Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 13 - Témoignages du 14 décembre 2006
OTTAWA, le jeudi 14 décembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, les obstacles au commerce interprovincial.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue, monsieur le ministre Bernier et Mme Swan, au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous allons poursuivre aujourd'hui notre étude des obstacles au commerce interprovincial, et en particulier de la mesure dans laquelle ils limitent la croissance et la rentabilité des secteurs touchés et la capacité des entreprises des provinces, en même temps que celles des États américains concernés, à constituer des régions économiques pour accroître la prospérité, ainsi que les mesures que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent prendre pour faciliter l'élimination de ces obstacles afin de faciliter les échanges commerciaux et de développer l'économie nationale. Je souhaite la bienvenue aux Canadiens d'un océan à l'autre puisque notre réunion est retransmise en direct à la télévision et sur Internet. Monsieur le ministre, vous allez être vu et entendu à travers le monde.
La question des obstacles au commerce interprovincial est importante alors que nous cherchons à développer une économie nationale prospère et concurrentielle. Ce comité est d'avis que de tels obstacles font augmenter les coûts que les entreprises doivent assumer et qui, au bout du compte, se répercutent sur les consommateurs. Ils peuvent être la cause d'inefficiences réduisant la capacité concurrentielle et la productivité. C'est d'ailleurs là un sujet que ce comité a étudié. Il faut absolument prendre des mesures pour améliorer la prospérité des Canadiens et des Canadiennes. Nous devons bien évidemment nous concentrer sur celles qui amélioreront la capacité concurrentielle et la productivité et qui permettront d'éliminer les obstacles internes au commerce qui nuisent à cet objectif.
La publication par le ministre des Finances le 23 novembre 2006 de Avantage Canada : Bâtir une économie forte pour les Canadiens confère la plus haute importance à cette audience. Deux engagements précis en matière de politique ont une importance particulière pour notre étude, soit « favoriser une union économique canadienne plus forte en continuant de collaborer avec les provinces et les territoires afin d'accroître le commerce intérieur et la mobilité de la main-d'œuvre » et « collaborer avec les provinces pour mettre sur pied un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières, » une initiative dont ce comité s'est fait le défenseur depuis longtemps. Nous sommes donc manifestement vivement intéressés à entendre ce que vous avez à dire.
Le vice-président du comité, le sénateur Angus, de la province de Québec, va faire quelques remarques préliminaires.
[Français]
Le sénateur Angus : C'est un grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous connaissons votre réputation pour le libre-échange des marchés ouverts et c'est pourquoi nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir aujourd'hui. Nous attendons avec beaucoup d'impatience les paroles du ministre Maxime Bernier, un Beauceron ayant une très bonne réputation.
[Traduction]
L'honorable Maxime Bernier, ministre de l'Industrie, Industrie Canada : Merci. Comme l'a dit le président, c'est la première fois que je me présente devant un comité sénatorial. Je suis honoré d'être ici et c'est très important parce que, comme politicien, il est toujours bon d'être présent et de répondre aux questions. À la fin des auditions, le comité publiera un rapport et je sais que les rapports du Sénat sont très utiles pour les politiciens et pour les ministres.
Je suis ravi de contribuer aux travaux du comité. Comme le savent les sénateurs, mes collègues des provinces et moi nous réunissons en février au sujet de l'Accord sur le commerce intérieur et j'aimerais beaucoup disposer d'une copie du rapport du comité avant cette réunion parce qu'il me serait très utile.
[Français]
Je vous remercie pour ces beaux mots d'introduction. Je vois plusieurs personnes d'expérience autour de la table soit dans l'arène parlementaire, au Sénat ou ayant l'expérience dans les différents milieux d'affaires. Je suis un nouveau politicien sur la scène fédérale. J'ai beaucoup à apprendre et je vais répondre à vos questions et lire attentivement votre rapport.
Je suis heureux d'être ici pour discuter de l'accord de commerce intérieur et je vous félicite d'étudier cet accord. Puisque cet accord est important pour la prospérité économique du Canada. Comme vous le savez, le commerce intérieur ou le commerce international est la base d'une économie ouverte et de la prospérité. C'est lorsqu'on permet aux entreprises de différents pays d'échanger que l'on crée la richesse.
Je crois à la théorie de M. Ricardo ayant trait aux avantages comparatifs des pays. Monsieur Ricardo, comme vous le savez, est un économiste qui a fait sa preuve avec Adam Smith et d'autres. Et lorsqu'on a des économies ouvertes, on amène la prospérité et chaque entreprise se spécialise dans ce qu'ils savent faire de mieux. On a eu un exemple de cela avec le traité du libre-échange, qui a permis d'avoir accès au marché américain. Vous vous rappellerez certainement de ce traité qui a reçu un appui important de l'ensemble des Canadiens. Il a fait l'objet d'un débat politique, d'une élection presque référendaire et, après plusieurs semaines et mois de débat, lors de l'accord de libre-échange et maintenant après plus que 15 ans, tous les économistes et les intervenants s'accordent pour dire que ce traité amène la prospérité au Canada.
[Traduction]
Je suis d'avis qu'une union économique fonctionnant bien est essentielle pour le Canada, pour les Canadiens et pour la prospérité de ce pays. Elle attirera les investissements, les nouvelles technologies, favorisera l'innovation et fera apparaître des possibilités. Grâce à une union économique fonctionnant bien, les Canadiens seront en mesure de travailler, de vivre et de prospérer n'importe où au Canada et les entreprises pourront œuvrer dans tout le pays sans interférence. Il est important, pour notre prospérité à venir, que nous adoptions une approche nationale à l'élimination des obstacles au commerce intérieur.
[Français]
Dans le programme électoral de notre parti, nous nous sommes engagés à développer davantage l'union économique et à faire progresser les normes communes et les objectifs communs pour inciter les provinces à adopter les normes qui ne soient pas à l'encontre du commerce.
Également, lors de sa mise à jour économique, mon collègue Jim Flaherty a mis l'emphase sur une union économique importante et forte. J'aimerais citer en exemple de l'union économique de l'Australie. Vous avez certainement eu des commentaires d'experts, puisque cela fait quelques semaines que vous étudiez cette problématique. L'Australie a un traité qui fait en sorte que les États, dans leurs échanges commerciaux, se basent sur la reconnaissance mutuelle.
[Traduction]
C'est un principe très important. Il est à la base de l'union économique en Australie. Si nous pouvons adopter le même type de principe au Canada, nous avons notre accord sur le commerce intérieur. Cet accord comporte une disposition demandant à chaque province de s'en remettre à la reconnaissance mutuelle. De plus, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont signé une entente il y a quelques mois. Elle est très complexe, complète et globale. Elle repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle.
Je crois que c'est là quelque chose que nous pouvons apprendre à un niveau fédéral, et il est très important de nous assurer que les relations entre les provinces seront aussi efficientes que possible.
[Français]
La reconnaissance mutuelle est un principe important du point de vue économique puisqu'il permet la compétition. Comme l'a bien dit tout à l'heure le sénateur Angus, je crois au libre marché et à la compétition entre les entités économiques. La reconnaissance mutuelle permet à une entreprise établie à Montréal de vendre ses produits à Toronto ou à Vancouver en suivant un ensemble de règles uniformes, qui sont celles de sa province d'origine et sont normalement reconnues par les autres juridictions. Cela fait en sorte qu'une entreprise, qui a son siège social à Montréal, peut vendre ses produits à Vancouver en respectant une seule série de réglementations et non pas deux ou trois séries de recommandations différentes. Une entreprise ayant un siège social à Vancouver, si elle désire vendre ses produits à travers le Canada, va suivre les règles de son siège social à Vancouver.
Je dis que cela permet la compétition parce que les produits d'entreprises de Vancouver vendus à Montréal, et les produits de Montréal vendus à Montréal sur le terrain, respectent deux règles différentes. Donc, la reconnaissance mutuelle permet, dans des juridictions données — ici, je donne l'exemple du Québec —, que deux entreprises peuvent vendre des produits au Québec en respectant deux ensembles de normes différentes, c'est-à-dire les normes de leur propre siège sociale. Cette situation fait en sorte que cela met les régulateurs en compétition. Grâce à la compétition nous avons de meilleures normes. Les entreprises mettent les régulateurs en compétition puisque, si elles sont complètement libres, elles peuvent choisir le siège social de leur activité et ainsi choisir l'ensemble de règles mieux appropriées pour leur croissance économique.
C'est différent de l'harmonisation. Si je compare le concept de compétition versus celui du monopole — l'harmonisation est un monopole —, une seule règle va s'appliquer pour toutes les entreprises, peu importe où elles évoluent. C'est un concept qui est moins en ligne avec la théorie économique de libre marché. C'est pour cette raison que la communauté économique a choisi la reconnaissance mutuelle comme principe de base pour bâtir la communauté économique européenne. Dans le concept de reconnaissance mutuelle, le premier principe, chaque pays peut reconnaître des règles qui lui sont distinctes parce que la distinction est minimale, mais aussi, cela peut aller jusqu'à l'harmonisation lorsqu'il y a des normes de sécurité très importantes. Donc, les pays vont uniformiser leurs règles. La reconnaissance mutuelle permet l'harmonisation, mais ne demande pas l'harmonisation à tout prix.
[Traduction]
Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine? En septembre dernier, j'ai eu le privilège d'assister à ma première réunion fédérale-provinciale à Halifax, avec mon collègue responsable de l'Accord sur le commerce intérieur. Les provinces ont joué le rôle le plus important parce que le commerce intérieur relève de leurs compétences. Il nous incombe de promouvoir une plus grande coopération et davantage de liberté entre les provinces.
Après notre réunion de Halifax, les provinces et le gouvernement fédéral ont publié un communiqué de presse indiquant que tous les participants s'étaient entendus pour parvenir, avant le 1er avril 2009, à une entente sur la mobilité de la main-d'œuvre dans ce pays. Je suis fier de cette réalisation. Cela signifie qu'une infirmière montréalaise pourra aller travailler à Toronto ou à Vancouver sans devoir subir d'autres tests ou d'autres examens.
La mise en œuvre de cette initiative prendra beaucoup de temps. C'est pourquoi il faut qu'elle débute avant le 1er avril 2009 afin que chaque province puisse avoir des discussions avec toutes les autres. De plus, nous comptons au Canada au-delà de 400 organismes de réglementation des activités professionnelles, comme c'est le cas pour les infirmières et les médecins. Toutes les professions sont réglementées au Canada. C'est pourquoi cela prendra du temps. Nous avons toutefois adopté un plan avec les provinces pour atteindre cet objectif et ce fut là l'annonce la plus importante à la suite de cette réunion de Halifax.
[Français]
L'accord de commerce intérieur date de 1995, vous le savez. Est-ce qu'il y a des améliorations à apporter à l'accord? Je crois que oui. Les provinces également sont conscientes que des améliorations doivent être apportées à l'accord. Nous n'avons pas de mécanisme de règlement des différends efficace. Celui que nous avons dans l'accord de commerce intérieur n'a pas de pénalité financière administrative et c'est difficile de faire respecter des décisions.
L'accord entre l'Alberta et la Colombie-Britannique en ce qui concerne le règlement des différends, est un accord qui semble avoir plus de force, plus de dents, un moyen accru pour faire en sorte que les décisions puissent être appliquées et suivies. Dans les prochains mois, les provinces se sont engagées à regarder et à apprendre de cet accord, pour améliorer, si possible, l'entente de commerce intérieur.
[Traduction]
De plus, comme vous le savez, nous avons franchi une étape importante au Canada. Comme je l'ai déclaré, l'entente entre la Colombie-Britannique et l'Alberta est importante. Ce qui est le plus important dans cette entente est qu'elle prévoit que les autres provinces peuvent y adhérer si elles le souhaitent. C'est ainsi que, à Halifax, des représentants des provinces nous ont dit vouloir étudier la possibilité d'y adhérer. C'est une bonne chose.
Une autre entente a été conclue au Canada, entre l'Ontario et le Québec, au sujet de la mobilité de la main-d'œuvre. Je crois que c'est une entente importante.
Comme ministre fédéral de l'Industrie, je suis très satisfait de voir mes collègues des provinces parvenir à des ententes pour s'assurer que les habitants de leurs provinces pourront travailler partout au pays sans entraves.
Quel est l'apport du gouvernement fédéral en la matière? Comme je l'ai dit, j'ai téléphoné à mes collègues des provinces avant la réunion de septembre dernier pour m'assurer qu'ils visaient le même objectif que nous. C'est bien le cas puisqu'ils veulent avoir un pays plus prospère et facilitant davantage les échanges commerciaux. C'est pourquoi nous avons tenu la réunion de septembre dernier. Nous avons décidé d'en faire le suivi. Nous tenons habituellement ce genre de réunion une fois par année ou tous les 18 mois. Nous avons décidé d'organiser une réunion de suivi dès que possible. La prochaine aura lieu au début février.
Voilà les bonnes nouvelles. Chaque province présentera son plan d'action de façon plus détaillée, en indiquant les résultats qu'elle veut atteindre d'ici 2009. Ce plan traitera aussi des prochains défis que nous aurons à affronter, comme les mécanismes de résolution des différends, une mise à jour de l'entente sur la mobilité de la main-d'œuvre et peut-être une autre concernant le secteur de l'énergie sur lequel les provinces ne s'entendent pas parfaitement.
C'était là mes remarques préliminaires. Je souhaite ajouter que je suis entouré, à Industrie Canada, d'une bonne équipe. Mme Swan m'accompagne, ainsi que mon sous-ministre, M. Richard Dicerni. Nous travaillons tous au même objectif pour nous assurer que nous aurons réellement un régime de libre-échange intérieur partout au pays, dès que possible.
Je vais me faire un plaisir de répondre à vos questions, et peut-être que Mme Swan sera en mesure de répondre à certaines d'entre elles de façon plus détaillée. Je vais attendre avec intérêt de lire votre rapport. S'il est possible de l'obtenir avant février, je le remettrai à mes collègues des provinces à ce moment-là.
Le président : Monsieur le ministre, merci beaucoup. Je ne crois malheureusement pas que nous puissions vous remettre notre rapport avant février. Nous avons prévu, et nous devons en préciser les modalités après cette réunion, de nous rendre dans certaines régions du pays pour y entendre des témoins. Toutefois, nous travaillons au même objectif et nous allons suivre les mesures adoptées par le Conseil de la fédération et, bien évidemment, les travaux de votre ministère.
Notre rôle est ici de servir de catalyseur pour aller de l'avant vers un objectif commun, soit le développement de notre économie nationale. Nous ne pensons pas pouvoir dire que notre économie est nationale; elle est trop fragmentée.
Le sénateur Angus : Nous avons débuté cette étude sous forme de table ronde. En bref, notre objectif est d'obtenir un aperçu des obstacles au commerce interprovincial. Nous voulons les étudier dans la perspective d'une amélioration de notre productivité puisque le Canada est confronté à ce problème. Nous avons pris du retard par rapport à nos voisins américains en particulier, et par rapport à nos autres partenaires commerciaux, en matière de productivité et de capacités concurrentielles.
Nous avons beaucoup appris de nos premiers témoins. J'invite Mme Swan, si elle ne les a pas déjà, à consulter les transcriptions de nos auditions traitant de la réunion des ministres qui doit avoir lieu en février. De nombreux témoins nous ont dit que la situation est fort mauvaise et beaucoup plus grave que nous ne le croyions.
Le gouvernement fédéral a pratiquement tous les pouvoirs dans le domaine du commerce interprovincial. C'est un problème reconnu depuis des années, depuis presque 100 ans, et très peu a été fait pour le régler.
Qu'il s'agisse de professionnels comme les comptables agréés, ou les comptables généraux licenciés, ou encore d'une association du camionnage, ou de l'Association des brasseries, ou d'un grand nombre d'autres groupes du secteur manufacturier de ce pays, tous viennent nous raconter des histoires d'horreur à dormir debout.
Si, comme vous l'avez laissé entendre dans vos remarques préliminaires, il y a réellement une certaine volonté d'améliorer la situation, nous en sommes ravis. Il est bien évident que nous avons pris connaissance de l'entente conclue entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Nous croyons que l'Ontario, dans une certaine mesure, a adhéré à ce type d'entente, mais nous n'en sommes pas sûrs. Je vois que Mme Swan secoue la tête et il est donc possible que j'aie tort. Toutefois, l'un de nos témoins, s'intéressant peut-être au volet de la mobilité de la main-d'œuvre, semblait d'avis que le gouvernement de cette province était favorable à certains éléments.
Il faut que nous tenions des audiences à travers le pays afin d'étudier plus en profondeur cette question et de nous assurer qu'il y a réellement une volonté de régler ce problème. C'est là que vous devez intervenir en collaborant avec nous.
Je vais commencer mes questions en vous demandant pourquoi, à votre avis, si peu de choses ont été faites dans ce domaine au cours des années? Nous avons fait un pas de géant dans les années 80 en matière de libre-échange international. L'élection de 1988 a porté sur le libre-échange avec les États-Unis, qui a abouti à l'Accord nord- américain de libre-échange. Les familles étaient divisées; c'était un sujet important. De nombreux témoins nous ont dit que nous aurions dû commencer par les questions de commerce intérieur avant de nous attaquer au commerce transfrontalier.
Nous savons que même l'entente conclue entre la Colombie-Britannique et l'Alberta prévoit de nombreuses exceptions. Le président comme moi avons entendu des témoins nous parler de quelque 60 exceptions. Il se peut que tout ne soit pas aussi clair qu'il y paraît.
À votre avis, pourquoi sommes-nous confrontés à ce problème? Pourquoi n'avons-nous pas fait de progrès? Êtes- vous optimiste quant à sa résolution?
M. Bernier : Tout d'abord, si vous voulez résoudre un problème, il faut avant tout du leadership. C'est très important.
C'est ce que je veux dire quand je parle de regrouper tout le monde. Les premiers ministres de toutes les provinces exercent un leadership dans ce domaine. Celui-ci se manifeste donc à haut niveau. Comme vous le savez, c'est là une des priorités du Conseil de la fédération qui, un peu comme vous et moi et comme tous les Canadiens, est fatigué des discussions qui n'aboutissent à rien.
Il est très important pour moi, dans mon rôle de ministre de l'Industrie responsable du commerce international à Halifax, de savoir que les premiers ministres des provinces veulent réussir. Notre comité relève directement du Conseil de la fédération. Le leadership s'exerce donc à haut niveau.
Il se peut que par le passé, nous n'ayons rien eu d'équivalent au Conseil de la fédération et que ce genre de leadership n'ait pas été présent. Il y a maintenant du leadership au niveau fédéral et à tous les niveaux.
Nous avons un rôle important à jouer et nous devons insister auprès des provinces sur la nécessité du libre-échange entre elles. Nous avons pris un engagement dans le dernier budget de 2006, ainsi que dans la dernière mise à jour de la situation économique.
Mon collègue, Jim Flaherty, sera à Vancouver ce soir et toute la journée demain. Le déséquilibre fiscal et l'union économique sont à son programme. C'est une priorité de notre gouvernement et des provinces. C'est pourquoi je compte que nous serons en mesure de prendre des mesures concrètes et réelles dans ce dossier. C'est aussi pourquoi nous aurons une autre réunion en février, avec un plan d'action et des dates pour nous assurer que nous allons tenir nos engagements.
Je suis optimiste. Nous savons que ces obstacles ont un coût pour les entreprises, pour les sociétés, pour les organisations qui veulent travailler dans toutes les provinces. Le coût est énorme. Nous voulons qu'elles soient concurrentielles.
Comme vous l'avez dit, la productivité d'une entreprise est importante. Il faut qu'elle soit productive si elle veut réussir et être active sur la scène internationale.
La productivité et les entraves aux échanges commerciaux ne font pas bon ménage. Nous voulons améliorer la productivité en allégeant la fiscalité. Nous voulons nous assurer qu'il soit possible de commercer dans ce pays sans aucune entrave. Je suis optimiste parce que le leadership s'exerce des deux côtés.
Le sénateur Angus : Comme vous le savez, l'un des volets essentiels de notre mandat est le bien-être et la santé du secteur des services financiers et des marchés au Canada. On nous a décrit la situation anormale imputable à la présence d'une commission des valeurs mobilières dans chacune des provinces. Des études ont été réalisées par des gens intelligents et d'autres études par des gens tout aussi intelligents. On a travaillé jusqu'à maintenant de façon artisanale.
Le président et moi avons décidé, et comme vous avez parlé de leadership, je vous invite à bien nous écouter, monsieur le ministre, que si le gouvernement ne prend pas la direction des opérations pour présenter sa propre législation afin de mettre en place une commission nationale des valeurs mobilières, nous vous demanderons votre appui quand nous présenterons nous-mêmes notre propre projet de loi en la matière.
Tous les témoins de tous les volets du secteur financier, nos partenaires commerciaux et les gouvernements estiment que c'est un gaspillage total de ressources, une situation anormale qui pousse les investissements vers le Sud et en Europe. Cela nuit vraiment au Canada. Nous avons besoin de votre leadership dans ce domaine.
Le président et moi sommes parvenus à un niveau de frustration face à ce problème qui fait que nous avons décidé d'agir par nous-mêmes si vous ne vous joignez pas à nous pour aller de l'avant.
Le président : Le sénateur Angus résume fort bien les frustrations de tous les membres de ce comité. J'étais ici en 1965 quand nous avons commencé à étudier la mise sur pied d'une commission nationale des valeurs mobilières et nous sommes encore là, quatre décennies plus tard, sans avoir progressé. Le sénateur Angus et moi étudions cette question et nous espérons présenter nos résultats d'ici la fin du mois prochain, ce qui pourrait vous aider dans vos délibérations. Il s'agit d'instaurer une commission nationale des valeurs mobilières, au niveau fédéral, en faisant appel au pouvoir du gouvernement fédéral en la matière. Nous croyons que c'est important et que cela pourrait servir d'objectif aux provinces pour adhérer au projet et voir si elles peuvent parvenir à s'entendre sur des principes communs et sur une politique commune. Cependant, si elles n'y parviennent pas, nous tenterons d'exercer les pouvoirs fédéraux en la matière et cela vous donnera un levier pour exercer des pressions à votre réunion de février.
[Français]
Le sénateur Goldstein : Merci monsieur le ministre et madame Swan d'être venus pour nous entretenir d'un sujet très important pour vous et pour nous. Ma première question aurait été la question d'une commission nationale des valeurs mobilières, mais puisqu'elle a déjà été posée par mes collègues, je vais m'abstenir. Néanmoins je me dois de signaler un aspect de la question qui va se répéter dans mes deux autres questions, à savoir la question de la juridiction provinciale et la jalousie avec laquelle chaque province insiste sur son domaine et sa liberté d'action dans le domaine. Bien que mes collègues vous aient indiqué leur intention de présenter un projet de loi privé, je me demande si vous auriez quand même quelque chose à nous dire sur la question afin de nous guider.
Dans un deuxième temps, je voudrais poser la question de savoir si l'accord sur la mobilité de la main-d'œuvre, que les provinces viennent de conclure, respecte les exigences de ma province, le Québec, pour ce qui est de la langue et de la connaissance de la langue française par ceux qui viennent des autres provinces. Si c'est le cas, dans quelle mesure ces exigences pourraient-elles nuire à la liberté de la mobilité de la main-d'œuvre?
Dans un troisième temps, je me demande si votre ministère aurait une occasion de regarder la façon dont l'Union européenne s'est attaquée aux problèmes — qui ne sont pas les mêmes, mais qui sont pas mal semblables — du commerce et de la prestation de services transfrontaliers, qui ressemblent beaucoup à nos problèmes de commerce interprovincial.
Finalement, il y a la question de la juridiction ou fédéral dans le domaine du commerce interprovincial. Si je comprends bien, et cela fait assez longtemps que je n'ai pas fait d'étude au niveau constitutionnel, le pouvoir tel qu'exprimé dans la Loi constitutionnelle n'est pas aussi clairement exprimé que nous le voudrions. Évidemment, aller chercher un amendement à la Loi constitutionnelle est un chemin que personne ne veut emprunter. Mais y a-t-il moyen de tester l'étendue de ce pouvoir par référence à la Cour suprême, afin de nous aider à imposer, le cas échéant, une liberté de prestation de service et de commerce des biens à travers le Canada, ce dont nous avons vraiment besoin?
M. Bernier : Merci bien. Je vais commencer par la première question, peut-être même celle que je connais le mieux : le fait qu'au Canada, on n'a pas de Commission canadienne de valeurs mobilières ou une commission unique de valeurs mobilières. J'ai œuvré, avant d'être en politique, dans le secteur des valeurs mobilières, le secteur bancaire et de l'assurance. J'ai eu, en tant qu'intervenant, à m'apercevoir du coût que cela implique pour les entreprises lorsque nous n'avons pas un régulateur unique au Canada.
Cela dit, depuis quelques années, les provinces ont fait un certain progrès. Et je dis bien un certain progrès. Ils ont mis sur la table un système de passeport pour faire en sorte d'améliorer la fluidité et d'améliorer les normes pour avoir des normes communes auxquelles les entreprises devraient se soumettre. Ce modèle de passeport n'en est qu'à son début et je crois, comme le dit mon collègue le ministre des Finances, Jim Flaherty, dans son énoncé économique et son budget, qu'il faut pousser encore plus loin et aller de l'avant pour avoir un régulateur unique au Canada.
Nous sommes l'un des seuls pays de l'OCDE et des pays développés qui n'a pas de régulateurs uniques et j'ai confiance en Jim Flaherty pour gérer ce dossier et les discussions qui vont suivre. Je vais suivre bien attentivement les discussions que M. Flaherty aura avec ses autres collègues dès demain sur cette question. Mais en principe c'est la raison que notre gouvernement, c'est pour cela que nous poussons cette idée.
Quelle forme pourrait prendre le régulateur unique? Serait-ce un régulateur avec la coopération des provinces, un régulateur uniquement fédéral ou un régulateur formé avec les provinces, lesquelles délègueraient des pouvoirs? Nous ne sommes pas rendus là dans les discussions. Les discussions débutent avec l'idée de lancer cet organisme unique de réglementation. Je crois que ce serait très bon pour l'ensemble des Canadiens.
Pour ce qui est de la question de la langue française dans les ententes sur la mobilité de la main-d'œuvre, c'est une bonne question. Je n'ai pas la réponse aujourd'hui. Je vais vous revenir sur cette question par l'entremise de mes fonctionnaires. Nous allons l'étudier et revenir devant le comité avec une réponse écrite.
Pour ce qui est de la juridiction du gouvernement fédéral sur le plan du commerce interprovincial, — je ne suis pas un constitutionnaliste, je suis un avocat de formation — je crois que le gouvernement fédéral a certains pouvoirs prévus dans la Constitution en ce qui concerne le commerce interprovincial.
Est-ce qu'on peut imposer son point de vue à ce sujet aux autres provinces? Je crois que les constitutionnalistes sont partagés, comme vous l'avez dit tout à l'heure, et l'idée de demander à la Cour suprême quelle serait la juridiction du gouvernement fédéral fait son chemin. Je m'engage à en parler au ministre de la Justice. Je ne sais pas quelle sera sa décision finale, mais nous voulons aller plus rapidement dans la coopération avec les provinces, et c'est ce que nous faisons à tous les niveaux.
Plusieurs ministères sont impliqués, dont le ministère des Finances et le ministère du Développement des ressources humaines. Plusieurs départements collaborent avec les provinces afin de s'assurer qu'il y ait des normes pancanadiennes. Le gouvernement fédéral prône un fédéralisme d'ouverture et respectueux de la Constitution.
Je ne vois pas la nécessité d'imposer quelque chose aux provinces, puisqu'il existe actuellement un leadership et un désir exprimé par les provinces de régler ce problème. Je parle ici des ministres et des premiers ministres des provinces. Lorsque des gens de bonne foi s'assoient à une table et ont le même but, celui de régler un problème, habituellement ils y arrivent. C'est pourquoi je suis très heureux de la conclusion de notre rencontre à Halifax.
Le sénateur Goldstein : Avons-nous des leçons à apprendre de l'Union européenne quant à la liberté de commerce entre les différents pays?
M. Bernier : La réponse elle claire et affirmative, c'est oui. L'Union européenne s'est bâtie sur la reconnaissance mutuelle et l'accord entre la Colombie-Britannique et l'Alberta se fonde également sur la reconnaissance mutuelle, et dans l'accord intérieur de commerce que nous avons actuellement, on parle aussi de reconnaissance mutuelle.
Je crois qu'il faut apprendre de ces précédents pour améliorer l'accord actuellement en vigueur au Canada.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : L'accord conclu entre l'Ontario et le Québec comporte-t-il une disposition permettant à d'autres provinces d'y adhérer?
M. Bernier : Je n'ai pas la réponse à cette question. Je vais demander à Mme Swan de répondre.
Carole Swan, sous-ministre déléguée principale, Industrie Canada : Vous posez la question au sujet de l'entente sur la main-d'œuvre entre l'Ontario et le Québec?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
Mme Swan : Le ministère a étudié cette question pour déterminer si c'est possible. On me dit qu'ils n'ont pas adopté une telle disposition. Comme modèle, pour donner un élan, c'est assez utile.
Le sénateur Tkachuk : L'Alberta et la Colombie-Britannique ont conclu une entente avec une disposition permettant d'y adhérer et l'Ontario et le Québec ont conclu une entente sur la mobilité de la main-d'œuvre. J'aime le fait qu'ils s'attaquent aux questions de commerce et que l'entente comporte une disposition permettant à d'autres provinces d'y adhérer. Toutefois, je ne suis pas satisfait de voir des ententes distinctes intervenir entre certains groupes puissants. L'Ontario et le Québec se partagent l'essentiel du marché des consommateurs au Canada et l'Alberta et la Colombie- Britannique, deux provinces riches, ont signé une entente. Leurs richesses respectives pourraient découler de l'idée qu'elles se font du libre-échange. Toutefois, cette balkanisation ne me plaît pas et je crains que l'Ontario et le Québec n'utilisent leur entente pour éloigner les autres provinces de leurs marchés, qu'elles l'aient conclue pour des motifs égoïstes plutôt que dans une perspective nationale. Est-ce un aspect qui vous préoccupe, monsieur le ministre, vous et votre ministère?
Mme Swan : Je crois savoir que l'entente conclue entre l'Ontario et le Québec ne concerne que les flux de travailleurs de la construction.
Le sénateur Tkachuk : Je le sais. Ce que je crains est qu'un tel accord conduise à en conclure d'autres. Ce qui me préoccupe avec l'entente entre l'Ontario et le Québec est qu'elle constitue une excuse leur permettant de garder leur marché pour eux seuls. C'est ainsi que l'Ontario et le Québec ont des offices de commercialisation. Comme citoyen de la Saskatchewan, c'est là un autre sujet de préoccupation pour moi.
Mme Swan : Oui, l'entente bilatérale entre l'Alberta et la Colombie-Britannique comporte une clause d'adhésion. L'objet de l'Accord sur le commerce intérieur était de s'assurer, par consensus, que tous aillent de l'avant à la même vitesse. L'accord conclu entre l'Alberta et la Colombie-Britannique peut servir à donner un peu d'élan. D'autres provinces peuvent, si elles le veulent, collaborer de la même façon pour parvenir à des ententes.
Le vice-président du comité a fait état de l'Ontario et nous disposons d'indications montrant que d'autres provinces sont passablement intéressées et étudient cette entente en détail. Nous espérons qu'il sera possible d'aller de l'avant dans le cadre plus vaste de l'Accord sur le commerce intérieur au lieu d'assister à une forme de balkanisation en concluant des ententes distinctes. Nous aimerions qu'il s'agisse là d'un élan pour aller de l'avant sous les auspices de l'Accord sur le commerce intérieur.
Le sénateur Tkachuk : Cela montre que certaines provinces sont désireuses de conclure des ententes sur les questions commerciales. Lorsque l'Alberta et la Colombie-Britannique négociaient leur accord, elles ont invité la Saskatchewan à se joindre à eux, mais cette province a décliné l'offre. Alors que nous approchons d'une élection provinciale, le gouvernement de la Saskatchewan est davantage tenté par l'adhésion à une telle entente, éventuellement. Il a cependant décliné l'offre qui lui était faite. Je crois que l'offre a aussi été faite au Manitoba, avec le même résultat, mais je n'en suis pas sûr dans ce cas-ci.
Certaines provinces sont-elles moins réticentes à s'engager sur cette voie, en faisant leur par exemple le concept d'une commission nationale des valeurs mobilières?
M. Bernier : Je peux vous assurer que c'est à l'ordre du jour à Halifax. Chaque province veut améliorer l'entente sur le commerce intérieur et nous y travaillons. Certaines veulent suivre cette voie, celle de l'accord entre la Colombie- Britannique et l'Alberta. Nous avons tous le même objectif, qui consiste à améliorer la circulation des biens et des services à travers le Canada afin de permettre aux provinces de vendre leurs produits n'importe où au pays, sans obstacle au commerce. Je comprends bien votre intention mais, si votre question est adressée à des provinces précises, je ne vais pas répondre à leur place. Le sentiment que j'ai autour de cette table est que nous voulons tous aller de l'avant en améliorant l'Accord sur le commerce intérieur pour garantir à tous les Canadiens qu'ils profiteront d'un système de libre-échange.
[Français]
Le sénateur Massicotte : La théorie est claire : les Canadiens bénéficieront du libre-échange des produits et des biens et services. Mais la politique et la réalité sont telles que chaque province, avec son côté égoïste, veut maximiser son succès. Comme on l'a vu depuis des décennies au Canada, il est souvent plus facile de négocier ensemble avec un autre pays qu'entre chaque partie. Quelle sorte de marteau aviez-vous pour forcer les provinces à ne pas faire de la petite politique à court terme? Je sais qu'il existe un esprit d'équipe, un esprit d'engagement.
Toutefois, la réalité est telle que les individus vont agir en fonction de leurs propres besoins, de leurs intérêts et de leur situation politique. Qu'avons-nous ici qui puisse mener à des résultats?
M. Bernier : À mon avis, nous devons nous baser sur l'expérience du passé. Cette expérience a démontré que les barrières, au Canada, entraînent des coûts à la fois politiques et économiques. Les provinces sont conscientes de ce fait. C'est sans doute pourquoi les premiers ministres et le Conseil de la fédération considèrent ce dossier comme étant prioritaire. Ultimement, les provinces en récolteront les bénéfices, à condition d'aller au-delà des intérêts particuliers.
J'ai été agréablement surpris de constater cette volonté d'ouvrir des discussions sur la question de l'énergie, ce désir d'avoir voix au chapitre. On n'aurait pu anticiper une telle ouverture il y a quelques années, avec les divergences entre les provinces. On a enfin décidé de mettre la question sur la table, d'en discuter et de préparer un compte rendu dans les prochains mois.
Votre comité se penche sur cette question car vous sentez son importance pour les Canadiens et aussi parce que le sujet est d'actualité. Il en va de même pour nous politiciens. Nous considérons cette question d'importance et d'actualité.
Dans cet élan, une rencontre se tiendra en février. En tant que ministre de l'Industrie, je dois veiller à ce que cette rencontre ait lieu le plus tôt possible afin de garder cet élan. Auparavant, les rencontres avaient lieu une fois par année ou aux 18 mois. Mais les gouvernements et les priorités changent, ce qui peut expliquer certains échecs.
Aujourd'hui, les dirigeants sont derrière nous et nous avons décidé d'avancer. Peut-être ne réglerons-nous pas tous les problèmes. Toutefois, nous les examinerons un à la fois.
Nous nous sommes penchés sur la mobilité de la main-d'œuvre. Nous nous attaquerons à la clause du règlement des différends, qui comporte certaines faiblesses dans l'accord intérieur sur le commerce, afin de s'assurer que les provinces puissent respecter les décisions prises.
Il est peu probable que nous atteindrons toutes les cibles que nous nous sommes fixées. Toutefois, si on en atteint 50 p. 100, ce sera déjà un pas en avant, et nous continuerons à travailler.
Le gouvernement fédéral a-t-il l'intention d'imposer certaines choses aux provinces? Ce ne sera pas nécessaire, car les provinces travaillent avec nous en étroite collaboration. Les fonctionnaires au ministère de l'Industrie et au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences tiennent des sessions de travail sur une base régulière pour s'assurer de rencontrer les échéanciers, surtout pour la question de la mobilité de la main-d'œuvre. Nous faisons donc tous les efforts en ce sens.
La volonté est présente autour de la table, on la sent un peu partout au Canada. De plus, le fait que vous déposiez un rapport sur cette politique alimentera cet élan, ce qui est très sain.
Le sénateur Massicotte : Vous savez que les conséquences négatives sont visibles. Les bénéfices sont peu connus, car ils sont réalisés souvent à long terme. Existe-t-il un programme de communication ou une façon de s'adresser directement à la population pour expliquer les bénéfices, afin de créer une pression politique qui puisse motiver les législateurs provinciaux à s'entendre? Avez-vous quelque chose de plus spécifique à proposer?
M. Bernier : Nous n'avons pas encore discuté en détail des plans de communication. Nous en sommes toujours à la façon de régler les problèmes de mobilité. Ce sont des sessions de travail très chargées. Néanmoins, en tant que politicien, il sera important de communiquer ce message.
Nous discutons également avec plusieurs organisations impliquées. Par exemple les ingénieurs du Québec et l'ordre des ingénieurs de l'Alberta, les médecins du Québec et ceux de l'Ontario font partie de corps professionnels avec qui nous sommes en discussion, car plusieurs règles en découlent.
Le processus est assez complexe. Toutefois, nous avons fixé le 1ier avril 2009 comme échéancier, date qui me convient tout à fait. Nous travaillons dans un but commun et je crois que nous allons l'atteindre.
Le sénateur Massicotte : Je vous souhaite bonne chance. Cette question est très importante.
[Traduction]
Le président : Monsieur Bernier, j'espère que vous nous accorderez quelques minutes après midi, parce qu'il y a quelques sénateurs qui sont très désireux de poser des questions. Je me suis efforcé de réduire les questions et les réponses. Il est très important que nous comprenions toutes les ramifications des questions auxquelles nous devons nous attaquer.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Ayant travaillé pour SNC par le passé, je sais que le Code du bâtiment, développé en collaboration avec le Conseil national de recherches du Canada, pour l'établissement de normes et de matériaux est un succès. Il existe depuis déjà longtemps et constitue un modèle qui pourrait être utilisé dans plusieurs domaines.
Toutefois, je me pose constamment la question suivante. Comment se fait-il qu'il existe des barrières pour certains produits? Prenons l'exemple de la bière. Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi un producteur de bière ne pouvait pas vendre son produit à l'extérieur de sa province.
Les questions d'alimentation me tiennent également à cœur. Au Québec, on mange des pommes de la Colombie- Britannique et des pommes de terre des Maritimes. Il est donc approprié d'examiner la question de mobilité des produits et de considérer la circulation des marchandises. Toutefois, ma question touche surtout la mobilité de la main- d'œuvre à votre niveau de gouvernement.
Récemment, j'ai rencontré des représentants de centrales syndicales. Ils m'ont indiqué que les travailleurs du Québec, qui désirent aller travailler en Alberta, doivent faire face à des barrières et ne jouissent pas du même support que les travailleurs des Maritimes désirant aller travailler en Alberta. Certaines personnes doivent demeurer en chômage car ils n'ont pas les moyens d'aller explorer le marché albertain, ni d'aller passer les entrevues sur place. Lorsqu'on n'a ni emploi, ni support financier, on ne peut pas se permettre un billet d'avion ou un séjour de deux ou trois semaines pour passer une entrevue. Or, certains programmes s'adressant aux travailleurs des Maritimes leurs fournissent de l'aide en ce sens.
Si notre politique fédérale s'applique différemment d'une province à l'autre, cela constitue une barrière. On devrait prévoir un traitement identique lorsqu'il s'agit de travailleurs spécialisés oeuvrant, par exemple, dans le domaine des sables bitumineux.
D'autre part, avec quelle confiance vous adressez-vous à un organisme réglementaire national sur le plan des marchés financiers? Comme vous le savez, le Québec était la province la plus réfractaire à cette idée. D'ailleurs, votre équipe incluait un ex-politicien fédéral, lorsque vous avez mis de l'avant ce dossier, dont nous parlons depuis très longtemps. On a gaspillé beaucoup de salive et tenu plusieurs comités. Il est nécessaire d'obtenir le consensus au Québec. L'intention d'établir le siège social à Toronto constituait une grande crainte, compte tenu que le marché financier se trouve déjà en grande partie à Toronto. Le Québec, évidemment, ne veut pas perdre son autorité sur cette question.
Est-ce que vous discutez de cette question et avez-vous espoir qu'elle soit réglée dans un lapse de temps raisonnable? Comment comptez-vous régler cette question? On parle de 600 à 700 travailleurs spécialisés qui sont sans emploi et qui n'ont pas les moyens d'aller travailler dans d'autres provinces.
[Traduction]
Le président : J'ai compté cinq questions, mesdames et messieurs les sénateurs.
Le sénateur Hervieux-Payette : Non. J'ai une question qui porte sur la mobilité de la main-d'œuvre et l'autre qui concerne l'organisation des autorités des marchés financiers.
Le président : J'en suis ravi. Je croyais que vous aviez plus de questions. Si vous n'en avez que deux, posez-les.
[Français]
M. Bernier : Tout d'abord, parlons du Code du bâtiment. Il s'agit d'un outil important, soit. Toutefois, l'uniformité n'est pas toujours la règle. Comme vous le savez, le Code du bâtiment à Vancouver est un peu différent, compte tenu des particularités propres à cette région. En effet, selon les experts, la région de Vancouver doit parer aux éventualités de tremblements de terre et se munir de normes différentes de celles qui existent dans d'autres régions du pays. Il est bien de souhaiter l'uniformisation, mais parfois la distinction s'impose.
Vous avez également parlé de produits tels la bière. Lors des discussions à Halifax, nous avons parlé d'un produit en particulier : la margarine.
Entre le Québec et l'Ontario, il y a eu une décision du Comité sur l'accord de commerce intérieur où l'on a dit que le Québec imposait une barrière réglementaire avec la couleur de la margarine.
Lors de nos discussions au sujet d'un mécanisme de règlement des différends avec des pouvoirs et un moyen de faire en sorte que ces décisions soient mises en vigueur, on a justement traité de la margarine. C'est quelque chose qui évolue puisque maintenant le gouvernement du Québec veut s'assurer que les décisions futures du tribunal seront appliquées. Cela laisse entrevoir une ouverture. On sait que s'il y a d'autres décisions à venir sur la margarine, la réponse risque d'être la même.
Le fait que le Québec est ouvert à négocier le mécanisme des règlements est positif. Quant à la mobilité de la main- d'œuvre, vous faites référence à des programmes fédéraux qui inciteraient des gens des Maritimes à se trouver facilement de l'emploi an Alberta ou dans l'Ouest. Je vous dirai que je ne suis pas au courant de ces détails, mais si vous le dites, je tiens pour acquis que ces programmes existent.
Pour ce qui est de la raison pour laquelle ces programmes ne s'appliquent pas à d'autres régions du Canada, j'en discuterai avec ma collègue Diane Finley, ministre des Ressources humaines et du Développement social, et je vous reviendrai avec une réponse écrite sur cette question.
En ce qui concerne l'Autorité des marchés financiers et le rôle du Québec, le gouvernement du Québec a eu une position historique en disant que les valeurs mobilières étaient de juridiction provinciale. Dans les faits, le Québec a accepté de négocier avec les provinces d'un modèle de passeport dans lequel il y a une certaine perte de juridiction.
Si vous dites à une entreprise X établie à Vancouver que le prospectus qu'elle émet, une fois approuvé à Vancouver, peut être reconnu au Québec, l'Autorité des marchés financiers du Québec n'aura plus à analyser ce prospectus. C'est dans le système du passeport et donc le Québec laisse aller la mise en application de sa responsabilité dans un système de passeport.
Je trouve que cela augure bien pour une discussion quant à la création d'une commission unique des valeurs mobilières. Enfin, quelle sera la position finale des politiciens du Québec? Je ne peux pas vous le dire, mais je souhaite qu'ils se joignent à nous et je souhaite que mon collègue le ministre de l'Industrie soit capable de rallier tout le monde autour d'une table demain sur cette question.
Le sénateur Hervieux-Payette : Est-ce qu'on parle de reconnaissance mutuelle lorsqu'une province accepte et que l'autre l'entérine automatiquement?
M. Bernier : Dans le domaine des valeurs mobilières c'est basé sur la reconnaissance mutuelle. C'est le système de passeport qui fonctionne au sein de la Communauté économique européenne. Les provinces canadiennes n'ont pas été imaginatives, elles ont pris la directive de la Communauté économique européenne qui permet à une entreprise située à Paris d'émettre un prospectus à Paris et ce prospectus est automatiquement approuvé dans la communauté, c'est-à-dire un peu partout en Allemagne.
La seule chose à faire, c'est de traduire le résumé du prospectus dans la langue usuelle en matière de valeurs mobilières. Donc si vous êtes une compagnie allemande et que votre prospectus en allemand est approuvé par la Commission des valeurs mobilières d'Allemagne, vous pouvez vendre vos produits ou être coté à la Bourse de Londres, mais vous devez traduire votre prospectus dans une langue usuelle en matière financière.
Les politiciens européens n'ont pas voulu nommer l'anglais, mais c'est bel et bien l'anglais qui est la langue usuelle. C'est le même concept qui s'applique ici pour les systèmes de passeport. Est-ce que cela fonctionne? C'est un début, nous en sommes à l'étape de l'implantation, mais on pourrait aller encore plus loin avec une commission unique.
[Traduction]
Le sénateur Eyton : Ce n'est pas une bonne histoire. L'Accord sur le commerce intérieur, si je me fie à ma mémoire, a été conclu à la fin des années 80 et au début des années 90 et est entré en vigueur en 1995. Il me semble que les progrès réalisés n'ont pas été rapides ou que l'entente n'a pas été très efficace.
J'ai relevé ici, dans le rapport périodique de janvier 2006, soit 11 ans après l'entrée en vigueur de l'accord, que les objectifs à court terme annoncés sont « Renouveler l'engagement de respecter toutes les obligations prévues à l'ACI dans sa version actuelle ». Cela semble assez logique, après 11 ans. On s'attendrait à ce que cela ait été fait. Un autre objectif est de « mettre en œuvre un plan de communications exhaustif ». Cela me paraît encore passablement ordinaire. Il est ensuite question de compléter les négociations provinciales-territoriales sur les marchés publics. Cela signifie que toutes les parties à la table de négociation disent : nous devrions faire ceci; nous avons été à cette table pendant 11 ans et nous devrions vraiment, à court terme, faire ce que nous avons dit que nous allions faire il y a 11 ans, et cela concerne toutes les parties présentes à la table. Il s'agit là d'objectifs à court terme.
Outre cela, il y a les objectifs à plus long terme. Je constate que l'un vise à améliorer le chapitre sur les marchés publics. Il y a ensuite toute une série de questions très importantes, y compris en ce qui concerne les modalités de résolution des différends qui sont totalement inefficaces, un chapitre sur l'énergie et des choses de ce genre.
C'est là un dossier abyssal. Dans le vrai monde, si vous aviez une entente de ce genre qui a été en vigueur pendant 11 ans et que vous parliez 11 ans après d'un meilleur plan de communications, ne serait-il pas réaliste d'examiner la situation et de dire que les choses ne fonctionnent pas très bien. Est-il réaliste de le laisser tomber et de recommencer à zéro? Est-ce une solution réaliste?
M. Bernier : Au sujet de l'histoire des relations et de l'abaissement des obstacles au commerce à travers le pays, vous avez raison. Il faut que nous fassions quelque chose et ce qui a été fait était loin d'être parfait. C'est pourquoi je fais revenir à la réunion que j'ai eue avec mes collègues à Halifax en septembre.
Nous avons un plan d'action, nous avons des dates et des délais, en particulier sur la mobilité de la main-d'œuvre. Nous devions choisir des priorités et nous l'avons fait. Nous ne voulons pas tenter de nous attaquer à tout en même temps comme nous avons essayé de le faire par le passé. Nous allons réussir maintenant parce que nous avons des priorités et que nous travaillons tous ensemble.
Dans le cas de la mobilité de la main-d'œuvre, nous avons une date, le 1er avril 2009. Quant à savoir ce que nous allons faire d'ici cette date, nous allons organiser des réunions au niveau des ministres et des fonctionnaires. Cela donne de très bons résultats. De nombreux ministères fédéraux sont impliqués dans ce dossier, et il en va de même au niveau provincial.
Vous avez un engagement. Comme vous le savez, à titre de politicien, quand vous dites quelque chose en public vous voulez réussir. Je veux réussir, tout comme mes collègues, parce que les Canadiens et ce comité vont nous juger. Je ne veux pas revenir devant vous dans un an et que vous me disiez, monsieur le ministre, vous n'avez pas tenu parole. Nous avons un communiqué de presse et cela ne signifie rien.
Je suis en politique pour réaliser des choses. Je veux obtenir des résultats pour les Canadiens. Il en va de même pour mes collègues des autres provinces. Nous voulons faire des choses et nous assurer que nous allons réussir. Nous croyons que nous allons parvenir à une entente sur cette question. Notre réputation est en jeu.
Vous avez un engagement solide. Nous travaillons actuellement sur cette question. Nous aurons une autre réunion et nous allons aller de l'avant.
De quoi aura l'air l'avenir? Je ne peux pas vous le dire. J'espère que je serai ministre de l'Industrie pendant assez longtemps dans ce gouvernement pour être en mesure de finir le travail.
Le sénateur Eyton : Il se trouve que je partage cette ambition.
Le sénateur Grafstein : Quelqu'un veut poursuivre sur le même sujet?
Le sénateur Eyton : Je comprends donc que vous nous répondez que nous avons cette entente et que nous allons travailler avec elle du mieux que nous pouvons. Ma question de suivi est la suivante : comment pouvons-nous aller plus vite?
Les effets réels de cet accord pourraient se faire sentir 15 ans à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord et ce n'est là qu'un élément auquel nous nous intéressons dans le cadre des obstacles au commerce interprovincial.
C'est le gouvernement fédéral qui détient les pouvoirs constitutionnels en matière de commerce interprovincial et il pourrait être en mesure de décerner des récompenses ou d'infliger des punitions pour faire bouger les choses, mais quelles sont les limites, autres que politiques, à ce que le gouvernement fédéral peut faire pour être plus dynamique et plus présent afin que les choses évoluent plus rapidement?
Comment pouvons-nous accélérer la résolution d'un problème qui ampute notre PIB de 1 p. 100 ou plus chaque année? Nous parlons ici de milliards de dollars.
Il nous a fallu 15 ans pour nous attaquer à certains éléments importants que nous avions étudiés au début. Qu'est-ce qui empêche le gouvernement fédéral de jouer un rôle plus actif?
M. Bernier : Je comprends votre point. Je veux situer les choses dans leur contexte. L'entente conclue entre l'Alberta et la Colombie-Britannique est très bonne. Chaque gouvernement et chaque cabinet a collaboré avec l'autre pendant quatre ans pour y parvenir. Ils ont dû pour cela mettre sur pied un cabinet conjoint; ils ont désigné un ministre de chaque province en même temps au niveau du cabinet. Ça a été une bonne idée. Ils ont partagé leurs problèmes. Les ministres de la Colombie-Britannique et de l'Alberta étaient très fiers lors de cette réunion. Ce n'est pas une entente parfaite mais c'est une bonne entente.
J'espère que les autres provinces vont emprunter la même voie. Cela nous aidera à améliorer l'accord sur le commerce intérieur au niveau fédéral.
Votre question est : Si vous ne pensez pas que nous puissions atteindre ce résultat et si vous ne considérez pas qu'il y a suffisamment d'élan, avez-vous d'autres outils? Pensez-vous pouvoir faire quelque chose?
Je suis optimiste. Nous travaillons fort; nous avons un objectif et nous voulons l'atteindre. Je ne veux pas avoir un plan B sur cette question. Nous devons coopérer avec les provinces et elles réalisent la nécessité de faire des changements.
C'est pourquoi nous sommes tous fiers de ce que nous avons réalisé à Halifax. Nous savons que le dossier de l'Accord sur le commerce intérieur n'est pas brillant. Nous voulons l'améliorer.
Je n'ai pas de plan B. Je travaille de façon positive en coopérant avec les autres. Vous avez entendu des spécialistes qui sont venus faire part à votre comité d'opinions différentes. Je ne suis pas un spécialiste. J'attendrai de lire le rapport.
Le sénateur Eyton : Bonne chance à votre plan A.
Le sénateur Harb : Mon collègue a soulevé une question importante. J'émets l'hypothèse que la raison pour laquelle nous n'avons pas enregistré de progrès est qu'il n'y a pas de leadership dans ce domaine. Je ne blâme aucun gouvernement en particulier. J'ai servi avec votre père à l'époque Mulroney. C'était quelqu'un de très bien. Nous avons eu des gouvernements conservateurs et libéraux.
M. Bernier : Qu'en est-il de son fils?
Le sénateur Grafstein : Le sénateur Harb, le ministre Bernier a posé une seconde question. Il a demandé qu'en est-il de son fils? Le jury est-il toujours là?
Le sénateur Harb : Cela dépend de la façon dont le ministre répondra à ma question.
J'émets l'hypothèse que la raison pour laquelle nous n'avons pas eu de leadership dans ce domaine est que nous ignorons la réponse. Je vais vous poser la question. Si vous me donnez la réponse, vous m'aurez alors prouvé que, pour l'essentiel, il y a un leadership et que nous allons aller de l'avant.
L'analyse de rentabilisation du commerce interprovincial n'est pas là. Savez-vous quel en est le coût réel pour l'économie? Si vous me donnez la réponse, nous avons alors l'analyse de rentabilisation. Si vous ne l'avez pas, il me semble que c'est là le fond du problème.
Où est l'étude qui montre le coût pour l'économie imputable aux déficiences du commerce interprovincial? Cela va déterminer si vous comprenez ou non le sujet.
M. Bernier : Comprenez-vous, Carole?
Mme Swan : Oui.
Le sénateur Grafstein : Je vais vous donner un truc, monsieur le ministre. Examinez les chiffres du Conference Board.
M. Bernier : Je ne peux être d'accord avec vous sur la question du leadership. Qui a présidé la réunion de Halifax? Ce n'était pas Maxime Bernier ou un autre ministre d'une autre province. C'est le premier ministre Doer qui l'a fait. Il relève dans ce rôle du Conseil de la confédération. Le leadership est exercé par les premiers ministres et par les gouvernements des provinces. Le leadership est bien là.
En ce qui concerne les coûts, l'Institut Fraser a réalisé certaines études, tout comme le Conference Board et l'Institut économique de Montréal. Oui, il y a un coût. Quel est le coût exact. Combien de milliards ou de millions? Je n'ai pas le chiffre ici.
J'ai lu l'étude. Je sais qu'il y a un coût. J'ai été dans ce secteur quand j'ai travaillé pour une compagnie d'assurance. Quand vous vendez de l'assurance dans chaque province, vous devez respecter 13 réglementations à travers le pays. Étant vice-président, j'étais responsable des gens travaillant en Alberta et en Colombie-Britannique, et au Québec, et je devais m'assurer que les vendeurs respectaient les législations provinciales. Cela a un coût. Si vous ajoutez qu'il en va de même pour chaque secteur de l'industrie et pour chaque entreprise, les coûts de conformité deviennent énormes. Nous le savons. Nous avons lu l'étude. Je ne veux pas donner un chiffre ici. Nous devons tous savoir, sans l'ombre d'un doute, que les coûts seront énormes si nous ne faisons rien, et que le chiffre va augmenter.
Le sénateur Harb : C'est un élément de crédibilité de ce dossier. D'après ce que j'ai vu, les chiffres représentent entre 0,05 et 0,10 p. 100 du PIB et certaines études vont jusqu'à 1 p. 100 de ce PIB. Je fais remarquer que le facteur entre 0,05 et 0,10 est de 20. Je ne vais pas accorder ma confiance à une telle étude. Je veux une étude crédible qui analyse l'économie secteur par secteur, que nous parlions de la mobilité de la main-d'œuvre, de l'alimentation et de la sécurité ou des professionnels. Je veux demander à chaque secteur de chiffrer ses pertes s'il n'est pas en mesure de faire du commerce à l'échelle interprovinciale.
M. Bernier : Je veux bien comprendre votre question. Le coût se situe entre deux et trois milliards de dollars et vous voulez connaître le coût pour chaque industrie. Nous n'en sommes pas là. Nous voulons résoudre le problème. Nous sommes ici pour résoudre le problème.
Si je dispose d'une étude qui me dit que le coût pour le secteur manufacturier est d'un milliard de dollars, nous savons qu'il y a un problème. Je ne veux pas ajouter une autre étape ou une autre étude. Il est temps d'agir. Si vous avez l'étude, c'est bien. Nous savons qu'il y a un coût. C'est pourquoi il est temps d'agir. Nous ne sommes pas dans la même position. Il faut mieux en prendre conscience et agir à partir de l'information dont on dispose.
Le sénateur Harb : Monsieur le ministre, vous avez besoin de connaître la température du patient parce que, s'il fait de la fièvre, vous devez agir rapidement. Le président et le vice-président ont tous deux indiqué que cela affecte l'ensemble de l'économie sur la scène internationale.
Ce que je dis est que, depuis la Confédération, quelqu'un au niveau national pourrait avoir identifié non seulement le patient mais également le problème. Je fais l'hypothèse que l'une des raisons pour laquelle les gens ne sont pas allés de l'avant sur ce dossier est que c'est parce que nous continuons à faire des hypothèses.
M. Bernier : Vous avez choisi le problème de la mobilité de la main-d'œuvre, et je pense que vous connaissez les coûts associés à ce problème. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi cette question en particulier. Elle est coûteuse pour les familles, pour les gens et pour l'économie. C'est la question la plus importante et nous devons nous y attaquer sur une base prioritaire.
L'Association des manufacturiers canadiens, le Conference Board et le Conseil économique ont réalisé des études. Comme politicien qui devra se présenter devant les électeurs, peut-être plus tôt que plus tard, je veux agir et obtenir des résultats sur cette question. Les autres politiciens assis autour de la table et nos collègues des provinces veulent la même chose.
Le sénateur Grafstein : Monsieur le ministre, je vous remercie. Vous pouvez constater que chacun des membres de ce comité s'intéresse sérieusement aux divers aspects de cette question. Nous sommes de plus en plus préoccupés et pas l'inverse.
Des études récentes ont indiqué que le Canada prend du retard. Nous sommes passés de la septième à la douzième ou treizième place dans le monde et des pays européens, comme l'Espagne, prennent notre place au sein du groupe du G7. La poursuite de cette tendance serait terrible pour le Canada, à tous les titres. Il en va de même en ce qui concerne les investissements étrangers directs au Canada. Il n'y a pas si longtemps, nous avions 6 p. 100 des investissements étrangers directs. Notre part a aujourd'hui baissé à 3 p. 100. Cela signifie que notre économie n'est pas assez dynamique et que les capitaux qui viennent dans notre pays nous rendent plus productifs. Tout revient à la question de la productivité et à ces obstacles au commerce interprovincial, qui nuisent à notre prospérité.
Le sénateur Harb, le sénateur Goldstein, le sénateur Eyton, le sénateur Tkachuk, le sénateur Massicotte, le sénateur Angus et moi sommes tous d'avis que c'est là une préoccupation très importante. C'est pourquoi nous allons voyager à travers le pays pour dresser le portrait de la situation de notre mieux, région par région.
Nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui. Le gouvernement fédéral dispose de pouvoirs sûrs en matière de commerce international qu'il n'a pas exercés. Nous avons des pouvoirs de révocation qui n'ont pas été exercés. Le gouvernement fédéral a hésité à exercer ses propres pouvoirs, et c'est là toute l'histoire de cette question.
Les conseillers juridiques de votre ministère vous feront le point sur cette question, monsieur le ministre. Si vous voulez les pouvoirs, vous les avez, à condition de vouloir les exercer. Je ne veux pas dire que vous devriez exercer tous vos pouvoirs mais vous avez les moyens de faire ce que vous voulez faire. Avant d'assister à votre réunion de février, notez bien que vous disposez de plus de pouvoirs que vous ne croyiez en avoir.
M. Bernier : Je suis ravi d'avoir eu l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vais attendre le rapport du comité.
La séance est levée.