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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 21 - Témoignages du 25 avril 2007


OTTAWA, le mercredi 25 avril 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, dans le but d'examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international. Le sujet à l'étude : les fonds de couverture.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, nous avons le quorum. Je désire souhaiter la bienvenue aux membres du comité, aux témoins et aux spectateurs qui, d'un océan à l'autre, assistent à nos réunions.

Monsieur Sprott, vous allez paraître à la télévision, en direct, d'un océan à l'autre, et partout dans le monde, via Internet. Vous allez vous faire entendre à l'échelle de la planète.

Comme s'en souviendront les membres, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York, en octobre dernier, dans le cadre de son mandat, pour discuter de divers sujets, dont les fonds de couverture. Lors de nos discussions avec des régulateurs et des représentants du secteur des services financiers des États-Unis, les fonds de couverture sont apparus comme un enjeu clé. À l'époque, ce marché était évalué à 1,1 billion de dollars. D'après les chiffres les plus récents — monsieur Sprott, vous pouvez nous aider à ce chapitre —, le marché mondial des fonds de couverture s'élève à 1,7 billion de dollars. Les fonds de couverture canadiens étaient évalués à 26,6 milliards de dollars en juin 2004; ils ont, bien sûr, augmenté depuis.

Les fonds de couverture ont également été abordés lors de notre récente étude sur les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Dans notre rapport, nous avons recommandé la nomination d'une personne éminente chargée d'assurer la surveillance réglementaire des fonds de couverture. Ce dossier n'est pas clos, car nous jugeons nécessaire de pousser notre analyse plus à fond et de solliciter l'avis d'experts indépendants. Une question reste toutefois à régler : dans quelle mesure et de quelle façon ces produits financiers, les fonds de couverture, doivent être réglementés ou supervisés si nous voulons protéger les consommateurs et assurer la stabilité des marchés financiers canadiens et internationaux.

C'est avec grand plaisir que nous accueillons notre prochain témoin, M. Éric Scott, qui est le président de Sprott Asset Management.

Avant de vous céder la parole, monsieur Sprott, je voudrais présenter mes collègues : notre distingué vice-président, le sénateur Angus, vient du Québec, le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan, le sénateur Goldstein, du Québec, le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick, et le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Monsieur Sprott, nous vous écoutons.

Eric Sprott, président-directeur général, Sprott Asset Management Inc. : Merci, monsieur le président. C'est un plaisir de vous rencontrer. J'espère que mes propos sauront vous aider.

D'abord, un aperçu. Je représente Sprott Asset Management. Nous administrons des fonds communs de placement, des fonds de couverture et des comptes individuels. Nos actifs s'élèvent à plus de 5 milliards de dollars, les fonds de couverture représentant 1,3 milliard de ceux-ci.

Je suis titulaire d'un baccalauréat en commerce en plus d'être comptable agréé. J'ai travaillé pour Sprott Securities, une maison de courtage que j'ai fondée, de 1980 à 2002. Je suis spécialisé dans les valeurs mobilières et, dans une certaine mesure, les fonds communs de placement et les fonds de couverture.

Chaque fois que je lis des articles sur les fonds de couverture, je me dis que le nom est mal choisi. Les fonds de couverture ont été créés, si je ne m'abuse, en 1946. À l'époque, ils étaient considérés comme un placement conservateur, parce qu'ils misaient, en même temps, sur les actions à long terme et à court terme — en d'autres termes, des investissements sans incidence sur le marché.

Nous avons commencé à offrir des fonds de couverture dans le but de protéger nos clients contre les marchés baissiers qui s'annonçaient en 2001-2002. Nous voulions éviter qu'ils se retrouvent uniquement avec des titres à long terme — lorsque le marché est à la baisse, les actions chutent et il est difficile de réaliser un rendement pour nos clients. Nous avons jugé bon de mettre en marché des fonds de couverture et d'investir, à tout le moins, dans des titres à court terme pour faire contrepoids aux titres à long terme. Cette stratégie s'est avérée fort efficace. Elle constitue également une approche extrêmement conservatrice.

Vous êtes peut-être surpris de voir que je n'ai pas recommandé que l'on investisse uniquement dans les fonds d'actions canadiennes à long terme au cours des six ou sept dernières années, même si ces fonds ont été les plus performants au Canada. La raison est la suivante : j'ai toujours craint la baisse imminente des marchés. Voilà pourquoi j'ai toujours recommandé que les gens investissent dans les fonds de couverture. Pour moi, ils remplissent un rôle défensif. Bien utilisés, ils constituent un placement conservateur.

En fait, ce sur quoi le comité devrait se concentrer, c'est le financement par effet de levier. S'il était uniquement question ici des fonds de couverture, comme celui que nous offrons, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter.

Le financement par effet de levier consiste pour une société disposant d'un petit capital à assumer d'énormes passifs. L'exemple classique à la société Long-Term Capital Managment, qui avait 4 milliards de dollars en actifs et qui s'est retrouvée avec un portefeuille de placement de 130 milliards de dollars — autrement dit, un passif de 126 milliards. Se financer par effet de levier à ce point, c'est courir de gros risques.

Il existe des cas où des personnes ont eu recours, de manière exagérée, au financement par effet de levier. Prenons le krach de 1929. À l'époque, on pouvait investir dans des valeurs mobilières avec une mise de 10 p. 100. La crise a éclaté quand les titres ont commencé à chuter. Autre exemple plus récent : celui de la société américaine Amaranth Advisors, qui a pris des positions sur le marché du gaz. Les cours ont chuté brusquement. La société avait trop misé sur le financement par effet de levier et a dû être sauvée. Inutile de dire que cela s'est passé très rapidement.

Le financement par effet de levier montre à quel point les choses peuvent se détériorer rapidement.

Il y a également des exemples au Canada — Portus Alternative Asset Management Inc. et Northbridge. Ils n'ont pas nécessairement fait faillite parce qu'ils avaient eu recours au financement par effet de levier, mais parce qu'ils ont mal investi les capitaux.

Donc, à mon avis, la discussion devrait porter sur le financement par effet de levier. Quand je pense à ce mécanisme, je songe aux bailleurs de fonds. Ce sont tous des établissements de prêt réglementés. Les banques et les maisons de courtage sont les principales sources de financement qui existent et elles sont déjà réglementées.

Par exemple, les bailleurs de Long-Term Capital Management étaient les plus grands bailleurs de fonds au monde. On retrouvait parmi ceux-ci 15 des plus grandes institutions financières des États-Unis — Merrill Lynch, Citigroup, JPMorgan. Ils étaient tous des créanciers. Manifestement, ils ne semblaient pas disposer de mesures de sauvegarde pour se protéger. Voilà le sujet sur lequel le comité devrait se pencher.

Au financement par effet de levier viennent s'ajouter les produits dérivés en circulation. La valeur théorique des dérivés en circulation oscille autour de 350 billions de dollars. La valeur théorique s'entend de la valeur sous-jacente d'un actif. Il peut s'agir d'une obligation qui vaut un milliard de dollars, sauf que le dérivé ne coûtera que 10 ou 20 millions de dollars. Toutefois, l'objectif, ici, est de protéger 10 milliards de dollars.

Donc, la valeur théorique des dérivés est d'environ 350 billions de dollars, alors que le PIB américain est de 12 billions. Le PIB canadien, lui, est de 1,5 billion, juste pour vous donner une idée des sommes en cause.

Le marché des dérivés affiche une croissance de 30 p. 100 par année. D'après un article récent sur le sujet, le marché des swaps sur défaillance a connu une croissance de 100 p. 100 au cours des trois dernières années. Si la tendance se maintient, nous aurons plus de swaps sur défaillance que d'obligations en circulation. La valeur théorique des dérivés en circulation dépasse celle des titres en circulation dans le monde aujourd'hui. Ce qui m'amène à me demander pourquoi il y a tellement de titres en circulation. Y a-t-il, en quelque part, une grande salle de marché où tout le monde s'échange des produits?

Selon moi, la plupart des gens, quand vient le temps de faire des placements en valeurs, fondent leurs décisions sur des programmes informatiques. Imaginez un peu la volatilité qui caractérise les marchés — et tous les marchés sont volatiles. Supposons que chaque marché connaît une fluctuation de 1 p. 100 par jour. La valeur des dérivés diminuerait de 3,4 billions de dollars. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, de tels profits n'ont été réalisés — mais c'est une somme qui pourrait être perdue. Quelqu'un, peut-être, en profiterait, mais on peut penser que de telles pertes si soudaines auraient un impact énorme sur les perdants.

L'historique des fonds de couverture, que l'on songe à Amaranth, un dossier qui date de six mois, à Portus ou à Northbridge, donne à penser qu'une certaine surveillance s'impose. Nous sommes déjà réglementés parce que nous faisons partie de l'ACCOVAM — et cela ne nous dérange pas d'être réglementés. Toutefois, je ne vois pas pourquoi nous n'imposerions pas une certaine surveillance quand des gens administrent des sommes énormes, même si elles viennent d'investisseurs avertis.

Autre point important, surtout quand je jette un coup d'oeil aux faillites canadiennes : il faudrait établir une liste de vérificateurs. Dans le cas des deux sociétés mentionnées plus tôt, les vérificateurs n'avaient pas été choisis à partir d'une liste établie d'avance. Toutefois, je recommanderais que l'on procède de cette façon.

Pour revenir au financement par effet de levier, il ne faut pas uniquement se concentrer sur les fonds de couverture, car ils ne sont pas les seuls en cause. En fait, environ 80 p. 100 de la valeur théorique des dérivés en circulation est détenue, à l'échelle mondiale, par trois banques. Ce sont toutes des banques américaines. Les risques qu'elles doivent assumer — on peut difficilement imaginer ce qui se produirait si une faille survenait dans le système.

Voilà qui met fin à mon exposé. Si vous avez des questions, j'y répondrai volontiers.

Le sénateur Angus : Monsieur Sprott, bienvenue au comité. Je suis content que vous ayez fait le voyage de Toronto. Votre réputation vous précède. Nous sommes heureux d'avoir vos vues sur un sujet qui attire de plus en plus d'attention sur les marchés internationaux et dans les médias. En effet, les médias financiers semblent attacher beaucoup d'intérêt au financement par effet de levier auquel vous faites allusion.

D'abord, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les fonds de couverture que vous offrez, leur structure, leur taille, les investisseurs qu'ils attirent?

M. Sprott : La plupart de ceux qui investissent dans les fonds canadiens sont des particuliers. La plupart de ceux qui investissent dans les fonds américains sont des institutions financières, des fonds de fonds, des investisseurs très avertis et riches. Quand nous avons commencé à offrir des fonds, j'ai essayé de trouver un moyen de contrebalancer un marché jugé faible. Côté structure, chaque dollar de capital fait l'objet d'un investissement maximal à long terme, et d'un investissement maximal à court terme.

Certaines personnes diraient que cet investissement est assorti d'un effet de levier de 2:1. D'autres diraient qu'il n'a aucune incidence sur le marché. Or, si le marché perdait 20 p. 100 de sa valeur, le fonds survivrait peut-être à cette baisse. Voilà pourquoi nous sommes dans le marché des fonds de couverture : pour essayer d'atténuer les effets d'une baisse du marché. Nous essayons d'atténuer les effets d'une baisse, parce que nous représentons les marchés baissiers, si je peux m'exprimer ainsi, et que les produits dérivés, tout comme la frénésie du prêt, nous inquiètent. Tout le monde savait qu'il y avait une frénésie du prêt aux États-Unis. On permettait aux gens d'acheter des maisons ou d'emprunter sur la valeur de leur maison alors qu'ils n'étaient pas en mesure de rembourser. Nous savons ce que cela a donné : 65 courtiers en hypothèque ont fait faillite au cours des quatre derniers mois.

Le sénateur Angus : C'est ce que l'on appelle le marché du crédit hypothécaire à haut risque, n'est-ce pas?

M. Sprott : C'est exact. Certaines données récentes, surtout de la Californie, laissent entendre que les difficultés ne se limitent pas uniquement au crédit hypothécaire à haut risque, mais également au crédit hypothécaire à taux préférentiel.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que votre fonds est composé de particuliers. Ce sont tous, si j'ai bien compris, des investisseurs riches et avertis. Ils correspondent, je présume, à la définition d'investisseur accrédité de l'ACCOVAM.

M. Sprott : Oui.

Le sénateur Angus : Quelle est la taille de votre fonds canadien?

M. Sprott : Nos fonds totalisent 1,3 milliard de dollars. Notre plus grand fonds canadien, qui a fermé il y a plusieurs années de cela, s'élevait à 500 millions de dollars. Nous en avons un de 200 millions, et un autre de 100 millions.

Le sénateur Angus : Y a-t-il des courtiers qui négocient ces montants tous les jours? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Sprott : Nous ne sommes pas du tout comme les autres fonds de couverture. Beaucoup de gens négocient de façon très agressive avec des pièces de cinq sous. Or, vous pouvez, avec des pièces de cinq sous, arriver à un dollar si vous avez un effet de levier de 20:1. C'est comme cela qu'ils font de l'argent. Nous ne sommes pas de la même école de pensée. Nous privilégions les investissements à long terme, de sorte qu'il n'y a pas beaucoup de roulement dans nos portefeuilles. Nous essayons de nous protéger, et c'est pour cette raison que nous ne faisons pas partie de cette catégorie de fonds. Je sais qu'il y a beaucoup de fonds de couverture qui utilisent des produits à effet de levier et qui sont actifs sur le marché. D'après certains rapports, il y a des fonds de couverture qui comptent pour 2 ou 3 p. 100 des titres qui sont transigés sur le NYSE. Nous ne fonctionnons pas de cette façon.

Le sénateur Angus : Le portefeuille, peu importe les fonds que vous offrez, s'appuie sur des investissements prudents, à long terme. Qu'est-ce qui distingue les fonds de couverture des fonds communs de placement ou d'un autre véhicule? Je suppose que le rendement des fonds que vous offrez est élevé, qu'il est supérieur à 20 p. 100, n'est-ce pas?

M. Sprott : C'est exact. Toutefois, il y a un autre facteur que je n'ai pas mentionné : j'essayais de protéger les fonds contre les marchés baissiers. Je pensais que notre fonds d'actions, qui représente essentiellement le portefeuille d'actions à long terme, chuterait dans un tel milieu. C'est ce que je pensais. Si j'avais prédit que le marché allait accuser une baisse de 15 p. 100 en 2001-2002, mon fonds d'actions aurait diminué. Or, il ne l'a pas fait. Il a connu certaines de ses meilleures années. Voilà pourquoi je regrette un peu de ne pas avoir recommandé ce fonds à long terme pendant les six ou sept années où il a connu un rendement exceptionnel.

Concernant les fonds de couverture que nous offrons, au fil des ans, nous n'avons sans doute rien perdu au niveau du court terme, et gagné beaucoup au niveau du long terme. C'est un fait. Toutefois, je m'inquiète toujours des baisses sérieuses qui pourraient survenir rapidement en raison des effets de levier utilisés dans le système.

Le sénateur Angus : Vous faites allusion au système en marge de celui que vous utilisez?

M. Sprott : Oui.

Le sénateur Angus : Et votre effet de levier est soit neutre, soit de 2:1, selon la façon dont vous l'interprétez?

M. Sprott : D'après certains, il est de 2:1 quand un dollar est investi de chaque côté du marché. J'ai tendance à dire qu'il est neutre. Il vaut mieux se retrouver dans cette situation et non pas avoir uniquement du long terme, du moins, aujourd'hui.

Le sénateur Angus : Y a-t-il plus qu'une contrepartie dans vos opérations?

M. Sprott : Notre contrepartie se compose habituellement du courtier qui ne s'occupe que des investissements à court terme. Cela pourrait être, dans notre cas, la Banque Royale, ou dans certains cas, l'ancienne entreprise Sprott Securities. Je ne pense pas qu'ils s'inquiètent de notre situation, puisque nous n'utilisons pas vraiment les produits à effet de levier de cette façon.

L'exemple qui pourrait vous intéresser est celui d'Amaranth. En trois mois, le prix d'un produit a chuté et ils ont perdu tout leur capital. Voilà le genre de situation que ce comité et d'autres de par le monde devraient examiner. Quand on utilise des produits à effet de levier, les choses évoluent rapidement.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que nous ne devrions pas nous concentrer sur les fonds de couverture accessoires, si je peux m'exprimer ainsi, où les fonds privés, comme le vôtre, qu'il faudrait plutôt regarder du côté des concurrents. Il existe d'autres bons gestionnaires, des Canadiens, qui utilisent ce véhicule particulier pour obtenir des rendements très importants. Cela attire l'attention des gens, manifestement. La question a commencé à nous inquiéter quand nous avons constaté que certains investisseurs moins avertis s'intéressent aux billets à capital protégé, un sujet qui, d'après les journaux d'aujourd'hui, intéresse soudainement le ministre des Finances.

Quel est votre avis là-dessus? Cette question nous préoccupe. À notre avis, si les investisseurs avertis deviennent des investisseurs accrédités, c'est parce qu'ils sont en mesure de s'occuper de leurs placements. Toutefois, quand les particuliers commencent à s'intéresser à ce produit, il y a lieu de s'inquiéter.

M. Sprott : Comme je l'ai proposé, et je reviens aux deux cas recensés au Canada et aux mesures qu'il faut prendre pour éviter ce genre de situation, d'abord, il faut mettre en place un organisme de réglementation et désigner un vérificateur choisi à partir d'une liste, comme nous le faisons pour les banques et les courtiers. Nous devons établir une liste de vérificateurs. Manifestement, cela n'a pas été fait. Il est tout à fait inconcevable que ces sociétés aient pu amasser de telles sommes pour ensuite tout perdre. Nous devons essayer de prévenir les choses de ce genre. Elles ont un effet négatif.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Sprott, nous avons eu la possibilité de jeter un coup d'œil au profil de votre société, et il est assez impressionnant. Je dois, d'emblée, avouer mon erreur, celle de ne pas avoir investi dans votre société. C'était une erreur monumentale, compte tenu des rendements que vous affichez.

Il y a trois ou quatre points qui nous préoccupent, et j'aimerais en discuter avec vous. Manifestement, vous ne misez pas sur les produits à effet de levier comme le font d'autres personnes que nous avons eu l'occasion de rencontrer. Vous n'y avez pas autant recours que d'autres fonds très agressifs, ceux dont nous entendons parler dans les journaux.

La transparence est l'un des points qui nous préoccupent. Nous ne tenons pas absolument à réglementer le secteur, mais nous voulons qu'un régime de réglementation soit mis en place pour protéger le public et le marché. Nous avons beaucoup d'inquiétudes au sujet de l'impact potentiel que ces immenses sociétés à leviers financiers peuvent avoir sur le marché financier dans son ensemble. On nous dit qu'elles augmentent la quantité de liquidités présentes sur le marché, un concept que nous avons de la difficulté à saisir.

Concernant la transparence, la réglementation, les liquidités, nous savons que les bailleurs qui fournissent les fonds, les dollars, les prêts sont eux-mêmes réglementés. Ils font l'objet d'un contrôle, et ils agissent de manière responsable et disciplinée. Ils commettent des erreurs comme tout le monde, mais il est peu probable qu'ils prennent des décisions téméraires quant aux prêts qu'ils accordent.

Quel serait le type de règlement, s'il y en a, qui pourrait accroître la transparence et réduire le risque? Quel serait le type de règlement qui conviendrait si comme nous le savons, en fait, une très grande partie de ces fonds se trouve aux îles Caïmans et ailleurs, là où la réglementation canadienne ne s'applique pas? Ma troisième question porte sur votre proposition que les gestionnaires de ces fonds doivent se soumettre à l'examen de vérificateurs inscrits à une liste de vérificateurs. En fait, d'après ce que je comprends, nos banques canadiennes doivent faire affaire avec deux sociétés de vérification inscrites à une liste de vérificateurs, question de jouer franc jeu. Nous avons un système bancaire assez solide ici. Cependant, si les fonds se trouvent aux îles Caïmans ou dans un endroit équivalent (et je n'essaie pas du tout de dénigrer les îles Caïmans, je n'en aurais jamais l'intention), quelle serait l'utilité que nous prenions des mesures pour protéger le marché et les personnes?

M. Sprott : Ces questions touchent presque tout ce qui nous intéresse ici. En effet, on dit que les liquidités se sont améliorées. Bien sûr, elles se sont améliorées, mais l'effet levier s'est amélioré lui aussi. Vous parlez de l'effet levier, soit dit en passant. Je pense qu'il ne s'agit pas nécessairement de la question des liquidités.

En réponse à votre affirmation que toutes les personnes qui font ces investissements sont prudentes, je me reporte à 1998 et à l'affaire de Long-Term Capital Management, quand la banque centrale américaine, à Washington, a sommé les plus grands financiers du monde de trouver une solution parce que Long-Term Capital Management était en chute libre. Tout s'est passé très vite, il n'a pas fallu beaucoup de temps. Le mois d'août 1998 a été très long pour les investisseurs. C'est l'époque où Long-Term n'était pas encore tout à fait sous le radar, mais il y avait beaucoup de choses qui se passaient. Je serais porté à contester l'idée que parce qu'une personne est avertie, elle va faire les choses comme il faut.

Je vais prendre un autre exemple récent, celui de la vague de prêts qui déferle en ce moment. Les dirigeants des grandes banques et les grands prêteurs des États-Unis, moins du Canada, admettent que leurs normes étaient peut-être un peu trop souples. Il s'agissait donc effectivement de financiers avertis, mais les personnes averties peuvent agir d'une façon très peu avertie quand certaines ambitions entrent en jeu. L'appât du gain, des rendements aux actionnaires et de la hausse du prix de l'action sont parfois des ambitions qui poussent les gens à agir de façon inappropriée.

Personnellement, je pense que cela va bien au-delà des fonds de couverture. C'est vrai. C'est le lot des gens qui prêtent de l'argent aux administrateurs de fonds de couverture. Malheureusement, pour une institution financière, les fonds de couverture sont extrêmement rentables. L'argent qu'on fait à prêter des valeurs à un fonds de couverture est gargantuesque et semble à portée de main. Il est très tentant de devenir créancier, de continuer de prêter de l'argent à telle personne et de pousser trop loin. On fait un tel profit en ne payant rien aux déposants, en plus de pouvoir obtenir ceci et cela d'un fonds de couverture qu'on pousse la note.

La plus grande crainte vient du fait que les institutions ne sont pas tellement prudentes. C'est la grande crainte. Si elles étaient prudentes, les fonds de couverture ne nous inquiéteraient pas. Si les grandes institutions financières étaient prudentes, les fonds de couverture ne nous poseraient pas problème, à mon avis. Je pense que tout dépend des grandes institutions.

En réponse à votre question sur les îles Caïmans, en effet, il est difficile de faire appliquer un règlement aux îles Caïmans parce que dans la plupart des cas, l'argent aboutit immédiatement aux îles Caïmans. Dans notre pays, cependant, nous devrions avoir un règlement. Nous savons que les actifs disparaissent, mais si nous pouvions au moins veiller à ce que les gens ne fassent pas de choses bêtes et ridicules, ce serait déjà bien. Dans les deux exemples que nous avons, il y a quelqu'un qui doit s'être trompé en faisant des choses ridiculement simples. Il serait intéressant de voir ce qui arriverait s'il y avait de la surveillance, malgré le fait que ces actifs se retrouvent surtout hors du pays.

Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions. J'ai essayé.

Le sénateur Goldstein : Je suis satisfait pour ce tour.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Sprott, d'être parmi nous. J'ai une question à vous poser à la lumière de la réponse que vous venez de nous donner. J'ai manqué une partie de votre exposé et peut-être y avez-vous déjà répondu. Quelles devraient être nos visées? Quelles devraient être nos inquiétudes? Les exemples que vous venez de nous donner concernant les États-Unis ont causé des dommages si graves que le système économique, le système monétaire, ont été mis en péril. Croyez-vous que nous devrions nous préoccuper autant de protéger les investisseurs contre eux-mêmes, particulièrement les investisseurs avertis? Quels devraient être nos objectifs?

M. Sprott : Quand je regarde les leviers qui existent dans le système financier et certains événements qui se sont passés récemment aux États-Unis, la rapidité à laquelle certaines institutions tombent, par exemple, sont la preuve manifeste que le laxisme qui prévaut est totalement inapproprié, à mon avis. Par conséquent, je trouve que notre système financier bénéficie d'un fort effet de levier. C'est la raison pour laquelle nous avons tant de liquidités. Nous pouvons tout combiner, particulièrement dans le domaine du revenu fixe, où quelqu'un a un théorème selon lequel je peux me procurer du crédit à faible coût pour obtenir un rendement de 8 p. 100. Je vais emprunter de l'argent à 5 et faire 3, puis profiter d'un facteur de levier de 20 et faire un immense profit. En faisant ce profit, je ferai moi aussi un immense profit en tant qu'administrateur, parce que dans le domaine des fonds de couverture, on touche 20 p. 100 de tout ce qui dépasse zéro. Le système peut facilement devenir hors de contrôle.

Le sénateur Massicotte : Présumons, dans cet exemple, que l'intégrité du système économique ou monétaire n'est pas remise en cause. Autrement dit, l'existence de ces enjeux ne compromettrait pas la confiance envers notre système économique. Nous recommandez-vous de prendre des mesures pour protéger ces investisseurs avertis contre eux- mêmes, même s'ils souhaitent effectuer ces transactions?

M. Sprott : Je pense qu'il faut exercer une certaine surveillance. Il y a des investisseurs avertis du Canada qui ont perdu de l'argent avec deux de nos fonds de couverture, selon notre définition. Je pense que la situation n'aurait pas été aussi grave s'il y avait eu une certaine surveillance.

Le sénateur Massicotte : On peut pourtant se demander à quoi bon. Ces investisseurs sont probablement plus brillants que la plupart des législateurs et ils sont décidés à faire ce qu'ils font de toute façon. Ils ont confiance en vous et ils perdent de l'argent. On pourrait bien se demander ce que ça peut bien faire. Que voudriez-vous que le gouvernement fasse?

M. Sprott : Nous voudrions simplement qu'ils soient comme nous. Par exemple, nous sommes soumis à une vérification chaque année parce que nous faisons partie de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Leurs enquêtes sont assez rigoureuses, et si ces mêmes organismes de réglementation réglementaient ces institutions canadiennes, le signal d'alarme aurait peut-être été donné beaucoup plus tôt.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Sprott, j'aimerais que nous parlions de la situation de Long-Term Capital. Vous nous avez dit que la banque centrale américaine avait rassemblé tout un éventail de grandes institutions, probablement toutes les grandes institutions des États-Unis, parce que Long-Term Capital représentait une véritable menace pour le système et qu'elle a demandé (ou plutôt exigé, si on lit les comptes rendus de ces réunions) que chacune de ces institutions assume une part du fardeau pour que le marché financier ne s'effondre pas.

Y a-t-il eu des changements systémiques depuis l'affaire de Long-Term Capital? Je ne vois aucun changement. Je me trompe peut-être, mais j'aimerais savoir s'il y a eu des changements. S'il n'y en a pas eu, qu'est-ce qui empêche l'affaire de Long-Term Capital de se répéter?

M. Sprott : Je ne prétends pas être un expert du droit des valeurs mobilières aux États-Unis, mais je vais essayer de répondre à votre question. Je pense que rien n'a changé. Il n'y a pas plus de règlements. Je dirais que le pouvoir d'emprunter de grandes sommes d'argent est probablement encore plus grand aujourd'hui qu'avant. Si je pense aux produits dérivés, je trouve presque comique que dans deux ans et demi, trois ans, nos produits dérivés vont valoir un quadrillion de dollars, un chiffre que la plupart d'entre nous n'avons jamais utilisé dans nos vies. Dans une économie de 15 billions de dollars, il semble presque impossible de générer un quadrillion de dollars en produits dérivés. Qu'est- ce que nous dérivons?

De mon point de vue personnel, le risque est beaucoup plus grand dans le système actuel qu'avant.

Le sénateur Goldstein : C'est le sens de ma deuxième question. En réponse au sénateur Massicotte il y a quelques instants, vous avez dit qu'il y avait du laxisme. Que voulez-vous dire par « laxisme » et que pourrions-nous faire, selon vous, pour resserrer un peu ce laxisme?

M. Sprott : Quand j'utilise le terme « laxisme » je pense notamment à la vague de prêts dont nous venons d'être témoins. Elle a frappé toutes les institutions financières des États-Unis. Je ne me concentre pas sur le Canada, parce que je pense que nous n'avons pas succombé à cette vague, mais là-bas, elle a bel et bien déferlé. Il y a tellement de preuves de choses qui sont allées tout de travers.

Par exemple, dans l'immobilier, je suis certain qu'il va y avoir des évaluateurs qui vont être poursuivis pour avoir fait de fausses évaluations. Il y a eu des signalements dans le Wall Street Journal en 2004 : il y a des évaluateurs qui sont forcés de hausser leurs évaluations parce que la banque veut prêter de l'argent, donc il faut gonfler l'évaluation. On voulait du laxisme dans le système, on en a eu. Je regarde ce qui s'est passé dans le domaine du logement, les prêts hypothécaires, les taux d'épargne négatifs des gens et pourtant, nous semblons tous réussir à survivre financièrement. Je pense surtout aux États-Unis. En fait, l'essentiel de ce que je décris concerne les États-Unis. Quand je regarde tout cela, je vois du laxisme dans tout le système, il me semble vraiment systémique.

Le président : Le sénateur Angus et moi essayons de nous faire une idée de l'ampleur du risque systémique possible. Vous avez parlé de billions de dollars, donc je vous prierais de nous expliquer tout cela un peu plus lentement.

Nous savons que les fonds de couverture prennent de l'ampleur rapidement. La dernière fois que nous en avons entendu parler, leur valeur était passée de 1,1 billion de dollars à 1,7 billion de dollars, et aujourd'hui, vous nous donnez un autre chiffre. Donnez-nous votre meilleure estimation de la valeur des fonds de couverture en ce moment au Canada, aux États-Unis et en Europe, parce qu'ils sont tous liés.

M. Sprott : Monsieur le président, vous parlez des fonds de couverture, alors que je parle toujours des leviers financiers, que je considère différents.

Le président : Alors concentrons-nous sur votre sujet, les leviers financiers.

M. Sprott : Je vais essayer de vous expliquer le chiffre de 1,7 billion de dollars que vous avez cité. Il représente la valeur en capital des fonds de couverture et non les investissements dans les fonds de couverture. Selon l'endroit où l'on investit, ce chiffre peut être multiplié par 10 ou 20. Pour Long-Term Capital, c'était par 30. Même si le facteur était de 10, il s'agirait de 17 billions de dollars, ce qui est loin d'être négligeable dans une économie de 12 billions de dollars. C'est beaucoup d'argent.

Le président : Pour notre public et les membres du comité, permettez-moi de présumer que la gestion de l'actif est de 2 billions de dollars, plus ou moins 100 milliards de dollars. Vous dites que le risque auquel sont exposés ces capitaux est beaucoup plus élevé que la valeur de l'actif en raison de l'effet levier. Vous dites qu'il pourrait être de cinq à six fois plus grand.

M. Sprott : Oui, facilement. Il ne fait aucun doute que dans le domaine du revenu fixe, il y a beaucoup de leviers, parce qu'on emprunte quelque part, on prête ailleurs et on en retire ce qu'on peut en retour.

Le président : Pour rendre cette analyse relativement claire, vous dites que les placements spéculatifs, qui sont de l'ordre d'un peu plus de 10 billions de dollars, se comparent à la valeur de toute l'économie du Canada et des États- Unis, qui est d'environ 15 billions de dollars.

M. Sprott : Oui.

Le président : Il importe de le préciser, parce que le gouverneur de la Banque du Canada a comparu devant le comité et qu'il va comparaître encore. Nous avons également entendu le témoignage de personnes chargées de la réglementation qui surveillent le système bancaire du Canada. Nous nous inquiétons des risques systémiques pour l'économie, et ces chiffres sont beaucoup plus grands en portée et en taille qu'avant, donc le risque aussi.

Le sénateur Goldstein : Vous avez fait une proposition concrète, monsieur Sprott, c'est-à-dire que nous établissions une liste de comptables agréés et que nous obligions les institutions qui utilisent des leviers à se soumettre à la vérification d'une personne inscrite à cette liste, pour que la qualité de la vérification soit la plus grande possible, selon toute probabilité. Avez-vous d'autres propositions de cette nature à nous faire?

M. Sprott : Il n'y a pas beaucoup de choses qu'on peut faire pour surveiller les gens; cependant, la vérification est l'une des solutions et la réglementation, une autre. Ce sont à peu près les deux seules solutions que vous avez pour cela. Je recommande qu'il y ait de la surveillance, mais je laisse à d'autres le soin d'interpréter cela. La surveillance est une bonne chose, surtout pour les placements spéculatifs. Bien sûr, il est important qu'il y ait des vérificateurs qualifiés. Dans les deux affaires qu'on déplore au Canada, je ne crois pas que les vérificateurs auraient fait partie du groupe de vérificateurs autorisés à vérifier une banque. Cela a fait augmenter le risque.

Je pourrais peut-être revenir à l'observation du sénateur Grafstein sur le fait que les fonds de couverture valent beaucoup plus que 1,7 billion de dollars. Je reviens aussi à l'ampleur des produits dérivés, qui sont hors de proportion avec tout ce qu'on pourrait imaginer pour des produits dérivés. Honnêtement, je ne sais pas ce qu'on dérive.

Le président : Vous dites que l'appellation de produit dérivé est une mauvaise métaphore pour parler d'une forme de transaction.

M. Sprott : Je ne sais pas ce que tout le monde fait.

Le président : Pour que votre argument soit bien clair, monsieur Sprott, quand ils parlent de produits dérivés, on serait porté à croire qu'ils découlent d'investissements d'une certaine ampleur. Vous dites que les produits dérivés font gonfler la valeur de l'investissement, le terme « produit dérivé » serait donc trompeur, d'une certaine façon.

M. Sprott : On peut acheter un produit dérivé grâce à un petit versement initial, c'est donc un placement à effet levier. Ces produits ont pris une telle ampleur qu'il faudrait les craindre. De même, ils sont surtout concentrés aux États-Unis, où 80 p. 100 des produits dérivés sont offerts par trois banques.

Le président : De quelles banques s'agit-il?

M. Sprott : Les deux premières sont JPMorgan et la Banque d'Amérique, mais j'hésite à deviner le nom de la troisième, je pense que c'est la Citibank.

Le président : Nous allons poser la question.

M. Sprott : Le phénomène m'inquiète, et il prend rapidement de l'ampleur. Si un marché de 400 billions de dollars croît à un rythme de 30 p. 100 par année, il va y avoir encore 120 billions de dollars en produits dérivés enregistrés. Je ne peux que me demander ce que nous dérivons. Tout est déjà dérivé quelques fois, donc je ne sais pas pourquoi les chiffres continuent d'augmenter. Il faut penser au fait que le risque doit augmenter avec cette croissance.

Souvent, on se fait répondre que c'est simplement une partie nulle, que ce qu'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre. Si tel est le cas, pourquoi le faisons-nous tous? On le fait pour faire du profit, donc je ne crois pas que ce soit une partie nulle. Il y a des gens qui penchent d'un côté et qui en profitent.

Comme vous le savez, Warren Buffet avait une compagnie d'assurances, dont je ne me rappelle plus bien du nom, et voulait mettre de l'ordre dans ses produits dérivés.

Le président : Le problème est venu des pertes des Lloyds, à Londres, et de la position instable dans laquelle se sont retrouvés beaucoup d'assureurs. Elle a eu un effet d'entraînement sur toutes les économies.

M. Sprott : Il a parlé tout particulièrement de ses produits dérivés. Il a dit que la situation était tellement complexe, qu'il lui a fallu tellement de temps pour s'y retrouver qu'elle a fini par lui coûter de l'argent. Fanny Mae et Freddie Mac, aux États-Unis, qui n'ont ni l'un ni l'autre produit d'états financiers depuis deux ou trois ans, essaient toujours de démêler leurs produits dérivés.

Le président : Quels sont les noms des entreprises?

M. Sprott : Ce sont deux prêteurs hypothécaires gérés par l'État du nom de Fanny Mae et Freddie Mac.

Le président : Ne sont-ils pas tenus de présenter des états financiers chaque année?

M. Sprott : Ils devraient effectivement le faire, mais ils ne se conforment pas, parce qu'ils profitent d'un laissez- passer. Leurs problèmes de produits dérivés sont énormes. Ils ont dû embaucher des milliers de personnes pour tirer leur situation au clair.

Le sénateur Eyton : Dans la même veine, j'accepte votre recommandation que nous nous penchions sur les placements à levier financier et non sur ceux qui ne sont pas générateurs d'endettement. Nous parlons ici des leviers extrêmes de 10:1 ou de 20:1, ce qui pourrait être inquiétant. J'ai l'impression que le terme « fonds de couverture » est bien émotif. Les gens s'enflamment quand ils entendent ces mots. Cependant, ils poursuivent ces activités, qui existent depuis des siècles. Les gens se livrent à des opérations de couverture depuis toujours, même si ce n'est jamais le nom qu'on leur a donné. Qui a inventé le terme « fonds de couverture »? Il ne fait aucun doute que ce n'est qu'une autre appellation pour une activité qui existe depuis toujours.

M. Sprott : J'ai lu le nom de la personne qui a inventé le terme « fonds de couverture » en 1946, si je ne me trompe pas, mais je ne m'en rappelle pas. Je m'excuse de ne pas pouvoir donner son nom au comité. Cette personne a élaboré une formule selon laquelle un investisseur qui veut réduire son risque peut le faire grâce à des comptes à découvert et à position créditrice en même temps. C'est une méthode logique et très sûre pour investir.

Cependant, quand on commence à utiliser un effet levier et qu'on l'applique à ses comptes en position créditrice et à son passif selon un ratio de 5:1, il y a un grand risque d'effondrement rapide.

Le sénateur Eyton : Des personnes et des gestionnaires avertis le font depuis bien longtemps.

M. Sprott : Oui.

Le sénateur Eyton : J'ai connu beaucoup d'entreprises où il y avait un chef des finances terrible qui offrait un programme de fonds de couverture qui couvrait les risques de crédit, de créances en marchandises et de l'approvisionnement, ainsi que les risques politiques et monétaires. Tout cela fait partie des opérations de couverture. Nous n'avions pas de nom spécial pour cela, mais c'était une activité très importante qui faisait partie de l'ordinaire.

Pour revenir au sujet, qui est toujours le même, dans quelle mesure les fonds de couverture et leurs activités ont-ils remplacé les anciens produits qui assumaient à peu près la même fonction sur ce type de marché?

M. Sprott : C'est une question difficile. S'il y a une grande vérité au sujet des fonds de couverture, et même M. Trichet en a parlé, c'est que personne ne sait rien. Personne ne connaît les réponses à ces questions. Nous ne les connaissons pas. Comment pourrions-nous les connaître puisque nous ne les réglementons pas? Nous ne pouvons même pas colliger de données. Personne n'a le droit de recueillir des données. Comment pouvons-nous donc les connaître?

Je ne peux pas vous dire que je connais la réponse, parce qu'il est impossible pour moi de le savoir, même si je lis peut-être tout ce qui est publié au sujet des risques systémiques — et c'est ce que j'essaie de faire parce que c'est une question qui me préoccupe. Je ne connais toutefois pas la réponse à cette question. Je crois que personne, y compris tous les gouverneurs des réserves fédérales du monde, n'a une idée précise de l'ampleur du risque.

Le sénateur Eyton : Dans quelle mesure alors croyez-vous que la croissance des fonds de couverture entraîne en quelque sorte un exode des capitaux qui quittent les secteurs traditionnels plus transparents, assujettis à davantage d'exigences en matière de production de rapports ou de réglementation? Ainsi, on peut camoufler le levier financier qui aurait été plutôt chose courante, sous une forme ou une autre, dans l'entreprise en investissant dans ce qu'on appelle un fonds de couverture. Est-ce que cette transition est en partie attribuable à une réglementation insuffisante et à une transparence moindre?

M. Sprott : Je peux vous dire que quelques-uns des fonds de couverture les plus importants au monde sont gérés par des gens qui ont quitté leur travail au sein de grandes institutions financières en considérant que les chances de réussite étaient également bonnes du côté de ces institutions. Il faut bien constater que depuis 20 ou 30 ans, la part de l'économie qui est sous le contrôle des institutions financières a augmenté considérablement, alors que l'on notait une diminution marquée pour les intervenants en dehors de ce secteur. Il y a donc d'excellentes possibilités d'affaires à ce titre, quelle qu'en soit la nature, mais cet accroissement excède de façon très nette la norme établie pour l'économie.

Le sénateur Eyton : Je suppose que les perspectives meilleures constitueraient donc l'élément déclencheur en raison de l'effet de levier; c'est certainement le cas au sein des marchés efficaces. Il y aurait également les frais qui génèrent beaucoup d'activités.

M. Sprott : Oui.

Le sénateur Eyton : Pour revenir au sujet de notre étude, dans quelle mesure estimez-vous que les fonds de couverture canadiens sont isolés par rapport aux événements qui se produisent à l'échelle internationale? En ce sens, je reconnais qu'il existe une forme de supervision. On doit faire affaire avec des banques qui sont elles-mêmes sous réglementation. On traite avec d'autres courtiers et des placeurs qui sont également réglementés.

Nous avons en quelque sorte une vision canadienne des fonds de couverture locaux. Par ailleurs, nous pouvons également être touchés, comme nous le savons très bien, par des événements qui se produisent à l'extérieur de nos frontières. Dans quelle mesure pouvons-nous affirmer être en quelque sorte à l'abri de telles fluctuations?

M. Sprott : Encore une fois, je ne prétends pas être un expert en la matière étant donné que l'effet de levier intervient normalement pour les fonds de couverture du côté du revenu fixe, alors que je travaille plutôt du côté des investissements en actions. J'ai l'impression que nous ne profitons pas d'un effet de levier aussi puissant que celui qui entre en jeu dans différentes régions du globe.

Selon moi, nous devrions tous nous intéresser d'abord et avant tout au risque à l'échelle mondiale. Je me rends compte que nous nous efforçons ici au Canada de régler la portion canadienne de la question, mais je ne pense pas que nous devrions perdre de vue la possibilité d'un risque systémique à l'échelle planétaire, lequel, comme vous le savez sans doute, semble être pris beaucoup plus au sérieux par les Européens qui craignent les contrecoups d'un éventuel effondrement ici.

Quiconque comprend bien le principe de l'effet de levier se rend compte que tout le monde sera touché; il n'y a pas moyen d'y échapper, si un problème survient. Si un problème s'était posé avec Long-Term Capital et si nous avions simplement laissé la situation s'envenimer jusqu'à l'implosion, cela aurait complètement miné la confiance dans le système. Lorsque la confiance disparaît, aussi bien fermer boutique pour tout le monde. Si on en vient à perdre confiance dans le système financier, la situation sera pénible pour tous les intervenants. C'est la raison pour laquelle on n'a pas permis à Long-Term Capital de s'effondrer encore davantage.

C'est peut-être aussi pour cette raison que nous ne sommes pas vraiment allés au fond des choses avec Fannie Mae parce qu'en mettant au jour toute l'ampleur du problème, nous aurions pu déclencher une réaction en chaîne. Je ne prétends pas être au courant, mais je sais que personne ne connaît vraiment la situation. Nous savons certaines choses. Nous savons que beaucoup d'argent a été perdu dans les produits dérivés. On l'a admis, mais on ne sait pas encore de quelle somme il s'agit.

Le sénateur Eyton : Dans quelle mesure estimez-vous que l'industrie des fonds de couverture pourrait, par exemple, se concerter à la manière de ce qui a été fait pour Long-Term Capital dont les dirigeants ont été convoqués à Washington afin de trouver une solution pour mettre fin à la crise? Selon mon impression personnelle, il serait typique au sein de l'industrie des fonds de couverture que des intervenants se rendant compte qu'un de leurs homologues est en difficulté souhaitent tirer parti au maximum de cette situation, plutôt que de lui tendre une main secourable.

M. Sprott : C'est ce que nous avons pu constater dans le cas Amaranth. C'est mon point de vue personnel. Je crois que certaines personnes savaient qu'Amaranth connaissait des difficultés et qu'elles ont toutes pressé le citron pour précipiter la chute de l'entreprise.

Le sénateur Eyton : Ce n'est pas très rassurant d'entendre les gens de l'industrie affirmer que, tous ensemble, ils peuvent se tirer d'affaire.

M. Sprott : Je ne crois pas que vous pourrez arriver à amener les gens de l'industrie à se concerter sur des questions comme celle-ci. Je peux concevoir que le président de la réserve fédérale puisse réunir tous les intervenants sous sa réglementation dans une pièce afin de tirer une question au clair, mais je ne suis pas sûr que l'on puisse obliger les gens de l'industrie des fonds de couverture à se réunir ainsi.

Le sénateur Eyton : Vous êtes donc en train de nous décrire une forme de couverture totale en vertu de laquelle, à toutes fins utiles, si les choses tournent mal, on peut simplement quitter la scène et laisser quelqu'un d'autre recoller les pots cassés.

M. Sprott : Lors de certaines des pires crises bancaires de tous les temps — il y en a eu une en 1906 — on a rassemblé les banquiers dans une pièce en leur disant qu'ils n'en sortiraient pas tant qu'ils n'auraient pas réglé le problème. Je suis certain qu'on a dit exactement la même chose aux dirigeants de Long-Term Capital. C'est une avenue possible lorsque vous avez seulement 10 ou 15 personnes qui dominent un secteur.

Le sénateur Eyton : Les principaux intervenants sous réglementation.

M. Sprott : Oui, les intervenants sous réglementation également.

Le sénateur Moore : Tout cela est très intéressant. Ce sont des chiffres très difficiles à concevoir pour le citoyen moyen, et je m'inclus là-dedans. On parle d'une valeur théorique de 350 billions de dollars de produits dérivés actuellement en circulation, alors que le PIB du Canada se chiffre à 1,5 billion de dollars. Que cache ce total de 350 billions de dollars?

M. Sprott : Quelqu'un a misé sur un produit, or ou pétrole — swap sur défaillance...

Le sénateur Moore : Dont la valeur va augmenter?

M. Sprott : Augmenter ou descendre, peu importe. On se situe de part et d'autre de la transaction, et ce genre d'activités ne cesse de prendre de l'ampleur. Je me demande simplement s'il existe suffisamment d'actifs sur la planète pour justifier une si grande quantité de produits dérivés. Je dirais qu'il n'y a pas assez d'actifs dans le monde à cette fin, ce qui fait que certains échanges sont purement théoriques. C'est ce que j'en suis venu à penser.

Le sénateur Moore : Ils jouent sur les frais — les courtiers.

M. Sprott : Certains croient que c'est dans leurs meilleurs intérêts.

Cela nous indique que l'effet de levier est très important. Il faut qu'il en soit ainsi pour que cela se produise.

Le sénateur Moore : Pas de liquidité, mais un effet de levier.

M. Sprott : Cela crée également de la liquidité. Quelqu'un peut acheter un swap sur défaillance puis acquérir une créance de mauvaise qualité, ce qui lui permet de faire valoir son swap sur défaillance en indiquant qu'il a misé sur le fait que l'individu en question ne pourrait pas payer l'intérêt et le capital et que c'est maintenant à lui qu'il faut verser les fonds. Voilà un exemple de produit dérivé. L'une de mes plus grandes craintes est que cette personne doive se rendre jusqu'aux Îles Caïmans pour pouvoir toucher l'argent.

Le sénateur Moore : Vous avez indiqué que 80 p. 100 du financement par emprunt était détenu par trois banques de la planète, toutes des États-Unis.

M. Sprott : En fait, ce sont 80 p. 100 des produits dérivés en circulation émis par les banques qui sont détenus par trois d'entre elles.

Le sénateur Moore : Est-ce que cela équivaut à la somme de 350 billions de dollars?

M. Sprott : Non, le montant est inférieur. Disons qu'il se situe à 140 billions de dollars.

Le sénateur Moore : Quelle est la valeur totale des produits dérivés au Canada? Est-ce que ce sont également nos banques qui sont détentrices de cette valeur théorique? Le cas échéant, de quelles banques s'agit-il? Avez-vous une répartition?

M. Sprott : Je n'ai pas la réponse à cette question. Je sais que les banques sont actives sur ce marché.

Le sénateur Moore : Quelles seraient les sommes en cause?

M. Sprott : Je ne sais pas à combien se chiffrent ces montants.

Le sénateur Moore : Il n'y a pas de réglementation.

M. Sprott : Il n'y a pas de données.

Le sénateur Moore : Lorsque vous avez répondu que personne ne connaissait le montant exact, est-ce parce qu'aucun rapport n'est produit?

M. Sprott : Il y a des rapports. Il y a un institut qui produit un rapport sur la valeur théorique totale de tous les produits dérivés en circulation. Peut-être puis-je retrouver son nom — c'est l'Association des produits dérivés des États-Unis, ou quelque chose du genre.

Je m'intéresse davantage à la situation aux États-Unis qu'au marché canadien. Il faut s'inquiéter d'abord de ce qui va se produire là-bas, avant de penser à la conjoncture canadienne. Comme la situation sur le marché américain va se répercuter chez nous, aussi bien s'intéresser surtout aux États-Unis.

Nous recevons des données en provenance, je présume, de la réserve fédérale ou d'une autre organisation bancaire quant à la valeur théorique des produits dérivés dans lesquels les banques ont des engagements. C'est un rapport trimestriel. Je n'ai jamais vu de données semblables pour le Canada.

Le sénateur Moore : Il n'existe pas de système équivalent de présentation de rapport ou de compilation des données au Canada?

M. Sprott : Il est possible que cela existe; je ne suis pas au courant. Je ne me pencherais pas sur ces données de toute façon. Je m'intéresse surtout à la situation plus globale. De toute évidence, le contexte canadien est davantage au cœur de vos préoccupations. J'essaie plutôt d'analyser ce qui pourrait arriver à ceux qui donnent les ordres.

Le sénateur Moore : Tous ces chiffres me font un peu tourner la tête. J'ai lu des choses au sujet de Fanny Mae et Freddie Mac. Je pense que vous avez probablement raison. Ainsi, le problème était sans doute d'une envergure telle que l'on a convenu, afin de ne pas trop miner la confiance sur les marchés, de convoquer tous ces gens pour chercher des pistes de solution.

M. Sprott : La situation est un peu étrange, c'est le moins qu'on puisse dire. Pouvez-vous imaginer une grande banque canadienne qui passerait deux ans sans présenter d'états financiers vérifiés? Il s'agit de prêteurs importants, les plus importants au monde.

Le sénateur Tkachuk : Merci, monsieur Sprott. Je vous suis reconnaissant pour l'information que vous nous fournissez. Je suis un peu comme le sénateur Moore; je commence à m'y perdre un peu lorsqu'on parle de billions. Avec des milliards c'est déjà compliqué, alors imaginez des billions.

Nous sommes un peu impuissants par rapport à la situation aux États-Unis; nous pouvons uniquement offrir un certain leadership. Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire ou que le gouvernement puisse faire lorsque des gens acceptent de prendre des risques pour faire plus d'argent. C'est la raison pour laquelle ils se tournent vers les fonds de couverture afin d'acquérir le genre de titres dont vous parliez.

Nous ne nous préoccupons pas vraiment des investissements qui sont consentis; nous nous inquiétons plutôt de l'argent qui semble disparaître. Les gens pensent que l'argent est un concept bien réel, et ils ont tout à fait raison, mais ils ne se rendent pas compte qu'il peut simplement s'évaporer. Nous ne voulons pas nous retrouver ici dans la même situation qu'ont connue les Japonais qui ont laissé disparaître l'argent dans une telle mesure que leur économie s'est retrouvée au point mort pendant 10 ans.

Que pouvons-nous faire pour atténuer les risques pour le système financier? C'est ce qui nous préoccupe. Nous ne nous inquiétons pas tant du fait que Joe Bleau puisse perdre 500 000 $ ou 5 millions de dollars ou même 10 millions de dollars, mais plutôt de voir ces instruments et ces mécanismes, leurs dettes, leurs obligations et leur effet de levier, prendre une importance telle qu'ils en viennent à menacer la viabilité de nos institutions financières, ce qui affecte maintenant les économies des Canadiens moyens, leurs régimes de pensions et tous ces éléments qui sont si importants pour nous, en notre qualité de politiciens et de responsables de la réglementation.

À la lumière du peu d'information que j'ai pu assimiler à la faveur de nos discussions d'aujourd'hui et de nos réunions précédentes, je vous demande comment nous pouvons intervenir pour empêcher les institutions financières de se faire hara-kiri? Les activités des banques sont dictées par la quantité de fonds qu'elles peuvent prêter, en fonction des sommes qui y sont déposées. Cependant, pour ce qui est des autres fonds, pouvons-nous limiter l'ampleur, la multiplication, des montants avec lesquels elles peuvent jongler? Pourrions-nous limiter cela à cinq ou dix fois? Est-ce que les gouvernements peuvent prendre ce genre de décisions? Est-ce que l'industrie peut s'autoréglementer?

Quelles mesures concrètes pourrions-nous prendre afin d'adopter une approche plus logique — sans freiner la créativité des marchés, un aspect que j'apprécie — de manière à contribuer à faire en sorte que le système financier lui- même ne soit pas mis en péril?

M. Sprott : Merci pour votre question. Je pense qu'il y a quelques réponses possibles. Je trouve que vos observations concernant le Japon sont très révélatrices. Je suppose que si le système bancaire japonais en est venu ainsi à faire faillite, il y a un certain nombre d'années, on peut en déduire que ces gens ne sont pas aussi prudents qu'on le dit.

Je vous répondrai donc que les gens prudents peuvent effectivement aussi commettre des erreurs. C'est tellement vrai que les Japonais ont dû renoncer à toute forme de bénéfices pour leurs citoyens au cours des 20 dernières années afin de permettre à leurs banques de reconstituer leurs liquidités et recouvrer leur rentabilité en évitant d'avoir une valeur nette négative. C'est ma façon de voir la situation. Ils vont vous présenter les choses différemment, mais c'est ce que je crois qui est arrivé.

Comment protéger le système financier? Selon moi, c'est entièrement une question de marge de couverture. Un courtier en valeurs mobilières doit se demander de quelle marge on dispose pour consentir un prêt et quelle est la solution qui convient pour chaque cas particulier. Je n'ai pas travaillé très longtemps dans le secteur du courtage, mais je peux vous dire que l'on pouvait généralement emprunter 50 cents pour chaque dollar de valeur. Il est maintenant possible, dans la plupart des cas, d'emprunter 75 cents pour chaque dollar, ce qui fait que la marge est plus grande qu'auparavant.

Chaque fois que je pense à la question de la marge de couverture, le fiasco de NASDAQ me vient à l'esprit. Toutes les actions étaient vendues à des multiples de leur valeur dans une proportion qui dépassait l'entendement. Pourquoi n'avons-nous pas haussé les exigences relatives aux marges de couverture? Nous ne voulions pas tuer la poule aux œufs d'or, mais celle-ci courait de toute façon à sa propre perte. Cela m'apparaît comme la mesure la plus logique à prendre à ce moment-là. Il fallait accroître les exigences relatives à la marge pour freiner la spéculation.

C'est dans ce contexte que j'observe la situation qui prévaut actuellement sur le marché chinois — qui a enregistré une croissance de 100 p. 100 en très peu de temps. Pas moins de 240 000 comptes de courtage ont été ouverts la semaine dernière seulement. C'est tout à fait incroyable.

Le sénateur Angus : Dans quelle ville se trouve votre bureau en Chine?

M. Sprott : Nous devrions être présents dans toutes les villes.

Il est inquiétant de constater à quel point toutes ces choses peuvent apparaître futiles à un moment donné. Il y a des émissions là-bas qui sont sursouscrites dans des proportions de plusieurs centaines de fois. Cela nous amène à réfléchir sur les moyens à prendre pour atténuer de tels excès.

Je pense que l'intervention sur la marge est de toute évidence la solution la plus facile à mettre en œuvre. En haussant simplement les exigences de couverture, on ralentit les élans de tout le monde. Je ne me souviens pas de la dernière fois où l'on a augmenté ces exigences; cela ne date pas d'hier. Nous avons toutefois assisté à des assouplissements à cet égard. Nous avons également constaté la création d'instruments qui visent essentiellement à permettre une marge accrue, si vous me permettez l'expression, un plus grand effet de levier; beaucoup d'instruments ont été mis sur pied à cette fin.

Le sénateur Ringuette : Je dois admettre toute ma naïveté relativement à ces questions. À la lumière de vos commentaires, je comprends que vous vous inquiétez principalement des effets de cette frénésie du prêt aux États-Unis sur notre économie, étant donné ses liens si étroits avec celle des Américains, et des répercussions d'un éventuel soubresaut.

Vous avez indiqué que trois banques des États-Unis détenaient 80 p. 100 des produits dérivés en circulation. Vous avez également fait état d'une activité de prêt soutenue dans le marché immobilier. Y a-t-il un autre secteur qui pourrait nous fournir des indications semblables?

M. Sprott : Essentiellement, étant donné la grande quantité de produits dérivés en circulation et l'importance des liquidités disponibles — on crée des liquidités en augmentant l'effet de levier. Je ne pourrais pas vous indiquer un autre secteur où il y a des excès semblables.

À la lumière de mon étude du marché immobilier et de son évolution aux États-Unis, je peux vous dire qu'il existait de nombreux problèmes et que, malheureusement, on a dû descendre jusqu'au simple citoyen pour le convaincre de faire des choses qu'il n'aurait jamais dû accepter.

Je lis sans cesse des commentaires de particuliers qui indiquent ne pas comprendre le concept de prêt hypothécaire à taux variable. Il est probable qu'on ne leur a pas fourni les explications suffisantes. On leur a dit que les taux allaient baisser dans deux ans, mais que cela ne préoccupait pas l'institution prêteuse, car elle estimait que la valeur de la résidence allait augmenter. Lorsqu'on constate que cette valeur ne s'accroît pas vraiment, le prêteur commence à s'inquiéter.

Je ne vois pas quel autre secteur je pourrais montrer du doigt. L'effet de levier joue un grand rôle dans le système, que ce soit via les prêts aux fonds de couverture ou sur le marché des souscriptions privées. On voit des transactions gigantesques être conclues, ce qui exige de toute évidence le recours aux prêteurs. Ces gens n'ont pas 25 milliards de dollars qui dorment dans leur compte de banque.

Cependant, je ne pourrais pas cibler un secteur en particulier.

Le sénateur Ringuette : Où situez-vous l'industrie militaire des États-Unis dans ce scénario?

M. Sprott : Je n'établis aucun lien entre l'industrie militaire américaine et les questions dont nous discutons aujourd'hui. Il est possible que je sois totalement dans l'erreur, mais je n'y vois aucune connexion.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que la proportion de 80 p. 100 des produits dérivés se limite au territoire des États- Unis ou est-ce que cela inclut aussi des titres étrangers?

M. Sprott : Je pense que cela englobe des produits dérivés de partout dans le monde.

Le sénateur Angus : Pour revenir à la question de la marge de couverture et de l'assouplissement des exigences à cet égard, je veux simplement m'assurer de bien comprendre. D'après ce que vous nous dites, étant donné que les investisseurs n'obtiennent pas un effet de levier suffisant en utilisant les formes traditionnelles d'investissement, ils doivent se tourner vers ces autres secteurs qui offrent davantage de crédit avec l'effet de levier accru qui s'ensuit. Lorsque vous parlez de l'assouplissement des règles, je suppose que vous voulez passer de 75 à 80 p. 100; est-ce bien cela?

M. Sprott : Si vous achetez aujourd'hui une action bancaire d'une valeur de 100 $, vous pourrez probablement emprunter 75 $ en contrepartie de cette action auprès de n'importe quel courtier...

Le sénateur Angus : C'est effectivement possible.

M. Sprott : ... le tout étant fondé sur l'hypothèse que la valeur de l'action ne descendra pas de 25 p. 100. Vous auriez probablement aussi pu emprunter 75 cents pour chaque dollar investi dans une fiducie de revenu, suivant l'hypothèse...

Le sénateur Angus : C'est aussi effectivement possible.

M. Sprott : ... que les fiducies de revenu ne peuvent pas subir une baisse de 25 p. 100. Rien n'est impossible dans la vie. Nous avons eu au Canada des exemples de personnes qui ont vu une importante portion de leur capital s'envoler en fumée très rapidement en raison de leur taux d'endettement.

Le sénateur Angus : Pour ce qui est de l'assouplissement de la marge, je pense que vous dites en fait le contraire.

M. Sprott : Je ne dis pas que la marge doit être assouplie, je dis en fait le contraire, il faut resserrer le tout.

Le sénateur Angus : C'est ce que je croyais, mais c'est l'inverse qu'on a entendu.

Parmi les points qui ont été portés à notre attention — et pas seulement au cours de nos audiences des derniers jours; nous nous sommes rendus aux États-Unis pour rencontrer certains intervenants et avoir une idée de leur point de vue —, il y a le thème courant des conflits d'intérêts. Nous en sommes revenus avec l'impression que ce problème n'est pas sans importance. Les cas de transaction d'initié et de conflit d'intérêts entre prêteurs et emprunteurs sont si fréquents que la situation est devenue incontrôlable. Cela s'apparente, à mon avis, aux risques de corruption auxquels vous avez fait allusion.

Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet? Est-ce aussi fréquent qu'on nous le dit? Quelqu'un nous a demandé un soir, lors d'un entretien non officiel, ce que nous faisions ici. J'ai dit que nous cherchions des leçons à tirer de Long- Term Capital, d'Enron et d'autres situations — des délits d'initié et des conflits d'intérêts. L'attitude nonchalante de cette personne nous a renversés.

M. Sprott : Je n'ai aucun commentaire à faire sur les délits d'initié. Si vous dites qu'une institution financière qui se trouve à être la maison de courtage de premier ordre d'un fonds de couverture pourrait donner des indices à quelqu'un sur ce qui va se produire, ou vice versa — je n'ai aucun commentaire à faire à ce sujet. Je ne dirai jamais que cela se fait, parce que je n'en ai aucune preuve.

L'autre question, ce que vous décrivez comme un conflit d'intérêts, je dirais qu'il s'agit plutôt d'un intérêt mutuel — l'intérêt mutuel du prêteur et du fonds de couverture.

Le sénateur Angus : C'est une très bonne distinction.

M. Sprott : J'ai dit que certains fonds de couverture représentaient de 2 à 3 p. 100 de toutes les transactions du NYSE. Le monde des finances touche d'importantes commissions sur les fonds de couverture, sans parler de l'argent fait sur les prêts sur les positions à découvert, qui génèrent un revenu sans trop d'efforts.

Même au Canada, je dirais que les fonds de couverture sont probablement perçus comme étant de meilleurs clients que d'autres fonds, peut-être même bien meilleurs, d'un point de vue économique. À mon avis, il y a un intérêt mutuel entre le prêteur et le fonds de couverture, parce que c'est économique pour les deux parties.

Le sénateur Angus : Les pratiques habituelles de gestion des risques ne sont-elles pas suivies?

M. Sprott : Je ne sais pas. Je peux vous dire seulement que dans le cas de Long-Term Capital, il ne semble pas qu'elles aient été suivies.

Existe-t-il d'autres exemples? J'imagine qu'il pourrait y avoir des cas où le capital serait peu élevé par rapport aux engagements. Je crois que ce pourrait être le cas.

Le sénateur Angus : Nous savons que les grandes banques ne sont pas les seuls prêteurs. Toutefois, au bout du compte, le système financier du Canada est fortement caractérisé par nos banques à charte, qui sont très peu nombreuses en comparaison à ce qu'on trouve dans d'autres pays, en particulier en Europe, aux États-Unis et au Japon. Vos statistiques sur les trois banques sont éloquentes à ce sujet. Parmi nos principales banques à charte, une ou deux, la Banque de Commerce et la Banque Royale, ont conclu des règlements de taille. Or, les actions ont continué de grimper, et on peut se demander à quelle vitesse cela peut se produire.

Le système canadien offre-t-il des mesures de protection suffisantes par l'entremise du BSIF? Comme vous l'avez dit, vous vous intéressez davantage au système américain, parce que c'est lui qui mène le bal. Le nouveau dirigeant de la Réserve fédérale a déclaré récemment, vendredi ou samedi dernier, qu'il ne voulait pas intervenir. Ce pourrait être un simple cas de fonds de couverture, et non un financement par effet de levier, et vous avez fait une distinction claire entre les deux. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet? Sommes-nous près de la ligne de démarcation?

M. Sprott : Il ne fait aucun doute que le monde des finances est relié, parce que tout le monde est partout. Il y a 50 ans, si une banque au Canada éprouvait des difficultés, on la fermait et on la fusionnait avec une autre — les déposants ne partaient pas; ils restaient au pays. C'était un système fermé. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisque le système est devenu mondial, et tout le monde va partout. Si un problème surgit aujourd'hui, peu importe à quel endroit, j'irais jusqu'à dire que quelques-unes de nos banques seraient impliquées, que ce soit les plus grandes ou les plus petites. Comment pouvez-vous vous prémunir contre cela? Je n'ai pas de réponse à cette question. Vous devez craindre que d'autres aient des difficultés, et selon ce que vous décidez, vous pourriez faire preuve de leadership et dire ce qui, selon vous, serait bon pour nous, et quelqu'un adoptera peut-être votre recommandation.

La mention du dirigeant de la Réserve fédérale me ramène à une recommandation faite par le président Greenspan il y a trois ou quatre ans, qui avait dit que les gens devraient songer à des hypothèques à taux variable plutôt qu'à taux fixe. Il avait avancé cet argument parce que, à long terme, le coût des taux variables avait été plus bas que celui des taux fixes.

Toutefois, la question se pose : Comment faire si les taux augmentent? Qu'arrive-t-il alors? Un taux fixe permet de faire une planification financière sur 10 ou 20 ans. Avec un taux variable, vous êtes à la merci du système. Le dirigeant de la Réserve fédérale a laissé entendre que les coûts seraient plus bas avec un taux variable. Maintenant que tout le monde a des taux variables, que s'est-il produit? On est tous coincés. Il faut prendre conseil au bon endroit, et ce n'est pas un monde facile. Évidemment, je suis de ceux qui présument que les choses peuvent mal tourner.

Pendant ce temps, nous n'avons pas parlé d'Enron, ce dont vous avez mentionné, en ce sens que les choses se sont passées si rapidement et qu'il y avait tellement de capitaux d'emprunt en cause. On trouve de nombreux exemples de cela dans le monde.

Le sénateur Angus : Je faisais partie du comité lorsque la Barings Bank s'est effondrée dans une fraction de seconde. Le comité s'était rendu à Toronto, dans les salles de transactions de la Banque Toronto-Dominion. C'était à l'époque où les dérivés faisaient leur apparition et étaient très médiatisés. C'est ce dont nous parlons aujourd'hui — les risques qui sont apparus dans l'affaire Barings se sont répétés dans l'affaire Amaranth, dans l'affaire LTC et d'autres cas dont on ne parle pas, parce que les responsables se regroupent et évitent de perdre la confiance dont vous avez parlé. N'est- ce pas ce qui se produit?

M. Sprott : Certainement, c'est ce qui s'est produit dans certains cas, et dans d'autres, comme Enron, ils ont simplement laissé les choses dégringoler. Nous en subissons tous les retombées, et les litiges se poursuivent. Nous avons parlé des gens prudents qui prennent des décisions prudentes; je peux vous donner des exemples de gens prudents qui ne prennent pas de décisions prudentes. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé le cas d'Enron, et c'est ce dont je parle.

A posteriori, je vois bien que ce n'était pas prudent.

Le président : Monsieur Sprott, ce que vous dites est juste. Si vous étudiez l'histoire depuis les années 1960, vous saurez qu'il y a eu une période dans chaque décennie où le système a sous-évalué les risques. Dans les années 1960, nous avions les prêts consentis à des États parce qu'ils fournissaient de l'argent rapide et facile. Tout à coup, la structure bancaire a été ébranlée sans avertissement. Puis, nous avons eu l'immobilier, qui a secoué bon nombre de sociétés canadiennes parce que tout le monde voulait aller dans cette direction. Puis il y a eu le pétrole, puis la flambée d'Internet.

À chaque décennie, il y a eu une série d'effondrements sismiques. Le travail de notre comité est de faire de son mieux pour examiner certaines choses qui touchent le système canadien : premièrement, les risques systémiques pour notre économie, du point de vue du secteur des finances; deuxièmement, voir si les structures que le gouvernement a mises en place dans le secteur sont justes, appropriées et transparentes pour que les gens puissent investir en toute confiance; et, évidemment, la protection des consommateurs.

Permettez-moi de présenter quelques suggestions, pour voir si elles répondent à vos préoccupations. Vous avez dit qu'on ne tenait pas compte des risques, qu'il y avait un surendettement sur les titres lorsqu'un certain nombre de ces fonds couvrent les mêmes risques. Une des suggestions faites aux États-Unis, que nous avons examinée ici, était d'établir une chambre de compensation internationale des risques pour éviter qu'on se serve deux fois à la même assiette. Que pensez-vous de pareille mesure de protection? Serait-elle efficace? Nous en avons eu une auparavant; c'était à l'origine du système bancaire international, lorsque le problème des règlements a fait surface dans les années 1920 et 1930. Cette situation a conduit à la mise sur pied de la Banque des règlements internationaux, dont le siège social se trouve à Bâle, en Suisse, et on a cru que c'était une bonne façon de régler les choses. Avez-vous songé à cette question? Que dites-vous à ce sujet?

M. Sprott : Monsieur le président, je n'ai pas examiné cette question et je n'ai pas cherché à savoir si cette solution fonctionnerait. Je ne peux pas imaginer qu'elle aurait l'assentiment de toutes les parties, parce que c'est pratiquement impossible. Malheureusement, le système financier tire profit des risques et de l'endettement, et c'est pourquoi ils constituent une si grande part des profits économiques d'aujourd'hui. Je ne crois pas que pareille chose serait acceptée.

Est-ce là la réponse? C'est une question très compliquée parce que je ne sais pas comment vous limiteriez le risque et qui serait l'arbitre qui limiterait le risque. C'est là le grand problème.

Le président : Ce sont précisément les mêmes questions que le monde bancaire international et les gouvernements ont dû se poser dans les années 1930, durant la dépression. Nous essayons d'examiner ces suggestions et ces recommandations pour voir si elles sont valables.

Le sénateur Moore : Vous avez dit qu'un dérivé, c'est un produit sur lequel on mise.

M. Sprott : Oui, ce pourrait être cela, mais on pourrait croire le contraire parce qu'on achète un swap sur défaillance et on croit qu'il compense le risque. Toutefois, tous les investissements financiers comportent un risque.

Le sénateur Moore : Qu'est-ce qui se trouve derrière? Il n'y a aucun actif tangible ni aucune liquidité compensatoire. Tout est emprunté dans ce jeu, qui ne paraît que sur papier.

M. Sprott : Je suis certain que les gens du monde bancaire répondraient bien différemment, qu'ils ont un prêt ou une hypothèque et qu'ils vont signer un swap sur défaillance et qu'ils ont cela, et que la transaction est maintenant couverte.

Je ne sais pas ce que la personne ayant acheté un swap sur défaillance a en contrepartie — parce que c'est elle qui vient de prendre le risque de l'hypothèque. Je ne sais pas ce qu'elle a pour compenser cela.

Je sais que le monde bancaire semble croire qu'il n'y a aucune somme en jeu, mais j'ai beaucoup de difficulté à accepter ce raisonnement. Lorsque vous devenez aussi important, un seul petit changement dans un secteur quelconque peut entraîner un problème.

Le sénateur Moore : Lorsqu'un fonds veut se départir de ses dérivés, que fait-il? Est-ce qu'on s'adresse aux gens qui détiennent les titres pour leur demander ce qu'on leur doit?

M. Sprott : Un des problèmes que posent les dérivés, c'est qu'on ignore souvent qui est derrière qui et, par conséquent, qui détient le dérivé. Lorsque vous assistez à une négociation, vous apprenez que les dérivés sont échangés ici et là et vous pouvez découvrir que votre swap sur défaillance appartient à une compagnie d'assurances en Allemagne, par exemple. Vous ne savez pas.

Un autre problème lié aux dérivés est le règlement des opérations. Bon nombre d'opérations ne sont toujours pas réglées.

Le sénateur Moore : Quel est le pourcentage, ou comment évaluez-vous cela?

M. Sprott : C'était tellement répandu qu'il y a environ 18 mois, un comité a été formé pour tenter de régler des contrats de dérivés. Il a réussi à diminuer le pourcentage des cas litigieux, mais il y en a encore beaucoup.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous nous donner un chiffre? Parlons-nous de 10 p. 100 de 350 billions de dollars?

M. Sprott : Non, je ne crois pas que ce soit autant. Ce serait davantage autour de 5 p. 100 des opérations qui ne sont pas réglées dans les 90 jours.

Le sénateur Moore : Est-ce parce que les gens n'ont pas réussi à obtenir l'argent liquide au bout de la chaîne des dérivés?

M. Sprott : Ils doivent déterminer qui est la contrepartie pour en arriver à un règlement, ce qui est un peu étrange. On pourrait penser qu'avec l'informatique, on devrait être en mesure d'identifier la contrepartie afin de régler l'opération.

Le sénateur Moore : Parlez de l'argent liquide.

M. Sprott : Je ne sais pas pourquoi l'opération n'est pas réglée, et c'est étrange. Combien d'opérations boursières ne sont pas réglées? Elles le sont toutes, éventuellement.

Le président : Pour revenir à mon commentaire de tout à l'heure sur la chambre de compensation, elle entrerait en jeu à ce moment-là.

Monsieur Sprott, j'ai une dernière question sur la rémunération des cadres de direction. M. Sprott et moi en avons parlé tout à l'heure avant qu'il ne présente son témoignage aujourd'hui, alors cette question ne va pas le surprendre. Notre comité, sous l'habile présidence du sénateur Kolber, qui a pris sa retraite du Sénat depuis, conjointement avec le vice-président de l'époque, le sénateur Tkachuk, a publié un rapport en juin 2003 intitulé Après « la tempête du siècle » : Rétablir la confiance des investisseurs. Le rapport contenait des recommandations sur la rémunération des cadres de direction. Plus récemment, le 20 avril 2007, le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis ont adopté des projets de loi pour que cette rémunération soit mieux connue des actionnaires. Évidemment, notre comité devrait examiner cette question.

Concernant les fonds de couverture, nous avons entendu la nouvelle extraordinaire la semaine dernière, selon laquelle trois gestionnaires de fonds de couverture ont reçu des sommes faisant paraître dérisoire toute autre rémunération annuelle versée depuis le début des temps. Certains rois ont peut-être fait mieux qu'eux, mais cet argent n'a jamais été mesuré dans les échanges. Un gestionnaire de fonds de couverture a reçu cette année une rémunération annuelle de 1,7 milliard de dollars. Monsieur Sprott, vous avez dit que cette somme est supérieure à la valeur nette de la plupart des entreprises canadiennes. Que dites-vous à ce sujet? Évidemment, je ne vais pas vous demander quelle est votre rémunération ou vos autres modalités, mais même si votre succès a été extraordinaire, je suis certain que votre rémunération annuelle est bien loin de cette somme. Que dites-vous à ce sujet?

M. Sprott : Je vais vous répondre de cette façon : à titre de firme, nous demandons des honoraires d'incitation, comme tous les fonds de couverture. Le Sprott Canadian Equity Fund perçoit un honoraire d'incitation et si nous faisons mieux que le TSX, notre rémunération correspond à 10 p. 100 de la différence par rapport au TSX. C'est ce que nous gagnons.

Le président : S'il y a une hausse de 10 p. 100, vous recevez 1 p. 100.

M. Sprott : Si c'est 10 p. 100 au-dessus du TSX, nous ferions 1 p. 100. Je dirais que très peu de gens se plaignent des honoraires d'incitation qu'ils nous paient.

Dans les fonds de couverture, nous recevons 20 p. 100 au-dessus de zéro. Je dois admettre que c'est beaucoup. C'est énorme de recevoir 20 au-dessus de zéro, mais les gens étaient prêts à cela parce que ces fonds de couverture ont donné un rendement démesuré. Par conséquent, les gens dont vous parlez pouvaient imposer ce qui, selon nous tous, constitue des frais excessifs.

Je crois que cet homme s'appelle Simon.

Le président : Je crois que son nom a été publié et qu'il s'agit de James Simon.

M. Sprott : Il a dû avoir des honoraires d'environ 4 p. 100 pour commencer et 44 p. 100 de ce que je fais au-dessus de zéro. Il pouvait exiger ces frais parce qu'il a enregistré des rendements excessifs. Sans cela, personne ne paierait ces honoraires. Chose intéressante, c'était un professeur de mathématiques qui a appris à faire mieux que le marché, et c'est ce qu'il fait depuis longtemps. J'ignore quels sont ses rendements, mais ils sont fabuleux parce que les gens acceptent ces frais. Si vous demandez à ses clients s'ils aimeraient que M. Simon fasse 3,4 milliards de dollars l'an prochain, la réponse serait oui.

Le président : Sur cette note extraordinaire, monsieur Sprott, nous allons conclure les audiences d'aujourd'hui. J'aimerais saluer les membres de votre famille qui ont assisté à la réunion : votre belle-sœur, Jenny Sprott, votre frère, Doug Sprott, et Vizma Sprott, votre épouse. Monsieur Sprott, vous avez offert un témoignage intéressant et déterminant qui sera utile aux travaux du comité.

La séance est levée.


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