Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 10 - Témoignages du 7 novembre 2006
OTTAWA, le mardi 7 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 11, pour examiner, en vue d'en faire rapport, le processus fédéral de règlement des revendications particulières.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, notre comité poursuit ses travaux spéciaux concernant les revendications particulières. Il entend examiner le processus fédéral de règlement des revendications particulières en vue de formuler des recommandations pouvant contribuer à un règlement opportun et satisfaisant des doléances des Premières nations à cet égard.
Je vous présente certains des membres du comité : à ma gauche, le vice-président, M. le sénateur Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, et, du même côté, Mme le sénateur Lovelace Nicholas, de la province du Nouveau- Brunswick.
Honorables sénateurs, nous n'avons pas le quorum, mais l'article 89 du Règlement du Sénat nous autorise à entendre des témoignages, ce que nous allons faire, car les témoins sont venus de loin et nous souhaitons entendre ce qu'ils ont à dire.
Sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous procédions de cette façon?
Des voix : D'accord.
Le président : Aujourd'hui, nous recevons des témoins des deux extrémités du pays. Nous espérons qu'ils nous aiderons à mieux comprendre les enjeux des revendications particulières et le processus pour les régler et, espérons-le, à formuler des recommandations pour résoudre les problèmes.
Nous entendrons d'abord les représentants de la Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island, dont la présidente, Mme Darlene Bernard, est chef de la bande de Lennox Island. Mme Bernard est accompagnée de Mme Tracey Cutcliffe, directrice administrative. Mme Tammy McDonald est également présente.
La chef Darlene Bernard, bande de Lennox Island, présidente, Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island : Je vous remercie de nous accueillir ici ce matin. Nous sommes honorées de présenter nos observations. Tracey Cutcliffe est directrice administrative de la Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island; elle est aussi la conseillère de l'administration locale de la bande de Lennox Island. Tammy MacDonald est notre directrice de recherche et collabore directement avec notre service. Mme Cutcliffe présentera notre témoignage ce matin, et nous serons très heureuses de répondre à vos questions.
Tracey Cutcliffe, directrice administrative, Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island : Merci, sénateurs. Nous sommes très heureuses d'avoir été invitées ici pour offrir nos observations d'après notre situation et, de façon générale, au sujet du processus de règlement des revendications particulières. D'après ce que nous savons et à notre avis, le processus des revendications en l'état actuel est très bancal. Sa mise en œuvre se perd dans des méandres bureaucratiques que même les participants les plus chevronnés peinent à comprendre. Malheureusement, les redondances, le manque de communication et les nombreux retards font tous ressortir l'inefficacité du processus actuel.
Les Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard ont peu l'expérience du processus des revendications particulières; ceci dit, la revendication qui est actuellement à l'examen en illustre bien les difficultés.
L'actuelle revendication provenant de l'Île-du-Prince-Édouard est présentée par la bande de Lennox Island. Elle porte sur un terrain important connu sous le nom de Hog Island, acheté par décret fédéral en 1942 expressément pour « les Indiens l'Île-du-Prince-Édouard ». Toutefois, le terrain n'a jamais été désigné comme réserve.
Dans ce cas particulier, la Première nation de Lennox Island a présenté une revendication pour la première fois le 16 décembre 1996. Neuf mois ont passé avant qu'elle fasse l'objet d'un contrat de recherche. La recherche a été achevée, examinée et présentée à la Première nation le 28 août 1998. Il s'agissait d'une recherche conjointe de la Première nation et du ministère des Affaires indiennes. La revendication a ensuite été soumise au ministère de la Justice le 7 février 2002. Après recherche, examen et pas mal de disputes, le ministère de la Justice a formulé une opinion préliminaire, et un avis juridique a été signé le 24 mars 2005.
Voilà où en est la revendication, et elle ne bougera pas tant qu'on ne jugera pas approprié de lui faire franchir la dernière étape du processus des revendications particulières. Cela fait un an et demi que nous attendons qu'un analyste entreprenne d'étudier et d'examiner la revendication encore une fois. Cet exemple montre le genre de redondances, manque de communication et retards qui entachent le processus.
Voilà dix ans que la revendication a été déposée, et la dernière étape du processus reste encore à franchir. Ce genre de retard monumental constitue la faille la plus importante du processus des revendications particulières. Malheureusement, les retards commencent souvent à s'accumuler bien longtemps avant que la revendication d'une Première nation parvienne à la Direction générale des revendications particulières. Les recherches initiales peuvent être retardées, et le sont souvent, en raison de problèmes de financement. Faute d'une meilleure description, je dirais que l'épluchage — que beaucoup qualifient de tatillon — auquel procèdent les agents financiers qui s'occupent des revendications particulières peut occasionner de multiples retards, alors que ces agents suivent une démarche qu'ils ont eux-mêmes établie.
Les Premières nations comprennent le besoin de rendre compte de chaque dollar dépensé, mais le fait est que les retards obligent parfois à mettre à pied du personnel et à amputer le plan de travail du service de recherche concerné.
Voilà qui, malheureusement, risque de créer un décalage entre les attentes des Premières nations et ce que le service de recherche peut, de façon réaliste, produire. Sans compter qu'il s'agit d'un cercle vicieux, puisque la moindre modification du budget enrayera à nouveau la mise en œuvre du plan de travail.
Dans le cas de la revendication particulière portant sur Hog Island qu'a présentée la Première nation de Lennox Island, le retard le plus considérable a été occasionné par le ministère de la Justice. Il a fallu trois ans pour obtenir un avis juridique signé, et un an et demi plus tard, nous attendons toujours que cet avis fasse l'objet d'un examen.
Pour ce retard considérable? Peut-être parce que trop de divisions sont mises à contribution au ministère de la Justice. La revendication particulière ricoche d'un service à l'autre, d'une division à l'autre, chacun ayant son avis sur sa légitimité et sur la recherche qui l'accompagne. Encore une fois, nous sommes confrontés à des retards, à des redondances et au manque de communication.
Le dernier retard dans le processus des revendications particulières est imputable à la multitude de recherches inutiles et de l'examen auquel ces recherches sont soumises et resoumises à chaque étape. Les redondances abondent quand la recherche initiale réalisée par la Première nation fait l'objet d'une contre-recherche, puis que la contre- recherche fait l'objet d'un examen et d'une étude, pour qu'ensuite le ministère de la Justice fasse une autre recherche.
Enfin, un examen interne est effectué de toutes les recherches, avec l'option de pousser celles-ci encore. Les retards qui en résultent peuvent ajouter des années au traitement d'une revendication. Et tout ce temps, la matière sur laquelle se penchent les divers services est essentiellement la même.
Comme nous l'avons indiqué, le manque de communication joue beaucoup sur le processus des revendications particulières. La communication tout au long du processus est extrêmement difficile — communication entre les divers services de la Direction générale des revendications particulières, communication entre les diverses divisions du ministère de la Justice et la Direction générale des revendications particulières et, enfin, communication entre les divers paliers de l'Administration et la Première nation qui a présenté la revendication.
Comme peut en attester Mme MacDonald, notre directrice de recherche, pour vérifier récemment où en était la revendication particulière de Hog Island présentée par la Première nation de Lennox Island, il a fallu multiplier les coups de téléphone et les lettres afin de localiser l'analyste des revendications qui s'occupait du dossier. Il faudrait sans doute un peu d'effort pour garder la Première nation informée de chaque étape franchie et de la façon dont elle s'est soldée, mais cela aiderait beaucoup à instaurer un climat autre que celui de la rivalité dans le processus.
Comme vous avez dû l'entendre tout au long de votre examen, il y a sûrement des défauts dans le processus des revendications particulières. Peut-on l'améliorer? Cela dépend du sérieux avec lequel on accueille les observations des divers participants invités. Dans l'immédiat, à notre avis, la solution passe par des augmentations — augmentation du financement et augmentation du personnel affecté au processus.
Un financement plus important faciliterait sûrement les règlements. Un personnel plus nombreux raccourcirait les délais d'exécution. Toutefois, il s'agit bien d'une solution à court terme. À long terme, il faut remédier aux carences fondamentales. Seule une révision complète du comment et du pourquoi du processus permettra en définitive de corriger ce qui est devenu un cauchemar bureaucratique pour tous les intéressés.
Un plan à long terme devrait prévoir la rationalisation. Il faudrait rationaliser le processus en éliminant le besoin de doubler voir même de tripler la recherche. Faire contribuer tous les intéressés à la recherche rendrait service au gouvernement du Canada et aux collectivités des Premières nations.
Le gouvernement ferait ainsi preuve de sa bonne foi, montrant qu'il est disposé à s'employer à résoudre la question fondamentale des revendications particulières. Les Premières nations feraient de même, montrant qu'elles sont prêtes à chercher une solution au mieux des intérêts de toutes les parties.
D'après nous, le dernier effort pour rationaliser le processus des revendications particulières devrait porter sur le regroupement. À l'heure actuelle, divers services s'occupent de différents aspects des revendications. Pourquoi est-ce nécessaire? Tous les intéressés souhaitent parvenir au même résultat — régler d'une façon ou d'une autre la revendication en question.
La solution serait de créer une organisation-cadre qui concentrerait en un lieu toutes les étapes du processus des revendications particulières, étapes qui seraient régies par les mêmes politiques et dirigées par la même administration. Ainsi serait aussi éliminés le recours abusif aux freins et contrepoids, l'examen à l'excès et la vérification en double et en triple qu'on retrouve maintenant à chaque étape. Si un ensemble bien défini de consignes pouvait être établi, une marche à suivre claire s'appliquant à chaque étape et à tous les aspects du processus des revendications particulières, les problèmes des redondances et du manque de communication disparaîtraient en bonne partie.
Pour conclure, si l'engagement qui sous-tend le processus des revendications particulières est parfaitement valable, les circonvolutions bureaucratiques auxquelles a donné naissance sa mise en œuvre étouffent tous ceux qui participent au processus. Malheureusement, dans son effort pour obtenir un règlement plus juste et plus impartial, le gouvernement a nourri une situation chaotique où des personnes surchargées font un travail inefficace. Les redondances, retards et manque de communication caractérisent le processus et repoussent de nombreuses années le règlement de chaque revendication.
Pour résoudre le problème, il faut revoir complètement le processus des revendications particulières. Il faut se rendre compte que d'accroître le financement et les ressources humaines ne suffit pas. Si on s'en tient à ça, on pourrait en fait amplifier le cauchemar bureaucratique. L'augmentation des ressources financières et humaines sera un aspect important de toute refonte du processus, mais elle doit se faire parallèlement à une rationalisation et à un regroupement d'ensemble.
Je tiens à vous remercier beaucoup de nous avoir invitées à participer à cet examen important. Au nom de la Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island — qui réunit les deux Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard — nous vous souhaitons de mener à bien la tâche difficile qui vous est dévolue.
Le président : Je vous remercie madame Cutcliffe. Votre exposé est-il terminé, madame la chef Bernard?
Mme Bernard : Oui, voilà qui complète notre exposé.
Le président : Honorables sénateurs, ce que nous avons entendu ce matin, nous l'avions déjà entendu, sous une forme ou une autre, mais je considère important que nous l'entendions venant de toutes les régions du pays.
Il est facile pour nous de l'Ouest de nous intéresser à l'Ouest, mais il importe d'entendre ce que les Autochtones de l'Est du pays, qui sont peut-être moins nombreux, mais qui éprouvent les mêmes contrariétés que nos Autochtones de l'Ouest.
Il est difficile de croire, après avoir écouté l'exposé de Mme Cutcliffe, que nous, en tant que pays, tournons encore en rond avec cette question, comme un chien qui court après sa queue. Nous avons entendu parler du problème de la recherche avant. Avez-vous suivi de près cette question dans le cas de votre revendication, comment on continue de faire et refaire la recherche?
Mme Cutcliffe : Franchement, un des problèmes à l'Île-du-Prince-Édouard est qu'il y avait un manque de ressources au niveau des Premières nations au départ. Ce n'est que tout dernièrement, dans les trois dernières années, que nous avons pu obtenir les ressources pour créer notre propre service de recherche, que dirige Mme MacDonald.
Nous avons effectué un suivi, de notre mieux, depuis dix ans. Plus récemment, grâce au travail de notre service de recherche et de Mme MacDonald, nous avons obtenu des informations sur la façon dont le traitement de la revendication était retardé et comment la vérification et contre-vérification, l'examen et le réexamen de la recherche avait englué notre revendication dans le processus.
Le président : J'aimerais poser une petite question, monsieur et madame les sénateurs, puis je reviendrai au sénateur Lovelace Nicholas.
Je suis sûr que vous connaissez bien le projet de loi C-6, qui a été déposé; pensez-vous qu'il peut être modifié? Je crois qu'il a été adopté, mais n'est pas entré en vigueur. Nous avons là une législation qui a été conçue pour essayer de régler ce problème, mais n'a jamais reçu l'approbation des Premières nations d'aucune région du pays, si je comprends bien.
Vous êtes-vous penchés sur cette question? Pensez-vous que cela pourrait être une solution, si nous devions modifier cette législation; ou pensez-vous que le problème est si énorme qu'on doive le reprendre au début? J'aimerais avoir votre sentiment à ce sujet.
Mme Cutcliffe : Certainement. Je vais laisser intervenir Mme MacDonald ou le chef Bernard. Cependant, si vous revenez à notre présentation, aucun de ces problèmes visés dans des revendications particulières n'est différent de nombre des autres problèmes auxquels sont confrontées les Premières nations.
À notre avis, la solution ne peut pas être atteinte par un simple changement de la législation. Les types de changements qui doivent être apportés à ce processus sont endémiques à la bureaucratie dans sa totalité. Nous sommes convaincus que c'est par ce genre de révisions visant l'ensemble du processus qu'il faut commencer, et pas simplement une réponse législative.
Le président : Avez-vous d'autres commentaires, madame MacDonald?
Tammy MacDonald, directrice de la recherche, Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island : Oui.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné qu'il y avait des lacunes et des retards en ce qui concerne les revendications territoriales particulières. Pensez-vous que cela soit fait pour dissuader les Premières nations de poursuivre les revendications territoriales, pour les amener à abandonner?
Mme Bernard : Non. Ils vont peut-être nous décourager, mais nous n'abandonnerons pas. Je ne pense pas qu'aucune Première nation abandonne.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Pensez-vous que c'est le but du ministère de la Justice de décourager les revendications territoriales?
Mme Bernard : Je ne saurais me prononcer sur leurs motifs. C'est un processus très lourd, et tout processus qu'on envisage pour l'avenir doit être rapide, efficace et respectueux.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel serait le développement économique significatif quand les revendications territoriales seront réglées, si elles le sont?
Mme Bernard : Parlez-vous de l'Île-du-Prince-Édouard et de l'île Hog?
Le sénateur Lovelace Nicholas : Oui.
Mme Bernard : La communauté autochtone des Premières nations de l'Île-du-Prince-Édouard fait partie du peuple micmac et nous avons un fort sentiment de propriété pour la terre sacrée de l'île Hog. Nous voulons que la question soit réglée, pour que nous puissions protéger l'île et passer à autre chose. Nous ne sommes pas à la recherche de bénéfices économiques liés à ce site, parce que c'est un cimetière sacré.
Le président : À quelle distance est l'île de l'île principale?
Mme Bernard : Pas loin. Je pourrais le faire à la nage, et je ne suis pas une bonne nageuse.
Le président : Quelle est la taille de l'île?
Mme Cutcliffe : Je crois qu'elle fait environ 1 300 acres.
Le président : Est-elle habitée?
Mme Bernard : Non.
Mme Cutcliffe : C'est un bout de terrain sensible sur les plans de l'écologie et de l'environnement. Dans un sens, le « chapelet d'îles » visé par cette revendication particulière a essentiellement la fonction de protéger la réserve de l'île Lennox contre le détroit de Northumberland.
Mme Bernard : C'est une barrière naturelle.
Mme Cutcliffe : Oui. S'il n'était pas là, la communauté actuelle de l'île Lennox serait exposée à une grave dévastation. De toute évidence, non seulement il y a des liens traditionnels et historiques avec la terre, mais c'est aussi un élément important pour la protection de la réserve de l'île Lennox, située dans la baie Malpeque. Ce chapelet d'îles protège la baie en jouant un rôle de barrière. C'est pourquoi il est d'un grand intérêt de protéger ce terrain.
Le président : L'île Hog est une seule île.
Mme Cutcliffe : C'est un chapelet de trois îles.
Le président : J'essaie de clarifier les choses pour qu'on puisse s'en faire une bonne idée. Cette séance est télévisée et nombre des spectateurs ne comprennent pas que le processus des revendications particulières vise à redresser les énormes injustices dont ont été l'objet nos peuples autochtones. Par exemple, des routes, voies ferrées, et cetera ont violé des terres autochtones. En outre, à une époque, les agents des sauvages se sont rendus coupables de fraude dans les anciens processus d'établissement des réserves.
Sénateur Sibbeston, avez-vous une question ou un commentaire?
Le sénateur Sibbeston : Chef Bernard, j'aimerais que vous me disiez quelle est la taille de la réserve de l'île Lennox, combien de personnes y vivent et ce qui s'y déroule.
Mme Bernard : Mon Dieu, avez-vous beaucoup de temps? Il s'y passe bien des choses. L'île Lennox est située au large de la rive nord de l'île du Prince-Édouard. C'est une petite île reliée à l'île du Prince-Édouard par un pont-jetée construit en 1971. La bande compte en tout 800 membres, et 350 personnes vivent dans la réserve. Notre moyenne d'âge est très basse, avec de nombreux enfants. Il y a deux ans, 14 bébés sont arrivés dans la communauté. Nous avons une croissance rapide, comme le montre la démographie des Premières nations dans tout le pays. Notre communauté est engagée dans l'écotourisme et nous pratiquons la pêche basée sur les droits et la pêche commerciale. L'été dernier, nous avons créé notre société de développement. Nous avions remarqué que certaines de nos entreprises étaient gérées comme des programmes, et les programmes ne rapportent pas d'argent; c'est pourquoi nous avons tout transféré à la société de développement. Nous considérons aussi les domaines de la technologie de l'information et de l'immobilier. La Première nation de l'île Lennox a récemment acquis une propriété dans Wilmont/Summerside, juste sur la grande route, où loge notre organisation tribale. L'an prochain, nous nous installerons à Charlottetown pour ouvrir un autre bureau d'espace de location et un centre d'amitié pour la communauté des Premières nations. Nous exécutons nous- mêmes tous nos programmes, comme partout ailleurs. Nous examinons aussi l'énergie éolienne et devrions ériger deux ou trois aérogénérateurs à l'été 2007.
J'aurais pu apporter toute une liste d'activités à la séance d'aujourd'hui. À la place, j'enverrai au comité une présentation sur les diverses choses que réalise notre petite communauté progressiste.
Le sénateur Sibbeston : Je remarque que votre délégation est composée de femmes. Où sont passés les hommes?
Mme Bernard : Où sont les hommes? Les hommes sont ici. Le chef Gould de la bande Abegweit est un homme. C'est mon collègue à l'île du Prince-Édouard et il est le coprésident de la Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island. Il y a beaucoup d'hommes qui travaillent pour nous.
Le sénateur Sibbeston : Est-ce qu'il y a des hommes qui font partie de votre conseil de bande?
Mme Bernard : Il y en a un, depuis peu. Je dirige le conseil de bande depuis que je suis devenue chef il y a six ans. J'ai tout le temps eu un conseil féminin mais, à la dernière élection, un jeune homme a été élu au conseil. Il est plein d'enthousiasme, mais nous devons parfois le freiner et lui rappeler que nous avons des processus et des politiques. Nous avons beaucoup à faire à développer des politiques pour notre communauté et à construire des structures. De toute évidence, nous allons nous pencher sur les questions de gouvernance. Nous avons fait de grands progrès avec l'élaboration de notre société de développement pour la communauté.
Le sénateur Sibbeston : Madame Cutcliffe, pour ce qui est d'une solution au traitement des revendications particulières, vous avez suggéré qu'on devrait rationaliser et consolider les systèmes en créant une organisation parapluie. Pourriez-vous préciser, s'il-vous-plaît?
Mme Cutcliffe : Cela va m'aider à répondre aussi. J'espérais répondre à certaines des questions du sénateur Lovelace sur la possibilité que les retards étaient destinés à décourager les Premières nations. C'est une bonne transition vers cette question.
Que l'intention soit ou non de décourager les Premières nations, cela demeure un processus décourageant. Il y a probablement beaucoup d'autres témoins qui vous ont dit la même chose. De notre point de vue, un des facteurs qui y contribuent est que le processus repose sur l'hypothèse que le gouvernement veut régler les griefs historiques avec les Premières nations. Pourtant, le processus va à l'encontre, en quelque sorte, de l'objectif du ministère de la Justice dans le processus des revendications. Le ministère de la Justice joue un rôle important dans la protection des intérêts du gouvernement. Cela étant dit, le rôle du ministère de la Justice dans le processus des revendications particulières semble très contradictoire avec le processus dans son ensemble. Si le processus est destiné à redresser les griefs historiques des Premières nations, mais qu'un des grands acteurs en est le ministère de la Justice dont le rôle et le but sont de protéger le gouvernement, il semble que nous sommes continuellement en porte-à-faux. Un grand nombre des retards semblent survenir entre le moment où on fournit le résultat des recherches au ministère de la Justice et l'inspection et la contre- vérification de l'information pour s'assurer de la validité de la revendication. C'est pourquoi nous avons proposé que, peut-être, une rationalisation du processus devrait envisager une sorte d'organisation exhaustive qui engloberait aussi, espérons-nous, les aspects légaux. Ainsi, au lieu d'un processus encombré par des intérêts qui se font concurrence, il y aurait un ensemble commun de politiques et procédures destinées à trouver plus vite et plus facilement des solutions aux revendications particulières. Il est certain que nous n'avons pas les réponses à ces problèmes et nous rendons hommage à ce comité pour son travail; il a une énorme tâche devant lui.
Il nous semble, comme nous l'avons dit, que l'expérience des revendications particulières est relativement limitée à l'Île-du-Prince-Édouard. À ce que nous comprenons, un des grands problèmes est ce tiraillement au sein du processus lui-même, les intentions du processus et le rôle qu'y joue le ministère de la Justice.
Le sénateur Sibbeston : Je sais que ce n'est pas vous qui l'avez dit, mais nous avons entendu des représentations d'autres régions du pays qui disent qu'il ne pourra jamais avoir une voie rapide vers une résolution finale de ces revendications s'il n'existe pas une sorte d'organisme indépendant, indépendant du gouvernement fédéral et du ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, qui se penche sur les revendications particulières.
Auriez-vous un commentaire sur ce sujet? Pensez-vous que le règlement rapide de ces revendications exige de faire intervenir un organisme indépendant?
Mme Cutcliffe : Nous pensons en effet que ce serait probablement la meilleure solution. Mais nous ne pouvons pas présumer. Comme je l'ai dit, nous n'avons qu'une expérience directe limitée de ces revendications.
C'est certain, si on se base sur le fait qu'il y a des conflits nets et des difficultés apparentes entre le rôle du ministère de la Justice et l'ensemble de la procédure telle qu'est conçue, on peut s'attendre à ce qu'un processus indépendant soit la solution la plus raisonnable. C'est probablement la meilleure façon de régler la question des conflits entre le rôle du ministère et l'intention du processus.
Le sénateur Sibbeston : J'imagine que vous êtes un petit groupe de personnes, très éloignées, tentant de régler une revendication. Quel est votre sentiment face à une telle question? Pensez-vous que c'est une tâche énorme et que vous devez traiter avec une organisation qui a tous les atouts contre vous, dans le sens où vous présentez votre revendication au gouvernement fédéral en vous adressant poliment au ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui fait à terme intervenir le ministère de la Justice, autrement dit un organe du gouvernement, qui donne son opinion et qui a très certainement à cœur les intérêts de la Couronne?
Je soupçonne qu'il est fort difficile pour eux de rendre un jugement indépendant ou équitable alors qu'ils sont, dans un sens, payés par le gouvernement fédéral et représentent la Couronne. J'aimerais connaître votre sentiment face à cette revendication particulière.
Mme Cutcliffe : De toute évidence, c'est, comme par le passé, un problème énorme. Si vous prenez le cas de l'Île-du- Prince-Édouard, il y a deux petites Premières nations dans une province relativement petite, et les ressources techniques qui leur sont disponibles sont extrêmement limitées.
En ce qui concerne les revendications particulières et bien d'autres questions, il est absolument remarquable, de l'avis de quelqu'un qui a le privilège de servir les Micmacs de l'Île-du-Prince-Édouard, qu'ils puissent accomplir tout ce qu'ils font et servir les intérêts de leur peuple aussi bien qu'ils le font, considérant à quel point les forces en jeu sont disproportionnées dans des processus comme le règlement des revendications particulières.
Le sénateur Sibbeston : Quelle est votre relation avec le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard? Est-ce que votre revendication a une quelconque incidence sur des terres appartenant au gouvernement provincial, ou quelque chose comme ça?
Mme Bernard : Historiquement, il n'y a pas eu de relation entre les Premières nations et le gouvernement provincial. Par contre, nous espérons que la province lancera une sorte de forum tripartite où nous pourrions aborder certaines de ces questions.
Pour ce qui est de la revendication particulière, je ne pense pas que cela concerne aucunement des terres qui pourraient appartenir à la province. Je pense que ça concernait toujours des terres fédérales.
Mme Cutcliffe : Ce sont des terres qui appartiennent actuellement à la couronne fédérale, ce qui montre très bien à quel point ces délais peuvent être extrêmement longs.
C'est là une revendication qui, au premier abord, pourrait sembler assez simple à régler. Les terres appartiennent déjà à la couronne fédérale, qui les a achetées en 1942 en vertu d'un décret qui disait précisément qu'elles étaient acquises pour le bénéfice des Indiens de l'Île-du-Prince-Édouard.
La revendication visait essentiellement à régler la question que les terres, pour on ne sait quelle raison, n'ont jamais été désignées comme terres de réserve. C'est à peu près ce qu'on peut envisager de plus direct pour une revendication mais, dix ans plus tard, nous en attendons toujours le règlement.
Le président : J'espère que les intérêts du gouvernement sont aussi ceux de nos Premières nations. Nous avons entendu des politiciens parler de société juste et de divers autres aspects, et notre caractère équitable nous a valu les louanges du monde entier. Et pourtant, nous semblons incapables de traiter avec les Premières nations, qui ont si bien accueilli les premiers Européens qui sont venus ici.
Nous étions hier en Nouvelle-Écosse, pour des audiences à Millbrook. Je ne sais pas si vous avez déjà vu leur centre d'interprétation, mais ils y renforcent l'idée que les Premières nations non seulement ont accueilli amicalement les Européens qui se sont installés là, mais aussi qu'elles les ont aidés à survivre dans un environnement rigoureux. On a donc de la difficulté à croire que l'intérêt du gouvernement ne soit pas de régler cette question. Le ministère de la Justice ne devrait aucunement constituer une entrave, parce que cela ne peut que conduire à des frustrations. Les Canadiens se demandent pourquoi il y a de ces confrontations. Ce sont des différends historiques basés sur une utilisation abusive des terres découlant d'une fraude et, à la limite, d'un vol.
J'espère que vous continuerez votre lutte avec nous, et nous allons essayer de convaincre l'actuelle administration que nous devrions agir immédiatement. Il est à espérer que nos recommandations seront suivies, et les vôtres feront partie de notre rapport.
Je vous remercie d'avoir fait tout ce chemin depuis l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Madame et monsieur les sénateurs, vous vous souviendrez sans doute qu'il y a trois semaines, nous avons entendu Mme Debbie Abbott, de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. Elle avait expliqué clairement que la situation en Colombie-Britannique pour ce qui est des revendications particulières est complexe et unique. Le grand nombre de revendications particulières en suspens en Colombie-Britannique contribue pour une part importante à l'arriéré national. Après les audiences, le comité a été aimablement invité à se rendre en Colombie-Britannique pour y rencontrer les Premières nations; malheureusement, comme vous le savez, le comité a décidé d'effectuer cette étude sans se déplacer et nous avons dû décliner l'invitation. Il s'agissait ici d'essayer de limiter les coûts tout en restant efficaces. Nous avons demandé aux témoins de venir ici pour témoigner dans ce cas particulier. Il nous a toutefois semblé qu'il nous fallait avoir un complément d'information de la part de la province; nous avons donc lancé une invitation au Comité des revendications particulières de la Colombie-Britannique (BCSCC) et, ce matin, nous avons devant nous son président par intérim, le grand chef Ken Malloway. Il est accompagné de Mme Jody Woods, directrice de recherches à l'Union of British Columbia Indian Chiefs.
Grand chef Ken Malloway, président intérimaire, Comité des revendications particulières de la Colombie-Britannique : Bonjour, madame et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à faire cette présentation devant vous aujourd'hui, au nom du Comité des revendications particulière de Colombie-Britannique.
À l'automne de 2005, le Comité des revendications particulières de Colombie-Britannique a été rendu indépendant de l'APN à la lumière d'un récent jugement à l'effet que la Loi sur le règlement des revendications particulières et de l'arriéré croissant des revendications particulières des Premières nations en Colombie-Britannique. Le comité a commencé à se réunir pour coordonner à l'échelle régionale les travaux sur ces questions.
Les objectifs du comité sont les suivants : se pencher sur la situation unique des revendications particulières en Colombie-Britannique; élaborer et mettre en œuvre une stratégie visant le règlement équitable, juste et rapide des revendications particulières en Colombie-Britannique; et éduquer et informer les Premières nations de Colombie- Britannique en ce qui concerne la législation sur les revendications particulières.
Le Comité sur les revendications particulières de Colombie-Britannique regroupe des représentants des unités de recherche sur les revendications de Colombie-Britannique. Les organisations qui composent le BCSCC sont mandatées depuis de nombreuses années par plus de 150 Premières nations pour effectuer pour leur compte des recherches sur les revendications particulières ou permettre aux Premières nations de mener leurs propres recherches, ce qui représente 80 à 90 pour 100 des revendications en cours d'examen en Colombie-Britannique. Elles ont aussi été engagées dans les initiatives de réforme des politiques sur les revendications au cours des 15 dernières années.
Depuis 1982, époque où les politiques canadiennes sur les revendications particulières ont été définies dans la brochure Dossier en souffrance — Une politique des revendications des Autochtones, la crédibilité et l'efficacité du processus des revendications particulières a été minée par le conflit d'intérêt inhérent du Canada, puisqu'il est à la fois juge et partie dans les revendications formulées contre lui.
Une Commission des revendications particulières des Indiens indépendante a été créée en 1991, à titre de mesure intérimaire pour que les Premières nations puissent en appeler du rejet par le Canada de leurs revendications particulières. La CRPI ne peut cependant que faire des recommandations au gouvernement en vue d'accepter la négociation des revendications; elle ne peut pas rendre de décisions exécutoires sur la validité des revendications ni sur les dédommagements. Qui plus est, elle ne change en rien le conflit d'intérêt inhérent du gouvernement fédéral, qui entache toutes les étapes précédentes du processus des revendications particulières.
Je reviendrai dans un moment à cette question cruciale, mais je voudrais d'abord vous dépeindre l'histoire unique de l'établissement de réserves qui a donné naissance à tant de revendications particulières en Colombie-Britannique, ainsi que le statut unique des revendications particulières des Premières nations de Colombie-Britannique dans le monumental arriéré de revendications qui attendent que le gouvernement fédéral agisse.
À l'époque coloniale, de 1848 à 1865, les réserves indiennes de Colombie-Britannique ont été créées par le gouverneur James Douglas, conformément au mandat donné par la Compagnie de la baie d'Hudson et la couronne impériale britannique. Dans le sud de l'île de Vancouver, de petites réserves ont été créées par le gouverneur Douglas avec les traités de Fort Victoria. Dans la vallée du Fraser et dans certaines parties de l'intérieur sud, de grandes réserves de Douglas ont été créées sur les ordres du gouverneur. Quand le gouverneur Douglas a envoyé ses arpenteurs, il leur a dit de demander aux Indiens d'indiquer eux-mêmes les terres qu'ils voulaient qu'on leur réserve. Il voulait que cela incluse les cimetières, les territoires de chasse, les villages, les jardins et les sites de villégiature favoris (favourite resorts). Nous ne sommes pas vraiment certains de ce que recouvre ce dernier terme. C'étaient là les instructions qu'il avait données, et elles ont été appliquées à la lettre par les arpenteurs. Les réserves étaient très grandes, mais elles ont été amputées. De 1866 à 1870, ses successeurs ont unilatéralement amputé ou morcelé les grandes réserves de Douglas et, en 1871, la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération.
Dans la période d'après la confédération, de 1871 à 1905, plusieurs commissions de réserve ont été nommées pour terminer l'allocation de réserves indiennes en Colombie-Britannique. Elles été créées et orientées par des décrets et des lettres de nomination officielles des autorités fédérales et provinciales. Les décisions des commissions quant à l'établissement de réserves étaient des mesures exécutoires unilatérales, en ce sens qu'aucun traité ou législation spécifique n'intervenait.
Tout à fait à part de ces commissions de réserve du XIXe siècle, le traité no 8 a été signé en 1899, en vertu duquel des réserves ont été créées dans le nord-est de la Colombie-Britannique et dans la vieille région de la rivière de la Paix.
Entre 1913 et 1916, une autre commission royale conjointe fédérale-provinciale, connue sous le nom de commission McKenna-McBride, a été créée pour ajuster les réserves indiennes en Colombie-Britannique. De nombreuses réserves ont été amputées, voire annulées. Dans un petit nombre de cas, leur superficie a été augmentée et, la plupart du temps, les allocations antérieures ont simplement été confirmées par la commission. Un décret officialisait l'acceptation par les deux gouvernements des décisions de la Commission McKenna-McBride. Comme les commissions de réserve qui avaient précédé, leurs décisions étaient unilatérales, et ont donné naissance à de nombreuses revendications particulières en Colombie-Britannique. C'est dans ce contexte historique que doivent être évaluées les circonstances actuelles des revendications particulières des Premières nations de Colombie-Britannique.
En Colombie-Britannique, il y a plus de 200 bandes indiennes ou Premières nations individuelles vivant sur plus de 1 680 petites réserves indiennes. Celles-ci comprennent le deuxième plus petit territoire propre aux Indiens au Canada, mais nous avons la troisième plus grande population vivant dans des réserves au pays. Les bandes de la Colombie- Britannique comprennent environ 27 nations tribales ayant chacune une langue et une culture distincte. Cela représente plus de la moitié de tous les groupes tribaux au Canada.
La combinaison de l'histoire particulière des réserves de la Colombie-Britannique d'une part et du nombre et de la diversité de nos collectivités de Premières nations d'autre part a donné un nombre disproportionné de revendications particulières en Colombie-Britannique.
Pendant longtemps, le processus d'examen des revendications particulières a eu un grand arriéré sans cesse croissant de revendications en attente d'une décision du ministère de la Justice et du ministre des Affaires indiennes. Ces revendications peuvent être en suspens pendant 10 ans ou plus.
Quand j'ai commencé à faire des recherches pour la Nation Sto:lo à ce sujet en 1985, on m'a remis une brochure intitulée Dossier en souffrance : une politique des revendications des Autochtones et publiée pour la Direction générale des revendications particulières. On y lit que nous n'aurions qu'une année à attendre pour obtenir une réponse du Canada, que celui-ci accepte ou rejette notre revendication. Cet engagement n'a jamais été respecté.
Le président : Vous dites que c'était en 1985?
M. Malloway : J'ai commencé à y travailler en 1985, mais la brochure a été rédigée un peu plus tôt. Elle dit que nous n'avions qu'à attendre une année, mais nous avions attendu plusieurs années quand nous avons déposé nos revendications. Nous avons toujours eu à attendre plusieurs années pour généralement être déboutés.
Depuis 1970, 45 p. 100 de toutes les revendications particulières devant le Canada ont été déposées par les Premières nations de la Colombie-Britannique. À l'heure actuelle, il y a près de 700 revendications en attente d'une décision par le Canada. Près de 50 p. 100 d'entre elles proviennent des Premières nations de la Colombie-Britannique. Au ministère de la Justice, plus de 60 p. 100 des revendications dans l'arriéré viennent des Premières nations de la Colombie- Britannique.
Au niveau national, le Comité des chefs de l'APN relatif aux revendications a tenté d'obtenir une réforme de la politique des revendications en travaillant avec des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes — d'abord dans un groupe d'étude mixte de 1991 à 1993 et ensuite dans un groupe de travail mixte, de 1997 à 1999. Dans les deux cas, le gouvernement du Canada n'avait pas la volonté politique de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour le processus d'examen des revendications spécifiques.
Malgré l'opposition unifiée des Premières nations et de tous les partis d'opposition fédéraux à l'époque, la Loi sur le règlement des revendications particulières, projet de loi C-6, a été adoptée par le Parlement en 2003. Fait particulièrement troublant pour les Premières nations de la Colombie-Britannique, cette loi fait obstacle à toutes les revendications particulières basées sur des engagements unilatéraux de la Couronne, ce qui pourrait en fait empêcher plus de 80 p. 100 des revendications particulières en Colombie-Britannique d'avoir accès aux nouveaux processus de règlement envisagés par la Loi sur le règlement des revendications particulières (LRRP).
Le ministre actuel des Affaires indiennes a dit que la réduction de l'arriéré des revendications particulières est une priorité. Toutefois, il a rejeté toute modification de la LRRP et ne réexaminera pas les recommandations du rapport du groupe de travail mixte, tel que préconisé par les Premières nations dans tout le Canada. Au lieu de cela, dans des lettres adressées à moi et aux autres chefs l'été dernier, il a manifesté son intention de bricoler la Commission des revendications particulières des Indiens (CRPI).
Permettez-moi d'être clair. Le bricolage de la CRPI ne corrigera en rien les failles fondamentales du processus d'examen des revendications particulières. La proposition du ministre est totalement inacceptable pour les Premières nations de la Colombie-Britannique et du reste du Canada. C'est une diversion importante par rapport aux réformes de la politique relative aux revendications que les Premières nations et les conservateurs, bloquistes et les néo-démocrates ont appuyé unanimement il y a moins de trois ans.
Maintenant au pouvoir, il semblerait que le parti conservateur ait changé d'avis. C'est honteux, particulièrement quand on tient compte des connaissances approfondies du ministre Prentice concernant les questions de réforme des revendications particulières, connaissances qu'il a acquises à titre de commissaire de la CRPI. De plus, la semaine dernière, il a suggéré que la responsabilité de régler les revendications datant d'avant la Confédération n'incomberait peut-être pas au Canada. C'est ce genre de position rétrograde qui souvent transforme des revendications particulières en confrontations.
Nous vous y trompez pas; à moins d'une réforme véritable à courte échéance, ce n'est qu'une question de temps avant que des incidents comme ceux d'Oka, d'Ipperwash et de Caledonia se produisent dans les collectivités de toute la Colombie-Britannique. Le temps presse. Notre patience est à bout.
En 2002, la Cour suprême a décidé dans l'affaire Bande indienne Wewaykum c. Canada que l'acte de transfert des terres de la Colombie-Britannique au Canada n'a eu lieu qu'avec le décret 1036 en 1938. Au cours des deux dernières années, le Canada a utilisé cette décision pour soutenir qu'il n'avait aucune obligation fiduciale à administrer et à protéger les terres de réserve créées en Colombie-Britannique avant 1938. Jusqu'ici, le Canada a utilisé l'interprétation du ministère de la Justice de cette décision pour suspendre ou terminer les négociations relatives à deux revendications concernant un droit de pâturage communal, qui avaient déjà acceptées pour fins de négociation.
Je veux signaler que la Nation Sto:lo, l'Union of B.C. Indian Chiefs et les Premières nations de l'Okanagan sont intervenues dans l'affaire du Conseil de la bande dénée de Ross River il y a quelques années. Nous sommes intervenus parce que nous étions préoccupés par les réserves Douglas et les réserves attribuées avant la Confédération. Nous sommes intervenus et nous avons eu gain de cause, bien que ce ne fut pas le cas pour les gens de Ross River. Les avocats de la province de Colombie-Britannique et de la Couronne fédérale ont déclaré qu'ils n'allaient pas s'opposer à cette intervention parce que le gouverneur Douglas était en cause; il était l'autorité suprême en Colombie-Britannique quand il a créé ces réserves. Nous avons présenté à nouveau notre revendication particulière en nous basant sur ce fait, mais nous n'avons toujours pas obtenu de réponse. Nous redoutons que le Canada tente d'utiliser son interprétation de la décision Wewaykum pour rejeter pratiquement toutes les revendications particulières liées aux terres de réserve de la Colombie-Britannique attribuées avant 1938.
Les Premières nations de la Colombie-Britannique ne sont pas convaincues que la réduction de l'arriéré de revendications en Colombie-Britannique par la résolution de leurs revendications particulières est une priorité pour le Canada. Malgré le travail ardu du groupe de travail mixte, les problèmes sous-jacents liés à la politique fédérale concernant les revendications particulières existent toujours — un manque d'équité, un manque de sévérité et un conflit d'intérêts inhérent.
Membres du Sénat, avec 60 p. 100 des revendications dans l'arriéré, 46 p. 100 des revendications en cours d'examen et le plus grand nombre de revendications nouvelles dans le système chaque année, il est impératif qu'une prise en compte de la situation spéciale des revendications particulières en Colombie-Britannique doit faire partie de toute stratégie élaborée pour réduire l'arriéré. On ne pourra réduire celui-ci que par l'entremise d'une réforme importante de la politique et de l'affectation de ressources nettement plus importantes à cette tâche.
Les Premières nations de la Colombie-Britannique veulent que notre arriéré de revendications particulières soit éliminé. Des ressources humaines et financières suffisantes doivent être consacrées à la recherche, à l'examen, à la négociation et au règlement des revendications particulières des Premières nations de la Colombie-Britannique, ou l'arriéré et la responsabilité fédérale continueront de croître.
Nous avons recommandé l'adoption des recommandations du groupe de travail de 1998 pour réviser la politique des revendications particulières. Nous croyons également que la création d'un tribunal national vraiment indépendant pour examiner et régler les revendications aidera à obtenir un règlement équitable et rapide des revendications particulières.
Je serais heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, grand chef. Je viens de la Colombie-Britannique et je vais commencer si mes collègues me le permettent.
Vous recommandez l'adoption des recommandations du groupe de travail mixte de 1998, c'est-à-dire essentiellement la création d'un mécanisme indépendant où le gouvernement ne serait pas le juge, le jury et le procureur. Le groupe de travail mixte recommande également un autre mécanisme de règlement des différends.
Avez-vous examiné un tant soit peu le projet de loi C-6? Je sais que nos Premières nations trouvent cette mesure législative peu favorable. Croyez-vous qu'elle puisse être modifiée ou — comme les témoins précédents de l'Île-du- Prince-Édouard, si je les ai bien compris — que nous devrions tout recommencer?
Grand chef Malloway, je peux vous dire que je ne ferais pas cela si je n'avais pas l'appui du ministre Prentice. Je ne vous blâme pas pour vos frustrations. J'ai fait partie d'un gouvernement; j'ai été ministre du Cabinet et membre du Parlement et j'ai fait le tour du processus. Je sais que vous avez souvent les mains liées quand il s'agit d'expliquer une situation. Cependant, je peux vous assurer que j'ai travaillé avec les sénateurs membres de ce comité, que nous avons rencontré le ministre Prentice et que nous essayons sincèrement de l'appuyer au gouvernement.
Comme vous le savez, gouverner n'est pas un processus simple. Il y a les comités du Cabinet, le Cabinet, le SPN et le BCP. Vous devez traiter avec tous. Nous allons essayer de faire au ministre les plus fortes recommandations possibles et nous avons besoin de votre aide. Nous ne sommes pas ici juste pour le faire. Nous espérons apporter un changement par nos recommandations et nous avons besoin de l'aide de tout le monde.
Vous êtes aux commandes pour ce qui est de faire des recommandations et c'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé de comparaître devant le comité. J'espère que ceci n'est pas une démarche futile car sinon je serai un président désappointé. Est-ce que le groupe de travail mixte pense que nous devons repartir à zéro ou que le projet de loi C-6 est un point de départ?
M. Malloway : En fait, je vous remercie pour cette question parce que j'étais ici avec un certain nombre d'autres personnes de la Colombie-Britannique et de l'Assemblée des Premières nations. Nous avons élaboré une ébauche de certaines modifications au projet de loi C-6, et nous avons comparu devant le comité et fait des observations pour voir s'il accepterait les modifications. À l'époque, tous les partis d'opposition se sont ralliés à nous, y compris les Conservateurs qui ont travaillé très fort à nos côtés. Nous avions un certain nombre de modifications qui, à notre avis, pouvaient aider le projet de loi C-6. Nous avons fait la présentation au comité, mais quand les modifications ont été soumises au vote, la salle a soudainement été remplie de personnes qui avaient été absentes à toutes les réunions précédentes. Le gouvernement d'alors a voté contre. Nous avons été très déçus qu'un certain nombre de personnes se présentent devant un comité et vote contre les modifications présentées au comité de bonne foi par l'Assemblée des Premières nations et les Premières nations de la Colombie-Britannique. Nous avons l'appui du parti Conservateur, du Bloc et du NPD. Nous sommes allés de l'avant avec ces modifications. C'était difficile parce que beaucoup disaient qu'ils se dissociaient du projet de loi C-6. Ils tenaient aux recommandations faites par le groupe de travail mixte. J'ai fait partie du groupe d'étude mixte, du groupe de travail mixte et du Comité des chefs sur les revendications. Je suis dans ce domaine depuis 21 ans et nous ne sommes pas plus près d'un règlement que nous ne l'étions quand j'ai commencé à y participer il y a 20 ans.
Nous avons toujours cru que le meilleur chemin était celui des recommandations du groupe de travail, ce qui a toujours été notre premier choix. Cependant, nous avons comparu devant le comité de la Chambre des communes, nous y avons présenté nos recommandations pour des modifications et elles ont été défaites.
Le président : Vous et moi sommes originaires de la même province et je connais bien les défis auxquels nous devons faire face en Colombie-Britannique. Nous pouvons examiner l'histoire de la Colombie-Britannique et les commissions créées depuis la première en 1876. On a créé des commissions l'une après l'autre — en 1898, 1912, 1920 et 1927 — pour tenter de résoudre un problème en Colombie-Britannique qui manifestement nécessitait l'intervention du gouvernement de l'époque pour traiter avec nos peuples autochtones. On trouve certains règlements quand on parcourt l'ensemble du processus d'examen des revendications territoriales. Cependant, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a, de par la nature de sa conception, une base politique paternaliste face à nos membres des Premières nations.
Est-ce que nos Premières nations, et vous êtes l'un des leaders, grand chef Malloway, ont vraiment pensé au transfert des responsabilités de cette organisation telle qu'elle est aujourd'hui?
Cette organisation ne peut même pas procurer de l'eau potable aux circonscriptions qu'elle est censée servir. Pourtant, pour une raison inconnue, nos Premières nations continuent d'accepter cela sans protestation véritable. Le ministère tente de faire beaucoup de choses comme le logement, l'éducation, et cetera.
Pouvez-vous me dire quelle est la pensée directrice? Pouvez-vous nous dire ce que le leader de nos Premières nations pense concernant l'institution telle qu'elle existe?
M. Malloway : J'ai fait partie du conseil de bande durant 30 ans, depuis 1976. Nous avons toujours préconisé le transfert des responsabilités du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons toujours demandé à nous occuper nous-mêmes de nos affaires et intérêts. Depuis que je suis entré au conseil de bande, nous avons tenté de trouver un moyen de veiller à nos propres affaires et d'obtenir l'autonomie gouvernementale.
Pour faire un retrait dans nos comptes, nous devons rédiger une résolution et quémander notre propre argent auprès du ministère. Ils doivent examiner l'éligibilité à l'argent et si nous sommes suffisamment responsables pour en disposer. La nature paternaliste de la relation a toujours existé à ma connaissance.
La façon dont nous avons été traités m'est toujours restée à travers de la gorge. Quand la Loi sur les Indiens est entrée en vigueur, par définition une « personne » était une « personne autre qu'un Indien ». C'était la définition d'une « personne » dans la Loi sur les Indiens. Elle a été modifiée depuis, mais nous restons avec l'impression que nous ne sommes pas considérés comme des personnes et cette définition nous hante toujours au départ. La définition d'une « personne » dans la Loi sur les Indiens était « personne autre qu'un Indien ».
Le président : Je me rends compte que l'on s'écarte du processus de règlement des revendications particulières, mais l'un des défis est le MAINC, et c'est la raison pour laquelle j'ai soulevé la question.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Bienvenue, chef Malloway. Ma question porte sur l'arriéré des revendications particulières. Quelles sont les conditions dans les collectivités des Premières nations à cause de ces revendications non encore résolues?
M. Malloway : Ma présentation reflète la petite taille des réserves en Colombie-Britannique. On nous a toujours dit quand les réserves ont été créées qu'elles étaient petites parce que nous étions des pêcheurs. De cette façon, elles protégeraient toujours notre droit de pêcher. On nous a dit que nous n'avions pas reçu une grande assise territoriale parce que nous étions des exploitants agricoles. Puis, ils nous ont enlevé notre droit de pêcher et ne nous ont pas permis de gagner notre vie. Nous nous sommes battus par tous les moyens pour reprendre les droits que nous avions concernant la pêche. Nous tentons de gagner notre vie avec la pêche, mais nous avons de la difficulté à y arriver.
L'assise territoriale est minuscule. Ma réserve a moins de 700 acres, et nous avons 400 membres. La réserve de mon oncle au bout du chemin a 50 acres; la réserve voisine a environ 150 acres, et une autre, 40 acres. Les réserves sont très petites. Nous sommes une population urbaine, à Chilliwack, où il y a neuf bandes indiennes, toutes dans la ville. Par conséquent, la terre est trop précieuse pour les Indiens. Nous avons beaucoup de difficulté à gagner notre vie sur des réserves si petites parce que nous devons également loger nos gens.
Le sénateur Lovelace Nicholas : L'anglais est ma langue seconde, et je ne sais pas exactement comment poser ma prochaine question. Si ces revendications territoriales étaient réglées, la qualité de vie de vos collectivités en Colombie- Britannique serait-elle améliorée?
M. Malloway : Oui. Si les revendications dans notre région étaient réglées et si nous disposions des ressources et des terres, cela contribuerait à nous faciliter la vie et à nous rendre plus autonomes.
Même jusqu'à tout récemment, quand nous avons eu la possibilité de négocier un règlement concernant l'une de nos revendications sur la réserve Douglas à Chilliwack, l'un des lopins de terre qu'ils nous ont offerts était un marécage. On penserait que cela se serait produit il y a cent ans. Au contraire, ça s'est produit il y a environ quatre ans.
Le président : Ils sont constants.
M. Malloway : Ils sont constants et ils nous ont offert un marécage. Ils nous ont offert un marécage qu'ils voulaient transformer en sanctuaire d'oiseaux. Il serait resté un sanctuaire d'oiseaux, mais nous en aurions été les propriétaires.
Quand nous parlons de l'honneur de la Couronne, ils sont assez constants. Nous sommes toujours dans la même situation où nous nous trouvions il y a cent ans. Nous essayons toujours de négocier.
L'un des autres lopins de terre qu'ils nous ont offerts était une aire de lancement de fusées dont le MDN n'avait plus besoin, mais il y aurait fallu dépenser des millions de dollars pour la restaurer parce qu'on y trouve des bombes et des munitions non explosées. Vous avez probablement entendu parler de gens en Alberta qui ont déboursé des millions de dollars pour restaurer un terrain du MDN qui leur a été transféré. On nous offre la même chose. Il y a beaucoup de terres publiques dans notre région, mais aucune d'elles ne nous est offerte. On nous offre des terres dont personne d'autre ne veut.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Merci pour votre réponse franche.
Le sénateur Sibbeston : Grand chef Malloway, si j'ai bien compris, les revendications particulières en Colombie- Britannique sont toutes liées à la petite taille de vos terres et aux besoins de terres plus grandes. Vous parlez de la situation des Autochtones en Colombie-Britannique, 200 bandes sur 1 680 réserves. Est-ce bien cela?
M. Malloway : Oui. La plupart des revendications ont trait aux terres, mais certaines ont trait à des fonds qui devaient être conservés en fiducie et qui ont disparu. Il y a quelques revendications de ce genre, mais la plupart sont des revendications territoriales concernant des propriétés que nous avons perdues au fil du temps.
Le sénateur Sibbeston : Concernant vos revendications particulières, comment sont-elles liées à la procédure de conclusion des traités en Colombie-Britannique?
M. Malloway : On nous a dit d'épurer nos revendications particulières avant de signer un traité.
Nous avons participé à la procédure de conclusion des traités durant environ 13 ans. Dans notre région, nous y sommes toujours occupés. Nous ne sommes pas près d'une conclusion, mais nous tentons d'épurer nos revendications particulières. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a offert de négocier un règlement concernant la réserve Douglas, comme conséquence de la procédure de conclusion des traités. Cependant, ce qu'on nous a offert est inacceptable.
Le sénateur Sibbeston : À la page 5 de votre présentation, vous mentionnez des éléments controversés. Vous dites :
C'est ce genre de position rétrograde qui souvent transforme des revendications particulières en confrontations. Ne vous y trompez pas; à moins d'une réforme véritable à courte échéance, ce n'est qu'une question de temps avant que des incidents comme ceux d'Oka, d'Ipperwash et de Caledonia se produisent dans les collectivités de toute la Colombie-Britannique. Le temps presse. Notre patience est à bout.
Quand vous faites cette déclaration, à quel point êtes-vous sérieux? Quelle est la gravité de la situation?
M. Malloway : Il y a en Colombie-Britannique des Premières nations qui persistent à tenter de protéger leurs terres dans la région de Kamloops, près des Premières nations de Sun Peaks. Certains de mes amis et parents sont allés en prison pour avoir tenté de protéger cette terre. Elle a été mise à part comme réserve pour eux par le gouverneur Douglas en 1862. Puis en 1865, Joseph Trutch est allé là et a retranché les réserves en déclarant que le gouverneur Douglas n'avait pas le pouvoir d'aménager des biens-fonds. La dispute d'aujourd'hui date depuis ce moment.
Ces gens de la région de Kamloops ont été présents aux réunions de chaque commission mentionnée précédemment par le sénateur St. Germain, et y ont déclaré qu'ils désiraient récupérer leur réserve. Ces Premières nations se sont présentées devant chaque commission mixte et ont déclaré : « Ils nous ont pris nos terres et notre réserve qui nous a été données par le gouverneur Douglas et nous voulons les récupérer ».
La même chose s'est produite dans la région d'où je viens. Nous nous sommes présentés devant toutes ces commissions et leur avons dit que nous possédions des réserves qui nous avaient été garanties par le gouverneur Douglas, qu'elles nous avaient été enlevées illégalement et que nous voulions les récupérer. Nous n'avons pas cessé de nous adresser au gouvernement. Nous avons toujours demandé que nos terres nous soient rendues. Les gens de cette région ont établi des barrages et des campements, et tenté d'occuper le territoire. Certains d'entre eux sont allés en prison comme résultat.
Des faits semblables sont survenus dans ma région. Des gens ont occupé des immeubles gouvernementaux et déclaré qu'ils ne quitteraient pas les lieux. Dans un cas, nos aînés sont allés occuper une propriété du MDN parce que cette terre nous avait appartenue et qu'on avait promis de nous la rendre quand on a fermé l'hôpital. Nous ne faisons que commencer à nous impliquer dans le processus pour tenter de la récupérer. La seule façon de retenir l'attention du gouvernement était de faire occuper les immeubles par nos aînés. Ça semble parfois être un dernier recours, mais c'est quelque chose que nous envisageons de plus en plus. Il y a de plus en plus de jeunes qui n'ont aucune confiance dans le processus actuel et sont déterminés à faire ce qu'il faut pour récupérer leur terre.
Le président : Sans aucun doute, il y a des défis. Il est intéressant que l'on a créé ces assises territoriales parce que la culture et la vie étaient basées sur la pêche.
On prédisait la semaine dernière que, d'ici 2048, le poisson pourrait être décimé et disparaître à l'échelle mondiale. Ce ne sont pas nos Autochtones qui capturent ces poissons et les tuent sans discernement. Ce sont des filets dérivants, des palangriers et des senneurs qui, le plus souvent, ne sont pas utilisés par nos populations autochtones. Les pêcheurs étrangers utilisent des filets dérivants déployés illégalement. Ce sont là les vrais problèmes.
En Colombie-Britannique, le problème est qu'il y a eu une forte croissance démographique des Premières nations, et que celles-ci sont astreintes à ces petites parcelles de terre. Je connais bien ce problème parce que j'ai vécu dans la vallée du Fraser durant les 40 dernières années. J'ai représenté un grand nombre de ces Premières nations quand j'étais membre du Parlement pour la circonscription de Mission-Port Moody. Je connais bien les frustrations auxquelles vous faites face.
Je ne crois pas que la génération montante, comme vous l'avez signalé, sera aussi généreuse et raisonnable dans ses revendications. Elle sera forcée de revendiquer des choses qui, essentiellement, lui appartiennent légalement, et c'est l'effet déplorable de tout ce processus.
Je désire vous remercier, grand chef Malloway et madame Woods, de votre présence devant nous aujourd'hui. Si vous aviez un souhait concernant l'une ou l'autre des recommandations pour ce processus, grand chef, quel serait-il?
M. Malloway : Depuis plusieurs années, notre principal souhait a été que le gouvernement prenne au sérieux les recommandations du groupe de travail mixte et travaille de concert avec les Premières nations.
Nous sommes préoccupés par des affaires judiciaires comme l'affaire Wewaykum et la Loi sur le règlement des revendications particulières, lesquelles s'éloignent de ces recommandations. Nous sommes préoccupés par le fait que si l'orientation reste la même, 80 p. 100 des revendications en Colombie-Britannique seront annulées à cause d'un changement de politique à Ottawa.
L'histoire des revendications particulières ne disparaîtra pas à cause de la procédure de conclusion des traités. Environ 60 p. 100 des Premières nations de Colombie-Britannique sont concernées par cette procédure. Plusieurs des Premières nations ne participent à aucune procédure de conclusion de traité, comme l'Union of British Columbia Indian Chiefs. Ces chefs représentent un certain nombre de bandes. Ils ne participent pas à la procédure de conclusion des traités parce qu'ils en craignent les conséquences, à savoir que les droits et les titres des Autochtones seront compromis. Ils craignent que les revendications auprès du gouvernement pourraient être annulées par la procédure de conclusion des traités.
Les Premières nations ont de nombreuses préoccupations différentes. J'aurais souhaité qu'un plus grand nombre de personnes de Colombie-Britannique ait pu se rendre à ces audiences et y contribuer, mais nos fonds sont plutôt limités par les temps qui courent. Nous profitons d'autres réunions pour pouvoir venir ici.
Le président : Nous apprécions le fait que vous avez tous deux pu être présents ici aujourd'hui. Au nom du comité, nous prendrons vos recommandations au sérieux.
J'ai devant moi les principales recommandations du groupe de travail mixte. Le personnel de soutien du comité n'a sûrement pas négligé cet aspect de vos recommandations. Merci.
La séance est levée.