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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 12 - Témoignages du 6 décembre 2006


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l'impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 16 h 3 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, l'audience d'aujourd'hui est télévisée sur CPAC d'un bout à l'autre du Canada et diffusée sur Internet partout dans le monde. Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue, à vous et à vos collègues pour cette importante mesure.

Vous vous souviendrez, monsieur le ministre et chers collègues, que notre comité a été autorisé, le 16 mai 2006, à entreprendre un examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, loi précédant celle que nous étudions. Nous avons déposé un rapport d'étape intitulé Comment endiguer l'hémorragie de l'argent illicite : Une priorité pour le Canada. Nous estimons que cette mesure est essentielle pour l'intégrité et la transparence de l'économie canadienne, si le Canada veut maintenir sa réputation internationale comme économie honnête et franche qui endigue, autant que possible, les flux d'argent illicite dans notre économie.

Aujourd'hui, nous sommes ravis de passer à l'étude du projet de loi C-25.

Mesdames et messieurs, nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue au ministre des Finances, l'honorable James Michael Flaherty, C.P., député, qui vient de ma province. Il est accompagné de ses assistants, Serge Dupont, sous-ministre adjoint; Diane Lafleur, directrice; et Lynn Hemmings, chef de la Division du secteur financier.

L'honorable James Michael Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui avec des fonctionnaires du ministère des Finances. Je remercie les honorables sénateurs de l'excellent travail qu'ils ont effectué et qui a aidé à formuler le projet de loi dont je vais maintenant parler.

[Français]

Je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant ce comité afin de discuter du projet de loi C-25. Ce projet de loi contient d'importantes modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

[Traduction]

Ces mesures témoignent de l'engagement du nouveau gouvernement du Canada de veiller à ce que le Canada renforce sa capacité de lutter contre le crime organisé et le financement du terrorisme, et de conserver sa réputation internationale de chef de file dans ce domaine.

Tout d'abord, je tiens à ce qu'il soit bien clair que le Canada n'est en aucune façon un pays où il est facile de blanchir de l'argent ou de financer des activités terroristes. N'empêche que nous serons impitoyables dans notre lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Depuis 2001, le Canada s'est doté de l'un des meilleurs régimes au monde de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.

Notre organisme du renseignement financier, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), a fait d'importants progrès pour déceler les opérations que l'on soupçonne de relever du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes, et le Canada continue de travailler de près avec ses partenaires nationaux et internationaux afin d'améliorer le régime.

L'un des meilleurs moyens de mettre en échec ces criminels est de les priver des fonds dont ils ont besoin pour financer leurs menées destructrices. Le gouvernement a prévu dans le budget de 2006 une somme de 64,4 millions de dollars pour le CANAFE, la Gendarmerie royale du Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada et le ministère de la Justice, afin de mettre en œuvre de nouvelles normes internationales et de renforcer notre capacité d'analyse, d'enquête et de poursuite.

Ces fonds feront en sorte que le régime canadien demeure rigoureux et actualisé. Ils aideront la Gendarmerie royale du Canada à augmenter le nombre d'agents affectés aux dossiers de blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes. Ils serviront à accroître la capacité de l'Agence des services frontaliers du Canada de repérer des devises non déclarées dans les aéroports et aux passages frontaliers. Ils permettront au CANAFE de mieux analyser les rapports des opérations financières et de surveiller l'observation de la loi dans des secteurs financiers non réglementés, comme celui des entreprises de transfert de fonds.

Le nouveau gouvernement du Canada prend des mesures concrètes pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui se fonde sur ces initiatives et les renforce. Il s'appuie aussi sur des conseils d'experts de partout au pays.

En prévision du projet de loi, le ministère des Finances a publié un document de consultation intitulé Améliorer le régime canadien de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes. Le ministère a reçu plus de 50 mémoires de divers intervenants et a tenu par la suite des consultations en personne. Le projet de loi C-25 renferme donc des modifications qui répondent aux préoccupations de l'industrie et allègent le fardeau de l'observation. Le projet de loi donne suite aux recommandations formulées par la vérificatrice générale dans son rapport de 2004 et à une évaluation du régime de lutte contre le financement des activités terroristes effectuée par le Conseil du Trésor également en 2004.

[Français]

Pour mettre au point les mesures contenues dans ce projet de loi, le gouvernement a pu profiter des conseils de votre comité. Votre rapport provisoire préconisait, avec beaucoup de sérieux et de discernement, des mesures plus strictes pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Nous en avons, bien sûr, tenu compte dans la rédaction du projet de loi C-25.

Je tiens à vous remercier pour ces suggestions et ces conseils, qui nous ont été très utiles.

[Traduction]

Il importe de se rappeler, à l'examen de ce projet de loi, que les modifications proposées feront que le régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes sera plus efficace que jamais. En effet, ce projet de loi rendra notre régime conforme aux nouvelles normes établies par le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux. Comme vous le savez, le GAFI est l'organisme international de normalisation qui a pour objet de mettre au point et de promouvoir les politiques de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.

Le Canada a assumé la présidence du GAFI cette année et j'ai eu l'honneur de rencontrer bon nombre des membres du Groupe en octobre dernier, durant la séance plénière qu'il a tenue à Vancouver. Des fonds ont également été fournis pour l'emménagement à Toronto de l'administration centrale du Egmont Group.

Si vous le permettez, j'aimerais maintenant prendre quelques minutes pour expliquer comment les propositions prévues dans le projet de loi C-25 répondront aux normes internationales. Ce faisant, je montrerai aussi comment ce projet de loi répond au rapport de la vérificatrice générale et à l'évaluation menée par le Conseil du Trésor. En particulier, vous verrez comment les recommandations de ce comité ont été essentielles dans l'élaboration de ce projet de loi.

La première question est celle de la protection des renseignements personnels des Canadiennes et des Canadiens, et nous convenons tous qu'elle a beaucoup d'importance. Le projet de loi C-25 a été modifié de manière à inclure une exigence législative selon laquelle le commissaire à la protection de la vie privée doit procéder tous les deux ans à un examen des mesures que prend le CANAFE afin de protéger l'information qu'il reçoit ou qu'il recueille. Les résultats de ces examens seront déposés au Parlement. Je tiens à souligner que ce processus d'examen renforcera les mesures de protection déjà en place pour protéger les renseignements personnels des Canadiens.

[Français]

Pour qu'un régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme soit efficace, les intermédiaires financiers doivent absolument appliquer des mesures plus rigoureuses concernant la vérification de l'identité de leurs clients et la tenue de documents.

Dans le cas de leurs clients à risque élevé, ils doivent aussi assurer une surveillance constante et vérifier l'identité des personnes ayant la propriété effective des biens.

[Traduction]

Le projet de loi C-25 propose la mise en œuvre de ces exigences, et encore davantage. Par exemple, l'une des recommandations présentées par ce comité consistait à exiger la déclaration des tentatives d'opérations douteuses. Le projet de loi C-25 exige la déclaration de ces opérations, et le CANAFE conseillera les entités déclarantes au sujet des indicateurs de ce genre d'opérations. Comme vous le savez, il y a eu dans les dernières années une augmentation substantielle du nombre d'entreprises de transfert de fonds et de courtiers de change. Ces entreprises ne sont pas réglementées à l'heure actuelle. Afin d'y remédier, le projet de loi C-25 propose que soit établi un nouveau système d'inscription administré par le CANAFE. Ce système constituera un outil visant à accroître l'observation des exigences prévues aux termes de la loi. Une nouvelle infraction sera aussi créée dans le cas des personnes qui exploitent une entreprise de transfert de fonds non inscrite. En outre, et conformément à l'une des recommandations de ce comité, les négociants en métaux précieux, en pierres précieuses et en bijoux seront ajoutés à la liste des entreprises tenues de déclarer au CANAFE les opérations en espèces de plus de 10 000 $. Ils seront aussi tenus de déclarer toute opération douteuse.

D'importants changements qui seront apportés aux dispositions législatives sur le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes ont trait au partage de l'information entre les organismes chargés de faire observer les lois. Ces modifications vont permettre d'accroître la portée et l'efficacité du régime canadien. En particulier, le projet de loi C-25 propose des modifications permettant l'échange de renseignements entre le CANAFE, l'Agence du revenu du Canada et les organismes chargés de faire observer des lois, afin de prévenir et de déceler l'utilisation illicite d'organismes de bienfaisance enregistrés aux fins du financement d'activités terroristes.

Dans le but d'accroître l'utilité des renseignements communiqués par le CANAFE, l'éventail de renseignements pouvant faire l'objet de communications sera élargi, tout comme la liste des bénéficiaires de ces communications. Cela inclut le Centre de sécurité des télécommunications et l'Agence des services frontaliers du Canada. En outre, l'Agence pourra partager, à l'interne, la déclaration des mouvements transfrontaliers d'espèces aux fins de l'application des lois sur l'immigration. Dans le but d'apaiser les craintes en matière de protection des renseignements personnels, il est important de souligner une fois de plus que le projet de loi continue de protéger les renseignements personnels des Canadiens en maintenant les mesures de protection déjà incorporées au régime. En fait, la loi appuie cette protection en appliquant des sanctions pénales sévères aux cas de communication non autorisée de renseignements.

[Français]

En ce qui concerne les avocats, votre rapport provisoire recommandait au gouvernement de conclure ses négociations avec les membres de la profession juridique. Je tiens à souligner que le projet de loi C-25 exclut les juristes de l'obligation de signaler les opérations douteuses et les opérations visées par un règlement pris en vertu de la loi, de façon à respecter les règles du secret professionnel.

[Traduction]

Comme vous le savez peut-être, les barreaux provinciaux et territoriaux ont adopté une règle type qui interdit aux conseillers juridiques de recevoir une somme en espèces supérieure à 7 500 $, et ce, pour quelque dossier que ce soit. Cette règle s'attaquera au problème de l'entrée des espèces dans le système financier et elle remplacera l'exigence de déclaration des opérations importantes en espèces. La loi n'élimine toutefois pas les dispositions qui exigent que les conseillers juridiques adoptent des mesures d'identification des clients, de tenue de registres et d'observation interne en leur qualité d'intermédiaires financiers. Le ministère des Finances discute actuellement de la portée de ces mesures avec la profession juridique, ainsi que des moyens d'en surveiller l'application.

En sa qualité de membre fondateur du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, le Canada s'est engagé à mettre en œuvre 40 recommandations relatives au blanchiment d'argent et neuf recommandations spéciales concernant le financement des activités terroristes. Honorables sénateurs, cela n'est qu'un autre exemple du sérieux avec lequel le nouveau gouvernement du Canada aborde ces questions, et ces mesures montrent que le gouvernement veillera à ce que le Canada joue un rôle actif dans la lutte mondiale contre le terrorisme.

Vous savez sûrement que, dans notre monde de plus en plus interconnecté, l'activité criminelle exercée dans un pays peut avoir un effet d'entraînement bien au-delà de ses frontières. C'est la raison pour laquelle il est essentiel pour nous et nos partenaires du G7 de travailler en étroite collaboration et de façon continue. Nous devons être diligents, quant à nous, si nous voulons empêcher les criminels et les terroristes d'utiliser nos systèmes financiers pour financer leurs activités criminelles.

Honorables sénateurs, c'est précisément l'objectif visé par le projet de loi C-25 et c'est pourquoi nous devons l'adopter rapidement. Les mesures prévues dans ce projet de loi nous aideront à conserver une longueur d'avance sur les criminels qui essaient d'utiliser nos banques et nos autres institutions financières à des fins illicites. C'est un combat que nous pouvons gagner. Et c'est un combat que nous devons gagner. Les propositions contenues dans le projet de loi C-25 nous aideront à y parvenir.

J'aimerais donner au comité une idée de l'efficacité du régime de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes jusqu'ici. Depuis le 1er avril 2002, 567 accusations de blanchiment d'argent ont donné lieu à des poursuites du procureur général. En outre, le régime canadien de déclaration des mouvements transfrontaliers de devises a permis, depuis sa création, de procéder à plus de 5 000 saisies d'une valeur d'environ 132 millions de dollars, dont plus de 34 millions ont été remis au gouvernement à titre de produits de la criminalité. Comme l'ont indiqué les articles de journaux concernant la récente arrestation, à Montréal, de 73 personnes soupçonnées d'appartenir au crime organisé, des renseignements financiers fournis par le CANAFE ont constitué un élément clé de l'enquête policière.

En conclusion, les modifications proposées dans le projet de loi C-25, de même que les ressources additionnelles annoncées dans le budget de 2006 pour les organismes chargés de faire observer les lois, aideront le CANAFE à produire des renseignements financiers pertinents et en temps opportun.

[Français]

Ces mesures vont aussi renforcer les outils à la disposition des organismes chargés de contrôler l'application de la loi pour enquêter sur les cas présumés de blanchiment d'argent et de financement d'activités terroristes. Ce projet de loi aidera le Canada à demeurer un chef de file incontesté dans la lutte mondiale contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

[Traduction]

Nous vivons dans un monde où les menaces du terrorisme et des activités criminelles à l'échelle internationale sont omniprésentes. Pour en venir à bout, il nous faut être vigilants, inlassables et plus ingénieux que nos adversaires. L'un des meilleurs moyens de mettre en échec ces criminels est de les priver des fonds dont ils ont besoin pour financer leurs activités terroristes.

Une fois de plus, je remercie le comité de sa précieuse contribution à cet important texte de loi. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Je crois avoir oublié de mentionner qu'il s'agissait d'une première comparution devant notre comité pour le ministre Flaherty. Nous nous faisons un plaisir à l'idée de travailler avec vous, monsieur le ministre, dans l'intérêt du Canada dans son ensemble.

Nous sommes également heureux de l'examen rapide des recommandations de notre comité et de l'inclusion de plusieurs d'entre elles dans les modifications envisagées. Entre autres, les GAB, les entreprises de services financiers non enregistrées, les bijouteries, les organismes de bienfaisance et l'augmentation des budgets de poursuite judiciaires, toutes d'excellentes choses, selon nous. Je ne vais pas préjuger du projet de loi avant d'avoir entendu ce que les autres sénateurs ont à dire. Je passe la parole au vice-président du Comité des banques, le sénateur Angus, de Montréal, qui va ouvrir la période des questions.

Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, je me joins au président pour vous souhaiter de tout cœur la bienvenue au Comité des banques. Vous savez sans doute que la plupart, voire la totalité, des mesures législatives élaborées par votre ministère finissent par être soumises à notre comité. Nous espérons que c'est aujourd'hui la première de nombreuses comparutions. Vous conviendrez, j'espère, que nous examinons attentivement vos projets de loi. Je voudrais d'ailleurs souligner combien nous apprécions la présence de Mme Lafleur, de Mme Hemmings et de M. Dupont, avec qui nous avons travaillé pour nous efforcer de comprendre ce qui sous-tendait le projet de loi.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué qu'il était nécessaire d'adopter rapidement le projet de loi; on a dit au comité que cela devait se faire de toute urgence avant la fin de 2006. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet, monsieur le ministre, afin que mes collègues et moi mesurions véritablement si la question presse. À moins que les audiences ne nous révèlent quelque chose d'inattendu, vous constaterez que nous prêterons une oreille attentive à toute demande raisonnable.

M. Flaherty : Je suis convaincu de votre capacité à prêter une oreille attentive à des demandes raisonnables et je m'efforcerai d'être raisonnable. Notre première préoccupation est le rôle de premier plan qu'assume le Canada cette année, avec la présidence du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux. Nous avons tenu une grande réunion à Vancouver, en octobre, et le Canada joue un rôle de chef de file à l'échelle internationale dans ce domaine. Nous serons évalués l'an prochain par rapport aux 40 recommandations et aux autres questions que le Groupe d'action financière impose aux pays membres. Or, le Canada veut être le meilleur. À cet effet, il nous faut certains des outils que comporte le projet de loi C-25 que vous étudiez actuellement. Nous aimerions aller de l'avant, une fois que le projet de loi aura franchi toutes les étapes du processus législatif, et mettre la loi en vigueur, afin d'avoir de bons résultats dans notre évaluation l'an prochain.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur le ministre. Comme vous et les fonctionnaires de votre ministère le savez, la loi précédente et le projet de loi actuel comportent tous deux un examen obligatoire de la loi. C'est en rapport avec l'examen de la loi précédente que notre comité s'est attaqué aux questions soulevées par le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux au niveau international, ainsi que par l'ampleur manifeste du problème des fonds illicites en circulation, dans l'économie mondiale, mais aussi spécifiquement au Canada, problème dont nous n'avions pas conscience auparavant.

C'est en découvrant, dans le cadre de notre examen, la pointe de l'iceberg que nous avons pris conscience de l'importance du dépôt du présent projet de loi dans l'autre endroit. Si je précise tout cela, c'est pour indiquer que nous n'avions pas fini notre processus d'examen. Je tiens à souligner, à votre attention et à celle des fonctionnaires de votre ministère, que notre examen se poursuit. Notre rapport, que vous avez la bonté de mentionner en termes positifs, était un rapport d'étape, ce qui était clairement indiqué. J'espère que vous comprendrez notre position et que vous nous aiderez. La seule façon dont nous pouvons aider le Canada à être le meilleur est en allant au fond des choses. Ces questions ont trait à l'ampleur du problème, qu'il s'agisse de 30 milliards ou de 10 milliards de dollars, aux organismes d'application de la loi saisis des données finalement transmises au CANAFE et à leur travail. Nous avons toute une série de questions encore sans réponse dans ce domaine. J'espère que vous nous aiderez à effectuer notre étude; nous soumettrons notre rapport définitif quand le moment sera venu.

J'ai une question précise. Certaines personnes apparemment bien informées nous ont dit que d'autres pays membres du Groupe d'action avaient imposé des mesures plus contraignantes aux conseillers juridiques. Elles nous ont presque laissé entendre que le Canada se défile un peu dans ce domaine. Je dois d'ailleurs vous dire que, lors d'une récente visite que nous avons effectuée à New York, où nous nous sommes entretenus avec le procureur du district de Manhattan, nous avons constaté que leurs dispositions s'appliquant aux avocats étaient plus contraignantes que les nôtres. Nous savons aussi que la loi précédente, chez nous, comportait des dispositions plus contraignantes, mais qu'elles n'ont pas pu être appliquées aux avocats, à la suite d'un recours à la Charte qui s'est traduit par une injonction, que ce soit une bonne chose ou pas.

Vous nous avez décrit un processus mis en place. Après en avoir lu la description, et le mémoire que nous avons reçu hier de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, d'autres décisions rendues récemment par les tribunaux concernant le secret professionnel au Canada, et l'affaiblissement de ce prétendu secret professionnel, j'aimerais savoir comment les Canadiens pourraient être rassurés quand vous parlez de « contrôle de la conformité dans le cadre du modèle que nous avons élaboré »? Cela nous préoccupe sérieusement.

M. Flaherty : Nous sommes tous les deux avocats et nous pouvons en discuter.

Le sénateur Angus : Il y en a plusieurs autour de cette table.

M. Flaherty : Oui, plusieurs. Vous avez raison; il y a eu des causes devant les tribunaux au Canada. Comme vous le savez, des injonctions ont été délivrées concernant les obligations de rapport et les questions touchant le secret professionnel.

J'ai rencontré des représentants des milieux juridiques il y a quelques mois et nous avons eu une discussion très animée. J'apprécie grandement le travail que fait ce comité, parmi d'autres, particulièrement sur cette question assez épineuse, étant donné le privilège reconnu de longue date du secret professionnel. J'ai confiance que les barreaux feront respecter cette règle des 7 500 $ par transaction en espèces. Je suppose que la question prendra éventuellement moins d'importance quand notre société utilisera moins fréquemment le comptant et que tout se fera au moyen de cartes de débit et de cartes de crédit. Pour l'heure, cette règle devrait être appliquée et nous devrions pouvoir compter sur les barreaux du Canada pour la faire appliquer strictement. Comme je l'ai déjà dit, je serais heureux que vous me prodiguiez de plus amples conseils sur cette question.

Le sénateur Angus : Croyez-vous que vos fonctionnaires ou les organismes d'application de la loi auront, dans le cadre de ce compromis, les pouvoirs requis pour procéder aux enquêtes nécessaires à la bonne application de la règle? À première vue, on pourrait croire qu'il s'agit d'une échappatoire flagrante.

M. Flaherty : Je suppose que nous pouvons faire confiance aux avocats pour obéir aux règles. Ce sont des avocats et ils sont censés connaître, comprendre et respecter la loi. Leurs propres associations professionnelles leur disent que pour être membres en règle, ils doivent se conformer à cette règle. S'ils ne respectent pas la loi, ils risquent d'être radiés du barreau et de ne plus pouvoir gagner leur vie en pratiquant le droit. C'est une conséquence plutôt grave de la non- conformité à cette règle des 7 500 $.

Le sénateur Angus : Merci.

Le président : Merci, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer. Nous savons tous à quel point vous avez un emploi du temps chargé et nous sommes flattés que vous ayez pris le temps de venir discuter avec nous. Nous apprécions aussi les témoignages et les avis que nous ont donnés Mme Hemmings, M. Dupont et Mme Lafleur lors d'une comparution antérieure. Certains de mes collègues ont eu l'avantage d'assister à une excellente séance d'information donnée par Mme Lafleur peu après le dépôt du projet de loi et nous l'en remercions ainsi que vos autres fonctionnaires.

Quand nous avons fait notre examen initial des enjeux, plusieurs questions nous sont venues à l'esprit. Bon nombre d'entre elles concernaient la protection des renseignements personnels et le juste équilibre que l'on doit tenter de trouver entre le besoin qu'a la société de réduire au minimum le nombre de transactions visées par ce projet de loi, d'une part, et le droit des Canadiens au respect de leur vie privée, d'autre part.

Il y a quelque temps, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a fait parvenir au comité par courriel un court mémoire qui soulevait notamment une question fort intéressante. Dans la lettre, la commissaire dit que la position du comité sur le C-25 y est exposée fidèlement. Elle est d'accord avec nous lorsque nous disons que « plus le CANAFE divulgue d'information, plus il est probable que le droit à la vie privée des Canadiens soit violé ».

La commissaire à la protection de la vie privée ajoute :

Cela dit, nous aurions du mal à citer un article précis du projet de loi C-25 qui nous préoccupe plus que les dispositions qui élargiront la portée de la loi. Ce qui nous préoccupe en réalité est l'élargissement graduel du régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, tout particulièrement parce qu'il est difficile pour nous de juger de l'ampleur des problèmes que les nouvelles dispositions visent à corriger.

Le ministère possède-t-il des statistiques, ou des prévisions raisonnables, qui lui permettent de déterminer dans quelle mesure ces dispositions plus rigoureuses qui, par définition, portent atteinte aux droits à la vie privée des Canadiens, seront utiles pour déceler et prévenir ou éliminer les activités, en tout ou en partie, que nous souhaitons éliminer?

Diane Lafleur, directrice, ministère des Finances Canada : Je crois avoir déjà expliqué au comité dans le passé que le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes sont par leur nature même des activités illicites de sorte qu'il est difficile de mesurer exactement l'ampleur du problème.

Ce qui m'apparaît plus important, c'est que le projet de loi comporte un amendement additionnel qui a été ajouté lors de l'examen à la Chambre et qui donne essentiellement au commissaire à la protection de la vie privée le droit de se rendre au CANAFE faire des vérifications tous les deux ans. Le commissaire à la protection de la vie privée sera en mesure d'examiner les procédures mises en place par le CANAFE dans le but de protéger la confidentialité des renseignements qui lui sont transmis de sorte que le public et le Parlement pourront déterminer s'il existe un problème qui doit être corrigé. Pour l'instant, aucun problème n'a été décelé. Comme l'a dit le ministre, nous croyons que le droit à la vie privée est très important et doit être protégé de sorte qu'il nous est apparu important d'ajouter ce garde-fou additionnel, pour ainsi dire, afin d'éviter qu'un problème ne se pose à l'avenir.

Le sénateur Goldstein : Possédez-vous des statistiques ou des faits précis qui vous permettraient de déterminer dans quelle mesure le durcissement des dispositions contribuera à améliorer la conformité? Il ne semble pas y avoir de corrélation évidente dont vous pouvez faire état ou que nous pourrions constater par nous-mêmes.

Mme Lafleur : Quand l'efficacité du régime a été évaluée dans le passé, par la vérificatrice générale ou par le groupe d'experts indépendants constitué par le Conseil du Trésor, des lacunes ont été recensées. Plus particulièrement, ils ont constaté que nous pourrions rendre le régime plus efficace en améliorant les procédures de divulgation d'information de la part du CANAFE. Ces dispositions visent, en partie, à donner suite à ces recommandations.

L'objectif premier est de créer un environnement aussi hostile que possible au recyclage des produits de la criminalité et au financement d'activités terroristes. Nous sommes confiants que ces mesures créeront des conditions de plus en plus dissuasives.

Le sénateur Goldstein : Monsieur le ministre, vous avez parlé de l'augmentation du nombre de personnes qui seraient assujetties aux obligations de déclaration. Vous avez parlé des métaux précieux et des pierres précieuses. La loi elle- même mentionne certes les métaux précieux mais ne mentionne pas les pierres précieuses. Je me demande où nous pouvons trouver cette mention.

Mme Lafleur : Cette mention figurera dans les règlements qui seront publiés une fois la loi adoptée, si toutefois elle l'est. Nous avons inclus cette mention dans les règlements en raison du nombre d'étapes qu'il y a entre l'extraction de la matière brute et sa transformation en bijoux, et notamment l'extraction, le polissage, la vente de gros, la vente au détail, et cetera, et chacune de ces étapes comporte des risques particuliers. Nous voulons nous assurer de bien repérer les étapes qui présentent les plus grands risques tout au long de la chaîne de production afin de veiller à ce que personne dont les activités présentent des risques n'échappe aux obligations de rapport. Nous voulons nous assurer de cibler les activités qui comportent le plus de risques. Voilà pourquoi nous procédons de cette façon.

Le sénateur Goldstein : J'aimerais poser une question d'ordre technique.

Le président : Sénateur Goldstein, abordez-vous une question différente? Le sénateur Fitzpatrick souhaite poser une question complémentaire.

Le sénateur Fitzpatrick : Bienvenue au comité, monsieur le ministre. C'est votre première comparution. Nous espérons que vous reviendrez souvent nous voir, mais sur une période très courte, toutefois.

M. Flaherty : Par les temps qui courent, nous n'utilisons pas le terme « court » au ministère des Finances.

Le sénateur Fitzpatrick : J'aimerais revenir à la question de la protection de la vie privée et à l'examen qui se fera tous les deux ans. Je me demande si cet examen sera suffisamment fréquent. Beaucoup de dégâts peuvent survenir en deux ans. Je ne sais pas quel recours pourront exercer ceux qui auront subi un préjudice. J'aimerais que vous nous disiez si vous pensez que cet examen tous les deux ans sera assez fréquent. Ne devrait-on pas faire un examen annuel, ou même un suivi continu des activités?

M. Flaherty : La commissaire à la protection de la vie privée a le droit de faire cet examen quand bon lui semble. La nouvelle disposition adoptée grâce à un amendement du Comité des finances de la Chambre des communes est suffisamment musclée puisqu'elle autorise la commissaire à la protection de la vie privée à effectuer un examen tous les deux ans. Si des problèmes font surface entre-temps, la commissaire peut intervenir. J'en ai discuté avec la commissaire plus tôt cette année. Elle a vérifié son mandat et dit qu'elle est habilitée à agir et c'est une bonne chose.

S'agissant de l'information que le CANAFE partage à l'occasion avec d'autres pays, il ne le fait qu'aux termes d'un protocole d'entente négocié entre le CANAFE et son organisme jumeau dans l'autre pays. Ces protocoles d'entente sont soumis au ministre des Finances qui doit les approuver. J'en ai approuvé quelques-uns.

Le sénateur Goldstein : J'aimerais revenir brièvement à la question des métaux précieux et des pierres précieuses. Le projet de loi vise les « métaux précieux réglementaires ». Il ne fait nullement état de pierres précieuses et j'estime que vous devriez peut-être modifier le libellé puisque les métaux précieux réglementaires, par leur nature même, excluraient les pierres précieuses qui ne sont pas des métaux. Ai-je bien interprété la disposition?

Lynn Hemmings, chef, Division du secteur financier, ministère des Finances Canada : La modification apportée à la loi existante vise ceux qui font le commerce de métaux précieux et plus particulièrement la Monnaie royale canadienne lorsqu'elle vend des métaux précieux directement au grand public. L'article 5 nous autorise à mentionner expressément divers segments du marché, y compris celui de la taille et du polissage, la vente de gros et de détail, selon le degré de risque. Nous ferons cela dans les règlements.

Le sénateur Goldstein : Quel est l'article habilitant qui vous autoriserait à faire cela par voie de règlement?

Mme Hemmings : Je crois qu'il s'agit de l'alinéa 5i) ou j) de la loi existante.

Le sénateur Goldstein : Il y a dans ce projet de loi un nombre inhabituel de mentions de la prise de règlements. Où en êtes-vous dans l'élaboration des règlements afin que nous puissions avoir une idée de leur portée. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Mme Lafleur : Nous devons être habilités à prendre des règlements avant de finaliser quelque règlement que ce soit. Nous sommes en train d'élaborer la politique qui sera mise en œuvre par voie de règlement, mais nous ne prévoyons pas publier le texte avant le début de la nouvelle année.

Le sénateur Goldstein : S'agissant de la surveillance, l'amendement proposé au départ en comité prévoyait un examen annuel. Cette disposition a été modifiée, par consentement, d'après ce qu'on m'a dit, de sorte que l'examen se fera tous les deux ans. Or, le libellé est sensiblement différent en ce sens que le libellé proposé en comité prévoyait un examen de tous les aspects de toutes les activités tandis que le libellé actuel ne vise que les mesures prises pour protéger la confidentialité des renseignements. Lorsque vous avez effectué cette modification, soudaine et importante, avez-vous songé qu'elle limitera énormément la portée de l'examen? Avez-vous tenu compte du fait qu'il serait opportun d'examiner d'autres aspects des activités aussi?

Mme Lafleur : L'amendement proposé initialement en ce qui a trait à l'examen du CANAFE était un amendement bien différent. Il aurait imposé un examen par le CSARS plutôt que par la commissaire à la protection de la vie privée. Je crois qu'après en avoir discuté, les membres du comité en sont venus à la conclusion que, puisque le CANAFE n'est pas un organisme d'enquête, il n'a pas le même genre de pouvoir que les organismes d'application de la loi ou le SCRS. Les préoccupations ne sont pas du même genre. Lors de l'examen en comité, les membres se sont interrogés sur la protection de la vie privée et sur la façon dont le CANAFE traite l'information qu'il possède. Pour tenter de trouver une solution au problème, les membres du comité ont voté en faveur de l'amendement. Nous devons écarter l'amendement proposé initialement parce que le but visé était fondamentalement différent de celui de l'amendement que nous avons retenu en définitive.

Le sénateur Goldstein : Je veux parler des personnes politiquement vulnérables. Le projet de loi exclut expressément les Canadiens politiquement vulnérables. Or, il existe des lois semblables dans d'autres pays qui s'appliquent, semble-t- il, aux Canadiens parce que ces pays n'ont pas les mêmes restrictions.

Avez-vous songé aux cas de personnes politiquement vulnérables qui, nonobstant le libellé, sont tout à fait neutres et ne sont soupçonnées de rien à première vue, ou encore aux Canadiens qui pourraient faire l'objet d'enquêtes dans des pays où la législation sur la protection de la vie privée est peut-être moins rigoureuse qu'elle ne l'est au Canada?

Mme Lafleur : Les dispositions relatives aux personnes politiquement vulnérables sont conformes à la recommandation du Groupe d'action financière (GAFI) selon laquelle chaque pays est tenu d'imposer des mesures de vigilance à l'égard des étrangers politiquement vulnérables. Par ailleurs, une résolution de l'ONU étendrait cette exigence aux personnes politiquement vulnérables dans leur propre pays ou dans un pays étranger.

Dans le document de consultation publié en juin 2005, la proposition initiale prévoyait l'application de mesures de vigilance au Canada qui s'appliqueraient à la fois à l'égard d'étrangers et de Canadiens. D'ailleurs, la mise en œuvre de ce genre de mesure est difficile pour les pays aussi bien que pour les entités déclarantes. Dans nos entretiens avec les entités déclarantes, nous en sommes venus à la conclusion que, dans un premier temps, nous devrions limiter la vigilance accrue aux étrangers politiquement vulnérables, qui constituent un groupe moins nombreux. Il y a des entreprises qui créent des bases de données renfermant les noms de personnes considérées comme des étrangers politiquement vulnérables. Les entités déclarantes peuvent utiliser ces listes pour faciliter l'administration des dispositions. Voilà pourquoi nous avons ciblé les étrangers politiquement vulnérables. Nous continuerons de faire un suivi de la situation. Au fil du temps, peut-être quand nous ferons le prochain examen quinquennal, nous étendrons la portée de la disposition afin d'inclure les personnes politiquement vulnérables du Canada, en conformité de la résolution de l'ONU. En raison du fardeau de la conformité et des commentaires que nous recevons des entités déclarantes, nous avons choisi une approche plus graduelle qui nous permet de nous conformer aux normes du Groupe d'action financière.

Le sénateur Goldstein : Je suppose que vous connaissez le rapport préparé par sir Lander pour le Serious Organized Crime Agency (SOCA) au Royaume-Uni. Il y a quelques mois à peine, il a donné à entendre que son enquête avait mis en lumière, dans une démocratie jumelle tout aussi préoccupée par la protection du droit à la vie privée, « quelques exemples graves » de divulgation inappropriée. Nous avions eu l'occasion d'en discuter avec vous quand vous avez eu l'obligeance de comparaître devant le comité lors de l'élaboration de notre rapport provisoire.

Avez-vous tenu compte de nos observations, à savoir que ce ne sont pas tous les peuples, avec lesquels nous avons 36 protocoles d'entente, sinon plus, qui jouissent des mêmes protections de la vie privée que nous? Avez-vous tenu compte du fait que notre loi devrait préciser que nous pouvons échanger de l'information uniquement avec les pays qui ont des lois sensiblement comparables à notre Loi sur la protection des renseignements personnels?

Le président : Avant que le témoin ne réponde, j'aimerais rappeler que le temps file. J'ai donné un peu trop de temps au sénateur Goldstein. La question est posée si le ministre veut y répondre brièvement.

M. Flaherty : Il convient sans doute de rappeler que le CANAFE, comme le savent les sénateurs, ne divulgue que les renseignements qu'il souhaite divulguer aux organismes d'autres pays. Le CANAFE n'a pas l'obligation de divulguer quelque renseignement que ce soit. Quiconque au CANAFE enfreindrait les règles concernant la protection de la vie privée s'exposerait à de lourdes sanctions pénales.

Mme Lafleur : Je me permets d'ajouter que la loi, telle qu'elle est libellée, précise que le CANAFE doit, dans son protocole d'entente sur le partage d'information, veiller à ce que des dispositions relatives à la protection de la vie privée soient mises en place et que ses partenaires traitent l'information dans le respect des règles. C'est déjà prévu dans la loi.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue, monsieur le ministre. Comment en êtes-vous arrivé à choisir la somme de 7 500 $?

M. Flaherty : Je n'ai pas participé à la négociation de ce chiffre.

Mme Lafleur : Toutes les entités déclarantes doivent déclarer les opérations importantes en espèces de plus de 10 000 $. En principe, puisqu'il s'agit d'une entente volontaire de leur part, nous souhaitions un chiffre inférieur à 10 000 $ afin que ces transactions soient encore plus difficiles à effectuer, puisque ce n'est pas une disposition législative.

Le sénateur Tkachuk : Ce n'était donc pas un cas de mallette mince ou de mallette bien remplie.

Étant donné l'époque à laquelle nous vivons, pourquoi les avocats recevraient-ils de toute façon des espèces? C'est une somme considérable à transporter autour de Bay Street.

Le président : Il y a de nombreux cabinets d'avocats dans tout le pays et pas uniquement sur Bay Street.

Monsieur le ministre, vous pouvez nous répondre en votre capacité d'avocat ou de ministre.

M. Flaherty : Le sénateur soulève une excellente question. D'ailleurs, c'est une question que j'ai moi-même posée aux représentants des barreaux quand je les ai rencontrés. À notre époque où l'on utilise de moins en moins d'espèces dans le commerce, il me semble qu'avec le temps on pourrait s'attendre que cette utilisation diminue constamment jusqu'à ne plus être nécessaire et que les déclarations se fassent au sujet de l'utilisation des cartes de crédit ou des cartes de débit.

Le sénateur Tkachuk : S'agit-il d'une personne par opération?

Mme Lafleur : Par dossier dans le contexte d'un cas particulier.

Le sénateur Tkachuk : Qu'arriverait-il si un client avait trois ou quatre causes de front? Le client pourrait-il déposer 7 500 $ pour chacune de ces causes?

Mme Lafleur : Il faudrait que ce soit des causes distinctes. S'il s'agissait d'une importante transaction immobilière, le client ne pourrait pas remettre 7 500 $ tous les jours jusqu'à ce que la transaction soit complétée, parce qu'il s'agit d'un dossier unique.

Le président : Quand je pratiquais le droit criminel il y a plus de 30 ans, j'insistais pour que l'on me remette la somme en liquide parce que je n'étais pas disposé à accepter des chèques ou d'autres modes de paiement d'un criminel. Je peux comprendre que l'on exige des criminels qu'ils paient en liquide. Je crois que ce n'est pas déraisonnable.

Le sénateur Tkachuk : Notre système bancaire est l'un des plus efficients au monde. Dès que le chèque est déposé, on sait automatiquement s'il est bon ou non.

Le président : Les prétendus criminels que je connais n'ont pas de comptes bancaires.

Le sénateur Tkachuk : C'est déjà là le premier indice. Je trouve toute cette question des avocats bien étonnante. Cela me semble ridicule. Je sais que nous avons examiné les mêmes arguments quand la question a été soulevée la première fois et je me réjouis de voir que des mesures ont été mises en place, même si le seuil n'est que de 7 500 $.

Le président : Le ministre nous a invités à faire un examen de la question. Le sénateur Angus s'y intéresse tout particulièrement dans le contexte de la protection de l'intérêt public et je suis certain que nous la réexaminerons.

Le sénateur Meighen : Je sais que ce ne sera pas chose facile, monsieur le ministre, mais je veux poser de courtes questions.

Dans son rapport, la vérificatrice générale dit, au paragraphe 2.40 :

Les agents chargés de l'application des lois nous ont dit que les déclarations d'opérations douteuses qui leur proviennent directement des banques contiennent souvent des renseignements plus utiles que ceux du Centre — au sens où ils sont plus à jour et fournissent les raisons de soupçonner quelque chose.

Je crois comprendre que vous estimez avoir réglé le problème étant donné les mesures que vous avez prises, notamment en ce qui a trait à l'étendue des renseignements fournis et la liste des personnes autorisées à recevoir ces renseignements, mais y a-t-il dans le projet de loi C-25 des mesures qui corrigent les problèmes en ce qui a trait à la présentation en temps opportun et à l'actualité des renseignements?

M. Flaherty : Voulez-vous parler de la présentation en temps opportun des déclarations par les institutions financières au CANAFE?

Le sénateur Meighen : Je songe aux renseignements que vous fournissez en comparaison de ceux fournis par les banques, par exemple, au CANAFE; elles fournissent des renseignements plus à jour et le font davantage en temps opportun.

M. Flaherty : Le CANAFE est inhabituel en ce sens qu'il collecte des renseignements au fil des jours et qu'il décide ensuite à qui il les communiquera. Je ne crois pas que le projet de loi renfermait de disposition traitant de la présentation des renseignements en temps opportun. Je sais que c'est un aspect du régime de déclaration de ces opérations qui suscite certaines préoccupations. Dans le communiqué publié récemment, il était question de la présentation tardive des renseignements.

Mme Lafleur : Cela équivaut à comparer des pommes et des oranges parce que les rapports transmis par les institutions financières directement aux organismes d'application de la loi ne concernent qu'une transaction dont on soupçonne à ce moment-là qu'elle est douteuse. La divulgation faite par le CANAFE résulte habituellement d'une série de transactions différentes entre lesquelles le Centre établit un lien afin de présenter une image plus précise d'activités illicites. Ce sont des produits d'information tout à fait différents. Le CANAFE pourra vous donner davantage de détails, mais il effectue une analyse des renseignements avant de les communiquer aux organismes d'application de la loi.

Le sénateur Meighen : La vérificatrice générale a soulevé la question des mouvements d'espèces et je me demande si cela constitue un problème grave. Le projet de loi fait maintenant obligation à des entités et des particuliers précis de déclarer les tentatives d'opérations douteuses. Les règlements décriront-ils la marche à suivre? Que se passe-t-il si quelqu'un fait une analyse incorrecte et n'en conclut pas que le client tente d'effectuer une opération douteuse et ne la déclare donc pas? Quelles sanctions envisagez-vous?

M. Flaherty : J'ai remarqué en prenant connaissance des documents l'inclusion du terme « tentative » qui est un ajout proposé par le comité et je l'en remercie. Il est important que, même si une opération n'est pas achevée, elle soit déclarée au CANAFE parce qu'elle pourrait néanmoins être douteuse. On m'a dit que le CANAFE publiera des lignes directrices à l'intention des institutions financières pour décrire les caractéristiques d'une tentative d'opération douteuse.

Le sénateur Meighen : Nous n'avions pas poussé notre réflexion aussi loin que vous.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Bienvenue à vous, monsieur le ministre. Il me fait plaisir de vous avoir parmi nous. J'aimerais parler de ce défi qui est énorme; c'est un sujet qui nous concerne et qui nous intéresse beaucoup. Ce sujet devrait intéresser tous les Canadiens et toutes les Canadiennes parce que si ce problème n'est pas géré correctement, cela pourrait mettre à risque notre système monétaire et la confiance en notre économie de base. Je vous encourage fortement à prendre les mesures nécessaires.

Toutefois, je me demande si ces mesures sont adéquates. Je remarque qu'on a saisi 132 millions de dollars depuis quelque temps, mais des experts disent que le problème se situe entre 3 et 20 milliards de dollars.

Peut-on être rassuré par ces mesures quand on a l'impression qu'on ne touche qu'un tout petit peu au problème? Quels sont vos commentaires à ce sujet?

[Traduction]

M. Flaherty : C'est une excellente question. Nous élargissons la portée du travail en incluant certains des métaux précieux et en instaurant des règles différentes pour les avocats. Cela ne signifie pas que nous soyons au bout de nos peines. Il s'agit de lutter contre des comportements criminels et terroristes de personnes qui essaient de blanchir de l'argent sale par divers moyens afin de financer leurs activités. Chaque fois que nous éliminons des échappatoires à la suite d'enquêtes, de poursuites et de déclarations réussies, ils cherchent d'autres moyens de recycler les produits de la criminalité. C'est normal et nous devons donc être aussi vigilants que possible.

Les statistiques révèlent que plus de 500 accusations pour recyclage des produits de la criminalité ont été portées depuis avril 2003. J'ai eu connaissance d'un grand nombre de déclarations volontaires. La GRC a déposé 573 rapports concernant le blanchiment d'argent et 61 rapports concernant le financement d'activités terroristes pour la période se terminant en mai 2006. Il y a eu plus de 5 000 saisies dont la valeur approximative est de 132 millions de dollars; l'Agence du revenu du Canada a achevé 35 vérifications de conformité spéciales à l'encontre d'individus dont on savait ou dont on soupçonnait qu'ils tiraient une partie de leurs revenus de l'économie criminelle et ces enquêtes ont mené à des avis de cotisation d'impôt fédéral de plus de 4,2 millions de dollars; et, comme je l'ai déjà dit, certaines personnalités soupçonnées d'appartenir à des organisations criminelles ont été arrêtées récemment à Montréal.

Il est difficile de mesurer le degré de réussite de ces opérations parce qu'il faut d'abord connaître la taille de l'iceberg. Nous pouvons nous reporter à ce qui a été fait dans d'autres pays et nous savons que nous pourrions faire encore davantage. En outre, nous avons au Canada des défis à relever en ce qui a trait à la contrefaçon. Nous devons élargir la portée des dispositions de la loi afin de faire obstacle aux nouvelles méthodes de blanchiment d'argent.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je partage votre souci parce que je suis loin d'être convaincu qu'on en fait assez.

J'ai vu qu'une somme de 62 millions de dollars additionnels a été investie à la GRC. Mais même la GRC a dit, il y a quelques semaines, qu'ils sont en retard sur toutes les mesures nécessaires. Ils ont expliqué qu'ils débutent, qu'ils s'organisent et qu'ils vont y arriver éventuellement, mais le problème est très sérieux et j'espère qu'on va y arriver.

Lorsqu'on compare nos statistiques avec celles d'autres pays, j'ai vraiment l'impression que nous sommes très en retard comparativement aux États-Unis. Évidemment, leur économie est douze fois plus importante que la nôtre, mais cela m'inquiète tout de même.

En ce qui concerne les avocats, nous espérons que les règlements seront adéquats. Vous nous avez dit qu'il faut s'attendre des avocats qu'ils agissent légalement. J'ajouterai que j'espère que tous les citoyens du Canada agiront légalement.

Quand un comité de discipline doit agir contre un des membres du Barreau, qui n'a pas agi correctement, la punition n'est pas très sévère. Je crains que les conséquences ne soient pas très sérieuses envers ceux qui commettent une infraction. Il faudrait faire quelque chose pour que les conséquences soient plus graves pour ceux qui commettent une offense à nos règlements et nos lois. Y a-t-il un moyen pour éduquer les juges en ce sens pour leur démontrer qu'une infraction contre le système monétaire est très grave?

[Traduction]

M. Flaherty : J'hésite dans ma réponse parce que je songe à des initiatives en cours. La Banque du Canada travaille de concert avec des titulaires de charge publique afin de les sensibiliser à la gravité des crimes dans les milieux d'affaires, du blanchiment d'argent, de la contrefaçon et de l'ampleur du problème au Canada. Vous avez raison de dire que les campagnes de sensibilisation jouent un rôle important. Je n'oserais certainement pas prétendre sensibiliser les juges au problème, mais je suis convaincu que si nous diffusons de l'information, ils la recevront volontiers.

Le sénateur Fitzpatrick : Pouvez-vous nous dire combien d'accusations se sont soldées par des condamnations? Avez-vous une idée du nombre de crimes liés au recyclage des produits de la criminalité qui ont pu être commis? Ce genre d'activités est très répandu dans le monde entier. Avez-vous une idée de l'ampleur du problème et du nombre de crimes de recyclage des produits de la criminalité commis tous les jours ou tous les ans?

M. Flaherty : Je ne ferais que spéculer si je ne m'en tenais pas aux statistiques dont je dispose. On me dit que le ministère de la Justice tient des statistiques sur le nombre de poursuites intentées mais non sur les résultats, ce qui est assez étonnant.

Le sénateur Fitzpatrick : Ce serait peut-être une bonne idée de vérifier quels ont été les résultats.

M. Flaherty : Je suis d'accord et je vais me renseigner.

Le sénateur Moore : J'aimerais revenir à la réponse que Mme Lafleur a donnée concernant les règlements que prépare le ministère des Finances. Madame Lafleur, vous avez dit que les règlements reflétant les modifications proposées dans le projet de loi C-25 n'ont pas été préparés. Est-ce exact?

Mme Lafleur : J'ai dit qu'aucun règlement n'est prêt ou n'a été prépublié.

Le sénateur Moore : Ont-ils été élaborés?

Mme Lafleur : Les travaux de rédaction se poursuivent dans certains cas.

Le sénateur Moore : Sont-ils à moitié terminés ou presque terminés? Si le projet de loi était adopté aujourd'hui, seriez-vous prêts à publier les règlements d'ici une semaine?

Mme Lafleur : Non, nous voudrions qu'ils soient prêts à être prépubliés le plus tôt possible dans la nouvelle année. Dans certains cas, nous devons attendre l'adoption des dispositions habilitantes du projet de loi. Les règlements seront publiés en lot de deux ou trois. Nous devons procéder de façon systématique. Ils ne seront pas publiés en bloc.

Le sénateur Moore : Consultez-vous les intéressés pour chaque « lot » comme vous les avez appelés?

Mme Lafleur : Oui.

Le sénateur Moore : De quelles catégories parlez-vous?

Mme Lafleur : Un certain nombre de règlements concerneront les dispositions relatives à la vigilance accrue et à la tenue de documents et formeront vraisemblablement le premier lot. D'autres règlements concerneront de nouveaux régimes d'enregistrement des entreprises de transfert de fonds et les détails connexes. Il y aura des règlements visant les nouvelles entités déclarantes, dont ceux qui vendent des métaux précieux et des pierres précieuses.

Mme Hemmings : Il y aura aussi des règlements concernant le régime de sanctions administratives et pécuniaires.

Le sénateur Moore : Monsieur le ministre, à la page 5 de votre exposé, vous parlez des « tentatives d'opérations douteuses » et vous ajoutez que « le CANAFE conseillera les entités déclarantes au sujet des indicateurs de ce genre d'opérations ». Savez-vous si le CANAFE a déjà élaboré ses lignes directrices? Quand le CANAFE les publiera-t-il?

M. Flaherty : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question maintenant, mais je crois savoir que les représentants du CANAFE sont vos prochains témoins.

Le sénateur Moore : Avez-vous discuté avec le CANAFE de ses lignes directrices?

M. Flaherty : Non.

Le sénateur Moore : Le sénateur Tkachuk vous a interrogé au sujet du seuil de 7 500 $. Est-ce que 10 000 $ c'est un seuil approprié? Est-ce que ce montant a été retenu lors de discussions avec la trentaine d'autres membres du GAFI? Comment avez-vous choisi ce chiffre? A-t-il été révisé? Est-ce le bon seuil? Devrait-il être abaissé?

M. Flaherty : Le seuil de 10 000 $ est celui retenu par nos partenaires internationaux en ce qui concerne le transfert d'espèces entre pays. J'invite sincèrement les sénateurs à faire un examen aussi approfondi que possible de la question du secret professionnel et à me faire part de leur avis puisque cette question vous préoccupe manifestement autant qu'elle me préoccupe.

Le sénateur Moore : Je n'ai pas posé ma question sur le seuil en raison des préoccupations des membres du barreau. Ce sont des officiers de justice et ils prêtent serment. Comme vous l'avez dit, les pénalités sont très lourdes. Un avocat pourrait perdre le droit de pratiquer et de gagner sa vie, ce qui est la sanction la plus lourde possible. Je m'interroge au sujet de ce seuil de 10 000 $. Vous avez dit que le seuil est de 7 500 $ selon le modèle retenu par les barreaux et que plus le seuil est bas mieux ce sera. Consultons-nous de temps à autre les 32 autres membres du Groupe d'action financière pour leur dire, par exemple, que ce serait préférable que le seuil soit de 7 500 $? Comment procédons-nous si toutefois nous prenons pareille initiative?

Mme Lafleur : Le Groupe d'action financière n'a pas formulé de recommandation sur ce qui constitue des opérations importantes en espèces. D'autres pays ont choisi des seuils différents. Les Américains ont fixé le seuil à 10 000 $. La norme canadienne fixe l'un des seuils les plus bas, comme les Américains, et plus le seuil est bas, mieux c'est, comme vous le dites. Vous avez raison de dire qu'il faudra peut-être que le Groupe d'action financière se penche un jour sur les seuils fixés par différents pays afin d'assurer une plus grande cohérence. Il serait peut-être bon d'abaisser le seuil. À l'heure actuelle, étant donné le taux de change, les seuils sont plus ou moins comparables.

Le sénateur Moore : J'approfondirai peut-être la question avec le CANAFE.

Le président : J'aimerais poser quelques questions, monsieur le ministre, après vous serez libre de partir.

Nous convenons avec vous, monsieur le ministre, que la situation est grave dans le monde entier. Les entretiens que j'ai eus avec des parlementaires en Europe m'ont fait comprendre la gravité du problème. Tous les parlementaires prennent au sérieux la situation, du moins dans le monde occidental. J'ai découvert, à ma grande surprise, que même si nous sommes tous conscients de la gravité du problème, nous avons du mal à en mesurer l'ampleur si ce n'est pour dire que les opérations illicites et le blanchiment d'argent constituent la deuxième ou troisième activité économique en importance dans le monde. Le problème est immense dans le monde entier et nous sommes enchantés que le Canada assume maintenant le leadership dans cet important dossier. J'estime qu'il est important que nous le fassions. Nous vous félicitons ainsi que le ministère du travail que vous faites.

Nous avons préparé notre rapport provisoire et, je signale en passant, que dès qu'il a été terminé nous avons découvert l'existence d'un certain nombre d'autres manœuvres frauduleuses. Comme vous l'avez dit, les criminels sont très ingénieux. Dès que nous fermons une échappatoire, ils en trouvent une autre. Le ministère et le comité doivent être prêts à agir à tout moment. Nous devons éviter que le Canada ne devienne un paradis pour les criminels.

Permettez-moi de vous poser deux courtes questions au sujet de renseignements anecdotiques que nous avons reçus après la parution de notre rapport provisoire. La loi ou les règlements qui seront pris une fois la loi proclamée seront- ils suffisants pour mettre fin à l'arnaque des voitures? Je ne vais pas entrer dans les détails. Le ministère connaît sans doute très bien les détails puisque l'information est du domaine public.

M. Flaherty : Oui, c'est un problème sur lequel nous devrons nous pencher à l'avenir.

Le président : Les pouvoirs que confère la loi modifiée seront-ils suffisants pour vous permettre d'agir en vertu des règlements si vous constatez l'existence d'un problème?

M. Flaherty : On me dit que nous pourrons agir en vertu des règlements si le projet de loi est adopté.

Le président : Je soulève la question parce que, malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de les examiner dans le cadre de notre étude.

Selon certains, il y a aussi des manœuvres frauduleuses dans le secteur des assurances. Je sais que vous possédez le pouvoir réglementaire d'agir puisque les compagnies d'assurances sont à toutes fins pratiques des institutions financières et que le projet de loi vous habilite à agir. Avez-vous examiné la question? Le ministère a-t-il examiné la question? Les règlements vous habilitent-ils à agir dans le cas des arnaques dans le secteur de l'assurance même s'il n'en est pas expressément question dans le projet de loi?

Mme Lafleur : Votre question concernait-elle l'assurance-vie ou l'assurance générale?

Le président : Ma question concerne le secteur de l'assurance-vie.

Mme Lafleur : Le régime s'applique déjà aux compagnies d'assurance-vie. Le secteur des assurances tous risques n'est pas visé puisque nos évaluations ont révélé qu'il présente très peu de risques. Comme la loi prévoit des examens périodiques, nous continuons de mettre à jour nos évaluations du risque. Pour l'instant, ce secteur ne présente pas de risques significatifs.

Le président : Je suppose qu'en raison du pouvoir de réglementation du ministère, vous aurez l'occasion d'en discuter avec les sociétés d'assurances afin de régler le problème. Nous espérons que vous le ferez. Nous savons que nous ne pouvons pas être plus que parfaits, mais nous pouvons certainement mettre en place un régime de surveillance et informer les sociétés du problème. Quand cela aura été fait, monsieur le ministre, je pense que cela vous aidera, vous et votre ministère, ainsi que la poursuite publique, à vous attaquer au problème.

M. Flaherty : Nous les rencontrons régulièrement de toute façon, comme vous le savez, et nous pourrons donc en discuter avec les sociétés en question.

Le président : Permettez-moi de vous poser une question qui l'a déjà été sans toutefois qu'on ait obtenu une réponse claire. Il s'agit de la divulgation d'information par le CANAFE au Centre de la sécurité des télécommunications.

La commissaire à la protection de la vie privée a mis en doute la nécessité de cette disposition. Elle estime que le partage d'informations avec le Centre de la sécurité des télécommunications éveillerait des doutes au sujet de certaines personnes qui seraient alors assujetties à une surveillance accrue susceptible d'éveiller l'intérêt de la GRC, du SCRS et peut-être même du CANAFE. La commissaire à la protection de la vie privée croit, et j'espère ne pas dénaturer son propos, que si la GRC ou le SCRS souhaitent transmettre ces renseignements au CST dans le contexte d'une éventuelle surveillance, ils devraient le faire directement. Pourriez-vous réagir aux fins du compte rendu? Nous recevons la commissaire à la protection de la vie privée la semaine prochaine et c'est très important que nous connaissions votre avis à cet égard.

Mme Lafleur : Nous dites-vous que certains s'inquiètent de la possibilité que le CANAFE divulgue certains renseignements au CST dans le cadre d'affaires touchant à la sécurité nationale?

Le président : Non. La crainte concerne le risque de susciter des doutes à l'égard de personnes qui seraient assujetties à des mesures de sécurité renforcées. Il s'agit de savoir si les renseignements peuvent être transmis directement au CST plutôt que l'être par l'entremise du CANAFE?

Mme Lafleur : Est-ce que des personnes peuvent transmettre des renseignements directement au CST?

Le président : Oui.

Mme Lafleur : Je crois que rien ne l'interdit. Nous n'avons pas besoin d'une loi spéciale pour l'autoriser.

Le président : Nous examinons l'article 26 du projet de loi. J'essaie de trouver une réponse à ma propre question. Nous avons reçu ce commentaire de la commissaire à la protection de la vie privée et je vais en vous donner lecture.

La commissaire à la protection de la vie privée dit ceci :

Par exemple, le projet de loi propose que le CANAFE soit autorisé à transmettre des renseignements au Centre de la sécurité des télécommunications (CST) s'il détermine que les renseignements sont pertinents au mandat du Centre tel qu'énoncé à l'alinéa 273.64(1)a) de la Loi sur la défense nationale.

L'alinéa que mentionne la commissaire stipule :

acquérir et utiliser l'information provenant de l'infrastructure mondiale d'information dans le but de fournir du renseignement étranger, en conformité avec les priorités du gouvernement du Canada en matière de renseignement;

La commissaire poursuit :

La Loi permet au CANAFE de transmettre des renseignements à la GRC, au SCRS, à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada et à Citoyenneté et Immigration Canada dans le but de faire enquête et, présumément, d'intenter des poursuites au sujet du blanchiment d'argent, du financement d'activités terroristes, de fraude, d'évasion fiscale et d'autres infractions. Le CST n'est pas un organisme d'enquête ou d'exécution de la loi et, contrairement aux agences mentionnées ci-dessus, il ne peut utiliser l'information qu'il reçoit du CANAFE à cette fin. Cependant, le CST peut utiliser cette information pour assujettir des personnes à une surveillance accrue — outre la surveillance intrinsèque au régime anti-blanchiment de capitaux — et tout renseignement obtenu par le CST peut alors être transmis à la GRC, au SCRS, voire à des agences étrangères et pourrait même retourner au CANAFE par l'entremise de la GRC qui peut, à son gré, fournir des renseignements au CANAFE. Nous nous interrogeons sur la nécessité d'une telle disposition. Si la GRC ou le SCRS veut fournir de l'information au CST concernant des cibles possibles de surveillance, ces organisations devraient le faire directement.

Voilà ce que dit la requête que vous avez reçue de la commissaire à la protection de la vie privée. Bien franchement, je pense que la commissaire dit que nous ne devrions pas permettre que les renseignements soient retransmis à la GRC s'ils n'auraient pas pu l'être directement.

M. Flaherty : En vertu des normes, le CANAFE doit agir de façon raisonnable s'il a des raisons de croire que les renseignements qu'il possède concernent le terrorisme et le recyclage des produits de la criminalité avant qu'il ne transmette ces renseignements à une autre entité. Le CANAFE n'est pas tenu de communiquer ces renseignements à d'autres. L'essentiel à retenir, c'est que le CANAFE est un organisme indépendant sans lien de dépendance avec les organismes d'application de la loi au Canada.

Le président : Compte tenu de votre réponse, j'en conclus que la commissaire à la protection de la vie privée peut, à tout moment, effectuer une visite inopinée ou faire enquête sur toute question qu'elle juge importante. Il y a donc cette possibilité d'intervention avant l'examen prévu aux deux ans. Nous en sommes très heureux.

M. Flaherty : Je pense que c'est une mesure de sauvegarde importante pour les Canadiens, oui.

Le président : Si je peux résumer les mesures de sauvegarde, telles que je les ai comprises — car je crois qu'il est important que la commissaire à la protection de la vie privée nous dise ce qu'elle en pense — mises en place pour protéger les droits des Canadiens.

D'abord, il y a le ministère lui-même. Vous nous avez dit que le CANAFE relève de vous et que vous et votre ministère êtes en mesure d'intervenir. Deuxièmement, il y a le fait que le CANAFE doit agir de façon raisonnable dans les limites de la loi. Ensuite, la commissaire à la protection de la vie privée peut intervenir en effectuant en tout temps des visites inopinées pour examiner une pratique qu'elle juge inappropriée. Enfin, il y a l'examen tous les deux ans qui permettra au comité de faire un examen en bonne et due forme qui serait suivi d'un rapport au Parlement. Et en bout de ligne, il y a l'examen quinquennal qui nous permet d'examiner tout agissement inapproprié de la part du Centre qui fait l'objet de ce projet de loi.

Est-ce un résumé juste des mesures de sauvegarde qui existent pour protéger la vie privée des Canadiens?

M. Flaherty : Oui, et il y a en plus les sanctions pénales pour toute utilisation ou divulgation non autorisée des renseignements personnels que possède le CANAFE et le fait que le CANAFE et ses employés ne peuvent être sommés à comparaître et ne sont assujettis à aucune autre procédure contraignante sauf en ce qui a trait aux enquêtes et aux poursuites relatives au recyclage des produits de la criminalité et aux activités de financement du terrorisme.

Le président : Une dernière question, monsieur le ministre, au sujet des poursuites qui préoccupent ce comité. Le sénateur Angus a évoqué les rencontres que nous avons eues à New York avec le procureur du district de Manhattan, M. Morgenthau, figure emblématique aux États-Unis, qui a passé du temps avec les membres du comité parce qu'ils s'intéressent à nos travaux. Le comité est préoccupé par la question qu'a soulevée le sénateur Massicotte, à savoir celle du crime dans les milieux d'affaires. Les deux questions se chevauchent.

Monsieur le ministre, êtes-vous convaincu que la poursuite publique a le financement et le savoir-faire voulus pour veiller à la bonne application de cette loi?

M. Flaherty : Vous devinez sans doute ce que je vais dire au sujet du financement. Je répondrai oui parce que nous avons affecté dans le budget de cette année une somme de 64 millions de dollars. Cette affectation témoigne de l'importance que le gouvernement du Canada attache à la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. C'est une contribution considérable.

Pouvons-nous faire mieux pour ce qui est de la poursuite publique? Je ne parle pas au nom du ministre de la Justice, mais je sais qu'il est convaincu que nous devons être très vigilants en ce qui a trait aux poursuites. Quand j'étudie les chiffres, je me dis que nous pourrions améliorer les résultats pour ce qui est des poursuites. J'accueillerai volontiers les conseils que vous pourrez me prodiguer comme suite à vos rencontres avec le procureur que vous avez rencontré à New York.

Le président : J'aimerais donner rapidement la réplique. Nous avons demandé à M. Morgenthau à combien s'élevait le budget de son unité de lutte contre le crime dans les milieux d'affaires. Il me semble que c'était entre 60 et 70 millions de dollars pour le procureur du district de Manhattan à New York pour cette seule catégorie de crime. Si vous compariez rapidement cela en fonction de la taille de nos deux économies, vous verriez, je crois, qu'il faut continuer d'améliorer les choses. Le comité se penchera sur cette question dans le cadre de tous ses travaux. Comme l'a dit le sénateur Massicotte, nous ne sommes pas satisfaits des résultats au plan des poursuites. Nous permettrons à la GRC et au CANAFE de répondre, mais c'est un sujet qui nous intéresse et qui, nous l'espérons, vous intéressera aussi.

M. Flaherty : Oui.

Le sénateur Goldstein : J'aimerais faire une observation. Dans le cadre de votre exposé il y a quelques instants, vous avez dit que l'une des sauvegardes tient au fait qu'il doit y avoir des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu ou qu'il pourrait y avoir blanchiment d'argent. Je crois que le critère dans la loi c'est qu'il doit y avoir des motifs raisonnables de soupçonner que c'est ce qui se passe. C'est un seuil bien différent que d'avoir des motifs raisonnables de croire.

M. Flaherty : On m'a dit qu'il s'agit de motifs raisonnables de soupçonner.

Le sénateur Goldstein : Oui. Nous sommes quelques-uns à avoir exprimé des préoccupations à cet égard. J'imagine que nous aurons l'occasion de nous pencher sur cette question quand nous rencontrerons les témoins du CANAFE.

Le président : Merci, monsieur le ministre. Je sais que vous êtes resté parmi nous plus longtemps que prévu. Je vous en sais gré et j'apprécie l'information que vous et vos fonctionnaires nous avez donnée. Comme je l'ai dit, nous sommes heureux que vous nous ayez invités à jouer un rôle continu. Nous sommes inquiets pour le Canada et nous voulons veiller à ce que rien, à l'extérieur du pays, ne donne l'impression que nous sommes un refuge pour le blanchiment d'argent et les activités illicites. Nous ferons tout en notre possible pour vous aider et pour protéger l'intérêt public et sauvegarder une économie sûre, intègre et honnête.

M. Flaherty : Merci.

Le président : Nous avons pris un peu plus de temps avec le ministre, et c'était important de le faire, mais il ne nous reste plus qu'une demi-heure avant que nous devions céder la salle à un autre comité. Je prie nos témoins de m'en excuser.

J'inviterais nos témoins à limiter la durée de leur exposé liminaire afin que les sénateurs aient le temps de poser quelques questions.

Le comité poursuit son examen de la Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l'impôt sur le revenu et apportant des amendements au projet de loi C- 25.

Veuillez limiter la durée de votre exposé liminaire et nous passerons ensuite aux questions.

Glynnis French, sous-directrice, Stratégies et Partenariats, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) : Avant de commencer, j'aimerais vous présenter mes collaborateurs.

M'accompagnent aujourd'hui Yvon Carrière, Mark Potter et Jim Butcher.

[Français]

Nous sommes heureux d'être de retour devant les membres du comité aujourd'hui afin de discuter de l'importance des dispositions du projet de loi C-25 pour le CANAFE et pour l'ensemble du programme canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et de financement des activités terroristes.

[Traduction]

Nous apprécions l'étude sérieuse dont a fait l'objet ce projet de loi par les membres du comité. L'appui que vous nous avez accordé dans les efforts que nous déployons afin d'améliorer de façon continue la capacité du Canada à lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes s'est avéré encourageant et utile. De plus, nous vous sommes très reconnaissants du rapport constructif qui a permis de mieux faire connaître sur la scène nationale les problèmes que sont le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, mettant à jour certains des principaux défis que nous devons relever.

Bien que nous soyons ici aujourd'hui afin de discuter des modifications à apporter au système actuel, nous croyons qu'il est également important de commencer par reconnaître que ce système fonctionne déjà bien. Nous avons été témoins de succès tangibles au cours de la période relativement courte depuis sa mise en œuvre et nous savons qu'il fait l'objet du respect de nos homologues internationaux.

Nous sommes fiers du fait que le CANAFE ait participé de façon importante à ce succès. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport annuel, présenté il y a deux mois, en 2005-2006, nous avons communiqué 168 cas d'activités financières douteuses et concernant plus de 5 milliards de dollars en opérations. En fait, depuis la création du CANAFE, il y a cinq ans, nous avons communiqué un total de 610 cas concernant des opérations totalisant un peu plus de 8 milliards de dollars. Nous notons avec satisfaction que, de plus en plus, les renseignements financiers fournis par le CANAFE sont utiles à des enquêtes, à des accusations et à des poursuites.

Comme vous l'avez noté dans votre rapport, les méthodes utilisées pour recycler les produits de la criminalité et pour financer les activités terroristes sont en constante évolution et les normes internationales que doivent respecter tous les pays sont de plus en plus élevées. Afin de tenir compte de ces changements, il est nécessaire d'apporter certaines modifications au cadre législatif. Nous sommes heureux d'affirmer que, selon le CANAFE, le projet de loi tient compte des recommandations du comité visant à atteindre ses objectifs.

Du point de vue opérationnel, les modifications législatives présentent trois aspects qui sont particulièrement importants pour le CANAFE. Ce sont l'assujettissement de nouvelles entités et professions à la loi; le renforcement des mesures de dissuasion comprises dans la loi; l'élargissement de la nature des renseignements que le CANAFE peut communiquer.

Le projet de loi C-25 élargit la portée du système canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes en assujettissant de nouveaux secteurs d'activités à la loi et à ses règlements comme, par exemple, les courtiers en pierres et métaux précieux et les représentants de la profession juridique. Ces secteurs sont jugés vulnérables au blanchiment d'argent et leur assujettissement permettra de renforcer les efforts que déploie le Canada pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.

Le projet de loi C-25 permettra de renforcer l'élément de dissuasion du système grâce à la création d'un registre des entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables et d'un système de sanctions administratives pécuniaires. Les mesures proposées amélioreront le respect des principales dispositions de la loi concernant la déclaration, la tenue de documents et la vérification de l'identité des clients. Non seulement cette mesure facilitera les analyses du CANAFE, mais elle permettra de renforcer l'ensemble des mesures de dissuasion du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes du Canada.

[Français]

Troisièmement, le projet de loi C-25 permettra d'enrichir les renseignements que le CANAFE peut communiquer aux organismes d'application de la loi et de sécurité nationale, en élargissant la nature des renseignements pouvant être compris dans ses communications tout en protégeant scrupuleusement les droits à la vie privée des Canadiens et des Canadiennes. Cela permettra de combler les besoins des organismes d'application de la loi et d'améliorer l'utilité pour eux du principal produit du CANAFE.

[Traduction]

J'aimerais attirer votre attention sur un des derniers aspects de ces modifications — un point qui a particulièrement soulevé l'intérêt des deux Chambres : la protection des renseignements personnels. Comme vous le reconnaissez dans votre rapport, la loi a été soigneusement élaborée afin de garantir la meilleure protection possible des renseignements personnels tout en permettant la communication de certains renseignements aux organismes d'application de la loi afin de faciliter la détection et la dissuasion des activités criminelles graves. Le point de départ de cette protection est la nature même des ententes institutionnelles qui ont permis de faire du CANAFE une entité distincte et indépendante qui reçoit et analyse les renseignements financiers qui lui sont communiqués et qui ne peut communiquer ces renseignements que lorsque certains seuils sont atteints. Aucun organisme de l'extérieur ne peut avoir accès aux renseignements que nous détenons, sauf s'il obtient une ordonnance de production d'une cour. La loi prévoit de lourdes sanctions pénales pour la communication non autorisée de renseignements.

[Français]

La protection de ces renseignements est une responsabilité que nous prenons très au sérieux. À titre d'institution, nous croyons fermement que la protection des renseignements personnels est, et doit être, la pierre angulaire d'un système efficace.

[Traduction]

CANAFE a toujours coopéré avec le commissaire à la protection de la vie privée en effectuant des examens visant à évaluer les mesures que nous avons adoptées afin de protéger les renseignements personnels que nous recevons et recueillons. Le centre compte poursuivre cette coopération. Nous appuyons la modification visant à imposer un examen tous les deux ans.

CANAFE est tout en faveur des modifications proposées dans le projet de loi C-25. Nous croyons qu'elles permettront d'assurer la force et l'efficacité du système canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes pour l'avenir.

Nicolas Burbidge, directeur principal, Bureau du surintendant des institutions financières Canada : Monsieur le président, honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de prendre part à votre examen du projet de loi C-25.

Au BSIF, je dirige le groupe chargé du programme de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ou LRPC/LFAT. Je suis accompagné de M. Keith Martin, qui dirige l'équipe d'évaluation du programme LRPC/LFAT.

Nous sommes venus vous dire que le BSIF appuie fermement l'adoption du projet de loi C-25. Au début de l'an prochain, le GAFI, c'est-à-dire le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux, se penchera sur la mesure dans laquelle le Canada adhère aux normes internationales en matière de LRPC.

Le GAFI est un organisme multinational qui établit des normes de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité à l'échelle internationale. Tous les pays qui en sont membres font régulièrement l'objet d'examens de contrôle par les pairs afin de s'assurer qu'ils appliquent ces normes comme il se doit. Ayant déjà participé aux examens de contrôle du GAFI, le BSIF connaît l'importance qui sera accordée au projet de loi C-25 lors de la prochaine évaluation du Canada. Il tient à obtenir de bons résultats pour renforcer la perception que le Canada est un endroit sûr pour faire des opérations financières et des placements. Un système financier sûr et stable s'appuie notamment sur de rigoureux programmes de LRPC.

Les changements que le projet de loi C-25 propose s'imposent pour permettre au Canada de se conformer aux normes du GAFI. Ainsi, il prévoit : l'obligation de déclarer au CANAFE toutes les tentatives de transactions douteuses; l'obligation de déterminer si les personnes auxquelles revient ultimement la propriété des clients sont des sociétés ou d'autres entités; l'interdiction d'ouvrir un compte lorsqu'il est impossible d'établir l'identité du client; l'obligation de déterminer si un client est une personne politiquement vulnérable; l'obligation d'appliquer une diligence raisonnable accrue à l'endroit des clients dont les comptes et les opérations comportent des risques plus élevés; des exigences plus serrées en matière d'identification des correspondants bancaires. L'obligation, pour les institutions financières canadiennes de se conformer aux normes et aux exigences canadiennes.

[Français]

Ces mesures ne sont pas chose nouvelle pour le secteur financier fédéral. Les grandes banques canadiennes se conforment déjà à des mesures semblables dans les pays qui appliquent ces normes. En outre, il y a plus de trois ans que le GAFI les a adoptées.

Par conséquent, le secteur financier a eu amplement le temps de se préparer à l'adoption de telles mesures au Canada.

[Traduction]

Pour toutes ces raisons, nous estimons que le projet de loi C-25 hausse considérablement la barre en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité au Canada. Le secteur financier devra déployer beaucoup plus d'efforts et de ressources pour les mettre en œuvre. Même si les normes plus élevées établies dans le projet de loi C-25 ne vont pas sans frais, nous croyons que la solution de rechange coûterait à la population canadienne beaucoup plus à long terme. La dernière fois que nous avons comparu devant le comité, en mai dernier, j'avais parlé de la nécessité d'adhérer aux normes internationales de surveillance des banques et du secteur de l'assurance. Le BSIF doit être en mesure de déterminer si les banques et les sociétés d'assurance-vie fédérales appliquent des politiques et des procédures pertinentes de connaissance des clients. Nous continuerons de collaborer avec les entités que nous réglementons pour veiller à ce que ces politiques et ces procédures soient assez rigoureuses pour empêcher les criminels et les terroristes de se servir des institutions financières.

En conclusion, le BSIF croit que l'adoption du projet de loi C-25 permettra au Canada de projeter l'image d'un pays qui prend très au sérieux la lutte contre le recyclage des produits de la criminalité.

Le président : Merci de cet exposé pertinent et concis.

Le sénateur Angus : Ma question concerne à la fois CANAFE et le BSIF. Je crois que vous étiez tous dans la salle quand le ministre a témoigné cet après-midi. Vous l'avez sans doute entendu dire que son objectif serait de faire en sorte que le Canada obtienne les meilleurs résultats étant donné le rôle très visible que nous jouons au sein du GAFI. À votre avis, si le projet de loi C-25 est adopté en l'état, pourrons-nous atteindre l'objectif visé?

Mme French : Merci de votre question. Je dirais que ce projet de loi nous rapproche certainement de l'objectif. Nous avons déjà un régime très robuste mais, comme l'a dit le ministre, les criminels ne cessent de trouver de nouvelles façons d'exploiter le système. Les normes internationales et les organismes créés dans le but de mener cette lutte doivent se donner sans cesse des moyens plus performants pour ne pas être pris de vitesse par les changements qui se produisent sur le marché. Ce projet de loi nous rapproche de cet objectif. C'est un régime très musclé.

M. Burbidge : Je suis d'accord avec Mme French.

Le sénateur Angus : Quand vous dites qu'on fait un pas de plus et que cela nous rapproche de notre objectif, cela veut dire pour moi que nous n'y sommes pas encore. Le groupe de travail a fait 40 recommandations de base et neuf recommandations particulières. Dans quelle mesure saurons-nous les mettre en œuvre?

Mme French : Les fonctionnaires des Finances vous répondront que la perfection est difficile à atteindre dans ce domaine étant donné que les enjeux évoluent constamment. Chose certaine, ce projet de loi répond aux exigences essentielles articulées par le GAFI dans ses 40 recommandations de base et ses neuf recommandations particulières. Cette loi facilitera l'observation. Le Canada va faire l'objet d'un examen du GAFI. Nous ne nous attendons pas à sortir premiers de cet examen étant donné qu'aucun pays ne présente une fiche parfaite. Cependant, nous pensons que cette loi nous rapprochera beaucoup de notre objectif.

Le sénateur Angus : Monsieur Burbidge, dans votre allocution liminaire, vous avez déclaré :

Pour toutes ces raisons, nous estimons que le projet de loi C-25 hausse considérablement la barre en matière de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité au Canada. Le secteur financier devra déployer beaucoup plus d'efforts et de ressources pour les mettre en œuvre.

Pouvez-vous expliciter votre pensée, s'il vous plaît?

M. Burbidge : Oui, les banques canadiennes et les autres institutions financières que nous réglementons ou surveillons consacrent des ressources financières et humaines considérables pour mettre en œuvre le régime existant. Il ne fait aucun doute que certaines de ces nouvelles exigences exigeront plus d'efforts de leur part.

Je les mentionne parce qu'elles vont jouer un rôle très important si nous voulons atteindre le genre de normes et de mesures auxquelles le GAFI s'attend. J'ai été formé pour évaluer l'observation des normes du GAFI dans les autres pays, et c'est un système extrêmement complexe. Il y a 49 recommandations, et chacune est fractionnée en de nombreux sous-thèmes qui se rejoignent tous les uns les autres. C'est extrêmement complexe. Comme ma collègue du CANAFE vient de vous le dire, aucun pays n'a obtenu la note parfaite relativement au respect de ces exigences. Les banques ont investi des ressources considérables dans la mise en œuvre du régime existant, et elles sont maintenant bien placées pour profiter des systèmes. Elles ont dans leurs institutions les systèmes de formation qu'il leur faut pour mettre en œuvre ces nouvelles exigences. Ce n'est pas comme si tout le monde partait à zéro. Comme tout autre régime qui suppose des mesures d'observation, tout cela a un prix. Le milieu financier accepte de payer ce prix parce qu'il est d'avis que ces mesures sont importantes et qu'elles sont nécessaires si l'on veut vaincre les méchants.

Le sénateur Angus : Comme vous savez, le Canada jouit d'une réputation enviable dans les milieux financiers internationaux du fait de son système et de ses services bancaire qui sont assurés aux citoyens canadiens avec tout ce que cela suppose.

Entrevoyez-vous des éléments négatifs dans ces règles qui pourraient nuire aux services bancaires?

Au cours de nos audiences, des témoins nous ont dit que les entreprises de transfert de fonds avaient connu tout à coup un essor incroyable. On nous a dit qu'il y en a divers types partout au pays, par exemple, les bureaux de change. Leur expansion tiendrait au fait que les banques ont quitté ce secteur. Il y avait trop de paperasserie, tout était devenu trop compliqué, et il en coûtait trop cher aux banques pour maintenir des comptes bancaires pour des gens qui n'ont que de petites sommes à la banque, des gens qui ont 1 000 $ ici et 400 $ là, et qui veulent faire des transferts de fonds vers d'autres pays. Les banques ont délaissé ce secteur pour des raisons apparemment raisonnables, et ainsi, ces autres entreprises ont pris de l'expansion pour combler ce vide, apparemment de manière tout à fait légitime. Cependant, elles seraient devenues la cible de choix de l'élément criminel étant donné qu'elles ne sont pas réglementées. On nous a dit que cette nouvelle industrie risquait de souffrir beaucoup avec cette loi qui va les réglementer et les obliger à s'enregistrer. Est-ce qu'on peut blâmer les banques d'avoir quitté ce secteur?

M. Burbidge : Nous avons toujours été d'avis que les banques sont les seules à pouvoir décider à qui elles offriront des services bancaires. Il est tout à fait vrai qu'au cours des dernières années, depuis que le Canada s'est doté de cette loi, on a vu croître le nombre d'entreprises de transfert de fonds, mais je crois que c'est pour cette raison que le gouvernement propose aujourd'hui ces mesures qui engloberont les entreprises de transfert de fonds. Nous ne réglementons pas les entreprises de transfert de fonds, et cette loi ne nous permettra pas de le faire non plus. Ce sera le travail de quelqu'un d'autre. Cependant, les banques sont libres d'offrir leurs services à qui elles veulent. Personne n'oblige les banques à fournir des services à tel ou tel client. Plus on impose de nouveaux règlements, plus l'on s'inquiète de voir le secteur des transactions financières illicites passer à un autre domaine qui n'est pas réglementé, et c'est une raison de plus pour étendre l'application du régime aux entreprises de transfert de fonds.

Mme French : Les entreprises de transferts de fonds et les bureaux de change sont visés par la LRPCFAT. Elles sont obligées d'avoir un régime d'observation, elles sont obligées de tenir des comptes, elles doivent exiger des pièces d'identité des clients, et elles doivent signaler les transactions suspectes ou celles qui dépassent les seuils établis au CANAFE.

On a remarqué que le secteur des entreprises de transfert de fonds, étant donné qu'il n'est pas réglementé, est plus vulnérable au blanchiment d'argent et autres abus d'un genre ou d'un autre. Avec cette loi, nous saurons qui ils sont, ils seront identifiables, et nous connaîtrons les administrateurs et les personnes qui gèrent ces entreprises étant donné qu'ils feront partie du système d'enregistrement.

Le sénateur Angus : Nous manquons de temps, mais je dois vous dire que c'est un secteur qui nous préoccupe. Vous avez cinq ou six grandes banques à charte, et même si nous vivons dans une économie libre et que ces banques sont libres de choisir leur clientèle, il subsiste tout de même un élément de compromis dans notre système. Notre comité s'intéresse beaucoup, et ce, depuis 139 ans, à ce que nos banques font et ne font pas. S'il y a un problème du fait que le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme nuisent à nos services bancaires, cela nous intéresse.

Comment allez-vous réglementer ce secteur? Cette loi sera-t-elle suffisante si vous avez des centaines et des centaines et littéralement des milliers d'entreprises de transfert de fonds qui seront tout à coup assujetties à une réglementation? L'infrastructure voulue est-elle en place? Avez-vous les ressources voulues?

Mme French : Il appartiendra aux bureaux de transfert de fonds de se soumettre au processus d'enregistrement. Nous voulons que ce processus d'enregistrement soit aussi simple que possible. En conséquence, nous croyons que les entreprises légitimes s'inscriront d'elles-mêmes au système que le CANAFE met en place. Si ces entreprises ne le font pas, elles violeront la loi.

Le sénateur Angus : La question est de savoir qui va faire respecter la loi?

Le sénateur Moore : Je crois que vous étiez ici lorsque le ministre a fait son exposé. Je lui ai posé une question sur le signalement des transactions qui semblent suspectes. Il m'a répondu que le CANAFE va fournir des lignes directrices aux entreprises pour qu'elles puissent identifier ce genre de transactions. Ces lignes directrices sont-elles prêtes?

Mme French : Chose certaine, nous y travaillons, mais bien sûr, la loi n'a pas encore été votée. Nous allons mettre en place le système qui donnera des lignes directrices aux entreprises. C'est en fait assez simple parce qu'il y aurait un cas où l'entreprise croit que le client qui est arrivé à la banque essaie de faire une transaction suspecte et décide ensuite de ne pas aller de l'avant avec la transaction. Ce serait un cas de tentative de transaction qui semble suspecte. Ce serait un cas où le client décide de ne pas aller de l'avant avec la transaction.

Le sénateur Moore : Comment communiquez-vous? Est-ce que vous rédigez une note de service et l'envoyez à toutes les banques et à toutes les entreprises de services financiers?

Mme French : Nous faisons tout un travail de sensibilisation auprès des entreprises pour nous assurer qu'elles comprennent bien leurs responsabilités. Nous avons un programme complet de formation, des systèmes d'information, des prospectus et des séances d'information, sans oublier que nous avons nos lignes directrices sur notre site Web.

Le sénateur Moore : Passons maintenant au Groupe de travail sur les activités financières; vous m'avez peut-être entendu poser des questions au sujet du seuil de 10 000 $. Quels sont les pays avec lesquels nous faisons le plus de transactions? J'aimerais savoir quels sont ces chiffres et quel est le seuil correspondant dans chacun de ces pays avec lesquels nous faisons le reste de nos transactions. Avez-vous ces informations, ou pouvez-vous nous les communiquer plus tard?

Mme French : Je vais demander à mon collègue du secteur de l'observation s'il a ces informations. Étant donné que les États-Unis sont notre plus grand partenaire commercial, il est très probable que le plus grand nombre de transferts électroniques internationaux aboutissent aux États-Unis. Je vais demander à mon collègue de confirmer cela. Comme on a dit plus tôt, le seuil aux États-Unis est également de 10 000 $ pour le signalement d'une transaction.

Le président : J'espère que vous allez nous communiquer ces informations le plus tôt possible. Si vous ne les avez pas aujourd'hui, demain ou après-demain.

James Butcher, directeur adjoint, Opérations régionales et observation, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) : Je ne peux pas vous donner ces chiffres au pied levé. Nous saisissons les transferts électroniques de fonds et les instructions de transfert de fonds, et c'est peut-être différent de la question que vous posez au sujet du flux des transactions, à savoir si elles sont plus nord-sud vers les États-Unis ou si elles sont plus tournées vers d'autres pays. Tout dépend de la question. Ce que nous saisissons, ce sont les instructions de transfert de fonds vers le Canada ou quittant le Canada. Ces instructions nous sont signalées par les banques ou les entreprises de transfert de fonds, ce qui ne correspond peut-être pas exactement à votre question sur le sens des échanges. Nous saisissons les fonds. Mais je n'ai pas de chiffres ici qui me disent que tel pourcentage est nord-sud et tel autre pourcentage vers tel ou tel autre pays.

Le sénateur Moore : Nous savons que nous faisons affaire avec 32 autres pays.

Le président : Nous serions heureux de recevoir tout ce que vous avez par écrit.

Le sénateur Moore : Discutez-vous de ce seuil de 10 000 $ lorsque vous rencontrez les membres du groupe de travail? Croyez-vous que vous pourriez saisir plus de transactions si le seuil était plus bas, ou le seuil est-il très bien comme cela? Est-ce qu'il a déjà été plus élevé et a été rabaissé à 10 000 $? D'où vient ce chiffre?

Mme French : Dans notre régime, le seuil a toujours été de 10 000 $.

Le sénateur Moore : Depuis quand?

Mme French : Depuis l'an 2000, lorsque la loi a été votée. C'est une question pratique. Pour commencer, le seuil de 10 000 $ est bien compris par les entreprises qui collaborent. C'est facile pour elles, et c'est facile pour le secteur en général. Il y a bien d'autres raisons pour lesquelles nous pensons que le seuil est bien pensé. D'autres pays ont un seuil semblable, et cela facilite les choses. Nous croyons que cela est compatible avec l'activité criminelle, et que cette somme est d'une taille suffisante pour que la collecte d'informations en vaille la peine. Il convient de noter qu'on nous signale environ six millions de transactions importantes en argent comptant par année et, en plus, neuf millions de transferts de fonds électroniques.

Le sénateur Moore : J'ai une autre question. On a entendu des chiffres relativement aux poursuites, et cetera. Un cas a été signalé dans la Gazette de Montréal le 2 décembre, et il était dit que : « De fortes sommes d'argent sont transférées dans des comptes à l'étranger. Il y a à peine deux semaines de cela, un Québécois accusé d'avoir blanchi un milliard de dollars en argent provenant du trafic de la drogue en se servant d'une société d'investissement basée aux Bahamas a été reconnu coupable à New York. Le 20 novembre, Martin Tremblay, de Chicoutimi, a plaidé coupable à l'accusation qui lui était faite d'avoir utilisé Dominion Investments Limited pour dissimuler les profits du trafic de la drogue. »

Êtes-vous au courant de cette affaire?

Mme French : Les dispositions de la LRPCFAT m'interdisent de parler de cas particuliers. Je ne peux rien confirmer, rien nier.

Le sénateur Moore : Vous ne pouvez pas dire que vous êtes au courant? Maintenant vous l'êtes.

Mme French : Nous lisons les journaux aussi, oui.

Le sénateur Moore : Dans ce cas-ci, un milliard de dollars, vous adresseriez-vous aux autorités à New York ou à quelqu'un aux Bahamas ou ailleurs pour voir comment vous pourriez prévenir cela à l'avenir? C'est beaucoup d'argent.

Mme French : De manière générale, nous faisons cela régulièrement pour nous assurer que les systèmes et les processus ainsi que les approches analytiques que nous mettons en place sont pointus et qu'ils nous permettent de prévenir ce genre de choses. Je dois vous rappeler que notre instance ne fait pas d'enquête. Notre travail consiste à examiner des transactions et à signaler les transactions suspectes.

Le sénateur Moore : Un cas de cette nature ne se voit probablement pas tous les jours. Vous avez probablement des motifs de parler à vos homologues américains qui sont membres du groupe de travail pour leur dire : « Il faut parler de cela. » C'est ce que je ferais à votre place, mais est-ce que vous le faites?

Yvon Carrière, avocat-conseil, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) : CANAFE appartient au groupe Egmont qui tient des travaux semestriels sur les typologies où toutes les unités du renseignement financier se réunissent pour discuter des nouvelles tendances dans le domaine du blanchiment de l'argent ainsi que des cas les plus importants. Je pense que le cas dont vous parlez ferait l'objet d'une discussion dans ce forum.

Le sénateur Moore : Est-ce que cela se fait seulement une fois par an?

M. Carrière : Ce groupe se réunit bien plus qu'une fois par an.

Le sénateur Meighen : Je ne suis pas certain d'avoir bien compris cette question ou si le ministre y a répondu.

Quelles sortes de sanctions les règlements infligeraient-ils à quelqu'un qui n'aurait pas su identifier correctement une tentative de transaction? Il me emble qu'il n'est pas facile d'identifier des tentatives de transactions. Malgré toute la bonne volonté au monde, cela pourrait nous échapper. Est-ce que les règlements prévoient des sanctions très sévères?

Mme French : Je crois comprendre que nous mettons en place un régime de sanctions au niveau du contrôle administratif pour augmenter ce qui est à notre disposition actuellement dans le cadre du régime des sanctions criminelles. Ces sanctions iront de mineures à graves ou très graves. Selon la loi, quiconque omet de signaler une transaction suspecte commet une infraction très grave. Nous devons encore travailler là-dessus pour déterminer comment appliquer les sanctions que nous voulons mettre en place.

Le sénateur Meighen : Avez-vous l'impression qu'une tentative de transaction est quelque chose de très différent d'une transaction complète quand il s'agit de faire un signalement?

M. Carrière : En ce moment, la loi prévoit des sanctions pour ceux qui omettent de signaler une transaction douteuse.

Le sénateur Meighen : Que se passe-t-il si c'est une tentative de transaction douteuse?

M. Carrière : Je pense que les mêmes sanctions qui s'appliquent maintenant à l'omission du signalement d'une transaction douteuse s'appliquent aussi à l'omission de signaler une tentative de transaction douteuse. Ces sanctions s'appliquent seulement lorsque l'omission est faite sciemment. Il faut avoir sciemment omis de signaler une transaction douteuse ou une tentative de transaction douteuse.

Le sénateur Meighen : Sommes-nous évalués à la fois par le GAFI et par la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme?

M. Carrière : Le Canada sera évalué seulement en ce qui concerne les mesures contre le blanchiment de l'argent. Je ne pense pas qu'il y ait encore d'évaluation annuelle en ce qui concerne notre conformité à la convention de l'ONU contre le terrorisme.

Le sénateur Meighen : Est-ce qu'il y a une évaluation quelconque?

M. Burbidge : L'évaluation du GAFI vise la conformité aux lois contre le blanchiment de l'argent aussi que la conformité aux lois contre le financement du terrorisme.

Si vous parlez en particulier des conventions des Nations Unies, le GAFI examine comment un pays applique les résolutions des Nations Unies en matière de lutte contre le terrorisme pour voir si le système est compatible et efficace? On évalue la partie du système qui porte sur la lutte contre le terrorisme. Le GAFI a neuf recommandations précises en ce qui concerne les mesures contre le terrorisme.

Le sénateur Goldstein : On propose de porter le temps de conservation des renseignements de cinq à dix ans, et dans le cas d'une enquête en cours, ce serait 15 ans.

Pour quelles raisons avez-vous doublé ce chiffre? Avez-vous eu des problèmes avec le temps de conservation relativement court? Je pense que cinq années c'est long. Mais vous semblez penser que ce n'est pas assez et vous doublez le temps. Pourriez-vous nous dire en quelques mots pourquoi et quelle a été votre expérience, en particulier en ce qui concerne la conservation sur cinq ans?

Mme French : La disposition qui modifie la conservation des rapports permettra au CANAFE de faire une meilleure analyse des tendances dans l'avenir. Nous avons vraiment besoin de garder les rapports au moins dix ans afin de faire une bonne analyse stratégique des différentes tendances dans le blanchiment de l'argent et le financement du terrorisme. Cela nous permet de le faire.

Le président : Nous avons dépassé notre temps. Sénateur Massicotte, une dernière question. Si vous avez la question, veuillez nous la donner par écrit et répondre aussi rapidement que possible. Nous avons dépassé notre temps et il y a un autre comité.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je reviens sur un défi important pour le projet de loi. Le blanchiment d'argent peut nuire énormément à l'économie, à notre confiance en nous-mêmes. J'aimerais avoir quelques commentaires de votre part, si c'est possible, pour nous donner l'assurance que les mesures sont adéquates, que l'on contrôle la situation. Je suis sûr que c'est pareil pour nous tous, quand on va dans différents villes au Canada, on y voit des restaurants, des hôtels et toutes sortes de commerces d'affaires dont on sait qu'ils ne sont pas rentables, et on sait qu'ils sont là uniquement pour blanchir de l'argent.

Donnez-nous un message de confiance pour dire que, oui, nous sommes avons le contrôle du problème.

[Traduction]

Mme French : Je peux confirmer que ces mesures sont bonnes pour le régime et qu'elles aideront certainement le CANAFE à mieux faire son travail. Nous croyons que tous les participants au système pourront ainsi mieux faire leur travail.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Ce n'étais pas ma question. Je sais que cela va aider, je n'en doute pas, mais est-ce que c'est adéquat? Le problème est majeur et j'ai l'impression qu'on parle sans vraiment s'attaquer au problème. Êtes-vous vraiment confiants vis-à-vis du fait qu'on va régler le problème avec ces mesures?

Mme French : Je pense que, dans tous les pays, c'est le même problème. C'est un gros problème et on peut chercher des solutions étape par étape. Nous avons pris quelques mesures qui nous rapprochent d'un système plus efficace.

Le sénateur Massicotte : Je sais que c'est une compétition, mais j'ai l'impression que les mauvaises personnes gagnent et que nous on devrait perdre.

[Traduction]

M. Burbidge : Il faut se rendre compte que le secteur réglementé, le secteur que je connais le mieux, traite des millions de transactions par jour. On est obligé de surveiller les activités suspectes et même les tentatives d'activités suspectes.

C'est donc une surveillance considérable qu'il faut assurer. Quand on y ajoute l'obligation d'identifier et d'appliquer une surveillance accrue aux situations à plus haut risque, nous faisons des progrès. Cela entraîne de toute évidence une activité énorme de la part du secteur réglementé. Soyez assurés que cette activité se fait et qu'elle entraîne une surveillance accrue et un contrôle accru pour essayer d'attraper les criminels.

Le président : Notre temps a été abrégé à cause du temps pris par le ministre. Nous voulons remercier vos deux organismes du travail fait en notre nom.

La séance est levée.


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