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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 15 - Témoignages du 2 mai 2007


OTTAWA, le mercredi 2 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 18 h 15 afin d'étudier, pour en faire rapport, des travaux récents concernant l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, bonsoir. J'ai le plaisir de vous accueillir au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je suis le sénateur Gerry St. Germain de Colombie-Britannique et j'ai le privilège de présider ce comité. Aujourd'hui, notre comité tient sa première réunion consacrée à l'ordre de renvoi sur les travaux récents concernant l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

Permettez-moi tout d'abord de vous présenter quelques-uns des membres de notre comité. À ma gauche, nous avons le sénateur Hubley de l'Île-du-Prince-Édouard; à ma droite, le sénateur Robert Peterson, de Saskatchewan; à côté de lui, le sénateur Charlie Watt d'Inkerman, au Québec.

Le comité a pour mission d'examiner quatre récents rapports publiés du milieu de l'année 2005 au mois de mars de cette année. Nous allons commencer par un rapport publié en 2005 par la commissaire à l'environnement et au développement durable sur l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

Pour ce faire, nous avons réuni divers représentants du Bureau du vérificateur général du Canada, M. Ron C. Thompson, commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim; M. Ronald Campbell, vérificateur général adjoint; M. Jérôme Berthelette, directeur principal; et M. André Côté, directeur.

Ron C. Thompson, commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim, Bureau du vérificateur général du Canada : Merci de nous inviter à participer à cette séance. Nous sommes ici pour discuter de notre rapport de 2005 intitulé L'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

En tant que commissaire par intérim, j'aide la vérificatrice générale du Canada dans le domaine des vérifications liées à la gestion, par le gouvernement fédéral, des questions relatives à l'environnement et au développement durable.

En règle générale, les vérifications qui traitent de ces questions sont communiquées dans le rapport du commissaire au Parlement. Il y a deux ans, M. Campbell et son équipe ont effectué une vérification qui portait sur l'eau potable dans les collectivités des Premières nations. Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le chapitre 5 du rapport de la commissaire de 2005. Vous savez peut-être que M. Campbell est chargé, au sein de notre bureau, des vérifications d'Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC, et des questions autochtones en général.

La vérification à laquelle nous nous intéressons ce soir a consisté à examiner si les programmes et le financement de la part d'AINC et de Santé Canada avaient aidé les collectivités des Premières nations à fournir aux résidents un accès à de l'eau potable.

L'AINC assume tous les coûts de la conception, de la construction et de la réparation des réseaux d'approvisionnement en eau, ainsi que 80 p. 100 des coûts de fonctionnement et d'entretien.

Santé Canada accorde un financement aux Premières nations pour instaurer des contrôles et effectuer des analyses de l'eau du robinet afin de démontrer qu'elle est potable. En vertu des ententes de financement conclues avec Santé Canada et AINC, les Premières nations sont responsables de la conception et de la construction des réseaux d'approvisionnement en eau, ainsi que de leur fonctionnement quotidien et de leur entretien, y compris des analyses de l'eau.

[Français]

Monsieur le président, en ce qui concerne la salubrité de l'eau potable dans les réserves, nous avons constaté que les résidents des collectivités des Premières nations ne bénéficient pas d'un niveau de protection comparable à celui des personnes vivant à l'extérieur des réserves. Cette situation est due en grande partie au fait qu'aucune loi ou règlement ne régit l'approvisionnement en eau potable dans les collectivités des Premières nations, ce qui n'est pas le cas dans les autres collectivités.

Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada nous ont informé que la compétence provinciale en matière d'eau potable ne s'étend pas aux réserves. Ils ont donc tenté d'assurer l'accès à l'eau potable dans les collectivités des Premières nations par leurs politiques, leurs lignes directrices et leurs ententes de financement avec les Premières nations. Cependant, nous avons constaté que, en raison de cette approche, d'importants éléments pour assurer l'accès à l'eau potable manquaient. Par exemple, il n'y a pas d'approbation ni d'octroi de licence pour les stations de traitement de l'eau, pas de surveillance continue, pas d'exigence en matière de présentation de rapport public ni de mécanisme de respect et d'application de la loi. De plus, personne n'est légalement habilité à veiller à ce que toutes les analyses requises soient menées.

Monsieur le président, nous pensons que d'ici à ce que des règlements comparables à ceux des provinces soient instaurés, Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada ne peuvent garantir aux membres des Premières nations, qui vivent dans les réserves, un accès continue à de l'eau potable de qualité.

En plus de l'absence du régime de réglementation, nous avons constaté qu'Affaires indiennes et du Nord Canada ne disposait pas d'une liste complète de codes et de normes applicables à la conception et à la construction de réseaux d'approvisionnement en eau. Nous avons également constaté de nombreuses lacunes dans la conception et la construction des réseaux.

Nous avons constaté que les programmes d'Affaires indiennes et du Nord Canada pour soutenir et développer la capacité des Premières nations de fournir l'eau potable ont une portée limitée. L'aide technologique disponible est fragmentée et de nombreux opérateurs des Premières nations ont de la difficulté à répondre aux exigences en matière d'étude et d'expérience. De plus, la formation pratique sur place n'est pas obligatoire et toutes les Premières nations n'y ont pas accès. Une grande partie du temps des formateurs est consacré à régler des problèmes techniques plutôt qu'à donner de la formation.

Nous avons constaté aussi qu'il n'y a pas d'analyse régulière de l'eau potable dans la plupart des collectivités. Or, Santé Canada n'a pas de plan pour atteindre, d'ici 2008, la fréquence d'analyse suggérée dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada.

Enfin, nous avons constaté que le Parlement n'était pas adéquatement renseigné au sujet de l'eau potable dans les réserves. Les deux ministères ont accepté de fournir au Parlement de l'information de meilleure qualité à compter de l'exercice 2006-2007.

[Traduction]

Honorables sénateurs, depuis la publication de notre rapport, AINC — en collaboration avec Santé Canada et Environnement Canada — a adopté en mars 2006 un plan d'action pour la gestion de l'eau potable des Premières nations. Le plan, qui a reçu l'appui de l'Assemblée des Premières nations, l'APN, couvre la plupart de nos recommandations. Cependant, il y a une exception notable : il ne prévoit pas d'activités liées à l'analyse de la salubrité de l'eau.

AINC a également produit deux rapports sur la mise en œuvre de ce plan — en décembre 2006 et en mars 2007. Nous jugeons ces rapports encourageants puisqu'ils concluent que la mise en œuvre du plan avance et l'accès à l'eau potable des collectivités des Premières nations s'améliore. Cependant, comme nous n'avons pas vérifié ces rapports, nous ne pouvons faire de commentaires sur ceux-ci.

Nous notons également que des représentants d'AINC sont présents ici ce soir et qu'ils s'adresseront au comité plus tard. Les membres du comité pourraient leur poser les questions suivantes : Comment le cadre réglementaire proposé pour l'eau potable dans les réserves comblera-t-il les lacunes que j'ai notées précédemment? Comment le protocole d'AINC pour l'eau potable appuiera-t-il la réglementation proposée? Comment le risque posé par les systèmes de traitement de l'eau a-t-il été évalué? La méthode utilisée pour cette évaluation était-elle toujours uniforme? Vous pourriez également leur demander comment ils comptent réduire le nombre de systèmes posant des risques et comment vont-ils appuyer les collectivités qui ont le plus besoin d'aide technique pour faire fonctionner leurs stations de traitement des eaux.

Vous pourriez aussi souhaiter inviter des représentants de Santé Canada à venir discuter des mesures prises pour garantir que les analyses de l'eau sont effectuées.

Voilà, monsieur le président, qui termine ma déclaration préliminaire. Mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le sénateur Peterson : Ces informations sont plutôt inquiétantes. Je suppose que vous ne leur accorderiez pas la note de passage?

M. Thompson : Si l'on se rapporte au moment où nous avons effectué la vérification, je dirais que non. Est-ce votre conclusion, monsieur Campbell?

Ronald Campbell, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada : Absolument.

Le sénateur Peterson : Votre participation vous amène-t-elle à contrôler les dépenses qui sont faites dans l'application du plan ou vous contentez-vous de vérifier ce qui a été fait?

M. Thompson : Nous nous penchons sur le plan ou le programme en cours que nous sommes chargés de vérifier et nous examinons la qualité de la mise en œuvre de ce plan. Nous n'évaluons pas le mérite des principes qui ont donné naissance au plan.

Le sénateur Peterson : Vous n'intervenez absolument pas au niveau de ce qu'AINC est censé faire ou ne pas faire. Le ministère décide de son programme, n'est-ce pas?

M. Thompson : Oui, c'est le ministère qui décide comment mettre en œuvre le programme.

Le sénateur Peterson : Vous affirmez essentiellement que le programme est dans un état désastreux et que nous devrions intervenir. Vous ne pouvez que constater cette situation désastreuse et vous n'avez rien d'autre à ajouter.

Si l'on veut chercher à comprendre, je suppose que l'on peut dire que ce sont de petites collectivités de seulement 500 personnes. Je viens de Saskatchewan. Nous avons beaucoup de villes et de villages de 300 à 500 habitants. Ces localités ont des réseaux d'adduction d'eau. Elles ont de l'eau courante. Elles s'organisent très bien. Nous devrons nous adresser à elles pour avoir des réponses. Merci beaucoup de nous avoir indiqué la gravité de la situation à laquelle nous sommes confrontés.

Le président : Messieurs, d'après votre analyse de la situation, est-ce un manque de fonds ou de personnel compétent sur place? Monsieur Campbell, vous êtes certainement allé dans ces collectivités. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit d'une question de financement ou si cela va plus loin? Dans son exposé, M. Thompson a signalé que la formation posait problème. Pouvez-vous nous présenter vos observations?

M. Campbell : Certainement. Merci monsieur le président. Il est juste de dire que l'approvisionnement en eau dans les réserves est un des nombreux secteurs où le reste de la population canadienne bénéficie d'un cadre réglementaire puisque les provinces et les municipalités offrent ces services à la population. On constate très souvent un écart entre le service offert dans les réserves des Premières nations au Canada et le service offert au reste de la population canadienne.

Par exemple, j'attire l'attention des membres du comité sur un rapport de vérification que nous avons présenté en février 2006. Il s'agit d'un rapport d'étape et de suivi concernant diverses vérifications que nous avions effectuées au sujet de programmes d'Affaires indiennes et du Nord Canada et de Santé Canada. Nous avions identifié un certain nombre de points faibles dans la gestion de ces programmes. Un d'entre eux, en particulier, était l'absence de fondement législatif relativement à des services et des programmes pour lesquels le reste de la population canadienne bénéficie d'un cadre réglementaire ou d'une assise législative. Par exemple, la prestation des services de santé dans les collectivités est offerte par Santé Canada, essentiellement parce que personne d'autre ne les offre. C'est exactement la même chose pour l'approvisionnement en eau potable dans les réserves. Le facteur le plus important sans doute est l'absence de régime, de normes ou de règlement à respecter.

Le sénateur Hubley : L'évaluation réalisée par Affaires indiennes et du Nord Canada en 2001 révélait que seulement 10 p. 100 des opérateurs avaient reçu une formation conforme aux exigences d'accréditation de leurs provinces respectives. Selon votre rapport de 2005, la plupart des opérateurs des stations de traitement de l'eau dans les collectivités des Premières nations ne possédaient pas les connaissances et les compétences nécessaires pour assurer le fonctionnement sécuritaire des installations. Cela montre également qu'il est difficile de s'assurer que le personnel accrédité possède un niveau d'accréditation adapté au degré de complexité de la station de traitement de l'eau dont ils ont la charge. Le ministère a réagi depuis en créant une ligne de dépannage ouverte 24 heures sur 24 et en étendant le Programme de services itinérants de formation en vertu duquel des opérateurs expérimentés viennent sur place périodiquement pour donner une formation afin que les opérateurs en charge des stations locales de traitement de l'eau puissent se perfectionner.

Au moment de la rédaction de votre rapport, combien comptait-on d'opérateurs accrédités dans les réserves? Savez- vous combien d'entre eux sont actuellement accrédités?

Jérome Berthelette, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Comme le sénateur l'a signalé, nous avons rapporté dans notre vérification que 40 p. 100 des opérateurs étaient déclarés accrédités. Selon le plus récent rapport, il y en a un peu moins. Je crois que le chiffre cité par AINC est d'environ 37 p. 100 d'opérateurs accrédités ou qui ont suivi une formation qui leur confère le premier niveau d'accréditation.

Le rapport publié par AINC le 22 mars 2007 indique le nombre total d'opérateurs. À la page 5, il recense au pays 1 117 opérateurs de réseau d'aqueduc et opérateurs remplaçants. Pour obtenir le nombre d'opérateurs accrédités, il suffit d'appliquer le pourcentage à ce chiffre de 1 117 opérateurs.

Bien entendu, lorsque nous avons fait la vérification, il y avait moins de 1 117 opérateurs en activité et depuis, je crois que de nouvelles stations de traitement de l'eau ont été mises en service.

Le sénateur Hubley : Comment s'explique la réduction de 40 à 30 p. 100?

M. Berthelette : Nous avions environ 40 p. 100 et, les chiffres les plus récents remontant à mars 2003, indiquaient 37,4 p. 100. Le rapport ne précise pas pourquoi le nombre est inférieur à celui qui avait été recensé en 2005. Ce serait peut-être une question à poser aux fonctionnaires qui comparaîtront devant votre comité. Si cela peut vous être utile, je pourrais vous donner une idée de ce qui s'est passé.

Le sénateur Hubley : Oui, je suis curieuse d'entendre vos explications.

M. Berthelette : Les chiffres sont assez proches, ce qui révèle plusieurs facteurs. On note un certain roulement du personnel. Par conséquent, il est nécessaire de former les nouveaux employés. Cela explique en partie la diminution. Il peut s'avérer difficile de recruter des opérateurs accrédités au niveau nécessaire pour assurer le fonctionnement du réseau. Le degré de formation et d'expérience requis pour obtenir l'accréditation est naturellement plus élevé pour les réseaux d'approvisionnement en eau de niveau supérieur au niveau 1, qui correspond au système le plus simple.

Il est plus difficile de réunir la combinaison appropriée d'expérience, d'études et de formation, en particulier lorsque le degré d'éducation des opérateurs n'est pas suffisant pour les rendre admissibles à l'accréditation. Les opérateurs sont souvent nouveaux — en raison du roulement du personnel dont j'ai parlé tout à l'heure — dans les diverses stations de traitement de l'eau. Par ailleurs, il faut tenir compte du facteur d'isolement des localités et de la difficulté à trouver des opérateurs de remplacement pour permettre aux opérateurs en poste de suivre une formation.

Diverses combinaisons de ces facteurs maintiennent le pourcentage des opérateurs aux environ de 37 à 40 p. 100. Le ministère s'efforce d'accorder le soutien requis pour que les autres opérateurs non accrédités qui ne disposent pas de la formation nécessaire, soit 60 à 63 p. 100 d'entre eux, obtiennent l'aide nécessaire pour pouvoir garantir la salubrité de l'eau.

Le sénateur Hubley : Savez-vous si les opérateurs appartenant à cette tranche de 60 p. 100 bénéficiaient de programmes destinés à améliorer leurs compétences et leurs qualifications?

M. Berthelette : Il y a le Programme de services itinérants de formation sur lequel AINC s'appuie pour fournir la formation nécessaire aux opérateurs. Les fonctionnaires d'AINC seront en mesure de vous dire s'il existe d'autres programmes.

Le sénateur Hubley : Que pensez-vous du Programme de services itinérants de formation? Donne-t-il de bons résultats?

M. Berthelette : Dans notre rapport de vérification, nous consacrons deux commentaires à ce programme. Premièrement, le programme a permis d'augmenter les services de formation offerts aux opérateurs. Les opérateurs apprécient le soutien que leur procure le Programme de services itinérants de formation. Deuxièmement, la difficulté à laquelle se heurtent les formateurs itinérants lorsqu'ils se rendent dans les collectivités, c'est qu'ils passent plus de temps qu'ils le souhaiteraient à régler les problèmes qui se sont accumulés depuis leur dernier passage, plutôt qu'à offrir une formation aux opérateurs. Voilà les deux points que nous avons soulevés dans le rapport de vérification.

Le sénateur Hubley : Connaît-on la fréquence des visites des formateurs itinérants qui se rendent dans les localités pour évaluer ou améliorer les systèmes? Sont-ils constamment en déplacement d'une collectivité à l'autre?

M. Berthelette : L'objectif est d'établir ce type de circuit et d'amener les formateurs à le parcourir de manière régulière. Il y a des problèmes en cas d'urgence ou lorsque d'autres priorités forcent de temps à autre à interrompre le circuit. Les formateurs itinérants doivent modifier leur emploi du temps et se rendre à l'endroit où on les réclame pour venir en aide à un opérateur aux prises avec un problème particulier.

En revanche, madame le sénateur, je ne sais pas exactement à quelle fréquence les formateurs itinérants sont censés se rendre dans les collectivités. Les fonctionnaires d'AINC seront peut-être en mesure de vous donner des détails plus précis.

Le sénateur Watt : En 2003, le gouvernement fédéral a consacré un nouveau financement de 600 millions de dollars sur une période de cinq ans, entre autres aux travaux urgents d'amélioration des stations de traitement de l'eau et des eaux usées. Le budget 2006 prévoyait une tranche supplémentaire de 60 millions de dollars étalés sur deux ans pour permettre au gouvernement d'atteindre l'objectif du plan d'action pour l'eau.

Qu'a-t-on fait de cet argent? Sait-on clairement à quoi cet argent a été utilisé? N'a-t-il pas été utilisé à cette fin? A-t-il été utilisé à autre chose? Que s'est-il passé?

M. Thompson : Je crois que cet engagement de 600 millions de dollars représentait des crédits devant être dépensés au cours d'une certaine période de temps. Je n'ai pas les chiffres devant moi et je ne peux pas vous dire combien d'argent a été dépensé dans le cadre de cet engagement. Nous pourrions fournir ces renseignements plus tard au comité.

Cependant, je n'ai pas l'impression que les 600 millions de dollars ont été dépensés au cours de la première ou de la deuxième année. Il serait peut-être bon de poser la question à nos collègues d'AINC.

Le sénateur Watt : Pourriez-vous également nous dire ce qu'est devenu un autre montant de 60 millions de dollars?

M. Thompson : Oui, nous vous fournirons ces renseignements.

Le président : Monsieur Campbell, vous avez parlé de l'absence d'assise législative ou de cadre réglementaire. Si ce cadre réglementaire existait, est-ce que les ressources seraient disponibles et dispose-t-on des capacités nécessaires pour assurer l'approvisionnement en eau sur le terrain? Dans la négative, pouvez-vous nous dire — sans empiéter sur le domaine du ministère — ce que l'on pourrait faire?

M. Campbell : Voilà une excellente question, monsieur le président. L'assise législative est extrêmement importante. Tout le monde procède de cette façon. Sans être ingénieur, il me semble que cette approche est logique.

Est-ce que ce serait suffisant pour garantir la résolution de tous les problèmes? Probablement pas. Je crois que vous avez touché un point sensible lorsque vous avez parlé de capacité. M. Berthelette vient tout juste de répondre à des questions concernant le pourcentage des personnes qui avaient reçu la formation nécessaire pour occuper les fonctions d'opérateurs dans les collectivités — pour faire face aux diverses situations dans les stations de traitement de l'eau, non seulement dans le cadre des opérations quotidiennes, mais également en cas d'urgence.

D'après les recherches que nous avons effectuées, il existe, en plus de l'assise législative, plusieurs autres facteurs qui sont extrêmement importants pour garantir que les opérateurs soient en mesure d'assurer le suivi des actions qu'ils entreprennent, afin d'obtenir les résultats que nous espérons tous.

L'intérêt soutenu de la direction est un de ces facteurs. Par le passé, nous avons connu plusieurs cas qui avaient fait l'objet de recommandations, acceptées par le gouvernement, et qui avaient connu un bon départ. Par la suite, l'attention s'est dirigée ailleurs, vers une autre crise. Les cas qui nous ont permis de constater de bons succès dans la résolution des problèmes sont ceux pour lesquels la direction au sein du ministère a été en mesure de soutenir son intérêt pendant la période de temps requise.

Comme vous l'avez signalé, monsieur le président, la capacité sur le terrain est un autre facteur important que nous avons identifié. Or, cette capacité ne se construit pas du jour au lendemain. Ce ne sont pas des problèmes que l'on pourra résoudre immédiatement, ni uniquement grâce à une assise législative. En revanche, ce serait un bon départ puisque cela permettrait de définir les normes à respecter, ainsi que la formation que devraient obtenir les opérateurs afin de pouvoir appliquer ces normes.

C'est un engagement à long terme; et les rapports du ministère montrent assez clairement que ce dernier a plusieurs questions stratégiques à régler avant de pouvoir mener à bien cette entreprise. L'assise législative est vraiment importante, mais ce n'est pas la seule condition. Vous avez tout à fait raison de préciser que la capacité à long terme est importante pour assurer le bon fonctionnement sur le terrain.

M. Thompson : J'aimerais ajouter que nous avions une recommandation concernant expressément les capacités. Elle se trouve au paragraphe 5.70 et il y est question de la nécessité d'augmenter les capacités au fil des années afin d'assurer le bon fonctionnement. Vous trouverez cette recommandation à la page 33 de notre rapport, ainsi que la réponse d'AINC et celle de Santé Canada. Il serait peut-être utile de soulever ces questions de capacité avec les deux ministères lorsqu'ils témoigneront devant vous.

Le président : Lorsque j'étais en Alberta, j'ai été abordé par un groupe qui affirmait qu'il était possible, grâce à la technologie moderne, de contrôler à distance les systèmes de traitement de l'eau. Avez-vous eu connaissance de cette possibilité lorsque vous avez enquêté sur le terrain? Il est possible apparemment de surveiller l'approvisionnement en eau de manière continue sans qu'il soit nécessaire d'avoir des techniciens sur place. Je ne sais pas dans quelle mesure cette technique est fiable ou si c'est un peu trop futuriste, mais j'ai tendance à croire que cette technologie existe.

M. Thompson : Je vais demander à M. Campbell de répondre.

M. Campbell : Oui, je crois qu'il existe plusieurs systèmes — dont les coûts sont aussi probablement très variables. Pour l'anecdote, je peux vous dire que nous avons observé un système équipé d'une capacité de détection à distance permettant de vérifier l'eau à divers points du réseau.

C'était un système assez perfectionné mais, si je me souviens bien, il fallait quand même des gens sur place pour assurer le fonctionnement du réseau. Tout d'abord, quand on utilise un système assez perfectionné, il faut pouvoir bénéficier en permanence des services d'un technicien dans la collectivité. Deuxièmement, la seule chose que peuvent faire ces dispositifs c'est de repérer les problèmes. Il faut quand même faire appel à un technicien une fois que les problèmes ont été repérés.

Le sénateur Hubley : J'aimerais vous demander quelques précisions au sujet du troisième paragraphe de votre exposé qui se lit comme suit :

[...] AINC assume tous les coûts de la conception, de la construction et de la réparation des réseaux d'approvisionnement en eau, ainsi que 80 p. 100 des coûts de fonctionnement et d'entretien. Santé Canada accorde un financement aux Premières nations pour instaurer des contrôles et effectuer des analyses de l'eau du robinet afin de démontrer qu'elle est potable. En vertu des ententes de financement conclues avec Santé Canada et AINC, les Premières nations sont responsables de la conception et de la construction des réseaux d'approvisionnement en eau, ainsi que de leur fonctionnement quotidien et de leur entretien, y compris des analyses de l'eau.

Pouvez-vous m'expliquer comment cela fonctionne?

M. Thompson : Je vais demander à M. Berthelette de vous expliquer. Je pourrais le faire moi-même, mais il va faire un bien meilleur travail que moi.

Le sénateur Hubley : D'après ce que je comprends, la responsabilité serait passée des ministères aux Premières nations elles-mêmes. Voilà ce que je veux vérifier.

M. Berthelette : Comme vous l'avez dit, madame le sénateur, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada est chargé de financer les réseaux d'approvisionnement en eau. Le ministère doit également fournir les fonds nécessaires pour le fonctionnement et l'entretien des réseaux d'approvisionnement en eau. Comme vous l'avez fait remarquer, cela représente 80 p. 100 des coûts — c'est-à-dire 80 p. 100 calculé en fonction d'une formule ou à partir des coûts réels. Dans certaines régions, le calcul se fait à partir d'une formule et dans d'autres régions à partir des coûts réels.

Les Premières nations doivent engager l'opérateur et gérer la station de traitement de l'eau. Cela se fait par l'intermédiaire d'ententes de contribution; la répartition des responsabilités se fait essentiellement par l'entremise d'ententes de contribution. C'est de cette façon que sont réparties les responsabilités.

Le sénateur Hubley : L'entente de financement vous a-t-elle paru appropriée? L'entente consiste-t-elle à négocier un montant annuel ou un montant global?

M. Berthelette : Si vous voulez parler du fonctionnement et de l'entretien, nous avons signalé dans la vérification que le montant de 80 p. 100 est calculé à partir d'une formule ou d'après les chiffres réels. La collectivité doit donc trouver les 20 p. 100 restants, soit en appliquant des frais d'utilisation, soit à partir d'autres sources de revenu, ce qui est impossible dans certaines localités. En conséquence, la Première nation est contrainte de prélever ce montant supplémentaire de 20 p. 100 dans le budget prévu pour d'autres programmes.

Lorsque nous avons constaté des problèmes au niveau du fonctionnement et de l'entretien — soit que les activités de fonctionnement et d'entretien n'étaient pas assurées, soit que les réseaux étaient en panne — on nous a dit, au cours de la vérification, en particulier dans les Premières nations, que cette lacune était due à l'insuffisance du budget pour permettre le fonctionnement et l'entretien appropriés des réseaux.

Le sénateur Peterson : Vous avez noté au cours de votre vérification que la conception, la construction et l'entretien laissent toujours à désirer, malgré une certaine amélioration. D'après les informations que nous avons en main, AINC finance la prestation de ces services et surveille également la conception, la construction et l'entretien des installations. Je suppose que cette fonction de surveillance est liée à son statut de propriétaire; le ministère est un participant direct.

Le ministère affirme qu'il fournit le financement nécessaire au fonctionnement et à l'entretien des stations pour les Premières nations, ainsi que la rémunération du personnel une fois les travaux finis. Là encore, il s'agit d'une responsabilité permanente.

Lorsque vous effectuez votre vérification, le ministère vous présente-t-il un budget faisant état des postes de dépenses et des domaines dans lesquels les fonds ont été utilisés afin que vous soyez en mesure de vérifier les résultats obtenus, ou est-ce qu'il vous indique seulement qu'il a dépensé 600 millions de dollars?

M. Berthelette : Nous avons examiné 28 dossiers différents se rapportant à la construction et au fonctionnement de différentes stations de traitement de l'eau. Dans chaque cas, nous avons pu constater que l'argent avait bien été utilisé pour la construction des stations de traitement de l'eau. Les crédits avaient vraiment été consacrés à la construction. Nous avons également constaté, lorsque nous avons examiné les dossiers, que dans plusieurs cas, le ministère ne détenait pas de preuve suffisante démontrant que la station de traitement de l'eau avait été construite conformément aux normes souhaitées — ou qu'il s'attendait à voir respecter. Le ministère ne disposait par ailleurs d'aucune preuve attestant que la station de traitement de l'eau ne présentait aucune anomalie.

L'examen des dossiers et des rapports présentés soit par le Programme de services itinérants de formation, soit par les collectivités, a révélé clairement un certain nombre d'anomalies. Même peu de temps après leur construction, certaines stations étaient incapables de produire de l'eau en respectant la quantité et la qualité requises. Nous avons noté également des anomalies de construction dans la disposition de la station.

Par conséquent, même si l'argent avait été utilisé aux fins auxquelles il était destiné, le résultat ne correspondait pas à l'objectif que le ministère se proposait d'atteindre en finançant ces stations.

M. Thompson : J'ai un détail à rajouter. Nous avions également dans notre rapport une recommandation — au paragraphe 5.75 — concernant le compte rendu au Parlement. Cela nous ramène aussi à la question que vous avez soulevée au sujet des résultats obtenus. Voilà un aspect que les ministères devraient surveiller. Nous ne mesurons pas les résultats obtenus, mais nous encourageons vivement les ministères responsables de programmes gouvernementaux à mettre en place une façon de vérifier si les résultats sont concluants ou non.

Nous en arrivons à la nécessité de mesurer les résultats obtenus et d'en faire rapport, au départ pour les besoins de gestion sur le plan interne, puis sur le plan externe, à l'intention des parlementaires, pour des raisons de reddition de comptes. AINC ayant également répondu à la recommandation que nous avions faite, il serait peut-être utile de soulever cette question avec les représentants d'AINC.

Le sénateur Peterson : Je crois qu'on peut dire que les résultats ne sont pas concluants. Partout au Canada, il y a des normes en matière de traitement de l'eau potable et des eaux usées, mais pas dans les réserves. Comment cela s'explique-t-il? Pourquoi pas dans les réserves?

M. Thompson : Lorsque nous avons effectué cette vérification pour les Premières nations, le régime qui s'appliquait à la qualité de l'eau dans les collectivités des Premières nations était différent de celui qui était en vigueur ailleurs au pays.

Un des problèmes tient à l'absence de cadre réglementaire permettant de vérifier la qualité de l'eau et de prendre des mesures correctives. Une des recommandations que nous avions faites concernait la mise en place d'un tel cadre et je crois qu'AINC s'efforce actuellement d'en bâtir un. Le ministère a consacré une étude spéciale à ce sujet. Je crois que les conclusions de cette étude ont été déposées en novembre dernier et que le ministère est donc décidé à mettre en place un cadre réglementaire dans les collectivités des Premières nations. C'est quelque chose qui n'existait pas auparavant. Mais il y a peut-être d'autres aspects à cette question.

M. Campbell : Tout simplement, les compétences provinciales ne s'appliquent pas à l'eau potable dans les réserves. Par conséquent, les lois et règlements provinciaux ne s'appliquent pas aux réserves.

Par conséquent, il y a une lacune, un vide que seul Affaires indiennes et du Nord Canada pourra combler en prenant ses responsabilités et en adoptant les mesures nécessaires. Toutefois, comme l'a dit M. Thompson, le ministère a réagi à une de nos recommandations et il semble qu'il s'efforce actuellement de remédier à cette lacune et qu'il dispose de plusieurs options. Je suis certain que les fonctionnaires seront heureux d'en parler.

Le sénateur Peterson : Le ministère ne devrait pas se contenter d'essayer; il devrait combler cette lacune. Il me semble aberrant qu'en matière de salubrité de l'eau, on se cache derrière l'absence de politique ou de réglementation. C'est incroyable.

Le sénateur Watt : J'aimerais revenir à l'assise législative mentionnée par M. Campbell. Il y a à ce sujet un projet de loi d'initiative parlementaire qui fait le va-et-vient entre la Chambre des communes et le Sénat depuis quelque temps. Est-ce qu'une assise législative serait utile au gouvernement fédéral pour surveiller la qualité de l'eau potable et l'accès à l'eau dans les réserves? Je crois que le gouvernement fédéral affirme que cela relève des compétences provinciales et que nous ne devrions pas avoir un régime semblable au niveau fédéral pour surveiller l'accès à l'eau potable.

La Loi sur les aliments et drogues régit déjà l'eau en bouteille, par exemple, ainsi que l'eau disponible dans les aéronefs. Est-ce qu'il serait utile de modifier cette loi afin de placer l'eau potable sous la responsabilité fédérale concernant les réserves? Cela permettrait-il au gouvernement fédéral de disposer d'un meilleur système de surveillance dans les réserves puisqu'elles relèvent des compétences fédérales?

M. Campbell : Je n'ai pas l'intention de commenter un projet de loi qui n'a pas été adopté par les deux Chambres, mais je suis certainement d'accord avec les sénateurs qui se sont prononcés en faveur d'une assise législative. Nous l'avons indiqué dans notre rapport. Le ministère a répondu à notre recommandation, mais pas de manière aussi directe que nous l'aurions souhaité à l'époque. C'est un sujet que vous pourrez peut-être aborder avec les fonctionnaires du ministère.

Je dois cependant signaler que le ministère a mentionné, dans ses rapports d'étape ultérieurs et dans les travaux de son groupe consultatif, diverses options susceptibles d'aboutir précisément aux résultats proposés par le sénateur Watt. Ce texte de loi n'y parviendra peut-être pas, mais le ministère tente de trouver le moyen technique d'appliquer dans les réserves une loi concernant l'eau potable. Je répète qu'il le mentionne dans ses rapports d'étape et j'invite les membres du comité à demander aux représentants du ministère comment ils ont l'intention d'appuyer cette approche. Ils seraient mieux placés que moi pour répondre à cette question.

Le président : Je crois qu'au ministère une trentaine de fonctionnaires sont chargés de superviser les programmes d'éducation offerts aux Autochtones dans les réserves, soit environ 600 000 personnes.

Le ministère dispose-t-il des effectifs nécessaires pour exécuter correctement le travail ou est-ce qu'on leur demande quelque chose de physiquement impossible? J'ignore combien de collectivités vous avez visitées, monsieur Campbell et monsieur Berthelette — et je ne veux pas vous placer sur la sellette — mais beaucoup de gens sont horrifiés d'apprendre que bon nombre de nos collectivités autochtones n'ont pas accès à une eau potable saine.

Voilà pourquoi notre comité s'efforce de trouver des moyens de remédier à cette situation. Notre intention n'est pas de critiquer; la critique est facile. Si nous voulons régler cette situation, nous ne pouvons pas continuer à appliquer les mêmes mesures.

Je crois que la situation est grave. Je reçois des visiteurs provenant de diverses communautés autochtones. J'ai reçu un groupe en provenance de Kashechewan, une localité du nord-ouest de l'Ontario. J'ai rencontré des gens du nord-est du Manitoba où on me dit que trois familles vivent dans la même maison. À votre avis, le ministère est-il en mesure d'intervenir avec succès malgré sa structure actuelle? Le respect que j'éprouve pour le Bureau du vérificateur général est tel que je ne sais pas à qui d'autre poser cette question.

M. Thompson : Monsieur le président, nous avons vraiment insisté dans notre rapport sur la question de la capacité qui est, bien entendu, extrêmement importante pour la salubrité de l'eau potable. Je vais peut-être demander à M. Berthelette de répondre à votre question, étant donné qu'il est plus proche de ce domaine et que ses connaissances en la matière sont plus à jour que les miennes.

M. Berthelette : La réglementation et la gestion de l'eau dans les réserves ou dans les collectivités hors réserve est un processus complexe. Nous ne nous reposons pas nécessairement sur les ministères provinciaux pour offrir aux collectivités tout le soutien dont elles ont besoin. Il existe par exemple, en Ontario et en Saskatchewan, des sociétés dont le mandat est d'aider les collectivités à respecter la loi et les normes applicables à l'approvisionnement en eau potable sur leur territoire.

Le président : Est-ce qu'il s'agit de localités non autochtones?

M. Berthelette : Oui, cela se passe dans des collectivités non autochtones.

Dans le cas des Premières nations, il faut réunir diverses capacités pour venir en aide aux collectivités, la première à l'intérieur des collectivités elles-mêmes et l'autre au sein d'Affaires indiennes et du Nord Canada, afin de surveiller le processus. Je ne sais pas combien de fonctionnaires sont nécessaires pour effectuer cette surveillance, mais je suis convaincu que cette capacité à fournir une assistance aux collectivités est absolument fondamentale et que cette capacité ne doit pas nécessairement être située dans un ministère. Dans nos recommandations, nous proposons en fait que l'Agence ontarienne des eaux ou SaskWater servent de modèles pour aider les collectivités à respecter les exigences des futurs lois ou règlements.

M. Campbell : Je crois qu'il est juste de dire que le plan actuel d'Affaires indiennes et du Nord Canada visant à identifier les normes, à mettre en place une assise législative et à amener toutes ces collectivités à respecter une norme acceptable est beaucoup plus ambitieux que son approche précédente. Je m'attends entre autres choses à ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada adopte un fonctionnement différent. J'imagine que le ministère devra faire appel à des ensembles de compétences supplémentaires et différents de ceux qu'il a utilisés par le passé qui consistent en grande partie, quoique pas entièrement, à gérer des ententes de financement avec les Premières nations.

Je sais que les représentants du ministère vous donneront des informations plus détaillées à ce sujet, mais le plan que le ministère a établi est suffisamment différent pour qu'il soit dans l'obligation d'améliorer ses compétences afin de pouvoir l'appliquer.

Le président : Apparemment, le groupe d'experts a recommandé la création d'une commission de la qualité de l'eau dans les Premières nations. Seriez-vous en faveur d'une telle recommandation? Cela vous paraît-il utile ou pensez-vous qu'il s'agit d'un autre échelon de bureaucratie dont nous n'avons peut-être pas besoin?

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Campbell : Nous pensons que les membres des communautés des Premières nations doivent disposer d'un niveau de service comparable à celui dont bénéficient les autres Canadiens. Ils le méritent et devraient s'attendre à recevoir un traitement comparable. Toutefois, le rôle du vérificateur général n'est pas de définir les moyens techniques que le gouvernement devra mettre en œuvre pour y parvenir. Cependant, nous serions tout à fait en faveur de n'importe quel moyen qui permettrait d'obtenir de tels résultats.

Le président : Eh bien, messieurs, je tiens à vous remercier tous pour vos excellents exposés et vos réponses claires. Nous ne pensons pas que nous pouvons faire des miracles, mais dans la mesure où nous unirons nos forces et où nous agirons dans la même direction, nous pourrons peut-être obtenir de meilleurs résultats. Le Bureau du vérificateur général a fait un excellent travail dans divers domaines et je vous en félicite.

Avez-vous quelque chose d'autre à rajouter?

M. Campbell : Oui, monsieur le président. Je tiens à vous remercier pour vos remarques et à vous rappeler encore une fois ce que j'ai mentionné à plusieurs reprises, à savoir le concept d'intérêt soutenu de la direction, concept que doit appliquer AINC. Le ministère doit poursuivre ses efforts et tous les incitatifs que votre comité pourra déployer pour l'aider à soutenir cet intérêt seront très importants.

Le président : Merci encore, messieurs.

Pendant la deuxième partie de notre séance, notre comité examinera deux rapports d'Affaires indiennes et du Nord Canada, dont le plan d'action visant à régler les problèmes d'eau potable dans les collectivités des Premières nations, publié en mars 2006, ainsi que le rapport d'étape du plan d'action daté du 22 mars 2007.

Nous allons maintenant entendre les représentants d'Affaires indiennes et du Nord Canada, AINC.

Nous accueillons ce soir Mme Christine Cram, sous-ministre adjointe déléguée, secteur des Politiques socioéconomiques et opérations régionales; et M. Marc Brooks, directeur général, Direction générale du développement communautaire.

Nous vous souhaitons la bienvenue au comité et nous sommes prêts à écouter vos exposés. Nous sommes très heureux de vous accueillir pour discuter de cette situation difficile, intéressante et à laquelle il faut trouver une solution.

Christine Cram, sous-ministre adjointe déléguée, Secteur des Politiques socioéconomiques et opérations régionales, Affaires indiennes et du Nord Canada : Honorables sénateurs, bonsoir et merci beaucoup. J'aimerais remercier le président et les membres du comité de nous avoir invités à présenter le dossier de l'eau dans les réserves des Premières nations. Je tiens également à remercier les représentants du Bureau du vérificateur général pour l'exposé qu'ils nous ont présenté ce soir. C'est très utile pour nous de passer en deuxième place. Nous avons ainsi une bonne idée des questions qui seront susceptibles de nous être posées.

Tous les Canadiens doivent avoir accès à une eau potable salubre. Mais il est toutefois bien connu que cela n'est pas le cas pour certains peuples des Premières nations dans les réserves. Afin de résoudre les graves problèmes de qualité de l'eau avec lesquels sont aux prises certains peuples des Premières nations, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, de concert avec d'autres ministères et organismes, travaille activement avec les Premières nations et leurs organismes à améliorer la situation.

Depuis 2003, le gouvernement du Canada a, grâce notamment à AINC et à d'autres ministères tels que Santé Canada, investi plus de 1 milliard de dollars dans les grands travaux de construction, le fonctionnement et l'entretien des usines de traitement de l'eau et des eaux usées dans les réserves. Ce financement a également été utilisé pour la formation d'opérateurs, l'élaboration de normes et la création d'un programme de surveillance en vue de s'assurer que les usines fonctionnent de façon efficace et que l'eau est traitée correctement.

AINC fait appel à une approche à barrières multiples — qui se veut une stratégie en sept points — pour assurer une eau potable salubre. Ce qui veut dire que des barrières multiples contribuent à protéger l'eau potable d'éventuels contaminants ou d'erreurs pouvant rendre l'eau impropre à la consommation.

[Français]

Les sept barrières multiples sont : les normes, la mise à niveau des systèmes, le fonctionnement et l'entretien, la formation, la surveillance, le protocole de gestion et la sensibilisation de la population.

[Traduction]

Cette approche permet de créer une redondance en matière de protection, afin d'assurer que, si une barrière ne parvient pas à freiner la contamination de l'eau, une autre barrière agit pour contrôler le système, garantissant ainsi une eau potable de qualité. L'approche à barrières multiples constitue la norme en matière de gestion de l'eau. Son concept est expliqué en détail dans le document du Conseil canadien des ministres de l'Environnement (CCME) ayant pour titre « De la source au robinet : L'approche à barrières multiples pour de l'eau potable saine ».

En mars 2006, le ministre Prentice a annoncé un plan d'action en cinq points permettant de cibler les questions concernant l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

[Français]

Le plan d'action consiste à établir un protocole clair sur les normes relatives à la qualité de l'eau, obliger tous les opérateurs à suivre une formation et confier la supervision des systèmes d'alimentation en eau à des opérateurs accrédités, résoudre les préoccupations relatives à l'eau potable dans les collectivités les plus à risque, créer un groupe d'experts chargé de proposer des actions en vue d'établir un cadre de réglementation sur l'eau potable dans les réserves et produire des rapports à l'intention du Parlement sur les progrès accomplis relativement au plan d'action.

[Traduction]

J'aimerais préciser que les points qu'on retrouve dans le plan d'action sont semblables par leur portée et leur orientation au rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable — dont il a été question, je crois, au cours d'un exposé présenté un peu plus tôt aujourd'hui. Les cinq recommandations formulées dans ce rapport préconisent l'instauration d'un régime de réglementation, l'application de codes et de normes, la surveillance, le renforcement des capacités, ainsi que la présentation de rapports d'étape au Parlement.

Par l'entremise du plan d'action, AINC met actuellement en œuvre un cadre baptisé Protocole pour la salubrité de l'eau potable dans les communautés des Premières nations. Entré en vigueur en mars 2006, ce protocole s'applique aux systèmes d'eau potable financés en tout en partie par AINC et qui approvisionnent une installation publique de cinq logements ou plus. Ce protocole tient compte de la recommandation de la commissaire à l'environnement et au développement durable relativement à l'éclaircissement des normes. Il se fonde aussi sur une révision des cadres de réglementation de toutes les compétences canadiennes et regroupe les pratiques exemplaires en matière de réglementation des fournisseurs d'eau potable au Canada.

Le protocole s'appuiera par ailleurs sur les critères de qualité exposés dans le guide des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada, qui sont établis par le Comité fédéral/provincial/territorial de l'eau potable et qui sont utilisés par l'ensemble des provinces et territoires.

Les Premières nations doivent voir à la formation et à la conservation d'un opérateur accrédité du système d'approvisionnement en eau. AINC offre de l'aide en la matière par le truchement du Programme de formation itinérante. Un formateur itinérant peut, dans le cadre de ce programme, donner une formation pratique aux opérateurs dans les différentes collectivités. Ce programme a donné d'excellents résultats puisque plus de 81 p. 100 des opérateurs ont pu bénéficier de la formation et 37 p. 100 d'entre eux ont pu obtenir l'accréditation.

Le plan d'action vise les collectivités à risque élevé pour lesquelles on a élaboré des plans de mesures correctives. Au moment de l'annonce du plan d'action, en mars 2006, 193 réseaux d'eau potable à risque élevé furent identifiés. Au mois de mars 2007, ce nombre est passé à 97. AINC continue de travailler avec les Premières nations en vue de réduire davantage ce nombre.

[Français]

Un groupe d'experts fut créé en mars 2006 et chargé de présenter des options pour la mise en place d'un régime de réglementation.

[Traduction]

Le groupe d'experts a tenu, durant l'été 2006, des audiences publiques un peu partout au pays et écouté plus de 110 présentateurs invités. En décembre 2006, le ministre Prentice a déposé le rapport final devant la Chambre des communes, rapport qui forme les assises des travaux actuellement en cours afin d'adopter une loi visant la réglementation de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations. La recommandation dont le ministre Prentice a discuté avec le chef national Fontaine vise à incorporer par renvoi dans la loi fédérale les règlements provinciaux et les régimes de réglementation correspondants.

Deux rapports d'étape portant sur le plan d'action ont été déposés jusqu'à présent devant le Parlement, soit en décembre 2006 et en mars 2007 respectivement. Les rapports d'étape ont démontré que les initiatives déployées par le gouvernement fédéral dans le domaine de l'eau ont porté fruit. À titre d'exemple, en mars 2003, environ 8 p. 100 des opérateurs des usines de traitement d'eau furent accrédités. Au mois de mars 2007, le pourcentage des opérateurs accrédités s'établissait à 37 p. 100.

Pour épauler les collectivités des Premières nations qui ne disposent pas d'opérateurs accrédités, AINC a instauré plusieurs mesures pour assurer le bon fonctionnement des usines.

[Français]

Parmi ces mesures : une ligne téléphonique accessible 24 heures par jour et un service d'urgence, désormais à la disposition de toutes les Premières nations qui ont maintenant accès en permanence à un soutien technique et à de l'aide; l'extension du principal programme de formation des opérateurs connus sous le nom de « programme de formation itinérante » et la prestation de services sans lien de dépendance aux collectivités dont les besoins sont les plus pressants.

[Traduction]

Pour soutenir le plan d'action du ministre, le budget fédéral de 2006 a consacré 60 millions de dollars en fonds supplémentaires pour la surveillance des opérateurs, la réalisation de projets d'immobilisations et le soutien de la mise en place d'un régime de réglementation.

Vous serez heureux d'apprendre que les enfants et les enseignants des Premières nations contribuent eux aussi à cet effort privilégiant une utilisation sécuritaire et durable de l'eau. Grâce au concours de Santé Canada et d'Environnement Canada, et à la collaboration des enseignants et des élèves des Premières nations et de l'Assemblée des Premières nations, AINC a récemment mis au point une trousse scolaire pour enfants ayant pour titre L'eau est un trésor!

Nous en avons remis quelques exemplaires à la greffière de votre comité et nous pourrons vous en faire parvenir d'autres.

Il s'agit d'une ressource interactive bilingue qui comprend une affiche, diverses activités amusantes et éducatives, de même qu'une liste de ressources sur Internet. Les principaux thèmes abordés sont : l'importance de protéger l'eau dès maintenant et pour les prochaines générations et l'importance de pouvoir compter sur une eau propre et saine de la source au robinet et du robinet à la source. Nous espérons aussi que cette documentation incitera les jeunes à envisager une carrière dans le traitement de l'eau.

Il faut reconnaître que malgré ces efforts permanents et le soutien accordé par le gouvernement fédéral, certaines Premières nations sont toujours aux prises avec des défis de taille lorsqu'il s'agit de mettre en place des régimes de gestion de l'eau sûrs et efficaces.

Au nombre des principaux défis, il convient de mentionner les suivants :

[Français]

Les coûts élevés de l'équipement de transport des matériaux ainsi que les coûts de la construction et de l'entretien dans les régions éloignées et isolées, l'absence d'économie d'achat ou de ressources indépendantes pour bien financer le fonctionnement et l'entretien des systèmes et la capacité limitée locale de conserver les opérateurs formés et compétents.

[Traduction]

Malgré ces défis, AINC continue de travailler sans relâche et avec diligence avec ses partenaires au sein du gouvernement fédéral et des Premières nations, à la recherche de nouvelles solutions novatrices en vue de répondre au besoin incessant de protéger la santé et la sécurité des résidents des Premières nations en mettant à leur disposition des usines de traitement des eaux bien gérées.

Lors des prochaines étapes, AINC continuera à réduire le nombre de collectivités aux prises avec des systèmes d'eau potable à risque élevé et procédera à une évaluation de la Stratégie de gestion de l'eau potable des Premières nations. Nous entendons à ce sujet poursuivre une législation pour réglementer l'eau potable dans les collectivités des Premières nations et nous envisagerons de nouveaux modèles de financement et de nouvelles approches de prestation qui permettront de prévenir la détérioration des systèmes.

En terminant, bien que des progrès importants aient été réalisés dans le domaine de la gestion de l'eau des Premières nations, il reste encore beaucoup à faire. Le gouvernement du Canada et notamment le ministre Prentice, ont réitéré à plusieurs reprises, leur engagement à aider les Premières nations à bénéficier de sources d'eau potable salubre, propre et fiable.

Le président : Merci, madame Cram. Au cours de votre exposé, vous avez parlé de 193 réseaux d'eau potable présentant des risques élevés. Est-il exact que ce nombre a été ramené aujourd'hui à 97?

Mme Cram : Oui.

Le président : Comment peut-on vivre avec 97 réseaux en mauvais état? Que fait-on pour ces 97 réseaux d'eau potable? Est-ce que les consommateurs sont obligés de faire bouillir l'eau? Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe dans le cas des réseaux qui présentent encore des risques élevés?

Mme Cram : Je vais demander à M. Brooks de vous répondre.

Le président : Absolument, l'un ou l'autre d'entre vous. Nous sommes heureux de vous accueillir et de pouvoir entendre votre témoignage.

Marc Brooks, directeur général, Direction générale du développement communautaire, Affaires indiennes et du Nord Canada : Tout d'abord, la gravité du risque, élevé, moyen ou faible, détectée dans un réseau est évaluée à l'aide de divers critères. Le non-respect de certains critères permet de déterminer le degré de risque. Le classement d'un réseau dans la catégorie à risque élevé ne signifie pas nécessairement qu'il va connaître une avarie aujourd'hui ou demain. Cela signifie tout simplement que la probabilité d'avarie est beaucoup plus élevée que dans le cas d'un réseau ayant reçu la cote de risque moyen ou faible.

Cela étant dit, monsieur le président, votre commentaire est juste; il est inacceptable que 97 réseaux d'approvisionnement en eau potable soient classés dans la catégorie à risque élevé. Notre but est de ramener ce nombre à zéro. Le ministre Prentice a été très clair : Nous ne voulons pas que les collectivités soient exposées à un risque. Nous sommes parvenus à réduire le nombre de réseaux présentant un risque élevé. Nous avons mis en œuvre des plans correctifs pour tous les réseaux classés l'an dernier dans la catégorie à haut risque et nous ne ménageons aucun effort pour abaisser le niveau de risque de tous les réseaux.

Pendant l'année en cours, nous allons nous efforcer de réduire encore de moitié le nombre de réseaux présentant un haut risque. Il faut cependant tenir compte de la possibilité qu'un réseau ne présentant pas aujourd'hui un risque élevé soit considéré prochainement comme plus fragile. En effet, divers facteurs tels que le départ d'un opérateur accrédité — qui déciderait par exemple d'accepter un emploi mieux rémunéré dans une autre collectivité — sont susceptibles de placer un réseau dans la catégorie à risque élevé. Nous nous donnons pour objectif de réduire de moitié le nombre de réseaux présentant un risque élevé et de le ramener à zéro.

Le président : Votre ministère a-t-il établi une méthode d'intervention d'urgence consistant à alimenter en eau les collectivités à risque, en y envoyant des camions- citernes à eau ou par d'autres moyens? Avez-vous mis en place un réseau d'urgence qui permette de réagir immédiatement en cas d'avarie, pour ne pas laisser les habitants de la collectivité consommer de l'eau insalubre?

M. Brooks : Certains systèmes sont déjà en place. Le ministère dispose déjà d'un système de gestion d'urgence, mais il est déclenché généralement dans le cas de diverses situations d'urgence dans les collectivités telles que des inondations, des incendies ou autres situations de ce type, y compris en cas de problèmes dans le réseau d'approvisionnement en eau.

Certaines mesures entrent en application dès qu'un problème se présente. On expédie immédiatement de l'eau en bouteille dans la collectivité touchée. Grâce aux diverses activités que nous proposons actuellement — notamment le Programme de services itinérants de formation et le no 1-800 dont nous avons parlé — nous sommes en mesure de dépêcher assez rapidement des ressources dans les collectivités afin de voir s'il est possible de résoudre le problème immédiatement.

Le président : J'ai beaucoup d'autres questions, mais je vais maintenant donner la parole à mes collègues. Je vais commencer par le sénateur Hubley.

Le sénateur Hubley : Bienvenue. Je crois en effet que c'est un avantage d'avoir pu entendre les témoins précédents, parce que, comme vous l'avez dit, vous connaîtrez probablement non seulement les questions, mais également les réponses, ce qui est vraiment commode.

J'aimerais parler du rapport d'étape. D'après le rapport d'étape publié en mars 2007, le nombre de collectivités des Premières nations dont le réseau d'approvisionnement en eau présente un risque élevé est passé de 193 à 97 au cours de l'année écoulée, ainsi que vous l'avez mentionné. Lors de sa comparution devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et le développement du Nord, le 29 mars 2007, le chef national de l'Assemblée des Premières nations, Phil Fontaine, a remis en question les résultats du rapport, affirmant qu'ils n'étaient pas le fruit d'une évaluation indépendante du risque mais plutôt les conclusions d'un mécanisme de compte rendu interne d'Affaires indiennes et du Nord Canada.

Quelle méthode a-t-on utilisée pour aboutir aux conclusions présentées dans le rapport? A-t-on effectué une évaluation indépendante des réseaux d'eaux usées? Dans la négative, pourquoi?

Mme Cram : Je devrais peut-être commencer par expliquer comment nous évaluons le risque.

Nous prenons cinq facteurs en considération : la qualité de l'eau de source, la conception du réseau, le fonctionnement et l'entretien du réseau, la formation et l'accréditation des opérateurs, et enfin le compte rendu et la tenue des dossiers. On attribue une cote à chacun de ces facteurs. Si vous voulez, je peux vous expliquer ces cotes. On attribue à la qualité de l'eau de source une valeur de 10 p. 100; 30 p. 100 à la conception du réseau; 30 p. 100 au fonctionnement et à l'entretien; 20 p. 100 à la formation et à l'accréditation des opérateurs; et 10 p. 100 au compte rendu et à la tenue des dossiers.

Chaque réseau est soumis à une évaluation afin de déterminer sa cote de risque. Lorsque nous avons commencé à appliquer ce système, nous n'avions pas nécessairement une approche uniforme. Grâce à l'application du protocole, nous avons précisé la façon de réaliser les évaluations qui nous paraissent désormais beaucoup plus fiables.

Pour répondre à votre question, je tiens à préciser que nous devons utiliser les rapports internes qui nous sont fournis. Cependant, nous avons l'intention d'évaluer la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. Nous allons nous y pencher afin de déterminer l'efficacité des évaluations actuelles du degré de risque.

Le sénateur Peterson : Les documents que nous avons à notre disposition indiquent qu'AINC surveille la conception, la construction et l'entretien des installations créées. Est-ce exact?

Mme Cram : AINC finance par exemple la construction, le fonctionnement et l'entretien des installations. Le ministère lui-même ne construit pas les installations. Les fonds sont remis à la Première nation qui doit par la suite suivre le processus approprié d'adjudication du contrat de construction. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada vérifie, à divers moments des travaux, que la construction se déroule bien comme prévu.

Le sénateur Peterson : L'installation est conçue par un consultant et construite par un entrepreneur. Il y a sans doute un cahier des charges à suivre. L'usine de traitement a sans doute fait l'objet d'une garantie de bonne exécution prévoyant son fonctionnement sans problème pendant un an.

Vous exercez une surveillance afin de vous assurer que les travaux sont bien exécutés. Ensuite, vous appliquez les sept barrières multiples pour vous assurer de la salubrité de l'eau potable. Pourtant, il y a des avaries. Comment se fait- il qu'il y ait des problèmes après toutes ces mesures?

Mme Cram : On a mentionné, au cours de la discussion précédente, que toutes les usines de traitement ne sont pas nécessairement accréditées ou vérifiées afin de s'assurer que leur fonctionnement est approprié. En Ontario, c'est la province qui se charge pour nous de l'accréditation des usines de traitement de l'eau. Par conséquent, nous savons que ces usines sont accréditées. Ce n'est pas le cas dans d'autres provinces. Nous voulons adopter un régime législatif et réglementaire en partie pour assurer la mise en place d'un mécanisme d'accréditation afin de nous assurer que, dans toutes les provinces, les usines ont été construites et sont exploitées en conformité des normes qui s'appliquent.

Le sénateur Peterson : Vous ne disposez actuellement pas de ce mécanisme. Vous commencez tout juste à l'appliquer. Après avoir consacré tant d'argent à ces nouvelles stations de traitement de l'eau, il n'existe aucun mécanisme de surveillance pour s'assurer qu'elles fonctionnent correctement. Je ne comprends pas cela.

M. Brooks : Monsieur le sénateur, le ministère assure une certaine surveillance. Comme l'a indiqué Mme Cram, la Première nation se charge du processus d'appel d'offres lui-même. Nous disposons d'une politique de passation de marchés dans les Premières nations qui définit la marche à suivre dans le processus d'appel d'offres. Les ingénieurs de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada fournissent leurs services dans les six derniers mois. Ces ingénieurs ont désormais rejoint mon groupe et font véritablement partie intégrante d'AINC. Il est très utile pour nous, lorsque nous travaillons dans les diverses collectivités, d'être accompagnés sur place par des ingénieurs pour effectuer les diverses activités, telles que les réunions en vue de la rédaction du rapport d'étape, et cetera.

Le sénateur Peterson : Votre nouveau protocole précise que les Premières nations respecteront les critères de qualité de l'eau établis dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Consacrez-vous des fonds supplémentaires à cette fin ou est-ce que vous vous contentez de l'écrire en espérant que vos prévisions se réalisent?

Mme Cram : La Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations comprend un financement de 1,6 milliard de dollars étalé sur cinq ans. Cette stratégie s'appliquera encore pendant un an. Par ailleurs, le budget de 2006 prévoyait des crédits supplémentaires de 60 millions de dollars consacrés à divers aspects tels que l'accréditation et la formation des opérateurs, l'élaboration du protocole et sa diffusion, ainsi que le début des travaux relatifs au régime de réglementation.

Le sénateur Peterson : Avez-vous un budget annuel précisant les diverses activités qui auront lieu au cours de l'année afin de pouvoir mesurer les résultats et revenir en arrière pour vérifier si tout fonctionne bien ou si les fonds ont été dépensés dans les bons domaines? Pourrions-nous avoir un exemplaire de ce budget?

M. Brooks : Il y a deux aspects. Je peux répondre par l'affirmative à l'un d'entre eux; nous pouvons en effet vous faire parvenir un exemplaire. Nous disposons d'un plan d'immobilisations à long terme, un plan quinquennal, selon les exigences du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Il s'agit d'un plan quinquennal continu, renouvelable. Chacun de nos bureaux régionaux collabore avec les diverses collectivités afin de définir les grands projets d'immobilisations. Pour Affaires indiennes et du Nord Canada, les grands projets d'immobilisations sont ceux qui dépassent 1,5 million de dollars.

L'autre élément de nos programmes d'immobilisations est ce que nous appelons les projets d'immobilisations mineurs. Cela comprend l'appui aux opérations, à l'entretien et autres activités accordé aux collectivités dans le cadre de certains projets d'immobilisations mineurs qui doivent se poursuivre. C'est un des secteurs pour lesquels les collectivités nous fournissent des plans annuels, mais nous ne saisissons pas nécessairement toutes ces données à l'échelle nationale. En terminant, je confirme que nous sommes bien entendu prêts à vous faire parvenir un exemplaire de notre plan d'immobilisations à long terme.

Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous nous fournir également le plan annuel — indiquant ce que vous avez réalisé au cours de l'année — afin que nous puissions établir la valeur que le gouvernement obtient en contrepartie des fonds dépensés?

M. Brooks : À la fin de l'année, nous recevons les états financiers vérifiés de chaque collectivité. Nous examinons les résultats obtenus à la fin de l'exercice afin de savoir s'ils sont conformes à ceux qui étaient prévus au début.

Permettez-moi d'ajouter un élément. Nous parlions à l'instant de montant d'argent. Mme Cram a signalé que la stratégie prévoyait des crédits de 1,6 milliard de dollars étalés sur cinq ans. Comme chacun sait, nous sommes actuellement confrontés à une hausse spectaculaire des prix. Cette inflation dans le secteur de la construction ne touche pas seulement les Premières nations, mais toutes les régions du Canada, surtout l'Ouest. Ce phénomène se manifeste surtout dans le Nord de l'Alberta et dans certains secteurs de Vancouver qui se prépare aux Jeux olympiques de 2010, ainsi que dans des collectivités du Nord. Cette hausse des prix soumet nos budgets d'immobilisations respectifs à des pressions supplémentaires et a également, comme vous pouvez l'imaginer, des répercussions sur les collectivités. Beaucoup de projets de construction dépassent leur budget de tout près de 100 p. 100.

Le sénateur Mitchell : Vous entreprenez moins de projets, mais je suppose que la hausse des prix ne vous amène pas à abaisser les normes de qualité.

M. Brooks : Non. Malheureusement, nous accumulons du retard dans certains de nos grands projets d'immobilisations.

Le sénateur Peterson : Nous obtiendrons un exemplaire de ce budget annuel.

Le président : Les effectifs du ministère sont-ils suffisants pour vous permettre d'effectuer le travail de manière satisfaisante? Je suis régulièrement en communication avec le ministre et je sais qu'il veut vraiment atteindre son objectif. Les besoins sont nombreux et se disputent les crédits. Je suis un peu étonné que 97 réseaux d'approvisionnement en eau potable présentent encore un risque élevé.

Je sais que M. Brooks a tenté de répondre au sénateur Peterson lorsqu'il a demandé un compte rendu annuel des vérifications. Il faut poser une question simple. Nous avons tenu des audiences sur les revendications particulières. On nous a dit qu'il faut compter au moins sept ans pour qu'une revendication soit reconnue, à cause du manque de fonds. C'est la même chose dans votre ministère, AINC. Les effectifs ne sont pas assez nombreux pour traiter ces dossiers.

Nous devons poser la question. C'est notre rôle. Disposez-vous du personnel suffisant pour répondre à toutes ces demandes? Je sais que notre pays est grand; chaque semaine, je fais la navette en avion de Vancouver à Ottawa. Je n'ai pas l'intention de vous mettre sur la sellette. Je sais que c'est une question difficile, mais j'espère que vous pouvez nous donner une réponse concernant la vérification et indiquant si vous disposez de la capacité suffisante au sein de votre ministère pour gérer cette situation complexe et urgente.

Mme Cram : Merci pour votre question. Je vais y répondre en deux étapes. Premièrement, comme je l'ai mentionné, nous allons évaluer la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. Nous avons déjà défini les paramètres et nous allons bientôt commencer. Cela nous aidera à évaluer certains aspects et à déterminer par exemple si nous avons suffisamment de ressources.

Pour revenir à la question de savoir si nous disposons de suffisamment de ressources pour réduire le nombre de réseaux d'approvisionnement en eau présentant un risque élevé, nous pouvons retourner aux différents critères que j'ai mentionnés. Ce sont la qualité de l'eau de source, la conception du réseau, le fonctionnement et l'entretien, la formation et l'accréditation des opérateurs et le compte rendu et la tenue des dossiers. Il est clair que le ministère a besoin de certaines ressources pour ces diverses activités, mais la grande majorité de nos besoins en ressources se situe à l'échelon de la collectivité. Nous ne voulons pas concentrer nos ressources au niveau administratif pour la surveillance alors que nous avons besoin d'une capacité d'intervention sur le terrain dans les collectivités pour la construction, le fonctionnement et l'entretien des stations de traitement de l'eau, ainsi que pour la formation et l'accréditation des opérateurs.

Le président : De la même manière, il faut quelqu'un pour surveiller et assurer le suivi. C'est le rôle qui vous incombe. Permettez-moi de revenir à mon exemple des revendications particulières. Nous avons constaté le manque de ressources humaines et financières pour traiter ces dossiers. Nous avons présenté des recommandations et je crois sincèrement qu'elles permettront d'améliorer la situation.

Cependant, je comprends que dans le cas d'un dossier aussi important que celui de la salubrité de l'eau potable, vous devez bâtir une capacité sur place dans les collectivités. Je ne tiens pas absolument à augmenter coûte que coûte les effectifs administratifs, mais tant que nous n'aurons pas des conditions égales et des normes applicables à l'eau qui soient acceptables pour tous, avons-nous besoin d'un programme pour les interventions d'urgence?

Mme Cram : Nous avons des programmes d'urgence et ce n'est pas à Ottawa que nous en avons besoin. Nous avons besoin de personnel à Ottawa, mais en cas d'urgence, nous devons pouvoir dépêcher très rapidement des techniciens sur place.

Nous avons recours à divers mécanismes. Nous disposons de capacités techniques à l'échelon du conseil tribal et au sein des organismes techniques des Premières nations. Nous avons également conclu des contrats de service qui nous permettent de déployer sur place diverses entreprises contractuelles.

Prenons l'exemple de Kashechewan. Permettez-moi de rappeler aux honorables sénateurs que la collectivité de Kashechewan a été touchée par un grave problème l'an dernier, à la suite de l'inondation de la station de traitement de l'eau qui fut contrainte d'interrompre ses activités. Nous avons conclu un contrat qui nous permet de disposer d'un opérateur sur place. L'entreprise Northern Waterworks maintient dans cette collectivité un opérateur qui est chargé de vérifier la qualité de l'eau.

Si je devais faire un choix, je préférerais utiliser les ressources sur le terrain, dans la collectivité, ou tout au moins au niveau du conseil tribal ou à un niveau plus large afin de pouvoir déployer ces ressources aux endroits où nous en avons besoin.

Le président : Pour établir cela, nous avons peut-être besoin du cadre législatif ou réglementaire qu'ont mentionné les représentants du vérificateur général.

Le sénateur Watt : J'ai de la difficulté à comprendre. J'entends parler de différents niveaux de personnel, de personnes et de fonds supplémentaires. Permettez-moi de présenter les choses de manière simple, comme je l'entends. Au besoin, vous pourrez par la suite me rectifier.

Si les fonds existent, pourquoi AINC ne procède-t-il pas à l'adjudication des marchés afin de faire participer le secteur privé et d'appliquer ensuite un système de surveillance? Pourquoi ne pas appliquer cette formule? Vous pourriez faire de grandes économies.

M. Brooks : C'est une bonne question. Comme vous le savez, le ministère a commencé, dès le milieu des années 1980, à transférer une grande part de ses responsabilités au niveau local, en chargeant les collectivités d'entreprendre de nombreuses activités. On réalise que certains de ces transferts n'ont pas donné lieu à l'établissement des capacités nécessaires, comme on a pu le constater dans certains secteurs.

Quant aux appels d'offres au sein de notre ministère, nous avons mis au point une politique sur la passation de marchés dans les Premières nations justement pour établir des lignes directrices. Les fonctionnaires de notre ministère ont entrepris des études de faisabilité afin de s'assurer que la collectivité concernée progresse dans la bonne direction dans la gestion ou la construction d'un réseau d'approvisionnement en eau.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le secteur privé et les collectivités. Le problème avec l'organisation d'appels d'offres par l'intermédiaire de notre ministère est que nous traitons avec des collectivités dont plusieurs sont, comme vous le savez, autonomes. De temps à autre, nous sommes confrontés à une question de compétence et nous pensons que nous ferions un meilleur usage des crédits dont nous disposons pour atteindre l'ensemble des résultats que nous visons, en renforçant les capacités dans les collectivités et en collaborant avec elles de manière un peu plus étroite.

Le sénateur Watt : Je crois qu'on peut répondre à certains arguments que vous avez soulevés en disant qu'il n'est pas nécessaire que les appels d'offres soient organisés par AINC lui-même. Si la notion de partenariat existe vraiment — nous en entendons parler depuis plusieurs années — pourquoi est-ce si difficile pour le conseil de bande et AINC de conjuguer leurs efforts afin d'adjuger des marchés et de faire intervenir le secteur privé? J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi cela ne peut pas se faire.

M. Brooks : Je n'avais peut-être pas bien compris la question la première fois. Nous collaborons avec les divers conseils, collectivités, autorités et conseils tribaux en examinant avec eux les devis. Nous examinons les soumissions avec eux et un de nos ingénieurs prend part au processus de révision.

Comme vous le savez, les appels d'offres donnent lieu à des partenariats entre le secteur public et le secteur privé et nous en avons actuellement plusieurs en cours. Lorsque certaines activités sont adjugées par appel d'offres, elles sont attribuées à des entreprises du secteur privé, mais nous prenons part à ces activités.

Pourrions-nous exercer une plus grande surveillance? Pourrions-nous être plus présents? On pourrait sans doute répondre par l'affirmative; cependant, nous travaillons très étroitement avec les collectivités.

Le sénateur Watt : Peut-être, mais il reste 97 collectivités qui ont encore beaucoup de difficultés à s'approvisionner en eau potable propre. Si l'on peut simplifier les choses, si les fonds sont disponibles, s'il est possible de faire participer le secteur privé par l'intermédiaire d'appels d'offres, je suis certain que l'on pourrait facilement résoudre tous les problèmes en un an. Les problèmes traînent d'année en année; cela prend trop de temps.

C'est l'argent des contribuables qui est ici en jeu. On nous reproche parfois, à nous les Autochtones, de gruger le système. Nous nous méfions un peu; c'est pourquoi, il faudrait trouver une façon plus rapide d'améliorer la situation. C'est une recommandation que pourrait présenter votre ministère. Peut-être que cela pourrait faire avancer les choses.

Mme Cram : C'est une bonne idée et nous nous sommes intéressés à la possibilité de faire appel à des capitaux privés pour accélérer la construction. Nous envisageons certains partenariats. Nous devons respecter les lignes directrices du Conseil du Trésor et nous essayons de trouver un moyen d'agir à l'intérieur de ces lignes directrices.

Le sénateur Watt : Il est urgent d'intervenir, car les gens sont malades et certains en meurent. Il est grand temps de trouver la façon la plus rapide d'obtenir des résultats. Il ne faut pas attendre que la crise éclate pour réagir. Essayons d'agir avant d'être confrontés à une crise.

Je vous remercie de prêter une oreille attentive à mes critiques concernant la gestion de cette situation par le ministère. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'augmenter les effectifs du ministère. Je pense que vous êtes assez nombreux.

Le président : Le groupe d'experts est d'avis qu'il n'est pas crédible d'adopter un régime de réglementation si l'on ne dispose pas des capacités nécessaires pour répondre aux critères du régime. Les experts affirment qu'il est tentant de mettre en place un régime qui permettrait de réduire les risques associés aux réseaux d'approvisionnement en eau, mais on risque d'aboutir à des résultats exactement opposés car il faut du temps pour créer et appliquer un régime de réglementation alors qu'il serait préférable de consacrer de l'attention et des fonds aux réseaux d'approvisionnement en eau, aux opérateurs, à la gestion et à la régie.

Pouvez-vous commenter le point de vue du groupe d'experts selon lequel le régime de réglementation contribuerait très peu par lui-même à améliorer la qualité de l'eau dans les réserves, dans la mesure où on n'investit pas de manière équivalente dans la capacité des installations?

Mme Cram : Nous nous sommes demandé si le moment était opportun et le groupe d'experts se demandait s'il était approprié de mettre en œuvre un régime alors que nous savons qu'un certain nombre de réseaux ne pourront pas le respecter. Cela revient à provoquer un problème dès le départ. Avant de mettre en place notre régime, nous devrions peut-être remettre les réseaux à niveau.

En nous penchant sur la question, nous avons compris que l'on ne saurait pas ce que représente le régime tant qu'on ne l'aurait pas créé. Ne serait-il pas préférable d'examiner nos lois, de définir ce que serait notre régime, puis de l'appliquer progressivement afin de permettre la mise à niveau des réseaux d'approvisionnement en eau pour qu'ils soient conformes aux critères du régime? Par conséquent, nous nous appuyons sur une connaissance réelle de ce que seront les différents régimes. Étant donné que l'approche législative que nous avons l'intention d'appliquer consiste à adopter les régimes de réglementation provinciaux, tous ces régimes seront peut-être différents d'une province à l'autre. Dans chaque province, nous devrons moderniser les réseaux afin de les mettre au niveau approprié.

Je crois que le groupe d'experts avait raison de dire que si nous avons l'intention d'appliquer un régime de réglementation, nous devons être conscients que certains réseaux ne pourront peut-être pas respecter les critères du régime et que d'autres investissements seront peut-être nécessaires pour mettre les réseaux à niveau. Nous reconnaissons cette réalité.

Le sénateur Hubley : Un des thèmes les plus importants évoqués par nos témoins précédents portait sur l'intérêt soutenu de la direction. J'ai examiné les sept barrières multiples que vous avez mises en place pour faire en sorte qu'une défaillance dans un secteur soit palliée grâce au bon fonctionnement des autres barrières. Pouvez-vous nous présenter vos commentaires à ce sujet?

J'aimerais également vous demander de commenter la cession des services dans les années 1970 et 1980. Comme bien d'autres choses, cette pratique peut paraître excellente au premier abord. Cependant, sans la capacité — ce mot semble revenir constamment ce soir — le transfert de responsabilités peut pratiquement sembler être la recette assurée des problèmes. Je vais en rester là pour l'instant. Veuillez nous présenter vos commentaires au sujet de l'intérêt soutenu de la direction et de la capacité.

Mme Cram : Je vais commencer à vous parler de l'intérêt soutenu. Le ministre s'est engagé à présenter des comptes rendus périodiques au Parlement. Il en a présenté un en décembre et un autre en mars.

Je peux vous assurer que cela exige un intérêt incroyablement soutenu de la part du ministère, car nous savons que nous devons produire des rapports tous les six mois ou au moins une fois par année et nous tenons vivement à faire état de progrès dans chacun de ces rapports.

Le ministre a annoncé publiquement qu'il souhaitait réduire encore de moitié le nombre de réseaux présentant un risque élevé, d'ici la parution du prochain rapport. Par conséquent, il nous reste essentiellement jusqu'au mois de mars 2008 — soit moins d'un an — pour réduire de moitié les réseaux présentant des risques élevés qui sont actuellement au nombre de 97.

Pour y parvenir, un intérêt soutenu de la direction est indispensable. Par conséquent, nous devons élaborer un plan et passer en revue, région par région, tous les réseaux d'approvisionnement en eau présentant un risque élevé afin de déterminer les mesures que nous devrons prendre dans le laps de temps qu'il nous reste, pour atteindre l'objectif du ministre. Je crois que le fait d'avoir un but précis et l'obligation de présenter un rapport au Parlement sont d'excellents moyens d'obtenir un intérêt soutenu de la part de la direction.

Pour ce qui est des capacités, je crois que la stratégie d'amélioration des réseaux d'approvisionnement en eau repose en grande partie sur le renforcement des capacités. C'est pourquoi nous devons améliorer la formation, l'accréditation et la surveillance. Si nous ne disposons pas actuellement des capacités nécessaires sur le terrain, nous pourrons bénéficier, jusqu'à un certain point, de l'assistance du Programme de services itinérants de formation.

Ce programme vise en grande partie à renforcer les capacités, car nous reconnaissons que nous avons besoin sur place d'opérateurs accrédités et ayant reçu une bonne formation pour que les stations de traitement de l'eau soient en mesure de produire une eau de qualité.

M. Brooks : La question de la capacité des collectivités nous amène à constater que bon nombre des collectivités sont assez petites et possèdent des réseaux d'approvisionnement en eau assez complexes. Il faut tenir compte également d'une sorte de dimension politique, que nous examinons actuellement, en raison de la complexité de certains réseaux par rapport à ceux qui existent dans des collectivités non autochtones adjacentes. Beaucoup de foyers disposent de leur propre puits, par opposition à une collectivité dont tous les besoins reposent sur un réseau de traitement de l'eau. La situation peut être complexe.

Beaucoup de collectivités souhaitent offrir des services municipaux à leurs habitants alors qu'assez souvent elles n'ont pas nécessairement la capacité, ni le personnel nécessaire.

Nous envisageons d'autres activités susceptibles d'être utiles, comme les services de formation itinérants. Je vous ai entendu parler du nombre d'opérateurs accrédités, au cours du témoignage des représentants du Bureau du vérificateur général. C'est un de nos sujets de préoccupation. Chaque année, le roulement des opérateurs est d'environ 25 p. 100 dans les collectivités. C'est un constat à la fois positif et négatif. Dans bien des cas, les opérateurs quittent une collectivité pour accepter un emploi mieux rémunéré dans une autre localité.

Par conséquent, on peut se réjouir d'un côté que les opérateurs aient des qualifications professionnelles très recherchées, mais le départ de ces opérateurs est regrettable pour la collectivité qui les perd. C'est une difficulté supplémentaire.

Le sénateur Hubley : Cela nous renvoie à la nécessité de mettre en place un programme ou un plan d'urgence pour réagir à de telles situations.

Voilà qui est bien, mais disposez-vous de crédits suffisants pour atteindre ces objectifs? Les fonds nécessaires sont-ils en place?

Mme Cram : Comme je l'ai mentionné, les crédits de 1,6 milliard de dollars étaient destinés à la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. Il nous reste un an, puisque la stratégie prend fin le 31 mars 2008. Nous allons envisager de renouveler la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations. C'est pourquoi nous procédons actuellement à une évaluation afin de préparer le renouvellement de la stratégie et définir les ressources qui seront nécessaires à l'avenir.

Comme je l'ai mentionné, le budget de 2006 nous a accordé des crédits supplémentaires de 60 millions de dollars.

Nous sommes satisfaits de disposer d'une autre année pour l'application de la Stratégie de gestion de l'eau et des crédits supplémentaires de 60 millions de dollars étalés sur deux ans que nous a accordé le budget de 2006. Nous pourrons ainsi poursuivre nos efforts visant à combler les lacunes sur le plan des lois et de la réglementation, continuer nos activités de formation, et cetera. L'évaluation nous permettra de définir les ressources dont nous aurons besoin à l'avenir.

Le sénateur Hubley : Les normes relatives à la qualité de l'eau s'appliquent-elles au niveau national?

M. Brooks : Le protocole que nous appliquons représente notre norme nationale. Nous appliquons le protocole de la manière suivante. Il peut arriver que certaines provinces exigent une norme plus élevée, par exemple en matière de turbidité de l'eau. Lorsque la norme est légèrement plus élevée que celle du protocole, comme c'est le cas par exemple en Saskatchewan, une Première nation de Saskatchewan sera tenue de respecter la norme provinciale en matière de turbidité.

Il n'est pas rare que notre protocole impose des critères de qualité supérieurs aux normes ou au régime appliqués par les provinces. Par ailleurs, certaines législations provinciales actuelles n'ont pas nécessairement prévu diverses situations en cours dans certaines collectivités des Premières nations. C'est le cas par exemple des citernes ou de l'approvisionnement en eau par camion et de nombreux petits réseaux d'approvisionnement. AINC considère comme un réseau tout système d'adduction d'eau comprenant cinq branchements ou plus. Dans certaines provinces, comme l'Ontario, le seuil est fixé à 15 branchements seulement.

Voilà pourquoi nous devons adopter un régime de réglementation renvoyant aux critères provinciaux. Il sera nécessaire également de collaborer avec les provinces, non seulement pour adopter leur régime, mais aussi pour faire en sorte que les éléments manquants des Premières nations soient couverts par les régimes provinciaux respectifs. Par ailleurs, cela devrait aider les provinces, étant donné qu'elles ont, je crois, des particuliers et des collectivités qui sont aux prises avec des situations analogues.

Le président : Madame Cram, permettez-moi de revenir à la question posée par le sénateur Hubley au sujet du financement. Disposez-vous d'un financement suffisant pour résoudre tous les problèmes? Vous avez dit avoir reçu un financement de 1,6 milliard de dollars. Disposez-vous actuellement de tous ces fonds pour intervenir et résoudre les problèmes? J'ai l'impression que vous gérez cette stratégie comme un programme plutôt que comme un plan d'intervention d'urgence.

Je vous pose cette question parce que je sais que le ministre tient à ce que la situation soit réglée — et que le travail soit bien fait. Cependant, si les fonds dont il dispose sont insuffisants, nous devrions peut-être présenter une recommandation et faire tout notre possible pour qu'il dispose des fonds nécessaires. Les crédits seront peut-être entièrement épuisés avant le mois de mars 2008. C'est inacceptable quand il s'agit de la salubrité de l'eau potable.

Mme Cram : Je ne suis pas certaine que nous pourrions éliminer tous les réseaux présentant des risques élevés en l'espace d'une année, car certains d'entre eux nécessitent des immobilisations. Or, certains projets d'immobilisations ne pourraient pas nécessairement être conçus et menés à terme en une seule année. Nous ne disposerions pas de suffisamment de fonds pour être en mesure de mettre tous les réseaux à niveau en une seule année.

Le sénateur Peterson : Le mois de mars 2008 semble être une date plutôt importante pour vous, compte tenu des nombreuses échéances qui vous attendent. Je suppose que vous souhaiterez améliorer le plus possible les réseaux d'approvisionnement en eau des 97 collectivités cotées actuellement à haut risque, afin de montrer que vous avez bien utilisé le financement supplémentaire qui vous a été accordé. Vous aurez besoin alors de disposer de bonnes capacités sur le terrain pour éviter que ce chiffre bondisse à nouveau.

Mme Cram : En effet.

Le sénateur Peterson : Quand les normes législatives seront-elles terminées et prêtes à entrer en vigueur?

Mme Cram : J'ai mentionné dans mes remarques que le ministre privilégiait une option; cependant, nous devons maintenant suivre le processus. Il faudra obtenir les instructions de rédaction et présenter un projet de loi. Comme je l'ai dit, l'approche préférée consiste à incorporer la réglementation provinciale par renvoi.

Un texte législatif sera rédigé et présenté en temps et lieu et nous devons commencer à élaborer des régimes de réglementation province par province. Selon nos prévisions, nous devrons travailler en étroite collaboration avec les provinces et les Premières nations à l'élaboration de ces régimes de réglementation.

Je ne sais pas à quel moment le projet de loi sera présenté. Nous espérons pouvoir le faire le plus tôt possible.

Le président : Je peux vous assurer que si les sénateurs sont saisis d'un projet de loi sur cette question, nous ferons tout pour accélérer le processus. Nous ne ferons rien pour le ralentir.

Je tiens à vous remercier tous les deux. C'est un défi énorme pour l'ensemble de la population canadienne. Cette situation ne concerne pas que les quelques personnes réunies ici ce soir, mais un grand segment de notre société qui a besoin d'une assistance immédiate.

Madame Cram et monsieur Brooks, je vous remercie pour vos réponses simples et franches, ainsi que pour vos exposés.

S'il n'y a pas d'autres questions, honorables sénateurs, nous allons suspendre pour le moment les travaux de notre comité.

La séance est levée.


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