Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 12 - Témoignages du 13 décembre 2006
OTTAWA, le mercredi 13 décembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l'impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à tout le monde au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous examinons le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l'impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence. Nous accueillons aujourd'hui deux éminents témoins : M. Everett Colby, président du Comité d'étude de la politique fiscale et budgétaire de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, et M. Gary Rogers, de la Centrale des caisses de crédit du Canada.
Je voudrais formuler quelques observations préliminaires. Nos délibérations étant télévisées, des Canadiens d'un océan à l'autre peuvent les suivre à la télévision et des gens dans le monde entier peuvent les écouter sur Internet. Nous devrions donc parler d'une manière pondérée et réfléchie.
Vous vous souviendrez, monsieur Colby, que notre comité a fait du travail préliminaire et a produit un rapport provisoire avant le dépôt de ce projet de loi. Nous en sommes maintenant aux dernières étapes de l'examen de cette mesure législative, l'étude en comité. Elle a déjà été approuvée en principe à l'étape de la deuxième lecture. Nous sommes prêts à vous écouter. Comme nous n'avons qu'une demi-heure, j'espère que votre exposé préliminaire sera aussi bref que possible. Nous pouvons peut-être diviser le temps en deux : 15 minutes avec vous, monsieur Colby, et 15 autres pour discuter de vos questions, monsieur Rogers, qui sont distinctes.
Everett Colby, président, Comité d'étude de la politique fiscale et budgétaire de CGA-Canada, Association des comptables généraux accrédités du Canada : Au nom de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada et de ses 68 000 membres, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue sur le projet de loi C-25.
J'exerce aussi la profession de comptable. Ma clientèle se compose principalement de petites et moyennes entreprises. Comme l'a mentionné le président, j'ai déjà comparu devant votre comité et je me suis occupé de cette mesure législative depuis le début.
Comme nous ne disposons pas de beaucoup de temps, mon exposé sera encore plus bref que les notes distribuées, de façon à laisser plus de temps pour les questions.
Nous avons essentiellement une préoccupation au sujet du projet de loi, notre point de vue étant axé sur le rôle des comptables professionnels. Monsieur le président, honorables sénateurs, la disposition concernant les opérations douteuses tentées nous cause vraiment beaucoup de difficultés.
Comme groupe, comme membres du public et comme résidents du Canada, nous appuyons les efforts déployés pour combattre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, mais nous vous demandons de comprendre que, même si le projet de loi est en principe bon, il comporte des aspects auxquels il nous est pratiquement impossible de nous conformer dans certains cas.
La loi est relativement récente, n'ayant été adoptée qu'il y a environ cinq ans. Nous avons récemment procédé à l'examen quinquennal. En toute franchise, nous n'avons pas vu de statistiques ou d'autres renseignements du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, pouvant établir que l'addition des opérations douteuses tentées améliore la loi ou la rend plus efficace.
Je vais m'en tenir à cela pour laisser plus de temps aux questions. Je crois que cela sera plus utile pour tout le monde.
Le président : Je crois que vous avez une autre observation à formuler, que j'ai examinée et que nous pourrons régler, j'espère. Vous avez demandé au comité de prévoir assez de temps, avant l'entrée en vigueur du projet de loi, pour vous permettre de vous adapter aux révisions et de communiquer avec vos membres et de les informer des conséquences de leurs nouvelles responsabilités.
M. Colby : Oui, monsieur, cela est exact. J'ai pensé que je pourrai le mentionner en réponse à des questions. Lorsque la loi a été adoptée dans sa première version, il nous a fallu, comme à beaucoup d'autres organisations, presque deux ans pour communiquer avec nos membres et surtout pour produire tout le matériel dont ils devaient se servir. Nous devons apprendre aux gens à porter des jugements pour essayer de se conformer à cette mesure législative. Maintenant qu'elle est sensiblement modifiée, il faudra encore du temps d'adaptation. Je vous remercie d'en avoir pris note.
Le président : Il importe de souligner cet aspect. Quand le gouvernement impose une nouvelle responsabilité, il lui incombe de prendre en considération le temps nécessaire pour que les professionnels s'y adaptent. Peut-être pourrons- nous plus tard tenir compte de cette question d'une manière différente.
Le sénateur Harb : Je voudrais vous poser une question au sujet de vos rapports avec vos clients. Les avocats attachent une énorme importance au secret professionnel et souhaitent donc que l'information touchant leurs rapports avec leurs clients soit soustraite à toutes sortes de dispositions. Estimez-vous aussi que vos rapports avec vos clients doivent rester confidentiels ou bien croyez-vous devoir dénoncer un client si vous soupçonnez qu'il se livre à des activités douteuses? Que faites-vous dans de telles situations?
M. Colby : Ce n'est pas facile. En fait, lorsque la première version de la loi est entrée en vigueur, la question du secret professionnel s'est posée. Il y a trois facteurs à considérer : le secret professionnel, la confidentialité et la protection des renseignements personnels. De toute évidence, cette mesure législative prévoit des exceptions qui nous autorisent, comme profession, à communiquer des renseignements personnels à une organisation gouvernementale au à un organisme de réglementation.
Les comptables ne jouissent pas du même droit au secret professionnel que les avocats, mais il est clair que nos relations avec le client se fondent sur la confidentialité. Comme dans le cas des médecins et d'autres professionnels, les clients sont censés s'ouvrir à nous sans crainte au sujet de leurs affaires financières. Nous recueillons beaucoup de renseignements délicats. Les clients veulent avoir l'assurance que nous saurons maintenir le caractère confidentiel de ces renseignements. Lors de l'adoption de la première version de la loi, nous avons dû complètement changer notre code d'éthique pour nous y conformer. Nous croyons qu'à part cette mesure législative, beaucoup d'autres adoptées dans les cinq dernières années nous ont imposé des contraintes dans nos relations avec nos clients. Les clients commencent non à se méfier de nous, mais à s'inquiéter du fait que nous sommes censés communiquer des renseignements à leur sujet. Pour cette raison, ils ne sont peut-être plus aussi ouverts avec nous.
Le sénateur Harb : Quelle est l'étendue du problème du blanchiment d'argent, de votre point de vue professionnel? Avez-vous fait des études pour déterminer quel nombre ou pourcentage de clients vous soupçonnez de se livrer au blanchiment d'argent? Quel est l'étendue du problème? Devrions-nous être inquiets? De quoi parlons-nous ici?
M. Colby : Je voudrais bien comprendre la question que vous me posez. Me demandez-vous mon avis sur l'implication des comptables dans le blanchiment d'argent ou sur les répercussions de nos relations avec nos clients?
Le sénateur Harb : De votre point de vue, avec une clientèle de 65 000 ou plus, quelle est l'importance du problème du blanchiment d'argent? Quelle est l'étendue du problème? Il a dû vous arriver de dénoncer un client aux autorités parce que vous aviez des soupçons ou même des preuves. Votre organisation a-t-elle réalisé des études pour déterminer l'étendue du problème?
M. Colby : Nous n'avons fait aucune étude. En réalité, nous nous attendions, dans le cadre de l'examen quinquennal qui a été fait, à voir des statistiques produites par le CANAFE. Nous n'avons rien vu concernant les comptables professionnels. Nous savons, d'une façon générale, que des comptables sont impliqués, souvent sans le savoir.
Le blanchiment d'argent est un commerce. Beaucoup de gens l'envisagent comme un crime, une opération clandestine, mais ce n'est pas le cas. Pour ceux qui s'y livrent, c'est un commerce très lucratif. Ces gens se servent souvent d'entreprises comme façades pour faciliter leurs activités. La plupart produisent des déclarations de revenus. Il est donc naturel que des comptables soient mêlés à ces activités, souvent sans être au courant.
Personnellement, j'enseigne et je donne des ateliers et des conseils aux comptables partout au Canada, de même que dans les Antilles, depuis cinq ans. Jusqu'ici, je n'en ai jamais vu un seul qui ait dénoncé un client parce qu'il le soupçonnait d'activités douteuses.
Comme d'autres professionnels, beaucoup d'entre nous essaient de connaître leurs clients avant d'accepter de travailler pour eux. Notre réputation est précieuse pour nous. Aucun client ne vaut le risque de perdre sa réputation. Je conseille à tous les comptables de prendre le temps de connaître leurs clients pour ne jamais avoir à être obligés de les dénoncer.
Le sénateur Nolin : Je ne siège à ce comité que depuis peu de temps, mais je suis un peu inquiet après vous avoir écouté. Que voulez-vous exactement que nous fassions dans ce cas? Si vous croyez que nous devrions agir différemment, de quelle façon? De toute évidence, vous représentez un important chaînon dans la recherche des gens qui se livrent à des activités illicites. Je ne dis pas que vous contribuez au problème. Je dis plutôt que vous avez les connaissances et l'expertise. Parce que vous êtes des professionnels, nous comptons sur vous pour exercer une surveillance au nom de tous les Canadiens. Qu'est-ce que vous nous proposez donc de faire? Quelle est la bonne façon d'agir?
M. Colby : Je vais vous donner quelques idées à envisager. Premièrement, pourquoi voulez-vous réparer une chose qui fonctionne bien? Nous avons une loi qui exige de communiquer les opérations suspectes, mais ces opérations doivent avoir eu lieu.
Le projet de loi à l'étude va plus loin, nous demandant de communiquer des renseignements sur les tentatives d'opérations douteuses. Lors de l'adoption de la première version de la loi, nous avions trouvé difficile de communiquer des renseignements sur les opérations douteuses parce qu'il fallait porter un jugement que les comptables et d'autres professionnels n'ont pas reçu la formation nécessaire pour porter. On ne leur avait jamais appris à reconnaître des activités criminelles possibles.
C'est la raison pour laquelle toutes les organisations de comptables et les autres associations des domaines de l'assurance, de l'immobilier, et cetera, ont dû investir tant de temps et de ressources pour créer du matériel de formation et apprendre à leurs membres à porter ce jugement pour être en mesure de se conformer à la loi.
Nous estimons avoir fait du bon travail jusqu'ici. Nous n'avons connaissance d'aucune réaction du CANAFE qui nous permette de croire que la loi actuelle crée des difficultés.
Si j'ai bien compris, le qualificatif « tentée » n'a été ajouté qu'à la demande du Groupe d'action financière internationale. Je crois également savoir — mais je ne suis pas vraiment sûr que ce soit encore le cas — que cette mesure n'a été prise ni par les États-Unis ni par le Royaume-Uni.
La raison pour laquelle cette disposition me déplaît tant, c'est qu'il est possible de porter un jugement sur une opération en en examinant les différents éléments. Dans ce cas, cependant, quand on parle d'une opération « tentée », vous attendez-vous, si vous me faites part d'une idée pendant une conversation, à ce que je tente de deviner jusqu'où vous comptez développer cette idée?
Il sera extrêmement difficile d'essayer de se conformer à la loi en l'absence d'une opération réelle.
Le sénateur Nolin : Je sais que c'est difficile. Les avocats criminalistes en savent long sur les « tentatives », qui, soit dit en passant, constituent souvent des infractions. Les tentatives de meurtre et d'autres actes criminels sont contraires à la loi et constituent en soi des infractions.
M. Colby : C'est exact.
Le sénateur Nolin : Le simple fait de penser à commettre un acte criminel est contraire à la loi. Par conséquent, la mens rea ou intention criminelle joue un rôle critique.
Je sais que les comptables ne sont pas habitués à cette réalité, avec laquelle les avocats sont très familiers. Les criminalistes sont très au courant de ce genre de situation. Ce n'est pas facile, je l'admets. Les procureurs qui intentent des poursuites pour « tentative » connaissent de grandes difficultés sur le plan de la preuve. N'empêche, c'est une infraction.
Les Canadiens ont décidé que c'était contraire à leurs valeurs. Nous devons donc tout faire pour prévenir ces opérations. C'est pour cette raison que nous essayons de vous amener à nous aider.
M. Colby : Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous.
Le sénateur Nolin : Vous en avez parfaitement le droit.
M. Colby : Je vais vous dire pourquoi. Si le CANAFE recueille de l'information sur les opérations suspectes et veut maintenant en recueillir sur les tentatives d'opérations suspectes, ce n'est pas nécessairement parce qu'il s'agit d'activités criminelles. On nous demande de porter un jugement sur la question de savoir si une transaction relève d'une catégorie qui pourrait être criminelle, non parce que nous croyons qu'elle est criminelle ou qu'elle peut aboutir à un résultat criminel. Le CANAFE veut se servir de l'information recueillie pour la recouper avec les renseignements obtenus d'autres sources.
L'un des inconvénients possibles de la collecte de trop d'information, c'est qu'on consacre de précieuses ressources à cela au lieu de les concentrer sur les bons renseignements qu'il serait possible d'obtenir. Je travaille beaucoup dans ce domaine parce que je le connais bien. Il se trouve que beaucoup de mes clients sont des avocats criminalistes. Je suis donc bien au courant de ce dont vous parlez. Je vais vous poser une question : Vous venez me voir à mon bureau. Il doit y avoir un élément déclencheur.
Le sénateur Nolin : Nous connaissons-nous?
M. Colby : Pas encore, vous êtes un nouveau client. Je ne vous connais pas.
Le sénateur Nolin : Vous faites preuve d'une diligence raisonnable.
M. Colby : C'est exact et, ce faisant, j'aboutis à la conclusion que vous semblez être un homme d'affaires de bonne foi. Vous me dites que vous envisagez une planification fiscale à l'étranger, ce qui est parfaitement légal tant que c'est fait de la bonne manière. Quelles seraient les conséquences si une société ayant son siège en Autriche et appartenant à mon frère fait un virement dont je me sers pour une hypothèque? Toutes ces opérations pourraient être légitimes. À ce moment, vous décidez de quitter mon bureau. Ce dont vous m'avez parlé pourrait constituer une tentative d'opération douteuse, mais je ne le sais pas. Rien n'a été fait concrètement, aucune mesure n'a été prise. Vous êtes peut-être venu simplement pour me poser des questions.
Je crois que nous avons déjà suffisamment de difficultés à porter un jugement sur une opération réelle parce qu'il faut considérer la situation d'ensemble avant d'affirmer qu'il y a blanchiment d'argent. Avec les nouvelles dispositions, nous ne pourrons peut-être nous fonder que sur une simple conversation pour faire des analyses et tirer des conclusions.
Le sénateur Nolin : Dans les efforts que vous avez déployés pour bien saisir ces nouvelles dispositions — vous en avez déjà parlé —, je suis sûr que vous avez essayé de comprendre le travail de la police qui cherche à réunir des preuves et à recueillir des renseignements. Je suis sûr que la police doit vous donner une idée de la façon dont elle souhaite que vous procédiez.
L'exemple que vous nous avez donné est une illustration parfaite de l'approche légitime d'un client qui traite avec un comptable professionnel.
M. Colby : C'est exact.
Le sénateur Nolin : Il n'y a là aucune difficulté.
M. Colby : Vous soulevez une bonne question. Lors du dépôt de la première version de la loi, tout s'est fait en l'espace de six à huit mois. Ensuite, nous avons attendu un an ou 18 mois pour que le CANAFE élabore les lignes directrices — nous y avons participé aussi — sur la base desquelles les gens devaient porter un jugement. Pour le moment, aucune ligne directrice ou ébauche de ligne directrice n'a été publiée sur la façon dont notre profession — et je ne parle ni des banques ni de personne d'autre — peut tenter de se conformer à cette disposition.
Ce que je crains, c'est que si la fonction publique que le CANAFE sert — qui n'est pas censée faire le travail de la police — conclut qu'il y a de forts soupçons, elle peut communiquer les renseignements à la police. Si celle-ci vient à mon bureau faire une perquisition pour vérifier si je me suis conformé à la loi, elle peut apprendre que cette conversation a eu lieu et me dire que je dois payer une amende parce que je n'ai pas déclaré une tentative d'opération douteuse. De quelle façon puis-je me défendre? Comment établir qu'il ne s'agissait pas pour moi d'une opération douteuse puisqu'aucune opération réelle n'a eu lieu?
Le président : Le temps presse. Je vais conclure parce que nous devons passer aux témoins suivants. Monsieur Colby, le comité est sensible aux préoccupations que vous avez exprimées. Vous avez pu constater que le sénateur Nolin y est également sensible.
Nous comprenons le problème, mais nos préoccupations relatives à l'intérêt public vont encore plus loin. Les différentes études que nous avons menées au sujet de ce projet de loi et de l'ensemble de cette question nous ont permis de constater que des milliards de dollars de fonds illicites circulent au Canada, à des fins de blanchiment d'argent ou à d'autres fins. La mesure dont nous sommes saisis vise à nous faire avancer pour mieux affronter ce grand problème de notre économie. L'économie a une zone grise dont le gouvernement tente de se rapprocher petit à petit.
Votre témoignage est très précis. Nous vous en sommes reconnaissants. Vous dites qu'à défaut de lignes directrices et de règlements, vous n'avez pas vraiment d'autres observations à présenter.
On nous a dit qu'une fois le projet de loi adopté — et nous nous attendons à ce qu'il le soit —, il y aura des lignes directrices et des règlements complets. Nous espérons bien d'ailleurs que ces règlements seront non seulement complets, mais aussi soigneusement conçus pour éviter d'imposer un fardeau indu à la profession. Notre comité se soucie également de la productivité de notre économie. Nous ne voulons donc pas que les comptables perdent leur temps à de simples fins réglementaires.
Je ne peux pas parler au nom du gouvernement, mais je crois qu'il y est également sensible. Il ne s'agit pas d'une toute nouvelle mesure. Je suis donc persuadé que le gouvernement vous laissera tout le temps nécessaire pour lui faire part de vos préoccupations.
Le comité est saisi de cette affaire. Si vous estimez, dans un certain temps, que le gouvernement ne vous a pas donné satisfaction au sujet de cette mesure législative, nous serons disposés à vous écouter et à examiner les lignes directrices et les règlements, si vous avez à vous en plaindre. Nous comprenons votre situation. Pour sa part, notre comité travaille en faveur des affaires et de la productivité, auxquelles nous ne voulons pas nuire. Nous sommes donc sensibles à tout ce que vous avez dit.
Le sénateur Nolin : J'aimerais ajouter une chose à ce qu'a dit le président. Si vous examinez la disposition relative à l'entrée en vigueur, vous constaterez qu'elle parle de la date ou des dates fixées par décret. Il peut donc y avoir de multiples dates.
L'objectif, je crois, est de mettre en place une loi qui permettra à chacun d'atteindre un objectif. Savons-nous comment cela se fera? Il est probable qu'on travaille déjà à la rédaction des lignes directrices.
Le président : Nous avons reçu des témoignages selon lesquels le gouvernement travaille déjà à la rédaction des lignes directrices. Il faut d'abord que les principes soient bien arrêtés dans la mesure législative avant de mettre la dernière main aux lignes directrices, mais c'est une tâche ardue. Sénateur Nolin, vous n'avez pas participé à nos audiences précédentes. Nous vous souhaitons la bienvenue ici. Nous resterons saisis de l'objet du projet de loi parce que nos rapports sont provisoires. Nous ne mettons pas fin à notre mandat. Nous sommes sensibles aux arguments que vous avez présentés tous les deux. Les mêmes préoccupations ont été exprimées par d'autres professionnels, et notamment les avocats. Cette mesure législative est en évolution. Nous espérons bien arriver à concilier l'intérêt public avec les besoins individuels.
M. Colby : Lors de l'adoption de la loi, il y a cinq ans, le CANAFE avait clairement dit qu'il collaborerait avec les intervenants dans les premières années, de façon à les aider à se conformer. Nous en sommes maintenant au point où le CANAFE impose des sanctions. Avec un changement tellement important, le CANAFE va-t-il à nouveau collaborer avec les intervenants dans ce secteur, tout en restant aussi rigoureux sur les autres dispositions de la loi? L'adaptation prendra un certain temps.
Le président : Encore une fois, nous ne sommes pas le gouvernement. Nous sommes un comité du Sénat. Nous resterons saisis de cette question. Si le gouvernement commettait des abus dans la mise en œuvre de ce projet de loi, il est certain que nous ferons entendre la voix de la raison, comme le Sénat l'a toujours fait. Nous vous remercions d'avoir porté ces questions à notre attention. Nous voulons être sûrs que la loi aura de bons résultats non seulement pour vous et vos clients, mais aussi dans l'intérêt public.
M. Gary Rogers est le vice-président aux Politiques financières de la Centrale des caisses de crédit du Canada.
Gary Rogers, vice-président, Politiques financières, Centrale des caisses de crédit du Canada : Nous avons été heureux d'être invités à nous présenter devant le comité aujourd'hui. Mon employeur, la Centrale des caisses de crédit du Canada, couramment appelée Centrale nationale, est une institution financière sous réglementation fédérale qui joue le rôle d'association corporative de nos actionnaires, les 504 caisses de crédit du Canada.
Nos caisses de crédit emploient 24 000 personnes. Je tiens à mentionner ce chiffre parce que nous aurons besoin de donner de la formation à ces 24 000 employés ou à une grande partie d'entre eux sur le blanchiment d'argent. Je vais vous mentionner un autre chiffre : les caisses de crédit ont actuellement un actif total de 93 milliards de dollars. Ces caisses sont assujetties à la réglementation provinciale mais, grandes ou petites, elles doivent se conformer aux mesures législatives concernant le blanchiment d'argent.
Je voudrais vous faire part de quelques préoccupations précises exprimées par nos membres au sujet du projet de loi. J'aurai en outre quelques observations générales sur l'évolution du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes.
Permettez-moi de dire en premier que nous reconnaissons la nécessité d'adopter rapidement ce projet de loi. Ainsi, certains de mes commentaires ont pour objet de renseigner le comité, dont les membres auront, je suppose, l'occasion d'examiner certaines de ces questions dans les prochains mois.
Premièrement, les caisses de crédit craignent que ces dispositions législatives ne soient mises en place avant la tenue d'un débat public complet sur certains des grands concepts en jeu, comme l'évaluation du besoin, l'efficacité et l'équité. Par exemple, les nouvelles exigences sont-elles vraiment nécessaires pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme au Canada? Et, ce qui est encore plus important, les mesures proposées préviendront-elles efficacement ces activités ou bien serviront-elles uniquement à produire davantage de rapports sur les opérations financières? Les exigences sont-elles équitables dans la répartition du fardeau de la conformité parmi les organisations et les secteurs de la société?
Jusqu'ici, le gouvernement fédéral n'a pas vraiment donné aux intervenants la preuve que les mesures proposées sont nécessaires et qu'elles seront efficaces et équitables. Nous faisons cette affirmation après avoir examiné le témoignage récent des responsables du ministère des Finances. Les fonctionnaires n'ont pas pu présenter des statistiques ou une analyse particulière établissant que ces nouveaux rapports permettront d'obtenir de meilleurs résultats.
La Centrale nationale a participé à des consultations avec le ministère lors de l'élaboration du projet de loi. Les discussions ont davantage porté sur les moyens de se conformer aux exigences internationales que sur les grandes questions que j'ai évoquées.
Deuxièmement, les caisses de crédit s'inquiètent du fardeau supplémentaire que certaines dispositions leur imposeront. Comme vous le savez, les caisses sont des institutions financières relativement petites par rapport aux banques du Canada. De nouvelles exigences réglementaires ajouteront un nouveau fardeau de conformité et nécessiteront des ressources, du personnel, et cetera.
Pendant que nous procédions à l'évaluation de ce fardeau en fonction de l'efficacité, nous avons noté, comme vous avez dû le faire, j'en suis sûr, les récents rapports de la vérificatrice générale. Le rapport de 2000 mentionnait 10 millions de transactions ayant donné lieu à 197 divulgations du CANAFE aux organismes d'application de la loi. En 2005-2006, sur les 14,9 millions de transactions déclarées, 168 seulement ont fait l'objet de divulgations. Après un certain nombre d'années de fonctionnement, nous devrions savoir si ces divulgations ont abouti à des poursuites et à des condamnations et dans combien de cas.
Pour dire les choses plus simplement, vous comprendrez sûrement que les caissiers d'une petite coopérative de crédit de l'île du Cap-Breton se demandent pourquoi nous agissons ainsi. Cela en vaut-il vraiment la peine?
Troisièmement, les caisses de crédit s'inquiètent de ce qu'elles ne savent pas encore au sujet du projet de loi : le diable est habituellement dans les détails. Il est vraiment impossible de déterminer exactement les pleines répercussions des dispositions, dont l'essentiel figurera dans la réglementation qui n'a pas encore été publiée. Quelqu'un a noté que ce projet de loi de 48 pages comprend 54 renvois aux règlements. Il énonce un certain nombre de concepts généraux dont les détails seront annoncés plus tard. M. Colby a mentionné les « opérations douteuses tentées ». C'est une nouvelle expression qui n'est accompagnée que de bien peu d'indications sur la façon d'identifier les opérations en cause. Nous participerons avec les caisses de crédit à la discussion des nouveaux règlements, mais ceux-ci ne reviendront pas au comité pour un examen parlementaire et ne feront pas l'objet d'un débat public.
Le président : Je voudrais vous interrompre un instant pour préciser que le mandat du comité est ouvert. Nous examinons l'objet du projet de loi, mais nous avons également le pouvoir d'étudier la question dans le cadre du mandat général du comité. Nous vous avons dit, ainsi qu'aux autres témoins, qu'il s'agit là d'un examen permanent, et non d'un examen à intervalles de deux ans. Si le comité se rend compte qu'un certain nombre de questions doivent être réglées, il reprendra son examen pour s'en occuper. Nous vous prions de croire que nous voulons vraiment que le projet de loi fonctionne aussi bien dans l'intérêt public que pour les particuliers. Nous n'en aurons pas fini avec le projet de loi une fois qu'il sera adopté. Nous sommes ici pour nous assurer qu'il fonctionnera adéquatement et qu'il établira un bon équilibre entre les différents intérêts de la société.
M. Rogers : C'est excellent. Nous attendrons avec intérêt ce dialogue aussi bien au comité qu'au niveau ministériel.
Le président : Si le comité ne tient pas des audiences, vous pouvez prendre l'initiative d'envoyer des renseignements supplémentaires à notre greffière, qui les distribuera aux membres du comité. Nous nous réunissons régulièrement. Si nous avons la preuve que le projet de loi donne de mauvais résultats, nous serons disposés à travailler avec le gouvernement et avec vous pour nous assurer qu'il fonctionne dans l'intérêt public.
M. Rogers : Je voudrais aborder deux préoccupations particulières mentionnées dans notre mémoire. La première concerne les opérations douteuses tentées et la seconde, les étrangers politiquement vulnérables. À l'heure actuelle, toutes les entités déclarantes sont tenues de produire des rapports sur les opérations financières effectuées. Toutefois, le projet de loi leur imposera également de présenter des rapports sur les opérations « tentées » sans succès. Cette disposition est une source de préoccupation parce qu'elle ne donne aucune indication sur la façon de repérer les opérations douteuses incomplètes. Il est à craindre qu'elle n'impose une exigence de conformité à laquelle il sera difficile de satisfaire. Si une opération est tentée, puis abandonnée, il peut être difficile sinon impossible d'obtenir les renseignements nécessaires pour produire le rapport obligatoire. Dans une perspective opérationnelle, l'effet immédiat d'une telle exigence sera de contraindre les caisses de crédit à donner de la formation, à modifier leurs politiques, leurs systèmes informatiques, ou autre. C'est certainement un sujet de préoccupation, mais je ne m'attarderai pas sur ce point.
Compte tenu de ces préoccupations et des observations formulées par M. Colby il y a quelques instants, nous recommandons qu'une fois le projet de loi adopté, un délai soit accordé pour le mettre en vigueur. Nous proposons une période d'au moins six mois entre le moment où les règlements seront publiés et la date d'entrée en vigueur, afin de donner à nos caisses de crédit et à d'autres institutions financières le temps d'élaborer les procédures de conformité nécessaires.
En ce qui concerne les personnes politiquement vulnérables, il s'agit là d'un nouveau concept, qui s'applique non seulement aux personnes mêmes, mais aussi aux membres prescrits de leur famille. Une fois que ces personnes ont été identifiées, l'approbation des cadres supérieurs de l'institution financière est nécessaire. La définition d'« étranger politiquement vulnérable » comprend non seulement les catégories évidentes des chefs d'État, et cetera, mais aussi des personnalités qui ne sont pas nécessairement très en vue, c'est-à-dire non seulement des ambassadeurs, mais aussi des conseillers d'ambassade et des dirigeants de sociétés d'État. Cette définition nous amène à nous interroger sur la façon dont nous pourrons identifier les étrangers en cause et les membres de leur famille. Nous avons encore une fois de l'incertitude, de même que de nouvelles exigences réglementaires et de formation.
L'absence d'un seuil d'importance relative est une autre source de préoccupation dans le cas de cette disposition qui s'applique à toute opération financière, de quelque montant qu'elle soit. Si la disposition est maintenue, nous recommandons qu'elle comporte un tel seuil, pour qu'il soit possible de distinguer les opérations importantes effectuées par des étrangers politiquement vulnérables des opérations sans conséquence du point de vue du blanchiment d'argent ou du financement du terrorisme.
Voilà qui met fin à mon exposé, monsieur le président. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président : Je remercie les témoins pour leurs exposés très complets.
Le sénateur Goldstein : Monsieur Rogers, vous nous avez présenté d'excellents renseignements, qui nous permettent de bien comprendre votre point de vue sur la question.
Je voudrais vous poser une question sur un sujet que vous n'avez pas abordé. Le projet de loi accorde au CANAFE le pouvoir d'imposer, en cas de non-conformité, des amendes assez importantes qui peuvent atteindre 100 000 $ dans le cas d'une personne et 500 000 $ dans le cas d'une entité. Ce pouvoir conféré à un organisme qui définit ses propres règles de conformité lui permet de juger de la conformité de ceux qui sont assujettis à ses règles. Qu'en pensez-vous? Ma question est un peu tendancieuse, et j'espère que vous me donnerez la réponse que j'attends.
M. Rogers : Bien sûr, nous sommes toujours soucieux de nous conformer aux exigences lorsque des amendes et des sanctions sont en cause. Il est toujours préférable d'avoir des paramètres précis indiquant quand appliquer ou ne pas appliquer ces exigences. L'incertitude à cet égard augmente notre inquiétude. Si nous manquons une opération qui aurait dû être déclarée, quelles en seront les conséquences? Nous avons l'impression que toute une série de conséquences sont possibles.
Le sénateur Goldstein : Heureusement, il est possible d'en appeler aux tribunaux. Nous avons traditionnellement manifesté plus de respect et de confiance envers les tribunaux qu'envers la quasi-totalité des autres organismes. Les événements récents semblent confirmer ce principe. Avez-vous des recommandations précises à formuler? Monsieur Colby, vous vous inquiétez de la possibilité pour un simple mortel de déterminer si une opération douteuse a été tentée. Est-ce que l'un d'entre vous peut nous dire s'il trouve raisonnable que le CANAFE soit investi d'un tel pouvoir?
M. Colby : Un comité consultatif a été proposé. Nous sommes d'avis qu'il conviendrait peut-être, pour préciser des choses aussi subjectives que des « opérations douteuses effectuées » et des « opérations douteuses tentées », de former un comité comprenant les intervenants et d'autres, à part le CANAFE, pour se prononcer sur l'imposition de sanctions en cas de manquement, parce que l'affaire n'est vraiment pas simple. Le comité devrait peut-être même comprendre des membres de votre comité ou d'autres personnes indépendantes du CANAFE, qui pourraient examiner toutes les circonstances dans lesquelles un jugement a été porté.
M. Rogers : C'est une arme à double tranchant. Il peut être avantageux de prévoir des pouvoirs discrétionnaires en matière d'imposition de sanctions, mais cela dépend de l'arbitre. Cela peut donc être risqué.
Le sénateur Harb : M. Colby a, dans une grande mesure, soulevé la même question. À quel point peut-on déterminer qu'une opération est douteuse? Monsieur Rogers, vous semblez être du même avis que M. Colby. Que recommandez- vous au gouvernement de faire pour vous donner satisfaction et pour tenir compte du fait qu'il y a 50 p. 100 de chances qu'une chose se soit produite? Comment le gouvernement devrait-il régler cette situation?
M. Rogers : Nous nous inquiétons des opérations tentées. Dans le passé, lorsqu'une opération était effectuée, il n'y avait aucun souci à se faire au sujet de la définition. Nous attendons la parution des règlements et les discussions que susciteront les opérations tentées.
Le sénateur Eyton : Je vous remercie pour vos exposés. Certains de vos arguments sont très valables. J'ai été sensible en particulier à vos observations concernant les petites caisses de crédit que vous comptez parmi vos 504 membres, qui pourraient n'avoir qu'un effectif d'une ou de deux personnes et qui seront tout à coup confrontées à un régime auquel elles ne sont pas habituées. J'admets qu'une grande partie du fardeau découlera des règlements. Pouvez-vous cependant proposer une approche à deux niveaux dans laquelle les grandes institutions auraient à remplir certains formulaires et rapports, tandis que les petites ayant moins de ressources humaines et financières en auraient moins à faire?
M. Rogers : Pour toute une gamme de questions, et pas seulement pour celle-ci, nous sommes en faveur de la recherche de moyens reconnaissant qu'il est très difficile de mettre tout le monde dans le même moule. Surtout dans le cas des petites institutions financières, où les employés connaissent personnellement les clients, nous sommes en faveur d'un régime de conformité différent.
Le sénateur Eyton : On retrouve cette approche à deux paliers dans le monde des entreprises où nous avons de grandes sociétés publiques, des petites sociétés et des entreprises semi-publiques. Il y a des niveaux différents de déclaration et de conformité.
M. Rogers : Il existe de nombreux exemples de dispositions et de mesures distinctes. Il y a effectivement une différence.
Le sénateur Eyton : Avez-vous des arguments précis à présenter à ce sujet?
M. Rogers : Non.
Le sénateur Eyton : Je suppose que vous allez attendre les règlements.
M. Rogers : Oui. Nous espérons aussi que le projet de loi fera l'objet d'autres discussions.
Le président : Je répète ce que j'ai dit au départ. Votre exposé est précis et opportun. Il met en évidence certains aspects des modifications prévues dans le projet de loi. Nous attendons avec impatience les règlements et les lignes directrices. Nous nous posons également des questions sur certains points, par exemple la question du seuil d'importance relative et l'idée qu'un étranger soit politiquement vulnérable. Mais qu'en est-il de sa famille? Comment trouver rapidement tous ces renseignements? Il y a également la question des virements électroniques. Vous avez noté à juste titre que vous ne pouvez pas contrôler les deux bouts de l'opération si l'argent est destiné à une institution non membre. Toutes ces questions sont délicates et importantes. Nous nous attendons donc à ce que le gouvernement tienne soigneusement compte de ces témoignages. Nous insisterons sur ces attentes auprès du gouvernement dans quelque temps. Je vous donne l'assurance que nous garderons ce dossier ouvert. Si la question des règlements et des lignes directrices paraît complexe ou difficile ou ne semble pas donner un moyen d'affronter ce problème, nous serons disposés à intervenir auprès du gouvernement.
Je vous remercie tous deux pour votre témoignage et vos mémoires. Nous les examinerons soigneusement et nous espérons que le gouvernement le fera aussi. Nous les annexerons à nos délibérations. Nous ferons de notre mieux pour que le projet de loi donne les résultats attendus. Nous ne pouvons pas prendre d'engagements explicites à votre égard, mais nous ferons des efforts dans le cadre des pouvoirs que nous avons au Sénat.
Nous sommes enchantés d'accueillir aujourd'hui, comme dernier témoin, Mme Stoddart, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Nous allons manquer de temps. Nous comprenons vos préoccupations et avons reçu vos observations au sujet du projet de loi. Nous en avons parlé lors de la comparution du ministre. Nous connaissons donc bien le sujet. Je ne voudrais cependant pas vous empêcher de témoigner. La parole est à vous.
Jennifer Stoddart, commissaire, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada : Honorables sénateurs, j'ai un bref exposé à vous présenter. Nous savons que nous avons affaire ici à un comité d'experts. Nous tenons à vous féliciter pour votre rapport intitulé Comment endiguer l'hémorragie de l'argent illicite : Une priorité pour le Canada. Nous avons trouvé que vos préoccupations correspondent beaucoup aux nôtres. Il y a un double objectif : d'une part, protéger les renseignements personnels et le droit à la vie privée et, de l'autre, combattre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes, qui revêtent une importance croissante.
Les honorables sénateurs savent que, même si elles ne sont pas radicales, les modifications proposées dans le projet de loi sont néanmoins importantes pour nous, compte tenu du nombre d'organisations et des genres de renseignements en cause. De nouvelles catégories d'information seront recueillies, y compris bien sûr des renseignements personnels. De plus, le CANAFE a des pouvoirs accrus en matière de communication de renseignements.
Il nous est difficile de déterminer si les modifications proposées sont nécessaires. Je laisse le soin de le faire à votre comité. Comme la plupart des Canadiens, nous n'avons pas suffisamment de renseignements fiables sur lesquels nous baser, en dépit du fait que nous avons examiné les témoignages de nombreux témoins sur l'étendue des activités de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Le principe de proportionnalité, qui constitue un concept clé dans la protection des renseignements personnels, est difficile à appliquer dans ce cas.
Nous comprenons cependant que des engagements internationaux urgents sont en jeu et que le Canada estime nécessaire d'actualiser sa loi afin de s'y conformer.
[Français]
Il y a trois dispositions dont j'aimerais parler en premier. Pour une, c'est des dispositions en vertu desquelles le CANAFE pourrait transmettre des renseignements au Centre de sécurité et des télécommunications, le CST, s'il juge que l'information a trait au mandat du CST, qui consiste à acquérir et à utiliser de l'information dans le but de fournir des renseignements étrangers.
Notre préoccupation est que la CST n'est pas un organisme d'enquête ou d'exécution de la loi. Alors tout renseignement transmis au CST ne peut donc pas servir à des fins d'application de la loi contrairement au CANAFE qui peut communiquer de l'information à GRC, à l'Agence du revenu du Canada ou à l'Agence des services frontaliers du Canada. Cependant, la CST peut utiliser cette information pour assujettir des particuliers à une surveillance accrue. En outre, l'information obtenue par le CST peut être transmise à la GRC et au SCRS, qui pourraient même la retourner au CANAFE par la suite. On se demande s'il y a lieu d'une disposition pour laquelle il y a autant d'applications de contournement. On se demande si la GRC et SCRS veulent fournir l'information au CST sur les cibles possibles, et pourquoi ils ne devraient pas le faire directement.
[Traduction]
Notre deuxième observation porte sur les entités visées qui doivent prendre des mesures particulières à l'égard des étrangers politiquement vulnérables et des membres de leur famille. Je fais partie des témoins qui s'inquiètent des mesures supplémentaires dont doivent faire l'objet ces personnes et leur famille. Nous comprenons la raison d'être de ces dispositions, mais, compte tenu du fait que le CANAFE a conclu une quarantaine d'ententes d'échange de renseignements avec différents pays du monde, nous craignons que cette disposition ne soit utilisée comme moyen détourné pour permettre à d'autres pays d'obtenir des renseignements sur leurs propres fonctionnaires. Comme l'application de la disposition ne sera précisée que par voie réglementaire, nous aimerions demander aux honorables sénateurs, s'ils ont des observations à faire sur d'éventuels règlements, d'exiger que ceux-ci soient étroitement définis.
Enfin, je constate avec plaisir que le comité a recommandé une surveillance accrue du CANAFE. Je note aussi avec satisfaction que le comité de la Chambre des communes, qui est à l'origine de ce texte, a demandé au Commissariat de procéder à un examen des activités liées à la protection des renseignements personnels. Dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit des examens à intervalles de deux ans. Compte tenu de la charge de travail législative, cet intervalle est beaucoup trop court. Le comité m'avait invitée à comparaître. Malheureusement, je n'ai pas pu y aller parce que j'assistais à une conférence internationale. Le comité a donc opté pour des intervalles de deux ans. Si c'était possible, nous aimerions disposer d'un peu plus de temps pour procéder à une vérification, compte tenu du fait que la période d'examen de la mesure législative elle-même est de cinq ans. Nous avions en fait l'intention de vérifier les activités du CANAFE au cours du prochain exercice, dans le cadre des pouvoirs que nous confère actuellement la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Pour terminer, je voudrais revenir au principe de proportionnalité. Ayant entendu tous les témoins, je vous encourage à déterminer si le principe de proportionnalité justifie toutes les mesures énoncées dans le projet de loi.
Je serais maintenant heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Le comité a été saisi de ce problème. Nous sommes préoccupés parce que des milliards de dollars sont en jeu. Nous avons entendu des témoignages étonnants selon lesquels la GRC ne dispose pas de fonds suffisants pour enquêter ne serait-ce que sur 25 p. 100 des affaires qui le mériteraient. Le problème est énorme. C'est un trou gris dans notre économie, qui est rempli par des fonds illicites. Nous avons une loi, mais les mesures d'application ne suffisent ni pour protéger les renseignements personnels ni pour engager des poursuites contre les responsables.
Nous gardons ce dossier ouvert parce que tous les membres du comité craignent que notre économie n'attire plus d'investissements étrangers et qu'elle ne soit plus considérée comme équitable à moins que nous puissions persuader les investisseurs canadiens et étrangers qu'elle est sûre et solide. Ce problème a des répercussions sur notre productivité et notre prospérité.
Nous essayons d'affronter ce problème systémique. Nous comprenons bien la nécessité de protéger les renseignements personnels, comme en témoignent nos recommandations. Le gouvernement a jugé bon de modifier la loi pour régler ce problème, ce dont nous sommes enchantés. Nous sommes ici pour servir et intérêt public, et non les intérêts privés des différents intervenants.
Je voudrais commencer par dire que le problème est important et qu'il grandit à un rythme très rapide. Nous devons nous y attaquer si nous voulons prospérer et devenir plus productifs. Nous sommes très conscients de vos préoccupations et nous espérons bien arriver à nous en occuper dans une certaine mesure au cours de cette séance.
Le sénateur Angus : J'appuie pleinement ce qu'a dit le président. Bonjour, commissaire et collègues. Il est clair que vous avez suivi le processus législatif dans le cas de ce projet de loi, qui est très complexe.
Comme vous le savez, lorsque le projet de loi a été déposé à l'origine à la Chambre des communes, il ne prévoyait aucune supervision du CANAFE. À un moment donné, on a adopté la recommandation que nous avions formulée dans notre rapport du printemps dernier en chargeant un organisme tel que le CSARS de la surveillance. Par la suite, on nous a signalé ainsi qu'aux députés que cette recommandation était difficile à mettre en œuvre dans le cadre législatif actuel. C'est alors que votre Commissariat a été envisagé.
J'ai été heureux d'apprendre que le Commissariat a de toute façon un mandat permanent lui permettant de surveiller différents organismes, même en l'absence d'une disposition législative précise. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quelle est la portée de votre mandat de surveillance du CANAFE en dehors du projet de loi à l'étude?
Mme Stoddart : Depuis 1983, la Loi sur la protection des renseignements personnels nous confère le pouvoir d'examiner les processus de manipulation de renseignements personnels des entités de l'administration fédérale. Nous avons la possibilité de choisir parmi un vaste éventail d'organismes à examiner chaque année, dans la mesure où nos ressources le permettent. Ordinairement, nos moyens financiers sont très limités, ce qui a beaucoup restreint notre pouvoir de surveillance en matière de renseignements personnels. Toutefois, nous avons obtenu davantage de fonds, qui nous permettent d'entreprendre un programme de vérification plus énergique.
Le sénateur Angus : Je suis curieux parce que j'ai participé à la négociation des compromis qui ont permis aux députés et aux sénateurs intéressés de s'entendre sur les dispositions actuelles. Diriez-vous que la disposition en question est redondante?
Mme Stoddart : Non, je ne le dirais pas, je pense qu'elle est bonne. Vous avez peut-être suivi mes démarches en faveur d'une réforme de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il est important pour les Canadiens que notre rôle de surveillance soit précisé dans certains cas délicats. Je m'en félicite. Je dirais simplement que si c'était possible, un intervalle d'un peu plus de deux ans serait plus commode, essentiellement sur le plan de l'efficacité.
Le sénateur Angus : Mon opinion est superficielle, je vous l'accorde, mais vous auriez un rôle permanent de surveillance. L'intervalle de deux ans ne s'applique qu'à la présentation de rapports au Parlement. Dites-vous que vos moyens sont limités et qu'il vous faut plus de ressources et de pouvoirs? Vous vous réjouissez de cette disposition, mais vous pensez que ce serait un fardeau trop lourd d'exercer une surveillance permanente et de présenter un rapport au Parlement tous les deux ans?
Mme Stoddart : Ce serait un fardeau assez lourd parce que notre récent budget ne prévoyait pas un rôle permanent et des intervalles de deux ans. Le CANAFE est inscrit sur notre liste d'organismes à vérifier l'année prochaine. Nous avons effectué une vérification à l'Agence des services frontaliers du Canada l'année dernière, et nous vérifions cette année le fichier inconsultable de la GRC. Nous estimons qu'il est important pour nous de faire ces examens dans la conjoncture actuelle. Nous avons procédé à une analyse rapide. Si nous devons vérifier le CANAFE tous les deux ans, cela nous coûtera un quart de millions de dollars en ressources humaines internes ou l'équivalent pour rémunérer des experts. Ces questions sont complexes. Nous n'avons pas de ressources suffisantes dans notre budget actuel.
Nous pouvons faire des vérifications à différents niveaux. Nous pouvons également vérifier une partie des opérations une année et le reste, au cours de la période suivante de deux ans. Nous pouvons nous arranger avec des intervalles de deux ans, mais, si c'était possible, des intervalles un peu plus longs seraient préférables.
Le sénateur Angus : Commissaire, c'est votre jour de chance. Nous sommes le 13 décembre. C'est aussi le jour de chance de la GRC parce que nous avons dans cette salle un grand nombre de hauts fonctionnaires du ministère des Finances et de représentants du cabinet du ministre. Ils s'occupent tous du prochain budget que le nouveau gouvernement déposera dans les premiers mois de la nouvelle année. C'est donc une excellente occasion de plaider en faveur de ressources supplémentaires pour votre Commissariat.
Le président : Cette réunion fait d'ailleurs partie du processus des consultations prébudgétaires.
Le sénateur Angus : Absolument, c'est vers cela que nous nous dirigeons. Compte tenu des points de vue exposés par le président et le vice-président, j'ai l'impression que nous plaidons en faveur d'un plus grand financement de ces secteurs importants, qu'il s'agisse de surveillance, de protection du droit à la vie privée des Canadiens ou encore des révélations choquantes faites jeudi dernier, selon lesquelles la GRC n'a eu les moyens d'enquêter que sur 150 des 800 groupes du crime organisé.
Cela étant dit, pouvons-nous passer à la question de la proportionnalité? Vous avez dit, je crois, que dans le domaine de la protection des renseignements personnels, la proportionnalité est l'un des principaux facteurs qui vous donnent un sens de la mesure, si je peux m'exprimer ainsi. Compte tenu de ce que vous avez entendu et vu dans la transcription de nos témoignages, croyez-vous que le projet de loi à l'étude nécessite de trouver un meilleur équilibre parce qu'il faut faire face à d'importants éléments criminels?
Mme Stoddart : Sénateur, je ne sais pas si le principe de l'équilibre est aujourd'hui aussi utile qu'il l'a été dans le passé. Je crois que nous avons pris une orientation favorisant une plus grande sécurité au détriment de la vie privée. Ce choix est actuellement examiné par les tribunaux, qui auront à se prononcer là-dessus, ce qui est une bonne chose.
Je suppose que je demande aux sénateurs, qui ont entendu tous les témoignages et qui en savent probablement beaucoup sur les dangers qui menacent notre sécurité et l'intégrité de notre économie, de déterminer si les dispositions du projet de loi respectent le principe de proportionnalité. Je pose la question d'une façon générale. Le projet de loi contient de nombreuses dispositions, mais beaucoup d'autres feront partie des règlements à venir, qui pourraient soit élargir soit resserrer la portée du projet de loi. En principe, je dis que...
Le président : Commissaire, les règlements ne peuvent pas élargir la portée d'une loi. C'est impossible. Ils doivent s'inscrire dans les limites de la loi.
Mme Stoddart : Vous avez parfaitement raison du point de vue juridique, mais je pense qu'un règlement peut, en un sens, colorer la loi.
Le président : J'en conviens.
Le sénateur Angus : C'est l'un des principaux objets des règlements. Une fois qu'une loi est adoptée, les experts doivent pouvoir l'appliquer. Je crois que votre conseil est bon. J'ai pris des notes plus tôt, lorsque vous avez dit que les règlements doivent être étroitement définis, pour prévenir toute possibilité de violation du droit à la vie privée.
Mme Stoddart : C'est exact. Il y a également la question de l'importance des dispositions du projet de loi qui seront définies par voie réglementaire. À mesure que la société devient plus complexe, l'État tend à gouverner par règlement. Cette tendance peut réduire le droit à la vie privée. Je vous en ai donné un exemple.
Le sénateur Angus : J'ai deux autres choses à dire, dans la même veine que le président. Tout d'abord, nous avons l'intention de poursuivre notre examen. Nous n'avons pas eu la possibilité de terminer notre examen législatif parce qu'il est urgent d'adopter le projet de loi. Nous espérons en avoir fini aujourd'hui avec notre second examen objectif de cette mesure législative.
Toutefois, avant d'aller plus loin, j'aimerais être sûr que vous ne voyez pas d'inconvénient majeur à l'adoption du projet de loi, dans sa forme actuelle, et qu'à votre avis, il ne contient rien qui ne devrait pas y être.
Mme Stoddart : J'ai mentionné dans mon mémoire que nous sommes préoccupés par la disposition permettant au CANAFE de communiquer des renseignements au Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, qui n'est pas un organisme d'application de la loi.
Quelle est la différence, me direz-vous? La différence, c'est que lorsque vous communiquez des renseignements personnels à un organisme d'application de la loi, il peut les utiliser pendant une période assez longue, puis doit les détruire à un moment donné. La manipulation de renseignements personnels doit comporter certaines conséquences. Nos processus juridiques imposent l'obligation d'agir d'une certaine façon.
Un organisme de surveillance comme le CST fait simplement de la surveillance. Il contrôle les faits et gestes d'une personne, et je suppose que cela peut se poursuivre indéfiniment. Nous signalons simplement que le CANAFE est un organisme de surveillance et qu'il échange des renseignements avec un autre organisme de surveillance ce qui, dans une optique de protection des renseignements personnels, intensifie la surveillance à laquelle les Canadiens sont soumis.
Le sénateur Angus : Nous comprenons cela. Les règlements en tiendront compte. Nous mentionnerons ces éléments à l'étape de la troisième lecture. Nous espérons cependant que vous ne trouvez pas ces questions assez graves pour empêcher l'adoption du projet de loi. Est-ce bien le cas?
Mme Stoddart : Non, cela n'empêche pas l'adoption du projet de loi. Toutefois, nous proposons de supprimer la modification proposée à l'article 55, alinéa (3)f), à la page 18 du projet de loi C-25, je crois.
Il y a une autre question que je voudrais porter à votre attention...
Le président : Excusez-moi, commissaire, faisons une chose à la fois. Page 18, à quel paragraphe?
Mme Stoddart : Dans la version française, c'est le premier paragraphe complet, à droite, alinéa (3)f).
Le président : Veuillez le lire, s'il vous plaît.
Mme Stoddart : Voici le texte de l'alinéa :
au Centre de la sécurité des télécommunications, si en outre il estime que les renseignements concernent le mandat de ce centre visé à l'alinéa 273.64(1)a) de la Loi sur la Défense nationale.
Le président : Selon vous, cette disposition est inutile?
Mme Stoddart : C'est exact.
Le sénateur Goldstein : Je vous remercie d'être revenue nous voir au comité. Il est toujours très agréable de vous écouter.
Beaucoup d'entre nous se soucient au moins autant, sinon plus, de la protection des renseignements personnels que de l'économie. Tout le long de nos audiences consacrées au projet de loi C-25 et avant le dépôt du projet de loi, au cours de notre étude générale sur le sujet, nous nous sommes inquiétés de l'intervention dans la vie privée des Canadiens.
Nous sommes maintenant allés plus loin pour parler d'étrangers politiquement vulnérables. Nous intervenons maintenant dans le droit à la vie privée des Canadiens et de toute autre personne politiquement vulnérable dans le cadre de définitions qui, même pour des avocats, paraissent vraiment excessives. Elles s'étendent non seulement à la famille, mais aussi aux amis et aux connaissances, à des gens avec qui on a peut-être eu des contacts à un moment donné dans le passé. La définition a une énorme portée.
Pour ce qui est des renvois aux règlements, que nous n'avons pas vus, même si le président a raison en principe de dire qu'ils ne peuvent pas modifier la loi, lorsque celle-ci prévoit que les personnes concernées sont déterminées par les règlements, ceux-ci revêtent en fait un caractère législatif. Certains d'entre nous s'inquiètent aussi de cet aspect. Nous sommes conscients du fait que votre mandat est limité, ce que certains d'entre nous trouvent regrettable.
Je voudrais vous parler de surveillance. Votre mandat porte sur la protection des renseignements personnels. Les pouvoirs de surveillance qui vous sont conférés sont limités dans l'objet et dans le temps. La limitation de l'objet est de nature législative.
Le président : Sénateur Goldstein, si vous parlez d'une disposition particulière du projet de loi, il serait utile pour nous de savoir laquelle pour être en mesure de suivre votre raisonnement.
Le sénateur Goldstein : Il s'agit de l'article 38 du projet de loi, qui modifie le paragraphe 72(2) de la loi. Il dit que le commissaire à la protection de la vie privée « procède à l'examen des mesures prises par le Centre en vue de protéger les renseignements qu'il recueille en application de la présente loi ».
Cette disposition est exprimée d'une façon restrictive. Elle ne porte ni sur les opérations ni sur la façon dont les renseignements communiqués à d'autres sont protégés par eux. Elle n'exige pas du commissaire à la protection de la vie privée de déterminer si le CANAFE, qui doit se conformer aux ententes conclues avec une trentaine d'autres pays, qui n'ont pas tous la même protection législative des renseignements personnels, veillera à ce que ces pays respectent les exigences de protection de la vie privée que nous connaissons et auxquelles nous tenons.
Avez-vous des observations à formuler sur la question de savoir si vos pouvoirs de surveillance devraient être élargis? Indépendamment de la difficulté dont vous avez parlé de procéder à un examen tous les deux ans, considérez- vous que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ou CSARS, serait mieux placé pour effectuer cet examen et qu'il devrait le faire au moins une fois par an sinon plus souvent?
Je vous ai posé beaucoup de questions, commissaire.
Le président : Vous avez posé quatre questions. Ce sera votre part. Veuillez poursuivre, commissaire.
Le sénateur Goldstein : De toute façon, il faut que je parte dans quelques instants.
Le président : Commissaire, vous pouvez répondre à autant de questions que vous pourrez.
Mme Stoddart : C'est un vrai marathon. Oui, je crois que le juge O'Connor a recommandé dans son récent rapport que la surveillance du CANAFE soit confiée au CSARS.
Le rapport signale que le Commissariat, comme le Bureau du vérificateur général, n'a qu'un rôle de surveillance limité. Je crois que ce rôle devrait être maintenu. Nous aurons besoin de collaborer avec les autres organismes, mais nous ne voyons aucun inconvénient à coopérer avec la vérificatrice générale dans notre examen. D'autres peuvent s'occuper de l'aspect sécurité nationale.
Est-ce que notre mandat pourrait être élargi? Je suppose que ce serait possible, mais l'expression « protection de l'information » pourrait s'étendre au droit à la vie privée. Si le comité a le temps d'élaborer les nombreuses dispositions que vous avez mentionnées — par exemple, l'assurance que l'information communiquée à l'étranger sera traitée de la même façon qu'au Canada et les autres questions relatives à l'utilisation mondiale de l'information —, nous en serions très heureux, mais cette question pourrait sans doute s'inscrire dans le titre général de la protection de l'information.
Le sénateur Goldstein : Puis-je poursuivre? En fait, je voudrais faire une déclaration plutôt que de poser une question.
Le président : Si vous voulez faire une déclaration, il faudrait qu'elle soit brève parce qu'il ne nous reste que six minutes.
Le sénateur Goldstein : Elle sera brève car je suis attendu ailleurs, sans compter que d'autres veulent prendre la parole.
Nous sommes dans une situation peu enviable. Nous devons étudier un projet de loi qui, pour diverses raisons, doit être adopté rapidement. Nous nous retrouverons souvent dans cette situation, et encore plus souvent dans les derniers jours d'une session. Il est malheureux que des mesures législatives doivent être adoptées dans de telles conditions. Je le dis en public parce qu'il est temps de le dire et surtout de faire savoir à l'autre endroit que le Sénat, qui est censé procéder à un second examen objectif, a besoin du temps nécessaire pour le faire. À partir de la prochaine session, je voterai systématiquement contre les projets de loi qui nous sont transmis le jour même ils doivent être adoptés. Je trouve cela intolérable, et je ne suis pas disposé à continuer, surtout dans le cas de projets de loi de cette nature qui peuvent porter atteinte aux droits de la quasi-totalité des Canadiens.
Ma dernière question, commissaire, porte sur un sujet complètement différent. Le projet de loi prévoit des amendes importantes, ou qui peuvent être importantes, en cas de non-conformité. Il est possible, en principe, de faire appel à la Cour fédérale. C'est un soulagement pour beaucoup d'entre nous, car nous avons confiance dans notre système judiciaire. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet? À votre avis, convient-il d'investir d'un tel pouvoir un organisme de collecte de renseignements?
Mme Stoddart : Je suppose que ce pouvoir est conféré pour encourager la conformité à la loi. Je ne sais pas si cette disposition se fonde sur des antécédents de non-conformité.
Comme l'honorable sénateur le sait, presque toutes les mesures législatives de cette nature ont des dispositions d'une forme ou d'une autre pour assurer la conformité.
Le sénateur Goldstein : Toutefois, à ma connaissance, il n'y a pas d'autres organismes, sauf dans le cas des valeurs mobilières, qui aient à la fois le pouvoir d'établir la non-conformité et d'imposer des amendes. Il s'agit d'une situation dans laquelle l'organisme détermine lui-même s'il y a ou non conformité à ses propres règles, puis décide unilatéralement d'imposer des amendes d'un montant assez considérable.
Mme Stoddart : Oui, c'est inhabituel. Je crois qu'il existe une procédure de recours.
Le sénateur Goldstein : Oui.
Mme Stoddart : Il n'est sûrement pas idéal de permettre un organisme d'être à la fois juge et partie. Cette disposition est inhabituelle. J'aurais probablement préféré qu'il présente une demande à la Cour fédérale ou qu'il impose l'amende et que la Cour fédérale ait à se prononcer là-dessus. C'est une façon de procéder qui est inhabituelle en droit et qui crée des risques de partialité.
Le sénateur Harb : Je vous remercie pour votre excellent exposé. Je voudrais revenir sur plusieurs points que vous avez mentionnés aujourd'hui. Vous avez dit ne pas être sûre qu'il y ait actuellement des arguments suffisants en faveur de l'expansion du régime de lutte contre le blanchiment d'argent au Canada. Vous avez conclu en disant espérer que le comité examinera sérieusement le principe de proportionnalité dans le contexte du projet de loi.
Deux témoins ont comparu avant vous aujourd'hui. Ils nous ont également fait part de préoccupations du même ordre. Ils ont l'impression que nous utilisons une massue pour tuer une fourmi. Je voudrais tout d'abord savoir si vous participerez à l'élaboration des règlements, une fois que le gouvernement sera passé à cette étape. Le gouvernement vous invitera-t-il à participer et, s'il le fait, accepterez-vous?
Mme Stoddart : Je serais surprise que le gouvernement me demande de participer à l'élaboration des règlements. Vous savez peut-être, monsieur le président et honorable sénateur, que j'ai demandé depuis un certain temps à être consultée au sujet des mesures législatives ayant des répercussions sur la vie privée. Nous savons en effet que lorsqu'un projet de loi arrive à l'étape de l'étude en comité, il est beaucoup plus difficile d'y apporter des changements, pour les raisons que votre collègue a mentionnées.
Jusqu'ici, le Commissariat n'a pas été consulté au préalable au sujet de ce projet de loi. Il est encore moins probable qu'il soit consulté sur le projet de règlement. À ma connaissance, il n'y a eu aucune consultation de ce genre.
Le président : Comme je l'ai dit à tous les témoins, nous avons un mandat ouvert sur le sujet du projet de loi. Nous avons déjà produit un rapport provisoire. C'est la deuxième fois que nous examinons cette mesure législative. Nous avons décidé d'en discuter avec d'autres témoins car, comme le sénateur Goldstein l'a signalé, nous nous inquiétons de la portée possible des règlements et des lignes directrices. Vous avez entendu notre réponse aux témoins précédents qui étaient préoccupés par le fait qu'ils n'ont pas eu l'occasion de voir ou de commenter les règlements et les lignes directrices. Il y a un processus à suivre pour le faire. Nous ne voulons pas intervenir dans ce processus, mais si vous avez l'impression que les règlements posent un problème sérieux, nous aimerions beaucoup que vous le signaliez au comité. Si nous jugeons le problème assez important, nous nous efforcerons de rouvrir le dossier.
Toutefois, je veux que notre auditoire comprenne qu'une très importante question d'intérêt public est en jeu ici et que nous essayons de notre mieux d'équilibrer les différents intérêts. Vous comprendrez, commissaire, que nous ne sommes pas parfaits et que nous ne voulons pas risquer de perdre l'essentiel en essayant de faire mieux. Mais nous continuerons à suivre la situation parce que nous sommes conscients que ce projet de loi est différent. Il intervient dans le secteur privé beaucoup plus que ne le fait la loi actuelle. Nous voulons donc nous assurer qu'il marchera.
Le sénateur Eyton : Je voudrais ajouter que le sénateur Harb et moi-même sommes membres — cela vous sera peut- être d'un certain réconfort — de ce qu'on appelle le Comité mixte d'examen de la réglementation. Le comité, où siègent à la fois des députés et des sénateurs, a pour rôle de s'assurer que les règlements sont élaborés et rédigés adéquatement, sont compatibles avec la loi qui les autorise et, en particulier, qu'ils n'outrepassent pas les pouvoirs prévus. Le comité dispose d'un excellent personnel. Le sénateur Harb, moi-même et les autres membres écoutons attentivement ce que disent les membres du personnel. Nous avons pris note de vos observations d'aujourd'hui. Je crois que nous pourrons vous aider dans une certaine mesure le moment venu.
Mme Stoddart : Je vous remercie. Oui, je sais que vous vous intéressez à cette question.
Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur la base de données. Je crois savoir qu'un certain nombre de pays ont ratifié cette entente internationale. Chacun aura une base de données où seront versés tous les renseignements. Les analystes examineront l'ensemble de l'information et décideront où placer chaque dossier et qui y aura accès.
Pour accéder à cette base de données particulière, votre administration, par exemple, s'occuperait des renseignements concernant les citoyens canadiens. Aurez-vous votre mot à dire si un autre pays membre de la même organisation peut accéder aux renseignements des citoyens canadiens et peut-être les transmettre à des tiers? Comment exercer un contrôle sur une situation de ce genre? C'est en quelque sorte un système international dans lequel nous voulons inscrire des renseignements sur les personnes soupçonnées d'activités criminelles. On peut supposer qu'à un moment donné, quelqu'un pourrait avoir accès à l'ensemble de la base de données internationale. Y a-t-il quelqu'un qui contrôle les différents accès et qui gère la communication transfrontalière des renseignements?
Mme Stoddart : Si j'ai bien compris, il n'y aura pas une seule base de données internationale, mais un ensemble de bases de données nationales entre lesquelles des renseignements sont échangés selon des conditions convenues dans des protocoles d'entente. Je crois que plusieurs de ces protocoles existent déjà. Le CANAFE, agissant au nom du Canada, doit décider des conditions de communication de l'information contenue dans la base de données canadienne.
Le sénateur Harb : Est-il concevable qu'on donne un mot de passe aux représentants d'un autre pays avec lequel nous avons une entente en leur disant d'aller chercher dans notre base de données les renseignements dont ils ont besoin et qu'en contrepartie, nous ayons accès à la base de données de l'autre pays? Est-ce concevable?
Mme Stoddart : Il faudrait poser la question à un expert, mais, à ma connaissance, on ne donne pas de mots de passe à d'autres. On leur communique simplement l'information demandée. Nous avons en fait procédé à une vérification à l'Agence des services frontaliers du Canada le printemps dernier. L'Agence n'accorde à aucune partie extérieure l'accès à ses bases de données. Non, les ententes conclues prévoient un simple échange d'information.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Ma question est plus spécifique. Il semblerait qu'on a abandonné la partie visant à améliorer le projet de loi. Je me demande comment on se compare par rapport aux autres pays. Est-ce que c'est une pratique générale des pays de l'OCDE d'avoir une loi sur le blanchiment d'argent qui va aussi loin et qui ouvre la porte aussi grande dans la vie de chacun, ou est-ce qu'on se situe dans la bonne moyenne? Souvent, quand on essaie de mesurer le degré de liberté dont on jouit, on se compare à des pays qui ont à peu près les mêmes traditions que nous.
Selon vous, qui allez à ces conférences internationales, est-ce que cette loi va beaucoup plus loin que celles des pays européens ou de l'Australie, qui sont confrontés aux mêmes difficultés que nous?
Mme Stoddart : C'est une très bonne question, mais malheureusement, je n'ai jamais vu de changement des pratiques des agences pour contrôler le blanchiment d'argent ou le financement du terrorisme, et mon bureau n'a pas pu comparer l'un par rapport à l'autre. Si je comprends bien, le rapport qui a été fait, dit que le Canada a une législation adéquate. Il faut donc croire que du point de vue de la protection contre le blanchiment d'argent, c'est assez fort. Est-ce que cela veut dire qu'on a une bonne protection des renseignements personnels? On pourrait peut-être dire qu'elle est meilleure que dans d'autres pays. Mais les deux ne vont pas nécessairement de pair, comme vous le savez.
On peut se réjouir que le Canada soit reconnu internationalement parmi les meilleurs pays pour la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Hervieux-Payette : En adoptant ce projet de loi, on fait un dommage à notre image antérieure.
Le président vous a demandé tantôt s'il y a quelque chose qui nécessiterait de repenser et de revoir cela un peu plus en profondeur ou si vous vous dites qu'on peut vivre avec cela. Ce n'est pas la réglementation qui va dire jusqu'où on va aller. Ce n'est pas dans la réglementation, c'est dans la loi. La réglementation va juste être dans la façon de le réaliser. Vous vous souvenez de mes inquiétudes concernant les cartes de crédit canadiennes traitées aux États-Unis et qui ont accès aux services de renseignements américains. Je le mets dans le même ordre d'idée : est-ce qu'on va commencer, nous aussi, à transmettre à un club sélect des renseignements personnels sur les gens à des juridictions étrangères?
Mme Stoddart : J'imagine que par la portée de ce projet de loi, on va probablement transmettre plus de renseignements sur un plus grand nombre d'activités, un plus grand nombre d'individus. C'est pourquoi on dit que la proportionnalité est très importante. On remarque que nulle part, on ne peut dire que changer la loi de cette façon ne nous aidera pas à régler un problème qui demeure quand même assez flou, important mais flou; on ne peut pas chiffrer ce problème.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je pense, comme vous, que la population canadienne ne sait pas très bien le degré d'intrusion qu'on a dans leur vie, surtout avec cette nouvelle loi. Qu'est-ce que vous nous suggéreriez pour que les Canadiens sachent à quel point ils vont être scrutés sous la loupe? C'est certain que ce n'est pas tout le monde qui fait du blanchiment d'argent. Pour blanchir de l'argent, il faudrait faire partie du monde criminel. Si la grande majorité des Canadiens, environ 34,5 millions de personnes sont sous la loupe à cause d'une infime proportion de Canadiens — admettons que ce soit 500 personnes, qui procéderaient au blanchiment d'argent — on serait 34 millions à être scrutés pour rien. Ce qui m'embête un peu, c'est que pour un très petit nombre, on met tout le monde sous le même chapeau.
Mme Stoddart : Je partage vos préoccupations, c'est pourquoi j'ai dit que j'accueillais très favorablement ces dispositions particulières qui nous donnent le devoir d'aller à une agence aussi puissante qui regarde les transactions de tant de millions de Canadiens pour voir si la protection des renseignements personnels est adéquate et de faire rapport au Parlement dans les trois mois suivant la fin de nos travaux. C'est en complément de la Loi sur la protection des renseignements personnels. J'espère que ce sera une occasion pour éduquer le public canadien et offrir une possibilité pour d'autres discussions sur l'équilibre ou la proportionnalité entre ces mesures, leur impact, et les dangers qu'on essaie de contrer.
Le sénateur Hervieux-Payette : Personnellement, je maintiens qu'une période de deux ans est nécessaire. On vous donnera les ressources pour le faire. Je pense qu'une période de cinq ans serait trop longue. Il ne faut pas exagérer dans la cueillette d'informations et exposer la population à des intrusions non nécessaires puis attendre cinq ans avant de corriger la situation.
Mme Stoddart : Dans le cycle de vie technologique, un délai de cinq ans, c'est très long. Aujourd'hui, les technologies tombent en désuétude en six mois. Évidemment, si on avait les ressources nécessaires, on pourrait déposer un rapport public au Parlement tous les deux ans.
[Traduction]
Le président : Commissaire, vous aurez constaté, d'après les questions posées, que les membres du comité connaissent bien votre souci de protéger la vie privée des Canadiens. Nous essayons de trouver un certain équilibre dans l'intérêt public, de façon à pouvoir nous attaquer à ces activités criminelles tout en protégeant dans la mesure du possible les renseignements personnels des gens.
Nous prenons au sérieux ce que vous avez dit au sujet du manque de ressources de votre Commissariat. Le sénateur Angus et moi-même représentons les deux côtés du Sénat. Or nous sommes du même avis à cet égard. Nous ferons de notre mieux pour que vous obteniez des fonds supplémentaires. Nous ne voudrions pas vous confier un mandat sans vous donner les moyens financiers de vous en acquitter.
Lorsque je regarde les modifications proposées à l'article 72, que le sénateur Goldstein a mentionnées, cette disposition semble être formulée d'une façon plus étroite que nous ne l'aurions voulu. Nous avions proposé une surveillance beaucoup plus étendue par le CSARS, auquel nous reviendrons sous peu. La disposition dit : « en vue de protéger les renseignements qu'il recueille ».
J'ai posé la question au ministre. J'aimerais maintenant l'examiner avec vous pour que vous compreniez la situation. Nous avons dit au ministre qu'il devait être le premier responsable de la protection des renseignements personnels des gens. Il a accepté cette responsabilité à titre de ministre des Finances.
De plus, comme vous le savez, le Canada assume maintenant la direction du Groupe d'action financière, qui est le groupe de travail international chargé de ce domaine. Les sénateurs et les membres du personnel qui ont examiné la question sont d'avis que le Canada se classe premier parmi les pays de l'OCDE pour ce qui est d'insister sur la protection de la vie privée. C'est un domaine en pleine évolution.
Cela étant dit, nous examinons les différents moyens de contrôle de la protection de la vie privée. Premièrement, nous avons l'engagement du ministre. Deuxièmement, les représentants du ministère sont ici et assument la responsabilité. Troisièmement, le CANAFE se montrera sensible à ces préoccupations parce que la loi lui en donne le mandat. Sur notre initiative, le projet de loi prévoit un examen du CANAFE tous les cinq ans. Nous avons également prévu — je sais que vous n'en êtes pas trop satisfaite, mais nous avions l'impression que c'était important — un examen tous les deux ans, qui vous confère d'assez vastes pouvoirs. De plus, vous êtes autorisée à procéder à des inspections ponctuelles et disposez de pouvoirs extraordinaires. Vous l'avez confirmé aujourd'hui. Nous l'avons appris hier de Robert Marleau, qui a déjà occupé votre poste à titre provisoire. Le comité plénier du Sénat a discuté avec lui de la question de l'accès à l'information.
Il nous a donné l'assurance que vous avez d'importants pouvoirs en matière d'inspections ponctuelles. Nous avons donc tous ces moyens de contrôle. De plus, le comité est disposé à recevoir de vous et des autres organismes intéressés des renseignements concernant la protection de la vie privée. Cette question reste pour nous très importante. En même temps, nous devons servir l'intérêt public. Nous essayons donc d'équilibrer ces intérêts, comme nous le faisons au Parlement.
Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage. Vous prenez votre travail très au sérieux. Comme le sénateur Angus l'a signalé, vos lettres ont joué un rôle de premier plan dans l'adoption d'un amendement qui donne ces pouvoirs supplémentaires à votre Commissariat. Nous parlerons d'autres moyens de contrôle, je l'espère, lorsque nous passerons à l'étude article par article. Je répète cependant que ce dossier reste ouvert, que nous y travaillons et que nous faisons de notre mieux.
Comme on dit, le mieux est l'ennemi du bien. Nous ne voulons donc pas laisser le mieux prendre le pas sur le bien. Nous y travaillons. Nous voulons adopter une mesure législative pratique et réaliste, qui protège l'intérêt public.
Pour l'essentiel, il n'y a aucune confusion à cet égard. Ce problème est important et ne cesse de s'étendre. Pour maintenir la productivité de l'économie et attirer des investissements aussi bien canadiens qu'étrangers, nous devons veiller à ce que notre économie soit sûre et solide. Nous voulons que la proportionnalité s'exerce dans ce domaine aussi.
Nous sommes disposés à vous écouter à n'importe quel moment, si vous voulez bien écrire aux membres du personnel. Votre travail est important pour ce que nous faisons. Merci à vous et à vos collaborateurs.
Mme Stoddart : Merci beaucoup.
Le président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le comité passe à l'étude article par article du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la Loi de l'impôt sur le revenu et une autre loi en conséquence?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 1 à 9 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 10 à 20 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 21 à 30 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 31 à 39 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 40 à 47 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Est-il convenu d'adopter le projet de loi C-25 avec les observations qui suivent? Nous avons ici l'ébauche de ces observations. Permettez-moi de vous donner une brève explication. Les honorables sénateurs se souviendront que nous avions recommandé à l'origine que le CSARS assure la supervision au nom du Parlement. On nous a dit — et nous l'avons accepté — que le Commissariat à la protection de la vie privée serait mieux placé pour le faire. C'est l'un des amendements que le gouvernement a acceptés.
Nous apprenons maintenant que le juge O'Connor, de la Commission Arar, voudrait réexaminer cette question et proposer le CSARS comme autre moyen de contrôle pour le Parlement. Le vice-président et moi-même avons décidé de proposer une recommandation aux honorables sénateurs. Est-ce que le vice-président pourrait lire cette recommandation?
Une voix : Vous pouvez vous en dispenser.
Des voix : D'accord.
Le président : Les honorables sénateurs acceptent-ils les observations? Est-il convenu d'adopter le projet de loi C-25 avec ces observations?
Des voix : D'accord.
Le président : Est-il convenu de faire rapport du projet de loi C-25 à la prochaine séance du Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Je vous remercie, honorables sénateurs.
Le sénateur Eyton : Nous avons vu passer aujourd'hui trois projets de loi accompagnés d'observations. Avons-nous un système de rappel d'une forme ou d'une autre qui nous permette de revoir périodiquement ces observations?
Le sénateur Tkachuk : C'est selon qu'elles sont politiques ou non. Certaines sont adoptées avec dissidence, d'autres sont hautement partisanes ou ne sont pas unanimes.
Le président : Il est avantageux, pour la mémoire institutionnelle, d'avoir des sénateurs qui ont longtemps siégé au comité. Nous avons ici quelque 15 années de mémoire institutionnelle. Lorsque j'étais au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, nous examinions périodiquement les questions notées de cette façon. Voyons ce que notre greffière a à nous dire à ce sujet.
Line Gravel, greffière du comité : Les observations restent au compte rendu. Nous pouvons y revenir pour savoir qu'elles ont été faites. Il est possible de s'en servir.
Le sénateur Eyton : J'aimerais que ces observations nous reviennent dans deux ans pour que nous puissions les réexaminer.
Le sénateur Harb : À la Chambre des communes, il est prévu au Règlement que le gouvernement doit répondre à chaque observation dans les 120 jours.
Le sénateur Hervieux-Payette : Nous avons dit que nous voulons une réponse à une date précise. Nous l'avons fait dans le cas de la faillite. Nous avions dit au ministre : « Vous devez revenir à telle date. »
Le président : Je suis la Loi sur les juges depuis 10 ans. Nous sommes presque revenus là où nous aurions dû être au départ. Nous avons une voix, et le Sénat en a une. Tout ce que nous pouvons faire, c'est nous souvenir des choses et continuer à rappeler au Sénat, lorsqu'un projet de loi est déposé, d'y apporter les modifications nécessaires. La Loi sur les juges s'améliore, elle n'empire pas, mais elle n'est pas encore parfaite. Je ne serais plus ici pour le prochain examen quadriennal. Je laisse au sénateur Hervieux-Payette le soin de suivre cette affaire. Merci, honorables sénateurs.
La séance est levée.