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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 7 - Témoignages du 3 octobre 2006


OTTAWA, le mardi 3 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 30 afin d'examiner la nature et le statut de la politique du gouvernement du Canada en matière de revendications particulières et de présenter un rapport à ce sujet.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. J'ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que je préside. Aujourd'hui, notre comité poursuit son étude spéciale sur les revendications particulières. Il compte examiner le processus fédéral de règlement des revendications particulières afin de faire des recommandations en vue de contribuer au règlement opportun et satisfaisant des griefs des Premières nations à ce sujet.

En juin dernier, lors de la première réunion organisée dans le cadre de cette étude spéciale, des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du ministère de la Justice ont expliqué le processus de règlement des revendications particulières, ses étapes et ses problèmes. Aujourd'hui, nous entamons une série d'audiences au cours desquelles de nombreux organismes et personnes intéressés auront l'occasion de nous aider à mieux comprendre les enjeux du processus de règlement des revendications particulières et, espérons-le, de faire des recommandations pour régler les problèmes.

Les témoins d'aujourd'hui proviennent tous deux des milieux universitaires. M. Bryan Schwartz enseigne le droit constitutionnel fondé sur la Charte des droits et libertés et le droit international à l'Université du Manitoba. Il agit également à titre de conseiller juridique auprès de l'Assemblée des Premières nations. M. Michael Coyle de l'Université de Western Ontario est directeur de la Commission sur les Indiens de l'Ontario et enquêteur sur la situation à Caledonia pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Il se spécialise dans les médiations et les négociations.

Bryan Schwartz, professeur, Faculté de droit, Université du Manitoba : Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis ici aujourd'hui parce que je crois qu'une occasion historique unique se présente au comité de faire des recommandations qui régleront un problème qui traîne depuis plus d'un siècle et de mettre enfin en œuvre une idée lancée il y a plus de 60 ans.

Il y a plus de 60 ans, au début des années 60, les conservateurs et les libéraux ont proposé la formation d'une commission sur le règlement des revendications qui aurait la capacité d'évaluer de façon indépendante des revendications particulières et de statuer sur celles-ci. La formation d'un tel organisme est une nécessité morale et pratique puisque la politique sur les revendications particulières est un désastre.

Il s'agit d'un document fédéral montrant la croissance des cas au fil des ans. L'inventaire croît en ligne droite alors que le nombre de revendications réglées est stable ou, dans certains cas, en baisse. Une accumulation de dettes reconnues en vertu d'obligations juridiques envers les peuples autochtones du Canada demeure non résolue.

Depuis 60 ans, on propose la formation d'un organisme indépendant de règlement des revendications puisqu'en son absence, aucune pression adéquate n'est exercée sur le gouvernement fédéral pour qu'il prenne la question au sérieux et règle les revendications. Pourquoi des revendications ne sont-elles pas réglées? En toute franchise, parce qu'il est moins dispendieux d'en parler que de les régler. Chaque gouvernement hérite du problème de son prédécesseur. « Nous n'avons pas réglé le problème des revendications particulières. Nous avons d'autres priorités budgétaires. Pourquoi serait-ce notre problème? »

Pourtant, il existe présentement une convergence historique extraordinaire qui fait que ce problème peut être résolu. En 1998, dans un remarquable exercice de coopération, un groupe de travail mixte de représentants fédéraux et de représentants de l'Assemblée des Premières nations a proposé une loi sur le règlement des revendications particulières. Elle a été présentée aux fonctionnaires fédéraux. Plusieurs aspects préoccupaient ces derniers; certaines préoccupations étaient légitimes alors que d'autres ne l'étaient pas, selon moi. Au bout du compte, on a rédigé un projet de loi contenant certains des principaux éléments permettant d'établir une commission crédible et indépendante sur le règlement des revendications, mais il est tombé à l'eau. Le projet de loi C-6, qui a été adopté ultérieurement mais qui n'est toujours pas en vigueur, aurait intégré les principaux éléments d'une commission et d'une résolution exécutoire des conflits; cependant, il contenait des lacunes. La sélection des commissaires manquait d'indépendance. Trop d'obstacles faisaient entrave au règlement d'une revendication dans le cadre du système. On aurait dit un labyrinthe dans lequel le ministre pouvait contrôler certains points d'étranglement et repousser la question indéfiniment.

Cependant, le processus parlementaire a presque fonctionné. Les partis de l'opposition ont tous convenu d'une série de modifications. Si le projet C-6, avec ses difficultés et ses amendements, avait été adopté, il aurait été pertinent, et les organisations autochtones du Canada l'auraient certes étudié sérieusement.

Les mêmes partis qui sont dans l'opposition aujourd'hui ont appuyé tous ces amendements. Les députés libéraux de la Chambre des communes ne sont plus assujettis à l'orientation de l'ancien gouvernement qui, pour différentes raisons et distractions, n'a pas semblé accepter le fait qu'il était nécessaire d'améliorer le projet de loi en vue de le rendre acceptable.

Après 60 ans, ce ne serait pas une bonne idée de retourner à la case départ et de tout recommencer. Un projet de loi a été présenté et plusieurs bonnes idées du groupe de travail mixte de 1998 en font partie. Pour le meilleur ou pour le pire, la plupart des dispositions sont acceptables. Quelques changements, fondés sur les modifications proposées par l'Alliance canadienne, le Bloc québécois, le NPD et certaines organisations autochtones telles que la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, pourraient être au cœur d'un ensemble de modifications qui améliorerait le projet de loi. Le plan ne viserait pas l'entrée en vigueur du présent projet de loi avant qu'un nouveau projet de loi ne soit parallèlement adopté. Il y aurait un ensemble relativement modeste de modifications qui traiteraient des principales lacunes du projet de loi C-6; enfin, après 60 ans et, parfois, après 100 ans pour certaines revendications, il y aurait, pour la première fois, un mécanisme pratique, réalisable et efficace pour résoudre les revendications particulières.

Quels sont les avantages de le faire et pourquoi le gouvernement devrait-il adopter cette solution? Je vais tenter de répondre à cette question très rapidement.

Les revendications particulières doivent être examinées dans un nouvel état d'esprit, car nombreux sont ceux qui ont tendance à dire qu'il s'agit davantage de dépenses de programmes. Nous devons affecter des fonds dans les hôpitaux, les routes, les ponts et ailleurs. Les ressources se sont sollicitées pour tellement de revendications, notamment pour les dépenses associées aux Autochtones. Les revendications particulières ne sont pas comme les autres dépenses de programmes. En réalité, elles font partie d'une dette nationale. Il ne s'agit pas de dépenses discrétionnaires, mais d'obligations juridiques. Il s'agit d'une indemnisation redevable à une bande parce que la moitié de sa propriété lui a été enlevée illégalement ou qu'elle n'a jamais reçu les droits fonciers issus de traités qui lui ont été promis.

Voilà également pourquoi nous nous trouvons dans une période de convergence extraordinaire. Nous vivons à une époque où les gouvernements libéral et conservateur se sont engagés à payer la dette nationale. Si seulement 5 p. 100 des paiements discrétionnaires de la dette nationale avaient été alloués à la partie de la dette nationale touchant les revendications particulières depuis le début du programme il y a dix ans, le problème serait sur le point d'être résolu. L'argent ne disparaît pas. Il s'agit d'un investissement de capitaux dans l'avenir de ces collectivités. Le fait est qu'en dollars réels, les dépenses de programmes pour les peuples autochtones ont constamment diminué depuis le début des années 1990.

La résolution des revendications particulières est le seul accroissement de capital réel que ces bandes peuvent investir dans leur population, leur capital humain et leur économie afin de devenir autonomes, de ne plus nuire aux ressources et de contribuer au bien-être fiscal du Canada. Voilà la réalité du Canada. Lorsque les revendications particulières des bandes sont réglées, les ressources sont placées dans des fonds en fiducie et les bandes favorisent ainsi le développement communautaire et leur autonomie.

Les questions de politique gouvernementale changent, tout comme les opinions à leur sujet. Cependant, je crois qu'il s'agit d'un moment historique unique pendant lequel cette collectivité peut jouer un rôle capital. Les possibilités sont nombreuses : n'adoptons pas le projet de loi; favorisons les négociations entre l'APN et le gouvernement fédéral selon les modifications proposées par les partis de l'opposition et un ou deux groupes autochtones. En très peu de temps, je crois que nous aurions une excellente occasion de parvenir à un règlement durable et honorable.

Examinons le leadership des deux côtés. Le chef national Phil Fontaine, ancien membre de la commission, comprend très bien les revendications particulières. L'honorable Jim Prentice est un spécialiste chevronné de la question. Ils sont tous deux des chefs intelligents, pratiques et ayant des principes. Une occasion extraordinaire de laisser une empreinte durable dans l'histoire canadienne se présente à vous, une empreinte qui pourrait durer 100 ans. Merci.

Le président : Merci, monsieur Schwartz, pour cet excellent témoignage. Monsieur Coyle, vous avez la parole.

[Français]

Michael Coyle, professeur adjoint, Faculté de droit, University of Western Ontario : Honorables sénateurs, c'est un honneur d'être invité aujourd'hui et d'aborder des questions d'une telle ampleur et d'une telle importance pour le pays. Je vais continuer mes commentaires en anglais parce que ma maîtrise du français n'est pas au même niveau, mais je serai heureux de répondre à vos questions en anglais et en français.

[Traduction]

Le comité étudie présentement sept questions distinctes, qui nous ont été adressées, à M. Schwartz et moi, concernant le processus de règlement des revendications particulières du Canada. Je n'ai que dix minutes, alors je serai direct et pragmatique. Vos questions portaient d'abord sur les causes des retards dans le processus actuel de règlement des revendications particulières et ensuite sur les options qui devraient être envisagées pour traiter ce problème de retard.

Je passerai un certain temps sur le premier point puisque M. Schwartz a si bien présenté la formation éventuelle d'un organisme indépendant de règlement des revendications particulières. J'aimerais consacrer plus de temps au premier point afin de discuter des présents retards dans le processus de règlement des revendications particulières.

En règle générale, et je dois être la 180e personne à le dire, je crois que, dans le processus actuel, l'examen des revendications particulières et le règlement de celles-ci nécessitent beaucoup trop de temps. Trop de revendications importantes ne sont pas réglées du tout. Il ne s'agit pas seulement d'une question de retard. C'est aussi que le Canada et une Première nation ou le Canada et une province ne s'entendent pas sur la responsabilité à l'égard d'une revendication ou sur la portée de l'indemnisation redevable en vertu de celle-ci. Le cas échéant, le processus existant n'offre aucun mécanisme adéquat pour la résolution des désaccords entre les parties.

Je présenterai deux recommandations principales aujourd'hui. D'abord, si l'on veut régler rapidement les revendications, les ressources allouées à cet égard doivent être augmentées de façon considérable, ce qui signifie que davantage d'employés doivent être affectés à l'examen des revendications et à la négociation, et que beaucoup plus de fonds doivent être consacrés à l'indemnisation. Je suis certain que cette solution n'a rien de surprenant pour les membres du comité, ce qui ne l'empêche pas d'être la meilleure, une solution qui, à long terme, j'en suis convaincu, permettra à notre pays d'économiser beaucoup d'argent.

Ensuite, si le processus consiste à pouvoir régler les revendications litigieuses rapidement, je suis d'accord avec M. Schwartz pour dire que nous devons établir un organisme indépendant qui aurait le pouvoir d'appliquer des calendriers de négociation et de résoudre les conflits juridiques qui découlent des négociations et que les parties ne peuvent pas résoudre par la discussion.

À mon avis, cet organisme indépendant devrait miser sur la Loi sur le règlement des revendications particulières, malgré ses lacunes, loi que ce comité a déjà étudiée. Cet organisme indépendant devrait intégrer deux principaux volets : l'un permettrait de surveiller le processus de négociation, de convenir de calendriers et d'assurer la médiation demandée par l'une des parties; l'autre servirait à briser les impasses quant à la validité d'une revendication ou à la portée de la responsabilité du gouvernement concernant celle-ci. Dans les deux cas, ces services devraient être offerts lorsque l'une des parties en fait la demande.

La mise en œuvre de ces recommandations nécessitera plus que le simple rafistolage du processus actuel, maintenant vieux de 25 ans et qui, je crois, ne suffit plus à la tâche. En réalité, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien arrive à la même conclusion sur son site Web. Dans le document d'information sur la Loi sur le règlement des revendications particulières, le ministère conclut que « le processus actuel ne convient pas ». Je n'insisterai pas sur ce point, qui, je crois, sera plus clair lors de l'examen des résultats du processus existant.

Il existe des motifs financiers convaincants de régler rapidement les revendications. Comme je le mentionnerai, le gouvernement a estimé à plusieurs milliards de dollars sa responsabilité en matière de revendications particulières. Reporter le remboursement alors que l'aménagement de terrain se poursuit et que les intérêts se composent ne peut qu'augmenter les coûts financiers finaux du règlement. Retarder le règlement entraîne une incertitude économique et juridique permanente quant aux coûts afférents. Enfin, le fait de ne pas traiter les revendications de façon opportune engendre, comme les gros titres des journaux nous le rappellent continuellement, de la frustration et de la colère au sein des collectivités, ainsi que des risques de confrontations et de flambée des coûts, tant financiers qu'humains, en matière d'intervention policière.

Comme M. Schwartz l'a mentionné, et je ne répéterai pas ce qu'il a dit, des impératifs moraux et juridiques sont également présents. Les citoyens s'attendent à ce que le gouvernement respecte ses obligations juridiques. Le gouvernement n'est pas et ne peut être perçu comme étant au-dessus de la loi, ni ne peut envisager de différer continuellement l'application de la loi.

Récemment, on a beaucoup parlé, surtout en Ontario, des revendications territoriales et de la nécessité de maintenir l'ordre public. Au Canada, la tradition veut que l'application de la loi permette de maintenir l'ordre. Appliquer sans tarder nos lois pour favoriser le règlement des revendications territoriales semble aller de soi pour maintenir l'ordre, de façon à ce que tous les Canadiens puissent en être fiers.

J'aimerais aborder brièvement de l'historique du processus de règlement des revendications particulières puisque vous m'avez demandé d'en parler. Mme Stewart a signalé, avec raison, devant le comité en juin, que le processus de règlement des revendications particulières a connu beaucoup de succès, réglant quelque 275 revendications pour une indemnisation totale d'environ 2 milliards de dollars au cours des 36 dernières années. Toutefois, le système est évidemment loin d'être parfait, autrement nous ne serions pas rassemblés ici aujourd'hui.

Les Premières nations ont présenté 1 325 revendications dans le cadre du processus existant et la plupart de ces revendications demeurent non résolues 24 ans après la mise en place de la politique actuelle. En 1991, au moment de l'examen du processus par le vérificateur général, quelque 342 revendications faisaient l'objet d'examens et de négociations. Aujourd'hui, il y en a 1 700. En ajoutant à la catégorie des revendications réglées, et je crois que c'est discutable, celles rejetées par le ministère ou celles dont le dossier a été fermé faute de conclure une entente de règlement, environ 64 p. 100 des revendications présentées demeurent aujourd'hui en suspens. En pratique, le rythme de règlement n'arrive pas à suivre celui de la présentation de revendications. En réalité, le retard dans le règlement des revendications a augmenté constamment au cours des 15 dernières années.

Il est impossible de dire combien de revendications seront réglées au cours des 25 prochaines années, mais en formulant des hypothèses conservatrices, et si aucun changement n'est apporté, un portrait général peut être dressé. Même si aucune nouvelle revendication n'est présentée à l'avenir, en comptant les revendications existantes, un fondement juridique peut être dégagé pour 70 p. 100 des revendications présentées. Une solide responsabilité juridique, ainsi qu'un solide fondement juridique, peuvent probablement être établis pour quelque 440 revendications parmi celles présentement étudiées. Ajoutons-y les 89 revendications qui font présentement l'objet de négociations actives et ce sont 529 revendications qui doivent alors être réglées.

Au cours des dernières années, nous avons réglé environ dix revendications par année. Je sais qu'un grand nombre de membres de ce comité sont jeunes et que nous aimerions tous que les revendications soient réglées au cours de notre vie, mais à l'heure actuelle, plus de 50 ans nous séparent d'un règlement. Le temps file rapidement.

J'aimerais mentionner certains points concernant les principales sources de retard dans le processus. Il y a d'abord l'examen. Mon mémoire contient les chiffres. J'ai pu analyser des revendications en Ontario, mais je n'ai pas eu le temps d'examiner toutes les revendications au pays.

En moyenne, les revendications qui sont présentement examinées par le ministère de la Justice datent de huit ans et demi. Le ministère ne s'est pas encore fait une opinion. Les Premières nations attendent encore de savoir si des négociations peuvent être amorcées.

Les revendications qui sont présentement négociées en Ontario sont en attente d'un règlement depuis plus de 15 ans. J'affirme dans mon mémoire qu'il est impératif que plus de fonctionnaires fédéraux examinent les dossiers, tant sur le plan historique que juridique.

L'autre principale source de retard dans le processus de négociation renferme deux problèmes. D'abord, une limite artificielle a été établie quant au montant d'argent total affecté au règlement des revendications chaque année. Cette limite est de 100 millions de dollars. Selon les plus récents chiffres que j'ai pu trouver, qui datent d'il y a cinq ans, le Canada a estimé son passif éventuel pour les revendications particulières à 2,6 milliards de dollars. Même dans un monde parfait, il faudrait au moins 26 ans pour éponger ce passif. Dans mon mémoire, j'affirme que ce chiffre est probablement sous-estimé.

Il y a un autre motif de retard, et c'est aussi le principal problème du processus de négociation : il n'existe aucun mécanisme adéquat de résolution des désaccords, ce qui signifie que les revendications litigieuses, nombreuses dans ce monde imparfait, n'ont aucun avenir si les parties, après avoir tenté d'imposer leur volonté l'une à l'autre, ne parviennent pas à une entente. Pour cette raison, de nombreuses revendications, notamment les 26 présentées par les Six Nations entre 1982 et 1995, ne peuvent simplement pas être réglées dans le cadre du processus.

Je ne suis pas d'accord avec Mme Stewart pour dire que les tribunaux offrent une solution de rechange ou un filet de sécurité favorisant le règlement des revendications, et j'explique pourquoi dans mon rapport. Essentiellement, les tribunaux ne sont pas en mesure de traiter ce nombre de revendications ou d'établir des recours flexibles. Des coûts élevés et des rapports d'opposition découleront du recours généralisé aux tribunaux. Il ne s'agit pas d'une solution de rechange pratique. En conséquence, je suis d'accord avec M. Schwartz pour dire que, pour résoudre les revendications de façon efficace et créer l'apparence d'équité entre les parties, il est nécessaire de former un organisme neutre et indépendant vers lequel les parties peuvent se tourner lors d'un sérieux désaccord dans leurs négociations.

En conclusion, comme M. Schwartz l'a mentionné, les problèmes du processus de règlement des revendications particulières et des revendications territoriales sont en suspens depuis des décennies. Les recommandations dont M. Schwartz et moi parlons sont proposées depuis des décennies. Je suis d'accord avec M. Schwartz pour dire qu'il s'agit d'une formidable occasion, d'une convergence pour les Canadiens d'aller de l'avant et de tenter de régler les revendications territoriales dans un temps raisonnable. Si des améliorations importantes ne sont pas apportées au processus maintenant, quand le seront-elles?

Le président : Merci, monsieur Coyle. Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Campbell : Serons-nous un jour réaliste face à ces enjeux? À mon avis, le système entier fait défaut depuis le départ. Le processus prive les gens de leurs droits. Il permet à un agent des Indiens de décider si des terres seront vendues ou non, si elles demeureront assujetties à un traité. Des traités sont constamment enfreints. Croyez-vous que le gouvernement s'attaquera réellement à ces problèmes?

M. Schwartz : Chaque nouveau gouvernement affrontant cette considérable dette est de plus en plus découragé, se demandant comment parvenir à la rembourser. Comme l'a mentionné M. Coyle, l'accumulation des demandes à traiter est énorme, et chaque année de nouvelles revendications sont présentées, alors la responsabilité augmente. Chaque gouvernement se dit déjà mis à rude épreuve à cause des dépenses de programmes et se demande comment il va bien pouvoir obtenir les ressources nécessaires pour régler le tout.

Cependant, nous pouvons prendre du recul et nous demander s'il est vraiment réaliste que ce problème, qui traîne et prend de l'ampleur depuis longtemps, puisse enfin être réglé de façon raisonnable. La logique nous indique que c'est possible. Nous devons d'abord établir un objectif réaliste, c'est-à-dire freiner d'ici cinq à sept ans la croissance du nombre de revendications. De nouvelles revendications seraient toujours présentées, mais les revendications existantes seraient réglées assez rapidement pour que la responsabilité n'augmente pas.

Nous devons d'abord régulariser la situation afin que la hausse ne soit pas constante. Il est possible de le faire d'ici cinq à sept ans. Un investissement d'environ 30 millions de dollars permettrait au personnel du ministère de la Justice de traiter les revendications. Je crois que le budget actuel n'est que de 5 millions de dollars. Il faudrait de 800 millions à 1 milliard de dollars par année pour payer les revendications. C'est beaucoup d'argent.

Cependant, cet argent revient légitimement aux Premières nations. Il s'agit d'argent qui, s'il était en leur possession, favoriserait leur épanouissement social et leur permettrait d'investir dans le capital humain, l'éducation, l'aide sociale et le renforcement des collectivités, dont les membres pourraient participer à l'essor des économies locales, des gens talentueux qui occuperaient des professions et des métiers. On éliminerait l'incertitude qui nuit au développement économique et à laquelle a fait allusion mon collègue M. Coyle.

À ce sujet, l'essentiel, c'est que nous payions la dette nationale de façon discrétionnaire à un rythme annuel de plus de 10 milliards de dollars. Prenons une fraction de cette somme et affectons la au remboursement d'une partie de la dette nationale qui est particulièrement pressante et moralement indiscutable, une partie de la dette nationale pour laquelle les détenteurs d'obligations n'ont pas librement convenu d'acheter des obligations d'épargne, cet argent qui leur a été enlevé illégalement et de force, et dont ils sont encore privés. Utilisons une petite fraction du remboursement discrétionnaire de la dette qui se fait depuis 10 ou 15 ans. La plupart des Canadiens ne sont pas contre l'idée de rembourser la dette. Ce remboursement va de pair avec gouvernement honnête et responsabilité financière. Appliquons cette même philosophie à un aspect pressant de la dette nationale, et nous avons tout ce qu'il faut pour trouver une solution réalisable.

Le cadre institutionnel doit être celui dont M. Coyle et moi parlons. Le recours aux tribunaux est de moins en moins possible. Les tribunaux s'empressent d'appliquer des périodes de prescription. Le règlement des revendications spécifiques constitue la seule véritable solution. Aucun progrès précis n'est réalisé en raison des conflits d'intérêts et du manque de ressources. Toutefois, il existe une solution institutionnelle. Les paramètres financiers sont réalistes, et on peut les justifier en reconnaissant qu'il ne s'agit plus de dépenses de programmes mais d'un remboursement de la dette nationale.

Le sénateur Campbell : Devrait-il s'agir d'une question de dette ou de justice? Voilà le cœur de la question. J'ai honte d'être Canadien lorsque je regarde ce qui se passe ici. J'ai encore plus honte lorsque nous limitons le droit d'obtenir justice, et c'est ce que nos tribunaux ont fait. Comment pouvons-nous dire que les 13 milliards de dollars de cette année vont servir à réduire la dette alors que nous pourrions, comme vous le dites, en prendre une petite partie et commencer à régler les revendications?

Et nous ne parlons même pas des traités qui n'ont pas été conclus dans ma province. Il s'agit d'une tout autre question que celle dont nous parlons présentement. S'agit-il d'une question de dette ou de justice? Qui répond à cette question? Le gouvernement? Les Canadiens? Je ne sais pas.

M. Coyle : Je dirais les deux. Thucydide a dit que la justice n'aura de place à Athènes que lorsque ceux qui ne sont pas blessés seront aussi indignés que ceux qui le sont. J'ai constaté, à titre de médiateur en matière de revendications, surtout en Ontario au cours des 16 dernières années, que les Canadiens ordinaires, les voisins des Premières nations ayant des revendications, sont conscients de cette question de justice une fois qu'ils ont compris le fondement historique et juridique des revendications.

M. Schwartz et moi avons discuté de la question de la dette ou de la question du coût, parce que, selon mon expérience, les Canadiens et le gouvernement estiment trop souvent que ce problème est insoluble. « Nous ne pourrons jamais résoudre le problème. Nous ne pourrons jamais traiter les griefs. Aucune somme d'argent ne permettrait de le faire. » Au contraire, si le gouvernement et les Canadiens examinaient les coûts du non-règlement des revendications, à Caledonia et ailleurs, puis les avantages du règlement, l'argument sur les coûts devrait alors être persuasif. En d'autres termes, il s'agit là de deux bonnes raisons de régler rapidement les revendications.

Le sénateur Peterson : Le problème est certainement énorme lorsque l'on entend constamment parler de la hausse du nombre de revendications qui ne sont pas réglées.

Il me semble que la situation dans son ensemble est accablante. Un modèle pourrait-il être élaboré afin de diviser ou de compartimenter les différentes revendications en fonction du degré de difficulté, et une équipe pourrait-elle ensuite être formée pour les examiner jusqu'à ce qu'elles soient réglées?

Le traitement d'une revendication pouvant s'étendre sur plusieurs années, il y a un roulement de personnel. En recommençant du début, nous perdons les acquis et tout le monde doit de nouveau être informé de la situation.

Nous devons connaître un certain succès qui démontrerait les avantages du règlement des revendications. Autrement, en continuant à envisager l'ensemble de la situation, nous ne ferons que parler de la complexité du problème.

M. Schwartz : J'aimerais brièvement revenir sur les points soulevés par mon collègue sur la dette et la justice. Lorsque nous avons produit, en collaboration avec les fonctionnaires fédéraux, le rapport du groupe de travail mixte de 1998, l'intention était, comme pour toute autre revendication valide, de pouvoir traiter toutes les revendications à un rythme raisonnable. Les organismes centraux du gouvernement ont alors indiqué qu'il était nécessaire d'établir un cadre financier. Ce fut un compromis pour l'Assemblée des Premières nations que de convenir de discuter d'un remboursement ordonné de cette obligation, un mouvement ordonné vers une justice intégrale. Après plus de 100 ans d'attente et 60 ans de frustration à tenter d'établir ce système, on peut voir à quel point les chefs de l'Assemblée des Premières nations ont été raisonnables. L'APN a discuté sérieusement avec le gouvernement fédéral afin d'établir un cadre financier et a fait preuve de créativité à cet égard.

L'objectif est d'abord d'établir une résolution pratique. La solution idéale consisterait à rembourser maintenant la dette accumulée. Ce qui a été proposé par l'Assemblée des Premières nations, c'est un processus qui ne devrait pas accabler les gouvernements. Ces derniers devraient considérer la somme annuelle de 30 millions de dollars comme une façon accélérée de rendre justice, et avec un budget annuel de disons 500 millions à 1 milliard de dollars affecté au remboursement, nous pouvons réellement maîtriser ce problème.

Dans un système aussi imposant, des idées comme celles proposées par l'honorable sénateur sont excellentes. Le système doit être exhaustif, autrement rien ne sera fait en raison du manque de ressources. Des projets pilotes ont été réalisés dans le cadre desquels des fonctionnaires fédéraux ont été envoyés dans une Première nation qui a présenté, par exemple, sept revendications. Un représentant a demandé à la Première nation de le laisser examiner l'ensemble de la situation pour qu'en tant qu'interlocuteur fédéral, il puisse bien comprendre les arcanes du problème et qu'il ne soit pas nécessaire d'informer de nouveau son remplaçant éventuel. Ces processus, expériences et projets pilotes ont connu beaucoup de succès. Une commission indépendante sur le règlement des revendications pourrait étudier ces réalisations et faire des recommandations sur la façon de miser sur elles.

L'amélioration marquée de l'administration et les leçons apprises de l'expérience seront certes utiles. Nous ne tirons pas de nombreuses leçons en ne réglant que dix revendications par année. Si ce sérieux engagement à régler les revendications se concrétise et que nous commençons à régler 50 ou 100 revendications par année, certaines catégories de revendications n'auront très rapidement plus de secret. Les représentants du ministère de la Justice se familiariseront avec les modalités précédentes et pourront comparer certaines revendications. Ce sera la même chose du côté des Premières nations. Il est possible de regrouper les revendications dans un cadre gérable et d'améliorer considérablement l'administration. Certaines expériences ont connu du succès, mais il nous faut établir un système exhaustif dans lequel situer ces expériences et s'assurer qu'un maximum de connaissances en découle.

Le président : Vous avez tous les deux parlé d'un organisme indépendant, surtout vous, monsieur Coyle. Je travaille pour le gouvernement depuis des années. Je crois qu'il a peur du manque de contrôle de l'enveloppe financière par rapport à cet organisme indépendant. En toute logique, je crois qu'il faut simplement allouer un budget à ces enjeux.

De quelle façon pourrions-nous envisager de le faire? Le gouvernement doit rendre des comptes financiers aux contribuables. En établissant un organisme indépendant qui résoudrait ces questions, les leviers de la budgétisation devraient être contrôlés d'une certaine façon.

Y avons-nous pensé? J'ai parlé au ministre à ce sujet et à d'autres collègues présents à cette réunion. On reconnaît que la jeune génération d'Autochtones ne sera pas aussi tolérante que la génération précédente. Je pense que c'est révélateur de la façon dont les choses évoluent au pays.

M. Schwartz a parlé de réadopter le projet de loi C-6 en y apportant des amendements, c'est-à-dire qu'un organisme indépendant traiterait les revendications. J'aimerais faire des recommandations pratiques. Comme M. Schwartz l'a mentionné, Phil Fontaine et Jim Prentice, deux personnes honorables, tentent d'améliorer le sort de nos peuples autochtones, mais nous devons leur formuler des recommandations. Si nous leur présentons des recommandations qui ont du sens, nous pourrons aller de l'avant dans ce programme.

Le sénateur Gill et moi avons longuement discuté de ces questions, et nous aimerions proposer des recommandations pratiques qui feront en sorte que cela fonctionne.

M. Coyle : Deux approches sont possibles. L'une, privilégiée par un grand nombre de représentants des Premières nations à qui j'ai parlé, consisterait à former un organisme bénéficiant du même respect que les tribunaux, le respect de toutes les parties. Le Canada le fait tout le temps. Nous créons des tribunaux afin de nous acquitter de nos obligations internationales, de payer les montants en matière d'équité, et cetera, et le cas échéant, ces instances ne font que rendre des ordonnances en vertu des lois existantes.

Un sous-ministre a déjà recommandé, après la crise d'Oka, qu'il serait plus facile pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien si les décisions prises par une telle instance étaient traitées comme une ordonnance de tribunal et provenaient du Trésor, comme c'est le cas pour les autres dettes exigées du Canada en ce moment.

De nombreux peuples des Premières nations diraient que cette option est pertinente puisqu'une question de justice est en jeu. Si c'est alors une question de compréhension, il ne devrait pas nous incomber de débattre du montant à rembourser.

Une autre option, celle envisagée par l'APN et le gouvernement fédéral, serait d'établir un budget global pour les règlements susceptibles d'être accordés dans une année donnée, disons 300 ou de 400 millions de dollars; il faudrait négocier le tout. Ainsi, le tribunal pourrait rendre des décisions selon l'obligation juridique, et le gouvernement ne serait pas surpris à la fin de l'année par une décision de 3 milliards de dollars. Le montant total maximal pouvant être accordé serait connu à l'avance.

Voici, selon mon expérience, un exemple de problème : une instance indépendante ne traitera pas les revendications d'une importance financière particulière afin d'économiser de l'argent. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons aujourd'hui des problèmes avec les Six Nations. Leurs revendications ont été perçues comme étant trop importantes pour ce qui était à l'époque un budget de 15 millions de dollars en Ontario. Plutôt que d'établir des limites artificielles en disant que nous ne traiterons pas des revendications importantes afin d'économiser de l'argent, nous pourrions adopter une solution différente.

Je crois que les Premières nations y seraient ouvertes parce qu'elles veulent également être pratiques. Elles savent que les sommes pourraient devoir être échelonnées sur bon nombre d'années pour que le tout respect de la capacité de payer. Pour elles, deux choses sont importantes. D'abord, elles doivent avoir le sentiment d'être traitées avec justice, et non selon deux poids deux mesures, et leurs droits juridiques doivent être confirmés, ce qui est crucial pour les Premières nations lors du règlement d'une revendication. Ensuite, le règlement doit être acceptable. On peut toujours débattre du montant, mais il est important qu'il soit acceptable. Selon M. Schwartz, moi ou quiconque examine les chiffres, il y aurait une solution qui rassurerait le ministre quant à la formation d'une instance indépendante : il faudrait accorder à celle-ci un budget qui respecterait la capacité de payer, mais qui serait assez généreux pour permettre de régler les nombreuses revendications.

Le président : Merci, monsieur Coyle.

[Français]

Le sénateur Gill : J'aimerais d'abord vous féliciter; j'aimerais que plus de Canadiens partagent vos idées et la façon de voir les revendications territoriales particulières. Il y a aussi les revendications globales dont on ne parle pas ici mais qui sont importantes.

Comme le professeur Schwartz le disait, ce n'est pas une question de dépenses discrétionnaires, c'est une dépense non discrétionnaire, si l'on veut considérer le budget gouvernemental.

Je suis actif dans ce domaine depuis 1956, cela fait 50 ans; je ne vivrai pas encore 50 ans. Vous avez raison de dire que les problèmes vont en augmentant et les revendications vont en augmentant par rapport à celles qui sont réglées.

J'ai participé également à la commission des revendications particulières avec Jim Prentice et une autre dame, malheureusement décédée aujourd'hui, et c'était sans issue. Comme commissaire, c'était une solution, comme on pourrait dire en anglais, de « patchage ». C'était une mission impossible que de vouloir régler toutes les revendications.

Je pense qu'il y aurait sans doute de l'espoir si on s'y mettait et si on y mettait l'argent. Mais il y a toutes sortes de raisons qui empêchent le gouvernement d'investir, peu importe le gouvernement en place. On espère que, au final, les choses seront mises sous le tapis ou qu'il y aura plus d'assimilation. Il y a toutes sortes de choses qui font que les gens espèrent que, en définitive, cela va s'éteindre ou disparaître. Mais c'est impossible, cela augmente.

Comme le sénateur Campbell le disait, c'est une question de justice. C'est une escalade dans l'injustice à laquelle on assiste. Les communautés, les groupes, les nations indiennes n'ont pas moins de frustration mais en ont, au contraire, toujours plus. C'est quelque chose qui ne va pas cesser d'augmenter.

Je pense souvent que le pays ne mérite pas de se bâtir de cette façon, sur le mensonge et sur la non transparence. C'est ce que l'on fait maintenant; on se crée des illusions en pensant que cela va passer, que le temps va passer et que la situation va peut-être finir par se régler.

Autrement dit, on n'a jamais appris à vivre ensemble; c'est là le problème. Le problème, c'est qu'on n'a jamais appris à vivre avec les Premières nations du pays. Pour tous ceux qui sont venus par après, on n'a pas réussi à se donner des institutions qui permettent aux Canadiens, en général, y compris les Premières nations, de vivre ensemble.

Il serait peut-être temps de commencer à vivre avec la vérité. La vérité c'est quoi? Il y a une dette. Pourquoi cette dette n'est-elle pas évaluée à sa juste valeur? Aujourd'hui, avec les moyens que nous avons, on serait capable d'évaluer la dette, de dire à peu près ce que cela vaut.

Ensuite, il s'agirait d'établir un partenariat, un vrai, pour faire en sorte que les membres des Premières nations deviennent des citoyens à part entière. Un vrai partenariat, des formules qui nous permettraient de faire un certain partage des richesses du pays.

Quel groupe pourrait vivre comme les Premières nations vivent maintenant? On vient chercher des ressources naturelles sous leurs pieds, on les transforme, ensuite on vit aux crochets de ces ressources naturelles et il n'y a pas de partage équitable. Qui pourrait vivre très longtemps avec une situation comme celle-là?

Je m'excuse d'être aussi long. Je veux vous demander si vous pensez qu'on peut continuer de cette façon ou si l'on doit décider de prendre le taureau par les cornes et dire ce qu'est la situation. C'est tant de milliards; le pays, les contribuables ne sont pas capables de les payer, donc on efface une partie de la dette. Qu'on le dise, qu'on soit transparent. On n'est pas capable. Et qu'on dise que, pour le reste, on va le faire.

J'aimerais bien qu'on fasse cet exercice, pour qu'on commence à avoir des liens bâtis sur la vérité et la justice. Voyez- vous des possibilités?

Le président : Professeur Coyle, voulez-vous répondre à cette question?

M. Coyle : On a parlé beaucoup, aujourd'hui, des dettes et des obligations, toutes des expressions négatives. Je suis content d'entendre une autre façon de regarder le problème, c'est-à-dire qu'en faisant face au problème, on a l'espoir de créer un nouveau point de départ, un nouveau rapport entre les peuples, basé sur les rapports historiques et respectueux entre les Premières nations et les colons au Canada; un nouveau rapport dans lequel tous les partenaires peuvent savoir qu'ils se traitent avec respect, dans le respect des mêmes lois. Je pense que c'est important de voir qu'il y a une opportunité aujourd'hui, comme l'a dit le professeur Schwartz.

Je suis d'accord avec le fait que, s'il n'y a pas d'espoir, pourquoi parle-t-on, comme l'a dit Camus? On s'y intéresse parce qu'on a l'espoir d'un meilleur avenir, un avenir dans lequel on peut régler le problème et prouver que ce n'est pas impossible de le résoudre.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur Coyle. Avez-vous quelque chose à ajouter monsieur Schwartz? Nous approchons de la fin de la période allouée.

M. Schwartz : J'aimerais souligner que ces pénibles problèmes existent depuis longtemps. Ce qui est maintenant particulier, c'est que tout est en place pour les régler. L'idée de principes comptables honnêtes a été soulevée. Le gouvernement fédéral vient tout juste d'adopter le projet de loi sur la responsabilité. Le fardeau croissant de la dette nationale devrait figurer régulièrement dans les Comptes nationaux. C'est faisable. Le projet de loi C-6 renferme un cadre financier. Il faut l'améliorer, mais le gouvernement fédéral a l'assurance qu'il souhaitait, soit qu'il ne fera pas un chèque qui entraînera un élément de passif au cours d'une même année. Cette question a fait l'objet de discussions et de négociations.

En ce qui concerne les questions de retard, le rapport initial du groupe de travail mixte et les modifications proposées par les partis de l'opposition suggéraient des calendriers pour chaque étape du processus afin que les choses ne traînent pas éternellement.

Quant à l'indépendance des nominations, nous connaissons la réponse. Les nominations sont faites selon la recommandation conjointe de l'APN et du ministre. C'est ce que le groupe de travail mixte représentait et c'est ce que les modifications recommandaient. Cependant, il y a une autre façon de faire. Nous pourrions former un comité de nominations composé d'Autochtones désignés par l'Assemblée des Premières nations et le gouvernement fédéral. Les modalités ont déjà été établies. Nous savons comment ces processus devraient fonctionner.

Il y a le projet de loi C-6 et le groupe de travail mixte. On a décelé des problèmes à l'égard du projet de loi C-6 : tout le fardeau de la divulgation incombait aux Premières nations, et le ministre n'était pas tenu d'expliquer les raisons du rejet des revendications et aucune obligation n'était imposée en matière de divulgation. Cependant, nous savons précisément ce qui doit être fait pour améliorer le projet de loi.

Aucun problème conceptuel précis n'empêche qu'on parvienne à une solution ponctuelle, et ce « dès maintenant », car nous avons le projet de loi C-6, des amendements ont été proposés et l'Assemblée des Premières nations et le gouvernement fédéral sont représentés par le ministre et le chef national. Ce n'est pas un exercice de longue haleine, je crois, que de réunir tous les éléments nécessaires, d'obtenir un règlement et de parvenir à une réalisation historique sans précédent dans les relations avec les Premières nations et les Autochtones.

Je ne soulève pas ces questions pour la forme. Je récent d'autant l'urgence d'agir parce que je n'ai presque jamais vu un problème autant traîner en longueur dans toute ma vie publique, alors que tout concoure d'une façon remarquable au règlement d'un tel problème complexe. Ce comité peut jouer un rôle crucial en recommandant que les parties négocient et règlent le problème.

Le président : Monsieur Schwartz, je crois que vous êtes étroitement engagé auprès de l'APN. Je vous conseille, si vous le voulez bien, de lui parler à ce sujet, si vous ne l'avez pas déjà fait, de vous assurer que nous travaillons tous dans le même but et de tenter d'accélérer ce processus. Monsieur Coyle, je vous demanderais de faire la même chose, si vous avez également une influence quelconque, car nous parlerons certes au ministre.

J'aimerais vous remercier tous les deux au nom du comité. Le temps est notre plus grand ennemi dans ces délibérations, mais merci du temps et de l'expertise que vous avez partagés avec nous ce matin.

La séance se poursuit à huis clos.


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