Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 11 - Témoignages du 21 novembre 2006
OTTAWA, le mardi 21 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 19 h 45, pour étudier, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, bonsoir. Nous accueillons ce soir les MM. David Freshwater et Donald Reid. M. Freshwater, économiste agricole, enseigne à l'Université du Kentucky et a abondamment écrit sur les politiques agricoles et sur les questions de développement économique rural au Canada et aux États-Unis. M. Reid est professeur à l'École de design environnemental et de développement rural de l'Université de Guelph. M. Reid a concentré ses recherches sur les répercussions du tourisme dans les régions rurales mais, plus récemment, il s'est intéressé à l'étude de la pauvreté en milieu rural.
Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous prions d'excuser notre retard. Nous devons demander à chacun de s'exprimer clairement et rapidement, car nous devrons quitter précipitamment la salle à 20 h 25 en raison de la tenue d'un autre vote.
Donald Reid, professeur, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph, à titre personnel : Je vous remercie du privilège que vous me faites de comparaître devant vous pour parler de ce sujet très important.
Comme la présidence l'a indiqué, à mes débuts, j'ai étudié la question du développement du tourisme. Pendant 12 ans, j'ai travaillé pour ce qui était alors le ministère de la Culture et du Développement du tourisme de l'Ontario avant de poursuivre ma carrière à l'Université de Guelph il y a une vingtaine d'années.
Je souhaitais cerner les effets du développement touristique sur la solidarité communautaire et sur la réduction de la pauvreté individuelle dans les régions rurales. J'ai travaillé là-dessus pendant un certain temps et, je suis sûr que vous en conviendrez, on pensait alors que le tourisme allait sauver les régions rurales éprouvant des difficultés liées à l'extraction des ressources naturelles et devant l'effondrement de leur économie. En vérité, ce ne s'est pas ce qui s'est produit. Ce n'est pas une baguette magique. À certains égards, l'expérience a été frustrante.
J'ai commencé à m'intéresser aux questions touchant la pauvreté, en m'efforçant de déterminer de quelle façon la société canadienne pourrait reformuler la question de manière à ce que nous puissions nous y attaquer une fois pour toutes. Je dresse un bilan plutôt négatif de cette démarche et je ne suis pas sûr que nous ayons fait un très bon travail, particulièrement dans le cas des plus pauvres. C'est un groupe bien différent des travailleurs à faible revenu dans notre pays. Ce sont des gens qui ne travaillent pas depuis un certain temps, qui tirent le diable par la queue à longueur d'année et qui ne savent pas ce que l'avenir à plus long terme leur réserve.
J'ai d'abord essayé de définir la pauvreté rurale et j'ai trouvé que cela, aussi, était une expérience assez frustrante. Je suis arrivé à la conclusion que les particuliers évaluent leur statut en fonction de la société dans laquelle ils vivent et selon qu'ils détiennent ou non des ressources suffisantes pour combler les besoins essentiels de la vie, d'après l'ensemble des valeurs sociales et des normes de leur milieu. La pauvreté est un concept contesté et non une variable absolue, d'après moi. C'est un concept qui est défini et déterminé par la société.
J'ai rédigé quelques notes sommaires en format PowerPoint, car nous disposons d'encore moins de temps que nous ne le pensions à l'origine. Je vais en faire un survol rapide. Si nous en discutons par la suite, nous essayerons d'étoffer quelques-unes de ces réflexions.
En premier lieu, je tiens à dire que, selon moi, la pauvreté n'est pas seulement une condition économique. Elle comporte des éléments sociologiques et psychologiques qui entraînent une exclusion sociale. J'aborde la pauvreté sous l'angle de l'exclusion sociale, car la pauvreté n'est pas seulement une question de revenus, mais aussi, bien au-delà, une question de développement, particulièrement pour les plus pauvres dont j'ai parlé tout à l'heure. Si nous voulons vraiment nous attaquer à cette problématique de la pauvreté, nous devons élargir nos horizons au-delà de la question des revenus.
Comme je le mentionne dans ma communication, j'ai participé, grâce au ministère de l'Agriculture de l'Alimentation et des Affaires rurales, au programme des communautés rurales durables. Deux collègues — un de l'Université Brock et un de l'Université de Waterloo — et moi-même menons une étude de trois ans auprès des gens qui sont à cette extrémité du spectre. Je suis ébahi devant les problèmes individuels et sociaux auxquels ces populations sont confrontées. La dépression est incroyablement répandue et on peut observer un manque de compétences sociales.
J'ai dégagé une autre conclusion : l'approche économique classique, qui sert de cadre pour lutter contre ce problème depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, n'a pas donné de bons résultats, à mon avis. Je suis persuadé que mon collègue va vouloir corriger ma définition, mais je dis qu'il faut réduire les impôts, de manière à ce qu'on puisse transférer des ressources vers le secteur privé, ce qui, espérons-le, créera davantage d'emplois et réduira donc notre taux de chômage. Comme on dit, c'est le principe des vases communicants. Je ne prends aucun plaisir à annoncer de mauvaises nouvelles, mais les vases communicants n'ont pas atteint tout le monde. Il faut donc mettre en place d'autres approches.
Je ferai également remarquer que la pauvreté, du moins dans la région d'où je viens, comporte des composantes horizontales et verticales — horizontales en ce sens qu'elle est toujours fondée sur la classe sociale, dans une certaine mesure, mais verticales dans le sens que certains secteurs d'activité se portent très bien. Mais juste à côté, on trouve des industries ou des secteurs d'activité qui se portent extrêmement mal. Nous voyons donc que cela ne constitue plus simplement un problème d'ordre géographique. Dans le nord de l'Ontario, le secteur minier est en plein essor; toutefois, dans le secteur des pâtes et papiers, vous constatez que l'économie s'est effondrée. Deux entreprises fonctionnent côte à côte dans une région, mais seulement l'une d'elles se porte bien. À bien des égards, les compétences ne sont pas transférables. Ainsi, la pauvreté comporte une dimension horizontale et une dimension verticale et, dans les régions rurales, elle est extrêmement difficile à voir. Je suis persuadé que les sénateurs ont déjà entendu dire qu'elle est le résultat de la dimension géographique. Dans de nombreux cas, la pauvreté est responsable de l'exode des populations hors d'une région.
Il me faut mentionner un autre aspect de la pauvreté rurale au Canada : nous avons tendance à penser que les pauvres forment une seule entité, comme s'ils étaient une population homogène, mais ce n'est pas le cas, que ce soit du point de vue de leur état ou de leurs besoins. La population des pauvres est tellement diverse qu'il nous faut adopter à son égard une approche concertée.
Il existe un autre mythe choquant pour moi et qui a maintenant volé en éclats, à savoir qu'on pourrait remédier simplement à la pauvreté en travaillant fort. L'accroissement de la productivité ne dépend plus de la main-d'œuvre, mais des innovations technologiques. De ce fait, bon nombre des secteurs primaires réduisent leurs effectifs et renforcent la composante technologique afin de conserver leur compétitivité à l'échelle mondiale.
Quels sont les éléments à prendre en considération si nous voulons changer les choses? Je suis profondément convaincu qu'il faut dissocier la politique sociale des politiques de la main-d'œuvre ou agricoles. Beaucoup de questions qui se posent aux milieux agricoles comportent une dimension mondiale et il faut les régler à l'intérieur d'un cadre de politique agricole. Comme vous le verrez plus tard dans les notes, si la politique agricole échoue, il faudra alors que la politique sociale prenne en charge les conséquences de la situation. N'essayons pas de nous attaquer à ce problème directement et abordons-le plutôt du point de vue de la politique agricole.
Divers intervenants, y compris Milton Friedman et la Commission Macdonald, ont déjà proposé un revenu annuel garanti. La dernière organisation qui a fait une telle suggestion était un groupe d'études au Collège St. Michael's, à Toronto. Il n'a pas employé les termes « revenu annuel garanti », mais il a parlé de « supplément de revenu ». On peut employer des mots différents pour dire la même chose.
Je suis d'avis qu'il faudrait envisager des mesures comme le revenu annuel garanti pour atténuer la pauvreté, en conjonction avec des mesures déjà en place, comme le programme de travail obligatoire et l'aide sociale. Il nous faut définir clairement les objectifs et les moyens de les atteindre. Je ne suis pas sûr que nous l'ayons fait jusqu'à maintenant.
J'entends souvent nos politiciens dire qu'il faut réduire le nombre d'assistés sociaux, comme si c'était la même chose que réduire la pauvreté. J'affirme que ce n'est pas la même chose. Il y aura moins d'assistés sociaux si on les met à bord d'un autobus en partance pour l'Alberta, s'ils vivent à Toronto. Ce n'est pas la même chose que de s'attaquer à la pauvreté. Quels sont les objectifs et les moyens de les atteindre? Je ne suis pas sûr que nous ayons bien fait les choses à cet égard jusqu'ici.
La prochaine section de mon exposé porte sur les mesures concrètes à prendre, ce dont nous devons toujours nous préoccuper. Nous définissons d'abord les besoins, puis nous devons déterminer comment y répondre. Si nous voulons changer les choses dans les régions rurales, car la pauvreté y est tellement difficile à déceler, nous devons d'abord renforcer les institutions qui s'y trouvent et qui ont pour mandat de s'attaquer à ce problème. Je parle ici d'organisations religieuses et féminines. Elles ont leurs lacunes, mais elles pourraient jouer un rôle important.
Le dernier élément que je veux évoquer me tient beaucoup à coeur. Lorsqu'on parle de revenus garantis, des questions comme celles-ci surgissent : « Qu'est-ce que les gens vont faire d'eux-mêmes? » Un de mes collègues, Robert Stebbins, a répondu en partie à cette question. Il a parlé d'une notion dite de « loisirs sérieux », qui font à son avis le pont entre l'oisiveté et un travail à temps plein. Je vous ai communiqué les critères qui, selon lui, caractérisent les loisirs sérieux : à l'occasion, ils nécessitent de la persévérance; ils occupent la place d'une carrière; ils peuvent parfois exiger un effort personnel important comportant des connaissances particulières; ils peuvent procurer des avantages durables aux particuliers ou à la société; ils peuvent avoir un éthos unique en son genre propre à ceux qui les pratiquent; enfin, les participants s'investissent profondément dans l'activité qu'ils ont choisie.
Nous avons dépassé le concept voulant que les loisirs des personnes qui ne travaillent pas sont frivoles, parce que M. Stebbins a réussi à cerner pour nous quelques-uns des critères qui, sur le plan psychologique et social, confèrent sur un sentiment de valorisation et de fierté que nous souhaitons tous aux gens qui se trouvent au bas de l'échelle économique de notre société.
Étant donné que nous manquons de temps ce soir, madame la présidente, je vais m'arrêter là de façon à ce que nous ayons le temps de discuter de certaines de ces idées le moment venu.
La présidente : Monsieur Freshwater, vous voulez dire quelque chose?
David Freshwater, professeur et directeur des études supérieures pour en économie agricole, Université du Kentucky, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître ce soir. Mes observations d'aujourd'hui seront influencées par le fait que j'ai passé les 20 dernières années de ma vie aux États-Unis. Pour l'essentiel, je vais parler de deux choses : les marchés ruraux de la main-d'oeuvre, particulièrement les marchés locaux de la main- d'oeuvre, et la difficulté d'élaborer des politiques rurales efficaces. Pour cela, je m'inspirerai des 30 dernières années de ma vie, où j'ai tenté d'atteindre cet objectif sans réussir particulièrement bien.
On peut dire de la pauvreté qu'elle résulte soit du chômage, soit d'un emploi qui procure un revenu insuffisant. Je reconnais pleinement le concept de M. Reid, mais je suis économiste. Donc, je vais m'en tenir à ce que je connais dans la mesure du possible.
Il faut prendre en compte à la fois la demande et l'offre de main-d'oeuvre. J'aimerais passer rapidement en revue certains éléments qui ont changé les conditions de vie dans les régions rurales.
Je vais commencer par la demande de main-d'oeuvre. Manifestement, les deux grandes sources d'emploi dans les régions rurales dans le passé ont été les secteurs des ressources naturelles et la transformation. Les deux ont connu un ralentissement incroyable ces derniers temps. En particulier, dans le secteur de la transformation, nous avons observé la perte d'emplois peu qualifiés et à faible salaire du fait de la sous-traitance à l'étranger, qui a signé l'arrêt de mort de petites usines de transformation dans des régions rurales.
Dans le secteur des ressources naturelles, il s'est produit un remplacement systématique de la main-d'oeuvre par le capital, de sorte qu'il y a moins de travailleurs qui produisent autant. Encore une fois, les perspectives d'emploi ont énormément diminué pour ceux qui ont terminé ou non leurs études secondaires; il y a 40 ans, auraient probablement pu gagner un bon revenu, mais ils éprouvent maintenant des difficultés et recherchent autre chose d'autre à faire.
Par ailleurs, il faut déterminer les secteurs où la croissance de l'économie nationale s'est faite. Nous sommes passés d'une économie de la transformation à une économie fondée sur les services. Dans une certaine mesure, c'est l'économie du savoir. On s'entend largement pour dire que l'économie du savoir, au fond, est une économie urbaine. La plupart des emplois créés dans les technologies de l'information, les TI, se retrouvent dans un nombre relativement petit de grandes agglomérations urbaines comme le secteur de Kanata, à Ottawa, ou à Toronto, mais pas nécessairement dans des villes comme Saskatoon ou d'autres villes des Prairies ou des Maritimes. Donc, c'est un petit nombre de grandes agglomérations urbaines qui génèrent le gros de l'activité économique dans ce secteur.
Cela a des conséquences pour les zones rurales : leur base économique traditionnelle s'est effondrée. La croissance de l'économie en général se fait ailleurs. Alors, qu'est-ce que ces gens-là peuvent faire? Une des solutions qui s'offre à eux consiste à se déplacer, mais leur bagage de compétences n'est pas particulièrement utile s'ils déménagent dans une agglomération urbaine. La plupart d'entre eux le comprennent. Dans une grande mesure, je crois qu'ils font un choix rationnel en ne se réinstallant pas ailleurs.
Je signale que tout n'est pas que morosité. Le secteur de l'automobile nous offre un exemple particulièrement intéressant. Nous entendons continuellement dire que le secteur de l'automobile est gravement en danger. En fait, c'est vrai pour une partie du secteur de l'automobile. Les trois grands de l'automobile ont supprimé des emplois partout en Amérique du Nord et ils continuent de le faire. Cela tient au fait que leur part du marché a fondu comme neige au soleil et qu'elle a été saisie par des compagnies en provenance du Japon, de la Corée et de certains pays européens.
Ce qui est intéressant aux États-Unis, c'est que l'emploi dans le secteur automobile est demeuré à peu près constant ces 15 dernières années. Les trois grands ont supprimé des emplois parce que leur part de marché a reculé, les sociétés automobiles étrangères ont accru leur part de marché et augmenté leurs effectifs.
Que s'est-il passé? Le secteur automobile, aux États-Unis, s'est déplacé des États du Midwest comme le Michigan, l'Ohio et l'Illinois vers des États du Sud comme le Kentucky, le Tennessee et le Mississipi. Non seulement les fabricants automobiles se sont déplacés du Midwest vers le sud du pays, ils se sont déplacés d'agglomérations urbaines comme Detroit, Cleveland, Flint et Lansing vers de plus petites villes comme Georgetown, au Kentucky, et Princeton, en Indiana. Ce phénomène s'est également produit en Ontario. St. Catharines a subi une hémorragie d'emplois et Alliston a connu un grand essor. Ainsi, un secteur industriel d'envergure s'est déplacé d'un grand centre urbain vers une agglomération urbaine plus petite; cela a fourni un nombre relativement élevé d'emplois dans le secteur de la fabrication pour des gens qui vivent dans des régions rurales, et qui peuvent ainsi toucher des salaires relativement bons.
Il y a une tendance à penser que les jours du secteur de la transformation sont révolus en Amérique du Nord. Ils ne le sont pas nécessairement, ils ne font que se réorienter. C'est intéressant de voir comment les fabricants japonais de voitures envisagent les choses car, au fur et à mesure que leurs ventes ont augmenté, ils ont décidé qu'ils avaient besoin d'assurer leur présence. Ils ont choisi de s'établir dans des agglomérations plus petites, loin des endroits où le secteur automobile était traditionnellement implanté. D'autres entreprises peuvent faire de même.
Le secteur de la transformation est en plein essor en Chine, et il prend de l'expansion en Inde et au Brésil. Le jour viendra où les entreprises de ces pays vont vouloir installer en Amérique du Nord au moins une partie de leur production. Selon moi, il est probable qu'ils fassent ce que les Japonais et le Coréens ont fait, et qu'ils trouvent des endroits dans des zones rurales. Cela ouvrira des possibilités de revenus et d'emplois, mais cela sera différent du passé.
J'ai un collègue qui affirme que l'arrivée de Toyota a été la meilleure chose qui se soit produite au Kentucky. Toyota ne voulait pas embaucher quelqu'un qui n'avait pas fini ses études secondaires. Subitement, tous les jeunes qui avaient l'habitude de décrocher en 9e année et de travailler dans les mines de charbon ou le secteur du textile devaient finir leurs études secondaires parce que, sans ce diplôme, Toyota n'acceptait pas leur demande d'emploi. Toyota versait des salaires beaucoup plus élevés que les mines ou les usines de textile, et elle offrait un milieu de travail beaucoup plus agréable.
Il existe une possibilité de relever le niveau des compétences, mais la transition est générationnelle. Le problème réside en partie dans le fait qu'on se demande ce qu'il faut faire avec les personnes de 30 à 40 ans qui n'ont pas terminé leurs études secondaires, qui n'ont que peu de débouchés et constituent de mauvais candidats au recyclage. Tout ce que nous savons sur les programmes de recyclage indique que plus on a quitté l'école il y a longtemps, plus il est difficile de relever son niveau de compétences. Les employeurs préfèrent investir dans des travailleurs plus jeunes, et non dans des personnes de 40 ans et plus. Pour les gens de 40 ans, les retombées de cet investissement ne sont pas mirobolantes non plus. Ils sont réticents à passer trois ans de leur vie à acquérir une compétence qui, au bout du compte, ne les mènera pas nécessairement très loin.
L'une des stratégies doit consister à établir ce à quoi, je pense, M. Reid faisait allusion, à savoir comment changer les choses. La transition est générationnelle. Nous avons besoin d'une stratégie pour les jeunes et d'une autre pour les travailleurs plus âgés, et il faut que les stratégies soient différentes. L'une peut s'appliquer de façon transitoire jusqu'à ce qu'on ait du succès en matière d'éducation des jeunes, mais, incontestablement, nous ne pouvons pas abandonner la partie importante de la population rurale qui est plus âgée et peu qualifiée. Autrement, on les condamne à la pauvreté.
Au fur et à mesure que les facteurs démographiques vont évoluer, nous aurons besoin de tous les travailleurs possible en Amérique du Nord au cours des 10 à 15 prochaines années, particulièrement dans les zones rurales, parce que les immigrants ont tendance à ne pas vouloir aller s'installer dans des régions rurales du pays. Il faut donc composer avec la main-d'œuvre locale et il est important de relever son niveau de compétence.
Mon mémoire sur les marchés du travail comporte beaucoup d'autres éléments, mais j'aimerais passer au second point sur la politique nationale.
Si vous vous attaquez à la pauvreté rurale, vous devez le faire dans le contexte plus large du développement rural. La pauvreté est un aspect du développement rural et, pour régler ce problème, il faut mettre en œuvre une politique efficace de développement rural. C'est un processus difficile. Le Canada, les États-Unis et l'Union européenne ont fait face à ce problème, et quelques indices donnent à penser que des approches peuvent donner de bons résultats. Toutefois, dans la majorité des cas, les choses qui ont été tentées n'ont pas été particulièrement couronnées de succès. Selon moi, il y a une demi-douzaine de facteurs qui expliquent cet échec.
Nous avons eu tendance à ne pas prendre de mesures d'envergure. M. Reid évoquait un changement relativement important de nos politiques. Je vous encourage à envisager des changements de taille plutôt que de petites améliorations progressives. Si votre action n'a pas été efficace, de simples retouches ne donneront vraisemblablement pas de bons résultats. La question de la dépendance à l'égard des approches du passé se pose.
Le problème, c'est notre vision à courte vue. Vous vous concentrez en ce moment sur la pauvreté rurale, mais, la durée de vie politique de la plupart des éléments qui vous intéressent est très brève. Le règlement de la pauvreté rurale exigera intervention à long terme. Il vous faut réfléchir aux façons de maintenir de poursuivre les efforts entrepris alors que l'attention politique se tourne ailleurs, ce qui arrivera inévitablement, et qu'il y a des pressions pour réaffecter les fonds dans la question de l'heure.
Nous avons une connaissance assez mauvaise des zones rurales, et cette connaissance devient de plus en plus insuffisante au fur et à mesure que la place de ces régions rurales dans l'économie nationale des États-Unis rétrécit. Nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe dans ces économies locales. Si nous ne le comprenons pas, comment pouvons-nous supposer que nous allons en améliorer le fonctionnement? La base des informations est tristement déficiente dans de nombreux cas.
Nous avons tendance à rechercher le remède miracle, l'élément qui, à lui seul va améliorer les choses. En réalité, nous devrions savoir que tous ces endroits sont différents. Parce qu'ils sont tous différents, ils nécessiteront une politique adaptée à eux, qui ne s'applique pas nécessairement ailleurs.
Il est difficile pour un gouvernement national de s'attaquer à un problème de ce type. Comment peut-on mettre en œuvre 2 000 politiques rurales? Ce n'est pas possible. Il faut trouver une politique rurale gérable du point de vue administratif, mais suffisamment souple pour que les gens en retirent quelque chose à l'échelle locale.
Il y a un exemple classique au Canada, à savoir le programme Aide au développement des collectivités. Si votre comité n'a pas entendu parler des retombées de ce programme, vous devriez inviter quelqu'un à ce sujet, car c'est une des rares politiques de développement rural dans les pays industrialisés.
Pour finir, je dirais que nous avons eu tendance à demander davantage aux gens des régions rurales que ce qu'ils peuvent nous donner. On dit généralement d'eux qu'ils sont indépendants, qu'ils ont un grand sens communautaire, qu'ils sont disposés à coopérer et à instaurer des changements. C'est vrai, mais leurs ressources sont très limitées. Ce que nous leur demandons de faire lorsque des responsabilités sont transférées par les gouvernements national et provinciaux aux régions rurales dépasse, à de nombreux égards, leurs capacités de gérer.
Il est important que les décisions politiques tiennent compte du fait que les régions n'ont peut-être pas la capacité d'assumer les responsabilités qui leur sont confiées. Or, il y a au Canada un modèle de négociations tripartites qu'ont utilisé les agglomérations urbaines, les provinces et le gouvernement national. Je vous recommande de réfléchir sérieusement aux moyens d'adapter ce modèle aux régions rurales. Si vous le faites, vous aurez peut-être une occasion de faire reculer la pauvreté rurale.
La présidente : Merci beaucoup. Chers collègues, j'ai reçu des nouvelles du front. Le comité des pêches s'en va voter et il reprendra ses travaux ensuite. Je me demande si vous avez encore la patience et l'enthousiasme de nous attendre le temps que nous allions voter.
M. Freshwater : J'ai un avion à prendre à midi demain. Je vous laisse décider.
La présidente : Chers collègues, est-ce que cela vous conviendrait? Pendant notre absence, des membres de notre personnel s'occuperont de vous.
Si nous partons maintenant, nous pourrons voter et revenir poursuivre nos travaux.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
La présidente : Sénateurs, nous avons entendu nos deux invités et nous sommes sur le point de commencer à leur poser des questions.
Le sénateur Mitchell : J'ai diverses questions à poser rapidement. Monsieur Reid, vous avez soulevé l'idée d'un revenu annuel garanti, ce qui est très intéressant. Pour vous, serait-il offert à ceux qui vivent dans les régions rurales ou à tout le monde?
M. Reid : N'étant pas un politicien, mais les connaissant un peu, je suppose qu'il ne faudrait probablement pas le limiter aux régions rurales. Je n'envisage pas une formule unique. Je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Certaines des autres en vigueur devraient le demeurer, mais le revenu annuel garanti a une utilité — au moins au début — auprès d'un certain segment de la population qui vit dans la pauvreté depuis un certain temps et pour lequel les perspectives d'un retour au sein de la population active ne sont pas très bonnes.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que les biocarburants sont une solution ou est-ce qu'ils apportent vraiment quelque chose?
M. Reid : Tout est utile, mais je ne suis pas sûr que ce soit une baguette magique. Pour moi, c'est comme la question du tourisme, sur laquelle je travaille depuis cinq ou six ans. Cela devait être la solution miracle pour les collectivités qui dépendent des ressources naturelles et qui sont en difficulté, et je pense à la Côte Est en particulier, mais à d'autres régions aussi. Même dans le Nord de l'Ontario, cela devait sauver les localités qui éprouvaient des problèmes dans le domaine des pâtes et papiers. J'en suis arrivé au point où je ne crois pas qu'il existe une recette magique. Il n'existe pas une seule solution. Nous avons beaucoup d'exemples exemples de ce que les villes mono-industrielles ont vécu, et le problème semble être cyclique.
Le sénateur Mitchell : Compte tenu de l'émergence des problèmes environnementaux — qui semblent être plus présents, et les gens y être plus sensibles qu'auparavant, et beaucoup de travail a été fait par des personnes comme vous pour combattre la pauvreté rurale —, a-t-on pensé à l'adaptation aux perturbations environnementales ou aux bouleversements dus aux changements environnementaux?
M. Freshwater : Dans une certaine mesure, les préoccupations environnementales font partie du problème pour beaucoup de communautés rurales. L'exemple classique, aux États-Unis, est celui de la forêt de la Côte Ouest et de la chouette tachetée. Ce qui se produit, c'est qu'on se retrouve avec une plus forte population banlieusarde coupée des campagnes, qui considère que la valeur d'agrément des régions rurales est le principal intérêt qu'elles présentent, au lieu de tenir compte du fait que les gens qui y vivent doivent gagner leur vie.
De plus en plus, nous aurons des politiques qui seront souhaitables du point de vue national, mais qui feront porter de lourds fardeaux aux habitants des régions rurales, parce qu'on leur retirera leur gagne-pain, à moins de leur offrir un autre moyen de poursuivre leurs activités. Peut-être devrions-nous procéder ainsi, mais dans ce cas, nous devrons offrir une compensation à ceux qui perdent au change, parce que cela représente des gains substantiels pour la société.
Le sénateur Mitchell : On pourrait le faire s'il y avait, par exemple, une sécheresse persistante ou un manque d'eau, deux problèmes qui sont reliés.
M. Reid : Ce n'est un secret pour personne que nous passons des fermes familiales à une agriculture industrielle. C'est seulement maintenant que l'on pense à certaines difficultés de nature environnementale. En Ontario, on est préoccupé par le fait que, lorsqu'on analyse l'eau des rivières et des ruisseaux, le taux d'antibiotiques qu'elle contient est plus élevé que prévu. Cela ne fait peut-être pas partie de la solution, mais du problème.
Le sénateur Gustafson : Aujourd'hui, j'ai lu dans un journal que la production américaine était de 20 p. 100 supérieure à la nôtre. Nous sommes moins productifs que les Américains. Pourquoi?
M. Freshwater : C'est notamment une question de proportions. La taille de l'économie américaine fait en sorte que les usines peuvent produire davantage et, grâce à cette production plus élevée, on peut réaliser des économies d'échelle.
Une partie de la différence, je crois, tient à ce que les États-Unis ont une économie plus dérégulée. En matière de normes du travail, le Canada protège bien plus la main-d'œuvre que les États-Unis. Il y a beaucoup plus de pression là- bas; cela entraîne une plus grande productivité, mais il y a aussi un coût social.
Le sénateur Gustafson : Cela m'amène à vous poser une autre question. Si on devait instituer un revenu garanti, créerait-on un État providence?
M. Freshwater : Je vais vous répondre de façon indirecte. Je crois qu'il y a des moyens de le faire. Cependant, tant au Canada qu'aux États-Unis, si vous demandez aux gens qui ils sont, ils vous diront ce qu'ils font dans la vie. Le travail compte pour beaucoup dans la façon dont on se définit. L'une des raisons pour lesquelles les gens sans emploi sont exclus de la société est qu'ils sont incapables de répondre à cette question fondamentale — que faites-vous dans la vie? Assurer des revenus aux gens est dangereux. Il serait peut-être préférable de trouver un moyen de subventionner les salaires, au moyen d'une mesure telle que le crédit d'impôt sur le revenu gagné.
Cela peut sembler banal, mais je ne crois pas qu'il y ait de sot métier. Certains postes sont moins intéressants que d'autres, mais l'un des meilleurs moyens de trouver un bon travail, c'est d'abord d'en avoir un. Un relevé d'emploi est crucial. Les gens qui n'en ont pas ont de la difficulté à intégrer le marché du travail. J'estime qu'on devrait opter pour des subventions à l'emploi ou des emplois sociaux, car il faut donner aux gens la possibilité de répondre positivement à la question : « Que faites-vous dans la vie? »
Le sénateur Gustafson : Cela m'amène à ma prochaine question. Il est très difficile d'embaucher des gens pour faire du travail manuel, même très bien rémunéré. Aujourd'hui, un plombier et un charpentier gagnent beaucoup d'argent. Essayez d'en embaucher un. Essayez d'embaucher un ouvrier agricole. C'est impossible. Notre société est-elle devenue capricieuse? Tout le monde veut un emploi de col blanc.
M. Reid : J'ai un autre point de vue sur la question inspiré d'une vieille théorie de gestion appelée XY. Les gestionnaires ou les dirigeants ont deux façons de motiver leurs subordonnés. L'une consiste à utiliser la méthode du bâton — on ne peut faire confiance aux gens; on doit les surveiller et leur imposer des règles. Selon l'autre approche, on part du principe que les gens agiront comme il se doit, pourvu qu'on leur en donne la chance.
Je penche pour cette dernière méthode. Je crois que ce que nous essayons de faire, avec le revenu garanti, c'est d'accorder une chance à ceux qui trouvent difficile d'intégrer le marché du travail pour, dans les faits, améliorer leur qualité de vie et la société dans laquelle ils vivent. Si vous considérez cela sous l'angle d'une politique environnementale, à un certain moment, dans notre histoire, nous devrons nous éloigner de cette notion d'accumulation de biens comme mesure du succès pour privilégier l'accomplissement personnel.
La perspective d'un État providence ne m'inquiète pas autant que vous, car j'ai l'intime conviction que lorsque les besoins économiques des gens sont en partie comblés, tout le monde y trouve son compte, la société et eux-mêmes. Il s'agit de trouver une solution différente pour eux. C'est une question purement philosophique sur notre conception de l'humanité.
Le sénateur Gustafson : La société connaît des changements majeurs. Autrefois, j'ai travaillé dans le secteur de la construction, de l'exploitation agricole et du transport des bâtiments; des travaux pénibles. Quand j'étais jeune homme, la dernière chose qu'on souhaitait était de travailler pour le gouvernement, car ce n'était pas ainsi qu'on pouvait gagner beaucoup d'argent. Toutefois, aujourd'hui, si on est employé par le gouvernement, on a une situation enviable, qu'on travaille pour SaskPower, SaskWater, ou autre. On a une pension garantie et un salaire de 30 $ de l'heure. En revanche, les petits entrepreneurs, sont acculés au pied du mur. C'est pourtant eux qui, à l'époque, ont bâti l'économie nord-américaine. Cela a changé.
M. Reid : Certes.
Le sénateur Gustafson : Si vous voulez un employé aujourd'hui, vous devez le tirer du lit, lui acheter un paquet de cigarettes et le prendre par la main. Je parle sérieusement. Si vous ne me croyez pas, parlez-en à des gens de l'industrie.
Le sénateur Segal : J'aimerais remercier nos deux témoins pour leur précieuse contribution à nos délibérations et leur présenter mes excuses pour les retards, bien involontaires, au cours de la séance. Ils se sont montrés bons princes, et c'est apprécié.
J'aimerais revenir brièvement sur deux des propositions qui ont été soumises, parce que je ne vois pas en quoi elles sont liées; j'aimerais d'abord en discuter avec M. Reid, puis mettre à l'épreuve l'une des propositions contenues dans le mémoire de M. Freshwater.
Monsieur Reid, vous dites, dans votre document, que nous ne devrions pas tenter de régler les problèmes de l'agriculture au moyen de politiques sociales, mais plutôt avec des politiques agricoles.
Permettez-moi de vous faire remarquer que notre échec à assurer une certaine sécurité sociale dans les exploitations agricoles est attribuable aux politiques axées sur les fluctuations cycliques du cours des denrées qui, par définition, ne pourront jamais être réellement adaptées à la réalité des gens. Par conséquent, nous nous retrouvons dans une situation où les fermiers peuvent avoir produit du grain et des oléagineux pendant quatre ou cinq ans sans réaliser de bénéfices nets à réinjecter dans l'exploitation de leur entreprise.
Deuxièmement, sur le plan stratégique, nous ne semblons pas avoir un problème en ce qui a trait aux autres industries. Nous n'avons pas à nous préoccuper d'allouer de fortes sommes à l'aéronautique, à la défense et à l'industrie automobile. Ces secteurs ont un type spécial d'assurance-emploi qui leur permet de maintenir un haut niveau de revenu, de sorte que la main-d'œuvre peut être rappelée après des licenciements et des périodes de creux dans la production.
Cependant, lorsqu'il s'agit des gens qui travaillent à la ferme, nous avons un gros problème. Mon collègue s'inquiète que l'on crée un État providence. Le ministère de l'Agriculture a mis en œuvre le Programme canadien d'options pour les familles agricoles, en vertu duquel quiconque n'a pas atteint un revenu annuel de 25 000 $ peut soumettre une demande pour que son revenu soit haussé jusqu'à ce seuil — un programme fédéral qui a été submergé par les demandes car beaucoup de gens n'arrivaient pas à faire 25 000 $ bruts avec leur exploitation.
J'aimerais revenir sur ce qui a été dit et vous poser une question. Lorsque vous appuyez le principe d'un revenu annuel garanti ou d'un revenu de base — que j'approuve —, cela m'apparaît comme une solution sociale à un problème de revenus en milieu rural. Toutes les données que nous avons recueillies jusqu'à maintenant, et dont votre exposé fait état, laissent croire que le problème des revenus en milieu rural ne s'arrête pas aux revenus tirés d'une exploitation. C'est exactement ce à quoi M. Freshwater a fait référence — au fait que les secteurs du bois d'œuvre et minier ne sont pas des industries à haute intensité de main-d'œuvre, mais à haute intensité de capital.
Alors ce vieux principe d'un salaire convenable pour une bonne journée de travail ne s'applique plus dans le Canada rural, en tout cas, pas dans les exploitations agricoles, à moins qu'il soit question de gestion de l'offre, ce à quoi je ne m'oppose pas; mais il s'agit, en quelque sorte d'un autre cadre de référence. La gestion de l'offre ne découle-t-elle pas d'une décision que la société a prise pour assurer un certain niveau de bénéfices, et nous y participons en tant que consommateurs? Je ne suis pas contre; je pense que c'est une excellente chose. Nous voulons que nos producteurs laitiers de partout au pays, de l'est de l'Ontario et du comté de Frontenac, en particulier, se portent bien, car nous estimons que la capacité à produire du lait est stratégique dans notre société, et nous sommes prêts à financer cela.
Vous faites valoir que nous devons résoudre le problème au moyen de politiques agricoles, et non sociales, tout en réclamant un revenu annuel garanti; aidez-moi à comprendre comment un gouvernement ou un Parlement peut y arriver.
Tandis que vous y réfléchissez, j'aimerais interroger M. Freshwater au sujet de son allusion à notre tendance à suivre les voies déjà tracées, qui m'a ravi, parce que nous oublions souvent qu'il est plus facile d'emprunter le même chemin que d'ouvrir de nouveaux sentiers, et nous faisons cela pour beaucoup de nos politiques. C'est un réflexe naturel.
Quelle solution radicale recommanderiez-vous, monsieur Freshwater? Vous qui connaissez si bien le domaine et qui avez, dans votre mémoire, admirablement exposé les contraintes, quelle mesure draconienne nous permettrait de sortir des anciennes ornières et d'emprunter une voie prometteuse?
Vous pouvez répondre comme bon vous semble.
M. Reid : Je suis sans doute plus âgé que M. Freshwater, alors, si je le laisse répondre en premier, je risque d'oublier ma réponse.
J'ai peut-être trop insisté sur la nécessité de maintenir la séparation entre les politiques. D'abord, permettez-moi de vous dire que j'estime qu'il doit être bien plus complexe de traiter de la situation du secteur agricole que de General Motors, du point de vue des travailleurs. J'ai un gendre qui travaille pour ce constructeur automobile, à Oshawa, alors je sais ce dont vous parlez.
L'une des difficultés auxquelles les agriculteurs sont souvent confrontés, c'est le problème de liquidités. Par ailleurs, les gens se disent riches en biens. Le fait d'assurer aux agriculteurs un revenu annuel garanti ne me pose pas de problème si, dans les faits, on peut procéder à des vérifications comptables pour déterminer qu'il s'agit bien d'un problème social, et non d'un problème agricole.
Je voulais seulement dire qu'une bonne partie des problèmes auxquels font face nos agriculteurs — et je ne suis vraiment pas un spécialiste dans ce domaine — sont d'envergure internationale. C'est une affaire de subventions, et tout le monde ne joue pas selon les mêmes règles. Nous avons vu ce qu'a donné la fermeture de la frontière à cause de la maladie, et cetera. À mes yeux, il s'agit de problèmes agricoles, et non sociaux.
Et je pense qu'il faut les résoudre au moyen d'une politique agricole. Au besoin, on pourra envisager le recours à une politique sociale, si l'agricole est un échec. C'est ce que je dis dans mon mémoire également.
Nous devons maintenir une séparation entre les deux types de politiques, de manière à savoir exactement ce qu'il en est — les objectifs ainsi que les moyens de les atteindre doivent être clairs. Nous ne nous rendrions pas service en les entremêlant.
Le sénateur Segal : Vous pouvez maintenant nous donner le point de vue de la jeunesse.
M. Freshwater : Merci. Cela fait longtemps que j'attends cela.
Si je devais m'avancer — et je sais à quel point ce serait hasardeux —, je dirais que le principe qui fait consensus chez pratiquement toutes les personnes concernées, c'est qu'un développement rural efficace se fait au niveau local, dans la communauté. Pour le gouvernement canadien, c'est délicat, parce que le gouvernement local est en fait provincial. La Constitution régit les rapports entre les provinces et le gouvernement fédéral. Ce sont les provinces qui établissent toutes les règles que doivent suivre les administrations locales.
La principale chose qu'on pourrait faire serait de trouver une façon de collaborer efficacement avec les provinces pour dégager des solutions en matière de développement rural — un enjeu assez important, mais peut-être moins épineux que bien d'autres dossiers fédéraux-provinciaux.
Il faudrait dire aux provinces que ce sont elles qui fixent les règles pour les collectivités locales, mais qu'on a besoin d'en établir aussi pour permettre à ces collectivités d'exercer un certain contrôle sur leur devenir.
Le sénateur Segal : Cela n'a rien à voir avec la Loi sur l'aménagement rural et le développement agricole, l'ARDA, ni le ministère de l'Expansion économique régionale, le MEER, ou quelque autre ancienne mesure. Il s'agit de donner les moyens aux communautés locales de bénéficier d'une marge de manœuvre financière pour prendre leurs propres décisions.
M. Freshwater : C'est le modèle d'Aide au développement des collectivités que le Canada a pu appliquer car, au moment de l'implantation du programme, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration avait encore des bureaux régionaux. Ce projet de développement de la main-d'œuvre servait de tremplin au gouvernement fédéral pour faire le travail sur le terrain. Depuis que la situation a changé, il ne dispose plus de ce moyen.
La seule façon d'en arriver à un développement rural efficace, c'est de s'asseoir avec les provinces et de leur dire : « Vous avez un mandat. Nous savons que cela pose problème. Nous vous seconderons, mais vous devez mener le bal ». Cela demande de l'humilité de la part du gouvernement fédéral, mais la situation est la même aux États-Unis. La Constitution américaine reste muette sur la question des administrations locales.
C'est la même chose en Europe. L'Union européenne conclut des ententes avec les États membres. Elle ne peut rien faire au niveau local mais, dans tous les cas, les intervenants en matière de développement rural ont réussi à implanter des mesures comme l'initiative Leader +, dans l'Union européenne, ainsi que l'Enterprise Community program, aux États-Unis, qui sont mis en œuvre localement. Nous savons que certains programmes européens, américains et canadiens fonctionnent, mais nous ne pouvons passer à la prochaine étape sans avoir trouvé le moyen, pour les gouvernements nationaux, de négocier dans un contexte fédératif. Il y a beaucoup à faire, et nous sommes loin du compte.
Le président : Il y a des régions, au Canada, où on fait encore des choses fort intéressantes avec l'Aide au développement des collectivités.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez mentionné plus tôt que le Collège St. Michael avait lancé l'idée du revenu annuel garanti. Comment lui est-elle venue?
M. Reid : La chose la plus récente est un rapport. Il y a eu peu de faits saillants au cours des 25 dernières années. En vérité, il s'agissait de l'établissement torontois St. Christopher House, et non St. Michael. C'est un rapport du groupe de travail sur la modernisation de la sécurité du revenu pour les adultes en âge de travailler qui s'intitule : « Time for a Fair Deal ».
Ce qu'il y a d'intéressant dans ce rapport, c'est que, bien qu'on n'y emploie pas l'expression « revenu annuel garanti », on y traite d'un supplément du revenu, principalement sous forme de remboursement de taxes.
Le sénateur Mahovlich : J'ai lu dans le journal que General Motors expédiait 330 000 automobiles qu'elle vendra l'année prochaine. Est-ce qu'elle les fabrique aux États-Unis pour les envoyer ensuite en Chine?
M. Freshwater : Non, elle les fabrique en Chine. GM a conclu des partenariats avec au moins deux, sinon trois, constructeurs automobiles chinois.
Le sénateur Mahovlich : Chrysler ferait-elle la même chose?
M. Freshwater : Daimler l'a fait; j'ignore si Chrysler et Ford aussi. Les Chinois ont acheté Rover, en Angleterre, et ont déménagé toute la machinerie chez eux. Ils se préparent maintenant à envoyer des Rover en Angleterre. C'est le phénomène japonais qui se répète.
À ce propos, tout compte fait, nous nous en sommes bien tirés. Il y a autant d'emplois. Peut-être les Japonais n'offrent-ils pas une aussi bonne rémunération ni le même niveau d'avantages que Ford et GM, mais les salaires qu'ils versent sont bien supérieurs à ce qu'on peut trouver ailleurs, dans les régions rurales.
Le sénateur Mahovlich : S'ils décident de faire appel à la main-d'œuvre chinoise, nos travailleurs perdront leur emploi.
M. Freshwater : Nous ne pourrons jamais concurrencer la main-d'œuvre chinoise. Il nous est impossible de baisser nos salaires.
Le sénateur Mahovlich : Toutes nos voitures seront importées de Chine.
M. Freshwater : Non. De la même façon que les Japonais ont commencé par produire des automobiles chez eux pour ensuite les vendre ici, j'ai l'impression que les Chinois, une fois qu'ils se seront assuré un marché assez grand, construiront leurs propres usines de montage au Canada.
Déjà, quelque part en Caroline du Sud, une entreprise chinoise fabrique des laveuses et des sécheuses. Au Kentucky, il y a une compagnie brésilienne qui fabrique des filtres à air pour les camions.
Prenez les cas du Brésil, de l'Inde et de la Chine. Cette dernière construit des fusées. Le principal concurrent de l'avion à réaction de transport régional de Canadair est brésilien. Nous aimons à penser que ces pays sont des économies où les salaires sont bas et les compétences faibles, mais j'ai lu aujourd'hui que l'Inde formait chaque année plus d'ingénieurs que l'Amérique du Nord et l'Union européenne réunies. Vous avez ces trois grand pays qui sont déjà à égalité sur le plan de leurs capacités.
Nous devons trouver le moyen de traiter avec eux, non pas en tant que pays en développement, mais d'égal à égal. Nous avons un grand et riche marché, et ils voudront y participer. Où s'établiront-ils? Nous devrons les encourager à le faire dans des régions rurales, parce que c'est là que sont les besoins en emploi.
Le sénateur Gustafson : Puis-je intervenir? À Lampman, en Saskatchewan, ils importent directement de Chine des chevalets de pompage pour le pétrole. Ils les importent, les peignent et les installent.
Le sénateur Tkachuk : J'ai demandé combien de personnes travaillaient pour leur entreprise, et le type m'a répondu « Six cents, toutes bien rémunérées. »
Le sénateur Gustafson : Ils offrent tous les services à l'industrie pétrolière. J'aimerais seulement souligner que la situation est devenue très complexe et qu'il s'agit de savoir où tout cela nous mènera.
Le sénateur Mercer : Veuillez m'excuser d'avoir manqué votre exposé. Vous seriez bien en peine de trouver quelqu'un plus à gauche que moi dans ce comité. Les subventions ne me posent aucun problème, pas plus que la participation du gouvernement au processus, ni l'établissement de règles du jeu par celui-ci. Je crois fermement en ce vieux proverbe selon lequel à marée haute, tous les bateaux peuvent naviguer. Nous devons seulement nous assurer que la marée demeure la plus haute possible. Contrairement à certains, le terme « État providence » ne me gêne pas.
Monsieur Reid, vous avez indiqué ne pas croire que les biocarburants sont la solution à la pauvreté rurale. Moi non plus. Néanmoins, j'ai fait une découverte le printemps dernier, en me rendant à Charleston, en Caroline du Sud, avec le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Nous avions longuement discuté des biocarburants et du succès qu'ils remportaient dans certains États américains. L'un de mes homologues du Sénat américain a précisé que c'était une bonne chose seulement si les usines de biocarburants appartenaient aux agriculteurs.
Je viens de la Nouvelle-Écosse, terre natale de Moses Coady, où l'on a créé le concept des coopératives et de l'entraide. J'aimerais savoir ce que vous pensez des usines de biocarburants qui sont la propriété des agriculteurs, et quelle incidence elles ont, selon vous, sur l'économie locale. Je pense que si celle-ci se porte bien, nous pourrons régler plus rapidement le problème de la pauvreté rurale.
M. Reid : Je pense que vous avez adressé votre question à la mauvaise personne, car je ne suis pas économiste. M. Freshwater pourrait peut-être répondre?
M. Freshwater : Je vais élargir votre question car je crois que les coopératives sont probablement l'un des moyens les mieux indiqués, pour les habitants des zones rurales, pour mettre en commun les ressources limitées afin d'accomplir des choses.
C'est ainsi depuis les années 1930 dans le secteur agricole, au Canada et aux États-Unis.
Le cas des biocarburants est compliqué car ceux-ci exigent beaucoup de capitaux. En gros, les agriculteurs qui les produisent mettent davantage d'œufs dans le même panier. Ils cultivent du maïs, le transforment et, si quelque chose tourne mal, cela leur retombe rapidement dessus.
En ce moment, la situation semble excellente parce qu'en Iowa, on recouvre les coûts d'investissement en deux ans. Le nombre d'usines qui ouvrent est incroyable, mais les gens commencent à se demander combien de temps cela va durer. Probablement pas longtemps, parce que nous produirons davantage de biocarburants.
Le sénateur Mercer : Et si, comme les Brésiliens, les gouvernements adoptaient des lois pour qu'un pourcentage plus élevé de biocarburants soit contenu dans l'essence vendue à la pompe? Plus tôt, ce soir, j'ai parlé avec des gens de l'industrie du niveau de 5 p. 100 qu'on a fixé ici, au Canada. Je crois que ce pourcentage est trop faible.
M. Freshwater : Aux États-Unis, on a déjà légiféré pour que l'essence contienne un certain pourcentage de carburants renouvelables. Ils y travaillent.
On s'est entendu sur le fait qu'on ne pouvait pas le faire avec du maïs, mais avec de la cellulose. Le problème, c'est que si on privilégie la technologie de la cellulose, une fois que c'est celle-là qu'on utilisera, elle sera moins chère que l'éthanol, qui est fabriqué à partir du maïs, parce que la matière première est moins coûteuse. Mais cette option reviendra plus cher, parce qu'une étape de plus est nécessaire dans le traitement. On doit transformer la cellulose en amidon, puis en sucre, au lieu de passer directement de l'amidon au sucre.
On investit dans le panic raide, le peuplier, la canne de maïs et les déchets ligneux. Pour le moment, les cultivateurs de maïs n'ont rien à craindre, mais un jour, le grain coûtera trop cher.
Mais je ne crois pas que ce soit votre véritable préoccupation. Votre vraie préoccupation, c'est l'entreprise coopérative locale, à laquelle nous avons accordé trop peu d'attention dernièrement.
J'enseigne l'économie. La seule économie dont on parle, c'est celle des entreprises à but lucratif. J'ai du mal à trouver des manuels qui font ne serait-ce qu'allusion aux coopératives comme autre moyen d'organiser la production.
Le sénateur Mercer : Nous devons revivre notre expérience des années 30 pour revenir au mouvement coopératif et y insuffler une nouvelle énergie. Je suis d'accord avec vous. Nous pouvons bâtir l'industrie des biocarburants en fonction du maïs, mais le faire à partir d'un seul élément comporte des risques. Vous avez parlé du panic raide et du peuplier, mais il existe d'autres produits très utiles pour cet usage.
J'ai parlé des coopératives, mais dans le cas des exploitations appartenant à des producteurs, le niveau de revenu dans la communauté rurale augmente-t-il au point d'avoir une incidence considérable sur ce que nous étudions, à savoir la pauvreté rurale?
M. Freshwater : En tant qu'économiste, j'ai une opinion partagée.
Le sénateur Mercer : Cela arrive souvent.
M. Freshwater : Certes, les entreprises locales génèrent des profits qui demeurent dans la collectivité. Toutefois, les entreprises extérieures apportent des capitaux. Votre collectivité a peut-être besoin de capitaux extérieurs pour développer des activités. Bien entendu, vous souhaitez que les profits demeurent dans la collectivité, mais avez-vous suffisamment de ressources, localement, pour lancer une entreprise? Parfois oui, parfois non.
Je ne dis pas que nous ne devrions compter que sur les entreprises locales parce que les entreprises de l'extérieur ont aussi leurs bons côtés : non seulement elles sont une source de capital et d'expertise en commercialisation pour la communauté, mais en plus, elles disposent de réseaux. La communauté en profite mais, en retour, elle doit renoncer à certains avantages que lui procure l'entreprise. Parfois, c'est un bon compromis; c'est à la communauté de décider des modalités.
Le sénateur Mercer : Pour ma dernière question, j'aimerais revenir sur les fermes industrielles et familiales. Aux États-Unis et au Canada, nous accordons beaucoup d'importance aux exploitations familiales. Nous aimons le concept, que nous connaissons très bien d'ailleurs. Certains d'entre nous vivent dans une ferme familiale. Pas moi, mais c'est une réalité fascinante en Amérique du Nord.
Je parle précisément des Canadiens. Le fait que nous n'ayons pas suffisamment investi dans les fermes industrielles a-t-il nui au développement de notre industrie agricole? Avons-nous passé trop de temps à essayer de sauver la ferme familiale plutôt qu'à exploiter des fermes industrielles plus productives qui auraient davantage profité au Canada, particulièrement au Canada rural?
M. Freshwater : Je ne pense pas. Si vous regardez les fermes laitières de l'Ontario et du Québec, vous constaterez qu'elles sont tout aussi modernes, productives et avant-gardistes que celles du Wisconsin. Dans les Prairies, les agriculteurs de la Saskatchewan ont diversifié leurs activités en faisant des cultures spéciales, beaucoup plus que ceux du Montana et du Dakota du Nord. Ceux-ci commencent à peine.
À mon avis, les agriculteurs canadiens, de façon générale, sont aussi avancés que les producteurs américains, sinon plus, quoiqu'ils ne le sont probablement pas en ce qui a trait à la production de fruits et légumes. Je ne pense pas qu'il y ait de différences. L'industrie avicole est probablement la même des deux côtés de la frontière.
Je ne crois pas que l'écart se traduise par un manque d'efficience sur le plan technique. Ce qui différencie le Canada des États-Unis, c'est que dans certains cas, les Américains ont commercialisé leurs produits plus efficacement parce qu'ils n'avaient pas d'institutions comme la Commission canadienne du blé ou d'autres offices de commercialisation pour faire le travail à leur place.
Le Kentucky est un exemple intéressant parce qu'on y cultive essentiellement le tabac. Le tabac était commercialisé par le biais de la Burley Tobacco Growers Cooperative Association, dont vous deviez nécessairement faire partie. Celle-ci vous imposait des quotas. Vous apportiez le tabac à l'entrepôt, on le vendait et vous obteniez le prix qu'on vous offrait, quel qu'il soit, et c'était un prix pondéré. Les agriculteurs canadiens connaissent bien ce genre de processus.
Depuis la disparition des quotas dans le Kentucky, nous constatons que les agriculteurs ont une bonne production, mais s'y connaissent très peu en commercialisation. Cela pose problème parce qu'ils ne pensent qu'à produire sans se demander à qui ils vont vendre. Pourtant, cela devrait être le contraire; la production est fonction de la clientèle.
Le sénateur Mercer : Dieu merci, il y a la Commission canadienne du blé.
M. Reid : Je sais que ce n'est pas la meilleure chose à dire au comité, étant donné que nous discutons de la pauvreté rurale. Il faut avant tout parler de la création d'emplois et de l'augmentation des revenus. Je m'inquiète toujours un peu des divergences entre les politiques. Si nous mettons sur pied des fermes industrielles, nous ne savons pas encore ce que cela donnera parce que nous n'avons pas beaucoup d'expérience en la matière, mais il pourrait y avoir un manque de cohérence entre les politiques de revenu, d'économie et d'environnement.
Ce qui m'amène à ce que vous avez dit plus tôt. Comme j'ai travaillé un peu dans le tourisme, j'avais l'impression que ce secteur allait être un moteur pour le développement des collectivités. On a vu des améliorations, mais pas autant qu'on ne l'espérait. Nos attentes étaient peut-être trop élevées.
Ensuite, comme l'a souligné M. Freshwater, nous devrions subventionner les agriculteurs pour qu'ils produisent en fonction des besoins de la société.
Un peu plus tôt, nous nous sommes dit, dans une conversation privée, qu'il serait très intéressant de savoir combien de terres ne servent plus à la production agricole. Il me semble logique de ne pas continuer à subventionner des agriculteurs pour des produits dont nous n'avons vraiment pas besoin; il faudrait plutôt les aider à rendre service à la société, comme en faisant pousser des arbres, par exemple.
On dirait que nous en arrivons toujours aux mêmes solutions. Mais où en sera notre société dans 10 ou 15 ans? Nous n'y avons pas pensé. De quoi la société aura-t-elle besoin? Dans cette optique, quel rôle joue le développement rural?
Ce sont toutes des choses auxquelles il faut réfléchir.
Le sénateur Tkachuk : Je vais aborder la question différemment. Je ne suis pas certain, mais je pense que l'Afrique pourrait presque nourrir le monde entier si elle avait accès à nos marchés. Mais à cause de nos subventions et de nos offices de commercialisation, elle est exclue. On ne permet pas à la production de se développer. Les prix dérisoires sont attribuables à une production massive. Quoi qu'il en soit, payer des gens pour qu'ils cultivent des produits que personne n'achète me semble tout à fait illogique. En Europe, on garantit 8 $ du boisseau et on produit des céréales qui permettront de fournir des aliments bon marché aux régions urbaines, et on donne le reste. Ce ne sont pas de bonnes pratiques économiques ni agricoles. Les agriculteurs épandent des tonnes d'engrais et de produits chimiques pour que le nombre de boisseaux de grain passe de 30 par acre, ce qui est normal, à 150. C'est incroyable. Chose certaine, c'est dommageable pour la nappe phréatique, les sols et l'environnement.
Comme plusieurs d'entre vous, j'ai parcouru le pays. Nous parlons de la pauvreté rurale, mais la pauvreté touche également les villes. Je ne pense pas que les chiffres soient très différents. Il fait bon vivre dans les régions rurales. Dans notre société, les gens sont poussés à aller s'installer dans les villes, mais bon nombre reviennent ensuite s'établir en milieu rural. Ils s'y sentent bien, mais en paient le prix.
Les vignerons cultivent la vigne. C'est une production à valeur ajoutée. Il y a très peu d'établissements vinicoles qui réussissent, alors que la viticulture est prospère.
Après de durs labeurs, les Vietnamiens et les Hongkongais qui se sont établis à Vancouver ont développé des cultures fantastiques de champignons. Leur travail remarquable mérite d'être vu. Ils vivent très bien de ces cultures.
Il y a des producteurs de canneberges, des maraîchers et des arboriculteurs fruitiers. Notre industrie bovine est très prospère, même si nous devons protéger les producteurs contre les calamités. Nos producteurs de porc et nos apiculteurs font de bonnes affaires. L'agriculture n'est donc pas un secteur sinistré. Le problème se situe au niveau des oléagineux, et surtout, des céréales. Il y en a trop. On ne peut pas continuer à subventionner les céréaliculteurs dans ces circonstances. Il faut trouver une autre solution car ce n'est pas rentable.
Ce qui est particulièrement intéressant, à mon avis, c'est qu'il existe d'énormes possibilités d'activités touristiques dans le Canada rural. Nous devons poursuivre nos efforts. Si nous offrons des endroits où aller et des activités à faire, le marché fera le reste.
Nous devons miser sur le succès. C'est ce que j'aime. Nous n'entendons pas suffisamment parler des entreprises prospères dans ces régions. Comment pouvons-nous contribuer à la réussite de l'agriculture au Canada sans avoir à compter sur des aides et subventions? Celles-ci ne font qu'interférer avec les forces du marché et permettent aux agriculteurs d'exploiter une entreprise que personne ne veut appuyer. Telle est la réalité. C'est pourquoi je ne suis pas trop en faveur de ce revenu annuel garanti. Je n'arrive pas à comprendre son utilité.
Qu'est-ce qui explique le succès de certaines entreprises? Comment pouvons-nous commercialiser de nouveaux produits qui permettront aux agriculteurs de gagner leur vie?
M. Freshwater : L'industrie vinicole est très prospère dans le sud de l'Ontario. C'est là où j'ai grandi. Quand j'étais petit, il n'y avait que des vignes de Concord, mais celles-ci ont toutes été détruites. Il paraît que le vin était de mauvaise qualité. Je l'ignore; je n'étais pas encore en âge de boire.
Ce qui est intéressant, c'est que le gouvernement a aidé l'industrie à s'adapter. Il a arraché les vieilles vignes pour en planter de nouvelles. Cela a donné lieu à davantage d'établissements vinicoles locaux.
Vous avez raison lorsque vous dites que nous avons besoin, pas seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et ailleurs à l'étranger, de plus d'exemples de réussite. Il y a environ cinq ans, j'ai travaillé sur l'Action Committee on the Rural Economy, créé par le gouvernement saskatchewannais. Ce comité s'est penché sur les petites villes de la province constituant un exemple et a ensuite publié un livre sur la question. Cela a permis, d'une part, de souligner la réussite de ces communautés et, d'autre part, de donner un modèle à suivre pour les autres, non pas pour qu'elles les imitent, mais plutôt pour montrer qu'adopter sa propre stratégie peut donner de bons résultats.
À mon avis, nous avons réellement besoin d'un processus de développement local pour permettre aux gens de contribuer au développement de leur propre collectivité. Le sénateur de la Nouvelle-Écosse a affirmé qu'il s'agirait d'un processus engagé dans et par la communauté. Les gens sont plus disposés à investir leurs ressources quand cela leur appartient.
L'une des choses que je dis aux gens des localités que je visite, c'est que s'ils ne sont pas prêts à investir dans leur communauté, alors qui le sera? Si vous ne croyez pas vous-mêmes en votre propre potentiel, comment voulez-vous que quelqu'un de l'extérieur y croit?
Vous devez donner à ces gens les moyens d'agir et les faire participer à leur propre développement parce que ce sont eux qui y gagneront le plus.
Vous devez aussi leur donner des cas exemplaires et leur prouver que réussir en milieu rural n'est pas un mythe; ils peuvent eux-mêmes rendre leur communauté prospère et dynamique.
Le sénateur Tkachuk : Dans le même ordre d'idées, laissez-moi vous donner un exemple de ce qui s'est produit dans notre province. Dans les années 1980, le gouvernement progressiste-conservateur a adopté une loi permettant aux petites brasseries de brasser leur propre bière. Évidemment, comme tous les gouvernements, il a voulu imposer une limite. Nous cultivons le malt et l'orge. À l'époque, je proposais que tout le monde qui le voulait puisse brasser sa propre bière, puis la commercialiser, mais on ne m'a pas écouté. Nous produisons quantités de malt et d'orge de la meilleure qualité au monde. Pourtant, il ne reste que quelques petites brasseries ici et là. Il y a eu le lobby brassicole, puis le lobby hôtelier et tous ces gens qui détestaient la concurrence. Nous avons perdu toute cette industrie. Maintenant, ce sont la Colombie-Britannique et l'Alberta qui ont toutes les petites brasseries, et nous, nous n'avons plus rien. Elles brassent leur bière et gèrent des brasseries. Nous avons perdu l'industrie des microbrasseries à cause de mauvaises politiques économiques.
Le comité devrait avant tout contribuer à cerner les secteurs d'activité dans lesquels nous pourrions réussir. Je pense que le Canada rural a un avenir très prometteur. J'ai réellement confiance et je suis très optimiste. C'est un endroit merveilleux où vivre.
M. Reid : Sénateur, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a de nombreuses ressources inexploitées. Je suis également d'accord avec M. Freshwater qu'avec beaucoup d'efforts et la participation de la communauté, nous pourrions accomplir de grandes choses. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Toutefois, d'après mon expérience, peu importe nos capacités, pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas économiques, certaines personnes sont exclues. Quelque part, nous devons en tenir compte.
Le sénateur Tkachuk : Tout à fait.
Le sénateur Mercer : Si nous voulons réellement aborder la question des emplois, je propose que nous allions sur le terrain pour déterminer comment nous pourrions régler le problème.
Le président : Il y a d'autres genres de communautés rurales, telles que celles dans le sud-ouest de l'Alberta, où les brasseries ne sont pas un moteur économique. Dans certains cas, c'est l'histoire religieuse qui a permis à de nombreuses villes de demeurer très dynamiques.
Le sénateur Oliver : J'ai une question à trois volets pour M. Freshwater. Je regrette de ne pas avoir le texte de votre exposé, mais je l'ai lu. Tout comme le sénateur Segal, je tiens à m'excuser de notre retard et à vous remercier pour votre patience.
Ma question porte sur la situation démographique et économique du Canada rural — qui y vit et comment peut-on briser le cycle de la pauvreté? Vous avez parlé de l'exode rural. Vous avez affirmé que les gens qui quittaient la campagne appartenaient à un certain groupe d'âge, soit les adolescents et les jeunes jusqu'à 30 ans. Il reste donc les gens plus âgés qui manquent souvent de qualifications. Vous avez également dit que les régions rurales avaient très peu de ressources sur le plan organisationnel. D'après le portrait que vous avez dressé, les gens partent vers les grands centres; les régions rurales se retrouvent donc avec une population plus âgée et très peu de grosses entreprises. Pour remédier à la situation, vous avez proposé de favoriser le développement local.
Quelles mesures pourrait-on prendre pour faire revenir ces personnes hautement qualifiées en milieu rural et les garder? Une fois que nous les aurons ramenées, comment faire pour assurer un meilleur fonctionnement de la collectivité? À l'heure actuelle, que devons-nous faire au niveau de la main-d'œuvre? Une fois que vous aurez répondu, je serai certainement mieux en mesure de comprendre ce que vous entendez par développement local.
M. Freshwater : Je ne peux vous donner qu'une partie de la réponse parce qu'évidemment, si j'avais la solution à tout, je serais célèbre. Essentiellement, vos trois questions portent sur le problème du développement rural.
Je vais vous raconter une anecdote : je suis allé dans une petite université du Kentucky qui est fréquentée par des étudiants très doués. Nous avons parlé du développement rural et j'ai appris que ces jeunes avaient quitté la campagne en grande partie parce qu'ils avaient très mal vécu leurs études secondaires.
Le sénateur Oliver : Se faisaient-ils intimider?
M. Freshwater : Non, ils n'avaient tout simplement rien à faire. On leur disait de se tenir tranquilles et de faire ce qu'on leur demandait. D'après les étudiants, ce n'était pas un environnement dans lequel on leur disait qu'ils pouvaient apporter quelque chose à la communauté.
Comme ces enfants brillants n'ont pas vécu une expérience positive, ils ont quitté leur communauté et n'ont pas voulu y revenir parce qu'ils voyaient leur vie ailleurs. Dès l'école, il faut donner aux enfants un sentiment d'appartenance. Ainsi, s'ils viennent à partir, ils seront plus portés à revenir. Il est évident que les débouchés y sont également pour beaucoup.
Si vous allez vous installer ailleurs, que vous lancez une entreprise et que vous envisagez de la relocaliser dans votre communauté natale, vous voudrez d'abord savoir si celle-ci est en mesure d'appuyer votre entreprise. Si ce n'est pas le cas, peu importe à quel point vous voulez y retourner, vous n'irez probablement pas. Vous vous demanderez notamment s'il y a sur place la main-d'œuvre disponible. Bien sûr, comme je le dis dans mon mémoire, il y a beaucoup de travailleurs dans les régions rurales, mais dans bien des cas, ils n'ont pas les compétences nécessaires. La situation perdurera tant et aussi longtemps qu'on n'offrira pas de formations professionnelles adaptées aux habitants des régions rurales. Si vous offrez un programme de formation qui requiert 40 personnes, mais que la collectivité n'en a que 25 à proposer, personne ne sera formé. Toutefois, si vous offrez le programme quatre ans d'affilée et que vous formez 100 personnes, vous aurez amplement satisfait à la demande. Mais comme il n'y a pas assez de travail pour ces gens, il faut tenir compte de la demande sur une base annuelle, en sachant qu'un programme de formation particulier ne pourra être donné qu'une fois tous les cinq ans. Nous devons faire preuve d'une plus grande créativité pour régler ces problèmes de formation professionnelle.
Le sénateur Oliver : Vous pourriez également offrir de la formation à un plus grand nombre des personnes plus âgées qui habitent dans ces communautés rurales.
M. Freshwater : Oui, ce serait merveilleux, si c'est ce qu'elles veulent. Toutefois, c'est un peu difficile de former ces personnes et je ne suis pas sûr que nous ayons de bonnes méthodes. La façon de former les gens plus âgés doit être différente de la méthode employée pour former les plus jeunes étant donné que leurs études remontent à loin. Vous devez faire preuve de flexibilité. Dans les régions rurales, il faut essentiellement déterminer, entre autre choses, les compétences à développer, celles qui sont complémentaires et le genre d'activités pertinentes pour la communauté. En théorie, c'est ce qu'on appelle les « politiques d'intervention sur le marché du travail ». Il ne s'agit pas simplement d'accorder des prestations d'assurance-emploi à ces gens et de leur demander de respecter les exigences. Vous devez aussi les encourager à suivre une formation de façon à ce qu'ils puissent réaliser leur plein potentiel et obtenir un emploi dans un domaine particulier où il y a des débouchés.
Vous devez évaluer la situation de la région, puis créer des perspectives d'emploi pour inciter les gens à rester. De cette façon, vous pouvez encourager par le fait même certaines personnes à revenir. Pour atteindre ce but, il faut faire un peu de promotion, mais avant tout, essayer d'élaborer une vision de la communauté à laquelle adhérera la majorité des habitants.
Le sénateur Oliver : Parmi les communautés que vous avez visitées ou au sujet desquelles vous avez lu, est-ce que certaines mettent en pratique votre philosophie à l'égard du développement?
M. Freshwater : Oui, mais j'ignore si c'est toujours le cas. Lorsque j'ai visité le Manitoba, j'ai trouvé que Carman, Morden et Winkler étaient de bons exemples de réussite, à l'instar de quelques endroits au Kentucky également. On observe de belles réussites un peu partout. Ce qui est fascinant à propos des petites villes, c'est que lorsque vous arrivez, au premier coup d'œil, vous savez tout de suite si elles réussissent bien. Le succès n'a pas tant à voir avec les ressources inhérentes de la communauté mais plutôt avec la façon dont les gens ont choisi de les exploiter. C'est quelque chose qui s'apprend.
Évidemment, vous ne pouvez pas amener tout le monde à adopter une attitude progressiste, mais si vous arrivez à convaincre une masse critique de gens, la communauté deviendra progressiste.
M. Reid : Certains de nos étudiants se sont penchés sur l'exode rural des jeunes et ont tenté d'en déterminer les causes. Je vais prendre mon cas en exemple. J'ai moi-même quitté ma ville natale alors que j'avais une possibilité d'emploi. Mon père exploitait un commerce sur la rue principale, et j'aurais pu prendre la relève. Mais il y avait tout un autre monde que je voulais explorer. Si on reste dans notre petite ville natale, on nous voit toujours comme l'enfant qu'on a été. Je suis certain que nous souffrons tous de nos erreurs du passé.
Certains étudiants se sont demandés ce qui pourrait faire en sorte que des gens de la ville puissent envisager d'aller s'établir dans une région rurale. L'objectif n'est pas tant de trouver des moyens de faire revenir nos jeunes, mais de déterminer comment on peut attirer de jeunes gens en vue d'assurer le dynamisme de notre communauté. Il faut travailler sur deux fronts. D'une part, il faut tenter de faire revenir nos jeunes, et, d'autre part, il faut aussi veiller à attirer des gens d'ailleurs.
À Elliot Lake, en Ontario, on a fait quelque chose d'intéressant en appliquant un concept différent. À la suite de la fermeture de la mine Dennison et de l'autre, on a fait de cette petite ville une communauté conçue pour les retraités. Cette ancienne ville minière est pratiquement devenue la Sun City du nord. En abordant un problème sous un angle nouveau, il arrive parfois qu'on puisse le tourner à son avantage.
Le président : Il y a une personne qui souhaite prendre la parole pour le deuxième tour de table; c'est le sénateur Gustafson.
Le sénateur Gustafson : Vous avez parlé de la commercialisation. Un des problèmes en agriculture, c'est que nous sommes forcés d'accepter les prix. General Motors fixe le prix de ses produits, tout comme International Combine et John Deere. Cependant, nous, les agriculteurs, nous acceptons les prix que nous pouvons demander. Cela pose problème.
Les Américains sont bien meilleurs que nous sur le plan de la commercialisation. Ils ont vendu notre bétail pendant 100 ans, et ce bétail est toujours exporté vers le sud. Nous devons faire mieux dans ce domaine; c'est aussi simple que cela, mais je n'ai pas l'impression que nous progressons.
M. Freshwater : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Prenez par exemple les producteurs de moutarde, de légumineuses et de toutes les cultures spéciales. Ils sont des exemples à suivre. Ils ont vu une possibilité de vendre et ont créé des marchés.
Le sénateur Gustafson : Je cultive le canola. Pendant trois ou quatre ans, les revenus étaient bons. Toutefois, à l'heure actuelle, les affaires vont moins bien étant donné que le prix du canola est passé de 12 $, un sommet, à 6 $. Le prix du lin est également descendu, sans parler de la moutarde, qu'on ne peut plus vendre. Il y a des problèmes à ce niveau-là.
M. Freshwater : Je conviens que les agriculteurs canadiens n'ont pas tendance à s'adapter rapidement aux fluctuations du marché, mais je ne crois pas qu'on puisse nécessairement conclure que les Américains sont meilleurs en soi que nous à cet égard. En fait, le système canadien de commercialisation des produits agricoles, comme celui de commercialisation des produits du tabac, a facilité la tâche aux Canadiens au point qu'ils n'ont pas eu besoin d'acquérir des compétences dans ce domaine. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils n'en sont pas capables. Quiconque peut gérer une exploitation agricole peut probablement apprendre à commercialiser ses produits s'il est prêt à y mettre les efforts et s'il est conscient qu'il devrait le faire.
Le sénateur Gustafson : Nous livrons concurrence à un pays qui injecte 70 milliards de dollars dans des subventions agricoles. Nous rivalisons également avec les producteurs européens qui sont encore plus subventionnés.
M. Freshwater : Je pourrais vous répondre que les producteurs subventionnés deviennent paresseux. Les gens qui ne touchent aucune subvention doivent penser...
Le sénateur Gustafson : Nos voisins américains travaillent fort mais...
M. Freshwater : Pourquoi les Américains ne cultivent pas le blé dur? Parce que ce n'est pas aussi lucratif que la culture du blé tendre, qui a un rendement à l'acre supérieur. Ils sont payés selon la quantité et non pas en fonction de la qualité. Il existe toutefois un marché pour le blé dur, et les producteurs américains se plaignent du fait que le Canada exporte son blé dur aux États-Unis. Ils pourraient eux aussi en cultiver, mais ce n'est pas dans leur intérêt.
Le sénateur Gustafson : Il faut tenir compte de la mondialisation des marchés. Le Canada n'a jamais accepté cette réalité, contrairement aux États-Unis. C'est là toute la différence. La planète a pourtant besoin de cette denrée. En effet, la production de céréales par habitant est plus faible qu'elle ne l'a jamais été dans l'histoire de la production céréalière. Cependant, on ne peut pas faire concurrence à cette puissance. Ils sont 300 millions; nous sommes 30 millions. Si le Canada investissait 7 milliards de dollars, cela nous remettrait sur pied, et notre économie profiterait d'une grande partie de cet investissement; les agriculteurs achèteraient des voitures, des camions et des moissonneuses- batteuses.
Le président : Merci messieurs. Nous avons passé une très bonne soirée et nous vous remercions de vous être montrés si patients.
La séance est levée.