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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 1 - Témoignages du 11 mai 2006


OTTAWA, le jeudi 11 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, en vue d'examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Bienvenue à la première réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Nous nous rassemblons à un moment où les agriculteurs, notamment les producteurs de céréales et de graines oléagineuses, et tous ceux qui leur prêtent main-forte, traversent une période très difficile. Nous allons, au cours de nos réunions, explorer divers sujets que le comité souhaitera peut-être approfondir. Nous avons le plaisir, aujourd'hui, d'accueillir nos amis de la Fédération canadienne de l'agriculture, la FCA. Cette association nationale représente, par l'entremise de ses membres, plus de 200 000 exploitations agricoles familiales, d'un océan à l'autre.

Nous allons entendre le président de la FCA, M. Bob Friesen, qui vient du Manitoba; M. Laurent Pellerin, premier vice-président de la FCA et président de l'Union des producteurs agricoles du Québec; et M. Marvin Shauf, deuxième vice-président de la FCA. M. Shauf est originaire de la Saskatchewan. Nous avons demandé aux dirigeants de la Fédération de nous parler de la crise que connaît le secteur agricole canadien et des répercussions qu'elle entraîne sur les collectivités agricoles.

Le coprésident du comité, le sénateur Gustafson, ne peut malheureusement être ici aujourd'hui. Il se trouve en Saskatchewan, où il est en train, comme il se doit, de faire ses semences.

Nous disposons de deux heures et demie pour aborder toute une gamme de sujets. J'invite mes collègues à poser des questions brèves et précises pour que les témoins puissent nous donner des réponses détaillées. De cette façon, tout le monde pourra participer à la discussion. Messieurs, la parole est à vous.

Bob Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Merci beaucoup. C'est un plaisir pour nous d'être ici. Je trouve encourageant de voir le comité se pencher, dès le début de la session, sur un dossier que nous jugeons très important.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous sommes à l'écoute des agriculteurs de toutes les régions du Canada. Ces agriculteurs sont représentés par la FCA, qui compte des organismes dans toutes les provinces. Ces organismes sont attentifs aux besoins des agriculteurs. Ils tiennent la FCA au courant de ce qui se passe sur le terrain.

M. Pellerin, du Québec, et M. Shauf, de la Saskatchewan, et moi avons un message important à vous transmettre, un message qui n'est pas forcément négatif. Nous sommes confrontés, il est vrai, à de sérieux problèmes et défis. Toutefois, nous sommes d'avis que le secteur agricole recèle un potentiel énorme.

Nous vous avons remis plusieurs documents. L'un d'entre eux traite de l'économie agricole, de la situation que vivent les agriculteurs. L'autre propose un plan, ou encore les grandes lignes une stratégie qui pourrait aider les producteurs à sortir de cette crise du revenu agricole que l'on qualifie de grave.

Je vais vous parler brièvement du milieu dans lequel évoluent les agriculteurs. Mes collègues vont faire quelques commentaires à ce sujet, après quoi nous répondrons volontiers à vos questions.

Comme bon nombre d'entre vous le savent peut-être, les agriculteurs canadiens ont connu les trois, voire les quatre pires années — si l'on tient compte des prévisions de 2006 — de leur histoire en termes de revenus agricoles. Ils continuent de livrer concurrence aux agriculteurs américains qui, eux, ont connu leurs trois ou même quatre meilleures années — si l'on tient compte des prévisions de 2006 — de leur histoire en termes de revenus agricoles. Je vous donnerai plus précisions à ce sujet quand je passerai en revue les graphiques que contient le document.

Ce problème ne date pas d'hier et s'est même aggravé au cours des dernières années. Nous devons absolument introduire des changements dans le secteur agricole et laisser les agriculteurs faire ce qu'ils font de mieux : produire des aliments sûrs et de grande qualité reconnus de par le monde.

Quels sont les facteurs qui ont provoqué la crise du revenu? Mentionnons d'abord le problème de l'ESB, qui a coûté à l'industrie des milliards de dollars. Ensuite, comme nous l'avons déjà signalé, les difficultés que connaissent les producteurs de céréales et de graines oléagineuses en termes de revenus agricoles. Cette situation est attribuable, en partie, aux sécheresses enregistrées dans le passé — ou à la présence d'un taux d'humidité trop élevé —, mais surtout au fort déclin, sur une longue période, du prix des céréales et des oléagineux.

Si vous jetez un coup d'œil aux chiffres, vous allez constater que les prix des céréales et des oléagineux ont chuté de plus de 25 p. 100 entre 2002 et 2005. Par ailleurs, on estime qu'une hausse de 0,01$ du dollar canadien par rapport au dollar américain entraîne une perte de 230 millions de dollars d'exportations agro-alimentaires.

Bien entendu, cette crise n'est pas uniquement due au taux de change ou à la chute des prix. La hausse du coût des intrants agricoles y est pour beaucoup. Entre 2002 et 2005, plus précisément entre décembre 2002 et janvier 2005, le prix du carburant a augmenté de 55 p. 100. Entre janvier 2005 et septembre 2005, il a augmenté d'un autre 25 p. 100.

Pour ce qui est du ratio dépenses de carburant/dépenses totales du secteur des céréales et des oléagineux, il s'établissait, d'après les derniers chiffres que nous avons, à 8 p. 100 en 2001. On arrive à un ratio beaucoup plus élevé si l'on tient compte de la hausse. La dette agricole, elle, a augmenté de 90 p. 100 entre 1995 et 2004.

Les agriculteurs doivent composer avec des facteurs qui sont incontrôlables. D'où la nécessité de trouver des solutions à long terme pour leur venir en aide.

Vous allez voir, à la page 2 du document, que les ratios dettes-actifs des agriculteurs canadiens et américains étaient plus ou moins les mêmes en 1997. Bien sûr, en 1997, le ratio dette-actif canadien s'est considérablement détérioré. Lorsque l'on compare les revenus agricoles et les paiements du gouvernement, on note une grande différence à ce chapitre entre les agriculteurs américains et canadiens.

Il y a deux ans environ, les membres de la FCA ont essayé de trouver un moyen de mesurer les besoins en termes de revenus agricoles. Nous avons pris le revenu net réalisé moyen des quatre dernières années, y compris celui de 2006, et l'avons comparé à celui des 10 années précédentes. Les chiffres, au cours de cette période, étaient peut-être peu reluisants, mais nous avons relevé un manque à gagner de 6,1 milliards de dollars. Ce montant comprend l'aide gouvernementale sans précédent que les agriculteurs ont reçue entre 2002 et 2005, et les paiements que prévoit leur verser le gouvernement en 2006. Malgré ces montants records, les agriculteurs se retrouvent avec un manque à gagner de six milliards de dollars en termes de revenu net réalisé.

Voilà pourquoi nous continuons d'insister sur l'importance des investissements que réalise le gouvernement dans l'agriculture. Ces investissements profitent à l'ensemble de l'économie canadienne. Les données révèlent que, en moyenne, le multiplicateur à la ferme est de 5 pour 1 au Canada : chaque dollar de revenu gagné par l'agriculteur en génère cinq pour l'économie canadienne. Il s'agit donc, pour nous, d'un investissement.

Toutefois, si rien n'est fait à court terme pour aider les agriculteurs à sortir de cette crise, l'infrastructure rurale dans son ensemble va en souffrir. Le secteur agricole et agro-alimentaire contribue pour presque 9 p. 100 du PIB et compte pour environ 14 p. 100 des emplois au Canada. Les exportations totalisent aujourd'hui environ 30 milliards de dollars. Le secteur agricole apporte une contribution très importante à l'économie canadienne. Il influe de façon déterminante sur les possibilités d'emploi dans les régions rurales, les fournisseurs et les fabricants d'intrants — en tout cas, sur les petites entreprises comme les quincailleries, ainsi de suite.

Nous avons 250 000 agriculteurs au Canada. Chaque agriculteur produit assez d'aliments pour nourrir 120 personnes par an. Cela représente suffisamment de nourriture pour 30 millions de personnes. L'industrie agroalimentaire emploie 2 millions de Canadiens et verse presque deux 2 milliards de dollars en salaires à des travailleurs canadiens.

En 2003, les agriculteurs canadiens ont dépensé 1,9 milliard de dollars en carburant, plus de 2 milliards de dollars en engrais, plus de 570 millions de dollars en services et médicaments vétérinaires, plus de 800 millions de dollars en électricité et télécommunications, et plus de 300 millions de dollars en location d'équipement, de matériel et de véhicules. La crise du revenu agricole frappe l'ensemble du secteur agricole. Or, la vitalité de presque chaque ville du Canada dépend de celle du secteur agricole.

Des milliers d'agriculteurs se sont rassemblés sur la Colline le 5 avril pour dénoncer la situation et implorer le gouvernement d'accroître les sommes qu'il consacre au secteur agricole pour qu'il puisse sortir de cette crise. Les membres de la FCA et les agriculteurs de toutes les régions veulent trouver des solutions à long terme au problème. Toutefois, nous devons faire en sorte que les agriculteurs puissent en profiter. Comme je l'ai déjà mentionné, le secteur agricole possède beaucoup de potentiel et les agriculteurs présents sur la Colline ce jour-là espéraient recevoir une aide pour faire face à la nouvelle période de semailles. Ils attendaient une déclaration qui leur permettrait de dire à leur institution financière qu'ils recevraient une aide des deux paliers de gouvernement pour la campagne agricole du printemps. Bien que le montant de 1,5 milliard de dollars alloué dans le budget au secteur agricole et agroalimentaire soit important, les agriculteurs craignent ne pas recevoir cet argent à temps, c'est-à-dire avant le début des semailles printanières. Ce qui nous inquiète, c'est qu'ils n'aient pas d'argent à remettre à leur banquier cette année.

Nous devons poursuivre nos efforts en vue de créer un environnement qui permettra aux agriculteurs de survivre. Concernant les solutions à long terme qui sont proposées dans le document, les membres de la FCA se sont attachés à définir les objectifs qui devraient sous-tendre le prochain cadre stratégique pour l'agriculture. Pour bon nombre d'agriculteurs au Canada, le premier CSA était un assemblage de programmes de financement importants. Nous avons cherché à doter le prochain cadre d'une nouvelle stratégie. Nous avons essayé de trouver un moyen non seulement d'assurer le financement des programmes de salubrité des aliments à la ferme, de protection de l'environnement et de gestion des risques de l'entreprise, mais également de favoriser la croissance stratégique du secteur. Nous avons divisé le deuxième CSA en trois piliers.

Il y a d'abord le pilier des biens et des services publics. Les agriculteurs au Canada n'ont aucune difficulté à rendre compte des décisions qu'ils prennent concernant l'environnement et la salubrité des aliments. Toutefois, ils savent que lorsqu'ils contribuent au bien public, le public doit partager les coûts associés aux programmes de salubrité des aliments et de protection de l'environnement qu'ils mettent en place. Nous croyons qu'il est possible d'élaborer une politique qui permettra aux agriculteurs de mieux soutenir la concurrence à l'échelle internationale. Il est vrai que les agriculteurs canadiens connaissent leurs pires années en termes de revenus agricoles et qu'ils livrent concurrence aux agriculteurs américains qui, eux, enregistrent des revenus records. Toutefois, le problème ne tient pas à notre manque de compétitivité. Les agriculteurs canadiens sont aussi compétitifs que les autres agriculteurs de par le monde. Nous devons nous doter d'une politique concurrentielle, et les programmes de biens et de services peuvent nous être utiles à cet égard. Nous devons ensuite, même à l'intérieur des règles de l'OMC, aider la population à assumer une partie des coûts engagés par les agriculteurs lorsqu'ils mettent sur pied des programmes de protection de l'environnement et de salubrité des aliments.

Le deuxième pilier est la gestion des risques de l'entreprise. Nous devons trouver un moyen plus efficace d'acheminer l'aide qu'octroient les gouvernements aux agriculteurs. Une comparaison des données entre le Canada et les États-Unis montre que les programmes américains fonctionnent mieux non seulement parce que les États-Unis consacrent plus d'argent au secteur agricole, mais parce que leurs méthodes de financement sont plus efficaces. Ils agissent de façon proactive et non réactive; autrement dit, ils n'attendent pas que l'agriculteur ait affiché un mauvais rendement avant de lui verser de l'argent. Leurs programmes sont proactifs. Nous devons trouver des moyens plus efficaces d'acheminer l'aide qui est destinée au secteur agricole. Bien entendu, nous devons poursuivre le programme d'indemnisation des sinistrés et réintroduire le programme complémentaire qui existait dans le passé. Un programme national ne peut répondre à tous les besoins particuliers des provinces, d'où la nécessité d'avoir un programme complémentaire. Nous devons également prévoir des programmes de soutien des prix ou du revenu, et aussi de stabilisation du revenu.

Le troisième pilier est celui de la croissance stratégique, un aspect très important. Nous devons fournir aux agriculteurs les investissements dont ils ont besoin pour traverser la crise actuelle. Toutefois, nous devons également prévoir des programmes de croissance stratégique, autrement dit, trouver des moyens d'augmenter le pouvoir des agriculteurs et de favoriser l'action collective, soit au niveau de l'achat des intrants, soit au niveau de la mise sur pied de coopératives pour commercialiser les produits agricoles. Par ailleurs, nous devons investir de façon soutenue et durable dans la recherche et tirer partie des résultats de celle-ci, c'est-à-dire en faire profiter l'utilisateur final.

Nous devons investir dans les industries à valeur ajoutée, et nous proposons à ce sujet une stratégie sur le biodiesel et l'éthanol, deux technologies au potentiel énorme. Il suffit de prendre exemple sur les États-Unis, qui ont renforcé l'industrie agricole grâce au biodiesel et à l'éthanol. Nous devons investir dans la transformation des aliments à valeur ajoutée et dans l'approvisionnement vers le haut. Nous devons améliorer les liens entre les producteurs primaires, les détaillants et les consommateurs. Nous devons établir des passerelles plus solides entre les exploitations agricoles et l'industrie en aval. Bien entendu, nous devons continuer de favoriser l'accès aux marchés et de créer des marchés plus lucratifs pour nos exportations, qui comptent pour plus de 60 p. 100 de la production agricole. Assurer un meilleur accès aux marchés est important, mais il faut que ces marchés soient lucratifs. Un producteur de maïs m'a dit, récemment « Arrêtez de dire que je dois chercher de nouveaux débouchés. Je perds déjà de l'argent chaque fois que je produis un boisseau de maïs. Alors pourquoi dois-je chercher de nouveaux débouchés? » Bien qu'il soit important d'élargir l'accès aux marchés, nous devons nous doter de politiques concurrentielles qui permettent aux agriculteurs d'avoir également accès à des marchés d'exportation lucratifs. Nous devons continuer de miser sur les outils stratégiques qui servent les intérêts des agriculteurs, y compris la gestion de l'offre et le système de vente à guichet unique offert par la Commission canadienne du blé. Ces outils donnent plus de pouvoirs aux agriculteurs, et favorisent la stabilité et la viabilité des exploitations agricoles.

Je vais conclure en disant qu'il n'est pas uniquement question ici des agriculteurs. Il est question de l'ensemble de l'infrastructure rurale, des familles agricoles, des petites entreprises et des possibilités d'emplois. Nous nous sommes engagés à trouver des solutions à long terme. Toutefois, si l'industrie et les deux paliers de gouvernement n'introduisent pas de changements en profondeur, ce sont non seulement les agriculteurs, mais également l'infrastructure rurale dans son ensemble qui vont en souffrir. Je vais demander à M. Pellerin de faire quelques commentaires.

Laurent Pellerin, premier vice-président, Fédération canadienne de l'agriculture : J'aimerais revenir au troisième graphique, qui illustre les revenus nets. Comme l'a mentionné M. Friesen, nous représentons 200 000 agriculteurs, d'un océan à l'autre. D'après ce graphique, ces 200 000 agriculteurs et leurs familles n'ont rien touché pendant au moins un an. De plus, le revenu agricole moyen au cours des 10 dernières années s'est établi à près de zéro.

Cette situation est vraisemblablement attribuable à la politique agricole américaine. La guerre des subventions que se livrent les États-Unis et l'UE est responsable du faible prix que les Canadiens reçoivent sur les marchés agricoles pour leurs produits, du moins à la ferme. Toutefois, il y a des personnes qui font de l'argent avec ces produits.

Notre produit quitte la ferme. Il y a des gens qui font de l'argent avec ce produit au Canada : les transformateurs, les exportateurs, les fournisseurs d'équipement. Ils sont nombreux à en faire. Toutefois, la situation est tout autre pour l'agriculteur.

Nous avons des observateurs à temps plein à l'OMC, à Genève, qui vont suivre l'évolution de la situation dans les mois et les années à venir. Je lis tous les jours le rapport que nous recevons de notre représentant, à Genève. Je me tiens au courant des sujets qui font l'objet de discussions. Or, les perspectives, en ce qui concerne cette ronde de négociations, sont peu encourageantes.

La deuxième chose, c'est qu'en tant que voisin des États-Unis, comment pouvons-nous faire autrement qu'eux en agriculture? Comme l'a dit M. Friesen, ils investissent leur argent dans les grains pour s'assurer que les éleveurs, les compagnies d'éthanol et les consommateurs commerciaux de grains payent un faible prix pour leurs produits, et de là ils ajoutent une certaine valeur. Dans ce pays, nous essayons de tirer ce revenu du marché, et en ce qui concerne les grains, il n'y en a pas.

Ces revenus sont une moyenne. Nous savons que bien des agriculteurs du Canada font encore des profits par la gestion de l'offre — le lait, les œufs et le poulet. Les agriculteurs continuent de faire de l'argent. Quand on voit une moyenne comme celle-là, en sachant que certains agriculteurs font encore de l'argent, pensez donc à ceux qui en perdent. Les producteurs de grains du pays sont de ceux-là, depuis longtemps. De fait, nous sommes en train de perdre nos producteurs de grains.

Ce que nous pensons, c'est que si quelqu'un décide que c'en est fini de la production de grains ici, au Canada, le problème, c'est qu'on ne nous dira jamais qu'il faut que nous arrêtions. Ils laissent le marché faire le travail. Le marché de la production de grains du pays agonise, un marché qui, pendant longtemps, était l'industrie la plus importante, qui jouissait de la meilleure des réputations dans le monde entier pour sa qualité. L'assise de cette production s'effrite, au Canada.

Pendant des années, nous avons tenté de le faire comprendre au gouvernement, et nous sommes heureux de pouvoir être ici aujourd'hui, devant les membres de ce comité sénatorial. Si on peut faire quelque chose pour faire changer d'idée au gouvernement fédéral, c'est probablement d'ici que cela viendra.

Nous avons tenté de déclencher le changement avec le gouvernement antérieur. Ce n'est pas qu'il n'a pas donné d'argent. Il l'a fait, mais je ne pense pas qu'il l'ait investi là où il le fallait, particulièrement avec le dernier budget. Avec les fonds qui sont versés, la manière dont ils seront répartis fait que l'argent ira surtout dans les poches des gens qui n'en n'ont pas besoin, et cela laissera les producteurs de grains sans le revenu indispensable pour continuer de produire. C'est probablement notre plus grand problème.

Notre propre gouvernement ne comprend pas les trois graphiques de base, ou encore il décide de faire quelque chose, mais oublie seulement de nous faire part de cette décision. Je pense que si le gouvernement décide que nous ne devrions produire plus de grains dans notre pays, nous autres, du secteur agricole, avons besoin de le savoir, puisque nous sommes les premiers concernés par cette activité.

Marvin Shauf, deuxième vice-président, Fédération canadienne de l'agriculture : J'apprécie grandement cette occasion qui m'est donné aujourd'hui de venir représenter la FCA. On m'a demandé de parler franchement, et c'est exactement ce que je compte faire, parce qu'il y a bien des gens sur le terrain, chez eux — pas seulement des agriculteurs, mais bien des gens qui participent au marché, avant et après la sortie de l'exploitation — qui sont entièrement tributaire du succès au niveau de la ferme.

Quand on regarde les graphiques qu'il y a dans ce document, il est difficile de ne pas admettre l'échec de la politique agricole canadienne, quand on constate les différences entre l'agriculture canadienne et celle des États-Unis, quand un pays du même continent a des revenus record et l'autre des pertes record. C'est là qu'il faut commencer à se demander en quoi les stratégies sont différentes et qu'est-ce qui marche et qu'est-ce qui ne marche pas.

M. Pellerin vient de parler de la stratégie qu'ils ont appliquée aux États-Unis pour réduire le niveau d'intrants tout en stimulant la valeur ajoutée, la transformation, l'augmentation de la valeur et en renforçant le marché dans le secteur agricole américain. Au Canada, notre stratégie a consisté à stabiliser ce qui était déjà là. C'était très passif, c'était après le fait, et ce n'était pas stratégique, pour ce qui est de créer de la valeur.

Quand on regarde ce qui s'est passé aux États-Unis, il est clair que la valeur agricole potentielle a été soustraite au Canada au profit des États-Unis. C'est arrivé avec les porcs destinés à la production de saucisses, qui ne sont plus au Manitoba, mais aux États-Unis. Les veaux qui sont nés et élevés surtout dans les provinces des Prairies vont manger le maïs des États-Unis. Au lieu d'être élevés, nourris, transformés, emballés et mis en marché en tant que produits de grande valeur, ils sont commercialisés au Canada comme un produit de très faible valeur.

Il y a plusieurs parallèles à cette situation. Nous n'avons pas créé cette stabilité et cette offre qui pourraient attirer le reste des initiatives à valeur ajoutée dans l'agriculture canadienne, que nous pourrions et devrions avoir. Nous avons créé une dette énorme dans le secteur, particulièrement au niveau des producteurs. Nous avons beaucoup affaibli la valeur parce que nous avons nié que la stratégie américaine porte fruits pour eux et aurait pu, et aurait dû porter fruits chez nous.

Actuellement, nous avons 50 milliards de dollars de dettes, dans le secteur agricole. Une augmentation d'un point du pourcentage du taux d'intérêt soustrait un demi-million de dollars à ce secteur. Si vous ajoutez cela au quart de million de dollars que chaque augmentation d'un point de pourcentage de la valeur de notre monnaie nous enlève — vous savez tous combien de points de pourcentage notre devise a gagné depuis quelques années — l'impact est phénoménal. Ce sont les facteurs qui contribuent au problème du revenu des agriculteurs que nous connaissons.

Quand on regarde le différentiel de dettes entre les États-Unis et le Canada, il est clair que l'impact est d'importance, et cela revient au fait que nous avons eu des stratégies tout à fait différentes à celles de notre concurrent.

D'autres investissements qu'ont faits le Canada n'ont pas été rentables, à cause de l'absence des emplois à valeur ajoutée qui viennent après la sortie du produit de la ferme. Nous avons fait des cadeaux de gens jeunes et instruits, que nous avons envoyés ailleurs, avec nos produits à faible valeur, pour ajouter de la valeur ailleurs.

Nous devons concevoir une stratégie pour aller de l'avant, plutôt que de seulement analyser la situation et parler de ce que nous pourrions faire pour ajouter de la valeur dans l'économie, augmenter la consommation de ce produit. En combinant plusieurs de nos objectifs environnementaux, économiques, agricoles et sociaux, nous pourrions faire de notre secteur agricole un solide concurrent et eu grand contributeur à l'économie canadienne, plutôt que de persister sur la voie que nous semblons avoir prise.

Bien des producteurs sur le terrain disent exactement ce que disait M. Pellerin : est-on sur le point d'abandonner les oléagineux et les grains, dans ce pays? On craint fort que ce soit ce qui est entrain d'arriver. Le problème, c'est que le reste de l'agriculture est tributaire de cette production. Nous n'aurons plus d'industrie d'engraissement; nous n'aurons plus d'éthanol. Nous n'importerons plus de grains d'un autre pays, pour pouvoir y ajouter de la valeur et être compétitif.

Nous devrons faire certains choix, et nous devons faire les bons choix si nous voulons un secteur agricole à valeur ajoutée. Nous devons comprendre qu'il y a ce qui constitue le pilier des grains et les oléagineux, plutôt que de nier que ce qui s'est fait aux États-Unis a porté fruits pour eux. Nous devons veiller à ne pas oublier les fondements et dire « Eh bien, nous nous concentrerons tout simplement sur le reste de l'agriculture canadienne », parce que sans le pilier de notre propre production, cela ne se fera pas.

Il y a toujours eu cette notion que, quoi qu'il arrive, quelqu'un continuera de cultiver des grains et des oléagineux. Nous sommes arrivés au point, maintenant, où les producteurs choisissent de ne pas cultiver de grains et d'oléagineux parce que ce n'est pas rentable. Si nous continuons sur cette voie, le reste de notre secteur agricole est en péril. Nous devons pouvoir faire des choix judicieux aujourd'hui, mais nous devons les appuyer sur des facteurs économiques, non pas sur le concept que nous pouvons tout simplement abandonner cela et continuer avec le reste.

Nous parlons d'une stratégie pour grandir. Nous parlons de stimuler la valeur dans l'économie canadienne, mais il faut aussi une stratégie pour faire participer les producteurs canadiens de grains et d'oléagineux à cette valeur.

La présidente : Je vous remercie. Je suis heureux que vous ayez choisi de venir ici nous faire part directement de votre perspective, sur le terrain et au sein de votre organisation.

Nous allons passer à notre liste d'interrogateurs. J'incite encore une fois tout le monde, bien que nous ayons encore pas mal de temps, à être aussi concis que possible pour obtenir la réponse la plus exhaustive possible de nos témoins.

Le sénateur Callbeck : Merci d'être venu ce matin. Il ne fait pas de doute que le secteur agricole du pays est en crise. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, alors je suis très consciente de l'importance du secteur agricole.

Nous venons d'adopter un budget, et je voudrais citer ce qu'en a dit le président de la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard. Eddy Dykerman a dit qu'il avait l'impression que le problème pour faire parvenir rapidement de l'argent aux agriculteurs qui en ont besoin n'avait pas été résolu, et pourtant c'est ce qui est important au début de la saison des semailles. Monsieur Friesen, à ce que je comprends de ce que vous avez dit, vous êtes d'accord avec cela, et je me demande si les deux autres témoins pensent comme vous.

M. Shauf : Je pense que c'est une analyse très juste, quand il faut aux producteurs pouvoir être clairs avec les gens avec qui ils font affaire, que ce soit avec leur institution financière ou leurs fournisseurs. Ils ont besoin de savoir qu'ils ont accès à de l'argent, en cette période de crise.

Le sénateur Callbeck : Combien de temps les agriculteurs peuvent-ils attendre maintenant? Que faut-il pour sauver ce qui reste de la saison des semailles, si on le peut encore? Je sais que certains agriculteurs ont déjà ensemencé leurs terres, alors que d'autres ne l'ont pas pu. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire de cela.

M. Friesen : Vous avez tout à fait raison. Les agriculteurs sont venus sur la Colline parlementaire le 5 avril parce qu'ils avaient besoin d'argent de toute urgence. Ce n'est pas pour diminuer l'importance des subventions qui ont été annoncées, parce que 1,5 milliard, c'est beaucoup d'argent, mais ce qu'il leur fallait, c'était un espoir immédiat. J'ai entendu des récits d'agriculteurs qui ont commencé à ensemencer, puis la compagnie d'engrais a refusé de leur fournir ses produits parce qu'ils n'avaient plus de crédit. L'agriculteur a décidé « je vais continuer à ensemencer de toute façon, et quand de l'argent sera promis, je l'espère, dans le budget, je pousserai ma récolte avec de l'engrais », et maintenant, il va peut-être devoir attendre.

Je pourrais parler rapidement de plusieurs problèmes : premièrement, les agriculteurs ont demandé de la flexibilité dans la manière dont l'argent serait versé. Nous suggérions qu'il soit versé aux provinces, puis chaque province pourrait déterminer avec ses agriculteurs les meilleurs moyens de répondre à ses besoins particuliers et de régler la crise du revenu agricole en fonction de la situation de chacune, parce que nous savons qu'une approche nationale, généralisée, ne résout pas toujours le problème.

Deuxièmement, tout le monde à qui nous avons parlé, que ce soit à Ottawa ou dans les provinces, commence à comprendre que le PCSRA, bien qu'il ait certains avantages, ne fait pas tout ce qu'il devrait faire. Bien entendu, vous savez aussi qu'il est beaucoup question de changer le programme pour l'améliorer. Ce que nous craignons, c'est que la méthode suggérée pour verser l'argent, ce serait en fonction de l'évaluation des stocks, par le biais du PCSRA. Des agriculteurs ont besoin de cet argent de toute urgence, et nous appliquons un programme que tout le monde a déjà reconnu comme ayant des failles. Nous craignons fort que le secteur des grains et oléagineux ne recevra pas l'argent en temps opportun. Aussi, dans ce secteur, si on utilise le PCSRA et l'évaluation des stocks, bien souvent, il se peut que des agriculteurs ne reçoivent pas beaucoup à cause de la façon dont se fait le calcul des stocks. Si on appliquer un programme comme le PCSRA, qui continue de verser de l'argent en fonction de la marche de référence historique du marché, nous avons reconnu que cette marge a un déficit de 6 milliards de dollars, alors elle est affaiblie à un point où le programme ne peut fournir assez d'argent.

Oui, il y a grand besoin d'argent, et les agriculteurs l'apprécient beaucoup, mais ce qu'il faut vraiment, c'est travailler avec le gouvernement pour nous assurer que cet argent soit versé en temps opportun.

M. Pellerin : On nous a annoncé 1 milliard de dollars avant la période des semailles, au printemps dernier, et encore 750 millions de dollars à l'automne dernier avant la compagne électorale. Ces fonds nous ont été versés il y a quelques mois à peine. Comme l'a dit M. Friesen, le manque à gagner moyen, ces dernières années, a été de 2 milliards de dollars par année. Si l'argent avait été annoncé plusieurs mois avant l'époque des semailles, ça aurait été le meilleur scénario possible. Cependant, comme on l'a dit, on attend une stratégie depuis maintenant 20 ans, dans ce pays. C'est une situation, sur le marché qui dure depuis 20 ans. Combien de temps faudra-t-il attendre? Voyez le graphique du haut, ici. Nous empruntons chaque année pour boucler nos livres.

Pour ma ferme, en décembre dernier, il m'a fallu emprunter 75 000 $ pour clôturer mon année, en plus des revenus de ma ferme. C'est fou, ces montants.

Vous savez tous que l'agriculture, à l'Île-du-Prince-Édouard, ce n'est pas la même chose qu'en Ontario, que dans l'ouest du Canada, la Colombie-Britannique et le Québec. Nous l'avons reconnu. Si le grand problème en Alberta c'est l'ESB, c'est à lui qu'il faut s'attaquer. En Saskatchewan, ont prévoit, pour l'année prochaine, 287 millions de dollars de revenu net de moins — de moins. Le problème, c'est le grain. Si vous regardez l'Ontario, qui est la province qui a la plus importante production agricole du pays, c'est 9 milliards de dollars par année. Les projections pour l'année prochaine, 2006, sont de 63 millions de dollars de revenu net de moins en Ontario.

Ces gens, en Ontario, travailleront pour rien, en 2006. Nous reconnaissons que cette annonce de 1,5 milliard de dollars, c'est de l'argent, mais c'est loin de suffire pour la ferme. Il nous faut de l'argent et une stratégie. Il faut arrêter l'ascension du ratio de la dette. Nous devons renoncer à notre entreprise l'un après l'autre, au Canada.

Nous avons perdu notre structure coopérative dans l'Ouest canadien. Il n'y a rien d'autre, et personne n'y a réagi. Nous perdons la propriété du secteur de la transformation. Bientôt, nous allons perdre la propriété de nos terres, dans ce pays.

Quelque chose doit être fait, et vite, et ce n'était pas une bonne chose que d'avoir cette annonce l'automne dernier. Je suis profondément convaincu que cela leur importait peu.

Le sénateur Callbeck : Je voulais parler du moyen de faire parvenir l'argent aux agriculteurs immédiatement. Je ne doute pas que vous avez discuté avec le ministre de l'Agriculture pour insister sur ce point depuis l'annonce de ce budget. Pouvez-vous nous parler de ces discussions? Dans quelle mesure pensez-vous recevoir cet argent rapidement?

M. Friesen : Nous avons essayé de rencontrer le ministre de l'Agriculture depuis l'annonce du budget, mais sans succès. Nous craignons que si l'argent est versé de la manière proposée, les agriculteurs n'en recevront rien avant quelques mois. Cela nous inquiète, et nous voudrions vraiment pouvoir discuter avec Agriculture Canada et le ministre de l'Agriculture, mais comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas réussi à le rencontrer.

Le sénateur Mercer : Voulez-vous dire que vous — le président de la Fédération canadienne de l'agriculture, représentant tous les agriculteurs du pays — n'avez pas été capable d'obtenir une rencontre avec le ministre de l'Agriculture depuis l'annonce du budget?

M. Friesen : C'est bien cela.

Le sénateur Mercer : Avez-vous pu rencontrer le secrétaire parlementaire du ministre?

M. Friesen : J'ai rencontré un des secrétaires parlementaires du ministre il y a quelque temps, mais pas depuis l'annonce du budget.

Le sénateur Mercer : Et les membres du comité de l'agriculture de la Chambre des communes?

M. Friesen : Nous avons essayé de voir un ou deux membres, mais nous n'avons pas pu obtenir de rendez-vous avec eux. Nous avons rencontré le ministre et le premier ministre le matin du ralliement.

Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse aux deux choses que vous avez dites au sujet de la dichotomie, notamment, c'est-à-dire qu'il nous faut envisager le court et le long terme. Il est curieux que le sénateur Tkatchuk essaie de faire remarquer que le problème du financement précoce ou d'urgence aurait dû être prévu en novembre, alors que son gouvernement n'hésite pas à dépenser sur ces programmes d'allocations familiale et à mettre en œuvre des réductions d'impôt ciblées et très adroites au plan politique. Le gouvernement n'hésite pas à financer ses cinq priorités, mais n'est pas très prompt à résoudre une crise agricole sans précédent.

Je ne suis pas agriculteur, et je ne l'ai jamais été, mais je suis les dossiers agricoles de près depuis 20 ans. Je n'ai jamais entendu parler d'une crise de cette ampleur qui voit les fermiers quitter l'industrie à pleines portes. Ils n'arrivent même plus à trouver les fonds nécessaires pour ensemencer leurs champs. On en est rendu au point où ces fonds ne pourraient même pas les sauver.

Lorsque vous avez rencontré les représentants gouvernementaux, quelles raisons ont-ils invoquées pour ne pas dégager immédiatement les sommes nécessaires dans cette situation de crise? Il est difficile d'y voir clair dans l'exposé budgétaire, mais croyez-vous que vous allez obtenir, que ce soit dès maintenant ou à plus long terme, davantage de fonds cette année par rapport aux années précédentes?

M. Friesen : Au cours des récentes années, le gouvernement fédéral a investi, en moyenne, entre 1,5 milliard de dollars et 1,8 milliard de dollars, en sus des sommes allouées en application du CSA. L'an dernier, c'était 1,7 milliard de dollars. Cette année, c'est 1,5 milliard de dollars jusqu'à maintenant. Nous allons poursuivre nos analyses et travailler auprès du gouvernement pour nous assurer d'obtenir les fonds nécessaires à l'agriculture.

Des agriculteurs ont signalé un manque de 6 milliards de dollars, mais ont eu l'obligeance de préciser qu'il faudrait plusieurs années pour le combler, ce qui fait que nous poursuivons nos efforts.

Le niveau de financement n'est pas notre préoccupation principale en ce moment. Nous souhaitons surtout nous assurer que les fonds se rendent jusqu'aux agriculteurs. L'investissement de 1,5 milliard de dollars est considérable, mais nous voulons maintenant voir à ce que ces fonds soient distribués le plus rapidement possible à ceux qui en ont le plus besoin. C'est la raison pour laquelle nous faisons valoir que le PCSRA est un programme inefficace et nous nous demandons pourquoi on utilise un tel programme pour acheminer ces fonds spéciaux visant à régler une crise du revenu. Trouvons donc une manière différente d'envoyer ces fonds le plus rapidement possible là où on en a vraiment besoin.

J'ai mentionné tout à l'heure la possibilité de le faire par l'entremise des provinces. Je pense que les agriculteurs seraient disposés à accepter tout autre mode d'acheminement de ces sommes, tant et aussi longtemps qu'elles parviennent rapidement aux endroits où les besoins sont les plus criants.

Nous ne pouvons pas permettre que des agriculteurs soient laissés pour compte, et c'est ce qui pourrait se produire si l'on a recours à un programme déficient pour la distribution des fonds. Nous sommes déterminés à collaborer avec le gouvernement fédéral pour veiller à ce que ces sommes arrivent rapidement aux agriculteurs dans le besoin.

Le sénateur Mitchell : Dans le contexte de votre argumentation concernant l'importance de l'agriculture pour l'ensemble de l'économie, les villes, et le tissu économique et social de notre pays, il est intéressant de constater qu'elle ne fait pas partie des cinq grandes priorités de ce gouvernement. De fait, l'agriculture aurait perdu du terrain sur cette liste si l'on considère, comme vous le faites valoir, que son financement a été réduit.

Le gouvernement s'est-il adressé aux groupes et aux communautés agricoles de façon structurée pour discuter d'un mécanisme visant à modifier l'acheminement des fonds afin qu'ils arrivent plus rapidement à destination? Est-ce que quelque chose est en préparation? Y a-t-il des négociations ou des pourparlers? Vous a-t-on consultés?

M. Friesen : Nous avons rencontré le ministre quelques semaines avant le budget pour lui soumettre nos suggestions quant à l'acheminement des fonds en lui précisant bien que la situation était urgente. Bien évidemment, nous lui avons souligné qu'une partie des fonds excédentaires de l'an dernier auraient pu être utilisés avant le 31 mars. Nous avons eu une rencontre avec le ministre il y a trois ou quatre semaines pour lui faire part, d'abord et avant tout, du besoin que nous vous avons signalé ce matin et aussi pour lui suggérer une façon d'accélérer l'acheminement des fonds.

M. Pellerin : Il nous est difficile de savoir comment ce paiement va fonctionner. L'information nous est transmise au compte-gouttes.

Dans le passé, certains agriculteurs ont reçu un soutien adéquat du programme pour des produits agricoles connaissant d'importantes fluctuations d'une année à l'autre. Le programme donne d'assez bons résultats en pareil cas.

Je pourrais vous citer l'exemple des producteurs de pommes de terre, parce que c'est un secteur qui connaît des variations considérables. Ils ont reçu davantage de fonds de ce programme que les producteurs céréaliers, parce qu'il fallait combler l'écart accumulé en 2003, 2004 et 2005. C'est une aide profitable pour ces agriculteurs. Cependant, aucune stratégie n'est en place pour rectifier le tir dans le secteur qui connaît la crise la plus grave au Canada, celui des céréales.

On ne s'entend pas sur la formule à utiliser. Si l'on décidait demain matin que le Québec doit recevoir 15 p. 100 de l'enveloppe et si ce 15 p. 100 nous était accordé, les agriculteurs auraient leurs chèques la semaine prochaine. Au Québec, il ne fait aucun doute que les fonds iraient directement aux producteurs céréaliers. Ce n'est pas parce que la situation n'est pas difficile également pour d'autres exploitants, comme les producteurs de porc, en raison des problèmes de santé et du taux de change. L'ESB nous cause encore des pépins, et la situation n'est pas facile, mais c'est la production céréalière qui connaît les difficultés les plus importantes.

Il y a sans cesse des querelles politiques entre les différents producteurs agricoles canadiens, mais nous osons espérer que vous garderez à l'esprit que les États-Unis sont nos principaux concurrents. Je sais que les États-Unis ont une structure politique différente de la nôtre, mais la contribution du Sénat étasunien pour améliorer la situation des agriculteurs est comparable à celle du Sénat canadien. Vous êtes là pour parler à ceux qui assurent l'administration courante du pays. Vous avez l'ancienneté voulue pour orienter les interventions comme il se doit.

Le sénateur Campbell : Bonjour. Je remplace le sénateur Mahovlich ce matin.

Nous devons aller au-delà de la simple partisanerie. Je suis moi-même producteur de blé. En 1983, j'en obtenais 5 $ le boisseau. Cette année, je pourrais peut-être avoir encore 5 $ le boisseau. L'important, c'est que l'argent soit là quand on en a besoin. Il y a eu de nombreux programmes au fil des ans. Il semble toujours y avoir quelque chose de nouveau.

Serait-il possible d'instituer un programme à long terme auquel les agriculteurs pourront se fier? À l'heure actuelle, nous plantons et nous prions pour la moissonneuse-batteuse blanche. Pour ceux qui l'ignoreraient, la « moissonneuse-batteuse blanche » c'est la tempête de grêle qui va détruire votre récolte de telle sorte que vous pourrez toucher les assurances, ce qui vous garantit un certain revenu.

C'est une situation frustrante. Ma famille possède une ferme centenaire en Saskatchewan, et elle va la perdre. Les cinq enfants ont fréquenté l'université et ont bien réussi. Deux d'entre eux voulaient retourner à la ferme, mais c'est tout simplement impossible. Des fermiers de l'Alberta achètent toutes les terres de notre région. Ils dressent des clôtures et élèvent du bétail sur des terres agricoles de première qualité. Nous n'avons jamais eu de mauvaise récolte en 20 ans.

Comment pouvons-nous concevoir un programme qui va durer? Vous ne pouvez pas remettre l'argent à la province, parce qu'elle va en prélever 10 p. 100 à titre d'intermédiaire. Les fonds doivent aller directement aux agriculteurs.

Les gens ne comprennent pas que l'agriculture est une industrie. Ils croient que c'est un mode de vie. Ils pensent que les fermiers aiment être pauvres. Ils croient qu'ils sont contents d'avoir quatre tracteurs 8600. En fait, ils sont obligés d'en avoir quatre parce que ce sont de vieux modèles. Lorsque l'un d'eux tombe en panne en plein champ, l'agriculteur doit revenir à pied pour en prendre un autre.

Comment peut-on faire comprendre aux Canadiens que l'agriculture est une industrie et comment pouvons-nous obtenir un financement efficace et constant à cette fin? Mes amis de Vancouver pensent que les agriculteurs ensemencent puis vont à la pêche, et récoltent puis vont à la chasse. Il faut changer cette mentalité.

Le sénateur Tkachuk : Ils croient aussi qu'en hiver vous descendez à Phoenix.

M. Shauf : Si nous voulons un programme qui dure, nous devons prendre un peu de recul et réfléchir à notre vision de l'agriculture. Pouvons-nous avoir une industrie agricole viable?

De nombreux emplois rémunérateurs sont associés à l'agriculture. Pouvons-nous prendre notre produit initial dont la valeur est relativement faible et en faire un extrant dont les Canadiens ont besoin et à la production duquel un plus grand nombre d'entre eux pourront contribuer? Nous devons voir l'agriculture comme une industrie à valeur ajoutée et une composante importante de notre économie, plutôt que comme une ancre qu'il nous faut traîner. Il est bien certain que nous devons considérer l'agriculture dans le contexte des États-Unis et, sans l'ombre d'un doute, dans celui des marchés mondiaux. Nous devons ensuite nous demander ce que nous pouvons faire de l'agriculture au Canada, ou si nous préférons continuer à injecter de faibles sommes, sans aucune stratégie, simplement pour la garder artificiellement en vie. Ce sont les choix qui s'offrent à nous actuellement.

Quant à la possibilité d'instaurer un programme qui dure, j'estime qu'une nouvelle stratégie nous permettra certainement de le faire, mais nous devons établir un objectif pour ce programme. Le facteur temps est le plus important; il faut s'assurer que les investissements sont là lorsqu'on en a besoin.

Considérons donc ce qui arrive actuellement aux producteurs agricoles lorsqu'ils ne disposent pas des fonds requis. Ils ne parviennent pas à tirer une valeur optimale de leur exploitation, car il leur est impossible de faire ce qu'il faut au moment opportun. Ainsi de nombreuses activités préalables qui auraient dû être menées ne se sont pas produites et un grand nombre d'activités postérieures à l'exploitation n'auront pas lieu l'an prochain en raison de l'absence d'un produit.

La valeur économique des exploitations s'en trouve donc réduite. Les producteurs voient leur marge de profit diminuer. Un programme qui les protège contre la baisse de cette marge bénéficiaire est disparu également. Il n'y a pas de stratégie en place. On se contente d'examiner la situation et de décider où l'on va creuser le trou. Une stratégie nous permettrait de nous tirer beaucoup mieux d'affaire. Nous dépensons des sommes considérables. Nous devrions établir une stratégie qui produira des résultats concrets dont les Canadiens pourront s'enorgueillir. Les producteurs n'apprécient pas la situation actuelle, mais ce programme ne tient pas compte du problème de la marge bénéficiaire réduite causée par les subsides versés par d'autres gouvernements.

Le Canada a mis le doigt sur ce problème il y a plusieurs années déjà et a toujours refusé de prendre des mesures stratégiques pour en atténuer les répercussions. Nous devons agir en ce sens et nous pourrons dès lors compter sur un programme à long terme, mais celui-ci doit offrir les bases stratégiques voulues.

M. Friesen : J'aimerais répondre également, si vous me le permettez. Le sénateur Campbell a d'abord demandé que l'on garde ce dossier à l'extérieur des tribunes politiques. Je peux vous assurer que les membres de la FCA souhaitent exactement la même chose. Ce n'est pas une question de politique. Nous sommes prêts à travailler avec quiconque voudra bien faire le nécessaire pour replacer l'agriculture sur ses rails, mais il faut qu'on nous en donne la possibilité; c'est en plein ce que les agriculteurs sont déterminés à faire.

Le président : Je suis tout à fait d'accord avec vous et c'est exactement l'attitude que notre comité va adopter.

M. Friesen : Par ailleurs — et je suis d'accord avec M. Shauf sur ce point — le sénateur Campbell a raison d'affirmer que l'agriculture est une industrie. Si les agriculteurs devaient cesser leurs activités, nous perdrions une industrie qui représente entre 100 milliards et 130 milliards de dollars par année pour l'économie canadienne; soit presque 9 p. 100 de notre PIB.

Les gens se demandent ce qu'il adviendra de notre approvisionnement alimentaire si les agriculteurs ne sont plus là pour produire des denrées. Nous importons déjà beaucoup de nourriture, mais pourquoi mettrait-on la population canadienne à la merci des aliments importés alors que nos agriculteurs ont fait le nécessaire pour instaurer des programmes pour la sécurité alimentaire et l'environnement durable? Nous sentons que la population canadienne nous appuie énormément, mais vous avez bien raison, il s'agit d'une industrie, et c'est ce que nous devons chercher à protéger. Et cela ne concerne pas l'industrie uniquement, mais toute notre infrastructure rurale.

M. Pellerin : J'aurais un commentaire au sujet de la question fondamentale concernant la possibilité de compter sur un programme durable. La durée de vie moyenne d'un programme fédéral est inférieure à deux ans. Au Québec, nous avons le même programme en place depuis 1975. Et il fonctionne bien. Du moins, c'était le cas jusqu'aux deux dernières années, car il est maintenant impossible de partager les fonds de ce programme. Mais nous reviendrons à ce problème plus tard.

En outre, les agriculteurs des États-Unis savent longtemps à l'avance qu'ils auront droit à un prix garanti équivalent à 180 $ par tonne métrique s'ils sèment du maïs ce printemps. Comme ils connaissent ce prix au départ, ils peuvent prendre leur décision en conséquence. Nous ne connaissons toujours pas les prix de soutien garantis pour 2003, 2004 ou 2005. La dernière annonce budgétaire remonte à 2003. C'est une différence énorme. Oui, il existe certains programmes dans d'autres pays qui donnent de bons résultats et il y a également une certaine marge de manœuvre du côté des provinces. Cela ne vaut pas la peine d'acheminer les fonds via certaines provinces parce qu'elles prélèvent 10 p. 100 en frais d'administration. Je suis également président de La Financière agricole au Québec et nous gérons, dans le cadre d'un véritable partenariat entre agriculteurs et gouvernement, le soutien aux agriculteurs sans imposer de frais d'administration.

Le sénateur Mercer : On apprend sans cesse des choses au sein de ce comité. Je ne savais pas que le sénateur Campbell était également agriculteur. Je suis impressionné.

Je veux aussi m'assurer que nos discussions prennent une tournure positive. Nous pourrions nous lancer dans des querelles politiques, mais ce n'est pas cela qui aiderait les agriculteurs. Nous sommes ici pour essayer de leur donner un coup de main. Tous les membres du comité, quelle que soit leur allégeance, ont à cœur les meilleurs intérêts des agriculteurs et des Canadiens.

Nous avons entendu parler à maintes reprises des biocarburants et de l'éthanol. J'ai participé le week-end dernier à une conférence réunissant des parlementaires canadiens et américains. Nous avons discuté d'un large éventail de sujets, mais j'ai pu constater avec intérêt que l'agriculture se glissait sans cesse dans un grand nombre de conversations. Il a notamment été question de la production d'éthanol et des usines d'éthanol. Un de nos homologues américains a fait remarquer qu'entre 70 et 80 p. 100, si mon souvenir est exact, des usines d'éthanol aux États-Unis appartiennent à des producteurs agricoles et offrent une marge bénéficiaire très élevée. Il parlait d'une usine au Minnesota qui avait amorti ses coûts d'immobilisation en l'espace d'une année. Il estime que l'une des façons de s'affranchir de la dépendance à l'égard des subsides en agriculture pourrait être la prise en charge par les producteurs d'actifs comme les usines d'éthanol, que ce soit sous forme de société par action ou en coopérative.

J'aimerais savoir comment vous voyez la suite des événements; ce que le gouvernement peut faire pour aider. Il est question ici de production de maïs à partir d'une graminée, le panic raide, et de sous-produits ligneux. Nous avons au Canada énormément de graminées et nous pouvons en produire encore davantage. Il a parlé de graminées que l'on plantait une seule fois et qui permettait des récoltes pendant 10 années consécutives avant d'être ensemencées de nouveau. On dirait presque le produit idéal. Nous avons aussi chez nous beaucoup de sous-produits du bois. Ne sommes-nous pas en train de manquer une belle possibilité de venir en aide aux agriculteurs tout en contribuant à réduire notre dépendance à l'égard des carburants fossiles?

Il a conclu en disant que les grandes entreprises pétrolières n'avaient pas un grand intérêt dans la réussite de ces initiatives. C'est pourquoi les usines fonctionnent mieux lorsqu'elles appartiennent aux agriculteurs; ceux-ci ont intérêt à ce que cela réussisse.

M. Friesen : Vous avez absolument raison; nous croyons qu'il y a un potentiel à exploiter avec le biodiesel et l'éthanol. J'ai participé récemment à une réunion où il a été question de biodiesel. Le représentant d'une multinationale d'assez grande envergure a fait valoir qu'il fallait se montrer prudent pour éviter qu'une industrie du biodiesel ne les prive de produits qu'ils achètent actuellement des agriculteurs aux fins de l'exportation. C'est exactement l'environnement que nous nous efforçons de créer; un contexte où les acheteurs se font concurrence pour nos produits, ce qui, nous l'espérons, devrait faire augmenter les prix.

Le Canada possède la technologie de la cellulose et nous estimons que cela nous ouvre de grandes possibilités. Vous avez raison concernant la propriété de ces usines aux États-Unis. Lorsqu'il est question d'usines de biodiesel et d'éthanol, nous sommes d'avis que tout investissement soutenu et viable dans ce secteur doit se faire en veillant à ne pas répéter les erreurs du passé où nous mettions simplement sur pied une industrie qui allait être contrôlée par quelqu'un d'autre qui en tirerait tous les bénéfices. Cela signifie que la production doit se faire au Canada et que les agriculteurs doivent être des partenaires dans ces usines et pouvoir en tirer des profits.

Aux États-Unis, les usines réalisent des profits. Si les producteurs touchent 1,30 $ le boisseau de maïs et que les contribuables versent 1,60 $ de plus, leur marge de profit est plus importante qu'au Canada. C'est une des raisons pour lesquelles l'industrie du bétail est interfinancée, parce que le coût des céréales fourragères et des grains utilisés pour fabriquer l'éthanol est si peu élevé que c'est rentable, mais ce sont les contribuables qui paient la différence.

Oui, nous croyons qu'il y a beaucoup de potentiel et qu'il faut procéder de façon méthodique et délibérée pour créer une industrie qui appartienne aux producteurs agricoles et qui leur rapporte à eux.

M. Pellerin : Je sais qu'il y a des usines, aux États-Unis, qui sont la propriété de regroupements de producteurs agricoles; il y a en a 16 en construction. Au Québec, nous en avons une seule en construction, et je crains que ce ne soit non seulement la seule mais aussi la dernière, en raison des pressions exercées par les environnementalistes qui s'opposent à la formule.

Il ne faut pas oublier non plus que le Canada est un exportateur de carburant, de Terre-Neuve à l'Alberta. Les États-Unis doivent importer de l'essence et d'autres sources d'énergie. Ils sont probablement prêts à accorder des allègements fiscaux à une nouvelle industrie de cette nature. C'est toutefois un aspect qui doit faire partie de notre stratégie. Il faut examiner la question de près dans nos plans à long terme. C'est un facteur à considérer.

Le sénateur Mercer : C'est fascinant. Pour conclure notre discussion sur l'éthanol, on dit aussi que le réseau de distribution pose de vrais problèmes. Ceux qui vendent du pétrole et du gaz ne tiennent pas à ce que cette entreprise ait du succès. Cependant, il y a des règlements sur le mélange d'éthanol et de gaz. Je conviens qu'il y a des problèmes.

M. Shauf : Si nous suivons cette voie au Canada, il faudra tenir compte de ce qui se fait actuellement aux États-Unis. Les producteurs américains sont propriétaires des usines et ils leur fournissent la matière première. Ils tirent deux sources de revenu de cette matière première; l'une vient du marché et c'est ce que paie l'usine, et l'autre vient des contribuables américains.

La transformation à l'usine leur assure deux sources de revenu. L'une vient de l'État et l'autre du marché. Ceux qui veulent faire la même chose au Canada — et certains sont en train de construire des installations semblables — présument que l'usine leur offrira un prix suffisant pour leurs céréales et que le prix de vente du produit fini sur le marché rendra l'opération viable.

Il faut réfléchir à la question. Il nous manque deux sources de revenu dans ce scénario pour être concurrentiels sur le marché américain. Il faut arrêter de penser que les installations que nous construisons vont être rentables par magie. Nous avons longtemps fondé nos investissements sur des aspects idéologiques plutôt qu'économiques. Il faut changer les choses pour pouvoir bâtir une agriculture ayant une valeur.

Le sénateur Mercer : Ce qui m'amène à vous poser ma deuxième question. Nous pouvons toujours exporter de l'éthanol parce que les Américains vont continuer d'en avoir besoin. Nous sommes heureux d'exporter du pétrole de la Nouvelle-Écosse. Nous pouvons aussi bien leur acheminer de l'éthanol que du gaz naturel.

Vous nous avez parlé des problèmes à court et à long terme. Serait-il souhaitable que le gouvernement actuel, ou le prochain gouvernement, organise dans un proche avenir un sommet agricole, faute d'un meilleur terme, pour en arriver à un accord semblable à l'accord de Kelowna sur les affaires autochtones? Nous discuterions évidemment des problèmes immédiats, mais il faudrait commencer à établir un plan pour les cinq, dix ou vingt prochaines années. Nous pourrions réunir tous les intervenants, c'est-à-dire des représentants gouvernementaux, les producteurs, les transformateurs, les consommateurs et les détaillants. Nous ne réglerons pas la question des subventions de l'Union européenne ou des États-Unis tout seuls. Nous pouvons nous occuper de ce que nous pouvons faire par nous-mêmes.

Pensez-vous que ce serait une bonne idée d'organiser un sommet de haut niveau avec la participation du premier ministre en poste, ainsi que du ministre de l'Agriculture, d'autres ministres et des représentants de tous les secteurs de l'administration publique, au niveau provincial et fédéral, pour tenir compte du fait que c'est une industrie extrêmement importante? Il s'agit de la survie non seulement d'une industrie vitale pour notre pays, mais de notre source d'alimentation. Est-ce que ce serait utile?

M. Friesen : Je pense que ce serait très utile. Nos employés cherchent à englober beaucoup d'autres organisations liées, en amont et en aval, à la production du biodiésel et de l'éthanol. Comme je l'ai déjà dit, nous en avons discuté avec le ministre. Je pense que tout le monde est conscient que nous sommes prêts à agir. Ce serait peut-être un bon coup de pouce à nous donner. Nous croyons que le potentiel existe. Tout ce qui peut nous aider à avancer serait accueilli favorablement.

Le sénateur Tkachuk : Je suis membre du Comité de l'agriculture depuis longtemps. Vous savez tous que nous discutons de ces questions depuis des années. C'est très frustrant pour tous les membres du comité de toujours revenir sur les mêmes problèmes.

Je suis d'accord avec vous pour dire que, tôt ou tard, il faut prendre une décision. Les producteurs agricoles doivent savoir si nous allons faire concurrence aux Américains et aux Européens, ou si nous allons simplement laisser l'économie agricole à elle-même. C'est nécessaire. Personnellement, je rejette la deuxième option pour choisir la première. Nous devons trouver un moyen de rendre l'industrie durable. J'appartiens à une famille de la Saskatchewan, et je ne veux pas que l'économie rurale des Prairies disparaisse. C'est notre force. Après tout, nous sommes la pépinière des joueurs de hockey. C'est notre mode de vie. Je ne suis pas d'accord avec vous, parce qu'il y a beaucoup d'aspects idéologiques rattachés à cette question, ainsi que beaucoup d'aspects politiques. Je parle d'une politique constructive, pas de politique partisane, mais de ce qui permet à la population canadienne de comprendre ce que nous devons faire. Ce sera difficile. Pour ce qui est du montant de 1,5 milliard de dollars, peu importe qu'il soit versé en janvier ou en février, il n'est tout simplement pas sur l'écran radar.

Je me pose deux ou trois questions parce que le parti dont je suis membre est au pouvoir. Je ne le laisserai pas écarter le problème. J'aimerais qu'on le règle, surtout avec un programme à long terme.

J'ai deux questions à vous poser. La première, dont vous avez parlé, a trait aux attaques de l'OMC contre les offices de commercialisation. Sans compter que les États-Unis croient que la Commission du blé et nos offices de commercialisation sont en quelque sorte des organisations communistes. Il y a aussi des aspects politiques qui sont associés à ces deux façons de commercialiser les produits mais, pour l'instant, nous avons d'autres problèmes à régler.

Comme vous avez parlé de l'OMC, j'aimerais que vous nous expliquiez davantage quelles sont les craintes à ce sujet.

M. Pellerin : Toutes les associations canadiennes s'intéressent beaucoup aux négociations sur le commerce mondial. Nous craignons qu'en ouvrant le marché, on finisse par détruire ce que nous faisons chez-nous. La Commission canadienne du blé en est un bon exemple.

C'est le premier aspect et l'aspect le plus visible de cette commercialisation collective, suivi ensuite par la gestion de l'offre.

Il y a certains produits qui ne s'en tirent pas trop mal chez nous. Le poulet, les œufs et le lait sont régis par la gestion de l'offre, alors où est le problème? Ce sont les seuls secteurs agricoles qui survivent au Canada. Les autres en arrachent. Ils sont pris à partie tous les jours à Genève. Tout le monde, y compris nos propres fonctionnaires, ne sont pas convaincus que ces régimes devraient rester en place.

L'autre aspect important dont vous parlez, c'est le lien avec les États-Unis. Je reviens à ce que Marvin Shauf a dit au sujet de l'éthanol. Les discussions concernant les subventions pour les denrées alimentaires nous rendent plus nerveux. Nous n'en sommes pas tous conscients. Cependant, si on adopte une nouvelle stratégie pour l'industrie de l'éthanol, il faut se rappeler qu'elle ne pourra pas se développer sans subventions importantes pour les céréales, comme aux États-Unis, et l'éthanol.

Il faut abolir les taxes sur l'essence si on veut produire de l'éthanol au Canada. Il n'en coûtera pas 1,5 milliard de dollars, mais beaucoup d'argent pour soutenir la production d'éthanol chez nous afin de concurrencer les États-Unis parce que l'éthanol américain est disponible sur le marché canadien. C'est la réalité. Il y a de l'éthanol dans l'essence au Québec, mais nous n'en produisons pas. Il vient d'ailleurs — un peu de l'Ontario et des États-Unis.

Il faut savoir qu'il faudra beaucoup d'argent pour subventionner l'éthanol. Certains pensent peut-être que ce sera moins difficile de subventionner l'éthanol que les denrées alimentaires, mais c'est insensé. D'après la nature du problème, c'est insensé. Pour réorganiser l'agriculture, qu'il s'agisse d'un grand sommet, de la production d'éthanol ou de l'Organisation mondiale du commerce, il va falloir discuter avec les décideurs de nos orientations dans ces domaines.

Le sénateur Tkachuk : Les Européens sont-ils sérieux quand ils nous demandent de démanteler nos offices de commercialisation, alors qu'ils accordent des subventions de 8 $ à 10 $ dans le cas du blé, ou est-ce leur façon de négocier?

M. Pellerin : Non, les Américains sont sérieux, mais je ne pense pas que les Européens le soient à propos de la Commission canadienne du blé.

Le sénateur Tkachuk : Je parle des offices de commercialisation.

M. Pellerin : La prochaine étape après la Commission canadienne du blé, ce sont les offices de commercialisation. Il y a 50 éleveurs de lapins au Québec qui se sont associés pour commercialiser leurs lapins, et ils ont obtenu des résultats. Ils reçoivent très peu d'appui du gouvernement. Leur revenu provient du marché — ce sont 50 éleveurs qui se sont associés pour former un réseau de commercialisation.

Si on s'attaque à la Commission canadienne du blé, on finira par s'en prendre à ces comptoirs de vente centralisés. C'est l'objectif ultime des partisans du marché libre comme ceux qui se trouvent aux États-Unis — un marché libre, sans règle.

Le sénateur Tkachuk : Comme M. Shauf le sait, il y a beaucoup de partisans du marché libre dans les Prairies qui veulent le démantèlement de la Commission canadienne du blé, qui est parfois elle-même sa pire ennemie. Les producteurs biologiques doivent vendre à la Commission canadienne du blé, qui engrange les céréales et prend sa commission avant d'exporter le produit. Il y a toutes sortes d'autres problèmes. Différentes opinions circulent à propos de la Commission canadienne du blé dans les Prairies. Qu'en pensez-vous? Devrions-nous démanteler la Commission canadienne du blé pour avoir un régime de mise en marché mixte?

M. Shauf : J'aimerais revenir à votre premier commentaire, quand vous avez contesté ce que j'ai dit pour affirmer qu'il y avait beaucoup d'aspects idéologiques associés à la question. D'après mon expérience, et celle de beaucoup de gens, quand on remplace les considérations économiques par des considérations idéologiques, on est perdant. Nous avons bien souvent essayé de fonder notre agriculture sur des aspects idéologiques plutôt qu'économiques.

Je pense que c'est la même chose dans le cas de la Commission canadienne du blé. Pour beaucoup de gens, la commercialisation est faite auprès de la Commission canadienne du blé et non par son entremise. Il y a des divergences sur le plan idéologique. Cependant, dans le cas de l'OMC, cette organisation préconise le libre-échange et la libre circulation des produits dans le monde. Il faut enlever des pouvoirs aux producteurs pour en arriver là.

Au Canada, les coûts sont élevés, il n'y a aucun doute là-dessus. Pour avoir des chances égales de survivre, les producteurs canadiens doivent avoir un pouvoir sur le marché. On ne peut réussir cela seul; il faut se regrouper.

Comme dans le cas de la main-d'œuvre au Canada, un regroupement de personnes ayant un objectif commun a beaucoup plus de pouvoirs que des particuliers quand il s'agit de s'imposer sur le marché, de faire des affaires et de réussir à valoriser un produit de façon à ce que même le producteur en bénéficie. Il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération pour améliorer les choses. Pour le producteur, perdre la capacité de se regrouper avec d'autres pour commercialiser son produit n'est sûrement pas une amélioration.

Le sénateur Tkachuk : Le plan que vous avez présenté — les montants de 1,4 milliard de dollars il y a quelques années, de 1,7 milliard et de 1,5 milliard — n'est pas suffisant. Qu'est-ce qui est suffisant compte tenu des prix d'aujourd'hui? Combien faudrait-il? J'ai essayé de trouver la réponse ici, mais sans succès.

M. Friesen : Avant de vous répondre, j'aimerais réagir brièvement à votre dernière question sur la Commission canadienne du blé et les Européens. Les Européens et les Américains ne veulent pas le démantèlement de la Commission canadienne du blé pour les mêmes raisons.

Les Européens se disent que, s'ils doivent éliminer les subventions à l'exportation, quelqu'un d'autre va devoir se sacrifier; ils appliquent l'argument des subventions à l'exportation à la Commission canadienne du blé, à tort comme nous le savons.

Le sénateur Tkachuk : Au moins, nous obtenons quelque chose en retour. Si nous démantelons la Commission canadienne du blé, ils laissent tomber les subventions. Je ne pense pas que ce serait une mauvaise chose.

M. Friesen : Nos négociateurs nous ont dit, il y a quelques années, de ne pas accepter de trop en céder aux Européens pour les inciter à éliminer leurs subventions à l'exportation parce que c'est ce qu'ils s'apprêtaient à faire de toute façon. Les motivations des Américains sont simples. Les lobbyistes multinationaux aux États-Unis veulent la disparition de la Commission canadienne du blé parce qu'elle permet à nos producteurs d'être concurrentiels sur le marché international.

M. Pellerin : La Commission canadienne du blé est membre de la FCA.

M. Friesen : Nous craignons qu'une fois les monopoles de producteurs disparus, les multinationales s'en prennent aux coopératives, parce qu'elles sont établies par des lois et qu'elles font concurrence aux multinationales dans le monde. En fait, au Danemark, les coopératives vendent 80 p. 100 de la production agricole. Elles ont réussi à tenir tête aux multinationales, qui ne toléreront plus que les agriculteurs utilisent les lois pour se donner des pouvoirs. Nous croyons donc que ce pourrait être l'étape suivante.

Quand vous demandez combien il faudrait, l'an dernier, nous avons déterminé que le déficit était de 1,9 million de dollars par année pour les trois prochaines années.

Le sénateur Tkachuk : Si je vous ai bien compris, vous dites que ce montant est de 1,9 milliard de dollars par année pour les trois prochaines années. C'est bien cela?

M. Friesen : Oui. Si on utilise la même formule pour 2006, qui devrait être une moins bonne année, et qu'on ne tient pas compte des fonds publics, nous constatons que seulement deux provinces au Canada vont réaliser un bénéfice net, à savoir la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador. Toutes les autres provinces, si on exclut les fonds publics, auront un revenu net négatif. À partir de la même formule, nous avons comparé le revenu net réel moyen de quatre ans et le revenu des dix années précédentes pour constater que les sommes sont importantes. Si on remonte encore 10 ans plus loin, il faudrait ajouter 1,5 milliard de dollars de plus. Nous avons demandé 2 milliards de dollars par année pour trois ans, simplement pour que les producteurs épongent leur déficit. Il y a des gens qui aimeraient parler d'investissement, et ils ont raison. Vous avez dit que les mêmes problèmes reviennent depuis des années. Les membres de la FCA aimeraient beaucoup pouvoir discuter avec les gouvernements des investissements à réaliser pour mettre en œuvre des solutions pour l'avenir. Cependant, nous devons continuer d'essayer de rembourser les dettes, autrement nous allons perdre des producteurs. Pour éviter cela, en appliquant pour 2006 la même formule que l'an dernier, nous aurions besoin de 2 milliards de dollars par année pendant trois ans.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais que nous en parlions davantage parce que j'essaie de cerner le montant exact. Il vous faudrait 6 milliards de dollars étalés sur trois ans pour rembourser la dette. C'est bien cela? Qu'arrive-t-il par après? S'attendrait-on à recevoir 2 milliards de dollars par année jusqu'à la fin des temps? Y aura-t-il jamais une fin?

M. Friesen : Nous avons pris l'engagement de collaborer avec les deux ordres de gouvernement pour trouver des solutions à long terme et créer un contexte de politique tel que nous n'aurions plus besoin de ces fonds. Nous savons qu'une telle aide est insoutenable à long terme, mais nous sommes aussi conscients que l'endettement empêche les agriculteurs de se tourner vers l'avenir. C'est Michael McCain qui a déclaré, à une réunion, qu'il ne fallait pas s'attendre à des innovations de la part d'agriculteurs qui sont croulent sous les dettes. Nous avons besoin de cet argent étalé sur trois ans pour permettre aux agriculteurs de boucher des trous, même si cela ne mettra pas fin à l'endettement, et d'augmenter leur revenu net pour qu'ils puissent continuer de faire de l'exploitation agricole.

M. Pellerin : J'aurais une brève observation à faire au sujet de la Commission canadienne du blé, qui est loin des agriculteurs québécois. La seule personne au Québec qui s'en réjouit est le directeur général de Bunge, un négociateur en grains international, selon lequel, s'il n'y avait pas de Commission canadienne du blé, son chiffre d'affaires augmenterait. Il l'affirme avec beaucoup d'assurance et il exhorte vivement les gouvernements à apporter des changements à cet égard.

En ce qui concerne la subvention, si vous souhaitiez revenir aux données des années 70, comme l'illustre le graphique, vous auriez besoin de 4 ou 5 milliards de dollars par année, plutôt que de 2 milliards.

Le sénateur Tkachuk : Parlez-vous du graphique où on peut lire « Paiements du gouvernement »?

M. Pellerin : C'est la partie en bleu et en rouge.

Le sénateur Tkachuk : La partie en bleu représente la hausse et la partie en rouge, la baisse, ou est-ce l'inverse?

M. Pellerin : La partie en rouge foncé illustre les paiements du gouvernement et celle en bleu, le revenu du marché. À partir de 1985, on voit que le marché ne contribue presque plus rien au revenu agricole net. Durant les années 70, les agriculteurs canadiens ont fait beaucoup d'argent. Toutefois, plutôt que de rêver, il faut être réaliste. En fin de compte, nous savons qu'il existe deux moyens pour les Canadiens de payer leurs produits alimentaires : à l'épicerie, chaque semaine, ce qui est la façon la moins coûteuse, et au moyen des impôts. Chaque citoyen américain verse 350 $ par année à l'appui de l'agriculture, contrairement au citoyen canadien qui n'en paie que 175 $ environ. Au Canada, cela équivaut à 3 ou 4 $ par semaine alors qu'aux États-Unis, c'est de 7 à 8 $ par semaine, en plus de l'épicerie, dont la facture est la plus basse au monde. Nous demandons aux Canadiens s'ils peuvent appuyer l'agriculture canadienne autant qu'aux États-Unis. Les données que je vous ai citées proviennent de l'OCDE, non pas de la FCA.

Faites passer l'appui canadien à l'agriculture de 175 $ à 350 $ par année, c'est-à-dire à la moyenne des cinq dernières années, et nous serons heureux. Pour le reste, nous devrons livrer concurrence aux agriculteurs américains. Or, parce que notre subvention est non concurrentielle par rapport à celle des États-Unis, les agriculteurs sont craintifs. Les Canadiens voient les agriculteurs comme des exploitants inefficaces et subventionnés, mais ce n'est pas la réalité. En fait, ce sont les fonctionnaires au Canada qui sont inefficaces, qui n'élaborent pas les programmes qui s'imposent pour inverser la tendance. Pendant des années, nous avons été aux prises avec un gouvernement inefficace qui n'a pas appuyé l'agriculture autant que les États-Unis. À la ferme, en moyenne, nous faisons ce qu'il faut.

M. Shauf : Sénateur, la question que vous avez posée au sujet de ce qui se passe au bout de trois ans de paiements totalisant 2 milliards de dollars par année est importante. Pour y répondre, il faut d'abord se tourner vers le passé. Les États-Unis ont mis en place les prix d'objectif en 1949, à peu près au même moment où l'Europe a mis en place des programmes visant à accroître la production. Les Etats-Unis ont maintenu cette pratique, sauf quelques exceptions. Le gouvernement américain avait aussi pour habitude de gérer les stocks, de sorte qu'il fixait essentiellement le prix d'un bien globalement en constituant des réserves, puis qu'il écoulait ces réserves sur le marché quand les cours étaient trop élevés. Il a mis fin à cette pratique au milieu des années 80, mais il a continué de subventionner l'agriculture.

La valeur des produits a constamment décliné, particulièrement au cours des 20 dernières années. Les cours mondiaux régressent, et les valeurs de la devise changent et ainsi de suite, et le Canada n'y a pas encore réagi. Nous avons laissé se creuser un énorme fossé entre le Canada et les États-Unis, ce dont il a déjà été question, sur le plan de l'agriculture et de la dette. Il faut se tourner vers l'avenir de l'agriculture et se poser une question bien précise : qu'arrivera-t-il au bout des trois prochaines années? Il a toujours été question de faire le pont vers une nouvelle stratégie. Puis, on nous donne des fonds, et chacun met en pratique ses plans à court terme, sans s'arrêter au long terme, ni même au moyen terme. Nous n'avons pas examiné l'investissement que font les producteurs agricoles et nous ne nous sommes pas arrêtés au fait qu'avant et après la ferme, il existe dans l'industrie agricole de nombreux postes à forte valeur et bien rémunérés. Seul le producteur n'est pas récompensé pour son investissement. Nous commençons à observer le phénomène aux États-Unis. Qu'arrivera-t-il au bout de trois ans? Élaborerons-nous une stratégie qui accorde de la valeur au travail et à l'investissement et dans le cadre de laquelle l'agriculture est importante pour l'économie canadienne? Allons-nous reconnaître la valeur tout au long de la chaîne, y compris au niveau de tous les maillons, et faire en sorte qu'ils ont une rémunération convenable? Allons-nous décider que nous pourrions en faire quelque chose, que ce soit du biocarburant ou un autre genre de produit, pour l'économie canadienne et pour des débouchés à l'exportation qui rapportent beaucoup plus?

Les États-Unis n'auraient pas agi comme ils l'ont fait au sujet du maïs si tout ce qu'ils avaient voulu, c'était de le charger sur un bateau et de le donner à un autre. Ils ont pris les décisions qu'ils ont prises concernant la production de maïs pour en augmenter la valeur sur leur marché et pour créer des débouchés partout dans le monde, mais une grande partie de ces mesures était axée sur la consommation intérieure. Ils l'ont créée; ils l'ont fait de manière stratégique et l'ont appuyée à tous les niveaux pour faire en sorte non seulement qu'elle devienne réalité, mais également qu'elle contribue à leur économie, qu'elle leur soit avantageuse.

C'est tout ce que nous avons besoin de faire au Canada. C'est ce qu'il faut que nous fassions, et pas seulement après le versement de 1,9 milliard de dollars pendant trois ans ou quel que soit le montant. Voilà ce qu'il faut commencer à réaliser tout de suite de manière à pouvoir y arriver avant la fin de la période de transition de trois ans.

Le sénateur Segal : J'aurais quatre questions à poser aux trois témoins, avec votre permission.

Pour ce qui est d'intervenir quand les produits sont en crise, après une sécheresse ou à cause de l'ESB, votre témoignage est très clair. L'intervention n'a en réalité aucune répercussion durable ou favorable sur l'agriculteur. En fait, on pourrait dire qu'en dépit des meilleures intentions, les interventions n'accroissent pas la capacité financière des agriculteurs de continuer de jouer que je qualifierais certes de rôle absolument stratégique pour le pays, c'est-à-dire de poursuivre la production viable de denrées alimentaires.

Avez-vous déjà envisagé de prendre du recul par rapport à la macroéconomique — les produits, les offices de commercialisation et tout le reste — et de vous concentrer sur le microéconomique, c'est-à-dire sur le sort des agriculteurs qui vivent sous le seuil de la pauvreté?

J'ai remarqué que M. Friesen a mentionné, tout comme M. Shauf et M. Pellerin, la grande collectivité rurale et tous les éléments qui la composent. Sans vouloir être cynique au sujet de la façon dont chaque secteur et chaque produit au pays a ses exigences propres, en fin de compte, c'est une question d'argent; soit que vous en faites assez pour demeurer en affaires, pour nourrir votre famille et pour vous bâtir un pécule pour l'avenir, soit que ce n'est pas le cas. Si vous n'y arrivez pas, alors les décideurs rationnels, comme les enfants pour lesquels vous suez nuit et jour afin de les envoyer à l'université, diront : « Il faut faire autre chose si je veux pouvoir gagner ma vie. »

Ce que j'aimerais savoir, c'est si la fédération a déjà réfléchi à ce que nous faisons pour les autres membres de notre société qui, en dépit de leurs meilleurs efforts, n'ont pas de revenu.

Nous avons en place, par exemple, des programmes complets à l'intention des travailleurs de l'automobile et des travailleurs du secteur primaire qui, sans qu'il y ait eu faute de leur part, perdent leur emploi parce que l'entreprise ferme ou que le cycle est à son plus bas — et les mises à pied ont commencé. Un processus est alors déclenché grâce auquel plus des trois quarts de leur salaire sont protégés. Nous parlons d'une collectivité agricole, si j'ai bien compris ce qu'ont dit les témoins de ce matin, où l'on ne peut pas se servir de la rémunération de l'année précédente pour fixer un seuil, parce que le revenu de l'année précédente était négatif.

Nous prévoyons un revenu minimal de base pour les personnes âgées et pour d'autres membres de notre société. Les jeunes qui sont obligés de payer la TPS ont droit à un crédit d'impôt à cet égard en raison de leur revenu insuffisant, car la taxe doit être inférieure à 30 p. 100 de leur revenu brut.

Avez-vous déjà envisagé la possibilité de prévoir un revenu minimal pour des personnes qui, au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu, sont des agriculteurs, en termes de leur production totale par rapport à leur revenu, de manière à ce que nous sachions qu'en tant que personnes, quel que soit le cycle du produit, on leur épargnera au moins les problèmes de subsistance, on leur permettra de survivre avec dignité et dans le respect? Voilà ma question.

[Français]

M. Pellerin a parlé du problème de l'ESB (encéphalopathie spongiforme bovine).

[Traduction]

J'aimerais savoir ce que vous pensez du besoin — particulièrement en cas, Dieu nous en protège, d'une pandémie de grippe aviaire et d'autres cataclysmes qui ont été mentionnés — d'une stratégie nationale relative à la santé des animaux, comme celle que nos amis européens ont adoptée, qui est axée sur la création de zones, de sorte que s'il y a un problème chez les porcs de la zone A, cela ne signifie pas que toutes les autres zones où se trouvent des porcs sont problématiques. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Ma troisième question concerne les déficiences du marché. J'ai été frappé par la déclaration de Marvin Shauf, selon lequel on ne peut pas compter sur la philosophie pour prendre le pas sur l'économie. Cependant, si la théorie économique centrale veut que plus vous êtes efficace, mieux vous vous en sortez — ce dont il est question en partie, ici —, de toute évidence, elle ne s'applique pas à nos agriculteurs. Quelqu'un a eu la bienveillance de dire que chaque agriculteur nourrit 120 Canadiens. C'est extrêmement efficace et, quel que soit l'effort d'imagination, cette efficacité a remarquablement augmenté chez les agriculteurs canadiens, grâce à leur dur labeur et au recours à de nouvelles technologies. Cependant, ils ne sont pas récompensés. Tous les autres maillons de la chaîne alimentaire obtiennent leur dû.

Nous avons créé des institutions comme la Société Radio-Canada, la Commission canadienne du blé, le crédit agricole et les caisses populaires parce que nous reconnaissions que le marché ne fonctionnait pas et que, pour obtenir ce genre de créativité et par souci d'équité et d'intérêt stratégique, il fallait intervenir.

Je sais que la fédération est notoirement impartiale et qu'elle est au service de tous les agriculteurs, quelle que soit leur couleur politique. Avez-vous sérieusement envisagé un virage vers les carburants de remplacement? Je suis impressionné par le débat relatif aux combustibles de remplacement et l'information fournie par le sénateur Mercer dans laquelle on souligne à quel point la grande économie de marché du Sud a compris que le moyen d'écouler ces combustibles sur le marché est d'être propriétaire des outils. Je soupçonne que nos constructeurs automobiles sont frustrés du fait que, s'ils produisaient des véhicules fonctionnant massivement à l'éthanol, l'industrie pétrolière serait la dernière à les appuyer en offrant de l'éthanol à ses pompes.

Je tenais à poser cette dernière question au sujet des déficiences du marché et des quelles nouvelles initiatives structurelles que les gouvernements pourraient commencer à examiner s'ils mettent de côté leurs partis pris et sont disposés à travailler avec les agriculteurs à trouver de véritables solutions. Si la question est trop générale pour une réunion de si courte durée, on pourrait peut-être en débattre à une autre réunion.

M. Friesen : Sénateur, je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. J'essaierai d'être bref. Je vais laisser mes collègues renchérir.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier du travail que vous avez fait pour établir que nous sommes effectivement en crise et qu'à cause de cette crise, de nombreux agriculteurs vivent sous le seuil de la pauvreté. Nous vous en sommes certes reconnaissants, et je vous ai entendu prendre la parole publiquement à cet égard plusieurs fois.

Vous avez fait observer qu'il semble qu'en dépit du nombre de fois que nous intervenons et des mesures prises pour résorber la crise du revenu, nous ne semblons pas plus avancés. Nous préférerions nettement parler d'investissement, pouvoir dire que les agriculteurs se portent très bien, merci, et qu'il faut soutenir la croissance de l'industrie. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles on a l'impression que ce que nous faisons n'a pas d'importance; nous sommes constamment en train d'essayer de combler un fossé et nous avons simplement été incapables de franchir ce dernier obstacle.

Cependant, nous avons la conviction qu'il est possible d'inverser la tendance. Si l'on examine le montant qui revient directement aux agriculteurs canadiens en termes de pourcentage de la valeur à la ferme des produits, l'écart entre le Canada et les États-Unis est en train de diminuer et, pourtant, nous continuons de parler de nos quatre pires années alors qu'ils parlent de leurs quatre meilleures. Les États-Unis font quelque chose qui rend l'exploitation agricole rentable, et c'est pourquoi nous estimons qu'il est possible d'inverser la tendance.

Vous avez demandé à savoir s'il ne faudrait pas braquer nos phares ailleurs et tout simplement nous pencher sur le revenu minimum et ainsi de suite.

En dépit du fait qu'à notre avis, une pareille mesure s'impose pour soutenir les agriculteurs durant la transition, nous aimerions vraiment concentrer tout autant, si ce n'est plus, nos énergies sur l'élaboration d'une politique et la création d'un environnement qui permettront à nos agriculteurs de tirer un revenu là où ils aimeraient le faire, c'est-à-dire sur le marché. Les agriculteurs ne veulent pas réellement d'un filet de protection sociale. Il se peut qu'il faille mettre en place quelque chose pour les soutenir dans l'intervalle mais, à long terme, ce qu'ils souhaitent en réalité, c'est de pouvoir gagner leur vie sur le marché.

Vous avez raison d'affirmer que l'efficacité ne leur a pas apporté la rentabilité. Ce sont les agriculteurs les plus compétitifs du monde, mais nous n'avons pas de politique sur la concurrence. Voilà en quoi nous sommes différents des agriculteurs des autres pays, surtout des États-Unis.

L'industrie travaille déjà à une stratégie sur la santé animale. Oui, le zonage offre sans aucun doute des possibilités, surtout dans un pays comme le Canada. Si une maladie contagieuse se déclare dans certaines régions, nous devrions pouvoir établir des zones géographiques au Canada de manière à ne pas perturber toute l'industrie. Il faut effectuer plus de travaux à ce sujet, et nous continuerons de le faire en partenariat avec le gouvernement.

Ce ne sont pas les marchés de tous nos produits qui ont des déficiences. C'est certes vrai dans le secteur des grains et des oléagineux. C'est vrai que le marché du bétail a eu des déficiences pendant un certain temps, mais la situation est en train de se redresser. Dans l'industrie porcine, et j'élève aussi des porcs, il semble parfois que nous soyons coincés et nous le sommes —, mais les affaires semblent ensuite reprendre.

Une grande partie de tout cela nous ramène à nouveau au renforcement de l'autonomie des agriculteurs, aux négociations de l'OMC qui se déroulent à Hong Kong. La déclaration de Hong Kong nous laisse encore la marge de manœuvre dont a besoin le Canada pour continuer de négocier sa position, de pouvoir conserver les outils dont il dispose actuellement pour renforcer l'autonomie des agriculteurs. Que vous soyez d'accord ou pas, sur le plan idéologique, avec l'existence de la Commission canadienne du blé, le fait demeure que la décision revient au Canada, non pas à Genève. Si nous continuons de la voir comme un outil qui permet de renforcer l'autonomie des agriculteurs et qui rapporte de l'argent, il faudrait alors la conserver. Si ce n'est pas le cas, alors il faut prendre d'autres décisions, mais les prendre au Canada. C'est tout aussi vrai pour la gestion de l'offre. Si ces outils sont efficaces, et ils le sont, alors il faut en élaborer davantage pour les produits dont le marché comporte des déficiences, plutôt que de compromettre les outils dont nous disposons déjà pour aider les agriculteurs.

Je vais m'arrêter ici parce que je sais que mes collègues ont également des observations intéressantes.

M. Shauf : Vous avez parlé d'une déficience du marché et vous avez dit que malgré les interventions, nous ne sommes pas en meilleure posture. Je pense que les économistes seraient d'accord pour dire que le gouvernement a un rôle à jouer dans l'éventualité d'une déficience du marché. La déficience du marché touche les céréales et les oléagineux. C'est le seul secteur où nous avons refusé de manière absolue de reconnaître une déficience de marché et d'y faire face d'une manière stratégique quelconque. L'hémorragie se poursuit dans ce secteur. Non seulement y a-t-il hémorragie, mais l'hémorragie est assez sérieuse pour que nous n'ayons ni l'énergie ni la capacité de nous en sortir par nous-mêmes.

Il nous faut regarder la déficience du marché du point de vue suivant : « Pourquoi cette déficience du marché existe-t-elle? » Est-ce parce que la société, à l'échelle mondiale ou à l'échelle nationale, a dit : « Nous décidons de ne plus utiliser ce produit », ou est-ce parce que quelqu'un a dit qu'il allait nous battre sur le terrain de la production, protéger ses producteurs des répercussions de cette surproduction qui réduit le prix du produit à l'échelle mondiale, et obtenir le pouvoir? C'est le scénario dans lequel nous vivons. C'est le scénario auquel nous avons refusé, de manière absolue, de réagir avec notre politique interne et nous nous retrouvons dans un état pitoyable parce que nous avons fait ce choix.

Il y a trois ans, j'ai demandé à un haut fonctionnaire d'Agriculture et Agroalimentaire Canada quelles étaient les répercussions du paiement compensatoire. Et en passant, cette personne n'est plus là aujourd'hui, mais sa réponse a été qu'on essayait toujours de comprendre quels en étaient les répercussions. Ce genre de programme existe depuis 1949. Alors, il nous faudra en comprendre les répercussions très bientôt, parce qu'elle vide les poches de l'agriculture canadienne tous les jours.

M. Pellerin : Pour ce qui est la première question, au sujet du salaire minimum, nous n'avons pas accès aux paiements d'assurance à titre d'employés. Nous n'avons pas accès à l'aide sociale. En fait, il est difficile pour un agriculteur de faire une demande d'aide sociale. Ce n'est pas que nous n'en avons pas besoin ou que nous ne le méritons pas, mais lorsque mes deux fils à la maison travaillent plus de 70 heures par semaine, il est difficile de demander de l'aide sociale.

Lorsque vous considérez deux agriculteurs, un qui fait le travail et l'autre non, la question de salaire minimum est difficile à régler. Un salaire annuel minimum est un programme difficile à appliquer. Le programme que nous avons au Québec depuis 1975 est fondé sur un le coût de production. C'est la seule façon d'aborder l'idée du salaire minimum sur une base annuelle. Disons qu'il en coûte 140 $ pour produire un porc. S'il vous en coûte 160 $ pour le faire, vous avez un problème, parce que nous allons vous appuyer sur une base de 140 $. Sur une autre ferme, si cela vous coûte 125 $ parce que vous faites du bon travail, vous réussissez à prendre le dessus sur le système. C'est la seule approche que l'on puisse adopter.

En ce qui concerne la création d'un zonage pour l'ESB, je n'ai rien contre l'Alberta, mais dans mon esprit, il est clair que s'il y avait eu un cas d'ESB chez une vache laitière du Québec, alors qu'au Canada, l'industrie du bœuf se trouve en Alberta, nous aurions très rapidement mis sur pied un programme de zonage dans ce pays. Pourquoi détruire la production de boeuf de l'Alberta si vous avez une vache laitière au Québec qui est contaminée par l'ESB? C'est absurde. Appliquez la logique inverse. Pourquoi fermer le reste du Canada lorsque vous avez trois cas d'ESB au pays dans la même zone? Nous avons un problème d'ESB dans notre pays, mais nous testons plus de 20 000 bêtes par année, et nous avons découvert trois cas en trois ans, sur 60 000 bêtes. C'est très peu. C'est probablement ce que les Américains appellent les cas naturels. Il ne s'agit pas d'une épidémie. Le zonage est probablement la seule réponse dans le cas de la grippe aviaire et de tout autre problème de santé dans notre pays. Le Canada est un pays si vaste que le fait de considérer que tout le monde est dans le même bateau parce qu'il y a un problème est idiot. La même chose s'applique dans le cas de la production de denrées agricoles, si l'on considère la diversité de l'agriculture des Maritimes à la Colombie-Britannique en passant par les provinces de l'Ouest.

Votre dernière question portait sur la déficience du marché. Et il ne fait aucun doute que c'est ce qui arrive. Si vous regardez le graphique des 20 dernières années, vous pouvez voir que le marché n'a assuré aucun revenu net aux agriculteurs. Cela fait maintenant 35 ans que je travaille dans le secteur de l'agriculture. Je discute de ce problème avec mes deux fils sur la ferme tous les jours. En tant qu'agriculteur, je n'ai pas d'argent pour leur payer un salaire à moins de recevoir de l'argent du gouvernement. Je travaille à l'extérieur de la ferme et je travaille de 30 à 40 heures par semaine sur la ferme.

Soyez justes avec les agriculteurs canadiens. S'il n'y a pas d'espoir, s'il n'y a pas de volonté de soutenir l'agriculture, dites-le nous. Je pourrai alors dire à mes deux fils : « Faites quelque chose d'autre de votre vie et nous allons démanteler la ferme. » Nous avons besoin de justice et il n'y a pas de justice à l'heure actuelle.

Dans le programme du dernier gouvernement, on trouvait les mots « coûts de production ». Nous ne retrouvons plus ces mots maintenant, mais ils figuraient dans le programme écrit.

Le sénateur Peterson : Il est malheureux que la perception et la compréhension du public face à la crise qui sévit dans le domaine de l'agriculture laissent tant à désirer, surtout lorsque vous savez que la contribution de l'agriculture au PIB est équivalente à celle de la totalité du secteur de la construction automobile. Quoi qu'il en soit, les gens n'arrivent pas à lier ces deux faits ensemble et à comprendre ce qu'il faut faire.

Je suis d'accord pour dire que nous avons besoin d'une stratégie à long terme et que cela est possible. Il y a une valeur ajoutée dans cela qui viendra soutenir l'industrie agricole. Je comprends que lorsque vous pendez dans le vide, il est difficile de négocier, alors il faut faire quelque chose à ce sujet.

Il y a également une question de perception. L'argent investi dans l'agriculture est vu comme de l'aide sociale, alors que l'argent investi dans le secteur manufacturier est vu comme une stratégie industrielle. Cela doit changer; autrement, nous n'irons nulle part.

Votre problème le plus immédiat, c'est qu'il reste de moins en moins de temps pour procéder aux semences, et si le chèque n'est pas dans la poste maintenant, il n'arrivera pas à temps pour aider les agriculteurs. Cependant, ne pouvez-vous pas obtenir une certaine forme de lettre ou de reconnaissance qui serait au moins acceptable par les banques, de sorte que les agriculteurs puissent semer? Si la volonté y est, cela ne devrait pas être trop difficile. Autrement, comme l'a dit M. Shauf, les gens poseront les mauvais gestes à cause des répercussions financières.

Je vous encouragerais certainement à emprunter cette voie pour résoudre ce problème, en plus des solutions à long terme sur lesquelles nous devrons travailler.

M. Friesen : Merci de cette question. Je peux devoir être un peu technique pour expliquer pourquoi nous craignons que cet argent ne soit pas acceptable pour les banques. Nous ne voyons pas comment on peut envoyer aux agriculteurs des lettres disant qu'elles peuvent être négociables en banque.

On nous a dit que la façon dont les choses se feront, c'est que l'on changera l'évaluation de l'inventaire dans le cadre du PCSRA. C'est quelque chose sur laquelle l'industrie a travaillé en collaboration avec le gouvernement fédéral et le ministère, et tous les ministres de l'Agriculture du Canada s'entendent généralement pour dire que l'évaluation de l'inventaire dans le cadre du PCSRA doit être modifiée. La façon dont le calcul de l'inventaire se faisait antérieurement, c'est qu'on multipliait le prix moyen de l'année par l'inventaire du début et de la fin de l'exercice. Vous receviez une compensation fondée sur une diminution du volume d'inventaire, mais le programme ne s'appliquait par en fonction de la valeur d'inventaire, en ce qui concerne le prix. Tout le monde était d'accord pour dire que nous devions utiliser un prix de début et de fin d'exercice ainsi qu'un inventaire de début et de fin d'exercice. Mais cela n'a jamais été mis en application et nous pensons que c'est parce que les gouvernements provinciaux ne voulaient pas dépenser plus d'argent. Je crois que le gouvernement fédéral en était là et nous avions clairement besoin de le faire.

On propose de faire en sorte que ce milliard de dollars s'applique rétroactivement et de modifier rétroactivement l'évaluation de l'inventaire pour les trois années du programme, de sorte que le changement apporté à la façon d'évaluer l'inventaire permettra de déterminer si un agriculteur doit recevoir plus d'argent, et cet agriculteur en recevra plus.

Deux préoccupations viennent immédiatement à l'esprit. Dans certaines circonstances, dans le secteur des céréales et des oléagineux, les agriculteurs pourraient avoir vendu la totalité de leur inventaire ou pourraient ne pas avoir eu un inventaire bien élevé, ce qui ne leur permettrait pas de recevoir plus d'argent. Dans d'autres cas, la modification de l'évaluation de l'inventaire ne donnera pas plus d'argent à des agriculteurs, qu'ils aient eu ou non un inventaire.

Cela fonctionnera dans le cas de certaines productions. Par exemple, cela fonctionnera pour les denrées où vous avez des écarts assez importants entre les hauts et les bas et où vous n'étiez pas compensé pour les bas. Dans ce cas, cela fonctionnerait, mais nous craignons que dans le secteur des céréales et des oléagineux, cela ne soit pas aussi efficace que nous l'aurions voulu, et la question de l'acceptation par les banques ne peut trouver de réponse tant que le calcul réel n'aura pas été fait parce qu'il y a des agriculteurs qui n'obtiendront pas plus d'argent du programme.

M. Shauf : Votre question, à savoir si quelque chose pouvait être fourni, est importante. Je reviens sur la question que vous avez posée plus tôt.

Il doit bien y avoir une façon que le gouvernement puisse annoncer un engagement qui soit suffisamment clair aux yeux des producteurs et des établissements financiers pour s'assurer que les producteurs puissent rencontrer leurs établissements prêteurs pour obtenir une entente de crédit fondée sur un signal clair qu'ils recevront quelque chose.

À l'heure actuelle, c'est la seule chose qui soit disponible. Il est impossible que l'on puisse remettre un chèque aux producteurs avant la fin du mois en cours. J'en suis certain. Cependant, il y a moyen d'envoyer un signal clair que le producteur et l'établissement prêteur peuvent négocier une telle entente.

Le sénateur Mahovlich : Si nous devons élaborer une stratégie, de quel pays devrions-nous nous inspirer pour trouver un système qui convient au Canada? Lorsque je regarde l'Australie, la population et la taille de ce pays sont comparables à celles du Canada, mais est-ce que l'Australie vit les mêmes problèmes que nous? Ensuite, je regarde les belles fermes de France. Je reviens tout juste de France. Lorsque j'étais là-bas, je n'ai pas pu m'empêcher — et j'ai dû stopper la voiture pour prendre des photos de certaines de leurs magnifiques fermes.

Lorsque nous élaborons notre stratégie, y a-t-il un pays qui pourrait nous servir d'exemple ou devons-nous toujours suivre les États-Unis? Faire concurrence aux États-Unis peut être un problème. Ils sont beaucoup plus nombreux que nous; ils ont un marché de consommation et une population énormes. C'est peut-être cela notre problème. Nous essayons de suivre les États-Unis plutôt que de les devancer.

M. Shauf : Pour ce qui est de savoir quel pays pourrait servir de modèle, on trouve certains des éléments lorsqu'on regarde comment l'Europe investit dans l'agriculture. On y est investi beaucoup d'argent pour créer ces magnifiques fermes. Il s'agit d'un investissement de société et les Canadiens pourraient décider d'en faire autant.

Cependant, nous devons regarder du côté des États-Unis parce que ce pays a clairement élaboré un modèle pour créer de la valeur dans la communauté agricole, et c'est quelque chose que nous ne pouvons pas ignorer. Les Australiens n'ont pas à souffrir les mêmes répercussions que nous parce qu'un océan les sépare des États-Unis. Comme il n'y a pas d'océan entre nous et les États-Unis, de toute évidence, il est facile pour les Américains de soutirer de la valeur de l'agriculture canadienne. Il n'y a pas entre nos pays de différence au niveau du transport qui constitue un mécanisme de sécurité. Par conséquent, lorsque les États-Unis créent un avantage pour ajouter de la valeur dans leur pays, nos investissements se tournent immédiatement de ce côté. Ils ont réussi à faire cela en créant des quantités énormes de matières premières à bon marché. Notre réponse a été qu'ils ne pouvaient continuer à faire cela. Eh bien, ils peuvent le faire, parce que cela fonctionne pour les États-Unis.

Notre stratégie doit être concurrentielle face aux États-Unis. Il y a d'autres choses que nous pouvons faire. Nous pouvons regarder ce que fait l'Europe. Elle compte de nombreux programmes multifonctionnels qui traitent de questions comme l'environnement, la sûreté des aliments et l'aide à la production. Nous aussi, nous pouvons prendre ce genre de décisions.

Nous devons immédiatement reconnaître la valeur de l'investissement dans l'agriculture canadienne, décider si nous voulons avoir de l'agriculture dans ce pays ou si nous voulons la laisser partir vers les États-Unis.

Vous avez parlé de la population des États-Unis. Nous avons contribué pas mal de gens à cette population parce que nous n'avions pas de stratégie agricole pour les garder ici. Il s'agissait également d'un don aux États-Unis. C'est notre petit programme de subventions pour les États-Unis. Nous leur avons permis de bâtir de la valeur avec ce que nous avons commencé. Nos n'avions tout simplement pas la stratégie nécessaire pour amener cela jusqu'au point de rentabilisation de notre investissement.

Tous les autres éléments nous sont accessibles. Il s'agit de faire des choix de société. Il faut que tout cela soit fondé sur le fait que nous croyons dans l'investissement et que nous reconnaissons que pour que cet investissement reste chez nous, il doit au moins avoir la possibilité d'être profitable, et alors, nous pouvons bâtir sur cette base.

M. Pellerin : Il n'y pas de choix à cet égard. Nos négociateurs, nos entreprises de conditionnement et nos transformateurs d'aliments considèrent le marché américain comme un marché intérieur. Nous avons une ligue de hockey nord-américaine. Certaines personnes qui évoluent dans cette ligue n'aiment pas être payées en dollars canadiens. Les agriculteurs canadiens sont payés en dollars canadiens. C'est un problème.

Il n'y a pas de choix. Nous ne voulons pas la même chose que l'Europe. Il faudra plus d'argent pour l'obtenir que ce que les États-Unis dépensent à l'heure actuelle. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire ce que fait l'Australie. Nous sommes en concurrence avec les salaires du Brésil et de la Chine. Ce n'est pas juste pour nous. Nous vivons tous au Canada.

Nous ne pouvons que regarder vers les États-Unis. Si nous ne pouvons nous offrir les mêmes conditions qu'aux États-Unis, nous devons prendre une décision. Nous faisons partie d'un libre marché avec les États-Unis; nous avons une entente de libre-échange avec ce pays, alors nous voulons être payés d'une manière proportionnelle à notre travail. Il s'agit d'un marché fortement intégré.

M. Friesen : La question fait intervenir les trois piliers dont j'ai parlés plus tôt et que nous proposons pour un CSA-2. Un de ces piliers est celui des biens et services publics. Les Européens ont beaucoup mieux fait que nous pour apporter une aide aux agriculteurs pour ce qu'ils font pour le bien public. Ne pensons qu'il y a du potentiel là pour nous. Pour ce qui est du pilier de la gestion des risques de l'entreprise, nous pouvons faire preuve d'autant de stratégie que les Américains. Notre économie est en meilleure santé. Croyez-le ou non, en 2001, la dernière année de notification, les États-Unis déclaraient encore 72 milliards de dollars de dépenses pour l'agriculture. De cette somme, seulement 18 ou 19 milliards de dollars s'appliquaient à des mesures de soutien de la catégorie orange, c'est-à-dire qui entraînent des effets de distorsion sur les échanges, ce qui veut dire qu'ils ont des façons de fournir des sommes d'argent énormes aux agriculteurs qui, premièrement, font l'objet d'engagements de réduction et, deuxièmement, qui ne sont pas passibles de sanctions commerciales, et nous pouvons adopter la même stratégie.

Concernant le pilier de la croissance stratégique, nous pouvons regarder ce que font différents pays et examiner l'investissement dans la recherche et la valeur ajoutée. Enfin, nous devons nous assurer d'avoir une politique concurrentielle face aux États-Unis. Nous devons examiner la réglementation des pesticides et toutes nos autres politiques. Nous avons une entente de libre-échange; assurons-nous maintenant que notre politique ne se frappe pas contre la politique américaine et qu'elle réduise l'efficacité de cette entente de libre-échange.

Le sénateur Tkachuk : Je veux revenir sur la question de l'argent nécessaire. Il existe de nombreux programmes agricoles. À l'heure actuelle, il y a 1,9 milliard de dollars qui sont engagés dans des programmes agricoles pour des paiements dans le cas des céréales et des oléagineux, le PCSRA, l'assurance-production et le CRSN. En plus de cela, il y a 1,5 milliard de dollars qui ont été annoncés, sans compter les programmes provinciaux. Je ne suis pas certain à combien ils s'élèvent, mais ils sont substantiels.

Est-ce que les 2 milliards de dollars dont vous parlez viennent s'ajouter à tout cela?

M. Friesen : Pour ce qui est des dépenses gouvernementales, nous regardons simplement les 5,5 milliards de dollars qui ont été affectés dans le Cadre stratégique de l'agriculture pour une période de cinq ans au chapitre de la gestion des risques de l'entreprise. Cela devrait s'élever à environ 1,1 milliard de dollars par année.

Même si de nombreux agriculteurs échappent aux mailles du filet, le PCSRA a permis de verser des niveaux sans précédent d'argent, bien au-delà de 1,1 milliard de dollars par année, et ce pendant trois ans.

Outre ce montant de 1,1 milliard de dollars et les autres mesures offertes dans le cadre du PCSRA, il faudrait annuellement 2 milliards de dollars supplémentaires pendant trois ans.

Le sénateur Tkachuk : Au 1,5 milliard de dollars annoncés dans le budget du 2 mai, il faudrait ajouter un montant supplémentaire de 0,5 milliard pour obtenir 2 milliards, n'est-ce pas?

M. Friesen : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : Comment le tout serait-il versé? Favorisez-vous le paiement à l'acre? Estimez-vous qu'il faudrait des subventions directes pour les céréales et les oléagineux, autrement dit un prix garanti? Cela m'inquiète, car l'augmentation de la production favorise la baisse des prix à laquelle nous assistons sur les marchés internationaux. Il doit bien être possible de ne pas trop fausser le jeu du marché tout en aidant les agriculteurs.

M. Friesen : Il existe différentes façons de verser l'argent. Revenons au montant de 2 milliards de dollars. Dans le cadre du PCSRA, nous demandons que ce montant supplémentaire soit versé directement aux agriculteurs le plus tôt possible afin qu'ils puissent compter sur une aide financière.

Il y a eu l'annonce de un milliard de dollars ainsi que le montant de 500 millions de dollars. Nous croyons comprendre que ce dernier montant sera affecté aux modifications du PCSRA. On ignore encore comment il sera versé et ce qu'il couvrira. Cependant, il faut une somme supplémentaire de 2 milliards de dollars, en plus de tout ce que le PCSRA offre.

En ce qui concerne les modalités, il y a plusieurs moyens possibles de verser directement aux agriculteurs des montants non passibles de sanctions commerciales. On peut trouver des moyens « verts ». Encore ne fois, nous proposons que le tout soit souple et se fasse par le truchement des provinces. Je sais que les producteurs de céréales et d'oléagineux craignent encore que les États-Unis imposent des sanctions commerciales, mais il existe des moyens « verts » d'y parvenir.

Le sénateur Tkachuk : Par « moyens verts », entendez-vous qu'il s'agira de planter des arbustes et des arbres?

M. Friesen : Non, je voulais parler de moyens ne faussant pas les échanges aux yeux de l'OMC. Il pourrait s'agir de chèques versés directement aux agriculteurs. Il pourrait s'agir d'un paiement à l'acre en fonction d'une période de référence. Si nous craignons que les États-Unis puissent contester le tout, il ne faut pas se baser sur la production et le prix actuels. Cependant, il est possible d'établir une période de référence et de verser l'argent directement aux agriculteurs. Il pourrait s'agir simplement de chèques ou d'un paiement à l'acre ou encore de toute autre méthode.

Le sénateur Callbeck : Il y a peu de temps, nous avons publié un rapport sur les initiatives à valeur ajoutée. Je veux poser une question précise sur les usines appartenant à des agriculteurs.

Il y a plusieurs années, un abattoir a été créé à l'Île-du-Prince-Édouard. Il appartenait à des agriculteurs, et ceux-ci avaient donc reçu un partage plus équitable des revenus agricoles. Avez-vous des statistiques sur le nombre de producteurs qui ont investi dans de tels projets et sur les résultats obtenus?

M. Pellerin : Je ne pense pas qu'il y ait des statistiques canadiennes à ce sujet; cependant, de plus en plus d'associations agricoles envisagent la possibilité d'investir dans le secteur bovin. Au Québec, nous avons acheté deux abattoirs; ce n'est pas facile. Généralement, le service à la clientèle passe avant la valeur ajoutée dans le domaine de la transformation, particulièrement dans le secteur de la viande. Le Québec est doté d'une organisation comme la Coop fédérée. Nous sommes le propriétaire de la Coop fédérée à laquelle appartient Olymel aux États-Unis, au Manitoba et à Red Deer. On perd plus d'argent que les exploitants agricoles en raison de la valeur accrue du dollar canadien. Le domaine de la transformation n'est pas facile, et ce n'est pas la seule réponse.

Le sénateur Callbeck : Je ne voulais pas m'en tenir uniquement à la transformation du bœuf. Je voulais parler aussi de toutes les usines appartenant à des agriculteurs, quel que soit le secteur.

M. Pellerin : Le démantèlement des grandes coopératives comme la Saskatchewan Wheat Pool nous a dépossédés du secteur des céréales de l'Ouest canadien, où les producteurs n'ont plus la maîtrise de ce domaine d'activité. Moins d'entre eux sont propriétaires d'usines de transformation, quel que soit le produit agricole.

M. Shauf : Le nombre de producteurs qui ont été en mesure d'investir est restreint à cause du peu de revenu qu'engendrent les exportations agricoles. Acheter un autre maillon de la chaîne ne constitue peut-être pas un investissement stratégique, si on vous fait les poches d'une façon ou d'une autre. Il faut une stratégie exhaustive pour encadrer la majeure partie de ces investissements, parce que plus la valeur est élevée, plus la concentration est forte. Si vous devez compter sur votre concurrent pour obtenir le prochain maillon, celui-ci peut encore vous faire les poches.

Le sénateur Mahovlich : Voulez-vous dire que nous devons exercer un plus grand contrôle?

M. Shauf : Dans la chaîne de valeur, et il faut davantage de stratégie et un meilleur réseau pour rapprocher les producteurs du consommateur sur le plan du contrôle et de la propriété, afin de pouvoir faire passer la valeur le long de cette chaîne. Il y a quelques facteurs économiques qui le font, lorsqu'il s'agit de l'inefficacité du marché au point de départ. Ces facteurs économiques sont presque inexistants pour les producteurs de céréales et d'oléagineux notamment. Au Canada, les horticulteurs sont aux prises avec des problèmes dans leurs exploitations agricoles.

Le sénateur Mercer : Monsieur Friesen, je sais que vous êtes un éleveur de dindons et de porcs. Nous sommes au courant de l'effet de la grippe aviaire sur la population d'oiseaux. Si des oiseaux migrateurs se posent sur votre exploitation agricole, quelles mesures prenez-vous?

M. Friesen : Les oiseaux migrateurs se déplacent généralement dans l'axe nord-sud. Nous pouvons établir la zone à l'est et à l'ouest pour compenser.

M. Pellerin : C'est la même chose en ce qui concerne l'ESB. Ce n'est pas une maladie qui se transmet d'une classe d'animaux à l'autre au Canada. Agriculture Canada nous indique que c'est la raison pour laquelle il ne peut pas établir la zone pour ce problème. Nous savons que le problème provenait d'une usine de transformation. Il a donc été possible d'établir une zone en fonction de celle-ci. Lorsqu'un problème surgit, nous fournissons les mesures de protection nécessaires, et s'il frappe d'autres provinces, nous agrandissons la zone. Au Canada, c'est une erreur que de penser que nous avons un problème mineur.

Le sénateur Mercer : C'est un bon point. On me dit que le Brésil est dorénavant dépendant de l'éthanol et non pas du pétrole. C'est donc possible si la volonté est là. Les Canadiens sont-t-ils donc prêts à payer le prix? Selon vos chiffres sur la subvention américaine de 350 $ par personne au lieu de 175 $, je peux donc établir approximativement que le total s'établit annuellement à 6,5 milliards de dollars.

M. Pellerin : Si 30 millions de Canadiens reçoivent chacun 300 $, le total se chiffre à 9 milliards de dollars. Grâce aux budgets provinciaux, nous obtenons actuellement entre 6 milliards et 7 milliards de dollars.

M. Shauf : Vous vous demandez si les Canadiens sont prêts à payer le prix. Vous posez presque la bonne question. À mon avis, il faut se demander si les Canadiens sont prêts à faire l'investissement nécessaire pour en tirer profit.

La présidente : Merci. Monsieur Friesen, souhaitez-vous ajouter un dernier mot?

M. Friesen : Je voudrais vous remercier de nous avoir invités. Je souhaiterais également vous répéter que nous trois, les témoins, et les autres dirigeants des associations agricoles de la FCA sommes passionnés d'agriculture et travaillons à faire changer les choses. Nous avons à cœur d'élaborer des solutions à long terme. Nous vous implorons d'écouter notre message : lorsque les chefs de file du secteur agricole vous parlent passionnément d'un sujet, ils sont les porte-parole des agriculteurs. Nous nous faisons l'écho de leur voix, et nous continuerons à collaborer avec le gouvernement en vue de trouver des solutions.

La présidente : Honorables sénateurs, je pense qu'il était important d'entendre l'opinion des représentants de la Fédération canadienne de l'agriculture. Lorsque nous nous trouvons dans cet édifice sur la Colline du Parlement, il est important que les sénateurs et les députés aient de telles séances ouvertes et très directes. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, et si nous voulons vous consulter de nouveau au fur et à mesure de nos travaux, nous vous reconvoquerons. Encore une fois, nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant notre comité.

C'est notre première séance. Les autres, espérons-le, seront moins mouvementées. Nous vous remercions de votre participation car, que beaucoup de Canadiens soient de cet avis ou non, il s'agit d'une des questions fondamentales pour le Canada. Les gens l'ignorent peut-être, mais l'agriculture exerce une influence importante sur leur vie, et nous nous efforcerons de véhiculer ce message de diverses façons.

La séance est levée.


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