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Délibérations du comité sénatorial spécial sur la
Loi antiterroriste

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le 7 mai 2007

Le Comité spécial du Sénat sur la Loi antiterroriste, auquel a été renvoyé le projet de loi C-12, concernant la gestion des urgences et modifiant et abrogeant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur David P. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite, à l'intention des collègues ici présents, donner quelques indications sur le calendrier. Nous pourrons en discuter un peu plus longuement à la fin de la réunion. Aujourd'hui, nous commencerons par la Fédération canadienne des municipalités, suivront ensuite les représentants du Commissariat à l'information du Canada.

La semaine prochaine, je dois parler à une conférence à Vancouver et notre greffier est absent. Deux documents sont en cours d'achèvement — je crois que c'est le sénateur Joyal qui les a demandés —, l'un compare le projet de loi C-12 à la loi actuellement en vigueur, l'autre compare notre situation à celles du Royaume-Uni et des États-Unis. Ils pourraient être prêts la semaine prochaine. Étant donné que la semaine qui suit est celle du congé de la fête de Victoria, notre prochaine réunion aura lieu le 28 mai. J'espère que tout le monde y consacrera trois heures. Avec un peu de chance, nous pourrons peut-être même entamer l'étude article par article.

La commissaire à la protection de la vie privée du Canada prépare un document qui sera bientôt prêt. Nous le distribuerons dans quelques jours. Si les honorables sénateurs estiment qu'il y a des questions qui, selon eux, méritent de demander à la commissaire de comparaître, nous pourrons l'inviter, cependant, aucune des modifications ne se rapporte à la Loi sur la protection des renseignements personnels, n'est-ce pas?

Adam Thompson, greffier du comité : C'est ce que je comprends.

Le président : Aucun des changements ne se rapporte à la Loi sur la protection des renseignements personnels, il n'est donc peut-être pas nécessaire de l'inviter. Toutefois, les membres du comité recevront un exemplaire de ce document; après l'avoir consulté, si vous estimez qu'il faut l'inviter, alors nous l'inviterons.

À la prochaine réunion, il y aura un représentant du BCP et du conseil de la protection civile, l'organisme qui représente les provinces. Avec un peu de chance, nous pourrions commencer l'étude article par article à la fin de la réunion; si nous ne terminons pas, notre prochaine réunion se tiendra le 4 juin. Nous devrions pouvoir faire rapport bien avant que le Sénat n'ajourne pour le congé d'été.

Nos premiers témoins représentent la Fédération canadienne des municipalités. La conseillère municipale Randy Goulden, de Yorkton, Saskatchewan, qui est présidente du Comité permanent sur la sécurité communautaire et la prévention du crime, fera la déclaration. Nous avons aussi avec nous de la FCM M. Christian Laverdure et M. Joshua Bates.

Randy Goulden, conseillère municipale, Yorkton, Saskatchewan, présidente du Comité permanent sur la sécurité communautaire et la prévention du crime, Fédération canadienne des municipalités : Nous tenons à remercier sincèrement le comité de nous avoir invités à comparaître ici aujourd'hui.

Merci de nous donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-12 en ce qui concerne la planification d'urgence et la façon dont nous attribuons les responsabilités et les ressources dans le cadre de cette planification.

Selon notre compréhension du projet de loi, un de ses objectifs primaires vise à s'assurer que la réaction du gouvernement fédéral à une urgence soit coordonnée et harmonisée avec celles des autres autorités. Cela n'est évidemment possible que si les villes, les collectivités et les municipalités sont consultées, les municipalités sont en première ligne et sont les premières à intervenir dans 95 p. 100 des urgences au Canada. Les villes et les collectivités sont généralement responsables de la police, des pompiers, des auxiliaires médicaux, du personnel des foyers d'urgence et d'autres premiers intervenants. Elles sont aussi de plus en plus exposées à la menace du terrorisme et aux cas d'urgence sanitaire comme le SRAS, les grippes et les autres pandémies et aux phénomènes météorologiques violents. Cela est particulièrement vrai pour les grandes villes et aussi pour celles où il y a des ports et des aéroports. Il est aussi attendu des villes qu'elles assument une grande partie des responsabilités en matière de sécurité lors de grands congrès et événements nationaux et internationaux en assumant des coûts qui ont augmenté considérablement depuis le 11 septembre.

Le pourcentage du budget d'exploitation municipal utilisé aujourd'hui pour la protection civile se situe entre 15 et 20 p. 100, ce taux continuera certainement à augmenter. Dans la plupart des cas, seuls les transports et les services environnementaux utilisent plus de ressources municipales. Si cette tendance continue, les coûts des transports et des services environnementaux seront eux aussi rattrapés par ceux des services de protection au cours des prochaines années.

Malgré tout, les municipalités ne sont pas consultées lorsque des décisions sont prises au sujet des stratégies et des plans d'urgence nationaux. En fait, à cause du manque de consultation et de coordination, qui tient les premiers intervenants des municipalités à l'écart des plans de mesures d'urgence en cas de catastrophe, la planification est sous- financée, gaspille le peu de ressources et menace le bien-être des Canadiens. Bien que nous appuyions l'objectif du projet de loi, nous ne voyons pas comment, sous sa forme actuelle, il peut assurer une meilleure coordination à moins qu'il ne fasse référence de manière explicite au rôle et à l'importance des municipalités en tant que premiers intervenants.

La seule référence aux autorités locales dans le projet de loi C-12 est celle qui indique que le ministre devra travailler avec elles par l'intermédiaire des provinces. Compte tenu des réalités actuelles, c'est loin d'être suffisant. En ne reconnaissant pas le rôle des municipalités dans l'élaboration des mesures de protection civile, on risque de perpétuer le système actuel. Cela ne change en rien le statut quo qui a toujours tenu les autorités municipales et leurs organismes de première ligne à l'écart des planifications importantes et en manque de ressources. L'absence d'une véritable intégration des municipalités aux plans d'ensemble de gestion des situations d'urgence se traduit par un ensemble disparate de lignes directrices, de ressources et d'attentes qui varient d'une province, d'un territoire et d'une localité à l'autre. Par conséquent, les autres paliers de gouvernement n'ont pas une image complète de la situation qui leur permettrait de prendre en considération les exigences de première ligne des municipalités.

Il y a, en effet, non seulement un manque de normes nationales pour la protection civile, mais aussi un manque de connaissances concernant les ressources qui sont disponibles. Les questions liées à la gestion des urgences et à la protection civile sont trop importantes pour faire l'objet de querelles de compétences. Il nous suffit seulement de prendre l'exemple de la Nouvelle-Orléans et de l'ouragan Katrina pour voir ce qui peut se passer lorsque ceux qui sont les plus proches des zones sinistrées sont les moins consultés et les moins préparés.

Dans le nouvel environnement de sécurité, l'éclaircissement des responsabilités et de l'intégration des intervenants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et des administrations municipales se fait de plus en plus pressant. Le projet de loi C-12 offre au parlement à peine l'occasion d'affirmer catégoriquement la nécessité de faire participer les municipalités à la planification — non pas après coup, mais à titre de partenaire important et de premier recours.

Nous proposons de modifier le projet de loi par un préambule qui permettra au Parlement du Canada de reconnaître le rôle fondamental des autorités municipales dans les réactions aux situations d'urgence locale, nationale et internationale, et de tenir compte du fait qu'une réaction coordonnée et efficace aux situations d'urgence nécessite la collaboration de tous les paliers de gouvernement. Ce préambule ne serait pas contraignant, mais il constituerait une confirmation du Parlement quant à l'importance de la collaboration et de l'intégration dans la planification des mesures d'urgence et la réaction. La FCM serait bien sûr heureuse de contribuer à la formulation de ce préambule.

Encore une fois, nous reconnaissons que notre proposition risque de soulever des questions de compétences pour certains. Cependant, nous estimons qu'un préambule permettra d'atteindre le bon équilibre entre le respect des compétences et la reconnaissance que les municipalités sont le palier de gouvernement responsable des premières interventions.

À la fin de notre exposé, nous remettrons au greffier le résumé de nos déclarations et des copies de notre rapport récent sur la planification des mesures d'urgence. Ce document, qui a été préparé pour la FCM par le Groupe de la sécurité nationale, décrit en détail bon nombre de questions que nous avons soulevées. Nous croyons que ce rapport aidera le comité a apprécié l'ampleur du problème et, ce qui est plus important, l'étendue des avantages éventuels qui résulteraient d'une meilleure intégration et d'une meilleure coordination.

Le président : Lorsque vous avez dit « le manque de normes nationales », si vous lisez les témoignages reçus par le comité de la Chambre des communes, le représentant du Bloc qui fait partie de ce comité a même contesté que les municipalités soient à la table car elles sont les créatures des provinces. Le dialogue qui suit cette contestation est presque comique.

Un préambule n'est évidemment pas exécutoire. Nous ne pouvons pas enterrer nos têtes dans le sable et suggérer que nous pouvons imposer des normes nationales à des organismes sur lesquels nous n'avons aucune compétence constitutionnelle. Je ne sais pas ce que vous répondrez à cela et je ne sais pas si vos collègues voudraient faire une observation. Je vous laisse décider.

Mme Goulden : Je répondrai en premier, puis je demanderai à notre analyste des politiques s'il veut aussi répondre.

Je suis originaire d'une petite localité de la Saskatchewan. Nous pensons que notre localité est toute aussi prête que n'importe quelle autre localité de la Saskatchewan. Lorsque nous nous rencontrons pour discuter, nous constatons qu'il y a différents niveaux de préparation et nous en sommes concernés. Notre ville est la plus grande de la région et notre responsabilité serait bien plus grande si nous étions victimes de catastrophes naturelles ou de menaces. Nous sommes très préoccupés du fait que nous ne pensons pas pouvoir aider les collectivités voisines.

L'établissement de normes nous permettrait de travailler ensemble. La FCM comprend et respecte les préoccupations des villes et des localités concernant les compétences. Cependant, nous aimerions participer aux discussions. Nous comprenons aussi que tout ce qu'obtiendront nos villes et localités sera issu des ententes fédérales- provinciales. Nous ne demandons pas de surveiller les négociations à cet effet ni d'y participer. Cela devra provenir des ententes.

Le président : Nous pensons que vous devez participer aux discussions, c'est la raison pour laquelle nous vous avons invité.

Joshua Bates, analyste des politiques, Fédération canadienne des municipalités : Tout d'abord, nous avons pour priorité la sécurité de tous les citoyens canadiens. Si vous consultez le rapport que nous vous distribuerons à la fin de notre exposé, vous y verrez des références à la planification et aux normes. Nous espérons et nous nous attendons à être consultés, tout comme les provinces et les territoires, en ce qui concerne les normes qui seront mises en œuvre. Cela devrait apaiser les inquiétudes que nous avons soulevées.

S'il va y avoir des normes, nous espérons que des ressources appropriées seront mises à la disposition des municipalités afin qu'elles puissent respecter les normes plutôt que de leur demander de s'y conformer et de les laisser se débrouiller toutes seules.

Le président : Monsieur Laverdure, avez-vous quelque chose à dire?

Christian Laverdure, directeur adjoint, Politique, Fédération canadienne des municipalités : Non, je vous remercie.

Le sénateur Nolin : Merci, madame, de comparaître. Je tiens à vous dire que vous avez devant vous un organe du Sénat qui a le plus grand respect pour votre compétence. Je n'ai pas à vous apprendre qu'un autre comité sénatorial s'occupe, de façon régulière, des premiers intervenants et du rôle que vous jouez pour régler ces problèmes. Vos commentaires suscitent en nous de profondes inquiétudes. Nous essayons de trouver un motif pratique qui permettrait la mise en œuvre de cette mesure législative.

Je suis sûr que vous avez participé en 2005 — sinon vous personnellement, du moins d'autres personnes de votre organisation — aux consultations organisées par le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Avez- vous exprimé les préoccupations dont vous nous faites part aujourd'hui?

Mme Goulden : Je vais demander aux messieurs qui m'accompagnent de répondre parce que je n'étais pas présidente en 2005. Je veux m'assurer de l'exactitude des renseignements que nous vous communiquons.

M. Laverdure : Je ne vois pas très bien de quelles consultations vous parlez. Nous sommes en contact permanent avec le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Nous exprimons nos préoccupations. Nous n'essayons pas d'empiéter sur les questions de compétences. Nous essayons d'exprimer clairement et ouvertement nos inquiétudes en tant que premiers intervenants dans des villes où vit une population. Je ne suis pas très sûr à quelles consultations tenues en 2005 vous faites allusion, en tout cas, nous faisons part de nos inquiétudes de façon permanente en suivant les voies officielles.

Le sénateur Nolin : En 2005, le ministère a organisé des consultations pour actualiser la Loi sur la gestion des urgences. C'est ce que l'on nous a dit et j'espère que vous avez participé à ces discussions.

M. Laverdure : Si ma mémoire est bonne, que l'on me corrige si je me trompe, je ne crois pas que nous avons été consultés à ce sujet. Lorsque l'on nous avise de la tenue de consultations, nous nous manifestons pour exprimer notre désir d'y participer. Ça aurait pu se produire par les voies officielles.

Le sénateur Nolin : Convenez-vous, madame Goulden, que les municipalités font partie des « autorités locales » du projet de loi?

Mme Goulden : Je crois que le projet de loi C-12 nous mentionne trois fois, mais presque comme d'autres organismes. Nous pensons que le préambule devrait nous mentionner plus souvent ou reconnaître davantage notre apport, car nous sommes les premiers à intervenir.

Le sénateur Nolin : Nous sommes tous d'accord avec ce que vous dites. Comme le président l'a mentionné, la reconnaissance dans le préambule est vraiment une marque de respect, mais c'est tout. Le préambule ne fait pas partie des rouages d'un projet de loi.

Je vous demande de consulter l'alinéa 6(2)b) du projet de loi à la page 4. Cet alinéa dit, je lis :

Tout plan de gestion des urgences prévoit les éléments suivants :

b) les plans régionaux fédéraux-provinciaux;

Je suppose que vous en faites partie. Estimez-vous en faire partie?

Mme Goulden : Ce serait une supposition. Je pense qu'il serait merveilleux qu'il y ait une référence des villes et des localités. En venant ici, nous pensions que l'inclusion dans le préambule porterait sur l'équilibre. Suggérez-vous que nous avons un mot à dire à ce sujet?

Le sénateur Nolin : Je suggère que le ministre a des responsabilités importantes, si importantes que je pense qu'il y a une contradiction au niveau des responsabilités du ministre responsable de la loi — cela est, toutefois, un autre problème. En ce qui concerne notre discussion, chaque ministre de la Couronne doit préparer et maintenir un plan d'urgence opérationnel. Cela inclurait tous les plans régionaux fédéraux-provinciaux et, je suppose, les autorités locales.

Mme Goulden : Suppose.

Le sénateur Joyal : Bienvenue aux témoins. Je ne vois pas dans le projet de loi une définition pour l'expression « autorités locales », particulièrement dans la partie interprétative de l'article 2. Je vous demande de lire le dernier paragraphe de l'article 2 qui donne la définition de « urgence provinciale » — en fait la dernière définition. Ce paragraphe dit, je lis :

« urgence provinciale » Urgence survenant dans une province et à laquelle la province ou une autorité locale est chargée de faire face en premier lieu.

Autrement dit, il est fait indirectement référence à vous, ce qui veut dire que si vous êtes les premiers à intervenir, vous êtes en mesure de déclarer une situation de crise nationale. C'est mon interprétation. C'est-à-dire que même si les mots « municipalités », « ville » ou « village » ne sont pas utilisés, l'expression « autorités locales » est acceptée généralement — peut-être pouvons-nous voir la définition de « autorités locales » dans un dictionnaire juridique. Néanmoins, il me semble évident que si vous intervenez, c'est parce que vous avez une responsabilité. Vous ne pouvez pas vous attribuer vous-même cette responsabilité. Quelqu'un d'autre doit vous la donner. Une ONG ne peut pas décider que sa responsabilité première est d'intervenir dans une situation d'urgence. Nous ne pouvons pas considérer que ce soit là l'interprétation appropriée de l'expression « autorités locales. »

Par conséquent, il est fait indirectement référence à vous dans l'article interprétatif, car vous serez confrontés à des situations, comme vous l'avez justement dit, dans lesquelles vous serez les premiers à intervenir. Il me semble que vous avez déclaré être les premiers intervenants dans 90 p. 100 des cas.

Cependant, je vous demande de lire le paragraphe 6(3) qui dit :

S'agissant d'une urgence provinciale, une institution fédérale ne peut intervenir dans la province visée qu'en réponse à une demande d'aide de la part de celle-ci ou que dans le cadre d'un accord conclu avec elle en matière d'aide.

Pour moi, ce paragraphe signifie qu'une ville comme Saskatoon ne peut pas contacter le ministère fédéral de la Sécurité publique pour lui dire : « Nous sommes dépassés par la situation; venez nous aider. » Il y a deux cas où cela est possible : premièrement, si un accord a été conclu avec le gouvernement fédéral; deuxièmement, si le gouvernement fédéral décide qu'il s'agit d'une situation de crise nationale.

Par conséquent, vous n'êtes pas directement en mesure d'inciter le gouvernement fédéral a déclaré qu'un événement est une situation de crise nationale. Cette possibilité vous est refusée.

Cependant, étant donné que vous êtes en première ligne, vous pouvez d'une certaine façon être associés à une situation de crise provinciale. Autrement dit, vous pouvez directement enclencher le processus de déclaration d'une situation de crise nationale. Mon interprétation du projet de loi vous paraît-elle juste ou fausse?

Mme Goulden : Oui. C'est ainsi que nous l'interprétons. C'est dans ce cadre que nous travaillons.

Nous demandons des consultations plus directes quand nous commençons l'élaboration des plans de gestion et l'orientation de la politique. C'est quelque chose qui nous préoccupe. Nous comprenons les responsabilités en matière de compétences, mais, lorsque nous commençons à élaborer des plans de gestion, nous voudrions vraiment avoir que la consultation soit plus directe. C'est le domaine où nous pouvons être le plus utile, car nous sommes les premiers intervenants.

Le sénateur Joyal : Revenons à votre dernière déclaration selon laquelle vous voulez être consultés au niveau de la coordination. Pour reprendre vos mots, vous voulez participer aux discussions sur la coordination. L'alinéa 4(1)f) du projet de loi, à la page 2, dit :

f)... En matière de gestion des urgences avec celles des provinces et, par leur intermédiaire, avec celles des autorités locales, et d'appuyer les activités des provinces et, par leur intermédiaire, celles des autorités locales;

Il est évident que vous ne pouvez pas demander directement au gouvernement fédéral d'essayer de coordonner notre plan. Supposez que vous ayez un plan pour faire face à plusieurs situations qui pourraient nécessiter, selon vous, votre intervention, vous ne pouvez pas dire directement au ministère fédéral de la Sécurité publique que vous avez un plan qu'il l'approuve ou non ou qu'il ait ou non quelque chose à dire à son sujet. Vous ne pouvez pas faire cela; mais vous devez présenter votre plan de réaction à votre province. C'est une autre démarche que vous devez faire.

Si je comprends bien le projet de loi, encore une fois d'après ce que je viens de vous dire, vous ne pouvez pas demander au gouvernement fédéral d'intervenir directement. En vertu du paragraphe 6(3) et de l'alinéa 4(1)f), vous ne pouvez pas coordonner votre plan directement avec le gouvernement fédéral.

Par conséquent, la question que je vous pose est la suivante : nous demandez-vous de changer cette situation à un autre niveau où nous demandez-vous de nous associer plus étroitement à la planification d'ensemble à votre niveau? Je ne veux pas ma question vous embarrasse, mais c'est essentiellement la situation dans laquelle nous nous trouvons avec les municipalités — que nous demandez-vous de faire?

En principe, le préambule ne me pose aucun problème, mais la pratique courante est d'interpréter le préambule dans la mesure législative. Par conséquent, si on doit le mettre en vigueur dans le projet de loi, ce devrait être parce qu'il aborde les deux éléments particuliers du projet de loi que vous avez mentionnés. Je ne veux pas être trop rigoriste avec vous, peut-être que M. Laverdure ou M. Bates peuvent vous aider à répondre à cette question. Ce me semble être la question essentielle qu'il faut trancher aujourd'hui.

M. Laverdure : Vous avez tout à fait raison de dire qu'un préambule, comme Mme Goulden l'a dit, n'est pas contraignant. Nous voulons une reconnaissance. En ce qui concerne la coordination et la mise en oeuvre des plans de gestion des politiques d'urgence, et cetera, nous savons très bien que le processus normal exige la consultation des provinces et des territoires et nous y sommes tout à fait d'accord. Nous ne sommes pas ici pour soulever des querelles de compétence. Nous voulons plutôt une reconnaissance au commencement, quand le gouvernement entame l'élaboration de politiques et de planification de mesures d'urgence. Rien dans la Constitution ni ailleurs dit que vous ne pouvez pas nous parler et nous demander ce que sont nos préoccupations. À quelle étape ce processus échoue-t-il? À quel niveau les choses devraient être mieux coordonnées? La coordination et la mise en oeuvre de ces stratégies, et cetera, dont on parle doivent être coordonnées par l'intermédiaire des provinces, et nous l'acceptons.

Un préambule ne donnerait pas nécessairement force de loi à cette règle. Ne serions ravis d'être mentionnés partout et reconnus comme un partenaire de premier plan, si vous le voulez, mais nous sommes conscients que cela risque de ne pas être possible et que ce pourrait empêcher l'adoption du projet de loi.

Nous sommes d'avis qu'un préambule nous permettrait d'atteindre notre objectif de faire reconnaître le rôle fondamental que jouent les municipalités dans la gestion de la sécurité sans soulever l'ire des autres administrations.

Le sénateur Joyal : J'aimerais vous poser ma question suivante. On dirait que le projet de loi reflète l'état du droit au Canada selon la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada quant au statut des municipalités. Comme vous le savez, la Cour suprême a rendu beaucoup de décisions à cet égard. La dernière concernait la restructuration des municipalités au Québec. Vous vous rappelez sans doute qu'un groupe de municipalités a contesté son statut dans le cadre de cette restructuration et que la Cour suprême a réitéré très clairement le principe constitutionnel sur lequel s'appuie sa décision dans cette affaire. Tant que nous ne modifierons pas la Constitution, ce sera la loi du pays.

D'après ce que je comprends, le projet de loi présente le statut des municipalités dans le droit canadien selon l'interprétation qu'en a fait la Cour suprême. Je conviens avec vous que cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas mentionner les autorités locales dans le préambule. Cependant, si nous ne changeons pas le fond de la disposition du projet de loi que je vous ai lue, il semble qu'elle n'apportera rien de plus que ce que prévoit déjà la loi fédérale au chapitre de vos responsabilités, dont on fait mention dans la définition d'urgence provinciale, ainsi dans le projet de loi, à l'article 4 ou 6.

Mme Goulden : Je répète que nous comprenons bien les problèmes de compétences. Nous avons nous aussi déjà travaillé avec toutes ces autorités dans les villes et les villages en situation d'urgence. Nous demandons seulement d'être consultés et informés quand le travail commence, parce qu'à l'étape de la mise à œuvre, il est difficile pour les municipalités, pour les villes et les villages où vivent les gens, de faire appliquer les politiques qu'elles doivent respecter. Nous n'avons pas suffisamment de ressources humaines et physiques pour cela. Quand une situation d'urgence survient, il y a des vies en jeu et nous devons intervenir très rapidement. Nous avons besoin de ressources, de normes et de lignes directrices.

Le sénateur Joyal : Je vais aller un peu plus loin. Vous déplorez l'absence de normes nationales. Votre fédération a-t- elle un groupe de travail chargé d'étudier les diverses lignes directrices et règles que suivent les municipalités du Canada? Comme vous l'avez dit à juste titre, c'est là où il y a le plus de situations d'urgence. Avez-vous un groupe de travail chargé d'étudier ces lignes directrices et de vous soumettre des recommandations? En tant que fédération, vous avez le pouvoir de rassembler vos membres pour élaborer un quelconque code normatif des mesures d'urgence, pour les aider et leur donner les outils nécessaires pour bien adapter leurs ressources.

Mme Goulden : Nous pourrions le faire, en effet.

Le sénateur Joyal : Vous n'en avez pas pour l'instant.

Mme Goulden : C'est le mandat du Comité permanent sur la sécurité communautaire et la prévention du crime. Nous pourrions certainement le faire. Nous aimerions beaucoup travailler avec votre comité, le gouvernement et les ministères mandatés de s'en occuper. Nous en serions absolument ravis.

Il y a beaucoup de collectivités du Canada représentées à ce comité : des petites et des grandes, des collectivités du Nord et des collectivités éloignées. Elles ont l'habitude de composer avec les situations d'urgence et chacune à leur façon, elles ont des ressources limitées pour ce faire. Elles interviennent de leur mieux.

Le sénateur Joyal : Vous avez un groupe de travail, mais ce groupe de travail n'a pas le mandat de présenter à votre assemblée générale, tant de mois plus tard, un rapport pour que cet enjeu fasse partie de vos délibérations annuelles et que vous preniez des mesures à cet égard?

Mme Goulden : Pour l'instant, nous n'avons pas ce mandat, mais c'est quelque chose que nous aimerions beaucoup entreprendre dans notre travail avec l'un des ministères.

Le sénateur Joyal : Cela me fait penser à une situation que j'ai vécue au Secrétariat d'État, quand j'étais responsable du programme d'éducation postsecondaire du Canada il y a longtemps. Le gouvernement fédéral ne peut pas adopter de normes nationales en matière d'éducation pour des raisons évidentes, parce que l'éducation relève des provinces. Cependant, les provinces entre elles peuvent prendre des mesures à cet égard, si les ministres provinciaux de l'éducation décident de s'y attaquer et de se donner les moyens de définir des normes pour que le système reste équitable. Vous auriez la possibilité d'agir de votre propre chef sans que le gouvernement fédéral ne prenne nécessairement l'initiative. Le gouvernement fédéral pourrait être invité à y participer en tant qu'observateur, si les provinces le souhaitaient. C'est une idée féconde.

Vous avez mentionné les problèmes de ressources et de « compétences ». D'après votre expérience, quels sont les principaux problèmes que les municipalités ont rencontrés jusqu'ici pour réagir aux situations d'urgence?

Mme Goulden : Nous sommes soucieux d'avoir les ressources qu'il faut à portée de main pour réagir à la demande immédiate. Notre autre préoccupation, c'est la communication. Nous devons être en mesure de communiquer immédiatement avec les divers ordres de gouvernement avec lesquels nous devons collaborer. Nous devons aussi savoir ce que les autres collectivités ont. Nous devons savoir à qui nous adresser en cas de besoin d'ambulances supplémentaires, par exemple. Nous devons savoir vers qui nous pouvons nous tourner immédiatement.

Il y a beaucoup d'autres choses qui entrent en ligne de compte dans les cas de pandémies. Où pouvons-nous aller s'il faut effectuer une quarantaine? Qui établit la façon de faire? Qui doit être vacciné?

Par exemple, dans ma région de la Saskatchewan, nous avons l'impression de ne pas avoir assez de ressources pour répondre aux besoins de la collectivité en maintien de l'ordre. En situation d'urgence, il y aurait une pression supplémentaire qui pèserait sur les policiers que nous avons chez nous.

Le sénateur Joyal : Vous avez mentionné une question importante, une expérience que nous avons vécue récemment. Il s'agit des rencontres internationales qui ont lieu dans diverses villes du Canada, à Halifax, à Québec et à Saskatoon à un jour, je l'espère.

Mme Goulden : Oui.

Le sénateur Joyal : Dans ces circonstances, le gouvernement fédéral communique habituellement avec le gouvernement provincial, parce qu'il faut offrir des services provinciaux. Les représentants des deux gouvernements signent une entente sur les conditions dans lesquelles va se dérouler la rencontre nationale, de même que sur les contingents policiers supplémentaires à prévoir et les coûts.

Avez-vous de l'expérience de ce type d'entente? Est-ce qu'il semble bien fonctionner ou non? Qu'est-ce qui manque dans ces ententes à votre avis?

M. Bates : Encore une fois, nous allons vous donner une liste de recommandations après notre témoignage. Selon notre expérience, bien souvent, les municipalités ne sont pas indemnisées pour les coûts supplémentaires qu'elles absorbent pour assurer la sécurité lors d'événements internationaux. Nous recommandons entre autres d'améliorer cette entente.

Je prends l'exemple de la visite du président Bush au Canada en 2004. Il a fait deux arrêts. Le premier était à Ottawa. Les coûts du maintien de l'ordre associés à cette visite à Ottawa ont été absorbés par le gouvernement fédéral. Après cette visite, il s'est rendu à Halifax. Dans ce cas, c'est la municipalité régionale de Halifax qui a dû absorber les coûts supplémentaires du maintien de l'ordre. C'est un exemple de grand événement national où des municipalités ont dû payer pour les services de sécurité supplémentaires. Nous aimerions que cette situation s'améliore.

Mme Goulden : Il y a aussi l'exemple des pourparlers récents du G8 à Kananaskis, en Alberta. Dans notre collectivité, nous avons des contrats avec 23 agents de la GRC. Six d'entre eux ont quitté notre ville pour se joindre aux services de sécurité, ce que nous comprenons tout à fait; nous n'avons pas d'objection. Cependant, quand c'est arrivé, en juin, quatre agents étaient mutés hors de la ville et aucun ne venait grossir nos rangs. Il nous manquait dix agents, soit presque la moitié de notre contingent de la GRC.

Cela illustre combien nous devons poursuivre nos discussions et communications, parce que si quelque chose était arrivé chez nous — et nous vivons dans un corridor d'autoroute —, nous aurions été très mal pris.

J'ai entendu mes collègues du Canada s'inquiéter des Olympiques et de ce qu'il adviendrait de nos forces de sécurité, du maintien de l'ordre chez nous. Nous comprenons tout à fait la situation. C'est un événement formidable pour notre pays, et nous voulons y participer, mais nous devons tout de même être en mesure de répondre à tous les besoins dans nos villes et nos villages.

Le sénateur Fraser : Je vous souhaite la bienvenue. J'aimerais reprendre l'article 6, et je remercie le sénateur Nolin de l'avoir porté à notre attention. Je vous pose la question à vous, mais il pourrait également être utile pour nous de savoir ce qu'en pensent nos collègues francophones, qui ont aussi l'avantage d'être avocats, contrairement à moi.

La version anglaise du paragraphe 6(2) se lit comme suit :

[Traduction]

Each minister shall include in an emergency management plan

(a) any programs, arrangements or other measures to assist provincial governments and, through the provincial governments, local authorities;

(b) any federal-provincial regional plans;

(c) any programs, arrangements or other measures to provide for the continuity of the operations of the government institution...

L'utilisation du mot « any » ici, porte à croire qu'il n'est pas nécessairement obligatoire qu'il existe des plans, des programmes, des dispositions ou d'autres mesures, mais que s'ils existent, ils doivent être compris dans le plan de gestion des urgences.

Prenons ensuite le français, qui est souvent plus clair que l'anglais. Il se lit comme suit :

[Français]

Tout plan de gestion des urgences prévoit les éléments suivants : les programmes, dispositions et autres mesures; les plans régionaux, les programmes, dispositions et autres mesures.

[Traduction]

À mon oreille de profane anglophone, on dirait que ces éléments doivent exister. Ils vont exister et à partir de ce moment-là, faire partie du plan de gestion des urgences.

Est-ce que je comprends bien? Est-ce que ce que je dis est logique jusqu'à maintenant?

Le sénateur Nolin : Oui.

Le sénateur Fraser : Ce que je dis est logique jusqu'à maintenant. Pourrions-nous donc présumer, si nous nous fions à la version française, qui est plus claire à mon avis que la version anglaise, qu'il doit y avoir des programmes visant à aider les provinces, les autorités locales et les municipalités? Est-ce que j'exagère? Est-ce que le scénario que je viens de vous présenter vous rassurerait?

Mme Goulden : Malheureusement, l'une des grandes déceptions de ma vie, c'est que je ne n'arrive pas à communiquer en français. Je suis d'accord avec vous que les mots « must » et « will » sont beaucoup plus forts que le mot « any ».

Le sénateur Fraser : Je demande des conseils et des explications plus qu'autre chose.

Le président : Il semble y avoir une différence entre les deux versions.

Le sénateur Nolin : En anglais, il est écrit « shall » et en français, « prévoit ».

Le sénateur Fraser : En anglais, le libellé est « shall include... any », ce qui est beaucoup plus flou.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je pense que c'est assez clair.

[Traduction]

Nous avons tous le même but. Vous voulez que nous créions un préambule. Voici ce que nous vous demandons : y a- t-il quelque chose qui répondrait à vos exigences?

Le sénateur Fraser : Y a-t-il quelque chose ici qui rendrait cette aide véritablement obligatoire, une aide dont vous êtes probablement en droit de dire que vous en avez besoin? Les subtilités constitutionnelles nous embêtent, évidemment. Notre comité ne peut pas réécrire la Constitution du Canada. Ce pourrait être amusant, mais nous ne pouvons pas le faire.

Dans ce projet de loi, selon le libellé actuel, j'essaie de comprendre dans quelle mesure les municipalités doivent ou devraient être incluses ou dans un monde idéal, il serait acceptable de les inclure. J'ai été frappée de constater, à la lecture du paragraphe français du projet de loi qu'il était peut-être plus impératif que l'anglais, mais si je dérape complètement, soit.

Le président : Vous voulez peut-être y réfléchir très attentivement et nous envoyer une lettre pour nous donner une réponse précise, parce que c'est une question grave sur un enjeu grave. Si nous adoptons un amendement qui a des incidences, il y a des députés de la Chambre des communes qui pourraient s'enflammer, vous pouvez vous imaginer lesquels.

Mme Goulden : Je vous remercie beaucoup de soulever ce problème. Nous voulons que tout soit clair pour bien comprendre nos rôles et nos responsabilités. Nous aimerions beaucoup en prendre note, travailler peut-être avec votre greffier, puis vous envoyer une lettre très explicite sur ce que nous souhaitons ou ce qui serait le plus efficace pour nous.

Le président : Je vous invite à nous faire parvenir une réponse réfléchie.

Le sénateur Fairbairn : Je vous remercie d'être ici. Je viens du sud-ouest de l'Alberta, près des montagnes et des rivières. Je vous incite à faire autant de pressions que vous le pouvez pour obtenir exactement ce que la sénatrice vient de dire.

Il est très bien de nous doter de règles sur papier, mais quand un événement survient, si elles ne sont pas très claires, le papier n'est pas nécessairement efficace. Je dis en pensant à un incident qui est arrivé il y a plusieurs années, quand un glacier des Rocheuses a fendu. Il contenait de l'eau, et cette eau est descendue jusqu'au sud de la province, dans la rivière Old Man. C'était une véritable catastrophe. Je faisais partie du gouvernement à l'époque. Quand c'est arrivé, il a été très difficile d'entrer en contact avec les bonnes personnes pendant le weekend, si ma mémoire est bonne, de parler aux responsables de la province et du gouvernement fédéral pour que les gens sur le terrain aient les ressources dont ils avaient besoin. Les militaires ont dû revêtir leurs habits civils pour aller aider le long des berges, parce qu'ils n'avaient pas l'autorisation officielle d'intervenir jusqu'à ce que ce soit possible.

En ce sens, il est très important d'être présent sur les lieux et d'être considéré comme le personnel autorisé à intervenir sur le terrain. Il peut y avoir une guerre de mots, et il y en aura probablement une sur votre préambule ou votre proposition, mais il vaut la peine d'essayer.

Le président : Vous n'avez pas besoin de répondre à cela. C'était une façon de vous dire que nous sommes avec vous.

Le sénateur Nolin : Je sais que vous aimeriez que le terme « administration municipale » apparaisse à l'article 3, mais à la lecture des mots « autres entités » dans cet article, nous comprenons tous les particularités de l'argument constitutionnel. Je pense que vous faites partie de ces « autres entités ». Le ministre doit coopérer avec vous; c'est la première chose que je voulais dire.

Ensuite, je me préoccupe beaucoup plus de la planification et de la prévention que de l'urgence elle-même. Les urgences me préoccupent aussi, mais nous ne voulons pas qu'elles surviennent, donc il faut nous préparer. À votre place, je voudrais moi aussi participer à la planification. Je tiens à porter à votre attention la façon dont la planification d'urgence ou ces plans s'élaborent à l'échelle fédérale. Il y a un ministre responsable, et il a une liste de responsabilités en vertu de l'article 4 proposé.

Prenez l'alinéa a), qui est probablement l'un des plus importants :

4.(1) Dans le cadre de la mission que lui confère l'article 3, le ministre est chargé :

d'établir des principes, programmes...

Les ministres de la Couronne responsables des entités fédérales vont devoir préparer ces plans, après quoi vous allez entrer en scène.

Par contre, selon mon interprétation du paragraphe proposé 6(2), ils doivent vous consulter. Ce n'est pas un peut- être, ce n'est pas une possibilité, c'est une obligation. Tout ministre va devoir préparer des plans, et vous en faites partie. C'est mon interprétation du paragraphe 6(2).

Nous allons lire votre proposition, et j'espère que nous allons constater que vous demandez plus qu'un préambule. Comme le président l'a dit, si nous renvoyons ce projet de loi à la Chambre des communes et que le préambule est modifié — parce que nous savons tous ce que signifie un préambule, sa portée et son pouvoir — , nous allons lancer un débat pour lancer un débat, mais nous ne réussirons pas à atteindre le but visé, c'est-à-dire à vous faire participer à la planification. C'est la façon dont je comprends votre préoccupation.

Je suis prêt à lire votre lettre.

Le président : Ce que dit le sénateur Nolin est très juste. Quand votre personnel va revoir sa réponse, il pourrait vouloir lire les observations de Serge Ménard, un député du Bloc qui siège au comité de la Chambre des communes, le dernier jour où le comité a siégé sur cette question, si je ne me trompe pas. Vous allez comprendre très vite. Il ne voulait même pas que les municipalités participent.

Ce n'est pas notre point de vue, mais vous allez comprendre les nuances.

Mme Goulden : Je vous en remercie. J'ai bien lu ces observations.

Il est effectivement écrit dans ce projet de loi que les ministres vont travailler, et c'est ce qu'ils doivent faire, dans la mesure où ils comprennent quels sont nos besoins avant même d'y arriver.

Le sénateur Joyal : Quand vous allez envisager de répondre à la demande du président, vous pourriez vouloir porter attention au paragraphe 92(8) de la Constitution, qui porte sur les compétences de la province, les institutions municipales dans la province. Le paragraphe 8 de l'article 92 porte sur les institutions municipales dans la province. En gros, il est écrit à l'article 92(8) de la version française, que vous avez sûrement déjà lue :

[Français]

Les institutions municipales dans la province.

[Traduction]

Si l'on utilise les mots « autorités locales », c'est encore plus vaste que le terme « institutions municipales », à mon avis. Le terme « autorités locales » comprend les institutions municipales. Les provinces ont créé plusieurs organismes pour régir les activités des municipalités. Elles ont délégué des responsabilités. Pour répondre aux urgences, elles ont certaines responsabilités. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais il faut jeter un coup d'œil aux règles nationales pour établir quelles sont ces responsabilités.

Il pourrait valoir la peine d'examiner cette définition et la façon dont les tribunaux voient ces autorités dans la pratique pour comprendre ce à quoi vous vous attendez et comment nous pouvons en tenir compte.

Le président : Nous allons maintenant entendre des représentants du Commissariat à l'information du Canada. Nous recevons Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information du Canada, ainsi que Mme Nadine Gendron, avocate. Si je comprends bien, M. Marleau, qui vient d'entrer en poste, s'est dit qu'il serait plus approprié d'envoyer M. Leadbeater ici pour discuter de cet enjeu avec nous.

Bienvenue. Monsieur Leadbeater, la parole est à vous.

Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information, Commissariat à l'information du Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Nous vous remercions de nous avoir invités à venir vous parler de cette question.

Pour mettre les choses en contexte, je vous somme de ne pas oublier que notre commissariat n'a pas le mandat d'appuyer la divulgation à tout prix. Nous avons l'obligation de faire appliquer les dispositions de la loi sur le secret et l'ouverture et de favoriser un équilibre pour que le gouvernement du Canada puisse garder secrètes les informations nécessaires et que les excès soient remis en question.

L'article 8 crée une nouvelle exception dans la Loi sur l'accès à l'information et donne ainsi au gouvernement un nouveau critère pour justifier le secret. Vous avez la tâche d'examiner si cette disposition est justifiable. Nous croyons qu'elle ne l'est pas, et je vais expliquer notre position.

Mon exposé sera divisé en trois parties. Premièrement, je vais examiner les préoccupations qui, selon nous, sont sous-jacentes à l'article 8. Deuxièmement, je vais passer en revue les dispositions actuelles de la Loi sur l'accès à l'information qui tiennent déjà compte de ces préoccupations. Enfin, je vais expliquer pourquoi, selon nous, non seulement l'article 8 est redondant, mais il affaiblit aussi la responsabilité du gouvernement par le principe du secret.

Premièrement, quelles sont les préoccupations? Les préoccupations qui ont poussé le gouvernement à inclure l'article 8 peuvent être décelées dans le témoignage du ministre. De plus, notre bureau a tenu des réunions avec le personnel du ministère avant le dépôt du projet de loi. Au cours de ces réunions, nous avons pu saisir quelles étaient les préoccupations. Les voici, telles que nous les comprenons. D'abord, il faut protéger les renseignements confidentiels fournis par les tiers dans l'élaboration de plans d'urgence, parce que cette information révélerait les vulnérabilités des entreprises et des activités des tiers et leur communication pourrait faciliter la perpétration d'infractions, d'actes de sabotage ou de terrorisme. Deuxièmement, la communication de renseignements confidentiels portant sur la vulnérabilité d'une entreprise privée et ses activités pourrait être préjudiciable à ses affaires et sa compétitivité. Troisièmement, si un tiers n'a pas l'assurance absolue que les renseignements qu'il fournit ne pourront être communiqués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, il hésitera à fournir volontairement cette information au gouvernement.

Je vous ai distribué une copie de la Loi sur l'accès à l'information. Il nous sera utile de regarder plusieurs dispositions actuelles de la loi qui visent ces mêmes préoccupations. Ce sera la deuxième partie de mon exposé.

Je vous demanderais tout d'abord d'aller à l'article 15 de la loi, qui commence à la page 51. Il s'agit d'une exception dont peuvent se prévaloir les institutions fédérales qui doivent répondre à une demande d'accès à l'information.

Le président : Est-ce que tous les membres du comité ont le texte sous les yeux?

M. Leadbeater : Elle permet aux institutions de refuser la communication de renseignements — et je cite :

... dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada ou à la détection, à la prévention ou à la répression d'activités hostiles ou subversives...

Je vais m'arrêter ici, parce que la loi donne une définition des « activités hostiles ou subversives », que vous trouverez à la page 53. Si vous regardez l'alinéa c) :

... les activités visant la perpétration d'actes de terrorisme, y compris les détournements de moyens de transport, contre le Canada ou un État étranger ou sur leur territoire...

Par conséquent, tout renseignement dont la divulgation pourrait nuire aux efforts visant à réprimer des activités subversives au Canada, y compris des actes de terrorisme, serait visé par cette exception.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur une précision donnée à la page 56, soit l'alinéa 16(2)c) — et je cite :

16(2) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d'infractions...

Et l'alinéa c) précise :

c) des renseignements portant sur la vulnérabilité de certains bâtiments ou ouvrages ou de réseaux ou systèmes divers, y compris des réseaux ou systèmes informatisés ou de communications, ou portant sur les méthodes employées pour leur protection.

Je vous demanderais maintenant de regarder l'article 17 de la loi, qui se trouve à la page 59. L'article 17 dit ceci :

Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la sécurité des individus.

Les articles que j'ai mentionnés portent sur la sécurité, les actes criminels et les actes de terrorisme. Je vous demande maintenant de regarder l'article 20 de la loi, à la page 62. Il s'agit d'une exception obligatoire :

20(1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

a) des secrets industriels de tiers;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.

Voilà pour les intérêts commerciaux. La loi comporte déjà des dispositions concernant les intérêts commerciaux, la sécurité, les actes de terrorisme et les actes criminels.

Je vous demande aussi de regarder l'article 22, à la page 66, qui autorise le responsable d'une institution fédérale à — et je cite :

... refuser la communication de documents contenant des renseignements relatifs à certaines opérations — essais, épreuves, examens, vérifications —, ou aux méthodes et techniques employées pour les effectuer, et dont la divulgation nuirait à l'exploitation de ces opérations ou fausserait leurs résultats.

Même les tests et les essais de procédures de sécurité menés dans une institution sont protégés par la loi.

Pour résumer, ces dispositions protègent pleinement les renseignements qui pourraient préoccuper les tiers. De plus, cette protection est assurée non seulement par ces articles mêmes, mais aussi par la procédure prévue dans la loi. C'est la loi la plus musclée qui soit au Canada — dans le monde — pour la protection des renseignements de tiers, non seulement à cause de toutes ces protections que j'ai mentionnées, mais aussi parce qu'elle prévoit une procédure.

La procédure est la suivante : si une institution fédérale propose de communiquer un renseignement quelconque d'un tiers, elle doit aviser le tiers en question, et ce dernier a le droit de s'adresser à la Cour fédérale. Dans un premier temps, il y a donc un juge de la Cour fédérale qui décide si l'information est confidentielle et si sa divulgation serait préjudiciable. On prévoit aussi un droit d'appel, sans autorisation, devant la Cour d'appel fédérale, où trois autres juges seront saisis de la même affaire. Il est possible ensuite d'interjeter appel, avec autorisation, devant la Cour suprême du Canada. Par conséquent, non seulement le libellé de la loi protège très explicitement les renseignements, mais la procédure prévoit que jusqu'à 13 juges peuvent rendre une décision avant que l'information ne soit divulguée.

Aucun autre renseignement délicat que détient le gouvernement du Canada n'a cette protection, y compris les données du Service canadien du renseignement de sécurité, l'information de la GRC et les dossiers médicaux personnels des Canadiens.

Une procédure semblable est prévue si l'institution fédérale propose de tenir l'information secrète, mais que le commissaire à l'information ou un demandeur croit qu'elle doit être communiquée. La décision doit alors faire l'objet d'une révision par la Cour fédérale avant que l'information puisse être divulguée, à moins que le tiers consente à la divulgation.

Qu'y a-t-il de mal à rendre la loi redondante? Je vous ai dit que tous les renseignements sont protégés et que la procédure prévue va bien au-delà des mécanismes mis en place pour tout autre renseignement délicat. Pourquoi ne pas aller un peu plus loin et donner une protection absolue afin de rassurer les tiers?

L'article 8 du projet de loi C-12 ne relève pas, à notre avis, d'une bonne politique publique, parce qu'il enlève aux institutions fédérales et aux tiers le fardeau de démontrer la nature délicate de l'information avant d'en refuser l'accès. L'article proposé permettrait à un tiers de définir la portée du secret simplement en apposant le mot « confidentiel » sur les documents fournis au gouvernement portant sur sa vulnérabilité.

Pour vous rappeler les différences qui existent, je vais vous demander de regarder l'alinéa 20(1)c) de la Loi sur l'accès à l'information et de le comparer à l'article 8 du projet de loi C-12. À l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information, on peut lire ceci :

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle...

Vous devez prouver que ce sont des renseignements confidentiels, de par leur nature. Je continue :

... et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

Les tiers ne peuvent pas dire simplement « ces renseignements se trouvent sur mon site Web, mais vous, le gouvernement, vous ne pouvez pas les communiquer. »

Comparez cette disposition à l'article 8 du projet de loi C-12. On n'exige plus que les renseignements soient de nature confidentielle; on dit simplement qu'ils doivent être fournis à ce titre. De même, on a éliminé « et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers ». Le fait de ne plus exiger que les renseignements soient de nature délicate nous préoccupe. C'est essentiellement ce que fait l'article 8. Cette exigence n'existe plus.

Cette modification met sous le sceau du secret des renseignements qui peuvent ne pas être confidentiels ou délicats. À cet égard, la modification n'exige même pas qu'ils soient traités comme confidentiels par le tiers.

Cette vaste zone de secret est définie non pas par le caractère délicat démontrable de l'information, mais par le simple fait que le tiers affirme qu'il s'agit d'une information confidentielle. La non-divulgation serait obligatoire à jamais, peu importe que les circonstances changent, peu importe combien d'années passent, peu importe si l'entreprise visée existe ou non. Bien sûr, les gouvernements peuvent choisir de communiquer l'information dans l'intérêt public en vertu du paragraphe 20(6), que vous trouverez à la page 64. Il y a une modification qui applique ceci à la nouvelle disposition, faisant en sorte que l'information peut être communiquée — et je cite :

... pour des raisons d'intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l'environnement; les raisons d'intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu'il mène en vue de contrats ou à d'autres fins.

Je suis sous-commissaire à l'information depuis 16 ans et, que je sache, aucun gouvernement n'a communiqué un renseignement d'un tiers pour des raisons d'intérêt public depuis mon entrée en fonction.

Cette disposition fait en sorte que l'accès à l'information n'est plus un droit, mais relève désormais de la faveur de l'État. Ce sont les dirigeants des institutions fédérales qui décideraient ce qui constitue l'intérêt public, et je crois que vous avez constaté durant le témoignage du ministre qu'il n'avait pas une idée précise de ce qui pourrait être communiqué pour des raisons d'intérêt public.

Ce qui nous préoccupe, c'est que le niveau de secret proposé pourrait soustraire les gouvernements de l'obligation de rendre compte de leur incapacité à évaluer correctement les renseignements qu'ils reçoivent et qui portent sur des vulnérabilités et de rendre compte de leur inaction. Supposons, par exemple, qu'un acte terroriste ou une catastrophe naturelle se produit et que le gouvernement n'intervient pas correctement. Les députés, les sénateurs, les représentants des médias et le public ne pourraient pas savoir dans quelle mesure le gouvernement avait été dûment averti, à moins que ce dernier ne soit prêt à communiquer les renseignements dans l'intérêt public.

Je vous demande de garder en tête les indications données par la Cour suprême du Canada quant à l'objet de la Loi sur l'accès à l'information. Je cite le juge La Forest, et vous trouverez la citation dans mon document. Voici ce qu'il a dit :

La Loi en matière d'accès à l'information a pour objet général de favoriser la démocratie en aidant à garantir que les citoyens possèdent l'information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et que les politiciens et bureaucrates demeurent comptables envers l'ensemble de la population.

Il a une question de responsabilité qui, selon moi, est affaiblie par l'article 8. Comment les Canadiens vont-ils savoir si le gouvernement agit professionnellement et promptement et qu'il s'acquitte pleinement du mandat que lui confère la loi? L'article 8 du projet de loi C-12 risque fort de soustraire le gouvernement et les gouvernements futurs de l'obligation de rendre compte de l'administration de la Loi sur la gestion des urgences.

Je vous demande aussi de garder en tête l'article 2, qui définit l'objet de la Loi sur l'accès à l'information. Vous le trouverez à la page 37 du document que je vous ai donné. L'article se lit comme suit :

La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées...

L'article 8 ne comporte pas d'exceptions précises et limitées. Tout ce qu'un tiers demande à tenir secret peut être tenu secret. Aucun critère ne s'applique, la nature délicate du renseignement n'a pas à être démontrée.

L'article 8 nous amène à poser la question suivante : pourquoi les renseignements portant sur la vulnérabilité d'une entreprise et des installations d'un tiers exigent-ils plus de protection que celle prévue par la Loi sur l'accès à l'information à l'égard des installations et des systèmes de nos forces militaires, de nos organismes de sécurité et de renseignement, de nos établissements pénitentiaires, de notre garde côtière, de nos services diplomatiques et de nos moyens de communications diplomatiques, de notre force policière nationale — en fait, toutes les installations et tous les systèmes des institutions du gouvernement du Canada?

Je veux attirer l'attention des sénateurs sur le fait que depuis près de 25 ans — la loi est entrée en vigueur le 1er juillet 1983 — des tiers fournissent leurs renseignements les plus délicats aux organismes de réglementation du gouvernement fédéral — les compagnies aériennes, les compagnies de chemin de fer, les compagnies de transport maritime, les pipelines d'hydrocarbures, les entreprises de télécommunications, les compagnies pharmaceutiques, les banques, et cetera.

Les exceptions incluses dans la Loi sur l'accès à l'information ont très bien protégé ce qui doit être protégé. J'ai lu les transcriptions, et je n'ai vu aucun tiers, ni aucun représentant du gouvernement montrer un seul type de renseignement qui ne pouvait être protégé en vertu de la loi actuelle.

Un principe fondamental de la démocratie canadienne veut que le secret du gouvernement soit gardé à un niveau minimal objectivement démontrable afin de maximiser la responsabilité du gouvernement par la transparence. La Cour suprême a reconnu ce principe comme étant quasi constitutionnel. Nous sommes d'avis que l'article 8 du projet de loi C-12, au nom de la sécurité et de la protection civile, porterait inutilement atteinte à ce principe.

Je vous remercie de m'avoir permis de présenter une déclaration préliminaire. Je tenterai de répondre de mon mieux à vos questions.

Le président : Monsieur Leadbeater, vous présentez des arguments fort convaincants. Je ne crois pas que le comité des Communes les ait entendus. N'avez-vous pas été invité? N'avez-vous pas été mis au courant? Comment se fait-il que c'est la première fois que nous entendons cela?

M. Leadbeater : Comme je l'ai dit, des entretiens ont eu lieu au niveau des fonctionnaires supérieurs, et certaines choses se sont produites. Tout d'abord, nous n'avons pas été invités. Ensuite, il y a eu une période pendant laquelle il n'y avait pas de commissaire à l'information; le mandat de John Reid s'est terminé en septembre et celui de M. Marleau n'a commencé qu'en janvier. Il n'y avait aucun commissaire intérimaire nommé par le gouvernement, alors on ne nous a pas demandé de comparaître à cette époque, mais nous avons essayé de faire part de nos préoccupations par l'entremise des fonctionnaires supérieurs.

Le président : Je suis heureux que nous vous ayons invité.

Le sénateur Fraser : Comme la plupart des gens qui étudient ce projet de loi, je m'y perds de plus en plus.

Il me semble que ce qu'on ajoute, c'est la capacité du gouvernement de refuser de communiquer des renseignements d'un tiers concernant des plans de gestion d'urgence, en particulier des renseignements qui portent sur la vulnérabilité des bâtiments de ce tiers, de ses réseaux ou de ses systèmes, y compris ses réseaux informatiques ou de communications, et les méthodes utilisées pour protéger ces bâtiments, ces systèmes, et cetera.

M. Leadbeater : L'alinéa 16(2)c) de la Loi sur l'accès à l'information le prévoit déjà — et je cite :

... des renseignements portant sur la vulnérabilité de certains bâtiments ou ouvrages ou de réseaux ou systèmes divers, y compris des réseaux ou systèmes informatisés ou de communications, ou portant sur les méthodes employées pour leur protection.

Le sénateur Fraser : Y a-t-il une différence entre ce qui existe déjà et ceci?

Deuxièmement, les dispositions proposées dans le projet de loi C-12 seraient tout de même assujetties à la même procédure d'appel que les autres éléments de la loi, n'est-ce pas?

M. Leadbeater : C'est exact. Je vais d'abord répondre à la deuxième partie de votre question.

Si l'article 8 est adopté, un avis devra quand même être donné au tiers avant toute communication, notamment pour des raisons d'intérêt public, et ce tiers pourra demander une révision de la Cour fédérale.

Concernant la première partie de votre question, à savoir quelle est la différence entre ce qui existe et ce qui est proposé, toutes les dispositions actuelles exigent qu'il soit démontré que l'information est délicate. Cette exigence ne se trouve pas dans l'article 8; les renseignements doivent simplement être fournis à titre confidentiel.

Le sénateur Fraser : Pour me faire l'avocat du diable, je dirais que, dans le monde merveilleux dans lequel nous vivons depuis quelques années, il pourrait y avoir beaucoup de renseignements qui ne sont pas des secrets industriels ou commerciaux, dans le sens habituel du terme, qui ne seraient pas dans l'intérêt public de communiquer. Les pratiques en matière de sécurité en seraient un exemple. Qu'y a-t-il de mal à intégrer cela, de façon explicite?

M. Leadbeater : Si votre question est de savoir s'il existe des renseignements préjudiciables qui ne sont pas visés par la loi et qui devraient l'être, je n'en ai pas vu. En théorie, il pourrait y en avoir. La loi est tellement complète en ce qui a trait à la protection des renseignements de tiers que rien, il me semble, n'a été oublié, que ce soit l'image d'une entreprise, sa position face à ses clients, sa sécurité ou sa compétitivité. Toutefois, vous devez prouver que ces renseignements sont délicats.

Si on adopte un système où les gens peuvent définir arbitrairement la nature secrète d'un renseignement que détient le gouvernement fédéral — nous voulons que ce renseignement ne soit jamais communiqué — on porte atteinte, selon nous, au rôle de responsabilisation de la Loi sur l'accès à l'information et on crée une zone de secret qui ne répond pas au critère de défense démontrable et objective que l'on trouve dans une société démocratique.

Le sénateur Fraser : Même si c'était encore assujetti à la procédure d'appel?

M. Leadbeater : La procédure d'appel vise à bloquer la communication.

Le sénateur Fraser : Toutefois, vous pouvez interjeter appel d'une décision pour garder un renseignement secret, n'est-ce pas?

M. Leadbeater : Absolument. Cependant, si on a une disposition comme celle-ci, qui ne comporte aucun critère, la procédure judiciaire est très simple. Le tiers a-t-il fourni le renseignement à titre confidentiel? A-t-il apposé le sceau « Confidentiel »? Si oui, l'affaire est réglée.

Le sénateur Fraser : Les choses me paraissent plus claires. Merci.

Le président : Monsieur Leadbeater, dans la mesure où il y a des contradictions entre la philosophie et l'approche du statu quo et la nouvelle loi proposée, croyez-vous qu'on a agi intentionnellement ou que c'était un oubli de la part des rédacteurs?

M. Leadbeater : J'ai une assez bonne idée de ce qui s'est produit. Le gouvernement a tenu beaucoup de discussions et a consulté le secteur privé et je crois que le secteur privé lui a dit : « Oui, nous avons lu la Loi sur l'accès à l'information et nous voyons toutes ces mesures, mais avant de vous en donner plus, il nous faut une garantie absolue. Il ne doit y avoir aucune possibilité de divulgation. »

Pensez au pont qui relie Windsor et Detroit et qui appartient au secteur privé. Supposons qu'il y a là un endroit vulnérable, un endroit où vous pouvez mettre des explosifs. Le propriétaire ne donnera pas ce renseignement au gouvernement du Canada. Le gouvernement a essayé et a dit : « Écoutez, cette information sera protégée. Elle ne pourrait être communiquée d'aucune façon. Vous êtes protégés par la procédure et par la loi. »

Je crois que les tiers n'ont pas été bien renseignés. De plus, l'article en soi ne donne même pas une protection absolue puisqu'on peut invoquer l'intérêt public. Le ministre lui-même ne peut donner une garantie absolue. Le renseignement ne sera jamais communiqué parce qu'il pourrait être divulgué dans l'intérêt public, et personne ne sait ce que cela signifie.

Le sénateur Fraser : J'ai trouvé la disposition que je cherchais dans la Loi sur l'accès à l'information. Elle se trouve à la page 56. Il s'agit de l'alinéa 16(2)c) :

16(2) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d'infractions, notamment :

c) des renseignements portant sur la vulnérabilité de certains bâtiments ou ouvrages ou de réseaux ou systèmes divers, y compris des réseaux ou systèmes informatisés ou de communications...

Est-ce que cet alinéa est différent du nouvel article 8?

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Fraser : Désolée si la question paraît stupide, mais vous soulevez des questions importantes.

Le président : Et ce point est effectivement important.

M. Leadbeater : Les mots suivants sont nouveaux : « dont la communication risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d'infractions ». Il faut démontrer qu'il y a une attente raisonnable. Par exemple, l'adresse d'un immeuble constitue un élément d'information vulnérable, tout comme le fait qu'il se trouve, ou non, dans une zone inondable. Ces renseignements sont connus. Les tiers ne peuvent pas les considérer comme étant de nature confidentielle.

Le sénateur Fraser : L'article englobe tous les renseignements de ce genre, y compris ceux fournis par des tiers.

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Fraser : Est-ce que seules les institutions fédérales sont visées?

M. Leadbeater : Ce sont tous les ouvrages ou bâtiments qui sont visés, pas seulement les institutions fédérales.

Le sénateur Andreychuk : L'article mentionné par le sénateur Fraser précise — et je cite :

Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement de faciliter la perpétration d'infractions...

C'est le responsable de l'institution fédérale qui décide.

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Si cette personne prend une décision, cette décision est finale, n'est-ce pas?

M. Leadbeater : Non. Si le responsable juge que les renseignements peuvent être divulgués, il est tenu d'en informer le tiers qui, lui, peut s'adresser aux tribunaux.

Le sénateur Andreychuk : Je veux savoir si c'est le responsable de l'institution fédérale qui prend la décision.

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Il juge la décision raisonnable. Il ne se fonde par sur un règle de bon sens ou sur une norme d'intérêt public, mais prend tout simplement la décision parce que c'est lui qui occupe le poste. Si je dis cela, c'est parce que j'ai pris part à l'examen de la Loi sur la sécurité publique — et le sénateur Fraser se souviendra que des dispositions reflétant l'opinion du ministre ont été rajoutées à celle-ci. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire peut toujours faire l'objet d'un examen administratif devant les tribunaux, sauf que l'on ne peut pas y substituer son jugement. Si la personne dit : « J'ai exercé mon jugement », vous ne pouvez pas remplacer le jugement de cette personne par le vôtre.

M. Leadbeater : C'est exact.

Le sénateur Andreychuk : Pour moi, cet article veut dire la même chose. Si le responsable d'une institution fédérale entreprend un processus de réflexion en vue d'arriver à une conclusion, c'est là qu'intervient le critère du caractère raisonnable.

M. Leadbeater : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Le pouvoir discrétionnaire conféré par cette disposition vient du mot « peut ». Le responsable peut refuser la communication de renseignements, sauf que cette décision ne doit pas être fondée sur des critères subjectifs, des motifs injustifiés, ainsi de suite. Le critère de l'attente raisonnable est un critère objectif, même s'il est défini en termes subjectifs. Les tribunaux sont souvent appelés à l'examiner en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, puisque les mots « risquerait vraisemblablement de nuire » servent de fondement à la plupart des exceptions qui sont accordées. Les tribunaux examinent les éléments de preuve, leur caractère hypothétique, et cherchent à déterminer s'ils s'appuient sur la norme de probabilité et non celle de simple possibilité. Le processus d'examen des tribunaux est rigoureux. Il ne vise pas uniquement à déterminer si le responsable est convaincu ou non de l'existence d'un risque.

Le sénateur Andreychuk : Vous dites maintenant que le critère est objectif.

M. Leadbeater : Le critère est objectif, mais il est défini en termes subjectifs.

Le sénateur Andreychuk : Certaines dispositions de la Loi sur la sécurité publique sont libellées en termes subjectifs, et d'autres, en termes objectifs. Vous dites que ce critère objectif est libellé en termes subjectifs.

M. Leadbeater : Permettez-moi de vous donner un exemple. Le paragraphe 20(6), à la page 64, qui porte sur l'intérêt public, précise que le responsable d'une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant des renseignements, pour des raisons d'intérêt public, concernant la santé et la sécurité publique ainsi que la protection de l'environnement. Est-ce que ce critère a trait à l'intérêt public, et est-ce que cet intérêt public l'emporte sur les autres intérêts mentionnés dans cette disposition? C'est ce que doit décider le ministre, et sa décision peut être revue par les tribunaux. En quoi consiste cet intérêt public? C'est quelque chose que devra établir la jurisprudence, de façon ponctuelle, avec le temps.

La situation est la même dans le cas de l'attente raisonnable de préjudice. Ces questions sont déterminées par la jurisprudence, et fort heureusement, cette notion a été définie dans de nombreuses décisions de la Cour fédérale. Le critère de préjudice a fait l'objet de cas de jurisprudence fort détaillés sous l'administration Mulroney, dans l'affaire concernant la divulgation des résultats des sondages d'opinion sur l'unité nationale. Il s'agissait de l'arrêt Le Commissaire à l'information c. Le Premier ministre du Canada. Le tribunal a examiné le critère raisonnable de préjudice à fond.

Le sénateur Andreychuk : Il est question, à l'alinéa 8(1)b.1), du principe de primauté de l'intérêt public.

M. Leadbeater : En effet.

Le sénateur Andreychuk : Ce principe devrait s'appuyer sur les décisions des tribunaux, la jurisprudence relative à l'intérêt public, n'est-ce pas?

M. Leadbeater : Cet alinéa, à ma connaissance, n'a jamais été invoqué.

Le sénateur Andreychuk : Ma question est la suivante : savez-vous si un critère différent est utilisé dans ce cas-ci concernant la primauté de l'intérêt public, ou est-ce que les décisions rendues par les tribunaux sont assez cohérentes pour ce qui est de l'utilisation du principe de primauté de l'intérêt public?

M. Leadbeater : En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le principe de primauté de l'intérêt public ne peut être invoqué que dans deux cas — dont celui de la divulgation de renseignements personnels. Les renseignements personnels font l'objet d'une exception obligatoire; ils sont assujettis au principe de primauté de l'intérêt public. Il est arrivé, par exemple dans le cas de bris de prison, que des renseignements concernant le contrevenant soient divulgués dans l'intérêt public. Il faut suivre une procédure et informer le commissaire à la protection de la vie privée.

Toutefois, à ma connaissance, il n'y a jamais eu divulgation de renseignements de tiers, dans l'intérêt public, conformément à l'article 20 de la loi. Cela veut dire que les responsables des institutions fédérales hésitent à divulguer des renseignements relatifs à un tiers, étant donné la nature délicate de l'information. Si le ministre reçoit des renseignements de toutes sortes, sensibles ou peu sensibles, et qu'il hésite à les divulguer dans l'intérêt public, alors cela veut dire que la portée du caractère confidentiel est élargie au-delà de ce à quoi les tiers ont droit depuis 24 ans.

Le sénateur Andreychuk : L'alinéa 8(1)b.1) laisse entendre que les renseignements sont confidentiels, sauf qu'il décrit ensuite la nature de ceux-ci en insistant sur le mot « vulnérabilité ». Le gouvernement cherche à établir un juste équilibre. Les tiers font partie de notre système de protection, du régime de sécurité publique, autrement, ils ne se verraient pas confier la gestion de nos ponts et de nos nombreuses autres installations. Nous devons leur faire confiance. Nous avons accès à des mécanismes pour surveiller leurs activités. Pour l'instant, les renseignements sont gardés confidentiels, et nous leur donnons cette assurance. Toutefois, le gouvernement peut choisir de les divulguer au nom de l'intérêt public.

Sur quoi vous fondez-vous pour dire qu'en raison de la façon dont le texte est libellé, le principe de la primauté de l'intérêt public ne s'appliquerait pas dans ce cas-ci? Le gouvernement doit, et c'est une obligation fondamentale, agir dans l'intérêt du public — en tout temps. J'essaie de ne pas être trop rigoriste. Ils disposent maintenant d'un outil de poids qui leur permet de donner une nouvelle assurance aux tiers qui font partie de notre système de sécurité publique. Toutefois, cela n'empêche aucunement le ministre ou le gouvernement de divulguer des renseignements, s'il est dans l'intérêt public de le faire. La jurisprudence, celle qui découle non pas de cette loi en particulier, mais de toutes les lois touchant l'intérêt public, devrait alors s'appliquer.

M. Leadbeater : Je ne conteste pas ce que vous dites. En fait, notre bureau recommande que toutes les exceptions prévues par la loi soient assujetties au principe de primauté de l'intérêt public. Toutefois, les renseignements visés par ce principe doivent être de nature délicate. Il est question, dans cette disposition-ci, des renseignements fournis « à titre confidentiel » par des tiers — des renseignements qui peuvent ou non être délicats. Je ne sais pas pourquoi, par exemple, on fait allusion, au début de l'alinéa 8.1b.1), aux « renseignements qui, d'une part, sont fournis à titre confidentiel ». Pourquoi ne pas parler, comme le fait la disposition précédente, dans la loi existante, « des renseignements confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers »?

Si les renseignements sont de nature confidentielle, alors cela règle la question, car c'est le critère qui doit être respecté. Le fait qu'on utilise un libellé différent de celui qui figure à l'alinéa 20(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information devrait inquiéter les législateurs, car il est clair que l'on s'attend à ce que l'information fournie ne soit pas confidentielle et ne soit pas conservée par les tiers.

N'oubliez pas : le tiers doit démontrer, en vertu de l'article existant, que les renseignements sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle. Or, ce critère ne figure plus dans la disposition. Il devait tenir lieu de garantie pour les tiers, sauf que cela ne fonctionne pas parce que le paragraphe 20(6), qui autorise la communication dans l'intérêt public, existe toujours. Le gouvernement ne peut respecter l'engagement qu'il a pris en matière de responsabilité et de transparence, car comment les Canadiens sont-ils censés avoir accès à la vérité après le fait?

N'oubliez pas que tous ces renseignements vont demeurer confidentiels, peu importe ce qui arrive. Pour revenir à l'exemple que j'ai déjà utilisé, l'entreprise n'existe plus. Quelqu'un décide, 100 ans plus tard, d'écrire un livre et de consulter les archives publiques pour savoir si un plan d'urgence avait été adopté pour venir à bout de cette catastrophe, si des mesures avaient été prévues — les renseignements devront obligatoirement demeurer confidentiels.

Le sénateur Andreychuk : Je ne sais pas si les dossiers du gouvernement visés par cette disposition peuvent, plus tard, être ouverts de nouveau. Toutefois, il me semble qu'en cette ère difficile, ce qui est confidentiel pour une personne ne l'est peut-être pas pour une autre. Les renseignements de nature technique peuvent nous sembler inoffensifs aujourd'hui, sauf que l'arrivée de technologies nouvelles peut tout changer. Les tiers évoluent dans un monde qui change très rapidement. Le gouvernement doit — vous parlez de garantie — exiger d'avoir accès à plus grand nombre de renseignements. C'est lui, ensuite, qui décidera ce qu'il convient de faire avec ceux-ci. Un élément d'information inoffensif peut peut-être sauver une vie — parce que quelqu'un y jette un coup d'œil, en même temps qu'il analyse tous les autres renseignements provenant d'autres sources.

Cet argument a été utilisé de façon convaincante — j'ai joué le rôle de l'avocat du diable. Le ministre d'un gouvernement précédent a comparu devant nous et nous a dit que les renseignements étaient très importants. En fait, nous avons délégué des pouvoirs à un sous-ministre, plutôt qu'à un autre ministre, ce qui est tout à fait inusité dans un régime de type britannique, où c'est l'exécutif qui doit rendre des comptes, en raison de la nature spécialisée des renseignements. Par conséquent, si le ministre avait les renseignements en main, mais n'était pas disponible, il était dans l'intérêt public de confier ces renseignements au sous-ministre plutôt qu'à un autre ministre, ce qui a toujours été la règle. Sauf que nous vivons aujourd'hui dans un monde bien différent.

Je lis cette disposition et je me dis qu'un très grand nombre de renseignements vont être classés confidentiels, car le gouvernement doit évaluer la situation et assurer la sécurité. Je préfèrerais que ces renseignements se retrouvent entre les mains du gouvernement. C'est peut-être trop demander, mais il faut tenir compte de l'intérêt public.

M. Leadbeater : On peut regarder la chose sous un angle différent et dire que, même si le tiers ou le gouvernement n'arrive pas à convaincre 13 juges de l'appareil judiciaire du Canada que l'information est sensible, elle devrait quand même rester secrète. C'est ce que dit cette disposition : nous savons, le gouvernement du Canada et les tiers, ce qui doit être gardé secret dans ce monde en constante évolution et nous n'avons pas à nous justifier auprès de qui que ce soit, que ce soit la Cour fédérale, la Cour d'appel, la Cour suprême du Canada. La seule façon dont les renseignements vont être divulgués, c'est si un juge l'ordonne. Notre bureau ne peut exiger la divulgation de ces renseignements. Ils ne peuvent être divulgués que de deux façons : le ministre les communique dans l'intérêt public, ou les tribunaux exigent que les renseignements soient divulgués, une fois tous les arguments concernant les protections invoqués.

Si nous n'arrivons pas à démontrer, via ce processus, que les renseignements sont de nature délicate, pourquoi voudrions-nous, en tant que société, garder ces renseignements confidentiels, sauf si ce n'est que pour miner le rôle de responsabilisation des institutions fédérales qui, à un moment donné, après les faits, doivent rendre compte de leurs actes. Ces renseignements doivent rester confidentiels.

Supposons qu'un désastre ou une catastrophe terrible est mal géré par les diverses autorités et que le gouvernement dit, nous aimerions pouvoir vous dire ce que nous savions, mais nous ne pouvons pas le faire, car il n'est pas dans l'intérêt public de divulguer ces renseignements : ils peuvent nuire à la position concurrentielle de l'entreprise, lui faire perdre des clients, ainsi de suite. La loi actuelle, la Loi sur l'accès à l'information, tente de protéger tous les intérêts. Cette petite disposition dit tout simplement, abandonnons la partie, donnons une garantie aux tiers, même si ce n'est pas nécessaire, pour qu'ils collaborent.

Le gouvernement a d'autres outils en main. Il peut exiger des rapports. Il le fait dans d'autres domaines qui sont assujettis à la réglementation. Toutefois, dans le cas de la protection civile, il n'est pas prêt à le faire. Si le système de contrepartie mine le droit du public d'avoir accès à l'information et la responsabilisation du gouvernement, même dans le cas de renseignements non délicats, alors il y a lieu de s'inquiéter.

Le sénateur Andreychuk : Des renseignements jugés confidentiels ont déjà été divulgués. Si vous estimez que tous les renseignements fournis doivent être classés confidentiels — il reste quand même un critère que nous pouvons appliquer. Vous donnez l'impression que cette interprétation est blindée.

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Parce qu'on utilise les mots « à titre confidentiel » plutôt que l'ancien libellé.

M. Leadbeater : Les renseignements confidentiels — de nature confidentielle.

Le président : Tous les renseignements sont visés, s'ils sont considérés de nature confidentielle.

Le sénateur Andreychuk : On pourrait appliquer un autre critère. Je ne sais pas comment vous êtes arrivé à cette conclusion. Est-ce en lisant le libellé, et ensuite en le comparant à l'autre?

M. Leadbeater : Oui. L'alinéa 8(1)b.1) commence par les mots « des renseignements qui, d'une part, sont fournis à titre confidentiel ». C'est quelque chose que l'on peut déterminer assez facilement. Y avait-il une lettre d'accompagnement? Est-ce qu'elle précisait que les renseignements étaient fournis à titre confidentiel? Est-ce que les pages portaient la mention confidentielle? Une fois que les renseignements sont fournis à titre confidentiel, on ne peut plus rien faire.

Le sénateur Andreychuk : Le sénateur Joyal devrait peut-être intervenir dans le débat. J'essaie toujours de comprendre comment vous êtes arrivé à cette interprétation.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas couper l'herbe sous le pied du sénateur Andreychuck, mais il me semble qu'il y a des cas où les renseignements, objectivement, ne sont peut-être pas confidentiels en tant que tels. Permettez-moi de vous donner un exemple — la résistance de l'acier utilisé dans les poteaux qui servent à transmettre l'électricité.

M. Leadbeater : Oui.

Le sénateur Serge Joyal : L'industrie connait probablement le niveau de résistance de l'acier, de l'aluminium, peu importe. Toutefois, si le gouvernement demande à l'entreprise X d'effectuer divers tests de résistance pour déterminer le niveau de vulnérabilité du système de transmission électrique, en tenant compte du contexte dans lequel l'acier est utilisé, il se peut que ces renseignements soient classés confidentiels et que le gouvernement refuse de les divulguer. Lorsque le gouvernement communique avec l'entreprise, il lui dit, nous aimerions avoir les résultats des divers tests de résistance, connaître la composition de l'acier et le contexte dans lequel il a été fabriqué, et évaluer le tout en fonction du système de transmission. Il est clair que le gouvernement veut protéger ces renseignements, étant donné qu'ils portent sur la vulnérabilité du système de transmission.

M. Leadbeater : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Supposons que la décision du ministre de ne pas divulguer les renseignements est contestée. Le tribunal doit d'abord déterminer si les renseignements ont été fournis à titre confidentiel, et ensuite, s'ils portent sur la vulnérabilité du système.

Selon moi, les renseignements, en tant que tels, pris hors contexte, ne sont pas confidentiels. Toutefois, les données liées au niveau de résistance du système de transmission peuvent être jugées de nature délicate, aux fins de la protection de la sécurité. C'est là que se situe la ligne de démarcation entre les deux. Nous devons examiner de près l'interprétation que nous donnons au libellé.

M. Leadbeater : Voilà pourquoi j'ai cité divers articles — dont le paragraphe 16(2), qui n'exige pas que les renseignements soient fournis à titre confidentiel. Toutefois, leur divulgation peut être refusée si cela risque de faciliter la perpétration d'infractions. Il est question ici de renseignements portant sur la vulnérabilité de certains bâtiments, ouvrages ou réseaux, « y compris des réseaux ou systèmes informatisés ou de communications » — d'où votre exemple sur les lignes de transmission — « ou portant sur les méthodes employées pour leur protection. »

Il y a un critère, ici, qui s'ajoute au critère de préjudice concurrentiel prévu à l'article 20. Cette disposition traite des renseignements de nature confidentielle, et c'est à cela que vous faites allusion, et aussi de l'utilisation qui en est faite. Peuvent-ils servir à commettre une infraction? Un acte terroriste? Peuvent-ils servir — et je vous renvoie à l'autre article que j'ai cité — à promouvoir le terrorisme? Ces renseignements sont protégés par le biais de cet article.

Il arrive, comme vous le dites, que certains renseignements ne sont pas classés confidentiels, sauf qu'ils peuvent être jugés de nature délicate si l'on tient compte de la façon dont ils sont utilisés dans le contexte actuel, par exemple. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, et je pense que la loi en tient compte.

Toutefois, il faut être en mesure de démontrer que ces renseignements sont de nature délicate, ce que nous faisons couramment. Lorsque le gouvernement veut garder des renseignements confidentiels et que quelqu'un dépose une plainte auprès de notre bureau, nous lui demandons de nous expliquer pourquoi il juge l'information délicate. Il n'y a aucune disposition dans la loi qui nous interdit de le faire. Le gouvernement peut tout simplement dire que la personne qui a fourni l'information a demandé à ce qu'elle soit gardée secrète. Nous n'avons pas à vous expliquer pourquoi; on nous a tout simplement demandé de la garder secrète.

Je me suis trompé — la seule occasion où le problème se pose, c'est dans le cas de gouvernements tiers.

Le sénateur Joyal : C'est ce que je pensais.

M. Leadbeater : L'article 13 prévoit une exception. Si d'autres gouvernements fournissent des renseignements à titre confidentiel, ceux-ci doivent être gardés secrets, sauf si le gouvernement accepte qu'ils soient divulgués. Si des gouvernements municipaux ou provinciaux fournissent de l'information, celle-ci doit obligatoirement être gardée secrète, sauf s'ils consentent à ce qu'elle soit divulguée.

Le sénateur Joyal : Je continue de croire qu'il y a une nuance entre les deux critères prévus à l'alinéa 20(1)b) — le fait que les renseignements sont de nature confidentielle et qu'ils sont traités comme tels par le tiers — et le fait que nous exigeons que les renseignements portent sur la vulnérabilité du système. Il y a, à mon avis, un élément d'objectivité qui entre en ligne de compte. Si, en tant qu'entreprise, je transmets au gouvernement des renseignements que je considère confidentiels parce qu'ils portent sur la gestion de l'entreprise — ni les concurrents ni les clients n'y ont accès —, et que je les fournis sous le sceau du secret parce qu'ils portent aussi sur la vulnérabilité du système, le principe de l'intérêt public, ici, est considéré dans une optique plus restreinte que si les renseignements sont tout simplement communiqués à titre confidentiel et traités comme tels par l'entreprise.

M. Leadbeater : Rappelez-vous qu'en vertu de cette disposition, le fait que le tiers lui-même garde ces renseignements confidentiels n'est plus une exigence.

Le sénateur Joyal : Je suis d'accord, mais il est maintenant question de la vulnérabilité.

M. Leadbeater : On ne dit pas que les renseignements causeraient un préjudice d'une certaine façon — que leur divulgation rendrait l'entreprise vulnérable — il est simplement écrit « portent sur la vulnérabilité » .

Ainsi, dans les exemples que je vous ai donnés plus tôt, des renseignements comme l'adresse, le fait que l'entreprise soit située ou non sur une plaine inondable, qu'elle se trouve près ou non d'une caserne de pompiers, et cetera, constituent de l'information qui porte sur la vulnérabilité. Il ne s'agit pas en soi de renseignements délicats puisqu'ils sont d'ordre public. Ils ne sont pas sensibles comme ceux dont j'ai parlé tout à l'heure, comme l'endroit où un pont est le moins solide, et donc où il vaut mieux placer un explosif.

Si on soustrait une institution fédérale à l'obligation de démontrer la nature délicate d'un renseignement avant de refuser de la divulguer, on agit à l'encontre du but de la loi.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas la nature sensible de l'information que le gouvernement doit prouver, mais bien la vulnérabilité du système, avant de pouvoir refuser la divulgation. Ce n'est pas le caractère sensible qu'il faut prouver en s'appuyant sur le fait que l'entreprise en question a toujours considéré les renseignements en question comme confidentiels. C'est plutôt le fait que la divulgation de l'information rendrait le système plus vulnérable. Il s'agit là, à mon avis, d'un critère qui vient remplacer celui appliqué par l'entreprise. On ne s'appuie plus sur le fait qu'elle considère ou non l'information confidentielle, mais plutôt sur l'incidence de la divulgation sur la vulnérabilité du système.

M. Leadbeater : Tout ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit d'un critère qu'on applique à des renseignements qui sont parfois du domaine public.

Le sénateur Joyal : C'était le cas auparavant également.

M. Leadbeater : Non. Auparavant, il fallait démontrer qu'il s'agissait d'information sensible.

Le sénateur Joyal : L'alinéa 20(1)b) se lit comme suit :

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tel de façon constante par ce tiers;

C'est le tiers qui détermine si ce sont des renseignements délicats.

M. Leadbeater : Non. D'après les tribunaux, les mots « qui sont de nature confidentielle » signifient que les renseignements doivent absolument être confidentiels de par leur nature. Cela indique que, s'ils étaient divulgués, ce serait nuisible sur le plan de la compétitivité puisqu'ils concernent les activités de l'entreprise.

Souvenez-vous que, lorsque le ministre a comparu devant nous, il a affirmé que l'objectif est de protéger l'information sensible.

Le sénateur Joyal : Oui, mais l'alinéa b.1) qui est proposé comporte deux éléments. D'une part, les renseignements sont fournis à titre confidentiel, et d'autre part, ils portent sur la vulnérabilité du système. Il faut prouver les deux. Quelqu'un doit vérifier la vulnérabilité, et c'est vous qui le ferez.

M. Leadbeater : Oui. Certains renseignements ne sont pas sensibles, parce qu'ils sont du domaine public ou anodins, mais leur divulgation rendrait vulnérables des systèmes ou des bâtiments. Si l'information est considérée confidentielle, elle demeurera secrète.

Le sénateur Joyal : Oui, mais il faudra déterminer le niveau de vulnérabilité.

M. Leadbeater : Non, cela n'a pas d'importance. Si les renseignements portent sur la vulnérabilité, ils demeureront alors confidentiels pour toujours. Le niveau de vulnérabilité n'a pas d'importance.

Le sénateur Fraser : J'ai une autre question à poser à ce sujet. Prétendez-vous sérieusement qu'un tribunal pourrait affirmer, par exemple, qu'une adresse ou un numéro de téléphone, ou tout autre renseignement de ce genre qui est du domaine public de par sa nature, constitue un renseignement confidentiel seulement parce qu'il figure dans un document portant la mention « confidentiel »?

Cela me semble un peu exagéré. Aucun tribunal ne déclarerait qu'il est interdit de divulguer le fait qu'il y a une caserne de pompiers à trois coins de rue parce que cette information figure dans un épais document sur lequel il est indiqué « Confidentiel ».

M. Leadbeater : Premièrement, l'étonnement que vous manifestez à propos d'une telle possibilité constitue précisément la raison pour laquelle cette disposition nous préoccupe. Vous vous demandez comment un tel renseignement pourrait être gardé secret. Comment se fait-il que cette disposition soit formulée de façon à protéger un tel renseignement?

Deuxièmement, si vous dites que cela ne peut se produire que si les tribunaux prennent cette disposition au pied de la lettre, je peux vous dire que ce n'est pas toujours ce qu'ils font. Si vous pensez qu'ils devraient le faire, pourquoi alors ne pas mettre les mots qu'il faut? Il est facile d'ajouter un mot, c'est-à-dire le même qui figure dans la disposition précédente de la loi, de sorte qu'on applique un critère objectif permettant de déterminer qu'un renseignement est confidentiel. Les choix sont nombreux; le ministre a utilisé le mot « sensible ».

On ne peut pas indiquer carrément que nous espérons que personne ne prendra cette disposition au pied de la lettre.

Le sénateur Fraser : Je ne suis pas convaincue.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas discuter de cela avec vous indéfiniment, mais je crois qu'un tribunal saurait faire la différence entre le mot « confidentiel » inscrit sur un document et la véritable nature confidentielle des renseignements. Même s'il est indiqué qu'un renseignement porte sur la vulnérabilité, il s'interrogera tout de même à savoir si c'est exact ou non.

Il me semble que de façon générale, les tribunaux — et je dis cela à la lumière de la décision rendue par le juge La Forest — verront à déterminer si en effet les renseignements portent sur la vulnérabilité.

Il me semble que les tribunaux l'ont prouvé. Je peux vous donner des exemples de situations dans lesquelles un tribunal n'a pas été empêché de revoir une décision prise par une administration, bien qu'il existait un article dans la loi stipulant que toute décision prise par une administration ne peut faire l'objet d'un appel. On n'a pas empêché le tribunal d'examiner cette décision même s'il était clairement précisé dans la loi qu'il ne pouvait pas le faire. Le tribunal a jugé qu'il avait la responsabilité, dans l'intérêt du public, de veiller à ce que tout se passe bien. C'est pourquoi j'hésite à appuyer votre opinion en ce qui concerne la confidentialité et la vulnérabilité.

M. Leadbeater : Dans l'ensemble, je suis d'accord avec vous. Les tribunaux essaieront de prendre une décision raisonnable. Comme il existe deux dispositions dans la même loi qui concernent la vulnérabilité de certains bâtiments et systèmes — soit le paragraphe 16(2), que je vous ai lu plus tôt, et l'article 8 du projet de loi —, les tribunaux essaieront de déterminer quelle était l'intention du Parlement. Je crois qu'ils concluront que le Parlement avait l'intention de s'en remettre aux tiers. Tous les renseignements que les tiers qualifient de confidentiels demeureront secrets. Si cela n'avait pas été l'intention du Parlement, il aurait appliqué le critère utilisé dans le cas de l'article 16. Il y a une incohérence dans la loi et cela fera en sorte qu'il sera difficile pour les tribunaux de faire ce que vous venez tout juste de dire. Comment peut-on expliquer la vulnérabilité de certains bâtiments et systèmes lorsqu'on emploie deux synonymes?

Le sénateur Joyal : Comme vous l'avez dit au début, c'est redondant. Vous avez déclaré : permettez-moi de me mettre à la place d'un juge.

M. Leadbeater : À moins qu'il n'y ait une autre signification, qui est celle que je crains qui sera comprise.

Le sénateur Joyal : J'ai vu beaucoup de lois qui avaient des redondances. On m'a parfois accusé de vouloir modifier de telles lois. Je vais poser ma question autrement. Existe-t-il une jurisprudence sur l'interprétation de l'alinéa 16(2)c)?

M. Leadbeater : Je ne suis pas certain. Je sais qu'il en existe une assez importante à propos du critère du risque vraisemblable de préjudice, précisément en ce qui concerne sa signification et quel type de preuve est requise pour l'appuyer. Par conséquent, nous avons une bonne idée de l'ampleur des détails dont un tribunal et nous-mêmes aurions besoin dans le cadre d'un examen.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous transmettre cette information au comité, de sorte que nous puissions comprendre le processus d'interprétation?

M. Leadbeater : Oui, tout à fait.

Le président : Avez-vous d'autres questions, honorables sénateurs? Il semble que nous soyons allés au fond des choses.

Monsieur Leadbeater ou madame Gendron, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Leadbeater : Je vous remercie, monsieur le président, et je remercie le comité de nous avoir écoutés attentivement.

Le président : Le sénateur Joyal a une dernière question qui lui brûle les lèvres.

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas étirer la séance inutilement, mais vous savez que nous essayons de bien comprendre.

Je vous demanderais d'aller au dernier paragraphe de la page 6 de votre allocution, où il est écrit que s'il se produisait un acte terroriste ou une catastrophe naturelle face à laquelle le gouvernement n'aurait pas pris des mesures adéquates, les députés, les sénateurs ou les membres des médias et du public ne pourraient pas savoir dans quelle mesure le gouvernement aurait été prévenu, à moins qu'il soit disposé à divulguer l'information dans l'intérêt du public.

Ce passage m'a fait réfléchir. Lorsque le comité du Sénat américain a enquêté sur les événements du 11 septembre afin de déterminer quels renseignements le gouvernement avait obtenus avant l'attentat et ce qu'il en avait fait, le gouvernement pouvait-il prétendre qu'il ne pouvait pas divulguer cette information pour des raisons de sécurité nationale? D'après le rapport, le comité a eu accès à de nombreux renseignements qui vraisemblablement étaient de nature sensible lorsque le gouvernement les a obtenus.

M. Leadbeater : Il n'existe aucune exemption comme celle qui est proposée ici. Il n'y a aucune loi provinciale qui prévoit une exemption similaire, bien que toutes les provinces prépareront des plans d'urgence. Il n'existe aucune disposition qui stipule que la confidentialité est obligatoire pour quelque renseignement que ce soit désigné secret par un tiers. Une telle disposition existe uniquement dans la présente mesure législative.

Le sénateur Joyal : Aucune loi provinciale concernant la préparation de plans d'urgence prévoit une disposition empêchant le gouvernement de divulguer de l'information de cette nature.

M. Leadbeater : Non, c'est seulement dans le présent projet de loi.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous donner un exemple d'un article d'une loi provinciale qui selon vous pourrait- être invoqué par le gouvernement provincial pour justifier son refus de divulguer un renseignement parce que cela rendrait vulnérable un certain système.

M. Leadbeater : La loi albertaine, par exemple, comporte une disposition, précisément le paragraphe 20(1), qui stipule que le dirigeant d'un organisme public peut refuser — c'est donc un pouvoir discrétionnaire — de divulguer un renseignement si on peut présumer raisonnablement que cela nuirait à la sécurité d'un bâtiment ou d'un système, y compris un immeuble, un véhicule ou un système informatique ou de communication.

Cette disposition est un bon exemple. Elle fait référence au critère du risque vraisemblable de préjudice. Nous n'avons trouvé aucun cas depuis l'entrée en vigueur de la loi, il y a 24 ans, où la divulgation d'information en vertu de cette mesure législative ait rendu vulnérable un immeuble, un système ou une structure, gouvernemental ou privé.

Le président : Merci. Les témoins ont accepté de fournir de l'information supplémentaire au comité. Si nous décidons d'adopter cet amendement, il serait utile que nous sachions quel sera le libellé afin que nous puissions nous y pencher sérieusement.

M Leadbeater : Monsieur le président, je me souviens seulement qu'on m'a demandé de fournir de l'information au sujet de la jurisprudence concernant le critère du risque vraisemblable de préjudice. Y avait-il autre chose?

Le président : Nous voulons connaître le libellé de votre proposition. Nous vous remercions d'avoir comparu; vos observations nous ont été fort utiles.

La séance est levée.


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