Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 16 - Témoignages du 20 février 2007 - Séance de l'après-midi
CORNWALL, ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD, le mardi 20 février 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 12 h 35 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Nous commençons notre séance de l'après-midi ici, à la merveilleuse Île-du-Prince-Édouard. Nous entendrons le témoignage de plusieurs personnes qui travaillent à diverses questions, soit des représentants de l'Association des femmes acadiennes et francophones, de la Fédération des citoyen(ne)s aînée(s), du Syndicat national des agriculteurs, de l'École des sciences infirmières ainsi que du Conseil consultatif sur la condition de la femme. Nous recevons beaucoup de personnes cet après-midi, et je vous souhaite à toutes et à tous la bienvenue.
Tout d'abord, nous entendrons Colette Arsenault. Nous sommes impatients d'entendre vos commentaires et nous vous remercions d'être ici aujourd'hui.
[Français]
Colette Arsenault, directrice, Association des femmes acadiennes et francophones : Madame la présidente, l'Association des femmes acadiennes et francophones désire vous remercier pour cette invitation à venir vous présenter ses opinions sur la question de la pauvreté rurale.
Nous sommes un organisme à but non lucratif qui oeuvre auprès de la population acadienne et francophone de l'Île- du-Prince-Édouard. L'Association traite les iniquités socioéconomiques relatives aux problématiques de l'accès à un revenu décent, la prévention de la violence familiale et la promotion d'une santé saine.
Nous travaillons en collaboration avec plusieurs partenaires francophones et anglophones de l'Île-du-Prince- Édouard, des régions de l'Atlantique et au national.
Nous sommes privilégiés de recevoir cette information, par contre, nous nous questionnons sur les avantages d'une autre consultation. Au cours des dernières années, nous avons participé à plusieurs consultations avec des représentants du fédéral et du provincial, pour traiter des questions reliées à la pauvreté, la santé, le développement communautaire en région rurale, l'assurance-emploi, les programmes de Condition féminine Canada, le Conseil national du bien-être social. Mais nous n'avons pas encore reçu d'engagement de la part des politiciens qui mettrait le bien-être des Canadiens et des Canadiennes au coeur des politiques. De plus, nos gouvernements n'ont pas donné de suivie quant à la mise en œuvre des engagements qu'ils ont pris lors de la signature de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte des droits et libertés, l'adoption d'une proposition à l'unanimité en 1989 pour mettre fin à la pauvreté chez les enfants dès l'an 2000.
Toutefois, il faut s'entendre sur un fait : les enfants ne sont pas pauvres. Ils n'ont pas de revenus. Ils vivent dans des situations de pauvreté parce que leurs parents n'ont pas accès à un revenu décent.
Selon le Groupe de travail de l'Île-du-Prince-Édouard pour un revenu décent, un revenu décent permet à une famille ou à une personne d'avoir assez d'argent pour : payer son loyer ou rembourser son hypothèque; acquitter ses factures mensuelles; acheter des médicaments et des aliments sains; utiliser les services de transport et de garderie, et d'avoir assez d'argent pour s'offrir quelques petites gâterie. Par exemple, faire des activités sportives, célébrer l'anniversaire d'un enfant, et pour parer aux urgences, qu'il s'agisse d'un bris de voiture ou de la chaudière, la perte d'un emploi ou un accident à un membre de la famille. Un revenu décent permet de vivre correctement et avec dignité.
Dans les faits, notre société continue d'exclure certaines personnes et de faire preuve de discrimination en raison du sexe, de la race et de l'ethnie d'origine, de l'âge, de l'image corporelle, de l'orientation sexuelle et des habiletés physiques, intellectuelles et développementales. Les statistiques sur les taux salariaux, la pauvreté, les bénéfices parentaux, l'assurance-emploi, l'alphabétisation, les victimes de violence, la santé, l'accès aux services dans une des deux langues officielles du Canada, nous confirment qu'il existe toujours de la discrimination à tous les niveaux et de façon multisectorielle envers certains individus et groupes de notre société.
Même si nous avons vu une légère amélioration de la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes au cours des dernières années, les statistiques ainsi que les réalités des gens démontrent que nous avons encore un long bout de chemin à faire pour favoriser l'inclusion, l'équité et l'égalité pour tous.
Les femmes et les hommes ne choisissent pas de vivre dans la pauvreté, dans des situations de violence, dans la maladie, avec des problèmes d'alphabétisation ou dans des situations de discrimination systémique. Ils vivent dans de telles situations en raison des injustices sociales et économiques. En plus, ces situations existent tant en régions rurales qu'urbaines.
Si nos gouvernements désirent sincèrement abolir la pauvreté au Canada, il faut permettre aux Canadiennes et aux Canadiens de faire la transition d'une mentalité de survie vers une mentalité d'épanouissement qui leur permettra de participer pleinement au développement de leur communauté, d'y être inclus et appréciés, et d'arriver à y contribuer. Il faut un engagement politique, une vision claire et précise, et des indicateurs de rendement qui rendront les gouvernements redevables à leur clientèle qui sont les Canadiennes et Canadiens qui paient des taxes.
L'Association des femmes acadiennes et francophones joue un rôle de chef de file dans le dossier des iniquités socioéconomiques, dans les régions atlantiques, au provincial et au national. Selon le profil de la situation socioéconomique des femmes et des hommes de langue maternelle française des provinces atlantiques, préparé pour le Sommet des femmes 2004, 69 p. 100 des femmes gagnent moins de 20 000 $ par année comparativement à 44,8 p. 100 des hommes francophones, et 37,6 p.100 des femmes francophones gagnent moins de 10 000 $ par année comparativement à 22,9 p. 100 des hommes francophones.
Actuellement, la moitié des travailleurs canadiens occupent un emploi à temps plein depuis six mois ou plus. Seulement un Canadien sur deux est admissible à des prestations d'assurance-emploi en raison des changements apportés aux exigences et de ces nouveaux types de travail. Moins de la moitié des employés non-syndiqués bénéficient d'avantages sociaux et de régimes de pension offerts par l'employeur.
Dans les régions rurales, la situation des femmes acadiennes et francophones ressemble à ce qui suit : un niveau de scolarisation moins élevé; un revenu moins élevé; un taux de chômage plus élevé; un taux de participation à une activité de formation liée au travail moins élevé; un nombre moins élevé de travailleuses à plein temps; une augmentation du taux d'exode des jeunes; l'absence de transport en commun;des services de santé moins accessibles; une absence de services pour les personnes qui vivent des situations de violence, et un risque d'isolement plus élevé.
Plusieurs recherches démontrent que la santé des individus varie en fonction de la situation socioéconomique. Selon le document de travail «Les iniquités et maladies chroniques au Canada atlantique», le Canada atlantique a des revenus inférieurs, des taux de chômage plus élevés et une faible part de la richesse nationale comparativement aux autres régions du pays.
Nous sentons qu'il y a assez de recherches et de consultations de faites pour guider les gouvernements dans des prises de décisions qui permettront à toutes les Canadiennes et Canadiens de naître sur un pied d'égalité. Il est temps d'appliquer les recommandations, entre autres, celles du Conseil national du bien-être social, de l'étude sur l'assurance- emploi, de «Partenaires en milieu de travail - Besoins en compétences et notre main d'oeuvre vieillissante, Une vague de changement - iniquités et maladies chroniques au Canada atlantique.»
Il est temps d'arrêter de travailler dans des silos et que tous les ministères, tant au fédéral qu'au provincial et territorial, adoptent une vision et des piliers de développement qui permettront aux Canadiens et Canadiennes de recevoir un revenu qui leur permet de vivre avec dignité.
En 2007, pour mettre fin à la pauvreté et respecter les ententes signées par les gouvernements, nous avons besoin d'un engagement de tous les partis politiques, tant au fédéral que provincial et territorial, qui permettra des politiques basées sur le bien-être de l'individu et qui visent un revenu décent qui permet aux Canadiennes et Canadiens de vivre avec dignité. Toute politique en place ou toute nouvelle politique sera révisée avec une lentille selon l'Analyse comparative entre les sexes développée par Condition féminine Canada, afin de s'assurer que toute politique ne fera de discrimination sur aucun groupe de la société, que ce soit les hommes, les femmes, les jeunes, les personnes âgées ou autres. Les politiques sur les congés parentaux s'appliqueront à tous, aux mères et aux pères, et non seulement à celles et ceux qui ont accès à l'assurance-emploi. Les femmes et les hommes entrepreneurs auront le même accès aux programmes sociaux que les autres personnes employées sur le marché du travail. Les récipiendaires du programme d'assistance sociale recevront un revenu qui leur permettra de vivre au-dessus du seuil de pauvreté et d'être traité avec respect et dignité. Les récipiendaires d'assurance-emploi recevront un montant au moins équivalent à 80 p. 100 de leur salaire comparativement aux 55 p. 100 actuels, n'auront plus deux semaines d'attente sans revenus, et le montant reçu en prestations ne sera pas plus bas que le salaire minimum de leur province. Les récipiendaires d'assurance-emploi ou d'assistance sociale pourront faire un montant d'argent beaucoup plus élevé que maintenant avant que leur revenu soit déduit de leurs prestations. Les utilisateurs des services gouvernementaux feront affaire à des personnes dans leur région et non à des machines automatisées et pourront recevoir des services dans une des deux langues officielles du Canada. Toute Canadienne et tout Canadien aura accès à des études post-secondaires à un prix beaucoup plus raisonnable qu'actuellement. Tout travail accompli pour un revenu, que ce soit dans les secteurs de services, de métiers, de la technologie ou autres, sera reconnu et payé pour sa juste valeur. Les programmes et services seront débloqués pour répondre aux besoins des communautés et non développés à partir du gouvernement fédéral, afin que les communautés sachent ou aller.
On aimerait que toute politique, tant au fédéral que provincial, soit développée selon les paliers semblables à ceux qui sont développés par le Groupe de travail. Chaque Canadien ou Canadienne mérite un revenu décent. On vise l'excellence de la population active. On vise le développement approprié, une société en santé et une économie en santé. Pour avoir une vision comme celle du Groupe de Travail de l'Île-du-Prince-Édouard pour un revenu décent, on doit promouvoir l'établissement d'un revenu décent et un taux qui permettrait aux gens d'échapper à la pauvreté; voir le Canada comme un pays, avec des provinces et territoires qui donnent la priorité à la santé de ses collectivités et qui s'affichent comme un centre d'excellence en regard des normes de travail;un gouvernement du Canada et des gouvernements des provinces et territoires qui prennent des mesures courageuses afin de rompre le cycle de la planification à court terme, et qui s'attaqueraient à l'élaboration d'un plan d'action de développement communautaire économique et social s'échelonnant sur au moins une quinzaine d'année; un Canada et ses provinces et territoires où le secteur des affaires s'occuperait davantage de sa main-d'œuvre; un Canada et ses provinces et territoires qui offriraient aux jeunes des options viables pour y rester et des débouchés de carrière; un Canada qui serait un endroit qui aborde de front les taux de maladies chroniques en reconnaissant le revenu comme le plus important déterminant de la santé.
Je vous remercie de m'avoir donné la chance de participer à cette rencontre.
La présidente : Merci Colette.
[Traduction]
Annie Boyle et Irene Larkin vont maintenant partager leur temps et présenter leur témoignage au nom de la Fédération des citoyen(ne)s aîné(e)s de l'Île-du-Prince-Édouard. Catherine McAleer terminera par une présentation au nom du Conseil consultatif sur la condition de la femme.
Annie Boyle, présidente de la Fédération des citoyen(ne)s aîné(e)s de l'Île-du-Prince-Edouard : La Fédération des citoyen(ne)s aîné(e)s de l'Île-du-Prince-Édouard est un organisme à but non lucratif provincial qui comprend parmi ses membres 40 clubs répartis un peu partout sur l'île ainsi que leurs membres. La fédération parle au nom des aînés et vise à leur procurer une meilleure qualité de vie.
Nos objectifs sont les suivants : créer un réseau des membres des clubs à l'échelle de l'Île-du-Prince-Édouard afin qu'ils se fassent entendre; consulter le gouvernement et d'autres décideurs au sujet des préoccupations des aînés et parler en leur nom; coordonner et organiser des ateliers et des séminaires qui répondent aux besoins des aînés en matière de questions sociales et éducatives; faire comprendre le processus du vieillissement; encourager les aînés à participer à la prise de décisions qui affectent leur vie; agir à titre de ressource et fournir de l'information aux aînés; enfin, collaborer avec d'autres organismes d'aînés.
La Fédération est constituée de 40 clubs d'aînés répartis partout sur l'Île-du-Prince-Édouard, lesquels regroupent environ 1 500 membres. Nos membres sont situés principalement dans les régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Ces membres nous informent des préoccupations qui les touchent et qui ont un impact sur leur qualité de vie. Par conséquent, notre définition de la pauvreté touche directement la qualité de la vie.
Nous allons maintenant vous parler des préoccupations qui touchent la vie des aînés à l'Île-du-Prince-Édouard.
Irene Larkin, directrice exécutive, Fédération des citoyen(ne)s aîné(e)s de l'Île-du-Prince-Edouard : La première préoccupation est le revenu. Les aînés constituent 14,1 p. 100 de la population ici, ce qui représente 19 458 personnes. Selon Statistique Canada, 52 p. 100 de ces aînés reçoivent le Supplément de revenu garanti, le SRG. Les revenus des aînés qui vivent seuls et qui reçoivent le SRG se situent entre 13 354 et 14 903 $ et les revenus des aînés qui vivent en couple se situent entre 18 000 et 20 000 $. Ces revenus se situent à environ 2 000 $ au-dessous du seuil de faible revenu.
Nous savons que seulement 5 à 7 p. 100 des aînés vivent dans des établissements. Dans les régions rurales, les aînés vivent dans la maison où ils ont élevé leurs enfants, cette maison où ils vivaient lorsqu'ils travaillaient et qu'ils recevaient des revenus d'emploi. En ce qui concerne les aînés qui vivent en location, le coût moyen d'un logement de location à Charlottetown en 2001 était de 543 $ par mois, ce qui représente 53 p. 100 des prestations de Sécurité de la vieillesse, de SV, ainsi que du SRG. Les prestations de la Sécurité de la vieillesse sont annexées, mais à l'Île-du-Prince- Édouard, le régime fiscal ne l'est pas. Par conséquent, les augmentations des prestations provenant de l'indexation peuvent être perdues au profil du régime fiscal de la province. C'est une situation difficile.
Plus de femmes que d'hommes vivent seuls. En 1997, 49,1 p. 100 des femmes aînées vivant seules vivaient sous le seuil de la pauvreté, comparativement à 33 p. 100 des hommes aînés. Cinq ans après avoir perdu leur époux, le style de vie de ces femmes diminue jusqu'à six fois par rapport aux aînées qui vivent avec leur époux. De plus, il y a davantage de femmes veuves chez les aînés qui vivent au-dessus du seuil de faible revenu.
Le deuxième objet de préoccupation est le logement. Les recherches sur le logement des aînés couvrent trois domaines sur lesquels les politiques et les programmes pourraient porter : des programmes d'entretien et de réparation des maisons pour les aînés qui sont propriétaires; des logements de location abordables et appropriés pour les aînés qui ne vivent pas en établissement; et un programme d'appui au logement abordable. D'ici 2046, 25 p. 100 de la population canadienne aura plus de 60 ans. Dans le Canada atlantique, cette proportion sera encore plus importante, car 30 p. 100 de la population aura plus de 65 ans. Nous avons beaucoup à faire pour nous assurer que les besoins en logement seront abordés d'ici 2046.
De plus en plus d'aînés en santé vivent plus longtemps et veulent rester dans leur maison, dans leur localité et, dans bien des cas, vivre à proximité de leurs enfants. Il existe peu de services d'appui pour leur permettre de faire cela et, actuellement, il y a peu de programmes de logement abordable dans les régions rurales qui prévoient un soutien aux aînés en matière de santé.
Je voudrais maintenant parler des soins de santé. À l'Île-du-Prince-Édouard, les programmes d'aide au remboursement des médicaments à l'intention des aînés couvrent tous les aînés de la même manière, peu importe leur revenu. À chaque année, le nombre de médicaments utilisés par les aînés augmente, tout comme leur prix. Ce qui n'augmente pas, c'est le nombre de médicaments qui sont couverts par les programmes d'assurance-médicaments. En 2004, le prix moyen accordé aux aînés par année était de 625 $.
Les soins à domicile demeurent une question très importante pour les aînés qui ne peuvent bénéficier de soins infirmiers dans le cadre de l'assurance-santé et qui choisissent de demeurer chez eux. Le système de soins de santé ne reflète pas la réalité démographique et sociale d'aujourd'hui. Les soins de santé doivent être réalignés afin de tenir compte des changements qui se sont produits depuis 40 ans, depuis la mise sur pied du régime de l'assurance-santé. Ce réalignement doit tenir compte de tout le monde, y compris de la population vieillissante.
La présence grandissante des soins de santé privés est également un élément de préoccupation alarmant. Selon la recherche, les soins de santé privés ne permettent pas de diminuer les pressions qui touchent le système de santé public. Cela ne fait que drainer des fonds, du personnel et d'autres ressources de ce système. Et cela se traduit inévitablement par des listes d'attente plus longues et des soins de moins bonne qualité. Et c'est encore plus alarmant lorsque nous tenons compte du fait que notre système de soins de santé ne fait pas partie de l'accord de libre-échange Canada-États- Unis parce qu'il s'agit d'un système de santé public et à but non lucratif.
Un autre élément de préoccupation est le transport. Dans les régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a pas de services de transports publics. En fait, le seul système de transport public que nous avons couvre Charlottetown. Cela a un impact important sur la qualité de vie des aînés. Le seul moyen de transport pour les personnes vivant dans la campagne est la voiture. Les aînés considèrent leur voiture comme le symbole de leur indépendance. Nous avons entendu beaucoup d'aînés dire que lorsqu'ils ne pourront plus conduire leur voiture, ils préféreront mourir. Les aînés conduisent donc leur voiture même s'ils n'ont plus les mêmes facultés, et ils ont alors de la difficulté à conduire et entravent la circulation routière. Ils conduisent plus longtemps qu'ils ne le devraient, car ils n'ont pas de choix. Le transport devient donc un facteur déterminant selon l'endroit où l'on habite. Les aînés qui vivent en campagne ont besoin de leur voiture tous les jours, pour faire des achats, aller à l'église, bénéficier de soins de santé et, surtout, pour faire des activités sociales. Lorsqu'une personne est obligée de se départir de sa voiture, cela signifie bien souvent qu'elle doit déménager en ville et peut-être dans un établissement. Et lorsque l'on songe que ces personnes doivent s'acheter une voiture alors que leur revenu est de 12 000 $ par année, cela fait beaucoup, sans tenir compte des frais d'entretien. Les personnes à faible revenu ont donc moins d'options. Leur choix en matière de logement est limité et elles courent davantage le risque de s'isoler socialement. Afin de répondre aux besoins en transport dans les régions rurales, le gouvernement fédéral devrait avoir un volet sur le transport rural lorsqu'il fournit des fonds aux villes et aux municipalités pour la mise sur pied de programmes.
Nous avons certaines recommandations à proposer. Étant donné le nombre important de baby-boomers qui arrivent à leur pension, et en tenant compte du fait que le gouvernement fédéral est responsable du bien-être des aînés, nous recommandons que les prestations de la SV et que le SRG soient augmentés afin de tenir compte du coût de la vie pour les aînés et nous recommandons que le SRG soit ajusté afin que l'indexation des dividendes ne soit pas prise en compte dans le calcul du Supplément annuel garanti. Par exemple, si les dividendes en 2006 étaient de 1 000 $, ce montant devient 1 450 $ pour les impôts. De petits montants de fonds de revenu comme le FERR, le fonds enregistré de revenu de retraite, pourrait être permis pendant un certain nombre d'années afin qu'il n'y ait pas de diminution ou d'annulation du SRG. Il y a beaucoup de personnes qui doivent soustraire 1 000 $ de leur FERR et qui perdent leur SRG. Il faudrait également que les coûts en chauffage des maisons des aînés ne soient pas soumis à la TPS; l'assurance- santé devrait être réalignée pour permettre aux aînés de bénéficier davantage de soins à domicile afin de répondre à leurs besoins; finalement, un programme d'appui au logement comme le Programme pour l'autonomie des anciens combattants devrait être mis en place afin de permettre aux aînés de rester dans leur maison de famille. Ce type de programmes devrait s'adresser aux aînés, et non uniquement aux anciens combattants; l'appui au logement devrait permettre aux aînés de rester dans leur maison et aux aînés qui quittent leur maison de venir habiter dans des unités modernes et environnementales. Enfin, le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale, qui est partagé par le fédéral, le provincial et les municipalités, devrait viser à fournir un financement pour le transport rural ainsi que pour la gestion des routes, des égouts et des eaux.
Nous avons apporté des dépliants. L'un de ces dépliants porte sur un programme d'aide aux aînés par les pairs, que nous avons mis en place afin d'éviter l'isolement social. Ce programme fonctionne bien mais, bien sûr, il aurait besoin de plus de fonds.
Catherine McAleer, membre, Conseil consultatif sur la condition de la femme de l'Île-du-Prince-Édouard : Mesdames et messieurs les sénateurs, mesdames et messieurs les témoins, je vous souhaite la bienvenue, pour les personnes qui ne viennent pas d'ici, et pour celles qui viennent d'ici, bien bienvenue chez vous.
J'ai lu le rapport sur la pauvreté rurale et il reflète dans l'ensemble nos propres constatations. Je suis ici pour vous présenter un autre angle concernant cette question. Vous avez en main notre mémoire, je ne vais pas le lire mot à mot. Je vais lire des extraits et, je l'espère, vous présenter certains sujets de préoccupation qui touchent nos membres à l'Île- du-Prince-Édouard.
Je vis et je travaille dans les régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis conseillère auprès des personnes qui ont des problèmes multiples dans leur vie, de gros problèmes difficiles à aborder dans la vie quotidienne. Nous les aidons à se remettre sur les pieds et décider ce qu'elles doivent faire et où elles doivent s'enligner. C'est en partie en raison de ce travail que je voulais témoigner aujourd'hui, car c'est une passion pour moi et j'y mets une partie de mon cœur.
La pauvreté en région rurale à l'Île-du-Prince-Édouard, surtout en ce qui a trait aux femmes, est en partie cachée par la mentalité des gens de cette province. Les habitants de l'île sont de grands travailleurs et accordent une importance à l'autonomie ils sont fiers de leur capacité à se débrouiller. Nous connaissons tous des aînées qui se souviennent de l'époque de la Dépression et qui se considèrent maintenant comme étant chanceuses d'avoir ce qu'elles ont. Bon nombre de ces femmes ne se considèrent pas comme des pauvres et elles ont des préjugés à l'encontre de la pauvreté.
J'ai parlé hier à une femme qui a six enfants. Elle a environ 34 ans. Son enfant le plus vieux a 20 ans. Elle s'est mariée à 14 ans. Jusqu'à il y a deux ans, cette femme vivait dans une maison sans électricité et sans eau courante. Elle a été contente lorsqu'elle a eu une nouvelle pompe pour sa cuisine, car elle ne devait plus aller dehors chercher de l'eau. Elle a élevé six enfants en région rurale avec ce mode de vie. Il y a deux ans, des gens l'ont aidée pour qu'elle puisse recevoir l'eau courante, et cetera, ce qui est énorme pour elle. Je lui ai demandé et j'ai demandé à ses enfants hier s'ils pensaient qu'ils étaient pauvres. Ses enfants ont répondu à sa place et ont dit qu'ils ne pensent pas qu'ils sont pauvres, car ils savent que leurs parents leur ont donné tout ce qu'ils pouvaient. C'est très fort. J'ai posé la question aux parents, qui ont dit qu'ils pleuraient tout le temps et qu'ils auraient aimé pouvoir en donner plus à leurs enfants et avoir plus de possibilités. Ces gens se sont débrouillés seuls et ont appris à leurs enfants à ne pas se fier à l'aide sociale. C'est très important. Et ce cas n'est pas un cas isolé ici à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a nombre de familles dans la même situation.
En raison des faibles revenus et du travail saisonnier, les familles en région rurale peuvent rarement survivre avec un seul salaire. Si le salaire est menacé ou s'il y a une perte d'emploi, le bien-être de la famille est immédiatement touché. Dans de nombreux foyers, surtout dans le cas des aînés et des femmes seules, la situation financière est très fragile. Une femme, que j'appellerai Marie, mais ce n'est pas son vrai nom, travaille dans la sécurité à une heure de sa maison. C'est sa seule source de revenus. L'automne dernier, sa voiture s'est brisée. Elle s'est arrangée pour emprunter une roulotte de huit pieds et à ce jour, elle vit encore dans cette roulotte à côté de son lieu de travail, tout simplement parce qu'elle ne veut pas vivre de l'aide sociale. Combien de personnes pourraient vivre dans une petite roulotte l'hiver à l'Île-du- Prince-Édouard? C'est une réalité pour elle et lorsque je lui ai demandé si elle avait besoin d'aide, elle m'a répondu que non. Ce n'est pas un problème pour les gens d'ici. Et je vous le répète, ce n'est pas un cas isolé.
Selon le Conseil consultatif sur la condition de la femme de l'Île-du-Prince-Édouard, l'égalité de la femme est le fondement de l'égalité universelle. L'inégalité de la femme continue de favoriser des attitudes et des mesures discriminatoires qui portent préjudice à notre société, à notre culture, à notre vie politique, à notre cadre juridique et à notre économie. Le conseil estime que l'égalité et la disparition de la violence physique, psychologique et sexuelle passent par l'indépendance et la sécurité socioéconomique de la femme. Voici quelques facteurs aggravants qui favorisent la pauvreté chez les femmes de l'île et leurs familles. Nos propos se fondent sur notre connaissance de ce que vivent les femmes dans les différentes localités de la province. Il ne s'agit pas d'une analyse détaillée comparative de la situation économique des femmes. En outre, notre mémoire n'énumère pas exhaustivement les questions très préoccupantes liées à la pauvreté. Il n'aborde pas les problèmes importants de la prévention de la violence universelle et des services de première ligne, de l'accès à des soins de santé de qualité, notamment à des services d'avortement, et à des programmes d'alphabétisation. Il ne traite pas de la nécessité que le gouvernement fédéral accorde une aide juridique pour favoriser le règlement des différends juridiques concernant la famille ou la réforme du système électoral. Nous croyons cependant que notre mémoire souligne quelques-unes des questions très préoccupantes liées à la pauvreté.
Les mesures de la pauvreté tiennent principalement compte de la capacité de la personne ou du ménage à payer nourriture et logement. Nous disons entre autres que beaucoup ne sont pas capables de payer les factures mensuelles : ils gagnent suffisamment d'argent pour faire un trou afin d'en boucher un autre. S'ils acquittent la facture du téléphone avec un chèque de paye, ils devront se servir du prochain pour payer autre chose. Lorsqu'on leur dit d'économiser au moins 10 p. 100 de leur revenu pour parer aux éventualités, ils en rient parce que cela leur est impossible. Ils n'ont pas le revenu nécessaire.
Les familles sont vulnérables parce que les maisons sont mal entretenues. Elles n'ont pas les économies nécessaires pour remplacer ou faire réparer l'appareil de chauffage, ou encore lorsqu'il y a des fuites dans le toit et que la pluie tombe abondamment ou cause des dommages à la charpente. Une femme a vu la moitié de son toit être arrachée par l'ouragan Juan. Elle n'était pas assurée. Elle n'en avait pas les moyens. Si elle avait souscrit une assurance, elle n'aurait pas pu payer l'épicerie. Elle a eu des feuilles de plastique sur son toit jusqu'en décembre, faute d'argent pour faire effectuer les réparations. Selon le comité d'urgence qui avait été constitué, cela aurait nécessité trop de temps. En fin de compte, des voisins l'ont aidée à réparer le toit. Ses enfants et elle ont vécu dans une maison dont le toit était recouvert de feuilles de plastique. C'est ainsi qu'elle a surmonté l'épreuve.
Pour atténuer les effets des bas salaires, il faut aussi offrir des logements locatifs abordables aux travailleurs, aux familles et aux personnes âgées dans les zones rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Pour que les choses soient pratiques, il faut également que les zones rurales soient desservies par un système de transport en commun efficace et abordable, faute de quoi les gens sont davantage isolés et ont moins de possibilités. Les gens habitant en milieu rural et urbain à l'Île-du-Prince-Édouard vont s'établir dans d'autres provinces. Ce sont particulièrement des jeunes. La situation a atteint un niveau alarmant. Uniquement au cours de la présente semaine, j'ai aidé deux personnes de Souris à aller travailler dans l'Ouest. Nous avons réussi à leur obtenir un emploi. À l'heure actuelle, cette usine emploie 1 200 personnes et veut en embaucher 600 autres. Nous avons réussi à leur trouver un logement abordable dans l'Ouest et à les faire voyager par avion. Maintenant, ils toucheront un chèque de paye. Une des deux personnes a 19 ans. L'autre a 32 ans et est père de quatre enfants. Il quitte sa femme et ses quatre enfants parce qu'il a un travail saisonnier et qu'il ne peut se trouver un emploi à l'année.
L'absence de système de transport en commun dans les zones rurales de l'Île-du-Prince-Édouard oblige les gens qui y vivent à posséder un véhicule et à voir à son entretien. Comme mes deux collègues l'ont signalé au comité, c'est un problème crucial. Parfois, les gens demandent de voyager avec nous dans notre voiture, mais que faire lorsqu'ils ont trois enfants qu'il faut d'abord conduire à la garderie? Habituellement, les voitures ou les fourgonnettes sont remplies de gens qui se rendent au travail. Il est impossible d'y faire monter les enfants pour les conduire à la garderie. On touche peut-être des subventions pour envoyer les enfants à la garderie, mais on ne peut les y conduire. C'est encore un autre aspect de la vie en milieu rural à l'Île-du-Prince-Édouard, qui vient exacerber la pauvreté dans laquelle les gens vivent déjà.
Généralement, les femmes sont sous-représentées dans les corps de métiers et les autres professions. À l'Île-du- Prince-Édouard, le gouvernement fédéral doit prendre des mesures pour favoriser l'égalité économique des femmes et aider les familles à disposer d'un revenu adéquat. Il faut valoriser le travail, les travailleurs et l'excellence. Il faut élaborer un plan national de logements sociaux.
Le revenu étant le principal déterminant de la santé, il faut reconnaître qu'un revenu adéquat constitue la pierre d'assise des soins de santé au Canada. Lorsqu'on dispose d'un revenu supérieur, on peut se procurer des aliments de meilleure qualité. On ne doit pas être obligés de se nourrir principalement de macaroni au fromage ou de soupe de pommes de terre, ce qui est encore, croyez-le ou non, un mets recherché dans les régions rurales de l'Île-du-Prince- Édouard. Des revenus supérieurs offrent une meilleure qualité de vie, comme l'accès à un régime de soins de santé permettant d'acheter des médicaments. À l'Île-du-Prince-Édouard, nombreux sont les malades qui n'ont pas les moyens de se procurer des médicaments, n'ayant pas d'assurance-médicaments. Les médecins se comportent admirablement. J'en connais beaucoup, Dieu merci, qui donnent des échantillons de médicament à des personnes souffrant de la grippe ou d'une otite et n'ayant pas les moyens de s'acheter le médicament.
J'ai parlé brièvement de l'accès à des garderies accréditées. Dans les zones rurales de l'Île-du-Prince-Édouard, cet accès est très restreint. Ocean Choice est une importante usine de transformation du poisson de plus de 300 employés à Souris. On dénombre plus de 100 enfants, et il n'y a que deux garderies. Les grands-parents ou les autres membres de la famille ne sont pas rémunérés parce qu'ils font partie de la famille. Lorsqu'ils gardent des enfants, ils ne peuvent occuper un emploi rémunéré. Si la mère demeure au foyer, la famille ne peut compter que sur un seul revenu.
Il y a un dernier point que je veux aborder : le bénévolat. Depuis toujours, le bénévolat institutionnalisé ou non structuré constitue un rempart contre quelques-uns des effets les plus graves et les plus néfastes de la pauvreté dans les zones rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Le travail non rémunéré des femmes, au foyer ou dans la collectivité, constitue le moteur de l'infrastructure sociale conventionnelle et parallèle. J'ai organisé une campagne de financement dans ma localité rurale. Les enfants de 125 familles fréquentent l'école. J'ai téléphoné à toutes ces familles, et j'ai constaté que les deux parents travaillaient dans 118 d'entre elles. Cela illustre parfaitement les changements qui se sont produits au fil des ans. Auparavant, au moins un parent demeurait au foyer. Les sept parents qui n'étaient pas sur le marché du travail faisaient du bénévolat à temps plein. En fin de compte, 15 personnes se sont portées volontaires pour travailler pendant une soirée à la campagne de financement. C'étaient des femmes. Je ne veux pas être sexiste, mais il n'en demeure pas moins que c'est encore une fois les femmes qui ont vraiment mis la main à la pâte. Même si elles ont intégré le marché du travail, les femmes font encore autant de bénévolat. Elles travaillent à temps plein, comme les hommes. Souvent, les hommes ne travaillent que s'ils sont rémunérés, bien qu'ils fassent du bénévolat comme entraîneurs d'équipes sportives, entre autres.
J'ai survolé les questions qui nous préoccupent. Je voudrais terminer en vous lisant un article publié hier par une femme dans un journal, à l'Île-du-Prince-Édouard :
Le gouvernement provincial n'a absolument pas hésité à accorder un prêt de 8,1 millions de dollars pour la transformation du magasin Cows en une énorme attraction touristique et un autre prêt de 125 000 $ pour la construction d'un magasin de vin qui est censé ouvrir en mai[...] À combien se chiffre le nombre de personnes âgées de l'Île-du-Prince-Édouard qui souffrent d'un manque de nourriture et de chauffage? Et que dire des nombreux enfants qui n'ont pas droit à trois repas par jour? Il y a bien sûr les banques alimentaires, mais certains n'ont pas de moyen de transport pour y passer prendre la nourriture. Pour l'amour du ciel, ouvrons-nous les yeux! Il y a de la pauvreté dans l'île. Je comprends pourquoi les jeunes s'en vont ailleurs.
Cet article est paru dans le Charlottetown Guardian d'hier sous la plume d'une Prince-Édouardienne.
La présidente : Merci.
Le sénateur Mercer : Je poserai à toutes la même question, et j'en aurai une dernière pour notre amie de la Fédération des citoyen(ne)s aînée(s).
Quelles sont les sources de financement de votre organisation et celles-ci sont-elles fiables pour les années à venir? Je m'adresse maintenant à la représentante de la fédération. D'après vous, quels sont les besoins éducationnels des personnes âgées que vous évoquez dans votre mémoire? Cette question ne figure pas dans nos études. Il en est question à la colonne de vos objectifs. J'aurais une dernière question. Le gouvernement actuel a mis en œuvre une allocation pour garde d'enfants de 100 $ par mois pour remplacer l'entente que le gouvernement précédent avait conclue avec les 10 provinces et les trois territoires afin de créer des places en garderie. Cette allocation de 100 $ a-t-elle eu un effet? Plus tôt aujourd'hui, quelqu'un a affirmé que le tarif mensuel d'une place a augmenté de 100 $ dans de nombreuses garderies, ce qui absorbe le montant intégral de l'allocation accordée. Ce sont là mes questions.
Mme McAleer : Puis-je réponde à cette dernière question tout de suite?
La présidente : Oui.
Mme McAleer : Ce n'est pas seulement que le tarif a augmenté de 100 $. Il y a également le fait que le tiers de l'allocation est imposable. Initialement, cette annonce en a réjoui beaucoup. Aujourd'hui, ils remplissent leur déclaration fiscale, et ils sont perplexes à cause de l'imposition d'une partie de cette allocation. L'ancienne prestation n'était pas imposable. L'allocation l'étant, ils en perdent le tiers.
Le financement diminue à un taux alarmant. Comme vous le savez, les crédits accordés à Condition féminine ont été réduits — des bureaux ont été fermés — tout comme ceux affectés à des programmes concernant les femmes et les personnes qui vivent en milieu rural à l'Île-du-Prince-Édouard. En fait, le programme dont je suis la coordonnatrice sera aboli à la fin de mars. Il a débuté il y a six ans. Il faut se demander qui aidera ces gens maintenant. Les intervenants se demandent où adresser ces gens et où ils obtiendront de l'aide. Dans les régions rurales de l' Île-du- Prince-Édouard, on est désespérés et on se pose les mêmes questions. À Montague et à Souris, nos programmes ont fait l'objet de compressions à la suite de la réduction des crédits fédéraux. Qu'adviendra-t-il de ces gens? Allons-nous simplement les oublier encore un peu plus? Ne le sont-ils pas déjà suffisamment?
[Français]
Mme Arsenault : La situation est la même pour l'Association des femmes acadiennes et francophones au sujet des projets. C'est très inquiétant. Nous avions l'habitude de recevoir plusieurs projets de Santé Canada, et de Condition féminine Canada, mais les critères ont tellement changé que c'est difficile de recevoir des fonds. Les appels de proposition de projets ne viennent pas aussi souvent. On est chanceux de recevoir un peu de projets, un peu de fonds de programmation de Patrimoine canadien puisqu'on est un organisme acadien et francophone de l'Île-du-Prince- Édouard. Par contre, le montant de 32 000 $ par année ne nous permet pas d'aller très loin en matière de programmation pour aider les femmes.
Au sujet du 100 $, je suis d'accord avec Catherine. C'était peut-être une bonne chose au début parce qu'ils ne savaient pas qu'ils devaient le réclamer comme des déductions d'impôt, et maintenant, cela ne fait plus l'affaire du tout. Présentement les familles ne réussissent pas à répondre aux besoins de base de leurs enfants.
[Traduction]
Mme Larkin : Vous avez demandé quelles sont nos sources de financement et quels sont les besoins sociaux et éducationnels. Nous obtenons un certain montant du gouvernement provincial et nous nous débrouillons pour trouver le reste. Notre programme d'entraide fonctionne merveilleusement bien. Il fait l'unanimité auprès de tous, y compris chez les représentants gouvernementaux, mais nous devons nous débrouiller pour trouver de l'argent. À la fin de chaque année financière, il faut repartir à zéro pour assurer l'exécution du programme. Les autres projets doivent être liés au mandat de notre organisation auprès des personnes âgées. C'est la même rengaine. Je suis sûre que vous l'avez entendue.
En ce qui concerne les besoins sociaux et éducationnels, je voudrais vous parler d'un programme que nous avons mis en œuvre cette année pour enseigner l'informatique aux personnes âgées. Les participants ont en moyenne plus de 75 ans. Nous avons été inondés de demandes. C'était incroyable. Des clubs nous ont demandé de donner deux ou trois cours, et j'ai dû reprendre le projet pour le compte de Service Canada. Je ne croyais pas qu'il y aurait un tel enthousiasme. Donc, les personnes âgées veulent effectivement continuer à apprendre, et ils en font sans cesse la preuve.
Simplement par leurs activités, nos clubs répondent aux principaux besoins sociaux. Si vous lisez notre brochure, vous remarquerez un encart sur nos clubs et leurs activités, comme la danse et les cartes. Les activités offertes y sont nombreuses. Il n'y a pas de limite.
Lorsque le sujet abordé les préoccupe, de 115 à 125 personnes âgées assistent aux conférences que nous organisons.
Le sénateur Callbeck : Irene et Annie, lorsque vous parlez de la question du logement dans votre mémoire et du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, qui est un merveilleux programme, vous préconisez de le « mettre à la disposition de toutes les personnes âgées ». Entendez-vous par là qu'il n'y aurait pas d'évaluation de l'état des revenus? Le mettriez-vous à la disposition de toutes les personnes âgées quel que soit l'état de leurs revenus?
Mme Larkin : Je ne crois pas que nous ayons proposé cela, n'est-ce pas?
Mme Boyle : Non.
Mme Larkin : Je pense que le programme devrait être offert et qu'on devrait demander un montant modeste à ceux qui ont les moyens de le payer. Cela me conviendrait tout à fait.
Le sénateur Callbeck : Voici ce que vous écrivez par la suite : « Offrir des logements supervisés permettra aux personnes âgées de vieillir chez elles ». Par l'expression « vieillir chez elles », entendez-vous « vieillir dans leur collectivité »?
Mme Larkin : Cela peut également vouloir dire vieillir dans le même immeuble ou la même maison.
Le sénateur Callbeck : Sur les habitations pour personnes âgées que nous avons construites un peu partout dans l'île, beaucoup se trouvent en milieu rural. C'est un problème. À Bedeck, nous en avons construit une, et je pense que certains logements sont inoccupés. Il y a un problème, car les personnes âgées veulent vivre près de leur médecin, des services de santé et de l'hôpital.
Mme Boyle : J'ai parlé à la personne responsable du logement pour personnes âgées d'ici. Celui-ci m'a dit qu'il y avait des logements inoccupés dans toutes les habitations pour personnes âgées et que les mesures sont prises pour qu'ils soient occupés. Nous en ignorons les raisons, mais on s'est rendu compte d'une chose l'automne dernier. Certaines personnes âgées vivant en milieu rural préfèrent se retrouver dans une habitation pour personnes âgées de Charlottetown et de Summerside où elles auraient davantage accès à tous les services. À l'Île-du-Prince-Édouard, sans qu'on sache pourquoi, des habitations pour personnes âgées ferment, comme celle de Tyne Valley.
Mme Larkin : Nous connaissons par contre l'une des raisons : ces habitations sont inadéquates. Elles sont vieilles. Elles ont été construites dans les années 1960 avant l'instauration des régimes de pensions. Lorsque le gouvernement aura compris le message, et je pense qu'il commence à le saisir, les personnes âgées demeureront dans leur collectivité. Dans différentes localités, on demande : « Construisez des logements plus spacieux. On ne veut pas de ces minuscules logements d'une chambre. Ils ne conviennent plus aux personnes âgées d'aujourd'hui. »
Le sénateur Callbeck : Si ces habitations étaient inadéquates, les personnes âgées demeureraient-elles dans leur collectivité plutôt que d'aller vivre à Charlottetown ou Summerside où sont concentrés les médecins et les services de soins de santé?
Mme Boyle : Je crois qu'elles demeureraient dans leur collectivité.
Mme Larkin : Je le crois également, parce qu'on retrouve aujourd'hui des centres médicaux dans bien d'autres localités. À Rustico notamment, ils sont au comble de la joie parce qu'ils ont à proximité leur centre communautaire et leur centre médical, et qu'ils peuvent compter sur leur merveilleux esprit de camaraderie qui n'exclut personne.
Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il des danses?
Mme Larkin : Oui. Il suffit simplement d'un violon. Ils s'amusent.
Vieillir sur place est un concept nouveau. Il remonterait à peine à 20 ans. À Mount Alberton, la Phillips Residence a mis ce concept en œuvre, ce qui veut dire que les locataires peuvent passer d'une partie à l'autre de l'habitation en fonction de leurs besoins. Nous souhaiterions qu'il y ait plus d'habitations de ce genre en milieu rural.
Mme Boyle : Il y en a une à Crapaud.
Mme Larkin : Il y a des habitations haut de gamme comme la Whisperwood Villa, ce qui ne correspond pas aux gens que nous représentons.
Le sénateur Callbeck : Merci de ces précisions.
Colette, vous avez évoqué les études postsecondaires, et je conviens certes de leur importance. Vous avez indiqué que l'accès à ces études était important. Estimez-vous qu'il faille accorder davantage de prêts et bourses ici? Que proposez- vous?
Mme Arsenault : Les études postsecondaires coûtent cher. Je connais quelqu'un qui fait une maîtrise en service social à l'Université d'Ottawa. Sa dette d'études atteindra 90 000 $. Dans le secteur communautaire où elle tient vraiment à travailler, elle ne gagnera jamais le salaire lui permettant de rembourser son prêt étudiant.
Les études postsecondaires coûtent de plus en plus cher. Lorsque j'ai obtenu mon diplôme en 1976 après quatre années d'études, ma dette s'élevait à 4 400 $. Après avoir étudié quatre ans à l'université, ma fille aura contracté une dette de 40 000 $. Il faut agir. De plus en plus d'étudiants abandonnent leurs études universitaires. Ils s'inscrivent mais se rendent compte qu'ils ne peuvent poursuivre leurs études en raison des frais élevés. Il y a même une augmentation des frais pour les études secondaires. Mon fils obtiendra son diplôme d'études secondaires cette année, et nous devons débourser des montants considérables pour les différentes activités à l'école. Les parents manquent d'argent. Les étudiants abandonnent leurs études. Il faut plus de prêts et bourses. Il faut fixer un plafond aux frais de scolarité à l'université.
Le sénateur Callbeck : Certaines dettes sont considérables.
Catherine, vous avez évoqué l'aide juridique en matière civile, ce qui est tellement important. Aucun témoin ne nous a parlé de la nécessité de cette aide. Vous pourriez peut-être nous donner quelques précisions.
Mme McAleer : À propos de l'aide juridique?
Le sénateur Callbeck : Oui. Pourquoi l'aide juridique en matière civile est-elle nécessaire?
Mme McAleer : Beaucoup ne reçoivent pas d'aide juridique. Ils peuvent attendre sur place ou s'inscrire. Les délais sont longs. Vous avez quatre ou cinq enfants et vous travaillez tous les deux. Si vos revenus sont supérieurs au seuil permis de, disons, 50 $, vous n'avez pas droit à l'aide juridique. Il est tellement important que l'accès à l'aide juridique soit équitable pour que tous soient en mesure d'être représentés d'une manière égale afin de faire valoir leurs besoins, et ce n'est pas le cas. Les délais sont longs. Les responsables de l'aide juridique m'ont indiqué les difficultés auxquelles je me heurterais comme chef d'une famille monoparentale de quatre enfants si j'essayais d'obtenir une pension pour nos enfants de mon ancien conjoint, qui s'est installé dans une autre province et a changé d'emploi. On m'a conseillé de laisser tomber. J'ai élevé seule mes quatre enfants. Je n'avais même pas le choix. En théorie, on peut recourir à l'aide juridique, mais les services offerts ne sont pas satisfaisants et ne correspondent pas aux besoins des gens.
Le sénateur Callbeck : Vous n'avez pas à me convaincre. Je suis d'accord avec vous. Beaucoup m'ont parlé de la nécessité de l'aide juridique. Nombreux sont ceux qui se défendent eux-mêmes parce qu'ils ne peuvent recourir à un avocat.
Mme McAleer : Tout à fait. Par contre, la GRC et les autres responsables ont vraiment pris conscience de l'ampleur phénoménale de la violence contre les femmes. Il s'est produit une volte-face dans l'aide qu'ils apportent aux victimes par rapport à la situation d'il y a six ou sept ans. Je constate que des progrès notables ont été accomplis. Il y a parfois des efforts de sensibilisation, et la situation s'améliore.
La présidente : Merci infiniment à toutes. Vos témoignages nous ont été très utiles, et nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître.
Nous accueillons maintenant Ranald MacFarlane, membre du Conseil des Maritimes du Syndicat national des agriculteurs et Karen Fyfe, vice-présidente des femmes agricultrices du Syndicat national des agriculteurs.
Ranald MacFarlane, membre du Conseil des Maritimes, Syndicat national des agriculteurs : Je m'appelle Ranald MacFarlane, de Bedeque. Je suis producteur laitier et éleveur de bovins et de porcs. Voici mon amie, Karen Fyfe. Elle fait partie des rares amis que j'ai.
Karen Fyfe, vice-présidente des femmes agricultrices, Syndicat national des agriculteurs : C'est bien.
M. MacFarlane : J'ai été au courant de votre comité il y a un mois lorsque j'ai rencontré Catherine Callbeck au Village Store de Bedeque et qu'elle m'a demandé comment allaient les choses. D'habitude, je ne me plains pas, mais je représente beaucoup d'agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard et du pays. Catherine m'a enduré pendant les 25 minutes que je lui ai expliqué ce qui se passait dans le monde rural.
Les agriculteurs sont fauchés. Beaucoup d'entre eux se trouvent dans une situation désespérée. Les revenus en milieu rural baissent parce qu'on ne nous paie pas.
Je fais partie des chanceux. J'ai une ferme familiale. J'ai 17 vaches laitières. Tout ce que je fais, c'est pour de l'argent. Si ça ne rapporte pas, je ne le fais pas. Je n'emprunte jamais d'argent, ce qui me donne une énorme marge de manœuvre pour prendre position comme je le fais. Je n'ai qu'un patron, et c'est une femme.
La présidente : Est-ce Karen?
M. MacFarlane : Non. C'est ma femme. Que cela soit bien clair.
La présidente : Très bien. Je voulais simplement savoir. Continuez!
M. MacFarlane : J'ai dit à Catherine qu'il y a beaucoup de problèmes en agriculture. La situation est rendue tout à fait intenable. L'agriculture est en crise depuis 20 ans, et la situation empire. Nous continuons de proposer des solutions, mais personne ne fait quoi que ce soit.
En 2005, mon revenu net s'élevait à 13 500 $, et je figure parmi les chanceux. Je me demandais qui est admissible à l'un de ces programmes. Si je ne suis pas admissible au Programme canadien d'options pour les familles agricoles, je me demande bien quel pauvre con y sera. C'est ce que j'ai écrit dans une lettre à la rédaction du journal et, conséquence de cette erreur, j'ai dû déclarer faillite, mes créanciers me téléphonant pour me dire : « Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Vous êtes fauché? Remboursez-nous! » Je suis le seul qui soit assez imbécile pour déclarer faillite de cette façon, mais il ne m'en a rien coûté par contre.
Dans le mois et demi qui s'est écoulé depuis, beaucoup m'ont indiqué qu'ils n'y étaient pas admissibles eux également et m'ont raconté leur histoire. Je ne m'étais pas rendu compte que votre revenu net pouvait être inférieur à zéro à la ligne 150. Un éleveur de porcs des plus efficaces et des mieux organisés m'a dit que son revenu de 2005 s'établissait à 141 000 $. Il a tout fait de travers.
Moi aussi, je suis un éleveur de porcs, et je n'ai jamais prêté foi au boniment du gouvernement qui recommande sans cesse d'exporter sur d'autres marchés, au Japon, en Corée. Je me suis rendu au Japon. On n'y mange que rarement de la viande rouge, mais on n'a pas cessé de rebattre les oreilles des producteurs de porcs canadiens avec ce boniment.
Je vous ai remis un rapport intitulé The Farm Crisis & Corporate Profits. Pendant des années, Maple Leaf a réalisé des profits records sur le dos de ces producteurs et s'apprête aujourd'hui à quitter les Maritimes. Cette société a violé ces producteurs — veuillez excuser le terme —, les a volés et est partie s'établir ailleurs.
La présidente : S'établir où? Le savez-vous?
M. MacFarlane : Au Canada central. Maple Leaf agit à sa guise. La société a fermé son établissement de Charlottetown et s'apprête à faire de même en Nouvelle-Écosse. Les producteurs de porcs sont privés de sources de revenus à cause de ces sociétés. Je vous ai remis ce rapport. J'espère que vous le lirez tous.
Mme Fyfe : Je souhaiterais souligner quelques points.
M. MacFarlane : Vous verrez, le cas échéant, où toutes les grandes sociétés réalisent des profits records ou presque records.
Mme Fyfe : De la page 5 à la page 8.
Le sénateur Callbeck : Nous n'avons pas reçu cela.
Mme Fyfe : Oh, vous ne l'avez pas reçu.
Le sénateur Callbeck : Attendez un instant.
Mme Fyfe : Je veux simplement souligner quelques points. Ranald a raison. L'industrie agroalimentaire obtient d'assez bons résultats sur le dos des agriculteurs et agricultrices du Canada.
Je sais que le temps nous presse. Nous voulons vous faire valoir quelques points évidents aujourd'hui, mais nous ne voulons pas vous faire croire que rien ne peut être fait. Il existe des solutions. Le Syndicat national des cultivateurs en a proposé. Au Québec, l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, en a fait autant. La collaboration entre l'UPA et notre syndicat est bonne. Nous analysons les problèmes de façon analogue, et nos solutions se ressemblent donc.
J'aimerais attirer votre attention sur les tableaux des profits records ou presque records que les sociétés ont réalisés à nos dépens et aux dépens des consommateurs. À la page 10, Richard Levins, économiste, fait valoir avec esprit ceci : « Pour résumer le plus brièvement possible l'histoire de l'agriculture au XXe siècle, nous dirons simplement que des personnes qui ne sont pas des agriculteurs ont appris à faire de l'argent dans le domaine de l'agriculture. » Si au moins elles nous avaient confié leur secret. Si nous savions comment elles s'y sont prises, nous pourrions peut-être rester dans notre domaine.
Passons à la page 11. L'industrie a réussi de plusieurs façons à tirer profit de la situation lorsque les choses se corsent pour les familles agricoles. J'ai assisté hier à une réunion sur la nouvelle vision des politiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. J'y ai lu cette citation, et personne ne pouvait croire qu'elle émanait du PDG d'Archers Daniel Midland Corporation, ADM : « Le marché libre est un mythe. Tous le savent, mais seuls quelques-uns osent le dire[...] Si je n'étais pas assez intelligent pour savoir qu'il n'y a pas de marché libre, je mériterais d'être congédié[...] En agriculture, il ne saurait y avoir de laisser-faire total, les vendeurs étant trop faibles et les acheteurs, trop forts. »
J'ajouterais ici que les agriculteurs n'ont pas été traités aussi équitablement que les autres intervenants dans le domaine de l'agriculture et de l'agroalimentaire, et qu'on fait fi de nos préoccupations, de nos problèmes, de notre expérience, de notre analyse et de nos solutions, ce qui nous a conduits à la crise financière actuelle que vivent non seulement les familles agricoles du Canada mais également celles de nos voisins du Sud. La situation n'est pas différente en Europe. Les raisons sont nombreuses. Les voici, pour votre gouverne : externalisation des coûts, pouvoir sur les prix, mesures favorisant la dépendance des agriculteurs et l'indépendance des sociétés, meilleurs outils pour soutirer des profits, et élimination des petits concurrents, des collectifs d'agriculteurs, des groupes de consommateurs et de la Commission canadienne du blé. Vous êtes tous au fait, j'en suis sûre, des problèmes que vit la Commission canadienne du blé et des tactiques sournoises et secrètes du gouvernement fédéral actuel : le congédiement du PDG, Adrian Measner; la consigne du silence; la question du vote frauduleux sur l'orge et toute la manipulation qui a cours. La Commission canadienne du blé est en fait le moyen qui permet aux agriculteurs de prendre en mains leur destinée, leur assurant un revenu équitable.
M. MacFarlane : Hier, nous avons assisté aux consultations sur le Cadre stratégique pour l'agriculture, le CSA, qui est censé nous donner l'orientation à suivre. C'est ce que j'appelle une « politique égoïste désastreuse », parce que le gouvernement a mis en œuvre une politique de libre-échange, nous garantissant que nous quadruplerions nos exportations. Et c'est ce qui s'est passé. Les agriculteurs canadiens ont fait ce qu'on leur a dit de faire et ils ont quadruplé leurs exportations, mais leur revenu net est négatif, comme jamais auparavant dans notre histoire. Les responsables du CSA n'ont pas prêté une oreille attentive à ce que tous les agriculteurs — et il ne s'agit pas de seulement quelques-uns — leur ont dit et proposé.
Ne croyez pas que je suis un agriculteur en colère et extrémiste parce qu'on a dit de moi que j'ai accompli du bon travail en présentant les faits. Nous avions tous la même attitude, les mêmes préoccupations et les mêmes solutions, ce qu'on retrouve dans le rapport intitulé Un pouvoir de marché accru pour les producteurs agricoles canadiens et commandé par Andy Mitchell. Combien n'ont pas lu ce rapport?
Mme Fyfe : Nous l'appelons le « rapport Wayne ».
M. MacFarlane : Mais ce n'est pas le cas.
Le rapport a été commandé par un ministre fédéral et visait à dégager des solutions. Wayne Easter s'est déplacé au Canada pour consulter tous les agriculteurs. Tout ce que j'ai entendu hier lors des consultations sur le CSA figure dans ce rapport. À ceux qui ne l'ont pas lu, je ne leur en tiens pas rigueur. À ceux qui l'ont lu, je dis que je suis content que vous ayez fait comme moi. Parlons maintenant des solutions.
Mme Fyfe : C'est exact. Nous ne voulons pas partir en vous laissant l'impression que les choses sont dans un état si déplorable que nous ne pouvons rien y faire et que nous accepterons sans mot dire que plus de familles agricoles cesseront leurs activités et quitteront les collectivités rurales dont la population et les services diminueront. Des solutions peuvent être mises en œuvre. Cette crise ne s'est pas produite du jour au lendemain. Il n'y a pas eu de discours apocalyptiques. Des causes expliquent cette crise. Il s'agissait d'une politique délibérée qui a presque rayé de la carte les familles agricoles canadiennes, celles-ci n'étant pas en mesure du moins de récupérer leurs coûts de production sur le marché.
J'ai été élue vice-présidente des femmes agricultrices du Syndicat national des cultivateurs. Dans le cadre de mon mandat, je dois entre autres m'assurer que les agricultrices ont voix au chapitre devant une instance comme votre comité, parce que notre analyse est légèrement différente. Notre expérience quotidienne s'écartant légèrement de celle des agriculteurs, nous avons, grâce au généreux montant obtenu de Condition féminine, pris l'initiative de produire un rapport qui s'intitule La politique agricole canadienne sous le regard des agricultrices. Je vous ai remis le résumé de ce rapport.
Vous y trouverez des solutions. J'aimerais attirer votre attention sur les deux pages que votre personnel a insérées dans le petit dossier. Si vous ajoutez les solutions qui y figurent à celles formulées par les agriculteurs à M. Easter, vous avez en main la solution au problème. Il faut maintenant se demander s'il y a une volonté politique d'inverser le cours des choses et de mettre en œuvre une politique agricole véritablement canadienne axée sur la sécurité alimentaire. Comme je l'ai indiqué hier lors des consultations sur le CSA, nous n'avons pas de politique agricole. Nous possédons une politique commerciale sur les produits agricoles, et c'est là en gros le problème.
Nous avons pris une orientation qui a porté préjudice aux Canadiens vivant en milieu rural. Je suis sûre que ce n'est pas la première fois que vous entendez cette affirmation. Dans votre propre rapport, vous établissez d'emblée que le comité s'attaque à la question de la pauvreté rurale parce que vous reconnaissez l'existence d'une crise financière dans le monde agricole. Où se trouvent les exploitations agricoles? Dans les régions rurales du pays. Où les familles agricoles vivent-elles? Dans les régions rurales du pays. Le présent Cadre stratégique pour l'agriculture nous a amputés de nos pouvoirs, et nous vous demandons de prendre les mesures nous permettant de nous réapproprier certains de ces pouvoirs. Soyons maîtres de notre destinée au lieu de tout nous laisser imposer sur la foi de la compétitivité mondiale, de l'innovation et des marchés axés sur les exportations.
Commençons à envisager certaines des solutions que les agriculteurs canadiens et nous avons formulées. Nous possédons les connaissances et l'expérience pour élaborer la meilleure politique agricole dont tous les intervenants pourront tirer profit et qui ne laissera pas les familles agricoles à la remorque des autres intervenants.
Le sénateur Mercer : Dans une certaine mesure, vous prêchez un converti. Lorsque Wayne Easter menait ses séances de consultation en Nouvelle-Écosse, j'ai assisté à une ou deux d'entre elles tenues avec les agriculteurs et écouté les intervenants. À la fin de ces consultations, M. Easter a comparu devant notre comité à une ou deux occasions et il nous a convaincus sans peine par rapport aux problèmes. Vous avez visé juste en disant que c'est la crise du revenu agricole qui nous a incités à entreprendre la présente étude. Nous n'en sommes pas encore à l'étape des recommandations — il nous faudra encore du temps —, mais il saute aux yeux que nous devons nous attaquer à cette crise parce qu'elle est la cause directe de la pauvreté rurale. Il ne s'agit pas uniquement des exploitants agricoles. Il s'agit également des personnes que vous employez... plutôt que vous souhaiteriez employer, étant donné que la plupart d'entre vous n'en ont plus les moyens.
Compte tenu du fait que le gouvernement réagit lentement, existe-t-il une mesure qui pourrait être prise immédiatement? Le gouvernement présentera son budget en mars. Pourrait-il y inclure une mesure qui aurait un effet immédiat? De toute évidence, je ne pense pas que cela puisse résoudre le problème. Il nous a fallu beaucoup de temps pour nous mettre dans une situation aussi déplorable. Il nous faudra peut-être un certain temps pour rétablir le tout. Dans son budget, le gouvernement pourrait-il ajouter une mesure pour mettre le processus en branle?
M. MacFarlane : Les agriculteurs ont un esprit créateur. Ils peuvent s'adapter et savent où sont les problèmes. Premièrement, je proposerais de ne plus assujettir l'agriculture à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC. Les agriculteurs sont de fins négociateurs. Ils savent comment marchander. Ils le savent lorsqu'ils se font escroquer. Le libre-échange et l'OMC ne constituent qu'une menace à la gestion de l'offre. La Commission canadienne du blé s'incline toujours devant les Américains. L'OMC n'a rien fait pour nous. Le Canada est-il un pays exportateur? Oui. Cela nous a-t-il été profitable? Non. Je suis indifférent au fait qu'on puisse vendre des automobiles, des avions et des trains dans le cadre d'une politique canadienne et sous l'égide de l'OMC, mais je vous demande de ne plus assujettir l'agriculture à l'OMC. Lorsque quelque chose fait perdre de l'argent à un agriculteur, ce dernier s'en débarrasse.
La présidente : Cela m'a rappelé quelque chose que vous savez peut-être. Au printemps 2006, à la suite d'une étude que nous avons menée sur les mesures de soutien aux agriculteurs qui permettraient d'assurer un financement rapide, le comité a recommandé un paiement par acre aux agriculteurs, en particulier ceux dans le besoin. Cette mesure serait-elle utile, selon vous?
M. MacFarlane : Comme je l'ai dit, je n'étais admissible à aucun des programmes d'aide sociale. Certains agriculteurs l'étaient. C'est compliqué. Le programme CASE est un fiasco. Je connais des gens qui ont désespérément besoin de l'argent de ce programme, mais il ne s'adresse pas à eux. Il vaut moins que les frais de comptable que vous aurez à payer. Je ne veux pas d'aide sociale. Je veux obtenir un juste prix pour mon produit. Les agriculteurs ne veulent pas d'aide sociale. Je suis un homme progressiste et conservateur — ce n'est pas que je suis membre du Parti progressiste-conservateur. Comprenez-moi bien. Je vous remercie, mais je ne veux pas l'argent du gouvernement. Je veux que des mesures soient prises pour que les agriculteurs puissent poursuivre leurs activités. Oui, il faut prévoir un fonds d'urgence, mais je n'ai pas encore vu un système de prestation qui fonctionne vraiment, alors oubliez cette voie. Si vous pouvez concevoir un programme simple qui fonctionne, très bien, mais je ne crois pas que vous puissiez le faire. L'agriculture est beaucoup trop compliquée. Je veux une politique qui permette aux agriculteurs de continuer d'exploiter leurs fermes au Canada. Cette obsession pour les exportations et pour les exploitations toujours plus grandes ne va pas nous aider.
Quelque chose m'inquiète davantage. Vous ne l'avez peut-être pas su, mais l'ONU a tenu une réunion de tous ses scientifiques sur le changement climatique. Les scientifiques ont dit que l'agriculture intensive était en train de tuer la planète. J'ai un ami à Guelph qui a rédigé une thèse de maîtrise sur les ressources de la terre et qui a étudié les émissions d'oxyde d'azote, et il est clair que tous les engrais azotés utilisés en agriculture sont en train de détruire notre planète. Il me faudrait une heure pour vous expliquer le problème. Nous sommes condamnés. La race humaine est condamnée si nous poursuivons dans cette voie.
Il faut une toute nouvelle génération d'agriculteurs novateurs pour faire les choses autrement. Les pays devraient produire leur propre nourriture pour minimiser à la fois les émissions de CO2 et d'oxyde d'azote et sauver la planète. La prochaine génération ne sera pas là parce que les jeunes voient leurs parents crever de faim sur la ferme. Ils quittent d'excellentes fermes.
Je suis allé à Blaine Lake, en Saskatchewan, et le plus jeune agriculteur de cette localité est plus âgé que moi. Je vais à la chasse au cerf depuis 14 ans et j'ai vu mourir cette localité des Prairies. Il y avait des silos-élévateurs, qui sont maintenant fermés. Tous les magasins se trouvent maintenant dans les deux stations-service sur le bord de l'autoroute et les jeunes ne vont pas s'adonner à l'agriculture à cet endroit. C'est déplorable, parce que le Canada a besoin d'eux. Aucune aide sociale ne va les retenir à cet endroit, parce que ce n'est pas ce que ces gens veulent. Alors, sans vouloir vous manquer de respect...
La présidente : Oui.
M. MacFarlane : ... mais ne me dites pas qu'une solution temporaire ou l'aide sociale va régler ce problème. Je sais que ce n'est pas ce que vous aviez envisagé.
La présidente : Non.
Mme Fyfe : Oui.
La présidente : Eh bien, la raison même du comité ou de ces audiences...
M. MacFarlane : Est?
La présidente : ... est précisément ce dont vous parlez.
Mme Fyfe : Oui.
La présidente : C'est d'aller sur le terrain, de sillonner le pays, d'entendre ce que les gens ont à dire et de rédiger ensuite un rapport qui sera...
M. MacFarlane : Permettez-moi de répéter une chose.
La présidente : Notre objectif est de garder nos agriculteurs sur la terre.
M. MacFarlane : La génération qu'on a perdue partout dans ce pays est celle dont vous avez besoin pour relever tous ces défis de l'avenir.
La présidente : Exactement.
M. MacFarlane : Et elle ne sera pas là.
Mme Fyfe : C'est juste.
La présidente : Eh bien, nous allons faire de notre mieux.
Mme Fyfe : Madame le sénateur, si je peux encore une fois attirer votre attention sur ce rapport. Je crois que vous êtes probablement la première personne à pouvoir entendre ma définition d'une crise agricole. On pourrait décrire la crise agricole de la façon suivante. Un consommateur achète un pain 1,35 $ à l'épicerie. Les tout-puissants détaillants, transformateurs, compagnies de chemin de fer et entreprises céréalières prennent 1,30 $ de cette somme et laissent 5 ¢ à l'agriculteur. Les toutes-puissantes entreprises d'énergie, d'engrais, de produits chimiques et de machinerie prennent 6 ¢ des 5 ¢ qui restaient à l'agriculteur. Les contribuables donnent 1 ¢ pour que nous réalisions un revenu net nul sur le marché. Vous suggérez un paiement d'urgence, ce qui n'est qu'une solution temporaire.
La présidente : Oui.
Mme Fyfe : Je suis certaine que certains agriculteurs en profiteraient, mais ce seraient les grandes entreprises agricoles qui ont des comptables, qui savent comment rédiger la paperasse, qui ont le temps de le faire pour accéder à ces types de programmes et de services. Le problème, c'est qu'il faut redistribuer ce dollar. Il faut faire en sorte que cette famille d'agriculteurs reçoit plus que 5 ¢.
La présidente : Oui.
Mme Fyfe : On n'a pas besoin de paiement de soutien de l'État. Les agriculteurs n'ont pas besoin de subventions parce que nous sommes les plus efficaces et les plus novateurs.
La présidente : Oui.
Mme Fyfe : Les changements qu'a connus l'agriculture au Canada ont balayé tout ce qui n'était pas efficace. Ils ont balayé tous ceux qui ne se sont pas adaptés, qui ne pouvaient pas s'adapter, qui ont jugé qu'il était temps de se retirer. Comme Ranald l'a dit, nous voulons simplement une juste part. Nous voulons récupérer nos coûts de production sur le marché.
Le sénateur Callbeck : J'ai une brève question sur les travailleurs saisonniers. À l'heure actuelle, ils sont insuffisants. C'est ce dont on se plaint partout.
Mme Fyfe : Oui.
Le sénateur Callbeck : Le gouvernement peut-il faire quelque chose à court terme pour faciliter l'embauche des travailleurs saisonniers?
Mme Fyfe : C'est une bonne question, et je vais vous raconter une petite histoire. J'ai rencontré mon époux, Alfred, en 1981 parce qu'à cette époque, il existait un programme appelé Services de main-d'œuvre agricole du Canada. Une étudiante en agriculture comme moi qui souhaitait acquérir une expérience pratique pouvait s'inscrire à ce programme. On nous demandait quel secteur nous intéressait : la production laitière, l'élevage de bovins, la culture de pommes de terre, et cetera. Il y avait une liste d'agriculteurs qui avaient besoin d'aide durant l'été. C'était un service qui permettait à une personne comme moi, qui souhaitait un emploi dans le secteur, d'entrer en contact avec un agriculteur qui avait besoin d'un travailleur comme moi. On s'occupait de la logistique pour réunir ces deux partenaires et je crois qu'il y avait une subvention salariale. Alors mon futur époux a payé la moitié de mon salaire durant cet été-là et le gouvernement du Canada et celui de l'Île-du-Prince-Édouard ont versé le reste parce que j'étudiais à l'université. J'ai évidemment accumulé des dettes. Je suis tout à fait d'accord. J'ai trois filles à l'université à l'heure actuelle, qui seront endettées à la fin de leurs études parce que je ne pourrais jamais les aider financièrement. Elles doivent se débrouiller seules parce qu'il n'y a pas d'argent à la ferme — et je travaille à l'extérieur de la ferme de mai à novembre pour assurer sa survie le reste de l'année.
Oui, on peut faire beaucoup de choses qui ne coûtent rien. Il faut rétablir les Services de main-d'œuvre agricole du Canada. Nous avons besoin d'un organisme administratif qui peut établir ces contacts pour nous. Nous avons besoin d'un peu d'argent de ce côté-là. Une des solutions les plus faciles est peut-être d'offrir un allègement fiscal aux familles agricoles qui engagent un étudiant ou une aide extérieure. Cette mesure ne serait pas très coûteuse. Je parle d'un véritable allègement fiscal, pas seulement d'une mesure de grippe-sous.
M. MacFarlane : Je n'ai aucune difficulté à obtenir de l'aide. Je paie bien mes employés temporaires, je les traite bien, mais je n'ai pas d'argent. Je ne crois pas qu'ils devraient me subventionner et je les paie bien. Une autre chose dont le secteur des entreprises semble abuser en agriculture, c'est la bonne nature des agriculteurs et le fait que nous pouvons utiliser des travailleurs non rémunérés et une main-d'œuvre enfantine. Je ne dis pas cela pour être drôle, mais nous avons cette main-d'œuvre. Nous l'avons toujours eue. C'est de cette façon qu'on a toujours élevé les petits agriculteurs, qui grandissent sur les tracteurs aux côtés de leurs parents. Ne croyez pas qu'ils ne font pas partie de la main-d'œuvre.
Pour ce qui est des aides temporaires, si je traite les gens équitablement, je n'ai aucune difficulté à obtenir de l'aide. Il y a beaucoup de jeunes qui veulent travailler pour moi.
Nous sommes récemment devenus des parents de famille d'accueil. C'est un tout nouveau monde pour moi. Je songe à cette main-d'œuvre subventionnée maintenant, mais ce sera bien.
Le sénateur Mahovlich : Vous semblez souhaiter des règles de jeu uniformes.
M. MacFarlane : Tout à fait.
Le sénateur Mahovlich : Quand avons-nous eu des règles de jeu uniformes? Cela fait combien d'années que l'agriculture a été un choix qui valait la peine?
M. MacFarlane : Les années 1970 ont été assez bonnes.
Le sénateur Mahovlich : Dans les années 1970, les choses allaient bien?
M. MacFarlane : On pouvait faire de l'argent en agriculture dans les années 1970. Je n'étais pas là; je n'avais que trois ans à cette époque.
Le sénateur Mahovlich : Les choses allaient bien pour votre père?
M. MacFarlane : Elles allaient mieux pour tout le monde. Le problème, ce sont les pressions qu'exerce la recherche d'efficacité. Les agriculteurs d'il y a 20 ans sont partis. Les agriculteurs inefficaces d'il y a 10 ans sont partis. Lorsque je suis né en 1967, à Fernwood, il y avait 12 fermes en exploitation; il n'y en a que trois maintenant.
Le sénateur Mahovlich : Trois.
M. MacFarlane : Bientôt, il y en aura deux, et les règles du jeu sont loin d'être égales. Les Américains ont eu leur meilleure année de tous les temps, tout comme les agriculteurs européens, parce qu'ils sont subventionnés. Nous ne pouvons rien y faire, mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure...
Le sénateur Mahovlich : Nous ne devrions pas être subventionnés?
M. MacFarlane : ... je ne veux pas de subventions. Je veux simplement...
Le sénateur Mahovlich : Non, je ne sais pas ce que vous voulez, mais pour que nous soyons concurrentiels par rapport aux Américains — et nous faisons partie de l'Organisation mondiale du commerce — qu'allons-nous faire? Nous ne pouvons pas nous en sortir.
M. MacFarlane : Pourquoi pas?
Le sénateur Mahovlich : Parce que nous faisons partie du monde. C'est ce que cela implique.
M. MacFarlane : Eh bien, laissez-moi redire une chose. Nous ne faisons pas d'argent avec le volet agricole de l'OMC. Si vous voulez transiger des avions, des trains et des automobiles, c'est très bien, mais retirez l'agriculture de l'OMC.
Le sénateur Mahovlich : Non, à moins que nous soyons subventionnés.
M. MacFarlane : Je ne veux pas vos subventions.
Le sénateur Mahovlich : Nous voulons des règles de jeu uniformes.
M. MacFarlane : Laissez-moi vous dire ceci, sénateur.
La présidente : Allons, messieurs, calmez-vous.
M. MacFarlane : Vous me subventionnez, mais vous ne faites que subventionner Tyson et Cargill, et les grosses sociétés prennent mon produit. Pourquoi le gouvernement du Canada devrait-il subventionner les grandes entreprises?
Le sénateur Mahovlich : Parce que c'est ce que font les États-Unis. Vous parlez de la main-d'œuvre bon marché. Si vous allez à Los Angeles, les Mexicains traversent la frontière et ils ne sont pas payés.
M. MacFarlane : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Ils le font tout le temps.
M. MacFarlane : Alors, l'avantage net que retire l'agriculture de l'OMC est?
La présidente : Pas beaucoup.
Avec ce silence de réflexion, nous allons donner la parole au sénateur Gustafson, et le sénateur Peterson aura le dernier mot.
Le sénateur Gustafson : Eh bien, je n'irai pas dans la direction que je souhaiterais.
La présidente : Je sais bien que non.
M. MacFarlane : Oh, allez-y, Leonard.
La présidente : C'est vraiment un bon agriculteur.
Le sénateur Gustafson : Je crois que les agriculteurs canadiens, dans l'ensemble, ont un point en commun. Les choses sont probablement très différentes dans les Maritimes par rapport à l'Ontario, et dans l'Ouest par rapport à l'Ontario, et cetera. En même temps, nous faisons une erreur lorsque nous transformons cela en jeu politique. Cela ne nous mène nulle part. Nous, les agriculteurs, et j'en fais partie, avons été très bons à ce jeu.
Notre problème maintenant, c'est que nous n'avons plus rien pour nos produits. Je l'ai dit tellement de fois que les gens vont me sortir d'ici. En 1972, nous obtenions 2 $ pour un boisseau de blé, et un baril de pétrole coûtait 2 $. Nous pouvons trouver tous les arguments politiques pour faire nos démonstrations, mais lorsque vous payez le pétrole 60 $ et que vous vendez le blé 2,50 $ ou peu importe ce que vous obtenez, vous ne pouvez absolument pas vous en tirer.
M. MacFarlane : Je suis d'accord.
Le sénateur Gustafson : Quelque chose doit changer. Le sénateur Mahovlich, le vieux joueur de hockey, a visé juste. L'économie mondiale a changé. Si nous devons exporter nos produits, que ce soit mon bœuf ou mon blé, les règles du jeu doivent être uniformes. Ce n'est pas le cas, et nous ne pouvons pas convaincre les bureaucrates qui contrôlent l'agriculture au Canada de même se pencher sur la question.
Mme Fyfe : C'est exact.
Le sénateur Gustafson : Vous avez raison au sujet de l'OMC. J'étais à Seattle et j'ai observé l'OMC et ils sont sortis de là les mains vides. C'est une chose sérieuse, mais jusqu'à ce que nous obtenions un prix équitable pour notre produit, nous aurons des problèmes.
M. MacFarlane : Je ne veux pas prendre trop de temps et je serai bref. Il y a énormément d'argent dans le porc. Je suis un producteur de porc. Si je vous vends, à vous ou à un de mes voisins, une caisse de porc à 120 $, mon prix est inférieur à celui des magasins et je fais 70 $ par animal. Les Maritimes ne sont pas autosuffisantes en porc. Les producteurs de porc disent qu'ils perdent 50 $ par animal. L'inégalité est énorme, et nous ne pouvons pas jeter le blâme sur les Américains.
Le sénateur Gustafson : En même temps, les Américains vendent du bœuf canadien depuis 100 ans.
M. MacFarlane : Oui.
Le sénateur Gustafson : La minute où la frontière se ferme, le prix du bœuf chute de moitié.
M. MacFarlane : Êtes-vous d'accord pour dire que la plupart des bovins placés dans des parcs d'engraissement à façon au Canada appartiennent à des entreprises américains comme Tyson et Cargill?
Le sénateur Gustafson : Oui, un grand nombre, mais beaucoup de bovins sont engraissés au Canada également.
M. MacFarlane : Oui, mais je remarque qu'une entreprise américaine peut transporter des bovins canadiens de l'autre côté de la frontière pour faire de l'argent.
Le sénateur Gustafson : Oui. Il se trouve que je crois que nous devrions collaborer avec les Américains. Ils achètent notre pétrole, notre gaz, notre bois d'œuvre et notre bétail, et je transporte mon canola par camion à Velma, dans le Dakota du Nord, chez ADM qui me donne 10 ¢ de plus et en prend livraison gratuitement. Ce n'est pas gratuit. Les coûts sont cachés quelque part, mais c'est plus que ce que je peux obtenir auprès de certains autres silos-élévateurs. Les Canadiens ont besoin de ce marché américain et je crois que c'est important.
Je ne suis pas ici pour faire valoir cet argument. Je l'ai fait pendant 20 ans avec Ottawa et, selon toute apparence, on n'en a fait peu de chose. Nous avons des problèmes. Je suis d'accord avec vous. Nous avons des problèmes en agriculture qui ne devraient pas exister et il est à souhaiter que nous pourrons trouver des solutions.
Le sénateur Peterson : Lors d'une réunion que nous avons eue plus tôt cette année, on nous a dit que pour même commencer à combler le manque à gagner, pour en arriver à un revenu neutre, il en coûterait six milliards de dollars. Est-ce un chiffre que vous avez déjà entendu?
M. MacFarlane : Cette évaluation me paraît juste.
Le sénateur Peterson : Elle vous paraît juste?
Mme Fyfe : Je dirais que oui.
Le sénateur Peterson : Ce n'est que pour commencer aujourd'hui, pour empêcher que cela ne se reproduise. Pour essayer de régler le problème avec des solutions à la canadienne, nous ne formons pas un grand bassin de consommateurs. Même en reprenant l'analogie du pain, si nous voulons donner davantage aux agriculteurs, pouvons- nous vendre assez de pain au Canada pour que cette solution fonctionne, étant donné que nous sommes en nombre limité? Nous pourrions faire cela, et puis nous aurions fait tout ce pain et essayé de remettre autant d'argent que possible aux agriculteurs et il resterait encore bien des céréales. Pouvons-nous essayer de faire autre chose à l'intérieur du pays pour remettre plus d'argent aux agriculteurs? Quand vous commencez à vendre votre produit sur le marché mondial ouvert — oubliez l'OMC — vous devez faire concurrence aux Australiens, aux Français et aux Américains. Si l'acheteur est la Chine ou le Japon, il va vous demander quel est votre prix et choisira le produit le moins coûteux.
J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez. Y a-t-il une solution quelque part? Vous avez dit qu'il y en a une.
M. MacFarlane : Comme je l'ai dit tout à l'heure, si un agriculteur perd de l'argent à faire quelque chose, il arrête de le faire. Avec toutes ces exportations vers les pays étrangers, vous subventionnez ConAgra et tous les commerçants et entreprises de grains des États-Unis qui font des profits sur le produit.
Regardez l'environnement à l'Île-du-Prince-Édouard. L'environnement subventionne les entreprises de pommes de terre qui achètent des tubercules ici à 2 ¢ la livre. Est-ce correct? Vous pouvez dire, oui, nous sommes un pays exportateur, mais attendez un instant. Il y a des gens qui ont faim et qui sont pauvres au Canada. Des gens qui ne mangent pas à leur faim. Pour toute cette nourriture, nous n'avons pas une situation équitable, alors pourquoi tenons- nous tant à exporter? Pourquoi crevons-nous de faim dans notre propre pays?
Le sénateur Peterson : Diriez-vous que nous devrions produire en fonction de ce que nous pouvons consommer au pays et oublier les exportations?
M. MacFarlane : Je dirais qu'il faut mettre de l'ordre dans le marché avec la Commission canadienne du blé ou un organisme semblable. Si vous voulez cultiver un million ou des milliards de tonnes de blé, c'est votre affaire, mais mettez un peu d'ordre dans le marché pour que les agriculteurs obtiennent un coût de production en fonction du marché intérieur. Si c'est ce qu'il faut faire, faisons-le, mais cette affaire ne mène nulle part.
Je ne veux pas que vous subventionniez les producteurs de blé de l'Ouest si tout ce qu'ils font, ce sont des profits records pour ConAgra.
La présidente : Sur ce, nous vous remercions. Vous avez assurément apporté quelques étincelles au débat cet après- midi. Nous vous souhaitons la meilleure des chances et nous allons faire de notre mieux.
M. MacFarlane : On a déjà dit bien pire à mon sujet.
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, notre prochain témoin est Mme Kim Critchley, qui va nous parler de l'École des sciences infirmières de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard.
Nous avons hâte de vous entendre.
Kim Critchley, doyenne et professeure agrégée, École des sciences infirmières, Université de l'Île-du-Prince-Édouard : Je suis la doyenne de l'École des sciences infirmières de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, mais je suis également codirectrice du Children's Health Research Institute à l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis ici avant tout pour vous parler de la recherche que nous faisons auprès des jeunes de l'Île-du-Prince-Édouard. Nos travaux touchent les jeunes des collectivités rurales de la province. Le but de ma présence ici aujourd'hui est d'apporter un certain éclairage et de donner une voix aux enfants de l'Île-du-Prince-Édouard.
J'ai apporté un document dont je vais extraire plusieurs passages. Un article paru récemment dans le Journal of Community and Rural Health parle de la recherche que nous venons de faire dans l'application des connaissances. Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi certaines collectivités de l'Île-du-Prince-Édouard et nous avons examiné dans le détail les problèmes de santé des enfants dans chacune de ces collectivités. Celle dont j'étais responsable était O'Leary, une localité qui se trouve près d'où j'ai grandi.
Permettez-moi de vous donner quelques renseignements généraux sur O'Leary. Il s'agit d'une petite localité située à 130 kilomètres au Nord-Ouest de Charlottetown, dont l'âge médian de la population est 45 ans. Le revenu familial moyen est de 37 000 $, et il s'agit du revenu par famille. Le taux de chômage à O'Leary est de 25,7 p. 100. Sur le plan de l'éducation, 47,1 p. 100 des personnes de 45 à 64 ans n'ont pas terminé les études secondaires; ce pourcentage est de 52,9 p. 100 chez les personnes âgées de 35 à 44 ans, et de 37,9 p. 100 chez les personnes de 20 à 34 ans. Si vous considérez que l'éducation et le chômage sont des déterminants de la santé, vous comprendrez que ce n'est pas un très bon départ.
Étant une communauté rurale, l'Île-du-Prince-Édouard est aux prises avec beaucoup de problèmes de santé qui sont liés à la santé et à l'avenir de nos enfants. Soixante-sept pour cent de la population affiche un excédent de poids. Les plus hauts taux de décès attribuables au cancer au Canada se trouvent en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince- Édouard. Les plus hauts taux de maladies cardiovasculaires sont enregistrés dans les provinces de l'Atlantique, en comparaison avec toute autre province canadienne. Le niveau socioéconomique global de l'Île-du-Prince-Édouard nous place à l'avant-dernier rang parmi toutes les autres provinces du Canada.
Ces principaux déterminants de la santé ne présagent rien de bon pour la santé future des enfants de l'Île-du-Prince- Édouard. On demande que de nouvelles initiatives soient lancées pour sensibiliser davantage la population aux problèmes de santé et alerter les résidents de cette situation.
Comme je l'ai dit, les recherches effectuées dans les collectivités rurales de l'Île-du-Prince-Édouard portaient sur la santé des enfants. Concernant les problèmes que vivent les enfants dans leurs communautés, les entrevues de groupe nous disent qu'ils sont liés au peu d'activités, aux problèmes de transport, à l'accès facile à l'alcool et aux drogues, à l'intimidation, à la violence et à l'influence des pairs. Les parents, les enfants et les membres importants de la communauté disent tous que les activités coûtent cher et qu'elles sont limitées, en particulier à O'Leary, où il y a du hockey. Toutefois, le hockey coûte cher et de nombreux parents ne peuvent se permettre d'y inscrire leurs enfants ou encore, si les deux parents travaillent au salaire minimum, ils sont trop occupés à essayer de nourrir leurs enfants pour leur offrir des activités extrascolaires.
Un des parents, qui est un fournisseur de services et un membre important de la communauté, a dit « Ici, on aimerait que les activités se tiennent à l'école, mais c'est une longue distance à couvrir pour bien des parents. Les jeunes sont donc coincés à la maison, ils flânent dans les rues, dans les parcs de stationnement et on les poursuit partout. » Les fournisseurs de services disent que même si des activités sont offertes dans les écoles, qui sont beaucoup moins coûteuses que d'autres, les enfants n'ont aucun moyen de revenir à la maison. S'ils doivent rester à l'école pour des activités parascolaires, ils ne peuvent y participer parce qu'il n'y a pas de moyen de transport. Ils doivent utiliser les autobus scolaires. Puis, à la maison, ils n'ont rien à faire et c'est à ce moment-là qu'ils s'attirent des ennuis. Nous savons que les activités physiques et récréatives font obstacle aux activités à haut risque et si on n'en offre pas aux enfants, ils s'attirent effectivement des ennuis.
On a examiné également le rôle parental. Dans ces communautés rurales, on trouve beaucoup de jeunes parents, des parents seuls, des parents qui n'ont pas beaucoup de temps, et ils n'ont pas de modèle de rôle pour l'éducation des enfants. Voici ce qu'a dit un fournisseur de services : « Je suis d'accord pour ce qui est du rôle parental, mais je crois aussi que la pauvreté est un facteur important parce que les parents sont si occupés qu'ils ont de la difficulté simplement à nourrir leur famille et, bien souvent, ils ne sont pas présents au cours de ces premières années où ils devraient l'être pour définir leurs objectifs et ce genre de chose. »
Lorsqu'on a demandé aux gens de cette localité quelles étaient les forces des communautés rurales, un fournisseur de services a dit « Je suis toujours étonné par la résilience de ces jeunes avec lesquels je travaille et les choses qu'ils ont vécues à un très jeune âge, alors que je ne sais pas si, en tant qu'adulte, je pourrais faire face aux situations que ces jeunes vivent. »
Lorsque les jeunes ont parlé de contraintes, ils ont souligné le manque d'argent pour le sport à l'école, les enfants qui quittent l'école parce qu'ils acceptent des emplois au salaire minimum, le transport, l'absence de notions de bien et de mal inculquées par les parents, et la pauvreté. Un enfant a dit « Eh bien, c'est impossible de jouer au hockey ou de pratiquer bien d'autres sports si vous n'avez pas d'argent. Vous ne pouvez pas acheter l'équipement et tout le reste. » Un parent a dit « Des gens qui ne font pas partie de notre église, mais du groupe de jeunes ont offert de prendre les enfants et de les conduire à la maison. Cela signifie beaucoup. » Un autre fournisseur de services a affirmé « Nous avons tellement de contraintes financières avec tous les services que nous pouvons offrir, vous savez, c'est un investissement. C'est un investissement dans notre avenir. »
Selon eux, l'argent que nous consacrons à ces enfants maintenant devrait être considéré comme un investissement dans notre avenir et sert à aider ces enfants de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé des problèmes de transport. Lorsque j'étais jeune, nous avions des difficultés à emmener les joueurs de l'équipe de baseball à South Porcupine, à sept milles de distance. Nous devions nous y rendre et mon père avait un camion, alors nous embarquions à l'arrière.
Le sénateur Mercer : C'est illégal maintenant.
Le sénateur Mahovlich : Cela fonctionnait. C'était toujours difficile de se rendre à certains endroits, mais un parent arrivait avec un camion ou une remorque et nous embarquions tous et nous pouvions aller jouer nos matchs. Nous arrivions à destination. Nous prenions des autobus tout le temps. Nous avions ces moyens de transport. Est-ce que vous dites qu'il n'y a pas de système d'autobus adéquat à cet endroit?
Mme Critchley : Il n'y a pas de système d'autobus.
Le sénateur Mahovlich : Il n'y a aucun moyen de transport?
Mme Critchley : Il n'y a pas de réseau de transport public à l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Mahovlich : Eh bien, nous en avions dans le Nord de l'Ontario.
Mme Critchley : Je sais et nous devrions en avoir ici.
Le sénateur Mahovlich : Je suis de cet avis.
Mme Critchley : Il faudrait absolument en avoir ici, ou des arrangements devraient être pris pour que les autobus partent plus tard.
Le sénateur Mahovlich : Oui.
Mme Critchley : Pour les jeunes qui veulent rester à l'école pour participer à des activités, un autobus pourrait partir à un autre moment ou quitter une localité à un certain moment pour transporter les jeunes à ces activités, mais ce n'est pas le cas. Bien souvent, les jeunes se rendent à leurs activités parce que leur père ou leur mère a un emploi saisonnier et peut donc assurer leur transport. C'est la seule façon.
Le sénateur Callbeck : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Y a-t-il des Clubs Rotary et des Clubs Lions ici qui parrainent des équipes de jeunes?
Mme Critchley : Je ne sais pas s'ils parrainent des équipes, mais il y avait un programme de sports qui fournissait de l'argent aux jeunes des collectivités rurales pour l'achat d'équipement de hockey, mais on a mis fin au programme, ce qui a soulevé un tollé à O'Leary. Je ne sais pas combien d'argent on donnait par famille, mais c'était suffisant pour équiper un jeune joueur de hockey.
Le sénateur Mahovlich : Je déteste parler constamment du passé, mais quand j'étais jeune, le Club Lions s'occupait de moi et nous lui en étions très reconnaissants. Sans lui, je n'aurais pas eu la jeunesse que j'ai eue.
Mme Critchley : Oui.
Le sénateur Mercer : Madame Critchley, je suis curieux. Il manque un mot dans votre rapport que presque tous les autres témoins d'aujourd'hui ont prononcé, et c'est « alphabétisme ».
Mme Critchley : Oh, oui.
Le sénateur Mercer : Vous n'avez pas mentionné l'alphabétisme. Dans votre recherche, avez-vous relevé ce problème chez les enfants et les parents?
Mme Critchley : Dans cette étude, l'alphabétisme n'est pas apparu comme un problème, mais j'ai donné tout à l'heure les pourcentages de la population qui avait terminé les études secondaires.
Le sénateur Mercer : Exact.
Mme Critchley : Nous avons aussi beaucoup travaillé auprès des jeunes Autochtones, et l'alphabétisme est un énorme problème. Il existe deux communautés autochtones à l'Île-du-Prince-Édouard, et seulement 5 p. 100 de ces enfants terminent les études secondaires. C'est un véritable problème.
Le sénateur Mercer : Diriez-vous comme d'autres — et je suis de ceux-là — qu'une des façons dont nous pouvons nous attaquer au problème de la pauvreté, tant en milieu rural qu'urbain, c'est d'investir dans l'éducation, d'enseigner aux jeunes et aux adultes à lire à un niveau qui leur permet de bien fonctionner dans la société?
Mme Critchley : Comme je l'ai dit, l'éducation est un déterminant de la santé. Je vais m'en remettre à mes propres croyances, parce que je n'ai pas de recherche pour appuyer cela.
Le sénateur Mercer : D'accord.
Mme Critchley : Je crois que nous devons faire deux choses pour nos enfants : nous devons les garder à l'école et nous devons les garder occupés.
Le sénateur Mercer : Bien sûr, le sénateur Mahovlich a été privilégié par une communauté qui lui a donné la possibilité de devenir, aux dires de la plupart des gens, un très bon joueur de hockey.
Le sénateur Mahovlich : Mon professeur de cinquième année s'appelait M. Critchley, soit dit en passant.
Mme Critchley : Vraiment?
Le sénateur Mercer : Voilà. C'est la faute de votre famille.
Mme Critchley : J'aimerais croire que vous lui devez votre succès au hockey.
Le sénateur Mercer : J'ai été entraîneur pendant de nombreuses années, et le transport pose un problème énorme dans les collectivités tant rurales qu'urbaines, mais il est amplifié dans les régions rurales en raison des distances. Est-ce que les coûts que comporte la pratique d'un sport expliquent le fait que le soccer est le sport le plus en croissance au Canada? La pratique du soccer n'est pas très chère. Les jeunes ont déjà des souliers de course, et un short et des protège-tibias coûtent beaucoup moins qu'un équipement de hockey.
Est-ce que vous dites que le gouvernement devrait subventionner davantage les loisirs en région rurale pour éviter que les jeunes ne s'attirent des ennuis?
Mme Crithchley : À mon avis, cela ne prendrait pas grand-chose. Il faudrait simplement une planification créative. Certains jeunes veulent participer. Le problème avec les sports, c'est que les jeunes doivent commencer tôt, sinon ils n'ont pas la confiance nécessaire une fois qu'ils sont grands, alors il faut commencer tôt. J'écoutais la radio en revenant d'Halifax et on disait qu'on voulait rendre obligatoire l'exercice physique dans les écoles secondaires. Personnellement, je ne crois pas que c'est là qu'il faut commencer. Lorsque les jeunes arrivent à l'école secondaire, s'ils n'ont pas fait d'exercice physique, ils ne vont pas commencer en dixième, onzième ou douzième année. Il y a beaucoup d'activités peu coûteuses, et elles sont encore moins coûteuses dans les écoles, les salles paroissiales et les centres communautaires, où les frais de location ou d'équipement sont peu élevés. L'équipement est déjà là. Nous devons simplement être créatifs pour assurer le transport des jeunes et leur offrir ces activités.
Le sénateur Peterson : C'est ma première visite à l'Île-du-Prince-Édouard et, en me rendant ici à partir du centre- ville, j'ai remarqué que l'étalement urbain était important à Charlottetown. Est-ce là le problème? Lorsque j'étais écolier, tout le monde marchait ou prenait sa bicyclette pour se rendre à l'école. Quel est ce problème de transport? Est- ce seulement dans les secteurs ruraux ou est-ce à cause de l'étalement? Est-ce un problème dans la ville également?
Mme Critchley : Un réseau d'autobus a été établi récemment à Charlottetown. Il a été créé il y a un an. Dès que vous sortez de Charlottetown, il n'y a aucun transport. Il n'y a aucun autre système de transport sur l'île.
Le sénateur Peterson : C'est là que se trouvent les écoles. Est-ce là que les enfants vont à l'école, dans les régions rurales?
Mme Critchley : Oui. Un autre grand problème concerne certaines collectivités rurales. Une petite municipalité comme O'Leary compte peut-être quelques magasins, un centre communautaire et une église, mais les établissements principaux comme les écoles et les arénas sont tous situés à l'extérieur de la municipalité. Les enfants ne peuvent pas s'y rendre à pied. Ils ne peuvent pas aller à l'école ni à l'aréna à pied parce qu'on les a construits à l'extérieur du centre. Il y a eu une mauvaise planification.
Le sénateur Peterson : On n'y peut rien, c'est chose faite. Il appartient au conseil scolaire de trouver une solution.
Mme Critchley : C'est une question de coûts.
Le sénateur Peterson : L'école devrait acheter un autobus pour amener les enfants à l'aréna.
Mme Critchley : Oui. C'est définitivement une question de coûts.
Le sénateur Peterson : Je comprends, mais dans ce cas-là, c'est ce qu'il faut faire.
Mme Critchley : Je ne suis pas en désaccord avec vous; je suis du même avis.
Le sénateur Peterson : Il me semble que les parents devraient s'adresser au conseil scolaire.
Mme Critchley : C'est tout à fait logique, n'est-ce pas?
Le sénateur Peterson : J'imagine.
Mme Critchley : C'est logique.
Le sénateur Mercer : C'est un homme simple.
La présidente : Sur ce, c'est à vous, sénateur Callbeck.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie d'être venue aujourd'hui. Vous n'avez pas parlé des services de garde. Quelle est la situation en ce qui concerne la petite enfance?
Mme Critchley : Il existe une maternelle à O'Leary. Quant aux services de garde, je ne peux pas vous répondre. Il ne semble pas y avoir de problème à cet égard. Ayant travaillé au sein de ces collectivités, je peux vous dire que souvent, les grands-parents ou bien les oncles ou les tantes s'occupent des enfants. Étonnamment, la question des services de garde n'a pas été soulevée.
Le sénateur Callbeck : C'est étrange.
Mme Critchley : C'est étrange en effet, car je sais qu'à Charlottetown, on en aurait certes parlé. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous répondre.
La présidente : Vous nous avez donné matière à réflexion, madame Critchley. Je vous remercie d'être venue.
Nous sommes rendus à la partie de notre séance que nous appelons la tribune ouverte. C'est maintenant que nous entendons le point de vue ou les préoccupations de certaines personnes. L'une d'elles est Winnie Fraser MacKay, présidente de la Corporation canadienne des retraités intéressés et ancienne présidente de la Fédération des aînés de l'Île-du-Prince-Édouard.
Vous avez fait preuve d'une grande patience. C'est maintenant à vous de prendre la parole.
Winnie Fraser MacKay, présidente, Corporation canadienne des retraités intéressés, à titre personnel : Premièrement, je tiens à vous dire que vous avez très bien réussi à assurer le bon déroulement de la journée.
La présidente : Merci. Nous avions beaucoup de témoins.
Mme MacKay : Je m'adresse à vous notamment en tant que présidente d'un organisme national et je tiens à vous dire que je m'intéresse beaucoup au vieillissement, surtout parce que je fais partie de certaines associations d'aînés et à cause des changements que j'observe chez les aînés qui vivent dans les régions rurales. Je veux vous faire un commentaire, que vous avez peut-être déjà entendu. Cela fait des années que j'essaie de définir ce qu'est la pauvreté. Tout le monde a son point de vue. À ma connaissance, à moins qu'au cours des derniers mois une définition ait été établie, le Canada n'a pas déterminé ce qu'est la pauvreté.
Je ne sais pas si vous connaissez le bulletin des aînés du Canada que publie le Conseil consultatif national sur le troisième âge, dont les bureaux sont à Ottawa. Il serait peut-être bon que vous en preniez connaissance. Je ne vous débiterai pas une série de statistiques, mais je crois néanmoins qu'il est important que tous les aînés puissent consulter ce bulletin. À l'échelle nationale, nous allons inciter les gens à le lire.
Nous entendons beaucoup de commentaires négatifs à propos des aînés. Aujourd'hui, j'ai même entendu des gens dire « Oh, ils sont vieux. » Cela m'a hérissé parce que...
Le sénateur Callbeck : Winnie, je suis moi-même une aînée, et je ne me sens pas vieille. Nous nous portons bien.
Mme MacKay : J'aime bien ce que Art Linkletter a déclaré, c'est-à-dire « Avoir 60 ans aujourd'hui, c'est comme en avoir 40. »
Le sénateur Callbeck : C'est exact.
Mme MacKay : Les aînés sont davantage proactifs qu'avant, surtout dans l'Île-du-Prince-Édouard, où j'observe une grande différence. Je suis certaine que vous constatez la même chose, madame le sénateur Callbeck. Soit dit en passant, je vous souhaite la bienvenue; nous sommes ravis de vous voir.
Les publications produites par le Conseil consultatif national sur le troisième âge constituent une excellente source d'information. Il y en a une qui s'appelle Expression et une autre intitulée Aînés en marge sur le vieillissement et la pauvreté au Canada. Il y a aussi d'autres excellents documents. J'ai demandé d'obtenir ces deux-là l'autre jour, et je suis certaine que le ministère vous les fera parvenir si vous en faites la demande.
La présidente : Oui.
Mme MacKay : Vous y trouverez des renseignements intéressants au sujet de Terre-Neuve, où vous étiez l'autre jour, et vous constaterez qu'il se passe des choses merveilleuses dans certaines régions rurales, mais aussi des moins bonnes, comme vous l'avez appris. Quelqu'un aujourd'hui a demandé pourquoi les aînés n'habitent pas tous dans les résidences qui ont été construites dans l'Île-du-Prince-Édouard il y a quelques années. Je vais vous dire pourquoi. Un grand nombre d'entre eux préfèrent rester chez eux, surtout dans les régions rurales, s'ils le peuvent. Toutefois, les déplacements constituent un obstacle, particulièrement s'ils habitent seuls et qu'ils n'ont plus de permis de conduire.
Certaines des résidences les intéressent, mais les nouvelles devraient modifier leur concept. Les aînés qui ont continué d'habiter chez eux pendant longtemps ont du mal à s'habituer à vivre dans de petites pièces, surtout s'il n'y a qu'une seule chambre. Voilà une des raisons.
Je veux aussi souligner le fait que la pauvreté et le vieillissement dans les régions rurales entraînent de graves problèmes de santé mentale, comme la dépression. Nous avons d'excellents médecins, mais ils ne sont pas assez nombreux. Aux aînés qui se sentent déprimés parce qu'ils ont perdu leur indépendance, on prescrit des médicaments pour qu'ils se sentent plus heureux. Il s'agit là d'une grave situation. Et cela ne se produit pas seulement dans l'Île-du- Prince-Édouard, mais partout au Canada. J'ai entendu d'autres membres de notre organisme national en parler, car la Corporation canadienne des retraités intéressés a une section dans chaque province.
Nous avons essayé d'obtenir des fonds pour mener des études sur la santé mentale ainsi que sur le vieillissement et la pauvreté dans les régions rurales, mais il semble que le financement destiné aux organismes nationaux a grandement diminué. Nous serions ravis de pouvoir collaborer avec tous les organismes canadiens ou toutes les provinces à un projet concernant un de ces sujets. Lorsque nous venons à Ottawa, nous avons de la difficulté à obtenir un entretien avec des ministres.
Je vous exhorte à écouter les aînés et les organismes qui les représentent, surtout les organisations nationales. Je vous remercie de vous déplacer un peu partout au Canada pour entendre des représentants d'organismes provinciaux, comme vous l'avez fait ici aujourd'hui. Nous avons besoin de gens comme vous pour encourager nos politiciens à écouter les aînés. Nous n'avons pas tous 80 ans. Et il y a des personnes extraordinaires de 90 ans qui peuvent donner de très bons conseils. Nous trouvons que bien des élus ne sont pas à l'écoute des aînés.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que les baby-boomers ne sont pas préparés pour la retraite. Je ne suis pas retraitée, car je suis toujours en train de participer à quelque chose. Aujourd'hui, nous considérons que les aînés sont les personnes de 50 ans et plus. Il faut faire en sorte qu'ils se préparent mieux pour la retraite.
Les aînés ont le sentiment que les politiciens ne sont pas à leur écoute, ce qui les rend frustrés, et souvent, lorsqu'ils s'adressent à certains groupes, ils se disent que cela ne vaut peut-être pas la peine finalement puisque de toute façon, on ne les écoutera pas.
Le programme Nouveaux Horizons a donné de très bons résultats dans plusieurs domaines. Cependant, les fonds sont attribués en fonction de la taille de la population, et ici, dans l'Île-du-Prince-Édouard, on compte entre 40 et 48 clubs, dont font partie 1 500 aînés. En moyenne, ils sont dans la fin soixantaine ou septuagénaires. Je siège au comité d'évaluation des demandes, et cela me brise le cœur de ne pas pouvoir leur accorder tous les fonds qu'ils demandent. Ils accomplissent tous un travail extraordinaire pour leur communauté, et en plus cela les garde actifs.
Par ailleurs, les aînés font du bénévolat. J'étais ravie de vous entendre demander aux représentantes de la Fédération comment elles obtenaient leur financement. J'en ai fait partie pendant un certain nombre d'années, et je peux vous dire qu'il n'est pas facile d'obtenir des fonds. Je ne crois pas que les aînés qui ont travaillé fort et qui ont beaucoup donné pour leur communauté devraient avoir à compter leurs sous comme ils le font, à payer leurs repas quand ils doivent faire un trajet de trois heures pour assister à une réunion ou bien à rester debout à faire des photocopies pendant des heures. Ce sont là certains détails.
J'aurais d'autres choses à dire, mais je sais qu'une longue journée vous attend demain à Edmundston.
La présidente : J'ai un commentaire à formuler et certains de mes collègues auront peut-être des questions à poser. Vous dites que les aînés sont actifs, et c'est vrai. Dans toutes les villes du pays, grandes ou petites, ils constituent une forte proportion de la population. Les gens qui oeuvrent dans notre milieu devraient garder en tête que les aînés sont aussi des électeurs. Il faut y penser.
Mme Mackay : Je suis heureuse de vous l'entendre dire. La plupart de mes collègues le mentionnent toujours.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre patience, car vous avez dû passer toute la journée à nous écouter. Je tiens à vous signaler qu'un comité sénatorial spécial, présidé par le sénateur Carstairs, du Manitoba, se penche actuellement sur le vieillissement. Je suis membre de ce comité également, alors je travaille sur deux fronts en même temps. Je vous encourage à suivre les délibérations de ce comité, qui sont diffusées sur CPAC, probablement à trois heures du matin. Les gens me disent qu'ils me voient à la télévision, et je leur dis qu'ils ont une drôle de vie s'ils regardent cette chaîne à cette heure-là. Quoi qu'il en soit, je voulais seulement vous le faire savoir. Par ailleurs, je voudrais obtenir le nom exact du rapport dont vous avez parlé pour que je puisse le mettre dans mes dossiers pour cet autre comité.
Vous avez parlé de la définition de la pauvreté, mais je pense que la définition d'aîné n'est pas claire non plus. Votre organisme considère que ce sont les personnes âgées de 50 ans et plus. À l'approche de mon soixantième anniversaire, je crois que les aînés sont plutôt âgés de 70 ou 80 ans environ. Je considère ma mère de 87 ans comme une aînée. C'est un âge qui ne cesse de varier. Aussi, à un moment donné au cours des deux derniers jours, quelqu'un a déclaré que les aînés ne sont pas nécessairement vieux.
Mme Mackay : Tout à fait. Votre commentaire est intéressant, car il y a un club dans l'est de l'île qui compte deux groupes, et dans l'un d'eux, il y a une dame de 95 ans qui m'a dit que sa fille et son gendre ne veulent pas assister à toutes les réunions parce qu'ils ne se considèrent pas comme des aînés puisqu'ils sont septuagénaires. Il est vrai que ce terme n'est pas clairement défini. On dit qu'il faudrait le changer, mais je crois qu'il faut être réaliste.
Le sénateur Mercer : J'ai assisté récemment à une conférence internationale sur le vieillissement. Jamais le mot vieillissement n'a été employé; on parlait toujours de personnes plus âgées.
Mme Mackay : Oui.
Le sénateur Mercer : J'avais du mal à m'y retrouver. Quoi qu'il en soit, je vous remercie.
Le sénateur Callbeck : Je suis d'accord avec vous quand vous dites que vous n'êtes pas retraitée. Je crois que c'est vrai, car vous êtes extrêmement active dans la province.
Vous avez dit que le Programme Nouveaux Horizons est par habitant. Est-ce par personne âgée ou pour l'ensemble de la population?
Mme MacKay : Pour l'ensemble de la population.
Le sénateur Callbeck : Peu importe que vous...
Mme MacKay : Oh! C'est une bonne question. Je ne suis pas sûre. Je pensais que c'était pour la population. Tout notre financement est versé par tranche de population, donc c'est une excellente remarque. Je ne pense pas que ce soit le cas, sénateur, parce qu'ils n'auraient pas les chiffres exacts. Je pense que c'est la population de notre province, mais je vais bien sûr me renseigner.
Le sénateur Callbeck : Mais ils ont les pourcentages des personnes âgées.
Mme Mackay : Oui.
Le sénateur Callbeck : Oui. Je voulais seulement savoir.
La présidente : Merci encore pour votre patience.
Mme MacKay : J'enverrai la documentation.
La présidente : Chers collègues, nous accueillons maintenant quelqu'un qui serait certainement une amie très chère si j'habitais ici, la Dre Els Cawthorn de la Prince Edward Island Humane Society et elle a quelques mots à nous dire. Je vais l'écouter attentivement, car il y a environ 33 ans que je recueille des chats abandonnés et maltraités.
Dre Els Cawthorn, vétérinaire et gérante d'un refuge, P.E.I. Humane Society, à titre personnel : Bravo. C'est ce que nous voulons entendre.
La présidente : Ils nous rendent fous, mais nous ne pouvons que les aimer.
Dre Cawthorn : Je vais essayer de ne pas dépasser mon temps de parole. Je sais que tout le monde attend de prendre l'avion.
Le problème ne concerne pas seulement le bien-être des animaux mais aussi celui de la population. Dans les zones rurales, la méthode de régulation de la population, surtout celle des petits animaux, ceux que nous appelons « animaux de compagnie » était qu'ils étaient victimes de l'impitoyable cycle de vie.
La présidente : Oui.
Dre Hawthorne : S'ils avaient une maladie, ils mourraient. S'ils avaient un problème, le fermier les tuait. S'il y avait trop de chatons, on les mettait dans un sac pour les noyer.
Ce type de régulation de la population animale n'est plus vraiment approprié aujourd'hui. Elle ne devrait pas exister. Elle n'existe plus. Les gens sont beaucoup plus sensibilisés au bien-être des animaux alors ils traitent mieux ces animaux, chats et chiens, dans les zones rurales aujourd'hui, ce qui est très bien. Cela ne me pose aucun problème. Cependant, le résultat est que le nombre des animaux des zones rurales, surtout les chats et les chiens, augmente et qu'il faut trouver une autre méthode de régulation de la population.
La méthode de régulation de la population la plus courante consiste à stériliser et à châtrer les animaux. Bien sûr, si vous n'avez pas d'argent, vous n'allez pas stériliser et châtrer 10, 15 ou 20 chats d'étable. C'est tout simplement impossible. En fait, le nombre des animaux, surtout celui des chats, augmente exponentiellement. Ces chats ont tendance à fréquenter les étables. Ils ont aussi tendance à passer à l'état sauvage. Ils errent dans les propriétés avoisinantes. Ils dérangent d'autres personnes. Ils envahissent les petites municipalités. Ils causent des problèmes. On nous amène souvent ces chats, à la société de protection des animaux. Certains sont vraiment gentils, pas du tout méchants. D'autres sont vraiment passés à l'état sauvage et ne peuvent plus redevenir des chats domestiques.
La société de protection des animaux en reçoit tellement que nous finissons par en euthanasier beaucoup. Le fait de passer des animaux qui meurent et qui sont tués à la ferme à ceux que l'on amène à la société de protection des animaux pour les euthanasier n'est pas non plus une méthode de régulation de la population acceptable. Nous devons trouver une solution à ce problème. Nous devons contrôler le nombre des animaux; il y en a tout simplement trop.
Il faut soit aider financièrement les habitants des zones rurales pour qu'ils puissent stériliser et châtrer les animaux soit soutenir des organisations privées qui aident les résidents des zones rurales à contrôler la population des animaux dans les fermes.
Nous ne connaissons pas la gravité de ce problème car aucune étude n'a vraiment été faite pour déterminer le nombre d'animaux errants dans les zones rurales, mais nous recevons beaucoup de plaintes et beaucoup de chats sont apportés à l'abri pour cette raison.
À l'heure actuelle, l'Île-du-Prince-Édouard est exempte de rage. Au cours des quatre dernières années, nous avons enregistré deux cas de transmission de la rage par des chauves-souris à des chats. Les chats enragés ne présentent pas de vrai danger pour l'homme, car une fois que la rage est transmise de la chauve-souris au chat, elle n'est souvent plus transmise du chat à l'homme. Si jamais une rage, comme celle du renard ou de la mouffette, frappait l'île, il y aurait beaucoup de problèmes parce que les chats sont un réservoir idéal pour cette maladie et l'homme serait aussi très exposé.
Je pense qu'il est important d'aborder ce problème.
La présidente : Pensez-vous à une loi ou une mesure législative particulière?
Dre Cawthorn : Je ne pense pas qu'une loi serait utile. Je crois que la majorité des gens sont prêts à faire quelque chose pour contrôler la population, mais je crois aussi qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens de stériliser et de châtrer leurs animaux. Il sera très difficile d'appliquer la loi s'il n'y a pas de moyens financiers pour le faire, je ne pense pas que le problème serait réglé.
Le sénateur Mercer : Que faut-il payer pour châtrer un chat?
Dre Cawthorn : Environ 100 à 120 $. Souvent les vétérinaires préfèrent que les animaux soient vaccinés avant qu'ils ne les traitent, il faut donc ajouter 45 $ pour vacciner un chat et attendre deux ou trois semaines avant de le châtrer. Ce n'est pas une procédure bon marché.
Le sénateur Mercer : Je vois le problème.
Le sénateur Callbeck : Je pense à un groupe dans ma région qui s'occupe de beaucoup de chats.
Dre Cawthorne : Un excellent programme appelé « Cat Action Team » pour attraper, châtrer et libérer les chats existe à l'Île-du-Prince-Édouard. Il est spécialement conçu pour les chats qui n'appartiennent à personne ou qui sont en semi-liberté, les chats qui sont passés à l'état sauvage, les chats qui errent dans les municipalités. Nous avons aussi eu un certain nombre de chats d'étable ou qui sont en semi-liberté. L'organisation est privée. Elle collecte beaucoup de fonds. Elle a beaucoup d'activités de financement et paye les soins prodigués aux animaux. Elles attrapent, les apportent chez des vétérinaires pour les opérer, les vacciner et voir s'ils ne sont pas atteints de maladies infectieuses. Les chats sont ensuite relâchés où ils ont été attrapés. Ce qui est intéressant dans le programme attraper, châtrer et libérer, c'est qu'il exerce une pression démographique. Les autres chats qui n'ont pas été stérilisés ni châtrés ont moins de chance de se reproduire plus rapidement et plus efficacement. Donc, les animaux qui ont été stérilisés et châtrés sont soumis à une pression démographique et ne se reproduiront pas et, éventuellement, dans environ 10 à 15 ans, le nombre des animaux diminuera de plus en plus et ainsi ce sera un moyen de contrôler la population.
Le problème, bien sûr, c'est qu'aujourd'hui il y a une liste d'attente d'environ 500 ou 600 animaux. Ils en ont traités plus de 3 000 au cours des cinq dernières années.
Le sénateur Callbeck : Ils stérilisent?
Dre Cawthorne : Ils stérilisent et châtrent, oui.
Je fais aussi partie d'un organisme communautaire qui essaie de faire baisser les coûts de stérilisation et de castration. Encore une fois, c'est une initiative de la collectivité. Cela implique beaucoup de campagne de financement, espérons qu'il y aura des subventions. Ensuite, il faudra une méthode permettant aux gens de déposer des demandes au comité, nous les examinerons et choisirons probablement un seuil d'approbation du revenu pour ces gens aussi, peut- être par le SFR, le seuil de faible revenu ou les MFR, les mesures de faible revenu, puis nous chercherons des subventionnés pour deux tiers. Notre propre organisme communautaire assumera un tiers du coût, les clients paieront un tiers du coût et, espérons que les vétérinaires offriront un tiers du coût. Tout le monde serait gagnant une fois que le programme sera élaboré et tant que nous pourrons prélever suffisamment de fonds pour continuer à partir de que nous obtenons pour les demandes.
La présidente : Merci d'être venue et de nous avoir rappelé cette situation.
Dre Cawthorn : Merci. C'est un plaisir.
La présidente : Je vous en prie, et bonne chance.
Je souhaite à tout le monde un bon voyage de retour. Merci.
Dre Cawthorn : Merci d'avoir organisé cela. C'est merveilleux de pouvoir se faire entendre.
La présidente : merci.
La séance est levée.