Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 7 - Témoignages du 18 octobre 2006
OTTAWA, le mercredi 18 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, les obstacles au commerce interprovincial.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui poursuit son étude des obstacles au commerce interprovincial. Nous sommes ravis d'avoir aujourd'hui deux témoins exceptionnels provenant de deux des grandes côtes du Canada, la côte est et la côte ouest.
Nous sommes ravis de vous voir, messieurs.
Cette audience sera diffusée partout au pays à la télévision et dans Internet, et nous souhaitons à nos téléspectateurs la bienvenue.
Aujourd'hui, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce poursuit son examen des obstacles au commerce interprovincial qui existent au Canada, en particulier afin de comprendre dans quelle mesure ces obstacles au commerce interprovincial limitent la croissance, la rentabilité et la prospérité des secteurs touchés, ainsi que la capacité des entreprises dans les provinces et les régions touchées de former, en collaboration avec les États américains concernés, des régions économiques qui pourraient devenir de nouveaux moteurs de croissance régionale, et nous espérons qu'elles le deviendront.
Notre étude précédente portait sur la productivité. Le comité est très préoccupé par le fait qu'il y a un retard de productivité au Canada par rapport aux États-Unis, et nous avons convenu qu'il fallait trouver de nouvelles façons d'améliorer notre productivité nationale. Nous de ce comité croyons que la question des obstacles au commerce intérieur est d'une importance capitale en ce qui concerne notre prospérité future.
À notre avis, les obstacles accroissent souvent les coûts assumés par les entreprises, et donc par nos consommateurs, créent de graves déficiences et réduisent leur compétitivité et leur productivité. Nous devons certainement concentrer nos efforts sur des mesures précises qui permettront d'améliorer, d'une façon économique, la compétitivité et la productivité et d'éliminer ces obstacles au commerce interne qui nuisent à l'atteinte de cet objectif.
Nous sommes ravis d'avoir devant nous aujourd'hui deux témoins importants. M. Stephen Kymlicka est analyste principal de la politique à l'Atlantic Institute for Market Studies, en poste à Halifax, et M. Matt Morrison, un vieil ami, est directeur exécutif de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, à Seattle, Washington.
Messieurs, vous pourriez peut-être nous parler un peu de vous et du travail que vous faites, travail que certains d'entre nous connaissent très bien. Les membres du comité et nos téléspectateurs aimeraient bien savoir comment nous pouvons améliorer la productivité, la prospérité et la rentabilité afin d'en faire profiter tous les Canadiens.
Stephen Kymlicka, analyste principal de la politique, Atlantic Institute for Market Studies : Bonjour monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire connaître les travaux de l'Atlantic Institute for Market Studies, en particulier nos travaux sur les obstacles au commerce interprovincial et leurs rapports avec l'efficacité d'Atlantica, notre région frontalière.
Je vous transmets les salutations de notre président, M. Crowley, qui ne peut malheureusement pas être ici aujourd'hui.
Parlons d'abord d'Atlantica, une région qui, suivant notre définition, englobe les provinces maritimes, Terre-Neuve, la partie du Québec située au sud du fleuve Saint-Laurent, le nord de la Nouvelle-Angleterre et le nord-ouest de l'État de New York. Cette définition peut vous paraître arbitraire à première vue. Pourquoi ne pas englober Boston? Pourquoi pas Toronto? Boston et Toronto sont en effet des marchés qui ont des liens historiques importants avec Atlantica, mais notre définition tient en fait à des questions d'intérêt commun en matière de politique publique. Boston fait partie du Nouveau Triangle atlantique, une région qui va de New York à Boston puis à Albany.
Par exemple, dans le domaine des transports, Boston exploite des synergies avec la ville de New York, un marché plus important, et planifie ses politiques en matière de transport dans le contexte du « Port Inland Distribution Network » du port de New York-New Jersey. De même, Toronto fait partie du corridor Windsor-Québec, qui pourrait se prolonger depuis Detroit jusqu'à Chicago.
Les intérêts communs de cette région ne sont pas le fruit du hasard. Les habitants d'Atlantica ont le même patrimoine culturel et économique, des ancêtres communs en raison des migrations outre frontière, et ils vivent dans le même contexte géographique. Parmi les particularités qui caractérisent la région, mentionnons le fait que la plupart des corridors internes suivent un axe nord-sud, le long des cours d'eau. Malheureusement, le transport est-ouest s'est moins développé en raison notamment des obstacles naturels et de la frontière, laquelle était jusqu'à récemment gardée par des droits de douane élevés. Ainsi, une bonne partie de l'histoire de l'Amérique du Nord au XXe siècle a été marquée par un mouvement vers l'ouest, la colonisation de l'ouest, qui partait souvent de Montréal ou de New York, laissant Atlantica derrière.
En principe, Atlantica aurait toutes les raisons de jouir d'une excellente santé économique. Nous avons la chance d'avoir de nombreuses ressources naturelles, notamment du pétrole et du gaz, des usines de pâtes et papier et du gypse, de nombreux types d'entreprises agricoles, de l'aquaculture, un air sain, un climat tempéré et les plus belles côtes du monde. En outre, nous sommes situés tout près des grands marchés du monde ou sur leur chemin et avons un port de classe internationale. Selon la Policy Research Initiative, Atlantica se classe au second rang, tout juste derrière la région économique du nord-ouest du Pacifique, en ce qui concerne la vigueur globale de ses liaisons.
Atlantica pourrait aussi avantageusement abriter une passerelle qui permettrait de multiplier les échanges entre l'intérieur du continent et le reste du monde, en particulier l'Asie du Sud, en passant par le canal de Suez.
Quatre facteurs militent en faveur de ce projet. Premier facteur, la présence d'un port naturel profond libre de glaces sur le trajet circulaire qui relie l'Europe et New York. Deuxième facteur, l'encombrement des ports de la côte ouest et des corridors ferroviaires qui y sont reliés en raison de l'essor rapide des échanges avec l'Asie.
Les deux prochaines diapositives viennent de Drewery Shipping Consultants. Elles montrent une augmentation ahurissante de la circulation de l'Asie vers l'Amérique du Nord, soit deux millions de conteneurs par année. Même malgré l'accroissement des capacités sur la côte ouest, par exemple l'ouverture du port de Prince Rupert, c'est tout simplement insuffisant. Une certaine partie de cette circulation devra venir à la côte est. En parlant de Prince Rupert, sa capacité initiale prévue est d'un demi-million de TEU par année, et elle devrait passer à deux millions, ce qui permettra d'absorber une année de croissance. Or, les avantages que procureront toutes ces améliorations deviendront de moins en moins importants, et il faudra bien que la circulation aille quelque part. Le canal de Panama est engorgé, en est presque à sa pleine capacité, et les gros navires qui sont projetés ne pourront y passer.
Troisième point, les navires sont de plus en plus gros. Nous sommes actuellement à l'ère post-Panamax, et les navires qui sont sur la planche à dessin sont encore plus gros. Ils ne peuvent tout simplement pas passer par le canal de Panama; même après les agrandissements, les plus gros navires projetés n'y passeront pas. C'est là un fait important parce qu'il y a certaines économies d'échelle dans le transport de marchandises. Si l'on peut trouver une route entièrement maritime entre, disons, Colombo et l'Amérique du Nord, les plus gros navires possibles seront utilisés, ce qui signifie qu'ils viendront sur la côte est au lieu de la côte ouest.
Comme vous pouvez le voir, les gros navires dominent les carnets de commandes. Les entreprises de transports recherchent de nos jours le maximum de capacité, le maximum d'économies d'échelle qu'elles peuvent réaliser.
Je dirai en dernier lieu que nous avons un important avantage parce que notre corridor est desservi par le CN, la société ferroviaire la plus efficace du monde. Tous ces points signifient que dans l'intérêt de la croissance du PIB à l'intérieur du continent, depuis l'Ontario jusqu'au sud-ouest des États-Unis, il faut des portes d'entrée pour recevoir et acheminer les produits, et Halifax peut jouer un rôle important dans cette circulation.
Il ne fait aucun doute que les États-Unis sont conscients de la nécessité de la coopération transfrontalière, ce dont témoigne notamment la désignation de corridor prioritaire accordée par le Congrès à une autoroute est-ouest qui sera construite dans le nord de la Nouvelle-Angleterre — un ouvrage qui coûtera quelque 900 millions de dollars. Par ailleurs, les États-Unis ont demandé aux gouvernements des provinces de l'Atlantique et à Transports Canada de participer au projet Northeast CanAm Connections, projet dont le coût est estimé à un million de dollars et qui cherche à calculer les retombées économiques qui pourraient résulter de l'exploitation des synergies régionales. Ces initiatives sont extrêmement importantes pour Atlantica parce qu'elles vont améliorer l'accès aux grands marchés que sont Boston, New York, Montréal et Toronto. Il ne faut pas perdre de vue non plus une réalité historique, à savoir que la croissance économique est la plus vive à l'intersection des corridors, ce qui est de bon augure puisque la nouvelle route est-ouest viendra couper nos routes nord-sud.
Nous imaginons qu'Atlantica pourrait ressembler dans l'avenir à ce qu'on voit dans cette diapositive. Comme vous pouvez le voir, la ligne pointillée représente la nouvelle route qui nous reliera. On peut voir où sont situés tous les embranchements entre ces nouvelles routes est-ouest et nos artères nord-sud.
Alors où est le problème? Le transport est un enjeu important; les avantages du libre-échange sont extrêmement limités si le coût du transport est excessif. Le succès du projet de porte d'entrée repose en partie sur la création d'une région propice au transport. Ainsi, il serait utile d'harmoniser les normes et les règles régissant les véhicules dans toute la région frontalière, d'améliorer certains obstacles physiques — par exemple, l'élargissement à quatre voies de la Transcanadienne à Rivière-du-Loup — et de moderniser les lois sur le transport et les activités maritimes.
Nous donnons un bref exemple ici des différentes limites de charge au Canada et aux États-Unis. Je peux prendre un conteneur livré par bateau à Halifax et le transporter par camion à Montréal, mais je ne peux pas le transporter à Boston. Les limites de charge sur les routes sont telles que je ne peux tout simplement pas le faire.
Je recommande notamment de supprimer progressivement le droit de 25 p. 100 sur les navires importés, ce qui permettrait de renouveler la flotte marchande canadienne et de contribuer considérablement à rendre le marché interprovincial viable grâce au transport maritime à courte distance. L'objet des tarifs est de protéger une industrie, et bien que notre industrie de la construction de navires excelle dans la construction de remorqueurs et autres bateaux du genre, il y a longtemps que nous avons construit un navire de charge d'une quelconque importance. En réalité, nous ne protégeons rien du tout. Nous ne faisons qu'accroître les coûts de nos transporteurs canadiens.
C'est ainsi que pourrait fonctionner à notre avis un réseau de transport à courte distance au sommet. Comme vous le savez, les restrictions sur le cabotage sont telles que je ne peux prendre de la marchandise à Boston pour la transporter à New York et revenir à Halifax. Si nous pouvions, par exemple, trouver un drapeau de l'ALENA, et si nous avions les navires propres au transport sur de courtes distances, cette route serait extrêmement rentable pour nous.
Le statut des véhicules articulés allongés, ou trains routiers, illustre bien le problème. Depuis des années, ces véhicules sont utilisés avec succès au Québec, dans les provinces de l'Ouest et dans plusieurs États américains, accroissant ainsi la productivité et la viabilité économique sur de grandes distances. Or, leur utilisation au Canada atlantique a été limitée à un projet pilote entre Moncton et Saint John. Par conséquent, les camions qui voyagent de Montréal à Halifax, par exemple, adoptent la configuration commune réglementaire et non pas la configuration la plus efficace.
Pour vous donner une idée de l'importance de ce problème, il est estimé en Alberta que la productivité du transporteur routier serait accrue d'environ 5 p. 100, ce qui est considérable. En outre, comme il y a pénurie de conducteurs, il faut comprendre que les transporteurs routiers favorisent déjà leurs meilleurs clients. Si nous voulons rendre ces possibilités accessibles, souvent aux entreprises locales, il nous faut un accroissement de la capacité dans l'industrie du transport routier.
Pour changer la réglementation afin de permettre ces trains routiers, les promoteurs de cette configuration doivent tenter de convaincre les diverses administrations du bien-fondé de leur point de vue et risquent ce faisant d'obtenir des réponses fort diverses. Ce processus est long et ardu et n'apportera peut-être aucun avantage.
Les exigences administratives, par exemple en ce qui concerne le bureau principal ou la résidence et les multiples demandes, découragent l'établissement d'une succursale dans le Canada atlantique. En fait, il est structurellement plus efficace de miser sur la reconnaissance mutuelle de la certification professionnelle garantie par l'ALENA et d'offrir des services au Canada atlantique à partir, disons, du Maine que de le faire en ouvrant un bureau au Canada atlantique. Notre grave pénurie de main-d'œuvre, compliquée par la recertification, en fait les frais. On cite fréquemment en exemple les architectes et les comptables, mais le problème est généralisé. À titre d'exemple, ma propre famille a déménagé de Regina à Halifax pour des raisons de santé. Or, les titres de compétence de ma femme en éducation préscolaire n'ont pas été reconnus en Nouvelle-Écosse et elle a dû suivre un autre cours, retardant ainsi son entrée sur le marché du travail.
Les obstacles dans le secteur de l'énergie, notamment en transport, limitent son potentiel de croissance. Ce qui importe ici, c'est de préciser les paramètres économiques sous-jacents. Il y a plusieurs années, les États de la Nouvelle- Angleterre ont négocié un taux de transport commun laissant place à l'élaboration de politiques de distribution et de vente au détail. Cette norme permet une évaluation réaliste des solutions de rechange pour la production et le transport. Malheureusement, le Canada atlantique n'a pas de taux commun. Cette lacune masque le coût véritable de la production d'énergie et permet sans doute à des centrales inefficaces de poursuivre leurs activités aux frais du consommateur. Pour ce qui nous intéresse ici, elle mine la collaboration transfrontalière pour la mise en place d'un réseau électrique régional plus solide.
Enfin, je comprends que le comité est chargé d'examiner les obstacles interprovinciaux, mais je voudrais profiter de l'occasion pour souligner qu'il reste encore quelques obstacles aux échanges commerciaux avec les États-Unis. Il s'agit premièrement de la nécessité d'harmoniser les normes techniques applicables aux véhicules — une nécessité que ne prévoit pas l'ALENA et qui a été renforcée par le Partenariat pour la prospérité; deuxièmement de la nécessité de mettre en oeuvre les modalités d'un système de transport intelligent (STI) aux postes frontaliers et dans les ports; et troisièmement de la conception d'un drapeau de l'ALENA pour favoriser le transport maritime sur courte distance.
Dans un sens, le transport connaît du succès. Le plan international d'immatriculation et l'entente internationale concernant la taxe sur les carburants autorisent des différences dans la structure des coûts de certaines administrations tout en ayant une interface simple et unique pour l'immatriculation des véhicules commerciaux dans plusieurs territoires. On comprend difficilement pourquoi le même principe ne peut s'appliquer à d'autres obstacles.
En résumé, Atlantica a un bel avenir devant elle et d'excellentes possibilités de contribuer à stimuler l'économie continentale en agissant comme une porte sur le monde. Pour tirer pleinement profit de ces possibilités, nous devons être plus concurrentiels. De nos jours, il faut viser l'excellence. Plus on peut éliminer d'obstacles, mieux c'est.
Cela dit, le transport, les obstacles administratifs, particulièrement en ce qui concerne la mobilité de la main- d'oeuvre, et l'énergie sont les secteurs clés à harmoniser. Dans bien des cas, une action unilatérale suffira. Il existe déjà un modèle d'interface simple et fonctionnel pour des ententes entre administrations multiples. Misons sur nos succès.
Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer et d'avoir pris le temps de m'écouter.
Le président : Merci beaucoup. Nous entendrons maintenant M. Morrison de la côte ouest. Il pourra peut-être prendre quelques minutes pour décrire la structure de gouvernance de la Région économique du Nord-Ouest du Pacifique (RENOP), et ensuite les sénateurs pourront vous poser des questions à tous les deux. Nous avons encore 50 minutes, alors vous pouvez prendre le temps qu'il faut pour présenter les questions de nature structurelle. Nous passerons ensuite aux questions générales.
Matt Morrison, directeur exécutif, Région économique du Nord-Ouest du Pacifique : Monsieur le président, distingués membres du comité, je suis très heureux d'être ici. Américain, je suis probablement ce qui se rapproche le plus d'un Canadien.
Je suis le directeur exécutif de la Région économique du Nord-Ouest du Pacifique. Notre organisation a une longue histoire. En 1989 a commencé un processus de développement de trois ans. Au début, les législatures d'État et provinciales se sont réunies et y ont vu un tel avantage qu'elles ont décidé de créer une structure. En 1991, chaque administration a adopté des mesures législatives identiques, créant ainsi la RENOP. Il s'agit d'une organisation constituée en vertu d'une loi, un partenariat public-privé dont l'objectif consiste à examiner les obstacles au commerce et à mettre en évidence l'économie de la région.
Si nous étions un État, nous nous classerions à peu près au 15e rang parmi les puissances économiques du monde, avec une population de 20 millions et un PIB de 840 milliards de dollars. Il est intéressant de noter qu'au cours des dix dernières années, soit depuis l'ALENA, le PIB de la RENOP a connu une croissance supérieure à ceux du Canada et des États-Unis. Je crois qu'il est important de le souligner ici — 123 p. 100, ce qui est supérieur aux pourcentages enregistrés dans les divers États et les provinces et par rapport aux moyennes nationales.
De nombreuses raisons expliquent cela, bien entendu. Nous sommes un moteur de la croissance économique et il est essentiel pour notre compétitivité à long terme dans ce marché mondialisé de traiter des questions qu'aborde précisément votre comité. Je vous en félicite. Nous sommes en effet intervenus dans l'entente Colombie-Britannique- Alberta, qui à mon avis est un formidable modèle qui devrait être étendu.
La structure est toujours compliquée. Du côté américain elle est bipartite et du côté canadien elle est également bipartite. En fait, il est extraordinaire que des gouvernements nomment des membres de l'opposition à notre conseil. Nous avons eu beaucoup de problèmes à ce sujet au début mais les choses ont fini par se replacer.
Nous avons un conseil du secteur privé à l'image du conseil du secteur public, et les gouverneurs et premiers ministres nomment généralement un directeur du ministère du Commerce ou un ministre pour les représenter à notre conseil. Nous nous sommes concentrés sur les secteurs de base qui sont essentiels à l'économie de notre région, et nous avons dans chacun d'eux un groupe de travail co-présidé par une personne du public et une autre du privé, ce qui nous sert bien.
Nous avons un budget d'environ un million de dollars. Une bonne part de ce budget nous vient maintenant du secteur privé, le reste provenant de l'appui des États et des provinces et du gouvernement fédéral américain. Nous travaillons toujours sur l'aspect fédéral canadien.
La tendance est bonne, dans la mesure où le secteur privé accorde de la valeur à ce que nous faisons. Nous nous sommes dit dès le départ que si le secteur privé n'était pas engagé et ne participait pas, c'est que nous n'abordions pas les bonnes questions. Je crois que la contribution du secteur privé est vraiment bonne dans la plupart des groupes de travail. Cependant, certains groupes de travail traitent par exemple d'espèces envahissantes et de certaines questions agricoles qui relèvent en grande partie des politiques publiques.
Nous préconisons l'action. Nous ne voulons pas être un cercle de discussion. Chaque groupe a un plan d'action et il le fait progresser.
Le conseil du secteur privé se réunit régulièrement dans chaque territoire. Les agents parcourent la région et rencontrent les gouverneurs et les responsables provinciaux. Au fil du temps, ces activités sont devenues une excellente occasion de créer des rapports qui ont toutes sortes de retombées imprévues mais très efficaces.
Notre secrétariat a un très petit effectif. Comme tous les comités sont statutaires, un ministre, un ministre provincial ou un président du Sénat dans un État peut demander aux employés de faire des choses. Outre des équipes de projet, nous avons des conférences téléphoniques régulièrement pour faire avancer ces dossiers.
Certains des projets sur lesquels nous travaillons portent sur l'énergie binationale, qui est une importante question pour nous. Les États-Unis s'efforcent depuis un an de mettre sur pied des couloirs de transport d'énergie. Le Department of Energy a accordé des fonds à la RENOP pour travailler sur ces couloirs afin d'assurer notre accès à la principale source d'énergie, qui est le Canada. Sans nous, je ne crois pas que ce serait arrivé, mais je suis heureux que ce soit le cas. C'est extraordinaire.
À l'horizon 2010, l'année des Jeux d'hiver, nous avons beaucoup de travail à faire avec les États et les provinces. La sécurité des infrastructures essentielles est très importante. Elle nous a permis d'intervenir davantage dans l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidentale, par exemple, parce que nous avons des liens étroits avec le Department of Homeland Security et le Département d'État, ce qui nous permet de travailler sur des questions touchant la sécurité et les frontières dans le contexte de notre économie et de nous assurer que l'économie progresse. L'année 2010 comporte de nombreux enjeux. Nous savons qu'un grand nombre de participants et d'acheteurs de billets viendront en voiture de la région du nord-ouest et nous voulons créer des rapports afin d'assurer le succès des Jeux pour tout le monde.
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec SPPCC et le Department of Homeland Security. Nous avons tenu une série de simulations d'exercice sur maquette pour examiner les éléments interdépendants de nos infrastructures essentielles, qui sont situées des deux côtés de la frontière.
La mission de la Région économique du Nord-Ouest du Pacifique consiste en réalité à veiller à ce que rien d'important ne perturbe notre économie. Nous travaillons sur un éventail de questions en ce moment afin de nous assurer que, sur le plan régional, nous pouvons créer les rapports nécessaires pour régler les questions avant qu'elles ne deviennent des incidents internationaux. Nous voulons désamorcer les questions potentiellement explosives, par exemple l'ESB et le bois d'oeuvre résineux, avant qu'elles ne deviennent de gros problèmes.
En juillet dernier nous avons accueilli le secrétaire Chertoff et le ministre Day à notre sommet. Nous avons eu une excellente table ronde avec des entreprises du secteur privé qui ont parlé de questions relatives à la frontière. Je suis très heureux de la façon dont les choses se sont déroulées et du fait que le secrétaire Chertoff et le ministre Day sont restés une journée et demie pour entendre les intervenants. C'est vraiment ce que nous voulons voir.
Sur le plan de la structure, car il y a une structure de responsabilisation, nous avons pu multiplier les relations bilatérales entre nos divers membres et nous avons maintenant des réunions mixtes de comité législatif dans l'autre pays, et beaucoup de choses importantes se produisent parce que nous tissons des liens d'amitié au-delà de toutes les frontières.
Nous avons pu régler de nombreuses questions difficiles et épineuses. Nous avons eu des sommets du bétail et nous avons eu une question de pneus, mais je ne m'étendrai pas là-dessus maintenant. Cependant, comme il y a une structure, nous pouvons faciliter les choses qui accroissent la productivité dans la région en examinant les questions de compétitivité.
Nous venons de recevoir une subvention du gouvernement fédéral américain pour créer un échange en R-D grâce auquel nous relions des établissements de R-D de la région et permettons à nos meilleurs talents de communiquer les uns avec les autres afin d'être au courant des travaux réalisés et de mieux collaborer.
Nous avons eu un forum sur la nanotechnologie où nous avons réuni les chefs de file des établissements de la région binationale. Il est clair selon le secteur privé que la construction de laboratoires est très coûteuse, mais chaque laboratoire peut se spécialiser dans un secteur particulier, ce qui rend la région plus compétitive et accroît nos capacités concurrentielles sur le marché international.
La collaboration en biotechnologie nous a permis d'accomplir beaucoup de choses et nous tentons de faire fructifier l'investissement en cours en Colombie-Britannique, dans l'État de Washington et en Alberta dans le domaine de la biotechnologie. Nous avons lancé une série de forums sur l'investissement intelligent en énergie dans le cadre de nos sommets annuels. Nous avons beaucoup travaillé sur les technologies de l'environnement et l'aérospatiale. Même s'il ne s'agit pas d'un groupe de travail, nous avons facilité la réunion d'associations industrielles et l'échange de pratiques exemplaires.
Du seul fait que l'organisation existe et que nous avons deux réunions ordinaires chaque année, en plus de toutes ces autres réunions, de nombreux groupes transfrontaliers peuvent s'y rencontrer. Ils tiennent des réunions en parallèle pendant nos sommets.
Nous avons établi un lien entre le Council of State Governments, la Western Governors' Association et la Border Policy Research Institute. Je crois que vous connaissez tous la question de l'ITHO, mais nous pilotons un modèle dans l'État de Washington et en Colombie-Britannique avec le premier ministre Campbell et le gouverneur Gregoire. Maintenant que nous avons pu obtenir un prolongement jusqu'en juin 2009, nous faisons des progrès, et nous avons secoué beaucoup de monde à Washington, D.C., mais nous en sommes aux étapes finales d'un projet pilote de permis de conduire qui pourrait être un document de voyage sécuritaire. Ce fut tout un processus mais quand on a des leaders du privé et du public qui travaillent ensemble, c'est ce qu'il faut. J'ai beaucoup d'espoir.
Nous voyons dans le projet de porte d'entrée du Pacifique une importante occasion. Le ministre Emerson a vu juste. Il savait que la porte d'entrée du Pacifique ne marcherait pas si elle ne desservait que le Canada. Si la frontière de fonctionne pas, nous n'avons pas de porte d'entrée nord-américaine. Nous réunissons les ports de la côte ouest pour parler des 20 prochaines années et de ce qu'il faut faire des EVP, du commerce Asie-Pacifique qui doublera au cours des 20 prochaines années et de la congestion des systèmes intermodaux. C'est une question d'une importance capitale. Les ports se font une telle concurrence qu'il est difficile de les réunir. Je crois que nous faisons des progrès du côté des transporteurs ferroviaires et routiers, mais il le faut pour régler la question.
La mobilité des travailleurs est devenue l'une de nos principales préoccupations; l'Alberta et la Colombie- Britannique ont des activités de perfectionnement de la main-d'oeuvre, comme vous le savez. Pour le seul gazoduc de l'Alaska, il y aura des investissements de 100 à 150 milliards de dollars au cours des dix prochaines années dans quatre importants projets. La main-d'oeuvre est donc exploitée au maximum. Que pouvons-nous faire?
Nous avons eu une réunion avec le ministre Solberg il y a quelques mois; il a chargé la RENOP de mettre sur pied un groupe de travail composé d'intervenants du public et du privé afin d'examiner les obstacles qui peuvent être éliminés à l'échelle provinciale, fédérale et internationale. Cette question est au centre de toutes nos réunions.
Nous avons accompli beaucoup de choses en ce qui concerne les questions d'accréditation des ingénieurs; nous avons pu obtenir de trois États qu'ils concluent des ententes de réciprocité pour les ingénieurs canadiens en exercice depuis plus de huit ans. C'est là une percée importante. Ces choses peuvent sembler banales mais elles ne le sont pas. Nous avons des législateurs et des gouverneurs dans notre organisation qui peuvent amener ces organismes d'accréditation à la table et faire en sorte que ces obstacles réglementaires soient changés.
Nous travaillons sur un éventail de questions relatives au couloir du nord. La semaine dernière nous avons lancé un programme de cadres détachés, et la réponse est très encourageante. Nous envisageons maintenant un programme de bourse avec le secteur privé.
En conclusion, dans le cadre du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP), toutes les questions dont nous devons tenir compte ont été identifiées. J'ai été consterné il y a un mois lorsque les responsables de l'APHIS ont décidé qu'à compter du 24 novembre ils arrêteraient tous les camions transportant des denrées et obligeraient les conducteurs à avoir un permis spécial. Ils ont retiré la dispense du Canada pour la livraison de fruits et de denrées aux États-Unis à compter du 24 novembre. Le dossier aurait dû être soumis au PSP pour règlement et une solution aurait pu être trouvée. Je suis persuadé que nous ne permettrons pas que cela se produise, mais c'est inévitable. C'est une de ces choses qui vous tombent du ciel et vous font vous demander ce qu'ils pouvaient bien avoir en tête.
Le président : Nous attendons les élections de mi-mandat, qui auront peut-être un effet.
M. Morrison : Je crois que les régions transfrontalières sont une bonne façon de régler ces questions parce nous avons des intervenants engagés. J'ai eu beaucoup de plaisir à régler les malentendus entre nos régimes politiques. L'an prochain j'espère que nous pourrons lancer une académie législative transfrontalière qui réunira les meilleurs futurs leaders dans les États et les provinces pendant trois ou quatre jours afin de leur permettre de comprendre le fonctionnement de leurs régimes respectifs. Dans ce contexte, nous saurons quelles questions frontalières il nous faut approfondir. Je suis persuadé que cette initiative permettra d'améliorer grandement les choses.
Il faut tirer profit de ce que nous faisons; nous sommes un banc d'essai. Je suis de très près le PSP. J'ai passé la matinée dans les bureaux de SPPCC où l'on m'a dit que le premier ministre avait déclaré que la planification en cas de pandémie était l'une des cinq choses que nous ferions avec les États-Unis; mais où est-elle? Que faisons-nous? Nous avons un groupe et nous sommes prêts à commencer. Nous faisons de la planification en cas de pandémie.
Nous avons une table ronde annuelle. M. Jim Phillips nous aide à collaborer avec d'autres régions transfrontalières; nous avons une réunion le mois prochain. J'espère pouvoir avoir une académie, et je crois qu'il est extraordinaire que vous puissiez parler à n'importe quelle province ou n'importe quel État de la RENOP et ils vous donneront tous la même réponse. Tout ce que nous y avons dépensé en valait vraiment la peine. J'en suis très fier. Je sais que vous aurez cette réponse. Vous pouvez consulter les provinces. Ce n'est pas sorcier. Cela pourrait être fait des deux côtés de la frontière.
Lorsqu'il est question des irritants et des problèmes à la frontière, une organisation comme la RENOP peut vraiment ouvrir une brèche dans le processus du Congrès des États-Unis. Toute politique est locale. C'est ainsi que les choses fonctionnent.
Le président : Merci. Vous nous avez tous deux donné beaucoup d'information. Je suis sur ce dossier avec vous depuis dix ans et j'apprends toujours de nouvelles choses. J'ai appris que nous ne coopérons pas assez ou que nous ne nous concentrons pas sur les questions susceptibles d'accroître la prospérité des deux côtés de la frontière. Vous avez accompli du bon travail de leadership dans la RENOP et nous espérons que nous pourrons en faire autant dans toutes les régions du pays.
Le sénateur Angus : Bienvenue, messieurs. Vos exposés étaient très intéressants. Les choses semblent se présenter de façon fort différente sur chaque côte. C'est une merveilleuse initiative parce que nous avons consacré beaucoup de temps et d'effort à élaborer l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain.
Monsieur Morrison, la question du bois d'oeuvre résineux concerne trois grandes régions : la vôtre, l'est du Québec et l'Ontario. J'ai envie de vous demander ce qui n'a pas marché dans le dossier du bois d'oeuvre résineux parce qu'il me semble qu'un bon nombre de problèmes sont survenus dans cette région nord-sud.
L'expansion du commerce international plus libre et plus facile entre le Canada et ses partenaires commerciaux a-t- elle eu lieu au détriment du commerce à l'intérieur du pays?
M. Morrison : Pour répondre à la deuxième partie de la question, je cherchais une diapositive que j'utilise souvent qui montre le nombre de passages de camions nord-sud et est-ouest. Je crois que le principal axe économique dans les régions est l'axe nord-sud. Je ne dirais pas que ce commerce limite les occasions d'affaires est-ouest parce je le vois comme un moteur économique et ce n'est pas un jeu à somme nulle. Cependant, nous travaillons actuellement avec Perrin Beatty de l'Association des manufacturiers canadiens et Pierre Alvarez de l'ACPP pour étudier la modularisation de la fabrication requise dans le nord de l'Alberta parce qu'ils n'ont pas la main-d'oeuvre ni le système de transport nécessaires pour atteindre leur objectif, soit de doubler leur capacité. Pour ce faire ils auront besoin de gens pour construire des choses et les livrer. C'est une excellente occasion, et je ne crois pas qu'une collaboration accrue puisse limiter l'un quelconque des partenaires.
M. Kymlicka : Il est vrai que du point de vue historique, les liens économiques ont été tissés suivant l'axe nord-sud. En fait, c'est la perte de réciprocité découlant de la formation de la fédération canadienne qui est à l'origine de l'axe est- ouest, et il ne s'agit ici que de la reprise de ces liens.
Parce que ces liens sont si naturels, c'est de ce côté que l'accent a été mis et qu'il y a eu le plus de gains car les principaux obstacles sont tombés à la suite de la mise en oeuvre de l'ALE et de l'ALENA.
Enfin, d'intéressantes recherches réalisées par Serge Coulombe à l'Université d'Ottawa montrent qu'on obtient des gains de productivité en abaissant les obstacles à l'échelle internationale et interprovinciale mais qu'on obtient la plus forte croissance en abaissant les obstacles à l'échelle internationale. Les entreprises qui désirent croître choisissent d'abaisser les tarifs maintenant plutôt que de compter sur les occasions ici au Canada.
Le sénateur Angus : Nous savons tous que les accords de libre-échange internationaux ont eu des résultats positifs mais ils ne sont pas parfaits et il y a de nombreuses exceptions. Il semble que l'exception soit la règle. Quoi qu'il en soit, c'était la première étape.
Nous avons vu le modèle Colombie-Britannique-Alberta, et j'ai lu dans le journal aujourd'hui que l'Ontario veut être membre de l'accord Colombie-Britannique-Alberta. Je me suis dit que c'était probablement là une excellente nouvelle. L'un de vous peut-il confirmer ou infirmer cela?
M. Kymlicka : Il y a eu de nombreuses initiatives visant à abaisser les obstacles et de façon générale, c'est ce qui se produit, bien que lentement. Par exemple, le Conseil de la fédération a renouvelé son engagement à supprimer d'ici 2009 les restrictions sur la mobilité des travailleurs en ce qui concerne le lieu de résidence. L'objectif à l'origine était juillet 2001.
Le président : Le comité est impatient d'entendre les premiers ministres provinciaux et le Conseil de la fédération. Nous leur avons demandé de comparaître et nous attendons qu'ils nous informent.
Pourquoi selon vous cela ne pourrait-il pas se produire d'ici la fin de l'année? Qu'est-ce qui retarde la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada?
M. Kymlicka : J'aimerais bien avoir de l'information confidentielle à vous donner. Selon un rapport de l'OCDE publié l'année dernière, les provinces ont plus ou moins abandonné leurs responsabilités aux mains des associations professionnelles. Les comptables, par exemple, ne veulent pas de la concurrence des comptables des autres provinces et créeront donc des restrictions en matière de résidence pour protéger leurs loyers. C'est un argument très sensé selon moi. J'ignore pourquoi les provinces ne s'engagent pas.
Nous avons tellement de pénuries de main-d'oeuvre. Je n'arrive pas à croire qu'une province comme la Nouvelle- Écosse n'interdit pas unilatéralement les restrictions. Personne n'oserait suggérer que le Nouveau-Brunswick ou une autre province permet l'accréditation ou l'inscription d'une façon non sécuritaire. Pourquoi ne pas tirer profit de ces avantages et permettre aux gens de travailler là-bas? Je ne sais absolument pas pourquoi cela n'est pas arrivé.
Le sénateur Goldstein : Vous parlez dans votre document de l'harmonisation des normes techniques applicables aux véhicules. Je suppose que c'est pour permettre le transport d'une province à l'autre ou des États-Unis au Canada et pour utiliser les mêmes normes pour les véhicules.
M. Kymlicka : Exactement, dans les deux cas.
Le sénateur Goldstein : Vous soulignez cela en fonction de l'axe Canada-É.-U., et je crois comprendre que nous avons les mêmes problèmes en ce qui concerne l'axe interprovincial et l'axe est-ouest.
M. Kymlicka : C'est exact, et nous avons l'obligation en vertu de l'ALENA d'éliminer les obstacles. Les ministres des Transports ont un conseil qui se réunit régulièrement pour examiner ces questions, mais ils ont réalisé peu de progrès en ce qui concerne les obstacles qui demeurent.
Le sénateur Goldstein : Je sais que cela était prévu initialement dans l'ALENA. Pourquoi toutes ces années sans que rien n'arrive?
M. Kymlicka : L'ALENA prévoyait des dates butoirs, et les délais sont échus. Le mandat original pour vraiment faire avancer ce dossier est échu, et il y a peu d'incitation.
En outre, il faut bien avouer que le 11 septembre y est pour quelque chose. La priorité du gouvernement américain est maintenant la sécurité, ce qui est compréhensible, et à moins qu'il y ait une composante de sécurité dans l'harmonisation, le gouvernement n'y accordera pas la priorité. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas régler nos problèmes sur le plan interprovincial, mais il est plus difficile maintenant de travailler dans le cadre du sous-comité des transports terrestres.
Le sénateur Goldstein : Qu'est-ce qui pourrait forcer les provinces — votre expertise porte sur les Maritimes mais je fais référence aux provinces maritimes ou à toutes les provinces canadiennes — à adopter des normes uniformes applicables aux spécifications techniques des véhicules?
M. Kymlicka : C'est une bonne question. Bien que j'aie déménagé à Halifax, j'ai passé beaucoup de temps à Regina et j'ai beaucoup travaillé sur l'assurance du gouvernement de la Saskatchewan, qui délivre les permis de véhicules commerciaux. Il ne semblait pas y avoir de sentiment d'urgence à l'égard de ces questions. Il ne semblait pas y avoir de coût économique au sein du groupe de réflexion en faveur de la non-harmonisation.
Le sénateur Goldstein : L'industrie du camionnage n'aurait-elle pas intérêt à créer ce genre d'impulsion sans laquelle elle perdrait des disponibilités en transport aux mains des trains?
M. Kymlicka : Ce n'est pas vraiment un problème. En réalité, la concurrence entre les trains et les camions n'existe probablement plus depuis dix ans. Les aspects économiques des deux modes de transport sont radicalement différents.
Il y a bien sûr une certaine pression en raison de la pénurie de conducteurs et de l'augmentation de leurs salaires. Il y a certaines pressions liées au coût du carburant et à toutes les exigences réglementaires relatives aux émissions, par exemple. L'industrie du camionnage a de nombreuses raisons de chercher à accroître son efficacité, et honnêtement, je crois qu'elle le fait. Certaines administrations sont plus motivées que d'autres. C'est la meilleure façon de le dire.
Le président : Monsieur Morrison, pouvez-vous revenir à votre diagramme portant sur les diverses régions coopératives? Il y a tout un éventail de questions pour lesquelles vous avez créé des relations de partenariat de l'autre côté de la frontière. Je parle de celui qui a des pointillés. C'est bien cela. Le comité essaie autant que possible de réfléchir et de faire réfléchir la bureaucratie fédérale afin de comprendre comment nous pouvons accélérer le mouvement vers une économie à valeur ajoutée, une économie productive, une économie du savoir, dont le coeur est la recherche. Avez-vous cette carte sur la nanotechnologie avec vous aujourd'hui?
M. Morrison : Celle que nous avons faite pour le forum sur la nanotechnologie?
Le président : Oui.
M. Morrison : Non. Nous n'avons pas celle qui a toutes les installations de la région.
Le président : Pourriez-vous nous décrire ce que vous avez découvert et ce qui s'est passé lorsque vous avez abordé la question de la recherche en nanotechnologie et les diverses universités des deux côtés de la frontière, et comment vous avez accéléré le processus de recherche de façon économique?
M. Morrison : La construction de laboratoires coûte cher.
Le président : Où sont-ils?
M. Morrison : Ils sont en Alberta. L'INN est le tout nouveau qui vient d'ouvrir à Edmonton. Il y en a un en Colombie-Britannique, un en Oregon et un au Washington Tehcnology Center à Seattle. Ce sont les principaux.
Lorsqu'ils ont analysé leurs capacités, ils se sont rendu compte qu'ils voulaient tous avoir davantage de capacités mais la construction de laboratoires coûte terriblement cher. Ils pouvaient cependant collaborer, chacun se spécialisant dans un domaine particulier. Les dirigeants des entreprises qui y étaient ont dit : « Formidable! Ce vol de deux heures n'est pas un problème. Nous irons en Alberta pour analyser une chose et en Oregon pour en analyser une autre ». Ils ont fini par accroître leurs capacités en nanotechnologie, qui n'est pas un seul secteur, ni une seule science, mais touche à tous les aspects de la fabrication. C'est une façon d'accroître notre compétitivité globale en haute technologie dans le cadre d'une approche multisectorielle.
Le président : Lorsque nous avons parlé de cela il y a plusieurs années, les universités investissaient d'importantes sommes pour mettre sur pied des centres de recherche en nanotechnologie mais elles ne communiquaient pas entre elles. Tout à coup vous êtes arrivé et avez fait en sorte qu'elles communiquent entre elles, puis elles se sont partagé les recherches et ont commencé à travailler à l'unisson. Tout à coup, l'avantage des connaissances a progressé de façon économique.
M. Morrison : Et comment!
Le président : Regardez ces autres cercles sur votre diapositive. Cela s'est-il produit ailleurs? Cela s'est-il produit en agriculture pour ce qui concerne les pratiques exemplaires?
M. Morrison : Dans une certaine mesure, oui. Les questions sont nombreuses en agriculture. Je crois que nous sommes sur le point de percer en ce qui concerne la technologie de l'énergie propre. Lors de notre dernier sommet, nous avons accueilli le ministre chinois de l'Énergie, et nous avons examiné la possibilité d'implanter un centre d'échange sur la technologie de l'énergie propre à Beijing en partenariat avec le centre actuel de l'Alberta. Il s'agit d'une industrie de 40 milliards de dollars, voire davantage, et nous excellons en ce qui concerne les entreprises en démarrage qui font ce genre de choses.
Le président : Pourriez-vous passer en revue tous les cercles et nous donner un résumé, disons d'une page, expliquant comment les partenariats ont permis d'accroître la coopération, l'efficacité et la productivité de ces secteurs? Je sais que vous avez accompli des miracles en foresterie, y accélérant la recherche, et vous avez évidemment fait un travail formidable dans les domaines du tourisme et des transports; vous avez été formidable en commerce et formidable en infrastructure, formidable en environnement, et certainement en nanotechnologie et en recherche médicale. Vous avez contribué à rassembler un tas de choses, ce qui a permis aux États, aux provinces et aux institutions en cause de travailler plus efficacement ensemble, de réduire les coûts assumés par les contribuables et d'accroître la productivité. Pourriez-vous nous donner quelques exemples de cela?
M. Morrison : En ce qui concerne l'environnement et le développement durable, à l'instar du ministre de l'Environnement de la Colombie-Britannique, nous croyons que les Jeux de 2010 sont importants, et nous aurons une vitrine de la technologie viable au cours de l'année 2010.
Le président : Nous sommes pressés par le temps. Si vous nous donniez un résumé d'une page sur chacun, ce serait bien. Nous essayons de nous informer, d'informer le public et nos gouvernements, de les persuader qu'ils doivent travailler plus efficacement ensemble pour le bien commun. Pour vous donner une idée de la situation, nous ne pouvons même pas faire comparaître les ministres provinciaux de l'Économie pour nous expliquer pourquoi ils ont toujours des obstacles au commerce interprovincial. Nous ferons de notre mieux pour les avoir, mais nous avons besoin d'un modèle de succès pour montrer que lorsque le public et les groupes privés travaillent ensemble, ils peuvent être plus efficaces que des gouvernements qui ne se parlent pas.
M. Morrison : Je le ferai.
Le sénateur Moore : Monsieur Kymlicka, je vois que vous êtes allé à St. Francis Xavier. Êtes-vous de la Nouvelle- Écosse?
M. Kymlicka : Non, je suis né à New York et j'ai grandi en Ontario.
Le sénateur Moore : Je suis néo-écossais. J'ai entendu l'exposé de Brian Lee Crowley sur Atlantica au Connecticut en août 2005. Il a livré un merveilleux exposé qui a été bien reçu, et je l'ai mis en contact avec d'autres personnes pour continuer de faire avancer le dossier. Je n'en ai plus entendu parler dans ma province, ni de la part de qui que ce soit dans le Canada atlantique pour ce qui est de l'adoption de ce modèle. Pourrions-nous l'envisager dans la perspective de la RENOP et faire avancer le dossier?
Quelle est la première chose que vous feriez si vous le pouviez pour enclencher le processus de mise en oeuvre d'Atlantica et ainsi accroître notre productivité et tout le reste qui va avec?
M. Kymlicka : Beaucoup a été fait et il y a de nombreux appuis. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, par exemple, a alloué une importante somme à l'initiative de porte d'entrée et une bonne partie a été réalisée dans le cadre d'Atlantica.
L'APECA y consacre des fonds. Elle a parrainé une conférence à Saint John l'été dernier. Transports Canada y consacre également des fonds. De nombreuses initiatives ont été lancées pour l'appuyer.
Le président : Y a-t-il un partenariat statutaire, un partenariat public-privé?
M. Kymlicka : Pas privé-public. Les premiers ministres du Canada atlantique et les gouverneurs de la Nouvelle- Angleterre se réunissent régulièrement.
Le président : Ce n'est pas prescrit par la loi.
M. Kymlicka : Non.
Le sénateur Moore : Cela ne fait rien avancer. Je n'y vois aucun appui.
M. Kymlicka : Franchement, ce que j'aimerais voir — et nous en avons beaucoup parlé, non seulement au sein de l'AIMS mais dans la région — c'est la reconnaissance de l'importance de la région à l'extérieur de celle-ci. Il serait très important pour nous que les grandes entreprises de l'Ontario et du Midwest, qui utilisent nos services et comprennent l'importance de ce couloir, accordent leur appui à cette notion. On verrait alors davantage de partenariats publics- privés.
À ce jour, aucun ténor ne s'est manifesté, aucun champion comme celui de la RENOP, et ce, tant pour ce qui concerne la RENOP elle-même que la porte d'entrée. Il y avait de grands champions au sein du gouvernement pour les défendre, et nous avons besoin de cela.
Le sénateur Moore : Devrions-nous d'abord mettre sur pied une organisation semblable à la RENOP qui servirait ensuite de cadre pour faire avancer Atlantica? Ou alors y aurait-il fusion entre Atlantica et une version atlantique de la RENOP?
M. Kymlicka : Certainement, ce serait là l'objectif.
Le sénateur Moore : D'avoir une version atlantique de la RENOP?
M. Kymlicka : L'une de mes tâches ici consiste à convaincre M. Morrison de revenir à Halifax pour nous aider à monter l'affaire. Cela dit, je crois qu'il faut de solides champions et une certaine masse critique pour que ce genre d'organisation puisse avoir des appuis.
Nous sommes très près. Si vous comparez l'appui que nous avons dans la région aujourd'hui à ce que nous avions il y a un an, c'est le jour et la nuit. On entend le mot Atlantica dans la rue tous les jours, ce qui n'était pas le cas il y a un an. Nous sommes près, mais je ne saurais dire si nous avons besoin de la RENOP dans le dossier Atlantica aujourd'hui ou si nous en aurons besoin dans un an.
Le président : Si je me rappelle bien, la RENOP a connu un modeste départ. C'était un vice-premier ministre de l'Alberta qui a rencontré un sénateur de l'État de Washington. Ils ont décidé de pousser le dossier et ont obtenu l'accord des provinces — c'est-à-dire l'Alberta et la Colombie-Britannique, deux provinces pas tout à fait identiques — et du Yukon, suivi par la suite des États de Washington, du Montana et d'autres aux États-Unis; ils se sont réunis. Le départ n'avait rien de grandiose mais c'était un départ important par deux visionnaires — un sénateur de l'État de Washington et un vice-premier ministre du gouvernement de l'Alberta — qui l'ont réalisé en un an.
Tout à coup, M. Morrison, à titre de coordonnateur, avait les bases pour mettre sur pied son organisation. Il travaille de façon très économique. Pour quelques millions de dollars par année, ce sont là des retombées immenses pour ces économies.
Je dis, avec le sénateur Moore, nous avons assisté à ces réunions avec les gouverneurs et les premiers ministres. Ce sont de charmantes conversations, les mondanités sont fantastiques et nous apprécions l'hospitalité, mais après une décennie de conversation, aucune entente statutaire n'est encore en vue, aucun accord public-privé pour faire avancer ces dossiers ensemble. Le Canada central ne vous sauvera pas.
M. Kymlicka : Je suis tout à fait d'accord pour dire que cela doit être fait. Je dirais même que le besoin est plus pressant dans le Canada atlantique. Simplement parce que nous avons trop d'intervenants, accomplir quoi que ce soit prend trop de temps.
Quelques provinces et quelques États peuvent se réunir. Nous avons cinq provinces atlantiques, alors il nous faut beaucoup de force et de leadership. Nous pouvons peut-être trouver quelques champions; il n'est peut-être pas nécessaire qu'ils soient au sommet mais vous avez raison, il nous faut faire avancer ce dossier.
Nous sommes dans une économie mondialisée où les chaînes d'approvisionnement se font concurrence.
Le président : Nous en sommes convaincus. La question est de savoir où nous adresser et comment faire avancer les choses.
Le sénateur Eyton : Merci pour vos deux intéressants exposés; la différence entre les deux est frappante. J'ai entendu M. Kymlicka parler d'Atlantica et de certaines idées formidables qui devraient être mises en application. Ce que j'ai entendu de M. Morrison — on me corrigera si j'ai tort — c'est que vous aviez des idées formidables en marche. Il y avait une importante différence entre l'Est et l'Ouest. Ce qui ne signifie pas que l'Ontario est parfait ou que le Canada central a raison et tout ça, mais il y avait une différence marquée entre les deux.
Ce qui m'a frappé, ce sont le partenariat public-privé et le régional. Il me semble que ces choses sont essentielles. Lorsqu'on a un groupe compact qui peut travailler en harmonie, comme des voisins peut-être, on a une force plus efficace.
Ce graphique me rappelle une organisation que j'ai présidée pendant de nombreuses années, le comité consultatif sur le commerce extérieur, ici au Canada. Il a joué un rôle très important dans les discussions sur le libre-échange et l'ALENA entre le Canada et les États-Unis, et par la suite le Mexique. Nous avions une structure très semblable.
J'avais l'impression, et j'espère ne pas me tromper, qu'il n'y avait que des entreprises et qu'elles étaient concentrées de façon à avoir deux ou trois personnes de haut niveau. C'était des entreprises de haut niveau engagées à l'égard du processus. Qu'il s'agisse d'énergie, d'agriculture ou d'environnement, le noyau ressemblait beaucoup à cela. Le lieu de rencontre était le comité consultatif sur le commerce extérieur qui travaillait avec les fonctionnaires pour réussir.
Cet effort a été couronné de succès mais il visait un seul objectif — l'accord de libre-échange. Par la suite, il y a eu une autre manifestation de la même organisation mais elle s'est pour ainsi dire endormie; elle est disparue.
Ce qui est intéressant à propos de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, c'est que peut-être sans le savoir vous avez copié le modèle que nous avions, quoiqu'à l'échelle nationale. Il a connu de grands succès parce que les gens d'affaires de haut niveau s'y sont engagés. La magie opère aussi dans vos efforts régionaux.
Je crois qu'il est louable. Je bourlingue depuis longtemps dans les affaires de commerce et d'investissement mais je ne connaissais pas beaucoup la RENOP et je suis content de ce que je vois aujourd'hui. Je crois que votre situation actuelle inspire confiance.
Je ne crois pas que nous ayons le temps maintenant mais j'aimerais savoir comment vous avez commencé. Je sais que ce n'était pas un vice-premier ministre ou un bureaucrate. C'était beaucoup plus de cela, parce que vous avez toute une collectivité de personnes de haut niveau travaillant en harmonie. J'aimerais en savoir davantage sur vos débuts, et par la suite nous pourrons tirer des leçons que nous tenterons d'appliquer dans d'autres régions du pays.
Le président : Je crois que nous l'avons au compte rendu, et nous en informerons certainement tous les sénateurs. Certains d'entre nous suivent ce dossier depuis un certain temps déjà. L'information n'est pas nouvelle. Nous la diffuserons à tous les membres du comité. L'information est très simple. Elle n'est pas compliquée. C'est devenu un noyau, comme l'a dit M. Morrison, de croissance économique. C'est un nouveau moteur de croissance.
Le sénateur Eyton : C'est emballant.
Le président : En effet. Permettez-moi de vous dire ce qui constitue à mon avis la question urgente. Nous avons appris cela d'après vos témoignages. Nous avons ces méganavires qui ne peuvent accoster ni à Boston, ni à New York pour desservir le marché américain. Pour abaisser le coût des produits, nous avons de nouveaux porte-conteneurs que ne peuvent accueillir ni Boston ni New York, mais, devinez quoi, vous et moi le savons, monsieur Kymlicka, et nous l'avons déjà entendu, Halifax peut facilement les accueillir. Ça, c'est la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il faut décharger les marchandises et les acheminer sur le marché, et l'infrastructure est un enchevêtrement. Nous n'avons pas une bonne route ou une bonne voie ferrée nord-sud, ni une bonne route ou une bonne voie ferrée est-ouest. Comment peut-on régler le problème de l'infrastructure des deux côtés de la frontière pour acheminer ces nouveaux produits, ces biens économiques, au coeur du Canada et des États-Unis? Comment faut-il faire? Jusqu'où peut-on aller?
M. Kymlicka : En ce qui concerne la voie ferrée vers l'intérieur du continent, je dirais en fait que nous avons un couloir très efficace desservi par le CN.
Le sénateur Meighen : C'est exact.
M. Kymlicka : En ce qui concerne le couloir routier est-ouest, je crois que les Américains se sont engagés à le construire, et il y a un solide appui. Je soulignerais que l'appui au concept d'Atlantica est probablement plus solide en Nouvelle-Angleterre que dans les Maritimes. Il y a de très puissants promoteurs de ce projet.
Le président : La politique américaine sur les transports prévoit des fonds pour ce réseau qui engloberaient des routes au Canada, à la condition qu'elles soient reliées à des routes aux États-Unis. Est-ce exact?
M. Morrison : Jusqu'à 60 kilomètres seulement.
Le président : Mais des millions de dollars dorment là dans l'attente d'accords provinciaux qui permettraient d'avoir accès à ces fonds américains. Est-ce exact?
M. Morrison : Il y en a mais ils ont probablement été réservés une centaine de fois.
M. Kymlicka : J'ai très bon espoir que le couloir est-ouest sera construit, et d'importantes pressions sont exercées en vue d'accroître la capacité du couloir nord-sud, les autoroutes pour desservir Boston et New York. La route I-95 sera tout un défi. Ce serait bien de pouvoir livrer directement à Boston. J'ai des doutes à ce sujet.
Je garde espoir en ce qui concerne le transport maritime à courte distance d'Halifax au centre du continent via Montréal et la voie maritime. Nous avons quelques problèmes, notamment le tarif de 25 p. 100 dont j'ai parlé dans le document. Il y a quelques autres différences. En Europe, le transport maritime à courte distance jouit de taux différents de ceux appliqués aux navires océaniques. J'ai entendu plusieurs personnes dire que c'est là un des moteurs économiques du transport à courte distance. Nous pouvons nous en servir ici.
En ce qui concerne les voies ferrées nord-sud, je ne suis pas optimiste. Il semble y avoir très peu de volonté aux États-Unis de changer la situation actuelle. En ce qui concerne la mise à niveau des voies de deuxième catégorie, il y a d'énormes problèmes. Le poids des wagons a augmenté, et les exploitants des voies sur courte distance n'ont tout simplement pas d'argent pour élargir les plateformes. Ils ne sont pas en mesure d'augmenter la taille des tunnels pour permettre le passage des conteneurs superposés. Il y a tout un éventail de problèmes, ce qui signifie que les routes secondaires de Moncton à Montréal ne peuvent se faire même à moyen terme.
J'aimerais bien avoir de meilleures nouvelles à ce sujet, mais je dirais que nous avons en effet un réseau ferroviaire efficace.
Le président : Qu'en est-il des conteneurs superposés?
M. Kymlicka : La voie du CN d'Halifax à Montréal et au-delà est à double hauteur sur toute sa longueur. C'est une excellente route jusqu'à Chicago.
Le sénateur Moore : Pouvez-vous expliquer, monsieur Kymlicka, en ce qui concerne la route I-95, pourquoi vous n'êtes pas optimiste? Où entre-t-elle au Canada, monsieur Morrison?
M. Morrison : C'est le Maine. J'allais dire que les États-Unis financent tout le transport par le biais de la taxe sur l'essence mais le fonds de la taxe sur l'essence diminue en raison de l'augmentation du prix de l'essence, et les coûts montent en flèche. Pour maintenir la congestion actuelle, au cours des cinq prochaines années, il est estimé que les États-Unis auront un déficit d'un billion de dollars avec le fonds des autoroutes. Notre système aux États-Unis est en panne, et il sera très difficile de le réparer et d'y ajouter des routes principales, ce que nous devons faire.
Le sénateur Moore : La route I-95 est là; alors le problème consiste-t-il à s'y relier depuis le côté canadien?
M. Kymlicka : Non, nous pouvons le faire. Il y a quelques problèmes. D'abord, le Maine en soit est un problème. Il y a un fort lobby dans le Maine contre l'augmentation des limites de charge et l'expansion de l'autoroute, alors nous avons un problème politique.
Le président : Ce n'est que dans le Maine. Ce n'est pas la même chose dans le Connecticut.
M. Kymlicka : Ensuite lorsqu'on avance dans la Nouvelle-Angleterre, il y a d'autres priorités. Si vous regardez l'enquête sur la condition des routes et des ponts aux États-Unis, vous verrez que la Nouvelle-Angleterre est l'un des pires endroits aux États-Unis. Ils sont davantage déterminés à réparer ce qui existe qu'à accroître la capacité au nord. Comme le dit M. Morrison, il y a de moins en moins d'argent pour le faire.
Le président : La fin approche. Puis-je vous demander à tous les deux de nous donner deux ou trois exemples de ce que vous souhaiteriez que le comité recommande pour accélérer le processus de coopération et mettre en place ce qui nous manque au Canada? Nous n'avons pas de libre-échange au Canada. Nous n'avons pas de zone de libre-échange au Canada. Nous nous disputons avec les États-Unis sur des questions de libre-échange mais très franchement, quand on regarde tous les obstacles, on voit que nous n'avons pas de libre-échange au Canada.
Si vous aviez trois voeux à formuler, monsieur Morrison, du côté américain, et monsieur Kymlicka, du côté canadien, quelles sont les trois choses que vous nous diriez qu'il faut promouvoir?
M. Morrison : L'essor de l'Alberta et de la Colombie-Britannique est formidable, tout comme l'est le fait qu'ils ont déjà commencé et conclut cette entente. Vous devriez vraiment mettre de l'avant ce modèle.
Le président : Vous faites référence à l'entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre.
M. Morrison : La mise en place de ce processus est formidable. Il n'y a aucune fin en vue pour la prospérité de l'Ouest canadien. Il y a d'énormes enjeux. Le simple fait de réaliser que la tendance est aux économies régionales est important. On ne peut tout ramener à l'État-nation. Cela se produit partout dans le monde. Il ne faut pas être trop borné. Il faut voir grand. Nos deux exemples vont dans cette direction. Tout ce que nous pouvons faire pour mettre la pression sur les provinces, du moins dans notre région, aidera.
Le président : Restez avec nous. Donnez-nous un coup de main. Faites venir des premiers ministres provinciaux ici, ou leurs homologues en économie. Monsieur Kymlicka, pouvons-nous connaître vos souhaits?
M. Kymlicka : Je félicite le comité et le presse de continuer à mettre l'accent sur la productivité. De nombreuses études montrent que ces obstacles réduisent la productivité et la croissance, et elles soulignent qu'il est dans l'intérêt national, en fait dans l'intérêt continental, de régler ces questions.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Morrison pour dire que nous devrions trouver et tenter de propager les réussites comme l'accord Alberta-Colombie-Britannique et la structure organisationnelle et de gouvernance qu'a la Région économique du nord-ouest du Pacifique.
Nous n'avons qu'effleuré le sujet avec des noms. Si l'on pouvait établir un lien entre ces obstacles et certains programmes de redistribution régionaux — par exemple l'AE et la péréquation, contribuons-nous au fond à perpétuer ces obstacles en tirant les gens d'affaire? Je soupçonne vraiment que c'est le cas.
Le sénateur Moore : Pourquoi?
M. Kymlicka : Il y a de bonnes données pour l'étayer. Il nous faut étoffer un peu mais je crois qu'il y en a. Je crois que ce serait là mes trois voeux.
Le sénateur Meighen : Vous avez fait référence au fait que le comité n'a pas pu attirer les premiers ministres provinciaux ou d'autres personnes, monsieur le président.
Le président : Nous avons invité les premiers ministres provinciaux et la fédération des premiers ministres. Nous recevons des textes mais nous voulons vraiment aborder la question de la volonté politique pour savoir pourquoi les choses ne se sont pas produites.
Le sénateur Meighen : Avons-nous abandonné?
Le président : Non, nous allons continuer de les presser par le biais de la télévision et de l'opinion publique. Nous utiliserons nos ruses politiques pour les convaincre de venir. Nous espérons avoir les deux ministres fédéraux responsables. Ils pourront peut-être nous dire pourquoi il n'y a pas de volonté politique — de la part des gouvernements précédents et du présent gouvernement — pour faire avancer ce dossier. Nous tenterons de savoir cela d'une façon bipartisane.
Je vous remercie tous les deux. Je ne peux que vous dire de demeurer à l'écoute, de continuer à faire votre travail. Nous vous aiderons autant que nous le pourrons.
La séance est levée.