Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 16 - Témoignages du 28 février 2007
OTTAWA, le mercredi 28 février 2007
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel), se réunit aujourd'hui à 16 h 7 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à nos témoins et aux spectateurs à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Cette réunion sera diffusée dans toutes les régions du Canada et dans le monde sur Internet. Tous les témoignages qui seront faits devant nous auront des retentissements sur toute la planète. Notre tâche n'est pas seulement d'examiner ce projet de loi le plus en détail possible, mais aussi d'informer les consommateurs et les contribuables du contenu du projet de loi.
Le projet de loi C-26 a été déposé à la Chambre des communes le 6 octobre 2006 et a reçu la première lecture au Sénat le 7 février 2007. Il modifie l'article 347 du Code criminel qui criminalise la perception d'intérêts à des taux usuraires. On a donné deuxième lecture du projet de loi aujourd'hui au Sénat et on l'a renvoyé à notre comité. La loi est en effet très lacunaire en ce qui concerne ce domaine.
Permettez-moi de présenter d'abord les membres du comité : le sénateur Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Meighen, de l'Ontario; le sénateur Fitzpatrick, de la Colombie-Britannique; le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse, et notre savant vice-président du comité, le sénateur Angus, du Québec.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent réglementer le secteur du prêt qui relève de leurs compétences telles qu'elles sont établies par l'article 347 du Code criminel. Toutefois, l'exemption à cet article prévu par le projet de loi permettra aux provinces de permettre les prêts à un taux supérieur à la limite établie par le Code criminel.
Le projet de loi C-26 résulte des travaux de notre comité sur la protection des consommateurs, plus particulièrement sur les taux d'intérêt excessifs exigés pour les petits prêts, excessifs selon certains participants. À l'issue de ces travaux, notre comité a proposé une modification au Code criminel dans son rapport du mois de juin 2006.
L'article 347 du Code criminel dispose que la perception d'intérêts annuels de plus de 60 p. 100 par année constitue un acte criminel. Le procureur général de la province doit consentir à toute poursuite aux termes de cette disposition et, jusqu'à présent, les gouvernements provinciaux n'ont pas poursuivi les prêteurs sur salaire. De plus, cet article du Code criminel n'a pas été invoqué pour lutter contre les activités des prêteurs sur salaire. La compétence en matière de prêts sur salaire est une compétence que partagent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Cela signifie que ce secteur est encore essentiellement non réglementé. Le cas du Québec est à part, car il semble que les prêts sur salaire ne soient pas permis au Québec. Les autres provinces et territoires n'ont pu réglementer les taux d'intérêt sur ces prêts puisque toute tentative de le faire pourrait déroger à l'article 347 du Code criminel et, par conséquent, pourrait être déclarée ultra vires dans les tribunaux des provinces ou territoires en question. Néanmoins, la Constitution confère aux provinces et territoires la compétence en matière de protection des consommateurs par le biais de leur pouvoir au chapitre des droits civils et de propriété. La compétence fédérale s'exerce en droit criminel dont relève l'article 347 du Code criminel.
Si le secteur des prêts sur salaire n'est pas réglementé, son avenir risque d'être déterminé par un certain nombre de recours collectifs dont sont actuellement saisis les tribunaux pénaux. Ces poursuites sont complexes et délicates et je n'en dirai pas plus long à ce sujet.
Aux termes du nouveau paragraphe 347.1(2) du projet de loi C-26, toute personne qui consent un prêt sur salaire ne pourrait faire l'objet de poursuite au criminel si le prêt est d'au plus 1500 $ et que la durée de la convention est d'au plus 62 jours. La personne doit être titulaire d'une licence provinciale lui permettant de conclure cette convention et la province doit avoir été désignée par le gouverneur en conseil, le cabinet fédéral, en vertu du nouveau paragraphe 347.1(3) du Code criminel. Ce paragraphe prévoit que les nouvelles dispositions s'appliqueraient dans les provinces désignées par le gouverneur en conseil — le Cabinet — à la demande de la province ou du territoire. La désignation aurait lieu à condition que la province ait adopté des mesures législatives qui protègent les bénéficiaires de prêts sur salaire et qui fixent un plafond au coût total des prêts. Le nouveau paragraphe 347.1(4) permettrait au gouverneur en conseil de révoquer par décret la désignation à la demande de la province ou lorsque les mesures législatives pertinentes ne sont plus en vigueur.
Voilà donc un résumé de la situation. Je suis ravi d'accueillir nos premiers témoins, Rob Moore, William Bartlett et Matthew Taylor, de Justice Canada.
Nous entendrons aussi Colin Carrie, Michael Jenkin et David Clarke d'Industrie Canada. Messieurs, vous avez la parole.
Colin Carrie, député, secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Industrie Canada : Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-26 et du prêt sur salaire. Comme vous le savez probablement, le projet de loi est basé sur de vastes discussions fédérales, provinciales et territoriales sur la question des prêts sur salaire. Le gouvernement du Canada a mené ces discussions, par le biais des efforts d'Industrie Canada et du Comité des mesures en matière de consommation. Dans mes remarques, j'aimerais vous donner un aperçu de l'enjeu au centre de nos discussions d'aujourd'hui — les prêts sur salaire — et quelques-unes des préoccupations soulevées par l'industrie qui les offre. Par la suite, j'aimerais vous fournir un peu du contexte à propos de nos délibérations fédérales, provinciales et territoriales à ce sujet. Un prêt sur salaire est un prêt à très court terme d'une somme relativement petite. Quelqu'un emprunte ordinairement 300 $ pour dix jours à deux semaines. Le prêt est remboursable sur la prochaine paie de l'emprunteur. Les prêts sont souvent consentis en espèces, bien qu'un certain nombre de prêteurs fournissent l'argent sur une carte de débit qui peut être utilisée dans les réseaux habituels de guichet automatique bancaire. L'industrie, qui est née aux États-Unis, a fait ses débuts dans l'Ouest canadien au milieu des années 1990 et s'est déplacée rapidement vers l'Est. Elle constitue maintenant une forte présence dans de nombreuses zones urbaines, compte tenu de ses 1 350 comptoirs et de ses prêts annuels estimatifs de 1,7 milliard de dollars.
Un certain nombre de préoccupations ont été soulevées concernant cette industrie. Le coût très élevé des emprunts constitue entre autres une des préoccupations. Permettez-moi de m'attarder à cette question. Un emprunteur qui contracte un prêt de 300 $ devra peut-être payer des frais allant de 40 $ à 75 $ et même plus, selon le prêteur. Divers prêteurs diviseront le coût d'un seul prêt en différentes catégories : une partie des frais sera peut-être explicitement appelée intérêt, une autre, frais de traitement ou frais de courtage, et même parfois frais d'assurance ou, bien sûr, ces frais seront regroupés dans une combinaison quelconque de ces catégories. Et, évidemment, si le montant du prêt est imputé à une carte de débit, comme je viens de vous le décrire, d'autres frais encore pourraient s'ajouter au coût total du prêt pour le simple fait d'accéder à l'argent. Bref, les coûts élevés liés à ces prêts constituent un point de mire important des critiques de l'industrie. Au bout du compte, le coût de l'emprunt de ces 300 $ pour une semaine ou dix jours peut très bien représenter plus du quart du montant du prêt.
D'autres craintes soulevées par les observateurs de l'industrie ont trait à la communication inadéquate des clauses contractuelles et à l'accumulation de frais qui peut résulter de l'obligation pour un consommateur de renouveler un prêt sur salaire. En fait, c'est la protection des consommateurs qui a fait l'objet des discussions fédérales, provinciales et territoriales et qui nous a menés là où nous sommes aujourd'hui.
La question du marché du crédit parallèle, dont font partie les prêteurs sur salaire, a été soulevée pour la première fois par la Colombie-Britannique dans des discussions entre les fonctionnaires FPT responsables de la protection des consommateurs. C'est là, en Colombie-Britannique, que la présence et l'essor des prêteurs sur salaire ont été observés pour la première fois au Canada. Le CMC — Comité des mesures en matière de consommation, composé de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux — a entrepris la tâche d'étudier l'industrie et ses clients. Michael Jenkin, qui m'accompagne aujourd'hui, est le coprésident fédéral de ce comité.
Plusieurs études et discussions en table ronde ont été menées au fil des ans. En 2000, des fonctionnaires d'Industrie Canada et du ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique ont commandé un rapport qui a servi de base aux discussions qui ont eu lieu par la suite sur le marché du crédit parallèle. Une table ronde sur la question a également eu lieu en 2000. Des consultations publiques ont été tenues par le CMC en 2003 et 2005. Tous ces efforts ont contribué à l'élaboration du projet de loi C-26, le projet de loi qui est devant vous aujourd'hui.
L'étude du Comité des mesures en matière de consommation sur le prêt sur salaire a permis aux fonctionnaires de tous les ordres de gouvernement d'en apprendre davantage au sujet des pratiques problématiques de l'industrie et d'examiner les diverses solutions possibles, y compris les éléments potentiels d'un cadre de protection des consommateurs. Ce travail a contribué à l'élaboration de ce projet de loi et, je tiens à ajouter, à l'élaboration des lois provinciales aussi.
Monsieur le président, le projet de loi C-26 vise à accorder aux provinces la marge de manœuvre dont elles ont besoin pour réglementer l'industrie du prêt sur salaire de la façon qui convient le mieux à leur réalité. Ce projet de loi est le résultat de longues discussions. Comme vous le savez peut-être, l'Ontario est d'avis que le gouvernement fédéral devrait entreprendre des travaux relatifs à l'élément précis consistant à réglementer le coût des emprunts dans cette industrie. Toutefois, les autres provinces ont hâte d'aller de l'avant et de réglementer elles-mêmes tous les aspects ayant donné lieu aux préoccupations au sujet de la protection des consommateurs, y compris le coût des emprunts, comme le montre l'adoption récente de dispositions législatives à cet égard en Nouvelle-Écosse et au Manitoba — dispositions législatives dont la mise en œuvre intégrale dépendra de l'adoption du présent projet de loi. Il est important de se rappeler que ces deux lois sont elles aussi un résultat significatif du travail FPT qui a été fait. Je crois pouvoir affirmer que les gouvernements de ces deux provinces, qui représentent deux extrémités du spectre politique, attendent le résultat de vos délibérations.
Par contre, le projet de loi C-26 n'oblige d'aucune manière les gouvernements à modifier leur régime actuel de protection des consommateurs. Notamment, il est parfaitement conforme à la position du Québec, faisant en sorte que les prêts à coût élevé comme les prêts sur salaire ne sont pas permis depuis plusieurs années. Le projet de loi est concis et simple, mais, et j'espère l'avoir dit clairement, il est le résultat de beaucoup d'efforts et de coopération.
Pour les détails sur le texte du projet de loi, je cède la parole à mon collègue, Rob Moore.
Rob Moore, député, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, Justice Canada : Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui pour vous entretenir du projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel). Jusqu'à présent, ce projet de loi a obtenu l'appui d'une majorité considérable de députés à la Chambre des communes, ce qui démontre, à mon avis, l'importance des mesures qui y sont proposées.
En effet, ces mesures transcendent les programmes des parties. L'adoption de ce projet de loi bénéficiera aux consommateurs canadiens. Comme nous le savons tous, les modifications proposées dans le projet de loi C-26 s'appliquent à l'industrie du prêt sur salaire et auront pour effet de protéger davantage les consommateurs en facilitant la réglementation de cette industrie par les provinces et les territoires. Je suis ravi de pouvoir examiner avec vous la teneur des modifications proposées dans ce projet de loi. Comme nous l'avons entendu, au cours de la douzaine d'années d'existence de cette industrie au Canada, une période relativement courte, elle a augmenté sans cesse. Elle prête de nos jours environ 1,7 milliard de dollars chaque année par le truchement de 1 350 établissements avec pignon sur rue. Nous les connaissons, ces établissements. Ils font affaire dans les lieux publics achalandés et des rues passantes des villes canadiennes d'un bout à l'autre du pays. Ils ouvrent leurs portes tôt et ferment tard; ils présentent des enseignes racoleuses et se présentent sous des raisons sociales accrocheuses. L'industrie du prêt sur salaire continue de croître. Ce qui est remarquable à propos de cette industrie, ce n'est pas tant qu'elle se soit développée si rapidement, c'est qu'elle se soit développée sans cadre réglementaire adapté. Le projet de loi C-26 permettra de combler ce vide juridique. Il facilitera la réglementation par les provinces et les territoires de cette industrie. Ainsi, il ajoutera une nouvelle disposition à l'article 347 qui porte sur le taux d'intérêt criminel. Cette nouvelle disposition est d'importance, car nous savons que l'application de l'article 347 nuit à la réglementation de cette industrie par les provinces et les territoires. Comme l'a indiqué mon homologue, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, il est clairement ressorti des consultations FPT entreprises il y a longtemps que l'industrie du prêt sur salaire doit être réglementée et que, pour ce faire, il convient de prévoir une exemption limitée à l'application de l'article 347. C'est d'ailleurs l'effet que les mesures proposées dans le projet de loi C-26 auront. Comme vous le savez, l'article 347 du Code criminel érige en infraction le fait de conclure une convention ou une entente pour percevoir des intérêts à un taux criminel, soit plus de 60 p. 100 par année. Il prévoit une peine maximale de cinq ans d'emprisonnement sur acte d'accusation. Cette disposition a été adoptée au début des années 1980 et a été conçue pour lutter contre les prêts usuraires qui étaient liés au crime organisé. L'adoption du projet de loi C-26 nous permettrait de modifier le Code criminel en y ajoutant une nouvelle disposition, l'article 347.1, qui soustrairait les prêteurs sur salaire aux dispositions sur le taux d'intérêt criminel. Je voudrais attirer votre attention sur la définition que prévoit la nouvelle disposition. Aux fins de l'exemption, le terme « prêt sur salaire » est ainsi défini :
[...] opération par laquelle une somme d'argent est prêtée en échange d'un chèque postdaté, d'une autorisation de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature et à l'égard de laquelle ne sont fournis aucun cautionnement ni autre sûreté sur des biens ou autorisation pour découvert de comptes; sont toutefois exclus les prêts sur gage ou sur marge, les lignes de crédit et les cartes de crédit.
Une telle définition permettra de servir les objectifs du projet de loi C-26, qui a notamment pour but de créer un cadre réglementaire judicieux applicable à l'industrie du prêt sur salaire. Toutefois, le libellé de la définition a été choisi pour faire en sorte que d'autres formes de crédit ne soient pas visées par la disposition.
Pour qu'un prêt sur salaire soit exempté de l'application de l'article 347, les conditions suivantes doivent être remplies. Premièrement, le prêt sur salaire doit être d'une valeur maximale de 1 500 $ et d'une période maximale de 62 jours. Deuxièmement, le prêteur sur salaire doit posséder un permis d'exercice ou être autorisé d'une autre manière en vertu des lois de la province à exercer cette activité. Troisièmement, la province dans laquelle le prêteur exerce ses activités a été désignée par le gouverneur en conseil. Permettez-moi de vous expliquer en quelques mots les raisons ayant motivé de telles conditions.
Tout d'abord, la condition prévoyant une entente sur un montant de 1 500 $ ou moins pour une durée maximale de 62 jours est importante, car elle donne aux provinces, à l'industrie et aux consommateurs une certaine souplesse. Une telle situation cadre avec le scénario type de prêt sur salaire qui se résume ainsi : prêt à court terme d'un petit montant.
La deuxième condition est particulièrement importante. L'obligation pour le prêteur sur salaire de posséder un permis d'exercice ou d'être autorisé d'une autre manière en vertu des lois de la province à exercer cette activité permettra le plus de protéger les consommateurs, car elle signifie nécessairement que la province s'est dotée de mesures législatives de protection du consommateur régissant les prêts sur salaire. Une telle disposition permet également de faire en sorte que les prêteurs sur salaire exemptés soient clairement identifiés, aux fins de l'application des mesures sur le taux d'intérêt criminel. Bien entendu, la nature de ces mesures législatives est laissée à la discrétion de la province ou du territoire, à presque tous les égards. Or pour qu'une exemption s'applique, il faut que la législation provinciale sur la protection du consommateur prévoie que la province dans laquelle le prêteur sur salaire exerce ses activités ait fixé un plafond au coût total des prêts, il s'agit de la seule condition. À tous les autres égards, les provinces et les territoires peuvent légiférer en cette matière de la manière qu'ils estiment appropriée et qui assure le mieux la protection des consommateurs. Cela tombe sous le sens, puisque les provinces et les territoires sont les mieux placés pour déterminer les éléments qui sont nécessaires à la protection des consommateurs chez eux.
La troisième exigence pour que l'exemption s'applique est que la province dans laquelle le prêteur exerce ses activités ait été désignée par le gouverneur en conseil. Pour obtenir une telle désignation, la province devra démontrer, par voie d'une lettre adressée au ministre de la Justice du Canada, que celle-ci a adopté des mesures législatives protégeant les bénéficiaires de prêts sur salaire et fixant un plafond au coût total des prêts, comme nous l'avons précisé précédemment. Si, sur recommandation du ministre fédéral de l'Industrie, le ministre de la Justice est d'avis que la province répond aux exigences de l'exemption, il recommandera au gouverneur en conseil d'accorder l'exemption. Fait important à souligner, la désignation peut être révoquée à tout moment par le gouvernement fédéral si une province en fait la demande ou si elle ne remplit plus les conditions nécessaires.
Les modifications proposées dans le projet de loi C-26 ne sont pas exhaustives, mais elles sont essentielles pour permettre de protéger davantage les consommateurs ayant recours à l'industrie du prêt sur salaire au Canada. Permettez-moi de signaler aussi que le projet de loi C-26 ne s'appliquera pas aux institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral telles que les banques. Les banques relèvent de la compétence fédérale en vertu de la Constitution. Les modifications proposées dans le projet de loi C-26 s'appliquent seulement à la réglementation par les provinces de l'industrie du prêt sur salaire.
En guise de conclusion, permettez-moi d'affirmer que le projet de loi C-26 propose des modifications législatives nécessaires. Presque tous s'entendent sur la nécessité de prévoir un cadre réglementaire adapté applicable à l'industrie du prêt sur salaire. C'est l'objet que vise le projet de loi C-26. Il propose une solution judicieuse et pratique qui répond aux besoins de toutes les provinces, de la société en général et, fait important, des millions de Canadiens et de Canadiennes qui ont recours aux services des prêteurs sur salaire chaque année. La population canadienne attend avec impatience l'adoption de ces mesures. Pour ma part, je me réjouis à l'idée de poursuivre notre collaboration en ce sens.
Le sénateur Angus : Je ne sais pas à qui s'adresse ma question. Comme l'a dit le président, vous savez bien que nous avons déjà beaucoup discuté des prêts sur salaire. Ce secteur s'est développé, et pour autant que nous sachions, il s'est développé parce que les banques se sont soit retirées de cette activité ou elles l'ont trouvée trop coûteuse au sein de leur structure. Ces pauvres banques ne peuvent pas se permettre de traiter de ce genre de prêts. En d'autres termes, un vide s'est créé pour ce type de petits prêts, ce qui a permis à des établissements autres que les principales institutions financières habituelles de les consentir.
Lorsque nous avons mené une étude il y a un peu plus d'un an sur l'industrie des services financiers du point de vue des consommateurs, nous avons entendu suffisamment de témoignages au sujet de cette industrie pour faire naître chez nous de sérieuses inquiétudes : non seulement concernant les aspects potentiellement usuraires des taux d'intérêt ou des commissions demandés, mais également concernant les possibles abus par les personnes travaillant dans cette industrie. Cette question est liée au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme, domaines visés par une loi particulière au Canada, et de ce fait c'est un sujet que nous connaissons bien.
D'une certaine façon, nous sommes satisfaits de la présentation de ce projet de loi, mais certaines préoccupations demeurent. Si nous comprenons le projet de loi correctement, le gouvernement fédéral semble également se retirer de ce domaine et demande aux provinces et aux territoires de s'en charger. Le gouvernement semble dire : « Très bien, nous avons le droit de réglementer dans ce champ de compétence, mais il est possible que ce soit un champ de compétence partagé, et de ce fait nous proposons qu'il soit réglementé par les provinces. Malgré tout, nous souhaitons conserver un certain pouvoir de surveillance. » C'est sur ce point-là que va porter ma première question.
Admettons que ce projet de loi ne soit pas adopté, ou tout simplement qu'il n'ait jamais existé. Quelle serait la réglementation aujourd'hui? Les provinces auraient-elles le droit de créer un régime de réglementation ou non?
M. Moore : Certaines provinces, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse, ont déjà mis sur pied un régime. D'autres provinces ont fait savoir qu'elles ne souhaitaient pas créer de régime avant que le problème de l'article 347 soit réglé. L'article 347 n'a pas été rédigé avec l'intention qu'il s'applique aux interactions avec les consommateurs dans le cadre de ce qui est devenu un véritable phénomène au cours des 12 dernières années, à savoir l'industrie des prêts sur salaire et son incroyable essor. L'article 347 visé a lutté contre les prêts usuraires.
Nous avons le sentiment qu'avec la création de cette exemption, toutes les provinces pourront agir. Les balises seront le plafond de 1 500 $ et la durée maximum de 62 jours. Elles permettront d'encadrer ce qui se fera. Tout ce qui n'entrera pas dans le cadre de ces balises ne sera pas couvert par l'exemption à l'article 347.
Certaines provinces traitent de ce problème différemment, comme c'est le cas au Québec où les prêts sur salaire ont été interdits.
M. Carrie : Les prêts sur salaire sont devenus une réalité partout au pays, les gens demandent ces services et ils y ont recours de façon telle que les prêts s'élèvent à 1,7 milliard de dollars par an, ce qui est considérable. Les prêteurs sur salaire, les entreprises qui proposent ce service, souhaitent être réglementés, donc tous les intervenants appellent à une réglementation. L'industrie attend un signal fort de la part du gouvernement fédéral pour aller de l'avant.
Comme l'a indiqué mon collègue, la Nouvelle-Écosse et le Manitoba ont déjà des lois en place. Ces provinces sont prêtes à agir. La Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan ont publiquement fait savoir qu'elles étaient en faveur d'une réglementation. Le Québec souhaite exercer son droit de retrait. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle- Écosse appuient cette démarche, et l'Île-du-Prince-Édouard, qui a un secteur de prêts sur salaire limité, va observer ce que font les autres provinces.
Le sénateur Angus : Pour mettre les choses au clair, je me suis peut-être mal exprimé lorsque j'ai parlé de « champ de compétence partagé ». Si je ne me trompe, le Code criminel relève exclusivement du gouvernement fédéral, et par conséquent les provinces ne pourront pas réglementer dans ce domaine tant qu'il n'y aura pas d'exemption s'appliquant au taux de 60 p. 100, ou quel que soit le taux inscrit dans le Code criminel. Est-ce exact?
M. Moore : De toute évidence, les provinces ne souhaitent pas que ce secteur relève du Code criminel puisqu'il n'y a eu aucune poursuite à l'encontre de ce que nous considérons être des prêteurs sur salaire. Pourtant, en vertu de l'article 347, qui a été conçu pour lutter contre les prêts usuraires au sens traditionnel du terme, techniquement, si une entreprise de prêts sur salaire demande un taux d'intérêt supérieur à 60 p. 100 par an, elle enfreint la loi.
Le président : Monsieur Moore, je veux m'assurer que les choses soient claires. Nous avons tenu une audience approfondie à ce sujet, et nous avons été choqués de découvrir qu'il y avait des lacunes en matière de protection des consommateurs dans le cas des prêts sur salaire. Nous avons joué un rôle central dans l'adoption de cette loi pénale, car nous voulions faire pression sur les provinces pour qu'elles assument leurs responsabilités relatives à la protection des consommateurs. Je veux dire publiquement ici que ce comité a été un chef de file dans ce domaine, car après avoir entendu les témoignages, nous avions des inquiétudes.
Cela dit, nous ne sommes pas ici pour critiquer les entreprises de prêts sur salaire. Elles proposent un service, et certaines d'entre elles souhaitent qu'il y ait une réglementation. La province du Québec refuse tout simplement ce type d'activités.
Le recours au Code criminel était une mesure radicale, mais nous souhaitions que les provinces prennent les devants en protégeant les consommateurs. Si certains sénateurs ne sont pas d'accord avec cette analyse, j'espère qu'ils le feront savoir, mais je pensais qu'il était important d'expliquer au public notre démarche.
Le sénateur Meighen : Je voudrais également certaines précisions. Peut-être que mes collègues ont bien compris, mais pas moi. Lorsque le témoin a mentionné l'appui de plusieurs provinces, parlait-il d'un appui à ce projet de loi ou d'un appui à des mesures législatives en général?
Michael Jenkin, directeur général, Bureau de la consommation, Industrie Canada : Nous avons mentionné les provinces qui ont fait savoir qu'elles appuyaient ce projet de loi en principe tel qu'il existe actuellement ainsi que la formule qui a été élaborée à la suite des discussions fédérales-provinciales-territoriales, selon laquelle le gouvernement fédéral permettrait aux provinces de réglementer le coût des emprunts et de réglementer les entreprises dans ce domaine comme toute autre entreprise.
Il est ressorti de ces discussions que les provinces ne souhaitaient pas réglementer un domaine dont les activités étaient, de fait, couvertes par le Code criminel. Elles ont demandé à ce que la sanction pénale soit levée pour qu'elles puissent mettre sur pied un système réglementaire et un système de fixation des taux qui relève du code civil. En résumé, les provinces nous ont fait savoir que si on voulait réglementer les prêts sur salaire au niveau provincial, il faudrait une exemption au Code criminel, car, sans cela, nombre d'entre elles avaient le sentiment qu'elles ne pourraient pas prendre de mesures. En effet, les provinces nous ont expliqué que, sans cela, elles réglementeraient une activité criminelle, ce qui serait inacceptable.
C'est pour cela que nous avons conçu ce processus de désignation. Cela permet d'avoir un régime dans les provinces qui ne souhaitent pas réglementer ce domaine et préfèrent avoir recours au Code criminel et peut-être engager des poursuites, et dans ce cas-là, c'est possible. Pour les provinces qui souhaitent mettre sur pied un régime réglementaire, cela sera également possible. Les provinces telles que le Québec qui ont déjà interdit les prêts à coûts élevés n'auront pas besoin de changer quoi que ce soit. En fait, cela nous permet d'accommoder pratiquement toutes les approches privilégiées par les différentes provinces, qu'il s'agisse de réglementer ou non, selon les cas, ou qu'il s'agisse de maintenir un système d'octroi de licences interdisant ce type de prêts.
Le sénateur Angus : Lorsque le sénateur Grafstein a dit que nous avions adopté un projet de loi ici pour envoyer un signal aux provinces, il n'a pas voulu dire qu'il avait été véritablement adopté. C'était un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été adopté par ce comité et renvoyé à la Chambre des communes, mais il est mort au Feuilleton à la Chambre des communes. Le sénateur Plamondon, désormais à la retraite, a parrainé ce projet de loi, et elle comparaîtra de nouveau devant le comité en tant que témoin. Il me semble que les fonctionnaires du ministère de la Justice et M. Jenkin connaissent ce projet de loi. D'ailleurs, il ne vous satisfaisait pas. Serait-il exact de dire que, d'après vous, le projet de loi C-26 traite des mêmes problèmes que le projet de loi S-19 et permettrait d'arriver aux mêmes résultats que ceux souhaités par le sénateur Plamondon? Le ministre de la Justice à l'époque — je crois que c'était le ministre Toews, mais peut-être qu'il n'était que porte-parole — nous a fait savoir qu'il trouvait que c'était une bonne idée, que l'intention était bonne, mais que le ministère avait quelque chose de mieux à proposer. N'est-ce pas exact que le projet de loi C-26 vise les mêmes résultats que le projet de loi S-19, et qu'il en fasse même plus?
M. Carrie : L'intention est en effet la même, mais ce projet de loi se concentre sur les prêts sur salaire tandis que le projet de loi S-19 aurait eu une incidence sur de nombreuses banques de crédit à la consommation à cause de leurs activités de financement provisoire et de prêts à la consommation — des entreprises telles Leon's et The Brick, qui proposent une carte de crédit et détiennent des sociétés de fiducie. Nous voulions un projet de loi qui vise uniquement les prêts sur salaire.
D'importantes discussions se sont tenues avec les provinces pendant cinq ou six ans afin de pouvoir élaborer ce projet de loi qui traite de cette question en particulier, et de le faire d'une façon qui, comme l'a dit M. Jenkin, soit acceptable pour tous partout au pays.
Le président : Je suppose que les provinces se sont montrées plus conciliantes après avoir compris qu'il existait désormais un outil radical. Je ne dis pas que les provinces traînaient des pieds, mais seules quelques provinces ont pris des mesures tandis que les autres ne semblaient pas prêtes à agir dans ce domaine. Nous en sommes où nous en sommes, mais je veux m'assurer que tout le monde comprend bien que nous essayons de régler un problème concernant un service demandé par les consommateurs. Cela étant dit, nous voulons garantir la protection des consommateurs dans ce secteur. Je suppose que ce projet de loi vise cela au niveau provincial.
M. Carrie : Tout à fait.
Le sénateur Angus : De nombreux sénateurs se sont bien renseignés sur la question. Je sais que le parrain du projet de loi, le sénateur Eyton, a beaucoup de questions à poser.
Monsieur Moore, il me semble que vous avez indiqué que la valeur de ce secteur s'établissait à plus d'un milliard de dollars. Nous avons des documents ici qui indiquent qu'elle serait plutôt de l'ordre de 5 milliards de dollars. Contestez- vous cela? Ou tous les témoins s'accordent-ils à dire que ce problème dépasse de loin le montant de 1,7 milliard de dollars?
M. Jenkin : Sénateur, nous ne possédons pas de renseignements statistiques définitifs sur ce secteur. Il n'est pas encore réglementé, donc, bien entendu, il n'y a pas de collecte centrale des renseignements. La plupart des données disponibles se fondent sur les estimations fournies par l'industrie elle-même ou des estimations faites au pifomètre. Il est difficile de dire si le chiffre est de 1,7 milliard, 2 milliards de dollars ou encore 3 milliards de dollars. Nos estimations proviennent principalement de l'Association canadienne des prêteurs sur salaire.
Le sénateur Angus : Cette association ne représente que 40 p. 100 des entreprises.
M. Jenkin : Oui. Il me semble qu'ils ont mené une enquête sur toutes les entreprises connues du secteur. Dans certaines de leurs enquêtes initiales, ils ont réussi — mais il faudrait que vous en parliez avec l'association — à contacter une part importante de l'industrie. Le principal problème, c'est que c'est une industrie parallèle, et comme il n'y a pas de recommandation ou de statistiques officielles, on ne sait pas vraiment ce qui se passe. On n'est même pas vraiment capable de délimiter ce secteur.
Le sénateur Angus : Je viens du Québec, et beaucoup de gens sont venus me voir dans mon bureau pour parler de ce projet de loi, et on me pose toujours la même question : Comment cela se fait-il que ce soit interdit au Québec, monsieur le sénateur? Pourquoi? Si c'est un secteur légitime, pourquoi le Québec l'interdit-il?
Pour l'instant, tout ce que j'ai réussi à savoir, c'est qu'au Québec, on peut avoir recours aux prêteurs sur gage. Je ne sais pas dans quelle mesure cela se substitue aux prêteurs sur salaire, mais vous pouvez peut-être nous donner plus de renseignements à ce sujet. Peut-être que M. Bartlett du ministère de la Justice connaît la loi au Québec. Où l'industrie est-elle interdite?
William (Bill) Bartlett, avocat-conseil, ministère de la Justice Canada : Je ne connais pas le nom exact, mais il y a une loi sur les opérations de prêt exorbitantes au Québec qui plafonne le taux à 35 p. 100. Le plafond à 60 p. 100 ne permet pas vraiment des prêts sur salaire; lorsque le taux est ramené à 35 p. 100, les prêts sur salaire deviennent tout à fait impossibles. La province applique ce plafond.
Mes collègues d'Industrie Canada seront probablement mieux à même de vous donner plus de renseignements sur la façon dont le consommateur a accès à ce type de services. Le Québec a un secteur financier secondaire bien plus vaste grâce aux coopératives et aux petites banques. Je pense que c'est une possibilité qui se présente aux consommateurs, mais la loi provinciale fixe le taux maximum à 35 p. 100 et la province le fait appliquer.
M. Carrie : La réalité, c'est qu'il y a des gens qui demandent ce type de services, et c'est toujours le cas. Le sénateur Grafstein nous a bien présenté le problème des prêts à taux usuraire. On abusait des gens. Grâce à ce projet de loi, on espère mettre en place des règlements pour que les gens sachent à quoi s'attendre lorsqu'ils s'engagent dans ce type d'opérations. C'est un prêt à coût élevé, mais il y a des gens qui apprécient ce genre de services.
Le sénateur Angus : Vous n'avez pas tout à fait répondu à la question sur le Québec. D'ailleurs, on me dit qu'il y a beaucoup de magasins de prêteurs sur salaire de l'autre côté de la rivière à Hull et à Gatineau. Je me trompe peut-être. C'est ce qu'on est venu me dire dans mon bureau depuis hier.
M. Jenkin : Nous n'avons pas d'information à ce sujet. La loi du Québec est claire. Les opérations de prêts sur salaire ne sont pas autorisées. Les prix demandés dépassent la limite donc on ne leur octroie pas de permis de prêteur d'argent.
Pour ce qui est des solutions de remplacement, il est vrai que l'industrie des prêts sur gage est importante au Québec, mais nous n'avons aucune donnée disponible pour les opérations autres que les opérations de prêts sur salaire. Franchement, je ne pense pas qu'il y ait d'information sur ce secteur.
Le président : Il suffirait de se rendre au centre-ville de Montréal et on obtiendrait des informations en l'espace de quinze minutes. Ce ne serait pas difficile à obtenir.
Le sénateur Angus : Avant que la rue Craig ne soit renommée la rue St-Antoine, on l'appelait l'avenue des prêteurs sur gage. Est-ce qu'il nous reste du temps, Jerry?
Qu'est-ce qu'un taux d'intérêt, qu'est-ce que des frais de service et qu'est-ce que des droits? Pour ce qui est de la réglementation, on trouve dans la littérature un concept appelé plafonnement. Lorsqu'une province, qu'il s'agisse de la Colombie-Britannique ou du Manitoba, décide de mettre sur pied un régime réglementaire, devrait-il y avoir un plafond?
Vous avez certainement pris connaissance de l'étude menée par l'une des chaînes de télévision, CTV je crois, dans le cadre de laquelle un groupe échantillon contractait trois emprunts différents pour une durée de huit jours. Le coût était d'environ 24 $ dans l'un des cas, un peu plus élevé dans un autre, et il était de 60 $ dans le troisième cas.
S'il faut imposer un plafond, quel taux serait raisonnable?
M. Moore : Les provinces fixeraient un plafond total dans le cadre des paramètres énoncés dans l'exemption.
Monsieur Taylor, voulez-vous donner plus de détails au sujet des intérêts et des frais?
Matthew Taylor, avocat, Justice Canada : En gros, le projet de loi tel que proposé laisse le soin aux provinces de préciser cela, et c'est dû au fait que chaque province et territoire a ses propres lois en matière de protection des consommateurs. Ce projet de loi ne propose aucun plafond. C'est aux provinces d'en décider. Elles sont les mieux placées pour le faire.
Le sénateur Angus : Ces renseignements m'ont été communiqués par la personne qui m'a dit que le secteur prospérait au Québec. Peut-être qu'il déclare un taux d'intérêt de 10 p. 100 ou de 34,5 p. 100, et que le reste des coûts apparaît sous une rubrique intitulée « autres ». Tenez : centre d'encaissement de chèques Money Mart, 414, boul. St-Joseph, Gatineau.
Le président : Je constate que le temps passe. Nos collègues de l'autre endroit ont un vote à 17 h 30, ce qui veut dire qu'ils doivent nous quitter vers 17 h 25 pour se rendre de l'autre côté de la rue. Nous entendrons plus tard les témoins qui étaient prévus à 17 heures. Nous allons conclure nos travaux aujourd'hui à 18 heures, mais nous nous réunirons demain matin pour nous assurer que les témoins aient le temps de partager leur point de vue avec nous. Je crois que nous n'avons pas donné assez de temps à nos témoins. C'est une situation compliquée. Comme vous pouvez le constater, tous les sénateurs s'intéressent de près au moindre détail.
Le sénateur Banks : Monsieur le président, la dernière fois que j'ai eu le plaisir de voir comparaître William Bartlett devant un comité, j'ai pu constater dans la jurisprudence, il y a huit mois, que son témoignage devant ce comité avait été cité par la Cour suprême de Colombie-Britannique. La cour a cité tout son témoignage sur l'interprétation par le ministère de la Justice d'un terme particulier lié à la criminalité organisée et à l'application de la loi. Peut-être pourra-t- il répondre aux deux questions techniques que j'ai à lui poser, et peut-être que son témoignage sera cité dans le cadre de la première décision rendue en vertu de ce projet de loi.
Je crois que je vais poser mes questions tout d'abord et laisser aux témoins le temps de répondre parce que je sais que de nombreux sénateurs veulent poser des questions.
Tout d'abord, il existe une jurisprudence abondante au sujet de ce projet de loi. Cette jurisprudence concerne le droit civil et les recours collectifs. Certains de ces cas sont très récents; il y a environ un mois, il y a eu Smith c. National Money Mart Company Co., qui demandait une attestation aux fins d'un recours collectif. Il y a moins d'un an, Kelroy c. A OK Payday Loans Inc. a donné un assez bon aperçu des lois de chaque province.
La jurisprudence est abondante et, en se penchant sur la question civile, elle se penche également sur la question pénale. Il faut résoudre la question pénale qui consiste à savoir si ces entreprises ont enfreint le Code criminel. Dans chacun des cas que j'ai examinés avant de me présenter ici, la réponse est oui. Le jugement a été rendu et, dans certains cas, des dommages et intérêts spéciaux ont été attribués; non seulement le remboursement des intérêts qui dépassait la limite permise, mais aussi des dommages et intérêts spéciaux. Voilà ce que je voulais dire pour commencer.
Au chapitre des prêts sur salaire, un témoin a dit que les institutions financières ne sont pas couvertes. Elles sont couvertes en vertu du paragraphe 347.1(2) : « institution financière au sens des alinéas a) à d) de la définition de « institution financière » à l'article 2 de la Loi sur les banques [...] » Toutefois, la Loi sur les banques ne comprend pas seulement les alinéas a) à d), mais plutôt les alinéas a) à h).
J'aimerais que, dans l'une des réponses, vous parliez de ce que seraient les effets de l'exclusion d'une banque étrangère d'une loi sur les banques ou d'une loi sur les compagnies de fiducie et de prêt, mais nous n'excluons pas les sociétés de fiducie, de prêt ou d'assurance, les établissements de crédit ou les institutions étrangères en vertu de la définition figurant à l'article 2 de la Loi sur les banques.
Voici ma deuxième question. Le projet de loi définit un prêt sur salaire comme étant une « opération par laquelle une somme d'argent est prêtée en échange d'un chèque postdaté, d'une autorisation de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature [...] ».
La phrase se poursuit en énumérant sept exemples des garanties pour le prêt. En examinant la Loi sur les banques, ainsi que ce qui est exclu ou inclus, on voit qu'il s'agit presque d'une loi inclusive, et que nous ne pouvons agir que comme il est prescrit dans la loi. L'autorité est précisée dans la loi. Le projet de loi exclut cinq ou six ans pendant lesquels un cautionnement pour un prêt sur salaire ne serait pas permis. Êtes-vous certain que le projet de loi couvre tout ce qui est nécessaire? Par exemple, le projet de loi couvre-t-il un permis de pêche? C'est une question intéressante.
Ne devrait-on pas plutôt lire qu'un « prêt sur salaire signifie une opération par laquelle une somme d'argent est prêtée en échange d'un chèque postdaté, d'une autorisation de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature », point?
Ma troisième question est la suivante : lorsque j'examine la jurisprudence, je la trouve absolument fascinante. Partout au Canada et dans chaque province, de nombreux recours collectifs ont été réglés en faveur des demandeurs.
Je suis d'accord pour dire que vous avez raison — certains cas n'ont pas été tranchés en faveur des demandeurs — mais cela a été le cas pour les cas récents, et ce, parce que c'est maintenant l'interprétation de la Cour suprême du Canada du mot « intérêt » qui est utilisée et que celle-ci comprend toutes les autres formes de paiement en plus du principe réel.
Dans tous les cas formant la jurisprudence, le taux d'intérêt demandé n'était que de 20 ou 21 p. 100. Il y avait des frais de retard de 19 p. 100; il y avait également d'autres frais ajoutés à cela. Dans tous les recours collectifs que j'ai devant moi, soit un grand nombre, les tribunaux ont indiqué que ces frais constituent des intérêts, tels que définis par la Cour suprême du Canada dans Garland c. Consumers' Gas Co., et que cette définition doit s'appliquer à ces entreprises; celles-ci devront par ailleurs rembourser l'argent à tous ces gens, présumément, lorsque tout cela sera terminé.
Quels seront les grands changements apportés par la nouvelle loi? Tous ces frais supplémentaires seront-ils couverts par la loi provinciale afin de les énoncer clairement? S'ils ne sont pas couverts, allons-nous conserver la norme civile que nous avons à l'heure actuelle dans la jurisprudence quant à ce qui se passe dans les provinces après qu'une décision est rendue?
M. Bartlett : Le seul problème que j'ai avec ce que vous dites au sujet de la réussite des demandeurs, c'est que dans la plupart des cas, je crois, les dossiers sont encore à l'étude devant les tribunaux. Ceux qui ont fait l'objet d'une décision — et en particulier le cas de la Colombie-Britannique, qui a fait l'objet d'une décision par le tribunal — étaient en faveur des demandeurs, grâce à une interprétation de la Cour suprême et à la définition de « intérêt » se trouvant à l'article 347, qui est assez générale.
On y trouve ce qui suit : « intérêt » signifie « l'ensemble des frais de tout genre ». Il s'agit d'une définition très large — « exclut un remboursement de capital prêté, les frais d'assurance, les taxes officielles, les frais pour découvert de compte » — certains frais sont donc précisément exclus de cette large définition. Toutefois, cela commence par une définition large; je n'ai aucun problème avec la décision de ce tribunal ou de tout autre tribunal qui a appliqué la définition de « intérêt » se trouvant à l'article 347. Je suis d'accord pour dire qu'il semble avoir bien appliqué la définition, et donc l'article 347, compte tenu des faits dont les tribunaux étaient saisis portant sur le type d'accusation portée dans le cadre de recours collectifs portant sur les prêts sur salaire.
Il y a aussi la question de la définition de « institution financière » se trouvant à l'article 2 de la Loi sur les banques — je vous présente mes excuses, mais je n'ai pas cette définition avec moi.
Le sénateur Baker : Pouvez-vous faire passer ceci au témoin?
M. Bartlett : Je ne connais pas cette définition de la Loi sur les banques en profondeur.
Le président : Monsieur Bartlett, je ne veux pas interrompre vos réflexions, mais cette question était hautement technique et claire. Si vous nous donnez des réponses sans avoir la réponse complète, n'hésitez pas à nous répondre par écrit. Je crois que le sénateur Baker ainsi que nous tous voulons régler certains de ces problèmes et, donc, il est quelque peu injuste de notre part de ne pas vous avoir avisé de cette question complexe. Dites-nous ce que vous pouvez, et si vous ne pouvez pas nous donner une réponse détaillée, nous vous demandons de nous envoyer une réponse écrite.
M. Bartlett : Brièvement, je peux vous dire que les alinéas a) à d) de l'article 2 de la Loi sur les banques incluent tous les organes assujettis à toutes les mesures réglementaires de la Loi sur les banques, tandis que les alinéas e) à h), qui comprennent les institutions étrangères, de même que les sociétés de fiducie, de prêts et d'assurances constituées en vertu des lois d'une province ne sont assujettis qu'à certaines dispositions de la Loi sur les banques et ne font pas partie des institutions qui sont assujetties à toute la réglementation. Ces institutions sont les banques ou d'autres institutions financières qui sont régies de la même façon que les banques. Les activités de ces institutions qui sont assujetties à toute la gamme de règlements, comme le mentionnent les alinéas a) à d), selon les conseils du ministère des Finances, sont réglementées de façon très complexe. Par conséquent, elles ne sont pas invitées à prendre part à cette industrie de prêts sur salaire exemptés. Celles qui sont exclues sont des organes assujettis à certaines dispositions de la Loi sur les banques, comme les institutions étrangères. Pour des raisons évidentes, elles ne sont pas soumises à toute la gamme de règles énumérées dans la Loi sur les banques, qui s'appliquent à ce que l'on appellerait normalement une banque ou une autre institution financière.
La définition de « prêts sur salaire » est fondée sur de nombreux conseils des provinces qui ont examiné cette question pendant des années, pour voir la façon dont l'industrie des prêts sur salaire fonctionne réellement. Les éléments qui sont exclus — cautionnement, sûreté, autorisation pour découvert de compte, ligne de crédit, et cetera — sont des produits qui sont habituellement offerts par les institutions financières, les compagnies d'assurances et ainsi de suite. Les entreprises de prêts sur salaire ne font pas des affaires de cette façon. Elles demandent plutôt, en échange de l'argent qu'elles prêtent, des chèques postdatés, des autorisations de prélèvement automatique ou de paiement futur de même nature. Cette disposition a été conçue de façon à décrire ce qu'elles font et à exclure ces produits qu'elles n'offrent pas à l'heure actuelle dans le cadre de leurs activités de prêts, afin de veiller à ce que nous ayons couvert l'industrie telle que nous la connaissons, sans ouvrir la porte à de nombreuses nouvelles exemptions du Code criminel.
Votre troisième question portait sur la façon dont nous allons veiller à ce que les provinces aient une réglementation équivalente. Selon le projet de loi, les lois provinciales, en plus des autres mesures, prévoient les limites du coût total des prêts. Encore une fois, lors de nos consultations, il a semblé clair que le terme « coût total des prêts » engloberait tous les frais qui sont présentement inclus dans la définition de « intérêt » figurant à l'article 347 du Code criminel et, peut-être, d'autres types de frais pouvant être liés à une situation de prêts sur salaire sans être précisément couverts ici. Bien que cette définition soit large, je ne sais pas exactement ce que pourrait être ces effets. Plutôt que de diminuer la marge de manoeuvre avec le même type de définition, nous utilisons un terme qui devrait être assez général pour que les provinces puissent s'assurer que les limites qu'elles établissent englobent tous les frais applicables, selon la signification de l'expression « coût total des prêts ». Ces mots seront interprétés de façon suffisamment claire pour veiller à ce que tous les frais qui devraient être inclus seront inclus.
Le sénateur Baker : Monsieur le président, lorsque quelqu'un rédige une phrase et veut exclure certains éléments, il faut être prudent. Insérer le mot « seulement » dans la première partie d'une phrase la restreindrait beaucoup. Voilà une simple suggestion.
Le sénateur Eyton : Lorsque je suis arrivé, vous parliez du soutien en principe. J'ai entendu une partie de la discussion entre le sénateur Angus et les témoins. Si je comprends bien, l'appui fait référence à l'appui général des provinces et territoires quant à la justification, l'objectif général du projet de loi et l'exception qui devait être apportée au Code criminel. Quelles ont été les réactions des provinces et territoires à l'égard du libellé du projet de loi C-26 tel qu'il a été adopté par la Chambre des communes?
M. Bartlett : Je peux vous en parler brièvement, sénateur, et céder la parole à mes collègues d'Industrie Canada. Nous avons discuté avec les provinces et territoires au sujet de la formulation du projet de loi. Certaines questions ont été clarifiées et réglées lors de ces consultations et, à la fin du processus, on peut dire en toute équité que les provinces et territoires étaient raisonnablement satisfaits, peut-être pas dans chaque cas, mais en général, de la formulation finale qui a été réalisée pour apaiser les inquiétudes qui avaient été soulevées. Les inquiétudes ne portaient pas sur le concept, mais plutôt sur la formulation du projet de loi. Je crois que le Manitoba a démontré son appui au projet de loi depuis sa présentation. Nous avons rencontré certains intéressés qui avaient soulevé des inquiétudes quant aux ébauches précédentes. La formulation finale règle un grand nombre de leurs inquiétudes, ce qui fait qu'ils sont satisfaits, puisque la plupart de leurs inquiétudes ont été calmées.
Le sénateur Eyton : Le projet de loi C-26, dans sa forme actuelle, a-t-il l'appui des provinces et territoires que vous avez consultés?
M. Bartlett : Oui, la plupart l'appuient.
Le sénateur Eyton : Y avait-il des différences significatives?
M. Jenkin : L'Ontario a la même position depuis longtemps. La province a indiqué clairement qu'elle préférerait que le gouvernement fédéral réglemente le coût des prêts. Selon ce que nous savons, il s'agit toujours de sa position. Il se peut qu'elle la réévalue si le projet de loi C-26 est adopté. Elle préférerait alors que le gouvernement fédéral entreprenne d'établir les limites du coût des prêts. La plupart des autres provinces ont indiqué leur appui ou ont été neutres, à l'exception du Québec, bien sûr. Comme vous le savez, deux provinces ont déjà présenté et adopté des lois en prévision de l'adoption du projet de loi C-26. Nous attendons d'autres réactions précises, mais voilà où les choses en sont.
Le sénateur Eyton : Avez-vous entendu les réactions de l'industrie des prêts sur salaire? Si oui, quelles ont été leurs observations?
M. Bartlett : Nous avons entendu leurs protestations, qui portaient davantage sur la façon dont le processus parlementaire se déroulait. L'industrie a exprimé ses inquiétudes sur la façon dont le processus de désignation pourrait fonctionner. Justice Canada n'a reçu aucune protestation officielle de l'industrie au sujet de la formulation du projet de loi, dans son libellé actuel. Je ne sais pas si l'industrie a reçu ce type de protestations précises. Nos communications portent davantage sur la façon dont le processus se déroulait et sur la façon dont il pourrait fonctionner en pratique, au bout du compte.
M. Carrie : Monsieur le sénateur, des consultations fédérales-provinciales-territoriales ont été tenues entre décembre 2004 et janvier 2005. Je pourrais vous faire parvenir une liste des gens que nous avons consultés. Elle occupe une page entière.
Le sénateur Eyton : Puis-je en conclure que selon vous, l'industrie des prêteurs sur salaire appuierait le projet de loi C-26 dans sa forme actuelle?
M. Carrie : Certains oui, d'autres pas. M. Jenkin pourrait vous donner des détails supplémentaires.
M. Jenkin : Je crois, sénateur, que certaines de ces personnes vous parleront directement plus tard. Si je comprends bien, l'Association canadienne des prêteurs sur salaire, qui est la seule organisation qui représente l'industrie, a déjà indiqué qu'elle appuie la réglementation prévue par cette loi. D'autres, comme vous le savez probablement, au moins une autre entreprise, ont présenté des observations au sujet de ce projet de loi. Je crois qu'une publicité a été publiée dans le Hill Times l'autre jour.
Nous n'avons pas discuté avec l'industrie depuis que ce projet de loi a été présenté au niveau ministériel.
Le sénateur Eyton : Pour ce qui est du processus de désignation, le projet de loi indique que le gouverneur en conseil peut, à la demande de toute province, désigner une province, pourvu que « celle-ci » ait adopté des mesures législatives qui protègent les bénéficiaires de « prêts sur salaire ». Le projet de loi indique également qu'il doit y avoir des mesures législatives « qui fixent un plafond au coût total des prêts » en vertu d'ententes de prêts. Je veux encore une fois mettre l'accent sur le mot « plafond ».
Les deux termes soulèvent la question portant sur la protection, et la mesure dans laquelle le niveau de protection est pris en considération lors du processus de désignation, ou encore que le plafond est pris en considération? Je parle ici du niveau fédéral.
Ma question est liée à cette observation générale. Le processus de désignation tient-il compte, ou devrait-il tenir compte, de la nature et du caractère adéquats du règlement proposé par la province? Voici une autre question : La désignation devrait-elle tenir compte du niveau de divulgation des conditions du contrat? Le processus de désignation devrait-il tenir compte de la transparence de la transaction avec l'emprunteur pour ce qui est de chacun des prêts? Enfin, le processus de désignation devrait-il tenir compte de l'uniformité des différentes juridictions? Accorde-t-on de l'importance au fait d'avoir des règlements comparables partout au pays, dans les différentes provinces et territoires?
Je reconnais qu'il est facile de formuler l'argument selon lequel nous laissons les provinces et territoires prendre ces décisions. Si nous utilisons les mots « protège les bénéficiaires » et que cela fait partie de ce dont le gouverneur en conseil doit tenir compte, ou encore un certain plafond, cela revient encore à ces autres jugements de valeur en fonction de ce qui se passe.
Ma question comporte quatre parties. Le processus tient-il compte de la nature et du caractère adéquats des règlements; tient-il compte du niveau de divulgation des dispositions contractuelles; devrait-il tenir compte de la transparence de la transaction sur le marché; et devrait-il tenir compte du besoin d'uniformité partout au pays?
M. Moore : Au chapitre de l'uniformité, on peut croire qu'il y aura un bon niveau d'uniformité quant à la législation qui sera adoptée par les provinces qui choisissent de participer au processus. Nous voyons de nombreux points communs entre ce que font le Manitoba et la Nouvelle-Écosse, par exemple. Il semble y avoir un consensus de plus en plus fort, à l'exception de l'Ontario, comme on l'a mentionné, selon lequel les provinces sont les mieux placées pour réglementer cette question. Par conséquent, à l'exception de la définition de ce qu'est un prêt sur salaire et de la limitation de l'exclusion de l'article 347 du Code criminel, qui limite cette exclusion à des montants d'argent prêtés de 1 500 $ ou moins pour une durée de 62 jours ou moins, c'est aux provinces que reviendrait la responsabilité d'établir les plafonds des coûts totaux des prêts. Les provinces sont les mieux équipées, dans le cadre de la définition de ce qu'est un prêt sur salaire — nous l'établissons à l'heure actuelle — pour mettre en place ces plafonds et ces conditions. Selon nous, il pourrait y avoir une grande uniformité pour ce qui est de l'approche adoptée par les provinces.
M. Jenkin : Je pourrais ajouter, sénateur, que les éléments auxquels vous avez fait référence auparavant portant sur la transparence et le niveau de divulgation, entre autres, relèvent habituellement des compétences provinciales, parce qu'elles couvrent la réglementation des pratiques commerciales en vertu des lois sur la protection des consommateurs. Il ne serait pas approprié pour nous, le gouvernement fédéral, de dire aux provinces quoi faire dans leurs propres domaines de compétences. Selon nous, en vertu de la division actuelle de ces compétences, les provinces sont habituellement habilitées à déterminer les normes adéquates de protection des consommateurs et la réglementation de pratique commerciale, et à établir les conditions contractuelles conformes à la loi dans le cadre des contrats des consommateurs. Cette approche est traditionnelle. Nous laissons le soin aux provinces de déterminer les pratiques adéquates dans leurs domaines de compétences.
M. Bartlett : Laissez-moi simplement ajouter, sénateur, que l'objectif ici est de veiller à ce que la province ait une « loi sur la protection des consommateurs applicable ». Nous avons envisagé d'utiliser ces mots auparavant. Toutefois, lors de nos consultations, certaines provinces ont indiqué qu'elles pourraient traiter directement avec l'industrie, par le biais de ce que l'on appelle leur loi sur la protection des consommateurs, mais par le biais d'une autre loi pour appliquer les mesures appropriées pour cette industrie. La nature de la loi peut varier d'une province à l'autre, par exemple pour ce qui est du véhicule choisi et de la forme exacte qu'elle emprunte. Le gouvernement fédéral ne cherche pas à imposer aux provinces une forme particulière qu'elles devront suivre, ou à faire des jugements de valeur au sujet du caractère adéquat du niveau de protection, pour autant que la loi en place protège dans une certaine mesure les bénéficiaires de prêts à la consommation. Toutes les lois qui ont été adoptées jusqu'à maintenant et toutes les lois dont nous avons entendu parler qui sont élaborées à l'heure actuelle par d'autres provinces vont de pair avec cet objectif. Je crois que l'on peut dire clairement que cette loi est conçue pour protéger les bénéficiaires de ces prêts, et que cela correspondrait à la simple signification de ces mots.
Le sénateur Eyton : D'une manière ou d'une autre, très bien. Merci.
Le président : Messieurs Carrie et Moore, le sénateur Goldstein a un certain nombre de questions. Vous pouvez écouter ces questions et répondre rapidement, parce que je suis conscient de l'heure qu'il est, et que je sais que vous avez un vote à 17 h 30. Peut-être pourriez-vous entendre ce que sont les questions et laissez le soin aux représentants, avec votre consentement, de terminer cette ronde de questions. D'autres sénateurs veulent également poser des questions. Nous avons demandé aux autres témoins de reporter leurs témoignages à plus tard dans la journée ou à demain.
Le sénateur Goldstein : Je veux tout d'abord vous féliciter pour la qualité de votre exposé d'aujourd'hui. Je veux vous féliciter a fortiori pour votre capacité apparente de passer à travers des champs de bataille constitutionnels possibles en élaborant des lois comme vous l'avez fait. Nous savons que les intérêts relèvent essentiellement des compétences fédérales. Nous savons que la protection des consommateurs relève essentiellement des compétences provinciales. Je vous félicite pour avoir tenté de trouver un équilibre entre les droits civils et les droits à la propriété, ce qui protège les gens, et je dois vous dire qu'au cours de la dernière année, je n'ai pas été terriblement enclin à féliciter le gouvernement pour les lois adoptées. Ce projet de loi est une exception.
Nous comprenons que les prêteurs sur salaire prolifèrent parce qu'il y a une demande. Le quantum fait l'objet de certaines discussions mais, de toute façon, c'est important et ça deviendra plus important avec l'adoption de ce projet de loi et la réaction des provinces. Étant donné que la demande des consommateurs est significative, il fallait trouver une façon d'enrayer la prolifération des poursuites, et des poursuites au criminel. Comme vous l'avez si bien dit, les dispositions de l'article 347 portant sur l'usure n'étaient pas destinées à ce type d'activité. Ces dispositions étaient destinées à d'autres types d'activités, que vous connaissez bien.
Toutefois, il est également vrai qu'il existe un intérêt public, un intérêt général, envers l'uniformité parmi les provinces, dans la mesure du possible, tout en reconnaissant, comme vous l'avez si bien dit plus tôt, messieurs Jenkin et Carrie, que les provinces sont les mieux placées pour faire face aux situations particulières et précises de leurs provinces. Néanmoins, il existe un certain nombre d'inquiétudes universelles : le processus de désignation ne semble indiquer aucune série de critères, à l'exception du coût des prêts — une série de critères portant sur d'autres conditions liées à ces prêts qui pourraient causer ou permettre une désignation ou redésignation du gouverneur en conseil. Je pense ici à des éléments que vous connaissez bien, tout comme votre public, je crois, comme le refinancement; l'encouragement à avoir recours à l'orientation à l'égard du crédit; l'assurance que le discours utilisé est clair et peut- être facilement compris; le contre-crédit; et l'actualisation à l'avance. Tous ces éléments constituent des infractions ou peuvent en constituer.
Il semble n'y avoir aucune ligne directrice ou critère pour ce qui est de la désignation, ce qui fait que les provinces peuvent choisir, et les provinces peuvent choisir d'ignorer ces questions en particulier. Ainsi, les Canadiens de différentes provinces sont assujettis à différents types d'activités de prêts sur salaire. J'aimerais savoir quelle est votre réaction sur la raison pour laquelle il ne devrait y avoir aucun critère minimal établi soit dans la loi ou, encore mieux, dans le règlement, en tenant compte des questions constitutionnelles, qui guideraient le gouverneur en conseil pour ce qui est de ces types d'infractions en particulier.
M. Moore : Comme nous l'avons dit plus tôt, la définition comporte des paramètres, soit le montant maximal du prêt ainsi que sa durée maximale. Voilà où se trouve l'uniformité. Un prêt qui dépasse l'une ou l'autre de ces deux exigences n'est donc pas protégé en vertu de la loi et pourrait être assujetti à l'article 347 et faire l'objet d'une poursuite criminelle.
Au chapitre des autres éléments, les consultations avec les provinces nous ont permis de conclure qu'elles vont créer un cadre qui apaisera vos inquiétudes. À titre d'exemple, nous nous servons de deux provinces qui ont mis en place un cadre de réglementation à ce sujet, et nous examinons les points semblables entre ces deux cadres. Il y aura des expériences uniques, comme c'est le cas dans d'autres domaines de la loi lorsque nous nous déplaçons d'une province à l'autre. Par exemple, le Québec a pris la décision d'établir le taux d'intérêt maximal à 35 p. 100. La province a choisi d'adopter cette approche. Étant donné que l'objectif initial de cette loi était de s'attaquer à un problème différent que le phénomène des prêts sur salaire, nous croyons que la meilleure façon de faire face à la question des prêts est d'adopter un cadre de réglementation. Nous laissons le soin aux provinces de mettre en place le reste du cadre. D'après ce que nous avons vu jusqu'à maintenant, nous devrions être à l'aise avec l'approche adoptée par les provinces.
Le président : Monsieur Moore, si vous voulez participer au vote, vous devriez tous les deux partir. Si vous nous le permettez, nous allons poursuivre avec vos représentants. Nous vous remercions de votre temps. Cette question se poursuivra. Les audiences se poursuivront demain, et peut-être après la pause. Nous vous souhaitons bonne chance pour votre vote de l'autre côté de la rue. Pendant ce temps, nous allons poursuivre les questions.
Le sénateur Goldstein : Ma deuxième question porte sur la réaction de l'Ontario. Nous avons entendu dire, par vous et par d'autres personnes, que l'Ontario n'est pas enthousiasmée par la loi et aurait préféré que le Canada légifère pour le Canada en entier, en mettant de côté, pour l'instant, la possibilité que cela puisse créer des difficultés constitutionnelles, ce dont nous sommes tous conscients. Le fait que vous n'avez pas établi, dans la loi, des critères uniformes pour tout le pays était-il dû à des difficultés constitutionnelles ou à votre perception des difficultés constitutionnelles, ou y a-t-il eu d'autres aspects qui, selon vous, justifiaient ce type de délégation de la capacité de législation?
M. Bartlett : Je laisserai le soin à mes collègues d'Industrie Canada de poursuivre la réponse. Je crois qu'il y a eu essentiellement trois éléments. Premièrement, les limites constitutionnelles pour ce qui est de savoir ce que le gouvernement fédéral pouvait légiférer et ce que les provinces pouvaient légiférer.
Deuxièmement, le caractère approprié du fait, pour le gouvernement fédéral, de légiférer sur des questions qui devraient relever des provinces, en plus de la question des limites strictes. Les provinces sont les mieux placées pour trouver des plans de réglementation détaillés en vue de réglementer ces industries. En outre, le fédéral n'est pas le niveau de gouvernement adéquat, même s'il y a des éléments de compétences partagés, mais ces éléments de compétences partagés sont relativement peu importants.
La troisième question, comme M. Moore l'a indiqué, est simplement que les nombreuses années de consultations par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à ce sujet ont permis de veiller à ce que les provinces et territoires qui souhaitaient réglementer cette industrie dans l'intérêt des bénéficiaires de ces prêts ont mis énormément d'énergie et d'expertise pour examiner l'industrie et toutes les questions que vous avez énumérées. Les provinces et territoires ont réglé ces problèmes, et ils ont l'expertise. Nous avons vu cette expertise au travail. Il semble opportun de leur faire confiance, en sachant qu'ils vont régler ces questions de façon adéquate et en leur laissant suffisamment de souplesse pour qu'il y ait certaines différences qui traduisent les situations différentes de chaque province.
M. Jenkin : M. Bartlett a bien résumé les enjeux. Nous avons travaillé à l'élaboration de ce projet de loi avec les provinces pendant cinq ans. Nous avons tenu des discussions approfondies sur ce qui devait être réglementé précisément et comment.
Je crois pouvoir dire qu'un consensus a été dégagé parmi les provinces voulant que tout régime qui devait être mis en place devrait comprendre certains éléments tels que la divulgation et la transparence.
Je répète que les deux projets de loi qui ont été adoptés par les provinces sont pratiquement identiques. Ce projet de loi-ci traduit bien la somme considérable de travail qui a été abattue pendant cinq ans et qui a mené à un consensus sur ce qui était la meilleure façon de réglementer ce secteur.
Le sénateur Goldstein : Seriez-vous heureux que toutes les provinces, mises à part le Québec pour l'instant, adoptent une loi semblable à celle du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse? Je vous pose la question autrement : si une province ou un territoire adoptait une mesure législative qui n'était pas satisfaisante, même si elle satisfaisait aux exigences du projet de loi C-26, comment diable le gouverneur en conseil pourrait-il refuser d'accorder la désignation, du point de vue pratique et politique?
M. Jenkin : Je ne peux présumer de ce que les provinces proposeront et je ne peux non plus me faire leur porte- parole. Toutefois, jusqu'à présent, l'expérience est encourageante. En outre, je crois que toute province qui se donnerait la peine d'adopter une loi et de présenter une demande au gouverneur en conseil le ferait avec beaucoup de soin, car cette question est manifestement délicate et controversée pour le public. Je suis certain que les provinces voudraient s'assurer d'avoir adopté une approche rigoureuse et réfléchie. Tout gouvernement qui déciderait d'emprunter cette route ne le ferait pas sans y avoir d'abord longuement réfléchi.
M. Bartlett : Les gouvernements qui décideront de légiférer devront rendre des comptes à leur électorat. Nous sommes convaincus que les lois des provinces et territoires seront tout à fait acceptables, et d'ailleurs, toute loi qui réglemente ce secteur de façon raisonnable dans un milieu légitime serait préférable à la disposition difficile d'application qu'est l'article 347 du Code criminel. Le gouvernement fédéral a inclus l'article 347 au Code criminel, car il visait les prêts usuraires, mais cette disposition est depuis devenue un outil de protection des consommateurs. Grâce à ce projet de loi, le gouvernement fédéral pourra laisser aux provinces qui veulent assumer cette responsabilité le soin d'agir en matière de protection des consommateurs en permettant à ces secteurs d'exister malgré les limites imposées par l'article 347 mais dans un milieu réglementé.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Le paragraphe 347(1) du projet de loi C-26 propose une pénalité maximale de 25 000 dollars si c'est une infraction punissable sur déclaration ou bien un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans.
Suite à d'autres études menées par notre comité, certains d'entre nous pensent que nous faisons preuve de laxisme face aux infractions criminelles au Canada. On le constate aussi dans le marché boursier et un peu partout au Canada.
Vu que le projet de loi s'appliquera toujours dans des cas de fraude, d'actes criminels, pourquoi ce léger montant de 25 000 dollars? C'est très peu, il me semble. Les montants impliqués lors de transactions frauduleuses sont souvent énormes, on parle de millions de dollars dans les milieux de la mafia. Cet amendement me semble tellement minime par rapport aux montants impliqués habituellement dans les activités criminelles au pays. Pourquoi ne pas imposer une peine plus sévère?
[Traduction]
M. Bartlett : La somme de 1 500 $ n'est pas une amende mais bien la limite des prêts pouvant faire l'objet d'une exemption.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Peut-être que je n'ai pas bien exprimé ma question. L'alinéa 347(1)b) parle d'une pénalité maximale de 25 000 dollars.
[Traduction]
M. Taylor : Je crois que ce que vous voulez savoir, c'est pourquoi on a prévu une amende de 25 000 $, une peine d'emprisonnement de six mois ou une peine constituée de ces deux mesures. Les modifications qui figurent ici ne modifient pas la peine comme telle; elles ne font qu'actualiser le libellé de la loi. La question de savoir si la peine prévue à l'article 347 est la bonne ne relève pas de ce projet de loi-ci. Quand notre ministère modifie une loi, il en profite pour actualiser et moderniser le libellé, ce qui a été fait en l'occurrence.
[Français]
Le sénateur Massicotte : En d'autres mots, ce sont de nouvelles clauses introduites pour moderniser le projet de loi. Quelqu'un a néanmoins pris la décision qu'un montant de 25 000 dollars était suffisant comme peine. Pourquoi ne pas augmenter cette peine? Je sais que cela ne fait pas partie du projet de loi, mais cela fait partie des amendements proposés.
[Traduction]
M. Taylor : À strictement parler, vous avez raison. Cela fait en effet partie du projet de loi C-26. Mais la peine comme telle existe depuis qu'existe l'infraction prévue à l'article 347.
Le président : Je crois que le sénateur Baker pourrait vous aider.
Le sénateur Baker : Il faut faire la distinction entre l'infraction punissable par voie de procédure sommaire et l'infraction punissable par mise en accusation. Vous remarquerez que l'acte criminel, l'infraction punissable par mise en accusation, entraîne une peine de prison. Il n'y a toutefois pas d'amende. L'infraction punissable par procédure sommaire, elle, entraîne une amende de 25 000 $.
M. Taylor : C'est exact. Je le répète, les peines ont toujours existé. La question de savoir si les peines sont suffisantes ne relève pas de ce projet de loi. C'est une question qu'on est en droit de se poser, mais ce projet de loi-ci porte uniquement sur le secteur du prêt sur salaire.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, les clauses existent comme telles, mot à mot?
[Traduction]
M. Bartlett : À l'heure actuelle, cette disposition dit exactement la même chose, mais les rédacteurs ont simplement remplacé les mots « vingt-cinq mille dollars » par le chiffre, « 25 000 $ ». Il s'agit d'une simple modification de forme que nos rédacteurs apportent quand l'occasion se présente. Le sénateur Baker a raison. Dans les deux cas, si l'on procède par mise en accusation, il y a possibilité d'emprisonnement et aussi d'une amende. On peut ajouter une amende à la peine d'emprisonnement dont sont punissables les actes criminels, bien qu'on le fasse rarement. Les actes criminels sont de nature telle que les tribunaux affligent habituellement une peine d'emprisonnement.
Le projet de loi limite l'amende qui peut être exigée s'ils procèdent par voie de procédure sommaire et en l'absence d'une peine de prison. C'est la poursuite qui fera ce choix après avoir conclu que l'infraction n'est pas très grave. Les infractions les plus graves sont poursuivies par voie de mise en accusation, alors que les cas moins sérieux sont poursuivis par voie de procédure sommaire. L'amende de 25 000 $ est celle qui est habituellement prévue dans le code pour les infractions punissables par procédure sommaire.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Il n'y a pas raison de moderniser cela, c'est un chiffre qui existe depuis longtemps.
[Traduction]
M. Bartlett : Le montant de l'amende a été modifié au fil des ans, mais le montant actuel existe déjà depuis un certain temps à l'article 347 et aux autres articles semblables où l'on prévoit une limite à l'amende qui peut être infligée.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Suite à l'audition de plusieurs témoins invités à notre comité, nous avons compris que beaucoup d'institutions financières ont des difficultés avec le paragraphe 347(1).
Je vais vous donner un exemple : si une banque vous prête 500 dollars et vous demande de payer 12,50 $ pour les intérêts pour une période de deux semaines, parce que cela coûte en moyenne deux dollars pour créer des documents, on arrive à un taux d'intérêt de 90 p. 100, ce qui constitue déjà une infraction. Cela n'a pas de bons sens.
De plus, les amendements au projet de loi C-6 n'aident pas, avec les taux usuraires qui existent actuellement. Avez- vous prévu quelque chose afin d'encourager les banques à s'impliquer dans les prêts sur salaire, ou au moins dans les pratiques courantes commerciales afin qu'elles ne soient pas en infraction à cause de ce taux usuraire?
[Traduction]
M. Bartlett : Comme on l'a déjà indiqué, l'article 347 crée une infraction criminelle. On n'avait pas l'intention de faire de cette disposition une mesure réglementaire, bien qu'on l'ait invoquée à ce titre pour protéger les consommateurs. Le plus souvent, comme l'a indiqué le sénateur Baker, on invoque cet article dans les recours collectifs au civil.
L'article 347 se fonde sur une limite à ce qu'on appelle les intérêts; toutefois, les intérêts sont définis de façon extrêmement large comme étant le taux d'intérêt réel par année. Or, il y a souvent des différences entre le taux annoncé et ce qu'il est dans les faits si le taux d'intérêt réel par année inclut la capitalisation et le réinvestissement. Dans le cas des prêts sur salaire, puisqu'il s'agit de très petits montants pour de courtes périodes, ce qui peut sembler être un taux raisonnable sur dix jours, par exemple, peut devenir sur 365 jours un taux supérieur à 60 p. 100.
Les banques accordent des prêts pour de plus longues périodes et les taux d'intérêt annoncés sont ainsi plus susceptibles d'être conformes à un taux d'intérêt réel par année.
Le sénateur Massicotte : Vous avez pris la peine de modifier le Code criminel pour réglementer le secteur des prêts sur salaire. Toutefois, quand on examine cette disposition, on note — comme l'ont fait les banques et d'autres institutions financières — qu'elle est libellée de façon telle que le capital-risque pourrait être considéré comme une infraction. Les documents sur les prêts commerciaux comptent habituellement beaucoup de pages rédigées par des avocats qui craignent d'enfreindre cette disposition. Pourquoi n'avez-vous pas saisi cette occasion pour régler aussi cette question du capital-risque?
M. Bartlett : Le projet de loi C-26 traite précisément des préoccupations soulevées par les provinces et territoires au sujet du secteur du prêt sur salaire et de leur souhait de réglementer ce secteur. Nous savons que l'article 347 suscite d'autres préoccupations et, en effet, la question que vous avez soulevée a déjà été examinée. La Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada a mis sur pied un groupe de travail regroupant des représentants des domaines criminel et civil et l'a chargé de se pencher sur la question que vous avez soulevée et d'autres. Nous sommes conscients que l'application de l'article 347 suscite d'autres problèmes que nous devrons régler.
Le président : Si je peux me permettre, nous avons présenté nos excuses aux autres témoins et leur avons demandé de revenir demain. Nous prévoirons suffisamment de temps pour eux demain, car il semble que le sujet soit plus complexe que nous ne l'avions cru au départ. Il est donc important que nous puissions exprimer nos vues sur ce sujet.
Le sénateur Moore : Pour faire suite aux questions du sénateur Massicotte, l'alinéa 347(1)a) s'applique aux actes criminels et l'alinéa 347(1)b), aux infractions sommaires. Quelles sortes de situations sont envisagées? Il y a toute une différence, alors dans quelles circonstances envisagiez-vous d'assimiler les prêts sur salaire à un acte criminel alors que tout le reste serait des infractions sommaires?
M. Bartlett : Je n'ai pas envisagé d'accuser les prêteurs sur salaire d'avoir commis un acte criminel. D'ailleurs, les provinces ne l'ont pas fait, et c'est à elles qu'il incombe d'appliquer ces dispositions. Cela relève de leurs compétences, dans le cadre de l'administration de la justice. En général, les procureurs généraux des provinces ont préféré ne pas appliquer l'article 347 aux secteurs du prêt sur salaire. Des accusations ont été portées à Winnipeg il y a quelques mois, mais j'ignore si le procureur général de cette province avait envisagé d'invoquer l'article 347.
Le Code criminel est structuré de façon à permettre ce qu'on appelle des infractions mixtes pour la plupart des infractions qui sont créées de nos jours et qu'on considère assez graves sans être parmi les plus graves. Dans le Code criminel, ce sont les infractions les plus graves qui sont des actes criminels.
Le sénateur Moore : Oui, je comprends cela. Mais comment pourrait-on porter une accusation d'actes criminels contre un prêteur sur salaire? Vous devez y avoir réfléchi avant de prévoir cela dans le Code criminel. Pourquoi ne pas supprimer cette mention si cela ne s'applique pas à ce secteur?
M. Bartlett : Le Code criminel ne vise pas les prêts sur salaire, monsieur le sénateur. Il vise plutôt les prêts usuraires de nature criminelle qui impliquent généralement la coercition, l'intimidation et parfois la violence. Cette disposition s'applique à l'activité manifestement criminelle et clandestine dans le cadre de laquelle de l'argent est prêté à des conditions bien particulières. On a choisi de criminaliser cette pratique en fixant un taux d'intérêt maximal qu'on croyait suffisamment élevé à l'époque pour ne s'appliquer qu'aux prêts usuraires, ce qui n'est plus le cas de nos jours.
L'article 347 n'a pas été conçu pour s'appliquer aux entreprises ayant pignon sur rue offrant en toute légalité un service que les consommateurs semblent vouloir. Voilà précisément la raison pour laquelle nous vous présentons ce projet de loi aujourd'hui.
Le sénateur Moore : Cela ne répond pas à ma question. Nous traitons aussi de prêts sur salaire, mais il semble que vous les assujettissez à la disposition interdisant les prêts usuraires.
M. Bartlett : Malheureusement, l'article 347 est de portée si large sous sa forme actuelle qu'il s'applique à presque tous les prêts au Canada. Voilà précisément le problème. Le projet de loi prévoit une exemption à l'article 347. Nous n'ajoutons pas les prêts sur salaire à l'article 347; plutôt, nous les soustrayons à l'application de l'article 347 quand une province décide de profiter de la désignation, d'adopter une loi prévoyant certaines limites et de demander une désignation. Les prêteurs sur salaire qui seront ainsi réglementés par la loi provinciale ne seront plus assujettis à l'article 347.
Le sénateur Moore : Oui, je comprends cela — mais seulement pour les banques au sens des alinéas 2a) à b) de la Loi sur les banques.
A-t-on une liste des mesures de protection et des limites qui devraient s'appliquer aux coûts des prêts? Je crois que c'est le sénateur Goldstein qui vous a demandé si l'on ne devrait pas rechercher une plus grande uniformité. Certaines provinces pourraient être plus laxistes que d'autres. Le projet de loi dit que les provinces vont accorder la désignation. Quelles conséquences cela aura-t-il pour les entrepreneurs de ce secteur? Se pourrait-il que, dans certaines provinces, il n'y ait plus qu'un ou deux prêteurs sur salaire et que dans d'autres provinces, il y en aura 10 ou 12? Cela n'influera-t-il pas sur la concurrence? Vous avez dit que certaines provinces attendent l'adoption de ce projet de loi. Notre comité a soulevé cette question de sa propre initiative et les seuls qui ont demandé une mesure législative, ce sont les représentants du secteur qui sont venus témoigner devant notre comité.
Je crains l'absence d'uniformité. C'est bien beau de dire qu'on s'en remet aux provinces, mais il faut qu'au palier fédéral, on ait une liste des mesures minimales exigées et des limites dans lesquelles on insiste. Avez-vous une telle liste? Qui a cette liste?
M. Jenkin : Sénateur, les pratiques assujetties à la réglementation provinciale ont fait l'objet de beaucoup de discussions sur une longue période. Des consultations publiques ont eu lieu en 2004.
David Clark, analyste économique, Politique de la consommation, Industrie Canada : C'était en 2004-2005. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont commencé par quelques consultations publiques en 2002-2003 et ont poursuivi avec des consultations plus importantes en 2004-2005. La deuxième série de consultations traitait de toutes sortes d'enjeux, y compris les éléments d'un cadre de protection des consommateurs. Nous avons reçu beaucoup de réponses des divers intervenants. Les consultations ont porté sur diverses questions telles que les frais additionnels maximums pour la reconduction de prêts, l'application des règles de communications sur le coût du crédit et l'opportunité d'inclure dans les contrats des avertissements en langue simple et claire. Nous avons recueilli beaucoup d'informations lors de ces consultations; les provinces ont discuté entre elles et avec nous de ce que devrait comprendre le cadre de protection des consommateurs en fonction de ce que nous avons appris dans le cadre de ces consultations. Une bonne partie de ce qui a découlé de cela figure dans les lois de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba. Ainsi, en ce qui concerne la communication des renseignements et la transparence, la loi de la Nouvelle-Écosse exige une divulgation exhaustive dans les contrats. Je vois que la loi de la Nouvelle-Écosse comprend une liste allant de a) à m), et c'est très semblable à la loi du Manitoba.
Le gouvernement fédéral n'exige pas cette information dans la loi. Ce sont les provinces et territoires qui, de concert avec le gouvernement fédéral, en sont venus avec une entente sur ces exigences. Comme l'a indiqué M. Jenkin, si une province envisage d'adopter un règlement, nous pouvons nous attendre à ce que bon nombre de ces exigences y figurent.
Le sénateur Moore : Avez-vous une liste des éléments que vous exigerez de toute loi provinciale avant que vous n'acceptiez d'accorder la désignation?
M. Jenkin : Non, nous n'avons pas une liste précise. Ces éléments figureront dans les lois des provinces, car cela relève de la compétence des provinces.
Le sénateur Moore : Je comprends cela, mais je veux savoir ce que vous exigerez des provinces avant de leur accorder une désignation puisque c'est Industrie Canada qui recevra ces demandes. Vous nous dites que vous n'avez pas de listes de ce que vous exigerez des provinces avant de leur accorder une désignation et que vous comptez sur les provinces pour fournir ces informations à Industrie Canada, qui décidera ensuite d'accepter ou de rejeter les demandes. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. Jenkin : Nous avons dégagé un consensus sur ce qui devrait figurer dans tout régime de protection. Il y a déjà deux lois provinciales qui sont très semblables pour ce qui est de la réglementation. Nous sommes d'avis que, puisque le gouvernement fédéral ne peut dire aux provinces ce qu'elles devraient faire dans leurs champs de compétence exclusifs, les contrats de consommation, la meilleure façon de procéder est de mener des consultations, de tenir des discussions et de dégager un consensus sur ce qui devrait figurer dans la réglementation. Nous n'avons pas à Ottawa une liste de ce qui devrait figurer dans chacun de ces règlements. Je ne peux vous dire que la prochaine province à déposer un projet de loi à ce sujet n'inclura pas autre chose que ce qui existe déjà dans les deux lois provinciales. Je peux toutefois vous dire que les provinces s'entendent généralement sur le contenu de cette réglementation. C'est le produit d'une longue période de discussions et de consultations publiques.
Le président : Le temps file et j'ai moi-même des questions à poser. Premièrement, j'aimerais que vous nous précisiez la position de l'Ontario dans ce dossier. Le sénateur Angus et moi n'avons pas interprété vos réponses de la même façon et je veux m'assurer que les faits sont clairs. J'ai cru comprendre que vous aviez dit que l'Ontario estime que la meilleure façon de procéder serait de laisser le gouvernement fédéral réglementer le coût de ces contrats. Vous ai-je bien compris? Nous avons demandé aux représentants des provinces de nous donner des informations sur ce sujet et, jusqu'à présent, nous avons reçu deux réponses, une lettre de la Nouvelle-Écosse et une du Manitoba. Nous avons reçu des réponses des deux provinces qui ont déjà adopté une loi, mais nous n'avons rien reçu des autres provinces. Pour que nous puissions conclure que le projet de loi C-26 est ce qu'il nous faut, il importe que vous nous disiez ce qu'en pensent les provinces, car vous êtes notre seule source d'informations à ce sujet. Il nous faut savoir exactement ce qu'en pense l'Ontario, car j'ai l'impression qu'elle n'est pas d'accord avec votre approche.
M. Jenkin : Monsieur le président, je ne peux que vous répéter ce qu'ont dit les journaux. En octobre 2006, je crois, un porte-parole du ministre provincial aurait affirmé que le gouvernement de l'Ontario préférerait que le gouvernement fédéral réglemente les coûts d'emprunt.
Le président : Vous avez répondu que, à votre avis, cette solution est inacceptable puisque le gouvernement fédéral empiéterait ainsi sur un champ de compétence provinciale, n'est-ce pas?
M. Jenkin : Non. La structure de l'industrie comprend deux aspects : il y a d'abord les pratiques commerciales qui sont indéniablement de compétence provinciale, et, deuxièmement, les intérêts. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral peut légiférer en matière d'intérêts, mais si elle agit pour protéger les consommateurs, la province peut réglementer les coûts d'emprunt en invoquant son pouvoir accessoire. En l'occurrence, cela relève des provinces.
Le président : Je ne m'étendrai pas sur ce sujet.
Le sénateur Angus : Soit le projet de loi plaît à l'Ontario, soit il ne lui plaît pas.
Le président : Je me suis laissé dire qu'il ne lui plaît pas.
M. Jenkin : Je pense que l'Ontario a dit préférer que le gouvernement fédéral réglemente les coûts d'emprunt. Toutefois, cela ne touche pas la réglementation des pratiques commerciales par la province, question sur laquelle l'Ontario ne s'est pas prononcée clairement, pour autant que je sache. Cela relèverait clairement des compétences de la province. Je n'ai vu aucune autre déclaration officielle.
Le président : Nous parlerons de cette question à d'autres témoins. J'aimerais maintenant vous interroger sur la définition du terme « intérêt », et je remercie le sénateur Baker d'avoir abordé la question de la définition. Nos attachés de recherche affirment que la définition du terme « intérêt » figurant dans le projet de loi C-26 reflète celle se trouvant au paragraphe 347(2) du Code criminel. C'est la position du sénateur Baker.
Le président : Comme le sénateur Baker semble le laisser entendre, certains jugent cette définition problématique. Nos attachés de recherche prétendent que certains prêteurs sur salaire ont camouflé les taux d'intérêt en les faisant passer pour d'autres genres de frais, y compris les frais d'assurances. Certains sont d'avis que si un tribunal canadien acceptait l'argument des frais d'assurances, l'exemption proposée par le projet de loi C-26 ne s'appliquerait peut-être plus et l'on pourrait contester, aux termes du partage des compétences, l'imposition par les provinces d'un plafond pour les coûts d'emprunt.
Voyez-vous cela comme un problème? Autrement dit, la question est de savoir si la définition s'applique à l'assurance, laquelle n'est pas explicitement assujettie à l'exemption prévue ici. Votre définition est-elle une définition d'exemption?
M. Bartlett : Monsieur le président, les véritables frais d'assurances ne sont pas inclus dans la définition du terme « intérêt » prévu à l'article 347 du Code criminel. Je ne me prononcerais pas sur la question de savoir si les prêteurs sur salaire font passer les intérêts pour des frais d'assurances. Honnêtement, j'en doute, car ils n'ont aucun intérêt à camoufler quoi que ce soit. Leurs frais se fondent sur un ensemble de coûts et de frais divers. Je ne crois pas que les prêteurs sur salaire tentent de camoufler quoi que ce soit qui tomberait sur le coût de la définition du terme « intérêt » de l'article 347.
Le président : Permettez-moi de tenter de vous expliquer plus clairement comment je vois la chose. Si un prêteur sur salaire décide d'exiger des intérêts, ces intérêts seront-ils exclus de l'exemption? Selon la définition, les intérêts sont assujettis à l'exemption et, par conséquent, si les frais d'assurances ne sont pas compris dans la définition, ils ne seraient pas assujettis à l'exemption.
Le sénateur Goldstein : Autrement dit, les frais d'assurances constitueraient une échappatoire?
Le président : C'est une autre façon de le dire.
M. Taylor : Selon la définition figurant à l'article 347 du Code criminel, comme vient de le dire M. Bartlett, les frais d'assurances comme tels seraient exclus. Je crois que la décision de la Cour suprême dans l'affaire Garland, dont a fait mention le sénateur Baker, peut vous rassurer, car elle parle du concept des intérêts et le décrit comme étant contextuel. Les intérêts doivent être envisagés dans le cadre de la transaction et non pas dans leur forme stricte.
M. Bartlett : J'ai constaté également qu'on demande aux provinces d'établir des limites quant au coût total des emprunts. Le terme a été choisi pour permettre aux provinces, lorsqu'elles établissent les limites par voie législative, d'outrepasser, lorsqu'il est indiqué, la définition de l'intérêt prévu à l'article 347, et donc de ne pas être lié par ce dernier. De cette façon, les provinces ont la possibilité de tenir compte du coût total des emprunts dont les primes d'assurance qui, en réalité, ne constituaient pas des primes d'assurance à proprement parler, mais qui pouvaient simplement être prises en compte dans le coût des emprunts. Par ailleurs, je pense que la jurisprudence à laquelle M. Taylor a fait allusion permettrait de mieux comprendre ce qui serait légitimement pris en compte dans le coût total de l'emprunt. Je n'y entrevois aucune espèce de clause échappatoire qui permettrait de tenir compte du coût de l'assurance lorsqu'il n'en existe aucun.
Le président : Je pense que nous avons bien saisi votre réponse. Je tiens à ce que ce soit consigné au procès-verbal de façon à faciliter notre compréhension et celle de notre personnel.
Permettez-moi de m'attarder rapidement sur deux autres questions.
M. Jenkin nous a fait savoir que si le gouvernement fédéral est réticent de formuler une série de normes minimales, dont la portée serait nationale, c'est parce qu'il ne veut pas s'immiscer dans un domaine de compétence provinciale aussi compliqué.
Les Américains ont leur façon à eux de s'attaquer à ce genre de questions. Je voulais qu'on s'y prenne de la même façon que les Américains et qu'on serve ainsi de modèle aux provinces. Cette loi modèle formulée en consultation avec les provinces serait non contraignante mais serait assortie de pratiques exemplaires de façon à assurer l'uniformité à l'échelle du pays. C'est d'ailleurs la façon dont les Américains s'y sont pris pour la Corporation Act. Les commissaires de la loi uniforme n'ont pas encore formulé de lois sur les sociétés dont toutes les provinces pourraient s'inspirer.
Est-ce qu'une telle approche, qui conviendrait aux sénateurs, a été mise à l'essai, et ce, de façon à avoir au moins une proposition de loi modèle acceptée par les provinces et prévoyant des pratiques exemplaires visant la protection des consommateurs? C'est donc une autre façon de s'y prendre.
Le sénateur Goldstein : Il existe certaines lois uniformes au Canada, sauf au Québec où il existe une tradition de droits civils et dont la participation serait peu probable. Je fais allusion à la Loi sur les sûretés mobilières qui a été adoptée individuellement par chaque province mais qui est uniforme, à quelques petites exceptions près, dans chacune des provinces où la common law prévaut.
M. Bartlett : Dans le fond, c'est ce qui est arrivé à ce projet de loi en ce sens où de nombreuses années de consultations fédérales, provinciales et territoriales ont mené à une approche commune. Je ne pense pas tout de même qu'elle serve de loi modèle, comme telle, mais je vais demander à mes collègues d'Industrie Canada de commenter. Toutes ces années de consultations avaient pour but d'en arriver à un consensus sur les éventuels éléments d'un cadre réglementaire approprié.
Le président : Bref, deux provinces ont jusqu'ici présenté des projets de loi mais les autres provinces ne leur ont pas emboîté le pas pour l'instant. La façon d'en arriver à une loi modèle m'importe peu. Il pourrait être question simplement d'une province qui aurait établi des pratiques exemplaires; mais il n'en demeure pas moins que certaines provinces n'ont pas encore agi. On espère que cette mesure législative les encouragera à passer à l'acte.
M. Jenkin : Il est intéressant de noter qu'une province a emboîté le pas à une autre en adoptant des mesures législatives semblables. Souvent, les provinces suivent l'exemple des autres provinces. Elles examinent ce qu'ont fait les autres provinces en la matière et proposent des mesures législatives qui sont remarquablement semblables. Il est fort à parier qu'on adopte cette même approche en l'occurrence.
Le président : Nous ne sommes pas encore là, malgré tous vos efforts au cours des quatre ou cinq dernières années.
M. Jenkin : Ce n'était pas notre intention au départ d'élaborer une loi harmonisée. Ce n'était pas l'objectif. Le but, c'était plutôt de trouver une façon de réglementer l'industrie.
Le président : Soyez concis, s'il vous plaît, monsieur Bartlett.
M. Bartlett : Alors très brièvement, il semblerait qu'un certain nombre de provinces attendent l'entrée en vigueur du projet de loi C-26. La législation au Manitoba et en Nouvelle-Écosse n'est pas encore entrée en vigueur. Toutefois, leurs lois respectives ont été adoptées. Ces provinces attendent l'entrée en vigueur du projet de loi C-26. D'autres provinces ont clairement indiqué leur volonté de réglementer en la matière mais elles ont préféré attendre pour s'assurer qu'il n'y ait aucun empêchement avant de déployer les efforts nécessaires à l'adoption d'un projet de loi.
Le président : J'ai deux autres petites questions. Supposons qu'une lamentable mosaïque de normes doit être appliquée à travers le Canada avec toutes les mauvaises conséquences que cela entraînerait. Certaines provinces font preuve de la diligence voulue pour protéger les consommateurs, alors que d'autres ne le font pas. Une fois qu'une exemption a été accordée en vertu de cette loi, il est impossible de l'annuler. Est-ce exact?
M. Bartlett : Non, une loi adoptée par la province qui vise l'obtention d'une désignation demeure en place.
Le président : Oui, autrement dit la province élabore...
Le sénateur Angus : Et ensuite, le modifie.
Le président : Non, ce n'est pas ce que je dis. Disons qu'une province élabore des normes très exigeantes en matière de protection des consommateurs qui répondraient aux intérêts des consommateurs au pays. Et qu'une autre province, pour une raison ou pour une autre, choisit de ne pas accepter ce modèle et décide plutôt de formuler une mesure législative passive. D'après ce que j'ai compris, une fois qu'une loi est adoptée, sous quelque forme que ce soit, il appartient dorénavant au gouverneur en conseil de préciser les désignations, comme a dit le sénateur Moore. Votre rêve, monsieur Jenkins, qui s'apparente au nôtre, serait d'avoir un modèle de normes plus ou moins équivalentes à l'échelle du pays. Ces normes ne pourront pas être appliquées parce qu'une fois la désignation accordée, on ne peut la retirer. On n'a aucun droit de regard à l'endroit des provinces sans au préalable modifier la législation, et ce serait quasiment une mesure législative modifiée après coup. N'est-ce pas vrai? Pourquoi n'avez-vous pas agi de la sorte pour justement retirer la désignation?
M. Bartlett : D'après la loi, on ne doit pas annuler la désignation tant que les critères de départ pour l'obtention de la désignation n'ont pas été supprimés.
Le président : C'est simple, corrigez-moi si j'ai tort. Il est prévu qu'on puisse annuler la désignation à la demande d'une province, ou encore si les mesures législatives ne sont plus en vigueur. C'est tout.
M. Bartlett : C'est exact. L'on ne prévoyait pas que le gouverneur en conseil fédéral, agissant à titre de délégué en vertu de cette loi, examine les lois provinciales et fasse des observations quant à leur pertinence sur le plan de l'uniformité. L'on privilégie plutôt le processus fédéral-provincial-territorial, qui s'est soldé par un consensus en ce sens où deux provinces ont déjà...
Le président : Vous avez déjà parlé de cela, monsieur Bartlett. Je veux en venir à une autre question.
Il y a déjà eu une époque au Canada où chaque province avait son propre système bancaire. Une loi uniforme, la Loi sur les banques, a ensuite été adoptée et reposait sur l'autorité qu'exerçait le fédéral d'élaborer des normes, des principes et des coûts uniformes en matière d'emprunt bancaire à l'échelle du pays, ce qui a donné naissance à l'ensemble des structures sur lesquelles repose notre système bancaire centralisé. Ce système d'emprunt, ne ressemble-t- il pas à tous les égards au système bancaire?
M. Bartlett : Oui, il s'agit d'un genre de services financiers s'opérant en fonction de certains paramètres définis en ce sens où il est question de petits montants empruntés à court terme.
Le président : Le sénateur Angus veut témoigner sur cette question. Je n'ai pas d'objection à ce qu'il le fasse, s'il y tient, mais j'aimerais qu'on réponde d'abord à cette question.
M. Clark : Les provinces sont chargées de réglementer les caisses populaires qui ressemblent davantage aux banques que les sociétés de prêts sur salaire. S'agit-il d'opérations bancaires? Les caisses populaires constituent-elles des banques?
Le président : Je vais terminer sur ce point. Tout à l'heure, on a demandé pourquoi les banques ne fournissaient pas ce service. Il s'agit d'un véritable service. Les prêteurs sur salaire assurent un service qui n'est pas fourni par les banques, et je les salue. Nous allons nous pencher sur la question de l'absence d'un tel service fourni par les banques au moment d'une éventuelle étude sur la Loi sur les banques. Il s'agit d'un service dont bénéficient surtout les plus démunis, et qui mérite notre attention. Ce comité procédera, d'ici quelques jours, à un examen de la Loi sur les banques. C'est donc une question que nous allons aborder dans le cadre de cet examen. C'est une question qui méritera sans doute notre attention. Bon nombre de sénateurs s'intéressent tout particulièrement à cette question.
Le sénateur Angus : Nous avons tous notre façon à nous de témoigner, mais notre objectif est de faire ressortir la vérité. Bon, de toute évidence, le président a soulevé un très bon point relativement à la situation en Ontario. Si je vous ai bien compris, messieurs, s'il n'en tenait qu'à l'Ontario, ils préféreraient que ce soit de compétence fédérale. Les provinces ne nous ont pas fait savoir qu'elles entendent légiférer au cas où le projet de loi C-26 serait adopté; elles ne nous ont pas indiqué non plus qu'elles ont l'intention d'interdire les prêts sur salaire, comme l'a fait le Québec. Ai-je raison? L'Ontario est la province qui comporte peut-être le plus grand nombre de succursales de prêts sur salaire. L'adoption d'une telle loi à Ottawa n'empêchera en rien l'Ontario de demander une désignation et de continuer à permettre ce genre de commerces. Est-ce que j'ai raison? C'est vous qui avez mené ces consultations et ces négociations. À propos, nous avons demandé aux provinces de se présenter ici, mais ils ont manifesté peu d'intérêt à cet égard, ce qui n'est pas une raison en soi de ne pas adopter le projet de loi. Tout le monde veut y trouver son compte, mais ce n'est pas toujours possible. D'après ce que vous avez dit, l'Ontario vous a fait part de sa préférence, mais tant pis pour eux. Cela ne va pas forcément faire leur compte.
M. Jenkin : Sénateur, nous ne nous sommes pas longuement entretenus auprès de la province. Les fonctionnaires de la province ont laissé entendre qu'ils préfèrent que le gouvernement fédéral réglemente le coût des emprunts. Et si je ne m'abuse, des porte-parole du ministre ontarien ont abondé dans le même sens. Il ne m'appartient pas, en revanche, de commenter les intentions du gouvernement ontarien quant à l'éventuelle adoption de ce projet de loi. Il serait déplacé d'avancer des hypothèses à cet égard.
Le président : Nous vous en remercions, monsieur Jenkins. Vous comprenez nos préoccupations. Je ne remettrai pas en question le point de vue du vice-président sur ce point, toujours est-il que nous représentons les diverses régions de ce pays, d'où l'importance de cette question. Je suis originaire de l'Ontario, tout comme le sénateur Eyton.
Merci beaucoup, messieurs. Je présente mes excuses aux autres témoins. Nous allons ouvrir la séance à 10 h 45 précise demain matin pour vous permettre de réagir à tout ce qui a été dit ici jusqu'à présent. Messieurs, nous espérons que vous allez vous tenir au courant et vous joindre de nouveau à nous, si cela vous intéresse. Vous avez de toute façon accès aux transcriptions. Si vous avez d'autres questions, si vous voulez faire des observations ou apporter des éclaircissements, nous vous demandons de les faire suivre au greffier. Nous allons garder l'esprit ouvert sur cette question.
La séance est levée.