Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 23 - Témoignages du 17 mai 2007
OTTAWA, le jeudi 17 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour examiner, afin d'en faire rapport, les obstacles au commerce interprovincial.
Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue aux témoins, aux sénateurs et aux Canadiens qui écoutent l'émission d'un océan à l'autre, y compris par Internet.
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce continue son étude des obstacles au commerce interprovincial qui existent au Canada et, plus particulièrement, la mesure dans laquelle ces obstacles limitent la croissance et la rentabilité des secteurs touchés ainsi que la possibilité, pour les entreprises des provinces et des États américains touchés, de former des régions économiques susceptibles de favoriser la prospérité.
Nous étudions les obstacles au commerce qui existent au Canada, entre les diverses provinces, pour voir si des nouveaux modèles de régions économiques qui chevauchent la frontière permettraient de favoriser la croissance, l'efficience et la concurrence.
Notre comité est d'avis que la question des obstacles au commerce intérieur revêt une importance capitale pour nous, qui cherchons à nous donner un avenir prospère. Souvent, à notre avis, les obstacles en question ont pour effet d'accroître les coûts assumés par les entreprises — et, au bout du compte, par les consommateurs, nous dit-on. Hier, nous avons entendu un autre son de cloche. Selon nous, les obstacles en question peuvent miner l'efficience, ce qui réduit la compétitivité et la productivité. Nous devons nous attacher à des mesures concrètes qui servent à améliorer la compétitivité et la productivité, et éliminer les obstacles au commerce intérieur qui empêchent d'une façon ou d'une autre d'atteindre ce but.
Nous avons le plaisir d'accueillir les représentants de l'un des plus augustes groupes de réflexion politique au Canada, l'Institut C.D. Howe. J'ai rencontré M. C.D. Howe une fois; l'homme avait une formidable personnalité. Nous sommes très heureux de pouvoir accueillir les témoins importants que sont M. Finn Poschmann, directeur de la recherche, et Kathleen Macmillan, présidente, International Trade Policy Consultants.
Monsieur Poschmann, vous avez la parole. Il paraît que vous avez préparé une courte déclaration préliminaire.
Finn Poschmann, directeur de la recherche, Institut C.D. Howe : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis très heureux d'être là. Je vais formuler quelques observations préliminaires, puis je céderai la parole à Mme Macmillan, qui mène une réflexion profonde sur les questions auxquelles s'intéresse le comité.
Une mise en garde rapide, si vous le permettez : Mme Macmillan et moi sommes là plus ou moins sous le parrainage de l'Institut C.D. Howe, mais nos propos et nos idées nous appartiennent. Ils ne sont pas forcément partagés par les membres de l'Institut ou nos administrateurs.
J'apprécie vraiment les efforts que déploie le comité pour apporter un souffle fédéral à l'union économique. Voilà comment je vois le programme d'action du comité. Vous vous en souviendrez peut-être, l'État de l'union politique et économique a constitué un élément important des travaux de mon institut, surtout à la fin des années 1980 et tout au long des années 1990, époque à laquelle l'union politique a occupé le devant de la scène nationale, tandis que les relations commerciales nord-sud subissaient une évolution majeure. L'Accord de libre-échange, l'ALE et l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, sont des séismes économiques qui ont secoué le pays, tout comme l'Accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown ont été des événements importants pour la formation de l'union politique et de l'union économique que nous connaissons aujourd'hui.
Un des événements heureux de cette période a été l'adoption à l'unanimité de l'Accord sur le commerce intérieur, l'ACI, qui promettait de renforcer l'union et de valoriser la citoyenneté économique.
En 1996, nous en étions à nous inquiéter des forces présidant à la décentralisation et au démêlement des rôles fédéraux-provinciaux — ce qui n'est pas mauvais d'un point de vue fédéraliste — et de la relation économique en émergence le long de l'axe nord-sud, appelée à éroder la valeur de notre citoyenneté économique. Après tout, si la relation économique du Québec avec l'État de New York, par exemple, en venait à être un élément dominant du bien- être économique de la province, quel serait le tort relatif des obstacles au commerce avec l'Ontario?
En 1996, l'espoir que nous caressions, et qui a été essentiellement déçu, c'était que les institutions fédéralistes — par exemple l'ACI — pouvaient et sauraient être renforcées, de manière à donner un équilibre entre l'effet compensateur des forces politiques décentralisatrices et le pouvoir d'attraction des forces économiques nord-sud. De fait, au moyen d'institutions fédéralistes renforcées, il nous fallait pouvoir préserver la valeur de l'union politique et économique.
Il n'y a pas grand-chose qui ait changé depuis. L'ACI a connu quelques succès, mais, pour la plus grande part, il est demeuré moribond. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point.
Cependant, à mon avis, le nouvel accord conclu entre l'Alberta et la Colombie-Britannique doit sonner le réveil du gouvernement fédéral. L'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre — le TILMA, ou Trade, Investment and Labour Mobility Agreement — est une réalisation impressionnante, même si plus du tiers du texte est consacré à des exceptions. L'accord est impressionnant dans le sens où il incarne une pensée avant-gardiste de la part de gouvernements provinciaux, de l'imagination, de l'ouverture, une volonté de courir un risque politique afin de favoriser le bien-être futur des Canadiens. Le gouvernement de la Colombie-Britannique, en particulier, mérite d'être félicité d'avoir engagé ses habitants dans cette nouvelle direction.
Tout de même, ce à quoi il nous faudrait réfléchir, c'est qu'il est bizarre que le TILMA existe même.
Imaginez que les parties au TILMA sont deux administrations qui scrutent l'horizon géopolitique et en viennent à la conclusion que les pourparlers multilatéraux sur la libéralisation du commerce n'arrivent à rien. Elles décident alors d'engager des pourparlers bilatéraux mutuellement avantageux et concluent un accord bilatéral qui jette les autres administrations dans la perplexité : doivent-elles s'y joindre, créer leur propre accord ou chercher à nouer d'autres liens commerciaux?
Voilà qui est bizarre, de la part de provinces canadiennes. Dans cette optique, l'existence du TILMA pourrait être considérée comme la preuve que les autorités fédérales — et provinciales — ne s'attachent pas suffisamment à la santé de l'union économique.
Cela me fait conclure que le comité a bien choisi son sujet d'étude et que, dans la mesure où il produit des recommandations viables quant au rôle que peut jouer le gouvernement fédéral pour améliorer la santé de l'union économique, il aura bien servi le Parlement et aussi le Canada.
Kathleen Macmillan, présidente, International Trade Policy Consultants, Inc. (ITPC), Institut C.D. Howe : Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui de vous parler des obstacles au commerce intérieur, aux investissements et à la mobilité de la main-d'œuvre. Je suis l'auteur d'une étude générale à venir de l'Institut C.D. Howe sur le sujet. Nous vous avons remis hier des copies de l'ébauche du document. J'ai également publié des études sur le commerce intérieur pour la Canada West Foundation, le gouvernement du Canada et la Chambre de commerce du Canada.
J'aimerais vous parler du TILMA, l'accord conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, et de ce qu'il a de prometteur du point de vue de la libéralisation du commerce au Canada. Tout de même, je sais que vous vous intéressez au coût des obstacles au commerce intérieur et notamment à la liste des obstacles importants à cet égard; je vais donc en toucher un mot d'abord.
Comme d'autres témoins ont pu vous le dire, il est difficile de saisir les coûts économiques des obstacles au commerce intérieur. Si vous posez la question aux entreprises, elles vous diront que ces coûts sont considérables, tout comme le ferait n'importe quelle personne qui se voit refuser l'occasion de travailler dans une autre province. Tout de même, les études empiriques sur les pertes de bien-être économique associées aux obstacles au commerce intérieur indiquent que les effets sont très modestes, puisqu'ils représentent moins de un demi pour cent du PIB.
L'absence de preuve économique concrète du coût des obstacles au commerce intérieur n'a pas empêché des organismes internationaux comme l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, et le Fonds monétaire international, le FMI, d'affirmer que les obstacles au commerce intérieur représentent un des facteurs les plus importants qui expliquent la productivité relativement faible que nous affichons au Canada. L'idée, légitime ou non, que les obstacles au commerce intérieur abondent au Canada teinte le regard que portent sur nous les investisseurs internationaux. Les obstacles en question peuvent être modestes, mais l'impression qu'ils donnent a un grand effet, qui remet en question notre engagement à l'égard de la compétitivité et de la libéralisation du commerce international.
Au bout du compte, de notre point de vue à nous, le droit de travailler et de faire des affaires partout au Canada devrait suffire à justifier l'élimination des obstacles qui restent au commerce et à la mobilité de la main-d'œuvre au pays.
Les dirigeants du monde des affaires désignent habituellement les restrictions à la mobilité de la main-d'œuvre, les préférences locales en matière d'approvisionnement gouvernemental, les règlements visant les entreprises — en particulier ceux qui touchent l'agriculture et la sécurité — comme étant les plus importants obstacles au commerce.
L'ACI a fourni une tribune pour discuter des problèmes de mobilité de la main-d'œuvre et a permis de faire certains progrès à cet égard. De même, il s'est révélé très utile pour éliminer les cas de préférence locale dans le domaine de l'approvisionnement gouvernemental. Il a été moins utile pour s'attaquer à la réglementation. C'est là un élément que les entreprises désignent toujours comme étant un des problèmes les plus importants du marché intérieur.
Le problème fondamental de l'ACI comporte trois aspects : premièrement, c'est un édifice incomplet, c'est-à-dire que, à moins d'être expressément incluses, les mesures gouvernementales ne figurent pas dans la liste d'obligations. Deuxièmement, il faut l'unanimité pour faire des progrès. Par exemple, après 12 ans, nous n'avons toujours pas de chapitre sur l'énergie. Il y a une seule province dissidente dans le dossier de l'énergie, et cela suffit à bloquer les choses. Troisièmement, comme il n'y a pas de mécanisme effectif de règlement des différends, les parties peuvent faire fi de leurs obligations sans être pénalisées.
L'Accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre est né de la frustration ressentie face à la lenteur des progrès réalisés sous la coupe de l'ACI. L'architecture fondamentale de l'accord conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta diffère de celui de l'ACI. Il y est présumé que toute mesure touchant le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre entre dans le champ d'action de l'accord, à moins d'en être expressément exclue. Entre autres, les dispositions du TILMA prévoient la reconnaissance réciproque ou l'harmonisation des règles commerciales et des normes du travail. Par conséquent, une personne jugée compétente pour travailler dans une des deux provinces a le droit de travailler dans l'autre sans avoir à renouveler ses titres de compétence. Le même raisonnement vaut pour l'enregistrement des entreprises et l'immatriculation des véhicules automobiles. De même, le TILMA prévoit un système efficace de règlement des différends qui a force exécutoire. Il facilite l'accès aux éléments privés, et la partie qui fait fi de ses obligations est susceptible d'être frappée d'une sanction pécuniaire. C'est donc un progrès important à cet égard.
Il n'y a pas que l'élimination des obstacles au commerce. L'objectif à long terme de l'accord bilatéral conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta consiste à faire converger les réglementations de part et d'autre et à instaurer une plus grande coopération économique.
Les autorités britanno-colombiennes et albertaines montrent la voie dans le dossier. Le leadership dont elles font preuve ressemble à celui qu'a exercé le gouvernement fédéral en 1994 au moment de la négociation de l'ACI. Les deux provinces en question ont maintenant pris les rênes de ce dossier.
Comme M. Poschmann l'a signalé, les autres gouvernements du Canada étudient très attentivement l'accord. La négociation entrait dans le champ d'action de l'article sur l'accession de l'Accord sur le commerce intérieur. De ce fait, d'autres parties peuvent se joindre à l'accord conclu entre les deux provinces. Il est peu probable qu'elles soient nombreuses à le faire, car le TILMA comporte des aspects susceptibles de rebuter les administrations, notamment en ce qui touche les subventions aux entreprises et l'agriculture.
Au moment d'examiner leurs options stratégiques, les gouvernements feraient bien d'examiner de très près l'accord conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Celui-ci comporte des aspects qui sont très attrayants et qui pourraient être intégrés à l'ACI. Il y a, premièrement, les mécanismes de règlement des différends; il y a aussi les dispositions touchant l'harmonisation des normes techniques pour les entreprises et des normes agricoles.
J'espère que le modèle que représente le TILMA pourra être mis à l'épreuve et, de même, que les gouvernements auront le courage de l'étudier attentivement.
Le sénateur Ringuette : Je suis toujours intéressée par les questions touchant la main-d'œuvre et je dois dire que le TILMA me semble être quelque chose de positif. De même, je trouve que le gouvernement fédéral a un rôle de leader à jouer pour favoriser la mobilité de la main-d'œuvre. Par exemple, à l'heure actuelle, il est accepté dans les lois fédérales que des obstacles géographiques s'appliquent — à raison de 45 p. 100 — aux emplois dans la fonction publique fédérale.
Le gouvernement fédéral aura un rôle de taille à jouer du point de vue de la mobilité de la main-d'œuvre. Ce sera un problème tant et aussi longtemps que les provinces ne le verront pas intervenir ainsi. L'élimination des obstacles au commerce interprovincial ne progresse pas au rythme que souhaiteraient voir le milieu des affaires et les citoyens. Le gouvernement fédéral verse de grandes sommes d'argent pour les routes interprovinciales — l'entretien et tout le reste —, mais une seule et unique immatriculation n'est pas obligatoire pour les véhicules, comme c'est le cas dans le TILMA.
Pour ce qui est de l'industrie du camionnage, les réglementations diffèrent entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau- Brunswick, entre le Québec et l'Ontario et ainsi de suite. Étant donné la géographie du Canada, cela m'apparaît semblable au cas de la mobilité de la main-d'œuvre : des formalités inutiles et une réglementation très coûteuse du point de vue du milieu des affaires et de l'industrie du camionnage et ainsi de suite.
Comment envisagez-vous le rôle de leader que jouerait le gouvernement fédéral en rapport avec ces questions liées au transport et à la mobilité de la main-d'œuvre?
M. Poschmann : Je vais parler d'abord de la réglementation en matière de transports.
Le TILMA a ceci de bon qu'il comporte l'objectif à long terme que constitue l'harmonisation des réglementations. Les parties se donnent ainsi une fin heureuse à laquelle ils aspirent, et qui tient compte directement des différences régionales que vous avez mentionnées en ce qui concerne les transports et les permis.
Je ne sais pas si c'était là votre intention, mais vous avez fait ressortir un des outils de travail à la disposition du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a à sa disposition un excellent levier qui lui permet d'encourager les provinces à harmoniser leurs normes sans même peser sur les plus grands leviers, qui sont, bien entendu, les leviers constitutionnels. Pour ce qui est des liens routiers interprovinciaux, il existe des mesures d'incitation assez simples sur lesquelles le gouvernement peut insister.
Dans le dossier de la main-d'œuvre, je suis d'accord : le bilan du gouvernement fédéral n'est pas parfait, mais je crois que la mobilité de la main-d'œuvre va de soi. La citoyenneté économique appartient aux Canadiens individuellement, et tous les gouvernements devraient adopter les mesures nécessaires pour faire en sorte que chacun, au Canada, peut tirer pleinement parti de cette citoyenneté.
Mme Macmillan : Merci. C'est une excellente question. Je suis tout à fait d'accord avec les observations de M. Poschmann, auxquelles je souhaiterais ajouter quelque chose. La mobilité de la main-d'œuvre est une question qui relève essentiellement de la compétence des provinces et qui est liée fortement aux corporations, car plusieurs corporations, par exemple celles des infirmières, des avocats et des ingénieurs, sont créées par charte provinciale. Les provinces doivent travailler de concert avec les corporations en question pour faire des progrès. Le rôle du gouvernement fédéral est important à certains égards, mais je crois que l'essentiel du travail relève des corporations et des provinces.
Cependant, vous avez soulevé une question très intéressante au sujet des pratiques d'embauche du gouvernement fédéral lui-même. Nous avons tendance à croire que le gouvernement fédéral a pour tâche de veiller sur tout cela; de fait, il est partie à ces ententes. Il est un élément de la solution, mais, à certains égards importants, il est aussi un élément du problème, et il doit se pencher sur ses propres politiques.
Instaurer un mécanisme de règlement des différends qui soit efficace et exécutoire permettrait de résoudre bon nombre des problèmes liés à la mobilité de la main-d'œuvre. Le mécanisme permettrait aux particuliers à qui on refuse la possibilité de travailler dans certaines provinces de s'en remettre à un comité d'arbitrage qui rendrait une décision exécutoire. Il serait possible d'éliminer ces obstacles si les particuliers pouvaient les contester directement en sachant que cela aboutirait à une solution finale. Il faudrait alors que les corporations étudient très sérieusement ce qui se passe.
Le sénateur Ringuette : Je ne montre pas du doigt le gouvernement de tel ou tel parti. Les Canadiens ont des droits de mobilité garantie, de sorte qu'ils peuvent gagner leur vie partout au pays. C'est inscrit dans notre Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, la Charte est une responsabilité fédérale qui n'a jamais été prise au sérieux comme outil de travail par quelque administration.
Par exemple, il y a aussi l'immigration. Les employeurs de divers secteurs au pays font valoir que le gouvernement fédéral devrait accepter bon nombre d'immigrants dans certains secteurs. Nous avons vu une grande augmentation du nombre d'immigrants venus travailler dans le domaine agricole en Ontario, et nous voyons des exigences importantes appliquées dans d'autres régions du pays. L'immigration relève du gouvernement fédéral. Celui-ci dispose d'un levier qui fait qu'il peut dire à la société des ingénieurs, des médecins ou des infirmières : « Nous sommes d'accord pour dire que vous avez un besoin dans votre industrie et nous allons vous aider à satisfaire ce besoin grâce à l'immigration. Toutefois, vous devez vous assurer que cela se fait. »
Je sais que c'est une question difficile et, jusqu'à maintenant, il n'y a eu que des discussions. Il a fallu attendre le TILMA, que deux provinces s'entendent pour progresser sans attendre que d'autres provinces se décident, pour attirer l'attention sur les questions en jeu. Au bout du compte, je suis d'accord avec vous. J'aimerais que le gouvernement fédéral joue un rôle plus important à cet égard.
M. Poschmann : Je serais un peu plus nerveux si le gouvernement fédéral décidait d'imposer une norme particulière de certification ou de formation dans une profession. Le gouvernement fédéral ne possède pas forcément d'avantages comparatifs pour ce qui est de déterminer les normes en question.
Toutefois, le TILMA constitue un modèle dont peut se servir le gouvernement fédéral pour exercer une pression sur les provinces, par les nombreux leviers à sa disposition, pour qu'il y ait reconnaissance réciproque des normes : c'est que les solutions sont assez simples.
Le sénateur Tkachuk : Andrew Coyne a dit à quel point il est bizarre que l'Alberta et la Colombie-Britannique, à la manière de deux pays souverains, concluent un accord commercial, car le commerce est une responsabilité fédérale. Les provinces ont conclu un accord distinct, ce qui met à l'écart les autres provinces du pays d'une façon qui pourrait conduire à une balkanisation, à l'avenir.
Madame Macmillan, vous avez mentionné le fait que l'accord en question comporte d'autres aspects avec lesquels les autres provinces seraient d'accord, mais qu'il y en avait deux — d'une part, les subventions, de l'autre, l'agriculture — qui pourraient les rebuter. Pouvez-vous nous donner quelques exemples?
Mme Macmillan : Des exemples de provinces que ça rebuterait peut-être?
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit que les autres provinces auraient peut-être de la difficulté à adhérer à l'accord du fait que celui-ci entrave les subventions aux entreprises et l'agriculture, et vous avez laissé cela en suspens. Je n'ai pas compris tout à fait ce que vous vouliez dire.
Mme Macmillan : Il existe des provinces qui seraient rebutées par tous les aspects de l'accord conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Elles s'opposeraient au système exécutoire de règlement des différends, car elles y verraient une ingérence dans un champ de compétence provinciale légitime. Certaines provinces sont plus près d'en comprendre l'idée.
En règle générale, le TILMA est adapté à la situation des deux provinces qui l'ont conclu. Ces provinces n'ont pas de grands secteurs agricoles où prévaut la gestion de l'offre. Le TILMA donne à entendre qu'il faudrait harmoniser toutes les normes techniques dans le domaine agricole, même si les denrées visées par la gestion de l'offre seraient tenues à l'écart. Les provinces où le secteur agricole fonctionne dans une grande proportion selon le principe de la gestion de l'offre pourraient bien décider que l'accord ne leur convient pas.
Pour elles, c'est une pente glissante. Dès qu'on décide de discuter de la couleur de la margarine, il n'y a pas à attendre très longtemps pour que la question du lait de consommation se retrouve sur la table aussi. C'est le genre de chose qui pourrait se révéler catastrophique pour certaines provinces.
Pour ce qui est des subventions aux entreprises, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont décidé entre elles qu'elles interdiraient toute subvention qui nuit de quelque manière que ce soit aux entreprises de l'autre province. Par exemple, elles ne sont pas d'accord avec les subventions au développement régional, le genre de subventions qui est monnaie courante dans les provinces et que verse, lui aussi, le gouvernement fédéral.
Les dispositions du TILMA en matière de subventions sont un peu vagues et n'ont pas encore été mises à l'épreuve. Le libellé des dispositions en matière de suspension de l'accord bilatéral est très différent de celui de l'Accord sur le commerce intérieur, qui ne fait qu'énoncer des principes et interdire le maraudage direct des entreprises. Sinon, l'Accord sur le commerce intérieur ne dit pas grand-chose des subventions.
Les provinces qui sont attachées aux subventions au développement régional ou aux subventions à l'intention de certains secteurs industriels sont un peu mal à l'aise face à ce que prévoit le TILMA à cet égard.
Le sénateur Ringuette : Je suis étonnée de vous entendre dire que la Colombie-Britannique et l'Alberta s'opposent au programme de développement régional. Hier, nous avons entendu dire qu'il y a un accord en bonne et due forme qui a été conclu pour le développement urbain de Vancouver. Qu'est-ce qu'il en est?
Mme Macmillan : Par exemple, si une entreprise albertaine se sentait exclue ou subissait autrement les méfaits de subventions, elle pourrait plaider sa cause devant un comité d'arbitrage. Il lui faudrait établir que c'est bien une subvention qui a été versée, que la subvention nuit à ses intérêts et qu'elle est contraire aux obligations auxquelles les deux provinces ont souscrit. Puis, il faudrait qu'elle gagne la cause.
Cela ressemble aux obligations que nous avons sous le régime de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, c'est-à-dire que, officiellement, le Canada n'a pas le droit de verser toute une série de subventions, mais, comme nous le savons bien, nous en versons. Nous devons faire attention qu'elles ne nuisent pas directement aux intérêts commerciaux de nos concurrents.
Comme je l'ai dit au sénateur Tkachuk, les dispositions en question n'ont pas encore été mises à l'essai, mais, en apparence, le libellé semble plus strict que celui de la version actuelle de l'Accord sur le commerce intérieur.
Le sénateur Tkachuk : C'est un cas qui est semblable à celui de l'industrie du cinéma : tout le monde veut son petit Hollywood, ce qui sert à développer une partie du pays. D'autres provinces veulent leur petit Hollywood elles aussi, si bien qu'elles commencent à injecter les fonds et qu'elles essaient d'acheter un tournage ici et là.
En Saskatchewan, c'est un problème. Par ailleurs, cela n'aide pas les relations entre les provinces, car c'est un domaine extrêmement concurrentiel.
Nous devrions nous attacher aux obstacles les plus flagrants. L'approvisionnement gouvernemental me vient à l'esprit. N'importe qui au Canada devrait pouvoir soumissionner sur n'importe quel contrat gouvernemental. Il ne devrait pas être difficile de trouver une solution de ce point de vue. Un autre obstacle qui me vient à l'esprit, comme le sénateur Ringuette l'a souligné, ce sont les restrictions à la mobilité de la main-d'œuvre. Dans ces deux domaines-là, si nous disions que ce sont les deux priorités... quels seraient certains des plus gros obstacles à surmonter pour libérer les soumissions sur les contrats gouvernementaux et adopter des règles raisonnables concernant la mobilité de la main- d'œuvre?
Vraisemblablement, il ne serait pas possible d'agir dans tous les domaines, car, par exemple, les avocats et autres professionnels doivent, pour exercer leur métier, subir avec succès un examen provincial. Nous ne pourrions changer cela. Il existe des cas où nous pouvons changer la donne, par exemple, celui du menuisier. Le menuisier qui construit une maison dans une région du pays doit posséder les mêmes habiletés que le menuisier qui construit une maison dans une autre région du pays. Pourriez-vous nous parler un peu de ces domaines?
M. Poschmann : Je demanderais à Mme Macmillan de répondre à cette question pour que je puisse revenir moi- même au début de votre question sur les cas délicats. Il serait impardonnable que je n'insiste pas pour dire que quelqu'un doit parler directement d'agriculture au comité.
Le sénateur Tkachuk : Ce serait merveilleux.
Mme Macmillan : Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur : en envisageant la manière d'orienter la politique, il nous faut nous attacher aux obstacles les plus flagrants. De même, nous devons nous attacher à ceux qui sont le plus faciles à éliminer. L'Accord sur le commerce intérieur, conclu en 1995, a permis de faire des progrès considérables dans le domaine de l'approvisionnement gouvernemental. Dans le dossier des préférences locales, nous avons d'excellentes règles, mais on pourrait en faire plus. Par exemple, nous pourrions réduire les seuils, et il y a une longue liste d'entreprises exclues. L'ACI a été très utile pour discipliner les achats des gouvernements provinciaux. Il a aussi permis de faire entrer dans cette catégorie les sociétés d'État, les municipalités, les établissements et les services sociaux. Cela ne veut pas dire que tout le travail est fait, mais notons que l'Accord sur le commerce intérieur compte là un succès extraordinaire.
Les modifications touchant la mobilité des travailleurs, il faudrait les faire de concert avec les corporations professionnelles. Au moment où j'ai commencé à écrire sur le sujet du commerce intérieur durant les années 1980, le coiffeur licencié au Manitoba ne pouvait travailler au Nouveau-Brunswick. Évidemment, nous voulons tous une bonne coupe de cheveux, mais il était si ridicule d'exiger des coiffeurs qu'ils aient des permis pour couper les cheveux. Nous avons fait des progrès à cet égard.
À mon avis, la meilleure façon de supprimer ces obstacles consiste à instaurer un système efficace de règlement des différends, qui est accessible aux gens auxquels une occasion a été refusée et qui leur permet d'obliger les gouvernements à respecter leurs obligations en la matière, et à travailler avec les corporations professionnelles.
La convergence des règlements est une autre question, qui nous amène à parler des commissions provinciales des valeurs mobilières, des transports et de l'agriculture — ce que disait M. Poschmann. Ce ne sont pas des obstacles classiques au sens où ils ne relèvent pas de politiques motivées expressément par le protectionnisme ou mises en place intentionnellement pour restreindre l'accès, mais il existe des règles excessives, des cas de double emploi et des différences inutiles en ce qui concerne, par exemple, la hauteur et la largeur des essieux de camion. Ce sont des règles qui ne donnent rien, mais quelqu'un doit essayer de les comprendre.
La beauté de l'accord conclu entre l'Alberta et la Colombie-Britannique, c'est que tout en relève à moins d'en être expressément exclu — toutes les dimensions du commerce sont en jeu. C'est une tribune importante pour s'attaquer aux tâches simples, c'est-à-dire, pour les gens, de s'asseoir et d'en parler. Je parlerais aussi de cette question de réglementation.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une question complémentaire au sujet d'un obstacle irritant — les magasins d'alcools. Nous faisons de l'excellente bière au Canada et nous avons une merveilleuse industrie vinicole. Dans les magasins d'État, il faut avoir accès à une liste pour vendre des produits. Cela n'évoque qu'une chose à mes yeux, et je ne souhaite pas en parler, mais, néanmoins, c'est du protectionnisme. L'Alberta a des magasins d'alcools privés, qui ont soulevé toute une controverse. Lorsque les gens voyagent, c'est là qu'ils veulent acheter leur vin; l'Alberta propose des vins du monde entier. La présentation des produits est extraordinaire. De même, les petits magasins s'adressent à leurs propres créneaux du marché.
Comment l'Alberta et la Colombie-Britannique ont-elles réglé cela dans leur accord, étant donné que la Colombie- Britannique compte des magasins d'alcools d'État et des magasins de vins appartenant à des intérêts privés, alors que l'entreprise est totalement libre en Alberta?
Mme Macmillan : Je ne sais pas. L'accord est entré en vigueur en avril 2007. On dispose de deux années, soit jusqu'en avril 2009, pour y voir clair; je suis donc désolée de dire que je ne sais pas encore comment elles ont réglé leurs différends. Cependant, le gouvernement de l'Alberta a toujours un monopole sur l'importation des alcools. La seule privatisation qui a eu lieu est celle qui a touché le domaine de la distribution au détail. Présumément, elles vont mettre sur pied un système quelconque, mais je ne sais pas ce à quoi cela va ressembler.
Le sénateur Tkachuk : En Ontario, si nous le trouvons quelque part, le gouvernement se chargera de l'importer pour nous. Il n'y a pas d'obstacle à l'achat de gros par le gouvernement. Que protège la Saskatchewan dans le cas de l'industrie vinicole? Nous ne faisons pas de vin.
Mme Macmillan : Elle protège les recettes fiscales de la vente de vin.
Le sénateur Tkachuk : M. Poschmann parlera d'agriculture.
Le président : Si vous le permettez, je proposerais que le comité s'enquière de l'ordre d'importance des secteurs où une réduction a été proposée. Je crois savoir que vous avez proposé une réponse un peu contradictoire quand vous avez dit : Voici certains des cas en question, mais en voici qui sont plus faciles à régler. Il y a d'une part une question tactique à propos de la façon de procéder pour apporter les réductions voulues, même si ce n'est pas protectionniste, si vous voulez. Ce serait très utile si chacun d'entre vous donniez au comité une liste des secteurs visés.
La question devient complexe; nous allons devoir nous attacher aux grands dossiers aussi bien qu'à certains des petits. Monsieur Poschmann, vous vouliez réagir aux observations du sénateur Tkachuk.
M. Poschmann : Je peux peut-être m'occuper de cette liste en même temps. Le premier élément est la mobilité de la main-d'œuvre, et le premier jalon du chemin, la reconnaissance réciproque des normes. C'est clair comme de l'eau de roche. L'autre, c'est le projet d'harmonisation des réglementations, que le gouvernement fédéral peut encourager, et, en ce sens, l'accord sur le commerce, les investissements et la mobilité de la main-d'œuvre conclu par la Colombie- Britannique et l'Alberta, le TILMA, nous montre bien la voie.
Je ne laisserai pas le domaine agricole s'en tirer avec un petit air entendu. Pour ce qui est des obstacles et des coûts majeurs touchant le succès économique des Canadiens, il faut signaler le cas du secteur agricole et se demander pourquoi le Canada n'a pas de secteur de transformation des produits laitiers où règne la concurrence internationale. Pourquoi ne sommes-nous pas de grands producteurs et exportateurs de fromage, de lait et de tout ce que nous voudrions par-dessus le marché? Nous ne sommes pas en position d'y arriver, non pas parce que nous risquons de voir la balkanisation, sénateurs... parce que nous sommes balkanisés par la gestion de l'offre. Si nous ne sommes pas prêts à l'admettre, Dieu nous aide.
Le sénateur Moore : Hier, il y a une personne qui a comparu devant le comité, M. Erin Weir, du Congrès du travail du Canada. Il a fait quelques déclarations qui sont tout à fait à l'opposé de ce que nous avons entendu sur le sujet par le passé. Il a affirmé qu'il n'est pas si évident de dire que les obstacles au commerce interprovincial sont à l'origine de la perte de productivité au Canada. Il a dit que la question du commerce interprovincial et des obstacles à la croissance de la productivité à cet égard a donné lieu à un débat embrouillé.
Il a cité un document, que vous avez mentionné vous-même dans l'ébauche de rapport que vous avez remis, intitulé A New Prescription : Can the B.C.-Alberta TILMA Resuscitate Internal Trade in Canada?. À la page 3, vous dites :
Pour plaider en faveur de la réduction ou de l'élimination des obstacles, il n'est pas nécessaire d'exagérer l'estimation des coûts.
Plus bas, dans la note, on peut lire :
Pour une estimation élevée du coût des obstacles au commerce intérieur, il faut lire une étude récente du Conference Board (2005) faisant voir que le TILMA relèverait le PIB de 3,8 p. 100, ou 4,8 milliards de dollars, en Colombie-Britannique, ce qui est 10 à 20 fois supérieur aux estimations précédentes du coût des obstacles compté pour le Canada en entier.
L'écart est grand. Il affirme que cela n'est pas important, que l'impact des obstacles est négligeable — l'équivalent de un vingtième de 1 p. 100, pour ce qui est de l'impact négatif des obstacles.
Le président : Vous souvenez-vous de l'année qu'il a citée à ce sujet, hier?
Le sénateur Moore : Il a parlé du rapport Macdonald, de 1985.
Le président : Nous l'avons lu, mais le nombre de secteurs couverts n'était pas grand. À quel moment a-t-il réalisé son analyse statistique? Est-ce que c'était en réaction à l'étude du Conference Board du Canada?
Le sénateur Moore : C'était une statistique de 2005.
Le président : C'est donc actuel.
Le sénateur Moore : Vous dites que pour plaider en faveur de la réduction ou de l'élimination des obstacles, il n'est pas nécessaire d'exagérer l'estimation des coûts. Vous dites que les chiffres sont élevés. Quels sont les chiffres, selon vous?
En quoi cela est-il utile à la Colombie-Britannique et à l'Alberta? Quelqu'un a affirmé que la productivité en Alberta allait s'accroître de l'équivalent de 450 millions de dollars et qu'il y aurait création de 4 400 emplois. Est-ce que ce sont des données concrètes?
Mme Macmillan : Je sais que vous avez entendu plusieurs témoins et que vous avez posé à tous la même question sur les coûts. C'est une tâche extrêmement délicate. Si nous nous fions à la modélisation macro-économique classique, nous constatons que les coûts sont très faibles.
Cependant, si nous demandons à un entrepreneur donné qui ne peut vendre son produit dans la province d'à côté ou à un travailleur donné qui ne peut exercer son métier dans une autre province ou un autre territoire... nous nous entendons pour dire que, dans la mesure où ces gens-là se voient refuser une occasion, le coût est très élevé.
Il existe différentes méthodes d'estimation des coûts. Personnellement, je ne suis pas d'avis que le Conference Board du Canada ait adopté la bonne approche. Pour cette raison, je crois que son estimation des avantages du TILMA est très exagérée. Comme je l'ai dit dans mon rapport provisoire, nous n'avons pas besoin d'exagérer l'estimation pour justifier l'idée qu'il faut réduire ces obstacles au commerce intérieur. C'est un droit fondamental que possèdent tous les citoyens canadiens, celui qui consiste à pouvoir travailler, vivre et gagner sa vie n'importe où au pays.
Le travail de la Commission Macdonald est de l'histoire ancienne. L'autre remarque qu'il faut faire, c'est que, depuis que la commission a réalisé ses travaux, nous avons accompli d'énormes progrès — surtout dans le domaine de l'approvisionnement gouvernemental et de la mise en marché du vin et de la bière, qui étaient de gros éléments du point de vue des coûts — quand il s'agit d'aplanir les obstacles en question.
Le sénateur Moore : Si les chiffres en question sont exagérés, peut-on dire qu'ils sont justes à 50 p. 100?
Vous parlez de l'approche du Conference Board. Je ne sais pas quelle était cette approche, mais l'avez-vous examinée pour essayer de la retravailler et d'en arriver à des statistiques qui, selon vous, seraient plus raisonnables et traduiraient bien le résultat du TILMA en Colombie-Britannique?
Mme Macmillan : Non, je ne l'ai pas fait. J'ai examiné leur approche d'assez près pour savoir que ce n'est pas une approche valable, à mon avis.
Le sénateur Moore : Est-ce qu'ils ont tort à 50 p. 100 ou est-ce qu'ils ont tort sur toute la ligne?
Mme Macmillan : Je n'aurais pas entrepris la même analyse que le Conference Board. Celui-ci a sondé un très faible nombre d'entrepreneurs et leur a demandé quel serait, à leur avis, l'effet probable du TILMA sur leurs affaires. Ils ont fixé arbitrairement un pourcentage : votre chiffre d'affaires va-t-il croître de 5 p. 100, de 15 p. 100? Il a recueilli ce très faible nombre de réponses et en est arrivé à ce nombre incroyable, que la plupart des économistes tiennent pour grandement exagéré.
La meilleure approche consiste à procéder comme l'ont fait les auteurs des études travaillant pour la Commission Macdonald durant les années 1980, soit de se pencher sur un modèle de bien-être et d'examiner les pertes en efficience qui découlent des obstacles en question.
Cette approche-là présente toutefois des problèmes. Permettez-moi de vous donner un exemple. Si on me refuse la possibilité de travailler dans votre province, cela me coûte du point de vue du revenu. Cependant, vous allez peut-être obtenir l'emploi; vous allez toucher le revenu, de sorte que votre avantage annule mon coût.
Il y a un faible montant supplémentaire qu'il faut compter du côté des coûts, car j'aurais peut-être été mieux qualifiée que vous — le coût nécessaire à l'économie serait donc minuscule. Voilà ce que mesurent les modèles de bien- être macro-économiques; ils ne mesurent pas ce qu'il m'en coûte à moi de ne pouvoir occuper à un emploi pour lequel j'étais probablement mieux qualifiée. Voilà les questions de méthodologie avec lesquelles nous nous débattons. Selon nous, il s'agit ici d'une question fondamentale de droits.
Le président : Quand j'ai examiné le rapport Macdonald, j'ai constaté que plusieurs secteurs en étaient exclus. Nous avons des études des Nations Unies qui font voir que les formalités administratives entraînent des coûts matériels du point de vue de l'efficience et de la productivité. Nous avons établi cela en réalisant notre étude, en regardant la question de la productivité. Le rapport Macdonald ne comportait pas de telles analyses, ni d'ailleurs le rapport du Conference Board, je crois.
C'est unanime : tout le monde nous a dit — le gouverneur, les banques, les témoins accueillis récemment, le Conference Board et d'autres intervenants — que la réglementation des valeurs mobilières constitue un des obstacles à l'efficience et à la productivité. C'est un sujet qui n'était pas inclus. Ça ne saurait se mesurer; on ne peut que dire que, chacun le sait, c'est très important.
La même chose s'applique à d'autres mécanismes de réglementation, par exemple dans le cas des sociétés commerciales. Nous avons entendu le sénateur Moore, des comptables généraux licenciés et bon nombre de groupes. Dans les groupes en question, qui sont diversifiés, on dit que ce n'est pas efficient. Les soins infirmiers, les médecins étrangers — il y a toute une panoplie de choses là.
Personne n'a procédé à la coagulation de ces statistiques. Là où on détruit ou mine les statistiques du Conference Board — nous ne sommes pas là pour les défendre —, les gens disent que c'est un vingtième de 1 p. 100... et nous savons que ça ne peut être le cas. Voilà le scepticisme qui se manifeste ici. Nous avons besoin d'aide. Nous ne sommes pas là pour créer des faits; nous sommes là pour examiner les faits et déterminer le rapport coût-efficience.
Vous pourriez nous aider en examinant certaines études dans le domaine de la réglementation. L'ONU a effectué une étude sur les coûts liés à la réglementation; c'est une très bonne étude selon laquelle le Canada fait un très mauvais travail à ce chapitre. Il y a une partie non négligeable des coûts qui est attribuable aux poursuites judiciaires, à cause des retards dans la procédure et des problèmes à cet égard. Il y a une panoplie de problèmes qui sont tous liés. Si vous pouviez nous aider dans ce domaine, ce serait important.
Le sénateur Moore : Je viens de la Nouvelle-Écosse. Le mois dernier, il y a eu une réunion des quatre ministres responsables du commerce des provinces de l'Atlantique, à laquelle ont participé 25 personnes du milieu des affaires. Tous ces gens se sont réunis à Moncton. L'une des participantes à cette réunion était Leanne Hachey, vice-présidente pour la région de l'Atlantique de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Elle a dit que les petites et moyennes entreprises des Maritimes doivent dépenser plus de un milliard de dollars par année pour se conformer à une myriade de règles commerciales dans les quatre provinces. Avez-vous examiné la question sous l'angle régional, par exemple, en ce qui concerne les Maritimes?
Mme Macmillan : Non. Pour répondre à votre question ainsi qu'à celle du président, je dirais que certains travaux ont été effectués dans le domaine. Le Conference Board a effectué une autre étude que celle dont je dis qu'elle est exagérée. Je serais heureuse de vous fournir la citation exacte.
Cette organisation a travaillé sur les coûts liés à la réglementation et l'incidence de ces coûts sur la productivité du Canada. La plupart des renseignements dont nous disposons sur cette question viennent tout simplement de sondages effectués auprès des entreprises.
Le problème que pose l'évaluation des coûts liés à la réglementation, c'est de faire la différence entre les règlements dont l'existence est souhaitable — puisque nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il est important d'avoir des inspecteurs des viandes et des limites de vitesse sur les routes — et ceux dont l'existence n'est pas souhaitable. Nous devons définir un critère. C'est ça qui est difficile.
En Europe, il y a eu des travaux intéressants à ce sujet, et je serais heureuse de vous donner le nom de quelques sources. Malheureusement, je n'ai pas connaissance de travaux portant précisément sur l'économie canadienne, exception faite du travail du Conference Board, ainsi que du genre d'activités qui consistent à effectuer des sondages auprès des gens d'affaires pour leur demander ce qui leur en coûte de se conformer aux différents règlements.
M. Poschmann : Il y a eu des travaux portant sur les marchés financiers, ce qui a trait à la question de la réglementation des valeurs mobilières. On est généralement d'accord pour dire que cela coûte cher.
Le sénateur Moore : Parlez-vous de ce qui se passe à l'échelle régionale, monsieur Poschmann?
M. Poschmann : Je parle de ce qui se passe à l'échelle nationale : de la hausse réelle du coût du capital pour les entreprises, ce qui freine l'investissement, et, deuxièmement, de la hausse et de la diminution du rendement des placements en raison de ce qu'il en coûte pour mettre en marché les valeurs mobilières dans l'ensemble du Canada, dans l'ensemble des 13 provinces et territoires.
Voilà les coûts réels; cependant, je suis d'avis qu'il ne faut pas trop s'en faire avec le montant en dollars de ces coûts, parce que ce n'est pas de cela qu'il est question. Premièrement, c'est une question de citoyenneté économique, de mobilité et de liberté. Voilà qui est absolument capital. Deuxièmement, le monde est grand. Très grand. Être concurrentiel du point de vue des entreprises, des investissements et de la création d'emplois pour les travailleurs du Canada et se pencher sur les intérêts purement locaux est déconcertant.
Le sénateur Moore : Certains d'entre nous sommes membres du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Nous tenons des réunions sur différents sujets, entre autres sur l'économie. Depuis un an, nous avons rencontré des représentants de la Pacific NorthWest Economic Region ou PNWER. Avez-vous jeté un coup d'œil de ce côté?
On supprime les obstacles entre les provinces et les États. Ça a beaucoup profité aux participants, notamment à la Colombie-Britannique et l'Alberta, mais dans les deux sens de l'axe nord-sud. Il y a des lois prévoyant les minimums que, je crois, vous proposez, mais cela ouvre la voie à la collaboration pour promouvoir et favoriser le commerce entre les États et les provinces. Avez-vous examiné cette question, la PNWER en particulier, et ce genre de choses?
En ce qui concerne les Maritimes, je pense à la Nouvelle-Écosse et à la Nouvelle-Angleterre et à une version de la PNWER dans l'Est. Avez-vous envisagé ce genre de choses?
M. Poschmann : Non, pas dans le détail. Ce qui est intrigant, c'est que les pressions économiques que subissent ces régions sont suffisantes pour les pousser à élaborer des mécanismes transfrontaliers plus rapidement que nous, dans les provinces de l'est du Canada, par exemple.
Le sénateur Moore : On a adopté là-bas des textes législatifs de part et d'autre de la frontière pour faciliter ces activités économiques.
Mme Macmillan : Le gouvernement du Québec a conclu une entente avec l'État de New York pour offrir aux entreprises de cet État la possibilité d'acheter de l'électricité à Hydro-Québec. Ni les entreprises de l'Ontario ni celles des autres provinces ne peuvent le faire. En d'autres termes, les fournisseurs de l'État de New York ont un accès plus avantageux que les autres. Ce genre d'entente est frustrant.
Le sénateur Moore : Est-ce que le Québec a un bureau commercial dans l'État de New York?
Mme Macmillan : Oui.
Le sénateur Goldstein : Nous avons entendu hier le témoignage de M. Erin Weir, qui représentait ici le Congrès du travail du Canada, et nous l'avons entendu dire un certain nombre de choses qui ne tombaient pas directement sous le sens, et que certains d'entre nous ont trouvé surprenantes.
L'une des choses qui ont été dites revenait aussi dans un article du National Post la semaine dernière, l'article dans lequel l'auteur citait le président de la Fédération du travail de la Saskatchewan, Larry Hubich :
« C'est peut-être avantageux pour une poignée de membres de conseils d'administration de multinationales » déclare le président de la FTS, Larry Hubich. « Mais ce n'est pas avantageux pour les Canadiens. » Les dirigeants syndicaux sonnent l'alarme au moment où les commissions scolaires perdent la capacité de rendre obligatoire les programmes de dîner-santé; les municipalités sont impuissantes à limiter la hauteur des édifices ou à bannir certains pesticides; les provinces sont incapables même de réglementer les foyers pour personnes âgées; les voies navigables sont vendues au plus offrant...
J'ai trouvé ça étonnant. À titre d'économiste, pouvez-vous envisager une quelconque justification de ce genre d'analyse des effets du TILMA ou de tout autre pacte ou accord interprovincial visant la suppression des obstacles au commerce transfrontalier?
M. Poschmann : La réponse courte, c'est : non. La réponse un peu plus longue c'est : Mme Macmillan a mentionné qu'il existe des exclusions au TILMA, mais que le recours à celles-ci doit être justifié. En d'autres termes, s'il y a un préjudice visible de l'autre côté de la frontière, l'administration doit le justifier. Elle doit gagner un débat.
Mme Macmillan : Cela révèle une mauvaise compréhension assez fondamentale des dispositions de l'accord commercial. En gros, il s'agit d'un principe dit de traitement national; sauf que, dans le cas qui nous occupe, c'est le traitement provincial. Selon ce principe, les deux administrations peuvent faire ce qu'elles veulent en ce qui concerne les programmes de dîner et les politiques environnementales, et cetera, pour autant qu'elles ne traitent pas plus durement les entreprises des autres provinces que leurs propres entreprises. Si une administration souhaite adopter ce genre de politiques, elle a le droit de le faire.
En ce qui concerne les politiques environnementales, celles-ci sont explicitement exclues du TILMA. Les gouvernements ne doivent tout simplement pas effectuer de discrimination en fonction de la province du fournisseur. Cependant, ils peuvent mettre en place tous les programmes qu'ils veulent. Je ne suis pas d'accord avec son interprétation de l'effet des accords commerciaux transfrontaliers.
Le sénateur Goldstein : D'après ce que j'ai pu lire, il y a une sorte d'hostilité endémique ou d'opposition, pour utiliser un mot moins provocateur, chez les syndicats au progrès en ce qui concerne les ententes interprovinciales visant à supprimer les obstacles au commerce. Le Congrès du travail du Canada est à l'avant-garde de ce mouvement.
Dans quelle mesure — et vous voudrez peut-être refuser de répondre à la question — y a-t-il une guerre de clocher entre les syndicats qui motive ce genre d'opposition?
M. Poschmann : C'est une bonne question, sénateur. Je ne sais pas, mais je n'ai pas envie de me risquer à deviner.
Le sénateur Goldstein : L'Union européenne, en relativement peu d'années, a réussi à éliminer dans une mesure importante les obstacles au commerce entre ses membres. Il ne s'agit pas encore d'un État fédéral; ce n'est pas un Canada. Il ne s'agit que d'une entente entre nations indépendantes qui demeurent indépendantes.
Les pactes conclus au sein de l'Union européenne comportent un nombre très limité de mécanismes de protection, et il s'agit surtout de mécanismes de protection du caractère unique de chacune des cultures des pays membres. Il n'y a par ailleurs pas d'obstacles économiques importants. Dans quelle mesure le Canada peut-il tirer parti de l'exemple qu'offre la communauté européenne?
Mme Macmillan : Il est possible d'utiliser cet exemple de deux façons : premièrement, il y a une déclaration très claire des obligations des pays membres dans le Traité de Rome; deuxièmement, l'Union européenne dispose d'un système efficace de résolution des conflits.
Ma réponse courte, c'est : de ces deux manières. Nous devons envisager sérieusement la mise en place d'un mécanisme de résolution des conflits entre les parties à l'Accord sur le commerce international de façon à forcer les gouvernements à respecter leurs obligations en vertu de cet accord.
Le sénateur Goldstein : Le Canada n'a pas connu beaucoup d'expérience positive auprès des organismes internationaux de résolution des conflits.
Mme Macmillan : Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point.
Le sénateur Goldstein : Je pense à la question du bois d'œuvre. C'est vrai que certaines choses ont bien fonctionné dans notre domaine. Pensez-vous que la création et la mise en œuvre d'un mécanisme de résolution des conflits qui prévoit non pas un recours aux tribunaux, mais plutôt un recours à des organismes spécialisés capables de régler les questions liées au commerce est quelque chose que les Canadiens sont prêts à accepter, compte tenu de ce qu'ils ont connu dans le dossier du bois d'œuvre?
Mme Macmillan : Oui. L'exemple du bois-d'œuvre éclipse tous les succès importants que nous avons connus sur la scène internationale en matière de résolution des conflits. Ça a été une très mauvaise expérience, et c'est regrettable. Nous devons nous rappeler qu'une petite puissance comme le Canada profite grandement d'un système qui nous met sur un pied d'égalité avec nos partenaires commerciaux et permet la résolution impartiale et indépendante des conflits lorsque les partenaires respectent les règles du jeu.
C'est intéressant, le nouvel accord sur le bois d'œuvre comporte un mécanisme différent pour la résolution des conflits.
Le B.C.-Alberta Trade, Investment and Labour Mobility Agreement comporte un mécanisme de résolution des conflits différents des groupes spéciaux de l'ALENA. Le milieu de la résolution des conflits évolue vers les groupes spéciaux arbitraux.
Le principe de base selon lequel le signataire d'un accord qui s'engage à respecter une série d'obligations doit être tenu responsable lorsqu'il fait fi de ces obligations est extrêmement important. Nous pouvons peut-être peaufiner le mécanisme qui rendra le respect de ces obligations exécutoires; cependant, l'idée fondamentale selon laquelle il faut rendre les gens responsables est très importante.
Voilà l'une des raisons véritables de l'échec de l'Accord sur le commerce international à résoudre des problèmes comme ceux qui sont liés à la mobilité de la main-d'œuvre, parce que des gens se voient refuser certaines possibilités; ils n'ont pas accès à ces groupes spéciaux; les groupes spéciaux finissent même, dans certains cas, par s'entendre avec les parties, sans pour autant que les gouvernements s'acquittent de leurs obligations. Je sais que vous avez entendu le témoignage des CGA là-dessus, alors je n'ai pas besoin de répéter ce qui a été dit, mais c'est une question très importante.
Le sénateur Eyton : J'ai longtemps été membre de l'Institut C.D. Howe. Je suis heureux que vous soyez ici aujourd'hui, surtout pour ça.
On s'entend généralement pour dire que les obstacles ne sont pas une bonne chose, mais il y a des obstacles partout — dans les coins et les recoins comme au centre du terrain. Avez-vous des exemples d'obstacles positifs? Vous avez parlé des différentes catégories d'obstacles dont il faut s'occuper. Y a-t-il des cas où les obstacles sont utiles parce qu'ils sont élaborés et mis en place de façon adéquate?
M. Poschmann : Y a-t-il des obstacles positifs? C'est une question intéressante. Ça dépend des objectifs. Quel est l'objectif qu'une politique qui met en place un obstacle vise à atteindre? Un obstacle pourrait être positif, par exemple, si l'objectif était de limiter la concurrence sur un marché particulier. Pourquoi poursuivre cet objectif? Du point de vue de l'économie, je ne sais pas. En règle générale, l'élaboration d'un obstacle souhaitable pose pour moi un problème d'ordre conceptuel, sauf lorsque cet obstacle s'inscrit dans un cadre comportant un objectif stratégique précis.
Le sénateur Eyton : En posant cette question, je me plaçais de notre point de vue pour examiner les obstacles existants.
M. Poschmann : Il y a une idée générale de subordination, en ce sens que, dans la mesure du possible, les électeurs devraient être en mesure de vivre le genre de vie qu'ils veulent vivre, sur les plans économique, politique et culturel. Cela fait partie de la vie en démocratie. Ce qu'il faut dire, cependant, c'est que lorsque les obstacles dépassent cela et deviennent des obstacles au bon fonctionnement de l'économie, des obstacles surtout à la capacité des gens de gagner leur vie dans leur pays, alors ces obstacles deviennent injustifiables.
Le président : On m'a déjà donné des exemples précisément de ce dont vous parlez, et c'était au sujet de la bière, du vin et du fromage. Si nous prenons l'exemple de la bière, nous pourrions probablement répondre aux besoins de l'ensemble de la population du Canada avec une seule brasserie située à n'importe quel endroit stratégique au pays et ainsi faire diminuer les prix. Une seule brasserie suffirait. Cependant, si une brasserie domine le marché, ce qui arrive, c'est que, essentiellement, il n'y a plus de place pour d'autres choix économiques. Il y a toute une série de microbrasseurs ou de brasseries régionales qui, grâce à une certaine protection offerte par les provinces, ont été en mesure de croître, de devenir rentables et, au bout du compte, d'être concurrentielles. Sans protection, il n'aurait pas de secteur du vin au Canada. Nous boirions toujours, si c'était un vin canadien, du Baby Duck — j'ai commencé avec le Baby Duck. Ce serait la même situation dans le cas du fromage si nous permettions aux Français ou à d'autres d'envahir le marché. Ce que dit le sénateur Eyton est pertinent, et nous essayons d'avoir un point de vue équilibré sur la situation. Est-ce que ces exemples reflètent la réalité? Ce sont des exemples anecdotiques.
M. Poschmann : Ce sont d'excellents exemples, mais des exemples du fait que la suppression des obstacles est une bonne chose. Ce sont les consommateurs qui règnent sur le marché. Ils ne veulent pas une seule sorte de bière. Il n'y a que très peu d'obstacles à l'entrée sur le marché de la production de la bière au Canada à l'heure actuelle. Est-ce que Budweiser s'est emparé du marché avec une seule marque, un seul produit? Non. Le marché est souverain. Il y a toutes sortes de gens aux goûts différents.
Est-ce que le vin est meilleur au Canada aujourd'hui que dans les années 1970 et 1980 grâce aux obstacles? Non. Le vin est beaucoup meilleur maintenant parce que nous avons supprimé les obstacles qui existaient dans le domaine en négociant l'Accord de libre-échange. Le milieu du vin de l'Ontario et celui de la Colombie-Britannique sont totalement différents de ce qu'ils étaient il y a une génération. C'est parce que nous avons fait tomber les obstacles à la concurrence internationale.
Il y a au Québec certains créneaux extraordinaires dans le secteur du fromage. J'aimerais voir les produits en question s'emparer des marchés mondiaux. Cela ne va simplement pas se produire dans le cadre réglementaire des produits laitiers au Canada.
Le sénateur Eyton : Revenons-en à l'hypothèse générale selon laquelle les obstacles ne sont pas une bonne chose. Vous avez tous deux parlé de ce qu'il faut régler dans les différentes catégories, c'est-à-dire les subventions aux entreprises et dans le domaine de l'énergie, et nous pouvons poursuivre la liste.
Que faire, et comment régler le problème? Je regarde ce que nous avons fait dans le passé, d'abord du côté de l'Accord sur le commerce intérieur qui est entré en vigueur en 1994-1995, ainsi que de celui du Conseil de la fédération, qui a été créé en 2003 et qui a publié un rapport d'étape en 2006. Simplement en regardant les dates, je dirais que c'est un processus ou une fonction qui ne va pas donner des résultats très rapidement.
J'ai jeté un coup d'œil sur le rapport d'étape de 2006, et celui-ci parle des objectifs à court terme — pour 11 ou 12 ans — par lesquels le Conseil demande un nouvel engagement à respecter toutes les obligations découlant de l'accord actuel, à procéder aux négociations provinciales-territoriales sur l'approvisionnement et à élaborer ensuite un plan de communication exhaustif. Le Conseil a intégré tous les éléments importants aux objectifs à long terme, c'est-à-dire la mobilité de la main-d'œuvre, l'énergie, l'agriculture, les règlements, les normes et ainsi de suite. À mon avis, voilà une démarche qui mènera assurément à l'échec; on ne va jamais pouvoir obtenir les résultats souhaités.
Nous avons un peu parlé du TILMA, qui est en partie le fruit de l'exaspération face à la façon dont les choses se passent de l'autre côté de la frontière. Cet accord comporte lui aussi beaucoup d'exemptions, mais il s'assortit cependant d'un mécanisme de résolution des conflits. Il semble, du moins par rapport à nos valeurs et au débat que nous tenons aujourd'hui, que ce soit une meilleure solution. Cependant, il demeure que c'est un accord imparfait qui, jusqu'à maintenant, ne représente que la Colombie-Britannique et l'Alberta. Voilà deux possibilités
Comment régler le problème? Si on me demandait de prendre la décision moi-même, je laisserais de côté l'Accord sur le commerce intérieur du Canada, qui n'aboutira à rien, mais je jetterais peut-être un coup d'œil du côté du TILMA. Y a-t-il un autre processus? Pourrait-il y avoir un projet de loi ou un accord uniforme que les provinces pourraient adopter — y compris l'Alberta et la Colombie-Britannique — pour accélérer le processus de façon que nous puissions nous occuper, rapidement, des subventions aux entreprises, de la réglementation et de toutes les autres questions qui nous préoccupent dans un délai d'un an ou deux? Il semble que nous soyons en mesure de conclure beaucoup d'accords internationaux qui font avancer les choses précisément sur les mêmes sujets. C'est bizarre que les Canadiens n'arrivent pas à se réunir et à élaborer un quelconque processus pour supprimer les obstacles au Canada. Pouvez-vous nous dire quelque chose là-dessus, s'il vous plaît?
M. Poschmann : On s'entend pour dire que le gouvernement fédéral n'a pas pris au sérieux la question de l'économie intérieure au cours des dix dernières années. Il n'a pas réglé un certain nombre de questions importantes qui auraient pu être réglées dans le cadre de l'ACI. Cependant, l'Accord sur le commerce intérieur n'a tout simplement pas la structure appropriée pour devenir un succès dans ce domaine, et il ne va pas être un succès si le gouvernement fédéral n'exerce pas les pressions importantes en ce sens. Cela ne s'est pas encore produit pour un certain nombre de raisons, notamment le consensus, par exemple, qu'on est peu susceptible d'obtenir, même si le gouvernement fédéral y met un peu d'effort. La conclusion selon laquelle d'autres voies seront possibles est juste.
À quel point le gouvernement fédéral souhaite-t-il faire pencher la balance? J'ai mentionné le fait que, au chapitre de la reconnaissance des normes, de l'accréditation, de l'harmonisation et de la mobilité, il est possible d'exercer des pressions sur les provinces pour qu'elles obtiennent des résultats dans ces domaines. Le gouvernement fédéral a des carottes, mais aussi des bâtons. Il existe une disposition sur le commerce. Au bout du compte, le gouvernement fédéral dispose d'un moyen de coercition qu'il peut utiliser, si nous voulons prendre la question au sérieux.
Mme Macmillan : Voilà qui se fait l'écho de ce qu'a dit le président il y a un certain temps. Il s'agit d'une question de convergence réglementaire. Je suis d'accord avec M. Poschmann : le modèle de l'ACI n'a pas fait ses preuves en 12 ans. Il n'y a pas de chapitre sur l'énergie, et il n'y a eu aucun progrès par rapport aux questions agricoles dont vous avez parlé en détail. Le milieu des affaires nous dit de plus en plus que les problèmes sont l'absence d'un organisme unique de réglementation des valeurs mobilières, les problèmes liés au transport, aux normes agroalimentaires, et cetera.
Sur le plan du commerce multilatéral et international, nous discutons des questions réglementaires avec nos partenaires commerciaux de l'Europe et des États-Unis. C'est peut-être le genre de discussion parallèle qui pourrait avoir lieu ici. Je ne propose pas qu'on remplace l'Accord sur le commerce intérieur ou les espèces d'initiatives multilatérales qui existent, par exemple le TILMA, mais il serait peut-être possible d'attaquer le problème sur un deuxième front en discutant avec les provinces et en essayant de cueillir les fruits qui se trouvent sur les branches les plus basses de l'arbre réglementaire; nous devrions par exemple envisager de façon constructive les questions liées au transport.
J'ai aussi tendance à penser que l'idée de s'éloigner du modèle du consensus est triste — comme M. Poschmann l'a dit, il s'agit d'un sombre témoignage de l'état de notre fédération —, mais il serait peut-être possible d'utiliser le genre d'expérience créative qui est en cours dans l'ouest du Canada, c'est-à-dire l'accord bilatéral dont nous avons parlé, comme une sorte d'exemple de ce qui pourrait se faire ailleurs au pays. Si une province ou deux de plus décidaient de signer cet accord, ou encore si nous devions intégrer certains aspects de l'accord bilatéral à l'ACI, tout cela contribuerait au progrès. C'est peut-être ce que nous pouvons espérer de mieux pour l'heure.
Le président : Nous n'avons pas eu la chance de discuter avec vous des nouveaux partenariats publics-privés qui fonctionnent très bien à l'échelle régionale, surtout dans l'Ouest, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Yukon et dans les États américains adjacents. On a décidé là-bas que, sur le plan économique, il y avait des problèmes communs auxquels il était possible de travailler ensemble, par exemple dans les domaines du tourisme, de l'éducation et des transports. Les partenariats sont très efficaces; on appelle la région la Pacific NorthWest Economic Region, ou PNWER. Nous avons pu discuter avec les représentants de cette organisation, et ils sont venus témoigner devant le comité. L'Institut C.D. Howe et vous souhaiterez peut-être examiner ces partenariats pour voir comment nous pourrions favoriser la productivité et la prospérité des différentes régions. Nous n'avons pas eu l'occasion d'aborder la question aujourd'hui, alors si vous avez des observations à formuler, je vous demanderais de communiquer avec la greffière du comité. Nous aimerions connaître votre point de vue sur le sujet.
Notre prochain témoin, M. Marc Lee, économiste en chef du Centre canadien de politiques alternatives, va participer à la réunion par vidéoconférence. Monsieur Lee, je vous demanderais de nous présenter votre exposé. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire, parce que nous savons que votre point de vue est différent de celui de beaucoup des autres témoins que nous avons reçus.
Marc Lee, économiste en chef, Centre canadien de politiques alternatives : Merci de m'avoir demandé de comparaître devant vous aujourd'hui. Presque tout le monde semble d'accord pour dire que les obstacles au commerce interprovincial sont étonnamment grands, qu'ils nuisent à la productivité du pays et qu'ils nous empêchent d'être une véritable union économique — tout le monde sauf les économistes qui ont étudié la question en détail.
J'aimerais ramener le comité à la réalité. J'aimerais prendre pour point de départ les observations de mon coauteur, Erin Weir, qui a témoigné devant vous hier soir, parce que aucune des affirmations qui ont été faites ne s'appuient sur les données économiques existantes. Au niveau d'abstraction le plus général, il y a un discours assez important sur de prétendus obstacles fondés sur les principes du libre-échange. On raconte aussi un certain nombre d'anecdotes, pas très nombreuses. J'ai examiné les témoignages qui ont été faits devant le comité, et j'ai trouvé très peu d'exemples de véritables obstacles au commerce. Entre les anecdotes et les fleurs de rhétorique, il n'y a pas beaucoup de données à signaler et qui puissent être considérées comme une preuve convaincante de l'existence d'un problème fondamental au chapitre du commerce intérieur.
Deux ou trois rapports, qui, à mon avis, ont été discrédités, laissent croire que les obstacles engendrent des coûts importants. Dans une étude qu'elle a réalisée en 1991, l'Association des manufacturiers canadiens soutient que les obstacles engendrent des coûts correspondant à 1 p. 100 du PIB du Canada. Cependant, l'Association n'a fait qu'une estimation grossière de certains des coûts sans tenir compte du tout des avantages des politiques en place. Plus des trois quarts du chiffre avancé par l'AMC est attribuable aux pratiques d'approvisionnement gouvernemental, et on présume que la libéralisation ferait diminuer les coûts d'approvisionnement. L'AMC ne cite que dans un seul domaine un obstacle classique au commerce : les restrictions visant les boissons alcoolisées. Dans ces deux domaines, la vaste majorité des gains a déjà été réalisée dans le cadre de l'Accord sur le commerce intérieur.
Plus récemment, le Conference Board du Canada a affirmé, dans un rapport rédigé à l'intention du gouvernement de la Colombie-Britannique que le B.C.-Alberta Trade, Investment and Labour Mobility Agreement qu'ont conclu la Colombie-Britannique et l'Alberta ferait augmenter le PIB de la Colombie-Britannique de 3,8 p. 100. Ce rapport comporte des failles très importantes. Le Conference Board n'a pas tenté de dresser la liste des obstacles ni d'estimer les coûts qui y sont liés, et un examen approfondi a révélé que le Conférence Board a essentiellement fabriqué les chiffres qu'il avance après avoir examiné un très petit échantillon de résultats d'une enquête effectuée auprès d'organisations d'entreprises et de ministères gouvernementaux. L'estimation qu'a produite le Conference Board est le double de ce qu'elle devrait être, à cause d'une simple erreur de calcul.
Les meilleures données économiques existantes laissent croire que les obstacles au commerce sont minuscules au Canada. Il y a plus de 20 ans, la Commission Macdonald a conclu que les obstacles équivalaient à environ un vingtième de 1 p. 100 du PIB du Canada. Depuis, ce chiffre a encore diminué grâce à l'Accord sur le commerce intérieur.
Ces données commencent à dater aujourd'hui, mais la conclusion selon laquelle les obstacles au commerce interprovincial doivent être incroyablement petits est corroborée par des travaux de recherche d'avant-garde effectués à l'Université de la Colombie-Britannique, UBC, par John Helliwell et l'ancien ministre du Cabinet, John McCallum. Les deux hommes concluent que les provinces canadiennes sont beaucoup plus susceptibles d'effectuer des échanges entre elles qu'avec les États américains, après rajustement des données en fonction de la taille de la population et de la distance des marchés. Le facteur a diminué au cours des dernières années en raison de l'Accord de libre-échange intervenu entre le Canada et les États-Unis, mais c'est encore un facteur de 12 pour les biens et de 30 pour les services. C'est-à-dire que l'Ontario échange avec la Colombie-Britannique 12 fois plus de biens qu'avec la Californie, après rajustement des données en fonction de la taille des marchés.
Les données portant sur les dernières années montrent que le commerce interprovincial a crû plus rapidement que le commerce international. Entre 2000 et 2005, le commerce interprovincial a connu une augmentation de 25 p. 100, comparativement à 9 p. 100 seulement pour les importations internationales et 6 p. 100 seulement pour les exportations internationales. Tout compte fait, je ne pense pas qu'on puisse présumer que les obstacles au commerce intérieur soient préjudiciables au Canada.
Cela dit, je ne dis pas que, dans les cas isolés où il y a bel et bien des obstacles, nous ne devrions rien faire pour améliorer les choses. Pour autant que nous ne compromettons pas l'intérêt public — et surtout la réglementation environnementale, les normes du travail et la protection des consommateurs — ces changements n'ont pas fait l'objet d'une controverse. Cependant, nous ne devons pas nous convaincre faussement que de supprimer les obstacles qui restent sera la panacée qui permettra de résoudre tous nos problèmes de productivité.
Pour la suite, nous devons aussi être clairs dans notre façon d'utiliser les mots. C'est à tort qu'on dit que le problème tient aux « obstacles au commerce », puisqu'il s'agit en fait de différences entre les provinces au chapitre de la réglementation, vu la nature fédérale de notre gouvernement, ainsi qu'aux chapitres des exigences d'inscription et d'établissement de rapports visant les entreprises et des normes d'accréditation professionnelles. Le comité pourrait rendre un précieux service à la population en définissant clairement des problèmes précis et en laissant de côté les faux arguments.
Avec les ressources à sa disposition, le comité pourrait faire une importante contribution au débat sur les obstacles au commerce interne en dressant la liste des 10 ou des 20 éléments qui nuisent au commerce interprovincial, en les surveillant pour s'assurer qu'ils ne sont pas contraires à l'intérêt de la population et en exhortant le gouvernement fédéral d'utiliser ces pouvoirs constitutionnels pour résoudre le problème au besoin. Ce serait une meilleure démarche que les lourdes méthodes légalistes comme l'accord intervenu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta.
Je veux mettre en garde les membres du comité et leur dire qu'il faut distinguer entre les véritables obstacles au commerce et les différences constitutionnelles découlant du fédéralisme. Il y a des différences entre les provinces au chapitre de la réglementation, mais, de façon générale, ce ne sont pas les obstacles au commerce en tant que tels, même si ces différences peuvent engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises. La Constitution confère aux provinces le pouvoir d'adopter des règlements en fonction de leurs besoins, ce qui fait que toute tentative d'harmonisation des règlements doit tenir compte de la perte de pouvoir décisionnel à l'échelle locale comme d'un coût qu'il faut comparer à tout avantage découlant de l'harmonisation.
Cela dit, le fait que l'économie du Canada et ses relations avec les États-Unis et avec d'autres pays dans le domaine du commerce et des investissements évoluent pourra obliger le gouvernement fédéral à assumer des responsabilités dans certains domaines de façon à pouvoir créer des normes nationales et des cadres réglementaires. Le cas échéant, ces mesures devraient viser, là où c'est possible, l'atteinte d'une norme nationale élevée, et elle devrait éviter les démarches qui donnent lieu à un nivellement par le bas, comme la reconnaissance mutuelle.
J'aimerais enfin formuler quelques observations au sujet du TILMA. À la lumière des données concernant les obstacles au commerce le TILMA est, au mieux, un tour de passe-passe; mais je pense que l'accord est formulé en des termes très généraux, ce qui pourrait se révéler problématique avec le temps. Le TILMA est essentiellement un processus descendant; tout est inclus dans cet accord sauf ce qui fait l'objet d'exemptions précises. Cela veut dire que les gouvernements doivent s'attendre à ce que surviennent tout le problème juridique de ce qui est inclus et de ce qui ne l'est pas.
Le TILMA comporte certaines exemptions et certaines dispositions visant les objectifs légitimes, mais, d'après l'idée que je me fais de cet accord, elles ne sont que de très courte portée. L'accord prévoit pour les investisseurs le droit de contester des règlements d'intérêt public, ce qui va engendrer des problèmes, en ce sens que des groupes spéciaux vont être en mesure de contester la prise de décisions à l'échelle nationale. En outre, ce genre de propos jette un froid sur l'élaboration de nouveaux règlements.
Mon organisation a publié une étude d'Ellen Gould — dont je crois vous avez copie — dans laquelle elle examine la réglementation d'intérêt public et la compare à ce que nous savons au sujet des services publics et des entreprises publiques. Elle constate qu'un certain nombre de domaines sont exposés par le TILMA, notamment la plupart des secteurs de la planification municipale, un certain nombre de règlements environnementaux et même les efforts visant à limiter les soins de santé privés.
Il reste à voir s'il y aura des contestations dans ces domaines, et si les efforts de contestation seront couronnés de succès. Cependant, je veux dire aux membres du comité qu'il est préoccupant que les décisions concernant l'interprétation de l'accord seront prises par des groupes spéciaux chargés de la résolution des conflits qui oeuvreront à l'extérieur du système juridique national, et non par les architectes ou les défenseurs de l'accord.
Si nous devons disposer d'un processus de résolution des conflits, je crois que ce devrait être au sein des tribunaux. Ainsi, il y aurait une transparence et des droits d'appel qui n'existent habituellement pas avec les groupes d'arbitrage commercial, pour lesquels il est normal de faire les choses en secret.
En fin de compte, le TILMA est une solution en cas de problème. Je ne recommanderais pas à d'autres provinces de signer cet accord.
J'aimerais remercier de nouveau le comité de me recevoir aujourd'hui. J'espère que j'ai remis en question certaines des idées que vous vous faisiez sur la question et que j'ai précisé certaines des questions réelles auxquelles nous allons être confrontés dans l'avenir.
Le président : J'aimerais que vous fassiez de votre mieux pour nous faire parvenir une liste des éléments qui nuisent au commerce et dont vous dites qu'il faudrait s'occuper. Vous avez parlé d'obstacles véritables. Si vous pouviez nous donner une idée de ces éléments nuisibles, en les plaçant en ordre d'importance, ainsi que des obstacles véritables, cela nous sera utile lorsque nous reviendrons sur votre témoignage.
Le sénateur Moore : Hier, nous avons entendu le témoignage de votre collègue, M. Weir. Ses observations m'ont intéressé, et elles allaient dans le même sens que ce que vous avez dit ici aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il n'est pas évident que des obstacles au commerce interprovincial causent une perte de productivité. Il a même dit qu'on a créé un écran de fumée, que le problème est un mythe et que les obstacles au commerce interprovincial ne seront la cause que d'une diminution du PIB d'un vingtième de 1 p. 100. Puis, on nous a fait part des chiffres du Conference Board en ce qui concerne les résultats en Colombie-Britannique du TILMA, dont vous, M. Weir, et les gens de l'Institut C.D. Howe ont dit qu'ils sont élevés. Vous avez dit que les estimations étaient le double de ce qu'elles devraient être en raison d'une simple erreur de calcul. Est-ce que les estimations du Conference Board selon lesquelles le PIB augmenterait de 3,8 p. 100 ou de 4,8 milliards de dollars sont erronées? Vous avez dit que ces estimations étaient le double de ce qu'elles auraient dû être, alors les vrais chiffres correspondent-ils à la moitié des estimations? Est-ce que les estimations réduites de moitié seraient exactes?
M. Lee : Je n'ai parlé de l'erreur de calcul que parce qu'il s'agit de l'un des nombreux défauts de l'étude. Dans le document que j'ai présenté au comité, nous examinons les questions de méthode en détail; je ne vais donc pas vous ennuyer avec les détails aujourd'hui. Ce que je dis, c'est que les coûts liés à ces obstacles sont très faibles. On les a calculés à partir d'une enquête effectuée auprès de certaines organisations d'entreprise et de certains ministères.
Le sénateur Moore : Vous avez dit qu'il s'agissait d'un petit échantillon.
M. Lee : Seulement quatre organisations d'entreprise ont répondu, sur les 13 organisations avec qui on a communiqué. En soi, cela donne à penser que le milieu des affaires n'est pas très intéressé.
Dans le cadre de l'enquête en question, on n'a fait que demander aux entreprises de noter un certain nombre de choses sur une échelle de moins trois à trois; les gens qui ont effectué l'enquête ont pris ces chiffres en considération et ont créé leur propre échelle à partir de ceux-ci. Ce n'était pas dans le cadre de l'enquête en tant que telle, mais ils ont soutenu que l'augmentation d'un degré sur l'échelle correspondant à une augmentation de 0 à 5 p. 100 du PIB, que l'augmentation de deux degrés correspondait à une augmentation de 5 à 10 p. 100, et ainsi de suite. Lorsqu'ils ont effectué les calculs, ils sont simplement partis du principe qu'un degré équivalait à 5 p. 100, et non au point milieu de l'intervalle, c'est-à-dire 2,5 p. 100. John Helliwell a effectué une analyse de rapport semblable effectué pour le compte du gouvernement de la Saskatchewan. Il a comparé cette démarche au fait d'estimer le produit intérieur brut du pays en demandant aux ménages comment ils pensent s'en tirer, et il a dit qu'il ne s'agissait pas d'un fondement empirique solide permettant de prévoir la suite des choses.
Le sénateur Moore : Avez-vous entendu parler de l'accord commercial de la Pacific NorthWest Economic Region, intervenu entre les provinces de l'Ouest et les États-Unis, des répercussions de cet accord, ainsi que des efforts déployés pour supprimer les obstacles et favoriser le commerce entre ces régions?
M. Lee : Je ne pense pas qu'il existe un accord écrit pour la PNWER. Il ne s'agit que de discussions entre gens du même domaine.
Le sénateur Moore : Toutes les administrations en question ont adopté des lois essentielles à l'accroissement et à la facilitation des activités économiques. Avez-vous examiné cela en détail ou non?
M. Lee : Je ne connais aucune loi de la Colombie-Britannique qui parle de cela. D'après ce que je sais, on organise périodiquement une table ronde pour discuter de questions d'intérêt commun dans la région. Je n'ai vu aucune loi être adoptée à la suite de ces rencontres.
Le président : Le sénateur Moore fait allusion — et c'est une chose que nous connaissons tous deux, puisque nous avons participé aux réunions en question — à un partenariat législatif entre l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Yukon et les États américains adjacents. Il s'agit d'un partenariat public privé, mais qui est fondé sur un partenariat législatif. Vous devriez pouvoir vous renseigner à ce sujet; c'est un partenariat conclu entre les différentes assemblées législatives de ces administrations, alors il ne s'agit pas que de discussions.
M. Lee : Dans ce cas, ce n'est pas une démarche qui a connu beaucoup de succès. L'un des principaux éléments qui nuisent aux échanges entre la Colombie-Britannique et les États-Unis — et qui est largement attribuable aux États de l'Ouest — c'est le bois d'œuvre. Nous avons subi de lourdes pertes dans ce domaine, sénateur. Ainsi, s'il s'agit d'un accord commercial, ce n'est pas un accord commercial très réussi.
Le sénateur Eyton : Vous nous avez fourni certains chiffres sur le commerce international et le commerce intérieur, et vous avez comparé les effets minimes des obstacles au commerce intérieur. Il y a dans nos notes des statistiques et une figure intitulée « Exportations internationales et interprovinciales, Canada, 1981-2004). En 1981, les provinces et les territoires du Canada effectuaient des échanges d'un volume comparable à l'échelle internationale et entre eux, mais, au cours des 20 années qui ont suivi, les exportations interprovinciales ont presque triplé, tandis que les exportations internationales ont plus que quintuplé. Si vous jetez un œil sur la figure, vous pourrez constater que l'augmentation du volume des échanges internationaux coïncide avec la conclusion de l'Accord sur le libre-échange avec les États-Unis et de l'ALENA. Puisqu'il s'agit d'un élément si important du commerce international, cela semble assez convaincant. Ces chiffres semblent être différents de ceux que vous nous avez fournis; pouvez-vous expliquer cela?
M. Lee : On pouvait s'attendre à ce que les échanges internationaux augmentent plus rapidement que les échanges interprovinciaux à la suite de la conclusion de l'Accord sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Je ne trouve pas que c'est surprenant. Depuis 2000, cependant, le commerce interprovincial a crû beaucoup plus rapidement que le commerce international. Je dirais cependant — et il vaudrait la peine de prendre le temps, au Sénat, de faire témoigner John Helliwell ou John McCallum, parce que ce que j'affirme vient de leurs travaux de recherche — le rajustement des données en fonction de la distance d'un marché et de la taille de ce marché fait ressortir la différence. De façon générale, on peut dire que la frontière canado-américaine équivaut à une distance d'environ 10 000 km. Lorsque nous comparons les échanges entre la Colombie-Britannique et l'Ontario et entre l'Ontario et la Californie, nous devons rajuster les données en fonction du fait que la Californie est un marché de 30 millions de personnes, comparativement à la Colombie-Britannique, qui en est un de quatre millions de personnes. Après avoir effectué les rajustements appropriés — la distance par rapport à l'Ontario est environ la même dans les deux cas — nous constatons que, en fait, le commerce est beaucoup plus important à l'intérieur du pays, et que cela est attribuable aux réseaux, aux relations qui existent déjà, ainsi qu'à ce que John Helliwell appelle le capital social. Des échanges sont beaucoup plus importants au pays que ce à quoi les économistes s'attendraient.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lee. Nous vous reparlerons. Nous allons communiquer avec M. Helliwell et M. McCallum. Nous essayons vraiment d'envisager les faits le plus objectivement possible, et nous allons tirer nos conclusions en matière de politiques. Le personnel du comité va communiquer de nouveau avec vous pour prévoir une nouvelle réunion. Nous avons trouvé votre témoignage très intéressant, et, bien sûr, stimulant.
La séance est levée..