Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 11 - Témoignages du 23 novembre 2006
OTTAWA, le jeudi 23 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner, afin d'en faire rapport, les obstacles au commerce interprovincial.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à tous. Je tiens à souhaiter en particulier la bienvenue à nos auditeurs d'un océan à l'autre. Nous sommes également sur Internet, ce qui nous fait franchir les frontières du Canada pour rejoindre le monde entier.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie encore une fois les obstacles au commerce interprovincial qui existent au Canada et, plus particulièrement, la mesure dans laquelle ces obstacles au commerce interprovincial limitent la croissance et la rentabilité des secteurs touchés ainsi que la possibilité, pour les entreprises des provinces et des États américains touchés, de former des régions économiques susceptibles de favoriser la prospérité générale.
Ce comité reste préoccupé du fait que les obstacles entre les différentes provinces empêchent l'épanouissement d'un marché national concurrentiel, productif et efficace. Nous considérons que les obstacles intérieurs au commerce sont un sujet d'une importance capitale dans le contexte de la recherche d'un avenir prospère pour tous les Canadiens. À notre avis, ces obstacles ont souvent pour effet d'alourdir les coûts des entreprises ainsi que les prix acquittés par les consommateurs, et d'engendrer des inefficacités préjudiciables à la compétitivité et à la productivité.
Il faut absolument mettre l'accent sur les mesures qui vont améliorer la compétitivité et la productivité. Le Canada n'évolue pas dans la bonne direction. Il y avait cette semaine, dans le magazine Maclean's, un article intéressant où on pouvait lire que le Canada perd encore du terrain en matière de compétitivité et de productivité à l'échelle mondiale. Il est donc urgent, pour notre comité, d'étudier ces questions pour voir si nous pouvons contribuer à supprimer les obstacles intérieurs au commerce qui nous empêchent d'atteindre notre objectif commun, à savoir la croissance et la prospérité pour tous les Canadiens.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir M. Nigel Byars, vice-président exécutif de l'Institut canadien des comptables agréés, et Anne-Marie Hubert, associée de la firme Ernst & Young.
Soyez les bienvenus.
Nigel Byars, vice-président exécutif, Institut canadien des comptables agréés : Monsieur le président et membres du comité, au nom des 71 000 comptables agréés du Canada, je vous remercie de nous donner la possibilité de vous entretenir aujourd'hui de la question des obstacles au commerce interprovincial.
Essentiellement, les comptables agréés du Canada croient que le principe du libre-échange doit servir de fondement aux accords nationaux et internationaux sur le commerce. Nous croyons néanmoins qu'il est important d'insister sur la prudence. En quête de l'idéal d'un marché intérieur libre, il est essentiel de nous rappeler que toutes les normes et tous les règlements ne sont pas mauvais en soi, ni forcément nuisibles à la concurrence, surtout lorsque les normes et les règlements sont là expressément pour protéger la population.
[Français]
L'Accord sur le commerce intérieur à partir de 1994 visait à favoriser un marché intérieur ouvert, efficient et stable afin de faciliter la création d'emplois, la croissance économique et la stabilité, et ce à long terme. Depuis sa signature, les gouvernements fédéral et provinciaux ont réalisé des progrès tantôt considérables, tantôt moins significatifs en vue de la réduction des barrières non tarifaires internes.
[Traduction]
Dans un effort pour apporter de nouveaux avantages aux économies des deux provinces, la Colombie-Britannique et l'Alberta ont signé récemment, en avril 2006, un accord sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main- d'oeuvre, qui vise à éliminer les obstacles au commerce, à l'investissement et à la mobilité de la main-d'œuvre. D'autres gouvernements provinciaux ont dit souhaiter adhérer à cet accord ou à un accord semblable.
Le Conseil de la Fédération, qui s'est réuni à Halifax en septembre dernier, a annoncé un engagement collectif des premiers ministres provinciaux à surmonter les défis que posent depuis longtemps les obstacles au commerce intérieur à un accord sur un plan d'action ambitieux qui permettra aux Canadiens de travailler d'un bout à l'autre du Canada sans restriction à leur mobilité d'ici au 1er avril 2009.
Il est clair que les gouvernements souhaitent abolir les obstacles non tarifaires dans les échanges intérieurs, objectif appuyé par les comptables agréés du Canada.
Une étude réalisée par le Conference Board du Canada et dont il est question dans son rapport de mai 2006 intitulé « Death by a Thousand Paper Cuts — The Effect of Barriers to Competition on Canadian Productivity », révèle que l'obstacle le plus courant signalé par les répondants lors d'une enquête, ce sont les normes et les règlements, et que les politiques sur l'approvisionnement et la mobilité de la main-d'oeuvre se situent également parmi les obstacles les plus importants.
Chose curieuse, le rapport fait observer que très peu de recherches ont été faites au sujet des effets sur la productivité de l'élimination ou de l'allégement du fardeau que constituent les obstacles non tarifaires, et conclut que dans le secteur des services dans son ensemble, qui représente les deux tiers de l'économie canadienne, les obstacles à la concurrence ne semblent pas expliquer que le Canada ait de moins bons résultats que les États-Unis sur le plan de la productivité.
[Français]
A notre avis, les règlements et les normes ne sont pas tous foncièrement mauvais, pas plus qu'ils ne font nécessairement obstacle à la concurrence et encore plus particulièrement lorsqu'ils sont adoptés dans le but précis de protéger le public. C'est cet aspect de la AIT et de TILMA que nous souhaitons porter à votre attention.
[Traduction]
L'article 701 de l'ACI tend à faire en sorte que tout travailleur qualifié pour exercer un métier ou une profession dans une province ait accès aux postes ouverts dans son champ d'activité dans toute autre province. Le paragraphe 13(1) du TILMA précise que tout travailleur accrédité pour exercer un métier ou une profession par un organisme de réglementation d'une partie à l'Accord est reconnu comme qualifié pour exercer le même métier ou la même profession par l'autre partie.
Les comptables agréés du Canada sont favorables à la mobilité de la main-d'oeuvre. Il y a des années, nous avons harmonisé notre processus d'accréditation pour que les comptables agréés puissent se déplacer librement au Canada et travailler dans toutes les provinces. Tout en reconnaissant la valeur des efforts visant à améliorer la mobilité de la main-d'oeuvre, il est important de reconnaître que cette disposition, c'est-à-dire le paragraphe 13(1) du TILMA et d'autres dispositions semblables, comporte inévitablement le risque que les normes de qualification des professionnels soient ramenées au plus bas niveau qui existe dans l'ensemble du pays.
Comme, au départ, les normes provinciales à cet égard ne sont pas uniformes, cette disposition a pour effet de faire des normes les plus basses qui peuvent exister au Canada celles qui sont acceptables comme base de qualification professionnelle. En d'autres termes, il y a une course au plus bas dénominateur commun. Il ne nous semble pas que cela soit conforme à l'obligation qu'ont les législateurs et les gouvernements, et non les professions elles-mêmes, de protéger la population.
[Français]
Permettez-moi de m'étendre sur cette question. Comme vous le savez, au Canada, la réglementation des professions est de compétence provinciale. Par conséquent, les comptables agréés d'une province doivent être membres de l'institut ou de l'Ordre des comptables agréés de ladite province. Ils sont soumis aux règles de déontologie de l'institut ou de l'ordre en question.
Les instituts et ordres de comptables agréés du Canada ont harmonisé les normes de formation et d'expérience auxquelles toute personne doit satisfaire pour être admise au sein de la profession de CA. Des accords de réciprocité ont donc été conclus pour permettre à un membre en règle d'un institut ou autre de devenir membre d'un autre institut ou ordre provincial afin de favoriser davantage la mobilité de la main-d'œuvre. La profession de CA s'appuie sur une méthode bien établie pour reconnaître l'équivalence de la formation et l'expérience pratique des professionnels d'autres pays. Elle conclut avec nombre de ces homologues dans le monde des accords de reconnaissance mutuels qui permettent à des professionnels étrangers possédant la formation et l'expérience équivalant à celle d'un CA de venir au Canada et d'obtenir le titre de CA, et à des Canadiens travaillant à l'étranger d'obtenir le titre correspondant dans le pays en question.
[Traduction]
Les instituts ou ordres des comptables agréés au Canada ont également harmonisé les règles de déontologie auxquelles les comptables agréés sont assujettis.
Les règles de déontologie définissent les responsabilités des comptables agréés envers leurs clients, le grand public et leurs collègues, à l'égard des caractéristiques d'une profession; les principes régissant la conduite des membres et des étudiants; les principes qui encadrent les responsabilités des bureaux; les qualités personnelles et la conduite éthique. Ces règles s'appliquent à tous les membres, sans égard au type de services professionnels offerts.
Les règles de conduite professionnelle dans leur ensemble se rattachent aux obligations des comptables agréés qui découlent du fait que le public en général et le milieu des affaires en particulier doivent nécessairement pouvoir compter sur des rapports financiers solides et justes et sur des conseils compétents en affaires.
[Français]
Cet accent sur la protection du public transparaît tout particulièrement dans l'obligation imposée aux membres de maintenir le niveau de compétence professionnelle ainsi que dans l'obligation d'éviter les conflits d'intérêts et de demeurer indépendant et objectif.
La maîtrise uniforme d'une compétence intellectuelle particulière, acquise au prix d'une longue formation théorique et pratique, ainsi que l'existence d'un code de déontologie conçu et appliqué principalement pour assurer la protection du public, sont des caractéristiques primordiales qui distinguent les membres d'une profession des autres prestataires d'un service donné.
[Traduction]
La profession et la pratique de la comptabilité du secteur public sont réglementées dans plusieurs provinces par un organisme du gouvernement provincial qui décide qui doit être autorisé à exercer cette profession dans la province. Ainsi, le gouvernement ontarien a légiféré récemment pour créer le Conseil des experts-comptables, qui assure l'accréditation des experts-comptables du secteur public dans la province. Ce conseil, qui est indépendant de la profession comptable, a adopté un processus d'évaluation fondé sur les compétences, qui assurera le respect de normes uniformes élevées de qualification et de réglementation pour tous ceux qui pratiqueront la comptabilité dans le secteur public en Ontario. À notre avis, cette forme de réglementation est impérieuse si on veut garantir la compétence de tous ceux qui pratiquent cette profession et la protection du public.
Selon nous, cette forme de réglementation devrait être exigée dans toutes les administrations au Canada. La liberté d'exercer la comptabilité dans le secteur public doit être acquise à tous ceux qui peuvent respecter les normes élevées qui sont essentielles à la protection du public. Il est essentiel de maintenir les normes les plus exigeantes, d'autant plus que, au Canada, toutes les provinces n'ont pas de mécanisme de réglementation pour accréditer ceux qui exercent la profession d'expert-comptable. Au Manitoba, par exemple, n'importe qui, sans égard à ses antécédents et sans qu'on exige des attestations des études ou de l'expérience, ni quelque autre preuve des compétences exigées, peut être vérificateur. Il est clair qu'il n'y a là aucune protection pour le public, et cela représente le risque de faire baisser les normes d'accréditation des professionnels. Il faut tenir compte expressément de cette faiblesse dans l'élaboration de l'ACI, du TILMA ou de tout autre accord entre provinces ou territoires qui a une incidence sur les normes grâce auxquelles le public est protégé.
[Français]
Il y a quelques jours, nous avons nous-mêmes décidé de répondre à un sondage mené par le commissaire de la concurrence du gouvernement fédéral, dans le cadre d'une étude sur les professions. L'objectif de l'enquête était de déterminer les mesures dans lesquelles certaines professions utiliseraient des pratiques restrictives pour contrôler l'admission de nouveaux membres ou la conduite de leurs membres. La préoccupation exprimée reposait, semble-il, sur la présomption que les normes et règlements constituent fondamentalement des obstacles à la concurrence.
[Traduction]
Nous réitérons notre mise en garde : toutes les normes et tous les règlements ne sont pas mauvais en soi et ils ne sont pas nécessairement contraires à la concurrence, surtout lorsqu'ils sont établis par un organisme indépendant, comme c'est le cas en Ontario, expressément pour protéger le public.
Dans notre quête de l'idéal d'échanges libres et sans restrictions, nous ne pouvons nous permettre de faire abstraction de notre obligation de protéger le public, et nous devons veiller à ce que tous ceux qui exercent des professions respectent des normes élevées dans l'ensemble du Canada. Nous exhortons le comité à insister dans son rapport sur le fait qu'il est important de s'assurer que la protection du public est renforcée, comme principe fondamental des accords de commerce intérieur, et que les dispositions de l'ACI et d'accords interprovinciaux semblables, tel le TILMA, ne minent pas les normes uniformes élevées dont ont besoin les professionnels, surtout ceux qui pratiquent la comptabilité publique au Canada.
Voilà qui met fin à nos observations. Merci de nous avoir permis de nous adresser au comité.
Le président : Merci beaucoup de ce remarquable rapport.
Le sénateur Angus : Soyez les bienvenus, et merci de vous joindre à nous. Comme l'a dit le président dans sa déclaration liminaire, notre comité se préoccupe du fait que le Canada ait pris du retard sur la plupart de ses homologues de l'OCDE, en matière de productivité notamment. Il semble que les obstacles qui existent au niveau international prévalent également dans notre pays, et c'est pourquoi nous nous consacrons à ce sujet. Vous avez, je crois, suivi nos audiences et nous avons été heureux de l'apprendre. Vous avez sans doute lu la transcription des propos de l'Association des comptables généraux accrédités. Je remarque que Mme Hubert le confirme d'un signe de la tête.
Depuis mon arrivée au comité des banques, qui remonte à 1993, il y a toujours eu un contentieux entre les deux principaux organismes de comptables au Canada. Il a été mis plus que jamais en évidence dans le témoignage auquel j'ai fait référence, et j'ai l'impression qu'il est particulièrement centré sur la province de Québec, dont je suis originaire, comme Mme Hubert, je suppose.
Dites-nous ce que vous en pensez. Peu importe qui répondra à la question. Vous êtes comptables agréés, et le mot clé, dans l'expression, c'est « agréés ». Vous avez parlé de comptabilité publique et vous avez mentionné la nouvelle loi ontarienne qui vise à fixer des normes; c'est évidemment une très bonne chose. Nous voulons tous avoir affaire aux professionnels les plus compétents. Vous avez ensuite parlé du Manitoba, où n'importe qui peut se prétendre comptable; les comptables généraux accrédités n'ont donc pas de problème au Manitoba. Ils peuvent ouvrir un bureau à côté de celui d'un comptable agréé et vous, si je comprends bien, allez vous soumettre à une concurrence ouverte dans les deux domaines, en quelque sorte, ou dans les deux branches de la comptabilité publique au Canada.
Quoi qu'il en soit, cela nous inquiète beaucoup. Nous avons écouté le témoignage des comptables généraux accrédités, mais nous tenions à vous donner l'occasion de nous faire mieux comprendre la situation.
Je comprends d'après vos propos, monsieur Byars, que vous êtes d'accord pour dire que le statu quo n'est pas la solution. J'en suis très heureux.
J'aimerais savoir ce que vous pensez tous les deux du problème et de la façon dont on peut le résoudre.
M. Byars : Si je peux commencer, je dirais que notre message essentiel, pour reprendre votre exemple, c'est qu'il ne s'agit pas de savoir si l'une des professions a des droits que l'autre n'a pas. Il faut créer et préserver des normes uniformes et exigeantes de qualification pour les deux professions. Toute personne qui possède ces qualifications, indépendamment de la catégorie à laquelle elle s'inscrit, devrait avoir le droit d'exercer cette activité professionnelle.
Je ne pense pas que le facteur déterminant soit, pour ainsi dire, la désignation d'origine. La question est celle-ci : Existe-t-il une norme de compétence équivalente à la norme à laquelle doivent satisfaire ceux qui pratiquent la profession?
Dans notre cas, ce qui nous préoccupe le plus est la pratique de la comptabilité publique. Toutefois, j'ajouterais que l'application uniforme de normes rigoureuses d'accréditation pour les professions libérales intéresse beaucoup de gens au Canada. Les règles doivent être les mêmes pour tous, mais des normes rigoureuses doivent être appliquées de façon uniforme pour les professions libérales dans l'ensemble du pays.
Le sénateur Angus : Alors, vous êtes d'accord sur un grand nombre des arguments qui nous ont été présentés par les comptables généraux accrédités dans leur mémoire.
M. Byars : Nous sommes d'avis que quiconque satisfait aux normes de compétence devrait avoir le droit de pratiquer cette profession.
Le sénateur Angus : D'accord. Je sais que vous avez bien pesé vos mots et je crois savoir que vous avez saisi le Bureau de la concurrence de cette question. Vous me pardonnerez de formuler ainsi ma question, mais nous dites-vous que tous les membres de l'ICCA, qui ont réussi les examens et satisfait aux autres critères, possèdent les qualifications que devraient posséder à votre avis les experts-comptables tandis que les membres de l'Association des comptables généraux accrédités sont moins qualifiés?
M. Byars : Non, ce n'est pas ce que je dis.
Le sénateur Angus : Je veux que ce soit clair pour que nous comprenions la nature du problème.
M. Byars : En guise de réponse, j'aimerais vous donner mon cas en exemple. Je suis agréé comme comptable depuis plus de 35 ans. Je suis membre des instituts de comptables agréés de trois provinces dont le Québec. Dans le cadre du système qui existe dans certaines provinces, le seul fait que j'aie la désignation « comptable agréé » me permettrait d'agir à titre d'expert-comptable.
Or, je ne fais pas de comptabilité publique depuis près de 30 ans. J'ai passé l'essentiel de ma carrière dans l'industrie. J'ai des compétences très vastes et approfondies, mais je ne prétendrais pas aujourd'hui pouvoir me dire comptable agréé apte à offrir des services de comptabilité publique.
Le sénateur Angus : Mais vous avez le droit de le faire.
M. Byars : Permettez-moi d'utiliser l'exemple du Québec. Si je souhaitais offrir de tels services au Québec, l'Ordre des comptables agréés du Québec exigerait que je satisfasse aux critères de compétence et que je prenne des cours d'appoint afin d'actualiser mes compétences et vérifier que, malgré mon âge, mes capacités restent vives. Ce droit ne me serait pas reconnu automatiquement. D'ailleurs, ce droit n'est pas accordé automatiquement ailleurs au Canada.
Le sénateur Angus : Aidez-moi à comprendre le problème que posent les CGA. Vous connaissez la nature du problème.
Anne-Marie Hubert, associée, Ernst & Young : Nous savons que la comptabilité publique existe dans le but de protéger la confiance du public dans nos marchés financiers. Cette question ne touche pas uniquement une province ou le Canada; c'est une question mondiale.
Il existe actuellement à l'échelle mondiale des pressions en faveur de l'adoption de normes communes auxquelles nous nous conformerions tous pour rétablir et préserver la confiance du public dans les divers marchés financiers. Certaines économies sont en difficulté et doivent relever la barre. Nous ne voudrions pas que le Canada adopte des normes moins rigoureuses que celles instaurées à l'échelle internationale. C'est tout ce que nous disons.
Dans la profession, certains instituts dont l'Ordre du Québec veillent à éviter ce nivellement vers le bas. Quand nous faisons de la comptabilité publique, nous respectons certaines normes afin que nos homologues ailleurs dans le monde ne se sentent pas obligés de vérifier après coup la fiabilité de notre travail.
Tous les mois, je déplace des gens d'une province à l'autre dans le cadre de mes fonctions. Nous avons recruté l'an dernier 42 personnes venant de France qui travailleront à Montréal. L'existence d'organisations qui nous aident à vérifier les normes nous permet d'évaluer rapidement l'écart entre les compétences des candidats et les normes de compétence. Cela m'aide à former mes gens afin qu'ils atteignent les normes et afin que je puisse avoir confiance dans leur capacité d'assurer des services de comptabilité publique de qualité au Canada pour les clients et les investisseurs et ainsi maintenir leur confiance dans notre économie.
Le sénateur Meighen : Comme je ne suis qu'un avocat bien ordinaire, j'aimerais des éclaircissements. Je ne comprends pas la distinction entre les experts-comptables et les comptables agréés. Est-ce la distinction qui pourrait exister entre le droit pénal et un autre genre de droit? Pouvez-vous m'aider à comprendre la distinction? Vous parlez de comptabilité publique et vous dites que vous hésiteriez à offrir de tels services après avoir travaillé 30 ans comme comptable agréé. Ai-je bien compris?
M. Byars : Oui, malgré la formation qui m'a permis de devenir comptable agréé. Si vous me le permettez, la distinction c'est qu'un avocat reste un avocat, mais l'emploi principal n'est pas nécessairement la pratique du droit. Il peut offrir ses services sur le marché à titre d'expert en droit.
Il y a au Canada 71 000 comptables agréés. De ce nombre, 40 p. 100 environ s'occupent de comptabilité publique. Les autres travaillent dans l'industrie, dans les milieux de l'enseignement ou au gouvernement ou encore dans d'autres domaines. Ils sont tous comptables agréés
Le sénateur Meighen : Ils travaillent dans quel domaine?
M. Byars : Dominic D'Alessandro, à titre d'exemple, est comptable agréé. John Cleghorn, ancien PDG de la Banque Royale, est comptable agréé. Peter Godsoe, ancien PDG de la Banque de la Nouvelle-Écosse, est aussi comptable agréé.
Le sénateur Meighen : D'accord, je comprends. Il y a des millions d'avocats qui ne pratiquent pas le droit.
Le président : À titre de comparaison, dans le domaine juridique, il y a des avocats qui travaillent comme conseillers juridiques au sein d'une entreprise et qui se spécialisent dans les domaines d'activité de cette société à laquelle ils fournissent des services généraux. Ensuite, il y a des avocats qui pratiquent le droit en général et qui n'offrent pas leurs services uniquement à la société à laquelle ils sont rattachés. C'est là une distinction dans la pratique du droit.
Je crois que ce que cherche à savoir le sénateur Meighen c'est ceci : Est-ce la même distinction qui existe entre les comptables agréés qui pratiquent leur métier dans le secteur privé à titre de directeur de la comptabilité, par exemple, ou à titre de directeur des finances d'une société par opposition à ceux qui offrent leurs services au grand public? Est-ce là la distinction?
M. Byars : Oui.
Le président : Est-ce que ces précisions vous satisfont, sénateur Meighen?
Le sénateur Meighen : Pas tout à fait. En quoi consiste l'expert-comptable? Est-ce comparable à un avocat qui ouvre un cabinet?
M. Byars : Oui, un avocat qui offre ses services au grand public, à quiconque veut bien l'embaucher.
Le sénateur Meighen : Est-ce que cette personne est par définition un comptable agréé?
M. Byars : Non, ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons que quiconque satisfait à une norme d'application générale pour l'attribution de l'accréditation comme comptable devrait pouvoir offrir ses services. En Ontario, par exemple, c'est essentiellement ainsi que les choses se passent. Il n'est pas nécessaire qu'une personne soit comptable agréée pour obtenir ce droit.
Le sénateur Angus : C'est la même situation qui prévaut au Québec pour ce qui est des avocats et des notaires. C'est une anomalie. Pour le meilleur ou pour le pire, la profession de notaire est en voie d'extinction. Certaines des barrières ont disparu. Les cabinets d'avocats peuvent maintenant autoriser les notaires à signer des actes formalistes depuis l'adoption très récente d'une modification dont le sénateur Goldstein connaît l'existence.
Au Québec, on nous a parlé d'un CGA du Nouveau-Brunswick, à 50 mètres de la frontière du Québec, qui pouvait faire des vérifications et signer des attestations de ce côté-là de la frontière mais qui ne pouvait pas traverser la rue et en faire autant au Québec. J'estime que c'est un obstacle au libre-échange.
Je sais que la question est plus complexe qu'elle peut le sembler à première vue et que cette situation existe depuis de nombreuses années. Au Québec, votre organisation a un monopole, du moins c'est ce que nous ont dit ces gens, et vous avez vu les témoignages, on dit que les pressions de lobbyistes empêche le gouvernement de modifier la loi. C'est du moins ce que j'ai compris; si je me trompe, vous pouvez me corriger.
C'est là où le bât blesse au Canada. Les comptables généraux accrédités comparaissent régulièrement ici et présentent des arguments très persuasifs. Le compte rendu des témoignages est accessible et consultable. J'essayais de vous amener à répondre à leurs arguments, mais je reste insatisfait. Vous nous avez plutôt répondu : « Nous ne sommes pas contre la vertu » et nous souhaitons des professionnels compétents dans tout le pays. Je vous ai demandé : Est-ce que cela signifie que vous accepteriez que les comptables généraux accrédités pratiquent dans toutes les provinces? Vous avez l'exclusivité de l'attestation d'états vérifiés et autre chose du genre.
M. Byars : Je ne suis pas en mesure de commenter ou de critiquer le degré de compétence des CGA dans l'ensemble du pays, ni de dire si les normes de compétence sont uniformes dans tout le pays. Je n'ai pas les compétences voulues. Tout ce que je peux dire, c'est que les normes de compétence pour les comptables agréés sont uniformes dans tout le pays.
Le sénateur Goldstein : Merci d'être venus nous faire profiter de vos connaissances et de votre sagesse, monsieur Byars et madame Hubert.
J'aimerais poser deux questions. Nous avons constaté que dans l'ensemble, les mesures que nous envisageons pour réduire les obstacles interprovinciaux relèvent de la compétence des provinces plutôt que de celle du gouvernement fédéral. Il existe des initiatives dont l'ACI, TILMA, l'accord Colombie-Britannique-Alberta, et le traité Ontario- Québec, si je peux l'appeler ainsi, qui portent sur la libre circulation des travailleurs de la construction. Ce sont toutes des initiatives provinciales, comme le Conseil de la Fédération qui a réussi à formuler des déclarations de principe, ce qui est encourageant, même si elles n'ont pas encore été mises en œuvre. Tout cela relève de la compétence des provinces. Je pose donc carrément cette question : avez-vous la science voulue pour nous expliquer ce que le gouvernement fédéral, que nous servons, pourrait faire d'utile étant donné notre économie très fracturée?
Mme Hubert : Nous préconisons l'instauration de normes minimales communes qui seraient acceptées et conformes aux normes internationales. Le gouvernement fédéral pourrait utilement infléchir les choses en ce sens. C'est beaucoup plus facile de déplacer quelqu'un de Halifax à Calgary si je sais que les normes seront comparables, et nous devons régulièrement réaffecter des gens.
Le fait qu'il y ait une norme nationale pour les comptables agréés facilite grandement la vie lorsque nous devons déplacer des gens d'une province à une autre. Nous recrutons des CGA, des CMA et des gens qui ont d'autres formations et nous les aidons à réussir les examens de comptable agréé ou à obtenir leur désignation afin qu'ils puissent travailler comme experts-comptables.
L'existence de normes minimales communes faciliterait les mutations. Vous ne voudriez pas qu'une infirmière ou un médecin qui n'aurait pas l'agrément puisse aller travailler dans une autre province. Il en va de même pour notre économie et les marchés financiers. Nous voulons que ceux qui travaillent pour divers clients satisfassent aux normes minimales. En outre, nous voulons nous assurer d'avoir le soutien de la profession. Nous nous concertons pour mettre en place des procédures qui facilitent la reconnaissance des compétences. De cette façon, nous pouvons aider tous ceux qui veulent réaliser leur plein potentiel, particulièrement ceux que nous recrutons de l'étranger.
Le sénateur Goldstein : Je constate que ma question aurait pu être plus claire. J'essaie de savoir ce que pourrait faire le gouvernement fédéral dans des domaines qui relèvent essentiellement de la compétence des provinces. Vous avez parlé il y a quelques instants de l'instauration de normes. Le gouvernement fédéral ne peut pas instaurer de normes efficaces dans le cadre de la Constitution, même si certains ici croient le contraire, parce que ce sont des domaines de compétence provinciale. Dès que le gouvernement fédéral tenterait d'imposer de quelconques normes dans le cadre d'une initiative gouvernementale ou législative, certaines provinces, voire la majorité d'entre elles, contesteraient une telle intrusion.
J'aimerais en revenir maintenant à ce que vous réclamez. Vous parlez de comptabilité publique, mais comme vous l'avez dit, il en va de même des infirmières et de toutes les autres professions dans la mesure où elles sont réglementées par les provinces et les territoires, ce qui est le cas. Nous ne pouvons pas instaurer de normes uniformes sauf dans la mesure où l'ICCA ou l'Ordre des comptables agréés du Québec exerce des pressions sur leurs assemblées législatives respectives pour les convaincre d'instaurer ces normes. Tout le monde appuie l'idée de normes — personne n'est contre la vertu. La question est de savoir comment on peut uniformiser les normes étant donné la nature de notre système. Avez-vous songé à créer un groupe pancanadien qui, à ce titre, pourrait exercer des pressions sur les assemblées législatives dans le but de les convaincre d'instaurer de telles normes? Nous ne pouvons pas agir au niveau fédéral.
M. Byars : On pourrait considérer cela comme le commencement de notre démarche continue. Nous avons déjà dit que, bien que nous soyons tout à fait pour l'élimination des obstacles au commerce national, et au commerce international, dans son libellé actuel, nous estimons que le TILMA n'est pas dans l'intérêt public. J'ai donné comme exemple l'article 13.1 et le fait que quiconque est reconnu dans une province le serait dans une autre province. Toutefois, l'article 13.2 stipule que, si vous devez détenir un permis, vous ne pouvez, dans une autre province, exiger une formation supplémentaire pour l'atteinte de cette norme. Par défaut, on nivelle les normes par le bas.
Nous estimons donc que cet accord n'est pas dans l'intérêt public et ne protège pas le public. Que pouvons-nous faire? Que peuvent faire les sénateurs et le gouvernement? Ils peuvent d'abord reconnaître que ce sont fondamentalement les principes qui comptent et non pas les règles prévues par un accord. Ils doivent énoncer comme principe fondamental la reconnaissance de la protection du public et la nécessité de ne pas créer de situations qui entraîneraient l'abaissement des normes nécessaires pour la reconnaissance des professionnels. Cela, c'est dans l'intérêt public.
Mme Hubert : De plus, le gouvernement fédéral a créé le Conseil canadien sur la reddition de comptes, le CCRC, qui s'assure que les sociétés ouvertes, à tout le moins, maintiennent des normes acceptables. C'est là une mesure adoptée par le gouvernement fédéral qui garantit les normes des sociétés ouvertes.
Le sénateur Goldstein : C'est un des rares cas où on a pu agir précisément parce qu'il s'agit de sociétés ouvertes. Ce sont des sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale et non pas provinciale auxquelles on peut imposer des normes uniformes de transparence dans divers domaines, notamment au chapitre de la comptabilité. Toutefois, les pouvoirs de mise en œuvre de ce conseil sont très limités, comme vous le savez.
Mme Hubert : Comme le sont ses ressources.
Le sénateur Goldstein : Il en découle que chaque province et territoire doit se doter d'un organisme de réglementation des valeurs mobilières — un gaspillage de ressources. Toutefois, c'est le système actuel.
Le sénateur Meighen : J'aimerais m'étendre un peu plus sur ce sujet, si vous me le permettez, pour tenter de déterminer quelle serait la meilleure façon de réaliser des progrès.
Je présume que les comptables agréés ont mis de l'ordre dans leur propre profession — autrement dit, qu'ils ont établi des normes assez élevées dans toutes les provinces et tous les territoires. Cela s'est-il fait assez récemment?
M. Byars : Non, en fait, il en est ainsi depuis longtemps.
Le sénateur Meighen : Depuis 50 ans ou 10 ans?
M. Byars : C'était ainsi avant que je n'obtienne mon titre.
Le sénateur Meighen : Soit depuis environ 10 ans.
Mme Hubert : Cela fait au moins 22 ans, depuis que, moi, je suis comptable agréé.
Le sénateur Meighen : Peut-être devrions-nous demander à des comptables agréés plus vieux comment ils ont convaincu les provinces dont les normes étaient moins élevées à relever leurs normes plutôt qu'à les imposer aux autres. Manifestement, si vos normes sont moins élevées, vous attirerez plus de gens. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, il est peut-être avantageux de ne pas être trop exigeant. Comment avez-vous réussi à uniformiser les normes à un niveau élevé?
M. Byars : Les comptables agréés du Canada rivalisent avec leurs homologues étrangers dans un environnement mondial. Afin d'être compétitifs dans un environnement mondial, on doit être parmi les meilleurs au monde, et c'est ce vers quoi tendent les comptables agréés du Canada depuis des années. Cette profession est née il y a plus de 125 ans au pays et, au fil des ans, d'une série d'instituts qui s'intéressaient uniquement aux questions provinciales internes, elle s'est transformée en une profession véritablement nationale qui a élargi son réseau et étendu son influence sur le marché mondial. Les comptables agréés du Canada n'ont pu y arriver qu'en étant aussi bons que tous les autres professionnels du monde.
Le sénateur Meighen : Votre expérience est peut-être unique en son genre, car je me demande comment nous pourrions appliquer votre succès à d'autres métiers — au secteur du bâtiment, par exemple, ou à d'autres. Doit-on commencer à l'interne, ou est-ce que les autorités provinciales doivent prendre l'initiative et tenter de conclure un accord?
M. Byars : C'est une question pour laquelle il faut l'appui des gouvernements provinciaux, lesquels doivent reconnaître l'importance de normes uniformes pour les professions et l'importance cruciale de protéger les intérêts publics. Les provinces doivent comprendre que cela ne peut se faire que par le maintien de normes uniformes et l'application du principe selon lequel la protection du public est inhérente à tout ce qui est fait relativement à une profession.
Mme Hubert : Il y a trois semaines, un symposium national sur les politiques publiques s'est tenu à Paris où de nombreux joueurs clés étaient présents. Il y a trois ans, seuls les comptables étaient là. Nous ne pouvons agir isolément. Nous sommes là pour protéger le public. Nous sommes là pour maintenir la confiance du public dans nos économies. Mais le défi n'est plus simplement canadien, il est mondial. Là où des organismes de réglementation existent, là où il y a des investisseurs, les firmes d'experts-comptables doivent ensemble déterminer quelles normes sont nécessaires pour faciliter le commerce international, pour faciliter le succès des organisations à l'échelle internationale et pour protéger le public par le biais de bonnes normes de comptabilité publique.
Le défi que nous devons relever, c'est de faire en sorte que les normes mondiales soient aussi élevées que les nôtres. C'est l'objectif de notre profession à l'heure actuelle. L'ICCA veut exercer son influence sur le plan d'action mondial, car c'est à ce niveau que se situe le défi. Nos clients, ne l'oublions pas, ne rêvent pas que de faire des affaires au Canada.
Le sénateur Meighen : Il semble donc que si la demande mondiale est moindre, il est plus facile d'imposer une réglementation différente ou locale. Autrement dit, pour prendre encore une fois l'exemple du secteur du bâtiment, on pourrait faire valoir qu'il n'y a pas une grande demande mondiale ou une grande concurrence mondiale dans ce secteur dans une région d'une province et dans la province voisine et que, par conséquent, rien n'encourage ce secteur à adopter une norme commune élevée sauf le noble principe, celui de la protection du public, car on ne veut pas que les maisons qui sont bâties s'effondrent. Toutefois, cela ne semble pas avoir un grand effet incitatif.
M. Byars : Sénateur, vous avez parlé d'un noble principe. Moi, je dirais plutôt qu'il s'agit d'un principe fondamental.
Le sénateur Meighen : Mais c'est aussi un noble principe.
M. Byars : C'est la protection du public qui est cruciale dans tout ce dossier, et je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. À bien y penser, ce n'est pas parce qu'on peut enfoncer un clou qu'on est charpentier. Ce n'est pas parce qu'on peut construire une remise qu'on est ingénieur. Ce n'est pas parce qu'on peut enlever une écharde d'un doigt qu'on est infirmière. Ce n'est pas parce qu'on peut mettre un pansement qu'on est médecin. Il faut donc des normes uniformes quant aux compétences des professionnels ne serait-ce que pour le public, qui n'a aucune autre façon de déterminer si celui qui se prétend professionnel l'est véritablement, s`il a toutes les compétences, les qualités et la formation voulues. Le public se fie au fait que celui qui se prétend professionnel l'est; par conséquent, le public fait confiance à cette personne.
Peut-on accepter que ceux qui se prétendent professionnels ne se conforment pas à des normes permettant de déterminer s'ils ont véritablement le niveau de compétence, d'instruction, d'expérience et de connaissances qui en font de véritables professionnels?
Le sénateur Meighen : C'est là la clé. Nous voulons qu'ils soient perçus comme de bons professionnels, comme des experts. Je ne sais pas très bien comment y arriver, toutefois.
Le sénateur Angus : Nous avons parlé de normes de compétence, si je comprends bien. Il y a d'autres séries de normes, par exemple les normes canadiennes par rapport aux normes américaines, et celles-ci par rapport aux normes internationales. Ce sont là aussi de grands obstacles à la libéralisation des échanges. Je sais que votre profession en traite sur la scène internationale et c'est très important.
Mme Hubert : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous tendons de plus en plus à adopter des normes de comptabilité internationales. Notre PDG d'Ernst & Young Global, un Américain, fait pression sur les Américains pour qu'ils adoptent aussi des normes de comptabilité et de vérification internationales, dans la mesure du possible. Je crois que d'autres PDG de grands cabinets comptables font de même. Nous avons des activités mondiales et il nous faut des normes communes, à l'échelle mondiale, qui soient acceptables pour les économies de toute la planète.
Le sénateur Angus : Il y a des absurdités dans les états financiers de sociétés canadiennes. Ainsi, au beau milieu du rapport annuel, vous avez le bilan selon la méthode canadienne, et le bilan selon la méthode américaine, avec une grosse différence dans le résultat final. C'est dysfonctionnel.
Le sénateur Harb : Manifestement, il faut uniformiser partout. On pourrait aussi parler du niveau d'imposition puisque d'une façon ou d'une autre, cela peut avantager une province par rapport à une autre. Il faut penser aussi aux droits à verser, de même qu'aux amendes imposées, par exemple pour les chargements de déchets mis à la décharge, mais sans oublier, à l'autre extrême, la notion des règles et des règlements. Pour que tout cela soit possible, on en revient toujours au secteur privé. Qu'on le veuille ou non, pour les professions et les métiers concernés, en Alberta et en Colombie-Britannique, un accord entrera en vigueur en avril 2007 pour plus de 60 professions dont la grande majorité est gérée par le secteur privé ou des organismes ou des associations privées comme la vôtre.
Je dirais que pour une bonne part, ce n'est pas vers le gouvernement qu'il faut se tourner pour trouver une solution. Il incombe plutôt au secteur privé de faire preuve de leadership et d'harmoniser ses propres normes partout et de dire : « Voilà ce qui marche, maintenant nous sommes prêts. »
Le gouvernement n'aura alors d'autre choix que d'accepter.
Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Byars : Je suis d'accord avec vous. C'est certainement ce que nous avons fait pour les comptables agréés de l'ensemble du pays. Nous l'avons fait il y a quelque temps déjà.
Dans ce que vous proposez, il y a toutefois une difficulté, et c'est la perception selon laquelle nous travaillons toujours dans notre intérêt, plutôt que dans l'intérêt public. Dans le cas du Conseil des comptables publics de l'Ontario, il s'agit d'un organisme indépendant. Il est indépendant par rapport à la profession. C'est le Conseil qui établit ces normes, de manière qu'elles soient fixées autrement qu'en fonction de l'intérêt des comptables, et plutôt en fonction de l'intérêt public. Je pense que c'est un élément important.
En tant que comptables agréés du Canada, nous sommes tout à fait disposés à participer à l'établissement de normes très harmonisées de reconnaissance professionnelle, dans notre domaine, au Canada. Notre procédure est bien reconnue. Notre procédure d'évaluation des compétences internationales sert à examiner la compétence pour des titres semblables d'autres pays. Quand les titres sont comparables, il peut y avoir réciprocité et reconnaissance mutuelles.
Il existe donc une méthodologie et nous voudrions certainement participer à ce processus. Toutefois, je crois que le processus doit être indépendant, pour veiller à la protection de l'intérêt public. Comme les professions sont de réglementation provinciale, cette décision reviendrait aux provinces.
Le sénateur Harb : Merci pour votre réponse. Cela m'amène à une autre question. Nous sommes signataires de l'accord de l'OMC et nous avons donc des obligations internationales. Nous devons respecter certaines obligations.
Prenons un exemple : la ville d'Ottawa a donné un contrat à une entreprise. Une autre entreprise a fait des démarches contre cette décision auprès du Tribunal du commerce international et il y a eu un contrôle.
Actuellement, des décisions d'une municipalité ou d'une province peuvent être contestées en vertu de mécanismes relatifs aux règles commerciales internationales. Je trouve donc étrange que la mobilité de la main-d'œuvre soit entravée de la sorte au Canada.
Personnellement, le problème n'est pas tant du côté des biens et des services que de celui de la main-d'œuvre. Je voulais savoir si vous ou votre organisation aviez eu la possibilité de quantifier le problème dont nous parlons. D'après certaines personnes, c'est 1 p. 100 du PIB qui en souffre. Pour d'autres, c'est beaucoup moins alors que d'autres encore disent que c'est beaucoup plus.
Votre organisme a-t-il étudié la question?
M. Byars : Non, nous ne l'avons pas fait. Il s'agit là d'une analyse économique et ce n'est pas une question que nous avons choisie d'approfondir.
Le président : Nous avons écouté ce que vous aviez à dire. Vous nous avez parlé de normes internationales qui n'avaient pas de liens avec le coût pour l'économie. Manifestement, il faut mettre en balance l'intérêt public, la protection du public, et la productivité. Comment pouvez-vous proposer des règles et des normes sans faire une analyse des avantages pour l'économie? Je suis désolé, mais je pense que c'était là la question du sénateur Harb.
M. Byars : Voici ma réponse : est-ce que le problème, c'est le prix du service offert, ou le coût net pour celui qui reçoit les services? Est-il avantageux que quelqu'un paye un prix plus faible, mais obtienne une compétence moindre, ou les services d'un incompétent, avec tous les coûts et dommages associés à des services qui ne sont pas de qualité?
Quand on parle de professions et de l'intérêt public, il faut s'assurer de la qualité du fournisseur de services, des services qu'il offre : ils doivent être acceptables et correspondre au niveau attendu. Cela va bien au-delà d'une simple analyse économique du taux horaire exigé par une personne, par rapport à une autre. Si on veut parler des coûts, il faut parler des coûts réels, des coûts et des effets totaux.
Le sénateur Harb : Mme Hubert a parlé plus tôt d'une chose très intéressante : il faut considérer les normes internationales et savoir ce qui se fait ailleurs. Je pense que c'est ce que nous devrions faire, pas seulement pour une profession, mais pour la totalité d'entre elles, pour tous les métiers, afin de savoir, par exemple, ce que sont les normes dans des économies semblables à la nôtre, au sein de l'Union européenne ou aux États-Unis. Il faudrait mener une étude approfondie pour connaître les normes se rapportant à la mobilité de la main-d'œuvre, les droits qui s'appliquent dans différentes administrations pour pouvoir ensuite dire que nous savons ce qui se passe ici et ailleurs.
Je ne crois pas que nous l'ayons fait. Pour être franc, nous ne l'avons probablement pas fait car nous estimons qu'il y a un problème, mais personne ne nous oblige à y faire face. Nous avons, de notre propre chef, pris des initiatives. Mais au bout du compte, qu'en est-il?
Cela fait près de 21 ans que je suis titulaire d'une charge publique. Depuis, je n'ai pas encore reçu une lettre de plainte. S'agit-il d'un projet artificiel? Est-ce que nous tentons d'élargir le problème alors qu'il n'y en a pas, sauf celui de la mobilité de la main-d'œuvre qui, dans une grande mesure, joue le jeu des organisations commerciales et professionnelles?
Je suis ingénieur de profession. Il existe des obstacles qui empêchent certaines personnes de devenir ingénieurs. Parfois, je me demande si ces obstacles ne sont pas posés pour des raisons égoïstes ou de monopole puisque cela pourrait mener à une chute des prix et à une augmentation du nombre d'ingénieurs. Est-ce parce qu'on se préoccupe des normes? J'ai obtenu mon diplôme d'ingénieur il y a des années. On ne m'a pas évalué une seule fois pour savoir si je remplis toujours les exigences. En dépit de cela, chaque année, j'envoie un chèque de 214 $ et je reste un ingénieur professionnel. Je peux donc approuver des documents, et faire toute une série de choses, même si je n'ai pas pratiqué le génie depuis longtemps.
Cela pose un réel problème. Le problème ne se situe pas au niveau du gouvernement, mais plutôt à celui des organisations commerciales et professionnelles. Elles doivent se réveiller, se rencontrer et en parler.
Mme Hubert : Vous avez tout à fait raison. J'ai déjà soulevé cette question dans le passé. Nous estimons que les législateurs devraient recevoir l'aide de notre industrie, qui leur permettrait de délimiter la barre. Nous travaillons avec des pays tels que la Russie et la Chine, ainsi que d'autres pays au monde. Nous collaborons avec eux pour nous assurer d'avoir des normes acceptables afin de protéger nos clients et les investisseurs locaux, car nos clients travaillent à l'échelle de la planète.
Comme vous l'avez mentionné, nous devons mettre de l'ordre chez nous. Notre défi est toutefois désormais plus grand et nous devons le relever sur une échelle plus vaste pour réellement protéger les intérêts des citoyens. C'est ce que nous faisons en ce moment à l'échelle internationale.
Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions sur les experts-comptables. Si quelqu'un va à l'université pendant quatre ans, travaille pour une firme comptable, subit l'examen de comptable agréé, devient comptable agréé et reçoit son certificat, doit-il poser sa candidature auprès de ces personnes pour devenir expert-comptable en Ontario?
M. Byars : Oui, afin d'avoir son accréditation.
Le sénateur Tkachuk : Par la suite, est-ce que cette personne doit subir d'autres examens? Ou s'agit-il tout simplement, comme les enseignants, d'envoyer un chèque? Est-ce que vous leur envoyez un chèque et ensuite ils vous donnent une carte, car le diplôme n'est pas valide sans carte?
M. Byars : Le processus évolue, comme je l'ai dit. Cette situation est assez récente. Le Conseil des comptables publics va comparer plusieurs corps professionnels afin de voir si leurs propres normes sont conformes au niveau de compétence établi par le Conseil des comptables publics. Le cas échéant, le Conseil accordera aux corps professionnels en question le droit d'être le principal évaluateur aux fins de l'octroi de l'accréditation.
Le sénateur Tkachuk : Qui siège à ce Conseil? Est-ce que le Conseil est composé d'experts-comptables ou de comptables agréés?
M. Byars : Chaque type de comptables est représenté, et le public est également représenté. Les représentants sont déterminés par le gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Cela porte vraiment à confusion.
Mme Hubert : C'est une question de compétence et d'expérience. Si vous songez à la productivité au Canada, les organisations devraient davantage mettre l'accent sur la reconnaissance de l'expérience et des compétences, afin d'aider les Canadiens à acquérir les aptitudes qui leur permettront de contribuer à l'économie canadienne conformément à leur plein potentiel. Des immigrants sont arrivés au Canada avec des talents, des compétences et une formation. Mais nous n'avons pas de processus pour les évaluer. Nous ne pouvons pas reconnaître ces titres et leur permettre de contribuer pleinement à notre économie. S'agissant de productivité, c'est une question qu'il faudrait étudier.
Le sénateur Tkachuk : Veuillez m'aider à mieux comprendre le Conseil des comptables publics. Le fait que quelqu'un ait réussi son diplôme de comptabilité, que cette personne ait peut-être reçu des notes exemplaires tout au cours de ses études, et qu'elle soit devenue comptable agréé, avec un diplôme encadré sur son mur, cela ne suffirait pas? Si j'ai bien compris, cette personne doit ensuite réussir des exigences de qualification du Conseil des comptables publics. Cette question n'a rien à voir avec le cas d'une personne qui aurait reçu un diplôme dans un autre pays, auquel cas on ne reconnaîtrait peut-être pas les titres. Je ne sais pas comment vous procédez, mais je dois vous dire que je ne comprends pas vraiment l'objectif de ce processus. Si quelqu'un a un diplôme universitaire, alors pourquoi est-ce que ces personnes ne pourraient pas tout simplement ouvrir boutique? Pourquoi avons-nous besoin de ces personnes?
M. Byars : Je ne peux pas parler au nom du gouvernement de l'Ontario. C'est le gouvernement ontarien qui a mis sur pied ce mécanisme.
Le sénateur Tkachuk : Oui peut-être, mais quelqu'un l'a exigé. Un fonctionnaire ne s'est pas levé un beau matin et dit : « Mettons sur pied un conseil des comptables publics. » C'est quelqu'un qui a dit au gouvernement que c'était la chose à faire.
M. Byars : Je suis d'accord. Il est important de noter que le Conseil des comptables publics a créé un énoncé de qualifications qui lui permet d'évaluer les professionnels. C'est ce que nous vous avons dit ce matin. Le Conseil des comptables publics a créé et adopté une norme uniforme qui s'applique à quiconque veut pratiquer la comptabilité publique en Ontario. Nous estimons que ce processus est crédible et dans l'intérêt public. Nous estimons que ce processus devrait être appliqué à l'échelle du pays pour qu'on puisse garantir des normes uniformes. Ces normes sont documentées. Il s'agit de normes qui permettront d'évaluer tous les comptables. S'ils répondent aux exigences, ils devraient avoir le droit de pratiquer cette profession.
Le sénateur Tkachuk : Vous dites donc qu'on devrait retrouver un tel conseil dans toutes les provinces. Ce qui me préoccupe, c'est que cette méthode pourrait, tout comme elle permet à certaines personnes de pratiquer, en empêcher d'autres d'avoir accès à la profession.
Vous dites qu'il n'y a rien au Manitoba. Est-ce que les entreprises au Manitoba se retrouvent dans le pétrin? Est-ce que le public manitobain est moins informé? Quelle différence y a-t-il entre le Manitoba et l'Ontario?
M. Byars : Au Manitoba, quiconque peut se prétendre comptable.
Le président : Là n'est pas la question. La question était la suivante : quelles sont les incidences sur le public? À quel point est-ce que le public est bien servi? Est-ce que cela nuit à l'intérêt public? Voilà la question du sénateur Tkachuk.
M. Byars : Le public est moins bien servi si les personnes qui prétendent être des professionnels n'ont pas les niveaux de compétence nécessaires pour fournir les services exigés.
Le président : Avez-vous des preuves pour appuyer vos propos?
M. Byars : Je ne peux pas vous parler précisément du Manitoba. En Ontario, par exemple, les comptables agréés doivent respecter le Code de déontologie. Les noms de ceux qui sont sous le coup d'un examen disciplinaire car ils ne se sont pas conformés aux normes de la profession en Ontario sont publiés sur le site Web de l'Institut. S'il existe des problèmes de qualification dans notre profession, où nous adoptons des normes aussi élevées qu'ailleurs, je vous dirais que d'autres milieux doivent également connaître ces problèmes de qualification. Malheureusement, je ne peux pas vous fournir d'exemples à cet effet.
Mme Hubert : Le Canada compte beaucoup d'immigrants, dont bon nombre ont des titres. Si nous mettons l'emphase sur un système qui permettrait de reconnaître les titres des immigrants, ainsi que leur expérience, si nous arrivons à combler cet écart, nous améliorerons la productivité. Nous allons augmenter leur contribution à notre économie. Ce type d'organisation nous permet de nous assurer que les personnes qui n'ont pas pratiqué pendant de nombreuses années ont toujours le niveau nécessaire et que les nouveaux venus au Canada peuvent contribuer pleinement et atteindre leur plein potentiel.
Le sénateur Tkachuk : Prenons l'exemple d'un comptable originaire de l'Inde et qui viendrait s'installer à Winnipeg. Il accroche son diplôme de comptable au mur, il fait passer une annonce dans les Pages jaunes et des clients lui arrivent. Il fait la comptabilité de quelques entreprises, il soumet des déclarations de revenu pour ses clients, il fait du bon travail et il est payé pour ses services. À qui cela fait-il du tort? Où est le problème?
Mme Hubert : Nous allons recruter en Inde. J'ai moi-même plusieurs personnes originaires de ce pays dans mon équipe. D'abord, il faut qu'ils se mettent à niveau en ce qui concerne les normes de vérification des questions fiscales. Nous les aidons à faire la transition, à acquérir le savoir et les compétences dont ils auront besoin pour pouvoir servir leurs clients et leur donner des renseignements précis.
Le président : Je pense qu'il évoque là une question fondamentale et qui nous interpelle tous.
Le sénateur Fitzpatrick : Cela devient un peu confus. Nous parlons ici de libre-échange au Canada, nous parlons d'abattre les obstacles, mais tout ce dont nous discutons ici revient à illustrer la présence de très nombreux obstacles différents auxquels nous sommes confrontés. On a dit qu'il faudrait un conseil public pour le Canada, pas pour l'Ontario. Le fait que l'Ontario en ait créé un présente justement un obstacle au libre commerce.
Le fait qu'il y ait deux désignations différentes, les comptables agréés et les CGA, représente pour moi un obstacle au libre commerce au Canada.
Que fait donc votre organisation pour exercer les pressions voulues afin qu'il y ait une certaine uniformité dans les normes, pas au sein de votre propre profession, mais dans l'exercice même de la comptabilité, publique ou autre, au Canada, et dans les rapports non seulement avec les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral, mais également avec toutes les autres instances? Nous sommes très limités, nous le savons bien, en ce qui concerne les pouvoirs qui existent au niveau fédéral pour intervenir dans ce domaine, mais avec toutes les autres organisations, qu'il s'agisse des CGA ou des cabinets de comptables en management accrédités, peu importe, que faites-vous donc pour réunir toutes ces organisations? Peut-être pourriez-vous me répondre chacun à tour de rôle.
M. Byars : En ce qui concerne ce que nous faisons pour promouvoir l'adoption d'une norme uniforme et élevée, la profession de comptable agréé, en particulier l'Institut des comptables agréés de l'Ontario, a été particulièrement active auprès du gouvernement pour faciliter le lancement d'un processus conduisant à la création du Conseil des comptables publics et à l'établissement des niveaux de compétences obligatoires pour que ces gens puissent avoir un permis d'exercer en Ontario. C'est une activité que nous espérons poursuivre partout au Canada afin d'inciter les pouvoirs publics, dans toute la mesure de nos moyens, à adopter des niveaux de compétences similaires, de manière à ce qu'au fil du temps, la reconnaissance des diplômes finisse par être uniforme.
Le sénateur Fitzpatrick : Est-ce que vous le faites déjà dans d'autres provinces?
M. Byars : Non, nous ne le faisons pas encore. C'est ce que nous essayons de commencer, mais nous n'avons pas encore beaucoup avancé.
Le sénateur Fitzpatrick : Avec l'exemple montré par la Colombie-Britannique et l'Alberta qui en sont venues à cet accord, il me semblerait que votre association serait fondée à se joindre à elles pour montrer que ce genre d'uniformité est tout à fait faisable dans votre profession ou qu'un conseil mixte pourrait être créé entre l'Alberta et la Colombie- Britannique.
Ce que nous cherchons ici, ce sont des chefs de file, et historiquement, l'ICCA a bien souvent montré l'exemple dans toute une série de dossiers. Il me semblerait qu'il s'agit là d'un autre de ces dossiers dans lequel vous pourriez fort bien devenir un chef de file.
M. Byars : Merci de nous encourager ainsi. C'est effectivement quelque chose que nous espérons pouvoir faire, et que nous allons d'ailleurs nous efforcer de faire. Mais à notre sens, l'important ici est de vous laisser un message durable, en l'occurrence qu'il ne saurait être question de faire de la protection du public un obstacle au commerce. En substance, il est important d'accepter comme principe fondamental que peu importe ce qu'on fait pour éliminer ce qu'on perçoit comme des obstacles au libre commerce intérieur, ou au commerce extérieur, pourquoi pas, il faut à tout prix veiller à protéger les intérêts de la population.
Le sénateur Fitzpatrick : Cela va sans dire. Ce n'est pas du tout ce que nous suggérons puisque nous vous avons invités. Ce que je dis toutefois, c'est qu'au lieu d'avoir un nivellement par le bas, vous exercez une pression vers le haut en prêchant par l'exemple, en faisant du lobbying et en négociant.
M. Byars : Si nous prenons pour exemple le texte du TILMA, je dirais que nous ne pouvons pas faire comme si cela va sans dire. Il faut préciser expressément que l'intérêt du public doit être protégé.
Le sénateur Fitzpatrick : J'admets qu'il faut le dire, mais je ne comprends pas pourquoi cela empêche le lobbying, la négociation ou la concertation avec d'autres organisations ou avec les provinces dans le but d'obtenir l'instauration de normes comme vous le réclamez et comme nous le souhaitons.
M. Byars : Nous allons certainement poursuivre nos efforts en ce sens.
Le sénateur Fitzpatrick : Quels pourparlers avez-vous, par exemple, avec l'Association des comptables généraux accrédités du Canada? Discutez-vous avec elle de ce genre d'objectifs?
M. Byars : Les dirigeants se rencontrent de temps en temps de façon informelle. Nous ne travaillons pas pour l'instant de façon concertée sur ces propositions.
Mme Hubert : L'ICCA coordonne les efforts que déploient les provinces pour assurer la cohésion et la cohérence des processus, afin de faciliter la circulation interprovinciale des personnes. L'ICCA coordonne de nombreux efforts en ce sens au niveau provincial. Nous jouons un rôle clé dans la coordination des efforts.
Les cabinets respectent des normes communes et nous recrutons des gens des diverses catégories professionnelles représentées au sein du cabinet. Dans la mesure où ils acceptent de respecter les normes afin de pratiquer la comptabilité publique, nous les laissons le faire, mais ils doivent se conformer aux normes généralement acceptées à l'heure actuelle par la profession. Cela inclut les politiques nationales et internationales que nous devons respecter, et qui varient selon le cabinet dont vous parlez. Nous exerçons donc des pressions et du lobbying à divers niveaux mais il reste encore beaucoup à faire. C'est toute la beauté de notre fédération.
Le sénateur Moore : Quand on vous a demandé ce qu'est au juste le Conseil des comptables publics, vous avez dit qu'il se compose de gens qui pratiquent la comptabilité publique et de non-spécialistes. Quels sont les deux volets de la comptabilité publique?
M. Byars : Si j'ai parlé de deux volets, ce n'est pas ce que je voulais dire. Dans le cas du Conseil des comptables publics, il inclut des membres de l'Institut des comptables agréés de l'Ontario, de l'Association des comptables généraux accrédités et de l'Ordre des comptables en management accrédités de même qu'un grand nombre de représentants publics désignés par l'Ontario.
Le sénateur Moore : Le Conseil des comptables publics veille-t-il à ce que les comptables agréés et les comptables généraux accrédités se conforment à des normes de qualification et à des règlements uniformes?
M. Byars : Ceux qui sont accrédités par l'Ontario et qui veulent offrir leurs services de comptable au public.
Le sénateur Moore : Qu'ils soient comptables agréés ou comptables généraux accrédités, n'est-ce pas?
M. Byars : C'est exact.
Le sénateur Moore : Les comptables généraux accrédités ont-ils des normes nationales comme c'est le cas des comptables agréés?
M. Byars : Je ne saurais répondre à cette question, sénateur, je ne possède pas suffisamment de détails.
Le sénateur Moore : Vous n'avez jamais posé cette question lors de vos rencontres informelles? N'avez-vous jamais posé la question aux responsables des normes?
Mme Hubert : Quand nous étions en classe ensemble il y a 23 ans, nous utilisions tous les normes de l'ICCA quand nous faisions nos cours de comptabilité.
Le sénateur Moore : Voulez-vous dire les comptables généraux accrédités et les comptables agréés?
Mme Hubert : Tous les comptables dans la pièce avaient pris des cours de comptabilité. Ensuite, nous avons subi d'autres genres d'examens pour obtenir des compétences professionnelles différentes mais quand nous avons suivi nos cours, nous utilisions les normes de vérification ou de comptabilité de l'ICCA.
Le sénateur Moore : Un comptable agréé est-il plus qualifié qu'un comptable général accrédité?
Mme Hubert : Il s'agit d'une qualification différente, pour faire quelque chose de différent, soit attester des états financiers.
Le sénateur Moore : Que peut faire un comptable agréé qu'un comptable général accrédité ne peut pas faire? Est-ce qu'il s'agit de la signature d'états vérifiés?
M. Byars : La formation, le perfectionnement et l'expérience sont différents. Au Canada, les comptables agréés reçoivent la même formation pour obtenir leur accréditation, ils subissent une évaluation standardisée, et subissent le même examen dans tout le pays. Ils doivent faire un stage professionnel d'une durée déterminée dans le cadre duquel ils acquièrent énormément d'expérience directe des activités de vérification. Ce sont les qualifications qu'ont les comptables agréés.
Les comptables généraux accrédités ont aussi des procédures d'accréditation mais elles sont différentes.
Le sénateur Moore : Cela ne répond pas réellement à ma question. Je comprends votre réticence. Nous devrons inviter les comptables généraux accrédités.
Le sénateur Fitzpatrick : Vous avez dit que quand vous avez terminé votre scolarité il y a 22 ans, vous avez tous subi à l'époque le même examen.
Mme Hubert : Non, j'ai dit que quand nous prenions nos cours de comptabilité, nous apprenions les mêmes normes de comptabilité ou de vérification mais pour obtenir l'accréditation, j'ai dû faire autre chose. L'examen, le stage professionnel et l'expérience requis pour obtenir mon titre de comptable agréé étaient tout à fait différents.
Le sénateur Fitzpatrick : Croyez-vous que votre profession diffère de celle des comptables généraux accrédités?
Mme Hubert : Je crois avoir appris des choses, lors du stage professionnel et des études que j'ai dû faire avant de subir les examens qui m'ont permis d'acquérir des compétences qui peuvent être très différentes de celles d'un comptable en management accrédité, par exemple, qui a fait des études plus poussées en comptabilité en management à une fin différente. Il demandait en fait si nous sommes meilleurs ou non. Nous faisons des choses différentes.
Le sénateur Angus : Ce que nous voulons savoir c'est quelles sont ces différences.
Le sénateur Fitzpatrick : Quelle est la différence entre vous et un comptable général accrédité?
Mme Hubert : Nous avons des normes applicables à la comptabilité publique qui prescrivent des qualifications particulières et un stage professionnel, exigences auxquelles un comptable général accrédité ou un comptable en management accrédité ne serait pas nécessairement astreint. Nous recrutons tous les ans de nombreux jeunes professionnels à leur sortie de l'université. Tous les ans, nous recrutons essentiellement tous les nouveaux diplômés. Ces jeunes gens apprennent beaucoup à l'université mais dans nos bureaux, nous continuons de leur enseigner le métier. Je suis responsable du perfectionnement. C'est essentiellement ce que nous faisons. Ces jeunes gens obtiennent deux années de perfectionnement avant de subir leur examen. Ils doivent réussir cet examen avant d'obtenir leur accréditation comme comptable agréé et ils continuent d'apprendre pendant le stage. Voilà la différence essentielle entre ces trois catégories de comptable.
Le sénateur Fitzpatrick : Croyez-vous qu'il serait possible de mettre au point une accréditation plus large qui engloberait à la fois les comptables agréés et les comptables généraux accrédités dans le but d'instaurer des normes uniformes et nationales?
Mme Hubert : Certaines provinces ont déjà tenté de le faire, mais n'y sont pas parvenues. Il existe trois professions distinctes dont les praticiens font un choix en début de carrière et les membres de chacune de ces professions sont récalcitrants à l'idée de modifier leur choix en cours de carrière. Donc les provinces l'ont tenté et ont échoué.
Le président : Merci. Vous avez sans doute compris, monsieur Byars et madame Hubert, que les sénateurs sont quelque peu mal à l'aise. Ils tentent de se faire une idée sur la question de l'harmonisation et le coût pour l'économie. Nous accueillons maintenant le Conference Board du Canada. Nous avons examiné certaines de ses propositions, l'une d'elles étant une mesure objective des bénéfices qu'apporte une meilleure protection du consommateur au regard du coût du service.
Il existe un certain nombre de modèles économétriques très spécialisés — par exemple, monsieur Byars, votre cabinet vend des biens et des services, j'imagine. Ils sont évalués sur le marché par d'autres cabinets qui fournissent des biens et des services comparables.
Nous savons, et c'est incontestable, que la production évoluée de biens et de services au Canada devient moins compétitive et plus coûteuse sur le marché international. La seule façon de résoudre ce problème c'est d'utiliser une mesure économétrique des coûts pour l'économie que représentent des normes plus rigoureuses. Nous ne nous opposons pas aux normes d'application générale. Nous sommes tous en faveur de normes et de règlements. La question est de savoir ce qu'il en coûte au consommateur, et à l'économie.
Si vous ne pouvez nous aider à mesurer l'efficacité de vos règlements d'un côté et le coût que cela représente pour le consommateur et l'économie de l'autre, c'est assez gênant. Autrement dit, nous aimerions des chiffres. Notre comité — le comité des banques et du commerce — souhaite voir des chiffres et c'est d'ailleurs votre domaine. Nous aimerions considérer des chiffres pour essayer de comprendre pourquoi le Canada reste à la traîne.
Très franchement, avec tout le respect que je vous dois — et c'est uniquement à tire personnel que je m'adresse à vous — j'espère bien que vous allez nous aider davantage à ce sujet parce que parler de normes internationales objectives sans les quantifier d'une façon ou d'une autre n'est pas vraiment très utile dans le cadre de notre analyse.
Mme Hubert : Il y a normes et normes. Quand il y a différentes séries de normes pour la même chose, ce n'est pas très efficace et tous nos clients le remarquent. S'il n'y a qu'une seule série de normes minimum faciles à utiliser et à appliquer, cela simplifie la vie de tous car chacun comprend ce que l'on demande et le résultat final visé sans perdre de temps.
Si l'on pouvait simplifier et harmoniser les normes — et je sais que c'est pour une bonne part provincial si bien que le fédéral ne peut pas tout faire, ce serait beaucoup mieux. Si l'on pouvait avoir des normes simples pour les choses essentielles qui servent un intérêt public, cela aurait une incidence positive à la fois sur l'économie et sur la productivité.
Le président : C'est encore à voir. M. Byars n'a pas hésité à reconnaître que vous n'aviez pas songé à mesurer cela en termes économétriques, à nous expliquer comment d'un côté cela protégeait l'intérêt public et de l'autre vous permettait d'offrir vos services.
Je vous raconterai une brève anecdote et nous devrons ensuite conclure. Je sais que les services juridiques rencontrent le même problème à Toronto où j'ai exercé le droit pendant des années. Le coût des services juridiques augmentait terriblement par rapport aux produits de consommation, tel que le logement. Essentiellement, la concurrence était énorme. Les avocats disaient — et j'en faisais partie — qu'il fallait avoir des honoraires élevés pour protéger le grand public et qu'il fallait pouvoir obtenir des opinions juridiques.
Quand on en est arrivé à l'immobilier, qui est essentiellement un produit de consommation, la concurrence était énorme. Tout d'un coup, les entrepreneurs et les consommateurs ont décidé de considérer le coût des services juridiques comme un pourcentage du coût du produit et ont ainsi dû le diminuer.
Monsieur Byars, je suppose dans votre cabinet, le PDG regarde tous les jours les frais généraux. Il regarde ce que coûtent vos services de comptabilité et services juridiques et s'efforce de les réduire. Nous ne faisons pas cela pour chaque société individuellement mais pour l'économie en général. Comment réduire les frais généraux et le coût des services afin de rendre nos services, et nos exportations plus compétitifs sur les marchés internationaux? C'est ça le problème.
J'espère que c'est également le problème pour vous et que vous pourrez nous donner d'autres éléments qui pourraient nous aider. Si vous voulez nous envoyer quelque chose par écrit qui pourrait nous aider à trouver le parfait équilibre, nous vous en serions très reconnaissants.
M. Byars : Si les comptables agréés du Canada peuvent aider, ils se feront certainement un plaisir de le faire.
Le président : Soyez aimable de nous communiquer les chiffres.
M. Byars : Ayant passé de nombreuses années dans le secteur du détail, je connais bien tous les concepts du prix de revient. Il faut surveiller les coûts de très près constamment.
En réalité, ce qu'il faut considérer, c'est le bénéfice net. Je vous dirais que, pour ce qui est de la comptabilité publique, en particulier lorsqu'il s'agit de questions de déclarations d'entreprises qui vont chercher des capitaux sur les marchés financiers, canadiens ou autres, nous avons un système dans notre pays et pour notre profession, par exemple, qui fait que chaque institut professionnel procède à un examen d'activités de ses membres qui font de la comptabilité publique. En outre, nous avons fermement défendu les idées initiales qui ont mené à la création du CCRC. Ce conseil canadien sur la reddition de comptes fait en fait la vérification des vérificateurs. Aux États-Unis, le PCAOB le fait aussi et, en plus, fait la vérification de tout vérificateur qui s'occupe de vérifications de sociétés inter cotées.
Si l'on considère tout cela, on peut juger qu'il s'agit d'une quantité de protection inutile. Toutefois, je dirais pour ma part que si cela permet d'éviter que le Canada connaisse l'équivalent d'une crise Enron ou WorldCom, on peut se demander si le bénéfice net ne sert pas l'intérêt public. N'est-ce pas là un exercice qui est finalement tout à fait valable?
Le président : Il ya des banques et autres qui ont souffert des conséquences d'Enron malgré des normes de comptabilité très élevées. Je ne pense donc pas que cela soit une solution suffisante.
Le sénateur Fitzpatrick : J'aimerais demander un éclaircissement.
Vous avez parlé du Manitoba et du fait que sans avoir à prouver que vous détenez un diplôme et que vous avez de l'expérience ou les compétences nécessaires, vous pourriez faire de la vérification. Cela veut-il dire qu'il n'est pas nécessaire d'être comptable agréé pour faire la vérification des livres d'une société au Manitoba?
M. Byars : Je citerais le président de l'Institut des comptables agréés du Manitoba qui, dans une conversation que j'ai eue avec lui il y a quelque temps, m'a déclaré : « Au Manitoba, même un chauffeur d'autobus peut être vérificateur. »
Le président : Merci beaucoup, monsieur et madame. Vos exposés furent très intéressants et provocateurs.
Nous accueillons maintenant notre prochain témoin. Le Comité permanent des banques et du commerce poursuit son étude des obstacles au commerce interprovincial au Canada. Bienvenue, monsieur. Nous avons reçu votre mémoire et nous avons également remarqué un article très intéressant dans le Maclean's de cette semaine qui résume un certain nombre des problèmes sur lesquels se penche notre comité. Nous avons examiné la question démographique, la question de la productivité et nous examinons maintenant la question des obstacles au commerce interprovincial, tout cela afin d'essayer de montrer à la population canadienne, au gouvernement canadien et au secteur privé comment nous pourrions accroître notre productivité et être mieux placés dans le monde.
Malheureusement, d'après votre analyse et la nôtre jusqu'ici, il semble que nous perdions du terrain. Nous perdons du terrain sur les États-Unis, sur l'ensemble du monde, pour ce qui est de notre productivité. Ainsi, plutôt que d'améliorer notre productivité et la prospérité de l'ensemble des Canadiens, nous perdons du terrain, même en ce qui concerne le revenu réel.
Peut-être pourrions-nous ainsi vous demander de nous adresser quelques mots à ce sujet. Je tiens à vous remercier infiniment d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui.
Glen Hodgson, vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Je voulais commencer par vous montrer la couverture du Maclean's. Avant d'arriver ici, je me suis arrêté, rue Sparks, chez le marchand de journaux International News pour acheter la revue mais il n'y en avait pas. J'espère que c'est parce qu'ils avaient tout vendu et qu'ils en ont commandé d'autres. Vous devinez certainement la satisfaction que l'on peut retirer d'une recherche menée sur trois ans, sachant que j'ai passé pratiquement toute l'année dernière à rédiger un rapport final qui sera rendu public en janvier. Nous publions cette recherche en trois volumes plus un résumé. La date de sortie du premier volume, dont je suis coauteur, est le 17 janvier. Nous ferons cela à la tribune de la presse.
Le président : Permettez-moi de vous interrompre, monsieur. Ces audiences se poursuivront au début de l'année. Nous vous serions très reconnaissants, lorsque vous aurez déposé ces rapports, de revenir pour compléter votre témoignage, car nous n'aurons malheureusement aujourd'hui que 35 à 40 minutes et que nous aimerions beaucoup pouvoir poursuivre la discussion avec vous. Nous prévoirons donc une autre réunion et considérons celle-ci comme un préalable aux informations plus complètes que vous pourrez nous livrer dans vos dernières conclusions en janvier.
M. Hodgson : Si vous avez l'intention de nous réinviter, je vous inciterais fortement à m'inviter moi en tant que champion du volume un, à inviter mon collègue Gilles Rhéaume, qui est notre vice-président aux politiques d'intérêt public, comme champion du deuxième volume, qui traite de notre secteur des ressources et de la façon de profiter autant que possible du boom que connaissent les prix des ressources et qui ne devrait pas durer indéfiniment, et d'inviter Anne Golden elle-même, notre présidente, comme championne du troisième volume. Nous serions ravis de revenir témoigner devant votre comité.
Le président : Nous connaissons très bien Anne Golden; nous serions heureux de vous recevoir tous les trois. Nous allons faire en sorte de trouver un moment qui nous convienne à tous et nous tâcherons de vous donner tout le temps voulu pour nous présenter votre rapport.
M. Hodgson : Excellent. C'est donc que vous avez lu le Maclean's. Vous pouvez vous imaginer comme c'est valorisant sur le plan personnel d'avoir été cité dix fois dans le Maclean's cette semaine. C'était assez amusant.
Le Conference Board a publié en mai dernier un rapport au titre accrocheur intitulé « Death by a Thousand Papier Cuts : The Effect of Barriers to Competition on Canadian Productivity ». Dans ce rapport, nous faisons un inventaire complet de tous les obstacles que nous avons pu déceler. Nous avons en fait constaté qu'il n'y avait pas de liste complète de tous les obstacles. Aussi nous avons examiné dans la limite de nos moyens les obstacles à la concurrence, au commerce interprovincial ainsi qu'au commerce entre le Canada et les États-Unis. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, les résultats que nous y présentons sont des résultats bruts, qui sont le fruit de recherches primaires. Il s'agissait d'une évaluation économique pour mesurer l'effet sur la productivité; il s'agissait de comparer les prix aux États-Unis et au Canada, en partant du principe que si les prix sont plus élevés au Canada, c'est à cause de barrières non tarifaires. Je pourrai vous en dire plus à ce sujet si vous le souhaitez.
Troisièmement, J'ai aussi fait remettre — et j'espère que la greffière l'a en main — un très court extrait du volume un du Projet Canada, qui sera publié en janvier. J'ai extrait le sommaire de la deuxième des cinq grandes recommandations que nous formulons, ou des cinq grandes stratégies que nous décrivons. Je vous ai aussi donné le texte des recommandations tirées du rapport. Je me reporte ici à la quatrième page où vous trouverez la première recommandation.
Nous sommes d'avis que les gouvernements doivent s'attaquer au vaste réseau d'obstacles réglementaires et autres barrières non tarifaires qui se répandent actuellement dans l'économie canadienne et abolir les obstacles à la concurrence dans des secteurs précis. Puis, nous énumérons un certain nombre de sous-éléments : encourager l'abolition des obstacles au commerce intérieur, adopter certaines des techniques utilisées à l'échelle internationale, se servir des accords bilatéraux. Nous appuyons énergiquement l'accord intervenu, par exemple, entre la Colombie- Britannique et l'Alberta, qui, nous l'espérons, servira à donner le coup d'envoi à un effort concerté pour éliminer les obstacles au commerce intérieur.
L'accord en soi est toutefois révélateur. Ce qui frappe dans cet accord appelé TILMA, c'est que les exceptions qui se trouvent à la fin du document prennent autant de place que l'accord en tant que tel. On y trouve en fait 62 catégories de travailleurs, depuis les acupuncteurs jusqu'aux foreurs de puits d'eau, pour lesquels une certaine normalisation va s'opérer sur une période de trois ans. Malgré les efforts diligents du gouvernement de la Colombie-Britannique et de celui de l'Alberta pour en arriver à un certain alignement et à la réduction des barrières, il n'en reste pas moins qu'il y aura une période de mise en oeuvre graduelle et qu'il faudra en fait attendre trois ans pour que les avocats agréés en Colombie-Britannique soient aussi agréés en Alberta, par exemple. Imaginez toutes les catégories qu'il reste à normaliser, quand la classification inclut aussi bien les acupuncteurs que les foreurs de puits d'eau. S'il en est ainsi dans ces deux provinces qui se montrent les plus déterminées à réduire les obstacles, imaginez quel effort il faudra pour que la même chose se fasse d'un bout à l'autre du Canada. Je vais m'arrêter là.
Le sénateur Angus : Nous avons tous lu le reportage dans le Maclean's, et j'estime que ce devrait être une lecture obligatoire pour tout le monde. Vous avez parlé du Projet Canada. Nous attendons ce rapport avec impatience, et il est à espérer que vous allez pouvoir revenir nous rencontrer.
J'ai pensé que, avant de vous poser mes questions, ce serait une bonne idée que de lire simplement ces propos que vous avez tenus et qui sont rapportés dans l'article du Maclean's, à la page 42 :
« Le Canada veut soutenir la concurrence dans une économie mondiale, affirme Hodgson, mais nous rendons déjà la tâche difficile même pour les entreprises qui veulent commercer avec la province voisine. Le tiers de toutes les entreprises interrogées par le Conference Board ont dit que les barrières non tarifaires nuisent à leur compétitivité, tandis que 26 p. 100 d'entre elles affirment avoir perdu des occasions d'affaires à cause de ces barrières. Les barrières sont surtout nuisibles aux petites entreprises [...] »
Je me demandais simplement si vous ne pourriez pas entrer un petit peu plus dans le détail et nous dire, si vous le voulez bien, puisque vous étiez dans la salle tout à l'heure quand j'ai interrogé les comptables, ce que vous pensez de tout cela par rapport à ce que nous ont dit les trois groupes qui représentent les comptables au Canada, et plus particulièrement du soi-disant enchevêtrement de barrières non tarifaires, qui fait que chaque palier de gouvernement oblige les entreprises à s'enregistrer et à faire agréer leur personnel, les soumettre à leurs procédures d'approbation respectives, à leurs politiques sur les marchés publics, à leurs exigences techniques et à leurs normes environnementales ainsi qu'à leurs régimes respectifs en matière de divulgation et de protection des renseignements personnels, et ce, uniquement pour protéger une industrie locale contre d'éventuels concurrents.
Je crois que c'est essentiellement ainsi que vous avez décrit la situation qui existe au Canada, et j'aimerais que vous nous donniez deux ou trois exemples qui nous permettraient de mieux saisir la réalité.
M. Hodgson : Tout d'abord, les propos cités dans le Maclean's sont tirés du chapitre 3 du rapport sur les obstacles. Au Conference Board, nous nous efforçons d'être objectifs, impartiaux et sans aucun lien de dépendance avec le gouvernement; nous adoptons un point de vue indépendant. Nous travaillons à partir des recherches que nous faisons dans les bases de données et aussi à partir des résultats de sondages que nous réalisons. Nous avons l'avantage de compter des milliers d'entreprises parmi les abonnés à nos services. Nous avons ainsi accès à une multitude de données. Nous avons réalisé un sondage auprès des dirigeants d'entreprises. Nous leur avons envoyé un formulaire et nous avons reçu des centaines de réponses. Et c'est là en fait ce qu'ils nous ont dit. C'était cela notre point de départ.
Je n'ai pas de remarque précise à faire sur les comptables. Ce que je peux vous dire, c'est que les économistes n'ont pas d'ordre professionnel et qu'il n'est donc pas nécessaire de se faire agréer pour devenir économiste. Dans notre secteur d'activité, c'est le marché qui détermine notre compétence. Si on est bon, on est mieux rémunéré et on obtient plus de contrats. Si on n'est pas bon, on devient chauffeur d'autobus, pour revenir à ce dont vous parliez tout à l'heure.
S'il existe des normes, c'est essentiellement pour des raisons d'efficience. Les entreprises qui sont victimes d'activités illégales ou nuisibles peuvent avoir recours au droit pénal ou au droit civil. Les normes professionnelles existent donc par souci d'efficience, car les procédures juridiques peuvent être longues et pénibles. Elles coûtent cher et peuvent s'éterniser. Il est donc plus efficient pour les ordres professionnels d'établir des normes afin de protéger l'intérêt public.
Le problème qui se pose tient en fait aux divergences quant aux normes et aux procédures à suivre pour faire respecter ces normes. De notre point de vue, à la suite de l'inventaire que nous avons fait de tous les obstacles qui existent dans les divers secteurs de notre économie et des réponses que nous avons obtenues de nos clients, il n'y a pas de raison logique pour expliquer la présence de 13 normes différentes au Canada.
Ce que nous disons notamment dans notre rapport final, et j'espère que ce sera là la phrase que l'on retiendra de mon volume, c'est qu'il faudrait créer un marché canadien unique. Nous avons, dans les faits, fragmenté notre économie nationale. C'est peut-être là un des inconvénients de faire partie d'une fédération, un des défis qui se posent quand on a plusieurs paliers de gouvernement.
Le président : Monsieur Hodgson, vous avez dû assister à toutes nos audiences. Depuis deux ans, nous disons que nous n'avons pas de marché national au Canada, que nous avons un marché fragmenté, et que c'est ce qui explique le retard que nous accusons.
M. Hodgson : Vous avez absolument raison. Lorsque je pensais à créer une image de marque, je parlais d'un environnement national. En fait, j'ai été surpris de constater que l'Europe a des années lumières d'avance sur nous en ce moment. Elle tente d'y arriver avec 27 états indépendants, mais elle s'est engagée à créer un marché européen unique. Pourquoi ne pourrait-on pas faire ça au Canada?
Le sénateur Angus : Nous sommes également indépendants et objectifs, et nous tentons d'aller de l'avant. Nous sommes surpris de voir que cette question a traîné pendant tant d'années et qu'elle a même été reléguée au second rang, après la ZLE ou l'ALENA. Selon vous, y a-t-il une volonté nationale de parer à ces obstacles?
M. Hodgson : Je crois que la volonté nationale commence à se mobiliser. La Colombie-Britannique a fait preuve de leadership — c'est le premier ministre Campbell qui a d'abord communiqué avec l'Alberta pour faire bouger les choses. La volonté nationale commence donc à se mobiliser. Je crois que la raison pour laquelle cette question a traîné pendant des décennies, c'est que personne ne s'en est chargé. Personne n'a dit « c'est mon dossier. Je vais rendre des comptes et tenter d'obtenir les meilleurs résultats pour ce qui est d'un système de normes et de processus qui protégera l'intérêt public, mais qui verra également à ce que notre économie soit aussi concurrentielle que possible. » Je suis optimiste de nature. Je cherche les signes d'encouragement.
Ce qui s'est passé avec ces deux provinces de l'ouest est un excellent début. Dans le cadre de nos déplacements d'un bout à l'autre du pays, on peut voir que de nombreuses autres provinces veulent en savoir plus. Elles veulent s'associer à nous et travailler avec nous pour tenter de cerner les avantages. Je crois que nous avons entamé un processus très positif.
Plus nous pourrons apporter d'énergie grâce à notre perspective indépendante, mieux ce sera. La productivité doit devenir une priorité nationale et être placée au centre de notre programme économique national.
Le sénateur Angus : Vous avez deviné ma prochaine question, qui est la suivante : que peut-on faire? Dans environ trois heures, le gouvernement actuel va présenter un énoncé économique qui, dit-on, mettra en évidence le besoin d'une productivité et d'une efficacité accrues. Nous sommes toujours conscients de notre rôle au niveau fédéral.
Compte tenu de votre connaissance des rouages de la fédération, pouvez-vous nous nommer une ou deux choses que le gouvernement fédéral pourrait faire?
M. Hodgson : D'abord, je dois vous dire que j'ai travaillé de près avec le ministère des Finances au cours des derniers mois. Ils ont eu l'occasion de consulter diverses ébauches de rapports. J'ai parlé avec des fonctionnaires et le personnel du ministre. Je fais partie du cercle d'économistes qui donnent des conseils à titre gratuit au ministre tôt dans le processus de consultation budgétaire. J'ai également bon espoir que le message concernant la concurrence et la productivité a été entendu, ce qui constitue un point tournant dans le cadre de notre engagement sur la productivité nationale.
Mais cette question ne relève pas entièrement du ministre des Finances, parce qu'il ou elle ne peut pas tout régler. Toutefois, diverses mesures pourraient être prises. Des mesures fiscales pourraient être prises, par exemple.
Le président : Des comptables et d'autres personnes ont dit la même chose auparavant. Toutefois, le fédéral peut exercer ses pouvoirs en matière de commerce interprovincial. Ces pouvoirs sont forts et ne sont pas remis en question. Ils datent de la Confédération. Ils sont prévus dans la Loi sur l'Amérique du Nord britannique. Essentiellement, l'entente sur la Confédération était une entente de commerce interprovincial. Le présent comité a été créé en 1867 pour examiner les questions relatives aux banques et au commerce. On ne parlait pas de banques et de commerce au Bas Canada ou au Haut Canada, mais bien d'un bout à l'autre du pays.
Pourquoi croyez-vous qu'il y a réticence de la part des gouvernements à exercer leurs compétences, qui leur donnent beaucoup de pouvoir? Avez-vous analysé cette question et examiné ce que les gouvernements ont fait au niveau fédéral pour exercer ce pouvoir?
M. Hodgson : Je crois qu'il y a une réponse politique — et comme je ne suis pas un expert en la matière, je ne vais pas m'aventurer. Mais il faut tenir compte de la complexité de la question, et du fait qu'il y a chevauchement des compétences. Je suis d'accord avec vous sénateur; il est très important que le gouvernement libéral fasse preuve de leadership sur la question de la productivité nationale et entreprenne des réformes microéconomiques dans de nombreux domaines.
Le président : Les comptables que nous avons entendus nous ont dit que le Bureau de la concurrence leur avait demandé des explications justement à cette fin. C'est parce que les pratiques anticoncurrentielles relèvent du Bureau de la concurrence. Il y a donc au gouvernement fédéral des pouvoirs qui doivent être exercés. Lorsqu'on examine cette structure, le Conseil de la fédération, on constate que le progrès est très lent. Il s'agit d'un programme très étendu. Il semble y avoir deux solitudes ici; non pas entre le Québec et l'Ontario, mais bien entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ceux-ci doivent agir de concert pour atteindre les mêmes objectifs, c'est-à-dire la productivité et la croissance.
M. Hodgson : De son côté, le Conference Board du Canada peut faire appel à sa capacité analytique et à sa capacité à mobiliser les entreprises et tenter de définir l'importance de cette question.
Le président : Vous avez parlé au ministère des Finances. Vous avez parlé au gouvernement fédéral. Avez-vous parlé aux provinces de l'impasse apparente entre les deux?
M. Hodgson : Nous parlons aux provinces toutes les semaines. En fait, nous leur parlons parfois quotidiennement, et ce, à leur invitation.
Au cours des trois à six prochaines semaines, je devrais avoir l'occasion de parler à des cabinets provinciaux et à des groupes de hauts fonctionnaires. Nous avons par exemple donné une séance d'information en Ontario sur le projet Canada. Les autorités ont bien entendu le message. Il faut établir un programme national. Nous serons heureux de parler avec autorité de notre propre recherche et de répéter le même refrain sans cesse. Notre organisme existe en partie pour exhorter les gens à prendre les bonnes décisions.
Il y a quelques idées dont j'ai parlé avec des fonctionnaires et le personnel du ministre.
Le sénateur Angus : Comme quoi?
M. Hodgson : Des choses très précises qui relèvent directement de la compétence du ministre des Finances. C'est lui qui dresse le budget. Par exemple, il pourrait allouer davantage de ressources aux études postsecondaires. C'est un cas classique; le gouvernement fédéral pourrait prendre des démarches et voir à ce qu'on investisse suffisamment dans la création de capital humain.
Il pourrait investir davantage dans les infrastructures, particulièrement dans nos villes, mais aussi entre les villes et à la frontière. En ce moment, nous avons un déficit infrastructurel national important qui représente de 60 milliards à 120 milliards de dollars. C'est très révélateur en soi, parce qu'on ne connaît pas l'ampleur du déficit. Nous avons tenté d'encourager le gouvernement à nous engager pour mesurer la taille du déficit. J'espère que nous pourrons assurer ce service de façon continue.
Imaginez la productivité perdue par les gens qui attendent sur l'autoroute 401 tous les matins à Toronto, où il faut maintenant prévoir entre une heure et une heure et quart pour se rendre au travail. Il faut trouver un moyen d'épargner ce temps et l'énergie physique dépensée pendant ce temps.
Le président : Sans oublier la pollution.
M. Hodgson : Nous allons formuler des conseils dans notre rapport définitif sur la réforme fiscale. Il y a d'autres groupes de réflexion, comme l'Institut C. D. Howe et Jack Mintz, qui fait selon moi du très bon travail. Je ne vois pas pourquoi on ferait du travail en double. Nous avons donné des conseils sur, par exemple, la réduction des effets du taux marginal d'imposition sur les travailleurs à faible revenu.
Le sénateur Angus : Votre rapport définitif sur la réforme fiscale a-t-il été publié déjà?
M. Hodgson : Il fera partie de la trousse qui sera publiée le 17 janvier. Je vous en donne ici un bref aperçu. Comme je l'ai dit, je serais heureux de revenir pour vous en parler plus en détail.
Le président : Nous traitons de cette question depuis un bon moment déjà; nous sommes donc heureux d'avoir une nouvelle cible.
Le sénateur Goldstein : Le vice-président a posé une bonne partie des questions que j'allais poser, mais j'ai quand même quelques questions pointues à poser, dont une sur les services financiers.
Il existe des coopératives de crédit et des mouvements coopératifs constitués en vertu d'une loi provinciale, surtout au Québec et ailleurs, qui, parce qu'ils sont constitués en vertu d'une loi provinciale, ne peuvent pas offrir le service à d'autres provinces à moins de reprendre en entier le processus d'enregistrement dans l'autre province où ils veulent offrir leurs services. Ainsi, si nous avons deux usines une à côté de l'autre, à cheval sur la frontière, et que les travailleurs de ces usines voulaient ou devraient avoir accès à des coopératives de crédit pour du counseling en matière de crédit et d'autres services offerts par les coopératives de crédit et non par les banques, ils ne pourraient y avoir accès à moins d'avoir une double inscription. Cet exemple démontre bien le problème qui se pose avec tant d'organismes de réglementation pour les services financiers dans les provinces et les territoires.
Pouvez-vous penser à des mécanismes qui nous permettraient de contourner ces obstacles, sauf la tâche impossible de convaincre les provinces et leurs organismes de réglementation respectifs qu'il devrait y avoir un seul organisme de réglementation?
M. Hodgson : J'aimerais bien pouvoir vous offrir une solution rapide, mais je ne crois pas qu'il y en ait une. Il faut revenir au principe de base, c'est-à-dire reconnaître que la réglementation constitue un obstacle à la concurrence. Nous disons en fait dans notre rapport qu'il est temps d'avoir un organisme national unique de réglementation des valeurs mobilières. Nous demandons aussi au gouvernement de créer un marché beaucoup plus concurrentiel dans le domaine des services financiers. Il nous faudrait peut-être avoir un point de vue très différent de la façon dont notre industrie des services financiers fonctionne au pays, mais nous croyons qu'il est temps d'avoir un marché national intégré en ce qui a trait à la disponibilité du crédit et à l'accès au capital d'investissement.
J'ai eu l'occasion de parler à des gestionnaires supérieurs du Mouvement Desjardins à Québec. Ils reconnaissent désormais que leur marché est saturé. La population du Québec vieillit rapidement. Ils savent qu'il n'y aura pas de taux de croissance spectaculaire, ils cherchent donc des façons d'offrir leurs services à des entreprises à l'extérieur des frontières du Québec. Je crois d'ailleurs qu'ils ont maintenant une autorisation en Ontario. Ils cherchent même des façons de faire affaire avec des entreprises internationales.
Ceux qui ont tiré profit de réglementation protectionniste par le passé ont eux-mêmes atteint les limites de leur modèle d'affaires. Il est permis de croire qu'ils bénéficieraient de la libéralisation des marchés, ce qui leur permettrait de concurrencer et de fonctionner dans d'autres provinces ou territoires.
Je ne crois pas qu'il y ait de solution rapide; je ne crois pas qu'il y ait de demi-mesure. Parfois, il faut passer directement à la meilleure solution, c'est-à-dire créer un organisme de réglementation national unique.
Le sénateur Goldstein : Les États-Unis ont une façon de partager les pouvoirs qui est semblable à la nôtre. Ils ont des dispositions sur le commerce qui l'emportent sur les pouvoirs des États.
M. Hodgson : Les États-Unis ont fait beaucoup de chemin au cours de la dernière décennie. En vertu de la loi Glass- Steagall, les obstacles étaient beaucoup plus importants qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, les banques sont davantage libres d'offrir des services bancaires dans tous les États.
Le sénateur Goldstein : Comment se fait-il qu'ils aient réussi avec une Constitution semblable à la nôtre, et que nous n'ayons pas pu en faire autant?
M. Hodgson : Je ne suis pas en mesure de vous répondre, parce que je ne suis pas un expert en ce qui concerne le processus suivi par les États-Unis.
Le sénateur Goldstein : Qui pourrait nous renseigner là-dessus? Si vous n'avez pas la réponse tout de suite, vous pourriez la communiquer à la greffière plus tard.
M. Hodgson : J'imagine que vous pourriez vous renseigner auprès des fonctionnaires du ministère des Finances et de la Banque du Canada.
Le président : Nous allons communiquer avec le commissaire de la concurrence. Il pourra examiner le fondement juridique de ses pouvoirs, ce qui nous permettra d'examiner cette question d'un point de vue constitutionnel.
Le sénateur Goldstein : J'aimerais aller plus en profondeur. Peut-être faut-il obtenir des exemples et de l'aide à savoir comment les Américains ont procédé pour éliminer les obstacles. Je ne sais pas si la Banque du Canada peut nous aider à cet égard.
Le président : Nous allons examiner la question, mais ce serait une bonne idée pour nous de nous en remettre aux fonctionnaires canadiens pour connaître les occasions du point de vue des compétences et de la Constitution. Nous allons certainement examiner cela.
Le sénateur Fitzpatrick : Je vous remercie du travail que vous avez réalisé. Félicitations aussi pour l'aide que vous avez obtenue de la revue Maclean's.
Nous parlons sans cesse de réduire les obstacles et d'augmenter la concurrence et la productivité. Cela va de soi. Je suis certain que tout le monde ici est d'accord. Toutefois, qu'il soit question d'organismes gouvernementaux ou professionnels, on peut se demander, dans une certaine mesure, s'ils protègent leur propre territoire. Je pense à diverses professions. Si les comptables sont toujours ici, j'espère qu'ils ne seront pas offusqués, mais dans cette profession, les divers titres professionnels semblent protéger leur propre territoire. Dans une certaine mesure, c'est la même chose pour les professions dans le domaine du droit et de la médecine dans les provinces. Nos commissions des valeurs mobilières font la même chose, tout comme le système des circonscriptions électorales.
C'est la suite du travail que vous faites, mais avez-vous de sages paroles à nous donner quant à la façon dont nous pouvons pousser ces organismes à faire preuve de leadership à cet égard? Ils ont tous des organisations professionnelles, et ces professions sont toutes pratiquées à l'échelle nationale. Les gouvernements ont le conseil des premiers ministres. Il me semble qu'ils ont simplement à se mettre au travail. Corrigez-moi si j'ai tort ou faites-nous part de vos commentaires.
M. Hodgson : Vous avez absolument raison. Ça revient à la question de savoir s'il y a changement d'attitude au sein du public et chez les leaders du pays. Ce qui est arrivé entre la Colombie-Britannique et l'Alberta est très important. Ces deux provinces se sont engagées à réduire les différences entre elles. Soudainement, nous aurons un marché libre et ouvert pour les services professionnels entre les deux.
Il y a toujours la question du bien-fondé et de savoir si les normes sont justes ou si elles constituent en fait un obstacle à l'accès, comme le disent les économistes. Les obstacles à l'accès sont établis en même temps que la rente économique, pour employer un terme de l'économie. Mais l'attitude nationale est en train de changer à cet égard.
Je crois que le débat sur la création d'un marché national ressemble beaucoup à ce que j'ai vécu pendant dix ans au ministère des Finances. C'était à l'époque des déficits, lorsque nous n'avions pas le courage et la volonté nationale nécessaire pour nous y attaquer. Il a presque fallu une crise financière. Les limites atteintes par le Mexique en 1994 ont servi au Canada, parce que nous en sommes venus à bout de cette période difficile. Le public était prêt à agir. Vous avez vu à quelle vitesse le changement s'est fait sentir. Nous sommes passés d'un déficit de 40 milliards de dollars en 1993 à des excédents en 1998. Si nous réussissons à mobiliser la volonté nationale, nous pouvons faire de même; mais la solution est très difficile à trouver. Répéter sans cesse les faits au public et à nos leaders politiques est une façon d'y arriver.
Nous pouvons dire que le vieillissement de la population causera une pénurie de main-d'oeuvre au pays. Ce problème se manifeste déjà en Alberta. Le taux de chômage est de 3,4 p. 100 à Calgary, et les entreprises cherchent désespérément des employés compétents. Si on remplaçait 13 organismes de réglementation par un seul organisme national, nous libérerions des travailleurs compétents. Ces gens pourraient être affectés ailleurs. Notre rapport parlera de la nécessité de repenser notre main-d'oeuvre.
Le président : J'espère que vous ferez mention de l'étude que nous avons publiée cette année sur la bombe à retardement démographique, car nous avons fait valoir les mêmes arguments. C'est l'une des autres questions dont nous avons dit qu'elles ont un effet important.
Le sénateur Fitzpatrick : Il nous serait très utile de bénéficier des services de notre témoin ou de ses collègues pour des exposés futurs. Nous sommes sur la même longueur d'ondes et nous voulons mettre en place autant d'incitatifs et d'éléments de motivation que nous le pouvons, que ce soit au moyen de discussions ou par d'autres moyens, afin que cela se fasse. Nous devons tous exercer des pressions, que ce soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, le gouvernement fédéral, notre comité ou le Conference Board du Canada. Il n'y a pas encore de crise, mais si nous continuons à perdre notre productivité et notre compétitivité, il pourrait bien s'en produire une.
M. Hodgson : Il n'y a pas de crise encore. Le magazine Maclean's m'a cité quand j'ai dit que le moteur fonctionnait encore mais qu'il ne tournait plus à plein régime. Si nous nous laissons aller tout doucement, nous nous retrouverons inévitablement confrontés à des crises.
Nous avons rédigé un document d'étude sur les finances, le printemps dernier, pour le Conseil de la Fédération. Nous avons établi des prévisions sur 20 ans des résultats financiers de toutes les provinces et du gouvernement fédéral. Les facteurs conjugués du vieillissement de la population et de la croissance constante des dépenses en soins de santé entraînera une crise financière dans les provinces. Après 2015 environ, les provinces se retrouveront en situation déficitaire et ce déficit se poursuivra.
Si nous voulons éviter que cela se produise, il faut entre autre rehausser le rendement de la productivité nationale. De cette façon, nous pourrions créer plus de richesse qui permettra de payer les programmes sociaux que nous souhaitons avoir en tant que nation. Il n'y a pas encore de crise, mais un simple calcul montre la possibilité qu'une telle crise se produise plus tard.
Le sénateur Tkachuk : C'est un sujet qui m'intéresse depuis déjà quelque temps, depuis que le dollar a atteint le seuil des 65 ¢ et que les taux d'intérêt ont été à 2,5 p. 100. Cela nous a peut-être aidés à résoudre le problème du déficit, mais à mon avis, cela nuit à notre productivité. Nous payons le prix des mesures qui ont été prises à cette époque, et c'est une question qui a souvent été discutée dans notre comité avec le gouverneur de la Banque du Canada.
En ce qui a trait à l'éducation, vous avez parlé de deux choses : l'éducation et l'infrastructure. L'éducation n'est pas une compétence fédérale. Quelle garantie avons-nous que les sommes supplémentaires versées au chapitre de l'éducation aux gouvernements provinciaux serviront effectivement à cette fin et non à payer des ponceaux, par exemple? Est-ce que vous préconisez un transfert direct de fonds à l'éducation? Les provinces accepteraient-elles une telle mesure?
M. Hodgson : Tout d'abord, nous examinons rarement le fonctionnement de transfert. Nous essayons de déterminer quels sont les besoins et comment il serait possible d'optimiser les ressources.
Le sénateur Tkachuk : Je sais, mais vous avez dit quelque chose d'intéressant. La question était la suivante : que peut faire le gouvernement fédéral? Vous avez nommé deux champs de compétence provinciale et municipale. Vous avez parlé de l'éducation, qui n'est pas de notre ressort. Même si nous libellons le chèque, c'est quelqu'un d'autre qui doit livrer la marchandise.
M. Hodgson : Le gouvernement fédéral a déjà obtenu des réussites importantes en matière d'investissement dans l'enseignement postsecondaire, par le truchement des conseils subventionnaires. Il est possible d'aider directement les étudiants, au moyen de programmes de prêts, afin de veiller à ce que tous les étudiants qualifiés puissent faire des études.
Nous avons fait une recherche l'année dernière — nous avons en fait publié un livre sur le fédéralisme intitulé Canada by Picasso : The Faces of Federalism, dont les auteurs sont Roger Gibbins, Antonia Maioni et Janice Gross Stein. Nous avons examiné comment on pourrait revoir le fédéralisme, remodeler la nation sans avoir à modifier la Constitution, car nous croyons que les réformes constitutionnelles offrent peu d'espoir. Nous avons trouvé l'essai de M. Gibbins très instructif. Son postulat de base est que si nous rédigions la Constitution aujourd'hui, il faudrait voir comment la main-d'oeuvre serait répartie entre les compétences fédérale et provinciales. M. Gibbons se fonde sur les travailleurs plutôt que sur l'endroit. On sait que de nos jours, les travailleurs sont très mobiles. Pour ma part, j'ai vécu dans quatre villes différentes au Canada; j'ai vécu aux États-Unis pendant trois ans et demi; je suis pourtant un Canadien typique. Les gens changent constamment d'emploi et déménagent d'une province à l'autre. On pourrait faire valoir que le gouvernement fédéral devrait investir dans les travailleurs, puisqu'il s'agit d'un investissement abordable et mobile, par opposition aux soins de santé, dont la prestation est fixée dans l'espace et qui appartiennent à la compétence des provinces. C'est une façon très intéressante d'envisager le partage de la compétence en matière de main-d'oeuvre entre le gouvernement fédéral et les provinces. C'est pour cette raison que j'ai proposé la question de l'enseignement postsecondaire.
Pourquoi, par exemple, un contribuable de la Saskatchewan paierait-il une forte somme pour qu'une jeune personne étudie à l'Université de la Saskatchewan ou à l'Université de Regina, si c'est pour voir ensuite cette même personne aller travailler à Calgary. Vous savez comme moi que cela se fait de plus en plus. C'est l'une des difficultés auxquelles la Saskatchewan sera confrontée dans les années à venir. Mais si le gouvernement fédéral fait cet investissement, par l'entremise de programmes de subvention, par une forme de transfert quelconque — le problème est peut-être limité à la transparence, à la façon d'assurer la reddition de comptes et de voir à ce que l'argent soit utilisé aux fins pour lesquelles il est versé. Il faudrait qu'il y ait transparence totale et que l'on puisse savoir à quoi l'argent est utilisé. À mon avis, c'est une approche beaucoup plus raisonnable pour voir l'efficacité de la fédération, plutôt que de demander aux habitants de la Saskatchewan de financer l'éducation au moyen de leurs impôts, même si cela en soi est très valable, alors que malheureusement c'est l'Alberta qui en recueillera les bénéfices.
Le sénateur Tkachuk : Tout cela a changé au cours des dernières années. Les étudiants ne se limitent pas non plus aux universités de leur propre province. Mon fils a fréquenté l'Université de Calgary. En outre, les frais de scolarité varient selon les provinces. Il est beaucoup moins coûteux de fréquenter une université au Québec, si vous venez du Québec. Autrement dit, il n'y a pas de traitement égal, et il est donc très difficile pour le gouvernement fédéral d'investir dans ce domaine. Même s'il investit l'argent que je lui paie en impôts en Saskatchewan, mon fils ne pourra pas bénéficier des frais de scolarité moins élevés du Québec. Il devra payer les frais de scolarité plus élevés de la Saskatchewan.
Le problème vient-il de ce que nous n'instruisons pas suffisamment de gens? Est-ce la recherche? Qu'est-ce qui nuit à la productivité? Je croyais que nous avions un taux de réussite assez élevé, en ce qui concerne le nombre de jeunes qui font des études supérieures au Canada.
M. Hodgson : Notre rapport contient toute une section sur l'enseignement postsecondaire et sur la façon d'organiser la recherche que nous avons élaborée au fil des ans. Mais permettez-moi de vous donner un exemple.
Nous avons constaté que les dépenses au titre de l'enseignement postsecondaire en proportion du PIB ont diminué au cours des 15 dernières années, passant de 6,2 à 4,9 p. 100. Vous avez tout à fait raison de dire que parmi les pays occidentaux, notre taux de diplômes des collèges et des universités est l'un des plus élevés. Mais il faut faire davantage. Nous devons veiller à ce que notre population acquiert des compétences de pointe et nous devons faire en sorte que nos universités soient à la fine pointe du progrès. C'est pourquoi nous préconisons des mesures comme les conseils subventionnaires, qui ont permis au gouvernement fédéral d'obtenir de bons résultats. C'est un exemple de cas dans lequel le gouvernement fédéral a ciblé ses ressources et en a récolté les bénéfices.
Le sénateur Tkachuk : C'est une question de qualité.
M. Hodgson : Je comprends ce que vous dites quand vous parlez de champs de compétence, ainsi que des différences, et il faut avouer que ce sont d'autres formes d'obstacles entre les provinces.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez également parlé d'infrastructure. Comment le gouvernement fédéral en est-il venu à combler les nids-de-poule et à réparer les ponceaux? À quoi sert-il que les gens paient des impôts fonciers et des impôts provinciaux, lesquels, à l'extérieur de l'Alberta, sont très élevés. Cet argent est censé servir à la réfection des routes, à la réparation des nids-de-poule et à l'infrastructure. Pourquoi le gouvernement fédéral s'occupe-t-il de cela?
M. Hodgson : La présidente de mon organisation en aurait long à dire sur ce sujet, puisque sa section est urbaine. Nous avons examiné cette question de façon approfondie également, mais l'économiste que je suis pense que le problème fondamental réside dans le fait que nous n'avons pas donné à nos villes suffisamment de pouvoir pour ce qui est de lever des impôts, suffisamment de capacité financière pour qu'elles puissent régler ces problèmes elles-mêmes. Les villes sont encore en grande partie sous la tutelle des provinces. Si le gouvernement fédéral souhaite intervenir, il doit d'abord donner l'argent aux provinces pour qu'il soit distribué aux villes. Nous avons des opinions assez radicales quant à la façon dont les fonds devraient être répartis entre les villes également, et ce ne serait pas en fonction du nombre d'habitants. Il existe des arguments convaincants pour que l'on donne davantage d'argent aux grandes villes de notre pays, puisqu'elles sont le moteur de la croissance. Si vous voulez que nous en discutions plus à fond, je le ferai avec grand plaisir.
Le sénateur Tkachuk : Pour ma part, j'estime que plus le sommet verse d'argent vers la base, moins la base se sent responsable d'utiliser cet argent à bon escient.
Il existe déjà une structure de gouvernance semblable au Canada, dans les cas des réserves, auxquelles des chèques sont envoyés. Mais à moins que le payeur sache à quoi l'argent est dépensé dans la municipalité, plus on envoie d'argent aux villes, moins elles dépensent cet argent de façon responsable. L'argent servira à doubler le nombre des employés des villes et à mieux rémunérer leurs gestionnaires. L'argent devrait être donné à la population au moyen de réduction des impôts fonciers, si plus tard la ville a encore besoin d'argent, elle pourra prélever des impôts.
M. Hodgson : Le principe fondamental, c'est que celui qui dépense devrait obtenir les revenus nécessaires. Je suis d'accord avec cela. Je signale également toutefois que nos villes ne peuvent prélever de taxe de vente et d'impôt sur les revenus, comme le font des villes ailleurs au monde. C'est pour cette raison que ces dernières jouissent d'une meilleure situation financière et que leur infrastructure est en meilleur état que la nôtre. Ces villes dépendent encore grandement des transferts venant des deux autres ordres de gouvernement, et comme nous le faisons valoir dans notre troisième volume, ces transferts sont largement insuffisants depuis maintenant près de 20 ans.
Le sénateur Moore : En ce qui a trait à un organisme national de réglementation des valeurs mobilières, vous avez dit que quelqu'un au Québec reconnaît que la province a atteint son potentiel maximum en matière d'investissements selon la structure actuelle et qu'il serait avantageux entre autres pour cette province qu'il y ait un seul organisme national de réglementation des valeurs mobilières.
Je n'ai entendu aucun témoin de cette province tenir pareil propos. Devrions-nous inviter un témoin de cette province, pourriez-vous nous envoyer un document qui confirmerait ce que votre recherche a révélé?
Si je pose cette question, c'est que chaque fois que nous abordons cette question, on nous dit toujours que le Québec s'oppose à cette mesure. Mais d'après ce que vous semblez dire, l'économie amènerait la province, ou ceux qui la dirige, à l'accepter. Comment pourrions-nous obtenir ce renseignement de façon publique afin que nous puissions défendre cette mesure?
M. Hodgson : Ce n'est pas un dossier que nous avons examiné de façon détaillée. Notre point fort, c'est bien sûr notre capacité de recherche. Mais si vous voulez discuter de cette question, communiquez avec les dirigeants du secteur des services financiers au Québec. Demandez-leur quels sont leurs plans d'entreprise. Dans une province où...
Le sénateur Moore : Cela pourrait être utile. Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit?
M. Hodgson : J'ai parlé des dirigeants du secteur des services financiers. Comme vous le savez, le marché du Québec est très différent des autres marchés au Canada. Il est davantage dominé par des organismes établis au Québec, et le Mouvement des Caisses populaires est l'un des grands intervenants de ce marché. Pour un bon homme d'affaires du Québec...
Le sénateur Moore : Croyez-vous qu'ils seraient plus favorables à cette mesure qu'il y a cinq ou dix ans?
M. Hodgson : Il faudra leur poser la question. Mais si je devais donner des conseils au directeur d'une Caisse populaire du Québec, compte tenu du vieillissement de la population et de ce que le dynamisme du marché de la province n'est peut-être pas aussi vigoureux qu'ailleurs au pays — les gens d'affaires visent naturellement la croissance. Cela pourrait les amener à examiner la structure réglementaire et à voir s'ils souhaitent une structure plus souple et plus transparente.
Le sénateur Moore : Si un seul organisme national de réglementation était créé, combien de temps faudrait-il? Combien de temps faudrait-il pour que les marchés en montrent les avantages? Suffirait-il d'un an ou de cinq ans? S'il existe une volonté dans ce sens, combien faudrait-il de temps pour mettre cette mesure en place?
M. Hodgson : Cela dépend de l'ampleur de cette volonté. Prenez le cas de l'entente entre la Colombie-Britannique et l'Alberta en matière de commerce, d'investissement et de mobilité de la main-d'œuvre.
Le sénateur Moore : J'estime que c'est une mesure constructive. Ces provinces n'étaient pas vraiment en faveur de cette mesure au départ, mais je crois qu'elles s'y sont maintenant ralliées, et nous n'entendons plus de protestations de leur part.
M. Hodgson : Lorsqu'il existe encore des écarts entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, on a autorisé une période de transition de trois ans pour les métiers désignés. Il ne s'agissait pas d'une mesure radicale; trois années représentent une longue période d'ajustement.
Franchement, cela dépend de l'ampleur de la volonté. Cela pourrait se faire du jour au lendemain. S'il y avait une volonté suffisante, on pourrait demander à quelqu'un de rédiger un document et avoir une norme unique dans deux semaines.
J'ai représenté le Canada dans de nombreuses négociations internationales lorsque je travaillais au ministère des Finances et à EBC. Nous avons mis sur pied la Banque européenne pour la reconstruction et le développement en trois mois. Il ne s'est écoulé que trois mois entre la chute du rideau de fer et la création de la BERD, mais il m'a fallu trois ans pour négocier une entente sur l'environnement avec l'OCDE. La différence ne tenait qu'au leadership et à la volonté politique.
Le sénateur Moore : Je m'intéresse beaucoup à l'enseignement postsecondaire et j'ai bien aimé vos observations. Le gouvernement fédéral participe au domaine de l'éducation à peu près depuis qu'il a été créé. Nous disons que c'est une question de compétence provinciale, mais le gouvernement fédéral investit de huit à neuf milliards de dollars chaque année dans l'enseignement postsecondaire et la recherche.
J'ai préconisé au Sénat à diverses reprises la création d'un transfert distinct, c'est-à-dire que l'on retire l'argent destiné à l'éducation du transfert canadien aux titres des programmes sociaux, afin que nous puissions avoir la reddition de comptes dont vous avez parlé, comme l'a mentionné le sénateur Tkachuk.
Récemment, en Nouvelle-Écosse, 28 millions de dollars avaient été réservés pour des projets d'infrastructure, car un grand nombre de ces installations nécessitent des investissements pour une mise à niveau afin qu'elles respectent le Code du bâtiment... Il s'agissait de rendre ces installations plus efficaces afin, espérait-on, de réduire les frais de scolarité. Au lieu de cela, la province a distribué l'argent aux étudiants — 400 dollars pour chaque étudiant néo- écossais qui fréquente l'Université de la Nouvelle-Écosse. Un montant suffisant pour qu'ils puissent se payer une fête de fin de semaine. Et ce n'est pas cela le but.
Comment peut-on garantir que l'argent aboutit là où il est supposé aller? Nous ne pouvons plus permettre des choses comme celle-là, car une activité politique semblable n'aide pas les établissements et ne favorise pas l'enseignement postsecondaire en général. Cela n'a pas d'effet à long terme et ce n'est pas une bonne façon de procéder. Avez-vous examiné la possibilité de créer un transfert distinct pour l'éducation?
M. Hodgson : Nous n'avons pas examiné en détail de telles mesures. Nous examinons les principes fondamentaux et le moyen de mettre en place un cadre nécessaire. Nous serions très heureux de nous attaquer à cette question si quelqu'un nous payait pour le faire. Le principe fondamental, et vous l'avez déjà mentionné, c'est la transparence.
Le sénateur Moore : Mais comment peut-on l'obtenir? Il n'y a aucun avantage de verser l'argent aux provinces si cet argent n'est pas utilisé aux fins pour lesquelles il a été versé. Nous disons que la productivité et d'autres enjeux importants dépendent de l'éducation. Au cours des dernières semaines, on nous a parlé des taux d'analphabétisme au pays. En Nouvelle-Écosse, durant la semaine de l'alphabétisation, nous avons appris que 19 jeunes sur 20 qui postulaient à un emploi chez Michelin en Nouvelle-Écosse ne pouvaient être embauchés parce qu'ils n'arrivaient pas à faire des calculs de mathématique de neuvième année. Pensez-y, nous sommes en 2006.
Je veux simplement insister sur l'importance de l'éducation et sur le rôle du gouvernement fédéral. C'est un problème énorme et fondamental. Cet atout humain dont vous parlez — ce sont ces travailleurs qui sont touchés.
M. Hodgson : Je suis d'accord avec vous sur le fait que le gouvernement fédéral contribue déjà à ce dossier. Il s'agit donc de trouver le moyen de faire en sorte que les fonds soient utilisés là où on en tirera le plus grand profit. L'avantage des chaires de recherche, c'est qu'elles ont atteint ce but.
Le sénateur Moore : Ça, c'est utile.
Le sénateur Tkachuk : Qu'en est-il des bons d'études? Le Conference Board a-t-il examiné cette question? Pourquoi ne pas permettre aux étudiants de poursuivre leurs études dans l'université canadienne de leur choix, dans celle qui répond le mieux à leurs besoins?
Le sénateur Moore : Ils voudront tous venir en Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Tkachuk : C'est possible, ce serait excellent. Les universités se feraient de la concurrence pour attirer les étudiants et obtenir ainsi ces fonds et la qualité des universités s'améliorerait. C'est ce que je crois, mais pourquoi pas? Pourquoi donnerions-nous l'argent au gouvernement? Pourquoi ne pas la remettre aux étudiants?
M. Hodgson : Nous n'avons pas fait un examen approfondi de ce mécanisme. Nous effectuons nos recherches en analysant les pratiques exemplaires au niveau international. Nous examinons par exemple les pratiques aux États-Unis, en Europe et en Asie afin de déterminer quelle est la meilleure pratique, ou quelles sont les meilleures pratiques que nous pourrions adopter ici. C'est notre façon habituelle de fonctionner.
Le président : Nous cherchons tous la solution miracle. Nous avons examiné la question et nous avons constaté que les faits sont clairs et nets. La question est de savoir comment nous pouvons susciter la volonté politique et le leadership au Canada, aux niveaux tant fédéral que provincial, afin que nous adoptions la solution qui s'impose de façon incontestable. Il n'y a pas de divergence d'opinion. Il s'agit maintenant de déterminer quelle solution nous allons retenir.
Avez-vous examiné l'autre volet de notre étude? Nous avons décidé d'examiner les obstacles au commerce interprovincial et ensuite les nouvelles régions économiques qui se forment le long de la frontière et qui nous offrent un modèle compétitif. Je veux parler de la région économique du Nord-Ouest du Pacifique (PNWER). Il existe à l'heure actuelle, à diverses étapes d'avancement, des partenariats privés-publics tout le long de la frontière qui misent sur leurs intérêts et leurs objectifs économiques communs.
La PNWER est la région la plus avancée au pays. Nous observons son évolution depuis une décennie environ. Le sénateur Moore a assisté à sa dernière rencontre à Whistler, il y a environ une semaine. Il s'agit essentiellement d'un partenariat privé-public entre l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Yukon et les États américains limitrophes qui bénéficient d'une dotation législative qui a pour mission d'examiner les pratiques exemplaires et les mécanismes de coordination communs qu'il s'agisse de la recherche, des nanotechnologies, du tourisme, de l'investissement, de la porte d'accès du Pacifique, et quoi encore.
Le Conference Board du Canada a-t-il examiné ce phénomène nouveau et a-t-il tenté de comparer l'efficacité de l'accroissement de la productivité par rapport à l'efficacité de la structure provinciale qui existe et qui est de plus en plus perçue comme un obstacle à la croissance plutôt que comme un moteur de la croissance?
M. Hodgson : En bref, non, mais pour vous donner une réponse plus longue, j'expliquerais que depuis quelque temps j'ai créé un nouveau centre au sein du Conference Board du Canada. Nous l'avons baptisé International Trade and Investment Centre. Nous sommes à élaborer le plan de recherche du Centre. L'examen du PNWER ne fait pas partie des cinq premiers projets que nous avons lancés mais je dois rencontrer la semaine prochaine les investisseurs de l'ITIC qui incluent quatre gouvernements provinciaux, dont la Colombie-Britannique et l'Alberta, trois ou quatre organismes fédéraux et un certain nombre d'intervenants du secteur privé. Je me ferais un plaisir de me renseigner d'ici mercredi prochain et d'ajouter cette question à la liste des idées que nous pourrons examiner.
Le président : Je recommande de le faire parce que nous avons découvert, dans le cadre de nos travaux au sein du comité mais aussi au sein du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, que c'est un phénomène nouveau et dynamique qui est mal connu des gouvernements. Je suis absolument convaincu que l'accord provincial entre l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Yukon a grandement contribué à favoriser l'établissement de relations transfrontalières en raison de leur succès à cet égard ici au Canada. Il existe des organisations semblables dans tout le Canada, d'Est en Ouest, qui en sont à diverses étapes d'avancement, et qui dépendent de la volonté du gouvernement fédéral d'assumer le leadership. Par exemple, une entente très soigneusement documentée a été conclue entre l'ancien premier ministre Harris de l'Ontario et le gouverneur Pataki de l'État de New York en 2000, mais le gouvernement qui a succédé à M. Harris n'a pas eu la volonté politique d'y donner suite.
Il serait très utile pour le comité que vous examiniez cela, car cela fera partie de nos recommandations. Nous aimerions ainsi avoir les observations et conseils du Conference Board du Canada avant de terminer cette étude.
M. Hodgson : Dans les trois ou quatre jours qui vont précéder la réunion de l'ITIC la semaine prochaine, je vais examiner la question. Google est un outil de recherche remarquable; on y apprend tout sur le monde en un quart d'heure.
Le président : Peut-être que lorsque vous reviendrez au début de l'année, vous pourrez également me parler de cela, parce que nous nous efforcerons de trouver des moyens d'accroître la productivité et ceci pourrait être un bon moyen.
M. Hodgson : En fait, monsieur le président, cela va tout à fait dans le sens des conseils contenus dans notre rapport final. L'ALENA est clairement arrivé à maturité, à la fin de sa première phase; les prochaines seront beaucoup plus complexes parce que nous allons devoir parler des barrières non tarifaires. Tout ce qui peut améliorer la collaboration nord-sud et est-ouest est un pas en avant. Il est évident que notre avenir réside dans une économie nord-américaine intégrée et nous devrions faire la même chose dans nos relations avec les États-Unis que ce que nous faisons au Canada pour réduire les obstacles à la concurrence et accroître la productivité de notre économie.
Le président : J'ai regardé d'abord la PNWER parce que c'est le plus avancé de tous les nouveaux systèmes d'entente régionale.
M. Hodgson : Je remercie le comité de ses conseils.
Le président : Nous vous remercions des informations que vous nous avez communiquées. Cela été une séance très utile. Nous veillerons à ce que vos collègues et vous même comparaissiez à nouveau devant le comité après la publication de votre rapport afin que nous puissions nous entendre sur ce que nous pourrions recommander.
M. Hodgson : Nous nous ferons un plaisir de revenir.
La séance est levée.