Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 10 - Témoignages du 2 novembre 2006
OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international (étude sur les fonds de couverture).
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Bienvenue à nos éminents invités de la Bourse de Montréal. Merci d'être venus nous rencontrer ce matin malgré le court préavis.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce poursuit son étude sur les fonds de couverture. Lorsque notre comité s'est rendu à New York, au début du mois d'octobre, nous avons discuté d'un certain nombre de questions qui relèvent du mandat du comité, dont celle des fonds de couverture. Nos collègues américains estiment que ce secteur représente entre 1,5 et 3 billions de dollars par année environ en transactions boursières, bien que nous ne sachions pas d'où viennent ces chiffres.
Dans nos audiences d'hier, on nous a dit que ce secteur représente au Canada 28 milliards de dollars canadiens, selon les chiffres de 2004. Nous croyons toutefois savoir que ce secteur connaît une croissance composée de 30 p. 100 par année. Si nos chiffres sont exacts, sa valeur s'élèverait à quelque 50 milliards de dollars. Nous aurons sous peu, je l'espère, des chiffres plus précis.
Compte tenu de l'ampleur et de la portée de nos relations commerciales avec les États-Unis et vu l'intégration de nos économies, il faut toujours accorder la priorité à la stabilité financière de l'Amérique du Nord, autant qu'à la stabilité financière internationale. Il est impératif que nous comprenions ce qui se passe non seulement au Canada, dans ce nouveau secteur de l'investissement, mais aussi aux États-Unis, compte tenu des relations que nous entretenons avec notre voisin du sud.
Au cours de nos discussions à New York avec les responsables de la réglementation américaine et les représentants du secteur des services financiers, il est ressorti que les fonds de couverture sont un enjeu fondamental. Les Américains étaient divisés sur la question de savoir s'il devrait y avoir une réglementation dans ce domaine. Notre comité est prêt à envisager diverses solutions. Nous savons qu'il existe au Canada une réglementation peu rigoureuse en ce qui a trait aux fonds de couverture. Est-ce suffisant ou non? La réglementation devrait-elle être plus rigoureuse ou moins rigoureuse? Nous sommes prêts à envisager diverses solutions dans ce domaine, mais nous savons que des milliers d'investisseurs avertis, tant des grossistes que des détaillants, se prévalent de cet outil financier. Nos institutions — c'est-à-dire les banques, les sociétés de fonds de pension et les sociétés de fonds mutuels — investissent toutes dans cette nouvelle forme d'activité dont le rendement est d'emblée supérieur à celui des autres formes d'investissement. C'est bien sûr pour cette raison que les fonds de couverture attirent de plus en plus de gros investissements.
Dans notre étude sur les questions relatives aux consommateurs dans le secteur financier, on nous a parlé des fonds de couverture, et nous avons recommandé que le gouvernement nomme un expert qui serait chargé d'examiner quelle réglementation devrait s'appliquer à la surveillance des fonds de couverture. Mais cela n'a pas encore été fait. Nous espérons que cette mesure s'ajoutera à l'étude que nous avons maintenant entreprise. Il nous reste néanmoins encore à répondre à des questions clés pour ce qui est de savoir comment et dans quelle mesure ces nouveaux produits financiers devraient être réglementés ou surveillés, s'il doit y avoir réglementation ou supervision, afin de protéger le consommateur mais surtout la stabilité de nos marchés financiers nationaux et internationaux.
Nous sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue à tous les deux, pour notre deuxième journée d'audiences.
[Français]
Léon Bitton, vice-président, Recherche et développement, Bourse de Montréal : Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation et de l'intérêt que vous portez au développement des marchés financiers.
Je vais tenter, à l'intérieur des limites de temps imposées, de vous exposer le rôle d'un marché de produits dérivés, et particulièrement celui de la Bourse de Montréal, qui est aujourd'hui une Bourse spécialisée dans les produits dérivés. Je mettrai également l'accent sur le volet de la sécurité du marché.
Mon intervention portera davantage sur la sécurité financière du marché et mon collègue, M. Jacques Tanguay, abordera plutôt le volet de la surveillance des participants et de la sécurité du marché de façon générale.
Pour commencer, quelques mots au sujet de la Bourse de Montréal. Depuis la restructuration des marchés en 1999, il y avait une entente entre les Bourse de Montréal et de Toronto. Nous sommes aujourd'hui la seule Bourse de produits dérivés financiers au Canada. Nous œuvrons dans un contexte de globalisation des marchés. Nous sommes donc évidemment exposés à de fortes pressions concurrentielles internationales.
Également relié à notre offre de produits, nous offrons aussi une vaste gamme de produits dérivés financiers, sur actions, sur indices et sur taux d'intérêt, qui ont un caractère canadien, mais également un rayonnement international. Un grand nombre des utilisateurs de nos marchés sont situés non pas seulement au Canada, mais aussi à travers le monde.
Notre volume quotidien pour ces différents produits, pour mettre en perspective la taille de notre marché, se situe en moyenne à 70 milliards de dollars exprimés en valeur notionnelle; à chaque jour, on négocie à peu près cette somme. Au cours des cinq dernières années, nous avons connu une croissance annualisée d'à peu près 25 p. 100 par année. Entre l'année passée et cette année, nous avons eu une croissance de 40 p. 100. Cet élément de croissance, qui n'est pas unique au Canada, est aussi un témoignage assez clair que les produits dérivés sont aujourd'hui devenus des outils de gestion de risques et aussi d'accroissement de rendement indispensables dans le paysage financier d'aujourd'hui, que ce soit le paysage financier canadien ou international. De nos jours, il est pratiquement impossible et impensable de gérer un portefeuille ou une trésorerie de banque ou d'une société sans recourir aux produits dérivés. Cela est démontré aussi par notre positionnement dans ce marché.
Notre modèle de marché, qui est aussi un modèle de marché qui correspond à des standards internationaux, est axé sur des attributs de transparence, d'accès étendu et de sécurité. La transparence du marché repose essentiellement sur l'existence d'une plate-forme de négociations électroniques accessible, dans notre cas, à près de 25 000 points d'accès au Canada et à travers le monde et ce, suite à des reconnaissances obtenues auprès d'autorités réglementaires de pays étrangers comme aux États-Unis. La CFTC, qui est l'autorité en place, nous autorise donc à installer des terminaux qui donnent accès à des résidants américains à des produits canadiens. De la même façon, nous avons aussi des accès octroyés en Grande-Bretagne et dans d'autres pays à travers le monde.
Dans notre offre de services, nous avons un marché électronique avec des accès étendus à travers le monde. Nous offrons aussi des solutions technologiques à d'autres marchés. Nous opérons avec notre propre technologie le marché de la Bourse de Montréal, mais nous sommes également l'opérateur technique et l'actionnaire principal d'une Bourse d'options aux États-Unis, The Boston Options Exchange. En fait, nous sommes la seule Bourse étrangère à avoir obtenu une reconnaissance de la SEC — Security Exchange Commission — pour opérer un marché d'options aux États-Unis, ce qui témoigne des hauts standards de qualité de notre offre de services.
Nous sommes aussi propriétaires d'une société de compensation qui joue un rôle de premier plan dans la sécurité financière d'un marché dérivé — et c'est surtout sur cela que je vais axer mes propos dans le contexte de l'analyse que vous menez.
Encore une fois, je voudrais souligner l'importance de cette sécurité financière et vous remercier parce qu'en 2002, votre comité et le Sénat avez initié le projet de loi S-40 qui, par la suite, a été approuvé par la Chambre des communes. C'était une modification de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements qui a permis de protéger la capacité de la chambre de compensation, de réaliser les dépôts de garantie soumis dans l'éventualité d'insolvabilité financière de participants. Cette modification à la loi, qui a été initiée ici et approuvée par le Sénat et ensuite soumise à la Chambre des communes, a permis d'accroître la sécurité financière du marché canadien et nous a ainsi permis d'obtenir une cote de crédit de la Standard & Poor's. La chambre de compensation CDCC a une cote de crédit AA aujourd'hui, ce qui est un témoignage de la sécurité financière que cette chambre de compensation octroie aux participants du marché canadien.
Ce qu'offre une Bourse, c'est essentiellement un mécanisme d'échange et de découvert de prix, dans un cadre réglementé — une Bourse opère dans un cadre réglementé — et qui facilite le transfert de risques, les instruments dérivés, les options et les contrats internes qui se négocient à la Bourse de Montréal et à travers le monde. Ce sont des instruments, qui facilitent le transfert de risques entre ceux qui sont prêts à les assumer et ceux qui sont intéressés à les transférer.
Cela met en présence une Bourse, un marché organisé, mais aussi un grand nombre d'agents économiques qui ont des optiques et des besoins totalement différents. Il faut se rappeler que l'existence d'un prix d'équilibre dans un marché repose sur l'hétérogénéité des anticipations des opérateurs. Pour qu'un marché existe, nous n'avons pas seulement besoin d'investisseurs qui ont une optique de gestion de risques, qui cherchent à couvrir un risque, nous avons aussi besoin d'intervenants qui peuvent soit arbitrer entre différents marchés, soit négocier par anticipation de la fluctuation des prix du marché, ce que l'on appelle communément des « spéculateurs ».
Donc un prix d'équilibre existe dans un marché grâce à ce regroupement d'optiques qui se rencontre sur la place du marché d'où l'intérêt qu'une place de marché de produits dérivés a pour la communauté des « hedge funds », qui sont des participants actifs dans les marchés de produits dérivés et qui, dans ce sens, joue un rôle important dans le fonctionnement des marchés.
Je voudrais introduire ici une notion importante, celle de la différence fondamentale entre les produits dérivés, qui se traitent en Bourse, dans un concept multilatéral et appuyés par une société de compensation, par rapport à des produits dérivés qui se négocient, ce qu'on appelle « hors Bourse », sur une base contractuelle bilatérale. Vous avez deux intervenants sur le marché au comptoir, qui vont s'entendre sur les termes d'un produit dérivé, et qui vont réaliser une transaction en fonction du risque de crédit de la contrepartie et qui vont mettre en place des mesures sur lesquelles ils vont s'entendre.
Dans un marché boursier, on fait appel à un concept multilatéral où la garantie de la performance financière est assurée par la société de compensation. Ce que l'on retrouve dans un marché boursier c'est le concept d'universalité des prix. Vous pouvez avoir dans une transaction qui va se traiter à la Bourse de Montréal, d'un côté un fonds de couverture représenté par son courtier. Je tiens à vous souligner que les fonds de couverture n'ont pas un accès direct au marché. Ils doivent passer par un courtier, qui a un statut de participant agréé de la Bourse de Montréal. Donc un fonds de couverture qui est derrière une transaction pourrait très facilement se retrouver avec, comme contrepartie, un autre courtier qui, lui, représente un fond de pension ou un particulier. Évidemment, ce concept multilatéral d'un marché est rendu possible par le fait que vous avez une chambre de compensation qui s'interpose entre l'acheteur et le vendeur et qui devient la garante, la contrepartie de chacun des participants.
[Traduction]
Le président : Monsieur Bitton, permettez-moi de vous interrompre un instant. Certains des Canadiens qui nous écoutent sont bien informés de ce qui existe dans le domaine, alors que d'autres, comme bon nombre d'entre nous, ne s'y connaissent pas très bien. Avant que vous poursuiviez votre exposé, pourriez-vous nous décrire ce qu'est une transaction au moyen d'instrument dérivé? Nous avons déjà entendu l'expression, et certains d'entre nous croient savoir ce qu'elle signifie. Mais son sens semble varier selon les personnes à qui l'on parle. Vous avez parlé de votre marché des instruments dérivés et de votre chambre de compensation. J'aimerais que vous nous donniez un exemple de transaction au moyen d'instruments dérivés, après quoi vous pourrez continuer votre exposé. Il est important pour notre auditoire de comprendre de quoi nous parlons.
Le sénateur Angus : De plus, qu'entendez-vous par garantie?
Le président : Ce serait bien que vous le précisiez.
[Français]
M. Bitton : Fondamentalement, un produit dérivé a une raison économique. La raison économique première d'un produit dérivé, c'est d'assurer ce service de gestion de risques ou de transfert de risques auquel j'ai fait allusion. Vous allez avoir fondamentalement des institutions financières, prenons un exemple concret, qui vont offrir des hypothèques à leurs clients et qui assument un risque de taux d'intérêt. La société financière, bancaire en l'occurrence, peut soit décider d'assumer ce risque dans son portefeuille, soit décider de ne pas l'assumer. À ce moment, la société pourrait décider de transférer ce risque à un autre intervenant qui lui, est prêt à l'assumer, par exemple un fonds de couverture. Vous avez ici un cas typique de deux intervenants : d'un côté, vous avez un intervenant qui a un besoin de gestion de risques de son portefeuille ou de son passif, et d'un autre côté, un intervenant qui anticipe un mouvement du marché et qui est prêt à acquérir le produit dérivé.
Dans le jargon des produits dérivés, vous avez en fait deux types de marché, vous avez ce qu'on appelle des « contrats à terme » : c'est un mode de négociation différée. Cela veut dire que cela vous permet de fixer aujourd'hui le prix du bien que vous êtes intéressé à acheter ou à vendre à une date ultérieure. C'est un mode différé et évidemment, c'est un mode de fixation de prix qui facilite cet échange que je viens de décrire.
Un deuxième type d'instrument...
Le sénateur Goldstein : Ce que vous venez de décrire, je présume que c'est ce qu'on appelle communément un échange de taux d'intérêt?
M. Bitton : Dans le jargon des OTC, c'est un « plain forward » qui est basé sur les taux d'intérêt. Un échange de taux d'intérêt c'est un instrument qui se trouve davantage dans le marché au comptoir entre les intervenants. En fait, un échange de taux d'intérêt, c'est une série de « forwards ». C'est un intervenant qui, lui, va échelonner sur le temps avec des séquences de paiements différés dans le temps. Il va prendre une série de « forwards » et va constituer ce qu'on appelle un échange de taux d'intérêt. Mais dans les marchés organisés, la terminologie qu'on utilise c'est qu'on a un marché de futur et un marché d'options. Le premier marché de futur est un marché prédominant à nature institutionnelle. Donc, la majorité des intervenants dans un marché de futur sur instruments financiers sont des instruments institutionnels et professionnels. On voit très peu d'activité au détail dans les marchés futurs. Ce sont des marchés qui sont utilisés davantage par une clientèle sophistiquée.
Une autre gamme de produits, c'est les options qui rentrent dans la définition de produits dérivés. Les options, c'est un mécanisme flexible qui vous permet de gérer des risques également, mais avec des dimensions de plafond ou de niveau plancher que vous pouvez établir. Exemple, très facile : vous détenez une action dans votre portefeuille, tout comme aujourd'hui vous avez tendance à assurer d'autres biens comme votre voiture ou votre maison, donc vous achetez une assurance, alors le marché des options permet, entre autres, à gérer votre risque de portefeuille, soit une action individuelle, soit un indice, et d'assurer ainsi de vous offrir cette dimension assurance prix de votre portefeuille. En achetant, par exemple une option de vente, vous avez de cette façon la possibilité d'assurer la valeur de votre action. Exemple : vous avez acheté l'action à 50 $, vous avez une optique long terme par rapport à cette action et vous voulez la conserver dans votre portefeuille, mais vous savez que cette action pourrait traverser de façon momentanée une zone de turbulence et qu'à ce moment, vous cherchez à assurer le prix de l'action pendant cette zone de turbulence, on peut dire un an, vous achetez une option qui vous donne le droit de fixer le prix de l'action à 50 $. Donc, même si le prix au marché de l'action va descendre au-dessous de 50 $, vous vous réservez le droit de revendre cette action à 50 $, et à ce moment évidemment, tout comme dans le domaine de l'assurance immobilier ou d'autres types d'assurance, il y a une prime que vous devez payer pour cet engagement.
L'avantage des options, c'est que vous avez possibilité de réduire l'effet de levier de l'option, c'est-à-dire quand vous êtes acheteur, vous payez une prime, votre risque est limité à la prime; quand vous êtes vendeur, vous pouvez faire appel à cette notion de levier. Quand on utilise le terme de levier dans les produits dérivés, cette notion de levier on la retrouve davantage dans les contrats à terme. Parce que les contrats à terme, que vous soyez acheteur ou vendeur, dans les deux sens cela constitue un engagement, une obligation d'exécution. À ce moment, il est certain que le risque n'est pas limité.
Évidemment, les produits dérivés, tout comme tout autre instrument que vous pourrez utiliser dans d'autres sphères d'activités, dépend de la façon dont on l'utilise. Il y a des stratégies de base simples et d'autres plus complexes.
Vous avez dans l'industrie des fonds de couverture, des intervenants spécialisés et professionnels qui vont faire appel aux produits dérivés pour bâtir des stratégies plus complexes qui ont comme objectif d'obtenir un rendement supérieur.
[Traduction]
Le président : Je vous arrête, on y reviendra. Pour le moment, j'aimerais qu'on revienne à ce que disait le sénateur Angus. Pour une option de change à terme, quelle est la nature de la garantie et comment le détenteur peut-il s'assurer d'être couvert? Reprenons votre exemple. Un acheteur acquiert un groupe d'actions à 50 $. Il veut avoir une garantie à terme qui lui permettra d'obtenir au moins 50 $ pour ses actions s'il décide de les vendre. Il s'agit d'une couverture contre la perte de valeur. Il veut être couvert pendant un an et par conséquent débourse une certaine somme d'argent. Combien devrait-il débourser? La somme représente-t-elle un pourcentage précis ou est-ce un montant aléatoire?
M. Bitton : La somme sera fonction de la valeur de l'instrument financier assuré. Il est possible de souscrire à une assurance garantissant la valeur actuelle des actions données, mais il faudra débourser davantage. Une assurance qui garantit un prix inférieur au prix actuel coûte moins chère.
[Français]
Revenons à cet exemple et à la notion de garantie. La société de compensation fonde sa garantie sur un mécanisme de dépôt de garantie et d'évaluation quotidienne du risque.
[Traduction]
Comment cela marche-t-il concrètement? Il y a une société de compensation qui agit à titre d'intermédiaire entre les deux parties ayant conclu une transaction. Pour ce qui est de la garantie, l'exemple donné précédemment n'est pas nécessairement probant. Plus tôt, en parlant de la garantie, j'ai dit que dans le cas de l'achat d'une option, les risques se limitent à la prime payée. Le détenteur a le droit de lever la dite option et paye une prime, limitant ainsi ses risques.
Le président : Tentons de passer en revue le processus. Il est question ici d'actions faisant l'objet de transactions fréquentes émises par une grande société. Un investisseur décide d'en acheter et de se protéger contre une éventuelle dépréciation en déboursant une prime.
Sachant qu'il y a plusieurs parties qui interviennent, à savoir la société de compensation, l'investisseur qui prend des risques et le garant, comment l'investisseur peut-il être sûr qu'il est couvert ou protégé par le biais d'une garantie contre une éventuelle dépréciation de ses actions? Comment fait-il pour déchiffrer la garantie? Sous quelle forme se présente-t- elle? La garantie émane-t-elle de l'institution avec laquelle il transige? Par exemple, si l'investisseur fait affaire avec une société de placement ou une banque, la garantie est-elle assurée par ces organismes-là ou par une tierce partie? Comment l'investisseur averti peut-il être sûr qu'en payant une prime ses investissements seront garantis?
Pour ce qui est de l'assurance, examinez-vous le portefeuille d'assurance et les bilans de la société en question dans le but de vous assurer qu'en cas de décès, les primes d'assurance continueraient à être payées?
Comment l'investisseur est-il sensé démêler les différentes transactions pour être sûr qu'en échange de son paiement il sécurise ses investissements?
[Français]
M. Bitton : La société de compensation assure la fonction de garantie au niveau, d'abord, du règlement monétaire — le règlement monétaire implique que vous achetiez l'option.
[Traduction]
Le président : Qu'a la société de compensation comme garantie?
M. Bitton : Justement, j'y arrivais.
[Français]
Il y a deux facettes, dont l'assurance-garantie du règlement monétaire. La Chambre de compensation, pour les détenteurs de positions de dérivés qui ont un engagement, qui ont une obligation, va exiger des dépôts de garantie. Elle va exiger que du collatéral ou une forme acceptable de dépôt de garantie soit déposée auprès de la Chambre de compensation. Le tout se fait par le biais du courtier, qui lui est membre de la Chambre de compensation.
Le client a des exigences qu'il doit respecter vis à vis son courtier, mais le courtier doit déposer auprès de la Chambre de compensation cette garantie. La Chambre de compensation a donc cette garantie, c'est le premier volet de la garantie, et elle a ce collatéral en dépôt.
La Chambre de compensation suit également en continu, au jour le jour, et même durant la journée, l'évolution des prix de l'instrument. Si la garantie qui généralement est fixée en fonction de modèles d'évaluation de risques basés sur l'analyse historique de volatilité et aussi basée sur des situations d'évaluation du stress pour tenter de couvrir des périodes extrêmes de volatilité passée, la Chambre de compensation va établir le montant de la garantie en fonction de cette volatilité historique et de cette évaluation du stress. Elle va chiffrer cette garantie et à ce moment exiger du courtier de déposer suffisamment de collatéral pour couvrir cette garantie.
Le processus, toutefois, ne s'arrête pas là. Une fois que cette garantie est déposée, il y a un monitoring, un contrôle continu de l'évolution du marché, qui pourrait amener la Chambre de compensation à agir. S'il y a, à un moment donné, une fluctuation de prix qui est en dehors des normes historiques, qui fait en sorte que la garantie doive être supérieure à ce qui a été exigé, la Chambre de compensation peut agir et demander, en cours de journée, que le courtier lui transfère des garanties additionnelles pour satisfaire l'obligation qu'elle a prise.
[Traduction]
Le président : J'y reviendrai, mais pour le moment je pense qu'il est important de comprendre la transaction.
Au bout du compte, il y a une garantie, donc il y a un suivi, en plus du suivi assuré par la société de compensation au jour le jour. Tout ceci est-il fonction de l'analyse historique?
M. Bitton : Pas toujours. On prend en compte l'analyse historique, mais aussi l'évaluation de la tension, en appliquant un processus de gestion des risques permanents.
Le président : Et si, contre toute attente, le marché s'effondrait? Je ne parle pas ici d'une perte de 50 ou 70 points, mais plutôt de 500 ou 600 points. De notre vivant, nous avons assisté à un certain nombre d'effondrements du marché, notamment l'implosion du marché des technologies il y a quatre ou cinq ans seulement.
Qu'arrive-t-il en cas d'effondrement soudain? En faisant une analyse des contraintes, par exemple, peut-on croire que l'investisseur sera protégé en cas de ralentissement marqué du marché?
M. Bitton : L'histoire a prouvé que le système fonctionne bien. En cas de problème pour un participant, la chambre de compensation se servira du dépôt de garantie pour satisfaire aux obligations ou rembourser la somme dont fait l'objet ce défaut de paiement. Si ce n'est pas suffisant, à la deuxième étape, nous demandons à chaque membre de la chambre de compensation de donner un dépôt qu'on appelle le fonds garanti ou le fonds de compensation. Il s'agit d'une réserve qui est gardée et qui ne sert qu'en cas de défaut de paiement.
Normalement, nous employons d'abord le dépôt de garanti. Selon les mécanismes dont j'ai parlé, le dépôt de garanti est calculé selon la volatilité historique, le test de tension et un contrôle de gestion continue en fonction du risque et il devrait suffire en cas de pépin.
Si ce n'est pas suffisant, il y a le fonds de réserve. Les membres de la chambre de compensation qui sont essentiellement le réseau de crédit du système, sont tenus de contribuer un supplément de 100 p. 100 de ce qu'ils ont dans le fonds de compensation, en cas de défaut.
Le président : Quelle est la couverture initiale? Est-ce 5 p. 100 ou 10 p. 100?
M. Bitton : La couverture varie selon la volatilité. Pour un contrat à terme très volatile en fonction d'un produit faisant l'objet d'option, le dépôt de garanti sera plus élevé.
Le président : Donnez-nous un exemple de ces niveaux supérieurs.
M. Bitton : Actuellement, pour les contrats à terme sur indices boursiers ou SXF, nous exigeons environ 7 p. 100 de la valeur du contrat.
Le président : Prenons cet exemple, et allons jusqu'au bout. Nous sommes préoccupés par l'ampleur du risque de perte en cas de baisse.
Pour un contrat à terme, si une personne donne 7 p. 100 et que le marché baisse de 500 points, ce qui n'est pas déraisonnable compte tenu des chutes plus marquées que nous avons déjà vues, le 7 p. 100 ne couvrirait pas la perte, même s'il était doublé à 14 p. 100, n'est-ce pas? Pourriez-vous nous expliquer tout cela.
[Français]
Jacques Tanguay, vice-président, Recherche et développement, Bourse de Montréal : Monsieur le président, une des choses que la Chambre de compensation peut faire est ce qui suit : en cours de la journée, si elle voit que le marché prend une forte tendance à la baisse, elle peut faire des appels de marge « intraday ».
Il faut mentionner le fait que les calculs de marge et de collatéral requis par la Chambre de compensation sont faits en fonction du pire scénario. Par exemple, la Chambre de compensation examine ce qui se produirait si l'on vivait à nouveau une situation comme celle du lundi noir des années 1980, du défaut de la Russie à remBourser sa dette. Ce sont ces éléments qu'elle prend en considération et elle examine le pire scénario possible. Les modèles de calculs établissent à 99,5 p. 100 le degré de certitude que les marges et collatéraux requis soient suffisants.
Donc, la corporation de compensation est suffisamment confortable avec le fait que ce qu'elle demande à ses membres, sur une base quotidienne, est suffisant pour couvrir les pires scénarios avec un niveau de confiance de 99, 5 p. 100. Et en plus, comme M. Bitton le mentionnait, il y a le fonds de compensation, qui est un fonds séparé dont l'objectif est de couvrir des situations où il pourrait y avoir insuffisance de collatéral. Il y a beaucoup de mécanismes qui font en sorte que le risque qu'il y ait un défaut sur le plan de la garantie sont limités.
M. Bitton : Ce que nous préconisons ici aujourd'hui, c'est que tel que démontré à travers le monde, le mécanisme de compensation et de garantie assuré par la Chambre de compensation dans des marchés organisés de produits dérivés devrait être le mécanisme de choix de l'industrie. Car j'ai voulu quand même nuancer dans mes propos la façon que se négocie un contrat qui se traite hors Bourse, donc avec des conditions bilatérales sans ce mécanisme qu'on vous a décrit. Parce que hors Bourse, réellement, on traite en fonction de la qualité de crédit de la contrepartie. On y rattache de plus en plus, par contre dans les activités hors Bourse, des éléments de « collatérisation », donc il y a du collatéral qui est de plus en plus déposé, mais on n'y rattache pas dans l'activité hors Bourse le mécanisme de gestion de risque en continu, qui est assumé par une chambre de compensation. Cela veut dire qu'une chambre de compensation est en mode réactif ou préventif plus dynamique. Elle détient et elle possède des actifs qui couvrent des obligations avec des certitudes de confiance de 99,8 p. 100 et ne tient pas compte seulement d'une manière de volatilité historique, mais également de périodes de volatilité accrue, ce qu'on appelle des stress.
Les risques systémiques découlant de la défaillance d'un participant dans le marché, qui traite dans un marché de produits dérivés organisé, sont limités par la présence et le rôle d'une chambre de compensation. D'ailleurs, dans ce sens, pour aussi réconforter les membres de ce comité par rapport à ce que je viens de dire c'est qu'il y a l'accord de Bâle numéro un qui régit les institutions financières et qui reconnaît dans ses exigences de capital pour couvrir le risque de crédit dans le marché boursier; elle reconnaît, en fait, que si un intervenant ou si une activité ou deux intervenants liés à une transaction dans le marché au comptoir prennent cette transaction et la dépose auprès d'une Bourse ou une chambre de compensation, l'entente de Bâle reconnaît que l'exigence de capital sera réduite par rapport à l'exigence de capital, qui aurait été exigée dans un marché au comptoir. Ce qui veut dire que vous avez là une facette, qui nous a encouragés à la Bourse de Montréal. La Chambre de compensation, la CDCC, offre maintenant des services de compensation au marché OTC.
[Traduction]
M. Bitton : La Corporation canadienne de compensation des produits dérivés offre maintenant des services de compensation hors cote aux participants du marché hors cote qui pourraient profiter de ce service de sécurité par rapport au marché financier.
Le président : De quelle taille est la chambre de compensation?
M. Bitton : Nous avons des dépôts de garanti pour environ 1,5 milliard de dollars. Le fonds de compensation est d'environ 300 millions de dollars et peut être doublé en cas de défaut. C'est plus ou moins la taille actuelle, mais ces chiffres varient avec le temps. Tout dépend des positions des participants au marché.
Le président : L'ensemble du marché des fonds de couverture tourne autour de 40 ou 50 milliards de dollars au Canada. Ce ne serait qu'une petite portion de ce marché. Ce n'est qu'une partie de l'ensemble du marché des fonds de couverture.
M. Bitton : Nous venons de décrire la taille des fonds employés.
Les positions sur le marché des participants, d'après la valeur théorique pour leurs produits, est d'environ 600 milliards de dollars. À titre de comparaison, signalons que la Bourse de Montréal a actuellement des positions dont la valeur théorique est d'environ 600 milliards de dollars. Chaque jour, nous avons des échanges dont la valeur théorique est de 70 milliards de dollars. Voilà l'ampleur actuelle du marché.
Le sénateur Angus : Mais il ne s'agit que des opérations de la Bourse de Montréal. Cela ne comprend pas les opérations hors cote. Savez-vous quelle est l'ampleur des échanges pour le marché hors cote?
M. Bitton : La Banque du Canada, entre autres, fournit des statistiques là-dessus. D'après les chiffres récents, c'est environ 40 p. 100 du marché des taux d'intérêt et 30 p. 100 de celui des instruments dérivés sur actions. Le reste est négocié hors cote.
Pour ce qui est du volume des échanges et des opérations, nous avons le gros de ces activités. En termes de valeur théorique, puisque c'est la nature du marché hors cote, le secteur spéculatif est important. En termes de valeur théorique, c'est notre part de marché.
Le sénateur Angus : Si je vous comprends bien, toutes les opérations de votre bourse sont protégées par la Chambre de compensation. Les opérations hors cote, toutefois, bénéficient des services d'une chambre de compensation, facultative pour les investisseurs. La plupart des opérations hors cote ne sont pas ainsi protégées. Ai-je bien compris?
M. Bitton : Nous n'offrons ce service pour les opérations hors cote depuis peu et nous nous attendons à ce que la chambre de compensation nous donne un bon volume d'affaires. Nous nous attendons aussi à ce que les institutions cherchent à réduire le capital nécessaire pour les risques associés au crédit. Comme vous l'avez dit plus tôt, il est avantageux de faire bénéficier les opérations hors cote des services d'une chambre de compensation.
Nous pensons que de plus en plus d'opérations hors cote se feront à la bourse. En fait, ce n'est pas ce que je devrais dire. Rappelons qu'une bourse offre un mécanisme de détermination des prix uniformisé.
Ce qu'on voit surtout dans le marché hors cote, ce sont des produits dérivés adaptés à certains besoins. Je parle particulièrement de la capacité d'offrir ces opérations sur des produits dérivés adaptés avec les services de gestion du risque de la chambre de compensation.
C'est une bonne question. Ces deux marchés se complètent, puisque beaucoup d'activités sont suscités à la bourse par les spéculateurs de produits dérivés hors cote. Si vous êtes un spéculateur en soit sur le marché hors cote, vous prenez un risque, celui de vos clients, et ce risque est transféré à un autre participant, dans le cadre de la bourse. Il y a beaucoup d'activités complémentaires entre les deux.
Le président : Je pense que nous comprenons. Vous nous avez donné des chiffres pour la Bourse de Montréal. Quelle est la taille du marché mondial?
M. Bitton : Les chiffres que je vous ai donnés ne se rapportent qu'à la Bourse de Montréal.
Le président : Vous êtes pratiquement les seuls spéculateurs de ce genre, pour le marché des produits dérivés.
M. Bitton : C'est exact.
Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre au Canada fait le même travail?
M. Bitton : Depuis la restructuration de 1999, nous avons l'exclusivité jusqu'en 2009. Nous sommes donc la seule bourse de produits financiers dérivés. Il y a aussi la bourse des marchandises de Winnipeg, pour le canola.
Le président : Il s'agit plutôt de denrées.
M. Bitton : C'est exact. Nous sommes la seule bourse de produits financiers dérivés au Canada. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes exposés à une concurrence internationale, nos concurrents étant d'autres marchés de contrats à terme mondiaux.
Le président : Comme la Bourse de Chicago?
M. Bitton : Oui, entre autres. Nous avons évidemment à considérer certains types de produits. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de concurrence, nous sommes dans un milieu très compétitif.
[Français]
À ce stade-ci, à moins qu'il y ait d'autres questions sur la sécurité financière, passer au deuxième volet de protection. J'ai dit au début de mes propos que la sécurité financière constituait le premier volet de protection de notre marché.
Le deuxième volet de protection est ce qu'on appelle la « surveillance des participants et la sécurité du marché ». À cet égard, je vais demander à M. Tanguay de vous parler du volet de sécurité du marché, qui est assumé par la Bourse de Montréal.
M. Tanguay : Les fonds de couverture n'ont pas un accès direct à notre marché. D'ailleurs, il n'y a pas une bourse à l'heure actuelle au monde qui admet les fonds de couverture comme des participants directs à leur marché. Pour devenir un participant avec un accès direct au marché de la Bourse de Montréal, il faut nécessairement que le participant soit inscrit à titre de courtier auprès d'une commission de valeurs provinciale ou d'un régulateur provincial ou dans le cas de nos participants étrangers, auprès d'un régulateur étranger.
Je mentionne en passant qu'à l'heure actuelle, nous avons 90 courtiers qui ont reçu l'approbation de participants agréés, dont 60 Canadiens et 30 étrangers. À l'étranger, nous avons 25 courtiers américains et 5 courtiers anglais.
En plus d'exiger que le courtier soit inscrit auprès d'un régulateur, il faut aussi qu'il soit membre d'un organisme d'autoréglementation reconnu. Au Canada, l'organisme d'autoréglementation reconnu, pour les fins de surveillance du capital et de gestion des comptes client, est l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières ou Investment Dealers' Association. Le courtier doit également être membre du Fonds canadien de protection des épargnants. Ce fonds assure la protection des investisseurs en cas d'insolvabilité des courtiers. À l'heure actuelle, il y a dans le fonds 250 millions de dollars, sans compter les marges de crédit dont le fonds dispose. Cela couvre les clients en cas de faillite de leur courtier.
On demande aussi que le personnel du courtier ait les compétences nécessaires pour négocier les produits qui sont inscrits à la Bourse de Montréal. Ce qui veut dire que les gens qui négocient ces produits doivent avoir suivi les cours prescrits par les régulateurs relativement à la distribution d'options et de contrats à terme. Entre autres choses, on regarde également si le courtier a le capital nécessaire et quels sont les systèmes et les procédures qui sont en place, tout particulièrement en ce qui concerne la négociation des produits dérivés sur notre marché.
Finalement, les courtiers qui veulent devenir des participants agréés de la Bourse de Montréal doivent soumettre un plan d'affaires dans lequel ils établissent, sur un horizon de trois à cinq ans, quelles sont leurs intentions en termes d'activités sur le marché des produits dérivés de la bourse.
Les courtiers doivent passer par ce processus d'approbation avant de devenir ce qu'on appelle un « participant agréé » et d'avoir accès direct à notre marché. Dans tout cela, les fonds de couverture en bout de ligne se retrouvent simplement comme des clients de ces courtiers. Ils doivent obligatoirement passer par un courtier approuvé par la bourse.
Un de nos principaux objectifs est d'assurer l'intégrité du marché et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de manipulation et que les mécanismes de découverte de prix ne subissent pas de distorsion. C'est notre principal objectif au plan réglementaire. À cette fin, on a mis en place plusieurs outils pour nous permettre d'atteindre ces objectifs.
Le principal outil dont on dispose est ce qu'on nomme des « rapports de position ». À partir du moment où un participant de la bourse ou un de ses clients détient plus qu'un certain nombre de contrats à terme ou de contrats d'option, il y a une obligation pour le participant agréé et son client de faire rapport à la bourse sur les positions qu'il détient. Du côté des options donc, une fois par semaine, on doit nous faire rapport sur les positions détenues. C'est un rapport très détaillé qui décrit l'instrument, l'échéance et dans le cas d'options, le prix de levée. En même temps qu'on a cette information, on a aussi toutes les informations relatives à l'identification des clients. On peut savoir que monsieur X détient 300 contrats d'options sur telle action.
[Traduction]
Le président : Nous le comprenons. Nous avons entendu un témoignage parallèle hier, M. Wilson parlant du contrôle réglementaire nécessaire pour les directeurs des placements, par exemple. Voulez-vous ajouter quelque chose? Je voudrais qu'on passe aux questions.
[Français]
M. Tanguay : Le fait de demander des rapports de position de façon périodique nous permet, premièrement, d'identifier les joueurs importants sur notre marché, y compris les fonds de couverture. Cela permet également de faire des recoupements parce que dans bien des cas, les clients, surtout du côté institutionnel et des fonds de couverture, vont avoir des comptes chez plusieurs courtiers. Les rapports fournis nous permettent donc de faire des recoupements et d'identifier la position globale détenue par une institution ou un fonds de couverture dans un contrat spécifique.
[Traduction]
Le président : Vous mettez ensemble les divers rapports des directeurs ou des fonds afin d'identifier les déséquilibres en faveur d'un secteur donné, ou d'une valeur donnée qui pourrait faire augmenter le risque.
Le sénateur Angus : Dans les émirats, auriez-vous vu celui qui a consacré trop de temps aux contrats à terme ou aux valeurs boursières pour le gaz, à ce prix?
Le président : D'après vos rapports, pouvez-vous nous dire si un portefeuille est déséquilibré et si le risque n'est pas bien réparti?
[Français]
M. Tanguay : Dans le cas des options, c'est une fois par semaine, dans le cas des contrats à terme, c'est deux fois par semaine. Un des objectifs est d'éviter qu'une personne ou une entité en particulier détienne une position trop importante. Un des objectifs est d'identifier les situations de concentration. À cet effet, on a ce qu'on appelle des limites de position. Il y a des seuils qui ne peuvent pas être dépassés.
[Traduction]
Le président : Comment pouvez-vous décider si quelqu'un dépasse la limite? Disposez-vous de pouvoir pour dire à un membre agréé que son portefeuille est déséquilibré? Nous avons entendu le témoignage de M. Wilson hier; son institution peut se pencher sur quelque chose qui semble déplacé, mais n'examine pas nécessairement le portefeuille des fonds de couverture.
[Français]
M. Tanguay : C'est dans notre réglementation. C'est prévu dans les règlements de la bourse. C'est le cas d'ailleurs de toutes les bourses de dérivés.
[Traduction]
Le président : Les règlements de votre bourse sont, en ce sens, plus contraignants que ceux de la Bourse de Toronto.
[Français]
M. Tanguay : Définitivement.
[Traduction]
Le président : Je parle de la façon dont cela s'applique aux administrateurs.
[Français]
Le sénateur Goldstein : Avez-vous le droit de refuser des transactions advenant le cas où quelqu'un atteint sa limite?
M. Tanguay : Oui. En fait, quand quelqu'un atteint la limite, il y a deux scénarios possibles : si les positions sont prises uniquement à des fins de spéculation, il y n'aura aucune permission accordée d'excéder cette limite; si, en revanche, ces positions sont prises pour couvrir ou protéger un portefeuille, on peut alors consentir une extension à la limite de position. Mais il faut que le demandeur nous prouve que c'est vraiment une couverture qu'il veut faire.
Le sénateur Goldstein : Donc, c'est du cas par cas.
M. Tanguay : Oui, c'est du cas par cas.
[Traduction]
Le président : C'est un domaine très complexe, que nous nous efforçons de cerner. Aimeriez-vous ajouter quelque chose avant que nous laissions le sénateur poser des questions?
[Français]
M. Tanguay : Je vais m'en tenir à ces rapports de position et les limites de position car je pense que c'est notre outil le plus important pour gérer les risques des d'opérations effectuées sur notre marché.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Vous avez indiqué que, en moyenne, la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés traitait en moyenne 70 milliards de dollars par jour. Selon vous, est-ce un système de paiement de gros volume ou un système de paiement de faible volume, en comparaison, par exemple, avec l'Association canadienne des paiements, qui traite des systèmes de transfert de grosses valeurs se chiffrant à 18 000 transactions quotidiennes valant en moyenne 145 milliards de dollars? Où se situe votre organisme?
M. Bitton : Laissez-moi tout d'abord clarifier ce montant de 70 milliards de dollars. Quand on traite de contrats à terme, ils peuvent reposer sur l'acceptation d'un banquier. Chaque contrat vaut un million de dollars. Si on échange 10 contrats, on échange une valeur notionnelle de 10 millions de dollars; par contre, l'échange de fonds qui résulte véritablement de l'adoption d'une position dans le marché des contrats à terme est, comme je l'ai dit plus tôt, une marge de variation.
Pour simplifier, les fonds échangés d'un jour à l'autre correspondent à la fluctuation du prix des contrats à terme d'un jour à l'autre. Ce sont des montants bien plus faibles que la valeur notionnelle. La valeur notionnelle, quant à elle, est le risque absolu. Si vous parvenez à la livraison, vous êtes à la fin du contrat à terme et vous savez qu'il y a échange de fonds.
Il ne faut pas perdre de vue non plus l'existence de deux instruments dans le monde des contrats à terme : des contrats à terme avec livraison effective du sous-jacent et des contrats financiers, qui sont essentiellement réglés en liquide. En d'autres termes, à la fin d'une période, au lieu de livrer le sous-jacent, soit, disons, 100 000 $ d'obligations, vous vous contentez simplement d'échanger la différence en argent entre la valeur effective des obligations à terme et votre contrat à terme. Autrement dit, dans la pratique, les sommes d'argent échangées au jour le jour sont considérablement moindres.
Le sénateur Harb : Le 4 octobre 2006, un groupe de travail a publié un rapport intitulé Le Canada s'engage. Le groupe faisait toute une série de recommandations, que vous connaissez sans doute. Notamment, la divulgation intégrale de tous les frais de rendement, de gestion, d'administration, de renvoi ou autres, y compris la compensation accordée au conseiller et au gestionnaire de l'investissement, pour ce qui est des fonds de couverture. Cela dépasse les limites de votre compétence, vu que les fonds de couverture ne s'adressent pas à vous; ils passent par un quelconque cabinet de courtage.
Il me semble que toute chambre de compensation ait un système de transfert de grosses valeurs, géré par l'Association canadienne des paiements; ou un système d'opérations sur titres payées ou délivrées, également chapeauté par l'Association canadienne des paiements et géré par la Caisse canadienne de dépôt de valeurs limité; ou un système automatique de compensation et de règlement. Il existe pour chacun de ces systèmes une certaine surveillance, soit du fait de la Banque du Canada, soit du fait du ministère des Finances.
Votre organisme me semble être le seul laissé à ses propres moyens. Serait-il, selon vous, nécessaire d'établir une coordination avec ces autres organismes ou agences? Estimeriez-vous utile, par exemple, un quelconque échange d'informations régulier entre votre organisme et la Banque du Canada ou le ministère des Finances? Le président et le vice-président ont tous deux soulevé une série de questions sur la transparence d'une transaction, sur la capacité des gens à savoir ce qui se passe véritablement. Est-ce quelque chose que vous envisagez ou quelque chose que vous faites déjà?
[Français]
M. Tanguay : Il faut mentionner que la Corporation de compensation, CDCC, est un organisme d'autoréglementation reconnu par l'Autorité des marchés financiers du Québec. La CDCC est chapeautée par l'Autorité des marchés financiers. Et c'est aussi l'Autorité des marchés financiers au Québec qui chapeaute les institutions financières. Je ne suis pas en mesure de vous dire si, par le biais de cela, il y a des communications ou des transferts d'information qui peuvent se faire entre notre corporation de compensation et les autres corporations de compensation.
Le sénateur Goldstein : Merci, messieurs d'être venus et pour vos deux présentations très claires et très importantes pour nous. Vos présentations soulèvent plusieurs questions, non pas parce qu'elles n'étaient pas claires, au contraire, mais parce qu'il s'agit d'un domaine qui est, pour la plupart du monde, un peu occulte dans le sens où on ne le comprend pas très bien.
Vous avez parlé tantôt, M. Bitton, de chiffres, notamment de 70 milliards de dollars. Êtes-vous en mesure de diviser ce chiffre entre ceux qui font vraiment la couverture de leurs risques au niveau affaires commerciales, d'une part, et la partie qui est purement spéculative, d'autre part?
Par exemple, si je suis un manufacturier de tablettes de chocolat, que j'ai besoin de jus d'orange pour mon produit et que je sais qu'il va falloir que je produise pour Noël une quantité très vaste de chocolat, je voudrais peut-être fixer dès maintenant le prix de mon jus d'orange, j'achèterai donc des « futurs » — ou peut-être des options, mais plutôt des « futurs » — pour que je puisse fixer le prix de mon coût de production. Je voie cela comme une transaction commerciale « normale », d'une part, avec une utilité commerciale et non pas purement spéculative. D'autre part, il y a des spéculateurs qui vont acheter du jus d'orange, des livraisons « des futurs », pour des fins de spéculation et c'est pour eux un instrument purement financier.
Dans quelle mesure ces 70 milliards de dollars sont-ils spéculatifs et dans quelle mesure sont-ils commerciaux?
M. Bitton : Il y a là deux volets. On vous a présenté le volet de la Chambre de compensation et le volet de la Bourse. Au niveau de la Chambre de compensation, il faut se rappeler d'une chose très importante, cette notion d'universalité. La Chambre de compensation ne tente pas de déterminer la nature, qu'elle soit commerciale ou spéculative, de la transaction. Tout ce qu'elle cherche à faire c'est prendre position, évaluer le risque de la position; elle exige des garanties et suit la position pour s'assurer qu'elle continue à se conformer aux standards de garanties et de dépôts de garantie qu'elle a. Autrement dit, elle est totalement indifférente par rapport à l'optique de négociation de l'intervenant.
Maintenant, à la Bourse, la réglementation de la Bourse a son système de limite de position, qui a été évoqué. On a des limites de positions qui sont strictes pour les spéculateurs.
À ce moment, un spéculateur basé sur les limites de position prescrite, ne pourra jamais les dépasser. Par contre, on a un mécanisme qui permet à ceux qui ont des transactions commerciales de déposer leur requête, d'augmenter la position qu'ils ont sur le marché et à ce moment, la Bourse va demander à cette institution de lui faire une démonstration de la nature de la couverture et elle va décider oui ou non d'allouer cela. Ce qui veut dire que dans notre univers, on n'a pas besoin de distinguer qu'elle est la motivation de l'utilisation.
Le sénateur Goldstein : On a parlé de 70 milliards de transaction. Combien sont des spéculateurs?
M. Tanguay : Monsieur Bitton parle d'un chiffre de 70 milliards, mais ce sont des opérations qui ont lieu dans une journée. Alors que du côté de la réglementation, ce qu'on regarde, ce sont les positions qui sont en cours à un moment précis. Basé sur les rapports que nous recevons, je vous dirais qu'approximativement à peu près 95 p. 100 des positions de contrats à terme, qui nous sont rapportés, sont des positions pour fins de couverture, pour fins de protection.
Une des particularités des spéculateurs dans le marché à terme, c'est que normalement, ils ne garderont pas de position en fin de séance ou s'ils en gardent, cela va être très petit. Ils font plutôt du « entré et sortie ». Donc les positions qui se retrouvent à la Chambre de compensation en fin de journée, pour les contrats à terme, se sont principalement des positions de couverture.
Du côté option, c'est plus difficile à identifier parce que le marché d'option est un marché utilisé, contrairement au marché à terme, de façon très significative par les clients de détail. Le marché à terme est essentiellement un marché institutionnel alors que le marché d'options, les particuliers ont quand même une activité assez importante. Évidemment, lorsque les positions qui nous sont rapportées sont relativement petites, on ne vérifie pas systématiquement si c'est une position spéculative ou non. Cela deviendrait trop.
Le sénateur Goldstein : Vous avez utilisé indifféremment, je crois, les mots « participant » et « membre ». Voulez- vous distinguer les deux?
M. Tanguay : Jusqu'à la démutualisation de la Bourse en octobre 2000, on avait des membres. Depuis que la Bourse de Montréal est devenue une société par action, en octobre 2000, le terme a été changé pour « participant agréé ». Cela veut dire la même chose.
Le sénateur Goldstein : Ce sont des mots synonymes.
M. Tanguay : Oui, ce sont essentiellement des mots synonymes.
Le sénateur Goldstein : Vous nous avez mentionné qu'il y a des fois des appels de marge « inter day ». Lorsqu'il y a un tel appel de marge est-ce réglé immédiatement ou il y a un délai?
M. Tanguay : C'est normalement réglé dans l'heure qui suit. Quand ce sont des CC, c'est arrivé très rarement, à ma connaissance, dans les dix dernières années, je pense que c'est arrivé une fois en 1998, où le CDCC a fait un appel de marge à midi et il fallait que les fonds soient rendus à 13 heures. Il faut dire qu'une des exigences de la corporation de compensation c'est que chacun des membres ait une marge de crédit préétablie avec une grande banque et à ce moment, CDCC peut aller chercher directement les fonds dans cette marge de crédit consentie par la banque au courtier.
Le sénateur Goldstein : C'est consenti à l'avance? Ce sont des contrats entre la Bourse ou la chambre, d'une part, et le participant ou le membre, d'autre part, qui permet à la Bourse, à la chambre d'aller chercher directement à l'institution bancaire, je présume, qui établit la marge en faveur d'un de vos membres d'aller chercher immédiatement l'argent.
M. Tanguay : Ce mécanisme fonctionne tous les jours parce qu'une des particularité du marché des instruments dérivés, est que tous les gains et les pertes doivent être réglés quotidiennement. Avant l'ouverture des marchés, tous les matins, s'il y a des pertes qui doivent être réglées par le courtier, CDCC va chercher le montant qu'il lui faut dans le compte de banque du participant et vice versa, s'il y a des gains, CDCC va déposer directement. Tout se fait pratiquement en temps réel.
Le sénateur Goldstein : C'est donc le même système, à toutes fins pratiques, que la compensation qui a eu lieu avec la Chambre de compensation pour les banques? Dans le sens que le soir, lorsque les banques sont fermées, on fait le compte à compte pour arriver à un solde.
M. Tanguay : Oui.
Le sénateur Goldstein : Vous avez parlé tout à l'heure d'un taux de 99,8 p. 100 de certitude. Cela nous soulage un peu, sauf qu'arrive-il avec les 0,2 p. 100 restant? Cela représente quoi? Est-ce un pourcentage historique ou autre chose?
M. Tanguay : En fait, c'est une formule statistique utilisée par CDCC. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu de la notion de courbe normale avec des degrés de confiance. C'est de la statistique pure et simple.
Le sénateur Goldstein : C'est une étude. Ce n'est pas l'expérience. C'est une étude statistique.
M. Tanguay : Oui, mais c'est basé aussi sur l'historique. La corporation de compensation va regarder ce qui s'est passé dans les 20 derniers jours, les 90 derniers jours, les 260 derniers jours et à partir de ces données historiques, elle va faire un calcul en utilisant ce qu'on appelle un scénario du pire : qu'est-ce qui pourrait arriver de pire aujourd'hui? Ce calcul est fait de façon quotidienne.
Le sénateur Goldstein : Vous déterminez votre taux de certitude quotidiennement?
M. Tanguay : Oui, la Corporation de compensation fait cela de façon quotidienne. Et les jours où il peut y avoir beaucoup de volatilité sur le marché, elle va le faire en temps réel pour s'assurer qu'il y ait suffisamment d'argent dans le fonds de marge et le fonds de compensation pour couvrir toutes les positions.
[Traduction]
Le président : Sénateur Goldstein, vous avez fait preuve de tant de patience envers nous que c'est le moins que nous puissions faire en retour. Votre expertise et votre sagesse nous sont précieuses, notamment parce que vous venez du Québec et comprenez bien mieux ces questions que moi qui suis de Toronto.
Le sénateur Goldstein : J'en doute, mais je suis d'accord avec vos deux premières affirmations : que j'ai fait preuve de patience et vous aussi.
[Français]
Le sénateur Goldstein : Vous nous soulagez beaucoup en nous disant que vous vérifiez quand même quotidiennement ou deux fois par semaine dans un cas, et chaque semaine, dans un autre cas, pour déterminer et vous assurer qu'il n'y a pas de concentration indue. Mais comment pouvez-vous savoir si quelqu'un qui aurait un fonds de couverture et qui serait à sa limite chez vous n'a pas, par la même occasion, traité avec plusieurs autres bourses pour finalement arriver globalement à une concentration suffisante ou presque accaparer le marché? Y a-t-il des échanges d'information entre vous et la Bourse de Chicago et d'autres Bourses?
M. Tanguay : Il y a des échanges d'information, mais c'est surtout lorsqu'on fait face à des situations problématiques. La Bourse de Montréal fait partie de ce qu'on appelle le « Intermarket Surveillance Group » qui est un regroupement de 35 Bourses nord-américaines et européennes. Il y a des échanges d'information qui se font.
Le sénateur Goldstein : En principe, c'est après coup, après qu'une crise se soit déclarée.
M. Tanguay : Oui, c'est après coup. C'est sûr que nous surveillons les positions sur notre marché. Les autres bourses, à toutes fins pratiques, de dérivés ont des exigences identiques. Chacun surveille son marché.
Le sénateur Goldstein : Si j'ai acheté des « futurs » de jus d'orange pour prendre un exemple très simple et je suis arrivé à ma limite chez vous, je pourrais être également à la limite dans 22 ou 23 autres Bourses et avoir donc un contrôle possible du marché.
M. Tanguay : On a des produits qui sont uniques. Donc, nos produits ne sont pas ce qu'on appelle des produits fongibles, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas les acheter, par exemple sur notre marché et les liquider sur un autre marché ou vice versa. Au Canada on est la seule Bourse de dérivés.
Si on prend l'exemple des États-Unis, il y a six Bourses d'options, qui négocient les mêmes contrats, donc vous pouvez acheter une option sur une Bourse et la liquider sur une autre Bourse. C'est un système qui fait en sorte que les informations reçues par chacune des Bourses sont consolidées pour identifier les situations de concentration.
Le sénateur Goldstein : On ne peut pas faire plutôt un arbitrage entre les Bourses? Est-ce qu'il y a des différences de prix?
M. Tanguay : Aux États-Unis, oui. Au Canada, on n'a pas ce problème. Aux États-Unis, il peut y avoir des différences de prix, entre les Bourses d'options à tout le moins.
M. Bitton : Cette notion d'arbitrage fait parfois appel à des produits différents; on peut avoir deux produits qui ont un certain degré de corrélation, qui, effectivement, à ce moment, font appel à deux marchés distincts. Plus souvent qu'autrement, à l'intérieur du même marché, il peut y avoir des stratégies qu'un fonds de couverture peut adopter par rapport à sa prévision de la valeur relative, par exemple le taux d'intérêt de 30 jours versus le taux d'intérêt de dix ans. Quand cela se fait à l'intérieur de notre sphère de produits, on a le plein contrôle. Quand cela se fait entre deux produits sur deux marchés différents, chacun des marchés a la responsabilité de gestion. Quand même, il y a des mécanismes d'échange d'informations entre les différents marchés. Évidemment, on parle de marchés organisés.
Si une part de la transaction origine du marché au comptoir, par exemple, et l'autre part, d'un marché réglementé, ça devient un peu plus difficile. C'est à ce niveau que se trouve peut-être la difficulté.
M. Tanguay : Une autre difficulté qui peut se présenter avec l'exemple de M. Bitton, c'est que si vous avez un fonds de couverture qui prend des positions dans des contrats à terme de la Bourse de Montréal et dans des contrats à terme du Chicago Mercantile Exchange, cela ne se fera pas nécessairement par l'entremise du même courtier. On pourrait utiliser un courtier canadien pour les transactions à Montréal et passer par un courtier américain pour les transactions américaines. À ce moment, on n'a absolument aucun moyen de vérifier.
Le sénateur Goldstein : Ce qui est donc une faiblesse dans le système, qui peut conduire à des « amaranth » et des « long term capital » et ainsi de suite?
M. Bitton : Mais, si on prend l'exemple récent, on quand même démontré des aptitudes de bien gérer le risque de contrepartie. Les risques de contrepartie sont bien gérés. Évidemment, la faiblesse, c'est ultimement la faiblesse par rapport à la connaissance que doit avoir l'investisseur par rapport à l'instrument qui lui est offert et le degré de risques. Mais ce qui a quand même été démontré jusqu'à présent, c'est que la notion de gestion des risques de contrepartie a quand même été bien assumée par le marché, dans un contexte soit domestique ou dans un contexte international.
Le sénateur Goldstein : Et la preuve en a été faite d'ailleurs.
M. Bitton : Tout à fait. Et dans d'autres affaires.
[Traduction]
Le sénateur Angus : Comme vous le savez, nous étudions les fonds de couverture. Dans votre exposé, vous avez mentionné que votre bourse se spécialisait dans l'échange de divers produits structurés entre des sociétés de fonds ordinaires, des individus, des courtiers, bref, pas uniquement des fonds de couverture.
M. Bitton : Ce que je vous ai présenté, aujourd'hui, est essentiellement un modèle de marché pour toute bourse spécialisée dans les produits dérivés. Le modèle que nous avons présenté s'applique au Canada, ainsi qu'à Chicago, à Londres, à Frankfort, et cetera, comme vous pourrez le constater. Nous avons montré l'importance d'un marché organisé pour gérer le risque de crédit.
Nous nous sommes efforcés de souligner que le modèle est totalement indifférent à la nature de l'investisseur : fonds de couverture, investisseur de détail ou fonds mutuel. Nous gérons le risque, sur lequel nous adoptons un point de vue objectif et auquel nous attribuons une mesure quantitative, afin de le gérer.
Nous avons également indiqué que nous ne parlions pas de l'activité du marché hors cote, qui est de nature entièrement différente. Dans bien des cas, les fonds de couverture sont susceptibles d'utiliser un décalage, décalage en argent liquide, en produits dérivés au comptoir ou encore en crédit boursier.
[Français]
La Bourse doit évoluer dans un cadre qui minimise les ambiguïtés. C'est clair. Ce qui veut dire que si les participants perdent confiance dans l'intégrité de la Bourse, cela impact sur nos opérations, sur notre activité. Nous sommes donc intéressés au plus haut point de s'assurer que les opérations soient gérées de façon intègre et aussi que les intervenants, qui traitent sur nos marchés, ne fassent pas défaut sur d'autres marchés parce que, ultimement, ce même intervenant peut avoir un impact sur notre marché. L'intérêt est là. Les mesures de contrôle sont spécifiques à notre marché, mais au niveau des échanges d'informations entre les différentes autorités; c'est là que cela se joue réellement.
[Traduction]
Le sénateur Angus : Je voulais souligner que vous gérez un marché hautement spécialisé avec un succès remarquable. Je pense que la bourse de produits dérivés de Montréal, que vous gérez, est d'envergure mondiale et je suis fier d'être de Montréal.
En tant qu'experts du domaine des opérations financières, organisées ou pas, souhaiteriez-vous donner au comité des idées ou des commentaires quant à la nécessité ou non de réglementer plus strictement et de suivre plus étroitement les fonds de couverture, instruments à haut risque.
M. Bitton : Nous serions mal placés pour nous prononcer sur la réglementation des fonds de couverture. Nous pouvons toutefois faire des observations sur la contribution des fonds de couverture à notre marché. Ils jouent un rôle important. Des études démontrent que les fonds de couverture apportent une liquidité qui aide à réduire la fluctuation des prix. Si vous avez des fonds de couverture du côté à long terme du marché et si vous souhaitez réduire l'instabilité, vous trouvez souvent des fonds de couverture de l'autre côté de l'échange. Les fonds de couverture ont des répercussions bénéfiques sur le marché.
Il est nécessaire d'évoluer, fait dont nous avons conscience dans notre propre environnement. Nous devons évoluer dans un environnement où il faut établir un équilibre délicat entre les règlements, d'une part, et l'efficacité et la liberté des marchés, d'autre part. Nous venons d'un environnement réglementé, mais encourageons toutefois l'innovation et la participation, pour la stabilité du système financier.
Le sénateur Angus : Vous le faites à merveille.
Pour revenir aux échanges au comptoir, dont vous avez parlé, j'ai l'impression, à vous écouter, que la plupart des fonds de couverture pratiquent leurs échanges hors de la bourse, dans le monde au comptoir.
M. Bitton : C'est difficile à préciser. Les fonds de couverture ne sont pas très transparents, vu que le modèle des fonds de couverture repose en partie sur la capacité à protéger les droits de propriété liés à la stratégie. C'est comme cela que les fonds apportent de la valeur et de la valeur ajoutée aux investisseurs. Ils ont des droits d'échange dans le cadre de la stratégie.
Ceci dit, nous savons pertinemment que les fonds de couverture ont fréquemment recours aux marchés de produits à terme, y compris les nôtres. Nous ne savons pas quelle part de produits reliés à la bourse ils détiennent, par rapport à leur part de produits hors cote, mais nous savons qu'ils jouent un rôle important dans le marché boursier, tant le nôtre que n'importe quel autre marché de contrats à terme dans le monde.
Le sénateur Angus : Dans la mesure où ils utilisent votre bourse, bien qu'un fonds de couverture soit tenu d'être représenté par un courtier dans toute opération, ils sont sujets à l'agrément. Ou est-ce seulement le courtier qui doit être agréé?
M. Tanguay : C'est seulement le courtier.
Le sénateur Angus : Il pourrait avoir n'importe qui comme client.
M. Tanguay : Le courtier a un devoir de suivi; il doit savoir ce que fait son client. C'est au courtier de vérifier son client.
Le sénateur Angus : Nous sommes plutôt préoccupés par l'ampleur avec laquelle les clients de détail investissent maintenant dans des fonds de couverture, par opposition à des investisseurs institutionnels ou véritablement dotés de connaissances. Nous avons beaucoup entendu parler des billets à capital protégé. Est-ce qu'il s'agit d'instruments d'échange ou simplement de documents de titre?
M. Tanguay : Les billets à capital protégé sont des instruments très compliqués. Nous avons souligné à plusieurs reprises la grande complexité de ces produits, qui impliquent une partie en espèces, une partie en options et une partie en contrats à terme, ou quelque chose du genre. Ils sont vendus par des représentants commerciaux qui n'ont pas nécessairement la capacité ou les connaissances voulues pour expliquer le produit à leurs clients. Les représentants en titres devraient, à tout le moins, suivre un cours, afin de bien comprendre ce qu'ils vendent à leurs clients. Le manque de connaissances des représentants commerciaux est peut-être, en fait, l'inconvénient principal ou la grosse faiblesse des produits de fonds de couverture.
Le président : Merci beaucoup. Tout cela est passionnant. Nous voulons vous remercier de l'étude approfondie de la question que vous avez effectuée pour nous. Nous nous efforçons de comprendre vos affaires, qui sont hautement complexes. Nous nous efforçons également d'éduquer la population. Et nous apprécions tous votre contribution.
Si vous souhaitez apporter des éléments écrits à notre étude, n'hésitez pas à le faire. Nous attendons encore la réaction de la population, avec l'intention de tenir compte également de ses contributions.
Nous poursuivrons notre étude des fonds de couverture au Canada. Nous sommes ravis de pouvoir entendre à présent M. Gary P. Selke, président de Front Street Capital.
Le témoignage de la Bourse de Toronto, hier, indiquait que le chiffre se situait aux alentours de 28 milliards de dollars au Canada, mais progressait à un taux composé de 30 p. 100. Il s'agit donc d'un secteur en pleine croissance parmi les services financiers. Nous nous préoccupons des risques que cela représente pour l'économie et du risque que devraient équitablement assumer les consommateurs et investisseurs individuels.
Le sénateur Angus : Nous sommes ravis de vous rencontrer. Nous savons que vous étiez présent dans la salle lors des précédents témoignages, si bien que vous savez quelle est la situation. Vous savez que nous nous intéressons à la vente de tablettes de chocolat et aux particularités de ce type de marchés.
Gary P. Selke, président, Front Street Capital : Moi, c'était plutôt le jus d'orange, qui m'intéressait.
C'est un honneur et un plaisir que de comparaître aujourd'hui devant le comité. Je me ferais un plaisir de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir, maintenant ou plus tard.
La transparence est un sujet dont on se préoccupe. Je voudrais assurer au comité que nous sommes complètement transparents en ce qui concerne nos activités — que nous traitions avec nos fournisseurs de services ou nos clients. Avec un peu de chance, la discussion sera utile.
Le président : Un moment, s'il vous plaît, monsieur Selke. Seriez-vous parent d'un des grands Montréalais de l'histoire?
M. Selke : Je suis fier d'être le père de Frank Selke, qui a eu 20 ans hier; et je suis le fils et petit-fils de Frank Selke.
Nous venons à l'origine de Toronto, mais j'ai pu assister à la partie Montréal-Toronto, samedi soir, au milieu des gradins, parce que mon grand-père était le directeur général de Toronto comme de Montréal. Quand il était approprié de pencher à gauche, je le faisais; quand je me devais de pencher à droite, je le faisais aussi.
Le président : À Toronto, nous avons le sentiment de bien connaître nos racines. Nous avions pleinement conscience des racines torontoises de votre grand-père. Nous avons été ravis de l'avoir à Toronto et catastrophés de son départ à Montréal. Mais nous comprenons toutefois la situation, parce que le hockey est notre passe-temps national et que nous sommes, en bout de ligne, des patriotes.
Merci d'avoir évoqué cette histoire, et le rôle de votre famille au Canada.
M. Selke : Merci beaucoup. Je suis touché.
Je suis président-directeur général de Front Street Capital, société canadienne d'investissement et de couverture. Dans le domaine des fonds de couverture, notre chiffre d'affaire est d'environ 2,3 milliards de dollars. Nous avons trois stratégies essentielles : une stratégie de diversification et de saisie des occasions; une stratégie spécifique aux secteurs, axée sur l'énergie et les mines; et, sujet faisant actuellement la matière de diverses manchettes, des fiducies de revenu à court ou à long terme. Nous nous sommes très bien tirés d'affaire hier, merci beaucoup. C'est un point à garder à l'esprit.
Monsieur le président, si vous le permettez, je vais vous laisser un rapport paru dans un magazine en septembre 2006 et intitulé « A Hedge Fund Market in Focus ». C'est une étude de 30 pages rédigée par un groupe de renommée internationale, que nous n'avons aucunement commissionné. Les auteurs s'efforcent d'expliquer l'état du marché des fonds de couverture au Canada. Nous disposons d'exemplaires supplémentaires que nous nous ferons un plaisir de transmettre au comité. C'est un bon survol, sans doute instructif pour les membres de votre comité.
Je suis comptable agréé de métier et, m'étant aperçu des limites de cet ensemble d'habiletés, également participant au marché de l'investissement depuis 25 ans. Depuis quinze ans, j'y participe en tant que banquier spécialisé dans les investissements. Il y a dix ans, j'ai quitté RBC Dominion Valeurs mobilières Inc. et formé, avec l'un de mes collègues actuels, une entreprise ayant précédé Front Street Capital. Il y a dix ans que je m'occupe de conseil et de gestion des investissements.
Je voudrais brosser pour le comité un rapide portrait de la situation du marché au Canada, selon moi. Comme les intervenants précédents, j'estime à environ 20 milliards de dollars la valeur de ce marché, avec environ 50 p. 100 de cette somme, soit dix milliards de dollars, essentiellement en fonds de couverture garantis par des billets à capital protégé. Vingt pour cent environ du marché, soit quatre milliards de dollars, seraient garantis par des fonds de fonds; et environ 30 p. 100 du marché, soit six milliards de dollars, par des fonds de couverture indépendants.
Il s'agit là d'activités dépendant d'un gestionnaire unique. Il y a environ 100 gestionnaires de fonds indépendants au Canada. Histoire de mettre les choses en perspective, toutefois, laissez-moi préciser qu'il existe environ quinze entreprises canadiennes qui gèrent plus de 100 millions de dollars. Deux entreprises uniquement gèrent plus d'un milliard, dont la nôtre.
Généralement parlant, comme l'a suggéré le président au départ, tous les membres canadiens sont soumis aux règlements des organismes provinciaux de réglementation du commerce des valeurs mobilières. Nous sommes tenus d'être enregistrés auprès de ces organismes. Notre entreprise pose une demande. L'autorité de réglementation appropriée vérifie que nous avons l'expérience et la connaissance voulues dans le domaine pour fournir des conseils à notre clientèle. Elle examine nos registres, et selon la qualité de nos registres et de nos connaissances, nous accorde l'agrément. Nous dépendons ensuite de ces autorités. Actuellement, Front Street Capital est enregistré auprès de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, de la British Columbia Securities Commission, de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et du Fonds canadien de protection des épargnants. Nous sommes également enregistrés auprès de la U.S. Securities and Exchange Commission.
Le sénateur Angus : Comme courtier en valeurs mobilières?
M. Selke : Non, comme conseiller en investissements pour un fonds de couverture à court et long terme.
Nous sommes en faveur d'une transparence et d'une surveillance accrues. Soit dit en passant, je suis perplexe devant la commotion suscitée aux États-Unis par la mauvaise grâce du milieu à se soumettre à une surveillance ou réglementation. Il n'y a rien de mal à réglementer. Cela rend notre métier plus crédible, plus transparent et plus digne de confiance, si bien que mes partenaires et moi, dans notre entreprise, accueillons la réglementation à bras ouvert.
Je vais vous expliquer ce que nous faisons exactement pour notre firme. Il y a une surveillance quotidienne à l'aide d'un triple rapprochement avec nos prestataires de service, nos principaux courtiers, dépositaires et évaluations et nous comparons cela à nos chiffres. Nous faisons cela trois fois par jour pour nous assurer que les positions ne s'égarent pas.
Certains au sein du comité ou dans le grand public ont dit que cela n'était pas suffisamment surveillé et que les règles n'étaient pas respectées assez strictement. Chez nous, il y a un agent supérieur agréé chargé de l'observation des normes et, comme beaucoup d'autres firmes, nous avons un avocat général et tous doivent veiller à ce que les fonds pertinents suivent les lignes directrices prévues pour leurs investissements. Les restrictions imposées à chaque fonds sont déterminées et intégrées à un système de contrôle informatique si bien que s'il nous arrive par inadvertance de dépasser un plafond, ce qui n'arrive pas souvent, c'est tout de suite signalé, un rapport d'erreur sort immédiatement et l'erreur est corrigée à la séance suivante.
Si le gérant de portefeuille en question veut maintenir cette position, il en perd le contrôle, et celle-ci revient à l'agent en chef chargé du respect des normes, qui fait le nécessaire. Il est important d'avoir des contrôles. Les investisseurs qui ont une position dans Amaranth sont des groupes comme des fonds de pension, des compagnies d'assurance, des banques et des fonds de fonds. Notre firme gère son propre argent si bien que nous avons des fonds de pension, des banques internationales et de riches particuliers comme investisseurs dans les produits que nous gérons. Les seuls contacts que nous ayons pu avoir avec Amaranth viennent du réseautage social qui se fait dans ce milieu; nous les connaissons bien.
De loin, il semble qu'ils n'étaient pas loin de la gestion du risque mais que cela a été négligé. Si l'on avait appliqué la gestion du risque telle que prévue, il n'y aurait pas eu de problème.
Le sénateur Angus : On nous a dit lorsque nous sommes récemment allés à New York qu'étant donné la profondeur des poches de ce genre d'investisseurs, le marché a pu absorber. Ce fut un phénomène passager qui n'a pas duré comme pour Long Term Capital Management en 1998.
M. Selke : C'est vrai. Ce qui est triste et amusant à la fois, dans cette situation, c'est qu'aujourd'hui, six semaines après, c'est passé. S'ils avaient eu suffisamment de capitaux pour continuer, ils seraient solvables aujourd'hui parce que le marché est revenu exactement là où il était le 1er août, quand le gaz naturel était à environ 7 $ le pied cube métrique et est tombé à environ 4,50 $ à la mi-septembre. C'est la goutte qui a fait déborder le vase. Aujourd'hui, il est revenu à 7 $.
Le président : Nous étions surpris du fait que le marché a été en mesure d'absorber la perte sans grandes conséquences, alors que beaucoup de monde a perdu beaucoup d'argent. Un des gestionnaires du fonds a réussi à constituer un nouveau fonds très rapidement et a accumulé environ 800 millions de dollars. Vous êtes réglementés en ce sens qu'à titre d'administrateur de fonds et de gestionnaire de portefeuilles, il y a réglementation au sommet mais non pas à la base. Si cette situation s'était produite au Canada, cette personne aurait-elle pu constituer un fonds dès le lendemain et accumuler un capital aussi important si vite? Certes, on lui faisait confiance puisqu'il a réussi à attirer cet argent; nous sommes curieux, plutôt que critiques. Cela aurait-il pu se produire ici? Vous avez dit que c'était arrivé du fait d'une lacune dans la gestion du risque de ce fonds.
M. Selke : C'est exact. La personne responsable de cette transaction, M. Hunter, de Calgary, n'est pas celle qui a reçu l'appui dont vous venez de parler. C'est le groupe d'actionnaires de Toronto qui a reçu 800 millions de dollars américains de Moore Capital aux États-Unis.
Le président : Nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec l'un des dirigeants de Moore Capital à New York mais nous n'avons pas pu lui parler de cette question. Il avait néanmoins des choses assez intéressantes à dire à propos du fonds spéculatif.
Le sénateur Angus : Il faut avoir de solides réserves.
M. Selke : Oui, c'est un fonds de 10 milliards de dollars. En passant, sur eBay, si vous voulez faire vos mises, la carte d'affaire du gestionnaire de risque d'Amaranth est aux enchères. Vous pourriez la garder avec vos actions de Bre-X.
Le président : Si nos cartes étaient mises en vente, ça bouleverserait certainement le marché.
M. Selke : Le volume d'affaires de notre entreprise est de 2,5 milliards de dollars. Nous avons très bien réussi. Au début, nous n'étions que 11 personnes. Nous sommes maintenant 30 et nous avons installé nos pénates à Toronto. Les partenaires ont plus de 200 millions de dollars investis dans les fonds que nous gérons. C'est un aspect très important de la convergence des efforts. Nous payons les mêmes frais et nous assumons les mêmes risques. Nous avons les mêmes chances de profit et les mêmes risques que nos investisseurs. Il est important de le déclarer et c'est un important avantage commercial.
La plupart des sociétés d'investissement du pays ne peuvent faire pareilles déclarations. Ce serait vrai de la plupart de mes confrères et concurrents du secteur des fonds spéculatifs. Ceux qui ne gèrent qu'à long terme le font comme une agence. Nous estimons être des parties principales. Si vous nous demandez conseil sur les fonds, c'est que nous y investissons nous-mêmes. Si nous ne sommes pas convaincus que nous pouvons classer notre argent avec celui de nos investisseurs, nous ne générons pas le fonds en question.
En 1999, nous avons lancé notre stratégie d'acquisition d'actions canadiennes à long terme et à court terme. En passant, nous ne gérons que des actifs canadiens. Nous ne négocions pas de produits dérivés. Malgré le témoignage lumineux de ceux qui nous ont précédés, nous ne négocions pas de produits dérivés parce que nous ne les comprenons pas. Nous essayons de nous limiter au secteur étroit où nous sommes, soit les actions canadiennes à long terme et à court terme, dans les secteurs de l'énergie, des mines et dans celui des fiducies de revenu.
Depuis 1999, soit depuis le début de notre mandat d'investissement, nous avons accumulé un supplément de 20 p. 100 par rapport au taux indiciel de la bourse de Toronto, d'environ 5,5 p. 100. Nous avons offert à nos clients un rendement supérieur, avec un risque inférieur à celui du marché.
Les fonds de couverture vendent du risque quand ils font leur travail. Les fonds de couverture ne sont pas censés donner des rendements excessifs. Ils sont censés vendre du risque. Parfois, on oublie qu'il s'agit du commerce de la gestion du risque. Je me suis assuré d'avoir avec moi aujourd'hui ce livre intitulé Managing Risk, parce que c'est exactement ce que fait un fonds de couverture. Il faut essayer de réduire le risque au minimum. C'est une considération très importante.
Mais un fonds de couverture, ce n'est pas jouer aux dés de la finance. Il s'agirait alors de spéculation. Nous sommes une entreprise qui gère des fonds, sans faire de spéculation. Nous gérons le risque.
C'est très important. Dans le monde de l'investissement, il faut un équilibre entre le risque et le rendement. On peut avoir un rendement excessif, en prenant des risques excessifs. À notre avis, le mieux, c'est de vendre le risque. Voilà qui explique notre succès relatif.
Nous nous sommes très bien débrouillés dans le secteur de l'énergie et des mines. Pour le secteur énergétique, nous en sommes à 28 p. 100. Pour les secteurs miniers, depuis, le début, nos chiffres ont été 24 p. 100, 33 p. 100 et 47 p. 100.
Le sénateur Angus : Pour le long terme et le court terme?
M. Selke : Ce sont les chiffres nets, une fois enlevés tous les frais. Tous les chiffres que je vous ai donnés sont calculés sans les frais, les dépenses et les coûts.
Le sénateur Angus : Je sors tout de suite téléphoner à vos bureaux.
La président : Quels sont vos frais?
M. Selke : Nous demandons 2 p. 100 en frais de gestion et 20 p. 100 en fonction du rendement, ce qui correspond à la norme.
Le président : Est-ce que les frais qui sont en fonction du rendement dépendent du rendement pour les investisseurs, ou est-ce un taux fixe?
M. Selke : Dans notre cas, une fois qu'on a atteint un certain seuil, nous fixons la barre...
Le président : À quel niveau?
M. Selke : La barre serait 8 p. 100 du brut.
Le président : Si un investisseur vous confie un million de dollars et que vous lui imposez une commission annuelle de 2 p. 100...
M. Selke : Il s'agit dans ce cas-là de frais de gestion de 2 p. 100.
Le président : D'accord. Quel rendement devez-vous obtenir avec ce million de dollars pour avoir droit à cette commission de 20 p. 100 sur le rendement?
M. Selke : Tout dépend du fonds en question. Par exemple, si nous atteignons un rendement de 8 p. 100 toute dépenses payées, nous entrons alors dans ce qu'on pourrait appeler la partie rendement. À compter de ce moment, il y aurait des charges à payer quotidiennes, et l'évaluateur indépendant examinerait la valeur des actifs du fonds pour déterminer la prime au rendement payable.
Le président : Ce 8 p. 100 n'a rien à voir avec les 2 p. 100 pour les frais de gestion?
M. Selke : Oui, dans ce cas particulier.
Le président : Essentiellement, ce serait 8 p. 100 après tous les autres frais, après quoi, la prime au rendement de 20 p. 100 serait payable?
M. Selke : Oui, c'est un autre exemple.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce une pratique normale de l'industrie?
M. Selke : Non, cela serait considéré comme peu élevé. Aux États-Unis, de manière générale, il n'y a aucun obstacle ou seuil. Les grands portefeuillistes américains exigent des frais de gestion de 3 p. 100 et 25 p. 100 de tous les profits à partir de zéro.
Il y a d'autres exemples aux États-Unis où les frais sont beaucoup plus élevés. Les frais canadiens que je viens de mentionner dépendent des habiletés du négociateur lorsque le fonds est créé ou tout simplement de la stratégie sous- jacente. Les divers gestionnaires ont des structures de fonds différentes. Certains gestionnaires peuvent demander moins que d'autres. Quelqu'un a dit plus tôt qu'on était dans un marché libre. Personne n'est forcé d'investir dans une stratégie particulière. Si les gens veulent le faire, ils peuvent le faire.
Le sénateur Goldstein : Chez vous, si le fonds essuie des pertes une certaine année, êtes-vous obligé de revenir au seuil à partir duquel vous avez essuyez la perte pour calculer votre 20 p. 100?
M. Selke : On appelle cela une barre élevée, et la réponse est oui, normalement.
Dans un cas où vous êtes passé de 10 à 20 $, avec un rendement de 100 p. 100, ça va très bien. Mais si l'année suivante, vous êtes passé de 20 $ à 14 $, vous devez prendre cette perte en compte avant de faire vos prochains calculs.
Le sénateur Massicotte : S'agit-il d'un rendement cumulatif de 8 p. 100?
M. Selke : Oui.
Le président : Revenons à ce que vous avez dit plus tôt à propos de la réglementation. Vous êtes favorable à la réglementation. Nous avons eu des discussions animées aux États-Unis il y a quelques semaines avec des responsables de la Federal Reserve Bank de New York, la bourse de New York et les grandes banques, et ils étaient divisés sur cette question. Ils avaient connu une réglementation légère assortie d'obligations d'enregistrement. Puis l'arrêt Goldstein est tombé, et 18 mois plus tard, on est revenu au marché libre total sans aucune réglementation.
Nous avons chez nous ce que j'appellerais une « réglementation légère », et je veux dire par cela que les courtiers, les administrateurs et les gestionnaires de portefeuilles sont en effet licenciés, mais le fonds lui-même n'est pas licencié, si j'ai bien compris ce que nous a dit hier M. Wilson.
Que voulez-vous dire lorsque vous dites être disposé à accepter une plus grande réglementation? Veuillez nous donner des détails. Nous ne voulons pas recommander de mesures qui nuiraient au fonctionnement du marché.
M. Selke : Je peux peut-être répondre plus tard à cette question.
Le président : Oui, je vous en prie.
Je vais maintenant demander au sénateur Goldstein de présider la séance parce que je dois partir dans cinq minutes pour aller témoigner devant un comité de la Chambre des communes. Si vous pouviez plus tard répondre à cette question, je vous en serais reconnaissant.
M. Selke : Les stratégies que nous employons normalement et qui concernent les fonds de couverture comprennent généralement l'arbitrage, c'est-à-dire le fait de vendre une entreprise faible dans une certaine industrie et d'acheter une entreprise forte dans la même industrie. C'est ce qu'on appelle les transactions par paires. Nous pratiquons aussi la vente à découvert lorsqu'on identifie une entreprise faible. Il y a des transactions à forte capitalisation et à petite capitalisation. De manière générale, les entreprises à forte capitalisation sont lentes, et les entreprises à petite capitalisation bougent un peu plus rapidement, et le capital est investi en conséquence. L'arbitrage convertible, l'arbitrage de souscription et l'arbitrage de fusion sont des techniques d'investissement standard.
Je n'expliquerai pas ces diverses stratégies en détail. Qu'il suffise de dire qu'elles sont inscrites dans les notices d'offre qui sont portées à la connaissance des investisseurs. Celles-ci sont rédigées en termes simples, elles sont donc compréhensibles et ne portent pas à confusion. Elles sont énoncées très clairement. La stratégie d'investissement y est articulée comme je viens de le faire.
Notre société rédige ces notices d'offre et l'assortit de divulgations comme on en trouve dans les prospectus. Si nous pouvions émettre des prospectus, nous le ferions. Nous avons fait connaître nos quatre stratégies à long terme aux régulateurs canadiens. Nous avons en ce moment deux stratégies à long terme et à court terme qui sont offertes à la Bourse de Toronto : le Front Street Performance Fund, qui est une valeur mobilière canadienne à long et à court termes, et la fiducie de revenu à cour et à long termes Front Street.
Ces fonds sont entièrement assujettis à la réglementation et parfaitement transparents. Nous nous conformons en tout point à toutes les réglementations boursières qui existent au pays. Nous encourageons cette observation de la réglementation. Nous sommes sans doute la seule entreprise canadienne qui est allée aussi loin.
Les investisseurs canadiens, les souscripteurs canadiens qui connaissent notre société, savent bien quel est notre capital protégé. Lorsque nous signons des certificats qui affirment que la divulgation est entière, exacte et claire, et que le souscripteur a fait les recherches voulues sur notre stratégie et la divulgation qui se trouve dans la notice d'offre, il est prêt à signer. Je suis heureux de vous dire que nous avons le soutien des investisseurs du Canada, de ceux qui sont membres de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, qui sont normalement des succursales des diverses grandes institutions financières du pays. Ce milieu nous accorde tout son soutien.
La semaine prochaine, je vais parler de ce sujet à une conférence sur les fonds de couverture à Toronto. Certains s'inquiètent de ce qu'on appelle la « vente au détail » des fonds de couverture. Nous pensons que l'un des problèmes qui se posent ici tient à la divulgation entière, exacte et claire, qui est très importante pour tous les investisseurs, pour tout produit d'investissement, et dans notre système, il est du devoir du courtier ou du conseiller financier qui vend ou met en marché un produit en particulier de bien comprendre de quoi il s'agit. C'est très important, et nous sommes parfaitement d'accord avec cela. Il est absolument essentiel ici d'observer la règle qui vous oblige à connaître votre client et à voir si l'investissement en question lui convient.
Nous n'avons pas de rapport avec les investisseurs comme tels. Je sais que vous allez tous vous jeter sur moi après la séance pour me demander d'investir votre argent. Heureusement pour vous, je ne prendrai pas votre argent étant donné que nous ne faisons pas affaire avec le public en général. Nous créons un produit qui est ensuite distribué, et il appartient aux conseillers en placement ou aux représentants financiers de voir si ce produit est convenable, compte tenu du niveau de connaissance et des moyens financiers du client, et d'observer cette règle qui vous oblige à connaître votre client. L'essentiel est là. Pour ce qui est de la transparence, nous sommes un véritable livre ouvert.
Le président : Le sénateur Goldstein va assumer la présidence. Son mandat sera bref. Il est important qu'il fasse valoir ses grands talents comme président. Le sénateur Meighen, qui siège au comité depuis longtemps du côté conservateur, sera le vice-président suppléant.
Toutes mes excuses. Je suis attendu à un comité des Communes où je dois parler de l'un de nos rapports. Avec les sénateurs Goldstein et Meighen, vous êtes entre bonnes mains.
M. Selke : Merci.
Le sénateur Yoine Goldstein (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Veuillez poursuivre.
M. Selke : Nous sommes d'avis que les fonds de couverture peuvent être placés sur ce qu'on appelle le marché du détail, qui peuvent être offerts aux petits investisseurs du Canada seulement par deux moyens. Le premier, c'est lorsqu'on englobe le fonds de couverture dans un mécanisme qu'on appelle la notice du capital protégé. En droit des valeurs mobilières, le produit cesse alors d'être un fonds de couverture et est protégé par l'institution qui émet la notice de capital protégé. L'autre moyen, bien sûr, consiste à adresser une notice d'offre aux investisseurs accrédités, ce qui l'exclut de la vente au détail, et on offre ainsi aux investisseurs que l'on juge averti parce qu'ils ont de l'argent dans les poches. C'est deux qualités ne vont pas nécessairement de pair, comme on l'a découvert.
Le sénateur Meighen : Est-ce qu'à votre avis les petits investisseurs, autrement dit, ces investisseurs qui ne sont pas avertis, devraient pouvoir acheter directement des fonds de couverture?
M. Selke : En ce moment, les investisseurs peuvent acheter des fonds de couverture en passant par le mécanisme qu'on appelle la notice de capital protégé.
Le sénateur Meighen : Oublions cela un moment parce qu'on nous a dit hier que c'est possible, mais ce mécanisme exige aussi peut-être une forme de réglementation quelconque.
M. Selke : Cela serait difficile parce que les régulateurs des valeurs mobilières canadiennes ne seraient pas à même d'agir ici. Ce serait difficile aussi aux vues de l'exigence relative à la divulgation entière, exacte et claire. Tout mécanisme financier doit faire l'objet d'une divulgation entière, exacte et claire. Si les stratégies qu'on emploie sont bien expliquées et approuvées par un régulateur provincial des valeurs mobilières, il est difficile d'imaginer pourquoi le risque augmenterait.
Par exemple, à l'époque du boom technologique, les régulateurs provinciaux des valeurs mobilières ont suspendu ce qu'on appelle la règle de prudence, laquelle existe depuis 1847, et ont permis aux fonds communs de placement d'investir dans une certaine entreprise — Nortel — bien au-delà de ce qu'on jugeait être prudent. Ils ont pu acquérir jusqu'à 35 p. 100 de cette action parce que c'était ce que valait cette entreprise à l'époque. Comme nous le savons tous, cette entreprise s'est butée à des difficultés, et l'action est passée de plus de 100 $ à environ 2 $, et tout à coup, ce placement devenait imprudent.
On n'a jamais suspendu la loi de l'offre et de la demande, la loi de la gravité non plus, et on n'a pas aboli non plus la nécessité du bon sens. Le bon sens vous permet de faire pas mal de chemin dans notre monde.
Nous croyons beaucoup dans la nécessité d'une divulgation complète et d'une gestion balisée par la prudence, et c'est ainsi que nous gérons nos fonds. On ne peut pas surcharger des positions, on ne peut pas avoir de haut niveau d'illiquidité, et on ne peut pas avoir une position dépassant les 10 p. 100. Ces restrictions sont bien définies dans nos notices d'offre. Dans notre cas à nous, nous nous en tenons aux règles qui régissent les fonds communs de placement en ce moment.
Nos fonds sont identiques aux fonds communs de placement canadiens, avec deux exceptions. Les fonds communs de placement canadiens ne peuvent pas comme tel vendre de valeurs mobilières à découvert. Il ne nous est pas permis de faire cela non plus. De même, les fonds communs de placement canadiens n'ont pas le droit d'emprunter. Dans notre cas à nous, nous pouvons emprunter, mais ces emprunts sont assujettis aux lignes directrices sévères dont l'application est contrôlée quotidiennement par l'Association canadienne des courtiers en valeur mobilière.
Avec les systèmes de comptabilité et d'évaluation qui existent de nos jours, absolument rien ne s'oppose à ce que l'on mette en place les formalités d'évaluation nécessaire dans le tout le système financier. Tous les contrôles voulus existent aujourd'hui; mais ce n'est pas avec ça qu'on va chercher les votes. Cependant, du point de vue de l'efficience financière, l'efficience et la liquidité des marchés s'en portent mieux.
Le sénateur Meighen : Je suis peut-être lent à comprendre ici. Si je suis un petit investisseur et non un investisseur averti et que je dis à mon courtier : « J'ai entendu parler de ces fonds qu'on appelle les Front Street Capital. J'aimerais en acheter un », vous, de Front Street Capital, n'avez nullement l'obligation de me dire si je dois acheter ou non. C'est le courtier qui doit me donner ce conseil; est-ce exact?
M. Selke : Oui.
Le sénateur Meighen : C'est au courtier qu'il incombe de décider s'il faudrait investir dans ces fonds ou non, n'est-ce pas?
M. Selke : C'est exact.
Le sénateur Meighen : L'acheteur ordinaire au détail peut-il facilement se procurer votre fonds de revenu à long terme et à court terme?
M. Selke : Oui. Nous favorisons le choix.
Le sénateur Meighen : Favorisez-vous également la réglementation?
M. Selke : Oui, la réglementation et la transparence.
Le sénateur Meighen : Dans quelle mesure vos opérations doivent-elles être transparentes?
M. Selke : Que voulez-vous savoir?
Le sénateur Meighen : Je suppose que pour vous la transparence consiste à dire aux investisseurs, probablement par l'entremise d'un courtier, en quoi consiste votre fonds, quelle réglementation il respecte, quelles en sont les limites, et cetera.
M. Selke : Nous sommes toujours prêts à déposer de tels documents auprès des organismes pertinents de réglementation des valeurs mobilières, et nous l'avons d'ailleurs fait dans le cas de nos deux fonds cotés en bourse.
Le sénateur Meighen : Vous n'êtes pas déjà tenu de le faire?
M. Selke : Non, nous ne pouvons pas fournir l'information de cette façon. Mais nous serions heureux de le faire afin que l'information soit facilement disponible et que nous soyons ainsi assujettis aux mêmes règles que n'importe quel fonds de placement commun. En fait, les fonds de placement commun à long terme seulement posent des risques bien plus grands que les fonds de couverture à long terme et à court terme, des risques beaucoup plus élevés.
Le président : Même s'ils sont bien gérés?
M. Selke : Ils sont plus risqués de nature.
Le sénateur Meighen : Dans ce cas, monsieur Selke, comment expliquez-vous que les fonds de couverture aient aussi mauvaise réputation?
M. Selke : Ils font vendre beaucoup de journaux.
Le sénateur Meighen : Je sais à quoi vous faites référence.
M. Selke : On en parle ici. Par exemple, l'affaire Portus qui a tant fait la manchette l'an dernier n'avait rien à voir avec les fonds de couverture. Il s'agissait d'une infraction à la Loi sur les valeurs mobilières; des notices d'offres invalides ont été vendues à la mauvaise catégorie de clients. Cela n'avait rien à voir avec les fonds de couverture. On aurait pu vendre n'importe quoi avec ces documents, y compris des flancs de porc. Cela n'avait rien à voir avec les fonds de couverture, mais on en a fait deux grands titres et cela a permis à la presse de vendre davantage de journaux.
Le président suppléant : Cela s'est produit surtout par manque de surveillance.
M. Selke : Non, cela s'est produit parce que les personnes en cause étaient malhonnêtes
Le président suppléant : Mais les mécanismes de surveillance n'ont pas permis de détecter leur malhonnêteté.
M. Selke : L'une de ces personnes avait prêté son nom, croyez-le ou non, pour servir de gérant de portefeuille, contre rémunération. Deux personnes malhonnêtes ont utilisé son nom et se sont livrées à une arnaque sans qu'elle en soit informée. Cela revient à déposer un chèque en blanc dans son compte en banque. Je n'arrive pas à croire que quelqu'un ait ainsi prêté son nom, sachant qu'un nom est la chose la plus précieuse que vous avez dans ce domaine. On ne peut pas adopter de loi contre la stupidité.
Le sénateur Meighen : Il n'y a pas de loi non plus pour obliger les gens à être honnêtes.
M. Selke : Effectivement. On essaie d'être honnête et on s'assure de faire un examen préalable. L'examen préalable est très important. En ce qui a trait aux compétences, tous mes collègues canadiens qui ont actuellement recours à des fonds de couverture sont enregistrés. Leurs compétences ont été approuvées — j'ajouterai que ce sont les mêmes compétences qui servent à ceux qui travaillent dans le domaine des fonds de placement commun. La norme de compétence est la même; il y a simplement plus d'instruments et de stratégies. Par conséquent, nous avons pu obtenir un rendement légèrement supérieur et réduire les risques.
Nous sommes étonnés de cette question de transparence. L'argent en cause est celui de nos clients, pas le nôtre. Si nos clients doivent mieux comprendre ce que nous faisons, nous leur demandons de signer un accord de non- divulgation, puis nous leur donnons accès à notre courtier principal, qui est chargé des transactions au quotidien. Il est très important de traiter ces clients avec respect.
Le président suppléant : Qui considérez-vous votre client, le courtier ou moi?
M. Selke : Ni l'un ni l'autre; ce sont les fonds que nous créons qui sont le client. Les investisseurs souscrivent à ces fonds. Ils ne sont pas nos clients, mais des investisseurs. Mon entreprise compte 20 types de fonds différents; ce sont mes clients. Je ne fais pas affaire avec le public. Je ne veux pas faire affaire avec le public. Je confie cette tâche à des gens qui sont mieux en mesure que moi de le faire, qui possèdent les systèmes appropriés de conformité, les compétences et les connaissances pour cela. C'est eux qui doivent décider si le produit correspond aux besoins du client. C'est à eux que cela incombe; c'est ce qu'ils font de mieux. Faisons chacun notre travail. Pour notre part, limitons-nous à notre activité, qui est de gérer l'argent. C'est ce que nous faisons de mieux.
Le sénateur Massicotte : À qui appartient la société Front Street Capital? Y a-t-il des institutions financières qui en détiennent une partie?
M. Selke : Non. La société appartient à cinq associés. Trois associés, dont Frank Mersch, Norm Lamarche et moi- même, possèdent chacun une part équivalent à 30,5 p. 100; le président directeur-général, David Conway, possède 5 p. 100 et notre gestionnaire de bureau, Linda Hryma, a une part de 4,25 p. 100.
Le sénateur Massicotte : Vous avez souvent dit que chez Front Street Capital, vous divulguez vos pratiques. Vous êtes l'un des deux plus importants gestionnaires de fonds de couverture au Canada. Étant donné votre taille, il est facile pour vous de répondre aux attentes des investisseurs. Cependant, les autres gestionnaires de fonds de couverture en font-ils autant? Qu'en est-il des plus petites sociétés? À votre avis, divulguent-elles assez d'informations?
M. Selke : Probablement pas. Cela ne conviendrait qu'aux investisseurs institutionnels ou aux investisseurs ayant un avoir net élevé ou accrédité parce qu'il leur serait plus facile de se conformer aux normes en matière de divulgation. Ils pourraient le faire, mais il serait trop coûteux pour eux de se conformer aux exigences du public en matière de divulgation.
Le sénateur Massicotte : Par conséquent, ils optent pour des placements privés.
M. Selke : Effectivement.
Le sénateur Massicotte : Dans ces cas, les investisseurs sont-ils suffisamment renseignés et obtiennent-ils l'information nécessaire pour bien comprendre les risques de ces placements et ce qu'ils peuvent en attendre?
M. Selke : J'estime que oui.
Le sénateur Massicotte : Les gens ne sont pas surpris. Quand ils perdent de l'argent, ils ne vous disent pas : « Je ne savais pas, je ne comprenais pas. ». Vous croyez qu'on leur donne assez d'information?
M. Selke : Oui, ils comprennent.
Le sénateur Massicotte : Est-ce le cas pour tous les fonds?
M. Selke : Pour la quasi-totalité des fonds, à mon avis.
Le sénateur Massicotte : Certains ont invoqué l'existence de conflits d'intérêt dans le secteur si un gestionnaire possède une partie du réseau de distribution. C'est ce qu'on observe dans le système bancaire, où les banques font la promotion de leurs propres produits et où, dans certains cas, le préposé aux ventes n'est pas très bien renseigné, parce que la banque veut vendre ses produits. La situation est-elle la même en ce qui concerne les fonds de couverture? Y a-t- il aussi des cas de conflit d'intérêts potentiels?
M. Selke : Il y a différents genres de conflits. Par exemple, vos intérêts peuvent être quelque peu différents de ceux des gens qui investissent dans votre fonds. Pour tâcher d'atténuer ces problèmes, les partenaires, le reste de notre personnel et moi-même n'achetons pas et ne vendons pas de valeurs mobilières individuelles. Quand nous avons de l'argent de liquidité supplémentaire, nous achetons des unités du même fonds que nos clients. Nous faisons partie du même cercle d'investisseurs, si bien que nous ne pouvons pas dire, par exemple « j'aime bien les actions A et je suis prêt à y investir beaucoup d'argent ». Ce qui est avantageux pour moi l'est aussi pour le fonds. L'investisseur doit être notre première préoccupation. C'est ce que nous disons chaque fois que nous présentons nos produits : le client doit sortir gagnant pour que le conseiller soit gagnant. Si on ne procède pas de cette façon et si le système n'est pas transparent ou ne peut faire l'objet d'une vérification comptable, ça risque de donner lieu à des conflits ou à des comportements douteux.
Nous remettons à nos clients un questionnaire de 25 pages sur la diligence raisonnable. Il comprend 200 questions. Et si cela ne suffit pas, le client peut en poser une deux cent unième, et il devrait le faire. Si les gens sont mal renseignés, cela dépend d'eux; c'est à eux de demander cette documentation.
Le sénateur Massicotte : L'essentiel, c'est que les intérêts des deux parties soient les mêmes.
M. Selke : Absolument.
Le sénateur Massicotte : Les gestionnaires d'autres fonds partagent-ils votre assurance au sujet d'éventuels conflits?
M. Selke : Je sais que certains conflits sont divulgués et d'autres, peut-être pas. Nous ne sommes pas au courant des cas précis.
Le sénateur Massicotte : Une source importante de conflits découle du fait que vous partagez 20 p. 100 des gains au- delà d'un certain rendement. Par conséquent, beaucoup de gestionnaires de fonds ne partagent pas les pertes. Ce n'est peut-être pas votre cas, mais vous pouvez utiliser les dettes parce que si vous achetez un million de dollars de sécurité et que vous en financez 80 ou 90 p. 100 par un emprunt, cela représente plus d'avantages pour vous; et si vous vous êtes trompé, vous perdez de l'argent. Le gestionnaire de fonds ne partage pas cette perte. Est-ce un problème au Canada? Les fonds de couverture recourent-ils beaucoup à l'emprunt?
M. Selke : Nous, nous ne recourons pratiquement pas au financement par emprunt. C'est ainsi que nous gérons nos différents fonds. Au Canada, le financement par emprunt n'est pas très utilisé. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est l'affaire Amaranth; ils ont contracté les emprunts à effet levier de 10 ou 11 pour 1, alors que Long Term Capital Management utilisait un ratio de 200 pour 1.
Le sénateur Massicotte : Je veux être sûr d'avoir bien compris. Un ratio de 200 pour 1 signifie qu'on est financé à 98 ou 99 p. 100?
M. Selke : Oui. Ils ont fait des paris très risqués avec l'argent d'autrui. De façon générale, les milieux financiers canadiens ne recourent pas beaucoup aux emprunts pour financer les fonds de couverture. La plupart des gestionnaires de portefeuille canadiens ne sont pas à l'aise avec cette méthode. Vous pourrez sans doute me citer quelques cas d'exception, mais en règle générale, les gestionnaires de portefeuille canadiens sont assujettis aux règles de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières relatives aux emprunts sur marge. Par définition, ces règles interdisent les prêts sur marge. Les ratios de sécurité en ce qui concerne les marges sont calculés chaque jour.
Le sénateur Massicotte : Il n'y a pas de mal à cela tant que les investisseurs sont bien renseignés.
M. Selke : Oui, ces renseignements devraient être divulgués dans tout document.
Le sénateur Massicotte : Vous croyez que c'est le cas. Pensez-vous que la plupart de ceux qui investissent dans des fonds de couverture sont au courant?
M. Selke : Oui.
Le sénateur Massicotte : Comme de plus en plus de gens ayant des fonds de couverture se tournent vers les fonds communs de placement, il faudrait une définition générale et vaste des investissements; par conséquent, le gestionnaire de fonds a un pouvoir discrétionnaire énorme, ce qui est un peu inquiétant.
M. Selke : J'en conviens. Le comité pourrait juger bon de suggérer que les gestionnaires de fonds de couverture se conforment aux règles qui existent déjà dans le domaine des fonds communs de placement. Par exemple, les gestionnaires de fonds mutuels ne peuvent pas assumer un risque supérieur à 10 p. 100 pour un client. C'est très intelligent à mon avis. Cela limite les risques. On ne devrait pas détenir dans son portefeuille plus de 10 p. 100 de titres non liquides. Cela aussi, c'est intelligent.
Le sénateur Massicotte : Ces règles devraient-elles s'appliquer à tous les gestionnaires de fonds de couverture ou seulement à ceux qui offrent leurs services au détail?
M. Selke : Je crois qu'elles ne devraient s'appliquer qu'à ceux qui offrent leurs services au détail. Si quelqu'un signe un contrat privé pour acheter des parts de fonds mutuels et qu'il est prêt à acheter 30 p. 100 du même titre, cela ne pose pas de problème, pourvu que cette personne soit bien renseignée et qu'on lui ait donné toute l'information pertinente, une information juste et en langage clair.
Le sénateur Meighen : Cela vaut pour les investisseurs avertis.
M. Selke : Effectivement. Dans le cas de la vente au détail, il faut penser que le principe de la gestion prudente du portefeuille a été établi parce qu'il y a longtemps quelqu'un a jugé nécessaire de le faire. Cette règle s'est appliquée pendant 153 ans avant d'être suspendue. On peut se demander pourquoi elle n'a pas été rétablie.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit qu'il faut réglementer davantage la vente au détail. Pourquoi? Si on offre des produits au détail, vous devez publier un prospectus. Cela suppose une divulgation entière et claire des renseignements pertinents. Que faudrait-il de plus?
M. Selke : Pas grand-chose.
Le sénateur Massicotte : Il suffirait d'appliquer les règlements déjà en vigueur; on n'aura pas à en adopter d'autres.
M. Selke : Les règles existantes doivent être appliquées. On n'a pas besoin de multiplier les règlements pour prévenir les comportements douteux. La présence d'un règlement n'empêchera pas ceux qui souhaitent se livrer à des actes fautifs de le faire.
Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Meighen : Le sénateur Massicotte a évoqué un domaine au sujet duquel j'ai des questions. Je retiens de vos propos que vous souhaitez que certaines règles fondamentales applicables au domaine des fonds mutuels s'appliquent aussi au domaine des fonds de couverture.
M. Selke : Exactement. La réglementation existe déjà. Il existe également des mécanismes de surveillance. Les outils technologiques d'aujourd'hui permettent la plus grande transparence. Tous ces renseignements peuvent être versés au système et l'information peut être divulguée instantanément. Rien ne l'empêche. En soi, ce produit présente moins de risques qu'un produit équivalent ne comportant aucune vente à découvert, c'est-à-dire un fonds de type long-only. Personne ne peut réfuter ce fait.
Le sénateur Meighen : Non, mais ça va à l'encontre de la croyance populaire.
M. Selke : C'est vrai. Mais si je peux parler franchement, je crois que c'est à nous en tant que participants et au comité en tant que dirigeants de formuler des recommandations pour essayer de réduire les risques. Par exemple, le gouvernement a annoncé sa décision mardi soir au sujet des fiducies de revenu. Je ne commente pas cette décision; mais c'est une décision qui a été rendue. Hier, les cours des fiducies de revenu canadiennes ont chuté de 13 p. 100. La valeur des portefeuilles des fiducies de société d'énergie a dégringolé de 15 p. 100. Ils ont connu une nouvelle baisse de 4 ou 5 p. 100 ce matin, d'après les derniers renseignements que j'ai reçus.
Je suis heureux de pouvoir dire aux honorables sénateurs que les investisseurs qui ont des parts dans notre fonds de fiducie de revenu à long terme et à court terme ont subi une baisse de 6 p. 100. Ce sont tous des particuliers vivant au Canada qui avaient acheté des parts sur la foi d'un prospectus déposé auprès des organismes de réglementation des valeurs mobilières de tout le Canada; leurs pertes ont été nettement réduites à cause des stratégies de couverture et de notre capacité de protéger notre clientèle contre des risques dont nous ignorions même l'existence. Je ne veux pas prendre position pour ou contre. Nous ne connaissons pas tous les risques. Mais c'est ce que nous faisons : nous essayons de vendre des risques.
Le sénateur Meighen : Hier, nous avons entendu le témoignage de M. St-Gelais et de M. Wilson. Ils sont d'avis qu'il faut réglementer d'une façon quelconque les billets à capital protégé. Qu'en pensez-vous?
M. Selke : Les billets à capital protégé peuvent prêter à confusion parce qu'ils ont permis à certains de réaliser des commissions assez importantes. Ces produits sont assortis de frais cachés parce qu'il n'y a pas d'obligation de divulguer. L'absence de divulgation nous préoccupe nous aussi. L'incapacité des organismes de réglementation à exiger que tous les renseignements soient divulgués en langage clair et de façon exacte remet en cause toute la question de la transparence. Nous souhaitons que les billets à capital protégé se transigent d'une façon tout à fait transparente. Il faut divulguer ses coûts.
Le sénateur Massicotte : Si tous ces renseignements ne sont pas divulgués, c'est parce que la Loi sur les banques ne l'exige pas et que ceux qui vendent ces produits travaillent pour des institutions bancaires. Est-ce exact?
M. Selke : Vous avez tout à fait raison. Ce ne sont pas à strictement parler des valeurs mobilières assujetties aux exigences de divulgation établies par les organismes de réglementation provinciaux parce qu'ils ne peuvent commenter des affaires fédérales. Et me voici ici à Ottawa. Je vous assure que les membres du milieu où je travaille accueilleraient très favorablement des règlements fédéraux en matière de sécurité. Sans égard au monde de la politique, je vous assure que le milieu financier du Canada tout entier souhaite un organisme de réglementation fédéral parce que nous devons assumer les coûts des règlements provinciaux et la disparité entre ces règlements nous nuit énormément. Cette situation n'existe nulle part ailleurs au monde.
Mais je commence à me mêler de politique, et je ne suis pas autorisé à le faire.
Cela irait au cœur du problème parce que si on a une réglementation unique, on pourra assurer la transparence à tous les niveaux.
L'année dernière, j'ai prononcé une conférence et j'ai qualifié cette situation d'arbitrage réglementaire, terme qu'a utilisé le sénateur Massicotte. Si on réglemente, il faudra arbitrer entre les organismes de réglementation, ce qui ne sert à rien. Cela n'est pas dans l'intérêt de la population canadienne.
Le sénateur Meighen : On nous a dit hier que les gestionnaires de fonds de couverture au Canada ne sont pas réglementés, contrairement à ceux des États-Unis. Les témoins nous ont également dit que les administrateurs devraient être réglementés eux aussi. Qu'en pensez-vous?
M. Selke : Je n'ai rien contre, mais je suis un peu intrigué parce que je croyais qu'ils l'étaient. Nos administrateurs sont soit de la Banque Royale du Canada, soit de Citigroup. Ce sont des filiales de banques. Nous utilisons également les services de CIBC Mellon. Ils appliquent tous les méthodes normales de tenue de dossiers. Nous ne sommes pas intéressés à faire affaire avec des firmes douteuses. Cela ne donne pas confiance à notre clientèle.
Le sénateur Meighen : Les frais de gestion des fonds communs de placement sont moins élevés aux États-Unis qu'au Canada, et pourtant vous nous avez dit que les frais de gestion des fonds de couverture, ou des fonds à long terme et à court terme, sont inférieurs au Canada à ceux des États-Unis. Comment expliquez-vous ce fait?
M. Selke : Excellente question. Il semble qu'aux États-Unis, les consommateurs sont prêts à payer pour des produits de valeur. On y trouve des chemises de coton fin haut de gamme et des chemises bas de gamme. Le prix varie selon la valeur du produit. Si les gens sont prêts à débourser davantage pour des produits haut de gamme, il n'y a pas de mal à cela.
Le sénateur Massicotte : Voulez-vous dire que vos services ne sont pas aussi bons que ceux des Américains?
M. Selke : Pas le moindrement du monde. Bien au contraire. J'ai été heureux d'entendre le sénateur Grafstein dire que ce secteur connaîtrait une croissance de 30 à 40 p. 100. J'aimerais bien en profiter. Et je fais tout ce que je peux pour y arriver.
Le président suppléant : Nous avons deux objectifs dominants. Premièrement, recommander des mesures de nature à assurer la stabilité financière du marché, et cela peut se faire par différents moyens, dont la réglementation. Beaucoup d'entre nous ne sont pas de fervents adeptes de la réglementation, sauf dans la mesure où elle s'impose. Nos avis divergent quant à l'ampleur ou la quantité de règlements qu'il devrait y avoir.
Notre deuxième objectif est de protéger les consommateurs qui se fient à un système que la plupart d'entre eux ne comprennent pas et investissent dans des produits qu'ils ne comprennent pas toujours aussi bien qu'ils le devraient.
J'ai une certaine réticence face à votre définition de « l'investisseur averti ». Au moment où l'on a conçu cette idée, le seuil des 150 000 $ était assez élevé. Or, pour un pensionné qui a épargné un million de dollars en vue de sa retraite, risquer 150 000 $ en tant qu'investisseur averti me semble un très grand risque.
Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le seuil qui est utilisé pour déterminer les investisseurs aguerris est beaucoup plus élevé. Pensez-vous que le seuil que nous utilisons soit approprié?
M. Selke : La définition d'un investisseur « averti » ne se fonde pas exclusivement sur l'avoir net de la personne. Il y a une foule de jeunes diplômés futés qui sont extrêmement bien renseignés mais qui n'ont pas d'argent. Par ailleurs, certains pensionnés qui ont un avoir de plus d'un million de dollars ont très peu de connaissances financières.
On se sert du critère d'un avoir d'un million de dollars comme ligne de démarcation nette pour départager les investisseurs avertis des autres, mais c'est un critère un peu simple. M. Tanguay a dit que les conseillers financiers devaient suivre certains cours pour bien comprendre les produits qu'ils offrent ou qu'ils vendent. Il est souhaitable que les vendeurs de ces produits soient bien renseignés, mais c'est encore plus important que les acheteurs de ces produits le soient.
Si votre comité a pour mandat de protéger les consommateurs, ne devriez-vous pas empêcher les consommateurs de faire quelque chose de stupide, si j'ose m'exprimer en termes aussi crus? Vous pourriez recommander qu'avant d'être accrédité, il faudrait suivre certains cours et se renseigner sur les risques.
Pour reprendre l'exemple que vous avez utilisé, la personne qui investit 150 000 $ ne risque pas de perdre ce montant, mais en règle générale, les bénéfices ou les pertes liés à ce montant. C'est la répartition de ce montant. À mon avis, il faut miser sur la communication, la transparence, l'éducation et la divulgation. Il faut éduquer l'investisseur. Si celui-ci ne veut pas prendre le temps de bien se renseigner, il ne devrait peut-être pas investir.
Le président suppléant : Nous vous remercions pour vos propos très éclairants et instructifs. Nous devrons peut-être vous inviter à nouveau. Si vous pensez que certains aspects n'ont pas été suffisamment abordés, nous vous saurions gré de nous le faire savoir.
M. Selke : Merci. J'ai été honoré de prendre part à cette séance et j'espère vous avoir été utile.
La séance est levée.