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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 25 - Témoignages du 8 mai 2007


OTTAWA, le mardi 8 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 19 h 2, pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir, honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins et tous les gens qui regardent la présente réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

En mai dernier, le comité a obtenu l'autorisation d'examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. L'automne dernier, nous avons entendu un certain nombre de témoins spécialistes qui nous ont donné un aperçu de la pauvreté rurale au Canada. À partir de ces témoignages, nous avons rédigé notre rapport provisoire, que nous avons publié en décembre, et qui, au dire de tous, a vraiment touché un point sensible.

Nous sommes maintenant au beau milieu de la deuxième étape de notre étude, au cours de laquelle nous rencontrons des Canadiens dans les milieux ruraux du Canada. Jusqu'à maintenant, nous nous sommes rendus à Athens, en Ontario, ainsi que dans quatre provinces de l'Est et quatre provinces de l'Ouest. En chemin, nous avons rencontré un groupe vraiment merveilleux formé de toutes sortes de Canadiens qui vivent en milieu rural, qui nous ont accueillis à bras ouverts dans leurs collectivités, et parfois même dans leur maison.

Le comité a cependant encore beaucoup de travail à faire. Il nous reste à visiter les collectivités rurales du Nord de l'Ontario, du Québec et de nos Territoires du Nord. Nous voulons écouter le plus de gens possible. Bref, nous voulons nous assurer de bien faire les choses et de comprendre à fond le phénomène de la pauvreté rurale. À cette fin, nous continuons d'inviter des témoins à Ottawa.

Notre premier témoin de ce soir est Mme Marie Logan, du Conseil des 4-H du Canada, qui va participer à la réunion par vidéoconférence à partir de Taber, en Alberta.

Marie Logan, présidente, Conseil des 4-H du Canada : En fait, je vis à Lomond, en Alberta. À quelques minutes de Taber.

La présidente : Lomond, d'accord. Je connais bien l'endroit.

Mme Logan : La plupart des gens qui y ont déjà été s'étaient perdus.

Le sénateur Dawson : Vous êtes à la télévision nationale.

La présidente : Nous avons fait des visites intéressantes lorsque nous étions dans la région de Taber. Nous nous sommes rendus à Warner, et je ne sais pas si les choses vont un jour être comme avant — l'un des membres de notre comité, le sénateur Frank Mahovlich nous accompagnait, et il a vraiment soulevé la foule à l'aréna de Warner.

Nous sommes heureux de vous recevoir, surtout pour vous entendre parler de votre expérience auprès du Conseil des 4-H du Canada. Il s'agit d'une organisation dont les gens des autres régions du pays et les gens qui sont ici ce soir doivent savoir qu'elle est présente dans l'ensemble du pays. C'est donc un grand plaisir de vous recevoir, madame Logan. Pourriez-vous commencer par nous donner quelques renseignements généraux sur votre organisation et de nous faire part de votre expérience auprès de celle-ci?

Mme Logan : Je veux revenir un petit peu en arrière. Vous avez parlé de l'école de hockey pour filles de Warner. Je suis vice-présidente du conseil de cette école. Nous avons aussi une école de base-ball. Nous faisons beaucoup d'activités avec les étudiants et les enfants.

En ce qui concerne le Conseil des 4-H du Canada, c'est une organisation nationale au sein de laquelle toutes les provinces sont représentées et de laquelle je suis actuellement présidente. Mon mandat se termine en mai, et je deviendrai alors vice-présidente.

Le Conseil des 4-H du Canada fait l'objet d'un examen gouvernemental, et il est en train de nommer des gens visionnaires à sa tête. Nous exécutons des programmes visant les jeunes dans l'ensemble du Canada, et chacune des provinces organise des activités à l'échelle communautaire. Nous effectuons la plus grande partie de notre travail dans ce domaine, mais nous avons connu une diminution radicale du nombre de nos membres qui correspond largement au déclin de la population rurale du Canada.

Essentiellement, nous sommes une organisation qui se consacre au développement des jeunes. Nous effectuons beaucoup de travail de communications publiques et toutes sortes de projets pratiques.

La présidente : C'est un comité très spécial, et, assurément, des jeunes de l'ensemble du pays commencent bien leur vie en participant aux activités des 4-H.

Pourriez-vous nous fournir des chiffres? C'est une organisation particulière. À l'époque actuelle, y a-t-il encore beaucoup de ce genre de groupes qui soient encore très actifs partout au pays?

Mme Logan : C'est en Alberta que nous comptons le plus de membres et de dirigeants. Je pense que c'est l'Ontario qui vient au deuxième rang. Pour donner des chiffres historiques, dans les années 1930, nous comptions environ 30 000 membres, et c'est dans les années 1970 que le nombre de nos membres a été le plus élevé, soit environ 80 000 personnes. Nous sommes maintenant revenus à 30 000 membres. Juste un peu moins de 30 000 membres, à l'échelle du pays.

La présidente : Qu'est-ce qui explique cette diminution?

Mme Logan : Je pense qu'elle n'est que le reflet du déclin de la population rurale.

On s'est intéressé à l'idée d'axer davantage les activités sur les régions agricoles, et cetera. Je dirige un club depuis 30 ans, en fait, notre club fait des projets en rapport avec les bouvillons, les chevaux, les veaux de naissage et les génisses, mais aussi les projets de théâtre, d'albums de découpures, de cuisine et de beaucoup d'autres choses. La plupart des enfants du village font partie de notre groupe. Notre club compte habituellement entre 35 et 40 membres, ce qui correspond grosso modo à la moitié des élèves de notre école, de la maternelle à la douzième année. Notre village compte un grand total de 177 habitants.

La présidente : Ce n'est pas important; c'est une bonne collectivité.

Le sénateur Mercer : Madame Logan, tout d'abord, merci d'être ici, et merci de faire ce que vous faites pour la collectivité. C'est extrêmement important. J'ai eu la chance de travailler, tout au long de ma carrière, auprès d'organisations de bénévoles qui comptaient dans leurs rangs de bonnes personnes comme vous. Je n'ai pas travaillé avec les 4-H, mais je sais qu'ils ont la réputation de faire du bon travail.

La présidente et vous avez parlé du fait que la diminution du nombre de membres de votre organisation est attribuable à l'émigration. Est-ce que c'est attribuable exclusivement à l'émigration, ou est-ce l'influence insidieuse de ce que nous appelons la vie urbaine, mais qui n'est pas cela, en vérité, puisque c'est plutôt la vie en général de notre époque, l'accès à tout par les ordinateurs, la télévision et ainsi de suite? Avec tout ce qu'il y a dans les maisons aujourd'hui, une personne qui se trouverait dans une maison de campagne, si les rideaux sont tirés, ne saura peut-être pas qu'elle ne se trouve pas au centre-ville de Toronto. Est-ce que cela a une incidence sur le nombre de membres de votre organisation?

Mme Logan : Peut-être pas en ce qui concerne la technologie. Dans ma région, ce n'est pas tout le monde qui a un accès haute vitesse à Internet; chez nous, beaucoup de gens ont un accès commuté. À notre ferme, nous avons un accès haute vitesse à Internet, parce que nous sommes abonnés aux services d'un fournisseur sans fil particulier. Les enfants des milieux ruraux sont souvent désavantagés, parce qu'ils n'ont pas accès aux mêmes services qu'ailleurs. La distance et l'éloignement ont une incidence. Ma petite-fille m'accompagne aujourd'hui parce qu'il n'y a pas de service de garde à Lomond. Il faut être chanceux pour trouver une gardienne. Lorsque les parents ne sont pas disponibles, on espère qu'un autre membre de la famille ou un grand-parent puisse s'occuper de garder les enfants.

Comme c'est le cas pour beaucoup d'autres choses, les fermes sont plus grosses qu'auparavant, mais la population a diminué. Alors qu'auparavant, toutes les activités avaient lieu dans notre petite collectivité, maintenant, si nous voulons faire partie d'une équipe de hockey ou de soccer, cela suppose qu'on se rende dans une collectivité plus grande pour participer aux activités. Ainsi, les parents sont sur la route une bonne partie du temps. On ne fait plus tout dans les petites collectivités. Notre club a un jour compté 45 membres, lorsqu'il y avait 200 élèves à notre école. Il y a encore entre 35 et 40 membres, et la population de notre village a diminué et est maintenant de 200 personnes. Dans notre collectivité, les 4-H ont réussi à garder les mêmes chiffres, mais il y a moins de monde.

Je dirais que le déclin dans l'ensemble du Canada est attribuable à la diminution du nombre de collectivités. Lorsque j'étais enfant, il y avait trois collectivités à dix minutes de chez moi; aujourd'hui, il n'y en a aucune.

Le sénateur Mercer : C'est quelque chose que nous avons déjà entendu, madame Logan. Dans certaines régions du pays, il n'y a maintenant qu'une seule ferme là où il y en avait cinq auparavant. Il n'y a plus aucune fromagerie là où il y en avait cinq.

Je n'ai peut-être pas bien compris ce que vous avez dit. Combien de temps avez-vous passé auprès de votre club 4-H?

Mme Logan : J'ai dirigé le club pendant 30 ans, et j'en ai été membre pendant environ huit ans.

Le sénateur Mercer : Dirigez-vous toujours votre club 4-H?

Mme Logan : Oui.

Le sénateur Mercer : Le phénomène est accentué dans les régions rurales du Canada, mais c'est aussi quelque chose qui se passe au sein de la plupart des organisations bénévoles. Avez-vous de la difficulté à trouver une nouvelle personne pour diriger votre club 4-H?

Mme Logan : À l'heure actuelle, nous manquons de membres à l'échelle du Canada. Les chiffres sont à la baisse, mais le prochain problème auquel nous allons être confrontés, c'est le nombre de dirigeants. Bon nombre d'entre nous, les personnes qui dirigent les clubs, avons les cheveux gris, comme moi. J'ai continué de diriger notre groupe, et je m'occupe de toute la paperasse générale. Cependant, je peux avoir jusqu'à sept chefs de projet qui travaillent pour moi, mais tout ce qu'ils font, c'est s'occuper de leur projet.

Dans une collectivité comme la mienne, tous les bénévoles jouent de nombreux rôles. Notre petite collectivité survit grâce aux casinos. Toutes les collectivités exploitent un casino pour obtenir l'argent supplémentaire dont elles ont besoin. Tout le monde joue de nombreux rôles. On peut dire que mon petit village est une société à emporter. Les élévateurs, par exemple, sont perdus, et il semble que la collectivité perd toujours des choses. J'ai été directrice au sein du réseau des bibliothèques, et toutes les bibliothèques du Sud étaient accessibles en ligne par l'intermédiaire de ce réseau, et il y avait aussi un camion de livraison. C'est l'un des rares services, mis à part nos écoles, dont on pourrait dire qu'il s'est amélioré.

Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné, dans vos observations initiales, que la gouvernance des 4-H fait l'objet d'un examen. Est-ce que c'est le problème du nombre de bénévoles que vous avez à l'échelle nationale et à l'échelle régionale qui motive cet examen? Est-ce que c'est pour cette raison que vous effectuez cet examen, ou est-ce que c'est le cours normal des choses, puisqu'il semble que bon nombre d'organisations sans but lucratif procèdent à un examen de leur gouvernance en raison des questions juridiques qui se posent et du manque de bénévoles?

Mme Logan : C'est l'examen de la gouvernance qui nous a permis de nous doter d'une vision, pour être en mesure de réagir plus rapidement, de faire les choses plus rapidement et d'être plus efficaces. En réalité, je pense qu'on l'a fait parce que nous ne pouvons nous permettre de frustrer nos bénévoles; il faut que les choses fonctionnent bien, parce que nos bénévoles ne disposent que de peu de temps et sont occupés. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ils jouent souvent de nombreux rôles.

Le sénateur Mercer : Chacun d'entre nous qui avons des enfants a dû à un moment ou un autre faire le taxi ou être le chauffeur d'autobus pour ces enfants, mais cela est accentué en milieu rural, en raison des grandes distances. D'après votre expérience au sein des 4-H, à quel point le problème du transport est-il grave dans les milieux ruraux du Canada?

Mme Logan : « Grave » dans quel sens?

Le sénateur Mercer : Vous avez déjà parlé du problème dont les gens font le plus souvent état, c'est-à-dire les soins des enfants. Le deuxième ou le troisième problème qu'ils mentionnent le plus souvent, c'est le problème du transport, c'est-à-dire l'absence de moyens de transport et le fait qu'ils ont besoin d'une voiture pour aller où que ce soit. Même s'ils ont des problèmes financiers, ils ont besoin d'une voiture. S'ils ont besoin d'une voiture, ils ont besoin d'assurance, et cela ajoute aux pressions que subissent les familles des milieux ruraux du Canada, et peut-être pas les familles des milieux urbains du pays.

Mme Logan : Ce que vous dites est très vrai, et il y a aussi le problème de l'usure des véhicules. Bon nombre d'entre nous doivent faire des kilomètres et des kilomètres sur des routes en gravier. Nous n'habitons pas tous sur une route importante et déneigée régulièrement. Il y a beaucoup de problèmes. Ma famille vit dans la région depuis six générations, alors mes petits-enfants fréquentent l'école à l'heure actuelle, mais si nous voulons leur faire prendre des cours de danse ou quelque chose d'autre qui se passe à Lethbridge, alors nous devons prendre une bonne partie de notre temps pour les conduire là-bas.

Les personnes âgées qui ne peuvent conduire doivent compter sur quelqu'un d'autre pour aller à certains endroits. Pour toutes les activités sportives, il arrive souvent que les petites écoles n'aient pas les moyens de se payer des autobus, alors les parents doivent être prêts à se porter volontaires pour conduire les enfants. Ceux qui n'ont pas d'autos ou qui ne peuvent conduire doivent compter sur leurs gentils voisins pour les aider.

Le sénateur Mercer : Merci, madame Logan. J'aimerais que nous continuions de parler de cela, mais je voudrais dire, à ce propos, que lorsque nous nous sommes rendus à Pitcher Butte, en Alberta, il y a quelques mois, nous avons vu sur le tableau d'affichage d'un centre communautaire des annonces de gens qui offraient de conduire en ville les personnes qui avaient besoin d'y aller pour des rendez-vous chez le médecin. Il y avait un coût rattaché à cela, mais, évidemment, cela mettait l'accent sur le problème des transports.

Le sénateur Callbeck : Merci, madame Logan, d'être ici pour répondre à nos questions au sujet des 4-H.

Je viens d'une province rurale, l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis tout à fait consciente du besoin d'un leadership fort dans les collectivités rurales, probablement encore davantage aujourd'hui qu'auparavant. Le Conseil des 4-H du Canada est assurément un programme qui favorise l'acquisition de ces compétences en leadership. Je connais bon nombre de jeunes qui sont passés par le volet communication orale et d'autres volets de votre programme, et qui sont devenus des chefs de file dans la collectivité. Constatez-vous qu'une proportion importante de jeunes qui suivent le programme des 4-H deviennent des chefs de file dans leur collectivité?

Mme Logan : Ipsos-Reid a publié une étude intitulée « Measures of Success », et cette étude montre bel et bien que les membres des 4-H réussissent bien. Ils suivent tous une formation postsecondaire, quelle qu'elle soit, et redonnent habituellement à leur collectivité et atteignent une fourchette de revenus plus élevés que la moyenne. C'est une étude intéressante qui montre que les clubs des 4-H poussent sans aucun doute nos membres à réussir et à devenir des chefs de file.

Le sénateur Callbeck : Quand cette étude a-t-elle été réalisée?

Mme Logan : Ça ne fait pas longtemps, entre 1999 et 2002. C'est une étude très récente.

Le sénateur Callbeck : Je n'ai pas de difficulté à le croire, vu ce que je connais des 4-H. Est-ce que les 4-H sont dans toutes les provinces du Canada?

Mme Logan : Oui.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que les représentants des 4-H de toutes les provinces se réunissent de temps à autre, ou travaillent-ils chacun pour soi?

Mme Logan : Non, nous travaillons ensemble. Le Conseil des 4-H du Canada organise une assemblée générale en mai, et une autre en novembre. Des représentants de toutes les provinces y participent. Nous disposons aussi d'un réseau national de ressources par l'intermédiaire duquel les représentants peuvent diffuser tout le matériel. Si, par exemple, dans une province, on élabore quelque chose sur le bœuf ou sur le théâtre, on diffuse cela auprès des autres provinces par l'intermédiaire du réseau. Nous essayons de ne pas élaborer des choses qui se recoupent. Nos représentants disposent aussi maintenant d'un réseau national de campagne de souscription, et ils partagent des renseignements sur la campagne. Les agents provinciaux ou le personnel qui travaillent au sein des clubs 4-H échangent régulièrement des renseignements.

Le sénateur Callbeck : Obtenez-vous des fonds du gouvernement fédéral, ou seulement des gouvernements provinciaux?

Mme Logan : Oui.

Le sénateur Callbeck : Vous obtenez de l'argent des deux gouvernements?

Mme Logan : Le Conseil des 4-H du Canada est financé dans le cadre du Programme sur les possibilités de renouveau ou PPR. On dit « prochaine génération », mais, dans le Cadre stratégique pour l'agriculture, on parle de renouveau. Certains des clubs 4-H provinciaux sont financés par le gouvernement de leur province, certains sont autonomes. Cela dépend de la façon dont les choses fonctionnent dans leur province.

Tout le monde a des commanditaires importants. Dans le cadre du programme de l'Alberta, on a obtenu environ 700 000 $ — je ne suis pas sûre du chiffre exact, mais je pense que c'était un peu en deçà d'un million de dollars — en commandites à peu près chaque année, mis à part le soutien gouvernemental.

Le sénateur Callbeck : Combien d'argent obtenez-vous du gouvernement fédéral?

Mme Logan : Au Conseil des 4-H du Canada?

Le sénateur Callbeck : Oui.

Mme Logan : Je pense que c'est environ 600 000 $. Il y a eu aussi des programmes spéciaux visant les Autochtones et d'autres programmes spéciaux à l'occasion.

Le sénateur Callbeck : Compte tenu de ce qui se produit à l'heure actuelle dans les régions rurales, quelle sera, à votre avis, la situation des 4-H dans 10 ans?

Mme Logan : Je pense que les 4-H joueront un rôle essentiel, si nous voulons former des chefs de file, mais je nous vois aussi nous installer dans les régions agricoles et dans les régions autour des villes. On a dit que ce programme pourrait être extraordinaire dans certains centres urbains. Nous venons de terminer un programme intitulé Make Your Escape. C'était un programme national de publicité — le tout premier — que les membres des 4-H ont mis sur pied pour les jeunes. Crédit agricole Canada a fourni près de 600 000$ pour l'exécution de ce programme à l'échelle du Canada. Lorsque le programme était en cours, il y a eu, à un moment donné, plus de 300 visites, je crois, à Toronto. Beaucoup de jeunes des villes s'intéressent à ce programme. À l'heure actuelle, nous n'avons pas la capacité d'aller dans les villes.

Je nous vois nous installer dans de nouvelles régions. Les volets des activités des 4-H qui ont trait au leadership peuvent fonctionner partout.

Le sénateur Callbeck : Oui, et ce sont des volets importants.

Le sénateur Milne : Je viens de Toronto, mais je me suis mariée avec le fils d'un fermier, qui est passé par les 4-H, pour ensuite diriger les programmes pendant qu'il travaillait comme ingénieur agricole auprès du ministère provincial de l'Agriculture. Je suis tout à fait consciente de la valeur du programme.

Dans une région comme la vôtre, où la population décline — vous avez perdu deux collectivités — quelle incidence cela a-t-il sur les ressources que vous pouvez utiliser et mobiliser, en ce qui concerne le volet leadership des clubs 4-H?

Mme Logan : Notre région a toujours joué un rôle très important auprès des 4-H. Il y a des membres de mon club qui sont de la troisième génération de leur famille à faire partie du club. Ils sont prêts à prendre les rênes, alors je n'ai pas ce problème. Cependant, je suis sûre que le fait de trouver des personnes pour former la prochaine génération de dirigeants des clubs dans certaines autres régions pose problème, parce que c'est vrai que tout le monde a les cheveux gris à l'heure actuelle. Sincèrement, je ne sais pas. Comme je l'ai dit tout à l'heure, trouver des personnes pour diriger les clubs sera le prochain problème auquel nous serons confrontés.

Le sénateur Milne : On me dit ici que les agriculteurs sont en moyenne âgés de 51 ans, mais que la moyenne d'âge des gens qui vivent en milieu rural et dans les petites villes du Canada est de 39 ans. Le milieu agricole vieillit et compte de moins en moins de gens, mais le secteur résidentiel des milieux ruraux est en croissance dans la plupart des régions du Canada. Est-ce le cas dans votre région aussi? Est-ce que les gens qui habitent en milieu rural sans appartenir au milieu agricole participent eux aussi aux activités des 4-H?

Mme Logan : S'ils s'installent dans la collectivité, ils ont tendance à le faire. Cependant, lorsque le gouvernement de l'Alberta a réalisé une étude, on a étudié notre situation en même temps que celle de la ville de Hanna, qui se trouve près de la frontière est de la province. Notre population est la plus âgée, c'est dans notre village que les possibilités d'emploi sont les plus réduites, et notre population diminue rapidement. Ce n'est pas le cas dans le couloir prospère du centre de l'Alberta. Notre population n'augmente pas. Elle est toujours en déclin, et je crois que la population diminue dans de nombreuses régions en dehors des centres urbains. Il est impossible de faire venir des travailleurs de ferme dans notre région. Le nombre d'élèves de notre école est demeuré stable grâce aux Mennonites mexicains. Ce sont eux qui forment la main-d'œuvre agricole à l'heure actuelle. L'anglais est leur langue seconde, et ces familles qui vivent maintenant dans nos collectivités sont souvent terriblement pauvres, et il faut que les collectivités essaient de régler ce problème-là aussi.

Le sénateur Milne : Lorsque vous parlez des Mennonites mexicains, est-ce qu'il s'agit du groupe de Mennonites du Canada qui ont pris la mauvaise décision de s'installer au Mexique il y a environ 40 ans ou peut-être plus?

Mme Logan : Oui. Ils sont revenus maintenant. Ce sont eux qui forment la main-d'œuvre du Sud de l'Alberta. Dans ma commission scolaire, certaines de nos écoles comptent 80 p. 100 de Mennonites mexicains. Notre commission scolaire vient au deuxième rang en Alberta pour ce qui est de la formation en anglais langue seconde, ce que la plupart des gens trouvent dur à croire, vu qu'on parle de Taber.

Le sénateur Milne : C'est intéressant.

Je crois vous avoir entendu dire que vous n'avez pas d'accès haute vitesse à Internet dans votre région, mais que vous êtes abonnés au service d'un fournisseur sans fil qui vous offre un accès haute vitesse à Internet. Le coût de ce service ne me regarde pas, mais on m'a dit, à une réunion hier, que c'était extrêmement cher.

Mme Logan : Le signal est émis par une tour. Le service n'est pas totalement fiable. Nous ne savons pas toujours si nous sommes connectés, mais ce n'est pas trop cher. C'est environ 40 $ par mois.

Le sénateur Milne : On m'a dit que dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse, l'abonnement coûte 1 000 $ et les services, 100 $ par mois, alors ça devient cher. Quelle proportion de la population de votre région a accès à Internet?

Mme Logan : J'ai entendu dire récemment que seulement quatre familles de notre région y avaient accès. Je ne sais pas s'il y en a plus maintenant. Il y a des frais initiaux de 500 $ pour notre service haute vitesse.

Le sénateur Milne : C'est un autre aspect de la vie en milieu rural : vivre à la campagne au Canada a d'importants inconvénients liés aux coûts élevés, et l'accès haute vitesse à Internet est pratiquement essentiel à l'exploitation d'une ferme moderne.

Mme Logan : Oui. Notre ferme produit des semences sélectionnées, et nous avons notre propre page web. C'est important pour nous d'avoir accès au service.

Le sénateur Milne : Puisque vous êtes la présidente nationale du Conseil des 4-H du Canada, pouvez-vous me dire combien il y a de clubs 4-H dans les trois territoires et combien il y a en a dans le nord des provinces? Faites-vous de la promotion dans ces régions?

Mme Logan : Autant que je sache, il n'y a pas de clubs dans les Territoires du Nord-Ouest. En Alberta, nous sommes répartis de façon à peu près égale dans l'ensemble de la province. Il n'y a pas autant de clubs dans les régions du Nord que dans les autres régions. Je ne suis pas en mesure de vous dire où les clubs se trouvent dans les autres provinces.

Le sénateur Milne : Vous avez dit qu'il y a un programme pour les Autochtones.

Mme Logan : Oui, dans les provinces. Il y a eu des projets pilotes dans certaines provinces. Il semble que ces projets aient très bien fonctionné. Je ne sais pas si le gouvernement fédéral continue de financer ces projets.

Le sénateur Milne : Voilà un autre point intéressant auquel il faudra donner suite. Merci beaucoup.

Le sénateur Oliver : Vous avez dit que votre village compte 177 habitants. De ce nombre, combien y a-t-il, s'il y en a, selon vous, de gens appartenant à la catégorie des personnes pauvres vivant en milieu rural?

Mme Logan : Je ne sais pas si je suis en mesure de répondre à cette question. Cependant, les derniers chiffres de notre organisation sanitaire indiquent que 20 p. 100 des enfants de notre région vivent dans la pauvreté. Je pense que ce chiffre est probablement très près de la réalité. Bon nombre de familles d'agriculteurs nous disent qu'ils vivent dans la pauvreté, mais vont mourir riches, vu leur patrimoine.

Le sénateur Oliver : Est-ce que le club des 4-H ou votre collectivité dispose d'un mécanisme de soutien pour donner un coup de main aux personnes pauvres du milieu rural?

Mme Logan : Notre club 4-H annule les frais d'inscription des gens qui n'ont pas les moyens de les payer. Bon nombre de nos activités sont offertes à titre entièrement gracieux à nos membres. À une certaine époque, tout ce qui touchait les 4-H était gratuit. Maintenant que les 4-H de l'Alberta font payer des frais, notre club demande environ 35 $ à chacun de ses membres, mais nous annulons les frais pour les personnes qui n'ont pas les moyens de les payer.

Les frais d'inscription à notre école peuvent être annulés. Notre club fournit le matériel scolaire, alors si un enfant se présente à l'école sans matériel, nous lui en fournissons.

Les collectivités ont tendance à bien s'occuper de leurs membres dans les régions rurales. Elles essaient de les aider le plus possible.

Le sénateur Oliver : Quelques sénateurs vous ont déjà posé des questions d'ordre général au sujet de l'infrastructure. Pourriez-vous décrire brièvement le genre d'infrastructure qu'il y a dans votre région, les hôpitaux, les écoles, les routes, les moyens de transport et le service d'enlèvement de la neige devant les maisons? De quoi a l'air l'infrastructure chez vous?

Mme Logan : Nous avons une école pour les élèves de la maternelle à la douzième année, et moins de 100 élèves la fréquentent. Notre bibliothèque se trouve dans un immeuble qui a près de 100 ans. Nous sommes membres du réseau régional des bibliothèques. Les livres sont envoyés par messager. La commission scolaire fournit les autobus, les autobus scolaires sont les seuls autobus de la région.

Le comté déneige le trajet de l'autobus d'abord, puis les routes principales. Ainsi, selon le temps qu'il fait, la route qui passe devant chez vous peut être déneigée ou non. Le village compte pour cela sur un employé de la ville. Les rues du village ne sont même pas revêtues. Ce sont des chemins de terre.

Le sénateur Oliver : Y a-t-il une caserne de pompiers?

Mme Logan : Il y a un service des incendies et de première intervention, assuré par des bénévoles du village qui ont suivi des cours — habituellement à leurs frais. Il y a à Vulcan un hôpital où on prodigue certains soins. L'hôpital régional se trouve à Lethbridge.

Il y a aussi l'Alberta Shock Trauma Air Rescue Society ou STARS, l'ambulance aérienne. Cependant, mon mari a eu une importante hémorragie cérébrale il y a quelques années, et, parce que des ambulances se sont perdues, notamment, il a fallu sept heures pour l'amener à l'hôpital de Calgary. En milieu rural, on doit pouvoir compter sur soi en grande partie, ou encore sur des bénévoles près de chez soi.

Le sénateur Oliver : Diriez-vous que l'infrastructure de votre village de 177 habitants est comparable à ce qu'on trouve dans le reste du milieu rural de l'Alberta?

Mme Logan : Je dirais que les collectivités qui sont aussi éloignées que Lomond se trouvent dans une situation très semblable. On a bâti notre patinoire dans les années 1960. C'est certain qu'elle a besoin d'être rénovée. Je siège au conseil des directeurs du Rural Alberta's Development Fund. Le gouvernement a fourni 100 millions de dollars pour le financement de projets communautaires. Au cours des trois premiers mois, tout ce dont nous avons entendu parler, c'est des immenses besoins d'infrastructure dans l'ensemble de la province, et maintenant, le gouvernement a répondu à certains de ces besoins. Tout est en train de devenir vieux.

Le sénateur Biron : En 2000, je crois, le gouvernement fédéral a versé de l'argent sous forme de subventions afin de rendre l'accès à large bande possible dans toutes les régions rurales du Canada. Savez-vous si ce programme a été mis en œuvre? Communiquez-vous avec la plupart des membres de votre club 4-H par Internet?

Mme Logan : Parlez-vous du Programme d'accès communautaire, le PAC? J'étais membre du comité, et nous avons fait en sorte que toutes les bibliothèques de l'Alberta aient accès à Internet. Le programme a permis de payer les frais d'installation, et il y a eu un afflux constant de fonds supplémentaires. Je pense que nous en sommes au PAC 5. Cependant, je pense que le gouvernement fédéral prévoit mettre fin à ce programme. J'ai écrit une lettre au nom des administrateurs des bibliothèques de la province pour dire au gouvernement que c'est un excellent programme, et que s'il doit y mettre fin, il pourrait peut-être envisager un autre programme pour permettre des mises à niveau continues. Une fois qu'on adopte des outils technologiques, il faut toujours faire des mises à niveau.

Que je sache, toutes les petites collectivités de ma région ont accès à Internet par l'intermédiaire de leur bibliothèque. Oui, j'utilise Internet et un télécopieur pour communiquer avec les gens. Je ne fais pas beaucoup de vidéoconférences, mais je participe souvent à des appels conférences.

Le sénateur Dawson : J'ai examiné les chiffres concernant la participation. Je ne sais pas si vous y avez jeté un coup d'œil. Connaissez-vous le taux de participation aux clubs 4-H au Québec?

Mme Logan : Il y a les anglophones du Québec et les Jeunes agriculteurs du Québec, qui sont affiliés au Conseil des 4-H du Canada, je crois. En avez-vous entendu parler? C'est l'organisme principal.

Le sénateur Dawson : Le réseau anglophone du Québec a un fort taux de participation. Il a son siège social à Québec. Je me demandais si les francophones participent autant.

Mme Logan : Ce n'est pas la même chose qu'avec les autres clubs 4-H du Canada. Les Jeunes agriculteurs du Québec ont leur propre organisation, mais ils participent. Ils siègent à l'organisation nationale.

Le sénateur Dawson : Ce qui figure à l'ordre du jour, c'est l'examen, en vue d'en faire rapport, de la pauvreté rurale au Canada. Si vous aviez un mot à dire quant à l'élément dont nous allons faire une priorité ou que nous allons définir comme étant la première chose que le gouvernement fédéral doit faire pour essayer de faire diminuer la pauvreté en milieu rural, quelle serait votre recommandation? Je vous demande non pas de faire notre travail à notre place, mais bien de nous aider à le faire.

Mme Logan : Il faut qu'il y ait quelque chose d'autre qu'une démarche à court terme visant à panser les plaies. Nous avons besoin d'une stratégie, et il faut que nous envisagions une manière d'établir des liens entre l'ensemble des services, de façon que les enfants ne soient pas confrontés à des obstacles à cause de la distance et de l'éloignement. Il faut qu'il y ait une certaine planification stratégique, ce qui suppose probablement des enjeux monétaires aussi.

Le sénateur Dawson : Parlez-vous du soutien de votre groupe par le gouvernement? Vous avez parlé de financement. De quel type de financement s'agit-il?

Mme Logan : J'ai parlé du PAC, et je pense qu'une fois qu'une bonne initiative est lancée, elle devra se poursuivre, comme les initiatives qui visent à offrir des services généraux de façon à offrir les mêmes chances à tous les habitants des milieux ruraux, pour qu'il n'y ait pas tant de nantis et tant de démunis. La technologie est l'un des domaines où cela est vrai, en ce qui concerne l'accès haute vitesse à Internet. Si les citoyens qui vivent en milieu rural ont accès à ces outils, on arrive au point où, pour certains emplois, l'endroit où vit la personne qui occupe l'emploi n'a plus d'importance.

Dans ma région, il y a des lacs partout, les derniers grands lacs où il est possible de se rendre en voiture à partir de Calgary. Il y a de très beaux endroits où les gens pourraient vivre si nous avions accès aux outils technologiques et à certains services. On ne peut pas s'attendre à ce que les gens vivent dans les régions rurales de l'Alberta s'il n'y a pas de services, pas plus qu'ailleurs au Canada.

Le sénateur Dawson : Merci.

Le sénateur Callbeck : Ma question porte sur les chiffres que nous avons ici. D'après ceux-ci, il y a plus de 50 p. 100 plus de filles que de garçons dans les clubs 4-H. Est-ce que cela a changé avec le temps, ou est-ce ça toujours été environ cette proportion?

Mme Logan : Lorsque j'étais enfant et membre des 4-H, il y avait à peu près autant de garçons que de filles. L'un des changements importants auxquels nous avons assisté dans la région, ce sont les équipes sportives des garçons et la distance qu'ils doivent parcourir. Cela limite souvent le nombre d'activités des 4-H auxquelles ils peuvent participer, et, au sein de mon club, c'est beaucoup plus facile de trouver des femmes que des hommes pour diriger les activités. À l'heure actuelle, je cherche désespérément un professeur de menuiserie, et je n'arrive pas à en trouver. J'arrive cependant à trouver des gens pour des activités de cuisine, de théâtre, de couture et d'élaboration de cahiers de découpures, qui sont des activités qui s'adressent davantage aux filles. C'est probablement le principal problème. Les projets avec les chevaux sont de grande envergure, et c'est aussi souvent quelque chose qui intéresse les jeunes filles.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que les diplômés qui sont membres des 4-H sont plus susceptibles de demeurer en région rurale? Sont-ils plus susceptibles de reprendre la ferme familiale? Y a-t-il des différences à cet égard?

Mme Logan : Ils aiment profondément la campagne albertaine et, s'ils ont la chance de revenir, ils le font — comme dans les autres milieux ruraux du Canada ou d'ailleurs. Cependant, il faut qu'il y ait un motif ou une chose qui les fasse revenir, par exemple, le fait de pouvoir travailler à partir de leur village. Je ne suis pas en mesure de vous dire s'il y a une différence liée à l'appartenance aux 4-H. Ce que je sais, c'est que j'ai un garçon qui était membre l'an dernier, et il a vraiment l'intention de revenir à la ferme. La plupart des jeunes agriculteurs de notre région sont passés par le club 4- H, mais il y a de nombreux jeunes qui sont partis, qui occupent un emploi ailleurs parce que la ferme n'existe plus ou n'a pas des revenus suffisants pour faire vivre une deuxième famille.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que vous dites que la plupart des jeunes agriculteurs sont passés par les 4-H?

Mme Logan : Oui.

Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup.

Le sénateur Mercer : Madame Logan, je veux revenir sur l'infrastructure et la capacité de la collectivité d'être autonome. Dans les milieux urbains du Canada, nous sommes habitués de voir les organisations comme Centraide offrir tous les services sociaux des œuvres de bienfaisance de façon centralisée et les campagnes de financement être menées sous la bannière de Centraide.

Je vous demanderais de commenter cette idée : plus on s'éloigne de la ville épicentre, que ce soit Lethbridge, Red Deer ou Truro, en Nouvelle-Écosse, moins cela a d'effet sur les services offerts aux gens des collectivités rurales.

Avez-vous remarqué cela en Alberta, mais aussi en général un peu partout, puisque tous vos clubs 4-H se trouvent dans les collectivités rurales?

Mme Logan : Voulez-vous dire que nous avons moins accès aux services que dans les grands centres?

Le sénateur Mercer : Je vais parler dans un instant d'un groupe qui, à mon avis, effectue de l'assez bon travail à cet égard, mais j'ai remarqué, dans les neuf provinces que nous avons visitées jusqu'à maintenant, qu'il ne semble pas y avoir de groupe, dans les milieux ruraux du Canada, qui coordonne les activités de tous les organismes sociaux, comme le club des 4-H ou d'autres groupes communautaires des églises ou des centres communautaires qui aident les gens ayant besoin d'aide au sein des collectivités.

Ce que je vous demande, c'est : est-ce que mon observation est juste ou non?

Mme Logan : Je suis d'accord avec vous pour dire que chaque organisation a tendance à essayer de faire ce qui doit être fait, et, habituellement, ce sont les mêmes personnes qui donnent un coup de main au sein des différentes organisations. J'ai parlé du fait de tenter d'établir de meilleurs liens entre les services. Non, dans ma collectivité, il n'y a pas de groupe de coordination qui s'occupe de mener des campagnes de souscription pour quoi que ce soit; et j'ai mentionné que nous faisons beaucoup de soirées casino. Il vient tout juste d'y avoir un souper bénéfice dans notre collectivité. Nous voulons construire une nouvelle salle d'entraînement. Nous avons décidé de le faire nous-mêmes. Nous avons amassé 59 000 $ à ce souper, mais c'était seulement les gens du village qui travaillaient ensemble. Les choses ont tendance à être ainsi : tout le monde aide l'autre groupe; c'est ainsi que nous faisons les choses, un seul grand groupe.

Le sénateur Mercer : Pour nous, c'est toujours incroyable de constater ce que les gens arrivent à faire en milieu rural. Je vis dans une petite collectivité rurale pas très loin de Halifax, et ce que mes amis et mes voisins font pour faire vivre notre petite collectivité m'impressionne beaucoup.

Il existe un groupe qui n'est présent que dans trois provinces : l'Ontario, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. Il s'agit de la Foundation for Rural Living. Je ne sais pas si vous connaissez cette organisation.

Mme Logan : Non.

Le sénateur Mercer : Avec les fonds limités que les représentants de cette organisation ont reçus, ils ont été en mesure de créer des postes de ce qu'ils appellent des agents de développement rural, qui donnent un coup de main dans certaines collectivités rurales. Ils ne font pas le travail à la place des autres, mais ils aident à la coordination des activités de tout un chacun. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. L'un des problèmes dont nous avons entendu parler, c'est qu'il y a des programmes offerts, mais qu'il est compliqué d'y participer, d'affronter la bureaucratie — et, dans certains cas, même de seulement remplir les formulaires — ce qui est trop décourageant pour les gens. Ce n'est pas seulement parce qu'ils vivent dans une région rurale du Canada; c'est décourageant pour tout le monde. Cependant, puisqu'il y a beaucoup moins de bénévoles dans les régions rurales du Canada, il faut qu'il y ait quelqu'un pour coordonner des choses comme celles-là, les organismes sociaux, pour s'assurer qu'on sait d'une part ce qui se fait d'autre part. Les agents de développement rural que j'ai rencontrés font de l'excellent travail à cet égard. Pensez-vous que cela serait utile chez vous?

Mme Logan : En Alberta, il y a des agents de développement communautaire qui font un peu la même chose. Il y a aussi des services à la famille qui essaient de coordonner certaines choses. Ces services sont souvent offerts dans les grandes villes et, trop souvent, ils ne sont pas offerts dans les petites localités.

Le sénateur Mercer : Lorsque nous nous sommes rendus à Athens, en Ontario, des gens de Centraide de Leeds- Grenville sont venus nous parler de l'excellent travail qu'ils font. A mesure que nous avons un peu creusé la question, nous avons découvert qu'ils font de l'excellent travail à Gananoque et à Brockville, mais, lorsque nous nous sommes rendus un peu loin qu'Athens et que d'autres endroits, le travail commençait à être moins efficace. J'ai l'impression que le comité va devoir trouver une manière d'habiliter les organisations qui existent déjà, comme les 4-H et d'autres organisations des milieux ruraux du Canada. À cause du manque de coordination et de l'absence d'un groupe comme Centraide, par exemple, qui existe dans les régions urbaines, ces organisations ont besoin d'aide pour tirer parti du bon travail qui est fait là-bas à l'heure actuelle.

Croyez-vous que cela serait utile? Est-ce que les agents de développement communautaire de l'Alberta sont payés par la province?

Mme Logan : Oui. Cela relève du développement communautaire. Ce que je dirais, c'est que, souvent, en milieu rural, pouvoir parler à la bonne personne est une chose importante. Ce serait vraiment fantastique s'il y avait chez nous quelque chose comme un guichet unique où obtenir des renseignements ou un endroit où nous pourrions aller. La plupart des collectivités ont encore une bibliothèque. Si nous pouvions aller à la bibliothèque, on pourrait nous indiquer là-bas le numéro de téléphone ou quoi que ce soit d'autre qui nous serait utile. Avant, c'était au chef-lieu de comté que se trouvait l'autorité sanitaire, le spécialiste régional de l'agriculture, le conseiller en économique domestique, tout le monde. Aujourd'hui, dans ma région, il faut faire un interurbain pour appeler quelque part, si nous avons à déterminer où il faut appeler. Bon nombre d'agents n'ont jamais accès à l'information, puisque celle-ci est difficile à trouver. Cela permettrait aussi au gouvernement d'entretenir de meilleurs liens avec les petites collectivités. Si nous avions un site du genre, nous pourrions trouver des réponses à nos questions.

Le sénateur Mercer : Je pense que nous sommes sur la même longueur d'ondes, madame Logan. C'est l'un des principaux problèmes. Nous avons besoin de ce guichet unique dans les milieux ruraux du Canada, qui n'existe peut- être pas dans les villes, mais là-bas, au moins, les services sont près les uns des autres, ce qui fait que les Canadiens qui vivent en milieu urbain n'ont pas besoin d'aller très loin.

Mme Logan : J'aimerais ajouter quelque chose. Cela pourrait aussi être l'entrée d'un magasin, et nous entrerions et rencontrerions une personne, un peu comme un agent d'accueil de chez Wal-Mart.

Le sénateur Mercer : Exactement.

La présidente : Madame Logan, merci beaucoup d'avoir passé du temps avec nous. Comme vous le savez, je viens de Lethbridge, alors je connais très bien notre région du pays. Les gens comme vous, qui coordonnent les activités des petites collectivités, sont absolument essentiels pour garder les gens dans les petites régions, qui, à mon avis, sont le vrai fondement du Canada rural. Je suis très heureuse que vous ayez pu être avec nous et nous parler des 4-H, parce que les 4-H existent depuis longtemps et ont formé des gens qui se sont distingués après avoir été membres d'un de vos clubs.

Je vous souhaite tout ce qu'il y a de mieux, à vous et aux gens de votre région. Je suis sûre que nous allons vous revoir.

Mme Logan : Merci. Les 4-H auront 100 ans en 2013. Nous avons l'intention d'être ici.

La présidente : Très bien. Communiquez-moi les dates, et j'y serai aussi.

Honorables sénateurs, au cours de la deuxième heure de notre réunion de ce soir, nous allons entendre les témoignages de David Chernushenko, premier leader adjoint du Parti vert du Canada, Jim McKenzie, analyste des politiques agricoles et Kylah Dobson, membre du Parti vert. Nous sommes très heureux de vous recevoir.

David Chernushenko, premier leader adjoint, Parti vert du Canada : C'est un grand plaisir d'être ici. C'est moi le représentant des gens de la ville au sein de la délégation. Je tiens cependant à dire, très brièvement, que le Parti vert du Canada s'intéresse de près à toutes les questions liées au milieu rural, surtout la question de la pauvreté en milieu rural.

Beaucoup de nos membres proviennent de circonscriptions rurales. Nous accordons beaucoup d'attention aux questions liées au déclin de certains secteurs, à ce qui est nécessaire pour rendre ces secteurs plus durables et les exploiter de façon plus durable, de façon que les emplois continuent d'exister dans les collectivités rurales. Nous allons continuer de suivre vos délibérations avec beaucoup d'intérêt, mais je ne vais pas prendre davantage de temps. Je vais passer la parole à M. McKenzie et à Mme Dobson.

Jim McKenzie, analyste des politiques agricoles et membre, Parti vert du Canada : C'est un plaisir d'être ici ce soir.

Le sujet m'intéresse personnellement, parce que je suis venu ici il y a environ 25 ans avec mon ministre de l'époque, le ministre Whelan, pour parler d'un sujet semblable. Si nous avions su à l'époque ce que nous savons aujourd'hui, je crois que nous aurions eu des choses très différentes à dire.

Je suis économiste de formation; je travaillais au sein du groupe chargé de l'élaboration des politiques au ministère de l'Agriculture à l'époque. Nous pensions que tout allait fonctionner grâce à la technologie et au marché, avec quelques adaptations — et, en fait, nous avons eu recours à des programmes d'adaptation à l'époque. Ce n'est cependant pas ce qui s'est passé.

J'ai fait parvenir un exemplaire de mon mémoire à la greffière, alors je suppose que les membres du comité l'ont devant eux. Je ne vais pas le lire, mais je vais passer à travers le plus rapidement possible pour que vous puissiez nous poser des questions.

J'aimerais rapprocher trois choses que le Parti vert du Canada a à cœur. La première, ce sont les fermes familiales, la deuxième, l'environnement, surtout les gaz à effet de serre, et la troisième, l'amélioration de notre santé. Nous pensons que si nous établissons des liens entre ces trois choses, nous pouvons les améliorer les trois à la fois. Si le sénateur Mahovlich était ici, je dirais que, dans le vocabulaire du hockey, c'est un tour du chapeau. Au base-ball, j'imagine qu'on peut parler d'un triple jeu. C'est ce que nous essayons de faire.

Nous avons parlé plus tôt de l'évolution de la technologie sur les marchés et du fait que la nature même de l'agriculture au Canada a évolué. Je ne veux pas entrer dans les détails : vous avez la documentation.

Le Parti vert du Canada semble être largement reconnu comme parti environnementaliste, mais, en vérité, nous formons un parti qui se soucie du bien-être des gens. Cela veut dire que nous devons prendre en considération les systèmes économique, social et écologique de manière à pouvoir améliorer le bien-être des Canadiens.

Ça n'a pas toujours été comme nous l'aurions voulu. Cela vaut particulièrement pour les régions rurales. La nourriture que nous tirons de la terre aujourd'hui n'est pas celle que nous tirions de la terre il y a 50 ans. La nourriture que nous mangeons aujourd'hui n'est certainement pas celle que nous mangions il y a 50 ans. Pour une bonne part, elle a franchi de longues distances avant d'arriver dans notre assiette. Elle peut provenir de nombreux endroits où les normes en matière de santé et d'environnement ne sont pas forcément ce qu'elles sont ici au Canada.

La société nord-américaine est une bête qui se tient sur deux pattes : l'énergie bon marché et la nourriture bon marché. L'énergie bon marché est un cas marqué par de graves difficultés, du fait des effets néfastes pour notre planète. La nourriture bon marché dépend de l'énergie bon marché avec produits chimiques, engrains et énergies fossiles à la clé. Les deux pattes vont ensemble : nous pouvons convertir la nourriture bon marché en énergie bon marché. Nous croyons que ça va fonctionner, mais ça ne fonctionnera pas.

L'énergie bon marché est marquée par des difficultés qui lui sont propres, car elle a un effet néfaste sur un si grand nombre de personnes au sein de la société et qu'elle fait augmenter les coûts de nos soins de santé. Nous voulons faire le lien entre ces deux choses et essayer de voir en quoi l'amélioration de la ferme familiale peut contribuer à la réalisation de nos deux priorités nationales.

J'y songeais il y a quelques mois en regardant vos délibérations à la télévision. Je me demandais : comment vais-je expliquer cela? Le ministre de l'Agriculture m'a alors fait un cadeau. C'est un texte tiré d'une série de documents de consultation. Il s'intitule Vers la nouvelle politique agricole et agroalimentaire. Partout au pays, il mène des consultations à ce sujet.

À mes yeux, cette nouvelle politique ressemble beaucoup à la précédente et à celle qui est venue avant celle-là et à l'autre d'avant encore. C'est que j'ai déjà eu pour métier de rédiger ces politiques. Je me souviens donc très bien de quoi il s'agit.

La présidente : J'étais là à l'époque aussi, monsieur McKenzie.

M. McKenzie : Je vais en lire un passage. Voici les grandes lignes. Le ministre de l'Agriculture dit que les responsables proposeront un ensemble de politiques qui servent à appuyer « [...] un secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire profitable, axé sur un marché innovateur et efficace — et permettront au secteur de saisir les occasions dans la chaîne de valeur ».

Il y a ce petit bout de phrase qui s'est glissé là au cours des dix dernières années; ce n'est pas une expression que nous utilisions il y a 25 ans. La suite va comme suit : « [...] et de renforcer la position du Canada sur le marché international [...] »

Il y a une quinzaine d'années, j'étais en Afrique. Nous tentions de convertir une politique agricole très socialiste en politique capitaliste. C'est le genre d'idée que je mettais par écrit à l'intention des membres du Cabinet à cette époque- là. Cependant, ce n'est pas le problème que nous vivons aujourd'hui. L'obsession des résultats économiques est à l'origine de certains des problèmes qui touchent notre système agricole et alimentaire et la société aujourd'hui.

Par exemple, le secteur agroalimentaire est à l'origine d'environ 20 p. 100 de nos émissions totales de gaz à effet de serre, même si nous passons le système en entier. La part des maladies d'origine alimentaire reste à déterminer, mais celles-ci sont néanmoins à l'origine d'une proportion importante des 140 milliards de dollars que nous consacrons aux soins de santé tous les ans.

Chez les verts, étant donné que le parti est centré sur l'être humain, nous sommes d'avis qu'il faudrait privilégier les groupes qui nous paraissent importants dans le système. Ce sont les producteurs, les agriculteurs des régions rurales, les consommateurs de la nourriture et les contribuables — parce que la note des soins de santé qu'ils assument est si grande. Comme votre comité l'a déjà découvert, au cours des 15 dernières années, nous avons versé environ 30 milliards de dollars, je crois, sous forme de paiements directs aux agriculteurs.

Nous avons parcouru le document et déterminé ce que dit le ministre. Nous voulons insister sur le souci de l'être humain et non pas l'accroissement du PIB, non pas l'accroissement de l'activité économique, mais le souci de la qualité au profit des gens.

Trois grands thèmes revenaient : l'accroissement de la consommation d'aliments cultivés localement, d'aliments naturels provenant des régions rurales; l'adoption d'un mode de vie sain pour tous les Canadiens; et l'établissement dans les régions rurales du Canada d'une société qui fonctionne à l'énergie renouvelable.

Nous avons aussi remarqué que le ministre ne nous invite nullement à repenser certaines des pratiques que nous avons eues par le passé. Nous avons relevé sept questions. Parmi elles, citons l'agriculture industrielle, les aliments transgéniques et l'habilitation des agriculteurs sur le marché. Nous avons lu le rapport du député Wayne Easter et déterminé que nous sommes d'accord avec la majeure partie de ce qui s'y trouve, mais, à notre avis, cela demeure nettement insuffisant quand il s'agit de donner plus d'influence aux agriculteurs sur le marché.

Près de chez moi, il y a un supermarché qui s'appelle Farm Boy, mais le garçon de ferme en question n'a pas de ferme. Il vend des produits de Cavendish Farms, mais ne cherchez pas de ferme là non plus. Le système alimentaire a récupéré le nom. Nous devons trouver des façons de régler ce problème et de donner aux fermiers une influence nettement plus grande sur le marché, pour qu'ils puissent obtenir un rendement conséquent.

De même, nous devons aborder le principe de précaution dans les lois agroalimentaires. En ce moment, ça se trouve dans huit lois fédérales distinctes; une seule d'entre elles touche le secteur agroalimentaire. Nous n'avons pas de politique alimentaire nationale. Or, il nous en faudrait une, surtout depuis que nous constatons que bon nombre des soins de santé que nous payons sont liés à l'alimentation.

Nous n'avons pas de stratégie nationale pour ce qui touche l'agriculture biologique. Nous disons : l'agriculture biologique, c'est très bien; les agriculteurs peuvent bien s'engager dans cette voie. Cependant, nous n'avons pas de stratégie nationale pour aider les agriculteurs à se sevrer des produits chimiques agricoles et des combustibles fossiles, pour qu'ils puissent adopter les procédés biologiques en plus grand nombre. De même, il nous faut repenser tout le secteur de la promotion et de la publicité alimentaires.

Nous savons déjà que nous mangeons trop. J'en suis un parfait exemple. Je me rends au supermarché où il y a une affiche qui dit : « Qu'est-ce qui serait meilleur qu'une pizza? Deux pizzas. » C'est le message qui est donné aux consommateurs. Où est le message de l'agriculteur, soit que nous avons à proposer des aliments sains, qui sont bons pour la santé?

J'ai passé en revue les six programmes que le ministre évoque dans le document : la gestion des risques de l'entreprise; l'innovation et la science; l'environnement; la salubrité et la qualité des aliments; le développement des marchés et le commerce; et le renouveau. Pour ce qui est du renouveau, nous parlions auparavant d'ajustement; c'est devenu très confus. Selon nous, si nous réfléchissons autrement au secteur, c'est-à-dire si nous adoptons une autre perspective, nous prendrons les six programmes en question, mais en leur apportant des modifications importantes. De même, nous en ajouterons un qui est passé sous silence, soit l'adaptation au réchauffement planétaire. Voilà un phénomène qui aura une incidence sur tous les agriculteurs du Canada. Il y aura une incidence sur ce que les agriculteurs produisent, sur leur manière de le produire et sur la manière de mettre en marché les produits. La politique fédérale doit comporter un volet majeur qui vise à aider l'industrie à s'adapter au réchauffement de la planète.

Nous disons : tout ça est très bien, vous pouvez bien porter les changements voulus, mais, à ce moment-là, qu'advient-il dans tel ou tel coin de la campagne? Nous sommes tombés sur un exemple dont je suis proche — c'est dans un secteur où le père de Mme Dobson travaille la terre, tout comme son oncle et mon fils. Il s'agit de Renfrew County. Il reste environ 150 agriculteurs à temps plein à Renfrew County. Une centaine environ sont producteurs laitiers. Nous savons tous ce qu'il arrivera à ces producteurs laitiers si la gestion de l'offre est modifiée. Cependant, la technologie qui a fait évoluer Renfrew County au cours des 20 dernières années avance encore. Par exemple, il n'était guère possible de trouver un tracteur de 500 chevaux-vapeur à Renfrew County jadis. Dans cinq ou dix ans, il y en aura parce qu'il s'en trouve sur le marché. Les fermes laitières vont changer, à moins que nous ne changions notre façon de concevoir la politique agricole.

Nous sommes allés à Renfrew County et nous avons réuni une bonne somme d'information. Cela se trouve dans l'annexe de notre rapport. Nous avons parlé aux gens là-bas et nous leur avons demandé quel serait l'effet sur eux si nous changions nos orientations dans le domaine agricole. Ils ont répondu que c'est ce qu'ils disent aux gens depuis longtemps. C'est ce qu'ils veulent. Ils veulent placer leurs produits locaux sur les tablettes du supermarché local.

Par exemple, comme il y a beaucoup de bœuf qui est produit à Renfrew County, les gens là ont fait un effort pour collaborer avec un des supermarchés il y a un ou deux ans. Ça a presque réussi. Ce ne serait pas plus coûteux, mais il faudrait un peu plus d'efforts et un peu plus d'organisation. Puis, progressivement, on intègre d'autres denrées.

Il est dommage que, maintenant, le système alimentaire qui approvisionne les régions rurales est exactement le même qui approvisionne nos villes. Il y a bien 100 000 personnes à Renfrew County, mais très peu d'entre elles consomment des aliments locaux. Les seuls dont j'ai connaissance, c'est une poignée de fermiers mennonites, qui cultivent leurs propres aliments et mangent cela toute l'année durant. Ils ne pratiquent pas l'agriculture biologique, même s'ils aimeraient le faire, car ils n'ont pas la technologie voulue pour le faire.

Si vous regardez ce que nous disons, vous voyez que ce sont les choses que les agriculteurs de Renfrew County veulent faire. Le programme du plan environnemental des fermes a été établi il y a quelques années. Bon nombre d'agriculteurs à Renfrew County ont préparé leur plan, mais sans avoir les fonds nécessaires pour le mettre à exécution.

Vous avez probablement entendu parler du programme de mise en valeur des terres agricoles — baptisé Alternative Land Use Services, ou ALUS — conçu par la société Keystone Agricultural Producers, au Manitoba. Je crois que cela fonctionnerait très bien dans un endroit comme Renfrew County. Le père de Mme Dobson a mis la main à ce projet. Il n'est pas ici ce soir : il devait siéger au conseil de gestion agroenvironnemental. Il est très actif dans le mouvement environnemental depuis un certain temps déjà, et cela représente son point de vue à lui aussi.

On peut commencer par s'organiser pour qu'il y ait de plus en plus d'aliments locaux dans les supermarchés de Renfrew County. Cela ne se fera pas du jour au lendemain; ce qui nous a mis dans cette situation-là n'est pas arrivé du jour au lendemain non plus. Il a fallu plus de 50 ans; nous n'allons donc pas changer en deux temps trois mouvements.

Dans le dossier d'énergie, nous constatons qu'il y a de nombreuses occasions à saisir, tout comme les gens de Renfrew County. Nous voyons l'occasion de produire plus d'énergie pour remplacer ce qui s'utilise actuellement dans les fermes et peut-être en exporter vers les villes. Il peut s'agir d'énergie éolienne et d'énergie solaire, par exemple. Un agriculteur voisin de mon fils a installé un méthaniseur à sa ferme laitière. La plupart du temps, ça se fait dans un seul sens — le réseau est alimenté —, mais, parfois, il lui faudra en tirer de l'énergie.

Voilà en bref ce qui se trouve dans la documentation.

Kylah Dobson : Je suis heureuse d'être ici, surtout en compagnie de MM. McKenzie et Chernushenko.

Une précision : je suis ici en compagnie des représentants du Parti vert du Canada, mais je ne suis pas personnellement affiliée au parti. Je suis là pour appuyer nombre de leurs initiatives, mais je ne représente pour ainsi dire que le milieu rural du Canada. J'ai grandi dans une petite ferme rurale à Renfrew County. Je serai heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Mercer : Bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir. J'ai toutes sortes de questions à poser, dont certaines portent sur votre exposé, et d'autres, sur des questions qui intéressent autrement le Parti vert du Canada. J'aimerais poser aussi des questions générales sur les fermes et sur l'environnement.

Je crois savoir que le Parti vert du Canada appuie un développement rapide des biocarburants, et particulièrement l'éthanol, par la promotion dans les Prairies d'entreprises commerciales de production à base de panic dressé. Je suis d'accord. Certains ont toutefois dit s'inquiéter que le Canada accuse un retard sur les États-Unis et le Brésil pour ce qui est du développement des industries des biocarburants, et je suis d'accord avec cette analyse. Comment veiller à ce que les possibilités de croissance du secteur des biocarburants soient directement utiles à nos agriculteurs et à nos collectivités rurales, et non pas seulement aux sociétés pétrolières qui peuvent être les propriétaires des usines de production de biocarburant?

M. Chernushenko : Voilà une question qui est certainement valable. Dès que le grand public, les médias et les politiciens ont découvert les biocarburants, dès que ceux-ci sont devenus à la mode, tout le monde a voulu accrocher son wagon au train. Nous admettons que les biocarburants présentent beaucoup d'avantages, mais les inconvénients nous paraissent tout aussi grands : il faut s'assurer qu'il y a un gain énergétique net, que ce qu'il faut en combustibles fossiles pour cultiver, transformer et mettre en marché n'est pas égal ou légèrement inférieur à ce que cela donne en production de biocarburants au bout du compte. Il faut regarder aussi ce qu'il advient des terres agricoles. Est-ce que nous prenons des terres qui n'auraient pas été soumises à ce stress autrement et grevons-nous les sols en ajoutant des produits chimiques pour nous empresser de mettre des biocarburants sur le marché? Puis, il y a la question très importante que vous soulevez, à savoir : est-ce que l'agriculteur local va en profiter ou est-ce que ce sera encore un cas où, dès qu'arrivent les investisseurs — des gens qui ne manquent pas de fonds — et qu'ils reniflent l'occasion, raflent la mise. Nous en avons déjà vu de nombreux exemples aux États-Unis. Il y a quelques exceptions où les agriculteurs ont fait cause commune et ont construit ensemble des usines, pour garder l'argent au sein de la collectivité, mais il y a eu toutes sortes d'investisseurs de Wall Street qui ne font ni une ni deux et s'emparent des profits.

En ce moment, je ne saurais dire que nous avons une solution miracle à proposer, mais c'est certainement un problème auquel il faudra vraiment prêter attention. Nous devons tirer des leçons utiles de ce qui est déjà arrivé à notre système alimentaire et voir si nous pouvons aider les agriculteurs à trouver les fonds nécessaires à la construction de certains éléments de l'infrastructure et certains éléments des immobilisations nécessaires à la mise en marché, pour qu'ils puissent conserver une plus grande part d'influence et, par conséquent, toucher de plus grands bénéfices au bout du compte. Nous devons faire attention à ce que le dossier des biocarburants ne soit pas un feu de paille, après quoi on verrait que ce n'est pas le remède miracle à tous les maux que posent les gaz à effet de serre, que ça s'effondre aussi rapidement que ça s'est emballé, si bien que certaines personnes s'en trouvent à être très vulnérables au bout du compte. Toutes ces questions, nous allons vouloir nous y attacher.

Le sénateur Mercer : Certaines personnes ont fait valoir que les émissions de gaz à effet de serre liées à l'éthanol sont près d'être aussi élevées que celles qui sont liées aux combustibles que nous utilisons déjà en ce moment. J'imagine que l'avantage réside dans le fait que ce soit une énergie renouvelable. Au comité, nous avons vu les yeux écarquillés des agriculteurs qui en parlent, il semble que ce soit un filon extraordinaire pour une industrie qui est à court de fonds. Les gens sont dans le pétrin.

Les biocarburants tirés de la conversion de panic dressé ont l'avantage d'exiger moins d'engrais, d'insecticides et d'énergie, ce que nous sommes tous heureux de constater. De même, le panic dressé peut être cultivé sur des terres marginales. Le panic dressé est ici notre centre d'intérêt, mais êtes-vous en faveur d'autres formes de production de biodiesel au moyen du maïs, du blé ou du soja, par exemple?

M. Chernushenko : Oui, mais avec réserve. Nous constatons maintenant plusieurs problèmes en rapport avec plusieurs des récoltes que vous avez nommées. Il y a des problèmes entourant l'introduction d'un stock génétiquement modifié et l'accroissement de son utilisation. En particulier, ce sont des cultures qui exigent énormément de ressources, par exemple en eau et en autres produits chimiques, dans le cas de la culture du maïs.

Il y a d'autres sources, en dehors des céréales ou des récoltes dont vous avez parlé, par exemple les produits de l'équarrissage. J'ai visité récemment une usine près de Montréal, sur la rive-sud, où une entreprise fait en sorte qu'une bonne part des sous-produits autrement inutiles des usines de transformation de la viande est transformée en biocarburants. Nous comptons peut-être des végétariens parmi les membres du parti, mais, selon moi, si nous mangeons toujours de la viande en tant que société, je dis : utilisons toute la viande et faisons en sorte qu'il y ait le moins de déchets possible qui se retrouvent dans les décharges ou qu'il faut éliminer autrement. Le biocarburant peut être produit à partir de nombreuses sources.

Le sénateur Mercer : Le comité a souvent entendu dire que, du fait de la crise de l'ESB — la maladie de la vache folle —, il y a des éléments qui entraient dans le système, mais qui ne peuvent plus y entrer. Nous pouvons recourir à la filière du biocarburant et sommes peut-être sur le point de régler certains des problèmes en question.

Le Parti vert du Canada est-il d'accord pour accroître le niveau de soutien accordé aux agriculteurs, pour protéger et soutenir les régions rurales du Canada? En particulier, je parle des grandes subventions que l'Union européenne et les États-Unis accordent à leurs agriculteurs à eux. Le Parti vert est-il d'accord avec l'idée que nous fassions de même, avec ce procédé?

M. Chernushenko : Comme dans bon nombre de dossiers, notre préférence c'est de nous assurer, lorsqu'il y a un problème, de remonter à la racine même du mal plutôt que d'appliquer continuellement des pansements. Il y a certes des fois où il faut agir ainsi, mais, globalement, notre approche consiste à trouver, que ce soit dans les accords de commerce ou ailleurs, les lacunes du système qui nous ont forcés, progressivement, au fil des ans, à en arriver au point où l'agriculture n'est pratiquement plus rentable. Pour que les gens continuent simplement de travailler la terre, pour qu'ils continuent de produire, nous devons maintenant leur verser périodiquement de grandes subventions. Nous aimerions mieux voir une approche mondiale, une approche internationale, qui consiste à faire baisser les subventions dans les autres pays, d'après un système auquel nous pouvons tous adhérer. Tout de même, cela ne fait aucun doute : si ça ne se fait pas, il va falloir continuer à aider les agriculteurs canadiens, y compris en leur versant des subventions au besoin.

Le sénateur Mercer : C'est là que le Parti vert a eu des succès sur le plan électoral : dans divers pays membres de l'Union européenne. J'espère que vous allez pouvoir utiliser votre réseau et recourir à vos collègues du Parti vert au sein de l'Union européenne, pour qu'ils commencent à sevrer les agriculteurs là-bas de leur dépendance aux subventions.

Nous allons boucher les trous de cette façon pendant longtemps, car l'Union européenne ne s'engagera pas dans cette voie et, certes, nos amis américains ne s'y engageront pas non plus. Ils vont appeler cela autrement, pas une subvention, mais ce sera quand même une subvention. Vous allez peut-être pouvoir vous rendre utile en vous adressant à nos collègues de l'Union européenne.

M. Chernushenko : Nous allons faire de notre mieux.

Le sénateur Oliver : Vous avez ratissé très large : votre exposé a comporté de nombreux aspects différents. Tout de même, quelques-uns d'entre eux rappellent un rapport antérieur de notre Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts en rapport avec ce que nous appelons les produits à valeur ajoutée. Le comité a essayé de voir ce que l'on pourrait faire pour qu'il y ait plus de valeur ajoutée à la ferme elle-même, avant que le produit ne soit chargé dans le camion, pour se retrouver enfin chez Loblaw ou je ne sais où encore, là où les bénéfices se matérialisent. Bon nombre des initiatives dont vous avez parlé aujourd'hui, par exemple le programme en six points de développement des marchés du commerce et ainsi de suite, englobent une bonne part de ce que nous avons dit dans ce rapport. Il est rafraîchissant de vous entendre nous rappeler certaines des choses que nous avions dites.

Vous avez aussi dit qu'il nous faut une stratégie nationale touchant les aliments biologiques dans le cadre de notre politique agricole. Voilà une autre question à propos de laquelle notre comité a écrit, sous la direction du sénateur Fairbairn, dans plusieurs rapports d'importance. Nous vous invitons bien à renforcer certaines des conclusions que nous avons déjà tirées.

Au début de votre rapport, vous dites que vous avez lu le rapport, que vous savez quelle est notre définition de la pauvreté en milieu rural et que vous connaissez les problèmes auxquels font face les gens dans les régions rurales en question. Comme le Parti vert est conscient des problèmes urgents que pose la pauvreté en milieu rural au Canada, quelles seraient des façons, du point de vue des orientations gouvernementales, de régler la question selon vous?

M. McKenzie : Posez-vous la question au sujet de nos politiques générales en matière de pauvreté?

Le sénateur Oliver : Au début de votre mémoire, vous dites que la pauvreté en milieu rural peut être vue de deux façons : une situation à laquelle font face les gens en région rurale et un état de disparité entre les régions rurales et les régions urbaines du Canada. Vous dites que, d'après le rapport provisoire du Sénat, c'est notre affaire dans les deux cas et que c'est aussi l'affaire du Parti vert.

M. Chernushenko : Il est très important de reconnaître que nombre des services offerts aux résidents des villes sont moins disponibles dans les régions rurales. Même si de tels programmes et services existent, la distance est telle qu'ils deviennent moins accessibles. Il y a la dimension du temps de déplacement et, dans le cas des gens qui sont pauvres, il est peu probable qu'ils disposent d'une voiture pour se déplacer en vue de profiter des services en question.

Le sénateur Oliver : À moins qu'il y ait une infrastructure qui comprenne par exemple un bon réseau de transport — un circuit de transport par minibus, par exemple.

M. Chernushenko : C'est devenu un trait caractéristique tragique d'une bonne part des campagnes au Canada. D'abord, nous avons perdu les trains, puis nous avons commencé à perdre le service d'autobus. Tous les ordres de gouvernements, sauf les administrations locales dans les collectivités en question, croient que les gens ont une voiture et l'argent nécessaire pour l'utiliser. Ce n'est simplement pas le cas de tous. Qu'il soit présumé que chaque personne en campagne dispose d'une voiture personnelle défavorise grandement les pauvres en milieu rural.

M. McKenzie : J'ai souligné au début de notre rapport que, dans la mesure où nous relevons le niveau de bien-être global des gens en milieu rural, nous constatons que la société rurale manifestera une grande volonté de régler elle- même certains de ses problèmes. Cependant, le problème, c'est qu'elle n'a pas les moyens de le faire. Je regrette le fait que nous ne passions pas plus de temps à étudier les questions qui vous préoccupent. Je voulais davantage, de mon point de vue, parler des erreurs que nous commettons et du chemin que nous avons pris dans le domaine agricole.

Si nous pouvons aider nos agriculteurs à réaliser nos deux priorités nationales que constituent l'environnement et la santé, nous aurons des fonds à investir dans les régions rurales, que ce soit pour la production d'énergie éolienne, d'énergie solaire ou de méthane en tant que carburant. Nous permettrons aux agriculteurs de devenir plus autonomes au sens où ils n'auront plus à se fier aux subventions. Nous sommes drogués de subventions en ce moment en agriculture.

Le sénateur Oliver : En toute équité, ils le sont aussi aux États-Unis et au sein de l'Union européenne. Les subventions agricoles expliquent en partie pourquoi les négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, le GATT, n'ont pas abouti.

M. McKenzie : Oui.

M. Chernushenko : C'est un thème qui revient en rapport avec nombre des questions qui nous intéressent. Il devient difficile maintenant pour un pays quelconque de faire cavalier seul, car nos propres citoyens, nos propres entreprises — dans la mesure où nous en avons encore qui appartiennent à des Canadiens — pousseront les hauts cris, et cela n'a rien d'étonnant : « Vous essayez de changer les choses ici au Canada, mais nous affrontons maintenant la concurrence sur un marché mondial, et vous créez pour nous un désavantage commercial. »

Il faut revoir nos accords internationaux. Là résident les seules chances de succès dignes de ce nom, car la seule façon dont les États-Unis, le Japon, la Corée ou plusieurs autres pays accepteraient de telles choses, c'est si tout le monde reconnaît que nous sommes dans le même bateau.

M. McKenzie : À titre d'exemple, dans le journal de samedi, il y avait un article sur la maladie dite de la disparition qui décime les colonies d'abeilles domestiques aux États-Unis. Si cela se poursuit, ça aura un effet sur le prix des aliments dans tout notre système canadien de supermarché. Les liens réciproques sont si nombreux sur le plan international qu'il nous faut reconnaître que nous nous trouvons tous dans le même bateau, de la même façon que nous avons reconnu, à l'époque où le Protocole de Kyoto a été mis en place, que nous devons tous affronter ensemble le problème des gaz à effet de serre. Il y a de nombreux autres problèmes que nous devons affronter ensemble, par ailleurs.

Le sénateur Oliver : Vous avez parlé de l'influence de la technologie sur l'activité agricole. Cela fait disparaître la petite ferme familiale que nous aimions tous dans le bon vieux temps. On a acheté les fermes familiales et, maintenant, on se retrouve avec d'énormes entreprises agricoles. Je n'ai pas tout à fait saisi votre conclusion. Vous dites que nous n'avons plus de fermes de 150 ou 200 acres. Plutôt, il y en a bon nombre qui font 1 000 à 15 000 acres.

Qu'est-ce qui est arrivé à l'agriculture dans les campagnes du Canada avec cette transformation-là?

M. McKenzie : Votre comité a déjà bien rendu compte de ce qui se passe en milieu rural au Canada. Le nombre d'agriculteurs à temps plein a diminué considérablement. Les agriculteurs à temps partiel sont légion. La question vise à savoir vers quoi nous nous dirigeons et comment nous pouvons changer de direction. La technologie a balayé le système entier et ce n'est pas fini. Vous ne trouverez pas de tracteur 500 chevaux à Renfrew County aujourd'hui, mais, dans dix ans, il y en aura et, plutôt que la ferme de 400 acres, vous trouverez une exploitation agricole beaucoup plus grande.

Si nous voulons arrêter ce mouvement, il faut une raison. Nous voulons faire en sorte que notre système agricole et alimentaire soit viable à long terme. Nous souhaitons accroître le pouvoir qui se trouve entre les mains des agriculteurs sur le marché en ce qui concerne les intrants et les produits, et leur donner un choix d'intrants, pour qu'ils ne soient pas obligés d'utiliser des combustibles fossiles et des produits chimiques et ainsi de suite.

La meilleure façon de mettre plus de pouvoir entre les mains des gens, c'est de leur donner une option. Donnez-leur plus d'options du point de vue du marketing. Nous devons cesser d'envisager la politique agricole comme nous le faisons depuis 30 ou 40 ans. Nous devons l'envisager en songeant à ce que nous voulons faire pour les gens. Nous devons passer en revue les programmes de sciences et d'innovation et les réorienter. Nous devons passer en revue les programmes de gestion des risques de l'entreprise et les modifier

Il faudra peut-être des décennies pour changer les orientations, mais le jeu en vaudra la chandelle au bout du compte, puisque nous aurons un système viable.

Le sénateur Callbeck : Monsieur McKenzie, vous avez énoncé sept questions qu'il faut réenvisager. Une d'entre elles consiste à habiliter les agriculteurs. Vous dites que vous êtes d'accord avec la majeure partie du rapport Easter, mais qu'il est trop timide. J'aimerais entendre vos précisions là-dessus.

M. McKenzie : Pour donner un exemple, il y a quelques années, nous avons commencé à classer les produits agricoles par grade. Nous classons ainsi les œufs, les têtes de bétail, les porcs et ainsi de suite. Nous ne donnons pas de grade aux hamburgers. Le hamburger est beaucoup plus proche du consommateur que le bœuf vendu par l'agriculteur. Je vous dis : prenons un peu de recul et essayons de voir autrement le système.

Les entreprises de transformation des aliments et les chaînes de restauration rapide ont beaucoup d'influence sur le marché. L'agriculteur en a très peu. Exemple d'un succès plus ou moins intéressant : les œufs omega-3. Nous arrivons au supermarché et nous constatons qu'il y a des producteurs d'œufs qui vendent des œufs omega-3. Par contre, dans l'industrie du bœuf, en ce moment, on vend différentes marques de bœuf. Northridge Farms est une marque. Northridge Farms, ce n'est pas une ferme. C'est une marque de commerce qui appartient à une grande entreprise, propriétaire de bien des choses.

Si nous souhaitons accroître l'influence de l'agriculteur sur le marché, il nous faut rétablir une partie du pouvoir qui existait il y a des années, ce qui veut probablement dire que nous devons l'enlever des mains des autres.

Le sénateur Callbeck : Comment proposez-vous que nous le fassions? Vous dites que le rapport Easter est trop timide, qu'il ne remet pas suffisamment de pouvoir entre les mains des agriculteurs, pour que ceux-ci puissent vendre leurs produits à meilleur prix et assumer les coûts d'intrant et toucher un bénéfice en plus.

M. McKenzie : Il est toujours difficile de répondre à une question comme celle-là. C'est le genre de question que mon fils me pose : « Comment vas-tu faire ça, papa? » J'ai fait le travail en partie. Il faut un effort de coopération.

Il y a le Cadre stratégique pour l'agriculture, qui est fédéral-provincial; il y a les intrants des organisations agricoles. J'ai assisté à une des réunions où les agriculteurs en ont parlé. Ils ont exprimé certaines des préoccupations que j'exprime ici. On ne peut donner à quelqu'un du pouvoir sur le marché agricole et alimentaire sans l'enlever à quelqu'un d'autre. Certaines des recommandations du rapport Easter couvrent une partie du terrain à cet égard.

Lorsque nous aurons vu ce que nous fait notre système alimentaire, nous dirons peut-être que ce serait une bonne idée d'enlever une bonne partie du pouvoir sur le marché à certaines de ces sociétés, pour le remettre aux agriculteurs.

M. Chernushenko : Je prendrais pour exemple l'honnêteté en matière d'étiquetage, de publicité, de description du produit. Au Canada, nous sommes nettement moins forts à ce chapitre qu'en Allemagne, par exemple, où le consommateur a le droit de savoir ce qui se trouve dans tout produit, qu'il s'agisse de l'aliment qu'il achète ou du matelas sur lequel il se couchera. Du point de vue de la dissimulation de certains faits par l'entreprise, nous accusons un grand retard. Au bout du compte, ce ne sont pas tous les consommateurs qui vont faire l'effort pour dénicher le produit ayant une source relativement plus verte — le bœuf biologique, enfin, quel que soit le produit qu'il recherche. D'autres le feront; et le mouvement qui fait que les gens posent des questions et qu'ils recherchent ce genre de chose ne lèvera qu'au moment où ils auront les outils voulus pour le faire.

À titre d'exemple — j'essaie de me rappeler le produit particulier dont il s'agit —, nous ne pouvons inscrire sur une étiquette que le produit ne renferme pas d'organismes génétiquement modifiés, car, cela laisserait entendre que tous les autres en renferment. Comment est-ce possible que nous ayons atteint cet état de choses, alors que nous permettons à tous ceux qui proposent des produits moins écologiquement viables, suivant notre définition de la chose, d'avoir une influence plus grande que ceux qui respectent davantage l'environnement?

À titre d'exemple, on peut citer la publicité de Northridge Farms. C'est peut-être une forme de création. On peut faire valoir : est-ce que c'est une publicité honnête, que l'on prétende que c'est une ferme? De toute évidence, nos gourous du marketing comprennent l'utilité de donner l'impression aux consommateurs — avec l'image à l'avenant — que le produit provient directement de la ferme de M. Décary. Néanmoins, même si c'est faux, le pouvoir d'agir ainsi donne à une grande entreprise un grand avantage sur le petit exploitant qui ne fait pas cela. C'est peut-être là un point de départ à une réflexion.

Le sénateur Callbeck : Du point de vue des transports, monsieur Chernushenko, vous avez parlé des gens qui vivent en campagne au Canada et qui sont nettement défavorisés parce qu'ils doivent utiliser leur voiture. Dans la plupart des endroits, la population n'est pas suffisante pour qu'il y ait du transport en commun, de sorte que les gens doivent utiliser leur voiture pour aller obtenir des services médicaux, aller acheter l'épicerie ou je ne sais quoi encore.

Je crois savoir que le Parti vert est en faveur d'une modification du fardeau fiscal, de l'idée d'appliquer une lourde taxe aux combustibles fossiles et de baisser l'impôt sur le revenu. Est-ce que cela n'aurait pas pour effet de nuire de façon disproportionnée aux régions rurales?

M. Chernushenko : Oui, si ce n'était que de ça. Vous avez raison de souligner que c'est là un élément fondamental de notre plate-forme, mais l'élément qu'on oublie souvent, c'est que des recettes importantes tirées de l'accroissement des taxes en question seraient investies dans les services qui font défaut en ce moment. Comment allons-nous pouvoir relever les recettes si nous majorons les taxes sur l'utilisation des combustibles fossiles? Nous pouvons alors cibler les recettes supplémentaires en fonction de lacunes précises qui touchent actuellement le système. Parmi les lacunes en question, dont nous parlons tous ici à Ottawa, mentionnons l'absence d'un moyen de transport rapide et léger, mais le besoin le plus grand est celui de la collectivité rurale. Il faut plus d'argent à investir dans de meilleurs réseaux de transport au sein des collectivités rurales. Pour étoffer l'image, disons que, dans le plus grand nombre de cas possible où des Canadiens à faible revenu sont défavorisés du fait de devoir acquitter une taxe sur la consommation des ressources, nous devons nous assurer d'avoir en place un mécanisme de compensation dans les secteurs où l'effet le plus dur se fera sentir.

Plutôt que de taxer le combustible de chauffage, nous allons dire aux gens : voici un remboursement si votre revenu est en deçà d'un certain seuil. Vous pouvez l'investir pour améliorer l'efficacité énergétique de votre maison, pour payer en partie une meilleure chaudière, de meilleures portes ou de meilleures fenêtres. De fait, si les maisons des gens sont poreuses au départ ou que leurs opérations agricoles sont telles que l'efficacité énergétique n'y a pas été maximisée, plutôt que de les taxer et de leur remettre immédiatement l'argent sous forme de remboursement, pour qu'ils continuent de gaspiller, nous devrions leur dire que nous allons les aider à utiliser plus efficacement les combustibles fossiles avec l'argent que nous avons amassé. Au bout du compte, il n'y aura pas de désavantage particulier et, de fait, ce serait plus avantageux pour les Canadiens à faible revenu.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous déterminé comment vous dépenseriez les sommes d'argent supplémentaires ou est- ce seulement un énoncé général?

M. Chernushenko : En tant que parti, nous en sommes au milieu du parcours — entre les petites idées que de nombreux économistes appuieraient et le budget en tant que tel. Nous sommes en train de soumettre notre prochaine plate-forme électorale à un exercice assez approfondi d'établissement des coûts. C'est la plate-forme électorale que nous n'avons pas encore annoncée. Nous savons, en tant que parti, que nous en sommes au point où les gens s'attendent maintenant à autre chose que simplement de belles idées. C'était bien jusqu'à un certain point, mais maintenant les gens s'attendent à voir des chiffres, et nous avons l'intention de leur en présenter.

Le sénateur Dawson : En parlant d'élections, nous avons une image du Parti vert qui évoque l'urbanité plutôt que la ruralité. Tout le monde en Nouvelle-Écosse sait que votre leader se présente dans une circonscription rurale de la Nouvelle-Écosse. Le chroniqueur du Globe and Mail John Ibbitson a écrit que, selon le recensement de 2006, le Canada rural a « tellement peu d'importance sur le plan démographique qu'il relève de plus en plus du mythe ».

L'influence politique du Canada rural est affaiblie du fait de la démographie. Comment renverser la tendance dans la mesure où la politique se fait essentiellement dans les villes?

Vous avez parlé de gains énergétiques nets et de combustibles fossiles. Si nous encourageons les agriculteurs à délaisser le comestible au profit du combustible et que, au bout de quelques années, après un certain succès, le prix des combustibles baisse et que l'apport de l'agriculture n'est plus nécessaire, ils n'auront plus de marché où vendre leurs aliments s'ils se remettent à produire des aliments. Que faites-vous de ce dilemme si vous les encouragez à quitter le secteur alimentaire?

Madame Dobson, vous dites que vous avez été élevée dans une petite ferme rurale. Pouvez-vous définir ce que représente une petite ferme rurale près d'un grand marché comme Ottawa, par rapport à une petite ferme rurale dans la campagne saskatchewanaise, loin de tout marché régional?

Sans indiscrétion, qu'est-ce qu'une petite ferme rurale? Quel est le nombre d'acres et quel est le budget annuel — sans donner trop de détails —, pour comparer entre votre ferme et une ferme rurale qui se trouverait en Saskatchewan ou en Alberta?

Mme Dobson : J'ai grandi à une ferme qui faisait environ 250 acres. À Renfrew County, c'est considéré comme petit ou moyen, mais, par rapport à une ferme de la Saskatchewan, ce serait considéré comme très petit, je crois; là-bas, bon nombre de fermes comptent des milliers d'acres pour la culture du blé et ainsi de suite.

Pour être franche, je n'ai aucune idée de ce que peut représenter notre budget annuel. Je ne touche pas beaucoup aux finances. C'est le plus petit possible. Comme vous le savez peut-être, le revenu annuel moyen des agriculteurs est de moins quelque chose. C'est inférieur aux chiffres de la dépression, ce qui est tout à fait alarmant — et le fait que ça ne fasse pas les manchettes m'alarme moi.

Le sénateur Dawson : Quel avantage vous procure le fait d'être située près d'un grand marché comme celui d'Ottawa?

Mme Dobson : Pour nous, c'est très avantageux : ces dernières années, nous sommes passés de 200 têtes de bétail à une cinquantaine. Nous vendons notre produit directement; nous ne comptons pas sur des marchés externes. Nous vendons notre produit dans des marchés en plein air, à des restaurants, ou encore directement à la ferme. Nous sommes avantagés; nous avons le marché. Il y a Ottawa et il y a les gens qui se soucient de la provenance des aliments qu'ils consomment.

Je peux imaginer que les gens qui vivent dans un secteur très isolé en Saskatchewan sont désavantagés. Ils ne produisent que pour un marché externe par ailleurs volatile, peu fiable, un marché où les producteurs de céréales ne font pas d'argent.

Je peux seulement dire que la politique agricole doit appuyer les coopératives d'agriculteurs, pour que ces derniers puissent faire cause commune et vendre leurs produits dans des marchés où les gens souhaitent des méthodes de production différentes. Ils ont besoin de l'appui du gouvernement. Je ne suis pas d'avis, personnellement, que les subventions représentent la solution aux problèmes. Souvent, les subventions finissent dans les mains de ceux qui n'en ont pas vraiment besoin. Elles se retrouvent entre les mains des grandes entreprises agricoles, des parcs d'engraissement, des gens qui ont déjà de l'argent.

M. McKenzie : L'idée de délaisser le comestible au profit du combustible me paraît une idée fascinante. C'est que, pendant des décennies, les États-Unis ont servi de réserve alimentaire mondiale. J'étais en Zambie en 1989. Pendant toute l'année, nous avons nourri un pays entier avec du maïs américain. La récolte locale de maïs avait été un échec.

Maintenant, cette réserve a été retirée essentiellement des marchés mondiaux. C'est peut-être là une des plus grandes erreurs de la politique étrangère que les États-Unis aient jamais commise, et nous, nous leur emboîtons le pas.

Nous entamons un siècle où l'agriculture connaîtra de très graves difficultés dans de nombreuses régions du monde en raison du réchauffement planétaire. Maintenant, nous avons retiré des aliments du marché mondial et, oui, cela a profité à des agriculteurs puisque, nous l'avons vu, le prix du maïs est passé de deux à quatre dollars le boisseau. Par contre, où en serons-nous dans 50 ans, au moment où il sera tout à fait évident dans le reste du monde que nous transformons en combustible un gros morceau de la réserve alimentaire mondiale — pas tant du point de vue du volume total, mais ce petit segment qui est la réserve alimentaire mondiale.

L'industrie des biocarburants en Europe est à l'origine de très graves problèmes elle aussi, dans les régions du monde d'où on importe le pétrole — l'Indonésie, et cetera. — puisqu'on abat les forêts pluviales et autres ressources pour produire le combustible destiné aux véhicules que l'on utilise en Europe.

En appropriant davantage de maïs et de soya pour l'industrie du biocarburant en Amérique du Nord, nous générons beaucoup de tourteau de soya et de drèches de distillerie qui ne sont pas bien adaptés aux types d'industries d'aliment du bétail que nous avons eues par le passé. Par conséquent, cela a une incidence sur tout le marché des aliments du bétail. Je ne serais pas surpris de voir de nombreux nouveaux produits lancés sur le marché par l'industrie de la transformation des aliments profitant des drèches de distillerie et de tourteau de soya.

Nous arrivons en territoire totalement inexploré. Cela a une incidence sur tous les consommateurs d'Amérique du Nord, sur ce qu'ils mangent. Ça aura des conséquences graves pour les décennies à venir du point de vue de la stabilité mondiale.

M. Chernushenko : Pour ce qui est de passer du comestible au combustible, ce qui nous ramène à la première question du sénateur Mercer, j'ai insisté sur le fait que nous procédions de manière prudente dans ce dossier. Cela peut ouvrir la porte à de nombreux effets de distorsions. Il est merveilleux de constater que des agriculteurs obtiennent plus d'argent pour leur récolte, mais j'aimerais mieux qu'ils s'enrichissent grâce aux aliments qu'ils vendent plutôt qu'à du combustible. Si nous parvenons à régler ce problème, nous nous porterons mieux.

C'est la réalité tout simplement. Nous allons découvrir que l'agriculture en tant que source de combustible représente une part minuscule de la consommation mondiale actuelle. Ce sera une goutte dans l'océan pour ce qui est de répondre à la demande énergétique et ça deviendra peut-être assez vite une réalité.

L'autre facteur, c'est que nous allons peut-être nous trouver subitement aux prises avec des pénuries d'aliments. Ce ne sera pas le marché qui viendra corriger le tir, ce sera l'action des décideurs politiques qui mettent au premier rang de l'ordre de priorité les êtres humains et l'accès à la nourriture, particulièrement les gens à faible revenu et les pays pauvres comme le Mexique, où, nous en entendons parler, il y a des émeutes à propos du prix du maïs. Je ne vois qu'une situation qui empire.

Vous avez cité le chroniqueur qui parlait des populations rurales et des électeurs ruraux qui ont de moins en moins d'importance. Certes, c'est ce qu'on peut en déduire d'après les politiques adoptées et l'attention accordée. En tant que parti, même si nous avons été fondés par des gens de la ville et que ce sont des citadins qui ont d'abord dirigé les destinées du parti, nous avons toujours attaché beaucoup d'importance à nos ressources naturelles, à l'intégrité de notre écosystème et à la disponibilité et à la viabilité à long terme de la façon dont nous récoltons les ressources naturelles, qu'il s'agisse d'agriculture, de pêche ou d'exploitation forestière.

Récemment, les gens des industries primaires qui avaient d'abord pris les verts pour une menace — qu'il s'agisse du Parti vert lui-même ou de groupes environnementaux — j'ai cru que ce ne serait que naturel — croyant que les verts leur diraient ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas faire, en arrivent maintenant au stade où ils nous tiennent pour des alliés naturels.

Nous voulons tous que les gens aient un emploi, qu'ils puissent demeurer au sein de leur collectivité et avoir un travail stable au sein de leur collectivité — n'être pas obligés d'aller s'installer en ville. Ça n'arrivera que si nous parvenons à définir et à faire respecter, d'une façon ou d'une autre, les règles de l'écologie durable dans les domaines de l'agriculture, de l'exploitation forestière et des pêches. Voilà le stade que nous venons d'atteindre, dans l'histoire de l'humanité, ici au Canada et partout dans le monde, celui qui consiste à déterminer à quoi ressembleront la pêche durable et l'agriculture durable. Comment faire en sorte que le plus grand nombre possible de personnes puissent travailler et que le plus de revenus possibles reviennent aux collectivités rurales? Voilà en quoi le fait d'être un vert signifie être au diapason de ce que vivent les résidents des régions rurales de nos jours.

La présidente : Merci beaucoup d'être venus ce soir. Vous rencontrer tous a été un plaisir. Bonne chance dans vos projets.

La séance est levée.


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