Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 19 - Témoignages du 28 mars 2007
OTTAWA, le mercredi 28 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 6 pour étudier le projet de loi C-37, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, qui lui a été renvoyé.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-37. Bienvenue aux témoins. Nos délibérations sont télévisées sur tout le territoire canadien et sur le web. Tout ce que vous direz aujourd'hui aura un retentissement mondial. Nous sommes très heureux que vous soyez là. Je vais présenter brièvement les travaux du comité.
Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-37, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives. Un examen périodique des institutions financières fédérales aux cinq ans est exigé par les dispositions de caducité contenues dans les lois applicables. Le dernier examen exigé par la loi a eu lieu en 2001.
Le projet de loi C-37 a été présenté à la Chambre des communes le 27 novembre 2006 et renvoyé au comité le 21 mars 2007. Il porte sur de nombreux sujets : divulgation de renseignements aux consommateurs, approbation simplifiée dans certaines situations, imagerie électronique des chèques, frais hypothécaires, établissement d'associations coopératives de crédit et présence de spécialistes étrangers au sein des conseils d'administration des institutions financières.
Les quatre lois principales qui régissent le secteur des services financiers sont la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d'assurance, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts et la Loi sur les associations coopératives de crédit. Le but du cadre réglementaire est de permettre aux institutions financières de fonctionner avec le maximum d'efficience et d'efficacité pour répondre aux besoins des consommateurs et des entreprises et de garantir la sécurité et la solidité du secteur des services financiers.
Il reste moins d'un mois avant le 24 avril 2007, dernier délai pour le renouvellement des lois en cause. Néanmoins, le comité poursuivra son étude.
Je souhaite la bienvenue au sénateur Angus, vice-président, qui est du Québec, ainsi qu'au sénateur Goldstein, également du Québec. D'autres sénateurs se joindront à nous sous peu.
Nous sommes heureux d'accueillir tant de témoins dont les visages nous sont familiers et de pouvoir entendre les exposés de M. Terry Campbell et de Mme Karen Michell, représentants de l'Association des banquiers canadiens, ainsi que de MM. Gary Rogers et Daniel Burns, de la Centrale des caisses de crédit du Canada.
Terry Campbell, vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens : Merci de l'occasion qui nous est offerte de participer à l'examen du projet de loi C-37, qui modifie la Loi sur les banques et d'autres lois sur les services financiers.
Le secteur bancaire croit fermement qu'il est important que le cadre législatif et réglementaire fasse l'objet d'un examen régulier. Ce cadre doit s'adapter à l'évolution de la technologie, il faut abolir les dispositions désuètes qui ne reflètent plus la réalité de l'industrie et il faut assurer la plus grande efficacité possible pour favoriser les intérêts des consommateurs canadiens et la compétitivité de l'industrie.
Les banques et les autres institutions financières du Canada exercent leurs activités dans un environnement où le fardeau réglementaire augmente rapidement, surtout dans le contexte d'une explosion de la réglementation internationale, qui se répercute sur l'environnement réglementaire du Canada. Puisque celui-ci influe sur la capacité des institutions d'innover et de servir leurs clients, il est essentiel que les artisans de la politique et les législateurs, ici, au Canada, s'assurent que le cadre législatif est le plus souple possible et n'impose pas de mesures inutiles ou normatives.
Compte tenu de ces principes, nous sommes profondément déçus que le gouvernement n'ait pas adopté nos propositions de modifications aux règles en matière d'assurance. À notre avis, les faits à l'appui de ces modifications — les avantages pour les consommateurs qui découleraient du retrait de restrictions désuètes et l'expérience favorable d'autres pays qui n'imposent pas ces restrictions — indiquent tous qu'il s'agit d'une politique d'intérêt public solide et sensée. Néanmoins, le gouvernement a clairement signifié que les règles en matière d'assurance ne seront pas modifiées. Nous dirigeons donc notre attention vers le projet de loi C-37.
Comme les sénateurs le savent, le projet de loi est axé sur des questions techniques. C'est sur elles que porte notre intervention d'aujourd'hui. Toutefois, le fait que ces questions soient techniques ne signifie pas qu'elles ne sont pas importantes pour les consommateurs ou pour le fonctionnement efficace du marché. En effet, dans certains domaines clés, le gouvernement a pris des mesures favorables pour moderniser le cadre, et nous sommes en faveur d'une adoption rapide du projet de loi.
L'une des mesures favorables du projet de loi C-37 que nous tenons à souligner a trait à la proposition de modifier la Loi sur les lettres de change afin de permettre l'instauration de l'imagerie des chèques par voie électronique. Vous en avez-vous-même parlé, monsieur le président. Il s'agit d'un enjeu que le comité a étudié avec soin au cours de ses audiences sur les questions de consommation, l'an dernier. Comme vous le savez l'Association des banquiers canadiens, l'ABC, a comparu devant vous à deux reprises pour discuter de cet enjeu et d'autres questions de consommation. Dans son rapport de l'an dernier, le comité a formulé une recommandation très favorable sur l'imagerie des chèques, et le gouvernement a donné suite à cette recommandation dans le projet de loi C-37.
Comme les membres du comité le savent, bien que le Canada possède l'un des systèmes de compensation des chèques les plus efficaces du monde, ce système repose encore largement sur la compensation physique de chèques sur papier. Les chèques tirés sur une banque et encaissés ou déposés dans une autre doivent être transportés physiquement entre les banques et les centres de traitement — parfois d'un bout à l'autre du pays — avant de pouvoir être compensés. Les modifications proposées permettraient aux institutions financières d'utiliser des images électroniques des chèques. En fait, le transport physique des chèques papier serait remplacé par la transmission électronique de leur image.
Le fait d'accroître l'efficacité d'un système déjà efficace permettra d'accélérer la compensation des chèques, de réduire la durée des retenues de fonds et de diminuer le risque. Tout cela se traduira par des avantages concrets pour les consommateurs. En fait, le secteur bancaire travaille avec le gouvernement sur cette question et a convenu de réduire la durée maximale des retenues de fonds du très faible nombre de chèques qui en font l'objet, de dix jours ouvrables à sept jours ouvrables d'ici avril, et de la ramener ensuite à quatre jours ouvrables une fois que le système d'imagerie des chèques de l'Association canadienne des paiements sera entièrement mis en place.
Une autre mesure favorable du projet de loi C-37, ce sont les propositions visant à rationaliser le régime d'établissement de succursales de banques étrangères. Le marché des services financiers du Canada est très concurrentiel, comptant quelque 50 filiales et succursales de banques étrangères qui livrent concurrence dans les services aux particuliers et aux entreprises. Bien que le marché du Canada soit ouvert à l'entrée des banques étrangères, le cadre législatif actuel est très complexe et lourd, et il est difficile de s'y retrouver. Les règles s'appliquent à la fois aux banques étrangères proprement dites ainsi qu'aux « quasi-banques », c'est-à-dire des entreprises qui ne sont pas des banques dans leur pays et qui veulent exercer au Canada des activités qui ne seraient normalement pas réglementées. Il en résulte une série de règles alambiquées et de procédures d'approbation applicables aux « quasi-banques », qui ne semblent pas nécessaires. Les détails seront énoncés dans la réglementation, mais il semble que le projet de loi C-37 aide à rationaliser le système en rendant plus cohérentes les règles sur les banques étrangères proprement dites qui souhaitent entrer au Canada
Bien que nous estimions que ce projet de loi technique apporte des modifications utiles au cadre de réglementation et devrait assurément être adopté, nous soulignons un sujet de préoccupation — qui, à dire vrai, va au-delà de la portée du projet de loi — que le comité devrait étudier ultérieurement. Il s'agit des sociétés de portefeuille bancaires. Comme vous le savez, lors de la réforme de 2001, les banques ont été autorisées à se structurer en sociétés de portefeuille bancaires, à l'instar des banques d'autres pays. Cette option promettait une plus grande souplesse et un système de réglementation plus ciblé et rationalisé.
Malheureusement, bien que la réforme de 2001 ait prévu le pouvoir de créer des sociétés de portefeuille bancaires, d'autres règles de la Loi sur les banques rendent la conversion à cette structure très difficile pour les banques et ajoutent en fait à la réglementation, plutôt que de la rationaliser. Dans la pratique, six ans après la réforme de 2001, le modèle de société de portefeuille n'est toujours pas une option utilisable. En fait, ces règles prévoient en substance ceci : une banque peut exercer des activités, comme l'offre de prêts ou de garanties, avec ses filiales sans aucune restriction. Toutefois, si ces filiales deviennent des sociétés sœurs de la banque, dans le cadre d'une société de portefeuille bancaire, des restrictions s'imposent à ces activités entre la banque et ses sociétés sœurs, même si aucun risque n'est ajouté au système. Nous travaillons avec le gouvernement et le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, afin de régler ces enjeux, mais il reste du pain sur la planche.
Étant donné son intérêt pour le fonctionnement efficace du système financier, nous encourageons le comité, au cours de ses travaux à venir sur les services financiers, à presser le gouvernement de prendre des mesures pour assurer que le modèle de société de portefeuille constitue une option viable pour l'industrie.
Merci beaucoup de nous avoir permis de vous faire part de nos réflexions. En résumé, nous croyons que le projet de loi C-37 mérite d'être appuyé et qu'il devrait être adopté rapidement dans l'intérêt des consommateurs et de l'efficacité du système. Bien entendu, l'objectif qui consiste à rendre le système réglementaire le plus efficace et efficient possible et plus apte à favoriser l'innovation et la compétitivité internationale est une tâche de longue haleine. Le projet de loi C- 37 est une étape importante, mais nous souhaitons poursuivre le travail avec le gouvernement et les membres du comité pour atteindre ces objectifs importants.
Nous savons que, en plus du projet de loi, le comité s'intéresse à tout un éventail d'enjeux, et nous répondrons volontiers aux questions de ses membres.
Daniel Burns, président, Comité des affaires législatives, Centrale des caisses de crédit du Canada : Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui pour que nous puissions commenter le projet de loi C-37. Je préside le Comité national des affaires législatives de la Centrale des caisses de crédit du Canada, couramment appelée la Centrale canadienne. Je suis accompagné par Gary Rogers, vice-président à la politique financière de la Centrale.
La Centrale canadienne est une institution financière sous réglementation fédérale qui agit à titre d'association des centrales des caisses de crédit provinciales au Canada et, par le biais de ces dernières, des 500 caisses de crédit associées des quatre coins de notre pays. Nos caisses de crédit emploient plus de 24 000 Canadiens et sont au service de plus de 4,9 millions de clients. À la fin du troisième trimestre de 2006, nos caisses de crédit détenaient des avoirs de plus de 95 milliards de dollars.
Les caisses de crédit sont des institutions financières indépendantes et communautaires fondées sur les principes de la coopération et de la démocratie. Par conséquent, le système des caisses de crédit est décentralisé et diversifié pour ce qui est de la taille et des collectivités desservies. Le système ne fonctionne pas comme celui d'une banque. Les caisses de crédit ne sont pas des succursales régies par une direction centralisée. Au lieu de cela, ce sont des institutions locales autonomes qui ont des comptes à rendre à leurs membres. L'accent mis sur l'aspect local permet aux caisses de crédit de réagir rapidement et de façon efficace aux besoins de la collectivité.
Les caisses de crédit sont sous réglementation provinciale et, conformément à la Constitution, relèvent de la compétence des provinces. Le gouvernement fédéral réglemente toutefois deux entités qui relèvent de la Loi sur les associations coopératives de crédit : la Centrale canadienne et l'Association de services financiers Concentra, créée en 2005. De plus, le gouvernement fédéral réglemente plusieurs centrales de caisses de crédit provinciales qui ont choisi d'être régies par la partie XVI la Loi sur les associations coopératives de crédit.
Dans ce contexte, la Centrale canadienne souhaite clairement affirmer son soutien général au projet de loi C-37, en particulier aux modifications proposées à la Loi sur les associations coopératives de crédit qui se retrouvent dans le projet de loi. Ces modifications donneront la possibilité aux organismes de caisses de crédit de se constituer en personne morale en vertu de la loi si elles le souhaitent en se dotant d'une charte corporative fédérale. Cependant, il y a d'autres éléments dans la loi qui pourraient être améliorés et qui ne se retrouvent pas dans ce projet de loi. Nous ne demandons pas mieux que de collaborer avec le gouvernement à ce sujet pour que nous puissions progresser.
Je vais vous donner des exemples de modifications constructives à la Loi sur les associations coopératives de crédit qui sont proposées dans ce projet de loi et que nous appuyons. Le projet de loi propose, à l'article 139, de modifier la loi afin qu'il soit plus simple pour un organisme de détail de se constituer en personne morale en réduisant le nombre de membres fondateurs requis, qui passerait de dix caisses de crédit actuellement à deux seulement, de provinces différentes. Le seuil de dix caisses de crédit fondatrices était presque impossible à atteindre, ce dont témoigne le fait que les caisses de crédit ne se sont pas prévalues de la Loi sur les associations coopératives de crédit pour en créer.
De plus, le projet de loi prévoit des dispositions permettant à des personnes morales de se transformer en organisme de détail en vertu de la loi. Par exemple, le projet de loi prévoit une modification à la Loi canadienne sur les sociétés par action qui permettrait à une société régie par cette loi de se convertir en société régie par la Loi sur les associations coopératives de crédit et de continuer son exploitation en vertu de cette loi. Enfin, le projet de loi permettra aux organismes de détail d'être sur un pied d'égalité avec les banques de gros, avec les organismes qui acceptent uniquement des dépôts excédant 150 000 $. Dans ce contexte, les institutions financières de gros n'ont pas à être membres de la Société d'assurance-dépôts du Canada. Cette possibilité pourrait intéresser des organismes de second niveau au sein du régime de caisses de crédit, telles que les centrales provinciales qui souhaiteraient éventuellement se doter d'une charte fédérale.
Monsieur le président, je m'en tiendrai pour l'instant à ces quelques observations. En conclusion, je remercie le comité de m'avoir donné l'occasion d'exposer ces opinions sur le projet de loi C-37 et d'appuyer cette mesure. Je serai heureux de répondre aux questions que les sénateurs pourraient avoir à poser.
Le président : Tandis que vous poursuivez votre témoignage, nous souhaitons la bienvenue au sénateur Eyton, de l'Ontario. Ce n'est pas que le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan, ait besoin d'aide, mais il trouve un solide appui chez le sénateur Gustafson, qui vient de la même province. Vous êtes les bienvenus, sénateurs. Et merci à vous, monsieur Burns, de votre témoignage.
Le sénateur Angus : Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui et merci de votre intérêt pour l'étude en cours. Nous estimons que vos deux organisations comptent parmi les plus importantes dans le domaine qui nous intéresse et qui fait l'objet de cet examen. Je ne vous ai rien entendu dire contre le projet de loi C-37, mais je voudrais vous poser la première question suivante : le projet de loi, dans sa forme actuelle, vous convient-il?
M. Campbell : Oui, sénateur. Nous l'avons examiné de près. Lorsqu'il était à l'étude au comité des finances des Communes, nous avons proposé un amendement de forme. Le gouvernement l'a accepté, et il a été intégré au texte ensuite adopté à l'étape de la troisième lecture. Ce que nous recommandons au comité, c'est d'adopter le projet de loi rapidement. Nous l'appuyons.
M. Burns : Vous avez notre appui général.
Le sénateur Angus : Cela facilite les choses. Comme vous le savez, étant donné la disposition de caducité contenue dans la loi, disposition dont l'application a été prolongée par le budget de 2006, il nous faut faire vite, et toutes les étapes du processus ont été franchies. Avez-vous tous été consultés au cours du processus qui a mené à la présentation du projet de loi C-37?
M. Campbell : Bien sûr.
Le sénateur Angus : Dans les deux cas, vous avez pu exprimer vos opinions et discuter avec les représentants de Finances Canada et du cabinet du ministre, n'est-ce pas?
M. Campbell : C'est exact.
M. Burns : Exact.
Le sénateur Angus : Je vais passer à un autre sujet et m'adresser d'abord à M. Burns. Nous n'avons pas eu l'occasion de vous interroger à ce sujet, bien que d'autres soient passés par là avec nous. Il y a un secteur que les banques ont laissé tomber, et c'est celui des prêts sur salaire, des petits prêts. On parle de prêts sur salaire, mais ce sont des prêts aux consommateurs qui, pour quelque raison urgente ou l'autre, ont besoin à court terme d'un petit crédit. Les banques, pour des raisons qui sont les leurs, se sont retirées de ce domaine. Comme je suis Québécois et que je connais bien les caisses populaires, il m'a semblé que le secteur des caisses d'épargne était analogue au réseau des caisses populaires. Ai- je raison?
M. Burns : Absolument. Ils sont très semblables.
Le sénateur Angus : Chose curieuse, le secteur des prêts sur salaire a connu une rapide croissance, surtout dans certaines régions du Canada central. Avez-vous également abandonné ce secteur? Faites-vous des prêts sur salaire?
M. Burns : Oui, nous en accordons. Je dirais avant toute chose que nous et le secteur des caisses d'épargne avons été tout aussi étonnés de la croissance du marché des prêts salariaux et de la pénétration de ce produit. Notre intérêt pour ce marché est récent. Il existe à Ottawa une caisse d'épargne, la Caisse Alterna, qui envisage de s'implanter sur le marché des prêts salariaux. Je sais qu'un bon nombre d'autres institutions semblables s'intéressent au modèle de la Caisse Alterna. Je viens de la Colombie-Britannique, et je puis dire qu'il y a là-bas depuis peu un vif intérêt pour ce marché.
Je ne dirais pas que nous avons abandonné ce marché. Peut-être avons-nous été plus lents à le pénétrer que nous n'aurions dû l'être, mais il semble exister un intérêt renouvelé à cet égard.
Le sénateur Angus : Je suis heureux d'entendre cela, et je suis sûr que certains de mes collègues s'en réjouissent aussi. Nous avons affaire là à un aspect de la politique d'intérêt public qui laisse perplexe. Il n'existe aucune réglementation portant expressément sur cet aspect du crédit à la consommation. Les banques et leurs activités de même que votre secteur et ses activités sont réglementés. Dans le cadre des pouvoirs que la loi vous confère, il existe déjà une réglementation. Ai-je raison?
M. Burns : Tout à fait. Au niveau provincial.
Le sénateur Angus : Vous êtes une organisation cadre.
M. Burns : Exact. Toutefois, les caisses d'épargne qui sont nos actionnaires sont réglementées à cet égard au nouveau provincial, c'est vrai.
Le sénateur Angus : Je vous encourage à persévérer dans ce domaine. Cela aurait un effet tout à fait salutaire non seulement en agissant sur la concurrence, mais aussi en élargissant peut-être les normes qui s'appliquent dans votre secteur et celui des banques — secteur dont, d'après les témoins, les consommateurs souhaitent la présence dans le domaine des prêts salariaux.
À ce même propos, M. Campbell sait que nous sommes très curieux de connaître les raisons qui ont incité les banques à charte — et plus particulièrement les membres de votre association — à quitter ce marché. Il a été dit que les membres de votre association souhaiteraient peut-être repenser leur position. Je pose ces questions à l'occasion de l'étude du projet de loi C-37 parce que c'est le moment de la révision législative. Les lois applicables comprennent de nombreuses mesures de protection du consommateur qui ont été instaurées par le projet de loi C-8. Il y a des obligations et exigences d'ordre social, socioéconomique et ergonomique. Certains d'entre nous se sont demandé, en se colletant avec un projet de loi, si les banques et vos membres ne réfléchissent pas à la question, peut-être. Avez-vous des propositions à formuler que nous pourrions transmettre?
M. Campbell : Je vais d'abord revenir sur un ou deux points de votre intervention, sénateur. Vous avez dit que c'était une question qui laisse perplexe. Je voudrais dire un mot là-dessus.
À propos de l'abandon de ce marché, si je considère le secteur des prêts salariaux, les raisons qui en expliquent la croissance, et cetera — et je dois dire que je m'oppose aux qualificatifs que vous avez employés, bien que je comprenne que vous l'ayez fait —, les banques proposent une certaine gamme de ces produits que sont les prêts à court terme. Celui qui s'adresse aux prêteurs sur salaire doit avoir un compte-chèques. Nous offrons la possibilité d'avoir un découvert à des taux bien inférieurs à ceux des prêteurs sur salaire. La plupart des gens ont une carte de crédit. Nous offrons des cartes de crédit — et il est possible d'obtenir des avances — à des taux bien plus faibles. Nous offrons des lignes de crédit qui n'ont pas à être garanties, à des taux bien plus faibles. Nous offrons tous ces services.
Je ne me souviens pas de l'époque où on pouvait aller voir une caissière et lui demander 100 $. Il y a une démarche à suivre. Ce n'est pas notre genre d'activité. Nous n'avons pas abandonné ce marché; nous offrons ce genre de service, et nous les avons toujours offerts. On dit parfois que nous avons fermé des succursales. Or, nous avons fait faire des recherches par l'Université Ryerson. Les chercheurs ont constaté que, le plus souvent, les prêteurs sur salaire s'installent très près des succursales. Lorsqu'un client s'adresse à un prêteur sur salaire pour obtenir son premier prêt, le prêteur lui demande d'aller à la succursale, au guichet automatique, et de faire imprimer les 12 ou 15 dernières opérations sur son compte pour montrer qu'il a un compte actif. Les prêteurs sont donc très près des succursales. Nous n'abandonnons pas ce marché.
Quant à la croissance du marché des prêts sur salaire, je crois que vous avez raison de dire que la question laisse perplexe. Quelle est la raison de cette croissance? S'agit-il d'un enjeu social plus vaste? Quel est ce phénomène? Nous nous demandons qui sont ces gens qui s'adressent aux prêteurs sur salaire. Nous savons qu'ils ont un revenu moyen, qu'ils ont un emploi, qu'ils ont des comptes bancaires. Nous savons également qu'ils ont un besoin urgent d'argent liquide pendant quelques jours. Dans bien des cas, ils ont du mal à gérer leur argent. Quels sont les éléments que nous ignorons? Pourquoi ne se prévalent-ils pas de la possibilité d'avoir un découvert? S'ils ont cette possibilité, dans quelle mesure en ont-ils profité? Pourquoi ne prennent-ils pas une avance grâce à leur carte de crédit? Si on répond à ces questions que c'est parce qu'ils ont déjà utilisé ces autres possibilités au maximum, il serait irresponsable de les pousser à s'endetter davantage.
Un faible pourcentage des consommateurs ont recours aux prêteurs sur salaire lorsqu'ils ont un besoin urgent de liquidités. La majorité de ceux qui ont ces besoins urgents ne le font pas; ils utilisent d'autres moyens. Je sais que le comité s'intéresse à la question, et je l'ai moi-même étudiée. Nous avons fait des recherches et j'ai fait des lectures sur la question. Je ne comprends pas à la perfection de quoi il retourne. Est-ce un problème plus vaste? Cela tient-il à la façon dont les gens abordent la question? De moins en moins de gens ont des économies. De moins en moins de gens ont des réserves pour pouvoir absorber un coup dur.
Tant que nous ne saurons pas à quoi nous en tenir, il sera difficile de décider comment notre action doit s'orienter. Il y a deux choses que nous savons. D'abord, le gouvernement fédéral va appliquer le projet de loi C-26, qui permettra de prendre un règlement. S'agit-il de la solution parfaite à tous les problèmes? Peut-être pas. Mais c'est une solution qui mérite notre appui. Je crois savoir que la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan, s'intéressent vivement à la question, à l'application d'une réglementation. Il s'agit de faire entrer ces institutions dans la sphère de la réglementation, tout comme nous. Les taux seraient plafonnés; toutes les questions de conduite sur le marché seraient prises en compte; les reconductions de prêt cesseraient, et cetera.
Deuxièmement, s'il s'agit de gens qui ont du mal à se débrouiller d'une paye à l'autre ou d'un problème plus large de gestion du budget, par exemple, je crois qu'il y a un travail d'information en matière financière qui s'impose. Dans le dernier budget, le gouvernement a rappelé que nous avons un organisme de réglementation, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, l'ACFC. Elle a un champ d'intérêt et un mandat très larges. Elle a reçu un mandat et des ressources financières qui lui permettent de réaliser un projet de plus grande envergure visant à améliorer les connaissances en matière financière.
Le président : Nous avons entendu le point de vue de ces fonctionnaires, mais ils n'ont pas pu nous donner beaucoup de conseils à ce sujet. Ils estiment que cela ne se rapporte pas à leur mission précise, à leur mandat.
Monsieur Campbell, j'ai une question complémentaire à vous poser. La Caisse Alterna d'Ottawa, à laquelle M. Burns a fait allusion, nous a donné une excellente documentation non sur le manque d'information, mais sur toute l'information que nous avons. Vous dites que nous ne savons pas. Nous savons. La documentation vient de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, mais la Caisse Alterna s'y est reportée également. Selon le tableau présenté, pour un prêt de 300 $ sur 14 jours, le prêt sur salaire moyen coûte 435 p. 100 par an. Si on utilise plutôt sa carte de crédit, c'est 36 p. 100, et c'est 21 p. 100 pour les découverts ou les emprunts sur ligne de crédit, autant de solutions qui sont acceptables, selon vous. Le problème, c'est que 10 p. 100 de la population, pour une raison quelconque, n'a pas recours à ces méthodes ni aux services ordinaires des banques. Et toujours d'après les témoignages que nous avons recueillis, 10 p. 100 de la population n'a pas les moyens d'attendre jusqu'au chèque de paye. Il faut de l'argent liquide tout de suite pour se rendre au jour de la paye, et c'est un énorme problème.
Le sénateur Angus et moi sommes du même avis là-dessus. Le problème est grave. Il a surgi depuis le dernier examen quinquennal de la Loi sur les banques. Cette industrie du prêt sur salaire n'existait pas, et voici qu'elle est là. Les chiffres varient entre 2 et 5 milliards de dollars. Nous ne savons pas trop, mais la croissance est phénoménale. Bien honnêtement, nous nous demandons pourquoi les milieux bancaires n'ont pas réfléchi sérieusement à la question, n'ont pas cerné les problèmes et ne nous ont pas aidés, nous et le Canada, à trouver une solution.
M. Campbell : Là-dessus, je suis d'accord. Nous avons essayé de voir ce qui se passait sur le marché. Nous en avons déjà discuté avec le comité par le passé. L'étude de l'ACFC dont vous parlez est très instructive. Nous appuyons le projet de loi C-26 parce qu'il plafonnera certains des taux d'intérêt auxquels vous faites allusion.
Le président : Monsieur Campbell, nous sommes au courant.
M. Campbell : Je comprends.
Le président : Nous savons quels sont les objectifs du projet de loi. Ce que nous vous demandons, à l'occasion de cette révision de la Loi sur les banques, c'est ceci : les banques sont-elles prêtes à faire quelque chose, et quoi? Le vice- président a soigneusement choisi ses mots. Il a parlé d'abandon. Cet élément se rattache aux services bancaires au Canada, et il y a une lacune. Nous nous félicitons des marges bénéficiaires des banques. C'est magnifique. Mais notre question est la suivante : avec toutes les rentrées d'argent qui sont à la disposition des banques, pourquoi n'examinent- elles pas attentivement le problème et n'aident-elles pas le comité et le Canada à trouver une solution? Il s'agit d'un problème systémique grave. Or, à l'occasion des révisions de la législation bancaire, voilà justement ce que nous devons faire : étudier les problèmes graves et systémiques. Si vous me dites que vous êtes perplexes et ne savez pas ce qui se passe, nous vous demandons pourquoi vous ne savez pas.
M. Campbell : Nous essayons de le savoir. Nous avons fait des recherches, ce dont je suis heureux de vous faire part. Sauf votre respect, pour savoir à quoi nous en tenir, il faut mettre le doigt sur le vrai problème. Pourquoi les consommateurs ont-ils recours à ce service? Je pose de nouveau la question. Croyez-moi, je dis cela en m'appuyant sur les consultations avec mes membres, avec les banques. Nous disons : « Vous devez avoir un compte-chèques. Vous pouvez avoir des découverts. Dites-moi pourquoi les gens ont recours à ces autres services? »
Nous avons essayé de faire nos propres recherches, mais je n'ai pas de réponse complète.
Le président : Monsieur Campbell, sauf votre respect, nous n'avons pas besoin de recherches plus poussées. Il faut offrir des solutions de rechange. Le vice-président et moi entendons aborder la question avec les présidents des banques. Nous voulons savoir, comme le vice-président l'a si bien dit, pourquoi les banques n'assument pas leurs responsabilités sociales? Il ne s'agit pas d'institutions appauvries auxquelles nous essayons d'arracher encore un peu plus. Ce sont des institutions financières dynamiques, importantes. Nous nous en réjouissons, mais il ne faut pas oublier les responsabilités sociales non plus.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi les gens mangent-ils des hot-dogs? Je ne le sais pas non plus; ce n'est pas très bon pour la santé, ce qui ne m'empêche pas de les aimer. Ce qui est important, ce n'est pas ce que les banques n'ont pas fait, car cela n'importe guère. Je ne m'inquiète pas autant de la question que les autres membres du comité le font. C'est un marché. Si quelqu'un démarre une entreprise et prête de l'argent, et si les consommateurs veulent emprunter, il n'y a là rien de mal. Si quelqu'un d'autre veut s'emparer de ce marché, comme les caisses d'épargne dans ce cas-ci, il faut livrer concurrence.
Je veux savoir pourquoi les caisses d'épargne ont agi et quelles possibilités elles ont entrevues. Il est évident qu'elles ont trouvé la réponse et qu'elles voient là non pas un problème, mais une occasion à saisir.
Peut-être pourriez-vous donner plus de précisions et nous conseiller d'autres témoins à convoquer, des membres de cette institution d'Ottawa qui se lance dans ce secteur.
M. Burns : Les représentants de la Caisse Alterna pourraient vous indiquer d'autres caisses d'épargne qui étudient leur modèle. La Caisse Alterna a essayé de modéliser l'activité des prêteurs sur salaire et de donner à ses agents la capacité d'accorder le même genre de prêt.
Les caisses d'épargne sont autonomes, et chacune à son propre modèle, son propre plan d'entreprise. Je peux seulement présumer que, lorsque la Caisse Alterna a étudié le modèle d'entreprise des prêteurs sur salaire, elle a vu qu'il y avait là une marge assez solide pour soutenir cette activité. Comme vous le savez, en fin d'exercice, les caisses d'épargne rendent leurs bénéfices à leurs membres. Ce n'est pas vraiment l'appât du gain qui motive la Caisse Alterna, mais le fait qu'il s'agit là d'un marché qui n'est pas assez bien servi.
Il me semble, si on considère le secteur des prêts sur salaire en général, qu'il y avait un besoin évident auquel on ne répondait pas, sans quoi la lacune n'aurait pas été comblée aussi rapidement.
Je me pose aussi certaines des questions que se pose mon collègue, M. Campbell. Considérons la croissance du courtage en prêts hypothécaires. On ne peut pas dire qu'il manquait de prêts hypothécaires. Là n'était pas le problème. On avait l'impression qu'il existait des barrières sur le marché. Il y avait un besoin auquel les courtiers ont répondu. Le problème ne se résumait pas nécessairement à l'accès au crédit. J'essaie de voir intuitivement. Je ne prétends pas savoir. Il y a peut-être une autre raison qui n'est pas entièrement d'ordre financier, et on répond à un besoin de ces consommateurs qui sont disposés à payer plus cher leurs services.
M. Campbell : Est-ce que c'est une question d'anonymat? Les clients préfèrent-ils rester dans l'anonymat lorsqu'ils ont recours à ces services? Est-ce parce que les prêteurs sur salaire ne s'inquiètent aucunement de vérification ou de cotes de solvabilité?
Comme je l'ai dit plus tôt, en expliquant que ces prêteurs demandent au client d'aller chercher un état des opérations au guichet automatique de leur banque, il s'agit seulement de vérifier si le compte est actif ou non. Je me soucie de cette question, mais, selon notre point de vue, si le client a déjà utilisé au maximum les autres possibilités de crédit, nous nous demandons si c'est vraiment l'aider que de lui donner l'occasion de s'endetter davantage.
Le président : Peut-être ces gens sont-ils incapables de faire un paiement et risquent-ils de perdre leur voiture. Ou bien ils ont utilisé au maximum les autres possibilités de crédit, et ils ont désespérément besoin d'argent pour un certain nombre de raisons. Il n'en demeure pas moins qu'une partie non négligeable de la population a recours à ces services. Nous préférons nettement que le service soit offert, mais le problème, c'est le coût.
Une fois que le client est engagé dans l'engrenage des prolongations de prêt, il est livré au diable, étrangement.
Le sénateur Goldstein : Je voudrais revenir sur la question des délais de compensation des chèques. Vous dites que vous prévoyez les ramener de dix à sept jours lorsque le processus d'imagerie des chèques sera achevé. Lorsque le système canadien de paiements aura ce processus en place, vous les ramènerez à quatre jours. Je crois comprendre que, une fois que la banque sur laquelle les fonds sont tirés reçoit un chèque — ou son image, éventuellement —, elle a le reste de la journée et le lendemain pour refuser d'honorer le chèque. Cela donne un maximum de deux jours. Je ne comprends pas pourquoi vous parlez de quatre jours.
Karen Michell, vice-présidente, Opérations bancaires, Association des banquiers canadiens : Je dois vous rappeler que, à n'importe quel jour donné, il n'y a aucune retenue sur les fonds pour la vaste majorité des comptes. Les fonds sont retenus pour moins de 1 p. 100 des chèques. Dans le cours normal des choses, s'il n'y a aucune retenue sur les fonds ou le chèque, on a accès aux fonds immédiatement. C'est parce que les banques avancent un crédit provisoire pendant la période de compensation et de règlement du chèque.
Il peut y avoir retenue sur un chèque; cela dépend de l'historique du compte. Si un client dépose généralement des chèques de quelques centaines de dollars et que, soudain, il en dépose un de 10 000 $, ou encore si la banque a une raison de soupçonner une fraude ou une activité illégale sur le compte, il peut arriver qu'il faille plus que quelques jours pour vérifier l'exactitude du chèque et s'assurer que les fonds sont disponibles.
Dans le cours normal des choses, nettement plus de 99 p. 100 des gens qui déposent des chèques peuvent avoir accès à leurs fonds immédiatement.
Le sénateur Goldstein : Généralement, ce sont ceux qui ont besoin de leurs fonds immédiatement qui sont soumis à une retenue. Je ne m'inquiète pas tellement qu'on retienne mes chèques, car je crois que ma banque ne le fait pas, mais je m'inquiète, et c'est normal, de ceux qui ont besoin d'argent et ne peuvent l'obtenir parce que leurs fonds sont retenus plus longtemps qu'il n'est nécessaire aux termes de la Loi sur les lettres de change.
Vous ne m'avez toujours pas dit pourquoi il vous fallait quatre jours alors que la Loi sur les lettres de change dit que la banque sur laquelle les fonds sont tirés doit les remettre dans les deux jours.
Mme Michell : Tirons au clair ce qui se passe. La compensation et le règlement du chèque se font du jour au lendemain. Si vous me faites un chèque et si je vais l'encaisser à la banque, les deux centres de traitement de nos banques assurent la compensation et veillent à ce que les fonds soient disponibles.
Pour ce qui est du maximum de quatre jours, s'il y a des raisons de soupçonner une fraude ou une illégalité, les banques prennent le temps de vérifier le chèque ou le compte. Si elles se trouvent devant un chèque qui ne correspond pas aux habitudes du client, elles vérifient de plus près, ce qui demande plus de temps. Dans une faible minorité des cas, les banques imposent une retenue pour des raisons valables. Il s'agit de vérifier les fonds et l'activité sur le compte, après quoi elles accordent l'accès aux fonds. Dans la vaste majorité des cas, ces précautions ne sont pas prises.
Le sénateur Goldstein : Je ne veux pas parler de la vaste majorité des cas, mais seulement des chèques dont les fonds sont retenus, alors que ce sont généralement des clients qui ont besoin de leurs fonds. Je ne veux parler que de cela.
Voici comment les choses se présentent : le client se rend à sa banque et remet le chèque en main propre au caissier. Le chèque entre dans le système de paiement et, du jour au lendemain, il y a compensation selon le principe contra proferentem, ce qui est assuré par le système de paiements, et ce système est excellent, comme vous le savez. Le lendemain, la banque sur laquelle les fonds sont tirés doit honorer le chèque ou refuser de le faire. Si elle ne le fait pas, elle perd son recours, pour employer vos termes techniques. Elle doit payer. Si elle doit payer, au plus tard à la fin de la journée suivante, je ne peux pas comprendre qu'il vous faille quatre jours de retenue. Auriez-vous l'obligeance de me l'expliquer?
Mme Michell : Je suis d'accord avec vous. Dans la vaste majorité des cas, les choses se passent exactement comme vous le dites. Mais c'est différent si une banque a raison de soupçonner qu'il y a fraude. Elle ne donne pas nécessairement d'avertissement, mais elle vérifie ce qui se passe dans le compte. S'il y a quelque autre raison — par exemple, si le client a présenté un chèque qui n'est pas facile à lire, qui n'est pas codé au moyen de caractères à l'encre magnétique, même avec une image —, il lui faudra plus de temps pour vérifier. Il lui faut une période dont le maximum est fixé. C'est un maximum de quatre jours — mais il ne faut pas toujours quatre jours — pendant lesquels elle retient le chèque.
Le sénateur Goldstein : Je m'en tiendrai là. J'en ai terminé avec cette question
Le sénateur Moore : Question complémentaire sur le même sujet. Madame Michell, vous avez évoqué la possibilité de fraudes. La banque à laquelle les fonds sont versés a le chèque. L'a-t-elle négocié, le détient-elle physiquement pendant l'enquête sur les risques de fraude ou le soumet-elle au système de compensation?
Mme Michell : Cela dépend de la situation. Lorsque l'effet est remis à notre centre de traitement pour qu'il établisse si les fonds seront disponibles le lendemain — il s'agit du processus de compensation et de règlement —, s'il soupçonne pour quelque raison une irrégularité, il peut lui falloir quelques jours de plus pour savoir si les fonds sont disponibles et si la signature sur le chèque est la bonne. Cela peut demander un peu plus de temps. Cela dépend de la nature de la fraude, de la nature de la situation.
Le sénateur Moore : Toutefois, le chèque a progressé dans le processus de compensation.
Mme Michell : Il faut qu'il soit présenté à la banque où se trouve le compte sur lequel il a été tiré. Dans ce cas, la banque doit voir si des fonds sont disponibles.
M. Campbell : Le processus actuel finira par être abrégé grâce à l'électronique. Aujourd'hui, toutefois, le chèque est compensé et réglé selon les instructions qui s'appliquent entre les banques. Nous savons que les fonds sont là. L'effet doit être transporté par avion, train ou véhicule automobile pour se retrouver dans la banque où il a été tiré. S'il revient parce qu'il y a un problème, il doit faire le trajet en sens inverse. Voilà ce qui prend du temps. Il est maintenant possible, grâce à l'électronique, de se passer des moyens de transport. Le problème, c'est la séparation entre la compensation et le règlement, d'une part, et le fait que le chèque doit être renvoyé à la banque d'origine, d'autre part. S'il y a un problème, le chèque doit refaire tout le trajet. Il ne faut pas oublier que le maximum est de quatre jours.
Le sénateur Goldstein : J'aurais une brève question à poser. Vous ne l'avez pas abordée, monsieur Campbell, mais nous avons eu la possibilité d'en discuter la semaine dernière. Il me semble important d'en faire état ouvertement. La question ne se rattache pas directement au projet de loi, mais elle me semble importante.
Je voudrais que vous nous disiez un mot du programme d'éducation que les banques à charte ont mis en place pour renseigner les jeunes sur le bon usage du crédit.
M. Campbell : Je comprends. Cela se rattache, selon moi, à la question dont nous avons discuté tout à l'heure.
Nous estimons qu'il est extrêmement important que les consommateurs possèdent des connaissances en matière financière. Pendant mes études, il n'y avait rien à ce sujet dans le programme scolaire. C'est là une énorme lacune. Les jeunes arrivent dans la vie sans aucune de ces compétences qui leur sont nécessaires. Nous avons pris la question au sérieux. Depuis dix ans, nous publions une série de brochures qui donnent une information objective. Des millions d'exemplaires ont été diffusés. Nous avons offert un programme d'initiation aux finances dans les écoles secondaires. Il s'appelle « Questions d'argent ». Il s'agit d'un atelier gratuit. Il est offert depuis des années. Des centaines de milliers d'élèves ont suivi ce programme, que nous voulons maintenir, car il nous semble avoir une grande valeur.
J'ai parlé tout à l'heure de l'organisme de réglementation fédéral, l'ACFC, que le sénateur a cité. L'Agence est maintenant chargée de promouvoir les connaissances en matière financière. Le budget lui a accordé des fonds pour faire ce travail. Selon nous, il s'agit d'une mesure constructive.
[Français]
Le sénateur Biron : Si les « payday lenders » deviennent des prêteurs de dernier recours, on sait que lorsque c'est la dernière personne où l'on peut emprunter, les gens remboursent ces personnes. Les banques et les caisses perdront cette possibilité. Cela n'augmentera-t-il pas les risques de pertes par les banques puisqu'elles ne seront plus les prêteurs de dernier recours?
[Traduction]
M. Campbell : Les banques cherchent à attirer les clients, à les servir, à réussir sur un marché où la concurrence joue. Elles sont toujours à la recherche de créneaux pour exploiter le marché d'une multitude de façons en offrant toutes sortes de produits. C'est avec les personnes qui ont recours aux prêteurs sur salaire que les problèmes surgissent, lorsqu'il y a prolongation des prêts, et cetera. Le projet de loi C-26 et les lois provinciales semblables mettront en place les moyens de prévenir ces problèmes.
D'après nos recherches, la vaste majorité des gens — soit environ 60 p. 100 — contractent quelques prêts au cours d'une année; environ 25 p. 100 le font sept, huit, dix ou douze fois dans une année. Un très petit noyau de consommateurs y ont recours sans cesse. Voilà le problème. Ce sont ces personnes qui sont plongées dans les difficultés.
Quelle est la solution? Ce marché va-t-il nuire aux banques? Pas du tout. Nous avons un régime réglementaire très strict axé sur la prudence qui nous oblige à gérer le risque avec grand soin. Le gouvernement nous surveille et un ensemble détaillé de règles nous aide à ne pas dépasser les bornes.
Le président : Je voudrais passer à une autre question qui intéresse le comité. Le projet de loi C-37 propose de porter la proportion du prêt hypothécaire de 75 à 80 p. 100. Quelle est la position des banques à ce sujet? Puisque vous appuyez le projet de loi, je présume que vous êtes favorables à cette mesure.
M. Campbell : C'est une proposition qui vient du gouvernement. Dans l'état actuel des choses, lorsque le montant dépasse la limite établie, il faut contracter une assurance hypothèque. Nous sommes donc protégés. Comme je le disais à l'instant, l'organisme de réglementation a un régime de gestion du risque plutôt solide. Le gouvernement a donc fait cette proposition, et nous allons collaborer avec lui.
Le président : Estimez-vous que cela va accroître l'offre de crédit aux consommateurs qui en ont besoin? Croyez- vous que cela facilitera l'accès à la propriété pour un plus grand nombre de personnes? Est-ce que ce sera une bonne mesure ou non? Entrevoyez-vous un problème?
M. Campbell : Je ne vois pas de problème. C'est au gouvernement qu'il faut demander pourquoi il a proposé cette mesure. Selon moi, il l'a fait en vue de réduire les coûts pour les consommateurs. Nous n'avons pas encore vu comment cela se réalisera concrètement. Étant donné que nous avons un régime réglementaire robuste et divers assureurs qui offrent leurs produits sur le marché, les fournisseurs ne manquent pas, et les consommateurs ont des choix. Il y a là un progrès. Le gouvernement a dit également que, comme c'est une mesure qui traduit une progression, il allait voir quelle est l'augmentation des hypothèques avec le temps. Nous croyons que c'est une précaution à prendre. En ce sens, nous accueillons favorablement cette mesure.
Le président : J'ai une brève question à poser pour donner suite à l'intervention du sénateur Goldstein. Selon moi, c'est un point important que celui des délais de compensation des chèques. D'après nous, ces délais aggravent les problèmes de crédit. Nous essayons donc de tenir compte de tous les aspects de ce problème compliqué. L'imagerie électronique semble fantastique, car elle accélérera le processus et fera ressortir les problèmes de façon plus précise. Nous nous réjouissons de cette initiative. Ma vraie question est la suivante : le fait que les fonds des chèques soient retenus, cela permet-il à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada d'exercer une surveillance et d'étudier les problèmes? Nous avons entendu votre point de vue. Nous sommes maintenant à la recherche d'une instance indépendante qui nous dira ce qui est acceptable ou non. C'est justement dans les cordes de l'ACFC. Quel est votre avis?
M. Campbell : Mme Michell voudra peut-être intervenir. Nous travaillons avec le gouvernement en vue d'élaborer un code dont l'application sera surveillée par l'ACFC. Elle verra comment s'applique le code sur la retenue des chèques. Ce code sera soumis à sa surveillance.
Mme Michell : Jusqu'à maintenant, l'ACFC n'a pas reçu beaucoup de plaintes sur les retenues. Elles sont très peu nombreuses. Parmi les plaintes reçues chaque année, il y en de 20 à 30 qui portent sur la retenue des fonds.
Comme M. Campbell l'a dit, l'application du code de conduite que nous élaborons avec le gouvernement pour limiter la période de retenue sera surveillée par l'Agence.
Le président : Pourriez-vous nous communiquer ce code?
Mme Michell : Nous nous ferons un plaisir de vous le faire parvenir.
Le président : Nous voudrions y jeter un coup d'oeil. Dans les cas d'autoréglementation, nous croyons qu'il devrait également y avoir une surveillance.
Je remercie tous les témoins. Nous lirons attentivement vos documents. Mais vous pouvez comprendre la passion qui anime nos échanges. Nous essayons de cerner ce que nous considérons comme un vrai problème.
Sénateurs, nous avons maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue au ministre des Finances, l'honorable James Flaherty, qui ne semble pas plus mal se porter après avoir présenté son budget.
Monsieur le ministre, nous avons hâte d'entendre votre point de vue, et celui de vos collaborateurs, sur le très important examen quinquennal de la législation applicable à nos institutions financières. Nous comprenons que votre temps est limité, mais nous avons beaucoup de questions à poser. Je vous en prie.
L'honorable James M. Flaherty, C.P., député : Monsieur le président, mes contraintes de temps tiennent au fait que des votes auront lieu aux Communes d'ici 45 à 60 minutes. Quelqu'un va suivre les délibérations pour moi, et je me rendrai à la Chambre lorsqu'il le faudra.
Le président : Auriez-vous des objections si vos collaborateurs prenaient le relais?
M. Flaherty : Aucune. Ils vous répondront probablement mieux que moi.
Je vais abréger les observations que j'ai ici, mais je vais passer les principaux points en revue.
[Français]
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'offrir l'occasion de parler du projet de loi C-37. Je serai bref afin de disposer de tout le temps nécessaire pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le projet de loi propose des modifications du cadre législatif qui régit les institutions financières au Canada. Les institutions financières assujetties à la réglementation fédérale jouent un rôle important dans l'économie canadienne. Je suis également le ministre chargé de l'agglomération torontoise. Le fait que ce secteur de l'économie offre des emplois de qualité à environ 700 000 personnes est également un fait à ne pas négliger. Il représente environ 6 p. 100 du PIB du Canada.
L'an dernier, nous avons élaboré un plan économique pour le Canada, Avantage Canada. Nous avons clairement fait comprendre que nous allions travailler d'arrache-pied à la mise en place de conditions propices pour que nos institutions financières prospèrent dans l'économie mondiale. En janvier, j'ai eu l'occasion de faire avancer cette cause, dans l'intérêt des nos institutions financières, avec mes collègues du gouvernement chinois.
Le projet de loi C-37 vise trois grands objectifs : servir les intérêts des consommateurs, accroître l'efficience des lois et des règlements, et adapter le cadre aux réalités nouvelles. Comme le comité se préoccupe plus particulièrement des intérêts des consommateurs, je vais en parler brièvement, si on me le permet.
Le gouvernement est convaincu de la valeur de la concurrence et de la divulgation des renseignements. La concurrence garantit aux consommateurs un éventail de choix plus large. Il existe maintenant des produits et des services financiers qui correspondent bien à un grand nombre de besoins et d'objectifs des Canadiens. Cela dit, l'intensification de la concurrence peut parfois rendre plus complexe le processus de décision. Par ailleurs, la divulgation des renseignements fait en sorte que les consommateurs ont l'information nécessaire afin de prendre les meilleures décisions pour eux-mêmes et pour leur famille.
Le projet de loi contient quelques modifications qui visent à renforcer les exigences en matière de divulgation. Il traite de la divulgation pour les clients qui utilisent les services bancaires en ligne.
[Français]
L'amélioration des exigences de divulgation touche le traitement des plaintes. À l'heure actuelle, les institutions financières, sur réglementation fédérale, doivent affecter des employés au traitement des plaintes de leurs clients et établir des procédures à cet égard.
[Traduction]
À l'heure actuelle, rien n'oblige les institutions à s'assurer que les consommateurs ont accès en permanence à l'information sur ces procédures. Pensons, par exemple, aux consommateurs qui n'ouvrent pas de compte, mais qui obtiennent d'autres produits et services, comme une hypothèque. Il en est question dans le projet de loi C-37.
Le projet de loi traite également de la période de retenue des chèques. C'est une question importante qui a des conséquences non seulement pour les particuliers qui ont des comptes à payer, mais aussi pour les PME. Le projet de loi C-37 tient compte de ces préoccupations en aidant à réduire la période de retenue imposée.
De plus, la reproduction des chèques par imagerie au moyen de techniques de balayage électronique permettra aux institutions financières de réduire la période nécessaire à la compensation, opération qui mobilise beaucoup de main- d'œuvre, demande beaucoup de temps et coûte cher. Nous pouvons apporter des améliorations sur ce plan grâce aux progrès de la technologie. Nous possédons les moyens technologiques voulus et, à notre avis, il faut s'en servir.
Le projet de loi C-37 contient d'autres mesures propres à assurer un meilleur choix aux consommateurs. Comme vous le savez, les associations coopératives de crédit — vous venez d'entendre des représentants des caisses d'épargne — sont des institutions financières constituées au niveau fédéral qui peuvent offrir des produits et des services à leurs membres.
[Français]
Le nouveau gouvernement du Canada estime que cette exigence est trop rigoureuse.
[Traduction]
Il faut actuellement au moins dix coopératives pour former une association. Nous proposons de ramener ce nombre à deux. En ce qui concerne les hypothèques, nous exigions un ratio prêt-valeur de 75 p. 100. Nous proposons de le porter à 80 p. 100. Cela fera baisser le montant de la mise de fonds exigée, et les Canadiens pourront réaliser des économies sur leur prêt hypothécaire. Il s'agit là d'économies concrètes. Une famille qui achète une maison de 200 000 $ avec une mise de fonds de 20 p. 100 pourrait économiser 1 600 $, ce qui est important et utile lorsqu'on achète une première maison. Cet argent pourra servir à d'autres dépenses.
Le projet de loi contient bien d'autres dispositions, et je ne vais pas m'y attarder maintenant. Qu'il suffise de dire que de vastes consultations ont présidé à l'élaboration du projet de loi. Les consultations ont abouti à un livre blanc, publié en juin dernier, dont le contenu correspondait à l'essentiel du projet de loi à l'étude aujourd'hui.
Merci, monsieur le président. Je m'arrête ici pour pouvoir répondre à des questions.
Le sénateur Angus : Je vous souhaite la bienvenue, ainsi qu'à vos fonctionnaires et collaborateurs qui vous accompagnent. Je vous félicite de votre budget et je vous remercie de comparaître à un moment où il vous faut vous occuper des suites de ce budget. C'est une entreprise que je connais.
Vos fonctionnaires ont fait remarquer que l'examen en cours de la législation régissant les services financiers est provisoire. Autrement dit, aux environs de 1990, le Canada a eu son « big bang ». Nous avons séparé quelque peu les piliers de ce secteur. Il y a eu ensuite un examen d'ordre technique qui n'a pas entraîné de modifications importantes. Le projet de loi C-8 a suivi; il a ajouté une grande partie des dispositions visant à assurer la protection du consommateur. Depuis lors, nous essayons d'assimiler ces dispositions. Comme vous le savez, nous avons réalisé une grande étude sur les effets du projet de loi. Et en ce moment, il n'existe pas une grande envie de modifier les orientations à l'occasion de l'examen en cours.
Je veux simplement m'assurer de bien comprendre qu'il n'y a aucune interprétation à tirer des propositions à l'étude au sujet des acquisitions ou cessions entre les piliers ou au sujet d'éléments fondamentaux de la loi. Bien sûr, les témoins qui comparaissent devant le comité se posent des questions sur les fusions entre banques. Je ne perçois dans le projet de loi C-37 aucun changement d'orientation. Ai-je raison?
M. Flaherty : Comme cela arrive souvent, sénateur, vous avez raison.
Le sénateur Angus : Par conséquent, c'est exact?
M. Flaherty : C'est exact. J'ai toujours dit que les fusions entre banques n'étaient pas une priorité du gouvernement, et elles ne le sont pas.
Le sénateur Angus : L'autre grande question est celle des sociétés d'assurance. Je crois qu'il y a une légère modification des seuils ou des montants maximums. Pourriez-vous donner des précisions?
M. Flaherty : Il y a modification des seuils de propriété.
Le sénateur Angus : Pourriez-vous décrire les modifications?
Serge Dupont, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : La modification, c'est que toute institution dont les capitaux propres sont supérieurs à 5 milliards de dollars doit être de propriété dispersée. Le seuil est porté à 8 milliards de dollars de façon à tenir compte de la croissance que le secteur a connu depuis 1999, année où le seuil a été établi. Il y a aussi un autre seuil qui est passé de 1 à 2 milliards de dollars.
Le sénateur Angus : Prenons cela comme exemple. Ce sont des modifications dans un domaine important, mais au fond, il s'agit seulement de tenir compte de l'inflation ou de la croissance survenue dans le secteur. Ce n'est donc pas une profonde réorientation. On tient le cap en exerçant une surveillance.
M. Flaherty : C'est exact.
Le sénateur Angus : Il y a bien d'autres questions auxquelles on aurait pu s'intéresser, à mon avis. L'explication avancée est que cet examen-ci est axé sur la rationalisation et le règlement de détails techniques, et qu'aucun changement fondamental n'est apporté dans la structure de l'industrie.
M. Flaherty : Voilà une réflexion très juste, sénateur. Le projet de loi ne reflète aucune réorientation fondamentale. Il y a certes des changements importants, par exemple au sujet de la composition des conseils d'administration, qui faciliteront l'activité et les opérations des institutions financières au Canada, mais ce ne sont pas des réorientations fondamentales.
Le sénateur Goldstein : J'ai deux questions à poser. Elles découlent du budget et touchent directement les banques. Depuis un bon moment, au Canada, il est interdit aux banques de se fusionner. Elles ont donc cherché à prendre de l'expansion de deux façons. D'abord, en essayant de vendre d'autres produits, comme de l'assurance, ce qui n'a pas été une expérience très heureuse. Deuxièmement, en acquérant des institutions financières ailleurs. Ma question porte sur la déductibilité des frais d'intérêt courus sur les capitaux nécessaires à l'acquisition de ces autres institutions financières. D'après mon interprétation du budget — mais il faudra bien sûr attendre de voir le texte de loi —, il semble que les institutions financières, pas plus que les autres acquéreurs, ne pourront déduire les frais d'intérêts de leurs revenus. Avez-vous envisagé de faire une exception pour ce genre d'activité, que nombre d'entre nous considèrent comme très acceptable sur le plan de la concurrence, afin de permettre aux banques de déduire ces frais d'intérêts? Voilà ma première question. La deuxième viendra dans un moment.
M. Flaherty : Sénateur, nous n'avons pas beaucoup de temps. Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Nous cherchons à éliminer les refuges fiscaux. Il s'agit d'une question d'équité fiscale, tout comme la décision annoncée en octobre dernier au sujet des fiducies de revenu était une question d'équité fiscale. Si nous voulons continuer à réduire les impôts au Canada, et c'est ce que nous devons faire, tous, y compris les banques, toutes les institutions financières et toutes les sociétés, peu importe comment elles se constituent sur le plan juridique, doivent payer leur juste part d'impôt. La déduction de frais d'intérêts au Canada grâce au mécanisme des refuges fiscaux ne sera plus acceptée. Cette politique est ferme. Nous consultons le secteur des affaires et l'industrie au sujet de la protection des droits acquis. La politique est là, énoncée dans le budget : il faut mettre un terme à l'utilisation des refuges fiscaux comme moyen d'éviter de payer des impôts au Canada.
Le sénateur Goldstein : Ma deuxième question porte sur le fonds de 3 millions de dollars dont il est question dans les documents budgétaires pour l'éducation en matière financière. Je crois comprendre qu'il s'agit plutôt d'instruire l'investisseur averti que d'inculquer au consommateur le bon usage du crédit. Avez-vous songé à partager les 3 millions de dollars entre l'éducation des investisseurs avertis et un programme qui s'adresserait à des consommateurs moins avertis pour leur expliquer simplement comment faire usage du crédit? Ma troisième question se greffe à la deuxième : ce financement sera-t-il renouvelé ou s'agit-il d'une initiative ponctuelle?
M. Flaherty : Je n'ai pas songé à la deuxième question. Je présume qu'il s'agira d'un effort soutenu. Nous nous adressons aux novices, aux jeunes, aux étudiants.
Nous voulons relever le niveau des connaissances en matière financière, tout comme nous encourageons l'apprentissage de l'arithmétique et l'alphabétisation. Nous allons demander à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada de préparer du matériel pédagogique et des produits dont nous pourrons nous servir avec la coopération des provinces et des territoires, sans doute, pour diffuser cette information en matière financière.
J'ai aussi l'intention de parler de la question. C'est très important, lorsque nous nous intéressons aux divers enjeux avec les banques et d'autres institutions financières. Les gens ne comprennent pas toujours la nature de certains produits financiers. Certains ne savent pas ce que sont les intérêts composés. Ou encore l'actualisation et la façon de la calculer. Nous voulons que la prochaine génération soit plus avertie en matière financière.
Le sénateur Eyton : Il est juste de dire que votre projet de loi C-37 a été bien accueilli. Sur le plan technique, il est solide. Je présume qu'il est l'aboutissement de consultations qui se déroulent depuis un certain temps. Mes collègues veulent aborder les questions de limite des prêts hypothécaires, de durée de la retenue des chèques, et cetera, mais je voudrais plutôt m'intéresser à la gouvernance.
Pendant de longues années, j'ai fait partie de nombreux conseils d'administration, et notamment de celui d'une banque canadienne pendant un certain temps. D'après mon expérience, on considère qu'il est dans l'intérêt supérieur des entreprises et des actionnaires d'avoir de bons administrateurs. Je ne vois pas quelle différence cela peut faire que tel ou tel administrateur vienne de Kenora, de Los Angeles ou de Londres. Si je dis cela, c'est parce que vous avez modifié la composition des conseils en exigeant que la proportion des administrateurs canadiens soit non plus des deux tiers, mais de la moitié.
Je remets en cause la justification des exigences de cet ordre, que ce soit 50 p. 100 ou une autre proportion, dans un régime où il y a une bonne réglementation serrée et où des limites sont imposées à la propriété des institutions financières à propriété dispersée. Je situe cette question dans un contexte où certains observateurs ont fait remarquer que, récemment, nos grandes banques ne se sont pas internationalisées autant que certains de leurs concurrents ou n'ont pas aussi bien réussi au niveau mondial. Dans la mesure où nous avons au Canada des institutions financières qui ont un bon rendement, il semble inutile d'exiger que 50 p. 100 des administrateurs soient des Canadiens et d'imposer d'autres exigences en matière de gouvernance. Qu'en pensez-vous?
M. Flaherty : Cette disposition a derrière elle une histoire que vous connaissez probablement mieux que moi. Comme groupe, les banques canadiennes dominent le marché canadien et exercent une forte influence de manières diverses dans notre pays. Elles ont bien réussi et elles sont de plus en plus actives à l'étranger, ce qui est bon pour le Canada. Cela dit, on a eu l'impression, étant donné cette position sur le marché canadien, que la majorité des administrateurs devraient être des Canadiens. Je crois qu'il peut y avoir à ce sujet des divergences de vues entre personnes raisonnables. Nous établissons maintenant la proportion à 50 p. 100. Au fur et à mesure que les banques s'internationalisent, je présume que certains soutiendront qu'il faut la réduire davantage.
Le sénateur Eyton : Très bien. Nous pouvons peut-être diverger d'opinion à ce sujet.
Je remarque dans ce train de mesures la suppression de la retraite obligatoire pour le président, le vice-président et les membres du conseil de la Banque du Canada, ainsi que pour les membres de la Société d'assurance-dépôts du Canada, la SADC. Que je sache, pourtant, il n'y a dans la Loi sur les banques aucune disposition qui prévoit la retraite obligatoire des administrateurs des banques.
Je crois me souvenir que les administrateurs devaient partir à la retraite à l'âge de 70 ans. Je m'appuie sur mon expérience personnelle pour vous dire cela, au nom d'un grand nombre de collègues sénateurs. À 70 ans, Alan Lambert a été contraint de quitter le conseil de la Banque TD. Je suis allé lui rendre visite, et j'ai fini par le convaincre de se joindre à notre groupe d'entreprises et de nous aider dans notre planification financière. Il est devenu membre de notre conseil à 70 ans, et il y a servi pendant 21 ans, jusqu'à son décès. Et il ne fait pas de doute qu'il était notre meilleur administrateur.
Je suis curieux. Je présume que l'exigence de retraite à 70 ans figure toujours dans la Loi sur les banques, et je me demande pourquoi elle a été supprimée pour la Banque du Canada et la SADC. Pourriez-vous commenter?
M. Flaherty : La Banque du Canada a un rôle unique à jouer. Je suis à l'aise avec cette modification qui nous donnera plus de latitude à l'égard de la banque, surtout s'il s'agit de prolonger le mandat d'un an ou deux. Nous ne voulons pas que cela devienne un problème. Au Canada, comme vous le savez, les juges n'ont pas à prendre leur retraite avant 75 ans.
Le sénateur Eyton : Je ne crois pas qu'il y ait dans le projet de loi C-37 quelque disposition que ce soit qui vise à modifier l'âge de la retraite des administrateurs des banques au Canada.
M. Flaherty : C'est exact. Nous sommes en train de vérifier la disposition actuelle de la Loi sur les banques qui traite de l'âge de la retraite des administrateurs des banques.
Le sénateur Tkachuk : À la page 5 de votre intervention, il est question de la divulgation d'information par les institutions financières et leurs succursales, de renseignements sur les frais exigés pour les services normalement fournis aux clients. Je présume que ces dispositions ne donnent pas suite à des recommandations formulées par les institutions financières. Qu'est-ce qui a incité le ministère à ajouter ces dispositions au projet de loi? Y avait-il des problèmes? Des plaintes? A-t-on fait des études? Dans quel domaine s'est-on abstenu par le passé de divulguer des renseignements qui auraient dû être communiqués, ce qui expliquerait ces modifications?
M. Flaherty : Le point le plus important est lié à l'augmentation de l'utilisation des services bancaires en ligne. Il s'agit de fournir en ligne des renseignements identiques à ceux qu'on obtiendrait si on se rendait dans une succursale. Je crois savoir que des groupes de consommateurs ont fait valoir que les renseignements communiqués devraient être les mêmes, peu importe comment on a accès aux services bancaires.
Le sénateur Tkachuk : A-t-il été envisagé que les banques puissent fournir ces renseignements sur leur site Web? Quels sont les renseignements donnés à l'ouverture d'un compte ordinaire ne fournissaient-elles pas dans les services en ligne?
M. Dupont : On a fait valoir que ces renseignements n'étaient pas donnés. Au cours des consultations diverses et de l'étude de la loi et de son application dans le monde d'aujourd'hui, il nous a semblé que la symétrie s'imposait entre les services offerts dans les succursales et dans les services en ligne. Il se peut que des problèmes aient été soulevés au sujet des pratiques. Je ne suis au courant d'aucune plainte, mais nous avons mené des consultations pour voir sur quels points il pouvait y avoir des faiblesses dans la loi.
Le sénateur Tkachuk : Vous ne pouvez pas me donner des exemples concrets?
M. Dupont : Pas nécessairement.
Le sénateur Tkachuk : Pouvez-vous me dire quels renseignements seraient fournis lorsqu'un client ouvre un compte en ligne? Quels renseignements seraient fournis alors qu'ils ne l'étaient pas par le passé?
M. Dupont : Non. Il se peut qu'il y ait eu des exemples, mais je n'en ai aucun ici pour l'instant. Je précise que les institutions sont tenues de fournir des renseignements identiques à ceux qui sont donnés dans les succursales.
Le sénateur Tkachuk : À la page 7, il est question du traitement des plaintes. Les mêmes questions se posent. Qu'est- ce que les banques ne font pas en ce moment? Je pose ces questions parce que, lorsqu'on va ouvrir un compte dans une banque, on reçoit des brochures. Même chose dans le cas de l'assurance. Personne ne comprend jamais les contrats d'assurance. Pour ma part, lorsque je les lis, je trouve cela décourageant. Rares sont ceux qui peuvent lire ces contrats et expliquer exactement ce qu'ils veulent dire. Je regarde la première partie, qui dit ce qui se passera à mon décès. Je consulte mon avocat pour m'assurer que l'assureur versera l'argent, et je ne vais pas plus loin.
Quelles sont les lacunes actuelles que les modifications permettraient de combler pour répondre aux plaintes? Voilà un autre sujet à propos duquel les banques nous submergent de papier.
Où se trouvait le problème à régler? Je n'essaie pas de défendre les banques, mais seulement d'obtenir des précisions sur le but des modifications. Ont-elles un objectif? Lequel?
M. Flaherty : Vous avez raison. Beaucoup de pratiques sont déjà en place. Il s'agit d'une codification des pratiques et d'un effort en vue de légiférer à cet égard. Si le projet de loi est adopté, il deviendra obligatoire de fournir cette information.
M. Dupont : Le problème, peut-être, c'est que le seul moment où il était obligatoire de fournir de l'information, c'était à l'ouverture du compte, au moment où il y a beaucoup d'information à fournir et à absorber. Le projet fait en sorte que, lorsqu'un problème surgit, on pourra trouver la même information que dans les succursales en ce qui concerne le règlement des plaintes.
Le sénateur Tkachuk : Je vous félicite d'une modification importante, celle qui porte la proportion du prêt hypothécaire à 80 p. 100. Je me souviens de l'époque où j'ai acheté ma première maison. Cette mesure sera très utile.
Le sénateur Moore : Je voudrais revenir sur une question du sénateur Eyton au sujet de la composition des conseils d'administration des banques. Sauf erreur, vous avez dit qu'il fallait 50 p. 100 de Canadiens. Cela ne vaut que pour les sociétés de portefeuille bancaires. Les banques mêmes doivent avoir une majorité de Canadiens, n'est-ce pas?
M. Flaherty : Vous avez raison, sénateur, les Canadiens doivent être majoritaires.
Le sénateur Moore : Oui, dans le cas des banques à charte.
M. Flaherty : C'est juste.
Le sénateur Moore : Le sénateur Tkachuk a dit que le pourcentage, pour les prêts hypothécaires, passait de 75 à 80 p. 100. Vous ne pouvez pas ne pas être au courant de ce qui se passe aux États-Unis. Il y a beaucoup de défaut de remboursement et de saisies parce qu'on n'exige des acheteurs aucun versement initial ou alors un montant minime.
Avez-vous tenu compte de ce fait? Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre? Qu'y a-il de magique dans ces 80 p. 100 au lieu de 90?
M. Flaherty : Certains préféreraient un pourcentage plus élevé.
Le sénateur Moore : Je sais. Cela m'inquiète. L'an dernier ou l'année d'avant, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, a dit qu'elle consentirait des hypothèques qui correspondent à la totalité de la valeur. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Lorsque les acheteurs ont une participation dans une maison, ils s'en occupent, et on peut espérer qu'ils en accroissent la valeur. Comment en êtes-vous arrivé à ce chiffre? Avez-vous pris en considération ce qui se passe sur le marché de nos voisins?
M. Flaherty : Oui, nous l'avons fait. Nous sommes conscients des avantages d'une mise de fonds des propriétaires. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
Certains sont d'avis qu'il faudrait aller plus haut que 80 p. 100. Passer de 75 à 80 p. 100 est déjà une mesure importante. Le gouvernement et moi sommes à l'aise pour présenter cette mesure. M. Dupont peut vous en parler. Je vais demander au président la permission de me retirer. La sonnerie de la Chambre des communes se fait entendre. Je dois m'y rendre.
Le président : Avant que vous ne partiez — je sais qu'il vous reste six ou sept minutes —, je voudrais aborder deux questions avec vous.
M. Flaherty : En fait, ce n'est pas possible. Je dois partir tout de suite.
Le président : Je croyais qu'il restait du temps. Que peut-on dire, monsieur le ministre? Il y a encore des questions à poser. J'espère que vos collaborateurs resteront avec nous. Je voulais vous poser deux questions, mais ils répondront. Nous sommes d'accord sur le principe de la concurrence. Pourquoi ne pas accepter une plus grande concurrence étrangère? Nous aborderons aussi la question de la retenue des chèques. Nous croyons que ce problème à une incidence sur les petites entreprises et le crédit.
Merci beaucoup, monsieur le ministre. Vous devez vous acquitter de vos fonctions parlementaires. Nous souhaitons vous accueillir beaucoup plus souvent parmi nous.
M. Flaherty : C'est toujours un plaisir. Merci.
Le sénateur Moore : Je voudrais qu'on me dise quelles recherches ont été faites. Comment êtes-vous arrivés au chiffre de 80 p. 100 au lieu de 85 ou de 82? Avez-vous tenu compte de ce qui s'est passé? Le nombre de forclusions qu'on voit aux États-Unis m'inquiète. La même chose pourrait se produire chez vous. Avez-vous analysé le marché pour voir comment il évoluait chez nous et quelles étaient les tendances à cet égard?
M. Dupont : Il faut distinguer un aspect dès le départ, soit l'établissement du seuil à partir duquel l'assurance- hypothèque devient obligatoire. Elle le devient à partir de 80 p. 100. Au-delà, c'est le marché qui détermine les conditions offertes aux emprunteurs. La part de l'emprunt peut aller parfois jusqu'à 100 p. 100.
Au Canada, jusqu'à maintenant, nous avons vu se développer un marché de seconde catégorie qui est bien moins important qu'aux États-Unis. Il constitue toujours une portion relativement faible du marché des prêts hypothécaires. En portant le seuil de 75 à 80 p. 100, nous n'influençons pas vraiment le segment du marché qui a un taux d'emprunt élevé et présente un grand risque. Nous essayons d'alléger, pour les acheteurs qui ont amassé un bon montant pour leur versement initial, l'obligation de souscrire une assurance-hypothèque dont ils ne sont pas les bénéficiaires, au fond. Ce sont les institutions qui en bénéficient. Cette disposition les soustrait à cette obligation et laisse le marché décider, au- delà du seuil de 80 p. 100, les conditions des hypothèques qu'il faudra assurer.
Le sénateur Moore : On lit, à la page 13 de la déclaration du ministre, que cette mesure permettra à l'acheteur d'« économiser environ 1 600 $ ». Est-ce pendant toute la période d'amortissement?
M. Dupont : Oui, sauf que, normalement, au Canada, le montant des économies est un pourcentage calculé à partir de l'hypothèque totale, et il est appliqué au principal du prêt. Oui, le montant est versé, mais sur la durée de l'hypothèque.
Le président : Monsieur Dupont, je voudrais revenir sur les questions que j'ai soulevées avec le ministre juste avant qu'il ne parte. Il n'a pas pu répondre à cause du vote. Le texte a retenu mon attention, et je présume que chacun l'a lu attentivement. Le ministre est intéressé par deux principes : la concurrence et la divulgation.
Parlons de concurrence. Comme vous le savez, monsieur Dupont, le comité se préoccupe de productivité et de concurrence. Selon nous, plus il y a de concurrence, plus nous sommes productifs et mieux se porte le pays dans son ensemble.
Selon les témoignages que le comité a entendus, un certain nombre de services innovateurs sont venus des banques étrangères. Je ne vous dirai pas de quoi il s'agit. Ce sont simplement les témoignages que nous avons recueillis. Dans les modifications apportées ici à l'occasion de l'examen quinquennal, êtes-vous convaincu que les seuils d'accès sont assez bons pour accroître la concurrence sur le marché canadien, maintenant que les banques sont très prospères?
M. Dupont : D'abord, que nous consultions Avantage Canada ou la publication plus récente publiée avec le budget sur les marchés des capitaux, nous constatons que le point d'ancrage le plus solide de la politique sur le secteur financier est la concurrence. Cela ne fait aucun doute.
En ce qui concerne l'accès laissé aux banques étrangères, il y a actuellement peu d'entraves qui gênent celles qui veulent s'implanter au Canada. Elles sont traitées comme les banques canadiennes. Des approbations ministérielles sont exigées, mais il s'agit simplement de s'assurer que l'institution est qualifiée. Une fois que les vérifications de base ont été faites de façon concluante, avec les conseils du Bureau du surintendant des institutions financières, la banque étrangère peut s'implanter au Canada, y avoir des opérations, concurrencer les banques canadiennes en ayant les mêmes pouvoirs et mener les mêmes activités.
Pour l'instant, elles ne le font pas, et je crois que c'est le problème que vous soulevez. Nous estimons également qu'il s'agit d'un problème. Nous souhaiterions qu'un plus grand nombre de banques étrangères soient présentes sur le marché. Elles trouvent des créneaux, des façons différentes de s'implanter sous des formes différentes. Il peut s'agir d'une filiale ou d'une succursale, d'activités non réglementées, de services offerts à divers segments du marché. Toutefois, il n'y a aucun obstacle de réglementation qui les empêche de s'implanter. Le seul interdit, c'est qu'elles ne peuvent pas venir acheter l'une des grandes banques à propriété dispersée.
Le président : Nous serions heureux que vous continuiez à vous intéresser à ce problème. Nous osons espérer que rien, au niveau ministériel, ne retarde l'accès au marché canadien.
M. Dupont : Je ne suis au courant d'aucune demande qui serait restée très longtemps sur le bureau du ministre.
Le président : La deuxième question que le ministre a abordée est celle de la retenue des chèques. Ce problème nous préoccupe. D'après les témoignages que nous avons déjà entendus, la période de retenue, au Canada, est bien plus longue que dans les secteurs qui relèvent de la Federal Reserve, aux États-Unis. Là-bas, la retenue est de 48 heures alors que, ici, nous en sommes à dix jours, et nous envisageons de ramener la période à sept jours. Comme le ministre l'a dit :
La retenue des chèques a des répercussions non seulement sur les consommateurs qui ont besoin d'argent pour payer leurs factures, mais aussi sur les petites et moyennes entreprises qui doivent utiliser les fonds déposés pour mener leurs activités.
Il a mis le doigt sur un vrai problème. Soit dit en passant, nous sommes très heureux que la technologie d'imagerie soit appliquée le plus rapidement possible. Nous savons qu'elle réglera en bonne partie le problème, mais il faudra tout de même deux ou trois ans pour la mettre en place.
Le ministère surveille-t-il la situation pour s'assurer que la période de retenue est réduite? Le projet de loi propose des normes, mais il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas aller plus vite que ce que les normes imposent. Quelles sont votre position et celle du ministère sur ce point? Le ministère est au centre de ce dossier.
M. Dupont : Question judicieuse, sénateur, car c'est notre travail d'établir ces limites. Le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir réglementaire voulu pour les établir. D'abord, tout en obtenant ce pouvoir conféré par la loi, qui sera suivi d'un règlement d'application, nous avons discuté avec les banquiers et établi un accord volontaire dont vous êtes au courant.
J'ai déjà comparu pour parler de la période de quatre jours. L'été dernier, et peut-être même l'été d'avant, nous avons discuté un bon moment avec des représentants de l'ABC et de diverses banques, en utilisant des diagrammes, pour voir comment fonctionnent les différents systèmes d'information dans la succursale où je dépose un chèque et comment les choses se déroulent ensuite. Même si on utilise la technologie d'imagerie, je doute que la succursale l'applique en temps réel pour faire parvenir l'image à l'autre institution. Elle ira dans un centre régional de données, où elle sera consignée avec l'information voulue. Les images seront ensuite transférées par lots plutôt que de façon séquentielle, en temps réel, à l'autre institution. Celle-ci, à son tour, fera ce qu'il faut dans ses propres systèmes d'information. Il y aura parfois des avertissements pour signaler qu'il y a lieu de faire des vérifications plus poussées, et les chèques en cause passeront dans un autre système par lots. Bref, il ne s'agira pas d'un système qui s'appliquera en temps réel dès que je remettrai le chèque à l'institution.
Nous avons eu ces discussions avec les représentants de l'ABC et les banquiers avec un objectif très net : réduire le plus possible la période de retenue. Nous estimions certes avoir la responsabilité de réduire cette période, mais nous ne voulions pas nuire à de saines pratiques de gestion du risque. En fin de compte, nous avons estimé que des délais de sept et de quatre jours étaient ce que nous pouvions faire de mieux sans perturber de saines pratiques de gestion du risque.
Si le projet de loi est adopté, nous aurons toujours le pouvoir de dire, une fois que la technologie d'imagerie sera en place et que nous pourrons examiner le système, que les délais doivent être de deux jours au lieu de quatre. Nous pourrons légiférer en ce sens. Pour l'instant, toutefois, nous estimons qu'il est prudent d'opter pour une période de quatre jours.
Le président : De façon réaliste, selon vous, quand le système d'imagerie sera-t-il en place pour que vous puissiez exercer votre pouvoir de surveillance?
M. Dupont : Nous pourrons exercer le pouvoir de réglementation dès que le projet de loi sera adopté. Selon les plans actuels, le système d'imagerie devrait être complètement en place au cours du premier semestre ou du premier trimestre de 2009. Il s'agit d'une entreprise importante, sénateur.
Le président : Nous comprenons. Nous demeurons perplexes, tout de même, car nous avons entendu des témoignages selon lesquels, dans certains secteurs de la Federal Reserve, aux États-Unis, les périodes de retenue sont moins longues, alors que nous croyons que notre système est plus efficace à bien des égards.
Lorsqu'on nous a parlé des millions d'opérations, nous avons compris que le gros de ces opérations se faisaient dans une même région.
M. Dupont : C'est exact.
Le président : Il ne s'agit pas de prendre un chèque et de l'envoyer d'une région à l'autre du pays — comme l'a dit l'association des banquiers — dans un sens puis dans l'autre. Je le comprends. Toutefois, il s'agit d'un pourcentage infime des chèques. Je ne sais pas trop quels sont les chiffres.
M. Dupont : Nous disons qu'il s'agit de la période de retenue maximum.
Le président : Je le comprends. Je dis que le gros des échanges, d'ici à l'implantation du système d'imagerie se feront à l'intérieur de régions géographiques données.
M. Dupont : Fort possible, sénateur, mais, avec les moyens électroniques, qu'il s'agisse d'opérations à l'intérieur de la même région ou d'un bout à l'autre du pays, cela ne fera pas la moindre différence.
Le président : Ce n'est pas de cela que je veux parler, mais de ce qui se passera au cours des deux prochaines années.
M. Dupont : La période est de sept jours.
Le président : Y a-t-il moyen d'accélérer le processus — pas seulement par l'imagerie, mais aussi dans l'échange physique des effets — afin de réduire la période de retenue? Ces délais sont cruciaux pour les entreprises, notamment les petites entreprises, et pour d'autres industries également, bien sûr.
M. Dupont : Ces discussions peuvent se poursuivre, et elles se poursuivront. Je voudrais en revenir aux entretiens que nous avons eus pour parvenir à l'accord d'application volontaire avec l'ABC. Nous avons estimé que, avant l'implantation de l'imagerie, il était prudent de prévoir sept jours à cause du transport des effets, qui demande beaucoup de main-d'œuvre et exige du temps.
Le président : Je vous remercie, vous et vos associés. Vous avez déjà comparu par le passé et votre participation a été très utile. Veuillez transmettre nos remerciements au ministre.
La séance est levée.