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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 14 - Témoignages du 1er février 2007


OTTAWA, le jeudi 1er février 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international (l'étude sur les fonds de couverture).

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à vous, honorables sénateurs, monsieur Fotheringham et à notre auditoire sur Internet.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce fait partie de l'histoire du Sénat depuis la Confédération puisqu'il est l'un des premiers comités à avoir été créé par le Parlement en 1867. Dès ses débuts, le comité a été chargé d'examiner l'économie. Bien qu'à l'origine il s'agissait du Comité des banques, du commerce et des chemins de fer, notre mandat actuel est d'étudier les banques et le commerce. C'est le seul comité qui est chargé d'examiner l'économie dans son ensemble, bien que nous nous intéressions principalement au secteur financier, le système nerveux de notre économie.

Récemment, le comité a déposé des rapports sur la protection des consommateurs de services financiers. L'une des questions qui nous préoccupent plus particulièrement est la productivité de l'économie, car nous croyons que le pays accuse du retard à ce chapitre. C'est pourquoi nous examinons tous les éléments de l'économie afin de déterminer de quelle manière nous pourrions être plus productifs et assurer une plus grande prospérité de tous les Canadiens.

Dans l'exercice de notre mandat général, nous nous sommes rendus à New York en octobre dernier pour discuter de questions telles que les fonds de couverture, dont la valeur est estimée à 1,1 billion de dollars d'actifs à l'échelle mondiale. C'est l'un des segments du secteur financier international qui connaît la plus forte croissance et étant donné l'ampleur et la nature de nos liens commerciaux avec les États-Unis et le caractère intégré de nos deux économies, nous croyons que la priorité doit être donnée à la stabilité financière. Il est impératif que les décideurs comprennent ce qui se passe, non seulement au Canada, mais également aux États-Unis, dans ce nouveau secteur de croissance.

Les fonds de couverture se sont démarqués comme un enjeu important lors des entretiens que nous avons eus avec les autorités de réglementation américaines et des représentants du secteur des services financiers et d'organisations sœurs à New York. Les membres du comité ont décidé d'approfondir cette question, surtout après les faillites retentissantes de firmes de placement spéculatif et le nombre croissant d'investisseurs, petits épargnants et investisseurs avertis, qui utilisent cet outil financier.

En juin 2004, on estimait que les fonds de couverture canadiens représentaient 26,6 milliards de dollars; et nous croyons savoir que leur valeur a considérablement augmenté depuis.

Lors de notre récente étude sur les questions concernant les consommateurs dans le secteur financier, il a été question des fonds de couverture et nous avions recommandé que quelqu'un soit chargé d'assurer la fonction de surveillance réglementaire de ces fonds. Néanmoins, il reste à répondre à la question essentielle de savoir dans quelle mesure ces nouveaux produits financiers doivent être réglementés, ou pas, ou surveillés afin de protéger les consommateurs et la stabilité des marchés financiers canadiens et mondiaux. Le comité n'a pas d'idée préconçue sur la question de la réglementation, de la nature de la réglementation et de la surveillance des fonds de couverture.

Monsieur Fotheringham, nous espérons que votre témoignage nous aidera à éclaircir ces aspects. Veuillez faire votre exposé après lequel les honorables sénateurs vous poseront des questions.

Robert Fotheringham, vice-président des transactions, Groupe TSX (Bourse de Toronto) : Bonjour, honorables sénateurs. C'est une joie et un honneur pour moi de comparaître aujourd'hui pour vous parler des fonds de couverture dans le cadre de votre étude sur leur nature et leur importance au sein de l'économie canadienne. Mon point de vue est celui d'un opérateur de marché qui a plus de 25 années d'expérience dans la négociation. À ce titre, j'ai cru bon de structurer mon bref exposé préliminaire comme suit : premièrement, un rapide aperçu des marchés que nous exploitons, afin de justifier mon point de vue de représentant d'un opérateur de marché; deuxièmement, quelques chiffres et statistiques sur les fonds de couverture transigés sur nos places boursières, surtout à la Bourse de Toronto réservée aux sociétés à grande capitalisation; et, troisièmement, quelques réflexions sur les tendances que nous constatons et qui pourraient vous intéresser dans le cadre de votre étude sur les fonds de couverture. J'ai hâte d'engager ensuite la discussion avec vous.

Premièrement, quelques mots au sujet du Groupe TSX, notre société mère. Le Groupe TSX exploite les deux grandes bourses nationales du Canada : la Bourse de Toronto, réservée aux sociétés à grande capitalisation; et la Bourse de croissance TSX, qui dessert le marché du capital de risque public. Nous exploitons également la Natural Gas Exchange, NGX, une bourse d'énergie de premier plan en Amérique du Nord qui offre des services de négociation et de compensation des contrats de gaz naturel et d'électricité. Nous exploitons également Shorcan Brokers Limited, le premier courtier interprofessionnel au Canada. À cet égard, notre principale fonction est de diriger des places boursières transparentes et efficaces pour les émetteurs, les investisseurs et les organismes de réglementation.

TSX est le sigle qui se trouve attaché au titre de nos principales opérations de valeurs mobilières : Bourse de Toronto, Bourse de croissance TSX, marchés boursiers TSX, TSX Datalinx et TSX Technologies. Le Groupe TSX a son siège social à Toronto et des bureaux à Montréal, Winnipeg, Calgary et Vancouver. Les Canadiens entendent parler de TSX tous les jours dans les rapports sur l'augmentation ou la baisse du principal indice boursier. Ils associent TSX à cette mesure, mais bien peu de gens sont au courant de la présence incroyable de nos marchés au pays et à l'étranger. Ce sont des chiffres dont tous les Canadiens peuvent se sentir fiers, car ils découlent en grande partie de la forte culture financière dans l'ensemble du pays.

Par exemple, plus de 50 p. 100 des sociétés minières du monde sont inscrites à l'une de nos deux bourses. Plus de 50 p. 100 de tout le financement minier se transige à la Bourse de Toronto, de sorte que le Groupe TSX est de loin la plus grande bourse minière au monde. Nous avons le plus grand nombre de sociétés pétrolières et gazières au monde ce qui contribue au rôle du Canada en tant que superpuissance dans le secteur de l'énergie. Selon les statistiques de la World Federation of Exchanges, TSX se classe constamment parmi les cinq principales bourses, avec la Bourse de New York et celle de Londres, sur le plan du capital total mobilisé chaque année. Notre système de négociation est très rapide.

J'aimerais souligner ce dernier élément car la rapidité de notre négociation est particulièrement pertinente pour votre étude sur les fonds de couverture. La raison en est très simple. De nombreuses stratégies de fonds de couverture exigent des volumes élevés, ou des liquidités, afin de ne pas trop perturber les marchés. La liquidité exige la rapidité, ce que nous pouvons faciliter.

Un facteur clé dans ce domaine est l'utilisation accrue de la négociation algorithmique, qui a recours à des logiciels pour diviser de grosses commandes en petites unités qui n'influeront pas sur le marché. Par rapport à ce qui se faisait il y a 10 ans ou même seulement trois ans, il y a plus d'actions transigées sur nos bourses aujourd'hui. Cependant, chaque négociation porte sur un plus petit nombre d'actions. Dans chaque négociation, nous avons plus de messages de commande. Les négociations sont de plus en plus rapides. Toutes ces activités accaparent notre capacité actuelle.

Puis il y a la question de la rapidité. Notre avantage par rapport à nos concurrents se mesure maintenant en millisecondes. Une milliseconde n'a peut-être pas d'importance pour vous ou pour moi, mais ça compte pour un ordinateur. Un logiciel qui a à choisir entre deux négociations choisira celle qui est plus rapide d'une milliseconde.

Qu'est-ce que cela représente? Eh bien sachez qu'il vous faut en moyenne 300 millisecondes pour cligner les yeux une fois, soit moins d'un tiers de seconde. Notre négociation moyenne est à peu près dix fois plus rapide, soit un trentième de seconde. C'est très rapide; assez rapide pour que nous restions concurrentiels sur la plupart des bourses nord- américaines. Cependant, ce qui est encore plus important, c'est assez rapide pour nous permettre de rester concurrentiels dans des créneaux spécialisés où s'impose la négociation algorithmique.

Je serai heureux de vous en dire davantage sur cette question lors de notre discussion puisque la vitesse de négociation — et en fait l'ensemble du système de négociation — est fondamentale au fonctionnement de notre bourse et essentielle pour comprendre l'ampleur et la nature des fonds de couverture à la Bourse de Toronto.

Je vais maintenant vous parler un peu des fonds de couverture à la Bourse de Toronto. Il est difficile d'estimer le volume de négociations directement liées aux gestionnaires de fonds de couverture puisque ceux-ci utilisent de nombreuses stratégies et plusieurs catégories d'actifs. Les gestionnaires de fonds de couverture négocient des actions, des instruments à taux fixe, des marchandises et des devises. Ils transigent des titres garantis par des fonds et des titres synthétiques sur les places boursières canadiennes et internationales.

Je sais que le comité a tenté de quantifier la taille des fonds spéculatifs au Canada. Les chiffres varient considérablement, comme vous le savez. Nous croyons comprendre qu'il y a plus de 200 fonds spéculatifs qui sont gérés au Canada aujourd'hui. Il y aurait entre 25 milliards et 40 milliards de dollars américains d'actifs gérés dans ces fonds.

Nous avons tiré ces chiffres les plus récents de deux études, l'une qui a été effectuée par le groupe InvestmentNews et l'autre par un groupe parrainé par NBCN Prime Brokerage Services. Ils ont pu nous donner ces statistiques les plus récentes.

Le président : Vous serait-il possible de déposer ces documents d'information? Nous tentons non seulement de tirer nos conclusions mais de comprendre sur quoi vous fondez vos hypothèses. Nous avons du mal à évaluer la taille de ce secteur, mais vous avez confirmé qu'il est en pleine croissance. Nous voulons nous assurer de bien comprendre ce qui sous-tend cette croissance.

Le sénateur Angus : Venez-vous juste de mentionner 25 millions de dollars comme ordre de grandeur?

M. Fortheringham : Vingt-cinq milliards de dollars américains.

Le sénateur Angus : Ce serait le minimum?

M. Fortheringham : Le minimum est de 25 milliards de dollars US; le maximum 40 milliards de dollars américains. Ce qui explique la différence entre autres c'est qu'il y a souvent double comptage. Comme vous le savez, il y a des difficultés au niveau de la transparence sur ce marché et il est souvent difficile de déterminer exactement quel est le montant.

Lorsque des fonds de fonds sont inclus dans le calcul, on peut se retrouver avec un double comptage et cela sème la confusion. Souvent, on donne les montants nets des obligations protégées du principal et encore une fois cela sème un peu la confusion.

Le sénateur Angus : Ces montants ne reflètent pas la taille d'un fonds individuel. C'est le montant total d'argent au Canada, par rapport au montant de 1,1 billion de dollars que nous utilisons pour ce qui est du montant total dans le monde entier, n'est-ce pas?

M. Fortheringham : C'est ce que nous croyons comprendre. Ça dépend de la façon dont on calcule ces montants et des pratiques individuelles.

Le sénateur Angus : Est-ce qu'il s'agit uniquement des fonds spéculatifs cotés en bourse ou est-ce que cela comprend les fonds privés?

M. Fortheringham : Cela comprend les fonds privés; c'est une estimation du secteur qui est sous gestion.

Bien que cela puisse sembler un montant important — et cela l'est certainement —, j'aimerais vous donner le contexte des opérations boursières à la Bourse de Toronto. La valeur totale en dollars des opérations boursières à la Bourse de Toronto en 2006 était de 1,416 billion de dollars. La valeur moyenne quotidienne des opérations boursières sur ce même marché boursier était de 5,642 milliards de dollars. Encore une fois, ce sont des montants considérables des deux côtés; mais pour mettre les choses dans leur contexte, il y a des actifs considérables qui sont gérés dans ces fonds spéculatifs.

Nous savons que les investisseurs internationaux s'intéressent de très près au Canada et qu'ils utilisent des administrateurs de fonds traditionnels et des administrateurs de fonds spéculatifs pour accéder à nos marchés.

Les stratégies employées par les fonds spéculatifs sont nombreuses. Il y a notamment les stratégies à court terme et à long terme ou les stratégies de valeurs relatives qui n'ont aucune incidence sur le marché, des stratégies motivées par des événements et des stratégies opportunistes. Chaque groupe peut être divisé en sous-catégories.

Nous constatons également qu'ils utilisent des techniques de négociation car il y a eu une augmentation constante du nombre de négociateurs algorithmiques qui accèdent à notre marché. Nous estimons que la négociation algorithmique représente à l'heure actuelle entre 15 et 20 p. 100 du volume de notre marché. En fait, cela pourrait faire augmenter le pourcentage de notre volume d'opérations boursières au cours des prochaines années.

Il est important de souligner, cependant, que les techniques algorithmiques sont utilisées dans toutes les catégories par tous les types d'administrateurs, non seulement les administrateurs de fonds spéculatifs. Les fonds spéculatifs offrent des avantages à la fois à leurs investisseurs individuels et au marché financier en général. Pour l'investisseur, si on les ajoute aux actifs traditionnels, les fonds spéculatifs offrent une diversification sur le plan des actifs et pour ce qui est du style d'administration et l'occasion d'accéder à des rendements sans corrélation qui aident à l'administration du portefeuille. Ils peuvent réduire la volatilité du portefeuille tout en assurant un rendement stable.

Sur le marché en général, les fonds spéculatifs jouent de nombreux rôles importants. Ils assurent une profondeur et une liquidité supplémentaires grâce à leur participation active et ils jouent un rôle important pour transférer le risque. À cet égard, ils servent souvent à absorber les chocs qui pourraient résulter sur le marché lorsqu'il y a une absence de participants. Cela réduit la volatilité du marché en général. Les administrateurs de fonds spéculatifs jouent de plus en plus un rôle actif pour ce qui est de la gouvernance d'entreprises et d'améliorer la position de tous les participants sur le marché.

Cela m'amène à ma dernière observation — les tendances des activités boursières dans les fonds de couverture. Il est clair que les fonds de couverture sont un facteur croissant sur nos marchés boursiers étant donné leur nombre et leur taille collective. Ils sont un facteur considérable dans les produits dérivés, qui constituent un segment du marché en général qui se développe très rapidement.

Je sais que votre comité aura pris connaissance du rapport qui a été commandé récemment par le maire de New York, Michael Bloomberg, sur l'état des marchés financiers dans cette ville par rapport à d'autres endroits, notamment Londres surtout. Il en a été question dans le Financial Times au cours des dernières semaines et l'on a dit que l'on croyait qu'il y aurait inévitablement un déclin du marché de New York par rapport au marché de Londres toujours résurgent.

Il y a de nombreuses raisons pour ce déclin apparent, notamment les produits dérivatifs. Comme on le dit dans le rapport :

Bien que Chicago soit en tête pour ce qui est des produits dérivatifs cotés en bourse, l'Europe — et Londres en particulier — a déjà dépassé les États-Unis et New York pour ce qui est des produits dérivatifs hors-bourse, ce qui entraîne des mouvements boursiers plus larges et aide à encourager le genre d'innovation continue qui contribue considérablement au leadership des services financiers.

Je dirais que la même dynamique se produit au Canada en ce qui concerne les fonds de couverture. La présence croissante des fonds de couverture dans les produits dérivatifs et sur le marché boursier entraîne l'innovation qui à son tour soutient un marché des services financiers vibrant.

En travaillant avec une large gamme de participants du marché, notamment les organismes de réglementation, les émetteurs et les investisseurs, nous construisons un marché boursier plus fort, plus rapide et plus profond au pays. En résumé, du point de vue d'un opérateur de marché, les fonds de couverture sont un élément clé de ces marchés boursiers.

Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Avant de commencer, pourriez-vous prendre une ou deux minutes de plus pour nous expliquer en langage profane ce que sont les techniques algorithmiques? N'oubliez pas que le public canadien nous regarde.

M. Fotheringham : Les techniques algorithmiques sont des opérations boursières assistées par ordinateur. Simplement dit, il s'agit de diviser une commande. Si quelqu'un a une grosse commande à exécuter sur le marché, il utilise un ordinateur pour faciliter cette opération boursière. L'ordinateur divise la commande en commandes beaucoup plus petites pour permettre l'exécution sur le marché sans que cela ait un impact important sur ce dernier. Une telle technique permet de placer de grosses commandes sur le marché sans laisser de trace.

Ces techniques peuvent aller d'une simple exécution d'une stratégie technique du prix moyen en fonction du volume, selon laquelle au cours de la journée on divise la commande et on espère que ce prix moyen en fonction du volume sera exécuté sur le marché jusqu'à des techniques plus sophistiquées, où deux actions sont comparées et où l'on fait un arbitrage d'actions statistiques. Ce sont des opérations boursières de convergence ou de divergence. Lorsque le rapport entre les deux valeurs atteint un point de déclenchement, une opération sera exécutée — on vendra une valeur et on achètera l'autre, étant entendu que cela convergera ou divergera à un point où il pourra être dénoué.

Les techniques algorithmiques d'opérations boursières représentent donc toute une gamme de techniques, mais traditionnellement, de façon générale, nous pouvons dire qu'il s'agit d'opérations assistées par ordinateur qui aident les administrateurs à exécuter leurs opérations de façon plus efficiente.

Le président : Le secret de cette technique c'est que chaque négociateur a une variation sur ordinateur pour déterminer les algorithmes qui se feront automatiquement pour accélérer les opérations boursières, n'est-ce pas? C'est un secret commercial important pour les fonds de couverture et les négociants qui développent leurs techniques individuelles pour prédire le marché.

M. Fotheringham : C'est exact. Ces algorithmes sont surveillés de près. Certaines normes sont facilement disponibles sur le marché, comme le mécanisme de division dont j'ai parlé. Cependant, même ce mécanisme a ses particularités qui lui permettent de s'appliquer d'une certaine façon. Tout le monde cherche un avantage sur le marché et dans la mesure où il est possible de deviner le prochain algorithme, on va le faire. Oui, ce sont des programmes individualisés et les négociateurs travaillent très fort pour les développer. Dans de nombreux cas, ils sont donc jalousement protégés.

Le président : La méthodologie algorithmique est-elle une technique selon laquelle on tente de suivre le chef de file plutôt que de faire une analyse indépendante? Plutôt que de suivre le marché, s'agit-il plutôt de suivre le chef de file sur le marché pour ce qui est de tirer des conclusions quant à la façon d'exécuter une transaction? Ce n'est pas différent des journaux et de la télévision en ce sens que quelqu'un lance la nouvelle et elle est ensuite répétée sans fin dans ses différentes versions. Nous n'avons pas une diversité de nouvelles mais nous avons ce qui fait les nouvelles.

M. Fotheringham : Tout comme il existe des fonds de couverture différents, avec des objectifs différents, il existe plusieurs systèmes de négociation algorithmique. L'objectif ultime est de suivre les fluctuations du marché, ce qui vous permet de minimiser votre emprunt sur celui-ci et de suivre ses changements naturels. C'est la technique du prix moyen pondéré en fonction du volume, dont j'ai parlé plus tôt, selon laquelle vous prenez part au marché dans la mesure où il vous le permet. Vous ne le poussez ni le traînez, mais vous suivez le marché. En bout de ligne, vous employez la méthode du prix moyen pondéré en fonction du volume des transactions qui ont lieu un jour donné. Avec ces méthodes, en participant au marché, on ne l'entraîne pas au-delà de ses fluctuations naturelles. Cependant, il existe des techniques contracycliques ou qui ont tendance à être anticonformistes, et c'est une approche particulière.

Le sénateur Angus : Monsieur Fotheringham, je crois comprendre que c'est la première fois que vous comparaissez devant notre comité.

M. Fotheringham : C'est exact.

Le sénateur Angus : Avez-vous suivi notre étude sur les fonds de couverture?

M. Fotheringham : Nous l'avons lue avec grand intérêt et suivons de très près le travail du comité.

Le sénateur Angus : Est-ce que vous et vos collègues estimez qu'il s'agit d'un sujet approprié à étudier en ce moment?

M. Fotheringham : Le groupe TSX estime que c'est une étude fort opportune. Nous sommes favorables à un examen des fonds de couverture, car ce secteur fournit un équilibre très sain sur notre marché. Pour nous, la diversité des participants et des perspectives sur le marché est très importante. Ceci étant dit, en tant qu'entreprise qui insiste beaucoup sur la transparence, sur l'équité des marchés et l'efficacité, nous croyons qu'il est important de signaler aux membres du grand public qu'ils sont traités de façon équitable et qu'il existe une réglementation adéquate pour s'assurer que leurs investissements sont sûrs. À notre avis, les fonds de couverture apportent beaucoup d'avantages au marché et ces avantages perdureront s'il y a une réglementation adéquate.

Le sénateur Angus : Vous venez d'utiliser les mots « réglementation adéquate ». Au cours de notre étude, nous avons remarqué qu'il existait un débat à ce sujet. Nous avons voyagé à New York et nous nous sommes entretenus avec certains intervenants pour nous rendre compte de l'importance de ces nouveaux produits et des préoccupations qu'ils ont engendrées. Vous nous avez expliqué que le Groupe TSX était très actif et qu'il fournissait une bourse importante parmi les marchés de capitaux aujourd'hui. À votre avis, quels risques la croissance rapide et la propagation des fonds de couverture auront-elles sur les investisseurs traditionnels, avertis ou sur les investisseurs exemptés ou les institutions, par opposition au détaillant qui n'en est pas encore à prendre des décisions en un trentième de seconde? Compte tenu des risques que vous prévoyez, qu'est-ce qui constituerait une réglementation adéquate pour le Canada?

M. Fotheringham : Au cours du processus, ce que nous avons observé de très positif, c'est que le Canada est ouvert à ces questions et accepte les recommandations. L'étude des Autorités canadiennes en valeurs mobilières a été publiée récemment et nous sommes d'accord avec les orientations qui y sont présentées.

Le président : S'agit-il du rapport Allen?

M. Fotheringham : Oui, c'est exact. En tant qu'opérateur de marché, nous avons le rôle de gérer un marché juste, liquide et transparent pour tous. Tout comme les fonds de couverture sont une innovation sur le marché, ce comité fait preuve d'innovation dans sa façon de percevoir la réglementation et de comprendre le marché. Dans ce genre de processus, il est important de promouvoir le dialogue. Les sénateurs se souviennent des observations du gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, lorsqu'il a comparu devant le comité pour expliquer l'influence des fonds de couverture sur le marché et les risques qu'ils engendrent. Je suis assez d'accord avec sa perspective, ce qui est assez facile compte tenu de son curriculum vitae, c'est-à-dire que les fonds de couverture apportent au marché des avantages et des inconvénients. L'effet de levier financier permis par beaucoup de ces fonds, qui est moins important au Canada qu'aux États-Unis, à mon sens, doit être surveillé. Les banques sont conscientes de ces risques et surveillent le secteur des fonds de couverture. C'est le risque principal de cet outil financier.

Le sénateur Angus : Est-ce l'ampleur de cet effet de levier financier, le « gearing », comme on dit au Royaume-Uni, qui crée le risque ou est-ce la nature des différents bénéficiaires de ce levier?

M. Fotheringham : En ce qui concerne la stabilité financière, le gouverneur Dodge a confirmé qu'il estimait que le marché ne risquait pas de perdre sa stabilité pour l'instant. Je pense plutôt en tant qu'utilisateur du marché. D'après mes 25 ans d'expérience comme directeur des placements avant de m'être joint au groupe TSX c'était bien cet effet de levier qui était préoccupant, j'ai dû m'assurer qu'il soit adéquatement géré et contrôlé.

Je pense que les règles dont nous disposons actuellement permettent de gérer le marché de façon appropriée. L'application de ces règles est fondamentale. Il s'agit d'appliquer les règles existantes avec diligence, et c'est ce que nous observons. Au groupe TSX, nous sommes des fanatiques de la transparence. Nous croyons à la transparence du marché ouvert, qui permet une découverte des prix ouverte et une évaluation réelle des valeurs mobilières. Ensemble, ces éléments permettent d'avoir un marché sain qui ne comporte par les risques associés à un effet de levier financier trop important.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que nous disposons déjà d'une réglementation adéquate. Pouvez-vous nous décrire les composantes fondamentales de cette réglementation? Pour revenir à la demande du sénateur Grafstein, si ces règles portent précisément sur les fonds de couverture, cela nous aiderait grandement de connaître les règles relatives aux transactions, ainsi que les règlements dont vous avez parlé et qui, à votre avis, contribuent à assurer la transparence, l'intégrité et la stabilité du marché.

M. Fotheringham : Je peux vous parler de la perspective d'un opérateur de marché qui encourage la participation de tous les joueurs, pas simplement les fonds de couverture, mais aussi les directeurs de placements traditionnels et les épargnants. Je peux vous décrire la structure établie qui nous garantit un marché liquide, transparent et équitable.

Sur le TSX, nous permettons uniquement aux organismes membres de faire des transactions directes. Les organismes membres sont les seuls qui transigent sur le TSX.

Le sénateur Angus : Est-ce que vous parlez des gestionnaires de fonds de couverture que vous avez mentionnés plus tôt?

M. Fotheringham : Non, ce sont les firmes de courtage. Les gestionnaires de fonds de couverture ne transigent pas eux-mêmes sur le TSX; ils doivent passer par une firme de courtage enregistrée. Cette firme de courtage enregistrée doit être membre de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l'ACCVM, une association d'autoréglementation. Ce sont eux qui font les vérifications. La responsabilité principale de l'ACCVM est d'assurer que le fonds ou l'entité dispose de suffisamment de fonds pour participer au marché, mais également que le personnel respecte certaines normes de fonctionnement. Pour devenir membre du TSX, le premier critère est d'appartenir à l'ACCVM.

Ensuite, nous demandons aux organismes candidats d'adhérer à un groupe de compensation, la Canadian Depository for Securities Limited. Pour les organismes américains, il faut avoir un compte à la CDS et être membre de leur entreprise de compensation locale.

Troisièmement, les organismes membres doivent disposer d'un accès électronique. Nos transactions sont entièrement électroniques.

Une fois que le groupe satisfait à ces critères, nous lui demandons de présenter une demande officielle. Nous procédons à une vérification des antécédents; nous demandons des renseignements personnels sur les gestionnaires, les actionnaires importants et le conseil d'administration de la compagnie. Nous nous assurons qu'ils connaissent et acceptent de respecter nos règles de transaction. Nous estimons que cela permet un environnement sécuritaire.

Pour en revenir aux fonds de couverture, les gestionnaires doivent passer par une firme de courtage, dont nous savons qu'elle a été contrôlée et qu'elle applique des normes de sécurité élevées.

En ce qui concerne les règles. Nous disposons de règles de transaction du TSX qui régissent ces entités. Je sais que vous avez entendu la Bourse de Montréal hier. La différence entre nous et la Bourse de Montréal, c'est que nous utilisons des services de réglementation pour nous assurer que celle-ci soit bien appliquée. Ces services de réglementation sont fournis par une entreprise indépendante. Nous avons nos propres règles de transaction, mais l'entreprise de services de réglementation a créé ce qu'elle appelle des règles universelles relatives à l'intégrité des marchés. Ce sont les normes qu'elle applique et qu'elle surveille.

En plus, il y a les autorités de réglementation. Dans notre cas, c'est une autorité provinciale — la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. C'est donc un processus sécuritaire et bien géré qui comporte plusieurs paliers.

Le sénateur Angus : Vous êtes vice-président des transactions et vous avez été courtier au cours de votre carrière, donc vous comprenez comment ça marche. On nous a dit qu'il y avait un courtier, et un fonds de couverture derrière lui, disons le fonds ABC, par exemple. ABC va voir un courtier et commence à faire des transactions. Vous ne savez pas qu'il s'agit d'ABC, n'est-ce pas? C'est la CIBC Wood Gundy ou la RBC qui transige pour le fonds ABC, n'est-ce pas?

M. Fotheringham : C'est exact.

Le sénateur Angus : Ils transigent toute la journée. Leurs courtiers sont sur le parquet et représentent leurs différents clients.

M. Fotheringham : C'est exact. Grâce aux visites de ces clients, nous savons, de façon anecdotique, qui gère les actifs de qui. En tant qu'entité publique, nous leur parlons, mais vous avez tout à fait raison : nous ne savons pas de qui il s'agit.

Le sénateur Angus : Il existe différents types de fonds, mais prenons un fonds typique, disons que le fonds ABC dispose d'un million de dollars en capital. Je sais qu'ils ont leur modèle informatique, leur formule algorithmique. Ils font des transactions boursières toute la journée avec ce capital, parfois sur différents marchés. Est-ce que je me trompe pour l'instant? Ils font peut-être des transactions toute la journée sur le marché japonais puis recommencent sur le marché britannique, jusqu'à l'ouverture du TSX. D'après vous, est-ce ainsi que cela fonctionne?

M. Fotheringham : C'est certainement comme ça que certains fonds sont gérés. Pour aller plus loin, je vous dirais que ces transactions ne portent pas forcément sur des actions; il peut s'agir de revenu fixe, par exemple, ou de denrées.

Le sénateur Angus : Oui, cela s'applique à toutes les opérations de couverture — un taux d'intérêt, un orage, le prix de l'essence, je comprends. Après avoir discuté avec le gouverneur Dodge, le président et moi-même avons estimé qu'il vaudrait mieux parler à nos collègues du comité pour décider si nous voulions vraiment entreprendre cette étude et pourquoi. Ce que nous comprenons, c'est que les gens qui ont investi dans le fonds ABC, dont les opérations passent par des firmes enregistrées, ne savent rien de ce que ces firmes font toute la journée avec leur argent. Dans un fonds de placement, vous avez un nombre donné d'actions d'Alcan ou d'autre chose et vous voyez leur valeur monter et descendre sur votre écran d'ordinateur. Cependant dans le cas de ces transactions de quelques nanosecondes qui se font toute la journée au fonds ABC, le consommateur n'a aucune idée de ce qui se passe. En outre, aucun règlement ne permettra d'atteindre cette transparence dont vous avez tant parlé. C'est ce que nous essayons de vous dire.

Il n'y a que les grands qui savent ce qui se passe. Avec Amaranth, on a vu qu'il y avait eu toutes sortes de renflouements contradictoires des grandes banques qui étaient les bailleurs de fonds et les prêteurs de ces fonds ABC. Cependant, si vous et moi avons investi 25 000 $ dans ce fonds, comment sommes-nous protégés?

M. Fotheringham : Encore une fois, en tant qu'opérateur de marché, notre groupe se concentre sur les transactions quotidiennes et sur l'exécution efficace de celles-ci. C'est la perspective de TSX.

Vous voulez en venir aux exigences ou aux obligations des autorités de réglementation de s'assurer que les conseillers en investissement des particuliers, ce qui dépasse la responsabilité du TSX, connaissent leurs clients et comprennent les investissements qu'ils font en leur nom. Les conseillers doivent s'assurer que ces investissements correspondent au profil de risque de leurs clients et doivent pouvoir les justifier. Si un investisseur a le moyen financier de procéder à une transaction sans avoir besoin du prospectus, il doit avoir une discussion avec son conseiller en placement pour déterminer si cette transaction est pertinente.

Il y a sept fonds de couverture actifs au TSX. Dans ce cas, on dépose un prospectus pour que tout le monde comprenne bien le mandat et l'objectif du fonds de couverture. Vous ne sauriez pas aujourd'hui quelles transactions sont effectuées, cela fait partie de la valeur ajoutée que les gestionnaires de fonds de couverture apportent à l'investisseur, comme le ferait un directeur de placements traditionnels.

En tant qu'opérateur de marché, je vous dirais que la différence, chez nous, c'est que nous nous assurons que les règles existent et que les marchés sont efficients. Lorsque nous inscrivons une entreprise à la cote, nous nous assurons qu'elle respecte toutes les règles et tous les règlements, qui comprennent beaucoup de critères.

Le président : Sur 200 fonds de couverture, sept sont cotés au TSX, ce qui veut dire que 193 ne le sont pas. La surveillance est sensiblement la même pour ces fonds et l'exemple cité par le sénateur Angus, pour lequel l'objectif des transactions boursières est beaucoup plus vaste, car c'est un fonds mutuel beaucoup plus réglementé, ordinaire ou adapté. En bout de ligne, il y a quand même toutes sortes d'activités non réglementées auxquelles on ne peut appliquer le mot « transparence ». N'est-ce pas exact? Nous essayons de comprendre ce que vous voulez dire quand vous utilisez le mot « transparence » dans ce contexte.

Le sénateur Angus : Le président a signalé qu'il y a des gens qui écoutent la séance du comité sur Internet. Nous voulons qu'ils comprennent où nous voulons en venir.

Aux États-Unis, on nous a dit que le secteur des fonds de couverture faisait penser à l'époque du wild-west et que c'était des obligations à haut risque. Les gestionnaires de ces fonds de couverture disent que, bien que ce secteur puisse avoir un rendement important, il comporte indubitablement un risque élevé. Si les investisseurs cherchent un rendement de 33 p. 100 ou de 40 p. 100, alors ils devront contacter un gestionnaire de fonds de couverture.

De façon générale, le bilan est bon, sauf pour le capital à long terme, puis les problèmes ponctuels comme Amaranth. Nous essayons de vulgariser tout cela.

Puisque votre marché est ouvert toute la journée, les gestionnaires du fonds ABC, avec cette somme de 1 million de dollars, vont acheter, vendre et chercher, me dit-on, des transactions volatiles, et non stables. De cette façon, ils ont de meilleures chances de réaliser un bon rendement. C'est leur travail.

Quel risque cela représente-t-il? C'est ce que le comité veut savoir. Jusqu'ici, vous nous avez rassurés : l'accès à vos marchés est étroitement contrôlé, il y a des règles qui forcent les directeurs de placements à connaître leurs clients et les courtiers ne peuvent désigner au hasard des personnes peu recommandables pour exécuter des opérations boursières sur le TSX. Ce sera sans doute la conclusion de notre étude, mais avant, nous voulons savoir si nous risquons d'observer un exode, si la tendance venait à s'inverser. C'est le genre d'information que nous cherchons.

Le président : Nous nous débattons avec le risque inhérent. Même si nous comprenons que nous avons besoin de liquidités et de capital au Canada, nous ne voulons pas faire quoi que ce soit qui puisse, d'une façon ou d'une autre, désavantager les gestionnaires de fonds de couverture canadiens vis-à-vis de leurs homologues britanniques ou américains. Nous essayons de trouver un équilibre entre la compétitivité et la protection. Quel régime réglementaire nous permettrait de ne pas entraver les marchés tout en protégeant le consommateur et l'économie des conséquences du ralentissement que nous prévoyons à court ou à long terme? Tout marché haussier baisse un jour ou l'autre. Comment pouvons-nous prévoir le coup?

Le sénateur Angus : Il y a aussi la bourse électronique. Vous avez parlé des produits dérivés négociés en bourse, mais il y a aussi des fonds négociés de façon électronique. C'est complètement différent. Doit-on se pencher sur ces questions? Nous sommes des sénateurs, pas des sommités scientifiques, c'est pourquoi nous avons besoin de votre expertise. J'ai l'impression que les fonds de couverture sont les nouvelles obligations à haut risque, bien que vous ayez dit que c'était un nouveau produit accepté ou une mesure des marchés financiers. Les obligations à haut risque, ce sont les anciens produits. Il fallait quelque chose d'électronique dans notre monde de l'instantané. Les fonds de couverture permettront-ils de combler ce manque? Est-ce que je me trompe? Est-ce que l'on commence à cerner le problème?

M. Fotheringham : Je le ferais sous un angle différent. En tant qu'opérateur de marché, je me demande quel est l'effet du fonds de couverture sur notre marché. Comme vous l'avez dit, les marchés, inévitablement, montent et baissent. S'il y a des périodes de prospérité, il y aura également toujours l'inverse.

Une des choses que nous apportent les fonds de couverture, c'est l'autre perspective du marché. Pour chaque achat, il y a un vendeur, et pour chaque vente, il y a un acheteur. Le fonds de couverture, lorsqu'il est présent sur le marché, peut se débarrasser d'une valeur mobilière dont d'autres sont tombés amoureux. Il faut quelqu'un pour permettre ce type de transaction boursière, comme un gestionnaire de fonds de couverture. Ce type de fonds fournit une certaine liquidité au marché, alors que souvent les autres acteurs ne sont pas prêts à le faire. Cela nuirait aux mainteneurs de marchés qui font des transactions sur notre marché tous les jours. Beaucoup de nos organismes membres fonctionnent comme des mainteneurs de marchés, qui soutiennent le marché quotidiennement en fournissant à nos clients des entrées minimum garanties. Je ne veux pas nuire à ces intervenants, car ils jouent un rôle fondamental pour nous et participent aux marchés de façon importante. Cependant, les fonds de couverture jouent également un rôle important car ils fournissent de la liquidité lorsque les autres sont réticents à le faire. Il y a également la question du risque dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que les gestionnaires de fonds de couverture sont prêts à l'accepter quand les autres ne le sont pas. Un autre avantage, surtout pour l'emprunt; les fonds de couverture permettent une réelle découverte des prix. Lorsque les marchés s'emballent, les fonds de couverture favorisent la réelle découverte des prix, d'abord en participant aux marchés, et ensuite, grâce à leurs efforts de gouvernance.

Nous estimons que les fonds de couverture jouent un rôle vital. C'est mon avis d'opérateur de marché. J'ai un certain recul, car j'ai travaillé pour un gros fonds de pension de l'Ontario avant de me joindre au groupe TSX et j'avais régulièrement recours aux fonds de couverture. Nous avons atteint notre indice de croissance grâce aux contrats de produits dérivés et avons utilisé les fonds de couverture pour permettre un rendement supplémentaire ou un écart de rendement. En tant qu'acheteur et fournisseur, je trouve que les fonds de couverture présentent des avantages.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que les fonds de couverture permettaient d'améliorer la gouvernance d'entreprises, et vous savez que cette question nous intéresse également au comité. Quel rapport faites-vous entre les deux?

M. Fotheringham : Nous avons observé ce phénomène pour les fonds de couverture, mais aussi pour les fonds traditionnels et les fonds de pension — qui n'ont pas fait de bruit pendant longtemps. De façon générale, nous observons que beaucoup d'investisseurs ont une approche plus active en matière de gouvernance. La communauté participe de plus en plus à la gestion des fonds. Dans la mesure où les fonds de couverture sont un investissement important dans une entreprise, ils peuvent avoir une influence sur celle-ci. Encore une fois, cela dépasse ma fonction d'opérateur de marché.

Le sénateur Angus : Vous disiez qu'on limite le risque d'une certaine façon, parce que pour s'enregistrer auprès de CIBC Wood Gundy ou de Morgan Stanley, ou quiconque, ces entreprises doivent montrer qu'elles ont une bonne gouvernance et qu'elles respectent les mesures Sarbanes-Oxley. Nous ne sommes pas forcément des fans de ces mesures, mais je les utilise comme indicateurs de la gouvernance. Ai-je bien compris?

M. Fotheringham : J'ai une très bonne opinion du système bancaire canadien. Je pense que nous avons un excellent système et des banques de grande qualité. Elles prennent la gestion du risque très au sérieux, elles disposent de systèmes sophistiqués et veulent bien connaître leurs clients. Si un client veut faire affaires avec elles, elles veulent le connaître et s'assurer qu'elles gèrent ses opérations de façon efficace. Je pense que le secteur bancaire déploie des efforts constants sur ce front et ne cesse de s'améliorer.

Le sénateur Harb : Hier, un témoin du Bureau du surintendant des institutions financières a déclaré au comité que l'intervention du secteur des banques et de la finance dans les fonds de couverture était de l'ordre de 2 p. 100. Il concluait donc qu'il n'y avait rien à craindre. Pour nous, ce fut là un commentaire assez positif.

Votre organisme a-t-il réparti les intervenants en catégories? Savez-vous quels sont les domaines ou les secteurs de l'économie dans lesquels ils sont présents et, en pourcentage, à quelle hauteur sont-ils présents dans les fonds de couverture?

M. Fotheringham : Comme opérateurs de marché, nous nous intéressons surtout aux organismes participants. Nous en avons 116 dont 10 sont considérés comme des organismes étrangers, et ils doivent donc passer par un intermédiaire canadien pour pouvoir être cotés chez nous.

Ce sont eux qui sont considérés comme nos clients directs. Ce sont des gens que nous connaissons fort bien et c'est en fonction d'eux que nous axons nos services. Nous avons travaillé avec eux pour qu'ils puissent être cotés chez nous. Nous avons suivi tout le processus de demande d'inscription. Dans certains cas, nous les avons aidés à adhérer à l'ACCOVAM, mais d'autres organismes l'ont fait indépendamment.

Comme nous nous employons à arriver à une meilleure sensibilisation au marché en général et à accroître la participation à nos activités, nous faisons également de la propagande pour vanter, par exemple, les avantages des transactions électroniques, les avantages qu'il y a à être coté sur les marchés canadiens, l'intérêt que présente le panachage de nos produits, un panachage qui est particulièrement axé sur le secteur minier, le pétrole et le gaz. Nous pourrons ainsi offrir aux investisseurs toute une série de produits bien structurés.

Nous leur parlons de façon générale de ce que nous pouvons offrir au marché et les investisseurs nous communiquent également leurs idées. On a déjà parlé ici des fonds cotés en bourse, mais bien des gens ignorent encore que c'est à Toronto que ces produits ont été découverts et développés, et j'entends par là des produits comme les TIPS, les parts liées aux différents indices, ainsi que les HIPS que vous connaissez peut-être déjà. Ces produits ont connu un énorme succès sur le plan international, mais s'ils existent, c'est parce que nous avons parlé aux clients, nous avons parlé aux différents intervenants sur le marché, nous sommes arrivés à comprendre ce dont ils avaient besoin pour ensuite mettre au point des produits qui leur convenaient. Cela dit, nous nous axons surtout sur les 116 organismes participants qui sont directement intéressés par notre bourse.

Le sénateur Harb : L'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières a commandé ce travail, mais vous nous avez dit que vous n'étiez pas au courant de ses recommandations. En deux mots, en ce qui concerne la réglementation des fonds de couverture, elle avait formulé une série de recommandations au sujet de la divulgation des frais, des rapports entre les gestionnaires, conseillers et autres administrateurs des différents fonds de couverture, de la question des conflits d'intérêts, et cetera.

Vous nous dites maintenant que les algorithmes utilisés par certains de ces fonds de couverture sont un secret jalousement gardé, ce qui est parfaitement compréhensible. Les stratégies utilisées par ces fonds de couverture pour effectuer leurs investissements seront également secrètes, j'imagine, n'est-ce pas?

M. Fotheringham : Les méthodes d'exécution utilisées sont secrètes, oui. En d'autres termes l'algorithme qui anime ces méthodes d'exécution est un secret. Par contre, les titres vendus ou achetés par ces fonds sont tout à fait transparents. Tout est inscrit dans nos registres centraux où sont consignées les commandes, et ces registres sont tout à fait publics. Les investisseurs, petits ou grands, quiconque transige chez nous, peut consulter ce carnet de commandes.

Mais l'algorithme d'exécution est secret. C'est une propriété intellectuelle, c'est grâce à cet algorithme que le fonds de couverture donne un avantage au client, c'est la valeur ajoutée. Par contre, une fois que la commande parvient électroniquement à la bourse, elle est affichée et n'importe qui peut l'avoir. Les clients ont la priorité. Nous avons chez nous un algorithme qui donne la priorité à la paire prix-temps, ce qui fait en sorte que la première commande arrivée est la première servie, que le meilleur prix est servi et que les clients sont servis en premier. Le secret réside dans l'élaboration même de la stratégie d'exécution, mais non pas dans l'exécution proprement dite de la commande.

Le sénateur Harb : Lorsqu'il a fait toutes ces recommandations, le comité avait également déclaré qu'il fallait songer à un système d'inscription des administrateurs de fonds de couverture de manière à ce qu'il y ait un contrôle réglementaire adéquat des activités de ces administrateurs, de même que de la capitalisation du fonds et de la procédure de gouvernance. Dans le rapport du groupe de travail, en ce qui concerne précisément ces questions-là, aucune position bien tranchée n'est avancée, les membres du groupe de travail ne s'étant pas prononcés sur la nécessité ou non d'enregistrer et de réglementer tous ces fonds de couverture.

Le rapport est dans le domaine public depuis octobre 2006. Avez-vous eu l'occasion, vous ou d'autres membres du TSX, d'en examiner les conclusions? Êtes-vous arrivés à un constat quelconque au sujet de l'enregistrement des fonds de couverture? Y a-t-il problème, même si tout semble bien marcher? Et dans l'affirmative, quand pensez-vous que notre comité sera en mesure de savoir quelle est la position d'ensemble du milieu de l'investissement en bourse?

M. Fotheringham : Nous avons examiné le rapport et nous avons bien compris son contenu, et nous sommes également favorables aux recommandations. En notre qualité de partie prenante sur ce marché, notre objectif est d'ouvrir ce marché à autant de participants qualifiés que possible.

Nous pensons que ces recommandations sont positives. Nous pensons également que la culture que nous avons adoptée et enrichie ici, au Canada, serait favorable à ces changements. Lorsqu'on parle à des administrateurs de fonds de couverture, lorsqu'on parle à des intervenants sur le marché boursier, on a l'impression que c'est quelque chose que les gens accueillent favorablement, qu'ils ne sont pas fermés à l'idée de ce grand axe qui a été recommandé. Ils sont également très conscients du fait que le secteur est déjà fort bien administré et que le marché ne comporte guère de risques graves. Je dirais que l'impression en général, c'est qu'il y a effectivement un appui pour ce genre de choses.

Le sénateur Harb : C'est précisément cela que je voulais dire, en ce sens qu'ils ne disent pas si oui ou non il faut aller dans ce sens. Ils disent qu'il faudrait y songer. Y avez-vous songé et, si vous y avez songé, qu'avez-vous décidé? Peu importe votre réponse — si vous avez pris une décision dans ce sens — à votre avis est-il préférable qu'il y ait une autoréglementation dans le contexte de la bourse ou faudrait-il que cette réglementation émane du gouvernement, sous forme de procédures réglementaires ou législatives?

Pensez-vous qu'il faille faire quelque chose en ce qui concerne l'enregistrement des fonds de couverture? Dans l'affirmative, qui devrait se charger de cet enregistrement, qui devrait se charger de faire appliquer le mécanisme?

M. Fotheringham : Comme je l'ai déjà signalé, notre rôle à nous, les opérateurs de marchés, consiste à faciliter les transactions. Nous avons décidé de confier la réglementation à nos services de réglementation, et nous fonctionnons tous autant que nous sommes sous l'œil des organismes provinciaux de réglementation, ceux de la province dans laquelle nous sommes établis.

Notre opinion est que nous allons nous concentrer sur notre activité sur le marché. Les infrastructures nécessaires dans ce sens existent déjà. Il existe une bonne communauté de gens très ouverts qui se penchent déjà sur cette question. Les services de réglementation aussi. La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario et toutes les autres commissions provinciales homologues, tout comme le Bureau du surintendant des institutions financières et la Banque du Canada l'ont parfaitement compris. Un certain nombre de gens ont déjà l'œil sur cette industrie et veulent qu'elle prenne de l'expansion.

Du point de vue du Groupe TSX, nous n'imposerions pas une réglementation. Nous confierions plutôt cela à des experts qui comprennent parfaitement le système et qui peuvent l'appliquer le plus efficacement.

Le sénateur Harb : Mais qui donc? Si l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières qui représente une très large palette d'organismes venait à déclarer qu'il faudrait songer à réglementer ce domaine, est-ce nous qui devrions nous en charger? Est-ce vous? Qui devrait le faire? Pour nos travaux, il s'agit d'une question importante et tout à fait pertinente. S'il n'en tenait qu'à moi, je dirais : « si tout va bien, pourquoi intervenir? Laissons le système en paix. Tout semble fort bien fonctionner. »

Dans la foulée du déplacement que le comité a fait à New York, j'ai été catastrophé d'entendre parler de tout ce qui se passait et se disait en Europe. Tout le monde en effet semble dire qu'il y a urgence. Personnellement, nous sommes relativement soulagés de constater qu'ici, les choses semblent aller rondement. Comme vous le comprenez probablement, nous avons nos inquiétudes parce que nous ne voudrions pas qu'à un moment donné, quelqu'un vienne nous dire : « Nous vous avions averti. Nous vous avions bien dit qu'il y avait un problème. »

Étant donné que le groupe de travail n'a pas vraiment pris position à ce sujet, confiant plutôt, comme vous semblez le dire, à quelqu'un d'autre le soin de le faire, qui pourrait être ce quelqu'un d'autre? Nous? Vous avez dit que vous étiez favorable aux recommandations du groupe de travail. Dans ces recommandations, le groupe de travail parle de divulgation et de conflit d'intérêts et même, ce qui m'a interloqué, du fait qu'il voulait que les fonds de couverture en viennent à décrire leur structure et leur stratégie d'investissement. À mon avis, cela ne regarde personne. Ma stratégie, c'est ma stratégie. Mais dans ses recommandations, le groupe de travail a été extrêmement direct et extrêmement ouvert aussi. La recommandation qui disait qu'il faudrait y songer m'intrigue beaucoup parce que ce que je me demande qui devrait y songer. Qui devrait s'en charger?

Le président : Monsieur Fotheringham, je crois que le sénateur Harb résume notre dilemme d'une façon intéressante. Nous savons qu'il y a certains problèmes. On reconnaît certains de ces problèmes. La question est de savoir qui se charge de résoudre les problèmes et de mettre en place un régime réglementaire de surveillance. Si vous me permettez l'analogie, c'est comme un jeu. La balle est au milieu. Tout le monde est d'accord pour dire que la balle devrait bouger, mais la balle ne bouge pas; n'est-ce pas?

M. Fotheringham : Je parle à titre de participant au marché, et non à titre d'opérateur de marché. Comme opérateur du TSX, nous facilitons la transaction, et c'est ce sur quoi nous nous concentrons. À titre de participant au marché qui a à cœur l'opération saine de nos marchés, il est dans notre intérêt de promouvoir une opération saine du marché. Je dirais que la structure actuelle qui appuie les organismes d'autoréglementation est bonne. Je crois qu'il faut que ces organismes se mobilisent et coordonnent leurs efforts. Bien que le problème ne soit pas criant aujourd'hui, je crois qu'il est toujours préférable de regarder vers l'avenir. Je suis d'accord avec tous ceux qui disent que la stabilité du marché n'est pas menacée; toutefois, nous devrions continuer à chercher de nouvelles façons de mieux faire les choses.

Le sénateur Goldstein : Votre description de la façon dont l'opération se fait aujourd'hui soulève une question connexe, soit la situation des épargnants simples et ordinaires, monsieur et madame tout-le-monde, quelque part au Canada, qui ont épargné quelques dollars, veulent l'investir sur le marché, et qui, pouvant faire la part des choses, examinent les coûts efficients de capitalisation des bénéfices et les comparent au marché général dans cette industrie, examinent les relevés des dividendes versés et les bénéfices de la compagnie et prennent toutes les précautions que les investisseurs ordinaires et quelque peu avertis prendraient au lieu de simplement chercher un tuyau et d'acheter.

Selon ce que vous dites, l'épargnant est maintenant à la merci des fonds communs de placement, des investisseurs privés et des fonds de couverture et n'a absolument aucun contrôle sur son investissement. C'est quelque peu dérangeant, à moins de trouver une façon pour l'investisseur qui veut savoir ce qui se passe dans une industrie en particulier ou concernant des actions précises, d'obtenir de l'information grâce à la transparence de ces grands négociateurs. C'est contradictoire, parce que les grands négociateurs, les fonds de couverture, ne veulent pas, et ce, pour des raisons évidentes et appropriées, divulguer leurs algorithmes commerciaux. Ils ne veulent pas divulguer, sauf peut-être à chaque trimestre, aux six mois ou à chaque année, où ils investissent, dans quelle mesure et pour combien de temps.

Qu'en est-il de l'épargnant ordinaire dans tout cela?

M. Fotheringham : Il est important de ne pas oublier l'épargnant, parce que celui-ci est un participant essentiel au marché, et il est très important pour notre industrie, de même que pour la santé du marché financier canadien. Je crois que l'épargnant qui a une vision claire et qui applique ses stratégies fondées sur des principes fondamentaux, qui comprend la croissance de la compagnie et ses objectifs à long terme est bien servi par ce marché et ne subit pas de torts attribuables à la négociation algorithmique. Comme ils ont différents objectifs de rendement et différentes stratégies, les épargnants ont tendance à avoir de plus grandes visées, et une approche fondamentale est beaucoup mieux appropriée pour eux.

Aussi, dans la mesure où ils travaillent avec un conseiller qui connaît bien ses clients et peut les diriger vers les bons investissements, des investissements intelligents pour eux, compte tenu de leur profil de risque, les épargnants sont selon moi très bien servis par ce marché.

Lorsque la négociation algorithmique est appliquée au marché, on obtient non seulement une meilleure liquidité, mais aussi une meilleure détermination des prix, parce que les algorithmes peuvent agir contre les données fondamentales pendant un certain temps seulement. Je crois que l'épargnant est bien servi par ce marché et ne subit pas de torts en raison de ces stratégies.

Le sénateur Goldstein : Y a-t-il une façon de respecter la nécessité pour les fonds de couverture de maintenir leurs stratégies et les algorithmes connexes secrets parce qu'ils sont exclusifs et du même coup de trouver une façon pour les épargnants d'avoir une idée générale des véhicules financiers dont le fonds de couverture se sert? Je pense, par exemple, à une technique qui ne nous permettrait pas de savoir ce qu'un fonds de couverture fait aujourd'hui, mais qui permettrait de savoir trois mois plus tard ce que le fonds a fait. Est-ce que cette technique irait à l'encontre des intérêts des fonds de couverture?

Je me soucie de l'épargnant qui a investi de l'argent dans le marché canadien et qui a investi ses épargnes pour la retraite et toutes ses économies dans le marché, et ce, en ne sachant aucunement ce qui se passe avec son investissement.

M. Fotheringham : Il est important que les épargnants réconcilient leur stratégie d'investissement avec leurs objectifs personnels. Leurs objectifs personnels devraient déterminer leurs actions. Du côté institutionnel, pour répondre à votre question, il arrive souvent que soient conclues des ententes prévoyant la divulgation des transactions à retardement. Ces données peuvent être divulguées aux clients trois mois plus tard. Il s'agit d'une pratique aléatoire, mais cette sorte d'entente peut être négociée. Je crois qu'il est préférable pour l'épargnant, s'il désire investir dans un fonds de couverture, de comprendre les objectifs de ce fonds et de comprendre les stratégies appliquées par ce fonds. Dans le cas des fonds de couverture cotés en bourse, les investisseurs devraient comprendre le prospectus et avoir la certitude que celui-ci concorde avec leurs objectifs. Le rendement net du fonds demeure la véritable façon de vérifier que le fonds satisfait aux objectifs.

Le sénateur Goldstein : Dites-vous qu'au lieu d'acheter des actions du CP, de Bell ou d'autres actions canadiennes avec lesquelles il est à l'aise à long terme parce qu'elles sont fortes, réputées et ne disparaîtront pas du marché, l'épargnant est mieux d'investir dans un fonds commun de placement avec des objectifs qui semblent concorder aux siens, ou d'acheter, s'il le peut et s'il est admissible, un fonds de couverture, dans la mesure où celui-ci respecte les limites données, et de se fier sur la philosophie d'investissement du fonds de couverture ou du fonds commun de placement?

M. Fotheringham : C'est une question très personnelle. Lorsque les conseillers en investissement rencontrent des clients, ils doivent comprendre leur profil de risque. Ces fonds conviennent à certaines personnes, mais pas à d'autres. Il y a ceux qui consacrent le temps, l'énergie et les ressources intellectuelles nécessaires pour composer leur propre portefeuille d'actions. D'autres se concentrent davantage sur les stratégies, et les fonds de couverture conviennent peut- être à ces gens. Il y a aussi ceux qui optent pour la stratégie d'achat à long terme, qui vont à la plage et qui préféreraient trouver un autre véhicule d'investissement.

Il s'agit d'une question très personnelle. Il faut connaître ses clients et voir à ce que leur profil d'investissement corresponde à leur tolérance au risque et à leurs objectifs d'investissement à long terme.

Le sénateur Goldstein : Je sais que les courtiers tentent très fort de suivre la règle de la notoriété du client. Il s'agit d'une règle saine, mais parfois, des conseillers en investissement ont tendance à prendre des mesures qui ne respectent pas nécessairement les besoins de l'investisseur; il n'est donc peut-être pas nécessairement sage de se fier entièrement à son courtier.

M. Fotheringham : C'est pourquoi les organismes de réglementation, qui réglementent les techniques de vente et le comportement des courtiers en investissement, doivent intervenir et voir à ce que les règlements soient appliqués.

Le sénateur Campbell : Je n'ai ni expérience ni connaissance dans ce domaine, mais en vous écoutant, je me vois entrer dans un casino et avoir plusieurs options de jeu. Le marché boursier offre ces options. À l'origine, on y achetait des actions, mais aujourd'hui, il y a les produits dérivés, les fonds de couverture, et cetera.

Connaissez-vous l'Alternative Investment Management Association?

M. Fotheringham : Oui.

Le sénateur Campbell : Elle a dit que, pour ce qui est de la réglementation, les organismes canadiens de réglementation du commerce des valeurs mobilières semblent en venir à la conclusion que le cadre de réglementation actuel pour l'industrie des fonds de couverture de ce pays est approprié et est en fait supérieur à celui de nombreuses autres administrations. Êtes-vous d'accord?

M. Fotheringham : En gros, oui.

Le sénateur Campbell : Donc, ayant lu un article sur Amaranth, j'en viens à la conclusion que toutes les parties impliquées ont gagné, sauf l'investisseur. En fait, de nouveaux fonds de couverture verront le jour. Vous perdez des milliards de dollars et soudainement, vous obtenez du succès.

Comment le marché boursier voit-il à ce que les gens qui investissent dans les fonds de couverture ne se fassent pas avoir, comme dans le cas d'Amaranth?

M. Fotheringham : J'aimerais apporter des précisions. Si je vous ai donné l'impression que le TSX était un casino, j'ai rendu un très mauvais service à...

Le sénateur Campbell : Non, vous n'avez pas donné cette impression, et ce n'est pas ce que j'ai dit. Je ne suis pas expert, mais je sais que le blackjack, la roulette et le Texas hold'em comportent chacun un niveau de risque différent. Je peux être excellent au Texas hold'em, mais pas autant au blackjack. Lorsque j'étais jeune, le marché boursier servait à investir dans Bell Canada, par exemple parce que c'était une valeur sûre et qu'il vous reviendrait X montant d'argent. Aujourd'hui, on peut investir dans des produits dérivés ou autres, avec les transactions rapides dont vous parliez. Je frissonne en pensant au nombre de gens qui investissent dans ces fonds en raison de la possibilité d'obtenir un rendement important sur leur investissement, sans être au courant des désavantages. Les gens risquent de l'argent qu'ils ne peuvent pas se permettre de perdre, c'est-à-dire leur fonds de retraite ou pour les études de leurs enfants.

M. Fotheringham : Je dois vous dire que les négociateurs des fonds de couverture et les négociateurs algorithmiques sont des participants à notre marché. Ils comptent parmi les nombreux participants qui transigent quotidiennement sur notre marché. L'objectif du TSX est de coter des entreprises de grande qualité qui sont en bonne santé financière et qui représentent bien l'économie. Nous avons fait de l'industrie minière, pétrolière et gazière notre créneau. Nous avons aussi fait la promotion de produits structurés dans ATS.

Notre objectif d'opérateur de marché est d'obtenir des entreprises de bonne qualité. Lorsqu'elles sont sur le marché, nous voyons à ce qu'elles fassent l'objet de transactions efficaces et transparentes et à ce que tous les prix soient connus et que les gens puissent voir le prix juste. L'épargnant peut sentir qu'il est traité de façon équitable. Ils voient le même prix que le négociant algorithmique.

Notre but est d'élaborer des marchés liquides, transparents et de qualité réglementés dans la mesure où nous permettons aux personnes admissibles de transiger et de servir la communauté des investissements. Les stratégies d'investissement qui sont appliquées à l'extérieur de ce cadre et qui peuvent se traduire sur notre marché constituent une tout autre question.

Le sénateur Campbell : Nous avons l'un des plus importants marchés de pétrole et de gaz au monde.

M. Fotheringham : C'est exact.

Le sénateur Campbell : Amaranth investissait surtout dans le gaz naturel. On regarde dans la boule de cristal et on tente de deviner ce qui va arriver en mars. Fera-t-il froid? Combien de gaz sera nécessaire? Si vous gagnez, vous gagnez d'importantes sommes d'argent. Si le négociateur perd, il ne perd rien du tout. Le négociateur obtient 75 millions de dollars pour avoir généré 1,26 milliard de dollars de profits. Si le négociateur perdait cette somme, il ne perdrait pas d'argent; il n'aurait tout simplement pas de prime. C'est ce qui me dérange. C'est un coup de dé.

Que faites-vous pour faire en sorte que le TSX ne vive pas une expérience Amaranth ou ne vive pas un autre Bre-X? Comment les investisseurs peuvent-ils avoir la certitude que leurs intérêts sont protégés lorsque l'industrie, du moins pour ce qui est du gaz naturel, tente simplement de deviner ce qui va se passer à l'avenir?

M. Fortheringham : Les spéculateurs ou fournisseurs de liquidités satisfont à un besoin légitime; ils sont nécessaires sur le marché. Comme je l'ai dit précédemment, si tout le monde était du même côté du marché, le marché serait unidirectionnel et ce ne serait pas sain.

Le TSX se concentre sur les 116 organismes participants pour vérifier qu'il s'agit d'organismes de qualité qui ont passé les tests avant de faire partie de notre marché ou de faire partie d'organismes sur notre marché.

Le sénateur Campbell : Je suis d'accord pour dire qu'il faut des fournisseurs de liquidités, mais ne devrait-il pas s'agir d'investisseurs avertis, de gens qui sont prêts à prendre des risques? Il ne devrait pas s'agir d'investisseurs débutants ou de gens qui veulent simplement avoir un portefeuille avec un rendement de 8 ou 9 p. 100.

M. Fortheringham : Je reviens à la règle de la notoriété du client et à l'obligation de s'assurer que son conseiller financier investisse dans un fonds ou un véhicule financier qui tient compte de son profil de risque et de ses objectifs d'investissement. On ne peut pas réglementer le mauvais jugement.

Le sénateur Campbell : Je ne crois pas que ce soit possible, parce que le mauvais jugement est fondé sur la cupidité. Si quelqu'un dit « Je peux vous obtenir un rendement de 30 p. 100 », bien sûr que je vais me précipiter. Si je n'obtiens pas ce résultat, qui est à blâmer? Moi. J'ai fait preuve de cupidité et j'ai bien voulu prendre ce risque.

Le président : Sénateur Campbell, il y a des lignes directrices différentes pour les investisseurs avisés et les débutants. Le comité a déjà parlé du montant qu'un investisseur devrait investir. À l'époque, selon les balises établies il fallait avoir 150 000 ou 125 000 $ pour être considéré comme un investisseur averti. Aujourd'hui nous parlons plutôt de 2,5 millions de dollars. Le débat est ouvert à savoir où se situe la limite entre investisseur averti et investisseur débutant.

Le sénateur Campbell : Cela voudrait alors dire que tous ceux qui étaient impliqués dans Amaranth et qui ont perdu leur argent avaient tous 2,5 millions de dollars et étaient des investisseurs avertis?

Le président : La plupart des gens impliqués dans Amaranth aux États-Unis étaient des investisseurs avertis.

Le sénateur Campbell : Combien de fonds de couverture ne se servent pas de ces balises?

Le président : Sénateur, nous espérons qu'il s'agira du sujet que nous prendrons en considération lors de la formulation de nos recommandations.

Le sénateur Campbell : Je voulais que ce soit clair que je ne laissais pas entendre d'aucune façon que ce soit que le TSX était impliqué dans un cas de fraude. Je me suis servi de l'exemple de Bre-X parce que cette compagnie a réussi à tout garder à l'interne. Je ne laissais pas entendre que le TSX avait commis de la fraude. Je crois que le TSX est une organisation extraordinaire qui devrait être félicitée pour ce qu'elle fait et pour avoir réussi à se placer parmi les cinq premiers au monde. Je m'inquiète strictement pour les investisseurs.

M. Fortheringham : Je vous remercie des précisions, parce que je dois retourner au travail demain.

Le président : Vous avez entendu de chaudes félicitations adressées au TSX de la part du sénateur Campbell, un ancien maire de la Ville de Vancouver.

Nous avons parlé de transparence et de liquidités, ce qui nous intéresse. J'aimerais en savoir davantage sur l'un de vos commentaires concernant la gouvernance. Comme le sénateur Angus l'a indiqué, les questions de gouvernance sont une préoccupation pour nous puisqu'elles sont liées à l'économie. Nous sommes préoccupés par la disparité entre le salaire des travailleurs et celui de la direction. La différence au Canada est importante, mais pas autant qu'aux États- Unis. Nous sommes inquiets par rapport à cette question, et nous pourrions très bien l'aborder.

Au cours des 10 derniers jours, un article a été publié sur les acquisitions par emprunt. On y expliquait que des entreprises de courtage — et je choisis mes mots avec soin — des fonds de couverture et des courtiers ont travaillé en partenariat dans le but d'acheter ou de prendre le contrôle d'une entreprise acquise par emprunt et que des votes des propriétaires d'actions ont été traités aux fins de la prise de contrôle. Il s'agit d'un problème grave, parce que le comité et le Canada croient en la démocratie chez les actionnaires. Si vous achetez une action vous avez le droit de savoir ce qui se passe et vous avez le droit de voter en fonction des actions que vous détenez.

Êtes-vous au courant de ce qui est arrivé aux États-Unis? Cela a fait la une du Wall Street Journal au cours des dix derniers jours. Nous avons été renversés parce que nous étions allés à New York et ne connaissions pas la pratique de prêter des votes sans la connaissance ou le consentement de l'actionnaire pour une acquisition par emprunt. Un particulier achète des actions d'une société et investit dans celle-ci au moyen d'un financement renouvelable. Ensuite, la société en question achète des actions. Jusque là, il n'y a à notre avis rien de répréhensible. Ensuite — et je n'utiliserai pas le mot « comploter », car il n'est pas approprié — on s'entend pour prêter ces votes dans le but d'une acquisition. Cette manœuvre me semble contrevenir au principe même du fonctionnement démocratique des sociétés.

Qu'en pensez-vous?

M. Fotheringham : Je vais répondre en tant que gestionnaire de portefeuille plutôt qu'en tant que représentant de la Bourse de Toronto. À la Bourse de Toronto, nous faisons des transactions de valeurs mobilières; nous ne faisons pas d'emprunt ni de prêt. Nous facilitons simplement les transactions.

À titre de gestionnaire de fonds, je dirais que les prêts de titres sont un volet important de nos activités. Cela nous permet de faciliter la tâche à ceux qui optent pour la vente à découvert. En contrepartie de certains honoraires, ils pouvaient emprunter pour faciliter leurs transactions. De leur côté, les prêteurs pouvaient augmenter leurs recettes, particulièrement s'il s'agit de placements à long terme en fonction d'un horizon de cinq ou dix ans.

Tant qu'il se fait de cette façon, le prêt sur titres est tout à fait valable. Il facilite les transactions et améliore l'efficacité du marché. Voilà la perspective que je peux commenter.

Le président : Croyez-vous que cette pratique va à l'encontre des principes généraux de la participation démocratique des actionnaires et de la transparence?

Prenons le cas, par exemple, de la prise de contrôle d'une compagnie par emprunt. Si la société visée par la prise de contrôle ou la fusion ne sait pas que les actions dont dépend son sort ont été prêtées et qu'on ignore à qui, elle ne peut pas contrer ce mouvement en répondant favorablement aux actionnaires souhaitant une autre issue. Quant à moi, je trouve cette façon de procéder fort douteuse.

Vous avez peut-être raison. Les marchés fonctionnent rapidement et efficacement et cette efficacité n'est pas toujours compatible avec la participation démocratique des actionnaires. Voilà ce qui me rebute. Une société peut faire l'objet d'une prise de contrôle injuste sans que ses actionnaires aient pu la défendre contre ceux qui souhaitaient l'acquérir. Ce sont là les règles du marché. Quelle est votre opinion à ce sujet? Je vous pose la question du point de vue du marché.

M. Fotheringham : Ayant participé au marché avant de me joindre à l'équipe de la Bourse de Toronto, je pense que chacun doit avoir le droit d'acheter ou de vendre des actions conformément à sa perspective. En tant qu'investisseur, on doit avoir le droit de participer à la gouvernance d'une société dont on détient des actions.

Pour faciliter le flux des liquidités boursières et des transactions efficaces, il faut que l'on puisse emprunter et prêter. Et toujours à titre d'ex-participant au marché boursier, avant de travailler pour la Bourse de Toronto, je crois que le but ou du moins le résultat souhaité n'est certainement pas de permettre que certains empruntent des titres afin de manipuler le marché.

Le président : Merci de votre témoignage. Comme vous pouvez le constater, notre comité est vivement intéressé par le sujet et je vous remercie de nous avoir fait bénéficier de vos connaissances spécialisées et de celles de votre organisation.

M. Fotheringham : Merci de m'avoir invité. C'était une occasion extraordinaire et je vous en remercie.

Le président : J'invite nos prochains témoins à prendre place à la table. Messieurs, vous avez pu constater que le comité étudie à fond la question. Comme je le disais tout à l'heure, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York en octobre dernier pour analyser un certain nombre de questions dans le cadre du mandat qui nous a été confié, notamment le secteur des fonds de couverture, dont les actifs s'élèveraient à 1,1 billion de dollars à l'échelle mondiale. Nous avons appris de votre témoignage que la valeur de ces fonds serait maintenant de 1,4 billion de dollars. Ce secteur connaît un essor fulgurant. Au Canada, le marché des fonds de couverture est passé de 25 ou 26 millions de dollars à 40 millions de dollars, selon la méthode de calcul qu'on emploie.

Il ne fait aucun doute que cette nouvelle méthodologie d'investissement dans les fonds représente un marché en pleine croissance. Étant donné l'envergure et l'importance de notre relation commerciale avec les États-Unis et la grande intégration de nos économies, nous estimons qu'on doit accorder la priorité à la stabilité financière mondiale. Il est crucial que nous, à titre de décideurs, les organismes de réglementation et les investisseurs du Canada comprennent ce qui se passe tant au Canada qu'aux États-Unis en même temps. Par conséquent, nous sommes ravis d'accueillir comme témoins les représentants de l'Alternative Investment Management Association, l'AIMA.

Tris Lett, vice-président, Alternative Investment Management Association (AIMA) : D'abord, je tiens à vous dire que notre président, Phil Schmitt, aurait vraiment voulu être ici avec nous aujourd'hui mais il est au Royaume-Uni, à notre siège social. On y tient une réunion du conseil mondial; il vous transmet ses regrets et ses excuses de ne pas pouvoir répondre personnellement à vos questions.

Étant donné que vous êtes déjà renseigné sur ce que nous faisons, il n'y a pas grand-chose à ajouter. Notre mission est de sensibiliser les groupes qui investissent ou qui envisagent d'investir dans des fonds de couverture. Nous aidons aussi les groupes de défense des membres du secteur, tant les investisseurs que les prestataires de services. Nous faisons aussi affaire avec les organismes de réglementation et tentons de promouvoir les pratiques exemplaires par le biais des renseignements que nous publions et que nous mettons à la disposition de nos membres et de tous ceux qui s'intéressent aux fonds de couverture.

Voilà essentiellement ce qu'est AIMA Canada. Vous trouverez aussi ces informations sur notre site web que tous peuvent consulter gratuitement.

On a déjà fait mention aujourd'hui de l'étude qui a été menée par les autorités canadiennes en valeurs mobilières. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire d'en dire plus long à ce sujet. Vous l'avez lue. Nous pouvons dès maintenant répondre à vos questions. Il semble que vous vous intéressez véritablement à ce qui se passe dans notre secteur. M. Burns pourra vous donner plus de renseignements sur l'aspect réglementaire et moi, sur le risque macroéconomique.

Le président : Je suis un peu injuste à votre égard, car votre organisation est importante. Je crois savoir que la section canadienne de votre organisation internationale a été créée en 1990. Essentiellement, comme le dit l'en-tête de votre document, votre association est une tribune pour les gestionnaires de fonds de couverture, de contrats à terme gérés et de fonds de devises gérés. C'est une organisation sans but lucratif à vocation éducative et de recherche sur ces nouveaux outils d'investissement. Nous croyons aussi savoir que ces sections de votre association se multiplient rapidement. Vous comptez 110 sociétés membres dans 47 pays, ce qui indique que vous êtes à la fine pointe de ce secteur en pleine croissance.

M. Lett : Nous comptons maintenant 1 100 sociétés membres dans nos différentes sections à l'échelle du globe.

Le président : Manifestement, l'appétit et l'intérêt sont grands, et nous vous en remercions.

Le sénateur Angus : Soyez les bienvenus, messieurs. Je suis heureux de vous voir. J'ai remarqué que vous étiez présents dans la salle pendant le témoignage de M. Fotheringham; j'y ferai peut-être allusion dans mes questions.

Tout d'abord, une petite précision : il y a une nouvelle bourse à Londres qui s'appelle AIMS ou AIM. Est-ce vous? Avez-vous des liens?

M. Lett : Nous n'avons aucun lien avec cette organisation.

Le sénateur Angus : Aucune. C'est ce que je pensais.

Michael Burns, conseiller juridique, Alternative Investment Management Association (AIMA) : AIM est une bourse des actions nouvelles semblable à TSX Venture Exchange. On y trouve des entreprises en démarrage et en développement. Elle n'est en aucune manière associée à AIMA.

Le sénateur Angus : Comme vous le savez, c'est une bourse qui a su rivaliser avec d'autres comme celles de New York et de Toronto, car il semble qu'elles n'imposent pas de restriction de type Sarbanes-Oxley, comme le font les bourses et organismes de réglementation d'ici. Aussi, je me suis laissé dire que l'accès y était moins coûteux. Par conséquent, cette bourse s'est accaparée une bonne part des capitaux. On me dit que c'est une nouvelle source de fonds qui suscite l'enthousiasme des entreprises en démarrage qui peuvent y avoir accès sans faire faillite avant même d'être en marche et d'avoir payé tous les coûts inhérents à l'organisation.

Cela a un lien indirect avec le secteur des fonds de couverture, ce qui nous intéresse.

Vous avez entendu nos questions et les réponses de M. Fotheringham; aimeriez-vous ajouter quelque chose ou remettre en question certains propos?

M. Burns : Tout d'abord, j'aimerais dire que je suis heureux d'être ici aujourd'hui. C'est un honneur pour moi de comparaître devant votre comité, et je vous félicite de votre excellent travail. Nous, à AIMA Canada, sommes disposés à faire l'impossible pour amener le grand public à mieux comprendre les fonds de couverture et leurs structures et activités, et à offrir le soutien continu dont il pourrait avoir besoin.

Sur une note plus personnelle, c'est véritablement un honneur pour un gars de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, de témoigner devant un comité sénatorial.

D'après la conversation que vous avez eue avec le témoin précédent et les autres témoignages que votre comité a entendus, je dirais d'abord que les fonds de couverture collectivement ne constituent pas un investissement plus risqué que d'autres, comme certains l'ont prétendu, et que les investisseurs ne se contentent pas de donner leur argent au gestionnaire de fonds de couverture sans avoir la moindre idée de ce que ce dernier en fera.

D'après mon expérience comme avocat spécialisé dans les valeurs mobilières qui m'occupe d'un certain nombre de fonds de couverture, je peux dire que la plupart d'entre eux sont offerts, par le biais d'un placement privé, dans une notice d'offre. La notice d'offre contient des informations sur la stratégie d'investissement.

Le président : Monsieur Burns, je vous arrête tout de suite. Plus tôt, on nous a parlé de la distinction qu'il faut faire entre les fonds qui sont offerts dans une notice d'offre et ceux qui ne le sont pas. Un témoin nous a dit que seule une petite proportion des fonds de couverture y figure.

Le sénateur Angus : Je ne crois pas que ces notices d'offre y apparaissent.

Le sénateur Goldstein : Ce n'est pas la même chose.

Le président : Je parle de la différence entre la discrétion et la divulgation, parce que quand il y a une notice d'offre, vous avez une idée de ce dans quoi vous investissez.

Expliquez-nous la différence entre les fonds qui sont réglementés et ceux qui ne le sont pas. La plupart sont de purs placements privés, certains sont des placements privés offerts dans une notice d'offre alors que d'autres font l'objet d'une notice d'offre enregistrée.

M. Burns : Parlez-vous de la différence entre le prospectus et la notice d'offre?

Le président : Oui.

M. Burns : La majorité des fonds de couverture sont vendus à des investisseurs accrédités par le biais d'un placement privé. Tout dépend du gestionnaire du fonds de couverture, mais la plupart présentent leurs fonds aux éventuels investisseurs dans une notice d'offre. La loi actuelle sur les valeurs mobilières ne prescrit pas de forme précise pour la notice d'offre, ni d'usage ou de contenu précis.

Dans certaines provinces canadiennes, on a prévu une exception qui s'applique à la forme des notices d'offre. Si vous vendez à des investisseurs accrédités, vous n'êtes pas tenus de vous servir d'une notice d'offre, mais si vous décidez de le faire, vous décrirez dans cette notice d'offre la stratégie d'investissement que vous comptez employer.

Le président : Nous comprenons cela. Il y a maintenant 2 200 fonds de couverture, et nous tentons de déterminer quelle proportion de tout le marché des fonds de couverture — de tout l'univers des fonds de couverture — fait l'objet d'une réglementation quelconque — A, B ou C, C consistant simplement à recueillir des fonds, sans notice d'offre, en disant simplement « donnez-moi deux millions de dollars » ou « voici dix millions de dollars ».

M. Burns : Ce genre de fonds représente une minorité.

Le président : Quel pourcentage de tous les fonds de couverture représente-t-il?

M. Burns : Je dirais qu'environ 5 p. 100 de tous les fonds de couverture sont offerts sans documents d'offre.

Le président : Voulez-vous dire que la majorité des fonds de couverture sont offerts dans une notice d'offre privée?

M. Burns : Oui, de 80 à 85 p. 100 d'entre eux.

Le président : L'autre portion se ferait par offre publique.

M. Burns : Oui. C'est habituellement organisé en sociétés d'investissement à capital fixe coté à la bourse de Toronto et offert dans un prospectus.

Le président : Pour la majorité, en ce qui concerne l'information publique, il n'y a pas de règlements sur le genre d'information que doit contenir la notice d'offre. Se fondant sur la notice d'offre l'investisseur décide s'il est prêt à donner au directeur le niveau de discrétion requis, qui est assez élevé en fonction d'une certaine formule.

M. Burns : Il y a une mise en garde importante : si une notice d'offre est remise aux investisseurs éventuels, la législation régissant la vente des valeurs exige des droits d'action contractuels statutaires pour résiliation de contrats, afin que l'on puisse sortir de l'opération ou des dommages, s'il y a eu dommages, au cas où la notice d'offre contient une assertion inexacte. La norme en la matière n'est pas l'équivalent de celle de l'exposé complet, véridique et clair que l'on exige dans les prospectus. Toutefois, cela n'a jamais été porté en cour.

Le président : Y a-t-il jamais eu de procès à ce sujet?

M. Burns : Non, pas à ma connaissance. Une assertion inexacte est définie dans la législation sur les biens non seulement comme indiquer quelque chose de faux ou d'inexact mais également comme omettre un fait important qui serait pertinent pour un acheteur décidant d'un investissement. Quand elle prépare une notice d'offre dans le contexte d'offre de valeurs de couverture, l'équipe juridique et les gestionnaires prennent bien soin de veiller à ce que ce document contienne suffisamment d'information pour permettre aux gens de prendre des décisions d'investissement éclairées.

Le sénateur Angus : Les témoins allaient répondre à ma question générale dans laquelle je demandais s'ils contestaient quoi que ce soit.

Monsieur Burns, vous disiez que contrairement à ce que nous disons, ces fonds de couverture, qui sont un produit nouveau intéressant et une nouvelle source de capital utile et cetera, ne sont pas dangereux. Je disais tout à l'heure qu'ils sont habituellement assez rentables, 20 p. 100 et plus et même plus de 30 p. 100. N'est-ce pas? Peut-être que nous nous trompons. Nous pensions qu'ils avaient un bon rendement. Les risques sont supérieurs, comme c'est le cas avec les obligations à haut risque.

M. Burns : Les rendements peuvent être élevés. J'aime réciter la première ligne d'Anna Karenina de Tolstoy : « Les familles heureuses sont toutes pareilles; chaque famille malheureuse est malheureuse à sa façon. »

C'est la même chose pour les fonds de couverture. Il y a une multitude de stratégies différentes et de profils de risques dans l'univers des fonds de couverture. Les classer tous comme dangereux serait inexact. C'était essentiellement là mon objection. Les médias l'ont fait également remarquer. Les médias considèrent que les fonds de couverture sont intrinsèquement risqués, ce qui n'est pas toujours le cas.

Il est arrivé que les rendements atteignent 20 p. 100 ou 30 p. 100, mais de façon générale, ces dernières années, ça n'a pas été le cas. En grande partie parce que tous les marchés sont allés dans le même sens et que les fonds de couverture tendent à bien marcher dans les périodes troubles ou l'on va dans tous les sens sans savoir dans quel sens s'oriente le marché. Dans les marchés en hausse, les fonds de couverture ont tendance à ne pas donner d'aussi bons résultats que dans des marchés instables.

M. Lett : Il est très difficile de généraliser dans ce secteur.

Le sénateur Angus : C'est aussi dangereux.

M. Lett : Il faut être très prudent lorsqu'on en parle. Je vois qu'il y a des gens à New York et ailleurs qui vous ont peut-être donné les manchettes mais ne vous ont pas dit où tout se passe, à savoir que 50 p. 100 des fonds de couverture investissent uniquement dans les actions. Ils ont des portefeuilles d'actions longues et courtes et certains ne dépendent pas du marché, ne sont pas exposés au marché. Ils ont complètement éliminé les faits du marché par la couverture. Ces portefeuilles sont totalement transparents. Si vous voulez savoir ce qui se passe dans votre portefeuille, la stratégie peut être compliquée et difficile à expliquer mais elle n'est pas dangereuse.

Il faut considérer les fonds de couverture davantage comme une action. Si l'on veut avoir un portefeuille d'actions, on peut avoir des actions individuelles susceptibles de rapporter un rendement fabuleusement élevé et d'autres qui peuvent avoir un rendement fabuleusement bas. Si l'on veut se mettre à investir dans ce genre de choses, il faut penser à un contexte de portefeuille dans lequel on diversifie entre un certain nombre de fonds de couverture de styles différents, et cetera. Il y a des tas de styles au choix. J'ai entendu une énumération au début. Par exemple, le pari d'Amaranth était en fait sur les ouragans. Ils pensaient qu'il y aurait le même genre d'ouragan cette année que l'année dernière. En fait, il n'y en a eu pratiquement aucun. C'était un mauvais pari. On ne peut pas généraliser ces choses; elles sont aussi hétérogènes que possible.

Le sénateur Angus : Merci, c'est intéressant.

Le président : C'est intéressant mais je pense que nous avions bien compris cela. Nous essayons de séparer les catégories afin de voir où se trouve le risque, quelles sont les différences et quel type de surveillance est nécessaire.

Le sénateur Goldstein : Messieurs, merci de votre exposé et merci d'avoir patienté pendant que votre prédécesseur témoignait.

Votre organisation, qui est une organisation sans but lucratif, compte maintenant 90 membres d'après la documentation que vous avez eu l'amabilité de nous fournir. Nous avons appris qu'il y a 200 fonds de couverture au Canada. Essayez-vous d'obtenir que les 110 autres fonds se joignent à vous?

M. Lett : Nous n'avons pas que des fonds de couverture parmi nos membres. Toute société membre peut avoir 10 fonds de couverture à elle toute seule. Il est difficile de savoir quel pourcentage nous représentons. Nous avons pratiquement tous les fonds importants.

Le sénateur Goldstein : Il y a un paragraphe dans votre témoignage qui a piqué mon intérêt. Il portait sur les six suggestions faites par les autorités canadiennes en valeurs mobilières dans le rapport du 12 janvier. Vous vous déclariez de façon générale d'accord, avec une réserve. J'aimerais que vous nous précisiez un peu ce que vous entendez par là. Vous avez dit que vous acceptiez ce que l'on fait en ce qui concerne la réglementation des fonds de couverture « à condition que toute éventuelle nouvelle règle soit mise en œuvre d'une façon qui assure que les fonds de couverture soient traités comme les autres produits d'investissement à la disposition des Canadiens ».

Cela soulève deux questions. Tout d'abord, vous semblez indiquer qu'à l'heure actuelle les règles ne sont pas les mêmes pour les fonds de couverture et les autres produits d'investissement. J'aimerais que vous me précisiez cela. Deuxièmement, comment ces six recommandations pourraient-elles permettre que les règles soient similaires pour les fonds de couverture et les autres produits d'investissement. J'ai lu votre document mais je ne suis pas sûr de comprendre. Je ne connais pas la réponse à ces deux questions.

M. Burns : Pour ce qui est de l'uniformité des règles, nous disions qu'il ne faudrait pas que l'on fasse supporter aux gestionnaires de fonds de couverture un fardeau de réglementation supplémentaire que n'auraient pas d'autres gestionnaires d'investissement, qu'il s'agisse de gestionnaires de fonds mutuels ou de gestionnaires de valeurs privées. Nous ne voudrions pas que les gestionnaires de fonds de couverture soient assujettis à une réglementation à laquelle d'autres gestionnaires qui font essentiellement la même chose ne sont pas assujettis.

AIMA Canada est de façon générale favorable à la réglementation, à condition qu'elle soit bien réfléchie. Nous voulons essayer d'aider les responsables de la réglementation à comprendre l'environnement unique dans lequel opèrent les gestionnaires de fonds de couverture.

Le sénateur Goldstein : Amaranth n'était pas basée au Canada et n'aurait ainsi pas été assujettie à une réglementation canadienne. Toutefois, il y a des fonds de pensions et d'autres fonds canadiens qui avaient des investissements dans Amaranth. Le gros des fonds de couverture dans le monde ne se trouve pas au Canada mais ailleurs, fréquemment dans des paradis fiscaux et dans des paradis non réglementés.

Comment peut-on envisager le genre de réglementation douce préconisée par l'ACVM quand un total de 200 fonds de couverture sont susceptibles d'être réglementés au Canada alors que des milliers de fonds de couverture dans le monde vendent au Canada?

M. Burns : Je peux répondre en partie à cette question. Les gestionnaires de fonds de couverture dont les bureaux sont à l'étranger qui voudraient vendre leurs produits aux Canadiens en sont empêchés dans une certaine mesure, actuellement, sous le régime des lois canadiennes sur les valeurs mobilières. Ils doivent principalement offrir leurs fonds à l'étranger; ils n'ont que deux moyens de les offrir aux investisseurs canadiens : premièrement, en tant que placement privé — c'est-à-dire à des investisseurs accrédités — et deuxièmement, par l'entremise de courtiers enregistrés. S'ils décident de procéder autrement ou s'ils veulent faire une offre ciblée aux Canadiens, ils doivent s'enregistrer comme gérants de portefeuille de conseiller en investissements auprès de la province concernée au Canada.

Le sénateur Goldstein : À l'heure actuelle, les critères d'accréditation sont relativement symboliques, au Canada. Comme vous le savez, les États-Unis hausseront bientôt leur seuil à 2,5 millions de dollars et apporteront d'autres modifications qui ne correspondent pas au régime actuellement applicable au Canada.

Croyez-vous qu'il faudrait modifier le seuil d'accréditation des investisseurs canadiens?

M. Burns : Encore une fois, il s'agit de mettre tout le monde sur le même pied. Le seuil serait-il différent selon les types de placements privés? Autrement dit, celui qui achèterait un placement privé dans une société minière devrait-il répondre à la même norme d'accréditation que l'investisseur qui achète un fonds de couverture? Cette question mériterait d'être étudiée.

La U.S. Securities and Exchange Commission, la SEC, a décidé de modifier la norme d'accréditation des investisseurs parce que la valeur du domicile de l'investisseur était prise en compte dans le critère. Vu la montée en flèche de la valeur de l'immobilier aux États-Unis, l'augmentation générale de la population et l'augmentation des revenus, il n'était plus pertinent d'imposer un seuil d'un million de dollars aux investisseurs accrédités. Bon nombre de gens se trouvaient automatiquement accrédités du simple fait de la valeur de leurs avoirs immobiliers ou de leur résidence principale.

Au Canada, nous appliquons des critères différents pour accréditer les investisseurs. La valeur de la résidence n'est prise en compte si l'actif net actuel est de 5 millions de dollars. Ce n'est que dans un tel cas que la valeur de la résidence est prise en compte pour l'accréditation des investisseurs. Il y a deux autres critères auxquels il faut satisfaire : l'actif financier net, c'est-à-dire qu'il faut posséder des liquidités, des actions, des obligations et des valeurs mobilières pour une valeur nette d'un million de dollar, et le critère du revenu, c'est-à-dire qu'il faut avoir eu au cours des deux dernières années un revenu net de 200 000 $, ou de 300 000 $ de revenu familial, et pouvoir s'attendre de raisonnablement à avoir le même niveau de revenu au cours de l'année courante.

Compte tenu des différences démographiques entre les États-Unis et le Canada et des revenus relatifs ici, il vaudrait peut-être la peine d'examiner s'il serait à propos d'augmenter le seuil applicable à l'accréditation des investisseurs. Mais je ne saurais vous dire maintenant si j'appuierais une telle mesure.

Le sénateur Goldstein : Croyez-vous qu'il faudrait appliquer un critère différent pour ceux qui investissent dans une société minière, pour reprendre votre exemple, une société minière qui a une notice d'offres et qui est assujettie à une certaine réglementation à titre de société minière canadienne, comparativement à ceux qui investissent dans un fonds de couverture, qui ne fait pas l'objet d'une supervision réglementaire considérable? Croyez-vous qu'il vaudrait mieux appliquer des seuils différents selon les investissements?

M. Burns : Pour ma part, je ne le crois pas. En fait, si l'on se fie à ces deux exemples, le fonds de couverture serait plus fortement réglementé que l'investissement dans la société minière, car le conseiller en investissement de ce fonds de couverture devrait être enregistré auprès d'une commission de valeurs mobilières provinciale à titre de gérant de portefeuille de conseiller en investissements. En Ontario, le conseiller devrait aussi être enregistré comme courtier sur le marché des valeurs dispensées, ce qui l'obligerait à respecter la règle voulant qu'il devrait connaître son client et effectuer une analyse de pertinence, s'il vend directement à un investisseur. Il n'y aurait aucune obligation de ce genre dans le cas d'une société minière. Je ne voudrais pas qu'on applique une norme différente selon qu'il s'agit d'un fonds de couverture ou d'autres investissements.

Le président : Je souhaite la bienvenue au sénateur Tkachuk, qui a voyagé pour nous d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Tkachuk : Je ne puis m'empêcher de signaler que les météorologues nous avaient prédit des tornades, un nombre accru de tornades en raison du réchauffement de la planète. Ce sont les mêmes météorologues qui avaient prédit un hiver doux dans l'ouest et un hiver froid dans l'est cette année. Dans les deux cas, ils se sont trompés.

M. Lett : Quand j'entends des prévisions météorologiques de ce genre, je crois toujours le contraire; j'opte pour la couverture.

Le sénateur Tkachuk : C'est tout à fait cela. Les gens d'Amaranth n'auraient jamais dû les écouter. Cela a causé des difficultés à bien des gens.

Le sénateur Angus : Nous portons tous des rubans verts aujourd'hui.

Le sénateur Tkachuk : Pas moi.

Le président : Je sais qu'il y a un débat politique au Canada au sujet des politiques environnementales, entre autres, mais cela n'a rien à voir avec notre sujet.

Le sénateur Tkachuk : On trouve difficile de comprendre les fonds de couverture. Et ce qui est difficile à comprendre semble poser de plus grands risques que les choses que l'on croit comprendre, même si on ne les comprend pas vraiment.

Existe-t-il vraiment une différence entre le risque que prennent les personnes qui investissent dans des fonds industriels TSX et des fonds de couverture, d'une part, et celles qui investissent dans d'autres transactions boursières propres aux investisseurs de détail, que ce soit des actions cotées en cents ou des mines de diamants à Vancouver? Les gens investissent, mais il n'y a pas de limite aux sommes que l'on peut investir dans des actions.

M. Lett : C'est une bonne question. Les Canadiens ont probablement perdu plus d'argent en achetant des actions de Nortel qu'en investissant dans toute autre entreprise. Je ne saurais imaginer quel règlement aurait pu être mis en place pour empêcher les gens d'investir la totalité de leur REER dans les actions de Nortel. Des risques, il y en a partout, et il faut faire preuve d'intelligence dans les risques que l'on prend.

Dans le cas de Nortel, les gens ne savaient pas ce qui se passait au sein de l'entreprise. Nous le savons maintenant, mais à l'époque, nous ne savions pas vraiment comment l'entreprise fonctionnait et pourquoi le prix des actions ne cessait de grimper.

Les fonds de couverture ont deux avantages par rapport aux fonds mutuels et aux investissements à long terme seulement. Tout d'abord, ils permettent des investissements à court terme, puis il est possible d'emprunter de l'argent ou d'utiliser l'effet multiplicateur au moyen d'instruments financiers pour augmenter l'investissement.

Les investisseurs doivent apprendre à bien se servir de ces instruments. L'information du public est un élément essentiel du mandat d'AIMA et AIMA Canada. Nous venons tout juste de publier une analyse sur l'effet multiplicateur, que l'on peut consulter à notre site Web. C'est l'une des meilleures analyses que j'ai lues sur ce sujet, car elle explique précisément ce qu'est l'effet multiplicateur.

Le président : Pourriez-vous mettre ce document à la disposition de notre comité? Si vous avez des documents récents, cela nous aiderait à bien situer le sujet dans son contexte. On sait par exemple que l'effet multiplicateur est un élément important du dossier que nous examinons.

M. Lett : Si vous examinez la question dans l'optique macroéconomique, l'effet multiplicateur peut se faire sentir jusque dans le système bancaire. C'est une question dont on doit également se préoccuper. Je suis convaincu que le gouverneur Dodge y a consacré de nombreuses heures. Au Canada et d'une façon générale, le système de courtage principal qui prête de l'argent au secteur des fonds de couverture pour augmenter des positions dans divers domaines est prudent quant aux limites imposées à ces fonds de couverture. Il ne permet pas que cet effet multiplicateur soit utilisé n'importe comment.

Le sénateur Tkachuk : Même si vous n'êtes qu'un petit investisseur privé dont le compte d'échange ne s'élève qu'à 100 000 $, la banque sera ravie de vous offrir 75 000 $ de plus pour acheter des actions ou des options ou pour participer à toutes sortes de transactions risquées. Vous pourriez utiliser cet argent pour investir dans les fonds industriels du TSX, emprunter 75 p. 100 de la valeur totale de votre actif pour ajouter à ce compte et tout investir dans cinq ou six petites entreprises, dans l'espoir de devenir millionnaire. Il n'y a aucune réglementation et personne ne pose de questions. N'importe qui peut prendre ce risque, que ce soit en investissant son régime de pension, comme M. Burns s'en inquiétait, en utilisant son domicile ou l'argent des études de ses enfants, car cela pourrait aussi se faire facilement. Les banques seraient ravies de vous prêter de l'argent pour que vous achetiez des actions afin que vous puissiez défalquer l'intérêt de votre revenu.

Quel pourcentage les fonds de couverture peuvent-ils obtenir? Est-ce 75 p. 100 ou 100 p. 100?

M. Lett : Tout dépend de l'établissement de crédit avec lequel ils font affaires. On fait des analyses soigneuses et un contrôle rigoureux. Les banques voient toutes les opérations qui passent par leur principal courtier. Elles savent quel risque est associé à chaque position et demanderont aux investisseurs de revoir leur position si elles estiment qu'elle comporte trop de risques.

Le président : Un peu plus tôt, M. Fotheringham a déclaré qu'en général, il y avait moins d'effet de levier pour les fonds de couverture au Canada. Nous n'avons pas eu l'occasion d'approfondir cette idée avec lui. L'effet de levier est-il moindre à cause de la capacité des courtiers et des banques de limiter les risques qui leur paraissent acceptables pour les fonds de couverture, d'après leur formule d'investissement?

M. Lett : Cette observation de M. Fotheringham a piqué ma curiosité. Je n'étais pas au courant et j'aimerais savoir où il a obtenu ce renseignement.

Le président : Je viens de demander à notre attaché de recherche de faire la vérification pour nous.

M. Lett : En général, je ne pense pas que les fonds de couverture aient un effet multiplicateur de 250 p. 100 pour l'ensemble du secteur. Les choses ont beaucoup changé, à la baisse, depuis l'époque de la gestion des investissements à long terme dont parlait plus tôt le sénateur Angus.

Il ne faut pas oublier l'autre partie de l'équation, les ventes à découvert, qui donnent une liberté supplémentaire. Dans l'esprit de bien des gens, la vente à découvert, c'est le contraire de l'achat position longue. C'est faux. Ces deux opérations ont des profils de risque différents. Dans l'option d'achat position longue, vous ne pouvez perdre que l'ensemble des sommes investies. Avec la vente à découvert, vous pouvez perdre bien plus que ce que vous avez investi. Le profil de risque est différent et c'est une stratégie plus difficile à mettre en œuvre, parce qu'il faut trouver quelqu'un qui vous prêtera ces titres.

J'aimerais revenir à ce qu'a dit le sénateur Grafstein au sujet de la démocratie et des prêts sur titres. Pour les fonds de couverture qui font des ventes à découvert, la divulgation est une question délicate, parce qu'ils ne tiennent pas à ce qu'on sache qu'ils ont une position à découvert importante, dans quelque secteur que ce soit. On risque alors l'arbitrage boursier immédiat, le coût de ce découvert augmente, on arrive aux ventes forcées, qui causent des crises de liquidités puis c'est l'explosion. Nous ne voulons pas de ce genre de situations. Une certaine part d'opacité ou de transparence différée est certainement souhaitable.

Nous pourrons revenir à l'autre question dans un instant, sénateur Grafstein.

Le sénateur Campbell : Vous dites que 50 p. 100 des fonds de couverture transigent dans les titres boursiers. Ce chiffre croît-il, ou non?

M. Lett : Le pourcentage est à la baisse.

Le sénateur Campbell : Est-ce qu'il s'écarte des titres boursiers?

M. Lett : Les nouveaux fonds de couverture s'aventurent dans des marchés plus complexes, comme celui des titres de dettes et de prêts garantis. C'est un marché relativement nouveau, qui n'est pas bien compris et dont les prix ne sont pas stables et il y a donc des occasions lucratives pour les fonds de couverture.

Le sénateur Campbell : Pour une rare fois, je suis d'accord avec le sénateur de la Saskatchewan.

Le sénateur Tkachuk : Nous sommes toujours d'accord.

Le sénateur Campbell : Il y a une chose que je n'ai pas comprise. Une bonne part de ces questions se rapportent à la cupidité des gens plus qu'à leur raffinement comme investisseur; on peut commencer à jouer sur le marché des fonds de couverture et se retrouver avec de gros problèmes. Il n'y a pas de contrôles. C'est comme jouer à l'argent.

M. Burns : C'est là où la relation entre le client et le conseiller financier prend toute son importance. Nous avons publié une liste de 10 questions que les investisseurs doivent poser à leur conseiller avant de placer leur argent dans un fonds de couverture. Nous pouvons la remettre au comité. Si votre conseiller ne peut pas répondre à ces questions, je vous conseille d'en trouver un autre. Ces questions révèlent à quel point votre conseiller s'y connaît en matière de fonds de couverture et dans quelle mesure il les comprend bien. Voilà à quoi cela se résume : une connaissance suffisante pour pouvoir prendre une décision éclairée en matière d'investissement dans ces produits. Cela s'applique aux conseillers mais aussi tout au long de la filière, jusqu'à ceux qui fabriquent ces produits et qui doivent fournir l'information nécessaire. Nos questions sont publiées sur notre site web, à l'adresse www.AIMA-Canada.org, mais nous les fournirons volontiers au comité.

Le président : Dans votre texte, vous dites que les ACVM ont estimé que même s'il existe un cadre approprié pour les fonds de couverture au Canada, comme vous l'avez dit ce matin, il y a encore place à amélioration. Leur examen parlait des améliorations possibles, notamment en ce qui a trait aux billets à capital protégé, aux ententes d'indication de clients, aux placements, à l'information présentée et à l'inscription des sociétés de gestion. Je présume que si notre comité décidait, pour chaque question, de formuler des recommandations visant à renforcer la surveillance réglementaire, selon l'importance de celle-ci, en général, du point de vue de cette politique, vous seriez d'accord.

M. Lett : Oui.

M. Burns : Oui.

Le président : Nous voulons trouver des lignes directrices appropriées, qui n'étoufferont pas ce secteur en croissance. Nous sommes sensibles à vos besoins.

Avez-vous une réponse à ma question, adressée à M. Fotheringham, au sujet de ce que je vois comme étant un problème, du moins vu de l'extérieur, au sujet de la démocratie des actionnaires? Quelqu'un peut exiger des frais pour le prêt d'un vote, sans que l'actionnaire sache que son vote est utilisé, et sans que l'entreprise soit mise au courant, ce qui l'empêche de réagir adéquatement, sur le marché.

M. Lett : Nous avons chacun une réponse à donner. Cela fait partie d'une question plus large. En fait, si un titre est dans un compte de courtage, son propriétaire n'en a plus le contrôle. Si vous avez des espèces dans un compte de courtage, et que le courtier disparaît, votre argent est parti aussi. Dans un contexte plus large, c'est un problème.

Dans mon entreprise, nous sommes conscients des questions associées aux prêts de sécurité et aux prêts des votes connexes, et nous ne laissons pas nos courtiers principaux voter pour ces actions, même si elles sont prêtées. Il y a démocratie quand il y a contrôle. Reste à savoir qui sait ce qu'il peut contrôler. Étiez-vous même au courant que cela se faisait? Non. Le fait qu'on ait beaucoup parlé de cet événement récent a permis de renseigner beaucoup de gens. L'éducation fait partie de notre mandat, à l'AIMA. Quand on est au courant de ce genre de choses, on peut agir.

Le président : Diriez-vous qu'il n'est pas juste de permettre la prise de contrôle d'une entreprise quand des votes sont exprimés sans même qu'on sache qu'ils sont utilisés dans cette prise de contrôle par les actionnaires?

M. Lett : Votre ignorance a permis qu'on vous trompe. Si vous aviez su, comment auriez-vous agi? Cela semble certainement injuste.

Le sénateur Angus : Le registre des actionnaires aurait dû permettre à l'entreprise de savoir où étaient les titres. L'entreprise ne sait peut-être pas qu'ils sont au bureau du courtier, mais si elle sollicite des votes en vue d'une prise de contrôle, elle fera preuve de diligence et demandera les procurations.

Le président : Il y a aussi la question de la divulgation. Nous voudrions que les règles soient les mêmes pour tous. Si j'ai bien compris, quand on veut prendre le contrôle d'une entreprise, on peut acheter des actions de cette entreprise et s'en servir aussi pour chercher à obtenir la majorité des actions nécessaires. Il faut que cela soit divulgué. Quand quelqu'un cherche à acquérir toutes ces actions, il y a une réglementation qui s'applique, et il faut qu'une certaine somme soit produite. Cela doit être divulgué. L'entreprise sait de qui il s'agit et il y a une réglementation. Mais quand ces fonds sont dans des comptes de fonds de couverture ou dans des comptes de courtage, on n'a pas toute l'information et celui qui veut faire une prise de contrôle paie des frais de courtage pour acquérir des votes associés à ces titres, en plus des titres qu'il détient ouvertement, ce qui désavantage l'autre partie, qui ne sait pas que les votes sont partis. Il ne s'agit pas d'envoyer des circulaires pour les convaincre. Ces votes ont été achetés à l'avance. Il n'y a plus de latitude.

J'ai l'impression que cette façon de procéder est injuste de la part des courtiers ou des fonds de couverture à moins qu'elle soit publiquement déclarée. Je suis d'accord pour qu'on procède de cette façon s'il est déclaré publiquement que c'est là la pratique adoptée et que c'est ainsi que l'on votera au sujet des actions. Il faut que les actionnaires en soient avisés. Sinon, ce serait hypocrite et injuste. Mais ce n'est qu'une impression. Si les fonds de couverture, qui font l'objet d'une réglementation peu rigoureuse, abusent de ce procédé, ceux qui se préoccupent de la gouvernance devraient examiner le problème.

Je m'en tiendrai à cela, car nous ne connaissons pas encore toutes les répercussions. J'attends de voir quelles seront vos réactions, en tant que légistes de la réglementation. Cela vous semblerait-il acceptable?

M. Burns : Pas selon le portrait que vous en brossez. Je ferai écho aux observations de M. Lett. Si cela se fait à l'insu des personnes qui placent leurs actions dans un compte de courtage, j'estime que c'est une façon de procéder inacceptable, même en apparence, car cela donne l'impression que l'on veut contourner les règles relatives à la sollicitation de procurations. Lorsqu'on veut apporter une modification à la gouvernance d'une société, on envoie normalement une circulaire aux personnes dont on veut obtenir les voix afin de leur expliquer ce que l'on fait et leur demander leur appui.

En ce qui concerne l'acquisition d'actions, j'ajouterai qu'il existe au Canada un système de préavis relatif aux offres publiques d'achat. Une fois que l'on a obtenu le contrôle sur 10 p. 100 ou plus des valeurs mobilières d'un émetteur public, il faut obligatoirement déposer un rapport, aviser le marché et publier un communiqué de presse.

Le président : Je peux me tromper car je n'ai pas examiné la question à fond, mais si j'ai bien compris la différence, il s'agit de faire l'acquisition de l'avoir. Une fois cet avoir acquis, il faut le déclarer. Cependant, cette exigence ne s'applique pas si les actions sont empruntées. Elles sont empruntées aux fins d'un vote. Les règlements ne précisent peut-être pas qu'il s'agit là de propriété.

M. Burns : Si vous avez obtenu le contrôle sur les actions avec droit de vote, cela doit figurer au rapport.

Le président : Vous prêtez le droit de vote à une fin particulière et à un moment particulier.

M. Burns : Le libellé de la mesure législative est très flou; il vise à ce que la disposition s'applique à tout accord ou mesure grâce auxquels des valeurs mobilières peuvent faire l'objet d'un vote. Si ce fonds de couverture se trouvait au Canada...

Le président : Il y a des exemples aux États-Unis.

M. Burns : Aux États-Unis, le seuil est encore plus bas. Il est de 5 p. 100 pour le droit de vote.

Le président : Cela s'applique encore.

M. Burns : Il faudrait que ces actions figurent dans votre rapport et que vous diffusiez un communiqué de presse indiquant que vous avez fait l'acquisition de ces actions.

Le président : Nous allons continuer à examiner cette question. Merci à vous deux d'avoir aidé notre comité dans l'examen de ce dossier. Nous connaissons mieux les détails complexes de cette question. Nous ne voulons toutefois pas outrepasser notre mandat. Nous ne voulons pas simplifier à outrance. Nous voulons comprendre de quoi il s'agit. Si nous devons faire des recommandations, nous voulons qu'elles soient acceptables et qu'elles ne nuisent pas au marché, tout en augmentant la transparence et l'efficacité. J'espère que vous suivrez nos travaux.

La séance est levée.


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