Saskatchewan pour recruter des Autochtones, dont un grand nombre sont par la suite détachés dans les agglomérations urbaines qui regroupent des réserves indiennes. Il y a de vastes réserves dans le sud de la province, et la GRC essaie justement d'affecter des agents autochtones à ces endroits.
Quand j'étais à Meadow Lake, nous avons mené une étude pour orienter les choix de carrière des Autochtones. C'est difficile en raison du financement des écoles dans les réserves. Nous avons constaté que la plupart des enfants accusent des retards en mathématiques et en sciences, ce qui leur ferme beaucoup de portes. Les écoles dans les réserves ne reçoivent pas le financement nécessaire du gouvernement fédéral pour offrir des programmes de sciences et de mathématiques, qui sont essentiels pour poursuivre des études dans beaucoup de domaines. Quand mon fils est entré dans l'armée, il a dû parfaire ses connaissances dans plusieurs matières. Il y a des obstacles qui nuisent à l'avancement des jeunes Autochtones.
Nous avons aussi constaté que le taux de succès des élèves qui fréquentaient les écoles hors réserve était supérieur, en raison d'une infrastructure plus solide, particulièrement en mathématiques et en sciences. Il semble plus facile d'encourager les jeunes hors réserve. Beaucoup de jeunes doivent quitter la réserve pour poursuivre leurs études et, dans certains cas, ils le font à cause d'une pénurie de logements. Cependant, en milieu urbain, ils se retrouvent en bas de l'échelle socioéconomique. Ce sont des questions très complexes auxquelles on doit s'attaquer.
Actuellement, le gouvernement de la Saskatchewan est en train de réévaluer tout le système d'enseignement de la maternelle à la 12e année dans la province. En partenariat avec la FSIN, nous voulons mener une étude pour améliorer les normes à tous les niveaux d'enseignement à l'intérieur et à l'extérieur des réserves. C'est un partenariat établi entre le gouvernement provincial et la FSIN. Un des problèmes qui va ressortir a trait aux différents mécanismes de financement dans les réserves et hors réserve. Assurer la continuité de la maternelle à la 12e année et la transition au niveau postsecondaire est très important, comme l'a dit Kelly.
Dans certains cas, on enseigne des métiers à l'école secondaire. J'ai noté ce matin des questions posées par les sénateurs sur la façon de retenir les jeunes à l'école au primaire et au secondaire. Beaucoup d'élèves s'ennuient et décrochent. Pour soutenir leur intérêt, il y a des écoles qui essaient d'introduire l'apprentissage des métiers aux niveaux primaire et secondaire. Il faut axer le système d'enseignement sur la carrière et le rendre intéressant pour les jeunes. Pour cela, il faudra que les gouvernements fédéral et provincial travaillent en partenariat.
J'ai rencontré certains des collègues de Kelly pour discuter d'un conseil provincial de la main-d'œuvre. C'est un conseil que nous venons de former en Saskatchewan et qui regroupe des représentants fédéraux. Essentiellement, nous coordonnons notre approche. Le SIDU a été créé pour que les gouvernements fédéral et provincial deviennent partenaires et engagent le dialogue. Il est régi par la Saskatchewan Development Union et le vice-chef Lonechild y travaille activement. Nous mettons tout en œuvre pour que les homologues fédéraux et provinciaux créent des partenariats et échangent.
Ce sont quelques-unes des mesures que nous avons prises dans la province pour favoriser le développement de la main-d'œuvre. Je suis désolé de cette longue intervention, monsieur le sénateur.
Le président : Les gens de métier se lancent souvent en affaires, qu'ils soient Autochtones ou non, et ils en tirent une certaine fierté qui peut favoriser le développement économique dans leur milieu.
Le sénateur Hubley : Vous venez de parler d'un sujet qui à mon avis est vraiment important pour tous les Canadiens, et c'est celui de l'éducation. On a dit, au cours de nos audiences, que l'éducation est en fait la clef du développement économique et que c'est le meilleur investissement que n'importe quel gouvernement peut faire pour assurer l'avenir de sa population et de son pays. Il y a de nombreux modèles à cet égard. En Irlande, par exemple, des efforts concertés ont été faits pour financer l'enseignement postsecondaire afin de redresser la situation économique, et l'objectif a été atteint au centuple.
Selon vous, quel rôle le gouvernement fédéral devrait jouer dans ce domaine? Il ressort de la plupart des exposés qu'il y a une pénurie de travailleurs spécialisés et que le perfectionnement professionnel est nécessaire. Je pense que nous abordons le problème sous le mauvais angle. Tout cela devrait faire partie du système d'éducation. Il ne faut pas attendre de constater que nous avons besoin de travailleurs dans tel domaine pour former des gens et, pour cela, il faut trouver du financement et des partenaires.
Il y a deux mots à bannir de notre vocabulaire quand nous parlons du système d'éducation ou de nos jeunes, et ce sont les mots « échec » et « décrocheur ». Nous ne faisons pas notre travail si nous les utilisons.
Pouvez-vous nous donner une idée de ce que devrait être, d'après vous, la contribution du gouvernement fédéral à ce sujet?
M. Gladue : C'est une bien vaste question. Jai parlé tout à l'heure de l'enseignement de la maternelle à la douzième année dans les réserves. Les écoles sont financées en fonction du nombre d'élèves et, quand la population diminue, le financement est réduit. En même temps, elles doivent affronter la concurrence des écoles hors réserve pour le recrutement des enseignants, et elles se retrouvent parfois avec du personnel moins compétent.
Le gouvernement fédéral peut examiner les politiques à ce sujet et envisager une stratégie pour examiner ce qui se passe dans le système d'enseignement hors réserve. L'infrastructure est aussi un problème. Il y a beaucoup d'écoles très modernes dans les réserves, qui peuvent avoir coûté 12 millions de dollars dans certains cas mais, malheureusement, bien souvent elles sont à moitié vides. Rien ne devrait empêcher un étudiant de la province de fréquenter une école hors réserve. Je pense que nous visons le même objectif, surtout au sein d'une petite province comme la Saskatchewan.
Il y a des partenariats au sein des districts scolaires de la province en raison de la façon dont la loi est faite. Ces partenariats peuvent discuter de coûts et d'infrastructure. Les gouvernements fédéral et provincial peuvent agir et le dialogue est nécessaire. La politique du gouvernement fédéral limite le rôle des partenariats.
Toujours concernant l'école primaire et secondaire, on peut examiner les besoins en main-d'œuvre et comment l'école peut y répondre, surtout à partir de la sixième année à la douzième année. Cela rejoint les propos de M. Lendsay sur l'enseignement des métiers à l'école. La province s'est engagée à prendre des mesures à ce sujet dans certains centres urbains. Je crois qu'on peut aussi agir en partenariat dans les réserves parce que bien des membres des communautés auxquelles j'ai parlé pensent qu'il faudrait enseigner des métiers à l'école et ce qui est fondamental pour la main- d'œuvre.
Nous avons déterminé les éléments clés pour la main-d'œuvre en Saskatchewan, et c'est à partir de là que nous avons élaboré nos programmes économiques, qui sont surtout liés au secteur des ressources et aux métiers. Nous sommes inquiets parce que beaucoup de jeunes gens quittent la province et, si nous ne pouvons pas les retenir, l'économie de la Saskatchewan et de l'Ouest du Canada va sûrement en souffrir. Je pense que le gouvernement fédéral peut contribuer financièrement et stratégiquement à l'enseignement dispensé aux niveaux primaire et secondaire.
M. Lendsay : Il faut d'abord nous demander à quoi doivent correspondre nos normes d'enseignement. Je pense que ce sont les normes internationales qui devraient nous servir de référence. Celles du Canada perdent du terrain. Je crois qu'il faut examiner les normes établies par les pays de l'OCDE en matière d'éducation. Vous avez parlé de l'Irlande, et je pense que c'est un très bon exemple d'investissement sur 20 ans. Le pays s'effondrait et le ratio de sa dette par rapport au PIB était l'un des plus élevés au monde.
Je recommanderais que le gouvernement fédéral investisse dans l'éducation. Les fonds qui y sont réservés dans le budget fédéral diminuent chaque année partout au Canada. On a choisi de réorienter une bonne partie de ces sommes dans les domaines de la santé et de la défense. Le gouvernement fédéral devrait sérieusement songer à investir davantage en éducation.
M. Gladue a parlé du programme scolaire. Je pense qu'il faut innover à ce sujet et tenter des expériences dans les écoles et les établissements d'enseignement autochtones des villes et des réserves pour commencer à enseigner des métiers et à offrir des programmes d'apprentissage dès la septième année. On l'a fait au Danemark dans des écoles qu'on dit axées sur la production. L'orientation des étudiants ne dure pas éternellement; elle permet de proposer des choix aux jeunes, qui peuvent en faire d'autres ou réorienter leur carrière plus tard.
Nous devons nous demander comment intégrer les matières scolaires et les connaissances de l'industrie dans le système d'éducation, en plus d'utiliser la technologie de l'information. Nous devons examiner les rôles des gouvernements fédéral et provinciaux. Nous avons confié la responsabilité de l'éducation et de la formation aux provinces, mais nous avons toujours des défis nationaux à relever. Il y avait des normes nationales auparavant qui assuraient une meilleure cohésion dans le domaine. Quand un employeur embauchait quelqu'un qui avait une douzième année, il savait à quoi s'attendre. Ce n'est plus le cas maintenant. L'interaction entre les gouvernements fédéral et provinciaux en matière d'éducation et de formation doit être réexaminée et faire partie du programme national sur la productivité.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur Gladue, vous avez parlé de deux programmes de votre ministère qui avaient été mis sur pied récemment pour aider plus d'Autochtones à se lancer en affaires. Reconnaît-on que les entreprises privées autochtones peuvent appartenir non seulement à des bandes mais aussi à des particuliers? En Saskatchewan, beaucoup d'activités sont réalisées, comme à La Ronge et à Meadow Lake, par la bande qui fait des affaires au nom de la collectivité. Dans d'autres régions du pays, il y a plus de particuliers qui se lancent en affaires. Je sais que c'est bien différent. J'ai toujours pensé que les entreprises détenues par la bande permettaient aux Autochtones de faire des affaires, mais pas nécessairement de la façon la plus efficace. C'est comme un comité qui réalise une étude. Ce n'est jamais aussi efficace que si c'est seulement une ou deux personnes qui la font. Je me demande si votre ministère est conscient de la différence entre les petits entrepreneurs privés et les sociétés collectives?
M. Gladue : Notre programme s'adresse aux particuliers. Les conseils tribaux de La Ronge, de Meadow Lake et de Prince Albert, par exemple, sont associés à de gros projets régionaux. Ces projets permettent à des particuliers de présenter une demande de financement dans le cadre de notre programme. Nous ne pouvons évidemment pas financer des projets d'un million de dollars; ces projets sont présentés à EAC, qui est une de nos partenaires. Elle peut décider de nous en confier une partie. Nous mobilisons nos ressources le plus possible, mais ce sont surtout des particuliers qui nous présentent des demandes, et c'est souvent après avoir participé à des projets régionaux plus importants au sein d'organisations comme celles dont vous avez parlé, monsieur le sénateur.
Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais vous remercier, messieurs, d'être venus nous rencontrer et de nous avoir éclairés sur certaines des mesures à prendre. J'espère que le gouvernement fédéral va tenir compte du rapport que nous allons produire le plus rapidement possible.
M. Lendsay : Richard et moi avons un cadeau pour vous tous. Le gouvernement de la Saskatchewan nous a aidés à préparer une brochure ayant pour titre Guiding Circle. Cette brochure permet aux jeunes et aux adultes de découvrir les choix de carrière qui pourraient leur convenir. Elle a été rédigée avec la collaboration de chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique, Norm Anderson, Gray Poehnell et Rod McCormick, et elle a un succès retentissant. Notre bulletin raconte, entre autres, que cette brochure a aidé une mère aux prises avec son enfant autiste, un sans-abri à trouver un emploi et des jeunes à s'inscrire à l'université. Nous vous l'offrons pour que vous la donniez à vos enfants et à vos petits-enfants. Elle s'adresse aux Autochtones et aux non-Autochtones, et nous aimerions que vous nous fassiez part des commentaires qu'elle suscitera.
Cette brochure est maintenant vendue dans sept pays. Nous avons donné de la formation en Australie et ce pays veut l'adopter comme outil pour ses Autochtones. Cependant, je ne peux pas convaincre le ministère des Affaires indiennes de la distribuer dans toutes les écoles du Canada. Voilà qui montre le manque de coordination qui existe ici. J'y vois un lien avec l'alcoolisation fœtale dont a parlé plus tôt Mme Meadmore. Il faut des meilleurs mécanismes de coordination.
Au nom du gouvernement de la Saskatchewan et du Conseil autochtone des ressources humaines, nous allons vous remettre une brochure à chacun d'entre vous.
Le président : Nous vous remercions.
La séance est levée.