Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 14 - Témoignages du 31 janvier 2007
OTTAWA, le mercredi 31 janvier 2007
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 4 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international (l'étude des fonds de couverture).
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a un programme très ambitieux. Je tiens à souhaiter la bienvenue à notre témoin, Julie Dickson, représentante du Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF. Des Canadiens nous regardent d'un océan à l'autre et partout dans le monde grâce à Internet, alors vos paroles ont une portée mondiale.
Le comité des banques du Sénat fait partie de l'histoire du Sénat et du Canada depuis la première séance du Parlement, en 1867. Plusieurs mois après la Confédération, le comité a été parmi les premiers à être créés et il a toujours été au service de la population canadienne. Portant à l'origine le nom de comité des banques, du commerce et des chemins de fer, le comité s'est intéressé à l'activité bancaire, aux assurances, aux fiducies, aux prêts, aux caisses populaires et aux compagnies de petits prêts, à certains types d'imposition, aux entreprises et aux faillites. Le mandat du comité couvre un certain nombre de questions qui touchent au fonctionnement et au fondement de l'économie canadienne dans son ensemble. Il s'agit du seul comité des deux chambres du Parlement qui est chargé d'examiner les questions, grandes et petites, qui influent sur l'économie nationale dans son ensemble.
Le comité a récemment déposé des rapports sur la protection du consommateur dans le secteur des finances et ses effets sur l'économie. Dans le cadre de notre mandat, nous sommes allés à New York en octobre dernier pour discuter avec nos collègues américains de divers sujets, dont les fonds de couverture, un secteur évalué à ce moment-là à 1,1 billion de dollars d'actifs. Compte tenu de l'ampleur et de la portée de nos relations commerciales avec les États-Unis, la nature intégrée des éléments de notre économie et la priorité qui doit être donnée à la stabilité financière mondiale, il est essentiel que les décideurs canadiens comprennent ce qui se passe au Canada et aux États-Unis dans cet important dossier. Au cours de nos discussions avec des représentants du secteur des services financiers et des responsables de la réglementation des États-Unis, les fonds de couverture sont apparus comme étant un élément clé. Les membres du comité sont d'avis qu'ils doivent étudier davantage ce dossier, compte tenu des échecs récents et largement médiatisés de certains fonds de couverture et du nombre croissant d'investisseurs, tant des investisseurs avertis que des petits épargnants, qui utilisent cet outil financier. Les fonds de couverture canadiens étaient évalués à 26,6 milliards de dollars en juin 2004 et nous sommes certains qu'ils ont augmenté depuis ce temps.
Nous avons aussi parlé des fonds de couverture dans le cadre de notre étude des questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers et nous avons recommandé la nomination d'une personne chargée d'examiner la surveillance réglementaire des fonds de couverture. Néanmoins, la question essentielle reste à savoir dans quelle mesure et de quelle façon ces types de produits financiers nouveaux et complexes doivent être réglementés ou supervisés si nous voulons protéger le consommateur et préserver la stabilité et la transparence des marchés financiers canadiens et internationaux. Le comité reste ouvert sur le type de réglementation ou de supervision à appliquer aux fonds de couverture et est ravi d'entendre d'autres témoignages pour clarifier ces questions.
Pour poursuivre notre étude sur cet important sujet, je veux souhaiter la bienvenue à notre prochain témoin, Mme Julie Dickson.
Julie Dickson, surintendante intérimaire des institutions financières, Bureau du surintendant des institutions financières Canada (BSIF) : Monsieur le président, mesdames, messieurs, j'aimerais remercier le comité d'offrir au BSIF l'occasion de prendre part à son étude sur les fonds de couverture. Je commencerai par un bref exposé pour situer le rôle du BSIF dans le domaine de la réglementation des services financiers. Puis je serai ravie de répondre à vos questions.
[Français]
Le BSIF est l'organisme de réglementation prudentielle des institutions financières fédérales. Le terme « prudentielle » signifie que nous nous intéressons à la sécurité et à la solidité d'institutions financières telles que les grandes banques, ainsi qu'à leurs pratiques de gestion des risques auxquelles elles s'exposent, contribuant ainsi à la stabilité globale du système financier. Notre mandat n'englobe ni la conduite des marchés ni la protection des investisseurs, deux questions qui relèvent d'autres organismes provinciaux et fédéraux.
[Traduction]
En raison de son mandat prudentiel, le BSFI s'intéresse aux risques de marché et de crédit auxquels les banques s'exposent dans le cadre de leurs opérations commerciales. Nous sommes payés pour être vigilants et pour passer à l'action lorsque nous croyons que les entités que nous réglementons et que nous surveillons se montrent imprudentes ou négligentes, ou qu'elles ne semblent pas comprendre parfaitement les risques inhérents à leur secteur d'activité ou, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, lorsqu'elles évaluent mal les risques associés aux fonds de couverture.
Les activités de surveillance du BSIF sont fondées sur la notion de risque. En principe, il est possible pour une institution d'assumer des risques plus importants sans attirer l'attention de l'organisme de surveillance, à condition que la qualité de la gestion des risques soit proportionnelle. Comment le BSIF sait-il que les mesures d'atténuation du risque sont adéquates? Nous posons des questions, nous vérifions les réponses et nous faisons un suivi. Lors des contrôles que nous effectuons régulièrement auprès des institutions financières, nous examinons leurs stratégies de gestion du risque, leur propension à prendre des risques et l'évolution de leur profil de risque.
Dans ce contexte, on a récemment examiné les risques auxquels les grandes banques sont exposées en matière de fonds de couverture. Leurs pratiques de gestion des risques ont aussi été scrutées. Cet examen a permis de conclure que les risques à ce chapitre sont relativement minimes et que les pratiques de gestion des risques sont adéquates. Bref, il est permis de croire que les banques canadiennes se montrent prudentes lorsqu'il est question de fonds de couverture.
Bien que le BSIF n'entretienne aucune crainte en ce qui a trait à la participation des institutions financières canadiennes à des fonds de couverture, cette activité figure à notre programme de surveillance continue et y demeurera.
[Français]
Enfin, nous nous entretenons régulièrement avec nos homologues étrangers de diverses questions, dont les fonds de couverture. Nous suivons de près les travaux et les opinions des États-Unis et du Royaume-Uni dans ce dossier, puisque ce sont les pays où se déroule le gros des activités de fonds de couverture.
Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Le sénateur Angus m'a rappelé les bonnes manières. J'ai oublié de présenter notre distingué vice- président de Montréal, le sénateur Angus. Je m'en voudrais de ne pas mentionner également le sénateur Chaput, qui se joint à nous pour la présente session, et le distingué sénateur Campbell, de Vancouver. Le sénateur Campbell a été un ardent défenseur de l'intérêt public lorsqu'il s'est occupé des affaires publiques de la Colombie-Britannique et il poursuit ce travail à Ottawa. Le comité leur souhaite la bienvenue.
Le sénateur Angus : Merci, monsieur le président. Bienvenue, madame Dickson. Je crois qu'il est juste de présumer que vous avez suivi les audiences que nous avons eues jusqu'à présent et que vous avez une idée des questions qui nous préoccupent.
Mme Dickson : Oui.
Le sénateur Angus : J'aimerais faire suite à ce que le président a dit tout à l'heure au sujet de l'étendue des fonds de couverture. Je comprends que le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières est limité, comme son nom le dit, aux institutions financières, et qu'il ne s'agit pas d'un organisme de protection du consommateur. Toutefois, d'après votre déclaration préliminaire, je crois comprendre que vous vous intéressez suffisamment à cette question pour pouvoir nous donner une idée de l'étendue des fonds de couverture. Combien de dollars canadiens sont investis aujourd'hui dans des fonds de couverture? Serait-ce un billion de dollars?
Mme Dickson : J'ai examiné les témoignages que diverses personnes ont présentés au comité. Le BSIF n'a pas pareilles statistiques. Nous nous intéressons surtout à ce que fait chaque banque concernant les fonds de couverture, le volume et le type d'activités qu'elle mène. Nous nous intéressons également au taux de croissance de l'activité des banques en regard des fonds de couverture. Nous avons constaté que les risques auxquels les banques s'exposent dans ce domaine sont minimes — 2 p. 100 des avoirs d'une banque. C'est très peu dans notre monde, mais ce pourcentage augmente rapidement, de 30 p. 100 par année, selon certains chiffres. Chaque fois qu'un risque augmente aussi rapidement, nous surveillons la situation de près, mais ce risque est si petit qu'il ne nous empêche pas de dormir.
Le sénateur Angus : J'en suis fort heureux. Lorsque ce nouveau véhicule est devenu à la mode au Canada, il était limité à une catégorie d'investisseurs avertis ou exonérés, ce qui incluait les banques et les soi-disant investisseurs institutionnels, mais non les petits épargnants. Nous avons appris que les fonds de couverture gagnaient en popularité et que de nombreuses firmes de conseils en placement et de gestion d'argent créaient des fonds de couverture et amenaient leur clientèle à investir dans ces fonds, peut-être une clientèle marginale. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le BSIF veille à ce que les entreprises ou les institutions qu'il réglemente comprennent la nature du risque, ce qui est parfois difficile compte tenu de l'effet de levier qui existe.
Je ne vais pas m'étendre sur la question des investisseurs non avertis, à moins que vous ne croyiez pouvoir ajouter quelque chose, puisque cette question ne fait pas partie de votre mandat. D'autres organismes comme la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et d'autres organisations au Canada s'intéressent à cette question. Permettez-moi de me concentrer ici sur les banques.
Dans le Wall Street Journal d'hier, soit du 30 janvier, le président et moi avons remarqué la possibilité et, en fait, la prévalence des conflits d'intérêts qui augmentent parmi les banques. Nous l'avons vu dans la récente affaire Amaranth. Lorsque cette affaire a éclaté, nous nous sommes demandé s'il s'agissait d'un autre scénario de capitaux à long terme dans lequel la banque devait trouver des milliards de dollars pour sauver le système et éviter un retrait massif. Dans l'affaire Amaranth, les choses semblaient être bien gérées. Dans l'article du Wall Street Journal d'hier, intitulé « Amid Aramanth's Crisis, Other Players Profited », on pouvait lire que Goldman Sachs avait fait une offre et JP Morgan a riposté et en a fait une également. Puis l'article fait ressortir ce qui m'apparaît comme un conflit d'intérêts. Pouvez- vous nous éclairer à ce sujet? Quelle a été la conclusion de votre examen?
Mme Dickson : Je peux dire un certain nombre de choses. Les gens ont cerné plusieurs questions qu'ils aimeraient examiner en ce qui a trait aux fonds de couverture. Il y a d'abord la protection du consommateur qui, comme vous l'avez dit, ne fait pas partie de notre mandat. Deuxièmement, ils veulent savoir si les fonds de couverture se comportent de manière appropriée sur le marché, c'est-à-dire s'il y a des transactions d'initiés ou d'autres problèmes touchant à l'intégrité du marché. Les commissions de valeurs mobilières s'intéressent à cette question. Troisièmement, les gens veulent en savoir davantage sur la lutte contre le blanchiment d'argent et si les fonds de couverture posent problème dans ce sens. Enfin, les gens veulent savoir s'il existe un risque systémique quelconque. Pourrait-il y avoir des concentrations de risques dans le système au point où si un fonds de couverture s'effondrait, l'ensemble du système en souffrirait? C'est cet aspect qui nous intéresse le plus, qui touche le BSIF. Nous nous intéressons beaucoup à l'affaire Amaranth, dans laquelle un fonds s'est effondré et le marché a composé avec le problème. Il y a eu une perturbation, mais non pas un événement systémique. Certains aiment dire qu'il s'agissait d'une situation qui a été bien traitée au sein du marché.
Le BSIF a examiné les risques que couraient les banques canadiennes dans l'affaire Amaranth et a voulu savoir si ces risques étaient bien gérés — combien d'argent se trouvait dans leurs livres comptables, savaient-elles ce qui se trouvait dans leurs livres, l'argent était-il garanti par nantissement de titres, ont-elles perdu de l'argent — parce que notre organisation se préoccupe de la solvabilité des banques. Nous avons été satisfaits de ce que nous avons vu.
Toutefois, nous devons nous tenir au fait de ce qui se passe. Tous les six mois, je rencontre mes homologues des quatre coins du monde, y compris des porte-parole des finances et des banques centrales. Les fonds de couverture sont à l'ordre du jour depuis un certain temps. Ces rencontres donnent l'occasion de faire des comparaisons pour voir si les gens remarquent certaines choses qui les préoccupent.
Bon nombre de discours sont prononcés par les responsables de la réglementation des banques et des valeurs mobilières et par des dirigeants de banques centrales. Pour la plupart, les fonds de couverture constituent un ajout utile au système financier pour les raisons que vous savez : détermination des prix, liquidité accrue et affectation plus efficace des ressources. Toutefois, les gens veulent tout de même être certains de comprendre exactement ce qui se passe. Par conséquent, des réunions continuent d'être organisées, surtout au Royaume-Uni et aux États-Unis où le gros des activités se déroule.
Les responsables de la réglementation des banques rencontrent les principaux intervenants du système, les grandes institutions financières, pour vérifier ce qu'ils font et s'ils comprennent les fonds de couverture. La plupart des gens croient que si les banques qui prêtent l'argent comprennent ceux à qui elles prêtent cet argent, cela a un effet positif sur le système en limitant le levier financier de ces parties, ces fonds de couverture.
Les principaux organismes de réglementation du marché des valeurs mobilières comme la Securities and Exchange Commission, aux États-Unis, et la Financial Services Authority, au Royaume-Uni, se réunissent également. Ce ne sont pas des banques, mais d'importantes maisons de courtage qui jouent un rôle important sur la scène internationale. Elles examinent leurs pratiques de gestion des risques et cherchent à savoir si elles comprennent leurs contreparties, les fonds de couverture.
Il y a également des réunions avec les fonds de couverture. Bien que ce ne soient pas des entités réglementées, la Securities and Exchange Commission, SEC, et la Financial Services Authority, FSA, rencontrent les principaux fonds de couverture. C'est une bonne chose. Nous voulons tous en apprendre davantage sur ces fonds. Le BSIF essaie de se tenir au courant de ce que la SEC et la FSA apprennent. Nous voyons ces gens tous les six mois. Nous recevons également des mises à jour et nous pouvons nous entretenir avec eux en tout temps entre les rencontres.
Le sénateur Angus : Ces rencontres et votre intérêt pour les fonds de couverture et les pratiques de prêt des banques sont des aspects intéressants.
Je ne vous ai pas entendu dire que le BSIF avait mis en œuvre une réglementation particulière. Un de vos moyens de surveillance et de réglementation des banques consiste à émettre des lignes directrices, des règlements qui n'en sont pas. Cette façon de faire semble fonctionner dans votre monde.
Avez-vous des lignes directrices précises pour les banques en ce qui concerne les fonds de couverture? Si oui, nous serions intéressés à les voir.
Mme Dickson : Nous n'avons pas de lignes directrices précises. Nous produisons des lignes directrices seulement si nous le jugeons nécessaire parce que nous voyons quelque chose que nous n'aimons pas. Nous avons examiné dans le détail ce que font les banques avec les fonds de couverture, et l'industrie a compris que nous surveillons la situation. Cela a un impact.
À la lumière de cet examen, nous avons conclu que la gestion des risques était bonne et nous n'avons donc pas jugé nécessaire de produire des lignes directrices précises. Toutefois, nous participons également à des discussions internationales sur les fonds propres, et un nouvel accord de Bâle entrera en vigueur le 1er novembre 2007. On trouve dans cet accord quelques clauses qui portent spécialement sur les fonds de couverture, que nous adoptons. On y précise que si une banque a un placement ouvert en actions dans un fonds de couverture, les intérêts et le remboursement des emprunts seraient plus élevés qu'aujourd'hui. On y parle également des pratiques de gestion des garanties, si bien que si une banque prend des garanties, ce qu'elle fait toujours lorsqu'il s'agit d'un fonds de couverture, elle doit réfléchir à la valeur de liquidation de ces garanties. Il s'agit d'un progrès important sur la scène internationale et ces règles entreront en vigueur à la fin de l'année.
Le président : Ces lignes directrices ou ces objectifs à venir se trouvent-ils dans un document?
Mme Dickson : Ces lignes directrices seront publiées au Canada à la fin de l'année. Je peux vous envoyer cette information.
Le président : Merci. Nous aimerions distribuer le document à nos membres.
Le sénateur Goldstein : Merci, madame Dickson, de venir vous entretenir avec nous sur cette question. Nous comprenons que le BSIF ne joue aucun rôle direct dans la réglementation des fonds de couverture et qu'il ne peut le faire pour diverses raisons de constitution et de mandat, mais vous pouvez exercer un certain contrôle indirect. Certains contrôles commencent à être exercés. Par exemple, aux États-Unis, on parle à l'heure actuelle d'augmenter le seuil pour ceux que nous appelons les investisseurs avertis à plus de 2,5 millions de dollars. La chancelière Merkel a indiqué qu'elle voulait inscrire la question des fonds de couverture à l'ordre du jour des prochaines réunions du G8. Le Royaume-Uni a entrepris des travaux sur une certaine réglementation.
Votre organisation sait-elle qu'un grand nombre de Canadiens ne sont pas inquiets, mais se méfient du volume du marché des valeurs mobilières que détiennent les fonds de couverture? Près de 50 p. 100 des valeurs échangées sur les marchés boursiers canadiens sont maintenant détenues directement ou indirectement par des fonds de couverture. Cette concentration inquiète-t-elle le BSIF? En gardant à l'esprit que les fonds de couverture sont financés par les banques, bien que vous ayez dit ne pas vous en inquiéter et que, dans l'ensemble, les prêts sur les fonds de couverture consentis par les banques ne dépassent pas 2 p. 100 de leurs avoirs, cette concentration ne commence-t-elle pas à vous préoccuper?
Mme Dickson : Vous parlez de la concentration des échanges sur les marchés boursiers?
Le sénateur Goldstein : Oui.
Mme Dickson : Je ne suis pas bien placée pour faire des commentaires à ce sujet. Je crois qu'un spécialiste des marchés boursiers serait mieux placé.
Le sénateur Goldstein : À notre connaissance, environ 40 p. 100 des fonds de couverture canadiens sont détenus par des caisses de retraite, ce qui relève de votre compétence. Avez-vous élaboré des lignes directrices sur cette question, pour ce qui est des caisses de retraite? Par exemple, en 1997 vous avez produit des lignes directrices sur les instruments dérivés.
Mme Dickson : Nous avons examiné ce que font les régimes de retraite privés avec les investissements dans les fonds de couverture. Le BSIF s'occupe de 10 p. 100 des régimes de retraite privés au Canada. Nous observons peu d'investissement. J'ai vu les chiffres dont vous parlez, mais ils ne représentent pas les investissements faits par les régimes que nous réglementons. C'est peut-être parce que nous n'avons que 10 p. 100 des régimes. Nous savons que quelques-uns des régimes plus importants que nous supervisons tâtent le terrain, pour ainsi dire. Encore une fois, ce sont de très faibles risques.
Si un régime de retraite privé voulait commencer à investir massivement dans des fonds de couverture, je crois qu'il aurait à modifier ses politiques d'investissement. Nous exigeons que les régimes de retraite aient un énoncé de leurs politiques et procédures d'investissement, et cet énoncé doit être examiné chaque année. Si un régime décidait de faire un changement majeur, il aurait à l'indiquer dans sa politique, que tout le monde peut consulter. À l'heure actuelle, c'est très peu.
Le sénateur Goldstein : L'examen que vous avez effectué sur les banques et les risques qu'elles prennent relativement aux fonds de couverture a-t-il fait l'objet d'un rapport écrit?
Mme Dickson : Oui.
Le sénateur Goldstein : Est-ce un document protégé, ou bien pouvons-nous en obtenir des copies?
Mme Dickson : En fait, nous avons reçu une demande d'accès à l'information concernant ce rapport et nous l'avons expédié. Je peux certainement vous en envoyer une copie.
Le sénateur Goldstein : Ce serait bien.
Le sénateur Campbell : J'ai relativement peu d'expérience dans ce domaine, mais je me demandais si avec les fonds de couverture et les investisseurs non agréés et non avertis, c'était comme partout ailleurs : l'acheteur doit être vigilant.
Je comprends qu'on s'attendrait à ce que les investisseurs des marchés non réglementés et les investisseurs avertis aient tous les outils en main pour prendre des décisions éclairées, mais si vous ne faites pas partie de cette catégorie, comment en arrivez-vous à investir dans un fonds de couverture?
Mme Dickson : Je ne suis pas bien placée pour répondre à cette question non plus.
Le BSIF joue un petit rôle dans la mesure où il examine les pratiques de prêt des banques en ce qui a trait aux fonds de couverture, ce qui contribue à garantir que les fonds de couverture sont plus sûrs qu'ils ne le seraient autrement. Toutefois, je ne pourrais pas dire dans quelle mesure les gens doivent être informés ou non au sujet des fonds de couverture avant de faire un investissement.
Le sénateur Campbell : Si un investisseur non averti voulait investir dans un fonds de couverture et demandait un prêt à une banque, la banque dirait-elle quelque chose à cet investisseur ou lui remettrait-elle tout simplement l'argent demandé?
Mme Dickson : Les banques se soucient de leurs pratiques d'affaires. Il y a environ un an et demi, nous avons distribué une lettre sur la gestion des risques pour la réputation, dans laquelle nous avons souligné l'importance pour les banques de comprendre les activités dans lesquelles elles s'engageaient et les risques pour la réputation auxquels elles pouvaient s'exposer dans certains secteurs d'activités. Cette consigne s'applique partout, peu importe l'activité.
Le BSIF n'est pas le seul organisme de réglementation à avoir fait cela; de nombreux autres ont commencé à travailler dans ce sens. Bien que nous soyons responsables de la réglementation et de la surveillance en matière de solvabilité, nous devons également nous préoccuper des choses qui peuvent avoir des retombées négatives sur une banque et créer un problème de solvabilité. C'est pourquoi nous avons diffusé cette lettre. Elle s'applique à toutes les situations où des produits sont vendus à des clients. Toutefois, je n'ai pas le pouvoir de surveiller comment les banques s'y prennent pour vendre leurs produits; ce n'est pas le rôle du BSIF.
Le président : Cette lettre a-t-elle été envoyée aux banques en votre nom?
Mme Dickson : Oui. Vous pouvez la trouver sur notre site web.
Le président : Pourrions-nous en avoir un exemplaire également?
Mme Dickson : Tout à fait.
[Français]
Le sénateur Chaput : Dans le cas des fonds de couverture canadiens, quelle est la structure administrative? Est-ce qu'il y a une structure courante pour administrer ce genre de fonds?
À titre d'exemple, est-ce que l'administrateur de fonds et le conseiller en placements pourraient être la même personne? Est-ce qu'il y a une procédure courante pour administrer les fonds à votre connaissance?
[Traduction]
Mme Dickson : J'en connais un peu au sujet de la structure des fonds de couverture, mais je ne suis certes pas une experte en la matière. L'administrateur du fonds et le conseiller en placement ne sont pas nécessairement la même personne.
Je crois que des témoins vous ont déjà entretenu de ces questions, peut-être un représentant de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et un autre témoin.
[Français]
Le sénateur Chaput : Donc, vous n'êtes pas en mesure de me dire s'il y a des ressources affectées et quels genres de ressources seraient affectées à la gestion de ces fonds et quelle est l'importance des ressources affectées?
[Traduction]
Mme Dickson : Lorsque vous parlez de ressources, s'agit-il des sommes affectées à la gestion par rapport aux frais d'administration?
Le sénateur Chaput : Exactement.
Mme Dickson : Je ne pourrais pas vous répondre à ce sujet.
Le sénateur Harb : À la lumière de vos observations et des commentaires de nombreux autres témoins qui ont comparu devant notre comité, il ne semble pas y avoir eu de signal d'alarme qui pourrait m'amener à croire que les fonds de couverture sont problématiques au Canada. Nous avons toutefois pu constater lors de notre visite aux États- Unis qu'ils semblaient poser ailleurs dans le monde un problème important. Comme vous êtes à la tête d'une organisation qui chapeaute les institutions financières, peut-être pourriez-vous nous expliquer cette distinction. Au Canada, tout cela semble très simple et très facile, alors qu'au Sud de la frontière, tout comme en Europe, les signaux d'alarme retentissent un peu partout. Est-ce notamment dû au fait, comme vous l'avez souligné, que les banques canadiennes ne jouent pas un rôle aussi actif que les banques américaines et européennes? Savez-vous de quoi il en retourne?
Mme Dickson : L'activité à ce chapitre est beaucoup plus soutenue aux États-Unis qu'en Europe. C'est donc aux États-Unis que l'on retrouve la grande majorité des gestionnaires de fonds de couverture, ce qui en fait un dossier beaucoup plus chaud qu'ici au Canada. Ainsi, les firmes Long-Term Capital Management (LTCM) et Amaranth Advisors étaient toutes deux situées aux États-Unis.
En Europe, il y eu un certain désaccord entre les pays quant au mode de fonctionnement à adopter. Il y a des pays qui font beaucoup plus de bruit que d'autres. En outre, certains commencent à s'inquiéter de voir les activités liées aux fonds de couverture quitter leur pays au bénéfice d'un autre, ce qui ne réglerait rien; lorsqu'on essaie de réglementer de telles activités, on risque de les voir partir à l'étranger, ce qui n'arrange pas les choses. Il est possible qu'une partie de ces questions suscitent de fortes réactions.
Même si le BSIF est bien conscient que le risque est plutôt limité au Canada, je veux m'assurer que l'on explore toutes les pistes de discussion et que l'on donne suite aux excellents points qui sont soulevés. Nous devons demeurer bien au fait de la situation parce qu'un événement se produisant à l'étranger risque d'entraîner une grave perte de confiance qui pourrait en venir à toucher le Canada, ce qui en ferait également notre problème.
Le sénateur Harb : Ma question porte sur la vente de billets à capital protégé. Au moins un ou deux groupes en ont fait grand état, mais je ne comprends pas pourquoi. Si un client voit sa banque lui garantir le principal de son investissement, c'est certainement une offre favorable de son point de vue à lui. La banque lui dit simplement que si son investissement rapporte davantage, on lui remettra plus d'argent. Je ne vois pas le problème.
Avez-vous déjà reçu des plaintes au sujet de cet aspect très particulier? Si tel est le cas, comment y avez-vous donné suite?
Mme Dickson : Comme nous sommes une autorité chargée du contrôle de la solvabilité, ce n'est pas nous qui recevons les plaintes des gens. Ils vont plutôt communiquer avec d'autres instances. Une organisation comme la nôtre n'est pas saisie de telles plaintes. Comme les banques offrent des produits de ce genre, notre rôle consiste à nous assurer qu'elles en comprennent bien la teneur et qu'elles disposent de suffisamment de capitaux pour en assurer la mise en œuvre. Nous nous pencherions sur cet aspect, mais nous ne traiterions pas les plaintes.
Le sénateur Harb : Le Bureau du surintendant des institutions financières a un mandat intéressant qui l'amène à superviser les agissements des institutions financières et à se pencher de temps à autre sur la loi sur les banques, entre autres responsabilités. Au Canada, il semble exister un vide quant à la surveillance des marchés et aux préoccupations à régler à cet égard, notamment en matière d'application de la loi, de responsabilisation et de réglementation.
Avez-vous envisagé la possibilité de discuter sérieusement de la pertinence pour vous de jouer un rôle plus actif dans la concertation des partenaires et d'élargir votre mandat pour intervenir de manière davantage proactive sur le marché? Ou croyez-vous plutôt avoir déjà suffisamment de pain sur la planche pour pouvoir laisser ces responsabilités à quelqu'un d'autre?
Mme Dickson : Nous avons effectivement un emploi du temps très chargé et nous nous efforçons de nous concentrer sur notre mandat actuel. Nous évitons de nous éloigner trop de ce mandat, car nous nous retrouverions à faire des choses que le Parlement ne nous a pas demandé de faire. Toutes les fois que l'un d'entre nous essaie de s'écarter du mandat, nous en discutons ensemble. Nous ne sommes pas une grande organisation. Nous devons nous assurer de nous en tenir aux responsabilités qui nous sont confiées et de faire ce que l'on attend de nous sans nous éparpiller dans toutes sortes de directions. C'est au gouvernement qu'il incombe de décider des activités de ses organismes.
Le sénateur Harb : Effectuez-vous la surveillance des banques et des institutions financières à l'intérieur des frontières du Canada ou est-ce que vous suivez l'argent? Si une institution financière a des activités en Asie, par exemple, est-ce que votre mandat vous permet de franchir la frontière?
Mme Dickson : Nous suivons l'argent.
Le sénateur Harb : Si l'argent va quelque part, vous suivez. Qu'en est-il des filiales? Les banques peuvent détenir des intérêts dans une autre organisation, comme un groupe d'investissement. À partir de quel moment considérez-vous qu'une activité n'est pas de votre ressort parce qu'elle ne concerne aucunement la banque, mais bien les intérêts qu'elle détient dans cette entité financière, qu'il s'agisse d'une maison de traite, d'une compagnie d'assurances ou de tout autre type d'organisation financière? Primo, cette entité est située à l'étranger; secundo, ce n'est pas vraiment une activité de la banque. Comment parvenez-vous à voir clair dans ces zones grises auxquelles vous êtes confrontés de temps à autre dans vos activités quotidiennes?
Mme Dickson : Lorsque la banque est propriétaire, cela nous concerne. Les banques sont de plus en plus des entités internationales, au même titre que les compagnies d'assurances, et elles peuvent avoir des activités importantes dans d'autres pays. Dans ce contexte, nous devons examiner la façon dont les banques gèrent les risques lorsqu'elles évoluent à l'étranger ou dans d'autres sphères d'activité. Par conséquent, nous devons effectivement suivre l'argent.
Du point de vue de la solvabilité, cela fait partie de notre mandat. Nous nous rendons dans les pays concernés pour procéder aux vérifications requises. Lorsque la banque est propriétaire, la question ne se pose même pas. Nous devons tout simplement faire notre travail.
Le sénateur Harb : Même si une banque n'est propriétaire qu'à 20 p. 100 ou 30 p. 100, alors que quelqu'un d'autre possède 80 p. 100 des parts?
Mme Dickson : Tout dépend de l'importance relative. Si une banque détient 20 p. 100 des parts d'une organisation mais n'en a pas le contrôle, il y a des règles qui limitent sa participation à la propriété.
Nous préférons que les banques exercent le contrôle parce qu'elles disposent d'importantes ressources et nous sommes ainsi assurés qu'elles sont en mesure de gérer les risques et peuvent donc voir à ce que la filiale fasse le nécessaire.
Ceci étant dit, les institutions financières disposent d'une certaine marge de manœuvre pour aller sonder d'autres marchés en y prenant des positions minoritaires. Certaines limites s'appliquent à cet égard étant donné qu'il leur est impossible de prendre les décisions dans une situation où elles n'exercent pas le contrôle.
Lorsqu'il s'agit d'activités importantes, nous devons nous en mêler. Les banques et les compagnies d'assurances en sont pleinement conscientes. Elles jouent un rôle au sein du conseil d'administration et de la haute direction, ce qui signifie que nous avons également un rôle à jouer.
Le sénateur Goldstein : Je m'étonne d'entendre tous les témoins, y compris vous-même, nous faire part de leur optimisme relativement à cette situation. Rien ne paraît vous alarmer ni vous préoccuper.
Cette attitude semble contraire à celle de bien des intervenants d'autres pays. Elle ne correspond peut-être pas non plus au contenu du rapport rendu public le 12 janvier par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières; celles-ci considéraient que le cadre en place était généralement adéquat pour les fonds de couverture, mais n'en ont pas moins relevé six aspects préoccupants. Il ne me semble pas, et je suppose que mes collègues seront du même avis, que l'on prenne des mesures particulières à l'égard de ces six éléments, ni même que l'on s'attarde vraiment à y réfléchir. Cela est peut-être en partie dû au fait que bon nombre de ces questions ne sont pas de votre ressort et ne semblent pas relever du mandat de personne d'autre, sans tenir compte pour le moment du grave problème généralisé que nous avons au Canada en raison de la présence d'une pléthore d'organismes de réglementation du commerce des valeurs mobilières, plutôt que d'un organisme national unique.
Mark Twain a dit que tout le monde parle du temps qu'il fait, mais que personne ne fait jamais rien à ce sujet. C'est la même chose ici : tout le monde parle des fonds de couverture, mais personne ne fait rien pour rassurer les intéressés quant aux questions jugées préoccupantes — les évaluations des fonds de couverture et les ententes inappropriées pour l'indication de clients, par exemple. Ce sont des éléments que je tire du rapport. Personne ne sonne l'alarme ou ne dit qu'il faut examiner ces aspects de plus près. Par conséquent, personne ne s'y intéresse vraiment. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
Mme Dickson : Oui. Concernant les évaluations des fonds de couverture, j'ai mentionné précédemment que l'Accord de Bâle et nos nouvelles règles exigeraient un capital accru pour les investissements directs des banques dans les fonds de couverture. Ces mesures visent précisément à contrer les difficultés associées à l'évaluation des fonds de couverture. Si vous avez investi dans un fonds de couverture, vous ne pouvez pas le mettre en marché au prix encours n'importe quand ou présumer que vous pouvez le vendre dans un délai de 10 jours, ce que vous pourriez faire avec des actions de premier ordre, par exemple. Le changement apporté aux règles sur le capital tient compte de cette différence.
La question de l'indication de clients n'est pas de mon ressort. Je sais toutefois que la Commission des valeurs mobilières et le ministère des Finances examinent le dossier des billets à capital protégé.
Selon moi, les questions liées à l'intégrité du marché, dont j'ai parlé précédemment, relèvent de la Commission des valeurs mobilières. On vient d'ailleurs de décider qu'on allait commencer à surveiller le travail des gestionnaires.
Je ne sais pas si c'est le cas pour tous les aspects que vous avez mentionnés, mais il ne fait aucun doute que des mesures sont prises à certains égards. Les fonds de couverture sont plutôt intéressants : d'une part, il est bien établi qu'ils contribuent grandement au partage des risques et à la détermination des prix; d'autre part, ils comportent des éléments qui sont sources d'inquiétudes pour certains. Il est bien difficile de peser le pour et le contre à ce chapitre et de déterminer dans quelle mesure il y a lieu de s'inquiéter.
Le sénateur Goldstein : C'est exactement ce que nous nous efforçons de faire. Ce n'est pas chose facile. Merci.
Le président : Le sénateur Eyton est maintenant des nôtres. Peut-être a-t-il une question ou deux à poser.
Je vais d'abord me permettre de soulever quelques points. Je crois que vous pouvez constater que cette question préoccupe tous les sénateurs, surtout en raison des importantes variations dans les évaluations. Par exemple, l'article cité par le sénateur Angus dont tous les membres ont pu prendre connaissance a été rédigé le 30 janvier 2007. Il fait une page entière dans le Wall Street Journal. On y trouve des renseignements très révélateurs sur les événements qui se sont produits au fil d'une très courte période de temps.
Permettez-moi de vous fournir deux données repères. Amaranth a obtenu un bénéfice non réalisé de 1,26 milliard de dollars en 2005. Le spéculateur sur le marché de l'énergie a reçu un boni estimé à 75 millions de dollars lorsque son groupe a déclaré ce profit. Moins d'un an plus tard, cette entreprise accusait des pertes de 3,2 milliards de dollars.
Il s'agit de variations énormes dans un laps de temps très court, ce qui nous amène à nous interroger sur l'évaluation des valeurs mobilières. Étant donné que, de par leur nature même, les fonds de couverture, tels que nous les concevons, visent principalement à couvrir les sommes engagées de façon spéculative, et compte tenu des fluctuations marquées à ce chapitre, les évaluations ne sont jamais stables. Sous l'influence des forces du marché, surtout dans le secteur des contrats à terme pour le pétrole, les prix ont connu des hauts et des bas. Dans le secteur pétrolier, nous avons vu ces prix varier considérablement dans des laps de temps très courts, avec comme seule couverture des titres sur papier.
À la lumière de toutes ces considérations, et des commentaires formulés par mon collègue, le sénateur Goldstein, il ressort que les banques elles-mêmes sont l'une des sources de préoccupation que le vice-président et moi-même partageons. D'après ce que nous pouvons constater, toute la situation semble s'apparenter à un véritable puzzle. Les banques sont actives dans le secteur des fonds de couverture. Premièrement, ce sont des acheteurs. Deuxièmement, ce sont des vendeurs. Troisièmement, ce sont des courtiers. Quatrièmement, ce sont des prêteurs. Il ne semble pas y avoir, comme c'était le cas aux États-Unis, de divisions ou de cloisons entre ces différentes activités. Nous ne parlons pas nécessairement de conflits potentiels, mais il est possible de s'interroger à ce sujet lorsque les dirigeants d'une banque doivent s'arrêter chaque jour pour décider où ils vont réaliser un profit et où ils devront composer avec une perte. Cette situation peut placer les banques dans une position plutôt ingrate qui risque de nuire non seulement à leurs propres investissements, mais également à ceux des autres. Il est évident que les banques feront alors passer en premier leurs investissements et leurs besoins en trésorerie, au détriment de ceux de leurs clients ou des fonds qu'elles gèrent. Des sommes très importantes sont actuellement confiées aux banques par des investisseurs privés.
Vous avez soulevé la question du contrôle. D'une part, j'estime important, comme vous l'avez dit, que les banques exercent le contrôle parce que cela vous permet dans les faits de réglementer plus facilement. D'autre part, l'exercice de ce contrôle nous amène toutefois à nous poser toutes ces questions.
Est-ce que vous-même ou votre groupe vous êtes penchés sur ces questions? Est-ce que cela vous préoccupe? En tant qu'organisme de réglementation de premier choix ou de deuxième choix pour les banques, votre rôle ne se limite pas de toute évidence à la question du risque; vous devez aussi voir comment les risques peuvent évoluer rapidement et considérer les conflits potentiels, un élément que le sénateur Angus et moi-même avons soulevé.
Tout cela est plutôt compliqué. Vous avez sans doute compris que nous nous efforçons de voir clair dans toutes ces questions afin de pouvoir formuler des recommandations qui ne constitueront pas des entraves pour les marchés financiers, tout en mettant les clients et les investisseurs bancaires à l'abri des fluctuations trop marquées.
Nous avons tous été à même de le constater. Il y a quatre ou cinq ans, tout le monde croyait que le secteur technologique allait poursuivre son expansion, mais voilà qu'il a été frappé par un énorme crash. Nous avons connu des périodes où le marché était florissant, mais nous avons également vécu ces effondrements récents. Pourriez-vous donc nous faire profiter de vos compétences et de votre expertise pour nous guider dans la formulation de recommandations qui serviront l'intérêt public?
Mme Dickson : Pour ce qui est des risques de conflits, nos informations indiquent que les banques ne sont pas vraiment des investisseurs importants en matière de fonds de couverture. Elles se contentent généralement de prêter des fonds ou d'agir à titre de contrepartie pour un fonds de couverture ou tout autre intervenant dans des opérations de change ou pour la spéculation sur les taux d'intérêt, notamment. Il existe différentes formes de contrepartie, en plus des fonds de couverture.
Par ailleurs, dans le cas d'Amaranth, les banques n'avaient pas fait d'investissements. Elles prêtaient du capital de risque, mais ne faisaient pas directement des investissements. Nous n'avons pas porté notre attention sur cette question des possibles conflits d'intérêts.
Il semble bien que les gens s'intéressent aux fonds de couverture notamment en raison des questions liées à l'établissement de leur valeur et du fait qu'il est possible de changer très rapidement de stratégie. Il se produit aussi d'autres événements propices à améliorer la situation. Certaines agences de cotation ont commencé à s'intéresser aux fonds de couverture. Standard & Poor's et Moody's s'y sont mis l'automne dernier.
Le président : S'agit-il du groupe de Chicago?
Mme Dickson : Ils ont des bureaux au Canada et aux États-Unis. Si ces agences commencent à coter les fonds de couverture, cela change beaucoup de choses. Comme les stratégies relatives à ces fonds peuvent être modifiées très rapidement, les agences vont se pencher sur les contrôles internes. Devez-vous parler à quelqu'un avant de décider de miser sur le climat? Quel genre de processus avez-vous mis en place? Ces évaluations ne manquent pas d'intérêt. Sur le plan international, cela nous soulage quelque peu.
Le président : Je viens de parler au vice-président et à la greffière. Je pense qu'il serait important que notre comité obtienne les noms de ces agences de cotation. Nous pourrions ainsi solliciter leur concours, car leur travail touche le cœur même de nos discussions, à savoir l'analyse du risque.
Mme Dickson : Leurs sites web expliquent également la manière dont ces agences s'y prennent pour coter les fonds.
Le président : Je tiens à vous remercier, madame Dickson. Vous comprenez très bien qu'il s'agit pour nous d'un sujet complexe. Nous essayons d'y voir clair, de faire un tri et d'emboîter les différents éléments. Nous ne sommes pas là pour faire entrave aux marchés financiers. Nous croyons que les fonds de couverture peuvent procurer une valeur ajoutée à ces marchés, mais il y a certaines questions à régler. Nous formons un groupe plutôt traditionaliste qui doit moderniser ses points de vue de manière à pouvoir bien évaluer les risques pour l'économie, pour les banques ainsi que pour les investisseurs, qu'ils soient avertis ou non.
Si vous avez d'autres renseignements que vous voudriez nous faire parvenir, n'hésitez pas à communiquer avec notre greffière. Nous tenons à vous souhaiter la meilleure des chances dans vos fonctions intérimaires. Sait-on jamais, l'excellent témoignage que vous avez présenté devant nous sera peut-être précurseur de choses encore plus intéressantes pour votre avenir.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.