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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 8 - Témoignages du 19 octobre 2006


OTTAWA, le jeudi 19 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures pour examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs et vous tous qui suivez nos délibérations à la télévision, nous sommes réunis ce matin pour discuter des événements inquiétants qui se produisent aux États-Unis et qui pourraient avoir de profondes répercussions sur l'industrie canadienne de la betterave à sucre.

Le 8 septembre 2006, le département de l'Agriculture des États-Unis a publié un avis de modifications proposées du règlement sur les importations concernant le jus épais de betterave à sucre; si ces changements sont mis en oeuvre, ils pourraient éliminer toute possibilité pour le Canada d'exporter ce produit au sud de la frontière.

Les changements proposés, qui pourraient être mis en vigueur après une période de 90 jours pendant laquelle les intéressés peuvent faire des commentaires, auraient des conséquences catastrophiques pour la seule et unique usine canadienne de transformation de la betterave à sucre, située à Taber, dans le sud-ouest de l'Alberta, et aussi pour les producteurs de betterave à sucre eux-mêmes qui comptent sur ce débouché pour poursuivre leur exploitation.

Je tiens à remercier nos deux témoins de ce matin qui, avec un très bref préavis, ont accepté de se mettre à la disposition du comité pour discuter des tenants et aboutissants de ces événements. L'un de nos invités d'aujourd'hui avait pris des dispositions pour célébrer la récolte à Taber en fin de semaine dernière, mais la fête n'a pas été tout à fait celle que nous avions prévue.

Nous accueillons ce matin Bruce Webster, directeur général de Alberta Sugar Beet Growers, et Bob Friesen, président de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Bruce Webster, directeur général, Alberta Sugar Beet Growers : Premièrement, je tiens à remercier les membres du comité de nous permettre de comparaître. J'étais à Ottawa pour assister à des réunions de la Fédération canadienne de l'agriculture qui étaient prévues depuis environ un an, et cette question a surgi récemment. Un certain nombre d'événements entourant cette affaire ont attiré énormément d'attention.

C'est une question importante pour nous. Le jus épais de betterave à sucre est un produit naturel intermédiaire du procédé de transformation permettant d'obtenir du sucre à partir de la betterave à sucre. Dans le cadre de nos relations commerciales régies par l'OMC, les États-Unis ont mis en place un régime de progressivité tarifaire pour le sucre et la betterave à sucre. Nous avons un très petit contingent de 10 300 tonnes de sucre que nous pouvons exporter en franchise de douanes, et tout le reste est frappé d'un droit de 16 cents. Comme le cours international du sucre est actuellement d'environ 11 cents US la livre, cela représente un tarif douanier d'environ 150 p. 100 sur toute expédition en sus du contingent, de sorte qu'il n'y a aucune expédition hors contingent.

Pour essayer d'attirer aux États-Unis des importations à valeur ajoutée, quand le barème de l'OMC a été mis en vigueur au Canada, les États-Unis ont décrété que le Canada pouvait expédier n'importe quelle quantité de betterave à cure ou de jus épais de betterave pour raffinage et production de sucre, et ces deux produits ont effectivement été exportés. La betterave à sucre est expédiée du sud de l'Ontario vers l'État du Michigan, la valeur ajoutée est faite là- bas, et quant à nous, par l'entremise de notre transformateur, la compagnie Rogers Sugar, nous avons établi un marché aux États-Unis pour le jus épais. C'est un débouché important pour nous.

Les ventes varient d'une année à l'autre. Depuis mars, le consommateur qui achète le jus épais n'en a pas acheté, mais le prix du sucre a changé depuis le printemps et c'est donc une option que nous devons avoir à notre disposition. Nous avons expédié l'équivalent de 35 000 tonnes de sucre raffiné sous forme de jus épais aux États-Unis, ce qui représente à peu près le tiers de notre récolte durant l'année en question.

La disparition de ce marché, qui nous a été accordé librement et délibérément par les États-Unis quand ils ont mis en oeuvre les règles de l'OMC, aurait des conséquences néfastes dans l'ouest du Canada. Notre transformateur exploite deux usines. Les témoins représentant Rogers Sugar qui comparaîtront la semaine prochaine ont eu cette semaine des rencontres avec des fonctionnaires gouvernementaux ici à Ottawa et ils ont fait savoir que la dégradation continue du marché pour le sucre fabriqué dans l'ouest du Canada les forcerait à envisager de fermer l'une des deux usines de l'ouest du Canada.

Notre secteur existe depuis 82 ans. Durant cette période, nous avons connu un tarif douanier maximum de 5 p. 100 sur le sucre raffiné; il n'y a aucun droit sur le sucre brut qui entre au Canada. Nous sommes concurrentiels sur le marché mondial. Les producteurs de betterave à sucre du sud de l'Alberta, après la récolte de 1995, ont décidé à l'unanimité de cesser de recevoir un soutien ciblant cette denrée. Nous avons maintenant fait 11 récoltes sans soutien du prix. Nous savons que nous pouvons rivaliser sur le marché mondial. Nous avons vécu le cycle entier des prix au cours des 50 dernières années. Durant la dernière décennie, nous avons eu cinq années difficiles consécutives et nous n'avons jamais demandé d'aide au gouvernement. Nous avons résolu ce problème avec notre transformateur, la firme Rogers Sugar.

Nous savons que nous sommes compétitifs sur le marché mondial. Nous pouvons rivaliser avec n'importe qui et nous le faisons depuis des générations. Pour nous, cette question est très importante au niveau de l'OMC.

L'une des principales pierres d'achoppement à l'OMC est l'agriculture et l'un des sujets controversés est celui des produits sensibles. Le sucre figure sur la liste des produits sensibles et la liste des produits spéciaux dans beaucoup de pays. Si les grands acteurs sur la scène mondiale veulent changer les règles ainsi que les offres qu'ils ont faites et qui dictent la conduite des gens depuis dix ans, ce sera un très mauvais signal à envoyer à tous les pays, surtout les pays en développement.

Il est dans notre propre intérêt de maintenir le marché qui nous a été librement accordé. Même si nous exportions aux États-Unis toute la production de Taber, qui atteindra cette année environ 110 000 tonnes, le marché de ce pays est de 10 millions de tonnes américaines. Nous ne vendrions jamais la totalité de notre production aux États-Unis, parce que dans les marchés que nous servons — Edmonton, Calgary, Saskatoon —, la population augmente rapidement et nos clients locaux veulent acheter du sucre. Nous n'enverrons jamais aux États-Unis la totalité de notre jus épais.

Pour pouvoir exploiter à une capacité raisonnable les usines de Vancouver et de Taber, il nous faut ce marché du jus épais et nous demandons au gouvernement du Canada de répondre à cette proposition annoncée dans le Federal Register des États-Unis qu'aucune nouvelle règle n'est nécessaire. Il y a actuellement une règle, c'est le barème de l'OMC. Il faut pouvoir compter sur un système commercial international fondé sur des règles, et telle doit être la position du Canada.

Nous avons eu des rencontres cette semaine avec le ministre Emerson; nos rencontres avec les représentants du gouvernement du Canada se sont très bien passées. En juin dernier, nous sommes allés à Washington, où le personnel de l'ambassade chargé de l'agriculture et des pêches nous a appuyés solidement.

C'est une question importante et nous sommes contents de pouvoir en discuter avec vous aujourd'hui.

Bob Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Je veux vous parler des mêmes questions que M. Webster vient d'aborder, mais je vais également faire quelques digressions, après quoi je serai en mesure de répondre à vos questions.

Les propos de M. Webster font ressortir l'importance de solides accords commerciaux — l'importance des accords commerciaux pour l'agriculture canadienne, l'importance de règles justes et équitables et l'importance du respect de ces règles une fois qu'elles ont été négociées.

Nous avons récemment beaucoup insisté sur l'importance des accords commerciaux bilatéraux. Nous exportons encore plus de 60 p. 100 de notre production agricole et il nous faut donc avoir accès aux marchés d'autres pays. Nous devons veiller à ce que les autres pays ne nous enlèvent pas l'accès préférentiel à leur marché que nous avons maintenu au fil des années. Nous devons aussi veiller à obtenir de nouveaux accès préférentiels au marché de certains de ces pays. Comme les sénateurs le savent pertinemment, les négociations de le cycle de Doha sont suspendues, ce qui fait ressortir encore davantage l'importance des accords commerciaux bilatéraux.

Les agriculteurs canadiens commencent à être fatigués de l'attitude des Américains qui, bien qu'ils soient toujours prêts à négocier des accords commerciaux, trouvent toujours une foule de manières plus innovatrices les unes que les autres de bloquer l'accès à leur marché quand les choses se corsent et que les agriculteurs canadiens surclassent les agriculteurs américains sur leur propre marché. Bien sûr, nous comptons sur le marché des États-Unis parce que c'est un marché important pour nous. L'agriculture canadienne et les agriculteurs canadiens ont été avantagés par l'Accord commercial Canada-États-Unis, l'ACCEU, et l'Accord de libre-échange, l'ALE. Il est extrêmement important, comme M. Webster l'a dit, que les États-Unis s'en tiennent à ces accords et ne fassent pas obstacle à l'accès aux marchés dès que cela leur chante.

Je n'ai pas besoin de dire aux sénateurs toute l'importance de veiller à ce que nos agriculteurs ne soient pas frappés par des mesures commerciales pour avoir voulu vendre leur jus épais de betterave à sucre. C'est important pour nos agriculteurs, étant donné qu'ils viennent juste de connaître les trois pires années de leur histoire en termes de revenu net et qu'ils font concurrence aux agriculteurs américains qui, eux, viennent juste de connaître les trois meilleures années de leur histoire. Cela illustre clairement la stratégie que les États-Unis ont décidé d'adopter dans leur secteur agricole. Nous avons examiné des options stratégiques depuis plusieurs années, surtout dans le cadre de discussions sur l'investissement gouvernemental dans l'agriculture au Canada et aux États-Unis. On entend souvent parler des sommes consacrées à l'agriculture aux États-Unis. Cependant, ce n'est pas seulement l'importance des sommes en cause qui compte, mais aussi la manière stratégique dont cet argent est dépensé.

J'ai ici des documents qui illustrent certaines de nos idées pour une utilisation plus stratégique de l'argent consacré à l'agriculture au Canada. À l'heure actuelle, nous dépensons près de cinq milliards de dollars par année émanant des deux ordres de gouvernement, et pourtant, nous traversons la pire crise du revenu que nous ayons jamais connue dans notre histoire. Dépensons-nous de manière aussi stratégique que possible? Investissons-nous l'argent d'une manière qui nous permet d'en tirer le plus grand parti possible? Nous avons des idées sur la manière de rendre le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, le PCSRA, plus solide et plus prévisible et sur la manière d'utiliser les programmes complémentaires pour répondre à des besoins provinciaux particuliers. Nous insistons sur le besoin de s'attaquer au problème de la diminution de la marge dans le secteur des céréales et des oléagineux et dans le secteur de l'horticulture. Nous devrons faire quelque chose à ce propos, sinon notre agriculture va continuer de péricliter.

Les membres de la Fédération canadienne de l'agriculture ont commencé à rédiger une ébauche de projet de loi agricole canadien qui, essentiellement, diviserait le prochain cadre stratégique pour l'agriculture, le CSA, en trois piliers : le premier est un pilier des biens et services publics, et nous proposons de négocier des programmes fondés sur des incitations de manière que nos agriculteurs puissent faire ce qu'ils aimeraient faire, ce dont ils sont souvent empêchés à cause de la crise du revenu. Ils veulent être comptables et responsables et ils veulent s'assurer de mettre en oeuvre des programmes d'environnement durable, par exemple la salubrité des aliments à la ferme, pour le bien public. Cependant, ils n'ont pas la capacité de transmettre ces coûts aux consommateurs, et c'est pourquoi la FCA propose la création de programmes qui aideraient les agriculteurs à le faire. Les agriculteurs seraient gagnants si de tels programmes étaient créés, parce que cela leur permettrait de lancer certaines initiatives qu'ils aimeraient prendre, et la société serait gagnante parce que ce serait bon pour la biodiversité, le changement climatique, l'érosion des sols, etc., et les deux paliers de gouvernement seraient gagnants parce que cela allégerait les pressions qui s'exercent sur les programmes existants.

J'ai déjà évoqué le deuxième pilier, à savoir la gestion commerciale. Le troisième pilier, la croissance stratégique, nous amènerait à élaborer les bonnes stratégies commerciales et des règles commerciales justes et équitables, tout en veillant à ce que nous ayons les outils voulus pour faire concurrence aux agriculteurs américains. C'est ici qu'intervient la question du jus épais de betterave à sucre : que pouvons-nous faire pour agir le plus stratégiquement possible, pour assurer la croissance de notre secteur agricole et sa rentabilité, et pour veiller à adopter certaines stratégies déjà appliquées aux États-Unis en matière de valeur ajoutée, etc.?

La FCA a écrit une lettre à l'honorable David Emerson, ministre du Commerce international, au sujet de la betterave à sucre. La FCA appuie l'industrie de la betterave à sucre et il faut s'attaquer à cette question de manière à ne pas ruiner notre production de betterave à sucre dans l'Ouest du Canada et pour assurer le développement continu des marchés d'exportation, au lieu d'essayer de trouver des marchés ailleurs.

La présidente : Merci. En passant, le comité aimerait beaucoup prendre connaissance du projet de loi commercial élaboré par la FCA parce que cette recommandation était formulée dans notre dernier rapport sur les céréales et les oléagineux l'année dernière. Le comité recommandait un projet de loi commercial canadien qui protégerait davantage nos agriculteurs quand ils sont dans une situation comme celle qu'ils vivent actuellement.

Nous allons passer aux questions. Monsieur Webster, ce n'est pas tout le monde qui connaît cette question en détail, alors n'hésitez pas à nous fournir de plus amples renseignements.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Webster, je comprends que l'industrie de la betterave à sucre a fait une proposition publiée dans le Federal Register des États-Unis. Qu'arrive-t-il ensuite? Vous avez dit qu'il y a une période de 90 jours pendant laquelle n'importe qui, je suppose, peut faire des commentaires. Quel est le processus après cela?

M. Webster : Après le 7 novembre, échéance de la période des commentaires, le processus est le suivant : la Commodity Credit Corporation et le gouvernement des États-Unis vont examiner les commentaires en question et prendre des décisions en fonction des questions posées. L'échéance pour déboucher sur un résultat concret à partir de la proposition peut être très courte ou très longue, selon la nature des commentaires obtenus. Nous assistons à l'assemblée annuelle de l'Association américaine des producteurs de betterave à sucre. Nous savons qu'ils vont exercer de fortes pressions pour que le jus épais de betterave soit inscrit dans leur système de contingentement de mise en marché. Par conséquent, les forces intérieures aux États-Unis vont insister beaucoup pour que la période de mise en oeuvre de toute règle éventuelle soit très courte.

Il y a aux États-Unis des gens qui s'inquiètent beaucoup de cette éventualité parce que ce serait une violation d'un traité commercial ratifié. Il n'y a pas d'échéance fixe, mais les forces en jeu, l'industrie américaine du sucre et le gouvernement des États-Unis vont vouloir que ce soit mis en oeuvre tout de suite. C'est le danger qui nous guette.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que les gens de l'extérieur des États-Unis peuvent présenter des mémoires aussi?

M. Webster : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Votre industrie en aura présenté un.

M. Webster : Oui, l'Institut canadien du sucre, qui comparaîtra la semaine prochaine, sauf erreur, présente la position de l'industrie canadienne.

Le sénateur Tkachuk : La décision est-elle prise par le département de l'Agriculture et le secrétaire à l'Agriculture des États-Unis, ou bien le Congrès intervient-il?

M. Webster : C'est le gouvernement qui doit le faire parce que la Commodity Credit Corporation administre le régime applicable au sucre.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu'ils vont l'approuver?

M. Webster : Oui. Ce sont les sénateurs et congressistes du Nord du pays, surtout depuis deux ans, qui ont incité à agir le Dr Penn et d'autres porte-parole du département de l'Agriculture des États-Unis quand ils ont témoigné devant des comités de la Chambre des représentants et du Sénat. Les membres du Congrès subissent des pressions pour agir rapidement.

Le sénateur Tkachuk : A-t-on un accès illimité au marché américain pour le jus épais de betterave?

M. Webster : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il des restrictions?

M. Webster : Non; il n'y a aucune restriction quant au volume et aucun droit de douane.

Le sénateur Peterson : Dans les notes d'information, on indique qu'il y a une ressemblance entre cette affaire et celle des concentrés de protéines laitières importés des États-Unis au Canada. Dans quelle mesure est-ce semblable et comment gérons-nous cette affaire? Par ailleurs, vous avez dit que nous représentons une très petite portion du marché américain, alors pourquoi, à votre avis, l'industrie américaine intervient-elle contre nous actuellement?

M. Webster : Au sujet des concentrés du lait, je ne suis pas expert, je n'y connais rien. Je sais que c'est un problème au Canada, mais je ne peux pas faire de commentaires là-dessus parce que nous n'avons aucun producteur laitier qui soit aussi producteur de betteraves.

Quant à la raison pour laquelle c'est un problème aux États-Unis actuellement, je pense que c'est à cause des élections en novembre. Les comités d'action politique du secteur du sucre aux États-Unis donnent des millions de dollars aux candidats. Nous avons assisté à des réunions des producteurs de betterave à sucre aux États-Unis et la question est à l'ordre du jour.

C'est un irritant pour les producteurs de sucre américains, même si cela ne représente qu'une goutte de sucre sur leur marché, qui connaît une croissance égale à celle de leur population. Ce que nous leur envoyons ne représente même pas l'augmentation annuelle de leur marché naturel, mais c'est un irritant. L'affaire est soulevée aux réunions du Comité sénatorial de l'agriculture à Washington et aux réunions du Congrès et le secteur américain du sucre déploie des efforts de lobbying très médiatisés.

Je crois que c'est surtout à cause des élections. Il y a un conflit du sucre entre le Mexique et les États-Unis. Le 1er janvier 2008, le Mexique devrait être en mesure techniquement d'envoyer environ un million de tonnes de sucre sur le marché américain, ce qui aurait d'énormes répercussions. J'ignore s'ils peuvent faire quelque chose à ce sujet, mais ils veulent au moins donner l'impression d'agir. Or il y a ces petits producteurs canadiens de l'autre côté; si l'on s'en prend à eux, on pourra au moins dire que l'on a fait quelque chose pour défendre l'agriculteur américain.

Le sénateur Peterson : Les transformateurs là-bas ont-ils une capacité excédentaire? Est-ce qu'ils s'agitent, eux aussi — je veux dire les transformateurs de betterave à sucre?

M. Webster : Si l'on considère l'industrie américaine dans son ensemble — nous comparaissons tous les cinq ans devant le Tribunal canadien du commerce extérieur —, les raffineries de canne des États-Unis, en particulier, ont une capacité excédentaire. Les ouragans de l'année dernière ont durement éprouvé les régions de Louisiane et de Floride où l'on cultive la canne, mais l'industrie américaine s'est bien reprise et les stocks de sucre ont plus que triplé l'année dernière. Ils ont réussi à réagir immédiatement, autant sur la ferme que dans les raffineries de sucre, pour résoudre ce problème, et ils ont maintenant une capacité excédentaire. Même ce quart de 1 p. 100 de part du marché, ils préféreraient s'en emparer eux-mêmes plutôt que de nous le laisser.

Le sénateur Oliver : Vous avez en grande partie répondu à la question que je voulais poser, à savoir si les avis qui ont été publiés le 6 septembre 2006, compte tenu des élections de mi-mandat qui auront lieu aux États-Unis en novembre, n'étaient en réalité que pure gesticulation politique. Vous avez répondu à cela. Cependant, après les élections, pensez- vous qu'ils auront livré leur message et que le président Bush pourra prendre une nouvelle direction?

M. Webster : C'est certain qu'il y a de la gesticulation politique. Si l'on revient sur les déclarations faites par le secrétaire Johanns et par le Dr Penn avant son départ, les deux disaient en substance qu'il fallait que quelque chose change dans le marché américain du sucre, sinon les pourparlers commerciaux seront très difficiles. Je pense que le gouvernement considère qu'il s'agit de commerce légitime.

Le rapport Breaux, que le département de l'Agriculture des États-Unis doit présenter tous les trimestres au Congrès, fait état des expéditions de jus épais et d'autres formes de sucre aux États-Unis. Ce rapport doit contenir une recommandation et le département de l'Agriculture a toujours recommandé de ne rien faire à propos du jus épais de betterave à sucre en provenance du Canada parce que c'est légitime. L'acheteur a obtenu une décision exécutoire des Douanes américaines avant de commencer à importer le produit aux États-Unis, de sorte que toutes les formalités ont été étudiées et approuvées par le gouvernement. Ce sont des gestes purement politiques et nous espérons que les intervenants vont se calmer, mais nous savons que le lobby américain du sucre ne va pas rester tranquille après les élections.

Le sénateur Oliver : Monsieur Friesen, vous avez dit que vous prendriez des mesures au sujet des marges qui diminuent, surtout dans les secteurs des céréales et oléagineux et de l'horticulture. Dès qu'on me parle de nouvelles manières d'augmenter les marges des agriculteurs, je suis toujours intéressé. Comment allez-vous faire?

M. Friesen : Nous avons imploré l'AFC de faire une analyse pour voir si un niveau supérieur de contribution au PCSRA pourrait apporter aux agriculteurs de plus grands avantages que ceux obtenus actuellement dans le cadre du niveau supérieur. Quand on parle du problème de la baisse des marges, comme le seuil de déclenchement du PCSRA est établi en fonction des marges observées historiquement, plus les marges sont faibles, moins il y a de chance d'obtenir un paiement dans une année donnée. Voilà le problème.

Nous proposons d'examiner s'il ne serait pas avantageux de remplacer le niveau supérieur du PCSRA par un niveau semblable à celui du CSRN, de manière que les contributions des agriculteurs soient calculées en fonction des ventes et non pas des marges. Il en résulterait des contributions égales des deux paliers de gouvernement, ce qui donnerait des paiements plus prévisibles, du moins pour le niveau supérieur.

Nous ne demandons pas qu'on prenne immédiatement cette mesure. Pour l'instant, nous demandons simplement au ministère de procéder à l'analyse pour voir si cela pourrait marcher et si les agriculteurs seraient plus satisfaits de cette assurance et de cette prévisibilité, par rapport à la situation actuelle du niveau supérieur, et aussi si cela nous en donnerait plus pour notre argent. L'argent coule à flots au PCSRA et les transactions atteignent des montants records, mais l'argent ne semble pas toujours couler au bon endroit; le programme n'a pas créé cette assurance et cette prévisibilité.

Par ailleurs, nous avons des discussions pour voir ce qui se passerait s'il était de nouveau possible pour les provinces d'utiliser une partie de l'argent fédéral pour créer des programmes complémentaires — si les provinces versaient leur propre 40 cents et pouvaient ensuite utiliser une partie des 60 cents versés par le fédéral —, ce qui permettrait aux provinces de remédier à la baisse des marges de leurs agriculteurs. Le problème est le même partout au Canada, mais nous commençons à nous rendre compte que nous devons peut-être nous y attaquer différemment d'une province à l'autre et que cela pourrait se faire au moyen de programmes complémentaires.

Le sénateur Oliver : Il me semble que les provinces craindraient, si elles commençaient à lancer des programmes complémentaires, que cela puisse encourager le gouvernement fédéral à se retirer de certains programmes auxquels il contribue actuellement.

M. Friesen : Nous ne proposons pas que le gouvernement fédéral se retire. Nous suggérons d'utiliser le PCSRA comme point de départ pour ajouter certains éléments qui nous apparaissent nécessaires pour obtenir cette assurance et cette prévisibilité. Prenons par exemple le programme complémentaire que le secteur des céréales et des oléagineux de l'Ontario a proposé pour sa propre province. Cela créerait une plus grande stabilité dans le secteur des céréales et oléagineux et soulagerait énormément le PCSRA. Nous voudrions qu'on fasse une analyse pour voir si les économies réalisées au titre du PCSRA, grâce à l'instauration de la stabilité dans le secteur des céréales et oléagineux et le secteur de l'horticulture, allégeraient suffisamment le fardeau du PCSRA pour financer le programme complémentaire.

Le sénateur Oliver : Avez-vous eu l'occasion de présenter ces idées à des agriculteurs de l'Ouest?

M. Friesen : Nos organisations membres les ont présentées aux agriculteurs et l'exercice a été intéressant parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, le problème est le même, mais la manière dont les agriculteurs aimeraient qu'on s'y attaque varie d'une province à l'autre.

Le sénateur Gustafson : J'allais vous interroger sur les élections américaines, mais le sujet a déjà été abordé. Je crois que c'est la source du problème. La sécurité aux frontières y contribue dans une certaine mesure, surtout du point de vue des Américains.

Pour ce qui est des céréales et oléagineux, M. Friesen a fait allusion au fait que les trois dernières années ont été nos plus difficiles, tandis qu'elles ont été les meilleures pour les Américains.

Croyez-vous que les intervenants canadiens en agriculture ont suffisamment approfondi le problème planétaire auquel nous sommes confrontés? Nous ne sommes pas capables de faire concurrence sur le marché mondial à cause des subventions versées par les Européens et les Américains. Cela ne changera pas. Nous avons cessé de croire au mensonge voulant que l'on obtiendra des Américains qu'ils mettent fin aux subventions. Depuis un an ou deux, je n'ai pas entendu les fonctionnaires dire qu'on va les amener à faire cela.

Par contre, nous n'avons rien fait pour y remédier. Il suffit de voir les tarifs marchandises depuis que le tarif du Nid- de-Corbeau a été supprimé. Quant on livre 2 000 boisseaux de blé dur no 1 à 12 p. 100 de protéines, on reçoit un chèque de 6 000 $. De cette somme, la moitié sert à payer les frais de transport et de manutention et l'on se retrouve avec 3 000 $. Ce n'est pas un paiement satisfaisant pour 2 000 boisseaux de grain.

Les agriculteurs sont dans une situation impossible. D'après mes recherches, cela commence à faire baisser sérieusement le prix des terres, surtout en Saskatchewan et dans certaines régions du Manitoba. Il semble qu'en Alberta, le boom pétrolier ait stabilisé les prix. Tout cela aura de graves répercussions sur le secteur agricole.

J'entends les agriculteurs exprimer leur mécontentement au sujet du PCSRA.

Je voudrais entendre vos commentaires, surtout sur la situation mondiale.

M. Friesen : Vous avez dit au début que les élections américaines jouent un rôle dans le dossier du sucre. Je crois que c'est vrai. Je crois que les élections de mi-mandat ont également influé sur l'approche des Américains à Doha. Le gouvernement est prêt à dire tout ce que l'on voudra pour ce qui est de diminuer l'aide aux agriculteurs, mais n'oublions pas que c'est la Chambre qui décide combien on va consacrer à l'agriculture, de sorte que le gouvernement peut bien dire n'importe quoi. Manifestement, ils n'ont pas osé faire une proposition comportant des réductions encore plus fortes que celles qu'ils avaient déjà proposées.

Cela dit, leur proposition les aurait obligés à réaffecter certains fonds et il leur aurait fallu sabrer certains de leurs programmes causant le plus de distorsion commerciale. Cependant, globalement, les réductions proposées ne les amenaient pas à un niveau inférieur à leurs dépenses réelles de 2001. On disait que, peu importe que l'on réussisse ou non à s'entendre, les États-Unis allaient dépenser le même montant.

L'autre facteur qui a influé sur les négociations de Doha, c'est le projet de loi agricole. Je pense que le vote approuvant la voie rapide pour l'accord de Doha et le vote sur le projet de loi agricole, c'est essentiellement la même chose. Si le gouvernement voulait réduire fortement le soutien interne, je pense qu'on aurait voté non de toute façon quand il s'est agi de voter la voie rapide. Nous sommes inquiets au sujet du prochain projet de loi agricole.

Pour ce qui est du soutien interne, nous avons beaucoup d'argent provenant du gouvernement. Je ne dirai jamais que nous en avons assez. Quant à savoir de combien il faudrait augmenter le montant consacré à l'agriculture, cela reste à déterminer. Ce qui est établi, par contre, c'est le besoin d'une meilleure stratégie. Les États-Unis ont adopté une approche consistant à amorcer la pompe, pour ainsi dire, en versant des subventions croisées aux secteurs de l'engraissement du bétail et du biocarburant. Voilà comment les Américains ont amorcé la pompe dans le secteur agricole. C'est grâce à leur projet de loi agricole qu'ils ont une industrie du biocarburant florissante.

On encourage parfois les agriculteurs à se diversifier dans des cultures qui n'ont pas été touchées par le projet de loi agricole. Vous vous rappellerez qu'en Saskatchewan, les agriculteurs se sont lancés dans la culture des légumineuses parce qu'on leur a conseillé de produire des denrées qui n'auraient pas à rivaliser contre des produits fortement subventionnés aux États-Unis. Ils l'ont fait, après quoi les États-Unis ont inclus certaines de ces denrées dans leur dernier projet de loi agricole.

Ils amorcent la pompe. En fait, environ 95 p. 100 de leurs dépenses dans la catégorie orange sont consacrées à cinq denrées agricoles. Bien sûr, les retombées se répercutent à tous les maillons de la chaîne de l'alimentation. Nous devons investir notre argent de manière plus stratégique.

Pour ce qui est du PCSRA, il donne de meilleurs résultats dans certains secteurs agricoles que dans d'autres. Il a été assez satisfaisant pour le secteur de la viande rouge parce que ce secteur a des périodes de marasme plus courtes et des reprises plus rapides par rapport à ce que nous avons vu dans le secteur des céréales et oléagineux. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle remplacer le niveau supérieur du PCSRA par un niveau semblable au CSRN serait une première mesure importante pour remédier au problème de la baisse des marges. Le fait que le PCSRA fonctionne mieux pour certaines denrées que pour d'autres est également la raison pour laquelle nous devrions faire appel à des programmes complémentaires pour contribuer à résoudre le problème de la baisse des marges.

Le sénateur Gustafson : Au sujet du secteur de la viande rouge, je suis allé à Minot, au Dakota du Nord, en fin de semaine, et j'ai rencontré sept bétaillères qui transportaient des veaux canadiens vers le Kansas. C'est uniquement grâce à ces expéditions vers le Sud que le secteur du bétail est demeuré aussi solide. Nous n'avons pas cela dans le secteur des céréales. Nous l'avions pour le canola, le lin et les céréales hors-Commission, et c'est essentiellement ce qui a permis aux agriculteurs de survivre depuis six ou sept ans. Nous ne l'avons pas dans le secteur du blé et de l'orge, denrées qui sont commercialisées par la Commission du blé.

En conséquence, au lieu d'une entente avec les États-Unis, nous avons la confrontation, ce qui n'a jamais été à l'avantage du secteur des céréales et des oléagineux.

M. Friesen : Nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis. Leur projet de loi agricole — cela vaut également pour le dossier du sucre — a aidé à payer la valeur ajoutée aux États-Unis. Cette mesure attire aux États- Unis l'engraissement du bétail et la transformation du sucre, ou autre, parce qu'elle attire les activités à valeur ajoutée. C'est pourquoi nous croyons que nous devons également investir davantage d'argent dans la valeur ajoutée au Canada.

Le projet de loi agricole américain a attiré beaucoup de valeur ajoutée que nous aimerions conserver au Canada. Nous devenons dépendants de ce marché et c'est pourquoi nous ne pouvons guère nous permettre de les laisser fermer soudainement la porte à ce secteur qu'ils ont créé pour la production primaire canadienne.

Le sénateur Gustafson : Je n'ai jamais vu les agriculteurs américains aussi contents de leur sort qu'ils le sont actuellement; je n'ai jamais vu la situation canadienne dans le secteur des céréales et oléagineux aussi catastrophique qu'actuellement.

La présidente : La situation présente est catastrophique dans le secteur de la betterave à sucre.

Le sénateur Callbeck : Merci, messieurs, d'être venus ce matin.

Je suis certaine que vous êtes au courant que l'on a récemment annoncé à l'Île-du-Prince-Édouard l'ouverture, dans le cadre d'un projet pilote, d'une usine de fabrication d'éthanol à partir de la betterave à sucre. À votre connaissance, existe-t-il d'autres usines de ce genre au Canada ou aux États-Unis?

M. Webster : Il existe en Europe des usines de fabrication d'éthanol à partir de la betterave à sucre. Aux États-Unis, il n'y a aucune usine de fabrication d'éthanol utilisant le sucre comme matière première.

Le département de l'Agriculture des États-Unis a publié en juillet une étude sur la production d'éthanol à partir du sucre, en comparaison d'autres matières premières, et l'Académie nationale des sciences des États-Unis a publié une étude sur les biocarburants dans laquelle on évalue la rentabilité de diverses matières premières. Je ne pense pas que l'industrie américaine s'oriente dans ce sens. Le producteur américain de betterave à sucre préférerait probablement cultiver du maïs ou du soya pour produire un biocarburant quelconque.

Historiquement, le sucre était sur les rangs. Au cours des deux derniers mois, nous avons communiqué avec la Fédération de l'agriculture de l'Île-du-Prince-Édouard à ce sujet. Nous avons envoyé à Mike Nabuurs tous les renseignements sur la culture, le coût de production, etc., de la betterave à sucre en Alberta. L'implantation d'une usine d'éthanol serait bien accueillie. M. Nabuurs dit que les agriculteurs de votre province sont très intéressés. Nous espérons que cela va marcher, mais il faut essayer de consommer l'éthanol au Canada. Si nous essayons de l'exporter, des restrictions pourraient être imposées.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'aux États-Unis, à votre avis, les agriculteurs préféreraient cultiver du maïs ou une autre denrée plutôt que la betterave à sucre. Pourquoi?

M. Webster : C'est principalement à cause du coût de la transformation de la betterave à sucre en éthanol et aussi de la quantité d'énergie qu'on peut en tirer. Jusqu'à maintenant, sur le plan économique, le soya et le maïs semblent plus rentables aux États-Unis. Au Brésil, on transforme d'énormes quantités de canne à sucre en éthanol et les Brésiliens ont les économies d'échelle rendant cette option économiquement attrayante. Par contre, aux États-Unis, l'industrie ne semble pas s'orienter dans cette direction.

M. Friesen : On me dit que nous avons la technologie voulue pour fabriquer de l'éthanol à partir de n'importe quoi, mais que certains produits sont plus efficaces que d'autres.

Cela soulève un autre point important que j'ai évoqué brièvement tout à l'heure, à savoir l'importance de créer une industrie de l'éthanol au Canada, mais aussi de s'assurer que les matières premières soient produites localement et que les retombées de l'industrie de l'éthanol bénéficient non seulement aux producteurs primaires, mais aussi au secteur de la fabrication; il faut aussi s'assurer que ce soit rentable.

Le président de l'Association des producteurs de maïs des États-Unis a pris la parole à notre assemblée semi- annuelle. Nous leur envions leurs subsides et nous prenons un malin plaisir à leur donner du fil à retordre, mais il n'y est pas allé par quatre chemins. Il a dit : « Nous aimons le projet de loi agricole ». Il est producteur de maïs. Il a dit : « Pourquoi produirais-je du maïs destiné à la consommation à 2 $ quand je peux produire du maïs destiné à la fabrication d'éthanol pour 9 $? » C'est l'exemple qu'il a donné. Ils ont eu énormément de succès dans ce secteur. Nous pensons que les possibilités sont très intéressantes pour nous aussi. Nous devons faire attention de bien faire les choses pour éviter, encore une fois, que l'on se contente d'importer les matières premières des États-Unis, ou encore que toute notre production soit exportée aux États-Unis pour le secteur américain de l'éthanol.

Le sénateur Callbeck : Pour avoir une usine rentable, combien d'acres de betterave à sucre faut-il? Je suppose qu'il y a rotation des récoltes.

M. Webster : La betterave à sucre devrait être cultivée dans le cadre d'une rotation quadriennale, pour empêcher l'accumulation de pathogènes dans le sol. C'est ce que nous faisons en Alberta.

Si l'on compare à l'ensemble de l'Amérique du Nord, l'usine de Taber a bénéficié à la fin des années 1990 d'un agrandissement de 60 millions de dollars qui a porté sa production à 6 000 tonnes métriques par jour. C'est une production moyenne pour une usine moderne de betterave à sucre en Amérique du Nord. Il faut une usine de cette taille ayant une capacité de cet ordre et environ 30 000 à 40 000 acres cultivés chaque année. Cela veut dire qu'il faut 120 000 acres cultivés en alternance.

La présidente : Avant de commencer le deuxième tour, je voudrais faire un bref commentaire sur une question que notre collègue le sénateur Gustafson a soulevée et avec laquelle nous nous débattons depuis environ un an. Jamais dans notre histoire le secteur des céréales et des oléagineux n'a-t-il été en aussi mauvaise posture, ce qui est ruineux pour des Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Quant au secteur de la betterave à sucre, on compte sur lui depuis longtemps. Au milieu des années 1980, il a été fermé, quasiment à cause d'une erreur du gouvernement. Les répercussions ont été terribles en moins d'un an dans les petites localités qui entourent la région où la betterave à sucre est cultivée. La perte de ce secteur s'est répercutée sur la fabrication et la vente des produits dans les villes en question, notamment les bottes et d'autres produits.

Nous sommes en train de faire une étude qui se poursuivra l'année prochaine. Nous aurons des entretiens avec des agriculteurs des quatre coins du pays au sujet de la pauvreté rurale, parce que les problèmes de ce genre — par exemple ce qui s'est passé ces derniers temps dans le secteur de la betterave à sucre — font craindre les pires calamités en termes de pauvreté rurale.

Jusqu'où pouvons-nous aller dans cette confrontation avec les Américains avant que l'usine de Taber ferme ses portes? Quelles conséquences envisagez-vous, pas seulement pour Taber, mais pour d'autres localités de cette région?

M. Webster : Les représentants de Rogers Sugar vont témoigner devant le comité. Nous en avons discuté avec eux. Il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre entre la situation actuelle et la fermeture de l'une des deux usines de l'ouest du Canada, parce que nous devons maintenir le volume. Il nous faut des débouchés. Si l'on nous enlève des débouchés, ou bien si l'on renonce à notre marché dans le cadre des négociations commerciales sans rien obtenir en échange, la production baisse et l'usine ferme.

Les producteurs de betterave à sucre ont presque terminé la récolte dans le sud de l'Alberta. La betterave leur rapportera 40 millions de dollars de revenu. Les conséquences pour Taber, Vauxhall et Bow Island seraient catastrophiques si ces 40 millions de dollars étaient retirés de l'économie.

La population de Taber est d'environ 8 000 habitants. Depuis un an, un Wal-Mart, un Tim Hortons et un Boston Pizza ont ouvert leurs portes juste en face de l'usine de sucre. Si cette usine devient désaffectée, tous ces investissements que d'autres ont consentis et les ventes au détail que cela apporte seront sérieusement compromis.

J'ai déménagé à Taber en 1993 et sur la rue principale et les rues adjacentes, il y avait des magasins qui étaient vides jusqu'à il y a environ un an et demi, après quoi, miraculeusement, contrairement à ce que beaucoup de gens craignaient, quand Wal-Mart est venu s'installer, le centre-ville n'est pas devenu un désert. Des commerçants sont venus s'installer dans tous les locaux vacants. Je dirais que 70 p. 100 des locaux commerciaux de Taber sont occupés.

Vauxhall a la plus grande superficie plantée en betterave à sucre, environ 12 000 acres. Si cela disparaît, ce sera remplacé par les céréales, car des usines de patates frites ont été construites dans le sud de l'Alberta quand le dollar canadien était à 70 cents. Aujourd'hui, à 90 cents, nous n'ajouterons pas 30 000 acres de pommes de terre ou de quoi que ce soit d'autre. Si le secteur de la betterave à sucre disparaît, il ne sera pas remplacé par un revenu agricole équivalent, mais par un revenu inférieur tiré des céréales, qui souffrent actuellement de la pire crise depuis longtemps.

Il est très important pour nos localités et exploitations agricoles du sud de l'Alberta que l'on continue de cultiver la betterave à sucre. Nous avons investi des centaines de millions de dollars en infrastructure, à la fois le gouvernement de l'Alberta et les agriculteurs, et tout cela n'est pas nécessaire pour cultiver des céréales. Nous pouvons le faire sur des terres arides.

Le sénateur Gustafson : Le boom pétrolier, tout au moins en Saskatchewan, et je pense en Alberta aussi, a créé deux économies. Cet extraordinaire essor pétrolier a eu des conséquences négatives dans beaucoup d'économies agricoles, parce que l'on ne trouve plus personne à embaucher. C'est bon pour les rentrées fiscales du gouvernement provincial, il n'y a aucun doute là-dessus. Les petites villes ont prospéré grâce au boom pétrolier. Dans quelle mesure Taber et les localités environnantes en bénéficient-elles?

M. Webster : Taber et Vauxhall ont de petits secteurs pétroliers et des services. Chose certaine, on n'arrive pas à trouver des gens à embaucher pour presque n'importe quel travail. Nous avons rencontré le ministre Emerson mardi et ce dernier nous parlait de camionnage et peut-être de visiter la région productrice de betterave à sucre. Nous lui avons dit : Vous avez une première classe. Si vous venez, nous allons vous montrer l'industrie de la betterave à sucre de près. C'était difficile de trouver des camionneurs pour transporter la betterave à partir de la ferme.

Le sénateur Tkachuk : Cette lettre adressée aux ministres Emerson, Solberg, Strahl, ou autre, ne comporte aucune signature.

La présidente : Je crois qu'elle émane de la Chambre de commerce de Lethbridge.

Le sénateur Tkachuk : Je vous demanderais d'apporter des précisions sur certains passages de la lettre. On y dit que les États-Unis ont un régime de gestion de l'offre étroitement contrôlé pour le sucre.

M. Webster : Oui. C'est ainsi que l'industrie fonctionne. C'est une forme de gestion de l'offre. L'industrie du sucre américaine se voit accorder un contingent pour approvisionner un certain pourcentage du marché, après quoi on comble le reste du marché en remplissant les engagements pris dans le cadre de l'OMC et d'autres engagements commerciaux relativement aux importations. Oui, le secteur américain du sucre fonctionne selon un régime de gestion de l'offre.

Le sénateur Tkachuk : J'ignore si vous avez lu la lettre. Elle dit que le gouvernement américain a sciemment et délibérément établi un régime de progressivité tarifaire pour les produits intermédiaires de la betterave à sucre avec le Canada en 1995 et 1996. Qu'est-ce que c'est que cette histoire?

M. Webster : Autrefois, avant que nous ayons un accord de libre-échange, nous avions un meilleur accès au marché des États-Unis qu'après avoir signé plusieurs accords de libre-échange, ce qui nous a toujours paru curieux. Cependant, j'ai assisté en 2005 à la réunion d'été de l'American Sugar Alliance tenue en Idaho, et j'ai eu à cette occasion un long entretien avec l'avocat qui est aujourd'hui un lobbyiste du sucre, mais qui travaillait alors pour le Département de l'agriculture des États-Unis et le Bureau du représentant américain au commerce. Quand l'OMC a été mise en oeuvre, il m'a dit carrément : « Nous avons ciblé votre sucre dans cet accord commercial et nous avons resserré les règles et avons supprimé votre accès au marché, tout cela par vengeance. » C'était donc directement lié à un conflit sur la gestion de l'offre.

Le sénateur Tkachuk : En clair, voici donc ce qui s'est passé : Les droits de douane ont été augmentés durant ces deux périodes pour empêcher les produits finis d'entrer aux États-Unis; c'était une forme de représailles et cela s'est fait sous l'égide de l'OMC.

M. Webster : Oui. Initialement, notre accès au sucre raffiné a disparu, mais il y a eu ensuite un accord accessoire par lequel le programme de réexportation du Département de l'agriculture pouvait continuer de fonctionner au Canada, et l'on nous a accordé 10 000 tonnes de sucre raffiné. Ce n'était pas suffisant pour garder ouverte la raffinerie de betterave à sucre de Winnipeg, parce qu'elle expédiait entre 30 000 et 40 000 tonnes aux États-Unis avant l'OMC et son marché est disparu; elle a donc dû fermer et nous sommes menacés du même sort.

M. Friesen : Votre première question sur la gestion de l'offre illustre le problème du jus épais de betterave à sucre, parce que les États-Unis imposent des contingents. Auparavant, s'ils importaient du jus épais de betterave à sucre, ce produit manufacturé n'était pas imputé à leur contingent, mais voici qu'ils veulent changer cela de manière que si vous importez le produit aux États-Unis pour faire de la fabrication, ce sera maintenant imputé au contingent qui leur est attribué sur le plan intérieur.

Le sénateur Tkachuk : Vous savez ce que je pense de la gestion de l'offre. Au moins, mes convictions sont cohérentes.

Le secteur a-t-il des amis politiques, par exemple des groupes de consommateurs? Ces groupes feront-ils parvenir une lettre ou une proposition ou un mémoire à ce registre américain au sujet du produit en question? Pouvons-nous entreprendre des démarches auprès d'amis politiques à la Chambre ou au Sénat, ou pouvons-nous nous rendre utiles d'une autre manière?

M. Webster : Oui, des alliés du secteur canadien de la betterave à sucre vont présenter des mémoires.

Le sénateur Tkachuk : Des clients.

M. Webster : Oui. Il y a la Sweetener Users Association. Notre président, Merrill Harris, le vice-président Marcel Vanden Dungen et moi-même avons assisté à la Semaine de l'Alberta à Washington à la fin de juin pour rencontrer ces gens-là et il y a des membres du Congrès qui aimeraient voir des changements au programme du sucre. Il y a des alliés comme les groupes de consommateurs, les utilisateurs de sucre, la compagnie qui importe le jus épais de betterave à sucre, et puis l'ambassade canadienne déploie beaucoup d'efforts, par l'entremise du conseiller à l'agriculture et aux pêches, pour défendre nos intérêts. C'est un débat interne parmi les Américains. Beaucoup d'entreprises américaines vont formuler des commentaires sur cette décision. L'Alberta a un bureau à l'ambassade et nous espérons que Murray Smith s'occupera activement du dossier. Il y a des gens que l'on peut contacter.

La présidente : Peut-être pourrions-nous avoir une liste de noms.

Le sénateur Tkachuk : Je me disais, madame la présidente, qu'il n'y a aucune raison pour laquelle notre comité ne pourrait pas présenter un mémoire.

La présidente : C'est une bonne idée.

Le sénateur Tkachuk : Nous pouvons discuter avec nos fonctionnaires du commerce pour voir si nous pourrions prendre à notre compte certains arguments, et rien ne nous empêche de le faire, car ils connaissent nos sentiments à ce sujet.

La présidente : Bonne idée.

Le sénateur Peterson : Je suppose que le produit que vous expédiez aux États-Unis n'influe pas dans un sens ou dans l'autre sur le prix du sucre aux États-Unis. Nous ne pouvons pas invoquer l'argument que nous influons sur le prix dans un sens ou dans l'autre.

M. Webster : Non, notre part de marché d'un quart de 1 p. 100 n'est pas assez importante. Le programme américain du sucre est géré efficacement, de sorte que le prix cible est généralement atteint et que notre apport en termes d'offre ne fait aucune différence.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'un tiers de votre récolte en Alberta est expédié aux États-Unis. Est-ce également le cas pour le sud de l'Ontario? Vous avez dit que le produit est en grande partie expédié au Michigan. Est-ce environ le tiers?

M. Webster : Cent pour cent des betteraves du sud de l'Ontario sont expédiées aux États-Unis, et le sucre reste dans ce pays parce que le prix y est plus élevé. Pas une miette ne revient au Canada. Le produit sert intégralement à ajouter de la valeur à l'économie américaine.

Le sénateur Callbeck : Et qu'en est-il des autres régions du Canada où l'on cultive la betterave à sucre?

M. Webster : On en cultivait dans bien des régions du Canada, mais le secteur manitobain est disparu après la récolte de 1996. Au Québec, la dernière récolte date d'environ 1985, et en Ontario, les précédentes récoltes datent d'environ 1967. Il y a déjà eu des secteurs de la betterave à sucre un peu partout au Canada, mais c'est en Alberta que le secteur a survécu et il a ressuscité dans une certaine mesure en Ontario, mais il ne se fait absolument aucune transformation du produit ici.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'un tiers de votre récolte va aux États-Unis et vous avez mentionné les usines de Rogers Sugar à Vancouver et celle de Taber. Ces deux usines prennent-elles les deux autres tiers, soit le reste de la production?

M. Webster : Au maximum, un tiers de notre récolte a été expédié vers ces usines. Nous venons d'avoir une abondante récolte et nous devrons en expédier un pourcentage élevé aux États-Unis. Essentiellement, Taber fournit le marché des Prairies et Vancouver fournit le marché de Colombie-Britannique. Tous les produits spécialisés sont fabriqués en Colombie-Britannique. Je veux dire par là le sucre en cubes, le sirop de glucose de Rogers, etc. La mélasse de canne peut être consommée par les humains, mais la mélasse de betterave n'a pas un goût acceptable. Les vaches aiment cela, mais vous ne voudriez pas en mettre dans du sirop.

Le sénateur Callbeck : Y a-t-il un moyen quelconque d'augmenter la valeur ajoutée au Canada?

M. Webster : Le seul moyen serait d'obtenir des changements à l'OMC, car c'est là que doivent se régler nos contentieux commerciaux, et d'obtenir une plus grande part du marché pour pouvoir raffiner ce sucre à Taber et l'expédier n'importe où dans le monde, probablement aux États-Unis, sous forme de sucre raffiné emballé. Nous préférerions l'expédier aux États-Unis sous forme de produit comportant davantage de valeur ajoutée, mais la situation actuelle est que nous devons nous contenter de la part de marché que nous avons. Il est certain que nous pourrions le faire. Nous envisageons aussi des utilisations dans des domaines autres que l'alimentation. Nous espérons qu'avec le temps, pour surmonter ce problème, nous pourrons trouver quelque chose d'autre à faire avec la betterave, parce qu'expédier des denrées agricoles au-delà des frontières, c'est une expérience à s'arracher les cheveux.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'utilisation non alimentaire. De quoi s'agit-il?

M. Webster : L'éthanol est une possibilité qui intéresse bien des gens. Il se fait de la recherche partout dans le monde, notamment dans le centre d'innovation à Saskatoon, au Conseil de recherche de l'Alberta et dans les bioplastiques. Il peut y avoir d'autres options intéressantes. À titre d'organisation représentant les cultivateurs, nous frappons sans relâche à la porte de Rogers Sugar pour leur dire : « Que penseriez-vous de faire des affaires avec un tel? » Ce sont souvent des entreprises lancées avec du capital de risque et il faut donc que l'affaire fasse ses preuves d'abord. Nous savons que les marchés agricoles sont durs et nous allons survivre dans l'agriculture et nous passerons à autre chose.

Le sénateur Callbeck : Autrement dit, tout cela est encore au niveau de la recherche?

M. Webster : Oui.

Le sénateur Gustafson : Je me demande si je devrais soulever la question, mais ces dernières années, le climat politique ou le climat entre le peuple canadien et le peuple américain s'est quelque peu empoisonné. J'habite tout près de la frontière et je sais ce qui s'est passé. Comme vous l'avez dit, nous dépendons du marché américain pour la betterave à sucre, et aussi pour le pétrole et le gaz, le bois d'oeuvre et le bétail. Il nous faut de bonnes relations de travail avec les Américains, autrement nous sommes dans le pétrin. Quand des gens très médiatisés au Canada posent des gestes comme ceux que l'on a vus depuis deux ans, cela n'aide pas du tout notre situation. Je vous le dis franchement, je suis très inquiet au sujet de l'anti-américanisme qui se répand au Canada; cela aura des répercussions sur l'avenir économique du Canada. C'est tout ce que je vais en dire. Je trouve que c'est important et je comprends l'argument de M. Friesen. Nous devons plaider notre cause et nous devons être fermes dans notre défense des droits du Canada, mais il y a une manière de s'y prendre.

M. Webster : Le sud de l'Alberta est une région qui appuie fermement les États-Unis. Beaucoup de producteurs de betterave à sucre élèvent du bétail et cultivent du blé. C'est un manège qui tourne sans fin et c'est pourquoi les Américains devraient éviter comme la peste de se mêler de conflits d'envergure insignifiante comme celui-ci. L'animosité que cela crée parmi des alliés naturels est pire que tout avantage qu'ils pourraient obtenir en empêchant l'expédition de 30 000 tonnes de sucre vers le sud.

Le sénateur Gustafson : C'est un exercice qui touche les sénateurs de tous les États et dont les retombées politiques sont négatives pour nous, si nous n'adoptons pas une attitude raisonnable.

M. Friesen : Absolument, le sénateur Gustafson a raison. Il est extrêmement important d'établir des marchés d'exportation partout dans le monde, mais je suis fatigué d'avoir à le faire constamment simplement parce que le pays voisin du nôtre, avec lequel nous avons un accord de libre-échange, nous empêche d'avoir accès à son marché. Nous exportons entre 26 et 30 milliards de dollars par année. La moitié de ces exportations vont encore aux États-Unis et c'est pourquoi les accords commerciaux sont tellement importants. Nous ne pouvons guère nous permettre qu'un pays change tout simplement ses règles sans crier gare, ébranlant du même coup notre secteur agricole. Merci beaucoup pour votre attention.

La présidente : Merci à tous les deux. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir témoigner. Nous renvoyons M. Webster à Taber en lui souhaitant le meilleur succès. Veuillez garder le contact avec nous. Des intervenants ont évoqué la possibilité que nous donnions un coup de pouce dans ce dossier. Le sénateur Tkachuk en a parlé. Nous allons rester en contact et nous trouverons la bonne manière de s'y prendre. Nous allons essayer d'être utiles.

Nos témoins suivants ce matin représentent Affaires étrangères et Commerce international Canada. Ce sont Tom Oommen, directeur par intérim, Accès aux marchés multilatéral, et Jennifer Fellows, agente principale de politique commerciale, Accès aux marchés multilatéral. Nous accueillons aussi Susan Sarich, directrice adjointe, Politique commerciale de l'hémisphère occidental, Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Tom Oommen, directeur par intérim, Accès aux marchés multilatéraux, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de concert avec les fonctionnaires d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et ceux de notre ambassade à Washington, ont travaillé au dossier des récentes propositions faites par les États-Unis qui pourraient avoir des répercussions sur les exportations canadiennes de jus épais de betterave à sucre. Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire le point sur nos activités dans ce dossier.

Comme on l'a dit tout à l'heure, en septembre, le département de la Sécurité intérieure et le département de l'Agriculture des États-Unis ont publié chacun dans le Federal Register des États-Unis un appel de commentaires sur des propositions de l'industrie sucrière américaine visant à réduire sensiblement les exportations de jus épais de betterave à sucre du Canada. Le jus épais de betterave à sucre est classé par les Douanes américaines sous la ligne 1702.90.40 du système harmonisé. Cette ligne tarifaire, dans le régime douanier américain, n'est pas visée par un contingent tarifaire, de sorte que le jus épais de betterave à sucre du Canada entre actuellement aux États-Unis en franchise. Par contre, le sucre raffiné obtenu à partir du jus épais de betterave à sucre est assujetti à un contingent tarifaire.

En 2005, le Canada a exporté près de 36 000 tonnes métriques de jus épais de betterave à sucre d'une valeur estimative de 12,5 millions de dollars US. Ces 36 000 tonnes métriques de jus épais de betterave à sucre sont l'équivalent d'environ 23 000 tonnes métriques de sucre brut, soit plus du double du contingent canadien de sucre raffiné, qui est de 10 300 tonnes métriques. Cela représente beaucoup de jus épais de betterave à sucre, en comparaison de notre contingent de sucre.

Le jus épais exporté, qui provient de l'usine de Taber, en Alberta, aide à maintenir viable le secteur de la betterave à sucre en Alberta.

Certains producteurs américains de sucre prétendent que les importations de jus épais de betterave à sucre concurrencent directement le sucre produit aux États-Unis et qu'elles constituent donc un moyen de contourner l'esprit sinon la lettre du programme sucrier américain. Ils ont donc demandé au département de la Sécurité intérieure de reclasser le jus épais de betterave à sucre de manière à le frapper d'un contingent tarifaire.

Cette mesure pourrait réduire sensiblement les exportations canadiennes. C'est l'objet du premier des deux avis que j'ai mentionnés. Le deuxième avis est ce qu'on appelle un avis préalable à la prise d'un règlement; en l'occurrence, le département de l'Agriculture des États-Unis invite les intéressés à formuler leurs commentaires en vue de l'élaboration d'un nouveau règlement qui modifierait la manière dont est administré le système américain de contingents intérieurs de sucre.

Le programme sucrier des États-Unis est fondé sur l'équilibre entre l'offre intérieure aux États-Unis et la demande intérieure à un niveau qui permet de maintenir des prix relativement élevés pour les producteurs américains de betterave à sucre et de canne à sucre. Dans un régime où l'offre correspond étroitement à la demande, il faut contrôler les importations de sucre dans ce marché. Par conséquent, le système exige le recours à des contingents tarifaires pour réguler le niveau des importations, ainsi qu'un système de contingents applicables aux entreprises de transformation aux États-Unis qui restreignent la quantité de sucre qu'ils peuvent produire à un niveau calculé de manière à correspondre à la demande intérieure à un certain prix cible.

À l'heure actuelle, le sucre produit à partir de jus épais de betterave à sucre importé n'est pas comptabilisé dans le calcul des contingents accordés aux entreprises de transformation américaines. L'avis de modification proposé des règlements vise à changer cela et à défalquer ce sucre du contingent intérieur. On ne sait pas si cette proposition pourrait vraiment être appliquée, ni à quelle date elle le serait. On estime que le sucre produit à partir du jus épais du Canada représenterait environ 0,5 p. 100 du contingent intérieur aux États-Unis pour le sucre de betterave à sucre et 0,3 p. 100 du contingent total, qui comprend le sucre fabriqué à partir de la betterave à sucre et de la canne à sucre. Si cette proposition était mise en oeuvre, elle pourrait réduire sensiblement les exportations canadiennes aux États-Unis. Nous sommes préoccupés par l'affirmation voulant que les importations de jus épais de betterave à sucre en provenance du Canada se trouvent en quelque sorte à contourner le programme sucrier américain, parce que les importations aux États-Unis de jus épais de betterave à sucre provenant du Canada sont telles que les exportations canadiennes sont tout à fait conformes aux exigences douanières américaines.

L'échéance pour formuler des commentaires sur les avis publiés dans le Federal Register est fixée au 7 novembre 2006 pour l'avis du département de l'Agriculture, et au 13 novembre 2006 pour l'avis du département de la Sécurité intérieure. Les fonctionnaires des deux ministères travaillent à la rédaction de commentaires sur les deux avis à l'appui du secteur canadien de la betterave à sucre. Bien sûr, tout au long de ce processus, nous avons maintenu le contact avec l'industrie. Nous continuerons de consulter le secteur pour mettre la dernière main aux observations formulées par le gouvernement.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Oommen, vous avez dit que si les propositions sont mises en oeuvre, elles pourraient réduire sensiblement nos exportations aux États-Unis. Il n'y a aucun doute que de telles mesures auraient des conséquences négatives pour nous. Pourquoi avez-vous dit qu'elles « pourraient « réduire nos exportations?

M. Oommen : Sénateur, je suis prudent parce que nous ne savons pas avec certitude ce que l'avenir nous réserve. J'insiste sur ce qu'ont dit les témoins précédents, à savoir que nous ne savons pas quel sera en bout de ligne le résultat de ce processus. Il faut tenir compte de nombreux facteurs, notamment les considérations politiques entourant les élections de mi-mandat aux États-Unis. Il est difficile de prédire ce qui va se passer et sur quoi ce processus va déboucher, à supposer qu'il soit mis en oeuvre.

Le sénateur Callbeck : Si ces propositions sont adoptées telles quelles, elles nuiraient certainement à nos exportations, n'est-ce pas?

M. Oommen : Oui, je dirais que c'est exact.

Le sénateur Peterson : Les discussions qui ont eu lieu antérieurement au comité indiquent que cela pourrait être dicté et que c'est tout probablement dicté par des considérations politiques au niveau le plus élevé. Par conséquent, les élections de cet automne sont la principale explication de cette initiative visant à changer le libellé pour le rendre plus avantageux pour eux. À quel niveau tentons-nous d'influer sur le cours de cette affaire? Est-ce une affaire commerciale et pouvons-nous contester le libellé qu'ils pourraient choisir d'appliquer? Comment le Canada aborde-t-il cette question?

M. Oommen : Sénateur, comme vous le savez, les avis ont été publiés dans le Federal Register au début de septembre. Depuis, nous avons fait des travaux pour en analyser la teneur et pour déterminer la meilleure façon pour nous de réagir. Chose certaine, nous allons présenter officiellement des commentaires dans le cadre du processus établi relativement aux deux avis. Je pourrais vous décrire en partie la teneur de chacun des avis et vous dire à quels éléments nous allons nous attarder, mais nous travaillons actuellement dans le cadre du processus officiel, après quoi nous formulerons probablement des recommandations à nos ministres quant aux étapes suivantes qui pourraient être entreprises à d'autres niveaux également.

Le sénateur Tkachuk : Cette demande de l'industrie sucrière aux États-Unis entraînerait-elle l'imposition d'un droit de douane sur toutes les exportations, ou bien les Américains proposent-ils un contingent?

M. Oommen : Le tarif douanier actuel est de zéro pour le Canada. La ligne tarifaire est le 1702.90.40. Le fait que le jus épais de betterave à sucre soit classé sous cette ligne tarifaire est avantageux en ce sens que nous ne payons aucun droit et qu'il n'y a pas de contingent tarifaire. Les avis publiés par les États-Unis renferment une proposition visant à reclasser le jus épais de betterave à sucre sous la ligne tarifaire 1701.12.10 ou 1701.12.50. Aux termes du système américain, ces lignes tarifaires imposeraient un contingent tarifaire au Canada.

Le sénateur Tkachuk : Le résultat serait-il un contingent tarifaire ou bien l'imposition immédiate d'un droit de douane sur la première tonne qui entre aux Etats-Unis? Comment cela fonctionnerait-il? Est-ce qu'une certaine quantité pourrait entrer en franchise, après quoi des droits seraient imposés?

Jennifer Fellows, agente principale de politique commerciale, Accès aux marchés multilatéral, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Je crois que ces deux lignes tarifaires comportent l'imposition de contingents tarifaires, mais je ne sais pas à combien s'élève le droit applicable ou quelle est la quantité actuellement exportée au titre de ces lignes tarifaires. Je pense qu'il s'agit d'une autre forme de betterave à sucre, de sorte qu'une certaine portion relèverait de cette ligne tarifaire et serait frappée d'un droit très bas ou de zéro. Quant à savoir si ce contingent serait comblé par le jus épais, dans l'éventualité où ce jus était classé comme tel, ou par quelqu'autre produit, je l'ignore. Tout dépend de la manière précise dont le contingent tarifaire est administré.

Le sénateur Tkachuk : En reclassant le jus de betterave sous les lignes tarifaires 1701.12.10 et 1701.12.50, les Américains se trouvent à assimiler ce jus à un autre produit, n'est-ce pas?

M. Oommen : En effet. Le ministère est d'avis que les rubriques 1701 étaient censées s'appliquer au sucre se présentant sous forme solide.

Le sénateur Tkachuk : S'agit-il de sucre brut ou de produit fini?

M. Oommen : C'est du sucre brut sous forme solide. Les requérants américains suggèrent une autre possibilité, à savoir la ligne tarifaire 1702.90.58. Encore là, le ministère est d'avis que la ligne 1702.90.58 ne convient pas parce qu'il s'agit d'une catégorie « autre », par exemple pour le sucre fabriqué à partir d'un produit autre que la betterave à sucre ou la canne à sucre. Il nous semble évident que le reclassement tarifaire demandé par les requérants dans cette affaire est illogique et absurde.

Le sénateur Tkachuk : Vous nous avez dit que vous êtes en train d'élaborer une réponse, qu'aucune réponse n'a encore été publiée, mais qu'on s'affaire à la rédiger. Si nous décidons d'écrire, il est préférable d'écrire aux politiciens ou, mieux encore, d'ajouter à la réponse des fonctionnaires dont vous vous occupez — ou peut-être les deux? Je pense le savoir, mais quand on entre dans les détails, tout cela semble assez technique; c'est au-delà de mes compétences, de toute manière. Je suis sûr que d'autres sénateurs ici présents pourront démêler tout cela.

Est-ce que ce serait utile?

M. Oommen : Notre approche standard consiste à utiliser tous les outils qui sont à notre disposition. En toute justice pour les Américains, il faut reconnaître qu'ils ont un processus assez transparent de publication dans le Federal Register comportant des échéances fixes et la possibilité d'intervenir pour tous les intéressés. Nous allons assurément en tirer parti. C'est la voie officielle.

Nous allons recommander à nos ministres de faire également des démarches plus directes. Il y a différentes possibilités, mais il est certain que nous n'allons pas manquer de participer au processus qui nous est immédiatement accessible.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il déjà eu des cas semblables à celui-ci? Je suis sûr que c'est le cas. Après l'échéance, quand vont-ils rendre une décision?

Les élections auront eu lieu. Cette affaire ne va donc pas les aider dans cette campagne électorale. Et puis il y a l'échéance pour la Sécurité intérieure, qui est encore plus lointaine. Combien de temps leur faut-il pour décider des mesures à prendre après l'expiration des échéances?

Susan Sarich, directrice adjointe, Politique commerciale de l'hémisphère occidental, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Tout dépend de la question à l'étude. C'est comme une sorte d'avertissement, une publication préalable dans la Gazette; ils se trouvent à dire qu'ils envisagent de prendre une certaine mesure et qu'ils veulent obtenir les impressions des parties intéressées dans leur pays. Cela donne aussi la possibilité aux intervenants internationaux et à d'autres parties de faire connaître leurs commentaires, et c'est ce que nous faisons.

Tout pourrait aller vite ou lentement. Cela dépend de la volonté d'agir au Département de l'agriculture des États- Unis. Il faudra du temps pour lire tous les mémoires. Cela dépendra du nombre et de la complexité des mémoires. Après avoir complété leur analyse et mené à terme un processus décisionnel interne, ils prendront une décision.

Cependant, dans le cas du reclassement, ce n'est pas un préavis de changement au règlement. Ce n'est pas comme l'avis du USDA, qui est un préavis de modification proposée des règlements relativement aux contingents. Dans le cas de l'avis de reclassement tarifaire, on se trouve simplement à dire : « Les intervenants de notre secteur nous ont demandé de prendre la mesure suivante et nous invitons les intéressés à formuler des commentaires. »

Quant à l'autre avis qui a été publié par le département de l'Agriculture des États-Unis, il s'agit comme je l'ai dit d'un préavis de modification proposée des règlements, ce qui donne une indication un peu plus précise; on a réfléchi à l'interne à un éventuel changement des politiques. L'étape suivante serait une proposition de règlement. « Nous avons publié l'avis, nous avons obtenu une foule de commentaires. » Ensuite, s'ils veulent aller de l'avant, cela prendra la forme d'un règlement proposé, qui serait aussi assorti d'une période de commentaires.

Le sénateur Tkachuk : Quand ils prennent un règlement, le processus est-il semblable au nôtre, ou bien s'agit-il d'un processus législatif?

Mme Sarich : Je n'en suis pas certaine. Je pense qu'il s'agirait plutôt de règlements que de lois comme telles, parce que pour légiférer, il faut passer par la Chambre. Dans l'autre éventualité, il s'agirait simplement d'apporter un changement à leur politique intérieure, ce qui pourrait se faire sans le concours de la Chambre.

La présidente : Si le comité était d'accord pour rédiger une lettre ou pour faire une intervention quelconque, pourrions-nous compter sur votre aide?

M. Oommen : Bien sûr. Nous sommes à votre disposition par l'intermédiaire des bureaux de nos ministres respectifs.

La présidente : Je suis contente que vous ayez évoqué cette possibilité, parce que nous devrions envisager de le faire.

Le sénateur Tkachuk : Il y a aussi les comités de l'agriculture. Ils ont leurs propres sujets d'étude; je ne peux pas prédire avec certitude quelle position ils vont adopter dans cette affaire.

La présidente : Ils étudient encore l'ESB.

Le sénateur Tkachuk : C'est possible. Nous devrions adopter la voie politique, si nous pouvons déterminer à qui envoyer la lettre. Je pense que c'est l'élément le plus important, de décider s'il faut passer par les canaux officiels ou peut-être emprunter la voie politique.

La présidente : Nos recherchistes peuvent peut-être se pencher sur la question.

Le sénateur Gustafson : Je veux faire un commentaire. Notre présidente s'y connaît probablement plus que moi. Les gens travaillent très dur dans ce secteur; ils travaillent aux champs en bottes de caoutchouc. Ce que je dis, et notre présidente l'a déjà dit à la fois au Sénat et au comité, c'est que la vie de ces gens-là est directement touchée par cette affaire. C'est important que nous la prenions au sérieux et que nous fassions tout notre possible pour leur venir en aide. Il faut espérer que cela va se résorber. Sinon, les conséquences seront déplaisantes.

La présidente : Je suis d'accord avec le sénateur Gustafson. Parfois, quand on habite et travaille dans la capitale nationale, on a tendance à oublier ce qui se passe ailleurs. Le sénateur Gustafson ne l'oublie jamais, parce qu'il retourne fréquemment faire les récoltes, assis sur son tracteur. Il sait ce qui se passe sur la terre.

J'essaie de garder le contact avec ce secteur parce qu'il est spécial. Chose certaine, le temps des récoltes est marqué par la joie et l'enthousiasme. Cette saison-ci a été au contraire très difficile parce que tout cela se passait au moment même où les gens s'apprêtaient à célébrer les récoltes en fin de semaine dernière. Il est certain que l'on a festoyé beaucoup moins que les années précédentes.

Néanmoins, comme le sénateur l'a dit, ce sont des gens qui travaillent dur. Ils produisent une denrée qui est nécessaire. Si des changements ont un impact sur les agriculteurs eux-mêmes, les retombées se font automatiquement sentir dans l'ensemble de la collectivité et c'est toute la situation économique qui s'en ressent. Rogers possède une importante usine à Taber. Les conséquences seraient graves et se feraient sentir même dans ma propre ville de Lethbridge.

Le sénateur Peterson : Un intervenant précédent a dit que nos exportations de ce produit aux États-Unis n'ont absolument aucun effet sur les producteurs ou tout autre intervenant là-bas. C'est une part minuscule du marché.

Habituellement, dans un conflit commercial de ce genre, quelqu'un est lésé, un producteur est victime de dumping ou de concurrence déloyale. Ce n'est pas du tout le cas en l'occurrence. Tous les chiffres que vous avez cités, les efforts visant à reclasser le produit dans une autre catégorie, tout cela n'est qu'un écran de fumée, on veut simplement fermer la frontière. La stratégie consiste à rechercher la totalité de la valeur ajoutée et il m'apparaît donc que la stratégie des Américains dans ce dossier est fondée sur les distorsions commerciales. Cela ne les ébranle nullement, personne n'est lésé, alors à quoi peut-on attribuer cette initiative?

Après novembre, peut-être que tout cela va se résorber si, comme on l'a dit tout à l'heure, l'affaire est dictée par les élections plus que toute autre chose. C'est une situation bizarre puisqu'une portion tellement minuscule du marché, qui ne nuit absolument à personne, se fait claquer la porte au nez. En examinant notre stratégie, nous devons tenir compte de cette situation.

La présidente : Il est certain que c'est une voie que nous allons suivre. Avez-vous d'autres réflexions, monsieur Oommen, de votre point de vue et du point de vue du ministère, quant à la manière dont nous pourrions nous rendre utiles?

M. Oommen : Je voudrais dire que le fait que nous soyons ici après un si court préavis démontre à mon avis que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et le ministre du Commerce international sont tous les deux très actifs dans ce dossier. Ils nous ont demandé de nous en occuper et de faire tout en notre pouvoir pour aider nos producteurs. Je tiens à insister sur le fait que c'est prioritaire pour nous.

La présidente : Je vous en remercie. Quand je suis arrivée à Taber jeudi soir dernier, j'ai remarqué la présence d'un jeune homme de notre ambassade à Washington. Il avait aidé le sénateur Tkachuk, le sénateur Gustafson et moi-même lors de notre visite au Congrès à propos d'un autre dossier, nommément l'ESB. La présence de ce jeune homme nommé Fred Gorrell à Taber m'a mis la puce à l'oreille; je me suis dit que sa présence devait s'expliquer par un dossier important. Je dois dire que les agriculteurs ont été très encouragés par sa présence, qui indiquait que l'ambassade était préoccupée, comme nous le sommes tous, et qu'il se souciait suffisamment du problème pour venir sur place, comme nous avons coutume de dire en politique.

Le sénateur Tkachuk est le principal intervenant au comité. Nous allons poursuivre nos travaux et peut-être communiquer de nouveau avec vous. Chose certaine, nous ne prendrons aucune mesure sans avoir d'abord averti les ministres en cause et sans leur avoir demandé de nous fournir toute l'aide possible.

Je vous remercie beaucoup d'être venus. Pour ceux qui suivent peut-être nos travaux à Taber ou ailleurs, c'est très réconfortant de constater que notre gouvernement national s'occupe du dossier et déploie beaucoup d'efforts pour les aider.

La séance est levée.


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