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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 6 - Témoignages du 28 septembre 2006 - Séance de l'après-midi


THUNDER BAY, le jeudi 28 septembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 13 h 29 pour étudier la participation des peuples et entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada, et en faire un rapport.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones est autorisé à étudier la participation des peuples et des entreprises autochtones aux activités de développement économique au Canada et à en faire rapport. Nous sommes heureux d'être ici à Thunder Bay.

Nous avons un groupe constitué de M. Charlie Lauer, sous-ministre adjoint, ministère des Richesses naturelles de l'Ontario, de M. Dave Laderoute, gérant de l'équipe de la région de Thunder Bay du ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario, et de Mme Lesley Stefureak, conseillère en politique sur les questions autochtones auprès de FedNor.

Lesley Stefureak, conseillère en politique sur les questions autochtones, FedNor : Je remplace Rob Stinchcombe.

Charlie Lauer, sous-ministre adjoint, ministère des Richesses naturelles de l'Ontario : Je vais présenter certaines diapositives qui débutent par une présentation du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario. Le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario est l'intendant des forêts, des pêches, de la vie sauvage, des parcs provinciaux, des terres de la Couronne et des eaux de la Couronne en l'Ontario. L'Ontario est constituée à 87 p. 100 de terres de la Couronne. Certaines autres provinces pourraient avoir des ministères différents pour gérer chacun de ces secteurs; par exemple, un ministère qui traite uniquement de la forêt ou un ministère qui traite uniquement de la pêche, de la vie sauvage et des parcs. En Ontario, ils sont combinés dans un seul ministère, le ministère des Richesses naturelles. Notre vision, c'est un environnement sain grâce au développement durable.

Notre ministère doit faire face à un certain nombre de défis et en ce qui concerne le sujet discuté ici aujourd'hui, il arrive souvent que la capacité et le financement des collectivités autochtones soient des obstacles pour mobiliser et travailler efficacement avec les promoteurs ou le gouvernement à l'élaboration de projets. Deuxièmement, les vues divergentes entre le gouvernement et les Premières nations sur la nature et la portée des droits existants ou sur les questions de compétence nous font souvent dévier de notre objectif qui est d'essayer de cerner certaines occasions de développement économique. Souvent, la discussion dérape et se transforme en un débat sur les droits. Un troisième défi pour nous, c'est que l'approche uniforme ne permet pas toujours de combler les besoins des collectivités autochtones très diverses et des ressources naturelles. Il s'agit d'une province énorme dans l'axe nord-sud. Nous avons des collectivités éloignées, nous avons des collectivités dans la partie sud développée, et la base de ressources est très différente dans ces deux endroits.

Les quelques pages qui suivent illustrent certains succès que nous avons eus en travaillant avec les Premières nations sur des occasions de développement économique. La Stratégie d'utilisation des ressources forestières de Whitefeather a été réalisée avec la Première nation Pikangikum, qui vit dans le nord-ouest de l'Ontario. Il s'agit du tout premier processus de planification de l'utilisation des terres dirigé par la communauté à avoir été réalisé avec une collectivité des Premières nations en Ontario. Grâce à une série de journées portes ouvertes et au travail avec le grand public, les groupes environnementaux et l'industrie, la collectivité, en collaboration avec le MRN, a élaboré une stratégie d'utilisation des terres pour leur collectivité. Cette stratégie définit les endroits où il y aura des parcs et des zones protégées, où il y aura des occasions de développement, qu'il s'agisse du secteur minier ou du secteur forestier, où des activités touristiques pourraient avoir lieu et où des corridors d'accès pour les routes se situeraient. Cette stratégie couvre des domaines culturellement importants qu'il faut protéger. Nous avons élaboré une stratégie d'utilisation des terres comme base à partir de laquelle nous allons pouvoir aller de l'avant avec les occasions de développement économique.

Le second succès est le Conseil Anishinabek-Ontario sur la gestion des ressources. Il s'agit d'un organisme de l'Union of Ontario Indians, qui est un organisme régi par un traité et qui représente les collectivités de Robinson- Huron et de Robinson-Supérieur. Ce groupe de discussion de haut niveau traite de questions étendues et partage l'information. Il n'est pas conçu pour répondre à un problème particulier au niveau d'une collectivité particulière. Si nous voyons le même genre de problème survenir dans un certain nombre de collectivités, nous allons discuter de certaines solutions qui pourraient être profitables à leurs collectivités membres partout dans la province.

Le troisième élément est l'Anishinabek-Ontario Fisheries Resource Centre. Souvent, lorsqu'on traite des occasions de développement économique avec les Premières nations, il y a beaucoup de controverse sur la nature des données biologiques et de l'information qui est disponible. Parfois, on est préoccupé par le fait que quelqu'un pourrait ne pas croire les chiffres que quelqu'un d'autre avance à la table de discussion. Dans ce cas, le gouvernement de l'Ontario a accordé des fonds au Fisheries Resource Centre qui emploie des biologistes et des techniciens des Premières nations. À la demande d'une collectivité des Premières nations, ces gens viennent sur place, font le travail de recherche sur les pêches et produisent leurs propres données, de sorte que lorsqu'ils viennent à la table, ils pourront avoir confiance dans les chiffres et ne seront pas obligés de croire que les chiffres présentés par quelqu'un d'autre sont ceux qu'ils doivent utiliser.

L'élément suivant sur la liste concerne les ententes relatives à la pêche commerciale. Nous avons de nombreuses ententes de ce genre partout dans la province, pour lesquelles nous avons travaillé avec l'industrie de la pêche commerciale. Souvent, le gouvernement a acheté des quotas de pêche commerciale à des non-Autochtones pour les remettre à des Autochtones afin accroître leurs chances de point de vue économique.

L'élément suivant concerne les ententes de piégeage commercial. Nous avons des ententes de piégeage avec tous les principaux organismes régis par un traité de l'Ontario : Nishnawbe-Aski Treaty no 9, Grand Council Treaty no 3 et l'Union of Ontario Indians. Ces organismes assurent tous les services administratifs et toutes les fonctions administratives liés à l'industrie du piégeage, comme la délivrance des permis, les programmes d'éducation concernant le piégeage, le travail avec nos gens pour la délimitation des saisons et des quotas et l'attribution des territoires de piégeage.

La Loi sur les évaluations environnementales de l'Ontario oblige le MRN, dans le cas des activités forestières, à négocier et à travailler avec les peuples autochtones pour trouver des occasions qui seraient le plus profitables pour eux en raison des activités de gestion forestière en Ontario. En 1986, les membres des Premières nations ont récolté 100 000 mètres cubes de bois. En 2003, cette attribution a été portée à plus de 2 millions de mètres cubes et ils récoltent maintenant plus de 600 000 mètres cubes de ce bois. Voilà un autre succès.

L'élément suivant traite de l'emploi pour les jeunes Autochtones. Le programme de formation de gardes forestiers des Premières nations est un programme coopératif faisant intervenir les collèges, l'industrie et le gouvernement. Cela fonctionne comme un camp d'été. Il s'agit d'un campement où les Autochtones travaillent dans différentes activités liées aux ressources naturelles pendant l'été et apprennent des choses à ce sujet. Nous avons maintenant quatre camps dans le Nord de l'Ontario et plus d'une centaines de jeunes participent à l'initiative. La véritable prime, c'est que nous commençons à voir des jeunes diplômés de cette initiative s'inscrire à des programmes de développement des ressources au niveau collégial et universitaire. Cette initiative constitue un véritable avantage pour bâtir des capacités pour l'avenir.

Un autre succès est l'Eagles Earth-Nagagamisis Signature Site, qui est une coopérative, avec la participation du MRN et de Premières nations. Cette coopérative a abouti à la création d'installations touristiques d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

L'énergie hydroélectrique, l'engouement pour les énergies renouvelables et la promotion de nouveaux projets de développement hydroélectrique sont des questions importantes à l'ordre du jour de l'Ontario. Notre stratégie de libération d'emplacements hydroélectriques comporte des dispositions prévoyant une pondération préférentielle dans le cas des promoteurs qui recherchent activement à établir des partenariats avec les Autochtones.

Le dernier élément sur cette liste de succès est le programme fédéral-provincial CORDA dans lequel le Canada et l'Ontario ont investi chacun 500 000 $ pour aider à promouvoir les activités liées au développement des ressources.

En termes de développement économique, le premier ingrédient du succès, c'est de se concentrer sur des solutions pratiques et réalistes. Lorsque nous nous concentrons sur les choses sur lesquelles nous avons prise et que nous travaillons et discutons ensemble, et que nous laissons de côté le débat sur les droits et les questions de compétence, nous pouvons connaître du succès en matière de développement économique. Souvent, un des facteurs clés, c'est que nous pouvons confier les autres questions à une autre table de discussion. C'est un facteur clé. De toute évidence, les Premières nations veulent continuer de discuter de ces questions, mais lorsque nous asseyons de traiter uniquement des aspects économiques, il est bien de pouvoir compter sur une autre table de discussion.

L'autre ingrédient, c'est de cerner les intérêts et les besoins des collectivités. Notre expérience nous révèle que l'on obtient les meilleurs résultats au niveau local. Nous avons 25 bureaux de district répartis partout dans la province et les gens au niveau local ont des contacts réguliers et informels avec les membres des Premières nations. Ces gens ont tissé des relations personnelles et créé un certain lien de confiance et finissent par comprendre les besoins de la collectivité. Nous constatons que c'est au niveau local que nous avons le plus de succès.

Le troisième ingrédient de la liste, c'est de trouver des intérêts, des valeurs et des objectifs communs. Lorsque nos gens établissent une relation, ils trouvent un terrain d'entente commun au niveau de la conservation et de la protection des terres. Ils comprennent qu'il y a un intérêt mutuel à vouloir assurer une bonne intendance des ressources tout en reconnaissant le caractère souhaitable de la croissance économique. Nous avons eu un très bon succès lorsque nous avons trouvé ces domaines d'intérêt mutuel.

Les deux derniers ingrédients du succès comprennent la nécessité de fournir des ressources appropriées aux collectivités autochtones pour les aider avec cette capacité. Nous devons concentrer l'attention sur cette question. Le dernier ingrédient, c'est que nous avons besoin d'une coordination et d'une collaboration au niveau fédéral et provincial pour faire en sorte que les initiatives de développement économique se déroulent en douceur.

Dave Laderoute, gérant de l'équipe de la région de Thunder Bay, ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario : Merci de l'occasion que j'ai de prendre la parole aujourd'hui. Je représente le ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario.

Comme l'indique le nom de notre ministère, nous nous occuperons de deux secteurs d'activité principaux; nous avons le développement du Nord, pour lequel le développement économique est une partie importante, et nous avons les mines. Ces deux secteurs d'activité sont distincts, mais ils relèvent tous les deux du même ministère. Comme l'a indiqué M. Lauer, dans d'autres provinces, vous pourriez constater que ces secteurs d'activité sont organisés d'une manière légèrement différente.

La partie de notre ministère qui s'occupe du développement du Nord a pour mandat de mener ses activités dans le Nord de l'Ontario. Le Nord de l'Ontario est défini comme la région située au nord de Muskokas. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas très bien la géographie de l'Ontario, cela représente 90 p. 100 du territoire de l'Ontario. C'est le seul organisme du gouvernement de l'Ontario qui est effectivement organisé sur une base régionale. Le Nord de l'Ontario, bien qu'il s'agisse d'un territoire très, très vaste, ne compte, en fait, que 6 p. 100 de la population de la province, soit tout juste un peu plus de 800 000 habitants, dont 80 000 sont des Autochtones, lesquels représentent 4,3 p. 100 de la population de la province. Bien que cette région représente la plus grande partie de la masse terrestre de la province, elle ne représente qu'une très petite proportion de sa population. Et bien que la population soit très dispersée, elle représente une grande proportion de la population autochtone de la province. Ce chiffre est fondé sur les données du recensement de 2001 et il est approximatif, parce que le taux de participation des Autochtones au recensement n'est pas nécessairement très élevé. De manière anecdotique, j'ai un employé qui est un ancien conseiller de bande d'une Première nation du Nord de l'Ontario qui me dit qu'il estime que le taux de participation de sa collectivité au recensement est de l'ordre de 10 p. 100.

La diapositive no 3 décrit nos secteurs d'activité et le travail de notre division qui s'occupe du développement du Nord. Nous concentrons nos efforts sur le soutien du développement économique dans le Nord de l'Ontario et nous participerons à des activités comme l'infrastructure et le transport public par l'intermédiaire de la Commission de transport Ontario Northland.

Le secteur minier de notre ministère gère toutes les concessions minières de l'Ontario. Cette partie de notre ministère couvre, en fait, la totalité de la province pour ce qui est des mines et appuie très certainement les investissements dans le domaine minier et dans le développement des ressources minérales de la province.

Il y a une interaction considérable entre notre ministère et le ministère des Ressources naturelles du Canada. Peut- être qu'une manière pratique de voir cela, c'est que notre division des mines gère tout ce qui se trouve dans le sous-sol rocheux de la province, tandis que Ressources naturelles Canada gère tout ce qui se trouve au-dessus de ce sous-sol rocheux. Il s'agit probablement d'une bonne manière d'établir une distinction générale entre les deux ministères.

La diapositive no 4 illustre les activités d'exploitation des minéraux et certains des activités avec des références particulières aux peuples autochtones. Nous travaillons certainement en étroite collaboration avec nos partenaires provinciaux, par exemple, le ministère des Richesses naturelles et notre Secrétariat des affaires autochtones de l'Ontario. Nous administrons des programmes et des services généraux d'exploitation des minéraux. Nous avons des géologues qui tentent de comprendre la géologie de la province et nous communiquons cette information à l'industrie minière. Nous avons des gens qui administrent les concessions minières de la province, c'est-à-dire le jalonnement des claims et leur administration.

Nous avons une stratégie d'exploitation des minéraux qui comporte des recommandations et des engagements précis qui s'adressent aux peuples autochtones de la province. En ce qui concerne l'engagement au niveau communautaire et les protocoles de collaboration, nos gens de la division des mines et des minéraux s'efforcent véritablement de communiquer et d'établir des relations avec les peuples autochtones et les collectivités des Premières nations dans la province. Nous avons mis sur pied des groupes de discussion pour donner aux Autochtones l'occasion d'interagir avec les spécialistes de l'industrie minière.

La diapositive no 5 traite de l'enveloppe plus large du développement économique. Encore une fois, nous administrons une gamme étendue de programmes et de services en matière de développement économique général, et nous le faisons en partenariat avec d'autres ministères provinciaux comme le ministère du Développement économique et du Commerce et le ministère du Tourisme. Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos collègues fédéraux de FedNor.

Lorsque nous discutons de développement économique autochtone, nous avons des exemples avec notre conseiller en développement du Nord pour le Grand Nord. Le Grand Nord est défini par la limite de l'exploitation forestière commerciale dans la province. Ce sont presque exclusivement des Autochtones qui peuplent cette région. Ils vivent dans les collectivités éloignées qui, typiquement, ne sont accessibles que par la voie des airs ou par des chemins praticables l'hiver. La densité de population est faible et cette région fait l'objet d'un intérêt accru pour ses ressources et ses valeurs environnementales.

Nous nous occupons d'une variété d'autres activités précises liées au développement économique autochtone. Notre Fonds du patrimoine du Nord de l'Ontario est un organisme de financement pour le Nord de l'Ontario qui, depuis octobre 2003, a investi plus de 11 millions de dollars dans 60 projets liés spécifiquement au développement économique autochtone. Un grand nombre de ces partenariats se font avec FedNor.

Nos Conseils de développement du Nord sont des organismes qui ont été créés pour conseiller le ministre du Développement du Nord et des Mines sur les questions touchant le Nord. Ils comprennent une part importante de développement communautaire et économique autochtone.

La diapositive no 6 traite des défis auxquels nous faisons face dans ces secteurs d'activité dans la province. Certaines de mes observations feront écho aux propos de M. Lauer. La communication et la compréhension mutuelle constituent un défi en soi parce qu'un fossé culturel sépare les non-Autochtones et les Autochtones. Nous travaillons très fort pour essayer de combler ce fossé.

Nous constatons que la capacité des Autochtones et des Premières nations de participer à des activités de développement économique peut être limitée. Pour vous donner en exemple, embaucher un consultant pour réaliser une étude de faisabilité ou pour aider à élaborer un plan d'affaires peut être une affaire coûteuse et peut compromettre la capacité des Premières nations d'entreprendre un projet. La province tente de régler des questions de relations non résolues et se concentre sur la participation des Autochtones dans les décisions qui influent sur leur vie.

Nous constatons qu'il est important de comprendre les attentes de la collectivité. Cela ne s'applique pas uniquement aux collectivités autochtones mais également aux collectivités non autochtones. Si une collectivité ne comprend pas un projet de développement minier, ou forestier, ou touristique, elle pourrait se créer des attentes non réalistes à l'égard du développement en question. M. Lauer a également parlé de cette question; les rôles et les responsabilités respectives des gouvernements fédéral et provincial peuvent parfois être compliqués et, à l'occasion, peuvent représenter un véritable défi.

Finalement, des vues divergentes sur les questions de compétences et les droits peuvent faire déraper les discussions. Ce qui débute comme une discussions sur un projet centré sur un aspect particulier de développement économique peut dévier pour devenir une discussion sur les droits et les compétences.

Nous avons tiré des leçons intéressantes et très utiles. Une communication réelle mène à une consultation éclairée. C'est très important. La communication doit être entreprise tôt dans le cas de n'importe quel développement particulier et elle doit être soutenue. Il est certain que les choses deviennent plus faciles au fur et à mesure que la relation croît. Il est important de cultiver les relations. Nous précisons que les relations doivent concerner les gens et les collectivités et non pas seulement les organismes. Le gouvernement et le secteur privé ont parfois tendance à vouloir traiter avec un organisme ou un organe quelconque, mais nous trouvons que les relations les plus productives sont celles qui sont centrées sur les gens et les collectivités.

Le développement des capacités est nécessaire des deux côtés, non pas seulement pour les collectivités autochtones, mais également pour le gouvernement et pour le secteur privé pour qu'ils soient en mesure de participer collectivement à des activités de développement économique. Il est très important de prendre des engagements et de les honorer, parce que cela aide à régler la question des attentes de la collectivité.

Enfin, il est important d'être patient et de ne pas abandonner. En cours de route, tout le monde fera des erreurs, à l'occasion, mais il faut comprendre que dans nombre de cas, le progrès sera fera par étapes; il se fera, mais pas nécessairement aussi vite que tout le monde le souhaiterait.

Dans la dernière diapositive, nous suggérons que les investissements dans l'infrastructure de la collectivité, et particulièrement dans les routes utilisables en hiver ou en toute saison, sont importants pour soutenir le développement économique dans le Grand Nord.

L'aide permettra aux collectivités de participer au développement économique. Cette aide comprend un financement pour renforcer les capacités, pour s'impliquer et affecter les fonds au développement.

Nous pensons que l'investissement dans l'enseignement des Autochtones, surtout de la garderie à la douzième année, est particulièrement important. Il est important d'investir dans le développement des compétences pour aider les Autochtones à participer aux activités de développement. Un rapport récent du Caledon Institute traite des réalisations des Autochtones dans l'enseignement postsecondaire.

Mary Ellen Ripley, gestionnaire intérimaire de prestation des programmes pour le Nord-Ouest de l'Ontario, FedNor : Monsieur le président, c'est un plaisir d'être ici cet après-midi. Permettez-moi de vous présenter les excuses de Rob Stinchcombe, le gestionnaire de l'unité et du secteur du Nord-Ouest. Il y a eu un décès dans sa famille cette semaine. Il se réjouissait à l'idée de participer à cette discussion ouverte sur notre collaboration avec les peuples autochtones et d'autres organismes de financement pour promouvoir le développement économique viable au sein des collectivités. Lesley Stefureak va parler en détail de nos politiques.

Mme Stefureak : Je suis à FedNor depuis cinq ans et je m'occupe surtout de la prestation de programmes et, maintenant, de l'élaboration des politiques pour les affaires autochtones. Auparavant, je travaillais dans le territoire de la nation Nishnawbe-Aski, vous remarquerez donc que je m'en sers pour donner des exemples.

Au nom de FedNor, je vous remercie pour l'occasion de faire le point sur les activités de FedNor et sur les diverses initiatives auxquelles nous avons participé. Je serai brève et j'espère qu'il y aura beaucoup de temps pour les questions ans plus tard.

Nous faisons partie de Industrie Canada et sommes responsables du développement économique dans le Nord de l'Ontario. Nous sommes présentement responsables de la prestation de trois programmes : le Fonds de développement du Nord de l'Ontario, le Fonds de développement de l'Est de l'Ontario et le Programme de développement des collectivités. Puisque c'est ce qui vous intéresse, je m'étendrai surtout sur le Programme de développement des collectivités et le Programme de développement du Nord de l'Ontario. Je répondrai avec plaisir à toute question concernant le Fonds de développement de l'Est de l'Ontario, s'il nous reste du temps.

Le programme de développement du Nord de l'Ontario comprend six domaines essentiels dans notre plan d'entreprise : le développement économique des collectivités, l'innovation et la technologie, les télécommunications, l'infrastructure et les applications, le commerce et le tourisme, le capital humain et le financement des entreprises. Au cours des cinq dernières années, pour les projets autochtones, nous avons eu l'occasion de nous associer et de contribuer un montant d'environ 52 millions de dollars en ciblant ces six domaines. M. Lauer a parlé de la stratégie d'utilisation des ressources forestières de Whitefeather. FedNor a été un partenaire pendant les six ans qu'a duré cette stratégie. C'est avec la Première nation Pikangikum que ce projet a commencé à se développer et à évaluer le potentiel forestier de la région de la forêt de Whitefeather. Cette initiative s'est développée au point où la stratégie de l'utilisation des terres, tel qu'indiquée, a été approuvée par le ministère des Richesses naturelles et continue à se développer en vue d'obtenir un permis forestier durable. C'est un bel exemple d'une Première nation adoptant une approche développement de la collectivité. Elle a une vision, elle utilise vraiment l'investissement et fait participer des partenaires des gouvernement fédéral et provincial et du secteur privé pour concrétiser cette vision.

La participation de la collectivité dont l'objectif est la viabilité économique pour sa région est un facteur essentiel de l'association de FedNor dans la stratégie d'utilisation des ressources forestières de Whitefeather. Cette Première nation a été particulièrement innovatrice en s'associant à une autre Première nation, la nation Wabigoon Lake Ojibway, en vue de planifier la production et la commercialisation de produits forestiers à valeur ajoutée. Elles visent surtout sur un permis forestier et étudient particulièrement la diversification des possibilités qu'elles envisagent. Nous sommes heureux d'appuyer, et de continuer à appuyer, la réussite constante de la mise en œuvre de cette initiative.

FedNor a fait un autre investissement à long terme avec la Première nation Kasabonika Lake pour renouveler son économie liée à l'exploitation de ressources minières. Cette Première nation est située sur une ceinture de roches vertes et son territoire traditionnel est reconnu comme ayant un potentiel minier, allant du minerai de fer aux diamants. La collectivité s'est unie pour développer une vision de renouveau économique fondé sur les possibilités et la valeur rajoutée. FedNor a œuvré avec la Première nation Kasbonika Lake à l'élaboration d'une approche de développement économique fondée sur la collectivité, particulièrement pour soutenir un projet de mentorat visant à inculquer aux Premières nations une expertise qui leur permettra de poursuivre leur entreprise commerciale dans le domaine de l'exploitation des ressources minières. La fourniture de services tels la prospection, le ravitaillement en carburant, l'hébergement pour les prospecteurs, et cetera, en est un exemple. C'est encore un bel exemple d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et la province pour aider une initiative de développement des ressources d'une Première nation. Nous avons collaboré très étroitement à ces deux initiatives avec le ministère des Richesses naturelles et le ministère du développement du Nord et des mines. Nous avons fourni une expertise à la Première nation au niveau des négociations des protocoles d'entente annuels avec des corporations nationales et multinationales comme De Beers et Goldcrop pour qu'elle poursuive ses affaires.

Durant cet exercice financier, FedNor s'intéresse plus particulièrement à la proactivité et à la stratégie des initiatives et des efforts entrepris dans le cadre du développement économique des collectivités, en mettant l'accent sur les trois secteurs prioritaires du programme de DEC qui, il faut l'espérer, confirmera que les avantages économiques et la création de richesses sont visés. La planification stratégique des collectivités, la mise en œuvre des plans des collectivités et l'infrastructure économique des collectivités sont les objectifs prioritaires.

FedNor est chargé d'exécuter les programmes de développement des collectivités dans tout l'Ontario. Il y a 268 sociétés nationales de développement des collectivités; FedNor est responsable de 61 en Ontario. Nous couvrons tout l'Ontario avec 24 sociétés au nord et 37 au sud. Il y a cinq sociétés de développement des collectivités en Ontario au service exclusif des peuples autochtones : le Fonds de développement de la nation Nishnawbe-Aski; Waubetek et Wakenagun sur la côte de la baie James; Tecumseh et Two Rivers. Elles se partagent un mandat pour fournir une planification stratégique des collectivités, un financement remboursable et une gamme de services aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises sociales. Pour chaque dollar investi par la société de développement des collectivités, d'autres sources investissent un montant supplémentaire de 1,38 $. Le programme a connu un grand succès grâce au fonds d'investissement, et bien sûr, nous fournissons le fond de fonctionnement à ces organisations. On entend aussi parlé d'un investissement entre les sociétés de développement des collectivités et les sociétés de financement des Autochtones. Nous collaborons étroitement avec Entreprise Autochtone Canada et coordonnons nos efforts pour donner aux organisations autochtones un plus grand accès aux capitaux. Nos agents collaborent étroitement avec les sociétés de développement des collectivités pour encourager des approches innovatrices visant l'amélioration des initiatives de développement économique. Par exemple, un partenariat entre FedNor et une société de développement autochtone fournit aux Premières nations des ressources additionnelles dans leurs zones d'implantation. FedNor fournit une expertise supplémentaire aux initiatives de développement des ressources telles que tourisme, l'exploitation minière ou l'industrie forestière, mais en offrant un plus grand accès à l'expertise.

En résumé, voici quelques facteurs essentiels de nos programmes et de notre partenariat avec des initiateurs de projet des Premières nations. Premièrement, la collectivité doit participer. Pikangikum et Kasabonika sont deux excellents exemples. La collectivité participe et nous répondons aux besoins qu'elle identifie. Il faut qu'il y ait une volonté de prendre une part de risque élevé en s'associant à des entreprises à but lucratif. S'il s'agit d'un profit à long terme, il doit y avoir la volonté de soutenir cette initiative. La collaboration entre les Premières nations, d'autres gouvernements et des partenaires de l'industrie est un élément essentiel de réussite. Il doit y avoir des relations à long terme entre les Premières nations et les partenaires financiers. D'autres témoins ont mentionné la façon dont le gouvernement fédéral collabore avec le gouvernement provincial.

J'entends parler d'un problème constant, le fait qu'elles ont une vision à long terme, mais qu'elles doivent faire des demandes, année après année, auprès de différents organismes gouvernementaux. Il est difficile de garder l'élan tout en persuadant les autorités que l'investissement est à long terme. Il faut être présent dès le premier jour et peut-être attendre cinq ans pour voir des résultats.

Un soutien permanent à la formation et au renforcement des capacités est un autre problème primaire. Les Premières nations ont une main-d'œuvre très capable et déterminée qui a besoin d'aide pour développer les compétences nécessaires à la réussite des exemples que j'ai mentionnés. FedNor cherche avec des collèges et des universités du nord de l'Ontario des approches innovatrices pour augmenter l'accès à l'enseignement.

Par exemple, FedNor a collaboré avec des partenaires autochtones pour mettre en place Internet à haute vitesse dans les collectivités. C'est quelque chose de très important pour utiliser l'information et les applications de la technologie des communications et assurer la capacité au niveau de la collectivité. Il y a une vraie lacune à ce niveau. Ces possibilités à long terme existent, la formation doit commencer dès aujourd'hui et nous avons besoin d'aide pour mettre en œuvre ces applications.

En conclusion, FedNor collabore étroitement avec ses partenaires autochtones des Premières nations et à lui de méthode unique en matière de développement économique où l'approche ascendante rejoint l'approche descendante, ce qui assure que nos initiatives nationales sont exécutées en fonction des besoins particuliers des partenaires.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Lauer, je crois comprendre que vous êtes le plus haut représentant du gouvernement de l'Ontario ici présent aujourd'hui.

M. Lauer : Oui.

Le sénateur Sibbeston : Le grand chef adjoint Terry Waboose nous a dit ce matin que les peuples autochtones devaient participer au développement économique. Il nous a dit que pour se développer, ils doivent avoir une compétence reconnue et assurée avec un genre de gouvernance provinciale-territoriale. Il parlait du Nunavut et des réalisations des peuples autochtones dans le cadre du processus des revendications territoriales qui a eu lieu dans les territoires du Nord-Ouest, au Yukon, des peuples comme les Nishnawbe. Il a mentionné les revendications territoriales qui ont fourni des terres et ont assuré le contrôle des ressources et de l'argent. Deuxièmement, il a parlé des droits fonciers reconnus par notre Constitution et confirmés par les tribunaux.

D'entrée de jeu, vous avez dit 80 p. 100 des terres publiques, et ils contesteraient que les terres n'étaient pas forcément toutes publiques, c'est en partie leurs terres. Troisièmement, il a parlé de la volonté d'autonomie gouvernementale.

Dans d'autres régions du pays, les peuples autochtones ont réalisé ces choses et il n'ya pas de reconnaissance plus contemporaine donné par des gouvernements à des peuples autochtones pour leur permettre de construire leur avenir. C'est tout simplement ce qu'ont les non-Autochtones dans notre pays pour réussir.

Lorsqu'ils parlent de ce qui est nécessaire pour leur croissance, leur expansion et leur survie pour l'avenir, est-ce réalisable? Je pose la question parce qu'il est sûr qu'ils devront traiter avec le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario. À votre avis, ces choses sont-elles réalisables ou ne s'agit-il que d'une espèce de souhait qui n'aboutira à rien et qui n'arrivera jamais?

M. Lauer : C'est une bonne question pour commencer. Premièrement, pour que les choses soient claires, oui, je suis le plus haut représentant du gouvernement de l'Ontario présent aujourd'hui. Je suis un bureaucrate, pas un politicien. Comme je l'ai décrit dans mes remarques, nous essayons, dans le système bureaucratique et les lois et ententes en vigueur en Ontario, de faire de notre mieux pour offrir des possibilités de développement économique. Comme je l'ai dit, la question de la compétence fait obstacle. Certains préfèrent la mettre de côté, d'autres non. En tant qu'organisation bureaucratique, nous devons nous conformer à l'interprétation des lois et des politiques en vigueur. Pratiquement, tout l'Ontario est assujetti à un traité. Il y a quelques exceptions, et il y a des revendications territoriales globales en Ontario, mais dans une large mesure l'Ontario est assujetti à un traité. Pour l'Ontario, le traité signifie que la terre a été cédée en échange de certains droits accordés aux Premières nations. C'est dans ce cadre que j'essaie de travailler et nous, en tant que bureaucratie, essayons de travailler et de trouver des ouvertures où nous pouvons créer des possibilités.

J'ai parlé d'un certain nombre de choses, de la pêche commerciale, par exemple; Depuis plusieurs années, nous achetons des quotas de pêche aux pêcheurs non-autochtones et les donnons aux collectivités des Premières nations pour leur permettre de développer des entreprises viables. De même, dans l'industrie forestière, et les nombres l'indiquent, il y a une augmentation de l'attribution des possibilités d'exploitation forestière aux Premières nations. Dans le passé, nous donnions la plupart du bois aux grandes compagnies, et au fil des ans, nous avons essayé de nous éloigner de cette pratique. Nous essayons, dans cela et dans tout ce que nous faisons, d'éviter la question des compétences. Nous essayons de travailler à l'intérieur de ce cadre. Des discussions sont en cours et il y a eu des tentatives dans le passé avec le gouvernement provincial, le gouvernement fédéral et des organisations tripartites pour aborder cette question de manière plus approfondie. Cependant, ce que nous pouvons faire aujourd'hui, c'est de travailler en tenant compte de la situation actuelle en Ontario.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Est-ce que le personnel de votre ministère comprend des Autochtones?

M. Lauer : Oui, il y en a.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel est le pourcentage de femmes?

M. Lauer : Je n'ai pas la réponse à cette question.

Le président : Connaissez-vous le pourcentage d'Autochtones dans vos ministères?

M. Lauer : Je ne sais pas.

M. Laderoute : Au nom du ministère du développement du Nord et des mines de l'Ontario, oui, des Autochtones travaillent aussi au ministère. En fait, un de mes employés est Autochtone. Mais comme monsieur Lauer, je n'ai pas des chiffres précis.

Le sénateur Hubley : Monsieur Lauer, j'aimerais une précision sur la diapositive qui traite de vos réussites. Vous avez parlé du développement de partenariats — le ministère à établi des partenariats dans différents secteurs — et vous avez travaillé dans différents projets. Est-ce que l'un des partenariats et des rapports que vous avez établis là-bas a eu des retombées économiques?

M. Lauer : Oui, absolument, au niveau de la création d'emploi et de l'expansion des entreprises.

Le sénateur Hubley : Est-ce que la pêche commerciale fait partie des secteurs où vous avez enregistré des progrès au niveau du développement économique pour les Autochtones?

M. Lauer : Oui, il y a eu une incroyable croissance de la pêche commerciale faite par les Autochtones en Ontario.

Le sénateur Hubley : Est-ce que les peuples autochtones en ont profité?

M. Lauer : Au niveau de l'emploi et des perspectives économique, je dirais que oui.

Le sénateur Hubley : Avez-vous des chiffres pour le confirmer? Avez-vous fait un suivi ou peut-être est-ce la responsabilité de quelqu'un d'autre?

M. Lauer : Je n'ai pas les chiffres sur moi aujourd'hui, nous avons des chiffres, pas très différents de l'industrie forestière : la quantité de poissons pêchés en kilogrammes et ce genre de choses. Les multiplications n'entrent pas exactement dans le cadre de notre travail, mais nous pouvons vous communiquer ces renseignements, la quantité totale de poissons pêchés, et cetera. Je répète qu'il y aura des multiplicateurs.

Le sénateur Hubley : J'ai une autre petite question. Depuis que nous avons commencé notre étude, nous avons constaté de grandes réussites chez les entreprises autochtones. Nous pouvons indiquer une, deux, trois, quatre, cinq choses qu'ils ont identifiées. La vision est importante. Le leadership doit donner suite à cette vision, cela se fait habituellement en tenant des réunions de la collectivité ou de plusieurs conseils. La reconnaissance du besoin de l'expertise pour concrétiser leur vision signifie quelquefois un recrutement à l'extérieur de la collectivité. Les partenariats étaient probablement très importants. Puis, nous passons à la formation et à l'infrastructure.

Madame Stefureak, votre déclaration m'a donné l'impression que vous étiez peut-être plus proche de l'approche ascendante que l'approche descendante. De quelles installations disposez-vous? Ayant vu le potentiel, où pouvez-vous vous rendre pour avoir tout ce qui est nécessaire à la réalisation du projet ou de l'initiative de la collectivité?

Mme Stefureak : C'est un problème. En tant que responsable de prestation des programmes, dans les deux exemples que j'ai mentionnés, j'encouragerais l'initiateur de projet à réunir tous les partenaires du fédéral, du provincial et de l'industrie pour discuter du projet, de la vision, des partenariats et du résultat final, pour voir qui peut faire quoi.

Ce qu'il y a de bien dans la programmation de FedNor, c'est que nous sommes flexibles la plupart du temps. Nous nous essayons de répondre à tous les besoins, si cela fait partie de nos conditions. Nous avons connu de grands succès au niveau des partenariats avec la province, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et Entreprise Autochtone Canada. Je crois qu'il est important de réunir tout le monde à la même table.

Pour les projets et les possibilités qui risquent de devenir très importants, je recommande que l'initiateur du projet collabore avec tous les organismes de financement possibles si l'occasion se présente au lieu de faire une demande à chaque organisation, ce qui n'est pas facile.

Le sénateur Hubley : On nous a fait part d'une certaine préoccupation concernant — je ne veux pas utiliser le mot discrimination — le scepticisme de la part de groupes autochtones qui aimeraient être mieux accueillis quand ils ont affaire avec les gouvernements fédéral et provincial. Ils semblaient croire que cela faisait obstacle à leur réussite. Pouvez-vous dire quelque chose à ce sujet? Je ne sais pas quel genre de commentaire j'attends, mais je m'attends à que vos soyez sensible au fait que les entreprises autochtones puissent ressentir ce scepticisme et votre rôle pour le dissiper.

Mme Stefureak : Mon rôle, comme celui de mon organisation, consiste à aider la collectivité autochtone par l'entremise des sociétés autochtones d'aide au développement des collectivités. Par exemple, il y a des difficultés à cause de l'étendue de la région en cause. Toutefois, les gens peuvent prendre contact avec les organisations autochtones appuyées par FedNor pour la création d'entreprises ou l'aide à la planification communautaire. Pour les contacts avec les organismes gouvernementaux, nous avons désigné chez nous des personnes-ressources qui s'occupent en particulier des collectivités autochtones et des organisations des Premières nations. Ce sont elles qui reçoivent les appels et les demandes de renseignements. Ensuite, nous faisons de notre mieux de notre côté.

M. Lauer : Comme je l'ai déjà dit, nous avons enregistré nos plus grands succès au niveau local. Nous avons des bureaux partout en Ontario, à Red Lake, Sioux Lookout, Marathon et dans d'autres petites localités proches des collectivités des Premières nations. Nous établissons des relations en vivant et en travaillant ensemble. Avec le temps, la confiance se développe et chasse, nous l'espérons, les sentiments de scepticisme chez ceux qui se présentent.

Le sénateur Peterson : Vous avez dit que les conflits de compétence entravent les efforts de développement économique déployés auprès des Premières nations. Cela s'applique-t-il aussi aux terres traditionnelles?

M. Lauer : Qu'entendez-vous exactement par terres traditionnelles?

Le sénateur Peterson : C'est là où les Autochtones se trouvent, où ils se sont établis, les terres auxquelles ils s'identifient plutôt que les vastes étendues prévues dans les traités, qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement. Le développement a-t-il de plus grands effets que si nous ne faisions quelque chose ici?

M. Lauer : Du point de vue juridique, il y a en Ontario des terres de réserve, qui sont clairement définies, et des terres publiques. Souvent, les Autochtones d'une réserve diront que leurs terres traditionnelles débordent sur les terres publiques. Il n'y a pas de doute qu'ils s'en soucient plus que de ce qui est extérieur à cette zone traditionnelle. Cela fait l'objet d'un débat.

Du point de vue juridique, cependant, on peut dire d'une façon générale qu'en Ontario, les zones traditionnelles ne constituent pas légalement des terres autochtones. Il y a bien sûr des exceptions. C'est un sujet de préoccupation, dont nous voulons évidemment tenir compte dans le processus de consultation et de développement.

Le sénateur Peterson : Je crois savoir que beaucoup de terres de réserve du nord de l'Ontario sont exploitées par le secteur privé. Dans ces régions particulières, encourage-t-on le secteur privé à avoir des contacts avec les Premières nations pour contribuer à la solution du problème, plutôt que de courir le risque de poursuites devant les tribunaux?

M. Lauer : En Ontario, il est obligatoire le faire, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Par exemple, si une entreprise forestière établit un plan de gestion forestière, elle doit se conformer à un processus de planification prescrit. Ce processus exige clairement de consulter les Premières nations et de discuter avec elles des plans de gestion en cours d'élaboration. Notre processus juridique prévoit également des consultations spéciales avec les Premières nations. Si celles-ci ne souhaitent pas participer à ce que j'appelle le processus de consultation ordinaire, nous leur offrons un processus de consultation spécial. L'article 34 des conditions énoncées dans mon exposé impose au ministère ontarien des Richesses naturelles de négocier et de collaborer avec les Premières nations pour leur assurer une part plus équitable des avantages économiques tirés des forêts de l'Ontario. Cela vous donne une idée des dispositions juridiques qui existent dans la province.

Le sénateur Peterson : Pour en revenir aux ressources de base, il est clair que la province en tire des recettes fiscales. A-t-il jamais été question d'en affecter une petite partie aux gens touchés à des fins de développement économique futur?

M. Lauer : Cette question fait constamment l'objet de discussions. Les Premières nations l'ont très souvent soulevée au sujet des forêts, des mines et des autres ressources naturelles. Elles souhaitent un certain partage des recettes ou des avantages tirés des ressources. Jusqu'ici, l'Ontario n'est pas allé jusque là, mais je crois savoir que la question est clairement posée et qu'elle fait l'objet de discussions actives.

M. Laderoute : Permettez-moi d'ajouter, en ce qui concerne le secteur privé, qu'au-delà de la limite d'exploitation commerciale des forêts, dans le nord de l'Ontario, ce sont les activités minières qui prédominent. Depuis un certain nombre d'années, notre ministère a travaillé très fort, en partenariat avec des organisations de l'industrie telles que l'Association des prospecteurs de l'Ontario et l'Association minière de l'Ontario, pour encourager les sociétés minières à établir le plus tôt possible des contacts avec les Premières nations, comme je l'ai dit dans mon exposé, et à maintenir ces contacts. L'Association des prospecteurs de l'Ontario, par exemple, a adopté un code de pratique à l'intention de ses membres. Beaucoup des activités de ces entreprises ne nécessitent pas une évaluation environnementale avant un certain temps, par exemple lorsqu'elles ne font que jalonner une concession minière ou prospecter en procédant à une exploration géologique d'un niveau très bas. Nous avons travaillé très fort pour encourager les sociétés minières à faire des évaluations environnementales. Les entreprises elles-mêmes sont en train de devenir proactives. Ainsi, une mine du nord de l'Ontario a conclu des ententes avec plusieurs Premières nations pour leur fournir de l'emploi, et cetera.

Le sénateur Dyck : Je voudrais revenir brièvement à la question des compétences et des terres traditionnelles qu'ont soulevée mes collègues de ce côté de la table. Vous avez dit que dans certains cas — vous avez mentionné, je crois, l'exemple de l'initiative d'aménagement de la forêt Whitefeather —, vous pouviez mettre de côté les questions de compétence et aller de l'avant. Ce projet a-t-il des caractéristiques très particulières qui ont permis d'avancer? De quels facteurs tenez-vous compte pour décider de mettre de côté les questions de compétence et de réaliser des activités de développement économique?

M. Lauer : En Ontario, l'initiative d'aménagement de la forêt Whitefeather et Pikangikum ont profité d'une situation forestière particulière. Nous avons une ligne est-ouest, située à peu près dans le quart supérieur de la province, au-delà de laquelle aucune activité forestière n'est autorisée, indépendamment de toute évaluation environnementale. La Première nation Pikangikum se trouve au nord de cette ligne. Presque tout le territoire situé au sud de la ligne est réparti en zones faisant l'objet de concessions accordées à des sociétés forestières. Ce qui nous a permis de réaliser un extraordinaire processus d'utilisation des terres au profit d'une Première nation, c'est que ces terres n'étaient pas déjà attribuées à quelqu'un d'autre. Dans les deux tiers de la province qui se situent au sud de la ligne, la plupart des terres ont été attribuées au cours des 100 dernières années à des sociétés forestières ou autres. Dans le cas de Pikangikum, les ressources se trouvaient au nord et n'avait donc pas été attribuées. Nous avons collaboré avec la collectivité. Je peux vous montrer la carte de la zone traditionnelle d'utilisation des terres désignée par la Première nation. Nous avons travaillé ensemble pour définir les parcs et les régions protégées ainsi que les zones de développement. Nous essaierons d'obtenir les permis nécessaires pour que la Première nation puisse exploiter ces zones. La principale caractéristique de ce projet, c'est que les ressources n'avaient pas été attribuées auparavant. Nous pouvons donc agir dans les régions septentrionales. Au sud, c'est plus difficile parce que les ressources sont déjà attribuées.

Le sénateur Dyck : Si nous pouvons louer des terres à des sociétés, n'y aurait-il pas moyen de dire que les terres traditionnelles — ou considérées comme telles du point de vue des Premières nations — appartiennent provisoirement à la Première nation en cause ou font en quelque sorte l'objet d'un bail en permettant l'utilisation?

M. Lauer : En nous basant sur les leçons apprises et les activités réalisées dans le cadre de l'initiative d'aménagement de la forêt Whitefeather, nous examinons les moyens de refaire cette expérience dans d'autres régions de la province.

Le président : Je voudrais remercier les témoins d'avoir répondu à nos questions. Malheureusement, comme je l'ai déjà dit, le temps est notre plus grand ennemi. Nous devons donc passer à autre chose.

Sénateurs, notre témoin suivant est Byron LeClair, agent de développement économique de la Première nation de Pic River.

Byron LeClair, agent de développement économique, Première nation de Pic River : Sénateurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue dans la région du traité Robinson-Supérieur. À mon avis, il est toujours important, lorsque nous avons des visiteurs de l'extérieur, de leur faire savoir que nous sommes dans la région du traité Robinson- Supérieur, dont je suis membre.

Je vous remercie de votre invitation. C'est vraiment un honneur pour moi de m'adresser au comité, un honneur attribuable, je crois, à 20 ans de dur labeur de la Première nation de Pic River et à l'expérience qu'elle a acquise pendant ce temps.

La Première nation de Pic River se trouve essentiellement entre Thunder Bay et Sault Ste. Marie, sur la rive nord du lac Supérieur. Notre nation ojibway compte un millier de membres. Autour de nous se trouvent d'abondantes ressources hydrauliques et forestières ainsi que de bonnes possibilités de développement touristique.

Nos activités de développement économique ont commencé il y a 24 ans, en 1982, avec la création de la Pic River Development Corporation, société de développement communautaire que les membres de la Première nation de Pic River possèdent et exploitent. Nous avons commencé sur une petite échelle. Au cours de notre première année d'activité, nous avons signé un contrat tripartite pour la livraison de bois de chauffage à des usines locales et avons essuyé des pertes d'un demi-million de dollars. Ce fut une leçon coûteuse car il nous a fallu quelques années pour nous rétablir.

Depuis, nos activités se sont développées. Nous avons trois permis durables d'exploitation forestière dans trois régions différentes. Une quatrième région nous a également été attribuée. Au total, la Pic River Development Corporation peut récolter chaque année quelque 200 000 mètres cubes de fibres. Nous possédons en outre deux entreprises de télédistribution, l'une dans la Première nation de Pic River et l'autre à Chapleau, en Ontario. Nous avons été la première collectivité, entre Thunder Bay et Sault Ste. Marie, à avoir un accès Internet à haute vitesse. Nous avons des contrats nationaux et provinciaux de services d'incendie dans le cadre desquels nous fournissons de la main- d'œuvre d'extinction à la province et au Canada. Dans l'ensemble, nous créons et maintenons annuellement environ 200 emplois.

Pour ce qui est de l'aménagement hydroélectrique, nous avons commencé en 1987 avec la centrale de Black River. Elle produit 13,5 mégawatts qui sont vendus au réseau. Elle a été construite dans le cadre des anciennes ententes d'achat d'électricité conclues avec Ontario Hydro avant la déréglementation du marché ontarien.

Il y a ensuite eu la KMG Power Corporation, qui est une centrale de 5 mégawatts. Ces deux projets ont coûté 34 millions de dollars. Les centrales ont été construites et sont actuellement opérationnelles. Nous parlons donc non de concepts et de projets pilotes, mais bien de projets réels et durables.

Notre troisième entreprise, la Begetekong Power Corporation, est une centrale hydroélectrique de 60 millions de dollars qui emploie 75 personnes de la région. Lorsqu'elle sera opérationnelle, elle produira 23,5 mégawatts d'électricité que nous pourrons vendre au réseau.

Ces trois entreprises représentent au total un investissement de 95 millions de dollars qui réduira les émissions de gaz carbonique de 162 000 tonnes par an.

Par suite de notre participation à ces projets, la Première nation de Pic River a établi une source de revenu non gouvernemental à long terme d'une durée de 50 ans et a signé des accords de vente d'électricité d'une durée de 25 ans.

Nous avons pu réinvestir une part de notre revenu dans les besoins prioritaires de la collectivité. Nous avons ainsi établi un refuge pour femmes, notre propre programme de logement et un centre pour les jeunes et avons réussi à maintenir le chômage à zéro depuis quelques années.

Parmi les facteurs qui ont contribué au succès de la Première nation de Pic River, il y a avant tout l'accès aux ressources de la Couronne et, en particulier, l'insistance du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario, depuis 1986, sur la participation des Autochtones.

Le ministère a annoncé aujourd'hui une nouvelle politique de libération et d'aménagement des emplacements d'énergie en eau. D'après cette politique, l'un des premiers critères d'évaluation des propositions est le partenariat avec les collectivités autochtones. Le ministère a fait un excellent travail pour s'assurer que les Premières nations locales tirent parti des installations hydroélectriques établies dans leur territoire traditionnel.

Un autre facteur a contribué au succès de la Première nation de Pic River : les indicateurs ordinaires du marché. En Ontario, des centrales existantes produisant 25 000 mégawatts devront être remplacées dans les 20 prochaines années. Les demandes de propositions de la province favorisent depuis un certain temps l'électricité renouvelable. Notre projet hydroélectrique d'Umbata Falls a été l'un des premiers choisis dans le cadre du nouveau processus de commercialisation. Nous avons été fiers en novembre dernier de signer un contrat avec le ministère ontarien de l'Énergie.

Bien sûr, le partenariat avec beaucoup d'entreprises non autochtones est, pour nous, une nouvelle façon de fonctionner. Nous n'aurions pas eu autant de succès si nous n'avions pas trouvé des partenaires disposés à prendre des risques et à s'adapter aux différences culturelles.

J'ai moi-même grandi dans une réserve où j'ai vécu toute ma vie. Nos partenaires sont de Montréal. Entre nous, il y a, non pas un conflit de cultures, mais plutôt un processus d'apprentissage. Nous n'aurions pas pu entreprendre notre nouveau projet sans un partenaire disposé à accepter cette période d'apprentissage ou d'échange culturel pendant laquelle les deux parties apprennent à se connaître et à se respecter. Nos partenaires ont fait preuve de patience à l'égard des processus de gouvernance des Premières nations.

De plus, les processus fédéraux d'examen environnemental ont récemment été rationalisés. Nous devions auparavant traiter avec plusieurs ministères différents. Grâce à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, ces processus sont plus simples. Nous n'avons à traiter qu'avec un seul organisme. L'Agence coordonne la réaction fédérale à tous nos projets. Cela nous a considérablement aidés.

Dans nos efforts de développement, nous avons dû affronter quelques problèmes. L'un des plus importants — plus tellement maintenant, mais dans un passé récent — est l'incrédulité des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à notre égard et leur incapacité de nous considérer comme des partenaires sérieux dans des projets d'aménagement hydroélectrique. Lors de la planification de la centrale de Wawatay, projet de 24 millions de dollars que nous avions entrepris avec des partenaires de Toronto, nous avions présenté au ministère une demande de financement pour appuyer notre participation au projet. Nous ne demandions que 50 000 $ dans le cadre d'un projet de 24 millions. Vous pouvez constater que c'était vraiment minime.

Je me souviens encore de l'agent d'examen du ministère s'adressant à notre partenaire non autochtone pour lui demander : C'est vrai? Ces gens se tournent toujours vers nos partenaires, vers d'autres que nous, pour demander si la capacité de réaliser le projet est réelle.

Après avoir subi ce processus à trois reprises et avoir produit suffisamment d'électricité pour répondre aux besoins d'une trentaine de milliers de ménages en Ontario, c'est une question à laquelle nous ne devrions plus avoir à répondre. Nous avons démontré, je crois, que les collectivités des Premières nations ont la capacité de réaliser ce genre de projets d'une façon autonome. Il est toujours frustrant d'avoir à traiter avec des ministères dont c'est l'une des premières questions.

Je me souviens également d'un entretien que j'ai eu avec le ministre des Affaires indiennes. Nous avions demandé l'aide du ministère pour racheter la part d'un partenaire dans l'un de nos premiers projets. Le montant demandé n'était pas énorme dans le cadre d'un projet de 24 millions de dollars. Nous avions besoin d'aide pour obtenir 2 millions de dollars qui nous auraient permis de devenir propriétaires à 100 p. 100 du projet en cause. Je peux vous citer la réponse du ministre : «Je ne vous laisserai pas prendre une décision qui est mauvaise pour votre collectivité.»

Nous avons donc perdu cette occasion. Si le ministre et son ministère avaient accepté de nous aider à racheter la part de notre partenaire, notre collectivité aurait obtenu 8,1 millions de dollars en dividendes depuis 1997. Nous aurions pu créer trois emplois permanents et utiliser cet argent pour réaliser d'importants projets économiques sans aide du gouvernement. Notre collectivité aurait pu parvenir à l'autonomie financière et toutes nos activités auraient eu un financement propre.

Nous avons aussi un autre problème dû à la réduction de l'appui fédéral aux projets énergétiques verts autrement que dans le cadre du Programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne. L'ancien gouvernement libéral avait fait une annonce. Nous nous attendions au lancement du programme d'encouragement à la production d'énergie renouvelable, qui aurait favorisé d'autres formes d'électricité renouvelable, comme les petites installations hydroélectriques, la biomasse et les technologies de ce genre.

Troisièmement, la perte de fonds destinés à la formation autochtone en Ontario. Le ministère injecte, chaque année, des centaines de milliers de dollars dans la collectivité pour envoyer des gens à l'université. Au cours des 10 à 15 dernières années, ces gens se sont inscrits à des programmes d'études sociales, commerciales, techniques, des domaines qui nous sont très utiles. Les Premières nations veulent construire des centrales. Or, il faudrait, et c'est ce que je souhaite, que nous puissions ramener dans la collectivité les gens que nous avons formé et les placer à la tête de ces installations qui coûtent plusieurs millions de dollars. Ce n'est pas une tâche facile. Il faut, pour cela, des programmes de formation et de soutien.

Les Premières nations de l'Ontario ont perdu 10 millions de dollars au profit d'autres provinces par suite des résultats du recensement. On m'a laissé entendre que l'excédent fédéral atteindrait près de 40 milliards de dollars : 10 millions de dollars pour former des gens dans des domaines techniques hautement spécialisés qui aboutiraient à des emplois permanents à long terme, ce n'est pas beaucoup. Compte tenu des avantages que cela procure à une collectivité comme la nôtre, il ne devrait pas être trop difficile pour le gouvernement fédéral d'investir une telle somme.

On m'a demandé de formuler quelques recommandations, et c'est ce que je suis en train de faire. J'aimerais que le ministère rétablisse le financement des grands projets de développement économique administrés par Affaires indiennes et du Nord Canada ou Entreprise autochtone Canada. Je ne demande pas que le ministère finance entièrement les projets, mais qu'il nous donne suffisamment d'argent, en plus du financement traditionnel, pour que nous puissions participer au capital social de l'entreprise. Je crois que nous avons démontré que nous sommes en mesure d'emprunter, auprès des sociétés de crédit commercial, une bonne partie des ressources dont nous avons besoin pour construire et exploiter ces centrales.

Par ailleurs, nous attendons impatiemment la mise en œuvre de programmes de protection de l'environnement, comme le programme d'encouragement à la production d'énergie renouvelable qui a été annoncé par l'ancien gouvernement. Nous sommes fiers, en tant que Canadiens, d'assumer des rôles de leadership à l'échelle internationale, à divers niveaux. Nous devons donner le ton dans le domaine de l'environnement.

Je suis au courant du débat que suscite, à Ottawa, l'accord de Kyoto et les principes qui le sous-tendent. À mon avis, investir dans Kyoto ne peut être que bénéfique. Si le réchauffement de la planète est un phénomène réel et que nous ne faisons rien pour le combattre, nous allons tous être perdants. Si le réchauffement de la planète est un phénomène réel, il faut adopter les mesures que prévoit l'accord de Kyoto. Toutefois, et c'est ce qui semble inquiéter les technocrates et les décideurs, si le réchauffement de la planète n'est pas un phénomène réel et que nous investissons beaucoup d'argent et de ressources dans celui-ci, nous aurons contribué à faire de la planète un endroit plus sain, à favoriser l'essor d'industries nouvelles, à faire du Canada un joueur de premier plan au chapitre des technologies des énergies renouvelables. Nous sommes gagnants sur tous les fronts.

Autre point : j'aimerais que l'on mette sur pied un programme de marchés réservés aux entreprises autochtones pour l'achat d'énergie. Le Canada gère les achats d'énergie qu'il fait dans de nombreuses provinces, comme l'Ontario. Acheter de l'énergie des Premières nations est une bonne affaire. Le Canada en a pour son argent, puisqu'il achète déjà de l'électricité par défaut. Lorsque vous achetez votre énergie d'Hydro-Ontario ou de la Ontario Power Generation, l'OPG, vous appuyez les Premières nations. Un tel programme peut être mis sur pied par l'entremise du processus d'appel d'offres de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.

En 2001, nous avons proposé à TPSGC qu'il achète nos certificats verts, notre énergie verte. J'avais, à l'époque, une vision. Je me disais que ce serait merveilleux si, un jour, le premier ministre ou quelqu'un à la Chambre des communes annonçait d'un coup d'interrupteur au reste du monde et à la nation, que l'énergie fournie à la Colline était produite par les Premières nations : de l'énergie produite par des technologies renouvelables, non polluantes, qui sauvent notre planète. Ce serait quelque chose d'incroyable. Notre offre n'a pas été acceptée, mais le principe existe toujours.

Enfin, le Canada devrait rétablir le déficit commercial de l'Ontario. Encore une fois, je pose la question pour la forme : que fait le gouvernement fédéral avec les surplus qu'il enregistre? À quoi servent les contributions que versent les employeurs et les employés à l'assurance-emploi si elles ne sont pas consacrées à la formation? Compte tenu de l'importance de l'excédent, 10 millions de dollars de plus pour l'Ontario ne représente pas une somme énorme.

Dans le même ordre d'idées, le gouvernement du Canada doit cesser de refiler à des tiers ou à des organismes de l'extérieur l'exécution de ses programmes. J'ai constaté — et je parle en connaissance de cause — que les Premières nations ont de plus en plus de difficulté à avoir accès aux programmes de formation financés par l'assurance-emploi qui sont offerts aux autres Canadiens. La pratique qui consiste à confier à des tiers l'exécution des programmes d'assurance-emploi rend encore plus compliquée, dans notre cas, et je peux vous donner un exemple si vous voulez, l'application d'un programme ciblé de subventions salariales.

Voilà qui conclut mon exposé. J'invite tous les gens ici présents à visiter la Première nation de Pic River et à constater, de première main, ce que nous avons accompli. C'est une histoire remarquable que peu de gens connaissent. Ce modèle peut servir d'exemple à d'autres collectivités.

Le président : Est-ce que vos trois projets d'aménagement hydroélectrique ont été financés en partenariat avec des non-Autochtones?

M. LeClair : Oui. Nous avons utilisé trois formules différentes : nous avons formé une société en commandite avec un partenaire — Regional Power, qui appartient à la Métropolitaine, agit comme associé dans le premier projet. Pour le deuxième projet, nous avons formé une société en commandite avec 13 investisseurs indépendants du sud de l'Ontario. Il est difficile de gérer un tel groupe : amener 13 investisseurs à s'entendre n'est pas facile. Dans le troisième cas, nous avons formé une société en commandite avec Innergex, de Montréal.

Le sénateur Sibbeston : Notre comité est en train d'examiner ce que j'appelle le phénomène de la participation autochtone aux activités de développement économique. Nous avons, jusqu'à présent, sillonné l'Ouest du Canada, où nous avons eu l'occasion de voir de véritables exemples de réussite. Or, quand nous essayons de comprendre pourquoi certains Autochtones réussissent et d'autres, non, nous nous rendons compte qu'il y a différents facteurs qui entrent en jeu. Dans certains cas, il y a la proximité des grands centres, comme Vancouver, Squamish et West Bank. Les Autochtones sont situés dans des endroits stratégiques, près des centres urbains. Il y a un autre domaine où les Autochtones se sont bien débrouillés, soit celui de la mise en valeur des ressources, car les revendications territoriales ont été réglées. Par exemple, dans les Territoires du Nord-Ouest, les Autochtones peuvent utiliser leurs ressources financières, de même que le contrôle qu'ils exercent sur les terres et les ressources foncières, à leur avantage. J'aimerais savoir quels sont les éléments qui, dans votre cas, vous ont permis de réussir. Vous pourriez peut-être aborder les facteurs suivants : le leadership, la proximité de la ressource, la proximité des projets d'aménagement hydroélectrique, la réalisation d'une vision.

M. LeClair : Nous avons la chance d'avoir, à Pic River, un conseil stable. Notre chef, avant la dernière élection, a occupé le poste pendant près de 35 ans : c'est lui qui nous a dotés d'une vision. Je lui parle souvent, et il me dit que l'on peut accomplir de grandes choses en partant de rien. Nous connaissons tous ce concept. Il sait comment la collectivité a évolué au cours des 50 dernières années.

Dans le cas de Pic River, nous avons eu à régler des problèmes sociaux, notamment des problèmes d'alcoolisme et de consommation de drogues. J'ai oublié de vous dire que nous avons construit, dans la collectivité, un centre de guérison holistique qui offre des services de soins à l'échelle communautaire et régionale. Comme l'a indiqué mon chef à maintes reprises, il faut être sobre pour pouvoir prendre des décisions. C'est l'une des grandes leçons que nous avons apprise très tôt. De manière générale, bon nombre de nos membres sont sobres depuis 30 ans. Il a fallu franchir ce premier pas pour arriver là où nous sommes aujourd'hui.

La réserve de la Première nation de Pic River couvre une superficie de 800 acres. Elle n'est pas tellement vaste. Toutefois, une fois à l'extérieur de la frontière de la réserve, nous fonctionnons comme n'importe quelle autre entreprise. Nous sommes en mesure d'exercer, à l'intérieur de la province, certains pouvoirs, certains droits qui ont été confirmés par la Cour suprême, et donc de participer à plusieurs projets de mise en valeur des ressources.

Nous avons connu de très gros changements il y a sept ans. Nous sommes situés près de l'un des plus importants gisements d'or du Canada : le site est énorme. En période de pointe, quelque 2 000 personnes y travaillent. À l'époque, aucun des travailleurs ne venait de Pic River. Cette situation a duré pendant 20 ans.

Le fait de rencontrer des dirigeants d'entreprises, de discuter avec eux en tête-à-tête, d'établir les rapports qui s'avèrent nécessaires en affaires, nous a permis de changer les choses. Il a fallu, pour cela, l'arrivée d'un directeur Américain : du jour au lendemain, il a recruté une vingtaine de personnes, grâce aux liens que notre chef et moi avions été en mesure d'établir. L'établissement de relations aide beaucoup.

Nous somme situés dans une région éloignée. Marathon est une petite localité. L'activité économique est axée sur l'exploitation des ressources. La plupart des relations que nous établissons sont précédées d'affrontements. Nous commençons par affirmer que nos droits ont préséance sur ceux des entreprises canadiennes qui cherchent à exploiter les ressources à l'intérieur de notre territoire traditionnel. Par ailleurs, nous comprenons que le gouvernement ne peut cesser de fonctionner, l'industrie non plus, et que des compromis s'imposent à un moment donné. Une fois cette étape franchie, nous sommes en mesure de négocier le partage des recettes ou encore la mise sur pied de programmes de création d'emplois. Il s'agit, pour nous, d'un pas très important.

Les autres Premières nations doivent chercher à éviter les affrontement : elles doivent arriver à des compromis, collaborer avec les entreprises voisines, les collectivités voisines. Ce n'est pas une tâche facile. Il faut du leadership pour y arriver.

Le sénateur Peterson : Merci, monsieur LeClair, de votre exposé. Vous avez fait de l'excellent travail. J'aimerais en savoir un peu plus sur la centrale. Je présume, comme vous avez dit que la réserve n'est pas tellement vaste, qu'elle n'est pas située sur votre territoire?

M. LeClair : C'est exact.

Le sénateur Peterson : Où est-elle située? A-t-elle fait l'objet de demandes de propositions? Est-ce que ces demandes sont rendues publiques?

M. LeClair : Notre premier projet, la centrale électrique de Black River, un projet de 24 millions de dollars, a fait l'objet d'une demande de propositions qui a été diffusée dans l'ensemble de la province. Nous avons commencé à nous y intéresser quand le ministre des Ressources naturelles nous a invités à faire partie d'une commission d'examen chargée de choisir le maître d'œuvre du projet. Notre chef à l'époque, Roy Meaniss, a dit : « Je n'ai pas l'intention d'examiner le projet : j'ai l'intention de le développer. » Nous avons livré concurrence à 15 autres entreprises en Ontario en vue d'obtenir le droit d'exploiter un site qui se trouvait à trois milles de la frontière de la réserve. Nous leur avons livré concurrence et nous avons obtenu le contrat. La centrale existe depuis 16 ans. En dehors des limites de la réserve, nous fonctionnons comme n'importe quelle autre entreprise. Voilà, en gros, comment les choses se sont passées.

Le sénateur Peterson : Et vous participez de façon active à tous ces projets?

M. LeClair : Absolument. Dans le cas du projet hydroélectrique Umbata Falls, nous détenons 51 p. 100 des intérêts d'une entreprise évaluée à 60 millions de dollars. Nous avons joué un rôle plutôt passif lorsque le premier projet a été lancé. Comme je l'ai indiqué, avec le premier projet, nous avons appris à ramper, avec le deuxième, à marcher, et avec le troisième, à contrôler.

Le sénateur Peterson : Lorsque vous vendez au réseau de distribution, est-ce que vous appliquez un prix de base, un prix plancher, avant de vous lancer dans le marché?

M. LeClair : Les tarifs, dans le cas du premier projet, ont été fixés par Hydro- Ontario. L'entreprise n'existe plus, mais c'est elle qui fixait le prix. Nous avons entrepris un processus en vue d'évaluer les coûts d'aménagement du site. Nous avons ensuite effectué une analyse de rentabilisation pour voir s'il était logique ou non d'aller de l'avant avec le projet.

Le processus de demandes de propositions en Ontario est concurrentiel. Nous livrons concurrence à d'autres entreprises lorsque des demandes de propositions sont lancées. Dans le cas du projet de Umbata Falls, nous avons proposé, comme l'ont fait presque 22 autres soumissionnaires, un tarif pour l'électricité vendue. Notre soumission était la deuxième parmi les plus basses.

Cela dit, s'il y a une chose qui me dérange, c'est le peu d'importance que l'on attache à notre produit, l'électricité renouvelable, quand on le compare à ce que j'appelle l'énergie brune. La production d'énergie hydroélectrique sur les terres de la Couronne fédérale n'entraîne pas les mêmes dépenses que la construction d'une cheminée industrielle alimentée au charbon. Les coûts sont beaucoup moins élevés quand on utilise du charbon. Nous participons de manière active aux efforts qui consistent à mettre en valeur le produit que nous offrons, et participons aux processus d'appel d'offres qui sont lancés.

Le président : Merci beaucoup, monsieur LeClair, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je viens la province de la Colombie-Britannique, bien que je sois originaire du Manitoba. Ces projets font partie des possibilités de développement économique qui sont offertes aux Autochtones de la Colombie-Britannique. En fait, mon partenaire de golf travaille sur un projet du même genre avec la première nation Yale, dans le canyon du Fraser. Il est encourageant de voir que les collectivités autochtones sont en mesure de tirer parti de ces débouchés.

S'il n'y a pas d'autres questions, monsieur LeClair, nous vous remercions encore une fois d'être venu nous rencontrer. Nous vous souhaitons bonne chance. J'espère que nous pourrons donner suite à votre invitation.

M. LeClair : Je suis dans le bottin et sur l'Internet.

Le président : Mais vous êtes loin de tout.

M. LeClair : C'est exact.

Le président : J'ai déjà survolé le pays, comme pilote, et je sais où vous vous trouvez.

M. LeClair : Nous avons invité des collectivités de toutes les régions du Canada — les Premières nations du Yukon et de la Colombie-Britannique, les Cris de la Baie James — à venir voir comment fonctionnent nos installations. J'ai été surpris de la réaction. La technologie est différente. Or, si nous pouvons faire venir des gens du Yukon et de Davis Inlet, nous pouvons faire venir des gens d'Ottawa.

Le président : Après avoir rencontré des personnes comme vous, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup d'espoir pour nos Autochtones. Vous faites de l'excellent travail et je vous encourage à continuer.

M. LeClair : Merci.

Le président : Voilà qui met fin à nos audiences à Thunder Bay. Nous avons entendu d'excellents témoignages. Je tiens à remercier le personnel, qui a fait de ce voyage un succès. Je tiens également à remercier tous les membres du comité pour leur collaboration.

Le sénateur Sibbeston : Il faudrait éviter, une fois de retour à Ottawa, que notre travail s'enlise. Nous devons poursuivre nos travaux. Il est important que le comité continue de se déplacer. Cette étude est fort intéressante.

Le président : Je me suis entretenu avec des sénateurs, en privé, et nous allons poursuivre sur notre lancée. Nous allons travailler avec sérieux, et produire un rapport concis et précis le plus rapidement possible pour que les Autochtones puissent tirer parti de nos recommandations. Nous devons faire en sorte que le gouvernement nous écoute. Merci.

La séance est levée.


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