Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 20 - Témoignages du 9 mars 2007 - Séance du matin
STEINBACH, MANITOBA, le vendredi 9 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 17 pour étudier la pauvreté rurale au Canada et en faire rapport.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour tout le monde. C'est un honneur pour nous d'accueillir le maire de Steinbach ici ce matin.
Chris Goertzen, maire de Steinbach : Je vous remercie. Je veux vous remercier sincèrement d'être venus à Steinbach et dans notre région aujourd'hui. Je reconnais certains visages à la table, dont certains viennent de tout près d'ici.
Notre région connaît beaucoup de succès, et ce sujet est important pour nous. Nous voulons qu'il soit abordé, et nous vous sommes reconnaissants de venir écouter le gens ici présents aujourd'hui.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à Steinbach. Nous sommes heureux que vous ayez choisi notre municipalité pour entendre les témoins.
[Traduction]
Je vous souhaite une bonne journée et vous remercie de votre présence.
La présidente : Le comité est très heureux d'être à Steinbach. Comme un certain nombre de nos témoins l'ont fait remarquer, cette collectivité est un bon exemple de succès en milieu rural. Ce succès est attribuable, j'en suis sûre, et en fait je le sais en raison de mes visites antérieures ici, en bonne partie à la communauté mennonite allemande dynamique à Steinbach, qui constitue le cœur et l'âme de cette région. Elle donne certainement à la collectivité une vitalité que d'autres régions du Canada peuvent comprendre, comme le sud-ouest de l'Alberta qui peut compter sur une communauté mennonite très solide près de ma ville natale de Lethbridge.
Nous sommes ici aujourd'hui pour tirer des leçons de votre réussite de même que pour écouter les préoccupations, les causes et les conséquences de la pauvreté dans les collectivités rurales au Manitoba. Nous voulons aussi écouter les gens qui vivent dans la pauvreté ou qui aident les gens à se sortir de la pauvreté.
Avant de commencer, je vais vous présenter les membres du comité. Nous souhaitons la bienvenue à nos collègues, les sénateurs Chaput et Zimmer, qui se joignent à nous aujourd'hui; ces sénateurs manitobains sont très actifs. Le sénateur Mercer vient de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Gustafson, qui est vice-président du comité et un membre de longue date du Parlement dans les deux Chambres, d'abord à la Chambre des communes et ensuite au Sénat, vient de la Saskatchewan. Je n'ai presque pas besoin de vous présenter la personne assise à côté du sénateur Gustafson. Il vient du nord de l'Ontario, près de Timmins. Il s'appelle Frank Mahovlich, et je sais que vous avez entendu parler de lui avant qu'il devienne sénateur.
Nous sommes ici à titre de comité sénatorial du Canada, et nous avons appris des choses au cours des dernières semaines. Nous étudions la pauvreté rurale au Canada sous diverses formes. Nous avons commencé au Canada atlantique il y a deux semaines. Nous ne pensions pas pouvoir nous sortir des blizzards, mais nous voilà. Nous avons commencé la semaine à Prince George, en Colombie-Britannique. C'est dans cette région que la dendroctone du pin fait des ravages. Notre comité traite des forêts également. Ensuite nous sommes allés dans ma province, l'Alberta, dans des villages du sud-ouest de la province. Hier nous étions à Humboldt, et nous voici aujourd'hui à Steinbach.
Nous accueillons notre premier groupe de témoins. Robert Annis est le directeur de l'Institut d'aménagement rural à l'Université de Brandon. L'institut est considéré comme un centre d'excellence en aménagement et en recherche rurale. Il est accompagné de Dolorès Beaumont. Bienvenue à vous deux; la parole est à vous.
Robert Annis, directeur, Institut d'aménagement rural, Université de Brandon : Merci beaucoup. Je suis heureux d'être ici. Je vous remercie également de votre présence au Manitoba. Je crois qu'il est important que les sénateurs se rendent dans les plus petites collectivités d'un bout à l'autre du pays. Nous vous remercions du temps et des efforts que vous consacrez pour visiter les gens afin qu'ils puissent faire des exposés près de chez eux.
Comme vous l'avez dit, je suis le directeur de l'Institut d'aménagement rural. Je vous ai remis un exemplaire de notre rapport annuel de l'année dernière. Ce rapport contient de l'information sur de nombreux projets et certaines des activités dont je vous parlerai ce matin. Il contient aussi d'autres détails sur pratiquement tous les projets que nous entreprenons. Nos projets sont expliqués en détail sur notre page Web; si vous voulez faire un suivi après mon témoignage, vous pouvez consulter notre page Web.
J'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Bien que je sois le porte-parole et le directeur de l'Institut, nous avons aussi un programme de maîtrise en aménagement rural à l'Université de Brandon. Alison Moss obtiendra bientôt sa maîtrise; elle est stagiaire à l'Institut. Ryan Gibson est diplômé du programme de maîtrise en aménagement rural et est actuellement adjoint de recherche à l'Institut.
On nous appelle l'Institut d'aménagement rural. Je sais que vous étudiez la pauvreté rurale, et aujourd'hui je vais vous parler des collectivités du Nord de même que des collectivités rurales. Au Manitoba, la distribution de la population est très inversée. Les deux tiers de la population habitent Winnipeg ou près de Winnipeg. Le reste de la population est dispersée sur un très grand territoire. Aujourd'hui, je vais vous parler des plus petites collectivités, des collectivités rurales, qui dépendent souvent de l'agriculture, de même que des collectivités du Nord, où l'agriculture a à certains moments eu une certaine incidence, mais où la plupart du temps, elle ne constitue pas un moteur économique important.
Nous n'avons pas fait de travail de recherche sur la question de la pauvreté rurale comme telle, et nous n'offrons pas non plus de services aux gens qui vivent dans la pauvreté. Toutefois, nombre des projets que nous avons entrepris en collaboration avec des dirigeants communautaires, des organismes et des petites collectivités de partout dans la province, l'ouest du Canada et le nord du Nunavut et du Yukon, sont liés à des questions de pauvreté.
J'ai lu votre rapport intérimaire. Je ne suis pas ici pour débattre du contenu du rapport, mais plutôt pour formuler des commentaires supplémentaires du point de vue du Manitoba sur certains des projets que nous avons entrepris. Je suis ici pour vous dire que nous croyons vraiment que la pauvreté est une question grave qui mérite notre attention. Je vous fais remarquer que les solutions varient énormément.
Je ne suis pas ici pour débattre de vos commentaires ou de vos définitions, mais pour vous dire qu'il est important d'être sensible à la situation locale avant de chercher des solutions et de déterminer à qui il revient de le faire.
Nous sommes en faveur d'une approche de développement économique communautaire, par laquelle les organismes locaux et les membres des collectivités locales travaillent ensemble pour évaluer les forces et les faiblesses de leurs collectivités. Ils proposent leurs propres solutions. Le rôle du gouvernement change un peu; au lieu d'offrir des solutions venues d'en haut, il favorise le développement de la capacité locale et soutient des projets et des activités issus de la population locale.
Environ 13 p. 100 de notre population est autochtone, et ce pourcentage est à la hausse. Nous ne pouvons pas parler de la pauvreté dans cette province sans parler des questions et des besoins des Autochtones. La pauvreté chez les Autochtones est une question de compétence fédérale et provinciale. Par exemple, nous avons travaillé à la création d'un groupe appelé Bayline Regional Round Table. Je sais que l'un des témoins vous en parlera aujourd'hui.
War Lake est une collectivité des Premières nations situé le long de la voie ferrée entre The Pas et Churchill. Ilford est une collectivité d'environ 400 personnes. War Lake est une collectivité des Premières nations, Ilford ne l'est pas officiellement, mais des Autochtones qui ne font pas partie de la bande de War Lake y habitent. Il y a aussi des Métis et des non-Autochtones. Il y a littéralement une ligne invisible qui divise la collectivité. Vous pouvez avoir une maison d'un côté de cette ligne invisible à War Lake, et une autre de l'autre côté à Ilford. Toutefois, lorsque des fournisseurs de services vont dans cette collectivité, selon la maison, ils ne peuvent pas offrir les mêmes services en raison de la différence des compétences. Cette petite collectivité a besoin des mécanismes nécessaires pour pallier ces différences. Je crois que vous allez entendre des témoignages intéressants des gens de la Bayline Regional Round Table.
Steinbach est une agglomération manitobaine prospère. Ce dont nous avons besoin ici, c'est peut-être de logements abordables. L'immigration est peut-être un problème tandis que la collectivité de Bayline cherche des solutions aux problèmes de la sécurité alimentaire. Cette collectivité demande comment elle pourrait se procurer des congélateurs. Les gens se demandent comment ils feront venir des aliments frais dans leur collectivité lorsque ces aliments viennent de Thompson et doivent être acheminés par train. Vous entendrez parler de telles préoccupations. Nous sommes ici pour trouver une approche de développement économique communautaire où les solutions sont trouvées localement.
J'aurais quatre recommandations à vous soumettre. La première consiste à créer des possibilités d'emploi locales, notamment l'accès à des emplois et à la formation, au recyclage et à une aide préalable à l'emploi tout en reconnaissant la nécessité de respecter l'adversité culturelle et physique. La diversité est considérable et si elle n'est pas respectée, les programmes n'auront pas le succès recherché. Nous recommandons un cadre stratégique qui permette à la collectivité de trouver des solutions et des programmes locaux afin d'accroître la capacité de mettre en œuvre des programmes.
Pour régler le problème de la pauvreté dans les collectivités rurales et du Nord, nous devons reconnaître les obstacles, notamment les problèmes de logement, de transport, de santé et de services de garderie qui sont inadéquats. Pour aider les gens à se sortir de la pauvreté, il faut leur donner un soutien avant leur arrivée sur le marché du travail. Nous devons offrir un milieu favorable grâce à des politiques et à des programmes qui réduisent les obstacles pour ceux qui sont le plus à risque et qui tiennent compte des problèmes particuliers liés au sexe et à la culture.
Troisièmement, nous recommandons l'approche du développement économique communautaire, ou l'approche de DEC. Le Réseau canadien de DEC, par exemple, est une organisation nationale qui encourage le développement et il s'agit d'un réseau qui regroupe de tels organismes. Le programme d'aide au développement des collectivités est un programme fédéral solide qui est implanté localement et qui se fonde aussi sur une approche de développement économique communautaire.
Notre quatrième recommandation consiste à s'assurer que les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux travaillent en collaboration. Nous demandons aux petites collectivités rurales de travailler en collaboration et nous demandons aux ministères gouvernementaux de faire la même chose. Dans ce forum, par exemple, les équipes rurales qui viennent du secrétariat rural ont également joué un rôle très important en s'efforçant de réduire les obstacles intergouvernementaux et interministériels.
Il est nécessaire d'apporter des changements majeurs. Il doit y avoir une collaboration entre les ministères et les gouvernements. La pauvreté dans les régions rurales et du Nord n'est pas uniquement la responsabilité d'un seul palier de gouvernement ou d'un ministère. Les gouvernements et les ministères à tous les paliers ont la responsabilité de trouver une solution à ce problème. Les différents paliers de gouvernement ou les différents ministères peuvent assumer la responsabilité à des moments différents selon les problèmes différents, mais en définitive ils doivent travailler en collaboration afin d'encourager le changement et réduire la pauvreté. Nous avons besoin d'une politique rurale solide qui n'est pas identique à la politique agricole, qui appuie les collectivités rurales où en fait entre sept, huit ou neuf dixièmes de la population ne travaille pas dans l'agriculture.
[Français]
Dolorès Beaumont, directrice, École Pointe-des-chênes : Merci, monsieur Goertzen. Je suis très touchée que vous m'ayez accueillie aujourd'hui en français.
J'aimerais ajouter quelques mots à l'intention du sénateur Mahovlich. Je ne sais pas si vos oreilles ont sillé cette semaine. Il y a quelques jours, je parlais à des élèves qui portaient le chandail des Canadiens à l'école et ils ont mentionné leurs joueurs les plus célèbres. J'aimerais vous dire un petit secret mignon, vous avez toujours été le Canadien le plus choyé de mon cœur.
Madame la présidente, je m'appelle Dolores Beaumont, humble native du village de Saint-Geneviève et je réside à Sainte-Anne. Je suis extrêmement fière d'être la directrice de l'École Pointe-des-chênes, une belle petite école francophone qui regroupe les élèves francophones des communautés rurales de Sainte-Anne, de Sainte-Geneviève, de Richer et de Dufresne. Notre population estudiantine est de 303 élèves. Si vous comprenez le financement provincial, vous savez que ces 303 élèves de la maternelle à la 12e année sont très importants. De ce nombre, nous sommes fiers de pouvoir compter 111 Métis. Jadis ces communautés étaient riches en agriculture. Ces villages sont présentement des communautés dortoirs pour la ville de Winnipeg. Les familles vivent dans leurs communautés, mais n'y gagnent pas leur vie.
Le visage économique a beaucoup changé. Il y a 30 ans, 20 ans et même 10 ans, la ville de Sainte-Anne abritait plusieurs commerces, des épiceries, des élévateurs de céréales, un cinéma, un bureau divisionnaire, des garages et diverses entreprises. Aujourd'hui le portrait est très différent. Un des seuls éléments économiques viable de la ville de Sainte-Anne est dans le domaine de la santé qui requiert des professionnels de la santé, des médecins, des dentistes et des infirmières et aussi de nombreux cols bleus.
Nos communautés vivent à peine de l'agriculture maintenant. Ils se tournent vers d'autres moyens, les foyers nourriciers. Ce nouveau développement a énormément touché nos écoles communautaires de langue anglaise. La grande majorité de leur population provient des foyers nourriciers et à faible revenu. En effet, 70 p. 100 de la population estudiantine des écoles anglaises de notre communauté de Sainte-Anne participent à un programme qui s'appelle « Breakfast for Learning ».
À l'École Pointe-des-chênes, le portrait n'est pas encore aussi alarmant. Cependant, nos familles sont de plus en plus fractionnées; ce sont des familles monoparentales et des familles à faible revenu.
Permettez-moi de partager avec vous cette anecdote : à Noël, une famille ne pouvait pas acheter des cadeaux à leurs enfants. Ils sont venus dans mon bureau et ils ont pleuré avec moi. Le personnel de l'école y est allé d'une collecte de fonds et d'articles et des dons généreux de la communauté ont pu assurer que ces enfants passent un joyeux Noël. Après tout, Noël n'est-il pas pour les enfants?
Nous avons une autre famille qui peut à peine subvenir aux besoins de leurs cinq enfants. Nous avons sollicité des membres de notre personnel et de leur famille pour, encore une fois, venir à leur secours.
Nos élèves de la cinquième à la huitième année ont vécu un camp d'hiver au mois de janvier, l'école a dû fournir au- delà de 800 $ afin que tous les élèves puissent y participer. Ces fonds ne sont pas inclus dans nos budgets, nous devons donc être créatifs. Nous croyons que tous les jeunes méritent de vivre une telle expérience.
Nos parents ne sont pas aussi économiquement indépendants que jadis. Ils ne peuvent pas subvenir à tous les besoins de leur enfant. Ils se tournent vers les écoles. Nous sommes leur bouée de sauvetage. Nous acceptons volontiers cette responsabilité. Nous sommes fiers de notre rôle dans la communauté et dans la société. Cependant, nous ne pouvons réussir seuls. Nous avons besoin de nos gouvernements. La viabilité de nos communautés rurales est à risque. Je vous implore de venir à notre secours. Je ne suis qu'une humble résidente d'une petite communauté sympathique qui a besoin de vous. Il faut davantage développer l'économie de notre communauté. Il nous faut des services de garderie subventionnés. Il faut absolument garder nos jeunes familles chez nous pour faire grandir nos communautés.
La présidente : Merci beaucoup, Dolorès.
[Traduction]
Le sénateur Zimmer : Je remercie les deux témoins de leurs exposés aujourd'hui. Madame Beaumont, je suis moi aussi un grand admirateur des Canadiens de Montréal et je vous remercie de vos observations. J'essaie toujours d'oublier qu'à l'avant de son chandail, le sénateur Mahovlich avait le logo des Canadiens de Montréal et qu'à l'arrière il y avait un logo des Maple Leafs de Toronto lorsqu'il a débuté. Vous avez choisi la bonne équipe.
L'éducation et la pauvreté vont de pair. Pour vaincre la pauvreté, il est extrêmement important d'acquérir une éducation. Monsieur Annis, un diplôme universitaire est important pour travailler dans ce domaine; cependant, il est extrêmement important de commencer à éduquer les enfants à un très jeune âge. Même si vous demanderez peut-être aux gouvernements du financement et de l'aide, avez-vous des programmes qui sont interreliés et qui vous permettent de travailler les uns avec les autres afin de vous assurer de commencer à un âge précoce plutôt que d'attendre qu'ils arrivent à l'université?
[Français]
Mme Beaumont : J'apprécie votre question, sénateur Zimmer. L'École Pointe-des-chênes, comme toutes les écoles de la division scolaire franco-manitobaine, a un partenariat avec le Collège universitaire de Saint-Boniface dans plusieurs domaines. Un de ces partenariats assure le développement professionnel de nos enseignants de la 9e année en sciences de la nature. Ils se rencontrent trois fois par année et évaluent comment ils peuvent aider, avec des ressources peut-être limitées, pour l'achat du matériel, de l'espace et de l'emplacement.
La division géographique scolaire franco-manitobaine commence au nord jusqu'au sud-est à l'ouest, regroupant quelque 4 500 élèves. Certains établissements n'ont pas de laboratoire de sciences, il nous faut donc parfois être extrêmement créatif. C'est une initiative. On se pose la question : comment peut-on enseigner les sciences dans nos écoles, comment peut-on le faire avec les moyens que nous avons?
Une autre initiative sur laquelle on se penche dans nos écoles, c'est l'option technique et professionnelle. On sait que tous les élèves ne sont pas des clients universitaires. Au Manitoba, nous requérons des électriciens, des plombiers et d'autres métiers. À la petite école de Pointe-des-chênes, nous avons un programme où nos jeunes assistent à leur cours trois jours par semaine et ensuite, ils vont sur le marché du travail, soit comme apprentis, si on peut trouver des personnes qualifiées pour les entraîner, soit leur trouver un domaine où ils voudraient travailler. Nous avons neuf de ces programmes dans la division scolaire franco-manitobaine. Nous comprenons très bien qu'il faut commencer de zéro à cinq ans. C'est pour cela que dans notre division, nous voulons absolument avoir à notre école Pointe-des- chênes, un centre de la petite enfance et de la famille. Nous avons des services de garderie durant la journée, une pouponnière jusqu'à cinq ans. Nous pourrons assurer l'éducation et la francisation de la pré-maternelle, les 3 ans et 4 ans. Nous pourrons tenir des activités avec les mamans qui restent à domicile mais qui voudraient que leur enfant bénéficie d'une socialisation. Nous avons des ressources francophones à l'intérieur d'un projet qui s'appelle « mini récré ». Nous sommes d'accord avec vous qu'il faut commencer dans nos écoles, de la maternelle à la 12e année.
[Traduction]
M. Annis : Moi aussi j'aimerais ajouter quelque chose à la réponse de Mme Beaumont, mais j'aimerais par ailleurs attirer l'attention sur les programmes préscolaires qui sont très importants. Ce n'est pas seulement pour les enfants, pour leur donner un bon départ, mais c'est aussi pour leurs familles, habituellement pour les mamans, pour leur permettre d'entrer sur le marché du travail. Par ailleurs, pour les familles agricoles, il y a également une question de sécurité. Il est de loin préférable que les enfants participent à des programmes de garderie plutôt que de se retrouver dans les champs où tout le monde est tellement occupé.
Le problème qui se pose dans bon nombre des petites écoles, c'est que le nombre d'inscriptions diminue. L'une des solutions consiste à accroître le recours aux technologies, la connectivité par réseaux à large bande et la capacité de se relier à l'enseignement à distance. Malheureusement, bon nombre d'écoles dans les régions rurales et du Nord ne sont pas bien desservies par les réseaux à large bande. Les services de réseaux à large bande devraient être offerts d'un océan à l'autre.
La nouvelle infrastructure ferroviaire et routière ne devrait pas constituer un obstacle pour les habitants des régions rurales et du Nord. Cette infrastructure est utile d'une certaine façon et son absence empêche de faire preuve de créativité lorsqu'on veut trouver de nouvelles solutions.
Nous devons trouver une solution à l'absence d'instituts d'enseignement supérieur dans les régions isolées. L'Université de Brandon a un certain nombre de programmes, par exemple le programme PENT, qui offre des services d'éducation dans les collectivités du Nord et autochtones et qui s'est avéré un très grand succès. PENT est un projet d'éducation des enseignants autochtones. Cependant, dans notre province il y a bien des gens qui n'arrivent jamais à terminer leur secondaire. Que se passe-t-il alors dix ans plus tard lorsqu'ils décident de retourner à l'école? Comment quelqu'un qui est dans la vingtaine peut-il améliorer sa scolarité? C'est un énorme problème. Nous devons accorder une certaine attention aux gens qui n'ont pas eu l'occasion de poursuivre leurs études. Notre système n'est pas axé sur les gens qui ne correspondent pas au modèle traditionnel pour ce qui est de la façon d'intégrer les systèmes d'éducation officielle. Nous devons envisager des programmes d'apprentissage informels et des programmes universitaires ou collégiaux non formalisés; nous devons faire preuve de créativité à cet égard, puisqu'il s'agit là d'un élément fondamental de l'équité. Il est tout à fait essentiel de pouvoir travailler pour se sortir de la pauvreté.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie tous les deux de vos réponses qui sont très impressionnantes. Vous avez abordé une question essentielle, c'est-à-dire les modèles traditionnels du passé. Lorsque les jeunes obtenaient leurs diplômes d'études secondaires, ils songeaient avant tout à aller à l'université. Qu'arrive-t-il lorsqu'ils le font? Habituellement, l'étudiant doit aller dans une grande ville pour poursuivre ses études et souvent il ne revient pas. Vous avez tout à fait raison. On ne met pas en place une capacité au sein de la collectivité.
Au cours des cinq ou dix dernières années, ce qui s'est produit je crois c'est que les jeunes, plutôt que d'aller à l'université, vont dans des écoles de métiers, ce qui est extrêmement important car ces écoles reflètent les entreprises qu'on retrouve dans les petites collectivités.
L'éducation relève de la compétence provinciale. Avez-vous fait des exposés semblables aux gouvernements provinciaux pour parler du travail dans le secteur des métiers et des écoles de métiers pour que les étudiants puissent retourner dans leurs collectivités?
[Français]
Mme Beaumont : À la division scolaire franco-manitobaine, je ne suis qu'une directrice. Alors ceci revient à mes directeurs généraux. Je peux vous dire que si vous regardez les manchettes du Manitoba, la DSFM a souvent imploré le gouvernement provincial de nous accorder plus de subventions pour l'éducation pour justement remplir les besoins de nos élèves. Nous avons pris une initiative assez intéressante. Nous avons maintenant un partenariat avec deux écoles, des collèges techniques et professionnels à Winnipeg. Nous sommes très fiers de dire que la DSFM a maintenant un partenariat avec Arts and Technology Centre et avec Winnipeg Technology Centre.
Cependant, nous perdrons possiblement cinq jeunes qui iront faire leur vie à Winnipeg. Comment faire pour que nous puissions justement continuer ces partenariats, mais s'assurer qu'ils veulent revenir dans les communautés, lorsqu'on sait qu'économiquement il est très difficile de s'établir?
[Traduction]
M. Annis : L'autre défi, comme pour tout autre problème dans les régions rurales, qu'il s'agisse de la pauvreté, de l'accès à l'éducation, et cetera, c'est que les questions rurales n'ont pas beaucoup attiré l'attention. Notre programme de maîtrise en développement rural est le seul du genre dans l'Ouest canadien. Je ne sais pas pourquoi il n'existe pas quatre ou cinq autres programmes du genre. Notre institut de recherche est inhabituel en ce sens qu'il est consacré aux questions rurales.
Nous n'avons pas beaucoup de politique, de recherche et de réseaux ruraux. Nous devons mettre l'accent sur la conversion entre la recherche, la politique et la programmation. Je sais que vous avez entendu des témoignages selon lesquels nous n'avons pas beaucoup de politique rurale, de recherche et de réseaux ruraux qui encouragent ce genre de choses. Souvent ces questions ne sont pas portées à l'attention des décisionnaires. Ces derniers n'ont pas de capacité de recherche ou ils ont peut-être de la difficulté à trouver la recherche.
Où réside la politique rurale? Elle fait partie de l'agriculture. C'est une très bonne chose au sein du secrétariat rural, mais je pense qu'on pourrait et que l'on devrait y accorder plus d'attention.
Dans notre province, Agriculture, Alimentation et Initiatives rurales Manitoba s'occupe de la politique rurale, mais en tant qu'accessoire à la politique agricole. Je comprends la nécessité d'avoir une politique agricole et la valeur d'une telle politique; on en parle souvent à la une dans nos journaux, mais notre politique rurale a besoin elle aussi d'être au premier plan. Je pense que ce n'est que grâce à une politique rurale et à des programmes ruraux que bon nombre de ces problèmes fondamentaux auxquels font face les petites collectivités pourraient être bientôt réglés et ce, grâce à de bonnes informations, à des progrès en ce qui a trait aux analyses comparatives et à la mise en place et au partage de programmes novateurs. Il est difficile de trouver les réponses ou les données sur lesquelles on souhaiterait prendre des décisions.
Le sénateur Zimmer : Le développement économique dans les collectivités crée les emplois; il y a un lien intégral entre les deux. Steinbach est une agglomération très énergique avec l'industrie automobile, et si des emplois peuvent être créés de cette façon, les jeunes resteront ici.
La présidente : En écoutant vos réponses, je me souviens qu'au fil des ans le Manitoba a eu l'un des meilleurs programmes d'alphabétisation au pays. En effet, la première fois que je suis venue à Steinbach, c'était avec vos intervenants en alphabétisation. J'ai passé une journée incroyable avec un certain nombre de gens dans cette collectivité, notamment des mamans et des enfants mennonites. Vous donnez fermement l'impression que cette question est fondamentale dans tout ce que vous faites et que tout repose là-dessus. Je vous en remercie.
Le sénateur Mercer : Chacun d'entre vous a fait allusion au service de garde d'enfants. Madame Beaumont, vous avez parlé de la nécessité d'avoir davantage de places de garderie. Le gouvernement actuel a introduit un programme de 100 $ par mois par enfant admissible. Cela remplace un programme que le gouvernement précédent avait négocié avec la province du Manitoba en vue de créer davantage de places de garderie. Ce programme de 100 $ par mois a-t-il eu une incidence?
[Français]
Mme Beaumont : Je peux honnêtement vous dire que les 100 $ ne vont souvent pas à l'enfant comme tel. L'ancien système de service de garde où on aurait beaucoup plus d'espace, où on voulait absolument subventionner davantage, où on voulait le faire d'une façon plus organisée, plus systématique était, à mon avis, beaucoup plus profitable pour nos différentes communautés. Je ne peux pas dire que les 100 $ ne valent rien pour les familles. Cependant je vois des exemples; ce n'est pas une façon pour avancer et de vraiment apporter des changements durable en service de garde.
Je voulais mentionner qu'avec le collège universitaire de Saint-Boniface, notre université francophone, nous avons commencé à offrir des cours de services de garde à nos jeunes au secondaire. Nous invitons des membres de la communauté à venir. Des cours à distance ont lieu avec un pont téléphonique; quatre membres de la communauté suivent le cours tous les mardis. Nous avons deux de nos élèves au secondaire. Nous savons à quel point nous avons une pénurie de travail au service de garde. Nous croyons que cela va au moins être une initiative proactive et non réactive à tous les domaines de service de garde.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Monsieur Annis, vous avez soulevé un problème qui est très important dans les petites collectivités éloignées surtout celles qui comptent d'importants groupes autochtones, où différents services sont offerts. Vous avez par ailleurs soulevé un problème pour les gouvernements. Comment les gouvernements s'y prennent-ils dans une collectivité où il n'y a peut-être qu'un seul fonctionnaire, et que ce dernier représente le gouvernement fédéral ou le gouvernement provincial? Vous avez dit qu'il y avait un problème parce qu'ils doivent être en mesure de desservir tout le monde également, ou tout au moins exécuter des programmes qui ne proviennent pas nécessairement de leur palier de gouvernement.
Avons-nous des exemples de la façon dont cela fonctionne dans les régions éloignées du Manitoba?
M. Annis : Il est difficile de trouver des exemples. J'espère que quelques anecdotes seront présentées plus tard au sujet de certaines solutions. Je ne pense pas que la solution provienne d'Ottawa ni de Winnipeg. Nous devons trouver des programmes souples au sein de la collectivité pour régler ces problèmes, faire appel aux divers paliers de gouvernement ou aux différents ministères pour les résoudre. Les gens font preuve de créativité à cet égard. On a besoin de nouvelles formes de gouvernance, surtout à l'échelle régionale, concernant la façon dont les collectivités peuvent collaborer entre elles et lorsque cela est plus informel, elles peuvent peut-être s'organiser autrement, mais je pense qu'ainsi on pourra trouver de meilleures solutions pour offrir des services.
Par exemple, à Brandon, il y a un comité sur la pauvreté et l'une des choses dont ce comité est fier, c'est qu'il a fourni des laissez-passer d'autobus gratuits aux assistés sociaux. Bon nombre d'autres collectivités se demandent comment l'agglomération de Brandon a fait cela. C'est une bonne solution pour Brandon. La plupart des collectivités à qui j'ai parlé n'ont pas de transport public mais les gens trouveront une solution. Ce que je dis, c'est qu'à moins d'être sensible aux problèmes locaux, la solution doit venir de la base.
Le sénateur Chaput : J'ai une question à poser à M. Annis, une question à poser à Mme Beaumont.
Monsieur Annis, dans vos recommandations, vous dites que les trois paliers de gouvernement doivent travailler ensemble. Vous dites par ailleurs qu'à un moment donné, ce devrait être l'un des gouvernements qui prenne l'initiative, selon la question ou le programme.
Pourriez-vous nous donner un exemple de cas où c'est l'administration municipale qui devrait prendre l'initiative, et ensuite comment les autres peuvent intervenir et aider la municipalité?
Je crois que si nous devons examiner les problèmes qui touchent les régions rurales, dans bien des cas les administrations municipales devraient prendre l'initiative. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord et, dans l'affirmative, j'aimerais que vous nous donniez des exemples.
M. Annis : À mon avis, l'initiative devrait de plus en plus être prise par l'administration municipale. Le grand défi, c'est qu'on se demande si elles disposent des ressources? Peuvent-elles trouver les ressources? Ont-elles les compétences techniques et la capacité nécessaire? Bon nombre des problèmes ruraux nécessitent une collaboration entre les collectivités pour trouver des solutions. Il est difficile pour un conseiller municipal, un préfet ou un maire dans une collectivité, de travailler pour essayer de trouver une solution à un problème d'une autre collectivité. Il peut y avoir des problèmes en ce qui concerne la qualité de l'eau, l'accès à de nombreux services et le tourisme rural, et cetera. Dans bien des cas, il est peut-être préférable d'aborder ces questions au niveau régional, mais nous n'avons pas de processus de gouvernance en place pour résoudre ces problèmes.
Un exemple de créativité est le Programme de collaboration communautaire. Je crois que vous étiez en Saskatchewan hier. Il y a peut-être eu un exposé sur la table ronde régionale WaterWolf dans la région de MidSask Outlook. Il s'agit d'un processus très créatif qui a l'appui des sociétés d'aide au développement des collectivités. Les programmes de développement des collectivités sont financés par le gouvernement fédéral et par les provinces dans le cadre du développement régional; cependant, les conseillers municipaux et les dirigeants locaux siègent à la table ronde et font un merveilleux travail. Ils font l'expérience de la gouvernance régionale et de la planification régionale. J'espère que le gouvernement fédéral pourra demander comment nous pouvons créer un environnement plus habilitant pour ces pratiques novatrices.
La présidente : C'est exactement pour cette raison que nous sommes ici.
[Français]
Le sénateur Chaput : Madame Beaumont, vous avez parlé du programme « Breakfast for Learning ». J'aimerais que vous nous l'expliquiez un peu plus, cela touche combien d'écoles, combien d'enfants et où prenez-vous le financement pour aider ces enfants?
Mme Beaumont : Quand j'ai été invitée à vous rencontrer, je savais que vous alliez recevoir des représentants des écoles anglaises de la région de Ste-Anne, de Richer et de La Broquerie. Mme Wilson, sera ici cet après-midi. Elle sera capable de vous éclairer sur ce programme.
Quand j'ai appelé Sandra, ma collègue du « high school », je lui ai demandé si elle avait des informations à partager avec moi au sujet du « Breakfast for Learning ». Elle était tellement excitée de parler de ce fameux projet.
De la maternelle à la 12e année, 70 p. 100 des élèves déjeunent à l'école tous les matins. Alors on fait des toasts, on a du lait, on a des fruits et on a des tablettes granola. Ce programme est subventionné par une initiative provinciale mais que l'on veuille ou pas, ils ont dû frapper à la porte des différents commerces des régions.
Récemment la communauté de Richer m'a demandé si je pouvais les aider, parce quand j'étais dans une autre école, nous avions commencé ce genre de projet. Nous frappons à la porte des comités scolaires. Nous frappons à la porte des conseils dans les différents commerces, et souvent, quand nous faisons nos courses dans nos épiceries, en éducation, nous achetons quelque chose et c'est ainsi que ça se passe. Vous savez en éducation, si on le pouvait, tout notre chèque de paie irait à nos élèves. Mais malheureusement, nous aussi on doit manger.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Vous avez dit qu'il y avait eu un changement dans l'économie de Ste-Anne au cours des dix dernières années et que vos jeunes ne reviennent pas après leurs études. Pour que ces jeunes qui sont partis reviennent, devrons-nous remplacer l'infrastructure que Ste-Anne a perdue avant qu'ils ne reviennent ou est-ce qu'ils doivent revenir avant que l'on ne mette en place l'infrastructure?
[Français]
Mme Beaumont : Vous me posez une question intéressante, intrigante, c'est un peu la poule et l'œuf, n'est-ce pas? Je crois sincèrement que les deux doivent se faire en parallèle. Nous devons démontrer à notre jeunesse qu'il y a une façon viable économiquement pour revenir. En même temps, nous devons avoir la population pour être capable de faire en sorte que nous puissions avoir des commerces, une économie, enfin, dépenser chez nous. Il est très facile de grimper dans nos véhicules et de voyager pendant 35 minutes pour se rendre à Winnipeg pour acheter à un prix très réduit. Nous devons rendre ceci moins facile, moins alléchant. Nous devons rendre nos communautés beaucoup plus viables économiquement.
Si on regarde la communauté de La Broquerie sise à côté de nous, il y a dix ans, elles étaient égales. Qu'est-ce qui a fait en sorte que La Broquerie est devenue économiquement beaucoup plus viable que la région de Ste-Anne? Je crois sincèrement que ce sont les visions des conseils municipaux qui se sont assis ensemble pour justement répondre à ces questions. On a beaucoup à offrir aux écoles, s'ils veulent nous écouter. Je sais que le maire de Ste-Anne, un ami très proche de l'école Pointe-des-chênes, veut nous écouter. Nous voulons aller dans la bonne direction et nous allons y être.
[Traduction]
M. Annis : Si l'on veut une équipe de hockey gagnante, est-ce qu'on met tous ses efforts dans l'offensive pour compter un but ou est-ce qu'on réserve quelques efforts pour la défensive afin d'éviter que l'autre équipe marque un but? Je pense que la question que vous posez en réalité est proactive ou réactive, et, naturellement, il faut avoir les deux et il faut trouver un juste équilibre entre les deux. Au cours de vos audiences, je vous encouragerais à être proactifs en ce qui concerne la politique d'innovation pour trouver des solutions au problème de la pauvreté au Canada. Je sais qu'à la une à l'heure actuelle on parle des initiatives en matière d'énergie, de réchauffement climatique et que votre mandat porte en partie également sur d'autres questions politiques. Je ne dis pas qu'il n'est pas nécessaire d'accorder une attention considérable aux problèmes de l'environnement et du réchauffement climatique, mais si le Canada n'est que 3 p. 100 du problème global en matière de réchauffement climatique, même si l'on réglait complètement le problème ici au pays, il y aurait toujours un énorme problème à l'échelle mondiale.
La pauvreté n'est pas le problème de quelqu'un d'autre, c'est un problème canadien. Tout le Canada doit faire quelque chose. Nous pouvons faire quelque chose et nous pouvons résoudre le problème à 100 p. 100. Nous sommes un pays riche et j'espère que nous pourrons faire preuve de diligence raisonnable et nous fixer des objectifs et des repères non pas pour dire comment nous allons nous y prendre, mais pour éliminer le problème. À l'échelle locale, les gens feront preuve d'une créativité considérable pour investir de façon proactive, réactive, et j'espère qu'il s'agit là d'un problème que vous pouvez soulever dans l'intérêt public et qui pourra être résolu. Nous avons les ressources, nous avons le talent et c'est une question de la plus haute importance sur le plan de l'équité.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce qu'il y a des immigrants qui viennent s'installer à Ste-Anne?
[Français]
Mme Beaumont : Non, à Saint-Boniface, nous avons une population francophone africaine. Dans le moment nous n'en avons pas à Ste-Anne.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Rien ne les attire à Ste-Anne?
[Français]
Mme Beaumont : Je vous répète que, malheureusement, nous sommes considérés comme une communauté dortoir, ce qui veut dire qu'il faut avoir accès à un véhicule pour être capable de se rendre à un autre endroit pour travailler. Comme vous le savez, Ste-Anne est très proche de Steinbach; plusieurs de nos résidents viennent ici. C'est une très belle communauté, très accueillante, mais ce n'est pas chez nous. Plusieurs de nos jeunes vont travailler à Winnipeg et reviennent, ils font partie de la communauté, mais ne travaillent pas dans leur communauté. Pour attirer les immigrants, il faudrait avoir des commerces, des entreprises. Les écoles sont les plus grands employeurs à Ste-Anne et le domaine de la santé est un très grand employeur. Mais nous devons générer différents besoins.
Je voudrais dire que je peux sincèrement voir des lueurs d'espoir dans nos communautés avec les dernières élections. Je ne veux pas politiser, mais je sais que la municipalité et la ville ont déjà eu une rencontre conjointe pour envisager comment ils peuvent justement attaquer les différents défis.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Annis, Brandon existe depuis longtemps. L'immigration augmente-t-elle ou diminue-t-elle dans cette région?
M. Annis : À l'échelle nationale, la plupart des immigrés qui arrivent au Canada se retrouvent à Montréal, à Toronto et à Vancouver.
Le sénateur Mahovlich : Les immigrants vont s'installer dans les grandes villes.
M. Annis : Ça a toujours été le cas. Cependant, il y a un certain nombre d'années, le Manitoba a conclu une entente fédérale-provinciale et a créé le programme des candidats provinciaux. C'est un programme selon lequel la province peut attirer des immigrants dans ses collectivités. Je crois que le Manitoba est sans doute l'un des meilleurs exemples de la façon novatrice, créative d'attirer des immigrants ailleurs que dans des centres urbains. En fait, près de 40 p. 100 des immigrants au Manitoba ne viennent pas tout simplement à Winnipeg; ils sont dispersés partout dans la province.
Steinbach est comme un aimant pour les immigrants qui souhaitent s'installer dans une région rurale. Brandon est en train de le devenir aussi, en grande partie en raison de l'usine des Aliments Maple Leaf. Si elle décide d'ajouter un deuxième quart de travail, cela créera une très forte demande de main-d'œuvre qui n'est pas disponible dans la région. Voilà l'exemple d'une collectivité qui s'est engagée dans une stratégie de développement économique en quelque sorte ou qui sert de ressource pour l'industrie ou le secteur des affaires qui veulent attirer des immigrants. Le Programme des candidats des provinces est un moyen pour elle de s'engager plus activement et il donne des résultats.
Le sénateur Gustafson : Quel pourcentage de vos clients ont des problèmes en raison de l'éclatement des familles?
[Français]
Mme Beaumont : Je peux honnêtement vous dire qu'à notre école, nous avons beaucoup plus de familles séparées que de familles avec deux parents à la maison. Le pourcentage, je pourrais vous le sortir, si vous le demandez. Je ne suis pas certaine que je voudrais le savoir vraiment. Si on regarde surtout la jeune enfance, maternelle, première, deuxième et troisième année, je dirais que de 30 à 40 p. 100 sont de foyers fractionnés.
[Traduction]
Le sénateur Gustafson : C'est une situation très difficile. Vous savez, nous pouvons donner beaucoup de bonnes idées et de bonnes suggestions, mais c'est tellement important de former les enfants lorsqu'ils sont jeunes. Il semble y avoir une dégradation de beaucoup de choses qui étaient très fortes auparavant dans notre société. La collectivité mennonite est un exemple d'un groupe qui a de fortes traditions. Je ne connais pas la réponse; pouvez-vous éclairer ma lanterne.
[Français]
Mme Beaumont : Je peux honnêtement vous dire voir davantage d'initiatives où on a des cours pour les parents avec leurs enfants à l'école. Les parents apprennent avec leurs enfants et, même si le foyer est fractionné, on est capable de travailler en partenariat. Ce n'est pas évident parce que les deux parents ne sont pas à la maison, certains enfants ont deux maisons, ce n'est pas positif. Il faut juste penser différemment. Notre société a changé. On ne plus penser traditionnellement avec une société changeante. Il faut changer avec le temps. On ne peut pas se lever les bras et dire : ce n'est plus comme c'était. Il faut vivre en 2007, avec ce que nous avons, pour être capable d'aller plus loin. Nous sommes capables. Il faut avoir les ressources, le temps, être créatif et surtout travailler ensemble. Il ne faut plus tirer chacun de notre côté la couverture. Il faut être ensemble. Nos initiatives ne doivent pas être changées parce que nous croyons que ce ne sont les meilleures. Il faut absolument continuer ces initiatives.
Pour les services de garde, je sais que j'ai dit que je ne voulais pas politiser. Mais les services de garde, sincèrement, avaient quelque chose de très bien établis. Il faut continuer à donner aux systèmes capables de générer ces énergies. Il faut absolument continuer d'être capable de les avoir. Il ne faut pas les fractionner. Je m'excuse, j'étais un peu passionnée.
[Traduction]
Le sénateur Gustafson : Cette collectivité fait face au problème du bénéfice agricole. Le problème, étant donné le niveau actuel des prix des denrées et des coûts des intrants, il n'est pas possible de réaliser un bénéfice. Je n'ai jamais auparavant été témoin d'une situation aussi grave. J'ai passé 27 ans à la Chambre et au Sénat et je n'ai jamais rien vu de tel. Je peux vous dire que je reçois autant d'appels du Manitoba que de la Saskatchewan, probablement parce que j'ai représenté la région à la Chambre des communes pendant 14 ans. Il y a des agriculteurs qui sont désespérés, et ne devraient pas l'être.
Notre comité a suggéré notamment l'adoption d'une loi agricole. Nous avons des tas de petites mesures, nous bricolons par ci et par là et ça ne semble pas fonctionner. Nous annonçons des programmes, mais à moins d'avoir une loi agricole comparable à celle des Américains, je trouve qu'il ne sert à rien même d'en discuter, tellement la situation est grave.
M. Annis : Je suis d'accord. C'est une question extrêmement grave et je crois savoir que le mandat de votre comité est de s'occuper de la pauvreté rurale. La question c'est la pauvreté rurale qui va bien au-delà d'une simple politique à l'intention des producteurs agricoles. Cela étant, ce que je cherche c'est le moyen de créer des régions rurales dynamiques, où l'agriculture n'est qu'un des secteurs importants. Un des moyens d'aider l'agriculture c'est de trouver d'autres sources de revenu qui ne soient pas liées à l'agriculture.
Il y a un certain nombre de programmes dont c'est l'objectif. Les Services canadiens de développement des compétences en agriculture, le programme SCDCA, en collaboration avec l'organisation d'aide au développement des collectivités ont lancé un projet pilote novateur pour aider les agriculteurs qui connaissent des difficultés financières. Au lieu de chercher des moyens d'améliorer la situation financière de l'exploitation agricole, il faut chercher des sources de revenu non agricole. Cette stratégie est très importante puisqu'au bout du compte le producteur local n'a aucune influence sur le prix mondial des denrées. À la place, les agriculteurs peuvent chercher des moyens créateurs d'augmenter leur revenu et d'aider l'ensemble de leur famille.
Je pense que nous devons avancer sur plusieurs fronts en même temps. Je ne suis pas convaincu que la santé financière du Canada serait éclatante si le secteur agricole était prospère. Dans une certaine mesure, plus une famille agricole est à l'aise, moins elle dépend de la collectivité alentour, parce que les exploitations agricoles sont tellement vastes et la technologie tellement poussée, que neuf personnes sur dix dans leur entourage ne résident pas sur la ferme. C'est ce qui arrive dans le reste de la collectivité, où leurs enfants vont à l'école, où ils se procurent leurs services de santé, qui fait que nous devons avoir des collectivités rurales dynamiques et ça c'est une question beaucoup plus vaste que l'agriculture.
Le sénateur Gustafson : Nous mettons beaucoup l'accent sur l'éducation, mais une fois que les jeunes ont fini leurs études, ils ne retournent pas à la ferme. C'est grave. C'est encore plus grave en Afrique. Je suis allé en Afrique et l'éducation c'est certainement une bonne chose. Ne pensez pas que je dise le contraire, mais dès qu'ils ont terminé leurs études, ils s'en vont dans un autre pays. Nous avons des problèmes semblables ici.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi un agriculteur serait obligé d'avoir deux emplois, de travailler 16 ou 18 heures par jour pour gagner sa vie, alors que nous ne demandons à personne d'autre d'en faire autant. On nous l'a dit en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan. Lorsque des agriculteurs comparaissent, la plupart d'entre eux nous disent qu'ils ont des emplois non agricoles.
Le sénateur Mahovlich : Ce que dit le sénateur Gustafson est très juste. Il a étudié la question pendant de nombreuses années et il a fait la comparaison avec les États-Unis, la France et d'autres pays européens. Est-ce que leurs agriculteurs sont obligés de se trouver un autre emploi? Non, ils sont subventionnés. Les Américains subventionnent leurs agriculteurs pour les encourager à rester sur la ferme. Ce que nous souhaitons, c'est que nos agriculteurs restent sur leur ferme pour l'exploiter. Nous trouverons des immigrants pour combler les autres emplois. Je pense que c'est cela qu'il faut. Les agriculteurs ont besoin d'une forme de péréquation, pas de charité, pour être simplement à égalité avec la France et les autres pays.
La présidente : Nous vous remercions beaucoup de votre intérêt et de la passion que vous mettez dans ce que vous faites. Nous allons maintenant accueillir notre deuxième groupe de témoins.
Verna Beardy, directrice, New Beginnings : La pauvreté, ce n'est pas simplement le manque d'argent. Souvent, c'est aussi un manque de connaissances et de stratégies pour interagir avec succès au sein de la société et de répondre à ses besoins. Ce manque de connaissances et de stratégies, cela peut vouloir dire qu'on ne sait pas comment chercher un emploi, comment présenter une demande, comment se préparer à une entrevue, et puis comment devenir un bon employé pour conserver son emploi. Cette absence de connaissances s'étend à l'entretien d'une maison ou d'un appartement loués et au moyen d'être un bon voisin pour éviter d'être évincé. Ainsi, les pauvres deviennent souvent victimes des pires propriétaires. Ce manque de connaissances s'étend aussi bien sûr au fait qu'on ne sait pas comment aider ses enfants à réussir à l'école, ce qui perpétue le cycle de la pauvreté, de sorte que de génération en génération ils grandissent en recourant à l'aide sociale. On peut briser ce cycle.
En 1995, le gouvernement du Canada s'est inspiré d'une recherche effectuée dans le cadre du programme Head Start aux États-Unis, à la prématernelle Perry, qui a montré que l'intervention auprès des enfants de trois et quatre ans pouvait avoir pour résultat de changer leur vie de manière durable. L'étude de la prématernelle Perry a permis de suivre un groupe d'enfants jusqu'à l'âge de 27 ans et de comparer le résultat avec ceux d'enfants du même âge vivant dans les mêmes quartiers et qui n'étaient pas allés à la prématernelle. Ces enfants venaient de familles à risque, où après deux ans de prématernelle, ils avaient déjà considérablement plus de succès que leurs pairs. Ils ont terminé l'école, ont fait carrière, ont acheté des maisons et des véhicules et avaient même des mariages plus stables. Bon nombre de leurs pairs qui n'étaient pas allés à cette prématernelle ont été arrêtés à plusieurs reprises, ce qui a entraîné des coûts pour le système judiciaire. Ils ont abandonné l'école, se sont retrouvés au bien-être, ont eu des relations et des mariages instables. Ceux qui étaient allés à la prématernelle sont devenus des contribuables, alors que l'autre groupe est devenu un fardeau pour le système judiciaire et le système de bien-être social. L'étude de la prématernelle Perry a quantifié ses constatations et a estimé que pendant la vie des participants, le public reçoit un rendement de 7,16 $ pour chaque dollar investi.
Sur la foi de ces données, le gouvernement canadien a lancé le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones en 1995. J'ai le privilège de participer à un de ces projets depuis 1996. J'ai eu l'agréable surprise de voir des résultats immédiats. Je vois les parents d'enfants d'âge préscolaire se transformer devant mes yeux. Bon nombre des parents des enfants qui participent au programme ont abandonné l'école au niveau intermédiaire, sont devenus parents et assistés sociaux. Ils avaient très peu d'estime de soi et n'avaient ni les connaissances ni la confiance nécessaire pour se lancer sur le marché du travail.
Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a six composantes : culture et langage, éducation, promotion de la santé, nutrition, soutien social et participation parentale qui donnent aux participants les outils nécessaires pour améliorer leur vie. Les parents se sentent responsabilisés, se fixent des objectifs et commencent à améliorer leur vie. La composante culture et langue rehausse leur estime de soi. La composante éducation leur montre comment aider leurs enfants à réussir à l'école. Les parents des enfants qui participent au programme d'aide préscolaire aux Autochtones deviennent membres des conseils de parents et jouent un rôle actif dans leurs collectivités. En fait, le conseil de parents de l'une des écoles de notre ville est composé entièrement de personnes qui ont eux-mêmes participé au programme lorsqu'ils étaient enfants. Les composantes de nutrition et de promotion de la santé enseignent aux parents à assurer leur santé et celle de leur famille. Cela produira des économies futures pour les systèmes de soins de santé. La composante soutien social établit un lien entre les familles et les organismes et services qui peuvent les aider à améliorer la qualité de leur vie. De nombreux parents retournent à l'école, font carrière et deviennent des contribuables productifs.
L'étude de la prématernelle Perry a montré que chaque dollar qu'on y investit produit un rendement de 7,16 $. Ces gains ont été calculés en fonction de l'amélioration de la vie de ces enfants lorsqu'ils deviennent adultes. À New Beginnings, nous constatons des gains dans la vie des parents après quelques années de participation au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Par conséquent, le rendement monétaire réel est plus immédiat et beaucoup, beaucoup plus élevé que ne l'indiquait l'étude de la prématernelle Perry. Si le Canada investissait des millions aujourd'hui, il toucherait des dividendes de milliards de dollars dans un avenir rapproché.
En 1995, le Canada a lancé un modeste programme d'aide préscolaire aux Autochtones en créant des places pour 5 000 enfants. Cinq milles places dans tout le Canada. Récemment, le gouvernement fédéral a affaibli le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones en en confiant la responsabilité à l'Agence de santé publique du Canada où il doit faire concurrence au programme de préparation à une pandémie pour obtenir des fonds. Supposons que le programme d'aide préscolaire soit élargi pour inclure tous les enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté, le Canada ferait un pas de géant vers l'élimination de la pauvreté.
Comme je le disais au début, la pauvreté c'est beaucoup plus qu'un manque d'argent. La plupart des gens qui vivent dans la pauvreté n'ont pas les connaissances et les stratégies qui leur permettraient d'utiliser efficacement les agences et les services disponibles. Les programmes comme le programme d'aide préscolaire aident les gens à découvrir ces services et leur enseignent des stratégies pour les utiliser efficacement pour se sortir de la pauvreté. Le programme d'aide préscolaire donne des résultats et j'exhorte le gouvernement à l'élargir afin d'aider un plus grand nombre de personnes à se sortir de la pauvreté.
Laurel Gardiner, coprésidente du Nord, Manitoba Food Charter : J'aimerais tout d'abord vous remercier d'être venus ici pour discuter avec nous de cette importante question qu'est la pauvreté rurale.
Dans les documents que j'ai distribués, il y a les six facteurs qui d'après moi nuisent le plus à notre système d'aide sociale. À la deuxième page il y a huit recommandations qui d'après moi permettraient de réaliser des gains importants en dépensant la même somme; il s'agit donc essentiellement d'un moyen de transformer un mauvais investissement en un bon investissement. Les deux annexes montrent le salaire minimum dans les différentes régions du Canada. Je suis heureuse de pouvoir vous dire que le salaire minimum au Manitoba va passer à 8 $ l'heure en avril, mais c'est extrêmement bas. À la dernière page se trouve l'indice du développement humain, selon lequel les Premières nations du Manitoba constituent le groupe le moins développé au Canada.
Je ne savais pas trop si je devais vous présenter les faits ou vous raconter comment j'ai appris à connaître ces questions. On m'a conseillé de vous raconter ces histoires et c'est ce que je vais faire; j'espère qu'elles imprimeront au fond de vos cœurs l'urgence du problème de la pauvreté. Les deux histoires que je vais vous raconter se sont passées à Pukatawagan, au Manitoba, mais mes commentaires sur l'aide sociale s'appliquent partout, que ce soit dans les centres-villes, les régions rurales, le Nord, les Premières nations ou hors réserve. Elles illustrent davantage la nature humaine plutôt que la condition sociale.
Je venais de terminer mes études d'infirmière à Pukatawagan en 1978 lorsque le chef a décrété que tous les hommes physiquement aptes seraient obligés de travailler pour recevoir leurs prestations de bien-être. Ils ont fait toutes sortes de travaux dans la collectivité. Ils travaillaient à la scierie, dans une exploitation maraîchère intensive, ils abattaient des arbres pour faire un coupe-feu, ils pêchaient, ils donnaient du poisson à manger aux cochons, ils élevaient des vaches. Ils devaient tous, sans exception, commencer à travailler le 1er mai, à moins d'avoir un certificat du poste de soins infirmiers. Le premier matin, tous les petits bobos se sont réveillés et les hommes se bousculaient dans notre poste de soins infirmiers. Je n'ai pas signé de certificats de soins sauf si les hommes étaient vraiment malades, sansquoi ils ont dû aller travailler.
Au début, ces hommes étaient très fâchés. Ils ne voulaient pas aller travailler et ils sont partis en bougonnant. La deuxième semaine, les hommes s'étaient résignés à devoir travailler et ils se traînaient pour aller travailler. La troisième semaine, j'ai commencé à constater que certains d'entre eux allaient travailler d'un pas un peu plus allègre; ils marchaient la tête haute. Leurs femmes allaient au magasin acheter du pain et de la mortadelle pour préparer le déjeuner de leurs maris. Les enfants devaient se coucher le soir parce que leur père avait besoin de dormir. Maman devait se lever le matin pour préparer les sandwichs donc autant réveiller les enfants et les envoyer à l'école.
Je ne sais pas combien d'entre vous connaissez l'histoire du Manitoba, mais en 1978 Pukatawagan s'appelait Dodge City et était la capitale du meurtre au Canada. Nous avons eu neuf meurtres en quatorze mois. C'était un endroit difficile, mais en l'espace d'un mois, le taux de criminalité avait baissé de 75 p. 100.
Dans une autre collectivité, à Keeseekoowenin, le taux de criminalité a chuté de 90 p. 100 en un mois. À notre poste de soins infirmiers, le nombre d'appels en dehors des heures de travail a diminué de 50 p. 100. Nous ne recevions plus d'appels pour des incidents de violence et de blessures liées à l'alcool. Les gens tombaient encore malades, mais il s'agissait de rhumes et d'autres maladies normales.
Sans rien faire de tellement différent dans quelque programme que ce soit, sans rien faire d'autre que de faire travailler les hommes, nous avons réalisé des gains dans le secteur de la santé, dans le secteur de la justice et dans le secteur de l'éducation. C'était fascinant à voir. Le coordonnateur de l'enseignement à domicile ne se rappelait pas d'autres mois de mai et juin où les enfants étaient à l'école. C'était incroyable.
En août, un travailleur social est venu en ville et leur a dit que personne n'était obligé de travailler pour recevoir des prestations de bien-être social au Canada. Un homme a démissionné, puis trois, puis quinze et avant longtemps tout le monde avait démissionné. L'exploitation maraîchère est restée en friche, personne ne nourrissait plus les cochons et les vaches, la scierie était silencieuse et le taux de meurtre a remonté en flèche.
Je suis retournée aux études pour devenir enseignante. Cinq ans plus tard, j'étais de retour à Puk où j'enseignais les soins de santé et l'enseignement ménager et c'est donc ma deuxième histoire.
J'enseignais la santé et la vie familiale, et l'éducation sexuelle faisait partie du programme. Un jour, les garçons de 9e et 10e année étaient dans ma classe et nous parlions de ce que les hommes et les femmes font dans leurs familles. Ces garçons, ils savaient tous ce que les femmes doivent faire : elles doivent cuisiner et nettoyer et s'occuper des enfants. Ils savaient également ce que les hommes doivent faire : ils doivent travailler pour subvenir aux besoins de leurs familles. Tous ces garçons m'ont dit la même chose. Deux de ces garçons, Fred et Bruce, étaient déjà pères de famille et ils devaient donc travailler pour subvenir aux besoins des leurs. Or, je savais que 80 p. 100 des familles de Puk vivaient de l'aide sociale. Comment pouvaient-ils concilier cette image de l'homme qui subvient aux besoins des siens et la réalité de leur vie quotidienne? Enfin, je leur ai demandé s'il n'y avait pas autre chose? J'ai demandé quel genre de travail. Ils ont répondu : des emplois rémunérés. Alors j'ai dit, eh bien quelles autres formes de travaux peuvent-ils faire pour subvenir aux besoins de leurs familles? La chasse? Eh bien, ça c'est pour la fin de semaine. Pour eux, subvenir aux besoins de la famille veut dire gagner un salaire. Enfin, je leur ai demandé ce qu'un homme fait pour sa famille lorsqu'il est assisté social. C'est comme si je leur avais donné un coup de matraque. Ils sont restés silencieux alors qu'ils étaient d'habitude plutôt bavards. Enfin, Fred, assis au fond de la classe a dit, excusez ma grossièreté, mais il a dit : « Baise la vieille ». J'ai dit, « Fred, ce n'est pas bien de dire cela ». Il m'a répondu : « Madame Gardiner, il n'y a rien d'autre ». Je me suis rendue compte que j'avais forcé les garçons à affronter leur propre inutilité, puis je me suis ressaisie mais par la suite, dans le salon des enseignants, j'ai pleuré.
Tous les dommages dont je parle sur la page suivante proviennent des deux leçons que j'ai apprises à propos de ce que nous devons faire pour aller de l'avant, et l'aspect de l'aide sociale qui tue les gens, surtout les hommes.
J'en conclus que l'aide sociale est un mauvais investissement. On verse actuellement 163 millions de dollars en aide sociale par an aux Premières nations, ce qui contribue uniquement à mettre du pain sur la table et à rendre les gens malades. L'aide sociale crée des dommages. Il faut ensuite défrayer des coûts supplémentaires pour réparer ces dommages. L'aide sociale ne crée pas d'avantages additionnels et ne génère pas plus de ressources.
Je vous recommanderais de mener une enquête nationale sur l'Entente-cadre sur l'union sociale, ECUS, ainsi que sur les politiques d'aide sociale provinciales qui ont découlé de cette entente. Je recommande que nous transformions l'aide sociale en un bon investissement. Il faudrait répartir autrement les 160 à 200 millions de dollars en aide sociale que nous recevons annuellement au Manitoba. Il faudrait grouper ces fonds avec ceux que l'on obtient de ressources en matière de développement économique, de formation et d'emploi et les injecter dans le développement économique et humain ainsi que dans le service communautaire.
Dre. Jan Roberts, médecin hygiéniste, Santé Sud-Est Inc. : Bonjour mesdames et messieurs. Je vais me servir du document que vous avez reçu sur la pauvreté et la santé rurale.
La santé rurale des régions du Manitoba est très diversifiée. Le cas de l'Assiniboine est typique de l'ouest du Manitoba. Sa pyramide démographique témoigne du vieillissement de la population. La forme de cette pyramide est en fait presque rectangulaire.
L'Office régional de la santé de Burntwood, à l'extrême nord de la province, a une population très jeune, ce qui témoigne du rôle très significatif des Premières nations qui y résident. La pyramide de South Eastman est assez solide pour tous les groupes d'âges, bien que vous verrez qu'elle rétrécit au milieu, car les jeunes quittent la région pour étudier ou pour se trouver un emploi.
Notre administration régionale de la santé compte 60 000 habitants répartis sur plus de 10 000 kilomètres carrés. Nous ne disposons pas de beaucoup de ressources. Nous sommes munis de quatre hôpitaux, de quatre installations ambulancières et de sept installations prodiguant des soins médicaux, dont deux sont itinérantes. L'état de santé de cette région est typique des populations du sud du Manitoba et même du Canada en général, alors que les habitants du nord du Manitoba ont des taux de maladie et de décès prématuré particulièrement élevés.
Nous faisons quand même face aux principaux problèmes de santé du pays. Notre région connaît d'importants écarts de santé et nous faisons face aux problèmes ruraux traditionnels, tels que le manque d'accès ou de disponibilité, le transport sur de longues distances, et cetera.
Comme c'est le cas partout au Canada, notre population vieillit rapidement. Le taux de personnes âgées particulièrement vulnérables augmente constamment. Comme vous le savez déjà, nous recevons beaucoup de nouveaux immigrants. Près de 10 000 nouveaux Manitobains sont arrivés depuis 1999 dont la moitié sont âgés de moins de 19 ans et 60 p. 100 viennent de l'étranger. À l'heure actuelle, un habitant sur six vient d'arriver et notre région a connu une croissance démographique de plus de 20 p. 100.
Le régime de santé local a de plus en plus de mal à satisfaire les besoins en santé de la population, et plus particulièrement des aînés, des immigrants et des jeunes familles. La disponibilité et l'accès aux services, déjà relativement réduits, continuent à chuter. Nous avons de la difficulté à rester en phase sans parler de progresser pour améliorer la santé. Nous savons très bien que la santé et les services de santé ne constituent pas les facteurs principaux qui font en sorte qu'une population soit en bonne santé. Cela dépend surtout du milieu économique et social. Une masse de données portant sur un gradient de santé socioéconomique indiquent que la santé, peu importe comment elle est évaluée, augmente lorsque les niveaux d'éducation, d'emploi et de revenu croissent.
L'exemple du Manitoba pour l'espérance de vie par rapport au revenu révèle que celle-ci diminue parallèlement à la baisse de revenu. C'est le cas à la fois pour les populations rurales et urbaines.
Ce gradient de santé socioéconomique ne s'explique qu'en partie par les pratiques de santé. Le stress socioéconomique, les faibles revenus, le manque d'opportunités et le peu de contrôle jouent un rôle considérable. Ils entraînent des incidences biologiques qui ont un effet cumulatif avec le temps.
Dans cette région, ainsi que partout au Manitoba rural, les niveaux socioéconomiques sont relativement faibles. Dans la plupart de nos municipalités, le revenu moyen est très inférieur à la moyenne manitobaine. Lorsque deux personnes travaillent dans un ménage — dans plus de 70 p. 100 des familles, y compris les familles préscolaires, les deux parents travaillent —, la plupart des municipalités parviennent à avoir un revenu familial moyen supérieur ou égal à la moyenne manitobaine. Il y a en revanche beaucoup de disparité entre les municipalités. Vous constaterez que l'écart de revenu entre les municipalités les plus pauvres et les plus riches est plus élevé que le revenu familial moyen de la municipalité la plus pauvre.
Notre main-d'œuvre est beaucoup plus susceptible d'occuper un poste de col bleu que de col blanc. Les niveaux d'éducation au Manitoba rural sont beaucoup plus bas qu'à Winnipeg. On y trouve beaucoup moins de personnes munies d'un diplôme d'études secondaires ou universitaires.
Nous savons qu'en réduisant les inégalités sociales on améliore la santé non seulement des plus pauvres mais de toute la population. Cela ne veut pas dire qu'il faille redistribuer la richesse, mais il faut reconnaître que la réduction des inégalités est une responsabilité intersectorielle. Nous devons trouver des moyens de travailler ensemble pour donner aux gens de tous les milieux des occasions d'apprentissage et de développement des capacités d'adaptation. Nous devons trouver des moyens de travailler ensemble pour enseigner des compétences professionnelles et personnelles et pour aider à favoriser une compréhension communautaire et un système robuste de soutien communautaire.
Ce sera essentiel pour améliorer la santé des populations rurales et cela aura une incidence bien plus marquée que si le régime de soins de santé agissait seul. Ce système promet ce que le régime de santé ne peut procurer et c'est une amélioration durable de la santé des gens.
Le sénateur Mercer : Vous nous avez donné des faits intéressants, relaté des histoires convaincantes et fourni des statistiques importantes. Est-ce que vous proposez que les programmes d'aide sociale comprennent une composante reliée au travail pour améliorer l'estime de soi et toutes les choses que vous avez mentionnées dans vos histoires. Est-ce votre recommandation?
Mme Gardiner : Tout à fait. Je songeais au travail et/ou à la formation, aux bases salariales ou aux allocations de formation, l'un ou l'autre.
Le sénateur Mercer : Est-ce que vous suggérez que si on incluait un volet travail à l'aide sociale, le niveau d'aide sociale devrait être plus élevé pour ceux qui travaillent par rapport à ceux qui ne travaillent pas? Je veux m'assurer de bien vous comprendre.
Mme Gardiner : L'essentiel, c'est de rendre les gens actifs. On a dit à des bénéficiaires d'aide sociale — et je parle du cas des villes et non pas des Autochtones — qu'ils allaient perdre leurs prestations d'aide sociale s'ils aidaient bénévolement à l'école. S'ils veulent toucher l'aide sociale, ils doivent rester à la maison. C'est injuste. Il existe de nombreuses façons d'aider sa collectivité sans que l'on soit rémunéré pour le faire. Ça fait en sorte que la collectivité est plus agréable et ça vous donne quelque chose d'utile à faire et à inscrire à son c.v. Je ne parlais pas nécessairement d'un travail rémunéré, mais du fait que les gens devraient avoir le droit d'aider et de se porter bénévoles.
Le sénateur Mercer : Si l'on songe à ce que Verna nous a dit, vous avez tout à fait raison. C'est logique. Elle nous a parlé des changements chez les parents qui s'impliquaient à cause de la prématernelle.
Mme Gardiner : J'ai vu que le programme de Verna fonctionne. Il est fantastique. C'est génial pour les parents; ça leur donne tellement confiance en eux.
Le sénateur Mercer : Verna, j'aimerais parler de l'allocation mensuelle de 100 $ que le gouvernement actuel offre au programme par rapport à l'entente qui avait été conclue entre les gouvernements du Manitoba et du Canada pour offrir plus de places en garderie. Est-ce que ces 100 $ sont utiles?
Mme Beardy : Non.
Le sénateur Mercer : Est-ce que l'ancien programme aurait plus d'effet?
Mme Beardy : Oui, l'ancien programme aurait plus d'incidence. Il ne suffit pas d'aider les familles dont les parents travaillent et qui ont des enfants en garderie, à payer leurs factures parce qu'un montant de 100 $ ne va pas vraiment régler le problème. Pour les familles qui sont à la maison, très bien, chaque montant de 100 $ peut aider, mais la réalité est que nous avons besoin de plus de places de garderie. Donc, dans l'intérêt commun, il aurait fallu augmenter le nombre de places en garderie.
Le sénateur Chaput : Madame Roberts, vous avez dit que 70 p. 100 des parents devaient travailler, afin de disposer d'un salaire convenable. Ai-je bien entendu, vous avez dit 70 p. 100?
Dre Roberts : Eh bien, je parlais simplement de la proportion des personnes, des familles dont deux membres travaillent.
Le sénateur Chaput : Je crois que vous avez parlé d'immigration dans cette région du Manitoba. Avez-vous dit que 20 p. 100 de l'augmentation de la population était attribuable aux nouveaux Canadiens?
Dre Roberts : À Steinbach et dans la région, l'augmentation a été de 20 p. 100 depuis 1999.
Le sénateur Chaput : Pouvez-vous nous dire comment cela a fonctionné dans cette région du Manitoba, comment les immigrants ont été reçus et comment les services ont été offerts? Diriez-vous qu'il s'agit d'une réussite?
Dre Roberts : Je ne peux vous parler que de l'aspect santé. En outre, il semble que cela ait été en général très positif. Toutefois, il est facile de voir plus clairement que les immigrants qui s'établissent dans la région auront une influence sur la prospérité de la collectivité, et nous dépendons beaucoup d'eux pour cette prospérité. Presque tous les immigrants qui s'établissent au Manitoba à l'heure actuelle le font en vertu du Programme de parrainage des réfugiés. La façon dont nous gérons et fournissons les services à ces familles à l'heure actuelle aura des effets sur la santé et le bien-être de notre collectivité à l'avenir.
Le sénateur Mahovlich : Verna, serait-il possible de constater à quel point le gouvernement a affaibli votre programme d'aide préscolaire aux Autochtones en le confiant à l'Agence de santé publique? Peut-être pourrions-nous procéder à une courte étude lorsque nous rentrerons à Ottawa. Vous ont-ils donné une raison pour avoir agi ainsi? Le programme coûtait-il trop cher?
Mme Beardy : Je ne connais pas leur raison; je connais simplement les résultats. Nous sommes maintenant en concurrence avec la planification en cas de pandémie. Le bureau national a été sévèrement affaibli par le simple fait qu'on a retiré une partie du financement pour l'affecter ailleurs. Notre situation était meilleure lorsque nous étions régis par Santé Canada, plutôt que par l'Agence de santé publique du Canada.
Le sénateur Mahovlich : Votre programme atteignait-il ses objectifs?
Mme Beardy : Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a connu beaucoup de succès à Thompson, à Wabowden et à Thicket Portage; j'ai trois endroits. Nous rencontrons nos homologues de toute la province qui signalent des gains semblables chez les parents et les familles. Peu importe le gain, nous savons que les enfants réussiront beaucoup mieux. Nous voyons des gains en quelques années; les familles, les parents changent et nous avons vu ces gains dans tous les programmes d'aide préscolaire aux Autochtones du Canada. C'est un investissement, pas seulement une dépense. Investissez un million de dollars aujourd'hui, et vous aurez bientôt un milliard de dollars, en quelques années. On n'a pas à attendre toute une vie ou que l'enfant atteigne l'âge adulte, ça se passe beaucoup plus tôt. Il est vraiment triste qu'on ait affaibli ces programmes pour des raisons politiques.
Le sénateur Mahovlich : Eh bien, peut-être pourrons-nous étudier la question.
Mme Beardy : Oui, et ne vous limitez pas aux cas de nos enfants autochtones, considérez celui de tous les enfants pauvres au Canada, de toutes les familles.
Le sénateur Mahovlich : Quelle est la situation à Baker Lake pour ce qui est de l'éducation?
Mme Beardy : Je ne peux pas répondre à cette question, puisque je ne m'entretiens qu'avec d'autres représentants des programmes d'aide préscolaire aux Autochtones du Manitoba. Mon programme d'aide préscolaire aux Autochtones s'applique à l'extérieur de la réserve et je ne peux pas faire de commentaires sur le programme à l'intérieur de la réserve.
Le sénateur Zimmer : Vos exposés ont beaucoup d'impact. Dans les années 60, j'ai travaillé pour Inco à Thompson et, bien entendu, je sais exactement où se trouve Pukatawagan.
Ma question porte sur le système d'aide sociale. Il s'agit presque d'un programme négatif qui envoie le message selon lequel il ne faut pas travailler pour pouvoir toucher des prestations d'aide sociale. L'un d'entre vous aurait-il des recommandations à faire pour contourner ce programme négatif? C'est un programme très ancien.
Mme Gardiner : Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves, la politique provinciale en matière d'aide sociale permet que les prestations d'aide sociale soient utilisées comme allocations de formation, mais cette possibilité est rarement mise en application. Si un employé de l'aide sociale peut aider une dame à obtenir un emploi consistant à laver la vaisselle pour 7,60 $ l'heure, l'employé préférerait que la dame choisisse cet emploi plutôt que de lui verser des prestations d'aide sociale pendant deux ans afin qu'elle puisse aller à l'école et obtenir son diplôme en administration des affaires, par exemple, ce qui pourrait permettre à la famille de cesser d'avoir recours à l'aide sociale de façon permanente.
Le problème avec un emploi rémunéré au salaire minimum, c'est qu'on envoie des personnes sur le marché du travail sans les compétences ou le revenu de base nécessaire. Si ces gens ont une autre bouche à nourrir, ils ne peuvent pas le faire. Je ne pourrais pas survivre avec seulement 7,60 $ l'heure. Nous devons tenter de faire bon usage des prestations d'aide sociale dont nous sommes conscients du versement. Où cette personne sera-t-elle dans cinq ans si elle ne va pas à l'école? Les gens resteront au même point et ils en seront toujours au même point dans cinq ans si nous n'utilisons pas les prestations d'aide sociale comme allocations de formation. Nous devons utiliser cet argent et le combiner avec les fonds existants de DRHC affectés à l'emploi et à la formation, ainsi qu'avec les fonds du développement économique qu'on reçoit, afin de trouver une façon stratégique de mobiliser les gens. C'est ce qu'il faut faire, et c'est possible. Cela a été fait dans certaines collectivités, comme par exemple à The Pas, au Manitoba.
Le sénateur Zimmer : Docteure Roberts ou madame Beardy, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Beardy : Je suis tout à fait d'accord avec ce que Laurel a dit.
Le sénateur Mercer : Je suis toujours curieux lorsque quelqu'un nous parle du salaire minimum. Je fais toujours les calculs, et 8 $ l'heure, qui sera le salaire minimum au Manitoba en avril, à 40 heures par semaine, totalise 16 640 $ par année. Il est très difficile de survivre avec ce salaire pour un parent seul ou un parent ayant plus d'un enfant.
Laurel, j'ai du mal à accepter l'idée du travail obligatoire. Serait-il mieux... j'essaie de trouver une façon de combiner votre expérience et mon attitude de défenseur des libertés civiles, selon laquelle nous ne pouvons pas forcer les gens à travailler. La province de l'Ontario a un programme de travail obligatoire. L'avez-vous examiné? Notre comité ne s'est pas rendu en Ontario, mais il pourrait s'agir d'une bonne question à poser lorsque nous y serons.
Je crois fermement que le moyen de se sortir de la pauvreté est l'éducation. Serait-il préférable de dire que les personnes compétentes doivent suivre un programme de formation ou d'éducation? Bien entendu, certaines personnes ne sont pas en mesure de participer à un tel programme.
Mme Gardiner : Je crois que les bureaux d'emploi, de formation et d'aide sociale devraient se regrouper, et que chaque client devrait être aidé dans toute la mesure de ses moyens. À Thompson, nous avons un remarquable atelier protégé qui fabrique des meubles extraordinaires en employant des gens ayant une déficience intellectuelle. Ces personnes peuvent faire tant de choses, elles sont si fières d'elles-mêmes, et elles travaillent au maximum de leur capacité. C'est ce que nous souhaitons encourager, que les personnes travaillent au maximum de leur capacité, peu importe ce qu'est ce maximum.
Le sénateur Mercer : Je crois que ce n'est pas seulement dans les communautés autochtones, mais aussi dans toutes les communautés de personnes désavantagées sur le plan économique. L'un des problèmes, je le vois parce que je fais beaucoup de travail dans le centre-ville de Halifax. Le plus grand problème que l'on affronte avec un grand nombre de jeunes, et nous en avons entendu parler par d'autres partout au pays, c'est qu'ils n'ont pas de modèle à émuler. Peu de gens réussissent dans leur communauté. Donc, si ces jeunes ne voient pas de réussite, ils ne savent pas qu'ils peuvent réussir.
Mme Gardiner : C'est vrai.
Le sénateur Mercer : Il me semble que votre idée de loger les services sociaux dans un bureau d'emploi est bonne, parce que ces deux éléments devraient aller de pair, mais ils devraient également y avoir, selon moi, une dimension éducative plus importante.
Mme Gardiner : Ma septième recommandation porte sur les programmes d'aide pour ceux qui veulent cesser d'avoir recours à l'aide sociale. À l'heure actuelle, pour ce qui est de l'aide sociale au Canada, c'est tout ou rien et il n'y a aucune façon intégrée qui permette de s'en retirer. Je recommande certaines étapes; par exemple, lorsqu'on retourne au travail et qu'on ne touche pas tout à fait l'équivalent de ce que l'on obtenait par le biais de l'aide sociale, qu'on puisse garder plus de 150 $ avant que l'argent ne commence à être récupéré par le gouvernement. Deuxièmement, je recommande que dans le cadre de la prochaine étape, on ne puisse pas avoir de prestations couvrant les besoins fondamentaux, mais que l'aide sociale paie le loyer, les services et les soins de santé. Dans le cadre de la troisième étape, la personne travaille et paie le loyer, mais au besoin, elle peut utiliser les prestations de soins de santé, par exemple pour acheter des lunettes et des médicaments. Ce programme aiderait les gens à commencer graduellement à payer leurs propres factures et à ne plus avoir besoin de l'aide sociale.
Le sénateur Mercer : Vous introduisez une certaine logique dans ce programme; qu'on ne nous en parle pas.
Le sénateur Mahovlich : Je viens du nord de l'Ontario, et la religion a joué un rôle important dans ma jeunesse. Je regarde la situation de Steinbach et je vois les Mennonites, et je me demande si leur religion a un grand rôle à jouer dans leur réussite. Je me demande s'ils inculquent à leurs jeunes leurs croyances. Croyez-vous que l'éducation ait quoi que ce soit à voir avec la réussite? Est-ce important pour nous?
Dre. Roberts : Nous croyons qu'elle a énormément d'importance. En fait, si on jette un coup d'œil à South Eastman, il y a des églises non seulement à Steinbach, dans les collectivités mennonites, mais partout. Nous donnons une séance d'information sur un autre sujet avec deux personnes du ministère, et nous avons été surpris de voir que notre liste d'invitations comporte 140 noms. Pourquoi South Eastman a-t-elle un aussi bon bilan de santé, alors qu'elle fait face à autant de facteurs négatifs? Nous croyons que la réponse réside dans ses systèmes de soutien social et dans la cohésion sociale qui fait une telle différence dans la région.
Mme Beardy : J'aimerais parler de la spiritualité autochtone. À titre d'observatrice et d'étudiante en histoire, je sais que lorsque le Canada a établi les contacts initiaux avec les peuples autochtones, on disait aux Autochtones de tourner le dos à leur spiritualité et d'embrasser les églises.
En 1996, j'ai commencé à travailler avec le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, et lorsque je me suis rendue aux premières rencontres, où Santé Canada conseillait les gens sur la façon d'établir le programme, j'ai été abasourdie de voir que rien n'avait changé. Aujourd'hui, les représentants du gouvernement poussaient les Autochtones à se tourner à nouveau sur ce qui était perçu comme étant leur spiritualité traditionnelle. J'ai été abasourdie, parce que c'est insulter l'intelligence des Autochtones, qui sont capables de faire des choix pour eux-mêmes et leur famille en matière de spiritualité.
Je fais partie des Indiens visés par un traité et j'ai été immergée dans cette culture. Ce que bien des gens considèrent comme de la spiritualité traditionnelle a été importé du sud des États-Unis. Les Cris disent que leurs ancêtres ne faisaient pas un grand nombre de ces choses; ils avaient leurs propres pratiques. Ici, les représentants de Santé Canada disaient aux gens qui travaillaient pour le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones d'agir d'une certaine façon dans le cadre du programme, par exemple de promouvoir un élément en particulier. Donc, encore une fois, ils disent aux gens, aux Autochtones, qu'ils ne sont pas assez intelligents pour faire leurs propres choix spirituels, que le gouvernement leur dira quoi faire. J'ai trouvé cela affligeant. Certains programmes d'aide préscolaire aux Autochtones ont agi ainsi.
Les représentants du centre d'amitié Ma-Mow-We-Tak, à Thompson, ont été très sages. Ils ont reconnu cette erreur, et ils ont créé une politique dans le cadre de laquelle l'amitié respecte chaque personne, y compris les Autochtones. Ils peuvent prendre leurs propres décisions quant à leur spiritualité. Ils respectent les droits individuels de prendre les décisions quant à leur spiritualité. Nous ne forçons pas ces notions dans notre Programme d'aide préscolaire aux Autochtones.
Certaines personnes à Thompson et dans les régions avoisinantes font différentes choses, comme des cérémonies de suerie et de purification. Si les personnes le demandent, nous pouvons les diriger à des endroits où ils pourront y assister.
De nombreux Autochtones veulent demeurer au sein des différentes églises. Je crois qu'il s'agit d'une question, encore une fois, de condescendance. Ne faisons pas cela. Les Autochtones ont de la sagesse; laissons-les choisir eux- mêmes leur vie spirituelle.
Le sénateur Mahovlich : À Thompson, les aînés enseignent-ils aux jeunes la spiritualité, ou cet enseignement a-t-il été abandonné?
Mme Beardy : Encore une fois, c'est importé. Certains aînés se sont rendus à des conférences en Arizona, par exemple, et sont revenus avec ces enseignements. En fait, les ainés sont les victimes du fiasco des pensionnats, et ce sont des personnes blessées. Certains se raccrochent aux églises, d'autres non. Certains aînés ont simplement appris la spiritualité aux États-Unis.
Le sénateur Mahovlich : Nous avons perdu quelque chose de ce côté là.
Mme Beardy : Oui, nous avons perdu quelque chose. Il y a de nombreuses blessures.
Le sénateur Mahovlich : Je sais. J'ai fait partie d'un comité autochtone et, à un moment donné, nous avons entendu des témoins, provenant d'une bande de la région de Cornwall, et au début de la réunion, une ainée avait amené sa fille, qui a fait une prière avant la réunion. Je me suis dit que c'était remarquable. Nous étions partis du bon pied.
Mme Beardy : Ils commencent toujours les réunions avec une prière.
Le sénateur Mahovlich : Laurel, avez-vous quelque chose à dire au sujet de la religion?
Mme Gardiner : Eh bien, je crois que les églises peuvent aider certaines personnes à s'en sortir, mais je crois aussi, comme c'est indiqué sur la première page de mon document, que la perte du rôle égale la perte de l'âme. Lorsqu'on retire à un homme le rôle de fournisseur, on l'émascule énormément. Il s'agit d'une solution multisectorielle. Il faut réunir les programmes de développement social, l'emploi et la formation, l'église, et l'école. En reliant tous ces éléments ensemble, on aide les gens à se sortir du trou.
La présidente : L'alphabétisation m'a amenée à Steinbach. Vous avez abordé un grand nombre de questions et de préoccupations. Il a fallu 15 ans pour que la communauté autochtone se dote d'une association nationale. Nous craignions presque qu'elle disparaisse lorsque Ottawa a imposé des compressions l'automne dernier, aux programmes pour les Autochtones, qui sont maintenant reconduits pour au moins la prochaine année.
Je me demande si, dans ce domaine où l'éducation et les autres éléments sont si importants, vos programmes sont utiles. Y a-t-il suffisamment de programmes? Quel type de programmes réunissent les jeunes, mais également les plus âgés, afin de les aider et de leur donner ce coup de pouce qui rend leur vie un peu plus facile?
Mme Beardy : Pas suffisamment.
La présidente : Pas suffisamment.
Mme Beardy : Lorsque le gouvernement a plafonné le financement pour l'éducation des Autochtones, les progrès ont beaucoup ralenti.
La présidente : S'agissait-il d'un programme provincial?
Mme Beardy : Non, le gouvernement Mulroney a plafonné le financement de l'éducation des Autochtones, au moment même où suffisamment de jeunes autochtones obtenaient leur diplôme d'études secondaires et se préparaient à aller à l'université et à réussir; le gouvernement a alors plafonné le financement postsecondaire. Cela a beaucoup entravé le processus entrepris par les Autochtones pour devenir autosuffisants.
Mme Gardiner : Il n'y a pas suffisamment de programmes, mais les ressources existantes ne sont pas combinées de façon efficace et efficiente. Il est facile de ne rien faire et de dire que les ressources sont insuffisantes et qu'il faut nous en donner plus. La combinaison des ressources comporte de nombreux avantages. On pourrait faire beaucoup plus en réunissant plusieurs services au même endroit, afin de pouvoir utiliser toutes les ressources et tout le personnel en vue de mobiliser les gens, on en aurait alors beaucoup plus pour notre argent. Je crois que par la suite, oui, nous aurions encore besoin de plus de ressources, mais je crois qu'il est important de démontrer que nous avons tiré le maximum des ressources existantes. Nous les avons combinées de façon efficace et créative, nous avons agi de notre mieux et il nous en faut encore plus. Jusqu'à ce qu'on ait commencé à regrouper les programmes et les ressources, je crois que le gouvernement devrait pousser, forcer et élaborer des incitatifs pour les collectivités et les provinces, en vue d'amalgamer ces programmes. Jusqu'à ce que cela se produise, j'aimerais voir tout ce que nous pouvons faire avec les moyens dont nous disposons. The Pas a très bien réussi, et ses habitants délaissent l'aide sociale pour se tourner vers le marché du travail.
La présidente : Puisque vous œuvrez dans le domaine de la santé, Jan, pourriez-vous m'expliquer comment le niveau d'alphabétisation de vos clients influence leur façon de voir les programmes que vous leur offrez?
Dre. Roberts : Les commentaires traitent de choses qui, souvent, vont au-delà de notre mandat. Il ne faut pas oublier que les communautés ne sont pas organisées par secteurs; ce sont des groupes qui partagent plusieurs intérêts qui s'entrecroisent. Ces données vous porteront peut-être à croire que nous ne devons pas tout simplement nous contenter de faire de beaux discours, mais qu'il nous faut aussi agir.
Effectivement, notre responsabilité en tant que détenteurs de cette information nous oblige à la partager avec les collectivités. De plus, nous sommes la seule organisation de la région à détenir un mandat régional. Nous croyons également qu'il nous incombe de faciliter le rapprochement de groupes et d'organisations différents qui partagent des intérêts communs.
Nous faisons état de ces notions dans la deuxième partie de notre exposé; mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus passionnant. Donc, pour capter l'intérêt du public, nous insistons sur l'aspect alphabétisation. Toutes les notions se rapportent à une définition très large du mot. Puisque c'est l'alphabétisation qui détermine le statut socioéconomique, il va s'en dire qu'elle influencera aussi celui des enfants, c'est-à-dire, de l'autre génération. Ce terme — statut socioéconomique — comporte plusieurs éléments.
Il faut chercher très loin dans cette région pour trouver des gens qui ne sont pas pétants de santé, comme en témoignent ces graphiques. De fait, en partageant l'information et en réunissant ces groupes pour parler de questions entourant l'alphabétisation, nous avons provoqué des conversations intéressantes et inspiré des réalisations importantes dans notre région.
Cet après-midi, vous entendrez Elaine Wilson, qui représente Arborgate; elle a lancé un programme pour parents- enfants à un endroit où il n'existait absolument rien. Les écoles n'offrent aucun service préscolaire au niveau provincial. Elle aura des choses très intéressantes à vous raconter.
Nous avions la responsabilité de partager cette information avec le conseil municipal local, qui, par exemple, s'est engagé à parrainer le programme, de concert avec le conseil scolaire de la division de Seine River; notre intervention leur a permis de comprendre ce qui se passait chez leurs propres enfants et ce qu'Arborgate leur demandait.
La division scolaire de Seine River est un merveilleux exemple d'une division qui est axée sur l'alphabétisation. Ils ont tout compris. Dès le bas âge, les enfants ont accès au programme d'alphabétisation.
C'est le genre de choses que nous devons faire dans le domaine de la santé. Ce que vous voyez sur ce diagramme circulaire est deux fois plus important que tout ce que nous pourrions faire en consacrant notre vie entière au système traditionnel de santé.
La présidente : Nous avons l'impression que vous avez réalisé des progrès sur ce plan. S'agit-il de programmes qui sont offerts surtout au niveau local? Le gouvernement provincial a-t-il aussi un rôle à jouer et s'intéresse-t-il activement à la question? Les résultats au Manitoba sont positifs, comparativement aux autres endroits.
Dre. Roberts : Oui, les résultats sont positifs, mais puisque la responsabilité couvre tous les secteurs, aucun intervenant dans notre collectivité, ni les églises, ni le secteur agricole, ni tout autre secteur énuméré ici n'est exclu lorsqu'il est question du niveau d'alphabétisation de la population. Nous avons choisi une démarche, et en écoutant Laurel, je me suis souvenue de la raison pour laquelle nous avions agi ainsi, puisque c'est le fait de travailler de concert qui est l'élément clé. Nous croyons que les programmes de santé et d'éducation doivent partager leurs ressources afin de mettre au point de nouveaux programmes, non pas avec un budget supplémentaire, mais en utilisant les budgets traditionnels pour en faire quelque chose de neuf.
À mon avis, le Comité ministériel pour Enfants en santé au Manitoba est un excellent exemple au niveau provincial. Cinq ministères y siègent : Santé, Finances, Justice, Services à la famille et logement, et j'oublie toujours le cinquième. Tous les fonds, pas seulement pour la petite enfance, peu importe l'organisme ou le ministère, passent par ce comité. Cela a fait une énorme différence sur le plan de la cohésion et des résultats possibles. Cette province a fait d'énormes progrès en ce qui concerne la petite enfance, et c'est important. La santé assure la prestation.
Le sénateur Zimmer : Nous regardons toujours vers l'extérieur par rapport à ces questions; parfois, nous ne regardons pas vers l'intérieur, le retour aux valeurs, valeurs de la famille, de la maison, des devoirs, de la spiritualité. Nous vivons dans le monde et dans la décennie des BlackBerry, des cellulaires et d'Ipod, et nous vivons dans ce monde moderne.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez, mais, à mon avis, le succès peut être attribuable en partie à la fusion des valeurs et des ressources pour en devenir la pierre angulaire. Steinbach est un exemple vivant d'une collectivité merveilleuse où la communauté mennonite au sein de Steinbach renforce vraiment ces valeurs.
Très brièvement, que diriez-vous de cette idée de se tourner vers l'intérieur et de fusionner ces ressources avec ces valeurs familiales?
Mme Gardiner : Quand on considère les facteurs déterminants de la santé, le revenu et la condition sociale sont au premier rang. L'interdépendance sociale est deuxième, le niveau d'éducation est troisième et je crois que le logement et l'environnement sont quatrièmes. Les Premières nations ont essuyé un coup dur avec les pensionnats, où le plus grand tort n'était pas ce qui s'est passé dans les pensionnats, mais plutôt le fait de retirer l'enfant de sa famille. Cela nuit à la cohésion familiale et l'interdépendance entre les générations au sein des collectivités. Je ne nie pas les méfaits qui se sont produits aux écoles, mais le fait de déchirer en deux la collectivité, d'enlever les enfants et ensuite de les y réinsérer 10 ans plus tard a causé de graves préjudices et a laissé des enfants sans modèles à émuler. Quand on vit dans un pensionnat, on n'apprend pas à devenir parent. On apprend à être parent en regardant ses propres parents, pour le meilleur ou pour le pire. Le deuxième déterminant de la santé a lourdement souffert à cause du système des pensionnats.
Ce que vous avez dit est important et je n'aurais pas pu mieux l'exprimer. En ce qui concerne les Premières nations, le déchirement des familles est une des causes du préjudice. Une fois qu'on a déchiré le tissu de la communauté, il est très difficile de le réparer. Steinbach n'est pas vraiment une collectivité qui a été déchirée, mais c'est le cas de plusieurs autres.
Dre. Roberts : Plus l'on soutiendra nos jeunes familles, plus forte sera notre collectivité. En d'autres termes, pour vivre, ses membres doivent travailler, et donc pouvoir le faire et aussi être un bon parent en même temps.
Le sénateur Gustafson : Apparemment nous vivons à une époque où les gouvernements souhaitent nous contrôler, ou il y a de plus en plus de contrôles gouvernementaux. Nous sommes contrôlés presque du berceau à la tombe. À mon avis, cela nuit au désir des gens de travailler, de réussir et ainsi de suite. De plus, notre société a été construite en grande partie grâce à ce désir. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.
Mme Beardy : Dans une collectivité autochtone, le piégeage était un moyen de subsistance pendant de nombreuses années, mais comme vous le savez, la fourrure n'est pas orthodoxe de nos jours. L'agriculture a toujours été acceptable, mais étant donné les bas prix et d'autres facteurs indépendants de notre volonté, l'esprit d'initiative ne compte plus.
Mme Gardiner : Il est difficile de mobiliser des télézards; j'ai le même problème avec mon adolescent de 13 ans. Quand on considère les collectivités, normalement ce sont les gens de plus de 65 ans qui se lèvent tôt. Les enfants dorment jusqu'à midi. Ce commentaire ne s'applique pas aux Premières nations, vivant dans les réserves ou à l'extérieur des réserves, c'est un commentaire général. Si je veux obtenir des prestations d'aide sociale, je dois vanter mon absence de moyens de toutes sortes. Si je veux réussir au travail, je dois vanter mes capacités et mon potentiel. Afin de quitter les rangs des assistés sociaux, qui sont habiles à être incompétents, devenir un employé, il faut changer complètement de mentalité. C'est extrêmement difficile à faire. C'est une adaptation difficile. Notre vision du monde et notre image de nous-mêmes sont très réfractaires au changement.
Les gens doivent réaliser un certain nombre d'expériences réussies avant de vraiment croire qu'ils ont du succès et qu'ils peuvent prendre des risques. Vous savez, la question des petits pas, c'est important.
Le sénateur Gustafson : On en trouvait un bon exemple aujourd'hui sur la première page du Globe and Mail. La Chine a adopté une loi permettant à ses citoyens de posséder leur propre propriété; une certaine fierté en découle, et ils ont beaucoup progressé. À la fin de l'article, on dit que cela donne de bons résultats pour la Chine. Ce pays va même probablement entrer en concurrence avec beaucoup d'autres pays industrialisés.
Le sénateur Mahovlich : Il y a six ou sept mois, nous avions adopté 40 projets de loi lors d'une session. En Afrique, le Kenya a adopté un seul projet de loi, je crois que c'était en l'espace de cinq ans. Nous avons peut-être beaucoup de lois, nous légiférons peut-être même trop, je ne sais pas, mais lorsque l'on se compare à d'autres pays, je crois que nous faisons un assez bon travail. Nous aurons besoin de nouvelles lois en raison de notre population croissante. Avec le temps, il nous en faudra encore davantage.
Vous dites que naguère nous chassions les animaux pour leur fourrure, mais c'est chose du passé. Les temps ont changé, les gens ont changé, il faut donc s'adapter aux nouvelles réalités. Je pense, étant donné la croissance démographique, que nous allons avoir besoin de plus de lois pour contrôler les affaires — et de meilleures lois aussi.
La présidente : Je suis d'accord, sénateur, et nous devrons avoir une meilleure compréhension de la loi.
Mme Beardy : Si le prix des fourrures augmente, les jeunes auront plus d'intérêt à investir dans l'industrie de la fourrure.
Le sénateur Mahovlich : Nous aurons quand même besoin de certains contrôles.
Mme Beardy : C'est comme une ferme d'agrément, c'est pour les fins de semaine.
La présidente : Je veux vous remercier tous de votre participation aujourd'hui. Nous avons eu une réunion intéressante.
La séance est levée.