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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 21 - Témoignages du 26 avril 2007


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international. Le sujet à l'étude : les fonds de couverture.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, messieurs. Vous êtes ici dans le cadre de l'étude que nous effectuons sur les fonds de couverture. On nous regarde à la télévision d'un océan à l'autre et partout dans le monde grâce à Internet. Bienvenue à notre auditoire canadien. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York en octobre dernier afin de tenir des discussions poussées sur un certain nombre de sujets relevant de son mandat. Nous sommes ici pour nous pencher sur les fonds de couverture, nouvel instrument et véhicule financiers ayant poussé comme une mauvaise herbe. Au cours de nos discussions avec des représentants du secteur des services financiers et des responsables de la réglementation aux États-Unis, les fonds de couverture sont apparus comme étant un élément clé. Les actifs du secteur étaient à ce moment-là évalués à environ 1,1 billion de dollars dans le monde. Des chiffres nous ont depuis été communiqués; ils indiquent que le secteur dépasse 1,7 billion de dollars, soit plus qu'une bonne part des économies nationales dans le monde. Au Canada, on estimait la valeur du secteur en 2004 à 26,6 milliards de dollars. Nous sommes certains que le chiffre est en fait beaucoup plus important mais, à dire vrai, nous n'avons pu cerner l'ampleur de l'exposition dans des avoirs spécifiquement canadiens.

Nous avons également entendu parler des fonds de couverture dans le cadre de notre étude des questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Dans notre rapport sur la question, nous avons recommandé la nomination d'une personnalité éminente qui procéderait à un examen de la surveillance réglementaire nécessaire pour les fonds de couverture. Toutefois, le cas échéant, la portée et les modalités de la réglementation ou de la supervision de ces types de produits financiers restent une question clé, si nous souhaitons protéger les consommateurs, ainsi que la stabilité systémique des marchés financiers intérieurs et internationaux.

J'ai le plaisir d'être accompagné aujourd'hui de mes collègues sénateurs : mon coprésident distingué, le sénateur Angus, qui sera le premier à poser des questions; à ma droite, sans être nécessairement à ma droite sur l'échiquier politique, un investisseur et sénateur distingué ainsi qu'un gourou des affaires, le sénateur Eyton; à ma gauche, le sénateur Goldstein, spécialiste du droit, notamment des questions ayant trait à la faillite; à côté de lui, un des sénateurs remarquables venus de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Moore, membre de longue date de notre comité, bien au fait des questions touchant les provinces maritimes, notamment la sienne, la Nouvelle-Écosse; à côté de lui, une recrue plus récente, madame le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick, que nous sommes heureux de compter parmi nous, car elle est appelée à jouer un rôle important et de plus en plus en vue au sein du comité.

Enfin, le dernier mais non le moindre, le sénateur Biron, qui est une personne modeste, mais un remarquable homme d'affaires connaissant mieux les pratiques d'affaires que quiconque d'autres au Sénat.

Bref, vous avez un groupe de sénateurs distingués et éminents suspendus à vos lèvres. Nous souhaitons la bienvenue aux représentants du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, l'un des plus gros fonds au Canada : Ronald Mock, vice-président des Placements non traditionnels, ainsi que Neil Petroff, vice-président principal de la Répartition stratégique de l'actif et des Placements non traditionnels. Il faut le dire trois fois avant d'aller se coucher.

Toujours est-il que c'est vous, monsieur Petroff, qui allez commencer, si je comprends bien. Nous avons largement le temps de discuter, mais je peux vous dire que les sénateurs connaissent bien plusieurs de ces enjeux et que nous aurons des questions perspicaces et audacieuses.

Neil Petroff, vice-président principal, Répartition stratégique de l'actif et Placements non traditionnels, Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario : Nous nous réjouissons d'être ici aujourd'hui pour échanger nos points de vue et donner au comité des renseignements sur les fonds de couverture. Nous, qui nous occupons du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, sommes familiers avec ce genre d'investissements depuis 1996 et nous nous démarquons dans ce domaine au niveau mondial.

Au cours des prochaines minutes, nous expliquerons ce qui motive les responsables d'un régime comme le nôtre à investir dans les fonds de couverture, de même que les grands enjeux qui se présentent à bon nombre d'entreprises du secteur aujourd'hui.

Inutile que nous nous présentions, vous l'avez très bien fait. Nous représentons le conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, détenu à parts égales par le gouvernement provincial de l'Ontario et par la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. Ce régime de retraite est un régime privé responsable de la gestion du revenu de retraite de 271 000 enseignants et ex-enseignants de l'Ontario. L'actif actuel du régime s'établit à 106 milliards de dollars. L'organisme compte 582 employés, dont 179 s'occupent d'investissements. Aujourd'hui, environ 9,6 milliards de dollars, soit environ 9 p. 100 du régime de retraite, sont investis dans des fonds de couverture. Ces investissements sont répartis tous azimuts : Asie, Amérique du Nord, Afrique du Sud et Amérique du Sud.

Histoire de mettre les choses en contexte, il convient de préciser que, dans le secteur de la gestion des actifs, on considère que les « autres » investissements comprennent les titres de sociétés fermées, l'infrastructure, l'immobilier, les biens et services, les terrains forestiers et, enfin, les fonds de couverture. Aujourd'hui, nous nous attarderons à ce type de fonds.

Pourquoi les enseignants investissent-ils dans les fonds de couverture?

Comme l'a démontré Harry Markowitz, lauréat du prix Nobel, dans son article sur le choix des portefeuilles publié en 1952, la diversification des revenus de placement est l'un des grands déterminants du succès des portefeuilles. Par succès, nous entendons la capacité d'obtenir le niveau de rendement requis au fil du temps tout en gérant le risque associé aux portefeuilles.

C'est là où réside l'un des deux grands avantages des fonds de couverture pour les comptes institutionnels : ces fonds ont pour effet de réduire le risque associé au portefeuille. Ils peuvent donner un rendement qui ne fluctue pas avec d'autres investissements comme les actions ou les obligations. Ils procurent des avantages de corrélation à n'importe quel portefeuille. Il existe de nombreux types de fonds de couverture pouvant constituer un portefeuille diversifié de revenus que d'autres investissements ne peuvent donner sur-le-champ.

Le second avantage que présentent les fonds de couverture pour un régime comme le nôtre est l'excellent rendement qu'ils peuvent donner par unité de risque.

Dans ce contexte, le risque correspond à la variabilité du rendement dans le temps; par exemple, pour n'importe quel indice boursier, vous obtiendrez un rendement de 1 $ pour chaque risque équivalant à 2 $.

En raison de leurs caractéristiques inhérentes, les fonds de couverture offrent un meilleur rapport risque-rendement, soit un rendement de 2 $ pour chaque dollar de risque. C'est tout le contraire du simple achat d'un indice boursier passif.

Mais toute médaille a son revers. En raison même de leur avantage, à savoir leur grande diversité, les fonds de couverture sont complexes et uniques, et quiconque veut investir dans eux doit posséder des compétences spécialisées. Leur avantage en est donc aussi l'inconvénient.

On trouve environ 8 000 de ces fonds sur le marché mondial, mais ils ne s'équivalent pas tous et n'offrent pas les mêmes avantages que ceux que nous venons d'exposer. Les fonds de couverture diffèrent énormément sur le plan de la qualité, du genre et du rendement.

Notre organisme investit dans un sous-ensemble de ces 8 000 fonds qui, espérons-le, sont dignes des actifs institutionnels, sont profitables, répondent à nos critères de diversification et de diligence raisonnable et sont relativement stables. De façon générale, ce sont des fonds d'arbitrage ou des fonds stables orientés vers les libres mouvements de trésorerie.

L'univers des fonds de couverture en grande partie et souvent celui des fonds cités dans les manchettes ne sont pas ceux qui intéressent les investisseurs institutionnels. Des rendements qui fluctuent de façon extravagante ou de manière spectaculaire ne sont pas ce que recherchent généralement les institutions.

Pour investir dans les fonds de couverture, il faut s'y connaître, entre autres, en finances internationales, en mathématiques avancées, en principes juridiques, en produits dérivés, en création de portefeuilles et en finances opérationnelles, et il faut posséder une expérience des marchés.

Les institutions embauchent souvent des équipes de spécialistes ou y recourent pour faire le nécessaire avant d'investir dans des fonds de couverture et pour en surveiller le rendement.

Dans ce genre d'investissement, il importe à tout prix d'atténuer les risques économiques, opérationnels et liés au marché. Les fonds de couverture évoluent rapidement en stratégies qui ne représentent plus les simples fonds de placement d'hier. En fait, certains affirmeront qu'on peut difficilement mieux définir les fonds de couverture autrement qu'en parlant de capitaux privés mis en commun. Les stratégies et les investissements des gestionnaires de fonds de couverture se sont considérablement étendus depuis plusieurs années et continueront d'évoluer.

À une extrémité ou l'autre de la gamme, les fonds de couverture peuvent se résumer à de simples fonds de placements en compte/à découvert qui ont vu le jour dans les années 1950 ou consister en des fonds multi-stratégies investis dans des titres de sociétés fermées, l'infrastructure, l'assurance, les redevances sur les médicaments d'ordonnance ou même la location d'aéronefs.

Les gestionnaires de fonds de couverture investissent maintenant à la fois dans les marchés publics et privés, et la tendance qui consiste à investir dans les marchés privés s'accélère. Il peut être difficile voire illusoire de vouloir réglementer les réserves de capitaux privés comme s'il s'agissait de fonds de placement ouverts publics. De nombreux fonds de couverture ressemblent maintenant à des versions miniatures de banques d'investissement ou de salles d'arbitrage des banques.

Il faut signaler que, selon une étude publiée récemment par l'EDHEC Risk and Asset Management Research Centre et intitulée Quantification of Hedge Fund Default Risk, ce ne sont pas les risques liés au marché qui compromettent le plus les fonds de couverture, mais les risques opérationnels, c'est-à-dire les problèmes de règlement des titres, d'évaluation et de comptabilité ou encore les fraudes. Bien que les organismes de réglementation et le grand public se préoccupent généralement des risques liés au marché, il faut estimer davantage les risques opérationnels. D'autres organismes de réglementation qui se penchent actuellement sur les fonds de couverture abondent dans ce sens.

La même étude révèle que, dans le cas de la montée en flèche des fonds de couverture, les risques opérationnels sont supérieurs aux risques liés aux stratégies d'investissement dans plus de la moitié des cas d'effondrement. Par conséquent, un aspect important de notre devoir de diligence raisonnable a trait à l'environnement opérationnel des gestionnaires, c'est-à-dire : l'indépendance sur le plan de l'évaluation des fonds et des entreprises; l'indépendance sur le plan de la reddition des comptes; enfin, l'indépendance sur le plan de l'administration.

Cela nous amène à une des questions les plus importantes qui se posent aux investisseurs institutionnels : la transparence des portefeuilles. Nous croyons qu'il est nécessaire d'avoir accès, à un certain niveau, aux avoirs en portefeuille d'un gestionnaire de fonds pour exercer notre devoir fiduciaire. Cette transparence peut cependant revêtir maintes formes. Peu importe l'approche utilisée pour garantir la transparence, nous en avons besoin à un certain niveau, à défaut de quoi, nous n'investirons pas.

En ce qui concerne la réglementation des fonds de couverture, les gestionnaires, les investisseurs institutionnels ou les investisseurs exonérés disposeront de processus de surveillance, de recours judiciaires et de diligence raisonnable pour exécuter leur devoir fiduciaire lorsqu'ils investissent dans des fonds de couverture, des titres de sociétés fermées, l'infrastructure, les terrains forestiers, l'immobilier et d'autres fonds largement définis. Les intervenants avisés qui participent au marché se servent d'outils que les investisseurs particuliers n'ont pas à leur disposition.

Nous croyons que les exemptions applicables aux investisseurs exonérés ou agréés représentent un aspect fondamental des règlements régissant les transactions sur les marchés financiers et les titres, et qu'il importe de les conserver.

Si nous nous préoccupons du monde complexe des fonds de couverture, c'est que nous souhaitons que les investisseurs particuliers y aient accès, alors que des règlements irréfléchis ou trop pesants risquent d'entraver la croissance du secteur, sinon de l'entraîner vers des administrations plus favorables. Nous croyons que le comité doit garder à l'esprit la structure réglementaire actuelle qui soutient la différence entre les marchés publics (divulgation complète) et les marchés privés (caveat emptor), tout en distinguant les participants non exonérés (particuliers) des participants qui ne le sont pas (institutions).

Sur ces mots s'achève notre déclaration préliminaire et c'est avec plaisir que M. Mock et moi répondrons à vos questions.

Le sénateur Angus : Bienvenue, messieurs. C'est toujours un honneur que de s'entretenir avec des représentants du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants. Vous semblez avoir la faveur des médias, dernièrement. J'espère que nous ne vous avons pas arraché à d'autres activités passionnantes, ce matin.

Nous examinons les fonds de couverture d'un point de vue canadien et du point de vue de l'investisseur canadien, de la protection du consommateur, mais nous reconnaissons que c'est maintenant une activité mondiale. Les témoins qui se sont succédé devant nous nous ont dit que nos institutions de prêt et d'autres grandes institutions comme la vôtre vont investir dans des fonds de couverture dans le monde entier. Nous savons cela.

Vous avez dit que vous avez investi une somme assez importante, neuf milliards de dollars, je crois, dans des fonds de couverture.

Mis à part les critères que vous appliquez pour choisir vos investissements, y a-t-il quelque chose de commun entre les différents fonds dans lesquels vous investissez en ce qui concerne le degré d'endettement?

Ronald Mock, vice-président, Placements non traditionnels, Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario : Le niveau d'endettement d'un fonds de couverture varie considérablement selon le style du fonds. De nombreux fonds de couverture fonctionnent sur les marchés publics. Ils doivent donc respecter les limites du marché et, par conséquent, limiter leur propre potentiel d'endettement.

D'autre part, de nombreux fonds de couverture dotés de styles différents, de styles uniques, ont recours à des produits dérivés. Les produits dérivés opèrent avec des banques et d'autres entités qui peuvent déployer un plus grand effet de levier qu'un gestionnaire de fonds d'action spéculatifs.

Lorsque l'on pose la question de l'effet de levier d'un fonds de couverture, la réponse dépend du style de fonds. Cela étant dit, diverses études au fil du temps ont examiné le niveau d'endettement auquel ont recours les fonds de couverture et en moyenne, pour l'ensemble des fonds de couverture, l'effet de levier est de l'ordre de 1,5 ou 1,75.

Les stratégies à revenu fixe — swaps, obligations, dérivés de crédit, par exemple — peuvent avoir d'importants effets de levier; deux fois, dix fois, vingt fois, parfois même davantage. D'autre part, les fonds de titre de position longue ou courte ont en général un effet de levier maximal de deux pour un.

Il est difficile d'établir une moyenne pour l'ensemble de l'industrie, mais c'est un de deux degrés de liberté qu'emploient les fonds de couverture. Un gestionnaire de fonds mutuel peut être en position longue en actions ou en comptant. C'est, pour eux, essentiellement les deux solutions possibles. Les gestionnaires de fonds de couverture ont deux degrés supplémentaires de liberté. Ils peuvent être en position courte ou utiliser l'effet de levier. Du point de vue de l'investissement, ces degrés supplémentaires de liberté sont les caractéristiques qui donnent aux fonds de couverture leur possibilité de réaction unique.

L'effet de levier est important dans le monde des fonds de couverture, tout comme il l'est dans le secteur bancaire ou celui des affaires. L'effet de levier peut donner des résultats très importants. Dans certains cas, cependant, qu'il s'agisse de fonds de couverture, d'actions ou d'autres instruments, un trop grand endettement peut entraîner des problèmes. Ce n'est pas propre aux fonds de couverture.

Le sénateur Angus : Y a-t-il quelque chose de commun entre les différents fonds de couverture dans lesquels le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario a investi? Y a-t-il plus de fonds ordinaires composés d'actions ou y a-t-il plus de fonds de style dérivé qui ont une croissance de 5 à 20 p. 100?

M. Mock : Nos investissements se trouvent plutôt au bas de l'échelle de risque.

Le sénateur Angus : Votre réponse, monsieur Mock, soulève une question qui a été posée hier devant ce comité par quelqu'un de Toronto qui est reconnu comme un expert dans le domaine, Eric Sprott de Sprott Securities. Nous avons eu un échange de vues intéressant avec lui. Il nous a dit de veiller, lorsque nous utilisons l'expression générique « fonds de couverture », à faire la différence entre les fonds d'actions plus ordinaires et les instruments financiers dérivés — qui transigent dans les produits structurés utilisant des prêts à haut risque. Avez-vous d'autres observations à faire sur cette question? Le comité doit examiner les deux éléments afin de déterminer ceux que nous percevons comme étant un risque pour les investisseurs canadiens.

M. Mock : Selon moi, M. Sprott voit tout à fait juste. Toutefois, et pour éviter de rendre votre tâche insurmontable, il faut préciser que la distinction est encore plus fondamentale que cela. L'une des plus grandes difficultés auxquelles vous allez vous heurter en creusant ce sujet et entendant de nombreux autres témoins, c'est la définition même des « fonds de couverture ». Récemment, dans l'affaire Goldstein c. Securities and Exchange Commission des États-Unis, l'un des enjeux essentiels portait sur la définition de ces instruments financiers et sur la manière dont ils diffèrent du capital à risque privé ou des nombreux autres grands fonds de capitaux privés. À une extrémité de la gamme, on trouve le capital-actions et à l'autre, les fonds de couverture investis dans la location d'aéronefs et l'assurance. Il s'agit de grands fonds de capitaux conçus pour saisir les occasions et pour investir rapidement.

Aujourd'hui, on assiste à de vifs débats publics sur les produits structurés de ce genre et sur l'effet de levier auquel ils recourent. Je conviens qu'en ce moment, cet effet de levier est assez souvent utilisé. Cela étant dit, rappelons que, bien que les fonds de couverture se servent de ce mécanisme, ce ne sont pas nécessairement eux qui les créent ou qui les achètent. À part les fonds de couverture, un nombre considérable d'acteurs sur le marché en acquièrent ou en achètent des parties. Vus à travers le prisme des fonds de couverture, les produits structurés ne représentent qu'une partie de leur fonctionnement. Je conviens toutefois avec M. Sprott qu'en ce moment, il y a lieu d'être vigilants par rapport à ce marché. Par ailleurs, je le répète, les fonds de couverture font partie de ces instruments, mais ils ne sont pas les seuls, et ils ne forment peut-être même pas 50 p. 100 de ceux qui achètent et acquièrent ces produits structurés créés, offerts et vendus par les banques dans le monde entier.

Le sénateur Angus : C'est intéressant. Selon votre document, si l'on veut investir dans des fonds spéculatifs, il faut avoir de grandes compétences. En tous les cas, à en juger d'après ce que nous avons entendu jusqu'à ce jour, cette forme d'investissements est indiscutablement complexe, et votre dernière réponse vient de le confirmer. Pour les besoins des mesures réglementaires ou de surveillance que nous serions peut-être amenés à préconiser à la suite de nos audiences, nous nous sommes reportés à la définition d'un « investisseur accrédité » que donne l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l'ACCOVAM. Toutefois, selon vous, investir dans des fonds de couverture nécessite de solides connaissances des marchés, des finances internationales, des mathématiques avancées, du droit, des instruments dérivés, du montage d'un portefeuille et des finances opérationnelles, entre autres.

Le président : Cette forme d'investissement n'est pas disponible directement pour nos mères.

M. Petroff : Ma mère ne connaîtrait pas grand-chose aux fonds de couverture. L'essentiel ici, c'est que les investisseurs particuliers doivent savoir que le fonctionnement d'un tel instrument est difficile à comprendre.

Le sénateur Angus : C'est à cela que je voulais en venir.

M. Petroff : En tant qu'investisseur accrédité, le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario doit exercer sa responsabilité fiduciaire. Nous devons savoir quelles sont les situations financières par rapport à chaque gestionnaire de fonds spéculatifs. Notre transparence est assurée grâce à divers moyens. Certains comptes sont affichés à l'ordinateur tandis que d'autres sont plus confidentiels, ce qui nous oblige à nous déplacer pour en prendre connaissance. Nous devons en effet aller sur place, dans les bureaux à chaque fois que cela est nécessaire.

Pour ma part, j'ai toujours considéré les fonds de couverture, non comme une catégorie d'avoirs mais plutôt comme une série de stratégies d'opérations sur valeurs, où les investissements se situent à mi-chemin entre des obligations à revenu fixe et des actions, et aussi entre la structure des capitaux d'une société — la créance prioritaire, la dette de second rang, les actions privilégiées et les actions ordinaires — et les stratégies connexes. Nous estimons que les arbitrages et les fonds dans lesquels nous investissons sont à faible risque. Il s'agit d'arbitrages ou d'opérations sur valeurs à prix convergents, qui ont des rentrées de fonds stables.

Face à ces stratégies complexes, l'investisseur particulier a un vaste choix; si le risque inhérent aux actions en bourse ne l'attire pas, il peut se tourner vers les obligations à revenu fixe et si le risque du taux d'intérêt ne l'intéresse pas non plus, il peut opter pour des liquidités. À nos yeux, les fonds de couverture sont des liquidités à puissance décuplée, dont nous prévoyons tirer un rendement d'à peu près 5 p. 100. Ça ne semble pas très considérable, mais cette plus-value de 5 p. 100 se répercute dans l'ensemble du portefeuille de notre fonds, qui, grâce à l'effet de corrélation, voit ses risques diminuer et ses bénéfices augmenter.

Si j'étais un simple investisseur, j'aurais de la difficulté à user de diligence raisonnable par rapport à un seul fonds de couverture, quel qu'il soit. Il n'est pas facile de le faire non plus lorsqu'on a investi dans un fonds de fonds, qui est pourtant plus considérable. C'est un instrument opaque, alors ajouter un autre niveau de gestion et encore d'autres frais ne va pas nécessairement aider l'investisseur particulier à savoir ce qui se passe.

Le sénateur Angus : C'est très vrai, surtout maintenant, compte tenu de tous les facteurs à prendre en compte. Hier, l'indice Dow Jones a dépassé son maximum antérieur de 13 000 points. M. Sprott nous a parlé d'une « manie du prêt » et des liquidités considérables qui sont disponibles. Ça rappelle les propos que tenait M. Greenspan vers mars 2000, ou avant; il parlait de l'exubérance et du fait que tout le monde voulait prendre le train en marche. Le simple investisseur était en retard de cinq ans par rapport à la courbe générale et il entendait parler de ces rendements exceptionnels de 20 et de 30 p. 100. Il se demandait probablement pourquoi il ne tenterait pas lui aussi sa chance. Les choses évoluent. Cependant, face à une telle situation, nul besoin d'être grand clair pour avoir envie d'empêcher le simple investisseur de se hasarder. Êtes-vous d'accord?

M. Mock : Pour revenir à vos observations, lorsque nous usons de diligence raisonnable par rapport à un fonds de couverture donné, ainsi que nous l'avons déjà dit en début de séance, cela recouvre bien des activités. C'est une chose que de faire preuve de diligence raisonnable par rapport à un seul fonds de couverture à rachat court/long, c'en est une autre lorsqu'on gère quelque 30 instruments différents réunis sous le titre générique de fonds de couverture. Nous ne plaisantions pas quand nous disions qu'il faut alors tirer parti de toutes les compétences possibles. Chez nous, parmi les membres de l'équipe chargée de cela, nous comptons parfois des titulaires de doctorat en mathématiques capables de décortiquer des stratégies très complexes, ou des gens ayant une vaste expérience du crédit ou des prêts bancaires et en mesure d'examiner d'autres formes de fonds spéculatifs. L'un des pires dangers pour ce genre de fonds, et ce que nous surveillons de très près, c'est l'éventualité d'une fraude, ce qui serait grave. M. Petroff a évoqué la question dans ses remarques liminaires. Selon l'EDHEC, il s'agit d'un des risques les plus graves pour les fonds spéculatifs, plus grave encore que ceux du marché. Compte tenu de cela, nous demandons à des comptables, à d'anciens vérificateurs et à des juricomptables de surveiller les sommes investies par le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario afin de savoir si elles risquent de sortir des voies étroites qui leur ont été tracées et d'aller dans une direction que nous n'avons pas choisie.

Chez nous, nous n'envoyons pas une personne chez un gestionnaire de fonds de couverture pour s'entretenir avec lui à bâtons rompus afin de voir s'il y a lieu d'investir chez lui. Notre processus de diligence raisonnable peut exiger de trois à six mois, parfois encore plus que cela, et nécessite la participation active d'une équipe de 10 à 15 spécialistes.

Lorsque vous nous demandez si les investisseurs particuliers devraient participer à cette forme d'investissement, nous estimons qu'il leur serait difficile de le faire, car il faudrait qu'ils acquièrent et utilisent de vastes compétences, semblables à celles dont font preuve la plupart des grandes sociétés lorsqu'elles envisagent de mettre leur argent dans des fonds à capital de risque privés, dans des infrastructures ou dans d'autres grands investissements privés. Bon nombre de ces simples investisseurs auraient peut-être même de la difficulté à rencontrer certains de ces gestionnaires. J'irais même jusqu'à dire que beaucoup de ces gestionnaires de fonds de couverture ne tiennent peut-être pas non plus à ce que ces investisseurs particuliers aient accès à leurs fonds. Lorsqu'ils usent de stratégies complexes avantageuses à la fois pour les marchés et pour l'efficacité de ces mêmes marchés, il leur est utile de pouvoir compter sur des investisseurs qui s'y connaissent et qui sont en mesure de suivre leurs stratégies, plutôt que de devoir expliquer ce genre de choses. N'oublions pas que, sauf pour celui ou celle qui a une expérience pertinente, ces choses ne sont pas faciles à expliquer.

M. Petroff : J'ajouterai quelque chose. Les frais accompagnant les produits pour petits investisseurs sont tellement élevés qu'ils se trouvent à annuler les bénéfices qu'ils peuvent retirer d'investissement à faible risque comme les bons du Trésor avec de 3 à 5 p. 100 de plus. En fin de compte, le simple investisseur ne retirera pas plus que le rendement courant d'un bon du Trésor, tout en devant assumer tous les risques de fraude et ne tirant pas grand-chose d'un fonds de couverture à faible rendement. Sur les 8 000 fonds de couverture disponibles, nous en avons choisi 200. Ils sont à faible risque — les opérations sur valeur à prix convergent — et nous tenons à des rentrées de fonds stables. Vous avez parlé de rendement variant de 20 à 30 p. 100, mais vous n'en trouverez pas beaucoup dans notre portefeuille parce que leurs risques sont très élevés et que nous ne tenons pas à les assumer. Le reste de notre portefeuille comporte déjà beaucoup d'investissements à risque élevé et, par conséquent, ici, nous préférons des rendements purement à valeur ajoutée, soit des rendements alpha, sans le rendement du marché ou les rendements bêta.

Je tiens compte des frais qui grugent jusqu'à la plus-value des fonds mutuels, ainsi que des honoraires des gestionnaires de fonds de couverture et de fonds de fonds et enfin des billets à capital protégé. Ces produits financiers peuvent donner l'impression aux petits investisseurs qu'ils auraient mieux fait d'acheter des bons du Trésor. En revanche, les grandes sociétés sont en mesure de négocier des frais plus avantageux et des contre-lettres leur reconnaissant certains droits. Le petit investisseur, quant à lui, ne pourrait même pas tenter de négocier une contre- lettre lui accordant un traitement préférentiel.

Le sénateur Goldstein : Je vous remercie de votre exposé qui a été vraiment captivant et éclairant. Nous avons beaucoup entendu parler du risque systémique, de la transparence et de la communication de renseignements — ces expressions à la mode. Vous avez créé votre propre fonds de fonds et, par rapport aux fonds de couverture — et j'utilise l'expression de manière générale parce qu'elle peut prêter à des malentendus de nos jours —, vous avez donc créé votre propre outil de risque utile pour les besoins de vos immenses responsabilités fiduciaires. Cela représente à peu près 10 p. 100 du total de vos avoirs.

Vous et d'autres encore vous avez également dit que, par rapport à ces formes d'investissement, le simple investisseur, et celui qui passe pour tel, aussi avertis soient-ils, ne sont qu'un bouchon de liège ballotté par la mer. Ils n'ont pas les compétences voulues pour comprendre ne serait-ce qu'un peu ce qui se passe. C'est ce qui me préoccupe plus que toute autre chose. Dans la mesure où la part du fonds de couverture financée par un levier économique est offerte par des banques autoréglementées qui suivent l'évolution de leurs prêts et dans la mesure où il existe des mécanismes de rajustement dans le système, l'investisseur aguerri n'est pas à la merci d'un système reposant sur l'offre et la demande du marché, mais à la merci de l'évaluation du risque de cette offre et de cette demande. C'est différent du marché classique.

Je m'inquiète un peu de ce qui arrive même à l'investisseur averti. Je suis par ailleurs un peu inquiet de ce qui peut arriver à l'investisseur non averti qui pourrait acheter 100 actions de BCE ou d'autres actions conservatrices classiques. Encore une fois, la valeur de cet investissement n'est pas déterminée par ce que nous considérions auparavant le marché normal, mais elle est déterminée de façon plutôt artificielle par une demande qui n'est pas nécessairement la demande habituelle du marché, un processus simple. Pouvez-vous nous parler des risques pour l'investisseur individuel, averti ou non, dans le contexte de l'activité croissante des fonds de couverture? Je crois comprendre que les achats ou les ventes de fonds de couverture représentent entre 3 et 5 p. 100 du volume quotidien de la Bourse de New York. C'est énorme.

M. Mock : Vous avez abordé de nombreux points dans vos observations, mais je vais tenter de répondre à trois d'entre eux.

Je vous dirai d'emblée que les fonds de couverture sont bons pour les marchés. Ils sont bons pour les marchés car ils améliorent l'efficience du marché et transfèrent ou déplacent le capital dans des secteurs où il est parfois difficile d'en trouver. Ils sont bons pour les marchés; ils desservent bien les marchés et, dans des conditions normales, c'est quelque chose que nous voulons avoir. C'est la première chose que je voulais dire.

La deuxième chose, en ce qui concerne le marché, c'est qu'il y a toujours l'incidence sur le marché et sur l'épargnant, lorsqu'on investit sur les marchés publics, que ce soit dans des actions ou des obligations ou encore dans les prises de contrôle d'entreprises, avec la réglementation du marché financier. Ce n'est rien de nouveau. Cela existe. C'est quelque chose qui est bien régi. Il y a des règlements en place que tout le monde doit suivre et il y a divulgation publique, divulgation complète, une mentalité bien ancrée du point de vue de la réglementation.

À moins que quelque chose ait changé, les gains, la valeur comptable, la façon dont les sociétés agissent, prévalent toujours lorsqu'on parle d'investissements à long terme. Je ne pense pas que les fonds de couverture, sous quelque forme ou de quelque façon que ce soit, aient une incidence sur ces éléments et sur la façon dont les marchés publics fonctionnent. La U.S. Securities and Exchange Commission, la SEC, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, la CVMO, et la Financial Services Authority, la FSA, à Londres, exercent un contrôle parfait sur toutes ces activités.

Là où les choses sont en train de changer à mon avis, et cela devient un point important, c'est concernant la distinction entre l'activité du marché public et la réglementation du marché public, où la philosophie, de façon générale, consiste à pleinement divulguer, tandis que, sur le marché privé, sur le marché averti des investisseurs exonérés, c'est le caveat emptor qui prime. Nous ne pouvons pas perdre de vue ces deux philosophies.

Le problème est au départ, en ce sens que les fonds de couverture étaient auparavant échangés sur le marché public, mais avec deux degrés de liberté de plus. Ils pouvaient employer des leviers financiers et vendre à découvert. Les fonds de couverture font maintenant partie du marché privé. Ils font partie du marché privé, mais ils ont maintenant amené sur le marché privé le genre de chose qu'ils faisaient. Nous avons constaté que la SEC avait tenté de réglementer cette partie du marché privé aux États-Unis et qu'il y avait eu des problèmes. L'une des raisons pour lesquelles il y a eu des problèmes, c'est qu'on a tenté d'établir une différence entre les souscriptions privées d'une part et les fonds de couverture d'autre part, en définissant un fonds de couverture comme un investissement de deux ans moins un jour et les souscriptions privées comme un investissement de plus de deux ans.

Le principal problème que doivent régler les responsables de la réglementation à l'heure actuelle, c'est que ce sont des mises en commun privées de capital, que ces fonds évoluent rapidement, qu'ils fonctionnent sur le marché selon la règle du caveat emptor plutôt qu'avec une vraie divulgation, une divulgation totale du marché, et qu'ils sont difficiles à définir, à réglementer et à contrôler.

Une préoccupation concernant l'effet de levier qui entre typiquement en jeu, c'est qu'on se demande si les produits structurés, le surendettement et trop de prêts risquent de gonfler les marchés. Comment est-ce que cela va affecter les prêts de capitaux à long terme? Tous ces problèmes du marché influencent le débat sur les fonds de couverture. La réalité de la situation, c'est que la meilleure façon de regarder ce que font les fonds de couverture sur le marché, c'est de voir où ils finissent tous par se rejoindre, et ils finissent tous par se rejoindre surtout par les courtiers et les milieux bancaires. Ils sont déjà réglementés. Ils sont déjà très bien surveillés. Une bonne façon de réglementer l'activité des fonds de couverture, c'est d'utiliser un véhicule qui est déjà en place.

En ce qui concerne l'épargnant — et je dirai d'entrée de jeu que nous ne sommes pas des experts en ce qui concerne les épargnants, nous ne vous donnons que des points de vue préliminaires —, étant donné l'expertise qui est nécessaire pour examiner et surveiller les fonds de couverture, il sera difficile pour le marché du détail d'investir dans des fonds de couverture. Les épargnants ne peuvent certainement pas faire preuve individuellement de diligence raisonnable.

Je reviendrai à ce que vous disiez au sujet de l'investisseur averti. Les investisseurs individuels avertis qui peuvent répondre aux critères d'exemption, peu importe le critère, entrent effectivement sur le marché. C'est certain. Les investisseurs qui ont 150 000 $, aux États-Unis, ou 2,5 millions de dollars, entreront sur le marché, mais ils auront sans doute tendance à rester à l'extrémité du marché qui est facilement compréhensible. Cette extrémité du marché achète et vend des actions, achète et vend peut-être certains produits à revenu fixe ou un peu de crédit ou de produits à rendement élevé.

Il est important que le comité comprenne que, même si ce marché représente une bonne partie du secteur des fonds de couverture, ce secteur est allé bien au-delà de cela, considérablement au-delà de cela, pour inclure des produits plus ésotériques. L'industrie continue d'évoluer. Il y a des fonds de couverture dans des droits de propriété intellectuelle et d'édition de musique. Il y a des fonds de couverture dans le crédit-bail pour des avions. Il y a des fonds de couverture pour l'achat de redevances de médicaments. Ce ne sont pas là des activités que l'on retrouve sur les marchés publics. L'expansion de ces stratégies dans un contexte de marché privé a eu un impact considérable pour ce qui est de l'avenir des fonds de couverture.

Le sénateur Goldstein : J'ai entendu deux choses qui, pour moi, sont contradictoires. Vous pouvez peut-être apporter un éclaircissement. D'une part, vous avez souscrit à ce que j'ai dit précédemment : les prêteurs qui fournissent l'effet de levier sont eux-mêmes réglementés et on peut donc dire que, dans le système, il existe des correctifs qui sont de nature protectrice.

D'un autre côté, vous avez dit que les fonds — je ne veux pas les appeler fonds de couverture, car ils deviennent différents — investissent de plus en plus dans les produits ésotériques. Si je vous ai bien compris, cette façon d'investir peut indiquer un certain risque ou soulever certaines préoccupations. Y a-t-il une ligne de démarcation ou doit-il y avoir une ligne de démarcation?

Nous tentons de comprendre dans quelle mesure une réglementation, s'il doit y en avoir une, serait ou non appropriée. Vous avez dit tous les deux que la réglementation était sans doute inappropriée car il existe déjà des règlements.

Ces produits deviennent de plus en plus complexes. Même s'ils sont mis au courant du fait qu'ils doivent être prudents, les investisseurs individuels font tout de même ce genre d'investissements. Ils investissent dans ce genre de produits complexes. Ne serait-il pas nécessaire d'avoir un genre d'outil d'éducation, de protection ou de divulgation pour les mettre en garde?

Nous vivons dans une société libre. Ils peuvent avoir deux millions de dollars et faire ce qu'ils veulent de cet argent. S'ils ne l'ont pas volé, cet argent leur appartient. S'ils veulent faire un achat inconsidéré, c'est là leur privilège et leur problème. Est-ce vraiment un libre marché en ce sens, ou devrions-nous faire quelque chose pour indiquer aux gens qu'ils jouent avec le feu, comme il semble que ce soit le cas?

M. Petroff : Nous investissons dans les fonds de couverture depuis 11 ans et nous sommes encore en train d'apprendre. Nous avons l'intention de poursuivre ce processus d'apprentissage. Quand on me demande ce que je fais, je peux l'expliquer en gros, mais de façon très superficielle. Or on sait qu'un peu d'information est une chose dangereuse. Lorsqu'on donne aux gens des renseignements généraux et superficiels, ils pensent qu'ils comprennent : parfois, ils prennent leur argent durement gagné et l'investissent dans un secteur qu'ils connaissent peu, si bien qu'ils risquent d'être fort déçus.

L'apprentissage est continu, et je ne crois pas que la situation actuelle, où les courtiers s'enrichissent en vendant des produits financiers, soit la bonne voie.

Quand j'ai commencé dans le métier, mon courtier m'a dit : « Achète les actions de la société X : elles sont bonnes ». J'ai acheté ces actions et leur cours a baissé, mais mon courtier, lui, a fait de l'argent. La situation est à peu près la même dans le domaine des fonds de couverture. C'est un secteur difficile pour les gestionnaires de fonds en cours et à long terme, les gestionnaires d'obligations convertibles en actions et les gestionnaires de fonds d'arbitrage. Les investisseurs peuvent comprendre chaque type de stratégies, mais ces stratégies évoluent sans cesse. À certains moments, certaines stratégies ont la cote, et ensuite ce sera le tour d'autres. Les fonds de couverture qui ne sont pas cotés en bourse sont ceux qui prendront de l'ampleur dans l'avenir.

Un autre aspect mérite d'être souligné. Les marchés boursiers comportent une prime de risque; ainsi, si un investisseur achète des titres, il devrait toucher ses primes de risque avec le temps. Dans le marché des fonds de couverture, il y a toujours des gagnants et des perdants. En fait, tout le monde y perd étant donné les frais qu'il faut payer. Par définition, pour qu'un fonds de couverture prenne de la valeur, quelqu'un d'autre doit perdre de l'argent. Voilà pourquoi le marché boursier est si intéressant. S'ils y restent pendant assez longtemps, les investisseurs toucheront une prime de risque. Toutefois, ce n'est pas nécessairement le cas avec ce genre de stratégies.

Le président : Vous avez fait mention d'une étude récemment publiée par le Risk and Asset Management Research Centre de l'École des hautes études commerciales. D'habitude, si des témoins mentionnent une étude, nous aimons pouvoir en prendre connaissance nous-mêmes. Pourriez-vous nous faire parvenir un exemplaire de cette étude?

M. Mock : J'en ai un ici même avec moi.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Eyton : Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit que vous travaillez dans le domaine des fonds de couverture, mais c'est sans doute dans un contexte mondial et non pas au Canada.

Au Canada, existe-t-il un secteur des fonds de couverture qui pourrait être considéré comme un secteur globalement séparé?

M. Mock : Il y a bel et bien un secteur de fonds de couverture au Canada, et il est en expansion. Il est solide, dynamique et s'accroît chaque année.

Il représente encore moins de 2 p. 100 des fonds de couverture dans le monde. À l'échelle mondiale, ce secteur est encore relativement petit et jusqu'à tout dernièrement, il était dominé par les gens qui se livraient à la vente à découvert et à l'achat sur option. Ce genre de transaction est probablement l'une des approches les plus fondamentales des gestionnaires de fonds de couverture. Elle a cependant commencé à changer et continuera d'évoluer, comme cela se passe actuellement en Asie, en Amérique du Sud, en Europe et ailleurs. Il existe bel et bien un secteur canadien des fonds de couverture qui s'accroît sans cesse et est assez prospère.

Le sénateur Eyton : Cette industrie canadienne en évolution présente-t-elle les mêmes caractéristiques que celles qu'on retrouve dans d'autres pays, notamment les États-Unis ou le Royaume-Uni? Pourrions-nous être rassurés de penser que nous sommes peut-être un peu plus prudents, un peu moins exposés aux risques?

M. Mock : Tout d'abord, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de rassurer qui que ce soit puisque la perception du risque est exagérée compte tenu de la compétence de beaucoup de gestionnaires légitimes et avisés de fonds de couverture.

Je ne crois pas qu'il y ait lieu de rassurer nécessairement les gens à ce sujet. On considère les fonds de couverture comme des placements risqués, ce qui n'est pas faux, mais cette perception découle sans doute du fait qu'ils sont moins bien compris que d'autres types d'investissement. Devrions-nous nous faire davantage de souci à propos des fonds de couverture qu'à propos d'Enron, de Bre-Ex, de Tyko ou d'une autre société quelconque?

Les gens sont peut-être plus nerveux parce que les fonds de couverture font appel à l'effet de levier, mais ils le font souvent d'une façon un peu différente de ce qu'on envisage habituellement.

En définitive, le secteur des fonds de couverture au Canada va évoluer et se développer comme il l'a fait aux États- Unis, en Europe et ailleurs. Nous ne ferons pas exception à la règle. Les idées sur les façons de faire circuler l'argent rapidement partout dans le monde suscitent beaucoup d'intérêt par les temps qui courent et, si une nouvelle stratégie voit le jour aux États-Unis, il ne se passe pas beaucoup de temps avant que quelqu'un au Canada, à Londres, à Singapour ou à Hong Kong en prenne connaissance.

Si le secteur des fonds de couverture s'est développé dans le monde entier, il a connu un essor rapide aux États-Unis et, particulièrement, à Londres. Cette croissance se poursuivra. Nous devrons à un moment donné faire la part des choses relativement aux inquiétudes que suscitent les fonds de couverture. Une des principales inquiétudes concerne le risque lié au marché. Les gens s'inquiètent de l'effet de levier, des capitaux à long terme, de choses qui les dépassent et les effraient. Ce sont ces choses qui leur viennent à l'esprit. Ces risques peuvent être atténués, à mon avis, par la réglementation du secteur bancaire et la réglementation des maisons de courtage. C'est ainsi qu'on pourra contenir le plus efficacement ces risques liés au marché, qui préoccupent beaucoup de gens. C'est un domaine qu'il est tout à fait logique de réglementer.

Il y a une autre source d'inquiétude qui pourrait également faire l'objet d'une réglementation. Devrait-on permettre aux petits épargnants de souscrire à des fonds de couverture et les gestionnaires de ces fonds devraient-ils être soumis à certains règlements?

Quant à moi, je crois qu'il ne servira à rien de réglementer les gestionnaires de fonds de couverture. Ce serait comme marcher sur un matelas pneumatique : l'air ne fera que se déplacer vers une autre partie du matelas.

Le sénateur Eyton : Pourriez-vous faire la distinction entre ces deux idées? Vous avez mis de pair l'inscription des courtiers et l'excès de réglementation. Seriez-vous prêt à reconnaître, par exemple, le bien-fondé de l'enregistrement des administrateurs ou des gestionnaires de fonds de couverture?

M. Mock : La FSA au Royaume-Uni et la SEC aux États-Unis ont toutes deux opté pour une approche réfléchie, quoique dans des directions quelque peu différentes, relativement à cette partie du monde des marchés privés. À Londres, la FSA s'est abstenue d'établir une foule de règlements dans ce domaine. Tous les gestionnaires doivent s'enregistrer auprès de la FSA, mais la réglementation a été beaucoup moins rigoureuse, et ce point de vue a été repris par les organismes de réglementation des États-Unis.

La SEC commence à prendre position clairement pour les marchés privés elle aussi, en séparant les marchés privés et les investisseurs agréés des petits épargnants. Il faut éviter, ici au Canada, d'assujettir les fonds de couverture à une trop lourde réglementation, sachant qu'il s'agit essentiellement de véhicules de placement privés et que cette caractéristique sera difficile à changer.

Si vous demandiez à un grand nombre de gestionnaires de fonds de couverture s'ils souhaitent que des petits épargnants souscrivent à leurs fonds, vous seriez probablement étonné de leur réponse car seule une minorité d'entre eux répondrait oui.

Si on veut réglementer les fonds de couverture, on pourrait le faire au nom du petit épargnant tout en lui donnant accès à ces fonds. Toutefois, si vous demandiez aux gestionnaires de fonds de couverture s'ils souhaitent qu'une forte proportion de petits épargnants investisse dans leurs fonds, la grande majorité d'entre eux vous répondrait probablement par la négative.

Le sénateur Eyton : Il me semble qu'on peut séparer les fonds spéculatifs négociés en privé de ceux qui sont négociés auprès de particuliers. Ces derniers devraient avoir des exigences différentes de celles qui intéressent les investisseurs éclairés.

M. Mock : Cela me semble raisonnable et je suis d'accord avec vous. Cependant, vous pourriez constater que les avantages que, de l'avis de toutes les autorités de réglementation, les fonds spéculatifs peuvent apporter à un portefeuille, comme la diversification, entre autres, risquent de ne pas se concrétiser parce que seule une petite partie du milieu des fonds spéculatifs va s'adresser aux particuliers.

Le président : Est-ce que vous voulez dire que les taux de rendement sont différents?

Le sénateur Massicotte : Cela n'a pas d'importance.

M. Mock : Je ne dis pas que les taux de rendement sont radicalement différents, mais plutôt que seule une petite partie des investisseurs va offrir ce genre de fonds aux investisseurs particuliers. L'autre problème, c'est que, de façon générale, les investisseurs institutionnels d'argent privé qui s'occupent de fonds de pension, de fondations et le reste, viennent fournir des capitaux aux gestionnaires de fonds spéculatifs. Les investisseurs font la file sur le marché privé. Les gestionnaires de fonds spéculatifs ne sont pas à court d'actifs.

L'autre élément essentiel à comprendre, c'est que les gestionnaires de fonds mutuels et d'actifs peuvent gérer des comptes de 10 à 100 milliards de dollars parce que ces comptes sont échelonnables. Les fonds spéculatifs ne sont pas des investissements échelonnables. On trouve de nombreux fonds spéculatifs de 200 millions de dollars qui ferment et qui n'acceptent plus d'investisseurs. On trouve aussi des comptes d'un milliard de dollars et quelques-uns de 10 milliards de dollars, mais les fonds spéculatifs de 200 et 300 milliards de dollars ne sont pas légion sur le marché. On considère qu'à 20 milliards de dollars, on a un gros fonds spéculatif, et les fonds de ce type se comptent sur les doigts de la main. Ils ne sont pas échelonnables et ne peuvent pas accueillir tous les investisseurs particuliers du monde entier. On ne peut pas véritablement faire de parallèle entre les fonds spéculatifs et le monde des fonds mutuels. Alors que l'industrie des fonds mutuels peut prendre de l'expansion et proposer des produits comme les fonds cotés en bourse, où peuvent s'investir des milliards de dollars venus du monde entier, les fonds spéculatifs ne fonctionnent pas de la même façon. Les souscriptions privées ne sont pas aussi importantes que l'industrie des fonds mutuels et, de la même façon, l'industrie des fonds spéculatifs n'est pas aussi importante que l'industrie des fonds mutuels.

En fait, un montant géré de 1,5 à 1,7 billion de dollars peut sembler considérable dans l'industrie des fonds spéculatifs mais, pourtant, moins de 5 p. 100 de l'ensemble des actifs à l'échelle mondiale relèvent de cette catégorie. Ce n'est qu'une petite partie du monde de la gestion des actifs.

Le sénateur Massicotte : Je vais enchaîner sur les questions du sénateur Eyton. Revenons-en aux choses élémentaires. Notre objectif est de déterminer s'il faut réglementer, proposer une structure ou faire intervenir le gouvernement et les autorités de réglementation.

Le point de départ, ce sont les investisseurs avisés, qui peuvent se protéger des créanciers, et ensuite viennent les investisseurs particuliers. Votre résumé est excellent : les plus gros investisseurs doivent être sur leurs gardes et les investisseurs particuliers doivent compter sur la surveillance de Big Brother; d'ailleurs on le fait au moyen de prospectus. Vous dites que les gens qui sont prêts à proposer un produit aux investisseurs particuliers ne sont pas très nombreux, mais vous approuvez, je suppose, la formule du prospectus. La réglementation ne devrait pas interdire aux fournisseurs de fonds spéculatifs de s'adresser aux investisseurs particuliers, sous réserve qu'ils les informent par des prospectus. En convenez-vous? Les rendements peuvent être insuffisants et les fournisseurs peu nombreux mais, du point de vue de l'orientation des politiques, je suppose que vous ne vous opposez pas à ce que cette forme de réglementation ou de politique reste en place. Est-ce bien exact?

M. Mock : Encore une fois, nous sommes des investisseurs institutionnels et nous ne sommes pas experts en matière de réglementation sur le marché de détail. Cela étant dit, pour les fonds spéculatifs qui choisissent d'accueillir les investisseurs particuliers, je recommande qu'ils soient assujettis à toutes les exigences de divulgation publique. On risque de se retrouver en difficulté si l'on confie à un intermédiaire expert le soin de surveiller les stratégies appliquées aux investisseurs particuliers par les fonds spéculatifs. La personne en question va être en quelque sorte un intermédiaire entre deux fonds. Il faudra donc veiller à ce qu'elle ne dépasse pas ses pouvoirs. Si l'on permet du jour au lendemain à une industrie réglementée d'investir dans des fonds spéculatifs non réglementés ou faiblement réglementés, on risque de créer un décalage entre ce type d'investissements et celui que croit faire l'investisseur particulier.

En mettant en place un tel intermédiaire, on ferait en quelque sorte le pont entre les deux, la divulgation intégrale restant la règle sur le marché où l'acheteur doit être sur ses gardes. C'est comme si on permettait les transactions d'un fonds à un autre pour les capitaux privés, établissant ainsi un lien entre les deux marchés, avec quelqu'un qui se tient en plein milieu.

C'est une formule intéressante vers laquelle de nombreuses autorités de réglementation semblent s'orienter. Cela étant dit, comme elles ne permettent pas nécessairement à l'investisseur particulier d'accéder directement à ce marché privé soumis à un plus grand nombre d'exemptions, il faudrait être très prudent dans la façon dont on établit les règlements qui font le lien entre ces deux marchés par l'intermédiaire d'un fournisseur de fonds à fonds.

Le sénateur Massicotte : Les investisseurs avertis disposent d'un certain montant d'argent et sont probablement assez futés pour savoir ce qu'ils veulent en faire. Et surtout, ils sont assez futés pour savoir qu'ils ne doivent pas avoir peur de perdre leur argent.

Vous avez fait remarquer que le risque le plus sérieux pour les gestionnaires de fonds spéculatifs, c'est non pas le risque du marché, mais le risque d'exploitation. Est-ce que vous voulez dire que les autorités de réglementation devraient être plus actives qu'elles le sont actuellement, même pour le marché des investisseurs avertis? Est-ce que vous voulez dire que nous devrions faire un effort de réglementation dans ce secteur du marché, ou bien qu'on peut continuer à présumer que ces investisseurs avertis, qui savent négocier, font des choix et perdent de l'argent, et qu'il ne faut donc pas intervenir?

M. Mock : Je dirais que, dans notre entourage immédiat, nous trouvons deux exemples de fonds à fonds, Portus Alternative Asset Management Inc. et Nortia Capital Partners Inc., où on aurait pris des risques opérationnels et procédé à des activités frauduleuses. C'est un gros problème dans ce milieu, et il ne concerne pas exclusivement les fonds spéculatifs. C'est ce qui s'est passé pour Bre-X, Enron et de nombreux autres. C'est toujours un risque lorsqu'on met en présence l'orgueil, l'appât du gain et l'argent. C'est tout simplement la réalité de la nature humaine. Je m'empresse d'ajouter que, dans tous ces cas, un investisseur averti aurait quand même pu investir. Des investisseurs avertis sont peut-être intervenus dans les deux cas que je viens de mentionner. À ma connaissance, la réglementation ne peut pas prévenir ce genre de risque opérationnel ou de fraude. La réglementation ne peut que favoriser le respect de la loi, parce qu'elle n'a pas permis de prévenir des incidents comme ceux d'Enron ou de Bre-X. Ce n'est pas une mesure préventive et, lorsqu'on prétend qu'elle a une dimension préventive, ce n'est que dans la mesure où elle crée un environnement propice au respect de la loi. Ainsi, les gens ont l'impression que des normes sont en vigueur et que le monde de l'investissement n'est pas le Far West. Mais je ne suis pas certain que la réglementation de ces groupes permette de prévenir quoi que ce soit.

Je ne sais pas ce qu'il en est de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario mais, dans le cas de la Securities Exchange Commission des États-Unis, que le courtier soit enregistré ou réglementé, les commissions ont toujours la possibilité d'intervenir en vertu de lignes directrices sur la répression des fraudes, pour régler les problèmes de ce genre lorsqu'ils se présentent. Ce n'est pas comme s'il n'y avait aucune réglementation pour y faire face, car les règlements sont en place. Il s'agit plutôt de savoir s'il faut réglementer davantage en vue de la pleine divulgation. Voilà la véritable dimension du problème.

Le sénateur Massicotte : Votre argument est important. Je vais le reformuler, pour vérifier si nous avons bien compris votre point de vue. Vous dites que la structure de la divulgation complète pour les investisseurs particuliers et la formule de l'acheteur qui doit être sur ses gardes vous conviennent. Qu'on les laisse tranquille et ils pourront gérer leurs investissements, car la situation actuelle offre toutes sortes d'avantages au marché, sur le plan des liquidités, de l'arbitrage, de l'efficacité, par exemple. Vous en convenez toujours. C'est important parce que vous dites qu'il y a des risques opérationnels qui peuvent être lourds de conséquences, mais rien ne justifie que les responsables de la réglementation ou le gouvernement interviennent pour gérer ce risque. C'est aux investisseurs d'apprendre leur leçon, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Est-ce que j'ai bien résumé votre point de vue?

M. Mock : Oui.

Le sénateur Massicotte : Aux États-Unis, le seuil à partir duquel on considère que quelqu'un est un investisseur averti est de 2,5 millions de dollars tandis qu'il est de 150 000 $ au Canada. Cela vous convient-il? La différence est marquée entre le Canada et les États-Unis. Est-ce un critère suffisant pour déterminer à partir de quand l'acheteur doit ou non être sur ses gardes.

M. Mock : Malheureusement, je dois vous répondre non. Il est difficile pour moi de dire que celui qui investit 150 000 $ dans un fonds en sait forcément plus, est plus expérimenté et est plus en mesure d'exercer la prudence nécessaire et de déceler les signes avant-coureurs.

Il est difficile d'établir ce seuil en argent. C'est plutôt une question d'expérience et c'est la raison pour laquelle, je crois, la FSA a ouvert un centre d'information sur les fonds de couverture, à titre de mesure provisoire, pour qu'ils soient mieux compris de tous et chacun.

Je reviendrais à ce que vous disiez à propos de la capacité d'encaisser une perte, ce qui à mon avis est plus topique. Ce n'est pas un montant donné qui détermine le degré de connaissance ou la capacité de comprendre ce genre de choses. Le montant n'est qu'un indicateur des conséquences pour un particulier qui investit une somme pareille par opposition à celui qui place dans un de ces instruments 5 000 $ de son REER ou de son compte bancaire. Pour moi, c'est une question d'expérience et de connaissance plutôt que d'argent.

Je comprends que, dans la pratique, il nous faut un seuil, mais je ne peux pas me prononcer sur la question de savoir s'il doit être de 150 000 $, 250 000 $ ou 300 000 $ et en quoi l'un est préférable à l'autre.

Le sénateur Massicotte : Chacun s'entend pour dire que l'argent n'est pas un gage de connaissances. Il y a ici des sénateurs qui sont à l'aise mais qui ne s'y connaissent pas.

Quelle devrait être la démarcation alors? Je conviens que ce sont les connaissances mais, quelle que soit la définition que l'on retient, elle laisse place à tant d'interprétation qu'elle va forcément conduire à des abus.

M. Mock : C'est ici que se situe le point le plus critique. Nous estimons qu'il y a actuellement lieu de réglementer ce secteur pour éviter les incidents et généraliser la conformité avec les règles. Toutefois, aussi bien la Securities and Exchange Commission des États-Unis que la FSA à Londres disent avoir besoin de plus de temps pour y arriver. Toutes deux ont besoin de plus de temps pour réfléchir à la réglementation parce qu'elles songent maintenant à un moyen terme entre la divulgation complète et les marchés publics par opposition aux marchés privés.

Encore une fois, l'erreur a été d'essayer de mettre les fonds de couverture — un mécanisme du marché privé — dans l'univers de la divulgation complète. C'est cette erreur, je crois, plus que toute autre chose, qui est à l'origine des problèmes aux États-Unis.

Le sénateur Massicotte : Comme vous le savez, le gouverneur de la Banque centrale des États-Unis a dit de ne pas y toucher. Vous semblez être de son avis.

M. Mock : Le gouverneur Ben Bernanke a dit que la réglementation devrait être allégée mais pas inexistante. C'est aussi mon avis.

Le président : Comme nous l'avons constaté à New York quand nous nous sommes entretenus avec les autorités, elles étaient partagées sur la question de savoir si la réserve fédérale devait avoir la main légère ou ne rien faire après l'affaire Goldstein.

Le sénateur Moore : J'aimerais préciser certaines choses à l'intention des téléspectateurs et de certains des participants autour de la table.

Qu'entendiez-vous par produit de marché structuré?

M. Mock : Je vais vous donner un exemple qui, j'espère, vous éclairera. De nos jours, une banque prendra souvent 1 000 prêts hypothécaires qui figurent dans ses livres, elle va les regrouper, prendre tous les fonds qu'ils génèrent pour ensuite les vendre sur le marché.

Le sénateur Moore : Les banques calculent une valeur basée sur les rentrées de fonds, n'est-ce pas?

M. Mock : Oui, elles vont ensuite sur le marché et disent, par exemple, qu'un dollar provient de ces blocs de créances hypothécaires, et qu'elles vont diviser ce dollar en différentes structures. Elles vont verser les premiers 20 cents réalisés sur ces blocs d'hypothèques avec une grande certitude. Puis, d'autres vont prendre les 20 cents suivants, et ainsi de suite.

Il y a une liste qui détermine quels seront ceux qui recevront leurs 20 cents les premiers. Ceux qui veulent avoir la plus grande certitude de recevoir leur argent...

Le sénateur Moore : Qui sont ces gens, des investisseurs?

M. Mock : C'est la grande question. On pense que ce sont toujours les fonds de couverture qui achètent les différentes tranches de 20 cents provenant de ces blocs de créances hypothécaires — on les appelle des produits structurés. Chose certaine, si vous achetez la dernière tranche de 20 cents, vous serez le dernier de la liste. Vous ne serez peut-être pas payé car, si ceux qui ont contracté une hypothèque ne la remboursent pas, il n'y aura pas de rentrées de fonds.

C'est essentiellement la liste de ceux qui seront payés. Si vous êtes au bas de la liste, vous pourriez être le dernier à être payé ou ne pas être payé du tout.

Qui investit dans ces produits? Des compagnies d'assurance, des régimes de retraite, toutes sortes de gens et, oui, il y a une catégorie de fonds de couverture là-dedans. Il faut vérifier si les banques vont mettre des blocs de créances hypothécaires sur le marché; si elles vont mettre...

Le sénateur Moore : Est-ce qu'il pourrait arriver que la banque téléphone à votre bureau et vous dise qu'elle a un portefeuille de fonds d'hypothèques et vous demande si cela vous intéresse?

M. Mock : Si on veut acheter une partie de ce rendement? Oui, il se pourrait qu'une banque téléphone à quelqu'un comme nous. Elle peut téléphoner à ses clients — ses clients d'assurance et ses clients de fonds de couverture. Les banques vendent des blocs de créances hypothécaires, de cartes de crédit, de prêts et de prêts sur capitaux d'emprunt — il existe toutes sortes de regroupements. C'est le monde des produits structurés.

Ces produits permettent aux banques d'offrir des prêts hypothécaires dans leurs réseaux de succursales, de les inscrire à leur bilan puis de les revendre sur le marché institutionnel tout en conservant pour elles certains éléments de rendement sans avoir à entretenir ces hypothèques.

M. Petroff : C'est la Banque des règlements internationaux qui est à l'origine de cela; c'est elle qui impose les normes de fonds propres. Elle a décidé que si vous pouvez réutiliser vos fonds propres et les recycler, vous pourrez obtenir un rendement supérieur. Il y a aussi les accords de Bâle I et II, sur le calcul du risque. Pour le secteur bancaire mondial, la titrisation a commencé quand la Banque des règlements internationaux l'a autorisé à détenir 8 p. 100 de fonds propres par rapport à ses éléments d'actifs — publics et commerciaux — et c'est ce qui a donné naissance au domaine de la titrisation. Il n'existe que depuis 15 ans et les gens deviennent de plus en plus au courant.

Le sénateur Moore : Les banques créent de plus en plus de produits structurés.

M. Petroff : Au lieu d'augmenter les dépôts, elles obtiennent des capitaux de tous les autres intervenants sur le marché.

Le sénateur Moore : Dans votre déclaration, vous avez dit : « Nous croyons que les exemptions applicables aux investisseurs [...] agréés » — et vous en êtes un — « représentent un aspect fondamental des règlements régissant les transactions sur les marchés financiers et les titres, et qu'il importe de les conserver. »

En réponse à la question du sénateur Massicotte, est-ce là où vous vouliez en venir? Nous considérons les choses sous l'angle de la protection du consommateur et de la population canadienne; mais vous, vous estimez que ceux qui, en fin de compte, font le commerce de ces structures sont les banques et les compagnies d'assurance réglementées et que vous n'avez donc pas à l'être?

M. Petroff : Je voudrais souligner que les marchés privés sont une bonne chose, d'après nous. Les fonds spéculatifs représentent pour nous un domaine prometteur d'investissement. Toute réglementation des fonds spéculatifs entrave notre capacité à investir dans ces produits. Nous ne voulons pas perdre cette capacité. Nous ne voulons pas réduire les risques auxquels nous sommes exposés pour permettre l'accès des épargnants à ce marché. En maintenant le marché privé et les exemptions, nous pouvons continuer à investir dans ces marchés, et cela nous plaît.

M. Mock : J'ai un autre élément de réponse; à un certain point, on ne réglemente pas les fonds d'actions privés, on ne réglemente pas les fonds d'infrastructure, et on ne réglemente pas toutes sortes d'activités qui existent sur les marchés privés. Les fonds spéculatifs font partie de ces activités que l'on retrouve sur le marché privé, et ces discussions visent à savoir s'il faudrait ou non réglementer une partie de ce marché privé, dans le cadre d'un débat public.

Le sénateur Moore : J'ai trouvé intéressant que vous disiez que les fonds spéculatifs étaient des « bassins de capital opportunistes ».

M. Petroff : C'est ce qu'ils sont. Nous tentons continuellement de les définir pour notre conseil d'administration, mais les marchés ne cessent d'évoluer.

Le sénateur Moore : À titre d'information, pourriez-vous nous expliquer ce que sont la FSA et la SEC?

M. Mock : Excusez-moi. La SEC est la Securities and Exchange Commission des États-Unis, c'est-à-dire la commission des valeurs mobilières des États-Unis, leur organisme de réglementation. La FSA est la Financial Services Authority. C'est l'équivalent de la SEC au Royaume-Uni.

Le sénateur Moore : Vous avez indiqué que la FSA avait ouvert un centre d'information sur les fonds spéculatifs au Royaume-Uni.

M. Mock : Oui.

Le sénateur Moore : Pensez-vous que nous devrions avoir quelque chose de similaire au Canada?

M. Mock : Oui, je pense que ce serait une mesure utile. Dans la mesure où l'accès à ce marché privé est minime pour les épargnants, je pense que ce serait une mesure utile. Je pense que ce serait avantageux.

Le sénateur Moore : Les gens ne savent probablement pas ce qu'est un fonds spéculatif et, même dans votre milieu, cela évolue au quotidien. Peut-être qu'un centre de ce genre pourrait aider et accompagner tous les types d'investisseurs à tous les niveaux. Un épargnant pourrait recevoir des informations puis se rendre compte de la nature d'un tel fonds et décider de ne pas investir, ou bien des investisseurs plus importants pourraient décider que c'est un domaine prometteur pour eux. Je pense que cela serait utile.

M. Mock : Nous pourrions également élargir des structures déjà existantes, telles que l'Institut canadien des valeurs mobilières, pour y inclure un tel centre. Cela fait longtemps que les investisseurs institutionnels ont recours à ces fonds. On en parle désormais dans les journaux, et les épargnants s'y intéressent aussi. Il est intéressant de noter que les épargnants semblent beaucoup moins intéressés par les fonds de capital privés, mais les fonds spéculatifs se trouvent bien au centre de leur attention.

On ne conduit pas de voiture avant d'obtenir son permis de conduire et, étant donné le niveau de complexité que l'on retrouve dans les fonds spéculatifs, je pense qu'il faut être très informé avant de commencer à investir.

Le sénateur Goldstein : Prêtez-vous des actions aux fonds spéculatifs?

M. Petroff : Dans le temps, une institution financière prêtait nos actions. Qui emprunte ces actions? Cela ne relève pas de nous.

Le sénateur Goldstein : J'ai une question additionnelle à ce sujet : Contrôlez-vous le droit de vote associé aux actions empruntées?

M. Petroff : Oui, ces actions sont rapatriées avant qu'un vote ne se tienne. Seuls les enseignants de l'Ontario ont le droit de vote pour ces actions.

Le sénateur Massicotte : Je suppose que vous permettez que ces actions soient utilisées par quelqu'un qui vend les unités ou les actions à découvert. Rapatriez-vous ces unités afin de voter, ou bien signez-vous une entente selon laquelle cette personne peut utiliser le certificat pour vendre à découvert tandis que vous conservez le droit de vote?

M. Petroff : Nous récupérons les actions pour voter.

Le président : M. Sprott a proposé qu'il y ait une liste de vérificateurs spécialement sélectionnés pour leur expérience et leur compétence en la matière afin que l'on puisse être assuré d'une vérification menée par des vérificateurs spécialisés de talent. Êtes-vous favorable à cette idée de liste spéciale de vérificateurs auxquels on demande de vérifier ces fonds de couverture ou fonds spéculatifs? C'est une idée.

Le sénateur Angus : Il n'a pas dit qu'il devrait y avoir une liste. Il a dit qu'il faudrait s'assurer que les gens qui font la vérification sont des spécialistes.

Le président : Il a parlé de liste, mais je ne vous demande qu'une réponse rapide. Pensez-vous que cette idée soit bonne? C'est évidemment quelque chose dont vous n'avez pas besoin : vous êtes les gens avertis.

M. Petroff : Parlez-vous de la vérification du risque opérationnel pour permettre les évaluations?

Le président : Je parle de tout cela.

M. Petroff : Du côté des épargnants?

Le président : De l'ensemble. Cela s'appliquait à tout.

M. Mock : Il faut faire attention. Je ne peux pas faire de commentaire. Il faut que j'y réfléchisse.

Le président : Dans les années 1930, les banques réglaient leurs problèmes grâce au processus de règlement de Bâle par lequel on réservait un certain capital pour couvrir les risques. M. Sprott a dit que les risques sont importants et, aux États-Unis, on a parlé de créer un genre de compensation semblable pour les fonds de couverture, les fonds spéculatifs. Y avez-vous réfléchi? Pensez-vous qu'une chambre de compensation soit une bonne idée?

M. Mock : Une chambre de compensation? Parlez-vous des dérivés ou des fonds de couverture?

Le président : Des deux : d'abord des dérivés, mais aussi des fonds de couverture. Commencez toutefois par les dérivés.

M. Petroff : Les dérivés sont en train de devenir un produit plus standard, mais ils ne sont pas vendus à la bourse et, de ce fait, nous avons traditionnellement des ententes avec une autre institution financière. Il est possible que nous utilisions des dérivés pour couvrir, et le recyclage de ces risques crée un risque nominal énorme, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de dollars mais de risque nominal. Si nous faisons une permutation de taux d'intérêt de 100 millions de dollars pour nous protéger contre la hausse des taux, une autre banque qui serait en compte et voudrait se protéger contre la baisse des taux pourrait transférer ce risque hors cote.

Je ne sais pas si c'est normalisé à l'échelle mondiale, mais il faudrait parvenir à une normalisation et c'est ce que fait le marché à terme. C'est un produit normalisé avec chambre de compensation.

M. Mock : Je continue à penser que le système de réglementation bancaire qui existe actuellement est probablement la façon la plus appropriée de surveiller une part de ce marché.

Le président : Il est évident qu'on pourrait pousser toutes ces questions beaucoup plus loin et que tous les sénateurs aimeraient poser d'autres questions, mais nous avons d'autres témoins à entendre après vous. Merci d'être venus. Nous allons poursuivre notre étude. Nous n'en sommes pas encore arrivés à des conclusions. Nous essayons toujours de nous faire une idée claire de la situation et des risques.

Il me semble que votre position est toutefois un peu injuste. Je ne la conteste pas pour autant. Comme gestionnaire de fonds avisé pour un syndicat, vous pouvez recourir à vos compétences et à votre expérience pour protéger de façon avisée les investisseurs. Or, il y a des tas de gens qui ne sont pas dans une situation aussi favorable, qui n'ont pas des fonds de pension aussi bien surveillés et n'ont donc pas la possibilité de bénéficier d'une telle rentabilité. Y a-t-il un problème fondamental dans notre système financier pour que des gens ne puissent pas bénéficier d'un taux de rendement de 10 à 2 p. 100 comme pour les certificats de dépôt? Est-ce que nous aurions pu faire davantage pour les simples épargnants?

M. Mock : Pas du tout.

Le président : Certains ont avancé cet argument au sujet de la situation des fiducies de revenu telle qu'elle existe actuellement.

M. Mock : Permettez-moi de vous poser une question bien simple : combien d'épargnants investissent dans toutes sortes de prêts réciproques complexes?

Le président : Très peu.

M. Mock : Voilà où je voulais en venir.

Un tas de choses se produisent chaque jour sur la planète qui ne sont pas nécessairement accessibles et qui ne devraient pas l'être. La possibilité de faire de la course automobile de Formule un pourrait être offerte à tous, ou on pourrait faire valoir que ce n'est pas parce que les courses de Formule un existent que tous devraient y participer.

Le président : Je remercie les témoins. Encore une fois, nous avons le plus grand respect pour votre institution qui a un grand effet stabilisant, surtout dans ma province.

Nous sommes maintenant prêts à poursuivre nos travaux sur les fonds de couverture. Nous poursuivons l'étude du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sur les fonds de couverture.

Lors de son voyage à New York en octobre dernier, notre comité a discuté de diverses questions relevant de son mandat. Pendant notre discussion avec les représentants des autorités de réglementation et du secteur financier, les fonds de couverture se sont révélés un enjeu clé, ce secteur représentant, selon une évaluation faite il y a quelques mois, environ 1,2 billion de dollars et maintenant plus de 1,7 billion de dollars. Sa valeur a presque doublé en moins d'un an à l'échelle mondiale. Au Canada, en 2004, ce secteur représentait 26 milliards de dollars et, selon des données empiriques, sa valeur actuelle serait maintenant beaucoup plus élevée.

Il a été question des fonds de couverture pendant l'étude que nous avons menée récemment sur les questions touchant les consommateurs. À l'issue de cette étude, nous avons recommandé qu'on charge un expert de déterminer quel contrôle réglementaire serait nécessaire.

Pour notre comité, la question est de savoir si ce genre de produit financier devrait être réglementé ou surveillé pour la protection des consommateurs et, dans l'affirmative, comment. De plus, nous tenons à préserver la stabilité systémique des marchés financiers et mondiaux.

J'accueille maintenant nos témoins de la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. Malo, premier vice-président, Fonds de couverture, M. Bergeron, vice-président principal, Affaires juridiques et M. Galarneau, analyste principal, Fonds de couverture. Messieurs, vous avez la parole; n'hésitez pas à parler dans la langue de votre choix.

[Français]

Claude Bergeron, vice-président principal, Affaires juridiques, Caisse de dépôt et placement du Québec : Monsieur le président, au nom de la caisse et en notre nom personnel, nous voulons vous remercier de l'occasion que vous nous donnez d'échanger avec vous sur cette catégorie de produits d'investissement dont la population commence à connaître les attributs.

La présentation d'aujourd'hui se divise en quatre parties, soit : une brève présentation sur la caisse; la démystification et la composition de l'univers des fonds de couverture; la manière dont la caisse adresse ces véhicules d'investissement, comment on investit, quelles précautions nous prenons, et pour terminer, un aperçu des évolutions dans le marché où nous constatons de grands enjeux, ce qui rejoint probablement vos préoccupations actuelles.

Nous sommes maintenant à la page 6 de la présentation. La Caisse de dépôt et placement du Québec, institution créée par une loi spéciale en juillet 1965 de l'Assemblée nationale du Québec, gérait initialement des fonds de la Régie des rentes du Québec. Aujourd'hui, elle gère des fonds de multiples caisses de retraite, caisses d'assurance qui font toutes parties du secteur public québécois.

La mission de la caisse est de recevoir en dépôts, conformément à la loi, les sommes qui viennent de ces caisses de retraite et d'assurance et de les investir en vue d'obtenir un rendement optimal, tout cela, en tentant de contribuer le mieux possible au développement économique du Québec.

Dans son organisation, la caisse — et vous pouvez constater l'importance que l'on attribue aux fonds de couverture — du côté gauche, vous avez les grands pôles d'investissement, l'immobilier, le placement privé, le marché boursier, le revenu fixe, les fonds de couverture qui relèvent tous du chef de la direction du placement; du côté droit, ce sont les différents groupes de soutien qui appuient les groupes d'investissement. J'attire votre attention sur le fait que les fonds de couverture constituent en soi une classe d'investissement dans l'univers d'intérêts que la caisse accorde aux différents véhicules que l'on retrouve dans le marché.

L'actif global de la caisse, je vous donne les chiffres du 31 décembre 2005, parce que notre rapport annuel n'est pas encore déposé à l'Assemblée nationale, est de 224 milliards de dollars. J'ai estimé que ce montant sera légèrement plus élevé d'ici peu.

Je passerai la parole à M. Jean-Claude Galarneau qui nous entretiendra des différentes catégories de fonds de couverture.

Jean-Claude Galarneau, analyste principal, Fonds de couverture, Caisse de dépôt et placement du Québec : Monsieur le président, mon mandat aujourd'hui est de vous expliquer ou de tenter de démystifier les différentes stratégies dans l'univers des fonds de couverture. Il est très difficile de catégoriser chacune des stratégies disponibles sur le marché. On parle d'environ 9 000 fonds de couverture sur le marché, tous avec une teinte différente. Mais dans l'ensemble, on est en mesure de rapprocher des stratégies. Il y a trois colonnes. La première, on l'appelle « valeur relative » ou encore communément intitulée « arbitrage ». On a tenté de vous mettre le profil des stratégies qui ont tendance à être moins risquées que des stratégies plus directionnelles. On parle de stratégies qui feront l'arbitrage de revenus fixes, d'obligations convertibles et de « market neutral equity » et aussi l'arbitrage statistique, qui est un principe où l'on utilisera des modèles systématiques pour prédire le prix des actions.

La deuxième catégorie, plus risquée que la première, est une stratégie d'ordre événementiel, lorsqu'il arrive un événement marquant ou permanent dans une entreprise, une fusion/acquisition ou une restructuration, il y a des gestionnaires qui tenteront de tirer profit des opportunités qui seront créées par ces mouvements. On parle aussi des situations de compagnie de titres en détresse financière. La troisième que vous connaissez — qu'on est plus à l'aise d'apprécier parce qu'elle comporte la stratégie la plus commune dans l'ensemble de l'univers, l'action longue et courte. À la suite d'une étude rapide sur une base de données, on s'est aperçu que cela représentait environ 30 p. 100 de l'univers de toutes les stratégies de fonds de couverture. Cela comprend aussi ceux qui prennent des positions macro, des modèles systématiques qui permettent une vue de marché sur des contrats à terme et, également l'investissement dans les pays émergents.

Ces différentes stratégies sont assez hétérogènes. Au sein de notre équipe, nous avons utilisé une approche spécialisée au lieu d'une approche généralisée, pour analyser les différentes stratégies afin de mieux cerner les défis de chacune des stratégies et de bien comprendre leur environnement.

Aux pages 14, 15 et 16, on a fait une brève description de quelques stratégies qui sont quand même très connues sur le marché et dont vous avez sans doute entendu parler dans le passé.

À la section 3, je vous parle de notre équipe. On est 18 personnes. Notre équipe est séparée en trois : la première travaille à la construction du portefeuille, c'est-à-dire la façon d'allouer les sommes à travers les différentes stratégies et les différents gestionnaires; une deuxième équipe travaille aux opérations, donc ce qui concerne la revue opérationnelle des gestionnaires ainsi que la révision juridique, et finalement, mon équipe qui travaille à la sélection des gestionnaires.

Comme je vous le disais, il y a environ 9 000 fonds de couverture à travers le monde et notre travail est de tenter de les démystifier pour mieux les investir. Notre mission est donc d'investir dans les meilleurs fonds de couverture à travers le monde et de s'assurer qu'ils respectent nos critères d'investissement.

De quelle façon s'y prend-on? Il y a trois étapes : premièrement, la présélection; deuxièmement, la revue diligente et si un gestionnaire fait partie de notre portefeuille, il fera partie de la troisième étape qui est le suivi de nos gestionnaires. En présélection, on a bâti au fil des années un très grand réseau de contacts qui nous permet aujourd'hui d'apprécier, de connaître et de communiquer avec les meilleurs gestionnaires de portefeuille à travers le monde. Notre activité peut être perçue comme un bureau spécialisé en ressources humaines qui cherche à embaucher du talent. Quand on octroie un mandat de gestion, c'est l'équivalent d'embaucher une personne chez nous. Virtuellement, c'est comme si elle occupait un bureau. Cette personne a trois fonds et est responsable des profits et des pertes. Le fonds devient l'expression du talent.

Cette révision diligente des gens, de l'organisation, de l'infrastructure en place, de la base de l'investissement, de la stratégie en place — à savoir si elle est unique, profitable, compétitive — et des mécanismes en place dans la gestion du risque, pour limiter les pertes. On fait aussi une étude quantitative sur l'historique de performance pour mieux apprécier le talent des gestionnaires que l'on embauche. Finalement, il y a une révision diligente, opérationnelle qui est faite par une équipe. Trois personnes parcourent le monde pour rencontrer les gestionnaires, se rendre sur place et pour voir de quelle façon les opérations sont menées pour chacun des gestionnaires dans lesquels nous avons investi.

Ce que vous voyez à l'écran fait partie de notre processus mensuel. De notre côté, on reçoit des lettres périodiques, parfois mensuelles ou trimestrielles. On parle au moins une fois par trimestre à chacun des gestionnaires, on les visite sur place une fois par année et une fois par mois, on fait une révision de portefeuille. Les éléments que vous avez à l'écran sont des éléments clés qui feraient en sorte qu'un fonds pourrait tomber sur notre liste de surveillance et nous permettre d'agir et de dire ce que l'on fera avec notre investissement.

Michel Malo, premier vice-président, Fonds de couverture, Caisse de dépôt et placement du Québec : En ce qui a trait de la composition de notre portefeuille, à la page 21, il est important de comprendre que l'on sait que c'est un domaine qui peut être très volatil. Les variations de prix peuvent être importantes. Dans notre approche, on a créé un portefeuille dont les caractéristiques sont faites pour donner un rendement plus élevé, mais aussi, assurer un risque beaucoup moins variable. On s'attend à ce que notre portefeuille varie moins que ce que l'on trouvera dans un portefeuille standard de fonds de couverture chez quelqu'un d'autre. Nos attentes à long terme, en matière de fonds de couverture, sont un rendement espéré de six pour cent à une volatilité de dix. Pourquoi? Parce qu'on pense que les rendements dans les années futures seront beaucoup plus bas que ceux des années passées pour un ensemble de raisons. On a mis une concentration plus importante du côté des fonds de couverture. Mais la volatilité qui est affichée à titre d'instruction, si je peux dire, historiquement, doit être de cinq à six pour cent. Dans notre cas, on a presque doublé les risques attendus dans cette classe d'actifs pour refléter les réalités dont vous discutez aujourd'hui, c'est-à-dire un manque de réglementation, le risque dû au gestionnaire, le risque de fraude et le manque de transparence.

On sait qu'en rentrant dans cette classe d'actifs, ce sont des risques auxquels on fait face. Il ne faut pas oublier que dans les marchés financiers, on est récompensé pour ces risques. S'il n'y a pas de risques, il n'y a pas de rendement. C'est important de comprendre cet élément de base. On tente de l'inclure dans toutes nos prévisions.

Pourquoi inclut-on les fonds de couverture dans un portefeuille comme le nôtre? C'est un peu technique. À la page 23, un rendement comme le nôtre, dans la composition des actifs que nous avons, ce qu'on voit, c'est le portefeuille attendu qui serait de l'ordre de 6.9 p. 100; en mettant juste cinq pour cent des actifs de la caisse dans des fonds de couverture, dans un portefeuille diversifié, on obtient le même rendement, mais on diminue le risque d'environ 30 points de base ou un tiers d'un pour cent.

Et il est certain que si on se le permettait, l'allocation pourrait être beaucoup plus importante. Ceci est basé sur des hypothèses mathématiques. Dans les hypothèses mathématiques, on assume aussi que cela pourra également se produire par en avant. Par contre, cela apporte une très bonne diversification à un portefeuille comme le nôtre.

À la page 25, en ce qui concerne les tendances de l'industrie, on parle de l'activisme, qu'on ne voit pas nécessairement comme étant problématique, mais on doit en répondre auprès de nos conseils d'administration et de plusieurs de nos clients. J'ai appris cette semaine que cela s'appelle le « C1 Risk », ce qui veut dire que lorsqu'un gestionnaire se retrouve à la colonne C du Wall Street Journal, ce n'est pas pour de bonnes raisons. On voit beaucoup d'activisme dans l'industrie, des gestionnaires qui vont participer activement afin de tenter de refléter la valeur dans l'industrie. Je pense que cela a toujours existé. Il y a de bonnes et de mauvaises façons de le faire. Dans notre cas, on tente de s'associer, si on le fait, avec des gestionnaires qui ont une approche qui encourage une collaboration avec les dirigeants en place. Cela nous a bien servi ultimement.

La publicité négative des fonds de couverture est souvent associée à ce type d'entreprise. Comme vous avez pu le voir, le terme « fonds de couverture » est très large. Cela veut dire beaucoup de choses et presque rien. L'activisme, qui fait souvent les manchettes dernièrement, n'est qu'une petite partie de cela et une institution peut faire le choix d'y être associé ou pas.

Un autre facteur important est la transparence. Comme le disait Neil Petroff, du Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario, ce matin, c'est un jeu à sommes nulle, c'est-à-dire que le rendement à faire est à faire sur le dos de quelqu'un d'autre. C'est certain que cela entraîne, pour l'industrie, un manque de transparence. Nous ne voulons pas ouvrir notre livre et avoir à révéler nos positions.

Si c'était simplement une stratégie d'être selon le marché des actions, le bêta du portefeuille, tout le monde pourrait y participer. Dans une industrie comme celle-ci, il y a une valeur additionnelle à garder nos positions quasi secrètes ou même de ne rien dire. Mais dans ces situations, cela présente un certain défi additionnel. Et c'est pour cette raison que l'on tente de mettre en place des processus pour creuser et mieux comprendre ce qui se passe.

Pour remédier au manque de transparence, deux solutions existent : les comptes ségrégés ou les tierces parties. Il y a toujours un terrain d'entente. Les comptes ségrégés, c'est comme si le gestionnaire ouvrait un compte au nom du client et où on peut voir exactement tout ce qui est déposé dans le portefeuille, et on peut évaluer le risque. Ou on peut sous- contracter une autre organisation qui, elle, aura une entente qui ne dévoile pas aux clients ce qui est dans le portefeuille, mais qui donnera au client les indicateurs de risque nécessaires pour évaluer les différents risques qui y sont associés. C'est souvent une combinaison des deux.

La dernière chose qu'on voudrait avoir, c'est un compte ségrégé où l'on voit tout, mais sans avoir d'infrastructures nécessaires pour pouvoir évaluer le risque. Si un gestionnaire m'envoie un fichier qui a 1 500 positions et que je ne suis pas capable de rien faire avec cela, je ne suis pas avantagé. Il est parfois bon d'avoir des tierces parties ou des gens indépendants à l'intérieur.

Parfois, la transparence en soi, à la page 27, demande une infrastructure très importante que tout le monde ne possède pas. M. Mock, du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario disait, plus tôt, qu'il y a des investissements dans des royautés de musique, il y a des investissements qui sont faits dans des parties du monde où même le décalage horaire présente des difficultés. C'est souvent une combinaison de voir à travers le gestionnaire et d'avoir d'autres personnes pour nous donner des mesures de risque.

À la prochaine page, on parle de la liquidité. On entend souvent parler, au point de vue de la liquidité, que lorsqu'on s'engage dans un fonds de couverture, c'est pour longtemps. C'est vrai. Parfois, ils ont en place une variété de mécanismes qui font en sorte qu'on ne puisse pas retirer notre argent. Et même si on le voulait, ils ont le droit de nous empêcher de le faire. Plusieurs études récentes disent que comparativement, il y a peut-être de l'argent à faire dans l'investissement à long terme versus le moins long terme. Les marchés resteront volatils et souvent l'être humain réagit négativement à la volatilité. C'est le principe de sortir dans le bas ou d'acheter dans le haut. Donc souvent des contraintes de liquidités vont quand même nous permettre et nous forcer à garder l'investissement à plus long terme, faire un peu plus nos devoirs afin de s'assurer qu'on est prêt à s'engager pendant toute cette période.

Pourquoi les fonds de couverture existent-ils? Pour faire un peu d'histoire, au début des années 1920, 1930 ou 1940, les gestionnaires ne cherchaient qu'à protéger le capital, c'est-à-dire que l'on tentait de garder au dollar sa valeur d'un dollar. Pourquoi? Si jamais on a un dollar d'investi et que l'on perd 50 p. 100, cela prend 100 p. 100 de rendement pour le refaire. Faire 100 p. 100 est beaucoup plus difficile. La beauté de l'orientation des fonds de couverture réside dans la gestion du « downside », c'est-à-dire que je préfère perdre moins que perdre plus, et je sais que plus tard, cela ira mieux. Il y a énormément de temps et d'efforts qui sont consacrés à la mesure et à la compréhension du risque. Et c'est une des raisons pour lesquelles on est attiré par les fonds de couverture. Et le marché de la gestion de portefeuilles, qui était auparavant simplement l'achat de titres, étant un marché très compétitif, il commence à y avoir un mariage entre ces différentes sociétés, du « long only » avec l'industrie du fonds de couverture. On pense que c'est meilleur pour l'industrie en général.

Pour compléter notre présentation, je voudrais passer à la page 32, au chapitre des enjeux. Ce sont les situations auxquelles tous les gestionnaires de fonds de couverture font face.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Par souci d'équité, j'accorderai cinq minutes à chaque sénateur pour les questions. J'espère que les témoins donneront des réponses brèves et directes. Nous en connaissons beaucoup sur ce sujet et nous voulons ajouter aux informations que nous avons déjà recueillies.

Le sénateur Moore : Merci, messieurs, d'être venus.

Hier, nous avons entendu Eric Sprott, de Toronto, et vous avez entendu les témoins qui vous ont précédés. Nous avons parlé du contrôle du secteur des fonds de couverture. M. Sprott était d'avis qu'il faudrait un certain contrôle ou une certaine réglementation à laquelle s'ajouterait une liste de vérificateurs choisis. Que pensez-vous de ces deux idées?

M. Mock, qui a pris la parole un peu plus tôt, a plaidé la cause d'une réglementation allégée. Que pensez-vous de la surveillance? Devrait-on prévoir une certaine surveillance? M. Petroff, lui, était d'avis qu'il était crucial pour la réglementation en matière de valeurs mobilières et les marchés financiers qu'on maintienne l'exemption pour les investisseurs accrédités.

[Français]

M. Bergeron : Comme nous l'avons mentionné plus tôt, à titre d'investisseurs institutionnels, nous avons mis en place un processus assez structuré pour examiner et décider des risques que nous acceptons de prendre sur les choix que nous faisons.

Bien entendu, l'identification du vérificateur comptable chargé de faire ce travail dans la compagnie fait partie de la vérification diligente. Donc dans la mesure où nous ne serions pas satisfaits de la personne qui vérifie les livres, ce serait probablement la meilleure raison pour ne pas investir dans cette entreprise.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Et c'est celui qui vérifie les livres des entreprises où vous pourriez investir. Cela fait partie de la diligence raisonnable.

[Français]

M. Bergeron : Exactement. Ma réponse est incomplète par rapport au mandat que vous vous êtes donné actuellement, en ce sens que c'est une réponse qui s'adresse au travail qu'effectuent les investisseurs institutionnels. Je n'aurais pas la même réponse pour le marché du détail. Toutes les étapes que nous avons relatées, qui sont suivies dans le cadre de nos investissements, dans la mesure où un gestionnaire de fonds de couverture veut attaquer ce marché, notre avis est qu'il devrait être soumis aux mêmes contraintes et soucis; il devrait sentir une certaine pression des représentants du détail, comme il sent une pression venant des investisseurs institutionnels.

Comment cela pourrait-il se réaliser? On peut penser aux organismes réglementaires qui devraient, dans le cas des fonds de couverture, exécuter des travaux similaires aux nôtres, c'est-à-dire qu'une fois que le choix est fait par un individu, qu'il y ait un suivi du gestionnaire, et de ses résultats financiers. Par exemple, est-ce qu'il y a eu une sortie de fonds de la part de certains investisseurs? Est-ce qu'il y a eu départ de certains employés-clés dans l'organisation? Est-ce qu'il y a des positions trop concentrées dans le fonds de couverture? Est-ce qu'il y a place à une gestion du risque dans ce fonds de couverture? Il s'agit là d'un suivi régulier.

Dans la mesure où un organisme veut intégrer le marché du détail, nous sommes d'avis que les protections requises devraient être accordées. En ce qui nous concerne, nous avons mis en place des barrières de sécurité pour obtenir ces protections.

[Traduction]

Le sénateur Eyton : À ma connaissance, le comité n'a pas vu d'analyse comme celle-ci, particulièrement en ce qui concerne la sélection des gestionnaires. Je suis intrigué par votre façon de procéder. Ma question à ce sujet concerne l'efficacité de votre processus de sélection. Je pars du principe que vous avez beaucoup appris au fil des ans et que votre processus est en train de devenir, comme vous l'avez dit, presque parfait. Vous avez décrit les différentes catégories de gestionnaires, mais combien en avez-vous maintenant, et quelle est la rotation de portefeuille?

M. Galarneau : Notre portefeuille compte à l'heure actuelle 90 gestionnaires. Au cours des deux dernières années, nous avons géré le portefeuille de façon active, même si nous sommes un investisseur patient, je dirais. Nous visons le long terme. Nous tenons à établir un partenariat avec nos gestionnaires de fonds. Nous sommes partenaires. Je dirais qu'au cours des deux dernières années, le taux de rotation de portefeuille a été de 25 p. 100.

Le sénateur Eyton : C'est environ 10 p. 100 ou 12 p. 100 par année?

M. Galarneau : Par année, effectivement. Près de la moitié du portefeuille a fait l'objet d'une rotation au cours des deux dernières années.

Le sénateur Eyton : Environ la moitié?

M. Galarneau : Oui. Nous avons également augmenté nos ressources pour les fonds de couverture. Nous avons intensifié cette activité, et au fur et à mesure que l'argent rentrait, nous ajoutions certains fonds tout en en remboursant d'autres. Les chiffres sont probablement exacts.

M. Malo : En ce qui concerne cet aspect, je suis responsable d'une partie de cette rotation. Nous sommes en train de réduire le nombre de nos gestionnaires de façon à mieux orienter la taille de nos actifs. Nous sommes portés à croire qu'une personne ne peut suivre qu'un certain nombre de fonds correctement. Dans une industrie où il n'y a pas beaucoup de transparence, il est dans notre intérêt d'entretenir de meilleures relations avec les gestionnaires eux- mêmes. De cette façon, nous tâchons de réduire le nombre de fonds. Le taux de rotation a également été un peu plus élevé à cause de cette approche.

Le sénateur Eyton : J'apprécie la vigilance dont vous faites preuve. Le processus me plaît beaucoup. Un facteur de sélection, c'est le comportement. Vous avez parlé du profil de risque pour ce qui est de l'endettement et je suppose qu'il existe d'autres risques également. Le lieu géographique est probablement un autre facteur dont il faut tenir compte, selon que vous êtes Canadien ou que vous vivez ailleurs.

Une fois la sélection faite, le comportement est-il conséquent? Je suppose que c'est un aspect que vous surveillez. Je suppose que vous vous débarrassez de ceux qui ne correspondent pas à vos attentes. Est-ce l'une des raisons qui explique la rotation du portefeuille?

M. Galarneau : C'est exact.

Le sénateur Eyton : Je m'interroge à propos des gestionnaires. Je pense que le comité se préoccupe davantage de ce que l'on appelle les fonds de couverture plus risqués, peut-être les fonds de couverture pour lesquels le taux d'endettement est élevé. J'aimerais juxtaposer à cette préoccupation une pratique assez courante en ce qui concerne les fonds de couverture, selon laquelle des frais de gestion sont payés auxquels s'ajoute un important pourcentage du rendement supérieur au taux de rendement minimal. Je sais que les frais varient, mais disons des frais de 4 p. 100 et de 20 p. 100 en cas de rendement supérieur au taux de rendement minimal.

Si on choisit un gestionnaire en fonction de son comportement et de ses antécédents, et que cette personne veut saisir une occasion exceptionnelle... Si je suis gestionnaire, sur des marchés où la situation est plutôt bonne, il me semble que mon comportement pourrait légèrement changer. Je reçois 20 p. 100 si le rendement est supérieur au taux de rendement minimal et, essentiellement, je n'ai rien à payer si le taux est inférieur. En tant que gestionnaire, je pourrais peut-être profiter un peu de la situation. Peut-être que le gestionnaire n'en profite pas de façon exagérée, mais il me semble que c'est une situation de conflit inhérent — une situation à mon avis que vous devez surveiller de temps à autre. Les gestionnaires n'ont-ils pas tendance à aller trop loin si le marché est bon, particulièrement pour obtenir une part des frais supplémentaires en fonction du rendement?

M. Galarneau : Vous parlez de la marge de manœuvre d'un gestionnaire de fonds. Si le gestionnaire a de bons résultats, il obtient une prime d'encouragement de 20 p. 100. Sinon, il ne reçoit rien.

Nous examinons soigneusement la conformité des intérêts. Cela revient à savoir quel montant de votre propre argent vous avez investi à nos côtés. Ces renseignements font partie de notre vérification, et cela vise à nous assurer que ce que vous avez décrit, c'est-à-dire tenter de servir ses propres intérêts, ne se produise pas, sans quoi les répercussions seront négatives. Si le gestionnaire agit ainsi, les conséquences seront négatives pour nous, mais également pour lui. Cela nous nuirait aussi, mais donner une telle liberté à un gestionnaire de fonds lorsqu'il n'a pas investi son propre argent dans celui-ci peut être dangereux.

Le président : Nos cinq minutes sont terminées.

[Français]

Le sénateur Goldstein : Cela me soulage de savoir que mes fonds de retraite sont bien gérés. J'ai une seule question : est-ce que vous prêtez des actions à des fonds de couverture? Et si c'est le cas, d'une part contrôlez-vous le vote qui est rattaché à ces actions et, d'autre part, avez-vous le droit de rapatrier vos prêts à n'importe quel moment?

M. Bergeron : Je commencerai par répondre à la dernière question. En premier lieu, toutes les activités de prêt de titres sont effectuées chez nous à l'interne, contrairement à plusieurs autres investisseurs où les activités sont imparties à des fiduciaires.

C'est généralement le cas lorsque les gens ne possèdent pas l'expertise technique ni les employées pour faire le travail. À la Caisse de dépôt et placement du Québec, une équipe interne gère le prêt de titres. Les ententes en vigueur permettent dans tous les cas de rapatrier les titres. Dans tous les cas où nous identifions des enjeux pour le vote à l'assemblée des actionnaires, les titres sont rapatriés.

Finalement, je vais terminer par votre première question, à savoir si nous octroyons des prêts à des fonds de couverture. La réponse est non. Pourquoi? Parce que dans le cadre des ententes établies qui suivent un processus rigoureux de risque, nous prêtons à des contreparties dont le crédit est élevé. Parce qu'effectuer un prêt de titres, c'est un peu comme effectuer un prêt d'argent; il y a une valeur ou un crédit qui y est rattaché, tandis que, généralement, les fonds de couverture n'en ont pas. Ce ne sont donc pas des contreparties avec lesquelles nous transigeons.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être ici aujourd'hui. Nous discutons d'un sujet assez complexe et vous êtes des experts. Je remarque cependant, d'après votre présentation, que vous investissez avec des gestionnaires de fonds de couverture, mais que vous-même à l'interne, n'opérez pas de stratégies d'investissements de fonds de couverture. Est-ce bien cela?

M. Malo : Sous ma responsabilité, il y a des fonds de couverture de nature externe et nous opérons aussi à l'interne.

Le sénateur Massicotte : J'ai remarqué que les neuf stratégies sont opérées à l'interne.

M. Malo : Peut-être pas les neuf dans leur entièreté, mais plusieurs d'entre elles sont répliquées à la caisse, pas nécessairement sous ma direction, mais dans d'autres groupes aussi.

Le sénateur Massicotte : Le souci principal de notre comité est de voir si la réglementation est adéquate pour les fonds de couverture et si on devrait recommander quelque chose de nouveau.

D'un côté, il y a des investisseurs au détail qui ont besoin de beaucoup d'information; les règlements sont très clairs. De l'autre, il y a les investisseurs sophistiqués avec un critère de 150 000 dollars. On dit que ces gens sont assez connaisseurs, qu'ils peuvent se protéger et qu'il ne faut pas alourdir la réglementation pour empiéter sur leur efficacité. Êtes-vous d'accord avec ce principe?

M. Bergeron : Oui. En ce qui nous concerne, il y a un processus en place. Dans le cadre d'un investissement, c'est le jeu de l'offre et de la demande. Si tu veux investir dans un fonds qui a d'excellentes performances et qu'il y a beaucoup d'autres investisseurs qui veulent investir dans le même fonds, il y a alors un jeu de négociation. Historiquement, ce qui a favorisé les fonds de couverture dans ce jeu de négociation, c'est que ceux qui avaient de meilleurs rendements avaient tellement de capitaux qui leur étaient offerts que le pouvoir de négociation était peut-être réduit. Cependant, il y a eu des événements « marché » qui ont changé cette perception.

Je dirais qu'aujourd'hui, que les investisseurs ont de plus en plus de possibilités. Ils commencent à adopter des tendances plus directrices à l'égard des investissements qu'ils réalisent et leurs demandes sont plus grandes, donc le pouvoir de négociation est plus fort. Pour répondre en deux mots à votre question, je pense que les investisseurs institutionnels peuvent s'occuper de leurs affaires.

Le sénateur Massicotte : Selon vous, on n'a pas besoin de nouveaux règlements ou d'une structure additionnelle pour protéger, sauvegarder ou éduquer les investisseurs institutionnels ou sophistiqués?

M. Bergeron : Nous ne croyons pas.

Le sénateur Massicotte : Quant aux investisseurs au détail, êtes-vous satisfaits de la procédure existante? Je sais que ce n'est pas votre spécialité, mais l'information est disponible aujourd'hui, le règlement est disponible. Est-ce adéquat pour satisfaire les besoins des investisseurs au détail?

M. Malo : Je ne pense pas, encore une fois, qu'on se considère comme étant des experts dans le domaine des particuliers. Honnêtement, je ne peux pas vous répondre. Je ne suis pas suffisamment connaisseur dans ce domaine.

Le sénateur Massicotte : Le critère qui existe au Canada est 150 000 dollars et chez les Américains, c'est 2,5 millions de dollars. Est-ce une ligne de démarcation juste et équitable pour définir qui est sophistiqué et qui ne l'est pas?

M. Malo : Je ne sais pas. Quelqu'un qui a gagné 150 000 dollars à la loterie versus celui qui l'a obtenu par le marché des actions, je ne pourrais pas dire si c'est ce qui dicte le degré de sophistication. Je ne pense pas qu'une personne est moins bonne que l'autre non plus. Est-ce que le 150 000 dollars est un montant qui a évolué depuis les dernières années? C'est peut-être une façon de le regarder. Si le montant a été fixé il y a 20 ans et que pendant cette période, les actifs moyens des individus ont augmenté, c'est peut-être cela. Est-ce que l'actif est mesuré en fonction de l'actif total? Plusieurs personnes de nos jours pourraient avoir 150 000 dollars. Il y a diverses façons de le regarder.

Le sénateur Massicotte : Aux fins de clarification, les fonds de couverture sont-ils bénéfiques pour l'économie canadienne et pour les investisseurs? Est-ce quelque chose de positif ou, d'ici cinq ans, on se demandera pourquoi on a permis cela?

M. Malo : Je pense que c'est bon pour le système financier planétaire. Cela donne une stabilité additionnelle et a amené beaucoup plus de participants. Parfois, il y a des participants tellement sophistiqués, qu'ils sont prêts à assumer une partie des risques que des institutions bancaires ne voudraient pas prendre parce que leurs responsabilités touchent les dépôts des individus. D'autres se permettent de prendre ces risques et leurs placements évolueront peut-être au cours des dix prochaines années.

Le terme « fonds de couverture » est mal utilisé parce qu'il dénote une activité qui ajoute de la volatilité. La volatilité en soi fait partie des marchés financiers et en général, cela ajoute beaucoup pour l'investisseur de tous les jours.

Le sénateur Massicotte : Selon vous, c'est donc totalement acceptable et favorable. C'est compliqué — on en parle beaucoup — et peut-être qu'on s'inquiète parce qu'on ne comprend pas très bien.

M. Malo : Je peux seulement répondre pour mon employeur qui est une institution sophistiquée. Je ne peux pas m'exprimer pour les autres. Selon nous, la réglementation est suffisante sur le plan institutionnel.

Le sénateur Goldstein : Votre mission est enchâssée dans la loi elle-même et une partie significative de votre mission concerne le développement du Québec. Dans quelle mesure est-ce que ce critère peut avoir une influence sur la nature des placements que vous faites?

M. Bergeron : Il faut regarder l'article 4 de notre présentation. Dans un premier temps, la caisse reçoit des sommes qui viennent de caisses de retraite ou d'assurance, et c'est bien indiqué qu'elle doit les investir en vue d'obtenir un rendement optimal — c'est donc le premier devoir de la caisse — tout en contribuant au rendement économique du Québec.

Le sénateur Goldstein : Dois-je comprendre que le critère de gagner un rendement optimal prime sur le critère de développement du Québec?

M. Bergeron : Sans aucune hésitation. Nous devons procurer à nos déposants les meilleurs rendements possible à travers les produits d'investissement qui existent. C'est notre priorité. Cela fait partie de la mission de la caisse et du devoir des employés qui travaillent pour la caisse.

Le sénateur Goldstein : Donc la question du Québec est secondaire dans votre esprit lorsque vous prenez des décisions pour vos investissements.

M. Bergeron : Le simple fait que la caisse obtienne de bons rendements, rapporte des sommes d'argent importantes, et permette aux gens de retirer des pensions du Québec — actuellement ou dans le futur — de recevoir des montants appréciables, c'est une première partie.

En deuxième partie, si ce faisant, dans notre marché, on peut, par le type d'investissement que l'on fait — je pense aux produits hypothécaires — investir un certain montant d'argent dans les produits hypothécaires au Québec, ce type de produit à de l'impact pour le Québec.

[Traduction]

Le président : J'ai quelques questions brèves.

Premièrement, à la page 30 de votre mémoire, vous parlez d'une étude réalisée par la Banque de New York ainsi que Casey, Quirk et Associés. Pourriez-vous faire parvenir cette étude au comité? Les études factuelles nous intéressent. Ce serait utile.

Deuxièmement, je crois comprendre, selon votre document, que 5 p. 100 de vos fonds sont investis dans une sorte de fonds de couverture génériques. Est-ce bien 5 p. 100? Monsieur Malo, quel montant cela représente-t-il?

M. Malo : Il s'agit de 5 p. 100 d'environ 142 milliards de dollars.

Le président : Donc environ sept milliards de dollars?

M. Malo : C'est exact. C'est vrai à l'externe. Je pense que le sénateur Massicotte a dit plus tôt que nous gérons aussi des stratégies semblables à l'interne, ce qui fait que ce montant est à l'externe.

Le président : Il s'agit de votre risque externe.

M. Malo : C'est exact.

Le président : Enfin, on trouve un graphique intéressant à la page 23. Je veux être certain de bien le comprendre. Il traite des risques prospectifs et du profil de rendement — l'impact de l'ajout de fonds de couverture. Je veux être certain que je le lis bien. Selon le graphique, pour la caisse avec 5 p. 100 de fonds de couverture, le rendement est de 6,9 p. 100.

M. Malo : C'est exact.

Le président : Pour la caisse sans fonds de couverture, le rendement est de 6,9 p. 100. C'est la même chose. Toutefois, le risque pour ce qui est de la caisse avec fonds de couverture est de 8,7 p. 100 et celui pour la caisse sans fonds de couverture est de 9 p. 100; le risque diminue donc essentiellement de 0,3 p. 100 lorsqu'il y a un fonds de couverture. Ainsi, les fonds de couverture apportent une certaine stabilité. Est-ce exact?

M. Malo : Pour 5 p. 100, vous avez tout à fait raison.

Le président : L'important pour nous est de comprendre, grâce à des investisseurs expérimentés tels que vous, si nous devons faire quoi que ce soit et ce que nous devons faire pour réglementer les fonds de couverture.

Plus tôt aujourd'hui, des représentants du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario nous ont indiqué qu'il ne fallait pas le faire parce que des règlements pourraient court-circuiter les processus. Ils ont indiqué que, dans le marché des souscriptions privées, le marché des fonds privés, ils peuvent faire face aux risques et que le cadre existant fonctionne relativement bien.

Essentiellement, quelle est votre position? Je suis certain que vous avez déjà débattu de cette question. Si vous pouvez nous le dire, cela nous intéresserait.

M. Malo : Comme nous l'avons dit plus tôt, nous sommes réellement à l'aise avec les règlements qui existent. Pour autant que vous posiez vos questions au sujet des investisseurs de type institutionnel, nous croyons que les règlements en place sont suffisants.

Le président : Ces règlements constituent un minimum, monsieur Malo. Aux États-Unis, avant la décision Goldstein, les fonds de couverture étaient prospères. À cette époque, la réglementation était allégée. L'inscription était en quelque sorte surveillée par la Bourse de New York et par la commission des valeurs mobilières. Ce n'est plus le cas. Les gestionnaires de fonds américains nous ont dit qu'ils étaient satisfaits de cette réglementation allégée, mais qu'ils n'étaient pas satisfaits de voir que ce régime avait été aboli par les tribunaux pour des raisons techniques que vous connaissez sans doute.

Il n'existe pratiquement aucun règlement direct, outre ceux portant sur la surveillance, les vérificateurs et la fraude, et vous nous dites que vous êtes satisfait de la situation. Souhaitez-vous y réfléchir? Si vous souhaitez y repenser et nous donner une réponse par écrit, c'est très bien. Nous aimerions que vous nous donniez une opinion mûrement réfléchie. Nous ne voulons pas nuire au secteur, mais nous avons des responsabilités envers l'économie en général et les consommateurs, tant les consommateurs privés que les acheteurs au détail.

Le sénateur Massicotte : Monsieur le président, il a dit à deux reprises, une fois en français et une fois en anglais, qu'il était satisfait du système existant.

Le président : Je l'ai entendu et je comprends. Toutefois, nous sommes devant un dilemme; il faut protéger l'intérêt du public.

Si vous préférez ne pas nous communiquer votre opinion, nous comprenons. Je ne tente pas de vous importuner.

M. Malo : Laissez-moi simplement vous dire qu'aucune règle ni aucun règlement n'empêcheront certaines situations de survenir. Nous avons parlé de Tyco et d'Enron, et nous continuons au Canada de parler de Nortel. Les règlements portant sur le dépôt d'états financiers et sur l'inscription sont suffisants.

Le président : Ils n'ont toutefois pas fonctionné.

M. Malo : C'est exact. C'est ce que je voulais dire.

Le président : Nortel comptait un grand nombre d'actionnaires, et les règlements n'ont pas fonctionné. C'est la même chose pour Enron. Nous aimerions savoir si nous pouvons faire certaines choses de façon appropriée, tout en tenant compte des conditions du marché. Nous comprenons aussi que nous avons parlé d'investissements de près de deux billions de dollars en fonds de couverture. Nous avons entendu dire aujourd'hui qu'il n'existe pas 8 000, mais plutôt 9 000 fonds de couverture. Leur nombre grimpe en flèche. On nous a également dit que, pour ce qui est de la réglementation en général, nous sommes dans un marché concurrentiel parce que le marché de Londres ne comporte pas de règlement. La seule chose que ce marché exige, c'est l'éducation, et nous croyons qu'il s'agit d'une bonne suggestion.

Nous vous demandons donc de bien réfléchir et de nous communiquer par la suite votre opinion, dans l'intérêt public; votre établissement se soucie de l'intérêt public, et nous tentons justement de protéger le public. La semaine prochaine, nous discuterons avec le gouverneur de la Banque du Canada, qui nous a incités à entreprendre cette étude. Le gouverneur nous a par la suite dit qu'il fallait laisser la situation telle quelle. Nous avons entendu exactement les mêmes arguments de la Réserve fédérale américaine, à New York. Les opinions étaient partagées.

Nous aimerions profiter de vos conseils. Si vous n'en avez pas, c'est très bien.

Nous avons apprécié votre exposé aujourd'hui. Il s'agissait d'une exploration fascinante des pratiques dans le domaine des fonds de couverture, et je suis certain que de nombreux Canadiens, en particulier au Québec, se sentent beaucoup plus en sécurité grâce à vos efforts. Merci. Aidez-nous si vous le pouvez. Si vous avez autre chose à nous dire, vous pouvez nous faire parvenir un document écrit, que nous distribuerons aux membres du comité. Je peux vous assurer que nous allons le lire. Nous aimons lire.

La séance est levée.


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