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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 23 - Témoignages du 16 mai 2007


OTTAWA, le mercredi 16 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international. Le sujet à l'étude : les fonds de couverture.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue aux sénateurs et aux téléspectateurs canadiens qui suivent ces importantes audiences d'un bout à l'autre du pays. Nos délibérations vont être télévisées au Canada, d'un océan à l'autre, et vos propos vont se retrouver partout sur la planète, via Internet. Soyez vigilants.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York en octobre dernier pour discuter de divers sujets faisant partie de son mandat. Lors de nos discussions avec des responsables de la réglementation et des représentants du secteur des services financiers des États-Unis, les fonds de couverture sont apparus comme un enjeu clé. Je signale au passage que c'est le gouverneur de la Banque du Canada qui nous a encouragés à faire cette étude il y a quelques mois. Ce marché serait évalué — et j'emploie le conditionnel parce que nous ne connaissons pas encore les chiffres exacts — à environ 2 millions de dollars. Les chiffres qu'on nous a présentés vont de 1,1 à 1,7 et à plus de 2 billions de dollars. Ce serait la valeur du marché mondial des fonds de couverture. Au Canada, les fonds de couverture étaient évalués en 2004 à 26 milliards de dollars, mais on nous a assurés que ce chiffre a plus que doublé depuis.

Nous avons appris — et encore une fois c'est sous toutes réserves, parce que nous n'avons pas pu confirmer les chiffres comme le secteur évolue très rapidement — que le nombre de sociétés spécialisées dans les fonds de couverture a augmenté, passant d'environ 600 ou 700 il y a cinq ou six ans à plus de 9 000 à l'échelle mondiale, et ce nombre augmente toujours de façon exponentielle.

Les fonds de couverture ont également été abordés lors de notre récente étude sur les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers. Dans notre rapport, nous avons recommandé la nomination d'une personne éminente chargée d'assurer la surveillance réglementaire des fonds de couverture. Une question reste toutefois à régler : dans quelle mesure et de quelle façon ces produits financiers, les fonds de couverture, doivent être réglementés ou supervisés si nous voulons protéger les consommateurs et assurer la stabilité des marchés financiers canadiens et internationaux.

Nous sommes réceptifs à ce sujet, et deux aspects du problème nous intéressent : le premier est le risque systémique pour l'économie ou les économies dans leur ensemble et, le deuxième, l'équité à l'égard des investisseurs dans le secteur.

Je suis heureux d'accueillir des représentants de l'Association des banquiers canadiens et de plusieurs banques à charte. Sont avec nous aujourd'hui M. Steve McGirr, M. Brian Porter, M. Dennis Pellerin et Mme Karen Michell.

Permettez-moi de vous présenter mes collègues. À ma droite, se trouve le vice-président du comité, le sénateur Angus, qui vient du Québec. Il y a ensuite le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan, le sénateur Meighen, de l'Ontario, le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Goldstein, du Québec.

Monsieur McGirr, nous vous écoutons.

Steve McGirr, premier vice-président à la direction et chef de la gestion du risque, Trésorerie et gestion du risque, CIBC, Association des banquiers canadiens : Je suis ici aujourd'hui en qualité de président du Comité directeur de la gestion du risque de l'Association des banquiers canadiens.

Nous sommes heureux de pouvoir fournir une vue d'ensemble de la participation du secteur bancaire aux marchés des fonds de couverture et décrire les mesures en place pour assurer une protection contre le risque découlant de ces fonds. Je vais commencer par souligner l'ampleur de la participation des banques dans les marchés des fonds de couverture. Ceci inclut les services de courtage de premier ordre que les groupes de courtage de nombreuses banques canadiennes fournissent aux fonds de couverture. Je décrirai ensuite les mesures de protection que les banques ont en place pour atténuer le risque découlant de ces fonds. Enfin, je soulignerai notre rôle dans le marché des fonds de couverture en ce qui a trait à leur accès par des investisseurs de détail au moyen des billets à capital protégé, ou BCP. Je décrirai aussi nos politiques en matière d'information sur les BCP, y compris ceux liés à des fonds de couverture.

Comme vous le savez, les groupes de courtage de nombreuses banques canadiennes offrent du courtage de premier ordre et d'autres services à des fonds de couverture et à d'autres clients institutionnels. Bien que les banques n'offrent pas toutes les mêmes types de services, le courtage de premier ordre pourrait inclure les services suivants : le financement des valeurs mobilières et d'autres éléments, la compensation et le règlement des opérations, les services de garde, la gestion du risque et le soutien opérationnel, ainsi que la recherche et la consultation.

J'aimerais commenter le point de vue selon lequel ce rôle de courtage de premier ordre peut accroître le risque qu'une perturbation affectant une firme ou un marché financier s'étende à d'autres éléments du système financier. Ce point de vue maintient que le risque de crédit direct des courtiers de premier ordre eu égard aux fonds de couverture pourrait affecter la stabilité globale du système financier. Sur ce point, nous nous reportons à l'avis du U.S. President's Working Group on Financial Markets, qui a indiqué que la discipline financière exercée par les créanciers, les contreparties et les investisseurs est le mécanisme le plus efficace pour limiter le risque systémique découlant des fonds de couverture. Ce groupe a aussi souligné que les contreparties et les créanciers peuvent aider à assurer la stabilité en améliorant sans cesse leurs pratiques de gestion du risque. À ce sujet, nous avons l'intention de faire notre part.

Les activités bancaires reposent sur une gestion du risque efficace, et nous prenons cette responsabilité très au sérieux. Nous adaptons et mettons constamment à jour nos pratiques de gestion du risque, afin qu'elles tiennent compte des nouvelles tendances du marché, comme les fonds de couverture. Ces pratiques doivent respecter des normes strictes qui sont établies et supervisées par le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF.

Vous remarquerez que le BSIF a récemment terminé un examen visant à déterminer l'ampleur du risque de crédit des banques canadiennes eu égard aux fonds de couverture. Il a aussi examiné les pratiques de gestion du risque du crédit dans le cas des contreparties de fonds de couverture. Le BSIF a établi que toutes les banques canadiennes ont des stratégies, des politiques et des procédures claires et documentées, qui régissent la portée et la nature de ces activités.

En autres choses, ces politiques articulent le processus d'approbation du risque lié à une contrepartie de fonds de couverture et des procédures pour l'établissement de limites. Elles exigent la fourniture et le maintien de renseignements financiers et non financiers à jour et complets sur les contreparties de fonds de couverture. Bref, nous devons avoir en place des politiques nous assurant la bonne approche en matière de crédit pour le secteur. Nous devons très bien connaître les personnes avec lesquelles nous faisons affaire; il doit y avoir des limites quant à la nature et au volume des activités que nous soutenons; de plus, les politiques doivent assurer que nous possédons les renseignements financiers et non financiers dont nous avons besoin pour exercer nos activités de façon appropriée. Le BSIF a conclu que les banques canadiennes adoptent une approche prudente à l'égard des fonds de couverture. Il n'y a aucune inquiétude quant à la participation des banques canadiennes dans le marché des fonds de couverture.

Il importe aussi de souligner que le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a récemment exprimé un point de vue similaire. M. David Wilson a déclaré : « Nous estimons qu'il existe un cadre de surveillance approprié pour l'industrie des fonds de couverture. »

J'aimerais souligner un dernier point sur l'importance des pratiques de gestion du risque. Le risque de crédit de la contrepartie n'est qu'une des catégories de risque auxquelles les banques doivent accorder une priorité absolue. Nous prenons aussi le risque de réputation très au sérieux. Nous avons à cœur de savoir avec qui nous faisons affaire.

J'aimerais aussi parler brièvement du lien entre les billets à capital protégé, les BCP, et les fonds de couverture. Certains s'inquiètent de la possibilité que des investisseurs de détail aient accès à une catégorie d'actif sans avoir suffisamment d'information sur les frais et les risques associés aux BCP. La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario estime que 27 milliards de dollars sont actuellement investis dans des fonds de couverture au Canada. Sur ce total, 7 milliards de dollars sont investis par des particuliers canadiens par l'achat de BCP. Il y a trois points clés que je tiens à souligner ici.

Le président : Dans l'intérêt de nos auditeurs, pourriez-vous nous dire ce que sont les BCP?

M. McGirr : Un BCP, ou billet à capital protégé, est émis par une contrepartie, en l'occurrence une banque, qui protège le capital de risque en offrant un rendement lié à un titre de support, dans ce cas le rendement des fonds de couverture. L'investisseur voit son capital protégé, mais le rendement est indexé ou lié à celui du fond de couverture.

Pour ce qui est du premier des trois points clés que je veux souligner, environ 95 p. 100 des billets à capital protégé émis par une banque ne sont pas liés à des fonds de couverture. Ils sont plutôt liés à d'autres éléments sous-jacents comme des actions, des obligations, des marchandises, des taux de change, des taux d'intérêt, des indices mondiaux et des fonds communs de placement. En deuxième lieu, dans le cas des BCP qui sont liés à des fonds de couverture, les risques sont gérés d'une manière aussi approfondie que dans le cas de tout autre instrument ou transaction lié à un fonds de couverture. Troisièmement, l'information fournie aux titulaires de BCP est prévue par la réglementation fédérale.

Les BCP émis par une banque sont toujours vendus accompagnés de renseignements détaillés. Nous examinons toujours des moyens d'améliorer cette communication de l'information afin de veiller à ce que les investisseurs disposent de renseignements faciles à comprendre.

Le budget fédéral du 19 mars indique que le gouvernement fédéral émettra un règlement fondé sur des principes et s'appliquant aux BCP. Ce règlement visera l'atteinte de trois objectifs : le premier, s'assurer que les consommateurs sont informés des frais, du rendement et des risques ainsi que des droits d'annulation et de remboursement associés aux BCP; le second, ajouter un principe selon lequel cette information doit être clairement communiquée par des personnes qualifiées, et cela pour assurer que les investisseurs ont l'information dont ils ont besoin pour prendre des décisions de placement plus éclairées; et le troisième, exiger une communication supplémentaire après l'achat afin d'aider les investisseurs à surveiller et à assurer le suivi de leurs placements.

À notre avis, le secteur bancaire assure actuellement une communication exemplaire en ce qui a trait aux BCP, mais il reste que la communication de l'information est importante. L'industrie travaille de façon proactive à améliorer ces pratiques, et nous poursuivrons notre travail avec les représentants du gouvernement fédéral afin de proposer des améliorations en matière de communication de l'information dans le cas des BCP.

En résumé, les marchés de fonds de couverture vont continuer de prendre de la maturité. Le secteur bancaire poursuivra son travail pour développer encore davantage et mettre à jour ses pratiques de gestion du risque. Il importe de souligner que notre principale autorité de réglementation, le BSIF, a constaté que les banques adoptent une approche prudente à l'égard des fonds de couverture. Le BSIF a indiqué que le risque de crédit des banques est faible, et que nous avons en place des stratégies, des politiques et des procédures claires pour gérer notre risque aujourd'hui et dans l'avenir. Nous travaillons aussi avec le ministère des Finances afin d'assurer l'amélioration des mesures de communication de l'information dans le cas de tous les BCP. Ceci inclut le faible nombre de ces instruments qui sont liés à des fonds de couverture. Notre objectif est d'assurer que ces pratiques continuent de répondre aux besoins des investisseurs de détail, de sorte qu'ils puissent prendre des décisions de placements avisées.

Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue à votre comité, et nous répondrons volontiers aux questions des sénateurs.

Le président : Merci, monsieur McGirr, de nous avoir présenté un exposé concis au nom de l'Association des banquiers canadiens.

Avant de poursuivre, je veux souhaiter la bienvenue au sénateur Massicotte, du Québec, au sénateur Eyton, de l'Ontario, et au sénateur Harb, de l'Ontario.

Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur McGirr, de votre déclaration claire sur les fonds de couverture.

Nous nous sommes fait dire par plus d'un témoin, mais surtout par M. Eric Sprott, de Sprott Securities à Toronto, que la plupart d'entre vous connaissent, je pense, que nous faisons peut-être fausse route; en effet, le problème croissant que nous avons décelé, tant aux États-Unis qu'ailleurs, ne toucherait pas ce qu'on appelle en général le secteur des fonds de couverture, tel que les spécialistes comme vous le connaissent, mais plutôt le secteur du financement par effet de levier ou des produits dérivés qui profitent d'un effet de levier bien supérieur à un facteur de un pour un ou un pour deux, comme celui que les fonds de couverture courants offrent habituellement. M. Sprott a parlé de la frénésie du prêt.

À la une de l'édition d'aujourd'hui du journal The Globe and Mail, on rapporte que quelqu'un a parlé hier de toutes ces ventes massives aux capitaux à risque privé de grandes entreprises au Canada, ce qui nous ramène à cette frénésie du prêt et à la volonté des institutions, y compris des banques, d'accorder du crédit à des risques et des taux d'intérêt moins que préférentiels, et ce serait là-dessus que notre comité devrait se concentrer.

C'est un peu long, mais pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez? Seriez-vous de cet avis? Même au sujet des BCP, vous indiquez qu'il y en a environ 95 p. 100 qui sont liés à des produits structurés et à des marchés dérivés plutôt qu'à des fonds de couverture. C'est un indice pour moi.

M. McGirr : Je crois que ce serait présomptueux de ma part de vous dire ce que vous devriez examiner, mais je vais parler plus généralement du financement par effet de levier du système financier.

La situation des marchés financiers est intéressante, avec l'arrivée de beaucoup de nouveaux produits, dont les fonds de couverture, qui assument des risques et les répartissent dans l'ensemble du système financier.

Les banques s'occupent d'offrir du financement par effet de levier. Le crédit en est un bon exemple. Étant donné que notre travail est de courir des risques, nous passons énormément de temps à évaluer ces risques et à chercher comment nous pouvons nous protéger et protéger le système financier contre les risques que ce financement présente.

Actuellement, le marché a la caractéristique d'être très liquide. Je veux dire par là qu'un certain nombre d'institutions et de nouveaux arrivants sur le marché achètent des titres, ce qui fournit des capitaux aux marchés du financement par emprunt. C'est pourquoi il est beaucoup plus facile d'obtenir du crédit. D'ailleurs, les banques, qui évoluent sur un marché très concurrentiel, offrent ainsi de meilleures conditions aux emprunteurs et aux capitaux à risque privé qui achètent un certain nombre de ces entreprises.

J'ajouterais que les banques prennent les risques très au sérieux. Nous avons adopté des politiques et des méthodes pour limiter nos risques et ceux que prennent beaucoup d'intervenants sur le marché du crédit. Nous accordons des capitaux, mais nous le faisons d'une façon qui est à la fois bien encadrée, prudente et réfléchie. Nous offrons en fait beaucoup d'avantages dans ce cas parce que nous finissons par garantir bien des transactions faites sur le marché qui sont ensuite réparties dans l'ensemble du système pour les fournisseurs de liquidités. Nous agissons de façon très encadrée et prudente.

J'inviterais les autres banquiers à faire des commentaires.

Brian Porter, vice-président à la direction et chef de la gestion du risque, Banque Scotia, Association des banquiers canadiens : Pour situer le contexte, M. McGirr a fait état de deux phénomènes qui sont apparus sur le marché au cours des cinq, six ou sept dernières années, et c'est la prolifération des fonds de couverture ainsi que des capitaux à risque privé et leur impact sur le marché.

Je ne sais pas si vous en avez entendu parler mais, en même temps, on assiste à la convergence des marchés du crédit et des émissions publiques d'obligations aux États-Unis surtout et, dans une certaine mesure, en Europe. Auparavant, ces marchés étaient bien distincts. Dans le creux d'un cycle de crédit, les banques annulaient des prêts irrécouvrables. Elles détenaient ces créances sans avoir de limites à respecter.

Aujourd'hui, le marché est bien différent. Les banques sont en mesure d'offrir des prêts et de les distribuer sur le marché. Elles le font aux États-Unis, au Royaume-Uni et, dans une certaine mesure, au Canada pour les compagnies d'assurances, les compagnies de fonds mutuels, les fonds de couverture et ceux qui cherchent à obtenir un rendement. Les marchés ont convergé. Je pense que c'est une différence importante, le fait qu'on cherche dans le monde à obtenir un rendement. C'est un phénomène qui est évident sur le marché depuis trois ans.

De plus, vous avez entendu parler de la grande quantité de nouveaux produits qui sont apparus sur le marché, comme les swaps sur défaillance de crédit, de sorte que les banques et d'autres intervenants sur le marché peuvent protéger, par différents instruments...

Le président : Monsieur Porter, pourriez-vous nous expliquer ce que sont les swaps sur défaillance de crédit.

M. Porter : Cela signifie swap de défaillance de crédit, une forme d'assurance-prêt que l'on peut acheter. C'est un marché actif et en expansion aux États-Unis, au Royaume-Uni et, dans une certaine mesure, au Canada. C'est un phénomène. Il est accessible à différents participants du marché.

Ce que je dis, c'est que les fonds de couverture, en ce qui concerne le marché, contribuent au fonctionnement au jour le jour du marché en créant des liquidités, et cetera. Les fonds de couverture y contribuent aussi par la répartition du risque sur le marché, parce qu'ils pourraient très bien acheter des parties de ces prêts bancaires. Les fonds de couverture pourraient être des vendeurs ou des acheteurs d'assurances sur le marché. C'est un phénomène que nous observons sur le marché.

Denis Pellerin, premier vice-président, Gestion des risques opérationnels et de marché, Banque nationale du Canada, Association des banquiers canadiens : Je pourrais parler de l'effet de levier financier du secteur des fonds de couverture.

Vous avez parlé du risque que présente l'effet de levier. En réalité, le secteur des fonds de couverture compte constamment sur l'effet de levier. Il est difficile de dire exactement à quel chiffre cet effet s'exerce. Récemment, la FSA, la Financial Service Authority du Royaume-Uni, a publié des données selon lesquelles 80 p. 100 des fonds de couverture qu'elle réglemente recourent à l'effet de levier. Dans le fond, c'est une norme de l'industrie. Ils disent aussi que l'effet de levier moyen, l'effet multiplicateur des fonds de couverture qu'ils ont observé, se chiffrait de 1,6 à 1,3 fois. C'est un effet assez important.

L'autre aspect dont j'aimerais parler, au sujet de l'effet de levier du secteur des fonds de couverture, c'est que ce secteur, comme vous l'avez dit, sénateur, est en croissance rapide, mais aussi en période d'apprentissage. Il n'y a pas que les gestionnaires de fonds de couverture qui sont en apprentissage, mais aussi les investisseurs dans ce type de fonds. De plus en plus de nos jours, les investisseurs institutionnels se font une place dans le créneau des fonds de couverture, le plus souvent avec ce que nous appelons une pleine transparence — c'est-à-dire qu'ils n'achètent pas une unité de fonds de couverture; ils investissent dans un fonds de couverture, en réalité, en pleine connaissance de cause, sachant ce qui s'y trouve, les positions et les investissements, ainsi que la mesure de l'effet de levier du fonds de couverture. Les investisseurs institutionnels ont une tolérance du risque beaucoup plus raisonnable que d'autres types d'investisseurs qui recherchent le rendement supplémentaire.

Tandis que le groupe prend de l'ampleur en tant que source d'investissements pour le secteur des fonds de couverture, il exerce des pressions sur l'industrie pour qu'elle ait sur l'effet de levier un regard beaucoup plus raisonnable. Est-ce que cela voudrait dire qu'il n'existe aucun fonds de couverture qui n'exerce pas un effet de levier déraisonnable? Certainement pas, mais le secteur évolue. Bien qu'il affiche une croissance rapide, je n'ai pas l'impression qu'il soit en perte de contrôle, et le degré moyen de risque qu'il présente pour le système financier en général grandit. L'effet de levier, c'est quelque chose que, la plupart du temps, les gestionnaires eux-mêmes et les investisseurs peuvent raisonnablement gérer, et ils demandent de plus en plus d'information sur l'ampleur du risque qu'ils acceptent.

Le sénateur Angus : À vous entendre tous les trois, et la jeune femme chargée de la supervision pour les banques par le BSIF, qui était ici il n'y a pas très longtemps, on pourrait penser que tout va pour le mieux. D'un autre côté, en ce qui concerne l'apprentissage et l'évolution, l'exemple qu'on nous donne toujours, c'est qu'en août 1998 s'est manifesté le problème de la gestion des plans d'investissement à long terme, et tout le château de cartes se serait écroulé si certaines personnes de votre secteur, aux États-Unis, n'étaient pas intervenues à coups de milliards de dollars pour redresser la situation.

Il y a aussi eu, cela fait déjà un an et demi, l'affaire Amaranth, qui portait sur des chiffres importants, et qui semble s'être réglée d'elle-même, comme vous dites, avec les gens qui jouaient le jeu. Et pourtant, 24 ou 48 heures après que le problème ait été connu, personne dans la hiérarchie d'Amaranth ne savait encore qui devait quoi à qui. Il y a de quoi faire peur aux lecteurs de la presse financière. Peut-être cela ne fait-il pas peur aux gestionnaires des risques de vos banques, aux enseignants ou à l'OMERS, et cetera. Et voilà qu'on lit l'autre jour que l'un de vos membres a soudainement essuyé une perte de 450 millions de dollars dans l'une de ces situations. On se fait dire que ce n'est qu'une bagatelle dans un contexte plus vaste.

On nous dit aussi que le crédit et le coût du crédit sont fonction du risque qui est pris, dans la même mesure où le rendement d'un investissement est fonction du risque. Théoriquement, ces fonds ont un plus haut rendement, alors on en déduit qu'ils doivent être plus risqués, comme les obligations à haut risque.

On nous a dit que l'écart entre le risque élevé et le faible risque se referme à cause de l'abondance d'argent dans le système. Nous essayons de mettre de l'ordre dans nos réflexions sur le sujet. Pour l'instant, nous pensons qu'il pourrait y avoir besoin d'une espèce de supervision pour les épargnants et les investisseurs moins sophistiqués, et peut-être une définition plus précise de ce qu'est un investisseur sophistiqué ou accrédité dans ce contexte.

Sans vouloir trop pousser le sujet, n'y en a-t-il pas un, parmi vous, qui s'inquiète un peu? Est-ce que ce que vous dites, c'est que nous devrions tout simplement foncer tête baissée, sans nous inquiéter de rien?

M. Porter : Je pense qu'aucun de nous ne dit cela, sénateur. Nous essayons de vous décrire un contexte, pour expliquer notre vision du marché. Nous sommes payés pour nous en inquiéter, et nous nous inquiétons beaucoup — cela ne fait pas le moindre doute. Nous nous préoccupons du risque systémique.

Sans vouloir être alarmiste, ce qui arrive au système, dans un cas comme Amaranth, c'est qu'ils n'arrivaient pas à vendre pour 2 milliards d'euros de prêts rapidement dans un contexte où le marché n'était pas aussi liquide qu'il peut l'être aujourd'hui.

Cela étant dit, si quelqu'un prétend savoir comment le marché réagira, il ne faut pas le croire. Nous prenons toutes sortes de mesures de sécurité dans l'exercice de nos fonctions; le conseil d'administration examine toutes sortes de processus et de contrôles.

Je peux parler de la Banque Scotia. Nous avons des succursales dans 50 pays; nous traitons avec une centaine d'organes de réglementation différents à l'échelle mondiale. Nous sommes sous la loupe des agences de cotation des titres, de différents intervenants, d'actionnaires, d'analystes, et cetera. Nous consacrons beaucoup de temps à nos structures internes de gestion des risques, pour nous assurer de leur vigueur, et qu'elles sont dotées par des agents compétents. Et puis nous faisons des tests de résistance au stress, dans divers scénarios.

En 1998, qu'arrivera-t-il? Nous exerçons des pressions sur nos différents portefeuilles, sur l'exposition de nos fonds de couverture; qu'arrivera-t-il et quel peut être le déficit maximal en une journée dans ce genre de situation? Mes collègues et moi passons beaucoup de temps avec nos collaborateurs à l'interne, notre président et chef de direction, nos conseils d'administration et comités de gestion des risques respectifs. Nous nous interrogeons sur le niveau approprié de risque, si nous sommes payés pour ce risque et si le tout est conforme à la stratégie générale de l'institution.

Je dois dire que, compte tenu de la rapidité de l'expansion de ce marché, la communauté canadienne s'est montrée très prudente. Je ne pense pas que nous prenions des risques excessifs. Nous assistons à différentes conférences à l'échelle mondiale et entretenons des relations avec certains de nos compétiteurs. Nous constatons ce qui se passe sur divers marchés qui ne nous semble pas logique, en termes de rendement économique et de gestion des risques, mais cela existe et cela arrive.

En résumé, ce sont des choses avec lesquelles nous composons, auxquelles nous pensons constamment.

Le sénateur Angus : C'est très rassurant pour nous. C'est ce qu'a dit le BISF — c'est-à-dire qu'ils ont examiné ces aspects.

Il y a d'autres contreparties et investisseurs dans les fonds qui courent des risques. Font-ils le même genre de gestion des risques et ont-ils les automatismes régulateurs que vous avez?

M. Porter : Permettez-moi de vous donner un exemple pratique. Il existe de 7 500 à 10 000 fonds de couverture à l'échelle mondiale. La Banque Scotia ne traite qu'avec une centaine d'entre eux. Nous appliquons des critères rigoureux : qui sont-ils? en connaissons-nous les dirigeants? quels sont leurs antécédents? Nous allons sur place, voir s'ils ont un bon mécanisme de gestion des risques, rencontrer les gens, observer tous ces éléments qui permettent de connaître le client et la contrepartie, si on peut dire.

Nous traitons avec un groupe limité de fonds de couverture. Je ne dis pas qu'il n'y aura jamais de problème, tout dépendant de la réaction des marchés, mais « fonds de couverture » est une expression vaste. Elle a un sens différent pour des personnes différentes. J'essaie de vous donner un exemple concret de nos rapports avec eux.

Le sénateur Angus : Vous avez dit que vous voyez certaines choses quand vous assistez à des conférences sur la scène mondiale. Il me semble comprendre par là que vous observez des choses que vous ne faites pas. Qu'est-ce que c'est? Pouvez-vous nous en donner un exemple?

M. Porter : Je répéterai que l'évolution du développement d'un produit est très rapide. M. Sprott faisait allusion à la croissance rapide des ODG, les obligations de dette ou de prêt avec garantie, quand les banques ou les fonds de couverture regroupent différents prêts et en vendent des tranches. Ils vendront une tranche d'actions ordinaires selon le principe du premier et du deuxième risque. Ce secteur a connu une expansion phénoménale. En tant qu'institution, nous ne participons pas à ces pratiques à tous les niveaux. Il se peut que nous participions à une certaine ODG avec une société de contrepartie à laquelle nous consacrons beaucoup de temps et pour qui nous avons du respect, et qui a les connaissances et l'expérience pour le faire. Cela ne signifie pas que nous traitons avec tout le monde qui le veut.

Il existe certains produits avec lesquels nous ne traitons pas.

Le sénateur Moore : Je vous remercie d'être ici ce soir.

Monsieur McGirr, vous avez cité M. David Wilson, président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, qui disait que « nous estimons qu'il existe un cadre de surveillance approprié pour l'industrie des fonds de couverture au Canada ».

Nous avons entendu M. Sprott nous parler de la nécessité de la surveillance et de la possibilité d'avoir une liste de vérificateurs choisis parmi lesquels les fonds de couverture seraient tenus de choisir un vérificateur pour vérifier leurs livres.

À part ce que disait M. Porter, au sujet de chaque banque qui fait preuve de diligence raisonnable dans le choix des fonds de couverture avec lesquels elles traitent, quel cadre de surveillance existe-t-il?

M. McGirr : Du point de vue des banques, nous dirions que les gens qui accordent du crédit au fonds de couverture et les contreparties aux transactions de fonds de couverture, soit les banques en général, sont une importante source de contrôle.

Le sénateur Moore : Vous êtes réglementés?

M. McGirr : Non, ce n'est pas de la réglementation, mais du contrôle. Le genre de pratiques que nous appliquons dans ce contexte, ce seraient des mesures de contrôle sur les garanties que nous prenons pour les transactions. Celles-ci contrôlent implicitement le degré d'effet de levier que peut avoir n'importe quel actif d'un fonds de couverture ou une contrepartie, et limite l'exposition de chaque banque et, par voie de conséquence, du système au crédit accordé aux fonds de couverture — le premier point de l'effet de levier global dans le fonds de couverture.

Notre perspective en tant que banquiers, c'est qu'il existe au Canada un régime approprié et prudent de surveillance du montant de crédit qui est accordé à ce type d'institutions.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'est ce qu'entend le BISF quand il dit que — et vous l'avez cité dans votre citation — « Les banques canadiennes adoptent une approche prudente »? Est-ce ici la mesure de prudence, ou la prudence est- elle l'affaire de chaque institution, comme le disait M. Porter au sujet de la Banque Scotia?

M. McGirr : Le BISF analysait chaque banque et a tiré des conclusions sur le secteur en général.

Le BISF a examiné les stratégies qui sont en place pour composer avec les fonds de couverture, les politiques qui régissent l'octroi de crédit et les autres transactions en vigueur dans chaque banque, ainsi que les procédures qui étaient en place pour assurer l'application de mesures de contrôle appropriées. Il est parvenu à la conclusion, à l'échelle de tout le secteur, que tout était approprié pour la part des transactions qu'effectuaient les banques.

Le sénateur Moore : Vous dites que le secteur bancaire assure actuellement une communication exemplaire en ce qui a trait au BCP. Qu'entendez-vous par « une communication exemplaire »?

M. McGirr : Je demanderais à M. Pellerin d'étoffer ma réponse. Actuellement, tous les billets à capital protégé vendus dans le système bancaire ont le bénéfice de la divulgation des renseignements, ce qui permet aux investisseurs d'avoir les renseignements dont ils ont besoin. Cette information pourrait être améliorée. Comme je le disais, la communication est fondamentale pour l'intégrité du système financier et c'est pourquoi nous sommes très intéressés à travailler avec le ministère des Finances pour améliorer cette communication.

Je demanderai à M. Porter de parler de ce que reçoivent les investisseurs.

M. Porter : La Banque nationale est la seule banque de l'ABC à distribuer activement un produit au détail qui est lié aux fonds de couverture. C'est moi qui suis le mieux placé pour vous parler de la perspective de secteur bancaire sur la divulgation des produits liés aux fonds de couverture.

Je vais devoir parler des divers produits que nous distribuons, parce qu'ils ont des caractéristiques différentes, et la divulgation est fonction du niveau de risque.

Nous avons plusieurs catégories de produits. Le plus risqué de ceux que nous distribuons est ce que nous appelons les billets extra. Il y en a pour une valeur d'environ 150 millions de dollars sur le marché.

Le sénateur Moore : De quoi s'agit-il?

M. Pellerin : Extra, c'est une marque de produit, et le billet n'est pas un dépôt, alors il n'y a pas de garantie sur le principal ni sur l'intérêt. Tout ce que reçoit l'investisseur à la fin dépend du rendement du fonds de couverture que nous gérons. Ce produit est pleinement exposé à notre fonds de couverture.

Le sénateur Moore : Par opposition aux BCP, dont le principal est garanti, c'est bien cela?

M. Pellerin : C'est bien cela. Comme vous pouvez le comprendre, il y a un monde de différence en termes de risque entre un produit qui est complètement exposé et celui qui n'est que partiellement exposé.

Le président : Monsieur Pellerin, quelle serait la récompense pour le risque pris? Quel serait le barème de droits perçus pour le fonds à risque comparativement à celui qui est plus sûr? Quelle serait la marge d'intérêt?

M. Pellerin : L'intérêt pour le risque...

Le sénateur Moore : Tout dépend du rendement.

M. Pellerin : De toute évidence, plus le risque est grand, plus le rendement devrait être grand. Les droits perçus sont fonction du produit.

Il y a plusieurs types de droits. Ce peut être assez déroutant. Le premier type, ce sont les droits que perçoit le gestionnaire du fonds de couverture. La personne qui gère le fonds de couverture perçoit deux types de droits, généralement. Il y a un droit annuel qui est fonction du volume de fonds que le gestionnaire de fonds de couverture gère, qui est d'environ 1 p. 100. L'autre type de droits est une prime d'incitation, qui est un pourcentage du profit généré. Généralement, ce sera de l'ordre de 20 p. 100. Si un fonds de couverture génère 10 p. 100 de revenus par année, ils en tirent en gros le même type de revenus qu'un gestionnaire de fonds mutuels. Si le fonds de couverture génère un revenu plus élevé, ils en tireront un revenu plus élevé. La structure du barème de droits est différente de celle des fonds mutuels, mais ce n'est pas complètement différent.

Des droits sont ajoutés au fonds que nous gérons. Un droit qui nous revient en tant que gestionnaires du risque et fabricants du produit, c'est 1 p. 100.

L'autre droit qui est normalement perçu est le droit de 1 p. 100 pour le réseau de distribution du produit. C'est un autre droit.

C'est le barème des droits général, et il est différent. Tout le monde qui apporte quelque chose à cette équation perçoit un droit, mais fournit un service. Nous fournissons un service de gestion des risques. Nous percevons un droit pour cela. Voilà pour le barème des droits.

Le sénateur Moore : Pourriez-vous revenir sur la communication exemplaire?

M. Pellerin : Le produit le plus risqué, c'est celui qui fait l'objet d'une divulgation complète, comme pour toute autre valeur. C'est en fait un prospectus que nous diffusons, qui a l'aval des organes provinciaux de réglementation des valeurs mobilières.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'est pour un investissement d'au moins 150 000 $? Qui sont généralement ces types d'investisseurs?

M. Pellerin : Il y a deux voies de distribution pour ce produit. L'une est notre filiale, Trust banque nationale. Elle a un produit pour ses clients riches. Il y a 12 000 clients. Il faut investir au minimum près de 500 000 $. C'est un produit de gestion pleinement discrétionnaire. C'est la première voie. Sur 150 millions de dollars, ils distribuent 100 millions de dollars à ces clients. Ce sont des gens très riches. Les 50 millions de dollars restants sont distribués par notre service de courtage au détail, la Financière banque nationale. Là encore, c'est pour ses clients les plus riches. Ce sont les clients qui exigeront plus de diversification du risque. Avec les produits plus risqués, la divulgation est très détaillée. C'est un document de quelque 70 pages.

La deuxième série de produits est entre les deux, en fait de niveau de risque. C'est un véritable BCP. C'est un effet sur sept ans. Le principal est pleinement protégé et garanti par la banque. C'est un billet de dépôt délivré par la banque; le billet jouit d'une protection du principal, mais le rendement ou l'intérêt perçu sera fonction du rendement du fonds. Ce produit est structuré de manière à présenter plus de risque que notre produit de base, dont je parlerai tout à l'heure, parce qu'il sera structuré avec certains de nos gestionnaires dans le bassin de fonds que nous gérons. Tout cela est décrit en détail dans le document d'information que nous distribuons. Il est structuré pour offrir un meilleur rendement, mais avec un risque légèrement plus élevé. Je répète toutefois que le risque n'est limité qu'à la portion de l'intérêt du dépôt. Il y a tout ce marché secondaire que nous offrons. Des renseignements sont fournis dans un document de 72 pages qui décrit tout, du risque aux droits perçus. C'est très détaillé.

Le sénateur Moore : Il nous reste une question. J'aimerais revenir à la première page de votre présentation, monsieur McGirr. Vous y parlé des services de courtage de premier ordre qui sont offerts. Le financement de valeurs mobilières est le premier; et le dernier, c'est la recherche et la consultation.

N'y a-t-il pas de conflit, ici, entre l'offre à un client de produits que la banque juge bons, puis le fait qu'elle en assure le financement?

M. McGirr : Je voudrais dire deux choses. Premièrement, toutes les banques n'offrent pas les mêmes services, alors c'est une liste de services qui pourraient être offerts. La consultation constitue une gamme de services potentiels. La plupart des fonds de couverture n'ont pas le genre d'infrastructure que pourrait offrir un courtier de premier ordre — c'est-à-dire, la consultation de base sur des aspects de l'infrastructure de base. Les banques ne seraient pas en position de conflit potentiel sur ces services. La consultation était prévue y veiller.

Le sénateur Meighen : Je voudrais poser une question, brièvement. Les Canadian Security Administrators ont émis la recommandation que les administrateurs de fonds de couverture devraient s'enregistrer. Est-ce une suggestion utile à votre avis?

M. McGirr : Elle vaut une certaine réflexion.

Le sénateur Meighen : Êtes-vous tous de cet avis?

M. Porter : Je serais d'accord avec mon collègue. Il y a assez de projecteurs fixés sur l'industrie, compte tenu de sa croissance, sans qu'il en faille plus. Divers intervenants dans l'industrie suffisent à assurer la rigueur du processus, en ce qui concerne ceux avec qui on traite, leurs antécédents, et cetera.

Le président : Quand nous étions à New York, nous avons appris que le secteur des fonds de couverture s'était entendu sur une « Regulation Lite », c'est-à-dire l'enregistrement dans quelque coulisse, et sur la supervision administrative et opérationnelle. Certains fonds de couverture ont fait appel aux tribunaux qui, lors de la fameuse affaire Goldstein, ont invalidé cette entente et ils ont été libres d'agir à leur guise. Nous avons l'impression que les grands joueurs dans le domaine des fonds de couverture ont bien accueilli ce que je qualifierais de faisceau de surveillance de la réglementation, par opposition à une réglementation lourde.

Le sénateur Meighen : J'aimerais bien que vous me répondiez au sujet de l'investisseur ordinaire qui entre maintenant, directement ou indirectement, sur le marché des fonds de couverture par le biais des BPC. À ce que je comprends, les BPC sont parfois structurés de manière à échapper à la réglementation. Je m'inquiète que les investisseurs se fassent conseiller par des gens qui ne sont pas toujours aussi sophistiqués qu'ils devraient l'être. Ce n'est pas un domaine simple, clair et facile à expliquer ou sur lequel fournir des conseils, donc il faut des conseillers financiers dotés d'une certaine dose d'expérience. À mon avis, la réglementation n'est pas une panacée, du moins la réglementation appliquée en aval. Vous, messieurs, semblez avoir fait bon œuvre dans votre industrie, qui est à un niveau plus élevé, plus sophistiqué. Si on s'attarde sur ce qu'on pourrait appeler les bases de l'investissement, y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire pour nous assurer que personne ne s'engage dans des fonds de couverture qui ne leur conviennent pas?

M. McGirr : Je donnerai une réponse sans équivoque, et c'est oui.

M. Porter a dit tout à l'heure que le nombre d'investisseurs, y compris les épargnants, qui se tournent vers les catégories de valeur présentant un potentiel de rendement plus élevé constituent strictement la demande et l'offre. Il y a cette quête de rendement et de revenu. Dans le secteur bancaire, il nous faut trouver des moyens de nous assurer que ces clients soient servis et qu'ils aient les produits qu'il leur faut.

La clé, pour s'assurer que les investisseurs fassent les bons choix, c'est la communication, la formation appropriée du personnel de vente, pour que tous les renseignements dont ont besoin les investisseurs leur soient fournis, et le service après vente, pour qu'ils reçoivent les renseignements sur le rendement de leurs effets. Le ministère des Finances examine tous ces aspects dans un document.

Il est vrai que les BCP sont des dépôts. Les banques sont réglementées à l'échelle fédérale et les BCP sont protégés par les banques, et c'est pourquoi ce sont des dépôts. Le rendement des BCP est lié aux fonds de couverture. Nous sommes résolus à ce qu'il y ait une communication de plus en plus grande. Les effets qui présentent un risque nettement plus élevé sont vendus par des gens qui ont reçu la formation appropriée pour pouvoir les vendre.

Je vais demander à M. Pellerin d'en parler, puisque la banque participe aux BCP de fonds de couverture, aux plans de la formation et de la communication.

M. Pellerin : Le produit doit être distribué par des gens qui le connaissent bien. La fabrication du produit est la clé, parce que le plus gros de la gestion des risques se fait quand nous mettons ces produits à la disposition des clients. Ce faisant, nous devons savoir quel genre de clients convient à ce produit particulier.

Le sénateur Meighen : Il faut connaître le client.

M. Pellerin : Voilà déjà 11 ans que nous constituons cette plate-forme de gestion des risques et procédons à la distribution prudente du produit. Nous connaissons très bien le risque inhérent au produit que nous proposons à un client. Nous sommes convaincus qu'ils sont suffisamment informés quand ils achètent le produit.

Pour nous, ce n'est pas un produit qui présente un certain degré de risque qui est inquiétant. Il existe d'autres produits qui comportent plus de risques et qui sont des produits des fonds de couverture. Normalement, les caractéristiques des fonds de couverture sont la diversification du risque, une faible volatilité, un faible niveau de risque, et il n'y a pas de corrélation avec d'autres indices. Ils visent un rendement positif absolu.

Si on trouve tous ces ingrédients dans le produit dont on fait la promotion, ce ne sera pas le produit au meilleur rendement, mais il aura atteint ces trois objectifs. Si ce que recherche le client, c'est la diversification plutôt que les points supplémentaires de rendement, il investira dans un produit qui occupe une place intéressante dans son portefeuille. Ce produit ne convient pas au portefeuille de tout le monde, alors c'est aux gens qui distribuent le produit de savoir à quel client il conviendra.

Le sénateur Meighen : C'est souvent là que vous avez des problèmes.

M. Porter : Chacune de nos organisations respectives aurait un processus fondé sur deux comités pour examiner le produit d'un autre fournisseur, ou notre propre produit. Ils font une évaluation du risque pour la réputation pour nous assurer qu'il n'y a pas d'arbitrage ni de fardeau fiscal excessif dans la structure qui pourrait achopper à un moment donné.

Le président : Comment est structuré le comité?

M. Porter : Le comité doit être composé de cadres supérieurs de l'organisation, y compris, dans notre cas, de notre avocat général principal, d'un premier vice-président du secteur des risques à la banque, et de membres du secteur des affaires. C'est une combinaison de fonctions du personnel et de fonctions administratives, à un échelon très élevé de la direction. L'autre comité est un comité de produit structuré, qui examine le produit pour déterminer s'il y a un degré de transparence suffisant, si les droits perçus sont communiqués et s'il est pertinent et faisable de le vendre à notre effectif de vente. Il y a de nombreux facteurs à prendre en compte.

Le sénateur Meighen : Est-ce qu'il existe des produits qu'on ne peut acheter à moins de démontrer qu'on est un investisseur averti? Est-ce que les fonds de couverture devraient s'inscrire dans cette catégorie? Y a-t-il des contraintes juridiques pour empêcher une veuve au revenu limité d'acheter un fonds de couverture? Je n'en ai pas l'impression.

M. Porter : Non, il n'y a pas de contrainte de la sorte. Un investisseur accrédité qui a 150 000 $ à investir peut acheter des actions spéculatives de pétrole et de gaz ou de haute technologie. Il se fonde sur le facteur de risque divulgué dans le prospectus ou le document d'offre. À notre comité, nous disons que selon le processus en place, l'investisseur va recevoir une notice d'offre, comme M. Pellerin l'a souligné, qui divulgue les facteurs de risque, les commissions, les droits, le rendement, et cetera.

Le président : À ce propos, j'ai récemment examiné quelques déclarations de risque de divers PAPE, par exemple, et elles sont maintenant tellement détaillées sur le plan de l'analyse qu'il s'en dégage essentiellement que c'est totalement risqué. On dit qu'on peut se fier au fait qu'il y a un facteur de risque, mais celui-ci va dans tous les sens. Ces facteurs, qui étaient utiles avant, sont rendus totalement inutiles parce qu'ils sont si vastes qu'ils divulguent un risque total.

Le sénateur Goldstein : J'aimerais d'abord parler des billets à capital protégé, les BCP. Vous avez indiqué qu'un acheteur de BCP obtenait un document d'information. Dois-je comprendre que ce document est aussi complet qu'un prospectus?

M. Pellerin : Oui, c'est la même chose, mais il n'est pas approuvé par l'organisme de réglementation provincial. Il contient la même information de base.

Le sénateur Goldstein : Nul besoin de le faire approuver par un organisme de réglementation provincial, et je le comprends, mais je parle de la forme du document que l'investisseur obtient. Outre le fait qu'il ne porte pas l'imprimatur d'une commission de sécurité ou de diverses commissions, d'après ce que je comprends, il est aussi complet qu'un prospectus, et l'acheteur fait son achat en fonction de ce prospectus.

M. Pellerin : Oui.

Le sénateur Goldstein : Nous avons entendu parler d'un nouveau phénomène dans le domaine de l'investissement et nous avons lu là-dessus. Nous nous retrouvons avec des fonds d'actions qui achètent Chrysler, par exemple; nous nous retrouvons avec d'autres organisations qui achètent toutes sortes d'entreprises aux États-Unis et ailleurs. Par conséquent, nous nous retrouvons dans une situation où les acquisitions et les fusions faites avec de l'argent emprunté (et il n'y a rien de mal à emprunter de l'argent, mais il s'agit tout de même d'argent emprunté) représentent des sommes astronomiques. Pas plus tard qu'aujourd'hui, nous pouvons lire dans le Globe and Mail et le Toronto Star, entre autres, qu'il y a des gens qui s'inquiètent de l'ampleur des sommes utilisées. Certains parlent de frénésie, d'autres de manie. Je ne veux pas trop citer de gens, mais Anthony Bolton de Fidelity International est cité dans le Toronto Star de ce matin pour avoir dit qu'on dépensait trop d'argent en fusions et en acquisitions. Il a dit que les entreprises de rachat dépensaient trop d'argent dans les reprises et qu'ils obtenaient des prêts très peu protégés des banques. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais il s'agit d'une personne assez responsable.

Si ce phénomène s'observe partout dans le système; si les fonds de couverture qui sont effectivement supervisés et qui représentent effectivement des risques limités pour les banques, qui sont elles aussi supervisées, d'après ce que nous comprenons, sont touchés par cette frénésie perpétuelle et s'il y a 10 ans, Long-Term Capital Management a bien failli créer une crise terrible sur le marché, pourquoi tout le monde est-il si optimiste et pourquoi personne ne veut-il de règlement ou de surveillance dans ce domaine? Pourquoi tout le monde prétend-il que le système se régit lui-même et qu'il n'y a pas de risque systémique important? Êtes-vous toujours aussi calme à ce propos?

M. McGirr : De nature, les analystes du risque des banques ne sont ni calmes ni optimistes. Nous nous inquiétons de tout et sommes payés pour nous inquiéter. Je vais vous mettre en contexte.

Il importe de comprendre qu'il y a d'autres raisons profondes pour lesquelles des fonds privés achètent des entreprises. C'est un phénomène mondial. En règle générale, les fonds privés ont un appétit pour le risque plus grand que des actionnaires publics, ils prennent donc des risques qu'on ne prendrait pas habituellement sur le marché public. Ensuite, comme vous l'avez dit, il y a les produits à effet levier. L'effet levier se répartit sur le marché, et le risque se diffuse comme jamais auparavant.

Cela dit, nous sommes dans un marché où il y a plus de demande que d'offre de valeurs génératrices de rendement. Dans ce type de marché, les primes de risque descendent et les banques ont tendance à devenir plus prudentes. De plus, nous consacrons plus de temps aux limites, à la concentration et aux politiques sur le crédit, entre autres.

Ce phénomène s'observe aussi parce qu'il y a un fardeau associé au fait d'être une société publique qui n'existe pas pour les sociétés privées. Il y a d'autres causes que l'effet levier exclusivement.

Je serais porté à dire que quand le risque augmente, nous avons plus tendance à agir de façon contenue et prudente. Nous en sommes à ce stade du cycle. Je ne serais pas optimiste, mais je ne rejetterais pas non plus ce qui se passe. Il y a énormément de liquidités dans le système.

M. Porter : J'ai déjà essayé de répondre à ces affirmations sur le risque systémique, mais notre institution participe activement au marché du prêt aux entreprises aux États-Unis depuis 25 ans. Nous participons aussi activement aux transactions à fort facteur d'amplification. Nous ne sommes pas vraiment très présents depuis trois ou quatre ans, parce que les membres de notre institution en sont arrivés à la conclusion que nous n'étions pas payés pour le risque ou que nous ne pensions pas pouvoir gérer le risque final, soit les prêts sur notre bilan.

Le sénateur Angus nous a demandé s'il y avait des activités ou des marchés auxquels nous ne participions pas. Cela ne signifie pas que nous ne participons pas de temps en temps au marché, mais nous n'y sommes pas un participant actif. C'est une décision stratégique que nous avons prise.

Nous nous inquiétons tout le temps du risque systémique. Cependant, comme on l'observe sur le marché de l'acquisition par emprunt de nos jours, si nous avions tous les trois le choix d'engager du capital dans une acquisition par emprunt bénéficiant d'un facteur d'amplification de sept ou huit fois supérieur à celui du crédit d'une banque unique ou d'acheter un ensemble de 20 prêts d'une banque unique que nous pourrions inscrire à notre bilan avec un bien affecté en garantie de 25 p. 100, je sais quelle option je choisirais. Ce serait la dernière.

Le sénateur Goldstein : Comme vous vous inquiétez constamment, quel type de supervision, de contrôle ou de règlement apaiserait vos inquiétudes?

M. McGirr : Nous nous inquiétons des risques qui sont pris sur les bilans des banques et de la prudence avec laquelle ces risques sont gérés pour protéger le système. Fondamentalement, nous pensons que les forces du marché, c'est-à-dire la prudence dans l'octroi de crédit, nous protègent intrinsèquement contre ces risques systémiques. Nous pensons qu'étant donné les limites, les politiques et les procédures que nous avons en place, de même que l'amélioration continue des pratiques de gestion du risque, c'est l'essentiel de ce qu'il faut faire pour protéger le système financier.

Le sénateur Goldstein : Nous recommanderiez-vous de clore cette enquête?

M. McGirr : Nous ne pouvons nous prononcer que sur le risque lié au crédit et au système bancaire, c'est pourquoi nous axons nos observations sur ces questions. Nous voulions vous garantir que nous nous estimons bien sous contrôle dans notre fonction de contrepoids pour l'octroi de crédit et que nous ne pensons pas ajouter aux risques systémiques.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais séparer mes observations en deux volets.

Le premier, c'est toute la question du risque systémique et de la possibilité que notre système monétaire ainsi que notre économie soient mis en péril. Quand on écoute ce que disent les gens du BSIF et des grandes banques du monde, ils semblent rassurés par le fait que même s'ils n'en savent pas beaucoup sur les fonds de couverture, les banques participent si activement au marché des fonds de couverture qui ont réussi à les rassurer que leurs propres mécanismes de contrôle interne nous assurent que les autres acteurs se comportent comme il faut.

J'ai l'impression qu'aux États-Unis, les principaux créanciers pour les fonds de couverture sont les banques. Est-ce le cas au Canada?

M. McGirr : C'est une question difficile. Il est très difficile d'obtenir des données exactes sur l'ampleur du marché des fonds de couverture. Je vais vous donner une réponse détournée. Les prêts pour les fonds de couverture représentent une infime partie des bilans des banques. Par déduction, je dirais que nous ne sommes pas susceptibles d'avoir une grande concentration de risque lié aux fonds de couverture dans le système bancaire canadien.

Je ne peux pas extrapoler sur cette information pour répondre à votre question de savoir s'il y a d'autres participants financiers au secteur, mais peut-être l'un de mes collègues pourra-t-il vous répondre. Il est difficile d'obtenir des données exactes. Comme le président l'a déjà souligné, on échange des trillions de dollars dans le système financier mondial, et je n'ai jamais vu d'étude ni de renseignements qui m'inspireraient assez confiance pour que je cite un chiffre sur l'exposition au risque.

M. Pellerin : Comme M. McGirr l'a dit, les banques sont d'importants fournisseurs de mécanismes de financement aux gestionnaires des fonds de couverture. Si l'on veut repérer où l'on exerce d'importants effets de levier, il suffit de chercher chez les principaux courtiers, qui sont les banques : Goldman Sachs, l'Union de Banques Suisses, Bear Stearns, à Chicago. Ce sont de grandes sociétés hautement réglementées. La plupart sont établies aux États-Unis, mais elles offrent des services de Londres et de la Suisse. Les organismes qui les régissent sont conscients de l'importance de ces principaux courtiers pour la stabilité du système financier. Il a fallu l'incident de LTCM pour nous faire prendre conscience de la fragilité de ce marché, parce qu'il est très concentré.

Nous nous intéressons aux principaux courtiers parce que nous ne voulons pas qu'un gestionnaire de fonds de couverture qui travaille pour nous ne soit pas bien régi. Le recours à un courtier principal fait partie de notre système de contrôle. Nous voyons comment ils fonctionnent, à quel point ils sont professionnels et avec quelle efficacité ils gèrent le risque comparativement à nous. Nous sélectionnons soigneusement nos principaux courtiers. Ce sont d'importants fournisseurs de financement pour les fonds de couverture. Ils sont très professionnels.

De toute évidence, il y a un élément de risque. Amaranth, qui a connu une débâcle majeure, s'est effondrée sans qu'aucun courtier principal ne remarque le problème. Certains d'entre eux sont dans leurs salles de marché en train de prendre position et de faire des profits en même temps avec les fonds de couverture. C'est l'un des aspects de la surveillance.

Je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de risque, mais les courtiers principaux sont un maillon sensible de la chaîne. Les personnes avec qui nous travaillons sont des professionnels; elles savent ce qu'elles font et sont très supervisées par un organisme de réglementation très exigeant.

Le sénateur Massicotte : C'est la conclusion. Si ce n'est pas vous qui intervenez, dans presque tous les cas, c'est un acteur très réglementé. C'est extrêmement rassurant pour eux. Ils ne les régissent pas directement, mais ils affirment les régir indirectement. S'il ne s'agit pas d'une banque, c'est une autre institution hautement réglementée.

M. Greenspan a dit cette semaine qu'il s'attendait à ce que les taux d'intérêt mondiaux augmentent. Je suis certain que vous menez tous des analyses de sensibilité, de sorte que si les taux d'intérêt augmentaient de 1 ou 2 p. 100, ce ne serait pas grave. Est-ce exact? L'inflation mondiale est sous contrôle; les attentes de rendement et les taux d'intérêt sont à la baisse. Tout le monde utilise des facteurs d'amplification. Un jour, ce sera l'inverse. Êtes-vous tous protégés contre l'augmentation des taux d'intérêt?

M. Porter : Nous analysons tous divers scénarios de perturbations, comme je l'ai déjà dit. Par exemple, nous élaborons des scénarios inspirés de l'effondrement de 1987 et d'autres, de la crise russe de 1998. Habituellement, quand un marché boursier chute radicalement, le marché des rendements baisse et nous imaginons l'inverse. Nous soumettons la situation au pire scénario en termes de résultats sur les marchés financiers. Nous le faisons constamment. Les organismes de réglementation le voient bien. Nous présentons les résultats de ces analyses à notre conseil d'administration et les gérons activement à l'interne.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit qu'il était possible qu'ailleurs dans le monde, la gestion de fonds de couverture ne se fasse pas avec la même prudence qu'ici. Y a-t-il une menace systémique qui guette l'économie du Canada et qui viendrait de fonds de couverture étrangers susceptibles d'avoir des effets sur notre propre économie?

M. Porter : J'ai déjà dit que certaines activités qu'on peut observer sur le marché des États-Unis et celui de l'Europe sont un peu troublantes, sans qu'il faille sonner l'alarme. Sur le marché des acquisitions par emprunt, des entreprises assument un facteur d'amplification de sept ou huit, et les actions visées par ces transactions sont de 20 ou 25 p. 100. Certaines grandes banques mondiales investissent des fonds dans ces actions. Il n'y a pas que des investisseurs de capitaux privés, les banques participent aussi directement. Elles s'en défendront peut-être, mais elles investissent directement des centaines de millions de dollars ou plus.

Qu'arrive-t-il en période de perturbations? Supposons qu'elles se fassent prendre dans le contexte de trois ou quatre transactions différentes. Ce sont d'énormes transactions, des acquisitions par emprunt de 20, 30 ou 40 milliards de dollars. Je ne veux pas être alarmiste, mais ce type de comportement sur le marché s'observe généralement à la fin du cycle.

Le sénateur Massicotte : Nous ne nous demandons pas si l'on peut perdre de l'argent. Nous nous inquiétons du risque systémique qui pourrait avoir de vastes répercussions. Ce n'est peut-être pas prudent, mais il revient à la banque d'en décider. Les banques canadiennes se demandent-elles ce qui arriverait en cas de bouleversement pour que le cas échéant, nous ne soyons pas touchés de façon importante? Sommes-nous menacés par cela?

M. Porter : Non, le système financier canadien est solide et va le rester si l'un de ces scénarios se réalise.

M. McGirr : Si les taux d'intérêt augmentaient et que les taux sans risque qu'on peut obtenir pour une obligation gouvernementale augmentaient demain, les marchés seraient plus équilibrés, et la demande de rendement descendrait un peu parce que les gens déplaceraient leur argent vers des produits moins risqués ou sans risque.

Les marchés ont une merveilleuse façon de se corriger. Autant nous aimons perturber le système, autant il peut s'équilibrer.

Le sénateur Harb : Je vous remercie de vos exposés. Ma question porte sur le pourcentage que les banques investissent dans les fonds de couverture. Quel est le pourcentage de cet investissement aux États-Unis ou en Europe?

La deuxième partie de ma question porte sur ce que Jim Cramer, animateur à CNBC, a dit : « Bien souvent, quand mon fonds de couverture était à la baisse, ce qui voulait dire que j'avais besoin qu'une action descende, je créais au préalable un certain niveau d'activité qui produirait des résultats à l'avenir. C'est amusant et lucratif ».

Il a dit aussi que les gestionnaires de fonds de couverture ont parfois tendance à manipuler le marché pour en tirer avantage.

M. McGirr : Nous reconnaissons que l'exposition au risque représente moins de 2 p. 100 de l'actif des banques. Nous n'avons pas de données sur l'exposition au risque à l'échelle internationale, donc je ne peux pas répondre à cette question.

Pour ce qui est de votre question sur Cramer, les grands investisseurs ont immensément de liquidités sur le marché. Ce n'est pas la première fois que j'entends ce commentaire, mais il est très difficile d'y répondre parce que nous n'observons pas ce phénomène chaque jour.

Le président : Pourriez-vous nous faire parvenir des données qui aideraient le comité? Ces questions sont consignées au compte rendu.

M. McGirr : Nous allons faire de notre mieux pour y répondre.

Le sénateur Eyton : Nous nous inquiétons des fonds de couverture à fort facteur d'amplification. Quand le facteur d'amplification n'est pas si fort et que le risque est moins élevé, nous nous inquiétons moins.

Il y a un thème populaire chez les témoins, tant ici qu'aux États-Unis. On dit que ce sont les institutions financières qui s'occupent des fonds de couverture qui nous préoccupent qui sont les mieux placées pour exercer de la surveillance. J'ai bien écouté, particulièrement M. Porter et sa description du régime d'examen constant. Je n'en connais pas beaucoup sur les fonds de couverture, mais je sais qu'il y a beaucoup de nouveaux fonds de couverture et que leurs activités sont compliquées, presque par définition; qu'ils impliquent d'énormes sommes d'argent; que leurs gestionnaires sont assez futés; qu'il y a différentes positions; qu'ils touchent tous les lieux et tous les produits et que les changements s'opèrent rapidement.

Dans ce contexte, les mêmes administrateurs vont faire affaire avec d'autres institutions et non seulement les banques principales ou secondaires. Je peux comprendre qu'on puisse exercer une bonne surveillance d'un fonds de couverture particulier, mais il me semble presque impossible de juger des autres activités du même fonds de couverture avec d'autres institutions financières ou d'autres entités. Je ne vois pas comment on peut exercer une surveillance véritablement efficace sans une bonne vision globale.

Pouvez-vous me rassurer? Dans quelle mesure pouvez-vous comprendre toutes les activités d'un fonds de couverture particulier compte tenu des échanges et de leurs positions, y compris de tous ceux auxquels vous ne participez pas directement?

M. McGirr : Le premier principe fondamental, c'est que nous connaissions notre client. Nous nous faisons un devoir de connaître ses affaires. Nous allons éviter de prendre des risques si nous n'avons pas assez de renseignements financiers ou non financiers adéquats sur ces transactions.

Cependant, il y a des risques légitimes dont nous nous inquiétons, comme les échanges à sens unique dans lesquels toutes les institutions sont du même côté du marché. Quand nous n'avons pas l'impression d'être renseignés sur l'ampleur du risque ainsi que les pratiques de gestion du risque, les transactions ne répondent pas à nos critères et en règle générale, les banques n'y participeront pas.

M. Porter : Encore une fois, nous avons nos propres méthodes pour connaître notre client. On lui rend visite, on se renseigne sur les rendements de son actif net et l'on voit comment il se comporte. Si nous n'aimons pas son comportement, nous allons l'inscrire à une liste interne de surveillance et l'en aviser.

Le sénateur Eyton : Avez-vous accès à des renseignements à jour? Les échanges se font le matin et peuvent se terminer l'après-midi. C'est par ce processus que vous pouvez examiner une entité et rendre visite aux gens.

M. Pellerin : Nous faisons beaucoup affaire avec les administrateurs de fonds de couverture pour concevoir les produits que nous distribuons. Je vous ennuierais à mourir si je vous donnais tous les détails de notre stratégie de gestion du risque.

Le président : Je vous en prie, ne le faites pas. Veuillez bien vouloir résumer vos réponses, parce que nous manquons de temps.

M. Pellerin : L'aspect le plus important, c'est la pleine transparence. Pour chaque investissement qu'un administrateur de fonds de couverture veut faire en notre nom, il doit nous divulguer l'information pertinente le même jour civil. Nous avons une heure de fermeture, qui est habituellement fixée à 16 heures, et avant cela, tout doit nous être communiqué. Nous entrons ces renseignements dans notre système de gestion du risque, puis pouvons faire le suivi des dossiers en continu.

Le sénateur Eyton : Je me demandais surtout si les données étaient vraiment à jour, et vous avez répondu à ma question.

Le sénateur Ringuette : Je vous remercie de comparaître ici ce soir. Je suis désolée que notre comité ne se soit pas réservé deux heures complètes pour votre présentation. En tant que principal représentant de nos banques canadiennes, vous le mériteriez. Je suis très désolée aussi que nous empiétions sur le temps prévu pour un autre sujet important. Je vais donc vous faire parvenir mes questions par écrit, dans l'espoir que le comité de direction de notre comité se penche sur la question très sérieusement.

Le président : Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie. C'était si passionnant que j'ai laissé certains sénateurs parler plus qu'il n'était raisonnable de le faire. Je vais demander à tous les sénateurs qui ont des questions de vous les envoyer par écrit, et nous allons lire toutes vos réponses. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.

J'ai l'intention de réinviter le prochain témoin à l'avenir aussi. Il vit à Ottawa et nous voulons lui rendre justice à lui aussi.

Je vous remercie beaucoup. Je m'excuse aux sénateurs qui n'ont pas eu suffisamment de temps pour poser des questions. Comme vous pouvez le voir, nous tenons beaucoup à trouver les sources du problème. Nous avons l'impression de ne pas avoir encore étudié la question dans le menu détail, donc c'est un travail qui va se continuer.

Honorables sénateurs, nous passons à un sujet différent : les obstacles au commerce intérieur. Il n'y a pas de libre- échange au Canada, mais plusieurs obstacles interprovinciaux. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce examine présentement les obstacles au commerce interprovincial et interterritorial qui existent au Canada, notamment la mesure dans laquelle ces obstacles nuisent à la croissance et à la rentabilité des secteurs visés, ainsi que la capacité des entreprises des provinces et des territoires de créer, de concert avec les États américains concernés, de nouvelles régions économiques qui permettront d'accroître la prospérité.

Nous voulons évaluer l'impact des obstacles interprovinciaux et trouver des moyens de forger de nouveaux partenariats le long de la frontière pour augmenter la productivité au Canada.

Le comité estime que la question des obstacles au commerce intérieur est très importante, étant donné que nous cherchons à bâtir un avenir prospère et concurrentiel. Les obstacles augmentent les coûts des entreprises et, partant, des consommateurs; ils peuvent se traduire par des pratiques non efficientes qui entraînent une baisse de la compétitivité et de la productivité. Nous devons mettre l'accent sur les mesures qui contribuent à augmenter la compétitivité et productivité, et éliminer les obstacles au commerce intérieur qui nous empêchent d'atteindre ce but.

La réunion d'aujourd'hui est importante à la lumière des déclarations faites par le ministre des Finances en novembre 2006 au sujet de la nécessité d'accroître la concurrence et la productivité.

Deux engagements de politique publique ont été pris à l'égard du secteur industriel : favoriser une union économique plus forte en continuant de collaborer avec les provinces et les territoires en vue d'accroître les échanges intérieurs et la mobilité de la main-d'œuvre — il y a du nouveau sur ce front —, et créer un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières, sujet dont nous entendrons davantage parler à l'avenir.

Nous accueillons aujourd'hui un représentant du Congrès du travail du Canada. Il s'agit de M. Weir, qui est économiste.

Monsieur Weir, je voudrais, avant de vous céder la parole, vous présenter des excuses. La réunion a quelque peu déraillée en raison de la complexité du sujet. Nous allons vous poser autant de questions possibles et vous réinviter à comparaître devant le comité à la première occasion, si vous êtes d'accord. Comme vous êtes à Ottawa, il est facile pour vous de venir nous rencontrer.

Je tiens à vous présenter des excuses en mon nom et au nom du vice-président. Nous vous écoutons.

Erin Weir, économiste, Congrès du travail du Canada : Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Le principal message que je désire vous transmettre aujourd'hui est le suivant : l'existence d'obstacles interprovinciaux a été fortement exagérée et, dans de nombreux cas, les remèdes proposés sont pires que la présumée maladie.

Il n'y a, au Canada, aucun poste d'inspection douanière le long des frontières provinciales, ni aucun tarif sur le commerce interprovincial. Le gouvernement fédéral possède, en vertu de la Constitution, un pouvoir sur le commerce interprovincial, et les tribunaux ont systématiquement invalidé les tentatives des gouvernements provinciaux de l'entraver.

Ce que de nombreux observateurs considèrent comme des obstacles commerciaux sont, en fait, des différences réglementaires entre les provinces, lesquelles sont inévitables dans un régime fédéral. Plus important encore, il n'existe, sur le plan économique, aucune preuve qui démontre que ces différences ont un impact sur le commerce interprovincial. Je vous ai remis un document préparé par John Helliwell. Si l'on tient compte de la distance et de la taille du marché, le commerce interprovincial est aussi intense que le commerce intraprovincial. Autrement dit, rien n'indique que les frontières provinciales nuisent aux échanges.

D'après les données de Statistique Canada, le commerce interprovincial a augmenté, entre 2000 à 2006, quatre fois plus vite que le commerce international. Encore une fois, les obstacles interprovinciaux ne semblent pas nuire au commerce interprovincial.

Toujours dans le même ordre d'idées, la Commission royale Macdonald s'est penchée sur la question en 1985. Ses recherches l'ont amené à conclure que les obstacles interprovinciaux ne coûtent pas plus que 0,05 p. 100 du produit intérieur brut — soit un vingtième d'un point de pourcentage du PIB. Depuis, l'accord sur le commerce intérieur a eu pour effet d'éliminer bon nombre ou la plupart des obstacles qui existaient à l'époque de la Commission. Ce chiffre de 0,05 p. 100 du PIB représente moins de 1 milliard de dollars, si l'on se fonde sur la situation économique actuelle du Canada. Toutefois, le coût des obstacles qui existent toujours est plus proche de zéro que de 1 milliard de dollars.

Donc, la Commission a conclu en 1985 que : les coûts directs des obstacles commerciaux interprovinciaux paraissent faibles. Leur influence quantitative sur le niveau de l'activité économique du Canada n'est pas suffisante pour justifier une réforme majeure.

À mon avis, les quelques obstacles qui restent ne justifient aucunement la vaste approche rigoriste adoptée dans l'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre, conclu récemment entre l'Alberta et la Colombie-Britannique. La formulation très large de cet accord, et le fait qu'il autorise les entreprises, de façon presque illimitée, d'intenter des poursuites contre les gouvernements provinciaux, les municipalités et les conseils scolaires pourraient créer toutes sortes d'embûches et de risques, et aussi avoir des effets négatifs sur la politique provinciale. Les études de Gould et de Shrybman, que j'ai déposées, montrent comment l'accord pourrait, à bien des égards, réduire la capacité des gouvernements provinciaux d'agir dans l'intérêt du public.

À mon avis, l'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre n'apportera aucun avantage économique notable. Il va toutefois entraîner des coûts significatifs en ce sens qu'il va réduire la capacité des gouvernements provinciaux qui veulent adhérer à l'accord d'élaborer des politiques.

Le sénateur Ringuette : J'invite le témoin à venir nous rencontrer de nouveau pour que nous puissions passer en revue tous ces documents et mener une étude approfondie.

Le sénateur Moore : Je trouve vos propos intéressants. Vous dites que rien n'indique que les obstacles interprovinciaux entraînent une baisse de productivité. Vous citez quelques chiffres. Selon vous, l'accord entre la Colombie-Britannique et l'Alberta n'est pas justifié, compte tenu des coûts de main-d'œuvre élevés qu'il implique.

Vous dites le contraire de ce que tous les autres témoins ont affirmé. Tous ceux qui ont comparu devant le comité, allant du gouverneur de la Banque du Canada aux autres premiers ministres, ont laissé entendre le contraire.

Pour ce qui est de l'entente conclue entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, on nous a dit qu'elle va permettre, dès la première année, d'injecter 450 millions de dollars dans l'économie albertaine et de créer 4 400 emplois, ce qui montre à quel point elle est importante. L'Ontario a dû penser la même chose parce que la province cherche maintenant à adhérer à l'accord.

Le sénateur Meighen : Le Québec aussi.

Le sénateur Moore : C'est exact, sénateur Meighen.

Je trouve vos propos intéressants. Vous pouvez peut-être m'éclairer. Est-ce que toutes ces personnes ont tort? Les prévisions se concrétisent. Dites-moi pourquoi vous ne pensez pas que cet accord est une bonne chose.

M. Weir : Vous avez tout à fait raison de dire que mon point de vue est différent de ceux que vous avez entendus jusqu'ici. Voilà pourquoi je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité.

Les chiffres que vous avez mentionnés concernant les avantages de l'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre viennent du Conference Board du Canada. Ils soulèvent de sérieuses questions. Le rapport que j'ai préparé de concert avec Marc Lee, et que j'ai déposé auprès du comité, contient une analyse détaillée des prévisions du Conference Board touchant la Colombie-Britannique. L'organisme prétend que l'accord ajoutera 4,8 milliards de dollars à l'économie de la Colombie-Britannique, ce qui représente plus de la moitié de la valeur de tous les biens et services exportés actuellement vers l'Alberta. Il n'est pas possible qu'une entente qui aurait pour effet d'augmenter légèrement les exportations de biens et de services entraîne des avantages équivalant au double, ou plus, de la valeur actuelle de ces exportations.

Je vous ai remis une note d'information préparée par Patrick Grady, un ancien haut fonctionnaire du ministère des Finances, qui appuie l'analyse critique que j'effectue du rapport du Conference Board relativement à la Colombie- Britannique.

Enfin, concernant la Saskatchewan, le document de John Helliwell, que j'ai déposé, porte sur l'étude qu'a réalisée le Conference Board de cette province. M. Helliwell est un ancien président de l'Association canadienne d'économique. Il soutient qu'aucune donnée empirique n'appuie les prévisions du Conference Board pour ce qui est des changements apportés au PIB et à la situation d'emploi de la province.

Le sénateur Moore : Est-ce que les renseignements figurent dans ce rapport-ci?

M. Weir : Oui, à la page 7, au début de la rubrique intitulée « Summary and Possible Next Steps ».

Le sénateur Meighen : Sénateur Moore, puis-je poser une question supplémentaire?

Le sénateur Moore : Allez-y.

Le sénateur Meighen : Monsieur Weir, ces prévisions sont peut-être fortement exagérées, mais vous avez fait allusion à certains dangers, à certains effets négatifs dans votre exposé. Quels seraient ces dangers dans le cas de la mobilité de la main-d'œuvre?

M. Weir : L'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre — le TILMA — a ceci de négatif qu'il ne vise pas à éliminer les mesures discriminatoires entre les différentes provinces, mais plutôt les mesures qui « limitent ou entravent » le commerce interprovincial, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre.

Le président : Monsieur Weir, le TILMA renvoie à l'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre. Il y a deux ententes : celle conclue entre l'Alberta et la Colombie-Britannique, et nous croyons comprendre que d'autres provinces veulent y adhérer, et celle conclue entre l'Ontario et le Québec. Nous avons entendu dire que M. Charest voulait en élargir la portée.

Le sénateur Ringuette : C'est faux.

Le sénateur Meighen : C'est faux. Il veut en proposer une nouvelle.

Le président : M. Charest veut en proposer une nouvelle, mais l'Alberta a conclu un accord et d'autres provinces veulent maintenant y adhérer. Il est question, ici, du TILMA.

M. Weir : Je tiens à ce que les choses soient très claires : je fais allusion à l'accord conclu entre la Colombie- Britannique et l'Alberta.

Cet accord vise à supprimer tout obstacle qui limite ou entrave les activités économiques. J'ai beaucoup de mal à imaginer une politique publique, une loi, un règlement qui n'influence pas, d'une façon ou d'une autre, les activités économiques. L'accord n'a pas encore été contesté devant les comités de règlement des différends, mais j'ai l'impression qu'il va avoir un effet pour le moins négatif sur les municipalités et les conseils scolaires : ces derniers vont hésiter à lancer des projets ou à renforcer leurs normes de crainte d'être la cible de poursuites assorties d'amendes pouvant atteindre jusqu'à 5 millions de dollars. Cet accord a une portée beaucoup plus vaste que l'Accord de libre-échange nord-américain. Nous avons déjà éprouvé, dans certains cas, des difficultés avec le chapitre 11 de cet accord. Grâce au mécanisme de règlement des différends qu'il prévoit, il est plus simple pour les entreprises de contester les politiques publiques. Voilà le danger réel qui existe à mes yeux : le fait que l'accord pourrait empêcher les gouvernements de remplir leurs mandats et d'agir dans l'intérêt du public.

Comme je l'ai déjà mentionné, les études de Gould et Shrybman nous donnent des exemples précis de ce qui pourrait arriver.

En voici un : un conseil scolaire de la Colombie-Britannique a cherché à interdire la malbouffe dans les écoles. Il s'est fait dire qu'il n'avait pas le droit de le faire, car cela irait à l'encontre du TILMA.

Le sénateur Goldstein : J'ai lu ce que certains syndicalistes ont dit au sujet du TILMA. Larry Hubich — qui, comme vous le savez sans doute, est le président de la Saskatchewan Federation of Labour — a fait état des préoccupations que l'accord soulevait chez lui. Il a laissé entendre que les conseils scolaires perdraient la capacité de mettre sur pied des programmes de déjeuners sains, que les municipalités ne pourraient limiter la hauteur des bâtiments ou interdire l'usage de pesticides, que les provinces seraient incapables de réglementer les centres de soins infirmiers, ainsi de suite.

Ce que l'on constate ici, c'est que l'impact d'une entente ou d'un accord de cette nature ne se mesure qu'à l'aune de son contenu. Si le contenu de l'entente ne porte que sur la réduction ou l'élimination des obstacles au libre-échange, alors vous ne devriez avoir aucune préoccupation au sujet de cet accord.

Ensuite, il serait bon de préciser que, dans le cas du conseil scolaire de la Colombie-Britannique que vous avez cité, il ne s'agissait que d'un avis, non pas d'une décision rendue par un tribunal ou un conseil d'arbitrage.

Franchement, j'ai l'impression — je vais être très franc et je m'excuse si cela vous dérange — que les syndicats provinciaux veulent à tout prix conserver leur pouvoir au sein de la province. Ils n'aiment pas l'idée d'avoir un accord qui encourage le commerce interprovincial. Prenons l'exemple de l'ALENA : malgré tous les problèmes qu'il présente, il n'a pas empêché les écoles d'interdire la malbouffe. Les choses ne se passent pas de cette façon.

M. Weir : Pour revenir à la première partie de votre question, l'accord, malheureusement, est libellé en termes très généraux et ne vise pas uniquement les obstacles interprovinciaux. Comme je l'ai mentionné, il existe très peu d'obstacles. Je préférerais un accord qui s'attaque à des problèmes précis et propose des solutions précises, et non un accord qui englobe presque tous les pans de l'économie et qui donne ensuite aux entreprises le pouvoir d'intenter des poursuites contre les gouvernements au motif que des violations auraient été commises.

Il se peut que rien de tout cela ne se produise. Toutefois, pourquoi courir le risque, compte tenu du fait que le problème n'est pas si grave et qu'il existe de meilleures façons de le régler?

Pour ce qui est du conseil scolaire de la Colombie-Britannique, vous avez tout à fait raison. Aucune décision n'a été rendue par un tribunal. En fait, l'accord, dans le cas des conseils scolaires et des municipalités, ne s'appliquera pas avant deux autres années. Toutefois, il risque d'avoir l'effet néfaste que j'ai mentionné : en raison de sa portée très vaste, l'accord pourrait empêcher les gouvernements d'adopter des politiques publiques importantes.

Concernant les syndicats provinciaux, je tiens à signaler que le Congrès du travail du Canada est une association nationale. En fait, nous prônons l'adoption de normes nationales rigoureuses dans bon nombre de domaines d'activités. Ce qui nous préoccupe, c'est le fait d'avoir une entente qui pourrait ramener les normes dans toutes les provinces au plus faible dénominateur commun.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Weir, supposons que je travaille comme maître-électricien dans le Nord du Manitoba, que je suis syndiqué et que l'on m'offre un emploi en Ontario. Je ne peux accepter le poste si je ne suis pas membre du syndicat — n'est-ce pas?

M. Weir : Êtes-vous en train de dire que l'existence de syndicats est un obstacle interprovincial?

Le sénateur Goldstein : Non, absolument pas. Toutefois, le caractère restrictif des règles d'adhésion syndicale et l'absence d'ententes entre les divers syndicats provinciaux nuisent, dans une très grande mesure, à la mobilité de la main-d'œuvre.

M. Weir : Concernant la mobilité de la main-d'œuvre et les métiers spécialisés, sachez que le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme appelé Sceau rouge interprovincial, qui fixe des normes nationales très élevées pour les gens de métier, y compris les électriciens.

Le sénateur Goldstein : Oui, mais aucun syndicat n'a encore adopté les normes établies dans le cadre du programme.

M. Weir : Je ne suis pas d'accord. Mon père s'occupe de former des d'apprentis électriciens en Saskatchewan. Tous sont formés en fonction des normes Sceau rouge de la province.

Le sénateur Goldstein : Oui, mais le fait d'être formé selon les normes du programme Sceau rouge ne permet pas à un électricien de la Saskatchewan de travailler au Manitoba.

M. Weir : Au contraire. Il peut travailler dans cette province, à moins que le Manitoba ne reconnaisse pas le programme Sceau rouge.

Le sénateur Goldstein : Ce sont les syndicats qui ne le reconnaissent pas. Et même s'ils le reconnaissent, ils n'acceptent pas qu'un maître-électricien puisse aller travailler dans une autre province.

Le président : Je vois qu'on ne s'entend pas. Vous pouvez peut-être vous renseigner et nous répondre par écrit. Il y a divergence d'opinions, et ce n'est pas ici que nous allons régler la question. Vous pouvez peut-être faire quelques recherches de votre côté. Nous allons faire de même. Veuillez faire parvenir votre lettre au greffier.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes un économiste, et j'ai besoin de votre aide. Ce que j'ai appris à l'école, c'est que plus les marchés sont fluides, plus les secteurs de l'emploi, les secteurs financiers, le marché des biens essentiellement, vont aider l'économie à s'adapter rapidement aux ajustements qu'elle doit apporter régulièrement dans le but de devenir plus efficace et, à la longue, de répondre de manière satisfaisante aux besoins de la société.

Vous dites, d'emblée, non. L'accord a pour objet d'assurer la fluidité des ajustements économiques. Vous dites que cet objectif ne sert pas les intérêts économiques. Aidez-moi à comprendre. Expliquez-moi pourquoi cet objectif ne sert pas les intérêts économiques.

M. Weir : Je pense que vous avez défini correctement la théorie économique qui sert de base au libre-échange. Ce que je dis, c'est qu'il n'y a pas vraiment d'obstacles interprovinciaux qui entravent de manière significative la fluidité.

Si vous jetez un coup d'œil aux échanges interprovinciaux, vous allez constater que, si l'on tient compte de la distance et de la taille du marché, les provinces canadiennes sont douze fois plus susceptibles d'échanger des produits, et trente fois plus susceptibles d'échanger des services les unes avec les autres qu'avec des États américains. Il est vrai que certains règlements provinciaux imposent aux entreprises des coûts, en raison des objectifs de politique générale qu'ils fixent. Toutefois, rien n'indique que ces règlements nuisent au commerce interprovincial ou entravent la fluidité de notre union économique.

Le sénateur Massicotte : Au Québec, qui est ma province d'origine, les pressions politiques incitent le premier ministre à adopter des politiques qui permettent de recueillir des voix, ce qui semble être à son avantage. Toutefois, de nombreuses analyses sérieuses laissent entendre que les gains sont de courte durée. Les règlements entravent les échanges, la fluidité des marchés de l'emploi, des marchés financiers, des marchés de produits. Par conséquent, seul un accord-cadre où toutes les parties acceptent de laisser tomber leurs intérêts locaux ou partisans peut permettre au Canada de sortir gagnant. Or, il existe de nombreux accords de ce genre, ce qui donne à penser que les accords de libre- échange sont avantageux, sauf que vous dites qu'ils ne le sont pas.

M. Weir : C'est un domaine où le comité pourrait apporter une contribution utile au débat. Il m'apparaît logique d'analyser les règlements provinciaux, d'évaluer les coûts qu'imposent les objectifs de politique générale aux entreprises. Si nous constatons que les règlements ne permettent pas d'atteindre un objectif louable et qu'ils entraînent des coûts économiques, alors il faut les modifier. Toutefois, il faut évaluer les règlements provinciaux objectivement, sans se laisser influencer par toutes ces préoccupations concernant le commerce interprovincial. Bon nombre de ces règlements méritent d'être examinés. Toutefois, rien ne prouve qu'ils ont un impact sur le commerce interprovincial. Je ne vois pas l'utilité d'en discuter dans ce contexte.

Le président : Permettez-moi de vous interrompre pendant une minute ou deux. Je voudrais revenir aux points qu'a soulevés le sénateur Moore. Tout cela étonne un peu le comité. Il se peut que nous n'ayons pas toutes les données en main. Toutefois, le rapport auquel vous avez fait allusion est le rapport de Donald Macdonald, qui a été rendu public en 1985. Les statistiques au cours de toutes ces années ont changé.

Le comité a réalisé une étude sur le sujet. Il a reçu de l'information non seulement du Conference Board du Canada, mais également du Canadian Centre of Living Standards. Les renseignements reçus à ce moment-là nous ont permis de conclure que plusieurs secteurs de l'économie, dont le secteur des services financiers, étaient inefficaces. Nous n'avons pas d'organisme commun de réglementation. Nous sommes le seul pays au monde qui ne possède pas d'organisme national de réglementation du commerce des valeurs mobilières, ce qui est tout à fait contre-productif. Amasser des capitaux au Canada coûte plus cher, et prend plus de temps, qu'ailleurs. La croissance en souffre.

Nous avons entendu également les témoignages des représentants de l'industrie de la construction concernant leur secteur d'activité — ce qui s'inscrit, je crois, dans la foulée de la question du sénateur Goldstein. Nous savons qu'à Toronto, notamment, une frénésie s'est emparée du domaine de la construction et, à cause des obstacles au commerce interprovincial, il a été impossible d'obtenir l'aide des maçons, des électriciens, et cetera. des autres provinces, même si ceux-ci étaient sans emploi et traversaient une période difficile, par exemple à Montréal.

Vous nous avez fait part de ce problème, sur lequel, de toute évidence, nous devrons nous pencher. Vous avez simplement abordé brièvement la situation de l'industrie de la construction, dont la productivité, soit dit en passant, est l'une des pires, et cela nous a convaincus. Ne croyez-vous pas que cela pose un problème? L'accord sur la mobilité de la main-d'œuvre conclu notamment entre l'Alberta et la Colombie-Britannique n'est-il pas utile à cet égard, en permettant à la main-d'œuvre de se déplacer facilement d'une province à l'autre en fonction de la demande?

M. Weir : Je dirai dans un premier temps que j'adhère à l'idée d'un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. En ce qui concerne l'industrie de la construction, je suis également en faveur du Programme du sceau rouge interprovincial et je préconise son élargissement. Ce sont là deux moyens d'établir des normes nationales élevées reconnues par l'ensemble des provinces, ce qui est valable.

L'accord conclu entre l'Alberta et la Colombie-Britannique dans le domaine de la construction fait simplement sien le principe du Programme du sceau rouge interprovincial, sans contribuer davantage à accroître la mobilité de la main- d'œuvre dans ce secteur d'activité. En fait, si vous parcourez l'évaluation effectuée par le Conference Board du Canada sur les répercussions en Colombie-Britannique, vous constaterez qu'on y évoque même la possibilité de gains dans l'industrie de la construction à cause de la mobilité de la main-d'œuvre déjà favorisée par ce programme. Même le Conference Board, qui préconise avec insistance l'élimination des obstacles au commerce interprovincial, concède que ces obstacles n'existent pas dans ce secteur d'activité.

D'une façon générale, je répète que, lorsque des problèmes précis se posent, je suis tout à fait en faveur d'une collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux en vue d'élaborer des solutions particulières. Je m'oppose à ce qu'on conclue une entente exhaustive visant presque tous les secteurs de l'économie pour ensuite recourir aux tribunaux qui l'interpréteront d'une façon restrictive en fonction d'obstacles précis.

Le président : Si j'ai bien compris, et les sénateurs pourront me reprendre si je fais erreur, l'accord sur la mobilité de la main-d'œuvre entre la Colombie-Britannique et l'Alberta compte environ 178 exemptions. On ne peut pas tout à fait parler d'un libre-échange intégral. L'accord regorge d'exemptions. Nous avons entendu des témoignages sur la question des comptables, le différend entre les comptables agréés et les comptables généraux licenciés. Leur mobilité serait restreinte en raison des prétendues normes élevées. Lorsque nous avons posé des questions pour déterminer ce qu'il en était, nous nous sommes rendu compte que ces normes élevées avaient vraiment un effet productif et ne visaient pas la mobilité d'un CGA, qui pourrait facilement s'établir dans une autre province et y voir ses titres de compétence reconnus. Lorsque nous parlons de « normes élevées », nous nous demandons immédiatement : « S'agit-il de normes élevées ou s'agit-il de mesures de protection qui restreignent la mobilité de la main-d'œuvre? »

M. Weir : Vous vous interrogez à juste titre sur les professions réglementées. Les provinces ont déjà conclu, pour bon nombre de ces professions, des accords de reconnaissance mutuelle. Certaines de ces professions ne sont pas visées par l'Entente sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'œuvre, notamment parce qu'elles sont réglementées indépendamment par les gouvernements provinciaux respectifs. Il est donc très difficile d'harmoniser le tout dans le cadre d'un accord interprovincial. Il est certes possible que des professions autoréglementées abusent de leur pouvoir de réglementation pour protéger leur chasse gardée, mais je peux difficilement concevoir une solution constructive autre que la négociation, ces organismes et les gouvernements provinciaux voulant à tout prix s'arroger la réglementation de ces professions, ce que, me semble-t-il, personne ne préconise, y compris les tenants de l'accord entre l'Alberta et la Colombie-Britannique.

Le président : Nous approchons de la fin de la séance. Monsieur Weir, j'espère que nous vous reverrons. Sous réserve de la décision du comité directeur, j'ai l'intention d'inviter de nouveau les représentants du Conference Board du Canada, et vous pourriez peut-être comparaître avec vos spécialistes, de façon à pouvoir, espérons-le, vider la question du différend entre vous, vos conseillers, le Conference Board et les autres. Nous saisirons notre comité directeur de cette question, car nous voulons obtenir des faits qui soient clairs.

Je vous remercie de votre témoignage. Nous vous convoquerons de nouveau, à un moment qui conviendra au comité et à vous. Nous souhaitons vous remercier de nous avoir fait part d'un point de vue très intéressant et assez différent.

La séance est levée.


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