Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 10 - Témoignages du 7 novembre 2006
OTTAWA, le mardi 7 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 19 h 6 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Bonsoir honorables sénateurs, chers témoins et spectateurs qui observent à la télévision cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
En mai dernier, ce comité a été autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. Trop longtemps, les responsables des politiques et des politiciens ont fait mine d'ignorer les souffrances des pauvres des régions rurales.
Jusqu'à la fin de l'année, le comité entendra divers témoins, qui nous donnerons un aperçu de la pauvreté dans les régions rurales du Canada. Ces travaux seront la base sur laquelle se fondera le comité pour planifier son voyage dans les communautés rurales partout au pays l'année prochaine.
Nous accueillons ce soir Finn Poschmann, directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe. Nous le savons tous. M. Poschmann est l'auteur de nombreuses publications sur les finances publiques, l'impôt et les relations fédérales- provinciales.
Monsieur Poschmann, je vous cède la parole.
Finn Poschmann, directeur de la recherche, Institut C.D. Howe : Merci madame la présidente, je suis absolument ravi d'être ici. Je tiens à vous remercier, de même que les membres du comité, de m'avoir invité ce soir.
Je suis intrigué par votre commentaire sur le C.D. Howe Institute et ce qu'il entend. C'est le moment idéal pour dire que, bien que je sois directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe, nous tous qui travaillons pour l'institut exprimons nos propres idées, et pas nécessairement celles du conseil d'administration ou des membres. Maintenant qu'est donné cet avis de non-responsabilité officiel, c'est-à-dire que nous ne défendons pas les positions institutionnelles, nous avons les nôtres propres, je me lance.
Je n'ai pas préparé d'exposé parce que je pense qu'il est important d'avoir une discussion et un échange de points de vue libres. Vous ne voudriez certainement pas être assis ici, en cette belle soirée, à m'écouter lire ce genre d'exposé. Ce que je me propose de faire, c'est de répondre à certaines des questions que le comité m'a fait parvenir en prévision de cette réunion, d'exprimer mes réflexions sur le sujet, et de passer rapidement aux questions.
La première question que pose le comité, pour cette séance est, en fait, quelles mesures de la pauvreté je pourrais recommander. Autrement dit, comment devrions-nous mesurer la pauvreté en faisant l'évaluation des choix de politiques que nous décidons d'appliquer?
Je commencerai par dire qu'il est absolument essentiel de décider, d'abord et avant tout, ce qu'on veut mesurer, et pourquoi. Autrement dit, quel est l'objet de la mesure que vous cherchez à établir? Est-ce pour mesurer la pauvreté, ou l'inégalité des revenus? Ce sont des choses très différentes.
La plupart des mesures que nous voyons au Canada sont, sous une forme ou une autre, des mesures de l'inégalité des revenus. Pensons donc au seuil de faible revenu, ou aux mesures de faible revenu que nous fournit Statistique Canada; elles sont très utiles. Elles nous informent sur la répartition des revenus au Canada, mais ce sont néanmoins des mesures d'inégalité. Elles ne nous indiquent pas ce que signifie la pauvreté, ni le nombre de personnes qui vivent dans la pauvreté. Ce sont des mesures relatives indicatrices de la répartition des revenus dans les ménages canadiens, mais ne répondent pas à toutes les questions qu'aurait à poser quelqu'un au sujet de ce qu'est la pauvreté.
C'est mon premier message, c'est-à-dire que pour recommander une mesure de la pauvreté, il faut indiquer clairement ce qu'on veut en faire, et ce qu'on veut prouver en se reportant à une mesure de la pauvreté, et on doit au moins un peu se méfier de ces mesures relatives. Je tiens à être clair. J'ai une bonne raison pour vous inciter à vous méfier des mesures relatives. C'est parce que si vous choisissez de vous concentrer sur le segment à faible revenu de la population et, d'une année à l'autre, leur revenu augmente un peu, et vous avez le segment à revenu plus élevé de la population dont, une année sur l'autre, le revenu augmente encore, vous pourriez découvrir, avec une mesure de l'inégalité relative, comme la mesure du faible revenu, que l'écart s'est creusé. Si vous utilisez une mesure du faible revenu, ou un seuil de faible revenu pour mesurer la pauvreté, cette mesure pourrait vous dire que le nombre de pauvres a augmenté et que la situation s'est aggravée, même si la situation des gens du bas de l'échelle s'est améliorée par rapport à l'année antérieure. C'est une question d'arithmétique. Ce qui mène à de tels résultats, c'est que les gens du haut de l'échelle peuvent s'en être encore mieux tirés que le reste d'entre nous. Ce n'est peut-être pas un message très utile pour les responsables des politiques qui essaient de déterminer quoi faire, s'il y a lieu, au sujet de la pauvreté au Canada, ou de la pauvreté dans les régions rurales du Canada.
C'est pourquoi je vous incite à vous méfier des mesures relatives. Je ne dis pas que nous ne devrions pas les regarder; elles font partie du tableau. Cependant, il faut prendre garde à ne pas se fier sur elles seules. À leur place, les mesures de la consommation sont une bonne idée. Qu'est-ce que vous achetez? Combien achetez-vous de quoi, en tant que famille? La raison à cela, c'est qu'il y a un lien clair entre la consommation, ce qu'on achète, ce qu'on peut se permettre, ce qu'on apporte dans notre ménage et ce qui, selon nous, est le bien-être en rapport avec le revenu.
Une mesure de la consommation est généralement plus stable d'une année sur l'autre. C'est parce qu'une année, les gens économisent parce qu'ils font des réserves pour l'année suivante, et l'année suivante, quand la situation est moins reluisante ou quand le revenu baisse, ils encaissent des économies et s'en servent pour soutenir la famille ou le ménage jusqu'à l'année suivante. C'est la simple réalité. C'est ce que les gens font. C'est un moyen de gérer les variations des revenus du ménage. Les familles d'agriculteurs du Canada sont bien connues pour leur approche prospective de la gestion des finances du ménage, et c'est celle-là que tout ménage devrait avoir.
Une mesure de la consommation sonde les ménages pour déterminer, encore, combien ils achètent, et de quoi, une année donnée. C'est beaucoup plus régulier une année sur l'autre qu'une mesure de la pauvreté qui est fondée sur le revenu. C'est là une qualité importante, parce que la mesure à plus long terme vous dit quelque chose des expériences de toute une vie de la famille, ce qui est probablement un meilleur guide pour les politiques que quelque chose qui fluctue sans cesse avec les tendances actuelles et transitoires, les tendances des revenus ou les prix à la ferme si on pense au Canada rural. Le message, c'est qu'il faut utiliser quelques mesures, mais ne pas se fier seulement sur les mesures relatives de la pauvreté.
Pour illustrer clairement la raison pour laquelle vous ne devriez pas passer à la valeur de la consommation comme mesure de la pauvreté, songez au logement. Si vous êtes propriétaire de votre propre maison, vous n'avez pas de frais de loyer. Si vous n'avez pas d'hypothèque, vous n'avez pas de frais d'hypothèque. Si vous êtes propriétaire de votre propre maison, le bénéfice que vous tirez du fait de vivre dans votre propre maison pendant l'année est quelque chose qui est très important pour votre bien-être. Cet aspect de la mesure de votre bien-être ne sera pas reflété dans une mesure de la pauvreté fondée sur le revenu, c'est-à-dire en comptant combien d'argent vous avez fait cette année. Elle ne fera pas d'ajustements pour les facteurs comme le fait que vous vivez dans votre propre maison et si cette maison est payée.
Un parfait exemple, ici, est la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Bien plus d'habitants de Terre-Neuve-et- Labrador qu'ailleurs au Canada, pour diverses raisons, sont propriétaires de la maison dans laquelle ils vivent, et ils ont plus de chances que les résidents d'autres provinces de vivre dans des maisons dont ils sont les propriétaires, sans hypothèque. Cet état de chose, relativement aux communautés de Terre-Neuve-et-Labrador est un facteur qu'on voudrait prendre en compte dans l'évaluation des mesures de la pauvreté dans toutes les provinces.
Ceci m'amène immédiatement à une question qu'a posée le comité, soit quand on évalue le faible revenu, ou les mesures de la pauvreté, que peut-on dire de la disponibilité des services gouvernementaux dans les régions rurales, et dans les petites villes du Canada? Devrions-nous essayer de tenir compte de la disponibilité des services publics dans la mesure du bien-être des ménages?
La réponse est oui, il faudrait en tenir compte dans votre analyse de la question stratégique plus vaste sur ce qu'on peut en faire, mais je n'aimerais pas que ce soit trop emmêlé dans une question de mesure de la pauvreté ou du revenu. Il y a plusieurs raisons à cela. L'une est les problèmes directs de mesure conceptuelle, les problèmes de données, qu'il y a à essayer de dire quelque chose sur la valeur des services gouvernementaux qui sont offerts dans différentes communautés. Bien que je n'aime pas à la dire, si on ne peut pas mesurer quelque chose très bien, il est difficile d'extraire un message ferme sur ce qu'il faut faire en se fondant sur cette mesure incertaine.
L'autre chose, bien sûr, c'est qu'il y a un certain degré de sensibilité des services publics à la demande. Autrement dit, le degré et la mesure, l'éventail des services gouvernementaux qui sont fournis dans une région donnée sont nécessairement sensibles à la demande de ces services dans cette région. Pour en donner un exemple clair, dans un centre urbain comme Toronto ou Montréal, il y a une vaste demande de formation linguistique pour les immigrants de fraîche date, d'aide à l'installation pour les nouveaux membres de la communauté. Ce sont des services que devront offrir les centres urbains comme Montréal et Toronto et une part sera fournie par l'échelon provincial et l'autre par l'échelon fédéral, pour répondre à ces besoins. Il y a beaucoup moins de chances qu'une communauté rurale ait le moindre besoin de ce genre de dépenses publiques, tout simplement parce que les immigrants sont peu portés à s'établir dans une communauté isolée ou rurale. Le fait que de tels services ne sont pas accessibles dans cette communauté ne devrait pas tellement influer sur ce que nous pensons du rôle des services gouvernementaux dans l'évaluation du revenu. Je pense que c'est quelque chose d'important à dire.
Le message c'est que, bien sûr, les services publics et leur disponibilité, c'est important, mais ce n'est pas facile à mesurer et on pourrait bien ne pas capter ce qu'on cherche à capter en comptant ou en évaluant la disponibilité des services gouvernementaux.
L'autre question que pose le comité concerne la dimension agricole de la pauvreté dans les régions rurales et les petites villes. Le lieu où on vit au Canada, et le secteur dans lequel on est pèsent beaucoup, si je peux insister sur cet aspect. Pour quelqu'un du secteur des oléagineux en Alberta, sa perspective des revenus et des mesures stratégiques adoptées à l'égard des chocs transitoires sur les prix, des prix faibles comparativement aux prix élevés pour ce qu'il vend, sera très différente de celle d'un producteur de lait du Québec, elle sera très différente de celle d'un cultivateur de maïs de l'Ontario qui a probablement une assez mauvaise année et qui pense probablement qu'il n'aurait pas dû préparer la terre à l'automne pour la culture du maïs cette année, mais plutôt pour quelque chose d'autre. Je n'ai pas entendu tous les témoins qui sont venus devant le comité, mais le cours du maïs pose un peu de problème, cette année. Les enjeux, pour ces ménages, seront très différents de ceux que connaît un éleveur de bétail de l'Alberta qui, avec les répercussions de l'ESB, a certainement dû passer quelques mauvais moments. Là encore, tout cela est déjà du passé pour ce fermier, et les mesures stratégiques pour les ménages à faible revenu de l'Ontario rural seraient très différentes de celles que nous envisagerions pour l'éleveur de bétail qui se trouve en difficulté en Alberta, en Saskatchewan ou ailleurs.
D'un autre côté, si on pense aux villes dépendantes de l'exploitation forestière, le marché n'est pas très prospère dans le secteur des pâtes et papiers actuellement, et cela dure déjà depuis un certain temps. Là, qu'on soit au Québec, en Ontario ou en Colombie-Britannique, le resserrement des marges de profit est pareillement ressenti dans le secteur forestier. La position de chacun dépend de sa situation. Je ne pense pas qu'il puisse exister une solution générique et universelle pour les problèmes de revenu ou les chocs liés au revenu que subissent les ménages selon les secteurs et les lieux.
Quels sont les effets des revenus faibles sur les communautés agricoles? La réponse est brève, et c'est « je ne sais pas encore ». Je ne peux pas vous dire pourquoi ou comment la situation que vivent les communautés rurales et les familles rurales actuellement sont différentes de ce qu'elles peuvent avoir vécu dans les années antérieures. Les prix de plusieurs produits de consommation ont connu des cycles. La bénédiction et le fléau de l'existence du fermier c'est que, d'une année à l'autre et d'une saison à l'autre, les prix sont élevés et les prix sont faibles, et pour diverses raisons, l'une et l'autre situation peuvent se révéler mauvaises pour un ménage agricole. Là où je veux en venir, c'est que s'il y a des enjeux ou des difficultés liés aux prix pour les revenus agricoles au Canada actuellement, je ne sais pas en quoi c'est différent de n'importe quelle situation que nous avons déjà connue dans l'histoire économique du secteur agricole ou rural du Canada.
Le sujet suivant sur lequel le comité a invité des commentaires est la nature de la persistance à court et à long termes de la pauvreté rurale et les causes de la pauvreté persistante à court et à long termes. Là-dessus, nous pouvons nous tourner vers au moins certaines statistiques de Statistique Canada et d'autres organismes. D'après ces données, il n'y a pas tellement de différence entre les communautés rurales et les plus grands centres urbains quant aux chocs à court et à long termes. Vous vous demandez où ce que je veux en venir?
Qu'on vive dans une communauté rurale ou un centre urbain, quels facteurs vont de pair avec la probabilité qu'on vive dans la pauvreté? Prenons le cas d'un célibataire qui a peu d'instruction et pas d'emploi. Cela paraît évident, mais il ne faut jamais l'oublier. Un autre facteur, c'est le faible nombre de détenteurs d'emplois dans le ménage comparativement au nombre de personnes qui le constituent. Ce sont des facteurs qui sont liés au fait d'être pauvre ou de vivre dans la pauvreté. Ce sont les mêmes facteurs dans les communautés rurales que dans les centres urbains, du moins de façon générale. Ceci, je pense, est le message très important qu'il faut faire passer.
L'instruction revêt une importance déterminante pour les jeunes membres de la communauté qui entrent dans la population active. C'est vrai partout. Ce que les économistes appellent l'entrée et la sortie du faible revenu est étroitement lié à la composition de la famille et à la rupture de la famille. Une personne célibataire, sans instruction, sans conjoint ou conjointe, donc, surtout s'il y a des enfants, aura probablement un faible revenu. Les mesures que nous voulons prendre en tant que responsables des politiques visent à aider les gens à ne pas se retrouver dans cette situation pour commencer. Il n'y a pas tellement de différence entre les ménages urbains et ruraux.
Pour terminer, la dernière question que me pose le comité, c'est quelle politique je recommanderais pour composer avec certains de ces enjeux? C'est vraiment une superbe question, mais pas du tout facile. La première réponse est probablement ce qui n'est pas la réponse, c'est-à-dire que l'argent n'est probablement pas la réponse — soit les transferts à court terme ou les mesures d'aide aux ménages à court terme qu'offre le gouvernement. C'est très important pour ces ménages. Si on manque d'argent pour nourrir la famille, de gros transferts du gouvernement seront utiles, mais si on se préoccupe de pauvreté à long terme et de persistance de la pauvreté, cela semble une mesure stérile, compte tenu de ce qu'on sait des causes de la pauvreté.
Pensez à ce qui fait la prospérité des villes. Pourquoi les villes sont-elles plus riches que les communautés rurales? C'est en grande partie dû aux relations entre les gens et les entreprises dans les villes, qui n'existent pas dans les régions rurales. Le fait qu'un bon soutien des services soit fourni dans la ville et qu'il y ait un bon accès à l'expertise financière, architecturale, technique, tout cela favorise la productivité dans le milieu de travail, les initiatives et les entreprises. Ces choses nous sont accessibles dans les villes d'une façon où elles ne le sont pas dans les communautés rurales. Il y a une énorme interaction dans les communautés plus denses, tout simplement à cause de la densité de ces communautés et de la capacité des gens de travailler ensemble. Ils se renforcent mutuellement dans les communautés urbaines. Ce n'est pas que les communautés rurales ne le font pas, mais il y en a moins. Les compétences sont moins concentrées, les outils sont moins facilement accessibles pour stimuler la croissance.
Il est très difficile de lutter contre les signes du marché. Si on est dans une petite ville manufacturière dans le centre ou le Nord de l'Ontario et que la collectivité de quelque centaines d'habitants est tributaire depuis longtemps d'une scierie, où se trouvent quelques scies et pas beaucoup plus, ou une petite exploitation de pâtes et papiers, bonjour les problèmes. Il n'y a pas deux façons de voir cela. De fait, il ne reste probablement plus beaucoup de ces collectivités, en ce moment même. L'impossibilité de démarrer au plan économique, pour les petites exploitations, est une réalité absolue, pas quelque chose que le gouvernement est en mesure de réparer sur-le-champ. Je mettrais en garde les gouvernements contre la recherche de solutions fondées sur une lutte contre les forces du marché, parce que cela sera très difficile. De fait, le professeur Ilan Vertinsky a fait la semaine dernière, en Colombie-Britannique, un exposé fantastique, parce que le gouvernement de la Colombie-Britannique s'interroge sur ce qu'il doit faire du problème des petites villes à industrie unique de la Colombie-Britannique, parce qu'il y a beaucoup de villes tributaires de l'exploitation forestière dans la province, qui subissent d'énormes pressions en ce moment même. Le difficile message que reçoivent certaines de ces villes, c'est que nous ne pensons pas pouvoir tout de suite régler leur situation.
Pardonnez-moi si j'ai été un peu long, mais certains de ces sujets m'enthousiasment. Je terminerai ici.
Le président : Nous avons des sénateurs enthousiastes qui veulent poser des questions, et nous commencerons avec le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Merci d'être ici ce soir. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de venir. J'ai lu dans votre biographie que vous avez récemment publiée un ouvrage sur le traitement fiscal de l'épargne-retraite. Quelle est votre réaction aux changements aux fiducies de revenu que vient d'annoncer le gouvernement? Quel effet, selon vous, cela aura-t-il sur les Canadiens des régions rurales, plus particulièrement? Bien des habitants de ces régions sont plus âgés et pourraient compter dessus. Avez-vous un avis sur la question?
M. Poschmann : C'est une question très intéressante. J'ai un avis très arrêté là-dessus. Je dois admettre que je ne m'attendais pas à répondre à cette question en rapport avec la pauvreté rurale au Canada, s'il n'y avait eu les événements des dernières semaines. Dans ce contexte, il est certainement raisonnable qu'elle se pose maintenant.
La décision du gouvernement sur ce plan a certainement causé des remous dans bien des ménages des régions rurales du Canada, comme partout, et dans bien des conseils d'administration d'entreprises du Canada. On peut le comprendre, parce qu'il est certain que cela a causé un certain choc dans la communauté.
Je me sens particulièrement — je ne sais pas exactement quel terme utiliser. Je m'inquiète du bien-être des ménages qui, se fiant à leurs conseillers en investissements, ont investi une large portion de leurs économies dans un produit particulier dont la viabilité financière était tributaire des aspects étroitement restreints du code des impôts.
Cela ne les aide pas beaucoup. Je tiens à préciser que je ne suis pas conseiller en investissements. Néanmoins, ces ménages seraient bien avisés de ne pas investir une large portion de leur portefeuille dans un type particulier de produit et, certainement, de ne pas investir une vaste portion de leur bien dans un placement dont la comptabilité est très difficile à saisir, dont les normes de la divulgation sont assez embrouillées, dont la gouvernance se fait en marge de procédures de droit des entreprises poussées à l'extrême au Canada, et dont les perspectives financières dépendent entièrement d'une gamme particulière de traitements de faveur, accordés par la Loi de l'impôt du Canada.
Le sénateur Mercer : Je dirais que, peut-être une conséquence imprévue a-t-elle été la création de plus gros problèmes dans les régions rurales du Canada; cela n'a pas été intentionnel, pas le moins du monde. C'est le genre de choses qui arrivent quand on crée une politique qui pourrait être ou ne pas être efficace. Il y a toujours des gens qui sont touchés par elle.
J'ai été intrigué par votre commentaire sur les habitants de Terre-Neuve et le fait qu'ils ont plus de chances de vivre dans une maison qui leur appartient, le plus souvent sans hypothèque. La gestion de la dette est toujours un enjeu quand on parle pauvreté, qu'elle soit urbaine ou rurale.
Y a-t-il des différences, dans votre esprit, entre la dette rurale et la dette urbaine et leur capacité de gérer cette dette? Est-ce que cela change de la ville à la campagne?
M. Poschmann : Les pressions qui peuvent peser sur les ménages sont similaires entre les deux communautés. Autrement dit, nous sommes tous confrontés à la nécessité de gérer des finances et de gérer la dette au jour le jour, d'année en année, et tout au long de notre vie, et aussi d'établir un niveau suffisant d'épargne du ménage pour financer la retraite.
Dans ce large champ, il n'y a pas d'énormes différences. Je ne pense pas qu'on trouverait plus de dettes comparativement aux revenus pour un ménage typique de région rurale du Canada, comparativement à une région urbaine du Canada. Cependant, si on devait subdiviser nos ménages agricoles comme un sous-ensemble des ménages ruraux, on pourrait constater un plus haut taux d'endettement dans ces ménages, mais cela aurait tendance à aller de pair avec plus d'actif. Je ne suis pas sûr que pour les ménages agricoles, le solde financier net serait en moins bonne position que pour les ménages urbains.
Le sénateur Mercer : Si vous aviez des données empiriques sur le sujet, elles seraient très utiles à notre analyse. Je ne suis pas sûr de ce qu'est la réponse, mais il semble que les habitants des régions rurales du Canada, parce que les revenus sont plus faibles, doivent gérer leur vie beaucoup mieux que ceux d'entre nous qui ne vivent pas dans les régions rurales. Je vis à temps partiel en région rurale, et à temps partiel en région urbaine du Canada, alors je suppose être une anomalie.
Ma dernière question est probablement plus difficile. Si vous pouviez recommander au gouvernement fédéral trois modifications aux politiques, que nous pourrions mettre en œuvre dès demain pour contrer le problème de la pauvreté rurale, quelles seraient-elles? Vous pouvez n'avoir qu'une ou deux suggestions.
M. Poschmann : Je pense que je reviendrais à mes observations de tout à l'heure. S'il y a au moins un conseil que je donnerais, en ce qui concerne les politiques, ce serait de ne pas compter trop fort sur la capacité des politiques de régler certains de ces problèmes. Je réponds un peu par la négative. Les marchés influent sur la capacité des diverses de communautés de survivre aux changements.
Je peux vous parler des communautés que je connais très bien. Quand j'ai parlé de la petite ville forestière, comme exemple, j'avais une image en tête, celle d'une communauté canadienne. La scierie n'est tout simplement pas viable. Je ne pourrais concevoir aucune mesure économique ou politique qui pourrait assurer le succès d'une scierie de cette modeste envergure et de ces lieux, avec le capital et les compétences dont disposent ses propriétaires ou sa direction. Certains de ces éléments ne peuvent être arrangés, car les marchés changent, et je pense que nous devrions le reconnaître.
Il n'y a pas là que du négatif. Je ne voudrais vraiment pas me coiffer d'un sombre couvre-chef et annoncer qu'il n'y a rien à faire pour aider les Canadiens. Il y a des choses à faire — l'une serait de mettre le point de mire absolu sur l'éducation. Je sais que l'éducation est principalement une responsabilité provinciale, mais le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, celui de veiller à ce que des normes valables d'éducation soient accessibles ou finançables dans toutes les provinces ou régions. Nous devons reconnaître que cela favorise, en bout de ligne, une plus grande mobilité.
En éduquant les jeunes d'une communauté, ce qui est absolument la chose à faire, on augmente les chances qu'ils puissent quitter cette communauté quand ils seront adultes, si c'est une communauté rurale pauvre.
Alors cela revient au début de mes commentaires. Songez à votre objectif, et ce que vous essayez de réaliser. Vos politiques peuvent bien passer auprès des jeunes et des jeunes travailleurs, et elles seraient appropriées de leur point de vue, mais elles pourraient ne pas vous être utiles si votre objectif était, par exemple, de sauvegarder ou de préserver cette communauté en tant que communauté, plutôt que d'accroître le bien-être des gens qui y vivent.
La troisième chose dont il faut s'assurer, et cela revient encore à une négative, c'est de ne pas faire obstacle à la mobilité des gens, ou à leur recherche de débouchés. Nous avons un régime d'assurance-emploi qui a subi des réformes radicales en 1971-1972. Ces réformes ont été partiellement neutralisées par celles qui ont été apportées en 1996. Depuis lors, cette initiative a subi pas mal de retours arrière. Ces réformes ont permis, soutenu et, à mon avis, encouragé au bout du compte le recours à l'emploi saisonnier dans les communautés rurales. De nombreux Canadiens, jusqu'à maintenant, vivent dans les communautés rurales dans des conditions pas particulièrement propices, et pour qui il aurait mieux valu qu'il n'y ait pas eu ces réformes au début des années 1970. Nous avons créé une culture saisonnière qui, je pense, à long terme, n'a pas été bonne pour le bien-être des Canadiens.
Le sénateur Tkachuk : Je regrette d'avoir manqué la première partie de votre présentation, j'étais en retard et je m'en excuse.
J'en ai toutefois entendu la dernière partie. Vous avez creusé deux ou trois sujets qui m'ont toujours intéressé, relativement à cette question. Nous avons constaté que les chiffres concernant la pauvreté ne sont pas tellement différents en région rurale de ceux des centres urbains. J'en ai été étonné. J'avais pensé l'écart beaucoup plus grand. Cependant, les chiffres que nous avons reçus jusqu'à maintenant de Statistique Canada n'ont vraiment pas été tellement différents.
Il y a un écrivain américain qui parlait du ghetto. Son message positif, c'est que les filles qui ne deviennent pas enceintes, qui ne consomment pas d'alcool et de drogues et qui finissent la douzième année, statistiquement parlant, ont de très bonnes chances de s'en sortir. C'est le genre de choses que nous entendons, ici. Nous entendons parler du manque d'éducation et des familles monoparentales, ce qui signifie que le taux de divorce est un problème, de même que les grossesses chez les adolescentes. Bien que les gens n'en parlent pas, dans les communautés rurales, à mon avis, la consommation de drogue et d'alcool y est courante, comme elle l'est dans les quartiers défavorisés des villes. Ce sont des problèmes sociaux. Ce sont des enjeux auxquels nous devons nous attaquer autrement. Ils sont liés à la culture.
Je sais que vous êtes économiste; à ce titre, vous voulez améliorer l'économie. Vous voulez sortir les gens du chômage; vous voulez qu'ils soient productifs. N'est-ce pas ce qu'il faut faire, plutôt que d'accorder des allègements fiscaux et toutes ces autres mesures dont on entend parler? Ne devons-nous pas nous attaquer à ces enjeux sociaux et culturels?
M. Poschmann : Je sais de quelle ligne, sénateur, vous parlez. Pour l'économie américaine, cela semble assez juste : on a le diplôme d'études secondaires, on se marie, et on n'a pas d'enfants avant d'avoir fait au moins une ou deux choses, et probablement les deux — ces choses qui font une différence énorme dans le bien-être ultérieur de la personne et de ses enfants. C'est l'élément crucial. Le problème, ici, c'est la transmission de la pauvreté entre générations, et c'est un problème culturel. Ce n'est pas nécessairement un problème rural ou agricole, pas du tout. C'est un problème culturel.
La transmission intergénérationnelle de la pauvreté est un problème pour le Canada urbain. C'est un problème pour les régions rurales du Canada où il sévit, et il sévit peut-être ou peut-être pas dans les populations agricoles. Je soupçonnerais qu'en général, ce n'est pas le cas. Cependant, je n'ai pas de données à montrer pour en faire la preuve.
C'est pourquoi j'ai parlé de l'éducation à plusieurs reprises. Le rôle de l'éducation est absolument déterminant pour l'avenir des enfants. On a plus de chances d'obtenir son diplôme d'études secondaires si nos parents l'ont obtenu; on a plus de chances d'obtenir un diplôme universitaire si nos parents l'ont fait. Il est plus probable que leurs enfants auront des revenus plus élevés, plutôt que le contraire. Ils connaîtront moins de période de chômage, et elles seront plus courtes. Ce sont là les réalités.
Les gouvernements peuvent assez efficacement veiller à l'accessibilité de l'éducation. De fait, c'est à cause des enjeux de la transmission de la culture que je reviens toujours sur l'éducation.
Le sénateur Tkachuk : Les jeunes peuvent quitter l'école à 16 ans. Cependant, ils ne peuvent pas s'engager dans l'armée avant l'âge de 18 ans; et ils ne peuvent pas fréquenter un bar avant d'avoir 18 ans. Ils peuvent toutefois conduire une voiture à 16 ans. Nous les laissons quitter l'école et conduire une voiture quand ils n'ont que 16 ans. Cela augmente les probabilités qu'ils deviennent un fardeau pour le reste des contribuables.
Que diriez-vous si nous augmentions l'âge, que ce ne soit plus 16 ans, mais plutôt que les jeunes doivent terminer la 12e année? Nous pourrions leur dire » Nous offrirons une quantité de débouchés, et voici ce que vous devez faire ». Nous ne pouvons pas les laisser être si irresponsables et dire « J'ai 16 ans, je décolle. Salut maman. Salut papa. »
M. Poschmann : Je soupçonne votre question d'être un piège, parce que mon institut a publié un document sur la hausse de l'âge de la scolarité. La notion a des éléments contre. Il y a des inconvénients à forcer à rester à l'école des gens qui ne veulent pas y être. Il faut se rappeler que cela coûte de l'argent. On ne sait pas si on en tirera les avantages qu'on en attend. Les gens qui ne veulent pas être à l'école à un âge plus avancé peuvent perturber la classe. Cela étant dit, notre auteur est arrivé à la conclusion qu'il y avait probablement des avantages économiques à tirer de l'augmentation de l'âge de la scolarité. C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais parler d'un autre sujet que vous avez abordé. Le sénateur Gustafson en a parlé, et moi aussi. Le sénateur Gustafson dit souhaiter que son fils reste à la ferme familiale et en prenne la relève. Je veux que mes enfants restent dans ma province. Nous envoyons tous les messages erronés. Nous voulons donner à ceux qui sont à notre charge une culture de mobilité. Il est bon de partir, d'aller saisir les opportunités là où il y en a. C'est ce goût de l'aventure qui a amené des gens à peupler l'Amérique du Nord. Je ne doute pas qu'il y ait eu bien des parents, en Europe pour supplier « Ne pars pas, ne pars pas ». Cependant, quand il n'y a rien à manger, il faut bien aller quelque part. C'est là qu'ils sont allés.
Il y a moyen d'inculquer cette culture, si nous sommes prêts à plaider pour elle, à la proposer et en faire la publicité. La mobilité est une bonne chose. Aller ailleurs est bon. Il faut voir du pays. Si on n'a pas d'emploi ici, on peut en trouver un ailleurs. Ce serait un bon point de départ, un point positif. Nous ne voudrions pas forcer les gens. Nous voulons qu'ils sachent s'y adapter.
M. Poschmann : Les familles ont une approche différente de ce genre de questions. Ce sera nécessairement un peu au cas par cas. Cependant, il y aura des ménages dont le message est « Quitte la ferme, quitte le village et fais ça vite ». Il y en aura d'autres chez lesquelles un impératif familial solidement établi veut qu'un membre de la famille prenne la relève de la ferme, ce qui pourrait être ou ne pas être une bonne chose.
Pour vous donner une perspective relativement positive de ce scénario, la ferme que reprend la génération suivante a de bonnes chances d'être plus vaste, en termes de superficie des terres, d'équipement pour l'entretenir, que la ferme de la génération antérieure. Il y a un nombre énorme de fusions de fermes, ce qui est important pour assurer la viabilité des entreprises. La ferme viable, au Canada, en cette décennie, est probablement de nettement plus grande envergure que celle de la dernière génération. Ce qui se passe, c'est qu'il y a ce transfert entre générations de l'actif de la ferme. Quoi qu'il en soit, elles finiront probablement par être plus grandes qu'elles ne l'étaient auparavant.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie pour votre présentation. J'aimerais continuer sur le sujet de l'éducation, parce que son importance a été soulignée à maintes reprises. Vous avez dit que l'éducation relève de la compétence provinciale, mais que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer. Dans ma province, environ 29 p. 100 de la population ne termine pas le secondaire. La situation s'améliore toutefois. En 1996, il y a 10 ans, c'était 36 p. 100. Nous avons encore besoin de faire plus pour encourager les gens à accroître leur niveau d'instruction. Vous en avez souligné l'importance.
Que pourrait-on faire? Que devrait faire le gouvernement fédéral ici pour aider à encourager les gens à acquérir plus d'instruction?
M. Poschmann : C'est une superbe question, sénateur, bien que sa réponse ne soit pas facile. Notre notion canadienne veut que si le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'éducation, c'est principalement dans l'éducation postsecondaire. C'est faire peu de cas des étapes déterminantes consistant à amener les gens jusqu'au bout des études primaires et secondaires, pour qu'ils parviennent à une norme commune, une norme élevée pour qu'ils puissent avoir un bon rendement au niveau postsecondaire, si les études postsecondaires ou le collège communautaire sont appropriés pour eux.
Je ne suis pas tout à fait sûr que j'aimerais proposer une redistribution des responsabilités. Le point de mire fédéral sur l'éducation postsecondaire est probablement juste, en partie parce que les provinces, quand elles dépensent beaucoup d'argent sur l'éducation postsecondaire, particulièrement les provinces de l'Est, courent un risque énorme de perdre leur investissement dans ces étudiants, quand ils quittent les provinces. Autrement dit, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ou l'Île-du-Prince-Édouard peut dire « L'éducation nous tient beaucoup à cœur » et investir toutes sortes de fonds pour amener les gens à faires des études postsecondaires et à obtenir leur diplôme, et les perdre de toute façon. Ce n'est pas un message fantastique à envoyer au gouvernement fédéral, qu'il gaspille son investissement. C'est, je pense, une bonne raison pour que le gouvernement fédéral s'occupe du niveau postsecondaire. Il peut traverser les frontières et compenser pour le fait que les provinces peuvent perdre leur investissement dans les gens, quand ceux-là s'en vont.
Le gouvernement fédéral dispose d'outils financiers pour encourager les provinces à atteindre les normes d'autres niveaux d'éducation. Il ne les exploite pas. Je propose la possibilité d'outils qui lieraient le soutien financier aux provinces avec un rendement élevé au niveau secondaire. Je ne le suggère que comme une possibilité. Cela me met un peu mal à l'aise, à cause des implications de la répartition des responsabilités entre les niveaux fédéral et provincial et aussi la capacité du gouvernement fédéral d'exécuter efficacement une politique aussi détaillée. Ce n'est pas un point fort du gouvernement fédéral. Nous n'avons pas, au niveau fédéral, les institutions, les gens et les mécanismes nécessaires pour veiller à ce que nous nous acquittions de notre devoir sur ce plan. C'est pourquoi j'hésite, mais je vous le propose comme possibilité. Donc un moyen de procéder serait de tenter d'établir un niveau de rendement pour les provinces.
Le sénateur Gustafson : Nous nous sommes concentrés, ici, sur l'éducation. Actuellement, il est très difficile de trouver un bon maçon. Il est très difficile de trouver un bon plombier, si on peut d'ailleurs en trouver, ou un mécanicien de petits moteurs. Il y a 20 ans, notre politique d'immigration a permis d'amener beaucoup de ces gens ici. Si j'avais besoin d'un maçon, je pouvais aller à Winnipeg, trouver un immigrant de fraîche date qui était un excellent maçon. Peut-être nous trompons-nous dans notre orientation. Qu'en pensez-vous? Ce n'est pas tout le monde qui peut être médecin ou avocat. Bon nombre de nos immigrants sont de ce calibre. Ils ont l'argent nécessaire pour venir ici. Nous ne résolvons pas le problème à la base.
M. Poschmann : Est-ce que vous abordez l'aspect de l'immigration, sénateur?
Le sénateur Gustafson : Je traite à la fois de l'aspect de l'immigration et de celui de l'éducation.
M. Poschmann : Non, ce n'est pas tout le monde qui peut avoir un diplôme en beaux arts, et si nous agissions comme si c'était possible, nous créerions toute une catastrophe économique. Il nous faut être réalistes quant à l'éventail d'intérêts des gens et notre intérêt économique à ce qu'ils poursuivent la carrière qui leur convient. Le fait de dépenser de l'argent pour pousser à faire des études universitaires des gens qui ne le veulent pas ou n'en ont pas besoin, ni ne trouveront d'emploi dans ce domaine, n'aurait pas beaucoup de sens à moins que nous estimions que c'est ce qu'il leur faut, et c'est un type d'argument qui ne vaut plus grand-chose après un certain point, ou un certain niveau d'instruction.
C'est une préoccupation que j'entends souvent des gens d'affaires exprimer, et aussi des éducateurs de tout le Canada. Nous ne devrions pas imaginer qu'il n'y a qu'une piste vers le succès, dans l'économie canadienne. Les gens qui ont choisi d'être maçons, machinistes ou autre chose au Canada s'en tirent très bien, sauf qu'ils sont tous dans le nord de l'Alberta et la Saskatchewan. C'est pourquoi on ne peut pas les trouver.
Le sénateur Gustafson : Ils s'en sortent mieux que d'autres dans d'autres régions. Cependant, il n'y en a pas assez qui veulent le faire.
M. Poschmann : Nous avons un marché qui s'exprime et qui dit que nous avons des pistes de croissance dans certains secteurs d'activité qui assureront ce type particulier de formation, dans ce cas-ci, l'enseignement des compétences ou des métiers, qui est plus précieux qu'à d'autres moments. Est-ce que les gouvernements s'entendent à orienter la population dans un sens ou dans l'autre? Probablement pas. Nous n'avons pas beaucoup de bons antécédents dont nous inspirer, qui illustrent une bonne gestion de la part des gouvernements du type d'éducation que les étudiants devraient rechercher. Cependant, une chose que nous pouvons faire, c'est laisser les fonds suivre les étudiants plutôt que les institutions, afin que lorsqu'un étudiant quitte l'école secondaire et fait un choix entre l'université, le collège communautaire et divers domaines de travail, le financement suit l'étudiant, et nous laissons son évaluation des perspectives du marché orienter le financement, plutôt que l'échelle hiérarchique de l'institution. Il y a là une implication financière assez directe.
Le sénateur Mercer : Il est intéressant que cette discussion se soit orientée sur l'éducation, un sujet qui me tient à cœur. Le Canada est le seul pays industrialisé du monde qui n'ait pas de normes nationales d'éducation. La plupart des pays en ont.
Il y a un enjeu auquel se sont intéressés les groupes d'étudiants, les partis politiques et d'autres groupes d'intérêt dans tout le pays, et c'est celui de la nécessité de transferts du gouvernement fédéral aux provinces, qui soient réservés à l'éducation, semblables aux transferts réservés aux soins de santé. Ces transferts seraient consacrés à l'éducation postsecondaire. Avez-vous un avis là-dessus?
M. Poschmann : Oui. Les faits sont tels que vous les décrivez, en ce qui me concerne, en ce sens que le Canada n'a de toute évidence pas de norme nationale particulière. Je ne suis pas sûr de ce que ce soit bon ou mauvais, mais je crois néanmoins que le gouvernement fédéral a un rôle utile à jouer en s'assurant que le financement est à la disposition des étudiants au niveau postsecondaire. Est-ce que cela signifie qu'il devrait y avoir un transfert réservé à l'éducation pour les provinces? Probablement pas, particulièrement à la lumière des réflexions que je viens d'exposer. Par exemple, si vous pensez que les gouvernements ne sont pas très doués pour déterminer ce que les gens doivent faire, et que les gens sont mieux placés pour décider de quoi faire de leur vie, alors il faudrait laisser l'argent suivre les étudiants plus que l'institution. Ainsi il y aurait moins de chances que les provinces aient besoin d'être financées plutôt que l'étudiant ou l'institution. Il est plus facile de veiller à ce que l'argent arrive au bon endroit et finance ce qui est pertinent. Le financement suit l'étudiant plutôt que les institutions ou les gouvernements. Je le comprends, et je l'accepte.
L'autre élément, c'est que l'argent ne vient pas avec des étiquettes. Si le gouvernement fédéral donne de l'argent aux provinces, on ne sait pas nécessairement qu'il est consacré à l'éducation plutôt qu'à autre chose que les provinces jugent plus important de réaliser, à l'appui de leur propre interprétation des besoins de leur population.
Le sénateur Peterson : J'ai lu quelque part qu'entre 37 et 42 p. 100 de la population canadienne a des problèmes d'alphabétisme. Que faisons-nous à ce propos? D'après les chiffres, ce pourcentage de la population canadienne ne peut remplir de formulaires ou faire diverses choses.
M. Poschmann : J'espère bien que ce chiffre ne s'applique pas aux gens qui passent actuellement par le système d'éducation canadien, parce qu'il est vrai que ce serait une grave inculpation du rendement du système canadien. Je ne suis pas très au courant des chiffres que vous citez. J'espère qu'ils englobent une population plus âgée, la population d'immigrants, et si c'est le cas, le message n'est pas si décourageant au sujet du rendement de notre système d'éducation. Cependant, dans la mesure où je me préoccupe de l'alphabétisme et des notions de calcul — de fait, je m'en inquiète — il y a des provinces du Canada qui n'ont pas un si bon rendement sur ce plan, et alors j'encouragerais les provinces à réfléchir un peu plus fort à s'acquitter de cette tâche très importante qu'elles sont censées réaliser.
L'alphabétisme et les notions de calcul sont enseignés à l'école primaire et, dans une moindre mesure, à l'école secondaire. C'est quelque chose dont les provinces, les commissions scolaires et les municipalités qui les dirigent doivent s'assurer. Si elles ne le font pas, nous devrions leur faire assumer leurs responsabilités.
Le rendement est très différent entre provinces. Peut-être ne comprend-t-on pas autant qu'il le faudrait qu'au Canada, le Québec et l'Ontario ont en fait une très bonne fiche de rendement. Celle de l'Ontario est un peu mieux qu'elle l'a déjà été. Ce qui est le plus frappant dans ces résultats, c'est que dans le cas de l'Alberta, par exemple, la province a un éventail d'institutions à la disposition des étudiants.
Je le répète, dans le contexte postsecondaire, l'argent tente à suivre les étudiants. Il y a bien des façons dont le programme est enseigné aux étudiants de l'Alberta, et il y a une énorme compétition entre institutions pour servir la clientèle d'étudiants. Et savez-vous quoi? Le rendement de l'Alberta, si on traite l'Alberta comme un pays, au plan de l'alphabétisme et des notions de calcul parmi les jeunes, se ferait remarquer. Ils sont tout près du sommet de tous les classements. C'est quelque chose qui mérite d'être souligné.
Le sénateur Peterson : Supposons que ces chiffres sont justes, où commencerions-nous? Que pourriez-vous suggérer que nous fassions pour résoudre ce problème?
M. Poschmann : J'observerais bien les provinces et je leur demanderais pourquoi elles n'ont pas un meilleur rendement. Ce ne sont pas toutes les provinces, toutefois. Certaines ont un moins bon rendement que d'autres. D'autres ont un très bon rendement, en réalité. Je dirais que nous devrions demander aux provinces pourquoi elles n'ont pas le rendement qu'elles devraient avoir. Cela pourrait mener à des questions plus difficiles sur la nature de ce que le gouvernement fédéral finance, et comment et selon quelles modalités le financement est versé aux provinces.
Comme je le disais tout à l'heure, j'hésite beaucoup avec cela. J'hésite à mêler profondément le gouvernement fédéral à la réalisation des responsabilités d'ordre provincial. C'est ce dont il s'agit ici. J'en suis mal à l'aise. Cependant, si vous, madame la présidente, et les sénateurs, deviez demander : « Est-ce que le gouvernement fédéral peut le faire? Est- ce quelque chose qui est du domaine des possibilités, que nous puissions imposer des normes de rendement provincial et lier des implications monétaires à la réalisation de ces normes? » je répondrais cela pourrait se faire, mais je ne suis pas sûr que nous y serions très doués. Ce n'est certainement pas impossible.
La présidente : Quand vous avez commencé à répondre au sénateur Peterson, vous avez dit qu'un problème de l'alphabétisme, au Canada, c'est qu'il a sa source dès le primaire. Si vous permettez, l'un des plus gros problèmes est qu'il a sa source dans les familles, avant l'entrée à l'école primaire, et c'est aussi, largement, un problème chez les adultes. Au Canada, 42 p. 100 des adultes éprouvent des difficultés au quotidien à lire, écrire ou appliquer des notions de calcul que nous prenons tous pour acquises. En Alberta, ma province, avec toute sa richesse, le chiffre est de 33 p. 100, ce qui est beaucoup. C'est peut-être dans cet esprit, je pense, que le sénateur Peterson pose ses questions.
Nous essayons d'y faire face au Canada. C'est l'un de ces problèmes qui exige que tous les niveaux de gouvernement travaillent ensemble. Parfois, c'est malaisé ou difficile. Nous avons ce débat en ce moment-même. Cela commence avec les difficultés au foyer, et non pas seulement au niveau de l'école. C'est pourquoi nous devons maintenant toucher ces gens et avoir des programmes qui leur permettent d'aider leurs enfants à des étapes précoces, pour bien les lancer. C'est quelque chose de très compliqué, et n'est pas nécessairement facile à intégrer à un ou l'autre niveau de gouvernement; il faut tous les niveaux de gouvernement.
Je vous remercie beaucoup d'être venu ce soir. Nous pourrions poursuivre ce débat pendant encore longtemps, mais nous apprécions beaucoup votre présence ici, monsieur Poschmann.
Le témoin suivant, qui se joint à nous de Vancouver par vidéoconférence, est M. Michael Goldberg, ancien directeur de la recherche au Conseil de planification sociale et de recherche de la Colombie-Britannique.
M. Goldberg est considéré comme un expert dans les domaines de la pauvreté chez les enfants, les avantages sociaux et la sécurité sociale pour les enfants au Canada. Il est président bénévole de First Call, la coalition de défense des enfants et adolescents de la Colombie-Britannique, et il est membre du comité de direction pour la campagne 2000.
Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Goldberg. Nous avons une heure, ce soir, pour discuter avec vous de cet important sujet. J'invite mes collègues à poser des questions aussi brèves que possible, pour permettre à notre témoin d'y répondre pleinement, et à tout le monde de contribuer au débat ce soir.
Michael Goldberg, président, First Call : BC Child and Youth Advocacy Coalition, à titre personnel : Tout comme le premier invité, je suis heureux d'avoir été invité à comparaître comme témoin devant ce comité. Je regrette de ne pouvoir y être en personne. Je sais que ce serait mieux si c'était possible, mais malheureusement, ça ne l'a pas été cette fois-ci.
J'ai noté, dans l'allocution du premier intervenant, des éléments dont je ne suis pas sûr qu'ils soient tout à fait exacts. Je vais définir les concepts de la mesure de la pauvreté, et ensuite leur relation avec l'économie. Je vous ferai part de données et de renseignements qui divergent de ce qu'a mentionné tout à l'heure le premier intervenant.
Au Canada, comme partout ailleurs, il y a trois principaux moyens de mesurer la pauvreté dans notre pays. C'est pour répondre à la première question qui nous est posée. Il y a un moyen appelé la mesure de faible revenu. C'est une mesure relative du revenu comparativement à d'autres revenus. Votre invité avait raison de dire que c'est une mesure relative. C'est la mesure la plus utilisée quand nous faisons des comparaisons entre les pays.
Cette mesure de la pauvreté est fondée sur une famille standard — dans ce cas-ci, une famille de quatre personnes — et sur un revenu familial fixé à la moitié du revenu moyen, soit à 50 p. 100. Actuellement en Europe, c'est un peu contesté. L'Europe applique maintenant une mesure de la pauvreté qui est plus proche de 60 p. 100 du revenu moyen.
La deuxième mesure, celle utilisée le plus souvent au Canada, qui lui est unique, est appelée le seuil de faible revenu, le SFR. C'est une combinaison des revenus avec une mesure de la consommation, fondée sur la proportion de ce que les gens dépensent sur trois biens essentiels — la nourriture, le vêtement et le logement. On prend les dépenses moyennes par famille et on ajoute 20 points de pourcentage au niveau de base actuel, qui est d'environ 40 p. 100 de plus de dépenses pour les familles à faible revenu sur ces trois éléments. Cela n'inclut pas le transport et d'autres choses. C'est là notre famille moyenne.
Je le répète, c'est une mesure qui est le plus souvent utilisée par les groupes d'établissement des politiques, principalement parce qu'elles permettent d'obtenir d'excellentes séries chronologiques, et c'est une mesure qui est sensible à ce qui arrive à l'économie.
La troisième mesure, dont a parlé l'intervenant de tout à l'heure, est plus récente — elle a été créée par RHDCC — appelée la mesure fondée sur un panier de consommation. C'est purement une mesure de la consommation. Au CRAPSA, nous avons conçu une mesure fondée sur un panier de consommation pour la Colombie-Britannique, et nous l'avons mise à jour pour indiquer un moyen par lequel on définit les niveaux de consommation nécessaires aux familles pour subsister au quotidien.
La mesure fondée sur un panier de consommation a d'abord été utilisée en 2000 par RHDCC et a récemment été mise à jour, en 2001 et 2002. Nous croyons savoir que les données de 2003 et 2004 devraient être disponibles soit à la fin de cette année, ou au début de l'année prochaine.
La mesure fondée sur un panier de consommation est aussi unique en ce sens qu'elle essaie de déterminer combien de familles sont pauvres. On prend la mesure de base, cette mesure du marché, et on détermine combien de familles ont des revenus disponibles restants pour remplir ce panier, en tenant compte du fait que certaines familles auront des frais de santé extraordinaires, des frais de garderie, ou d'autres frais qui seront déduits au moment de la déclaration de revenu. Et puis il y a un moyen de déterminer, en ce qui concerne la mesure, le nombre de familles qui n'ont pas de revenu disponible en dessous de ce montant.
Dans la note d'information que j'ai envoyée, il y a une série de tableaux qui illustrent les résultats de ces mesures, vraiment, pour une famille de quatre personnes en 2002. Nous comparons la même année au moyen de trois différentes mesures pour le même type de famille.
Comme l'indique ce tableau, pour une famille de quatre personnes, la MFR — la mesure de faible revenu produite par Statistique Canada, indiquant les mesures avant et après impôt — affiche un écart d'environ 4 000 $. Ce qu'il y a d'unique à la MFR, c'est qu'il n'y a pas de variation entre communautés rurales ou diverses régions du pays. C'est une mesure commune, à l'échelle pancanadienne. Elle est très simple à appliquer parce qu'on l'extrait directement des données de l'impôt. C'est probablement pourquoi elle est plus souvent utilisée pour les mesures internationales.
Les seuils de faible revenu, d'un autre côté, mesurent des seuils. Quand nous parlons de mesures, nous parlons d'un seuil de revenu. Il y en a 35, fondés sur cinq tailles de collectivités, allant de la communauté rurale aux régions métropolitaines de recensement, les RMR, et il y en a trois entre ces deux extrêmes, les familles étant composées de une à sept personnes. On peut constater les vastes écarts entre les revenus de la communauté rurale avant et après impôts, comparativement à ceux de la grande communauté métropolitaine.
Dans la mesure après impôts, c'est indiqué 20 000 $ en 2002 comparativement à 30 000 $ dans la grande ville. C'est un très grand écart. Il y a des écarts similaires, d'environ 4 000 à 5 000 $ de plus, dans la mesure avant impôts.
La troisième mesure est la mesure fondée sur le panier de consommation, et elle est très sensible au lieu géographique, particulièrement par province. J'ai dit, au sujet de la mesure fondée sur le panier de consommation, ce que sont les mesures pour les régions rurales et les RMR, pour chacune des provinces, en partant de la plus faible vers la plus élevée pour les régions rurales.
Vous pouvez constater que, pour la Saskatchewan, qui a le plus faible seuil de revenu, la mesure fondée sur le panier de consommation — le revenu disponible qui serait nécessaire pour acheter ce panier de biens et de services — était d'un peu moins de 24 000 $ en 2002. Le plus élevé était en région rurale de la Colombie-Britannique, et c'était 27 500 $. Ce qui est intéressant, c'est qu'ils sont tous regroupés autour d'une moyenne commune de 27 300 $. Quand on regarde les grandes villes, on obtient le même type de fourchette, et le même genre de moyenne. C'est un peu plus élevé dans les grandes villes, mais pas de façon marquée. Cette mesure tient compte des différences uniques entre, disons, l'Île-du- Prince-Édouard ou le Québec et la Colombie-Britannique en termes de coût des biens et services dans chaque province.
C'est la nature des trois mesures. Ce que je trouve intéressant ici, c'est qu'à un moment entre l'avant impôts et l'après impôts, dans les mesures de consommation, nous avons un regroupement qui semble très courant, d'environ 25 000 à 26 000 $ pour une famille de quatre personnes. Au moment d'entamer le débat sur ce que devraient être les seuils de revenu, je pense qu'il est temps d'aller plus loin que cela et d'essayer de trouver une mesure commune qu'on pourrait utiliser. Nous pourrions en faire la ligne officielle par laquelle nous déterminons combien de gens sont pauvres et accepter qu'il y a un élément commun à ces trois aspects, dans ce domaine, d'environ 25 000 à 28 000 $ pour une famille de quatre personnes en dollars de 2002. Ce serait un peu plus maintenant, en 2006.
La deuxième question concerne la mesure — ce n'est pas dans mes notes, mais je voudrais l'ajouter. Comment tenir compte de la disponibilité des services? Il est vrai que dans les communautés rurales, les services sont moins accessibles. Je n'utiliserais pas l'exemple qu'a donné M. Poschmann, celui des services linguistiques; j'emploierais plutôt celui des soins de santé.
L'une des choses que nous savons, en ce qui concerne les communautés rurales, c'est que le coût de l'accès aux soins est élevé. Bien des familles des communautés rurales doivent recourir aux services d'évacuation sanitaire pour être transportées vers un hôpital plus important, et un proche doit les accompagner. Ces coûts sont souvent assumés, intégralement ou en partie, par la famille, alors que dans les villes, les frais les plus importants consistent à faire deux kilomètres vers le service d'urgence de l'hôpital ou une installation vers lesquels sont amenées les familles des régions rurales. Cela crée une iniquité. La mesure fondée sur le panier de consommation règle cela en partant du principe voulant que ces coûts sont alors déduits du revenu total des familles dont nous déterminons le niveau de pauvreté, parce que les coûts extraordinaires de la santé peuvent être déduits de l'impôt.
L'autre document que je vous ai remis fait l'examen de certains revenus après impôts. Là encore, je pense qu'on préfère regarder la mesure après impôts. Si vous songez à la pauvreté en termes de revenu d'emploi, on pourrait vouloir utiliser le revenu avant impôts; si on le perçoit en termes de consommation, il est préférable d'utiliser quelque chose comme la mesure fondée sur le panier de consommation. Ces documents renferment une série de renseignements qu'on peut obtenir de Statistique Canada. C'est une sommation qui donne un instantané de là où en sont les familles, ou diverses occupations.
Comme vous pouvez le voir, pour l'ensemble des revenus agricoles, le revenu moyen après impôt montre que les familles agricoles ont le plus faible revenu après impôts, avec un peu moins de 22 000 $. Cela n'étonnera pas ceux d'entre vous qui venez de grandes familles. Cela n'a rien à voir avec la taille de la famille. Ce sont différents soutiens de famille. Le plus haut revenu après impôt — ce n'est pas étonnant — serait gagné parmi les professions, avec une moyenne de 65 000 $. J'ai essayé d'extraire un grand nombre de données d'un rapport de 180 pages pour les résumer en une page. La partie inférieure de ce tableau montre qu'il y a d'importantes sources pour divers déclarants, selon leur occupation et leur secteur d'emploi.
J'aimerais maintenant parler de certaines des politiques. Je ne suis pas expert des questions entourant les revenus agricoles en tant que tels. Je serais d'accord avec votre invité précédent que la pauvreté dans les communautés rurales est semblable à la pauvreté dans les communautés urbaines. C'est une question de gens qui n'ont pas assez de ressources pour pouvoir acheter les biens et services dont ils ont besoin.
Au Canada, parce que nous le déduisons d'après une mesure combinée de la consommation et du revenu, le FSR, je ne pense pas qu'il y ait d'énormes écarts entre les régions rurales et urbaines. S'il y en a, probablement en raison du coût de la vie pris en compte dans cette mesure, les régions urbaines peuvent avoir une plus forte incidence de pauvreté que les communautés rurales. Cependant, cela pourrait être un peu trompeur, en raison de la façon particulière dont la mesure a été conçue avec le temps.
J'aimerais parler plus longuement de certaines choses qui, selon moi, sont fondamentales en termes de secteurs des dépenses. Une chose est évidente, c'est qu'on lutte contre la pauvreté en veillant à ce que les gens aient des revenus suffisants pour être au-dessus du seuil de pauvreté, quelle que soit la mesure qu'on emploie. La pauvreté, c'est simplement ne pas avoir un revenu suffisant pour acheter ces biens et services qui sont nécessaires. Il nous faut des politiques qui toucheront à la fois les revenus marchands et les transferts fiscaux.
Un rapport a récemment été publié, qui concerne des modifications au Code canadien du travail. Ce sera important dans les communautés agricoles, particulièrement pour les travailleurs agricoles, ainsi que pour d'autres travailleurs de petites collectivités et de communautés rurales. Cela fera en sorte que tout le monde soit payé équitablement pour le travail qu'il fait. La plupart des normes de salaire minimum et de travail relèvent de la compétence provinciale. Il est clair que le gouvernement fédéral, par le biais du Code canadien du travail, pourrait prendre la direction des choses en concrétisant les recommandations récentes, par le biais de la commission.
Un autre élément qui a suscité des préoccupations — et les aspects de la compétence et du financement ne sont pas clairs, et sont reliés au facteur de l'instruction qui a été mentionné tout à l'heure, et à la question que vous avez posée, madame la présidente — il s'agit de l'éducation et du développement de la petite enfance. On a tenté d'établir certaines normes nationales par le biais d'ententes de financement entre les provinces et le gouvernement fédéral. Le nouveau gouvernement qui a été élu a changé la donne.
Il y a une chose que je soutiens, en ce qui concerne l'instruction, c'est que ce n'est pas seulement une affaire de terminer le secondaire, mais d'apprentissage à vie. Dans une économie du savoir, l'apprentissage est en évolution constante. Nous savons que nous obtenons un meilleur rendement de l'investissement si nous pouvons soutenir et renforcer l'élément du développement et de l'éducation de la petite enfance, en plus de l'éducation continue pour les adultes, sans parler de toute l'éducation, dans les écoles primaires et secondaires, qui relève de la compétence provinciale.
En ce qui concerne les transferts, il y en a plusieurs dont le gouvernement fédéral s'occupe déjà. Bien entendu, il y a la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Il y a des programmes d'assurance du revenu agricole. Il y a des services publics qui peuvent être offerts, qui réduisent les exigences en termes de revenu ou d'aide, comme je l'ai dit, comme pour le transport sanitaire, etc. Ce sont là tous des rôles que le gouvernement fédéral peut jouer, que ce soit directement avec les transferts à des personnes, ou indirectement, par le biais d'ententes qui peuvent être conclues avec les gouvernements provinciaux en ce qui concerne le partage des coûts entre compétences.
Et voilà plusieurs choses qui peuvent contribuer à contrer la pauvreté, tant en région rurale du Canada que dans les régions urbaines.
La présidente : C'est une bonne façon de commencer, monsieur Goldberg.
Le sénateur Mercer : Je tiens à commencer par remercier le témoin d'être ici ce soir.
Vous êtes le deuxième témoin à nous dire qu'il n'y a pas beaucoup de différence entre la pauvreté urbaine et la pauvreté rurale. Comme j'ai grandi en ville, j'en suis un peu étonné. Y a-t-il deux types de pauvreté en région rurale canadienne, comme la pauvreté dans la communauté en général et celle dans la communauté autochtone? Y a-t-il une énorme différence?
M. Goldberg : Oui. L'un des dilemmes que nous avons c'est que, pour diverses raisons, nous n'obtenons pas de bons chiffres sur la pauvreté parmi les Autochtones vivant en réserve. Nous obtenons des chiffres raisonnables qui concernent les Autochtones vivant en région urbaine, que ce soit dans de petites ou de grandes villes. Cependant, nous n'obtenons pas de chiffres probants sur les Autochtones vivant en réserve. Si ces chiffres étaient tenus en compte, l'incidence de la pauvreté serait plus élevée.
L'un des dilemmes qui se posent, avec le SFR, si on utilise cette mesure, et on revient au premier tableau, c'est qu'on peut voir que le seuil de revenu réel est d'environ 10 000 $ de moins que dans les grandes régions métropolitaines. Par conséquent, il faut des revenus plus élevés pour atteindre le seuil dans les régions urbaines. Cela justifierait, en partie, pourquoi on voit un nombre plus élevé quand on regarde les données de recensement dans les régions urbaines comparativement aux communautés rurales, ainsi que le nombre de personnes qui sont pauvres. Je soutiendrais que la MFR est une meilleure mesure dans ce cas, parce qu'elle tient compte de ce qui est probablement l'une des plus grandes dépenses en région rurale du Canada, le transport, qui n'est pas suffisamment tenu en compte dans le SFR.
Le sénateur Mercer : Les coûts du transport sont plus élevés en région rurale du Canada à cause des distances. Est-ce que le logement n'est pas nettement moins cher en région rurale, au Canada?
M. Goldberg : Oui. C'est pourquoi quand on regarde les mesures fondées sur le panier de consommation, on obtient des chiffres assez semblables pour les régions rurales et urbaines du Canada. Si on va aux tableaux détaillés du rapport, que je n'ai pas reproduit pour vous, le logement est plus cher dans les régions urbaines, bien que beaucoup plus cher à Vancouver ou Toronto, par exemple, qu'à Montréal. Cependant, les logements locatifs sont à peu près le même prix. Le compromis, en gros, est entre le transport et le logement dans les communautés rurales, où il n'y a quasiment pas de transports publics ni d'accès au transport subventionné comme dans les régions urbaines, mais les logements sont plus coûteux. Cela revient au même dans le long terme.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de l'éducation de la petite enfance et de l'apprentissage continu. Je soupçonne connaître la réponse, c'est-à-dire que les Canadiens des régions rurales sont défavorisés parce qu'ils vivent en région rurale, à cause d'une plus grande pénurie de possibilités d'éducation de la petite enfance et d'apprentissage continu. Est-ce vrai? Y a-t-il des données qui peuvent nous démontrer que cela contribue à perpétuer la pauvreté dans les régions rurales du Canada comparativement aux régions urbaines, où il y a plus de possibilités?
M. Goldberg : Je ne sais pas si nous avons les données pour démontrer ce lien. Du moins, je n'en ai pas vu, et je n'en connais pas vraiment. Je dirais que les économies d'échelle ont leur rôle à y jouer, mais il n'y a pas de raison que les centres commerciaux du Canada rural ne puissent pas, en fait, favoriser un important développement de la petite enfance, que ce soit en famille ou en centre, dans la mesure où il existe des services de haute qualité, et abordables. Le facteur de l'abordabilité est absolument fondamental.
L'autre chose que les garderies, particulièrement, ont permis à d'autres pays de faire — nous le faisons encore ici, au Canada, mais nous sommes loin d'en tirer les mêmes avantages que les pays du Nord — c'est qu'elles permettent aux femmes, surtout, de participer au marché de l'emploi. Comme l'a fait remarquer votre invité de tout à l'heure, quand il y a deux adultes dans un ménage, l'un des moyens les plus rapides de sortir de la pauvreté est de s'assurer que les deux soient en mesure d'exploiter le marché du travail, que ce soit à temps plein ou à temps partiel, ou en combinaison. Deux gagne-pain potentiels dans un ménage, c'est véritablement une clé pour éviter la pauvreté.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais vous poser une question qui concerne, en fait, votre poste antérieur. Si je comprends bien, vous venez de quitter vos fonctions de directeur du conseil de planification sociale et de recherche de la Colombie-Britannique. Ce conseil a un programme, appelé Community Development Education, qui travaille avec les communautés rurales des communautés du nord de la Colombie-Britannique. Je me demande si vous pouvez en parler un peu, le décrire pour nous. À votre avis, quel succès a-t-il?
M. Goldberg : J'étais le directeur de la recherche. Il y a une directrice exécutive du conseil de planification sociale et de recherche de la Colombie-Britannique, Nancy Henderson, qui y est encore, et il y a aussi un coordonnateur du programme d'éducation en développement communautaire. Pendant un certain temps, j'ai aussi été responsable de l'institut de développement communautaire. C'était pour nous le moyen de contribuer à accroître la capacité et les connaissances au sein, particulièrement, des communautés locales, tant urbaines que rurales, en mettant un certain accent sur les plus petites communautés pour stimuler leurs capacités de réagir à certains des problèmes dans la communauté et à plus s'engager dans leur résolution.
Il remporte un assez grand succès depuis plusieurs années. Je pense que c'est un programme intéressant. Il y a des programmes semblables dans d'autres régions du pays. Celui qui a été probablement le plus connu, et qui est semblable à celui de notre institut, était le programme offert par Concordia, à Montréal, sur le développement communautaire, qui est un autre institut de développement communautaire de l'Est.
Le sénateur Callbeck : Pouvez-vous en parler un peu? Comment fonctionnait ce programme?
M. Goldberg : Il a évolué, et dans sa plus récente incarnation, le conseil de planification sociale et de recherche de la Colombie-Britannique reçoit plus de financement qu'auparavant. Il a eu la possibilité d'embaucher un coordonnateur. Pour les communautés intéressées à recevoir certains cours, il assumerait, en fait, le coût de la dispense de ces cours dans cette communauté, par processus d'appel d'offres. Les communautés font leur proposition, en disant qu'elles aimeraient recevoir des cours sur tel ou tel sujet. À ce que je sache, l'année dernière, et je le répète, je n'ai pas tous les détails parce que je n'y suis plus, le programme a reçu une subvention de la Vancouver Foundation pour aider à élargir le programme qui sera offert.
Le sénateur Gustafson : Vos graphiques, ici, sont très utiles. Dans le cas des revenus des agriculteurs, est-ce que cela inclut les emplois hors ferme?
M. Goldberg : Oui, la moyenne, oui. Si vous regardez la ligne de l'agriculture, on voit que dans ce cas particulier, c'est encore pendant l'exercice 2002, il y avait 160 000 déclarants qui avaient en moyenne 17 000 $ de revenu d'emploi et environ 15 000 $ de revenu moyen net d'agriculture, alors leur revenu total était d'un peu moins de 32 000 $, et après impôts et autres déductions, cela devenait 21 000 $ net après dettes, ou revenu disponible net après impôts et dépenses.
Le sénateur Peterson : Avec les outils de mesure dont vous avez parlé ce soir, avez-vous pu quantifier le nombre de familles qui vivent dans la pauvreté et où elles sont situées?
M. Goldberg : Ce renseignement existe. Je ne l'ai pas avec moi. Nous recevons ce type de chiffres de tous les recensements. D'après les données du recensement, ce serait celui de 2001 — nous n'avons pas encore celles de 2005 — nous pouvons obtenir l'incidence de la pauvreté par province ou par dimension de communauté. Statistique Canada devrait pouvoir trouver cela pour vous. Je suis sûr que le renseignement existe, bien que je le répète, il daterait un peu. Il serait fondé sur les revenus pour l'année 2000. Les nouvelles données seront disponibles, en principe, dans environ un an. Je ne sais pas exactement quand les données du recensement seront accessibles au comité.
Les tendances dans ce qui se passe ne changent pas cela de façon radicale, à moins qu'il y ait un changement énorme dans l'économie. Si nous regardons les changements dans les chiffres de la pauvreté, en général, dans tout le pays, que ce soit en région urbaine ou rurale, la plus forte incidence de pauvreté est toujours pendant une récession. Si vous regardez le SFR, le nombre de personnes qui vivaient dans la pauvreté au Canada était à son sommet en 1993, alors que diverses provinces du pays sortaient tout juste de la récession, et il diminue assez régulièrement dans toutes les provinces.
Si je peux vous donner les chiffres d'ici, au Canada, la pauvreté chez les enfants — nous sommes justement en train d'achever notre rapport là-dessus — était à un peu moins de 24 p. 100 en 1996. C'était au sommet. Le chiffre est resté assez égal pendant toute la période de la récession. Il a maintenant diminué à environ 17,7 p. 100 pendant cette période de prospérité économique. Ce n'est pas très faible quand on pense qu'en 1989, quand la Chambre des communes a adopté la résolution d'éliminer la pauvreté infantile avant 2000, le niveau était de 15 p. 100.
Certaines provinces ne s'en sont pas très bien tirées. Ma propre province, la Colombie-Britannique, semble en assez mauvaise posture comparativement aux autres. Je dis que le taux de pauvreté avait diminué depuis le milieu des années 90. Le témoin qui m'a précédé a dit que si on utilise une mesure relative comme la mesure fondée sur le panier de consommation ou le SFR, c'est-à-dire que les revenus montent parmi le groupe du haut de l'échelle, l'incidence de la pauvreté augmentera aussi; mais vous savez maintenant que l'incidence de la pauvreté a baissé depuis 12 ans. Pourtant, en ce qui concerne la répartition du revenu, si vous regardez les intervalles entre quantiles, c'est-à-dire les 10 premiers pour cent, le 9e percentile suivant, le 8e percentile, et cetera. — les revenus du décile supérieur ont augmenté nettement depuis une dizaine d'années, entre 1993 et 2004, tandis que les revenus des deux déciles du bas sont restés quasiment les mêmes.
Ainsi, bien que les gens qui ont un faible revenu n'aient pas reçu leur part de la prospérité économique, d'après la répartition par déciles, l'incidence de la pauvreté a tout de même baissé, parce que les gens des troisième et quatrième groupes sont maintenant au-dessus de la ligne de la pauvreté, tandis que pendant une période économique difficile, ils sont souvent en dessous. La notion voulant que si on utilise une mesure relative, elle montera toujours quand les groupes supérieurs montent, est erronée.
Le sénateur Mitchell : J'ai une question technique. Vous avez dit tout à l'heure dans votre présentation qu'en Europe, une mesure de la pauvreté qui est utilisée est fixée à 60 p. 100 du revenu moyen. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Goldberg : Oui.
Le sénateur Mitchell : À ce compte-là, on ne se débarrasserait jamais de la pauvreté.
M. Goldberg : Il est intéressant que le nord de l'Europe, particulièrement, a un taux de pauvreté nettement moins élevé que nous, au Canada. Vous devriez voir les rapports de l'UNICEF ou d'autres rapports des Nations Unies sur le bien-être, qui appliquent cette mesure commune. La mesure internationale applique 50 p. 100 du revenu moyen. L'Europe a maintenant adopté des normes plus rigoureuses. L'une des choses que l'Europe a faites, particulièrement le nord de l'Europe, c'est que le nombre de personnes qui sont employées et qui reçoivent des revenus de moins de 50 p. 100 de la moyenne ou de 60 p. 100 de la moyenne est d'environ 5 ou 8 p. 100. Au Canada, 25 p. 100 de notre population gagne un faible revenu. C'est là où est la grande différence. C'est dans les rapports internationaux.
Le sénateur Mitchell : À votre avis, qu'est-ce qui fait cette différence? C'est quand même assez étonnant.
M. Goldberg : Oui, ça l'est. Le principal facteur, pour cela, ce sont les normes de travail. Les pays du nord de l'Europe ont beaucoup insisté pour s'assurer que tous les travailleurs reçoivent ce qu'ils appellent un salaire subsistance, comparativement au Canada, où nous n'avons pas de politique sur les salaires suffisants. Nous avons une politique de salaire minimum, mais elle est plutôt faible pour la Colombie-Britannique, qui a le plus élevé. Il a été établi d'après un rapport que j'ai produit en 1999; cependant, ce niveau n'a pas changé en six ans, comme si le coût de la vie n'avait pas changé en six ans en Colombie-Britannique, ce qui, bien sûr, n'est pas le cas. Le coût de la vie a augmenté partout.
Par conséquent, les travailleurs à faible revenu ne voient pas augmenter leur salaire en rapport aux seuils qui sont établis par les normes, tandis qu'en Europe, ces normes sont liées à l'inflation. Ainsi, les travailleurs se suivent de plus près, au plan de la subsistance.
Autre chose qu'il convient de souligner, c'est que dans les pays du nord de l'Europe, particulièrement si on pense aux aspects de la ferme et de la sécurité des aliments, comme en Norvège, ils subventionnent beaucoup plus leurs agriculteurs locaux pour s'assurer que les fermes puissent subsister et que les agriculteurs puissent se permettre de continuer de prospérer dans leur propre pays. Les consommateurs, à leur tour, paient un prix élevé pour leurs biens de consommation.
Le sénateur Mitchell : C'est très intéressant. Il est aussi intéressant que certains pays scandinaves soient reconnus comme ayant l'économie et la population active les plus productives. C'est contraire à l'intuition du modèle conservateur, c'est-à-dire réduire les taxes, réduire les taxes, réduire encore les taxes pour obtenir une plus grande productivité. Cependant, ce n'est pas ce qui arrive.
M. Goldberg : Si nous laissons de côté la théorie et regardons ce qui est vraiment arrivé, plutôt que de nous concentrer sur les conservateurs, les libéraux ou quiconque d'autre, il y a un ensemble de preuves, pour ce qui est de penser au bien-être de tous — dans les pays scandinaves, ils ont réduit les écarts entre le haut et le bas de l'échelle, bien qu'il reste encore des gens très riches en Scandinavie — qui démontre que si on rapproche les gens, tout le monde en profite. Par conséquent, les très riches s'en tirent mieux au plan des soins de santé, de la longévité, de l'alphabétisme et des notions de calcul — la Scandinavie a beaucoup d'avance sur tout le monde sur ces plans — mais aussi les pauvres vivent mieux. Selon les études sur l'espérance de vie, on constate qu'elle est plus grande chez les pauvres que chez les riches dans les pays qui affichent une plus grande inégalité.
Il y a une chose qui commence à ressortir, et c'est que si on regarde les résultats qu'on veut obtenir — il nous faut nous entendre sur ce que ces résultats doivent être — il peut y avoir des approches qui sont plus productives que d'autres. Il est intéressant que, parce que la participation est tellement élevée sur le marché du travail du nord de l'Europe, leur productivité dépasse nos horizons.
Le Canada a participé à une étude portant sur l'éducation et les notions de calcul, et quand on regarde les gradients, les pays du Nord se démarquent nettement du Canada et des États-Unis. Les pays du Nord ont beaucoup d'avance sur nous en matière d'économies du savoir.
Le sénateur Mitchell : Quel est leur taux d'analphabétisme?
M. Goldberg : Parmi les adultes les plus âgés, il est semblable à celui que nous avons ici. La situation s'améliore toutefois, parce qu'ils ont offert beaucoup de programmes d'alphabétisation des adultes. Nous commençons seulement à les offrir ici. Nous n'avons pas beaucoup investi, vraiment, là-dedans, mais nous en parlons.
Le sénateur Mitchell : Nous avons, d'ailleurs, réduit leur financement récemment.
M. Goldberg : Dans certains cas, il y a eu des réductions mineures. Le Canada n'a pas offert le genre de programmes d'alphabétisation des adultes qu'ils ont dans les pays du nord de l'Europe. Ce sont des solutions à long terme.
Ce qui est plus important, c'est ce qui est arrivé avec les enfants. Je pense qu'ils ont des programmes d'éducation fondamentale de la petite enfance depuis maintenant 20 ans. Leurs enfants sont beaucoup mieux instruits — encore, ce sont toutes des mesures standards, qui tiennent compte de l'immigration — que les enfants d'ici. Nous nous en tirons mieux que les États-Unis. Nous ne sommes pas les pires. Les États-Unis, en fait, constatent qu'une vaste proportion de leur population n'est pas alphabétisée ou n'a pas de notions de calcul.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais vous interroger sur l'impact et l'importance des garderies. Que pensez-vous de leur pertinence, au Canada. Estimez-vous que cette somme de 1 200 $ par année est utile?
M. Goldberg : Tout d'abord, nous devrions appliquer les données de l'OCDE. En tant que chercheur, j'ai tendance à m'appuyer sur les preuves.
Les preuves sont tout à fait claires. En tant que proportion du PIB ou de toute autre mesure que nous voulons utiliser, le Canada est en retard en matière d'éducation de la petite enfance. Ce n'est pas seulement à cause des changements qui surviennent. Si on veut être juste, nous sommes en retard depuis longtemps. Cela a été une promesse des deux premiers ministres, conservateur et libéral.
La première promesse qui a été faite était, je pense, sous le gouvernement de Brian Mulroney, de créer un programme national de garderies et puis, bien sûr, nous avons eu deux promesses sous le gouvernement Chrétien, dont aucune n'a été concrétisée. On a manifesté quelques velléités de les réaliser il y a deux ou trois ans, mais les provinces ont traîné les pieds.
Puisque nous entrons dans les économies du savoir — cela ne signifie pas que nous n'ayons pas besoin de maçons et d'autres gens de métiers — si nous nous orientons vers les économies du savoir, l'investissement le plus rentable, sans la moindre exception, d'après les données recueillies, c'est l'éducation de la petite enfance.
Les 1 200 $ versés aux familles constituent un bon supplément de revenu, parce qu'il nous faut transférer de l'argent de ceux d'entre nous qui n'ont plus d'enfants, ou n'en ont jamais eus, à ceux qui en ont. Il faut tout un pays pour élever un enfant, tout un village, pour citer Margaret Mead. Les gens qui élèvent des enfants ont besoin de l'aide de ceux qui n'en n'élèvent plus. L'expression pour désigner cela est le transfert horizontal.
Ces 1 200 $ par mois sont un moyen d'y parvenir. Cela n'a rien à voir avec les garderies. Le réseau de garderies axé sur le marché ne peut pas produire le type de résultats qu'on obtient d'un système d'éducation comme celui que nous avons maintenant, dirigé par l'État. Ce sont des biens de consommation communs.
Le sénateur Mercer : Monsieur Goldberg, vous m'avez à la fois éclairé et découragé. J'espère que vous pouvez me donner quelque espoir. Je vais vous poser deux questions que j'ai posées au témoin qui vous a précédé. Je ne comptais pas vous les poser, mais les données que vous venez d'exposer m'ont forcé à revenir à ces questions.
Tout d'abord, s'il y avait trois changements que nous pourrions mettre en œuvre dès demain en tant que gouvernement fédéral pour contrer la pauvreté rurale, quels seraient-ils, selon vous?
M. Goldberg : Le tout premier changement serait de m'assurer que la prestation canadienne pour enfants est augmentée — et nous pourrions nous permettre de le faire dès demain — à environ 5 000 $ par enfant. Il nous faut nous assurer qu'aucune province ne soit autorisée à prélever de déductions du revenu des gens qui reçoivent de l'aide au revenu, qui ne soient pas fondées sur la source du revenu. Nous devons dire qu'aucun enfant dans ce pays ne sera jamais plus élevé dans la pauvreté. Nous aurions pu le faire il y a 10 ans. En 2000, quand le soi-disant budget des enfants a été dévoilé, c'est devenu un budget de réduction de l'impôt, nous avons laissé passer une chance, mais elle est encore là. Nous avons cette possibilité. Ce n'est pas une question de ne pas pouvoir nous le permettre. C'est la première chose.
Deuxièmement, nous devons revenir sur nos pas avec l'entente fédérale-provinciale sur les fonds fédéraux liés à l'éducation de la petite enfance. Cela doit être réglementé, de haute qualité, et nous voulons réduire les frais que paient les parents. Le coût des garderies, ici, est de deux à trois fois ce qu'il en coûte d'aller à l'université. Une jeune famille, ici, avec un enfant d'un an, qui veut retourner sur le marché du travail, en Colombie-Britannique, dépensera 1 200 $ par mois, et non par année, sur les services de garderie. Ces expériences ont prouvé, à maintes reprises, que la grande qualité profite aux enfants et à tout le monde. C'est la deuxième chose que je ferais.
La troisième suggestion est quelque chose qu'un autre membre du comité a déjà mentionné. C'est absolument déterminant. C'est en rapport avec les relations entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et il s'agit de la mobilité. Nous avons commencé à instaurer des processus qui découragent les gens d'aller d'une province à l'autre en percevant des taux différentiels, selon qu'ils sont résidants ou non. Le plus odieux est probablement ce qui s'est passé en rapport avec l'éducation postsecondaire. Il y a eu un temps où il importait peu qu'on vive en Colombie-Britannique et qu'on aille à Dalhousie — on payait les mêmes frais de scolarité. Ce n'est plus le cas. Le gouvernement fédéral pourrait insister pour que l'argent qu'il verse pour l'éducation postsecondaire soit lié, que nous honorions la résidence et la mobilité, et que nous ne percevions pas de taux différentiels.
Le sénateur Mercer : Cela revient à notre discussion de tout à l'heure, où le terme « éducation » ressortait tout le temps. J'ai dit tout à l'heure que le Canada est l'un des seuls pays développés du monde qui n'a pas de normes nationales en matière d'éducation. Devrions-nous en avoir? Devrait-il y avoir un transfert garanti pour l'éducation vers les provinces, qui soit réservé exclusivement à l'éducation?
M. Goldberg : C'est intéressant. Pour une confédération comme le Canada, qui a d'importants enjeux liés à la compétence entre les provinces et le gouvernement fédéral, où nous n'avons pas un État unitaire comme la Suède ou même l'Australie ou la Grande-Bretagne dans une certaine mesure, l'autre domaine où nous nous sommes relativement bien sortis est celui de l'enseignement primaire et secondaire.
Je sais que les ministres de l'Éducation des provinces se réunissent régulièrement. De fait, nos normes sont relativement comparables, bien qu'elles ne soient pas absolument les mêmes. Prenons l'exemple d'un élève de l'Ontario qui a achevé sept années à l'école, et voyons si cet élève serait à un niveau semblable en Colombie-Britannique. Pour la plupart — cela ne s'applique pas à tout le monde — c'est le cas. Les gens peuvent aller d'une province à l'autre, et leurs enfants peuvent reprendre au même niveau à l'école, ou à plus ou moins un an d'écart, dans différentes provinces. Certains résultats ne sont pas les mêmes, mais ils sont uniques à certaines provinces.
Le sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard a dit que les résultats qu'ils obtenaient étaient de mieux en mieux, mais qu'ils n'étaient pas encore équivalents à d'autres régions. Cela pourrait peut-être s'expliquer par le rôle que l'éducation jouerait dans les cultures de toutes ces provinces en tant que communautés rurales.
C'est une notion artificielle qui veut qu'il faille avoir 18 ans pour avoir l'instruction de base. Si on fait surtout certains types de choses, il se pourrait bien qu'à 16 ans, on ait moins besoin de formation spécialisée que des autres matières. Je soutiendrais qu'en apprentissage continu, la notion de distinction entre les compétences et les arts et les autres domaines de l'éducation est artificielle. On veut que les gens apprennent avec enthousiasme et on veut s'assurer qu'il n'y a pas d'obstacles, particulièrement d'obstacles financiers, que nous pourrions éliminer par les politiques. Je me préoccupe moins de veiller à ce que quelqu'un soit diplômé à 18 ans que de le voir poursuivre ses études et être diplômé à 22 ans s'il est prêt à le faire.
Le sénateur Mitchell : J'ai quelques questions de suivi sur ce que vous disiez au sujet des obstacles à l'éducation. Selon certaines études, l'un des plus grands obstacles à la poursuite d'études postsecondaires pour un Canadien de classe moyenne est la dette. La perspective de la dette est un agent modérateur de taille pour les gens de la classe moyenne — cependant, il reste à la définir — mais pas tant pour les gens qui ont plus de moyens, même s'ils pourraient finir avec une dette équivalente.
M. Goldberg : Nous savons que pour les étudiants qui terminent leurs études postsecondaires, que ce soit des études techniques ou universitaires — peu importe, leurs dettes sont nettement plus élevées qu'il y a une dizaine d'années, et cela peut poser problème. Les solutions que nous avons essayé de trouver sont des réductions des impôts ou la radiation de la dette — des sorties par la porte de derrière. Ces solutions sont utiles, mais je préférerais de véritables solutions. Les pays du nord de l'Europe ont de l'avance sur nous dans le domaine, que ce soit au plan des frais de scolarité ou des frais nominaux, parce qu'ils veulent que tout le monde ait accès à l'éducation postsecondaire ou à l'éducation continue, tout au long de leur vie. Nous y parviendrions en supprimant les obstacles financiers plutôt qu'en trouvant une quelconque solution fiscale déguisée, une sortie par la porte arrière, quand on perd le contrôle de la situation comme c'est arrivé.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais maintenant aborder le sujet de l'accès rural aux études postsecondaires. L'apprentissage à distance est proposé comme solution, et il est de plus en plus sophistiqué. Que pensez-vous de son efficacité? Est-ce que les normes sont adéquates? Est-ce que cela atteint le but visé?
M. Goldberg : Il vous faudrait un autre expert, pour ce qui est des normes. Je sais que l'éducation à distance a été un véritable bienfait pour les plus petites communautés parce que les enfants n'ont plus besoin de partir et il n'y a plus les énormes frais pour les installer à un endroit comme Vancouver pour aller à l'université. Beaucoup plus d'ouvrages universitaires et collégiaux ont été conçus depuis 20 ans, alors il y a plus d'accès aux niveaux locaux, mais c'est loin d'être équitable et suffisant.
Je soutiendrais que nous devrions envisager, pour les gens qui vivent dans les régions rurales du Canada, une subvention supplémentée afin de permettre aux jeunes de quitter les régions rurales pour fréquenter des universités et collèges urbains et en faire l'expérience. Ainsi, ils verront à la fois le bon et le mauvais côté de la vie urbaine et de la vie rurale. Cependant, les coûts pour permettre aux jeunes des régions rurales d'aller à l'université dans un milieu urbain sont absolument prohibitifs. Inversement, il serait bon pour certains jeunes citadins de faire l'expérience de plus petites communautés en y fréquentant le collège et l'université, mais encore, il peut être extrêmement coûteux de quitter le foyer ces jours-ci, avec les frais du logement, des repas, sans parler des frais de scolarité.
Le sénateur Peterson : J'ai une question à poser rapidement sur les obstacles financiers dont vous avez parlé. Les bourses d'études postsecondaires au Canada, si j'ai bien compris, ne sont pas imposables tandis que les bourses d'études secondaires et les incitatifs sportifs le sont. Que pensez-vous de cette anomalie?
M. Goldberg : C'est une anomalie. Je préférerais que le programme soit offert absolument gratuitement, ou à un coût minime, plutôt que de devoir faire le suivi des dépenses aux fins d'impôts lorsqu'il est question de bourses et autres. Il faut retracer des détails, et ainsi, on doit garder tout en dossier pour la déclaration de revenus, même si c'est un crédit. C'est beaucoup trop de travail pour tout le monde.
Je veux revenir à mon analogie de la porte arrière. Si nous pouvons offrir ce qu'il faut par la porte de devant, au prix approprié, alors, on n'a pas tous ces problèmes quand on perd le contrôle de la situation et qu'il faut trouver un ajustement par la porte de derrière. Je demanderais : Avons-nous la bonne approche en matière de programme? Au bout du compte, les coûts sont les mêmes; peu importe. C'est simplement une question de la façon dont l'argent sort des poches de la population. Les coûts finissent par être à peu près les mêmes. Ce serait un premier élément.
Aussi, nous avons un problème dans notre société, en ce sens que le coût des activités récréatives est très élevé. Un Canadien à faible revenu doit supplier ou demander pour pouvoir participer et qu'on renonce à lui imposer les frais. Selon une décision récente de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, les écoles ne peuvent plus percevoir de frais scolaires auprès des enfants pour qu'ils puissent participer aux activités sportives. Ces frais sont éliminés. C'est à chacun de nous qu'il incombera, pour le bien commun, de nous assurer que ces expériences sont à la portée de chaque enfant. Quand je parle de familles à faible revenu, ce qui est décourageant, c'est qu'ils disent que les enfants sont « accros ». C'est pour illustrer le fait que, pour pouvoir faire des choses, ils doivent s'accrocher à d'autres pour pouvoir rassembler le montant de la participation. Cela décourage les gens d'engager leurs enfants dans les sports ou les activités récréatives, ce qui, à son tour, les décourage de mener d'autres activités dans leur vie quand ils sont plus âgés.
Le sénateur Peterson : Bon nombre de ces bourses, particulièrement pour les élèves du secondaire, vont aux enfants de grandes villes dont les parents ont les moyens de payer les impôts. Pourquoi cette situation existerait-elle? Pourquoi un élève du secondaire peut obtenir une bourse mais le percepteur d'impôts veut sa part, alors que l'éducation postsecondaire est censée être exempte d'impôts?
M. Goldberg : Je suppose que nous parlons des bourses pour s'inscrire aux programmes. Si quelqu'un a reçu une bourse pour assister à un camp de hockey pendant l'été, cela ne devrait pas être traité comme un revenu pour la famille, pas plus qu'une bourse accordée à quelqu'un qui fréquente une institution postsecondaire. Ce n'est pas un revenu qu'on met dans sa poche, pour ses loisirs. C'est un compromis, pour pouvoir assister à quelque chose, et c'est plus une bourse d'études. Dans ce sens, ce ne devrait pas être un revenu imposable. Vous avez raison, le système est incohérent. Nous avons un code fiscal qui englobe les livres, alors il y a un problème avec notre code fiscal aussi.
Le sénateur Peterson : Nous y travaillerons.
La présidente : Y a-t-il d'autres questions, honorables sénateurs?
Le sénateur Mercer : Quand vous serez à Ottawa, veuillez nous le dire, parce que nous aimerions beaucoup que vous reveniez nous parler. Cela a été très instructif.
M. Goldberg : Ce sera avec plaisir.
La présidente : Il est certain que vous avez apporté de nouvelles idées à la discussion. Nous avons beaucoup de chemin à faire, alors il est bon d'avoir des idées différentes.
M. Goldberg : J'aimerais dire une autre chose avant de terminer. L'un de vos collègues, qui n'est pas ici ce soir, le sénateur Segal, a publié un article dans le Toronto Star, sur la revitalisation de la notion de revenu suffisant garanti. C'est un concept qui refait surface, et qui mérite qu'on s'y arrête. J'aurais bien aimé que le sénateur Segal soit à la réunion ce soir, parce ce que ne di pas l'article, c'est comment déterminer le seuil. Si nous pouvions nous entendre là- dessus, nous pourrions probablement trouver des moyens d'offrir la sécurité de revenu aux familles, pour qu'elles puissent faire des choix réels, parce que les coûts de base seraient couverts. Les familles qui ont plus de sécurité sont prêtes à prendre plus de risques, ce qui serait bénéfique à long terme à notre bien-être économique général.
La présidente : Merci d'avoir soulevé cet élément. Comme vous l'avez remarqué, le sénateur Segal est un éminent membre de ce comité, et il a fait beaucoup de travail sur la pauvreté rurale, ce qui a amené le comité à examiner la question.
Nous veillerons à ce qu'il entende vos propos.
La séance est levée.