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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 1 - Témoignages du 8 mai 2006


OTTAWA, le lundi 8 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 10 h 5 pour examiner la politique de sécurité nationale du Canada, et en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis très heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je suis le président du comité. Avant de commencer, j'aimerais rapidement vous présenter les membres du comité.

Le distingué sénateur de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Michael Forrestall, représente les habitants de Dartmouth depuis 38 ans. Il les a d'abord représentés en tant que député, puis à titre de sénateur. À la Chambre des communes, il a été le porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense de 1966 à 1976.

À côté du sénateur Forrestall se trouve le sénateur Michael Meighen. Il est avocat et membre des barreaux du Québec et de l'Ontario. Il est chancelier du King's College et ancien président du Festival de Stratford. Il est actuellement le président de notre sous-comité des anciens combattants, et il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ainsi que du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

À la droite du sénateur Meighen se trouve le sénateur Norman Atkins de l'Ontario. Il est arrivé au Sénat après une carrière de 27 ans dans le domaine des communications. Il a été conseillé principal de l'ancien chef conservateur fédéral Robert Stanfield, de l'ancien premier ministre de l'Ontario William Davis, et de l'ancien premier ministre Brian Mulroney.

Le sénateur Wilfred Moore vient de Halifax. C'est un avocat qui a beaucoup œuvré dans le milieu communautaire, et il est actuellement président de la Bluenose II Preservation Trust Society. Il est membre du conseil d'administration de l'Université St. Mary's, et il siège également au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ainsi qu'au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation du Sénat et de la Chambre des communes.

Le sénateur Marie Poulin est du Nord de l'Ontario. Elle a été sous-ministre au gouvernement du Canada et cadre supérieur en radiodiffusion. Elle est membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick, est le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec, et il est membre associé de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Il est également ancien président-directeur général de l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Rod Zimmer de Winnipeg a eu une longue et illustre carrière dans les domaines des affaires et de la philanthropie, et il s'est porté bénévole pour de nombreuses causes et organisations caritatives. Il est membre du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Notre comité a reçu le mandat d'étudier les questions de sécurité et de défense, ainsi que la nécessité d'une politique de sécurité nationale.

Nous avons publié plusieurs rapports depuis 2002, et nous examinons actuellement la politique de défense du Canada. Nous avons tenu des audiences dans toutes les provinces, et nous rencontrons les Canadiens afin de connaître leurs positions concernant nos intérêts nationaux, leur perception des principales menaces à l'encontre du Canada, et la façon dont ils s'attendent à ce que le gouvernement réagisse.

Nous avons aujourd'hui devant nous l'honorable Gordon O'Connor, ministre de la Défense nationale. M. O'Connor a été élu à la Chambre des communes pour la première fois en 2004, puis il a été réélu en 2006. Il a été porte- parole de son parti en matière de défense nationale et il a fait partie du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Il a commencé sa carrière militaire en s'enrôlant dans l'armée blindée et a obtenu le grade de brigadier général. Après avoir pris sa retraite, il a fait carrière dans le secteur privé. Monsieur, nous sommes très heureux de votre présence parmi nous aujourd'hui. Apparemment, c'est la première fois que vous comparaissez devant un comité parlementaire, et nous sommes très honorés du fait que vous ayez choisi notre comité.

Nous croyons comprendre que vous souhaitez faire un exposé.

L'honorable Gordon O'Connor, ministre de la Défense nationale : Merci beaucoup. C'est une tout autre chose que de se trouver de l'autre côté. Il est beaucoup plus facile de poser des questions que d'avoir à y répondre.

J'aimerais tout d'abord remercier tous les membres du comité d'avoir déployé autant d'efforts pour porter les questions de défense et de sécurité au premier plan de la conscience publique. Au fil des ans, votre comité a été un ardent défenseur des Forces canadiennes, et je vous en remercie.

Je sais que chacun de vous a beaucoup à dire dans les discussions sur la défense et la sécurité, et je suis impatient de vous entendre sur ces sujets très importants.

Je serai ravi de répondre à vos questions au cours de l'heure à venir, mais laissez-moi d'abord partager avec vous quelques pensées préalables sur la vision et les priorités de notre gouvernement en matière de défense et sur ce que nous espérons accomplir avec le nouveau budget.

[Français]

Voilà pourquoi je suis très fier d'être ici aujourd'hui en tant que ministre de la Défense nationale, un poste qui me permet non seulement d'appliquer le plan du gouvernement conservateur visant à reconstruire et revitaliser les Forces canadiennes, mais aussi de servir les Canadiens et les Canadiennes en uniforme.

Le premier ministre Harper a un jour dit que le service dans les Forces armées est la manifestation la plus élevée de la citoyenneté. Il a raison. Les tâches des militaires des Forces canadiennes, ces hommes et ces femmes d'un grand courage, sont parmi les plus difficiles et dangereuses qui soient. Nos soldats sont parmi les meilleurs et les plus motivés du monde et nous devons les soutenir du mieux que nous pouvons afin qu'ils puissent bien accomplir leur travail. Notre sécurité en dépend.

[Traduction]

Monsieur le président, nous vivons dans un monde dangereux et imprévisible. Depuis la fin de la guerre froide, nous affrontons de nouvelles menaces, telles que celles provenant des États défaillants, du terrorisme mondial et de la prolifération des armes de destruction massive. Si les attentats du 11 septembre 2001 nous ont appris quelque chose, c'est que les terroristes peuvent frapper ici même en Amérique du Nord.

[Français]

Nous vivons à une époque remplie de dangers et nous devons être prêts à nous défendre chez nous, sur ce continent et dans le monde. Mais nous sommes aussi confrontés à des situations qui pourraient avoir des répercussions sur la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Bien que la responsabilité de gérer ces dossiers revienne principalement au ministère des Affaires étrangères, nous devons ici, à la défense, nous assurer que nous avons les capacités de surveillance et de réaction nécessaires pour assurer notre souveraineté et protéger la population canadienne, incluant le Nord du pays.

[Traduction]

Monsieur le président, le gouvernement s'engage à appuyer des Forces canadiennes modernes et efficaces, capables de jouer un rôle déterminant au pays et à l'étranger.

Notre engagement de placer le Canada d'abord en matière de défense vise à renforcer la capacité des Forces canadiennes de défendre notre pays et ses citoyens, d'exercer notre souveraineté et d'assumer un rôle de direction dans les opérations internationales.

Notre stratégie permettra aux Forces canadiennes d'accomplir davantage au pays en assumant des responsabilités nationales essentielles et en aidant les autorités civiles. Elle permettra aussi au Canada de mieux assumer les responsabilités que nous partageons avec les États-Unis en matière de protection du continent nord-américain. Le Canada sera ainsi un partenaire encore plus fiable en matière de défense et de sécurité.

Notre stratégie prévoit également de continuer à confier à nos soldats la tâche d'assurer la stabilité et la sécurité dans le monde, exactement comme ils le font actuellement en Afghanistan.

Monsieur le président, nous allons tout mettre en œuvre pour réaliser cette vision. Nous allons augmenter l'effectif des Forces canadiennes de 13 000 réguliers et 10 000 réservistes. Nous allons nous assurer que nos nouvelles recrues sont instruites de façon efficace et opportune en élargissant le système de recrutement et d'instruction actuel. Nous allons également réformer le processus d'acquisition de matériel de défense pour permettre aux forces armées d'obtenir le bon équipement au bon moment, de manière équitable et transparente.

Nous allons également fournir aux Forces canadiennes de nouvelles capacités. Nous allons accroître leur déployabilité par air et par mer, améliorer et moderniser leur capacité nationale de surveillance côtière, renforcer la présence des Forces canadiennes dans chaque région du pays et veiller à disposer de l'effectif et des capacités nécessaires pour exercer pleinement nos responsabilités en matière de souveraineté dans l'Arctique.

Notre vision en matière de défense vise une marine capable d'opérer sur les trois océans qui nous entourent, une puissante armée de terre et une force aérienne dynamisée. Ces éléments opéreront dans le cadre d'une équipe intégrée et efficace des Forces canadiennes, au Canada, en Amérique du Nord et n'importe où ailleurs dans le monde.

Pour appliquer cette vision, le gouvernement vient de fournir de nouveaux fonds au ministère de la Défense dans le budget qui a été présenté la semaine dernière. La Défense recevra 5,3 milliards de dollars additionnels sur cinq ans. Lorsqu'on combine cette somme au budget de 2005, la Défense va bénéficier d'une augmentation d'un milliard de dollars pour l'exercice 2006-2007 et de 2,3 milliards de dollars pour le prochain exercice, 2007-2008.

[Français]

Cela permettra aux Forces canadiennes d'obtenir le soutien et les ressources dont elles ont besoin pour défendre la souveraineté du Canada, faire valoir nos intérêts nationaux et promouvoir les valeurs canadiennes dans le monde.

Nous pourrons donc recruter 13 000 nouveaux membres de la force régulière et 10 000 nouveaux réservistes, améliorer les infrastructures et le logement dans les bases, investir dans l'équipement nécessaire pour soutenir des forces aériennes, terrestres et maritimes polyvalentes et aptes au combat, augmenter la capacité des Forces canadiennes à protéger la souveraineté et la sécurité dans l'Arctique canadien, rétablir la présence des Forces armées canadiennes partout au Canada et établir des bataillons territoriaux près du plus important centre urbain. Nous avons un plan d'acquisitions qui doit être approuvé par le Cabinet. Le budget nous a donné les fonds nécessaires, alors dès que nous aurons obtenu l'autorisation du Cabinet, nous pourrons aller de l'avant avec d'importants projets.

[Traduction]

Monsieur le président, c'est un moment important pour la Défense et j'espère que les membres du comité partageront mon enthousiasme devant les formidables perspectives qui s'offrent aux Forces canadiennes. Voilà plus de 10 ans que les Forces canadiennes sont soumises à des restrictions budgétaires et à la négligence des dirigeants. Mais notre gouvernement se penche sur ces problèmes et veut les corriger.

Nous comprenons l'importance de la défense et le besoin de donner aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail.

Le budget 2006 montre clairement de quelle façon le gouvernement veut augmenter son engagement en matière de défense. C'est un premier pas en avant. Mais il faudra faire davantage.

Les changements que nous promettons ne se produiront pas du jour au lendemain. Il faudra du temps pour les mettre en œuvre et remettre les Forces canadiennes sur la bonne voie. Mais nous sommes sûrs que tout est maintenant en place pour que soient apportés des changements réels et durables dans nos forces. Et ce budget nous donne une base solide sur laquelle nous pouvons bâtir.

Merci beaucoup. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Forrestall : Bienvenue monsieur le ministre. Le temps nous est compté ce matin, mais je tiens à vous souhaiter la bienvenue. Je puis vous assurer que notre comité se préoccupe des questions qui touchent la sécurité de notre pays; préoccupations que vous partagez également.

Nous partons du principe que la politique de défense du gouvernement se compose de l'énoncé de politique de défense publié en avril 2005, ainsi que des engagements pris par votre gouvernement au cours de la campagne électorale et depuis. Est-ce, plus ou moins, une interprétation juste de la façon dont le gouvernement procède?

M. O'Connor : Nous sommes actuellement en train d'élaborer un plan en matière de capacité, et pour encadrer ce plan il y aura un énoncé de politique qui reprendra nos promesses de la campagne électorale et une grande partie de la politique précédente. Le ministère de la Défense ira de l'avant dès que le Cabinet approuvera le plan en matière de capacités, qui deviendra le document d'orientation du ministère.

Le sénateur Forrestall : Monsieur le ministre, nous comprenons que les priorités du gouvernement, que nous appuyons, comprennent notamment l'ajout à l'effectif des forces armées de 13 000 réguliers et de 10 000 réservistes. Nous comprenons la priorité qui consiste à stationner 650 membres de l'armée régulière à la BFC Goose Bay et au sein de la 19e Escadre de Comox. Parmi vos autres priorités, on compte l'achat d'aéronefs de transport stratégique, la formation de bataillons territoriaux, et la mise sur pied de nouveau du bataillon aéroporté à la BFC Trenton. Le gouvernement a également l'intention d'accroître les investissements en matière d'infrastructure des bases, de construire un port en eau profonde à Iqaluit ainsi qu'une installation d'instruction dans l'Arctique, à Cambridge Bay. L'acquisition de brise-glace armés permettra de créer une marine présente dans les trois océans entourant le Canada. Est-ce bien exact? Si c'est le cas, pouvons-nous nous le permettre financièrement? Est-ce que vous allez tenir ces engagements très bientôt ou bien dans un avenir plus lointain?

M. O'Connor : J'ai avec moi les statistiques militaires concernant les engagements du gouvernement et des renseignements à propos des diverses options. Il y en a plusieurs, car parfois il existe des façons novatrices de procéder que nous n'avons encore jamais utilisées. Donc, en gros, oui, nous avons les fonds nécessaires pour mettre en œuvre nos promesses. Je sais avec certitude que j'ai les ressources nécessaires pour donner suite à six ou huit projets. Il me faut simplement l'approbation du Cabinet. Je ne manque pas d'argent pour ce qui est des biens d'équipement. Je suis prêt à dépenser une grande partie des fonds dès que j'obtiendrai l'approbation du Cabinet et dès que les ministères de la Défense nationale, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ainsi que d'Industrie Canada seront à même de gérer ces projets.

Pour ce qui est du personnel militaire, nous ne manquons pas de fonds non plus. Le besoin en personnel est le plus grand défi que nous avons à relever pour l'avenir des forces armées. L'attrition non contrôlée des forces armées au cours des années 90 a pour conséquence que les forces armées manquent de membres qui aujourd'hui seraient sous- officiers supérieurs ou des officiers. Ce sont eux qui s'assureraient du bon fonctionnement du système d'instruction. À mon avis, mon plus grand défi consiste à résoudre le problème du système d'instruction. Ce n'est pas tellement le recrutement qui pose problème, mais plutôt l'instruction des nouvelles recrues. Je ne peux pas vous dire cela à titre confidentiel puisque la présente réunion est publique, mais j'exerce des pressions auprès des Forces canadiennes pour qu'elles recrutent plus rapidement afin que nous puissions nous développer plus rapidement. Néanmoins, dans la précipitation, on ne peut arriver qu'à des résultats limités. Lorsqu'on commence à changer les équilibres en matière de personnel en temps de paix, il faut réfléchir aux effets à long terme que cela aura sur cet équilibre. Je ne peux pas recruter des nouveaux membres plus rapidement que les forces armées ne sont capables de les absorber, de les instruire, et de les intégrer dans le système.

Notre capacité d'accroître les effectifs va augmenter année après année. Je suis certain qu'en fin de compte nous n'aurons aucune difficulté à recruter et instruire 13 000 membres de la force régulière et 10 000 réservistes.

Pour ce qui a trait au domaine du fonctionnement et de la maintenance, il y a environ 20 gestionnaires de niveau 1 au QG de la Défense nationale et chacun a un plan d'activités. Nous avons regroupé ces plans, et lorsqu'on regarde l'ensemble, on constate qu'il semble y avoir un grand déficit. Je pense que nous avons en effet un déficit que nous sommes en train de combler, mais je ne suis pas certain que ce déficit soit aussi important qu'on le dit. Nous avons les fonds pour combler ce déficit.

Le sénateur Forrestall : Votre conviction sera bien accueillie par un conducteur de bus de Halifax, le contre-amiral MacNeil, qui a l'honneur d'être le premier conducteur de bus à essayer de renverser la tendance.

Ma prochaine question traite du financement. Vous comprendrez la complexité de ce domaine mieux que les membres du comité. Pour nous, ça peut paraître désespéré, mais nous espérons que vous maîtrisez la chose.

En nous fondant sur les insuffisances que le comité a cernées en matière d'acquisition de biens d'équipement, de recapitalisation des infrastructures, pour ce qui est du fonctionnement et de la maintenance, nous en sommes arrivés à la conclusion que le ministère a besoin de 700 à 800 millions de dollars supplémentaires cette année simplement pour pouvoir fonctionner de la même manière que l'année dernière. Nous ne parlons donc pas ici de croissance. Le Budget 2006 a seulement affecté un montant supplémentaire de 400 millions de dollars. Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi le gouvernement a affecté les fonds en matière de défense de cette façon-là?

Le gouvernement précédent avait une disposition de récupération qui lui permettait de retirer environ 200 millions de dollars par an du ministère. Est-ce que cette récupération existe encore aujourd'hui, ou bien les fonds affectés sont- ils les fonds réels avec lesquels nous allons pouvoir travailler?

M. O'Connor : Le Conseil du Trésor et le ministère des Finances sont en train d'examiner le problème de la récupération, car il empire au fil des ans. D'ici cinq à six ans, on arrivera à un total de 2,5 milliards de dollars. Cela ne cesse de croître. J'étais au courant des deux premières années, mais je ne savais pas que ça s'appliquait pour les années à venir. Nous sommes au cours de la seconde année du plan libéral. Je pense que le gouvernement a l'intention de se débarrasser de cette disposition de récupération, mais nous sommes en train d'essayer de trouver un moyen de le faire. Je ne peux pas vous donner une réponse définitive, mais voilà la tendance. Les ministres sont en train d'examiner la façon de régler cette question de la récupération, car ça ne correspond pas à la façon dont nous élaborons nos budgets. Si on décide de donner un milliard de dollars, alors vous recevrez un milliard de dollars. Actuellement, nous nous retrouvons dans une situation financière délicate à cause du plan précédent. Nous essayons de nous sortir de là. Mais je m'attends à ce que les fonds qui ont été affectés à la Défense soient entièrement versés à la Défense.

En ce qui concerne votre question à propos des 700 à 800 millions de dollars supplémentaires, le montant de 400 millions de dollars correspond parfaitement à nos plans. Avant les élections, nos planificateurs internes ont été mis au courant des finances du gouvernement, et nous avions prévu avoir ces 400 millions de dollars à notre arrivée au ministère. Néanmoins, nous ne pensions pas que la disposition de récupération s'appliquerait dans les années à venir, et nous faisons notre possible pour essayer d'éliminer cette récupération. Si nous y arrivons, alors notre budget fonctionnera bien. Néanmoins, je ne suis pas en train de dire que si nous n'y arrivons pas, il faudra augmenter le budget au cours des années suivantes. Pour l'instant, nous espérons réussir à nous débarrasser de cette disposition de récupération.

Le sénateur Forrestall : Nous vous encourageons à augmenter le budget si nécessaire.

Le sénateur Moore : J'ai une autre question pour le ministre. À propos des 400 millions de dollars supplémentaires, étant donné les 200 millions de dollars de récupération, est-ce que ça veut qu'il n'y aura que 200 millions de dollars en réalité?

M. O'Connor : Vous pouvez le présenter de cette façon-là ou vous pourriez également dire que les 600 millions de dollars de départ se réduisent à 400 millions de dollars. Les 600 millions de dollars du plan libéral plus les 400 millions de dollars du dernier budget représentent un total de 1 milliard de dollars pour la Défense en 2005. Nous essayons en ce moment de régler la question de la récupération. Je ne sais pas si nous allons devoir prendre ça en compte, ou combien ça va nous coûter, mais cette question devrait être réglée dans les mois à venir.

Le président : Monsieur le ministre, vous avez dit que vous attendiez le plan de capacité militaire avant d'aller de l'avant avec d'autres acquisitions.

M. O'Connor : Le plan terminé sera présenté au Cabinet d'ici la fin de l'été. Nous sommes en train d'exposer les grandes lignes de la direction que nous souhaitons prendre, afin de donner assez de détails au Cabinet pour qu'il puisse comprendre les répercussions du plan et cibler les projets qui sont prêts à être mis en œuvre. Si le Cabinet approuve cet aperçu, sous réserve du document final, nous allons bientôt donner suite aux projets de biens d'équipement.

Le président : Maintenant, en ce qui concerne votre réponse sur l'élargissement et l'étape limitante de l'instruction, allez-vous tenter de trouver des solutions de rechange pour régler ce problème? Ainsi, par exemple, avez-vous songé aux primes de maintien de l'effectif afin de conserver en poste le personnel? Avez-vous songé à rapatrier des personnes qui ont pris leur retraite au cours des dernières années? Ou encore, avez-vous songé à cesser momentanément d'autres déploiements?

M. O'Connor : À l'exception de la dernière solution de rechange que vous avez proposée, et j'y reviendrai plus tard, nous examinons tous les moyens possibles pour améliorer le recrutement. Sous réserve de ce qui se passera à l'avenir, je crois que nous allons pouvoir augmenter de deux à deux fois et demie le plan des libéraux. Je vous dis cela en prenant compte de la situation actuelle et en anticipant les améliorations que nous pouvons apporter. À l'avenir, nous pourrons aller de l'avant encore plus rapidement qu'aujourd'hui, si nous parvenons à redresser le système de recrutement. Il faut faire preuve d'innovation pour atteindre ces objectifs.

En ce qui concerne les déploiements supplémentaires, il faut faire trois choses en même temps. Nous devons mener des opérations, et les opérations doivent être réussies. Nous devons affecter des ressources, de la main-d'œuvre et de l'instruction pour appuyer ces opérations. Nous devons tenter de générer de nouvelles forces pour élargir les forces armées, non seulement en matière de personnel, mais aussi en ce qui concerne les structures organisationnelles, l'équipement, et cetera. Nous sommes également aux prises avec une transformation, qui crée un chevauchement. Nous tentons également de transformer les forces armées, aux niveaux opérationnel et administratif, pour faire face à de futures menaces.

Nous devons consacrer beaucoup d'efforts dans chacun de ces domaines, et nous tentons de parvenir à un équilibre. Encore une fois, tout cela est assujetti à l'approbation du Cabinet, mais nous croyons que pendant que nous élargissons les forces armées, l'Armée ne pourra pas s'engager dans deux missions importantes. Nous allons devoir consacrer une partie importante de l'Armée, de la Force aérienne et de la Marine pour qu'elles se régénèrent afin que, d'ici à trois à cinq ans, nous ayons une Armée robuste et une Force aérienne revitalisée. En attendant, il va falloir faire preuve de prudence dans les efforts que nous déployons pour les missions à l'étranger.

Le président : Est-ce que l'Afghanistan sera votre mission principale?

M. O'Connor : Nous pouvons garder la mission en Afghanistan telle quelle, et à l'avenir, presque éternellement. Toutefois, nous ferions face à des défis considérables s'il fallait s'engager sérieusement ailleurs dans le monde.

Le président : Quand vous avez parlé deux fois le taux du plan libéral, il semblait que 4 000 des 5 000 n'auraient pas lieu jusqu'aux années quatre et cinq.

M. O'Connor : Qu'ont-ils fait? Huit mille sur cinq ans.

Le président : Il n'y a presque rien pour les années un, deux et trois.

M. O'Connor : Vous allez voir les augmentations l'année prochaine. Puisque nous sommes arrivés en plein milieu de l'année, nous essayons de revitaliser le système. Il y aura également une campagne publicitaire nationale d'envergure, afin d'engager de nouvelles recrues. Nous allons tenter d'élargir les forces le plus rapidement possible.

Le sénateur Meighen : Monsieur le ministre, cet argument est peut-être gratuit en ce qui concerne la campagne publicitaire, d'un côté, elle me préoccupe, et de l'autre, j'espère que ce sera une réussite. Je vous parle maintenant de mon expérience personnelle; si cette campagne est réussie, vous allez recevoir beaucoup de candidatures, et là, le défi sera celui de traiter ces demandes.

Il serait pénible de voir qu'il y a des candidats qui attendent pendant des mois et des mois pour savoir si leur demande a été reçue. Je voulais vous mettre la puce à l'oreille, et j'espère que vous allez pouvoir régler ce problème.

M. O'Connor : Je ne suis pas ici pour vous dire que nous sommes en train de réduire l'effectif des forces armées, nous sommes en train de l'augmenter. Notre défi est celui d'augmenter l'effectif des forces armées et d'améliorer la situation. Nous aurons toujours des défis à relever.

Le sénateur Day : Monsieur le ministre, merci de votre présence et de vos éclaircissements sur le budget et le financement accru fourni aux forces armées.

Nous avons eu de la difficulté à distinguer entre la promesse faite par le gouvernement actuel et les promesses du gouvernement précédent. Vos observations sur 2005, quand vous avez dit que l'exercice financier actuel comporterait une augmentation de 1 milliard de dollars, soit une combinaison des 600 millions promis par le gouvernement libéral et des 400 millions de dollars que vous avez promis. Nous obtenons ainsi un milliard de dollars. Tout est très clair.

Pour le prochain exercice financier, il s'agit de 2,3 milliards de dollars de plus que l'année de référence de 2005. Nous nous reportons toujours à l'année de référence de 2005. Si tout va bien, d'ici quatre à cinq ans, la promesse du gouvernement précédent de 12,8 milliards de dollars ainsi que la promesse du gouvernement actuel de 5,3 milliards de dollars reviendront à près de 18 milliards de dollars de plus que l'année de référence de 2005.

M. O'Connor : C'est exact. Nous prenons appui sur le plan libéral.

Le sénateur Day : Ce qui nous posait problème, c'était que, parfois, dans le budget, il était clair que le gouvernement allait continuer avec le plan précédent et le faire fructifier. Vous avez très bien éclairci la situation.

M. O'Connor : Nous en avons parlé pendant la campagne. Si nous respectons nos plans actuels, en 2011, le budget devrait être d'environ 20,3 milliards de dollars.

Le sénateur Day : Dans le budget principal des dépenses, on mentionne 14,8 milliards de dollars. Cela inclut la promesse du gouvernement précédent de 600 millions de dollars, mais n'inclut pas les 400 millions de dollars, parce que cette somme provient du budget paru après le Budget principal des dépenses.

M. O'Connor : C'est aussi que les opérations en Afghanistan s'y ajoutent.

Le sénateur Day : Nous parlons d'une référence pour les opérations. Nous avons parlé un peu de l'approvisionnement, et j'aimerais en discuter plus amplement. Comme vous le savez, quand il s'agit d'acheter de l'équipement, l'équipement majeur est onéreux dans le cas des forces armées. Quand le feu vert sera donné, est-ce que cela figurera comme un poste budgétaire additionnel?

M. O'Connor : Comme les membres du comité le savent sans doute, on a recours à la comptabilité d'exercice pour les biens d'équipement. Je vais vous donner un exemple pour la gouverne de nos auditeurs. Si nous voulons acheter un équipement qui durera 20 ans, nous allons amortir son coût sur 20 ans. C'est pour cette raison que je vous ai dit que dans notre cadre actuel de financement, nous avons assez de fonds pour donner suite à six ou huit projets d'envergure. Ils se trouvent dans notre cadre. Ils seront capitalisés sur la durée de vie du projet, soit, disons, de 15 ou 20 ans. S'il y a une augmentation du budget dans une année donnée, et si vous prenez des montants pour acheter des biens d'équipement, vous devrez multiplier chaque montant par 20. C'est comme ça que nous faisons la comptabilité. Et, oui, nous avons les fonds nécessaires.

Le sénateur Day : Dans les prévisions que vous avez faites, vous indiquez qu'il y aura des fonds disponibles pour les forces armées au cours des cinq prochaines années. Y a-t-il assez de fonds pour acheter les biens d'équipement que vous aimeriez avoir?

M. O'Connor : Oui, nous avons les fonds. Toutefois, vous devez également songer au problème pratique du nombre de projets qu'on gère et de l'ordre dans lequel ils se trouvent pour l'encaisse. Recevoir les fonds ne pose pas un problème considérable. Parfois, si vous ne pouvez pas dépenser les fonds, vous ne pouvez pas terminer le projet. Cela revient donc au jalonnement des projets.

Le sénateur Day : Parlons d'abord des biens d'équipement, et ensuite du personnel. Il y a eu un processus accéléré pour acheter certains biens d'équipement, tels que les aéronefs à voilure fixe et les hélicoptères. Ensuite, tous les processus ont été freinés en raison des élections. Maintenant, avec le nouveau gouvernement au pouvoir, je présume que tout restera pareil jusqu'à ce que vous fassiez rapport à vos collègues pour qu'ils donnent l'aval à ces projets.

M. O'Connor : Oui. Du point de vue du ministère, les projets sont prêts à être mis en œuvre. Il me reste à recevoir l'approbation du Cabinet pour donner l'aval aux six ou huit projets que j'ai mentionnés. Ils sont prêts.

Le sénateur Day : Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que vous avez satisfait à toutes les spécifications? Nous avons vu la procédure d'acquisition de biens d'équipement des 15 dernières années, et l'objectif était de s'en éloigner.

Vous avez mentionné que le processus d'approvisionnement militaire sera réformé. Pouvez-vous nous en parler davantage?

M. O'Connor : Le ministère a déjà amorcé certains changements. Auparavant, comme certains d'entre eux vous le savent, il fallait quatre ans pour acquérir un bien majeur d'équipement, c'est-à-dire qu'entre le temps où quelqu'un avait la brillante idée d'acheter un équipement et le temps que les documents soient prêts pour l'acquisition, il s'écoulait quatre ans.

Le sénateur Day : Je crois que quatre ans est une sous-estimation.

M. O'Connor : J'étais gentil : il fallait au moins quatre ans. Pour les biens majeurs d'équipement, l'exigence du ministère s'énonce désormais en termes de rendement et de résultats. Le ministère tente de réduire les énoncés de rendement à une ou deux pages. Ça permet d'économiser beaucoup de temps.

Aussi, nous procédons maintenant avec une directive venant du sommet. Dans le passé, le ministère avait recours à une démarche ascendante. Ainsi, un officier subalterne préparait l'exigence, la transmettait à son chef, qui, à son tour, la transmettait plus haut par l'entremise de comités. Nous avons toujours des comités et des processus d'approbation pour assurer un contrôle adéquat, mais la directive vient désormais du sommet. Ce changement accélère le processus.

Hormis certaines exceptions, nous avons laissé de côté le besoin de tout canadianiser. À l'époque où j'étais dans l'armée, nous appelions ça le C1. Si quelqu'un avait un fusil, un camion ou un casque, il fallait le canadianiser. Nous laissons de côté cette pratique, à moins qu'il y ait une exigence exceptionnelle de canadianiser des produits qui ont fait leurs preuves dans d'autres pays.

Nous tentons d'éviter, dans la mesure du possible, tout bien équipement en développement. Nous ne voulons pas acheter des camions ou des avions en papier. L'équipement doit être réel, opérationnel et établi. Dans le passé, nous avons acheté de l'équipement qui n'était pas à jour et qui n'était pas assez performant. Nous avons investi de l'argent et du temps avec le fabricant.

Je discute avec mes collègues du Conseil du Trésor, d'Industrie Canada et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Nous avons des agents qui collaborent ensemble, pour s'assurer que le processus est simplifié et abrégé.

Vous verrez, lorsque nous mettrons en œuvre ces projets, cela ne prendra pas huit ou dix ans. Nous allons avancer le plus rapidement que le gouvernement peut le faire.

Le sénateur Day : Si je ne m'abuse, la moyenne pour l'acquisition de biens d'équipement majeurs était d'environ 14 ou 15 ans. De toute évidence, pour avoir une moyenne de 14 ou 15 ans, il fallait quelques années de plus.

M. O'Connor : Si je me souviens bien, il a fallu six personnes pour concevoir le plan pour les M-113. Nous avons commandé des centaines de ces transporteurs. Quand nous avons amorcé le processus d'acquisition des véhicules blindés légers, près de 100 personnes prenaient part au projet. La raison pour laquelle autant de personnes étaient impliquées était que la pratique courante était non seulement d'énoncer des exigences, mais aussi les directives. Ainsi, si nous voulions une tarte aux bleuets, on ne disait pas tout simplement qu'on voulait une tarte aux bleuets, mais on fournissait la taille de la tarte ainsi que le nombre de bleuets qu'elle devait contenir. Nous ne procédons plus de la sorte.

Le sénateur Day : Est-ce que ces réformes ont été générées à l'interne?

M. O'Connor : Oui.

Le sénateur Day : Avez-vous eu des discussions ou étudié le processus d'acquisition afin de voir si vous avez besoin de toutes les étapes gouvernementales actuelles, ce qui inclut TPSGC, dans le processus d'acquisition de l'équipement militaire?

M. O'Connor : Tel que je le mentionnais, nous sommes au pouvoir que depuis trois mois. Nos agents commencent à parler de cette partie du processus. Je ne sais pas encore ce qu'ils ont proposé, alors je ne peux pas répondre à cette question. Vous devriez poser cette question au ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux ou au ministre d'Industrie Canada.

Le sénateur Moore : Monsieur le ministre, vous avez mentionné que, sous réserve de l'approbation du Cabinet, vous aviez six à huit projets de biens d'équipement qui étaient prêts. Pouvez-vous nous parler de ces projets, de leur coût, et de leur financement?

M. O'Connor : À l'heure actuelle, je ne peux pas vous donner la ventilation des coûts, parce qu'ils ne sont pas finalisés, et que je n'ai pas encore reçu l'approbation du Cabinet. Toutefois, ces coûts sont couverts dans le budget. Je n'aurai donc pas besoin d'un dollar supplémentaire pour les mettre en œuvre. Il y a des projets reliés aux camions, au transport maritime, et, environ quatre projets pour l'aérotransport. Je ne me rappelle pas des autres projets, mais il y a en plusieurs qui sont prêts.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que les coûts sont couverts dans le budget. Est-ce que certains de ces coûts sont couverts parce que d'autres activités ont été réduites?

M. O'Connor : Non, pas tellement en ce qui concerne les biens d'équipement. Mais en ce qui concerne l'avenir, le ministère est surchargé. En d'autres mots, nous avons des projets qui figurent sur la liste du programme de biens d'équipement qui ne seront jamais mis en œuvre. Il y a donc du personnel qui travaille à des projets qui n'auront jamais lieu. Je n'ai pas encore étudié cet aspect, mais il va falloir rendre le programme de biens d'équipement réaliste. Il va donc falloir se débarrasser de projets qui sont nécessaires, mais pas essentiels pour notre politique. Nous allons donc devoir travailler avec ce que nous avons, et voir ce que nous devons faire. À l'avenir, nous allons probablement changer certaines des choses du programme de biens d'équipement, qui est surchargé de 20 ou 25 p. 100.

Le sénateur Moore : Avez-vous pris une décision en ce qui concerne le genre d'aéronef qui sera acheté pour l'aérotransport?

M. O'Connor : Non, pas à ma connaissance. Pour être plus clair, lorsque nous parlons d'aérotransport, il s'agit de transport stratégique et de transport tactique. Nous n'avons pas encore déterminé les aéronefs que nous allons acheter.

Le sénateur Moore : Je viens du Canada atlantique et étant donné le nouveau rôle maritime du NORAD, je crains qu'on réduise le nombre d'aéronefs de patrouille maritime Aurora à Greenwood, ainsi que le nombre de navires de surface et de sous-marins à Halifax. Est-ce que vous pouvez me confirmer qu'il n'y aura pas de réduction?

M. O'Connor : Personne ne m'a parlé de ce genre d'interruption. Je sais que trois mois peuvent vous sembler long, mais il y a certains détails que je n'ai pas encore obtenus. On ne m'a pas parlé de modifications à la structure des forces.

L'autre jour, il ne s'agit pas de modifications à la structure des forces, on m'a posé une question relative au Chicoutimi. Nous avions l'option de dépenser plus de 100 millions de dollars pour le rendre opérationnel pendant douze à seize mois, puis le retirer, le moderniser et enlever tout ce que nous y avions mis. J'ai dit que la meilleure option était de le garder en cale sèche, de le mettre en veilleuse, et de le moderniser en temps opportun. Je n'ai pas reçu de modifications à la structure des forces.

Le sénateur Forrestall : Le sénateur Moore a parlé d'une question que j'aimerais soulever. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, l'acquisition de biens d'équipement, notamment en ce qui concerne le transport stratégique, est une priorité. J'imagine qu'il ne s'agira pas d'un achat direct dans le commerce.

M. O'Connor : Un aéronef majeur est une acquisition d'un produit disponible dans le commerce.

Le sénateur Forrestall : J'aimerais passer à la prochaine étape. Je crois que les Canadiens comprennent qu'il s'agit d'une situation urgente. Est-ce que vous prendriez un bien d'équipement qui a fait ses preuves et l'achèteriez en contournant le processus d'appel d'offres et les cahiers des charges?

M. O'Connor : L'idéal, c'est un appel d'offres concurrentiel, mais il y a des exceptions. Nous faisons parfois appel à un « fournisseur unique » lorsque nous avons besoin de quelque chose immédiatement ou lorsqu'il n'existe qu'une seule solution. Je peux vous donner l'exemple de l'Afghanistan, où nous avons dû nous procurer du jour au lendemain des plaques de blindage. En dehors de ce scénario, nous avons pour politique de recourir à un appel d'offres concurrentiel.

Le sénateur Forrestall : Il est question d'acquérir des navires et de remplacer l'épine dorsale de notre flotte, est-ce qu'on envisage de revitaliser les chantiers navals canadiens pour soumettre la construction de ces navires à des appels d'offres concurrentiels?

M. O'Connor : Cette question concerne Industrie Canada, je suppose. Je vais y répondre partiellement. Il y a aussi la Garde côtière, et le Canada fabrique d'autres types de navire.

Je suis en train d'essayer de définir les besoins futurs de la Marine et pour l'instant, je ne les connais que partiellement. Nous avons un plan d'acquisition à long pour la marine, mais cela ne n'empêche pas d'échafauder d'autres plans. Quand j'aurai en main ce plan à long terme, je m'adresserai aux gens d'Industrie Canada, qui en seront informés.

Je ne peux pas me prononcer sur la Garde côtière, mais je suppose que le ministre des Pêches et des Océans va avoir un plan à long terme pour la Garde côtière; Industrie Canada pourra en prendre connaissance et voir ce qui peut en résulter pour les chantiers navals. Je ne m'occupe pas particulièrement de ces derniers.

Le président : Monsieur le ministre, vous avez dit que vous n'achetez pas de matériel qui n'existe que sur le papier; vous voulez du matériel qui ait fait ses preuves. Le comité n'a trouvé trace d'aucun navire de soutien mixte. Est-ce qu'un tel navire pourrait faire l'objet d'une exception à l'interdiction des achats sur papier?

M. O'Connor : Lorsqu'on a une exigence précise répondant à des besoins particuliers, il faudra faire construire un navire, je suppose.

Si les navires dont nous avons besoin ne sont pas disponibles et que nous avons des exigences bien précises, nous collaborerons alors avec Industrie Canada pour les faire fabriquer. En principe, nous ne voulons pas nous occuper de fabrication, ni acheter des avions ou des camions sur papier. Je suis suffisamment âgé — et peut-être certains d'entre vous le sont aussi — pour savoir que la technologie fait bien des promesses, mais qu'elle ne les remplit jamais tout à fait. Il est préférable de pouvoir prendre l'objet en main, de le voir fonctionner et de savoir combien coûte une heure de son fonctionnement. Nous préférons procéder ainsi.

Le sénateur Day : J'aimerais terminer sur la question du budget en parlant du personnel supplémentaire. Ce comité a toujours approuvé le point de vue du gouvernement en ce qui concerne le personnel supplémentaire des Forces armées. Nous avons produit plusieurs rapports à cet égard. Nous étions même tout à fait enthousiastes lorsque le gouvernement précédent a annoncé une augmentation des effectifs, mais quelques mois plus tard, l'amiral Buck, responsable du dossier à l'époque, nous a dit que les démarches n'avaient même pas commencé, alors que tout le monde savait qu'il fallait davantage de personnel. Nous l'avons interrogé sur ce retard, et il a dit qu'il n'avait pas les fonds nécessaires pour apporter les changements.

On nous a dit qu'il manquait environ 800 millions de dollars dans le budget de la Défense nationale. Le budget de cette année comporte un milliard supplémentaire, qui correspond à des promesses faites par vous-même et par le gouvernement précédent. Il y a certainement bien d'autres dépenses militaires, et si l'on retranche 800 millions de dollars du milliard en question, il ne restera pas grand-chose pour toutes les autres activités dont vous avez parlé.

Avez-vous un programme de gestion du personnel pour cette année? Vous avez parlé d'une campagne de publicité, mais combien de ces 23 000 recrues vont entrer dans les forces armées d'ici la fin de l'exercice financier?

M. O'Connor : Sauf erreur de ma part, les forces armées doivent recruter 5 000 personnes par an pour maintenir leur effectif. L'année dernière, elles ont atteint 106 p. 100, soit un peu plus que le niveau de conservation.

Un budget n'est qu'une intention; il y a ensuite les documents budgétaires, l'approbation et le Conseil du Trésor. Les fonds supplémentaires de recrutement qui dépassent le plan des libéraux vont intervenir en juillet. On va alors assister à une certaine augmentation des effectifs des forces armées par rapport au plan des libéraux, mais elle sera modeste, car l'argent commence tout juste à entrer.

L'année prochaine, le ministère aura le plein montant dont il a besoin pour augmenter les effectifs au taux qu'il s'est fixé, et il en sera de même les années suivantes. Le mouvement va s'amorcer lentement, parce qu'il y a toujours un problème d'instruction. Vous allez constater une modeste augmentation des effectifs des forces armées, qui s'établissent à 62 500 actuellement pour le personnel rémunéré. L'année prochaine, vous constaterez une augmentation plus nette, ainsi qu'à chacune des années suivantes.

Le sénateur Day : Nous n'allons pas entrer dans ces détails, et je suis certain que nous aurons l'occasion de reparler de la différence considérable entre ceux qui sont rémunérés et les effectifs opérationnels.

M. O'Connor : C'est effectivement un problème. Il y a environ 10 000 personnes qui s'occupent du recrutement et de l'instruction. Si nous agissons efficacement, nous réussirons peut-être à trouver parmi eux 1 000 ou 2 000 militaires opérationnels supplémentaires.

Le sénateur Day : Je me préoccupe des 400 millions de dollars promis par votre gouvernement, qui figurent dans le budget, mais qui ne seront pas autorisés avant le dépôt des budgets supplémentaires en novembre et décembre de l'année prochaine, c'est-à-dire presque à la fin de l'exercice financier, et vous allez devoir attendre avant de recevoir ces fonds supplémentaires.

M. O'Connor : C'est le propre de la procédure budgétaire. L'argent a été annoncé dans le budget et celui-ci doit encore être approuvé.

Le sénateur Day : À cause de la date de la chute du gouvernement et du déclenchement des élections, nous avons des crédits, mais les 400 millions de dollars ne figurent pas dans l'actuel projet de loi de crédits.

M. O'Connor : C'est un montant prévu dans le budget de l'année dernière.

Le sénateur Day : Les crédits que demande le gouvernement actuel nous mènent jusqu'en novembre et décembre, et la Défense nationale ne pourra pas obtenir les 400 millions promis par votre gouvernement dans le budget avant le dépôt des budgets supplémentaires.

M. O'Connor : Pour autant que je me souvienne, les montants inscrits dans le budget cette année pour concrétiser l'augmentation des libéraux vont doubler.

Le sénateur Day : Je ne sais pas exactement d'où vous tenez cette information.

M. O'Connor : Le plan prévoyait 100 millions de dollars supplémentaires pour faire du recrutement. Je me trompe peut-être sur les chiffres, mais à cause de notre procédure budgétaire en fin d'exercice, nous allons pouvoir consacrer 200 millions supplémentaires au recrutement, au-delà du niveau de maintien des effectifs.

Le sénateur Day : Que se passera-t-il l'année prochaine?

M. O'Connor : Ce dont je parle est prévu pour l'exercice financier en cours. On en règle les détails actuellement, mais voilà ce qui est prévu. Dès cette année, nous allons consacrer davantage au recrutement qu'on ne le prévoyait initialement. Grâce aux tours de magie de nos comptables, nous allons avoir plus d'argent cette année pour le recrutement.

Le sénateur Day : Malheureusement, les tours de magie des comptables n'apportent pas aux forces armées suffisamment d'argent pour faire ce qu'on leur demande. C'est bien ce qui nous préoccupe, et c'est pour cela que nous vous posons ces questions.

M. O'Connor : Comme je l'ai dit tout à l'heure, les fonds manquent pour le fonctionnement et l'entretien, au moins 20 personnes l'ont affirmé. Parfois, les manques de fonds évoluent.

Par exemple, lorsque nous allons remplacer la flotte actuelle de Hercules, dont l'entretien nous coûte plus de 400 millions par an, vous allez constater que la nouvelle flotte, quelle qu'elle soit, va coûter moins cher en entretien. Ce genre de situation modifie l'équilibre entre l'opérationnel et l'entretien.

Je ne veux pas risquer un chiffre pour les camions, car je risquerais de me tromper en public, mais l'entretien de nos camions intermédiaires nous coûte très cher. Au fur et à mesure de leur remplacement, leur coût d'entretien va diminuer.

Les problèmes d'exploitation et d'entretien sont souvent attribuables à un matériel désuet dont l'entretien nous coûte une fortune. Dès que nos projets d'immobilisation vont s'amorcer, cet équilibre va changer. La situation devrait s'améliorer à l'avenir, non pas parce qu'on va dépenser davantage, mais parce qu'on va améliorer l'entretien et la qualité du matériel.

Le sénateur Poulin : Monsieur le ministre O'Connor, je vous remercie de votre déclaration liminaire où vous avez salué le travail de notre comité, qui s'applique à faire prendre conscience aux Canadiens des questions de défense et de sécurité. Vous serez sans doute d'accord pour dire que notre succès dans ce domaine est notamment dû à la télédiffusion des délibérations du comité.

Comme vous le savez, avant d'être nommée au Sénat il y a dix ans, j'ai dirigé une entreprise de télédiffusion pendant plus de vingt ans. Je sais par expérience que les journalistes, les techniciens et les producteurs canadiens ont toujours été très respectueux des victimes et de leurs familles lorsqu'ils rapportent des événements où des gens sont en deuil.

[Français]

Monsieur le ministre, nous savons que les Canadiens et Canadiennes sont très fiers de nos soldats, qu'ils soient en poste ici au Canada ou en mission dans un autre pays. Nous savons aussi que les Canadiens et Canadiennes vivent une profonde sympathie pour les familles qui perdent une personne chère en mission.

Monsieur le ministre, je n'ai pas compris la décision du nouveau gouvernement d'empêcher la presse d'être à Trenton pour l'arrivée des corps des soldats que nous avons perdus.

[Traduction]

M. O'Connor : Comme je l'ai dit à la Chambre des communes, la presse a directement accès à tous les incidents qui se produisent à Kandahar. Des journalistes intégrés à l'armée rendent compte de tous les incidents qui se produisent quotidiennement en Afghanistan. On ne lui cache rien. Chaque fois qu'un militaire est blessé ou tué, on le sait instantanément dans tout le pays; les journaux et la télévision en font état.

Lors des enterrements et des services funéraires, si la famille souhaite la présence des journalistes, elle peut les faire venir et si elle ne la souhaite pas, nous veillons à exclure les journalistes.

À la deuxième étape de l'arrivée des corps, c'est-à-dire lorsque la parenté, le plus souvent l'épouse, se retrouve concrètement en présence du cercueil, tout reste théorique jusqu'au moment où apparaît le cercueil, qu'on place ensuite dans le corbillard.

Peu importe que les médias utilisent des caméras montées sur une grue pour montrer les cercueils qui sortent de l'avion. Je n'y attache aucune importance. Mais je ne veux pas que l'on filme des membres de la famille lorsqu'ils s'effondrent en larmes sur le cercueil dans ce qui devrait être un geste de nature privée d'expression de leur deuil. Pour moi, il est tout à fait inconvenant de les filmer. C'est là un instant de nature privée. Comme mon gouvernement, j'ai l'intention de protéger la vie privée des gens dans les situations de ce genre.

Si les membres de la famille veulent ensuite s'adresser aux journalistes lors d'une conférence de presse, ils ont le loisir de le faire. Nous sommes citoyens du Canada et nous avons toute liberté pour agir ainsi. Cependant, l'arrivée des cercueils à la base de Trenton est un moment de deuil privé et nous avons pour politique de protéger la vie privée des membres de la famille.

Peut-être l'ignorez-vous, mais les membres de la famille ne souhaitent pas tous que la presse assiste à leur deuil. Notre gouvernement a donc adopté une politique qui s'applique à tout le monde. Nous protégeons ceux qui ne veulent pas des journalistes au moment où ils assument leur deuil. Pour ceux qui le souhaitent, nous permettons la présence de la presse aux funérailles.

[Français]

Le sénateur Poulin : Est-ce que ce sera la politique du gouvernement, dorénavant, d'empêcher la presse d'assister à l'arrivée de nos soldats qui sont morts dans d'autres pays?

[Traduction]

M. O'Connor : Je sais, sénateur, que vous avez fait carrière dans la presse, mais je ne vois pas où est le problème. Nous n'avons aucune intention de cacher quoi que ce soit. Nous voulons protéger la vie privée de personnes en deuil. La presse à toute latitude pour montrer ce qui se passe au début et à la fin.

Je ne sais pas si vous le savez, mais au cours de la dernière décennie, nous avons dû rapatrier de 20 à 25 militaires tués en Bosnie, et personne n'a jamais su que des cercueils étaient arrivés. On les ramenait dans leurs familles au milieu de la nuit. Les journalistes n'étaient pas présents. Voilà ce dont il est question lorsqu'on parle de manipulation de la presse.

Nous n'avons pas l'intention de manipuler quoi que ce soit. Nous nous efforçons de protéger la vie privée des membres de la famille lorsque le cercueil arrive. Après cela, ils ont toute liberté d'agir à leur guise. Ils peuvent s'adresser à la télévision, se plaindre de moi, faire tout ce qu'ils veulent. Le moment où les cercueils arrivent à Trenton est un moment réservé aux familles.

Le sénateur Meighen : Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Nous manquons de temps, et je vais vous poser quelques questions portant sur ce que vous avez dit, à savoir que rien n'est encore coulé dans le béton et que vous et votre ministère êtes toujours prêts à envisager différentes façons de procéder.

Dans ce contexte, j'aimerais parler du processus d'approvisionnement. Pourriez-vous envisager de hausser la limite de dépenses du ministre à 250 millions, par exemple, de façon que votre ministère n'ait pas à perdre son temps en passant par l'intermédiaire de toute une kyrielle d'autres ministères? Le cas échéant, vous pourriez ainsi traiter une acquisition à l'interne.

M. O'Connor : Nous commençons à nous concerter entre ministères pour simplifier et accélérer le processus. Je ne peux pas vous parler spécifiquement du montant envisagé.

Le sénateur Meighen : Est-ce qu'il pourrait augmenter?

M. O'Connor : Oui. Comme vous le savez, la Défense nationale traite plus de grands projets que les autres ministères. En principe, si le pouvoir de signature du ministre était plus étendu, les projets progresseraient plus rapidement. La question devra faire partie de nos discussions futures.

Le sénateur Meighen : C'est en tout cas le parti qu'a pris notre comité, et je tenais à le souligner.

Nous avons aussi adopté le principe de l'armement de la Garde côtière, qui doit pouvoir agir comme une force constabulaire armée. La formule comporte évidemment des avantages et des inconvénients.

Je pense en particulier au Nord, où la Garde côtière possède en matière de brise-glace une expérience que la Marine n'a pas. Ce serait donc une option à envisager avant de dépenser des sommes considérables pour former des marins et construire des navires leur permettant de s'aventurer dans les glaces.

M. O'Connor : Notre vision du Nord et de notre souveraineté dans le Nord est au cœur même de notre politique. Nous avons pris l'engagement solennel de préserver notre souveraineté sur le territoire, dans l'espace aérien et dans l'espace maritime de toute la région nordique.

Je ne peux pas parler de la Garde côtière canadienne, mais à ma connaissance, il n'est pas prévu de la doter d'un armement. En ce qui concerne la Marine, elle se rendra dans l'Arctique d'une façon ou d'une autre, par exemple en utilisant des sous-marins nucléaires. Ces sous-marins coûtent très cher, et nous devons nous demander si nous en avons vraiment besoin. Nous pourrions utiliser des brise-glace ou des aéroglisseurs. Différentes solutions sont envisageables.

J'ai des collaborateurs qui travaillent sur les options qui s'offrent à nous pour l'Arctique, les différentes formules ne seront pas visibles avant un certain temps. Peut-être ferons-nous appel conjointement à des brise-glace et à des aéroglisseurs, ou peut-être va-t-on trouver une autre formule.

J'aimerais qu'à l'avenir, quand je ne serai plus là, notre Marine soit capable d'aller partout sur l'eau et sur la glace dans tout le secteur océanique qui relève de notre responsabilité. Je veux que notre armée soit capable d'atteindre n'importe quel point de notre territoire et que notre armée de l'air puisse se rendre n'importe où pour assurer notre souveraineté.

Comme vous le savez, le passage du nord-ouest sera un jour ouvert en permanence, même si ce jour est encore lointain. Nous avons des ressources considérables dans ce secteur, notamment du pétrole, du gaz, des minéraux et des diamants. La population mondiale augmente, et ses besoins en ressources augmentent d'autant. Nous ne sommes pas menacés par une invasion imminente; il s'agit simplement d'assurer notre souveraineté sur notre territoire. Nous n'avons pas à empêcher un navire d'emprunter le passage du nord-ouest s'il respecte nos lois. Nous devons surveiller les navires qui pourraient transporter des matières toxiques, par exemple. Dans ce cas, c'est nous qui devrions faire face aux conséquences d'un déversement.

Le sénateur Meighen : Il existe actuellement une situation similaire dans le sud.

M. O'Connor : Oui, nous devons imposer notre souveraineté pour que les autres pays respectent nos lois.

Le sénateur Meighen : Je ne pense pas que vous trouverez beaucoup d'opposition ici au besoin de renforcer notre présence dans l'Arctique.

Enfin, notre premier ministre a rendu visite à nos soldats en Afghanistan en février, et je pense que ça été plutôt bien accueilli. Il me semble que vous avez prévu une tournée en mai avec des personnalités du monde du spectacle pour les Forces canadiennes. Notre comité souhaite ardemment se rendre en Afghanistan à l'automne.

Nous vous avons écrit, et nous avons reçu un accusé de réception nous indiquant qu'une réponse plus détaillée nous serait envoyée sous peu. Je pense que les mots exacts étaient « à l'avenir ». Ma remarque vise simplement à vous demander de nous donner une réponse dès que possible afin que nous puissions commencer la planification de la visite.

M. O'Connor : J'essaie toujours d'avoir le point de vue de nos troupes, car ils ont une multitude de visiteurs. J'essaie actuellement de limiter le nombre de visiteurs.

Bien entendu, les membres du comité sénatorial de la défense et du comité de la défense de la Chambre des communes devraient rendre visite aux soldats, car cela relève de votre champ d'intérêt. J'aimerais organiser une visite de façon à ce que les deux comités viennent ensemble, comme ça nous n'aurons pas à consacrer énormément de ressources à une série interminable de visiteurs.

J'aimerais donc procéder de cette façon-là. Je dois en discuter avec votre comité et l'autre comité pour voir si c'est possible. Si ce n'est pas possible, il faudra s'organiser autrement.

Le sénateur Meighen : Si je comprends bien, votre bureau est prêt à faire son possible afin de nous aider dans nos démarches, et je vous en remercie.

Le sénateur Atkins : Vous avez dit que pour maintenir le niveau actuel des forces armées il fallait 5 000 nouvelles recrues par an.

M. O'Connor : À peu près 5 000, oui.

Le sénateur Atkins : Est-ce en plus de 13 000?

M. O'Connor : Oui, et année après année vous aurez besoin de 6 000 recrues supplémentaires, puis de 7 000 pour assurer le maintien. Au fur et à mesure que les forces armées augmentent, on ne fait que remplacer les départs.

Le sénateur Atkins : Ils correspondent à environ 10 p. 100.

M. O'Connor : On m'a dit que les départs étaient d'environ 5 000, donc sur un total de 60 000, ça représente 7 p. 100.

Le sénateur Atkins : Vous avez un véritable défi à relever. Au fil des ans, notre comité s'est penché sur le sujet du recrutement, et même si on nous a régulièrement déclaré que le processus allait être rationnalisé et amélioré, cela ne semble jamais s'être réalisé.

Je vais vous donner un exemple. Nous nous sommes rendus à la BFC Borden et nous avons vu des nouvelles recrues en train de se tourner les pouces en attendant une affectation. Ce qui soulève la question suivante, à savoir celle des instructeurs. Nous avons pu observer cette situation non seulement à Borden, mais également à Camp Gagetown. On nous a dit qu'ils faisaient un roulement des instructeurs pour l'instruction. Comment vous proposez-vous de régler ce problème si le processus de recrutement s'accélère?

M. O'Connor : Il y a différentes façons de relever ce défi. Les premières recrues iront remplir les rangs de nos unités existantes. En fait, c'est un véritable dilemme. Les unités existantes qui manquent d'effectif ne peuvent pas se permettre de se séparer de leurs sous-officiers. Ce qui veut dire que les écoles n'ont pas les sous-officiers dont elles ont besoin pour former de nouvelles recrues. C'est un cercle vicieux.

Il faut donc commencer par remplir les rangs des unités existantes afin qu'elles aient les effectifs nécessaires. Peut- être qu'il faudra prendre des mesures novatrices, par exemple, faire revenir d'anciens instructeurs avec des contrats temporaires, comme l'a mentionné le sénateur Kenny.

On peut aussi contourner le système. Par exemple, si on a besoin d'un grand nombre de soldats d'infanterie, on peut peut-être contourner le système d'instruction. On embauche 150 recrues, on les transfère au bataillon X, et on lui dit que c'est à lui de former ces recrues. Il y a différentes possibilités.

La partie la plus difficile de l'instruction concerne les métiers très techniques. On ne peut pas tout simplement donner à quelqu'un des recrues et lui dire de les former. Il faut avoir l'ensemble de la structure, et c'est pourquoi certains métiers peuvent poser problème.

Le sénateur Atkins : Est-ce que ça va exiger une réorganisation complète de l'infrastructure?

M. O'Connor : Je ne sais pas. Je n'ai pas vu le plan d'infrastructure. Nous avons trop d'infrastructures. Nous avons trop d'édifices, trop de tout. Toutefois, jusqu'à ce que je voie un plan détaillé pour comparer ce qu'il y a de trop par rapport à notre politique et nos intentions, nous ne pourrons commencer à faire des ajustements. À l'avenir, il va falloir apporter des modifications à l'infrastructure.

Le sénateur Atkins : Maintenant, en ce qui concerne l'aéroportée, j'imagine que vous l'avez mis à Trenton parce que le centre d'instruction s'y trouve.

M. O'Connor : On l'a mis à la BFC Trenton, car c'était, et c'est d'ailleurs toujours l'emplacement de la brigade aéroportée. Je n'en ai pas parlé avec les dirigeants de la Force aérienne, mais je ne crois pas qu'ils veulent changer l'aéroportée.

Le président : Au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre comparution. Vos observations ont été très utiles. Nous aimerions vous réentendre au sujet d'un comité mixte qui irait en Afghanistan.

Nous aimerions donner certains rapports à votre personnel pour que vous en preniez connaissance. Nous sommes très heureux que vous nous ayez choisis comme premier comité auquel vous alliez témoigner.

Afin de discuter des changements récents au sein la Gendarmerie royale du Canada, y compris du rôle de la GRC en Afghanistan, nous allons accueillir le commissaire Giuliano Zaccardelli.

Le commissaire Zaccardelli s'est joint à la Gendarmerie royale du Canada en 1970. Il en est devenu le 20e commissaire le 2 septembre 2002. Aux termes de la Loi sur la gendarmerie royale du Canada, le commissaire Zaccardelli est chargé de toutes les questions liées à la gestion et aux opérations continues de la GRC et de ses 23 000 employés.

Au cours des dernières années, les membres du comité ont rencontré le commissaire Zaccardelli de manière formelle et informelle. Il s'agit néanmoins de la toute première fois que le commissaire comparaît de manière officielle devant le comité.

Bienvenue, monsieur le commissaire.

Giuliano Zaccardelli, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada : Merci beaucoup, et bonjour.

Je suis heureux de cette occasion de m'entretenir avec vous sur les meilleurs moyens d'aborder les enjeux de sécurité, de police et de leadership qui nous préoccupent aujourd'hui.

Avant de commencer cette discussion qui sera très intéressante, j'aimerais faire quelques remarques préliminaires.

En tant que membres de ce comité, vous savez aussi bien que moi, le caractère plus urgent que jamais que revêt le contexte actuel de l'application de la loi et de la prévention criminelle, notamment pour ce qui est d'adopter une démarche exhaustive en vue d'assurer la sécurité des citoyens et des collectivités. Nous faisons face à un ensemble complexe de facteurs interreliés qui rendent notre mandat, au sein de l'application de la loi, et le vôtre, en qualité de conseillers et dirigeants, pour le moins stimulant.

Nous faisons donc face à l'émergence du terrorisme comme menace réelle et présente, au pays et dans le monde. Quelqu'un a dit que la question n'est pas de savoir si, mais quand le Canada subira son propre 11 septembre, et les autres pays seront exposés à une tragédie de même gravité, avec toutes les conséquences que l'on imagine. Nous sommes aux prises avec des recoupements entre la criminalité au sein des collectivités, le crime organisé, le cybercrime et le terrorisme, qui font que nous n'avons d'autre choix que d'entamer des initiatives de prévention et d'intervention multilatérales et multiniveaux.

Nous devons faire face aux préoccupations accrues du public, justifiables mêmes lorsqu'elles sont nourries par la peur plutôt que par des preuves tangibles, qui ne font qu'accentuer la nécessité de prendre des décisions éclairées et ouvertes.

Il faut trouver un juste équilibre entre la protection des libertés civiles et l'aptitude à intervenir en temps utile et avec efficacité face aux menaces potentielles et réelles. Il y a un besoin constant de trouver et d'affecter judicieusement les ressources financières, humaines, techniques, technologiques et d'infrastructure voulues.

Le défi consiste pour nous à mettre en œuvre les principes de la police intégrée et axée sur le renseignement de concert avec nos collègues des milieux du renseignement, du gouvernement à tous les niveaux, des ONG et du système de justice pénal, tant au pays qu'à l'échelle internationale.

Nous faisons face à l'exigence constante de gérer judicieusement la Gendarmerie, plus particulièrement la nécessité de déterminer, de recruter, de former et de soutenir des effectifs de haut niveau au XXIe siècle, en tenant compte d'un contexte démographique en évolution, de nouveaux besoins en matière de science et de technologie, et des enjeux relatifs à l'équité en matière d'emploi, à la diversité, à la gestion et à la rémunération, entre autres.

Nous avons un environnement externe qui exige des niveaux de transparence et de responsabilisation sans précédent au cours de notre histoire, sans parler des intérêts concomitants des médias, du public, du monde politique et des nombreuses bureaucraties avec lesquelles nous interagissons.

Enfin, il existe les exigences et les défis concernant la gestion dans cet environnement complexe, où les anciennes luttes intestines et les modalités traditionnelles en matière de répartition des rôles et de leadership ne sauraient être maintenues. Nous devons chercher de nouveaux modes de fonctionnement tout en préservant notre profond engagement envers l'intégration que la communauté policière et nos partenaires ont adoptée, sans perdre de vue les rôles, le siège du pouvoir final de décision, la nécessité d'un équilibre entre la responsabilisation et l'autonomie, et la question épineuse de trouver les ressources voulues et de bien les affecter.

Nous devons prendre en considération tous ces éléments tout en gardant à l'esprit que la sécurité n'est pas le seul facteur déterminant la qualité de vie des Canadiens et ce qui les empêche de dormir. Notre mandat concerne un éventail d'enjeux en matière publique, communautaire et politique, à savoir la santé, les défis environnementaux, la viabilité des programmes sociaux et les relations intergouvernementales et internationales, entre autres.

De toute évidence, la liste de nos défis ne s'arrête pas là. Cela dit, elle n'est pas suffisamment courte pour être résolue d'un coup, ni par des solutions simples et définitives.

Je suis toujours suis heureux d'aborder ces questions avec vous et de répondre à vos questions, tant sur le plan philosophique que pratique, dans le but de créer le cadre favorable à notre démarche.

Si vous me le permettez, j'aimerais aussi vous lancer quelques questions de mon cru, ce qui ne veut pas dire que j'ai les réponses; mais j'estime que ces interrogations font partie de notre quête.

Comment mettre en œuvre le modèle d'intégration si largement reconnu comme la seule façon d'aborder les enjeux complexes qui se posent à nous, tout en maintenant l'intégrité des nombreux intervenants, tant institutionnels qu'individuels?

Comment déterminer les rôles, les fonctions de leadership, les axes de responsabilité et de gestion de façon à respecter les principes d'intégration et de multilatéralisme?

Comment déterminer la nécessité de ressources additionnelles et des démarches ciblées pour l'affectation des ressources, sans paraître égocentriques et surtout, sans politiser cet enjeu?

Comment trouver le juste équilibre entre la nécessité pour les milieux policiers de maintenir l'autonomie voulue et la satisfaction des besoins du gouvernement sur le plan de la démocratie, de la représentation et de la responsabilisation?

Nous vivons une ère complexe, est-il besoin de le répéter? Nous n'avons jamais été aussi prêts, aptes et intéressés à unir nos efforts avec des entités comme votre comité, les ministères, nos collègues des milieux politiques, théoriques et bureaucratiques, dans un esprit de leadership ouvert et partagé. Au-delà de mon mandat personnel touchant la gestion de la Gendarmerie royale du Canada, j'estime que c'est la confiance des Canadiens, et même au sein de notre organisation, qui est en jeu, à moins que nous puissions aller de l'avant, inspiré d'une vision et d'un engagement à tenir compte, entre autres, de tous les points que j'ai soulevés aujourd'hui. Et je ne saurais trop insister sur l'importance de préserver cette confiance.

Le sénateur Meighen : Soyez le bienvenu, monsieur le commissaire. C'est un honneur que de vous accueillir lors de votre première visite devant notre comité. J'espère que ce ne sera pas la dernière.

Vous avez soulevé d'intéressantes questions dans votre déclaration liminaire. Pardonnez-moi, j'ai la chance de ne pas être assis du même côté que vous et je peux compter sur le temps si je veux répondre à vos questions, tandis que vous n'avez pas cet avantage pour répondre aux miennes.

Je vais commencer par une question qui définit le contexte pour lequel vous devez gérer la GRC. Quels sont les plus importants changements survenus au sein de l'organisme depuis un an et quels sont les principaux défis qui vous attendent cette année?

M. Zaccardelli : En ce qui concerne les principaux changements, nous sommes en train de devenir un organisme avisé stratégique axé sur le renseignement, ce qui signifie que nous nous sommes fixé des objectifs que nous trouvons essentiels et que nous avons systématiquement mis en place les systèmes et les formules qui nous permettront de les atteindre.

Quand on parle de responsabilités conjointes face à la menace terroriste au Canada, les changements les plus radicaux dans nos relations avec le SCRS se sont produits depuis un an. Cela ne veut pas dire que nos rapports aient été mauvais jusqu'alors, mais par exemple, le directeur du SCRS et moi-même allons signer la semaine prochaine un nouveau protocole d'entente dont l'élaboration a pris plusieurs années. Il définit les modalités nouvelles de ce que nous considérons comme un partenariat intégral de lutte contre la menace terroriste au pays.

Je n'insisterai jamais assez sur les mesures que nous avons prises pour faire évoluer les cultures et les mentalités au sein de nos deux organismes. Pour la première fois, nous avons organisé des séances conjointes des responsables sur le terrain et des cadres supérieurs, auxquels M. Judd et moi-même avons participé.

L'une des pires menaces qui pèsent sur le Canada concerne la sécurité nationale. Nous sommes fiers que deux des principaux organismes du pays collaborent pour assurer la sécurité nationale. D'autres, notamment les forces armées, ont aussi un rôle à jouer, mais au plan des perceptions, cette collaboration est une chose dont nous sommes très fiers, car nous avons l'expérience des enquêtes d'Air India et de ce qu'elles ont inspiré aux Canadiens depuis des années. C'est là l'un des changements survenus au cours de l'année dernière. Nous abordons une ère totalement nouvelle.

Le sénateur Meighen : J'aimerais avoir une précision : cet effort vise-t-il à mettre un terme au fonctionnement en vase clos, dénoncé publiquement au lendemain du 11 septembre, qui a tant scandalisé les Américains, puisque la main gauche ignorait ce que faisait la main droite?

M. Zaccardelli : Oui, mais il ne suffit pas de dire que l'on met un terme au fonctionnement en vase clos. Les différences qui existaient entre nous et les problèmes qui se posent encore concernent la structure même de notre système juridique et les politiques auxquelles les deux organismes sont confrontés en matière de partage et d'utilisation de l'information.

Le sénateur Meighen : Est-ce un défi juridique, ou un défi de personnalités?

M. Zaccardelli : C'est un défi juridique; il n'y a jamais eu de défi de personnalité. Nous travaillons en étroite collaboration avec un comité du ministère de la Justice pour étudier ces questions et pour relever ces défis.

Évidemment, nous respectons la Charte, mais ne pouvait-on pas se servir des lois et des systèmes pour faciliter au maximum le partage d'information? Nous avons déjà fait d'énormes progrès dans ce domaine.

Je suis fier de la lutte que nous continuons de mener contre le crime organisé, qui constitue pour notre pays une menace aussi grande que celle du terrorisme. Nous avons fait des progrès considérables dans l'exploitation des ressources collectives disponibles au Canada pour contrer le fléau du crime organisé.

La GRC compte 25 000 employés, dont 17 000 officiers de police. Les officiers de police sont au nombre de 60 000 dans l'ensemble du pays. Traditionnellement, on considérait que c'était la GRC, ou un petit nombre de forces de police essentielles, qui devait s'occuper du crime organisé. Depuis un an, nous avons fait des progrès considérables en matière d'intégration des ressources collectives de l'ensemble des corps de police pour élaborer une stratégie véritablement nationale, à laquelle tout le monde participe plus ou moins. Cette mise à profit des ressources collectives de l'ensemble des corps policiers pour contrer le crime organisé fait l'envie du monde entier.

Nous avons une approche du renseignement avec un modèle d'évaluation de la menace qui sert d'exemple partout dans le monde. Non seulement les organismes d'application de la loi, mais aussi divers autres ministères et organismes participent également au modèle. Nous maximisons vraiment les ressources collectives chargées de la sécurité publique aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Ce sont-là deux progrès importants que nous avons réalisés au cours des 12 derniers mois.

Le sénateur Meighen : Mettrez-vous l'accent sur ces deux questions principales au cours de l'année qui vient?

M. Zaccardelli : Absolument, et au bout du compte, mon rôle en tant que dirigeant consiste à maximiser et à multiplier les ressources au pays. Mon travail en tant que dirigeant consiste à faire le meilleur usage possible de ces ressources pour lutter contre le terrorisme, le crime organisé, le cybercrime et la menace contre l'intégrité économique de notre pays, qui est une autre préoccupation.

Le sénateur Meighen : En ce qui concerne le crime organisé, quels groupes sont particulièrement actifs d'un océan à l'autre? Considérez-vous les bandes de motards comme des criminels organisés?

M. Zaccardelli : Certainement. Ils sont en haut de la liste A. Nous avons une liste B d'étoiles montantes que nous surveillons.

Il est clair que les bandes de motards sont les organisations les plus établies dans le monde, et cela constitue un énorme problème pour le Canada. Il y a aussi les organisations criminelles asiatiques. Je ne voudrais pas donner l'impression de faire de la discrimination. Lorsque je parle du crime organisé traditionnel, je fais allusion à des groupes comme les Italiens, et cetera. Nous avons les gangs de rue qui sont en train de devenir un problème important pour ce qui est d'alimenter ces groupes. Nous craignons de ne pas avoir la capacité et les ressources nécessaires pour lutter contre ces groupes. Pour cette raison, nous avons besoin d'un processus qui se fonde sur le renseignement, un modèle perfectionné d'évaluation de la menace pour déterminer les plus grandes menaces. Pour ce qui est du crime organisé grave, au meilleur de nos connaissances, nous pensons être en mesure de nous attaquer environ au tiers des organisations criminelles connues.

Le sénateur Meighen : De quelles façons les terroristes peuvent-ils exploiter les vulnérabilités créées par le crime organisé?

M. Zaccardelli : On s'est demandé si les groupes terroristes utilisaient les groupes de crime organisé ou vice versa. Il semble y avoir une nouvelle tendance selon laquelle certains groupes terroristes utiliseraient certainement les groupes de crime organisé pour financer certaines de leurs activités. Nous devons donc faire attention aux groupes organisés de bas niveau qui n'apparaissent pas encore sur notre écran-radar. Nous sommes en train de réexaminer ces groupes. Il semblerait de plus en plus que certains groupes terroristes sont financés soit directement par des activités criminelles, soit indirectement en recevant des ressources qui sont le produit d'activités illicites. C'est une tendance que nous surveillons et qui pourrait causer de graves problèmes.

Le sénateur Meighen : Quels progrès avez-vous accomplis pour faire en sorte que les nouvelles recrues de la GRC reflètent la diversité du Canada?

M. Zaccardelli : Je suis heureux que vous posiez cette question, monsieur le sénateur, car la semaine dernière j'ai passé la semaine à Toronto à une conférence avec plus de 500 personnes dont des Autochtones et d'autres groupes de minorités visibles et les chefs de police.

Je suis d'avis que nous avons eu beaucoup de succès au niveau du recrutement et de la formation et nous espérons refléter la nouvelle diversité du Canada. Entre 8 et 9 p. 100 de notre force se compose d'Autochtones; ce qui dépasse de loin les pourcentages démographiques.

Pour ce qui est des minorités visibles, nous faisons également des progrès importants mais il y a encore beaucoup à faire car la démographie canadienne est en train de changer. Sur une évaluation de notre équité d'emploi et des exigences du Conseil du Trésor, nous sommes dans une position assez bonne, même si nous ne sommes pas les meilleurs. Le nouveau recensement nous donnera des chiffres qui nous guideront. Ce n'est pas facile. Nous faisons concurrence à d'autres employeurs qui embauchent les jeunes hommes et les jeunes femmes qui arrivent sur le marché du travail. Il est également difficile de recruter des Autochtones. Je dois dire que nous nous en tirons cependant assez bien. Il y a un certain nombre de comités nationaux pour me conseiller et examiner ce que je fais. Je rencontre régulièrement le comité national autochtone et le comité des minorités visibles pour savoir comment je m'en tire.

Le sénateur Meighen : Comment vous en tirez-vous pour ce qui est de l'égalité entre les sexes?

M. Zaccardelli : Nous nous en tirons assez bien. Sommes-nous à 50 p. 100? Non, mais le pourcentage augmente constamment. Nous sommes à environ 18 p. 100 au sein de la Gendarmerie et à environ 25 à 30 p. 100 à l'École. Nous progressons. Lorsque nous faisons des erreurs, nous en tirons des leçons. Je pense que nous nous en tirons raisonnablement bien.

Le sénateur Meighen : Monsieur le commissaire, notre comité, tout comme la vérificatrice générale, se préoccupe du niveau de ressources que vous avez à votre disposition. Je me demande si vous pouvez me dire ce que vous pensez de la perte en personnel par l'attrition, et si vous avez réussi à endiguer ces pertes.

Pouvez-vous nous parler des demandes croissantes du gouvernement fédéral pour offrir des services de police dans les provinces, les territoires et les municipalités?

Nous avions l'impression que vous manquiez de personnel et le nouveau budget vous a accordé 160 millions de dollars pour commencer à recruter 1 000 nouveaux agents. Cet argent n'est pas seulement pour entraîner des agents mais aussi pour les procureurs. Vous manquez d'agents à l'heure actuelle. Cette somme va-t-elle vous permettre de combler les lacunes qui existent à l'heure actuelle au niveau des agents et d'en ajouter quelques-uns ou est-ce qu'elle servira réellement à embaucher de nouveaux agents en uniforme?

M. Zaccardelli : Manquons-nous de ressources? Absolument, nous manquons de ressources, mais nous ne connaissons aucun ministère et aucun organisme qui ne manque pas de ressources. Je veux faire la distinction entre le travail fédéral et provincial et le travail à contrat.

Je dois également tenter de mettre les choses dans leur contexte. Il y a sept ans, peu avant que je devienne commissaire, notre budget était de 1,8 milliard de dollars. Il a doublé depuis, de sorte que je ne peux pas parler des pénuries sans mentionner également les ressources additionnelles que nous avons reçues avec d'autres mandats. Nous avons cependant toujours de graves problèmes au niveau des ressources.

En ce qui concerne les contrats, le personnel en uniforme, pour la première fois au cours de notre histoire — l'an dernier le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du Conseil du Trésor, a signé une entente selon laquelle il financerait entièrement tous les postes à contrat. Parfois les gens disent que nous déshabillons Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul. Je ne fais pas cela, car je crois dans une approche intégrée, et l'un complète l'autre. À une certaine époque nous devions aller puiser dans les ressources fédérales pour payer les postes contractuels. Lorsque nous avons un contrat avec la province de l'Alberta, par exemple, pour un certain nombre d'agents de la GRC, le fédéral paie sa part dès le début.

J'ai dit que nous avions puisé dans les ressources fédérales pour aller chercher un supplément, mais à certaines reprises nous avons également puisé dans nos ressources contractuelles pour aider le gouvernement fédéral et vice versa. Les choses vont très bien pour nous du côté contractuel.

Pour ce qui est du côté fédéral, il ne fait aucun doute que nous ne nous sommes pas entièrement remis des coupures que nous avons subies vers le milieu des années 90. Nous avons une pénurie grave de ce côté-là. Encore une fois, récemment, nous avons reçu de plus en plus de ressources. La dernière infusion de fonds était de 161 millions de dollars pour le financement de l'intégrité. Je crois comprendre que le ministère de la Justice prendra 27 millions de dollars sur ces 161 millions de dollars pour des avocats. Nous n'avons pas en fait reçu tout le montant de 161 millions de dollars. Les ressources iront en partie aux questions d'intégrité et nous créerons un certain nombre de nouveaux postes. L'un des défis pour nous c'est qu'un agent de police prêt et en titre coûte de plus en plus cher. Étant donné la complexité du travail et les exigences au niveau fédéral, il coûte en fait 192 000 $ pour avoir un enquêteur fédéral ou un agent de police en titre.

Environ 30 p. 100 va à la divulgation. Lorsque la Cour suprême nous demande de divulguer certaines choses d'une certaine façon, nous l'acceptons et nous le faisons, mais le coût de la divulgation a monté en flèche et le coût de chaque enquête devient excessif en raison de certaines exigences.

La divulgation est importante, mais lorsqu'il a été décidé que l'on s'occuperait de la divulgation, il n'a pas été question d'en assumer les coûts. Cela réduit notre capacité d'avoir autant de gens ou de ressources pour chaque membre. Comme il en coûte environ 192 000 $ pour entraîner un agent de police, le montant ne va pas nécessairement nous permettre d'avoir 1 000 nouveaux agents de police; mais c'est un début.

Nous sommes satisfaits du budget et je suis extrêmement satisfait de ce que nous avons reçu. Pour la première fois, l'École de la GRC a reçu des ressources importantes qui nous permettront d'offrir un entraînement à ces niveaux et de régler les problèmes d'infrastructure, notamment nous doter d'un plus grand nombre de casernes et de salles de classe. Nous allons entraîner plus de 2 000 cadets par an, ce qui est sans précédent pour nous.

Nous avons des montants importants pour le maintien de la paix, et pour la première fois nous avons un financement de services votés. Nous participons à des missions de maintien de la paix depuis 1989, mais nous n'avons jamais eu un financement de services votés. Par exemple, chaque fois que cinq personnes étaient envoyées à Haïti, nous avions cinq postes vacants et l'ACDI payait pour ces postes, mais ces postes restaient vacants.

Le financement que nous avons reçu de la Défense nationale est très bon.

Le budget est extrêmement bon pour nous, mais nous avons toujours le défi de la croissance exponentielle du travail fédéral que nous devons faire. Nous devons être en mesure de répondre à la demande fédérale.

Le sénateur Meighen : Trente-sept millions de dollars pour la construction de la Division dépôt, de l'École de la GRC, c'est une bonne nouvelle. Cet engagement inclut-il un montant pour l'entraînement du personnel, étant donné que vous devrez former des personnes additionnelles?

La GRC pourrait rencontrer les mêmes obstacles que les militaires étant donné le manque d'agents de formation pour entraîner ces nouvelles recrues.

Le Budget 2006 allouait 161 millions de dollars moins 27 millions de dollars pour les procureurs, il reste dont 134 millions de dollars. Ce montant de 134 millions de dollars ira-t-il au budget de base?

M. Zaccardelli : Oui, c'est le budget de base pour les activités fédérales. Pour revenir à ce que vous disiez au sujet de la Division Dépôt de Regina, 37 millions de dollars permettra de construire l'infrastructure, et cetera. Nous irons chercher des agents de formation sur le terrain pour donner une formation au niveau requis. Il nous faudra un certain temps pour atteindre le niveau, mais nous y arriverons.

Le sénateur Day : Nous venons tout juste de parler du budget de 161 millions de dollars pour les services de police fédéraux et de 37 millions de dollars pour la construction à la Division Dépôt de la GRC à Regina. Ces montants sont- ils répartis sur deux ans dans chaque cas?

M. Zaccardelli : Oui.

Le sénateur Day : Du montant de 161 millions de dollars, la GRC recevra 37 millions de dollars et 17 millions de dollars pour la Division Dépôt au cours du présent exercice, n'est-ce pas?

M. Zaccardelli : Les 37 millions de dollars ne proviendront pas du montant de 161 millions de dollars.

Le sénateur Day : Selon mes chiffres, c'est 37 millions de dollars pour cette année et 124 millions de dollars pour l'année suivante, pour un total de 161 millions de dollars sur deux ans.

M. Zaccardelli : Non. Le montant de 161 millions de dollars servira plutôt au service de police fédéral afin de rétablir et d'aider l'intégrité et ajouter de nouveaux postes au niveau fédéral. Le montant de 37 millions de dollars est un montant distinct pour la Division Dépôt de Regina.

Le sénateur Day : Toutes mes excuses. Le montant de 37 millions de dollars pour la Division Dépôt est réparti sur deux ans et le montant de 161 millions de dollars est réparti sur deux ans, n'est-ce pas?

M. Zaccardelli : Oui.

Le sénateur Day : Nous mêlions les chiffres. Pour l'exercice en cours, vous avez 37 millions de dollars pour les services de police et pour l'année suivante, vous aurez 124 millions de dollars. Les deux chiffres totalisent 161 millions de dollars pour les services de police sur deux ans, n'est-ce pas?

M. Zaccardelli : Oui. Le montant moins élevé pour cette année et le montant plus élevé pour l'année suivante.

Le sénateur Day : Merci.

Le sénateur Zimmer : Avant de poser mes questions au sujet de votre rencontre avec le premier ministre, je voudrais vous poser une question au sujet de ce que vous avez répondu au sénateur Meighen concernant le crime organisé. Vous avez dit que vous ne pouviez vous attaquer qu'à environ un tiers du crime organisé. Manquez-vous de personnel pour lutter contre le crime organisé? Le problème serait-il plutôt le fait que vous ne sachiez pas où opère le crime organisé?

M. Zaccardelli : C'est une question de ressources, sénateur, et il est également important pour nous d'appuyer et de fonctionner selon la philosophie des services de police intégrés fondée sur le renseignement. Nous avons des ressources limitées, de sorte que nous devons bien les connaître afin de pouvoir les utiliser de façon efficace. C'est pour cette raison que nous en tirons parti avec nos partenaires pour les services de police et avec d'autres ministères et organismes pertinents. Il s'agit tout simplement d'une question de ressources.

Je parle du tiers de ce que nous savons, car je ne prétends pas connaître tous les groupes du crime organisé qui existent.

Le sénateur Zimmer : Le comité sait que vous avez rencontré récemment le premier ministre. Pourriez-vous nous donner une idée des principaux messages que vous avez reçus du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en ce qui a trait à votre mandat?

M. Zaccardelli : Sénateur, vous comprendrez que je ne vous parlerai pas en détail des conversations que j'ai eues avec qui que ce soit. Cependant, je peux vous assurer que nous avons tout leur appui pour ce qui est de mener à bien notre mandat comme organisme national d'application de la loi au pays. Nous avons reçu l'appui et beaucoup de sympathie pour les ressources dont notre organisation a besoin, et je suis satisfait de notre orientation. Je voudrais également ajouter que je sais qu'il s'agit là d'un sujet sur lequel l'on fait toutes sortes de suppositions, comme cela arrive de temps à autre. Je ne reçois pas et je n'ai jamais reçu d'ordre opérationnel de qui que ce soit pour ce qui est de la façon d'utiliser mes ressources. Ce principe établi a toujours été respecté depuis que j'occupe mon poste, et mes quatre prédécesseurs ont dit qu'il a toujours été respecté. La question fait l'objet de très nombreuses suppositions, mais nous ne recevons rien d'autre que de l'appui dans nos efforts pour assurer les meilleurs services de sécurité et de sûreté pour tous les citoyens canadiens.

Le sénateur Zimmer : Vous a-t-on ordonné de changer vos priorités de quelque façon que ce soit?

M. Zaccardelli : Nous avions cinq priorités stratégiques à la GRC avant que le nouveau gouvernement arrive au pouvoir. Ces priorités sont le résultat d'un processus perfectionné d'identification au sein de la GRC en consultation avec nos partenaires. On n'a jamais tenté de changer ces priorités. Nos priorités ne changeront que si nous croyons qu'elles devraient changer.

Le sénateur Zimmer : Le comité remet en question l'efficacité de l'Équipe intégrée de la police des frontières, l'EIPF. Étant donné que la GRC ne patrouille pas la frontière entre le Canada et les États-Unis, ces équipes interagences du renseignement suffisent-elles à assurer la sécurité entre les postes frontaliers?

M. Zaccardelli : C'est une très bonne question et je suis heureux d'avoir l'occasion d'y répondre. La GRC est fermement convaincue que le Canada a un certain nombre de vulnérabilités aux postes frontaliers internationaux, dans les ports de mer, sur les grands lacs et dans les aéroports, qui sont tous des points d'entrée critiques au Canada. Manifestement, ce que nous faisons, nous devenons vulnérables, particulièrement à la suite des incidents du 11 septembre. Par conséquent, nous avons demandé des ressources additionnelles et nous avons reçu quelque 148 à 150 ressources. Étant donné ce nombre, nous avons déterminé qu'il serait plus efficace d'utiliser ces ressources en créant l'Équipe intégrée de la police des frontières. Tout d'abord, nous avons créé des équipes multidisciplinaires pour nos 150 agents et nous en avons tiré parti. Nous avons invité les deux forces policières provinciales, les forces de police municipales et l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, et d'autres agences à travailler avec nous. Étant donné les équipes que nous avions, nous les avons déployées dans 23 endroits stratégiques au pays. À ces endroits, les équipes sont devenues souples et mobiles et nous ont permis de maximiser le plus possible leur utilisation.

Je reconnais que le nombre à l'heure actuelle n'est pas idéal mais en les déployant de façon intégrée partout au Canada, c'est la meilleure chose que nous pouvions faire. Nous ne les avons pas placées à la frontière et on nous demande souvent comment elles peuvent être efficaces pour ce qui est de protéger la frontière. La frontière est une ligne qui sépare deux pays, et les gens qui ne respectent pas cette frontière, que ce soit au niveau de la sécurité nationale ou du crime organisé, ne se trouvent pas à la frontière lorsqu'ils conspirent pour enfreindre la loi. Ils sont ailleurs, notamment à Montréal ou à l'intérieur des terres ou à l'étranger. Nous avons donc placé nos équipes de façon stratégique pour obtenir de l'information et des renseignements. Elles font ensuite enquête sur ces groupes qui utilisent la frontière. Elles sont près de la frontière lorsqu'elles ont besoin de l'être, elles courent le monde entier lorsqu'il le faut, et elles s'en prennent aux gens qui menacent notre pays.

Les Équipes intégrées de la police des frontières sont limitées en nombre mais elles sont placées stratégiquement de façon à pouvoir maximiser leur utilisation en partenariat avec nos collègues du Canada et des États-Unis. Les Américains ont créé un système d'équipes intégrées de la police des frontières de leur côté de la frontière.

Lorsque les gens demandent si les EIPF sont un bon système, ils veulent savoir si ce système fonctionne bien.

Le sénateur Zimmer : Je suis ravi que des améliorations seront apportées à l'École de la GRC à Regina, car il y a de nombreuses années, en 1960, j'ai suivi des cours à cet endroit pour obtenir ma médaille de bronze, ma croix de bronze et mon certificat de sauveteur national. Il y a une très belle piscine là-bas, mais je dois vous dire qu'il s'agit d'un cours brutal. Je suis ravi de savoir que ces installations seront rénovées grâce au nouveau financement.

M. Zaccardelli : La piscine a été fermée pendant de nombreuses années parce qu'elle s'était tellement détériorée. Je ne suis pas un nageur, monsieur le sénateur, mais j'ai ordonné les réparations et la réouverture de cette piscine car j'étais d'avis que nous avions besoin d'une piscine à Regina.

Le président : Monsieur le commissaire, le comité a rédigé des rapports sur un certain nombre de sujets au cours des quatre dernières années. Nous avons mis l'accent sur les aéroports, les Grands Lacs et les ports d'entrée et nous sommes inquiets de ce que nous voyons lorsque nous allons visiter ces endroits.

Le Canada compte 89 aéroports, et que je sache, il n'y a que 100 agents qui se consacrent aux enquêtes nationales dans ces aéroports. Lorsque nous faisons le calcul, nous n'aimons pas le résultat. Pouvez-vous nous expliquer la situation?

M. Zaccardelli : Oui, sénateur, vous avez raison. Nous avons environ 125 agents d'application de la loi au niveau fédéral qui travaillent dans les trois principaux aéroports du pays. Je suis d'accord pour dire qu'il n'y en a pas suffisamment, mais nous devons fonctionner avec les ressources dont nous disposons.

Il n'y avait aucun agent dans ces aéroports avant qu'on nous donne les 124 ressources. Après les changements qui ont été apportés à l'orientation stratégique qui ont fait en sorte que la GRC n'était plus dans les aéroports, il n'y avait aucune présence d'enquête dans les aéroports sauf la présence visible d'agents de police en uniforme des différentes provinces. Nous avons fait valoir notre point de vue et nous avons réussi à en ravoir 100, et nous en avons maintenant 124. Il faudrait augmenter ce nombre.

Encore une fois, nous tentons d'intégrer ces 124 agents de façon stratégique aux autres unités. Il y a des sections intérieures qui visent les opérations aéroportuaires. Est-ce suffisant pour une interrogation. De toute évidence, les criminels utilisent d'autres aéroports pour faire entrer leurs produits en contrebande, et cetera. Nous allons réagir à cela si nous avons suffisamment de renseignements, mais il s'agit là d'une approche réactive non pas proactive des services de police, ce qui est la situation idéale. Il est clair que oui, nous avons besoin d'un plus grand nombre d'agents et nous devons avoir une approche intégrée, uniforme partout dans les aéroports pour ce qui est du maintien de l'ordre.

Pour répondre à d'autres questions par anticipation : ce n'est pas suffisant. Comme je l'ai dit, nous avons les aéroports, les ports de mer, les Grands Lacs et les points de passage frontaliers, qui sont des points vulnérables. Si nous améliorons simplement la sécurité à un endroit, nous savons que les criminels ne sont pas stupides; ils iront ailleurs, là où ils pensent qu'ils sont mieux placés pour nous attaquer. Nous devons réagir d'une façon systémique, holistique à tous les points d'entrée qui sont vulnérables.

Les aéroports en particulier sont une source principale de préoccupation pour nous en ce qui a trait au crime organisé et manifestement, du point de vue de la sécurité nationale.

Le président : Le comité a visité les trois grands aéroports dont vous avez parlé. Lorsque nous parlons aux agents responsables, ils énumèrent une longue liste de familles de criminels qui sont actives dans ces aéroports. Nous ne parlons pas de la clôture; nous parlons de l'intérieur de la clôture.

Étant donné que nous avons un tel nombre de familles criminelles bien connues à l'intérieur de la clôture, pourquoi ne leur accordez-vous pas une plus grande priorité?

M. Zaccardelli : Ce n'est pas une question de leur accorder moins ou plus de priorité, sénateur. Je retourne au fait que tout au plus, nous sommes en mesure de nous attaquer à seulement un tiers des organisations criminelles, et je suis presque généreux ici. Cela veut dire que nous ne surveillons pas activement les activités de deux tiers des groupes, ce qui signifie que les organisations criminelles sont actives dans les aéroports, et cetera.

Nous utilisons donc notre modèle fondé sur le renseignement et notre modèle d'évaluation de la menace pour tenter de déterminer quels groupes sont les plus menaçants ou quels groupes représentent le plus grand danger pour notre pays et nous ciblons ces groupes. Certains de ces groupes utilisent les aéroports; d'autres utilisent les ports maritimes, et cetera. Nous tentons de déterminer quels groupes sont les plus menaçants et ce sont ces groupes que nous ciblons. Étant donné que les ressources dont nous disposons sont limitées, nous savons qu'il y a des groupes que nous ne pouvons cibler, et c'est là un fait.

Le président : Monsieur le commissaire, vous avez soulevé la question des ports. Il y a 19 ports dans le système national et vous avez 30 agents qui s'occupent de faire des enquêtes dans ces ports. Si on fait le calcul, cela représente un peu plus d'un agent par port.

Nous avons entendu le témoignage de vos agents d'un océan à l'autre. À St. John's, il n'y a aucun agent dans le port et il n'y a aucune sécurité. À Halifax, les syndicats sont réfractaires pour ce qui est de procéder aux vérifications des antécédents appropriées et d'obtenir l'identification nécessaire.

Comment le gouvernement fédéral ou la GRC peuvent-ils s'attaquer sérieusement à la criminalité dans les ports lorsqu'on n'a que 30 personnes dans 19 ports?

M. Zaccardelli : Encore une fois, monsieur le sénateur, vous avez soulevé de bons points.

Lorsque je parle des aéroports, des ports maritimes, des postes frontaliers et des Grands Lacs, les ports maritimes à notre avis sont les plus vulnérables pour ce qui est du crime organisé et de la sécurité nationale.

Nous devons examiner comment nous pouvons maximiser nos ressources. Je me rends compte que nous n'avons pas beaucoup de main-d'œuvre. Vous avez parlé de 30 agents, et nous en avons à peu près ce nombre. Cependant, n'oubliez pas qu'il y a un groupe de réserve important au Canada qui travaille avec ces 30 agents.

Les groupes du crime organisé ne sont pas dans les ports comme tels. Les gens qui dirigent ces activités criminelles ne se trouvent pas dans des ports. Ils utilisent les ports, ils utilisent ceux qui travaillent dans les ports et ils utilisent les installations, mais les cerveaux qui dirigent les opérations se trouvent ailleurs. Nous nous attaquons à ces cerveaux ailleurs. Naturellement, il faut une présence sur place, mais il faut également une présence dans la capacité d'enquête pour s'attaquer à ce qui se passe dans les ports.

Vous avez raison de dire qu'il n'y a pas suffisamment de ressources pour couvrir toutes les activités qui se déroulent, nous croyons, dans les ports. Cependant, nous avons davantage de ressources que nous en avions il y a plusieurs années, lorsque nous n'avions personne sur place, monsieur le sénateur.

Le président : Le comité appelle les Grands Lacs « le grand trou noir » pour ce qui est de la sécurité au Canada, 244 000 kilomètres carrés. Je ne vois aucune activité sur les Grands Lacs ou dans la Voie maritime du Saint-Laurent. Il y a eu le projet pilote Shiprider auquel quelques personnes ont participé l'an dernier. Vous pourriez peut-être nous en parler et je reviendrai ensuite avec d'autres questions au sujet des Grands Lacs.

M. Zaccardelli : Je ne peux contester quoi que ce soit que vous dites, sénateur, mais par le passé les Grands Lacs n'ont pas été un endroit où nous avons fait du travail ni où nous avons eu une présence permanente. Les Grands Lacs ne sont pas considérés comme un point vulnérable, un problème grave au pays. Nous avons reçu des ressources limitées, nous maximisons ces ressources, mais elles ne suffisent pas.

Nous avons des ressources très limitées et nous en tirons parti avec nos partenaires. Nous travaillons en étroite collaboration avec les militaires et avec la Garde côtière canadienne. Nous travaillons avec les forces policières locales qui ont une capacité — par exemple, Toronto — dans certaines parties des Grands Lacs.

Tout cela mis ensemble, ce n'est cependant pas une présence importante; tout au mieux, c'est une présence faible. Ce sont des points vulnérables que nous devons examiner pour améliorer notre présence. Les ressources qu'on nous a données ont été déployées, mais vous avez raison, nous avons des ressources très limitées pour couvrir une très grande étendue d'eau.

Le président : « Présence faible » est l'expression qui convient. Le programme s'est déroulé pendant deux semaines l'été dernier, ce qui ne donne pas beaucoup de protection sur les Grands Lacs.

M. Zaccardelli : Les essais ont montré que ce programme était utile.

Le président : Allez-vous recevoir le financement nécessaire pour que vous puissiez avoir un programme Shiprider à l'année longue?

M. Zaccardelli : Je puis vous donner l'assurance que nos gens s'emploient activement à préparer des plans ou des scénarios afin de demander un financement complémentaire. On se montre très intéressé à Transports Canada, surtout pour les ports maritimes, et le ministère nous appuie. On a reconnu, je crois, qu'il y avait des secteurs vulnérables, qu'il fallait renforcer les ressources et aussi coordonner et intégrer celles-ci entre les différents organismes qui sont les principaux intervenants.

Le président : Dans le jargon de la marine, on dit avoir une image maritime claire, ce qui signifie qu'on sait qui se trouve sur les lacs, qui y fait la navette, de sorte qu'on peut faire la différence entre les bons et les méchants.

Avez-vous ou auriez-vous le moyen de former une image maritime afin de pouvoir suivre les mouvements dans les eaux des Mille-Îles ou plus en aval le long de la Voie maritime du Saint-Laurent?

M. Zaccardelli : Nous sommes en train d'acquérir le moyen de le faire, et en partenariat avec les forces armées, nous avons des centres d'opération qui suivent les mouvements des navires et des cargos qui empruntent la Voie maritime. Nous travaillons de concert avec l'ASFC qui est un intervenant de première ligne pour le contrôle des cargaisons, de sorte qu'effectivement, nous sommes en train d'acquérir cette capacité. Nous avons déjà un centre sur la côte Est et un autre sur la côte Ouest, et nous sommes en train d'en établir un sur les Grands Lacs, et cela nous le faisons, je le répète, en partenariat avec les forces armées et avec la Garde côtière. Il y a donc effectivement une capacité, mais j'en conviens avec vous, elle doit être renforcée.

Le président : Au rythme où vont les choses, quand pensez-vous être en mesure de savoir quels sont les navires qui traversent les lacs?

M. Zaccardelli : Je ne saurais vous répondre avec précision, mais je suis néanmoins conforté par le fait que nous préparons un plan d'affaires sérieux et que le ministre a hâte de le recevoir. J'espère qu'il sera bien accueilli et que les pouvoirs publics donneront leur aval à une sérieuse mise à niveau.

Le président : Je peux simplement vous dire que le comité a également hâte de le recevoir. Nous avons déjà produit plusieurs rapports à ce sujet, et nous nous sentons un peu mal à l'aise à l'idée que nous manquons de ressources. Tant qu'il n'y aura pas davantage de gens en mesure de s'attaquer à ces problèmes, nous allons continuer à produire régulièrement des rapports à ce sujet, comme vous pourrez vous-même le voir.

Le sénateur Atkins : Lorsque nous avons commencé nos travaux, nous avions le sentiment qu'il y avait un genre d'hiatus entre les différents organismes, d'où la création de ce nouveau ministère par le gouvernement. J'ignore comment il s'appelle actuellement, mais cela ressemblait un peu à la sécurité du territoire.

Êtes-vous convaincu que les failles ont été bouchées et que l'hiatus n'existe plus?

M. Zaccardelli : Je suis convaincu que nous avons fait énormément de progrès. Je ne suis pas convaincu que nous soyons totalement arrivés au but, et je vous dis cela en toute déférence. C'est un travail qui n'est jamais terminé. Il y a toujours moyen de faire mieux, mais nous avons fait énormément pour assurer la coordination entre les différentes agences. Je n'aime guère l'expression « sécurité publique et protection civile » et je suis heureux qu'on l'ait abrégée pour ne conserver que la sécurité publique. Je n'aime d'ailleurs pas non plus l'expression « sécurité du territoire canadien ». Nous devons appeler les choses par leur nom, je vous le dis en toute déférence, sénateur.

Nous avons donc fait beaucoup de progrès et l'un des meilleurs exemples en est la relation qui existe entre le SCRS et la GRC. La relation qui existe entre l'ASFC et la GRC et l'adoption de la philosophie de l'intégration et de l'intervention fondée sur le renseignement, pas uniquement au Canada, mais dans le reste du monde aussi, ont beaucoup progressé. Il faut le reconnaître, il reste encore du travail à faire. La rapidité des progrès que nous réalisons sur les fronts de l'interopérabilité entre les différentes agences, de la technologie et ainsi de suite, me préoccupe un peu. Nous faisons des progrès, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Mais comparativement à ce qui existait avant les attentats du 11 septembre, les progrès ont été constants depuis, j'ai pu le voir et je m'en félicite.

Le ministre a clairement indiqué qu'il souscrivait à cette notion d'intégration et de partage qui doit nous permettre de mobiliser nos ressources collectives pour un meilleur résultat. Rien que le fait de croire à cette philosophie et de la comprendre a fait toute la différence. Il y a même des gens qui viennent au Canada pour étudier notre modèle. J'ai déjà mentionné que les Américains s'étaient joints aux EIPF en raison des avantages manifestes qu'offre ce programme.

Hier soir, je suis resté avec l'administrateur de la DEA, l'Agence américaine de lutte contre les drogues, jusque vers 23 heures, et pour la première fois nous procédons à une évaluation conjointe des menaces en faisant intervenir la GRC, la DEA, le FBI et d'autres partenaires clés du monde entier. Nous sommes littéralement en train d'établir un lien planétaire virtuel entre corps policiers. Cela est né d'une conviction intime et de la nécessité d'harmoniser nos efforts et de travailler ensemble partout où nous avons un intérêt commun et où nous devons affronter des menaces identiques.

Le sénateur Atkins : S'il y avait une urgence nationale, pensez-vous vraiment que vous pourriez y faire face en concertation avec les autres agences et en travaillant de façon efficace?

M. Zaccardelli : C'est ce que je crois, sénateur, mais comme vous le savez très bien, lorsqu'une situation d'urgence se produit, tout ne va pas nécessairement comme on l'avait prévu. Je peux vous garantir que nous avons à la fois la volonté et le désir de travailler de façon intégrée, chose que je n'avais jamais vue auparavant dans toute ma carrière d'officier supérieur à la GRC. C'est précisément cela qui m'enthousiasme, et c'est cela aussi qui anime mes efforts.

Cela dit toutefois, qu'il soit bien clair qu'il y a toujours moyen de faire mieux. Nous avons les gens qu'il faut et ces gens ont la volonté et le désir d'améliorer les choses.

Le sénateur Atkins : Est-ce que la coordination de cette intégration relève du nouveau ministre?

M. Zaccardelli : C'est lui qui est notre leader, c'est indubitable. C'est lui qui fait que les choses se passent, mais comme vous le savez aussi, il y a des intervenants ailleurs qu'au ministère. Transports Canada joue un rôle clé, et ce ministère ne relève pas de lui. Cela ne veut pas dire que ce ministère ne collabore pas. C'est simplement qu'il y a d'autres protagonistes.

Lorsqu'on parle du maintien de l'ordre et de l'application de la loi, il y a quatre niveaux d'intervention : international, national, provincial et local. Nous parlons ici du niveau national. Il faut impérativement rallier les provinces et les municipalités, surtout dans l'éventualité d'une catastrophe, parce que ce sont elles qui sont en première ligne. Déjà, de nombreuses mesures ont été prises pour les mobiliser. Il s'agit de faire de l'harmonisation mais aussi de faire en sorte que toutes les parties prenantes connaissent leur rôle, qu'elles soient intégrées et qu'elles collaborent. Jadis, nous avions plutôt tendance à demander quel était l'intervenant le plus important ou qui avait le plus de ressources. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : l'important est que tout le monde doit coopérer et que tout doit être intégré. C'est ainsi que nous pouvons obtenir les meilleurs dividendes pour le Canada tout entier. C'est pour cela que nous sommes là. Que ce soit au niveau municipal ou au niveau fédéral, nous voulons assurer au Canada un niveau de sécurité maximum et réduire au minimum les dangers possibles. Notre situation actuelle me satisfait pleinement.

Si une catastrophe survient, nous savons fort bien que nous ne serons pas parfaits parce que nous allons commettre des erreurs. Lorsqu'on intervient en cas de catastrophe majeure, il est certain qu'on ne parvient pas à tout faire de façon parfaite 100 p. 100 du temps, mais nous sommes par contre bien positionnés pour tirer le parti maximum de nos ressources et de nos efforts afin d'assurer la sécurité des Canadiens.

Le sénateur Atkins : Il n'empêche qu'il y a une autorité hiérarchique claire, n'est-ce pas?

M. Zaccardelli : Tout à fait. C'est le ministre qui est responsable, et c'est lui qui nous dirige.

Le sénateur Atkins : Vous avez dit que la GRC comptait 27 000 employés dont 16 000 en uniforme.

M. Zaccardelli : Ce serait plutôt 17 000.

Le sénateur Atkins : Les 8 000 autres sont-ils engagés comme spécialistes ou comme agents de soutien administratif? Comment pouvez-vous les catégoriser? En quoi sont-ils qualifiés pour répondre à vos critères?

M. Zaccardelli : Il y a ceux que nous appelons les membres réguliers, il y a les membres en uniforme et il y a les membres civils qui sont engagés comme spécialistes pour épauler les opérations de police. Les membres civils, par exemple les spécialistes légistes, travaillent en étroite collaboration avec les agents qui interviennent en première ligne.

Il y a aussi une autre catégorie qui comprend les fonctionnaires. De nombreux membres du personnel de soutien ne tombent pas sous le coup de la Loi sur la GRC. Les membres réguliers et civils relèvent de la loi, mais les fonctionnaires en tant que tels relèvent plutôt de la Loi sur la fonction publique.

Je dois diriger trois catégories d'employés, et même quand tout va bien, c'est souvent un casse-tête.

Le sénateur Atkins : Lorsqu'on prend souvent l'avion, on constate actuellement que l'ACSTA semble être en mesure d'engager autant de personnel qu'elle en a besoin. C'est même en réalité excessif. Cela est-il dû au barème de rémunération? Pourquoi se fait-il que la GRC ne parvient pas à relever le niveau de ses employés pour répondre à ce dont elle a besoin comme vous le dites?

M. Zaccardelli : En réalité, sénateur, nous arrivons à combler tous nos besoins. Nous avons tout le personnel que nous avons les moyens d'engager.

Le sénateur Forrestall : Croisez-vous les doigts et comptez-vous chanceux.

M. Zaccardelli : Nous comblons tous nos besoins, sénateur. C'est encore une de ces idées qu'on se fait de nous. Le marché devient plus compétitif, je l'ai déjà dit, et cela vaut pour tout le monde. Les candidats qui attendent à notre porte ne sont pas aussi nombreux qu'auparavant, mais nous arrivons à combler nos besoins et même à faire un peu mieux.

Le sénateur Atkins : En ce qui concerne le recrutement, selon vous, combien de temps faut-il entre le moment où un candidat fait sa demande à la GRC et où il peut commencer l'entraînement?

M. Zaccardelli : En deux mots, sénateur, je vous dirais que cela prend trop longtemps. C'est un processus qui ne me satisfait pas et nous essayons d'ailleurs de faire en sorte que le recrutement prenne moins de temps. Jadis, il y avait toujours un grand nombre de postulants en attente, et le système que nous avons depuis est très lourd. C'est un système qui ne me satisfait pas et nous sommes saisis de ces problèmes.

Ce qui se passe, c'est que pendant que certains de ces bons candidats, ces bonnes candidates, attendent dans le système, d'autres corps policiers, d'autres organismes viennent nous les souffler. Nous commençons donc à raccourcir la période nécessaire pour procéder au recrutement.

Mais cela n'affecte en rien nos effectifs. Nous avons les gens dont nous avons besoin. Le fait que nous ne parvenons pas à les recruter suffisamment vite pose effectivement problème, et c'est un problème auquel nous nous attelons.

Le sénateur Atkins : Après leur passage au camp d'entraînement, ces recrues sont-elles encore nombreuses à vous être soufflées par d'autres corps?

M. Zaccardelli : Nous avons toujours pris comme un compliment le fait que des agences concurrentes viennent écrémer nos recrues, sénateur. Je n'aime guère cela, mais cela arrive de temps en temps. C'est comme dans les forces armées, on engage quelqu'un qui est originaire de l'Alberta et qui finit par être envoyé en poste en Nouvelle-Écosse alors qu'il préférerait souvent pouvoir rester en Alberta.

Maintenant que nous profitons de la collaboration du Conseil du Trésor, nous sommes en train d'essayer d'obtenir le pouvoir de permettre aux agents de police d'autres corps qui entrent dans la GRC d'obtenir le transfert de leur pension. À l'heure actuelle, les règles du Conseil du Trésor interdisent ce transfert. Cela nous gêne lorsque nous essayons à notre tour de faire du maraudage. Lorsque le transfert de pension sera permis, je pense que cela équilibrera les chances. Mais ce n'est pas un gros problème pour nous.

Le sénateur Atkins : À la belle époque, les recrues devaient s'engager pour cinq ans. Cela vaudrait-il la peine de forcer les recrues à s'engager pour au moins trois ans? Vous nous avez dit que l'entraînement d'une recrue coûtait 192 000 $.

M. Zaccardelli : C'est une politique qui existait effectivement dans le temps. Nous l'avons toutefois abandonnée parce que les tribunaux l'invalideraient. Si un membre veut quitter le service avant l'échéance de son contrat, il est extrêmement douteux qu'on puisse le contraindre à honorer son contrat. L'autre élément pratique est que, si quelqu'un veut partir, je ne suis pas vraiment convaincu que je peux moi-même le garder.

Mais encore une fois, nous ne perdons pas beaucoup de gens. La vaste majorité de ceux qui entrent chez nous veulent y rester; ils veulent faire carrière et ils finissent par rester des nôtres.

Nous continuons toutefois à entendre dire que les jeunes gens, de nos jours, veulent changer trois ou quatre fois de carrière dans leur vie active. Mais ceux-là n'entrent pas dans la GRC car ceux qui entrent chez nous restent chez nous. C'est sans doute que nous faisons quelque chose qui les incite à rester. J'espère que cela va durer.

Le sénateur Meighen : S'agissant de rétention d'effectifs, la tendance est-elle à la hausse ou non? Je rencontre personnellement des gens qui, mettons, sont en poste au Nouveau-Brunswick et qui vont être mutés en Alberta, alors qu'ils voudraient rester au Nouveau-Brunswick. Ils finissent par quitter le service pour se faire plutôt engager comme contractuels.

M. Zaccardelli : C'est en effet parfois le cas, mais il y a de moins en moins de mutations. Les gens sont moins prêts à déménager, surtout ceux dont le conjoint a une bonne situation.

L'autre élément est que cela coûte cher. Si je veux muter en Alberta un gendarme en poste au Nouveau-Brunswick, cela va me coûter 40 000 $. Je ne peux vraiment pas me permettre de faire ce genre de choses très souvent. Nous essayons donc d'être sélectifs et de ne muter nos gens que pour leur donner de l'avancement ou si les besoins de l'organisation l'exigent. Si un de nos membres veut rester en poste là où il est, nous l'y laissons.

Il est par contre plus important de pouvoir muter les membres plus haut gradés afin de leur donner de l'expérience. Mais en règle générale, lorsqu'un de nos membres nous quitte, nous ne le réengageons pas à titre contractuel.

Le sénateur Meighen : Vous n'engagez ainsi jamais quelqu'un qui a quitté la Gendarmerie?

M. Zaccardelli : Si, cela arrive, mais c'est très rare et lorsque nous le faisons, c'est pour une raison bien précise.

Le sénateur Meighen : S'agit-il de spécialistes, à moins que vous n'ayez du mal à doter les détachements qui sont situés dans les petites localités?

M. Zaccardelli : Généralement, ces gens ne reviennent pas pour travailler comme policiers en première ligne. Le plus souvent, ce sont des administrateurs. Nous allons par exemple réengager quelqu'un qui a de l'expérience dans tel ou tel domaine administratif.

Soit dit en passant, nous avons pris langue avec le Conseil du Trésor et nous sommes en train de constituer une réserve. Nous essayons d'établir un cadre de membres à la retraite auxquels nous pourrions faire appel pour nous aider dans une région donnée. Ainsi, à Kelowna, en Colombie-Britannique, il y a énormément de touristes qui viennent l'été, mais il est impossible de renforcer nos détachements autant que nous devrions le faire, de sorte qu'à ce moment-là, on pourrait faire appel à une dizaine de nos membres à la retraite qui viendraient travailler pour deux mois.

Le sénateur Meighen : Pour être plus précis, je pourrais vous dire qu'à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick, une ville aussi fréquentée par les touristes que Kelowna, je sais que vous avez ainsi déjà engagé certains membres à la retraite.

Le sénateur Forrestall : Je voudrais attirer l'attention de mes collègues sur la page 5 de cet excellent résumé où ils trouveront une comparaison pour les Grands Lacs seulement, au sujet desquels vous nous avez dit que nous avions d'aussi bons résultats que nos amis du Sud. Même si le trafic commercial qui emprunte les ponts et les tunnels est un peu plus élevé, le trafic de la Voie maritime n'est guère plus élevé que celui qui passe par Halifax, Vancouver, Montréal et quelques autres.

Que pouvez-vous nous dire des contrats que vous passez pour noliser des hélicoptères canadiens? Vous avez conduit un programme d'essai pour un ou deux ans, mais avez-vous pu en tirer quelques conclusions?

M. Zaccardelli : Excusez-moi, sénateur, mais c'est un dossier que je ne connais pas.

Le sénateur Forrestall : Il s'agit simplement de la question du coût des hélicoptères : devriez-vous avoir les vôtres ou est-il préférable de les noliser?

M. Zaccardelli : Nous avons quelques hélicoptères et aussi quelques avions. Dans les deux cas, nous en louons à l'occasion, mais généralement nous utilisons les nôtres. Je ne connais pas vraiment le projet dont vous parlez.

Le sénateur Forrestall : C'était essentiellement, sinon exclusivement, pour le Service de police de Toronto, mais ce projet pilote de six mois avait coûté 1,3 million de dollars.

M. Zaccardelli : Au Québec, nous partageons un hélicoptère avec la Sûreté. À Edmonton, nous en partageons également un avec la police municipale, ce qui est rentable pour elle comme pour nous. Elles utilisent nos hangars et payent une partie du coût de l'hélicoptère.

Le sénateur Forrestall : Avez-vous l'intention d'élargir votre flotte d'hélicoptères?

M. Zaccardelli : Lorsque nous examinerons les secteurs vulnérables le long de la frontière, nous envisagerons l'utilisation éventuelle de nouvelles technologies, d'hélicoptères et d'avions pour surveiller la frontière.

Le sénateur Forrestall : J'aurais une question d'ordre général, qui est peut-être encore un peu philosophique pour l'instant, mais qui néanmoins réussit à mobiliser l'attention des membres du comité depuis quelques années. Il s'agit du sort de nos ports — la question de la police des ports. Je parle ici des ports de mer, mais je pense également tout haut aux aéroports et aux autres formes d'activité portuaire.

Il me semble que ces dernières années, nous sommes moins bien servis que nous aurions pu l'être par l'Association nationale des polices portuaires, en ce sens que les différentes polices portuaires ne bénéficient pas d'un entraînement aussi uniforme que celui que vous pouvez donner à vos propres recrues. Notre monde devenant de plus en plus complexe et de plus en plus influencé par la technique à bien des égards, il faut absolument que nos corps policiers puissent bénéficier d'un entraînement commun, qu'ils puissent tous chanter à l'unisson.

Nous avons donc demandé à la GRC de renforcer ses capacités dans ce sens. Il faut bien que quelqu'un vous ordonne de le faire. J'ai le sentiment que vous n'êtes pas très chaud à l'idée de vous lancer dans ce genre de chose. Ce qui m'a semblé, c'est que vous étiez impatient de vous désengager autant que possible des tâches de police aéroportuaire. Cela était probablement dû à toutes sortes de choses autres que les tâches que votre mandat fédéral vous donnait et qui devait vous échoir à l'occasion.

Depuis quelques années, avez-vous constaté que le travail demandé à la Gendarmerie et les sollicitations dont elle fait l'objet ont suffisamment changé? Avez-vous songé que peut-être les agents de la paix et les policiers devraient avoir le même entraînement, voire relever du même patron, d'un même directeur — et que peut-être tout cela devrait maintenant relever d'une seule et même personne?

Comme vous le savez fort bien, il y a au Canada 25 ou 30 corps policiers différents, sans même parler des corps policiers municipaux et provinciaux. Je me demande si le temps ne serait peut-être pas venu de réfléchir un peu à la chose dans nos milieux respectifs. Les gens qui ont le même entendement des lois devraient envisager non pas nécessairement un effectif policier à 100 p. 100 GRC, parce que je ne pense pas que ce soit nécessaire, mais peut-être 100 p. 100 GRC dans les endroits vulnérables comme les ports.

M. Zaccardelli : Vous abordez ici un certain nombre de choses très importantes, et je puis vous assurer que même s'il y a manifestement des corps policiers à différents niveaux, il y a aussi eu une tendance très nette à l'harmonisation des activités de formation, peu importent les différences de juridiction. L'objectif ultime est d'arriver à harmoniser cela selon une norme très élevée. À titre d'exemple, l'Association canadienne des chefs de police s'est dotée d'un comité qui s'occupe expressément d'étudier la question de l'entraînement de manière à ce que les pratiques exemplaires, les meilleures méthodes policières, soient adoptées afin que tous les corps policiers puissent fonctionner selon la norme la plus élevée possible. C'est d'ailleurs un modèle qui nous a valu une réputation mondiale.

On fait donc actuellement beaucoup d'harmonisation, alors qu'il y a une ou deux générations de cela, les disparités étaient nombreuses. Tout récemment encore, on s'est véritablement employé à faire de la normalisation afin d'atteindre un niveau de service policier très élevé. Nous cherchons toujours à harmoniser. J'ignore si on arrivera un jour à une harmonisation à 100 p. 100 et j'en conviens avec vous, la dernière chose qu'il nous faut ici au Canada c'est un corps policier unique, mais j'estime néanmoins que nous devons faire le maximum pour que ceux que nous avons soient à la hauteur de ce que les citoyens canadiens attendent de nous.

Je sais que vous avez dit que la GRC ou moi-même semblions être impatients de nous désengager de nos activités dans les ports ou les aéroports. Je ne pense pas que nous devrions disparaître des aéroports ou ne pas avoir une forte présence dans les ports de mer. Je crois par contre qu'il faut conserver une excellente capacité d'enquête. Il est certain que dans un port de mer par exemple, il faut être présent, il faut être là en uniforme; mais cela, c'était le débat qui avait cours quand on se demandait s'il fallait abandonner ou rétablir le concept d'une police portuaire.

Je pense que ce qu'il faut, c'est une présence physique; par contre, dans les ports de mer, le véritable danger ne vient pas du fait de pouvoir ou non arrêter quelqu'un qui a les facultés affaiblies ou qui a commis une agression. La grosse menace, ce sont les organisations nationales et internationales de criminels. Ces criminels utilisent les ports, les aéroports et les frontières pour faciliter des activités criminelles très dangereuses. Pour pouvoir effectuer des enquêtes sur ces organisations, il faut plus que quelques policiers en uniforme, il faut des escouades à la fine pointe qui puissent les combattre et les démanteler. Pour cela, il faut adopter une attitude multidisciplinaire avec des gens qui travaillent dans le monde entier en parfaite concertation. C'est donc un genre de service policier très différent.

Lorsque les gens disent qu'il suffit de rétablir la police portuaire et que nous aurons la même aux aéroports, effectivement, il faut une présence physique dans les aéroports. Mais si nous n'avons pas suffisamment d'enquêteurs de pointe ayant les moyens d'utiliser les lois et d'utiliser la technologie, une seule présence physique est inutile. Avec eux, il y a une solution de continuité parfaite et il est alors possible de démanteler ces organisations.

C'est là le véritable danger. On a parfois perdu cela de vue dans le débat, ou alors on s'est simplement borné à se demander s'il fallait ou non rétablir une police portuaire. En toute déférence envers ce que nous avions jadis, il n'empêche que ce système avait des moyens limités. Nous n'avons jamais eu la capacité d'enquête de pointe qu'il fallait pour pouvoir démanteler les organisations en question qui n'étaient pas présentes dans les ports, mais plutôt à l'extérieur. Très souvent, les organisations en question étaient à l'autre bout du monde. C'est cela la clé du problème qui nous interpelle, et c'est ce que nous voulons précisément faire dans les ports de mer, dans les aéroports, pourvu que nous ayons les ressources nécessaires, et c'est également ce que nous voulons faire dans les Grands Lacs et le long de la frontière terrestre. Peu importe où sont ces organisations, nous voulons avoir les moyens d'être là, nous voulons avoir la souplesse et la mobilité nécessaires pour aller les attaquer et aller les démanteler où qu'elles soient.

Le sénateur Forrestall : Nous allons manquer de temps, mais j'aurais aimé parler des comités de sécurité multidisciplinaires dont nous nous sommes dotés et vous demander s'ils fonctionnent bien — toutes choses qui tendraient à isoler la nécessité d'avoir des cours distincts mais avec une formation en commun.

Le sénateur Moore : Le sénateur Atkins vous avait demandé combien de temps il fallait pour entraîner un membre de la Gendarmerie. Vous lui aviez répondu que vous vous efforciez de réduire le temps nécessaire pour le faire. Par contre, je ne vous ai pas entendu mentionner la durée précise de la période d'entraînement.

M. Zaccardelli : C'est que nous parlions du processus. Le temps qu'il faut avant de pouvoir entrer à l'académie est éminemment variable. Il faut parfois jusqu'à un an. À un moment donné, la période d'attente allait jusqu'à 18 mois. Nous avions admis alors que c'était trop long, et que les gens allaient finir par se lasser d'attendre. Nous avons fait le maximum pour réduire ce délai d'attente qui est maintenant inférieur à un an. Mais nous devons encore faire mieux. Cela, c'est le temps d'attente nécessaire simplement pour se faire accepter à l'académie. Il y a six mois d'entraînement de base, puis deux ans d'entraînement spécialisé sur le terrain dans la spécialité à laquelle la recrue sera affectée.

Le sénateur Moore : C'est intéressant de vous écouter parler parce qu'il apparaît clairement que la nature même du travail de policier et de l'activité policière a changé du tout au tout ces derniers temps. Vous nous parlez des cybercriminels, du terrorisme et des crimes économiques. Pourriez-vous nous donner l'exemple de ces crimes économiques dont le Canada est victime? La contrefaçon ou les malversations boursières en sont-elles des exemples courants?

Je voudrais également que vous nous parliez un peu du terrorisme. Nous savons ce qui s'est passé avec les attentats du 11 septembre. Mais qu'est-ce qui a menacé l'intégrité de notre pays, qu'est-ce qui a menacé au Canada la paix, l'ordre et le bon gouvernement?

M. Zaccardelli : S'agissant d'intégrité économique, nous avons vu ce qui s'est passé aux États-Unis avec les affaires comme Enron. C'est ainsi que pour la première fois, nous nous sommes rendu compte qu'il y a des individus qui se livrent à certaines activités qui peuvent influencer ou menacer l'intégrité de toute une industrie, voire dans certains cas la stabilité même des marchés.

Lorsque nous avons vu ce qui s'était passé dans l'affaire Enron, par exemple, nous avons demandé aux pouvoirs publics de nous donner de meilleurs moyens pour faire enquête sur ce genre de crimes si jamais il venait à y en avoir ici. Le gouvernement nous a donné 30 millions de dollars et nous avons créé ce que nous appelons les équipes intégrées de surveillance des marchés. Si vous en avez assez d'entendre dans ma bouche le mot « intégré », vous voudrez bien m'excuser, mais c'est un concept, une philosophie, auxquels nous croyons parce que c'est la meilleure façon de mobiliser nos ressources collectives. Nous avons des équipes intégrées à Montréal, à Toronto, à Vancouver et à Calgary, qui sont les quatre principaux centres financiers. Ces équipes font enquête dans les cas graves de manipulation des marchés boursiers et de fraude qui ont des répercussions très graves.

Songez à toute la technologie qui existe aujourd'hui. Quand j'étais jeune enquêteur, des individus signaient des chèques frauduleux et volaient l'argent de quelqu'un. Ces individus faisaient l'objet d'une enquête et puis d'une arrestation. De nos jours, l'utilisation abusive de la technologie permet à des gens d'anéantir les économies de toute une vie pour un groupe entier de personnes et de compromettre la stabilité d'une entreprise. Voilà le genre de crimes que nous examinons ou sur lesquels nous évaluons la possibilité de faire enquête. Ces crimes mettent en jeu la viabilité ou la stabilité de l'économie du Canada ainsi que notre aptitude à réprimer efficacement de tels agissements. Voilà pourquoi, l'année dernière, nous avons fait de la criminalité économique ou de l'intégrité économique l'une de nos cinq priorités stratégiques, en nous servant d'un système de surveillance poussé.

Le sénateur Moore : Nous avons entendu parler de la criminalité économique lors d'une audience du comité des banques. Qu'en est-il des activités terroristes?

M. Zaccardelli : Encore une fois, je ne peux donner d'exemples précis, mais il s'agit d'une véritable menace pour notre pays. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous sommes désormais une cible. Nous estimons qu'il y a au Canada et à l'étranger des gens qui pourraient nous causer du tort. Par conséquent, toujours en partenariat et d'une façon intégrée, nous suivons de près ces individus qui pourraient causer du tort à notre pays et attenter gravement à notre population.

Le président : Merci, sénateur Moore.

Merci beaucoup, monsieur le commissaire, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de l'information que vous nous avez présentée et de la franchise avec laquelle vous avez décrit les changements en cours à la Gendarmerie. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans l'atteinte de vos objectifs et nous espérons avoir le plaisir de vous entendre de nouveau sous peu.

M. Zaccardelli : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à cette audience. Je suis ravi de participer à vos séances parce que j'y apprends beaucoup de choses et j'espère, vous de même. Ce n'est qu'en débattant de ces problèmes que nous pourrons y trouver des solutions avantageuses pour le Canada. J'attendrai avec impatience votre prochaine invitation et je vous remercie d'appuyer collectivement ce que nous essayons de faire.

Le président : Nous accueillons maintenant le vice-amiral J.C.J.Y. Forcier, commandant, Commandement Canada. Le vice-amiral Forcier a accédé au poste de commandant de Commandement Canada le 1er juillet 2005. Le vice-amiral relève du chef d'état-major de la Défense, auquel il doit rendre compte de la plupart des opérations militaires au Canada.

Le comité a eu le plaisir de faire connaissance avec le vice-amiral Forcier lorsqu'il était le commandant des Forces maritimes du Pacifique, à l'occasion de notre voyage à Esquimalt en janvier 2005. Nous le remercions de nous avoir invités à visiter Commandement Canada le 16 mai prochain et nous avons hâte de le faire. Soyez donc le bienvenu.

[Français]

Vice-amiral J.C.J.Y. Forcier, commandant, Commandement Canada, Défense nationale : Honorables sénateurs, je vous remercie pour votre invitation.

[Traduction]

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de Commandement Canada, qui est devenu opérationnel le 1er février dernier. Nous existons maintenant depuis trois mois, ce qui me permet de considérer d'où nous sommes partis et d'examiner ce qui se nous attend.

J'ai participé activement au développement de la planification entourant la transformation des Forces canadiennes. À titre de directeur de l'équipe d'action du chef d'état-major de la Défense examinant le commandement et le contrôle des Forces canadiennes, j'ai examiné l'approche « Canada d'abord » de notre défense et sécurité qui traite le Canada comme un théâtre opérationnel séparé. À cause de mon expérience au sein de l'équipe d'action du chef d'état-major de la Défense, on m'a demandé de mettre sur pied Commandement Canada.

[Français]

Nous avons débuté dès l'annonce officielle du 1e juillet 2005. Avec une petite équipe de 12 personnes dévouées, nous avons commencé à bâtir les fondations d'une structure de commandement intégrée, orientée sur la défense du Canada.

Depuis, le Commandement Canada s'est grandement développé. Actuellement, son état-major compte 99 militaires et 16 civils. Je prévois que les postes civils et militaires présentement vacants seront comblés au cours des prochains mois, ce qui nous portera à un total de 153 personnes.

[Traduction]

Mon équipe de commandement consiste en une large gamme de postes d'état-major militaires : les renseignements, les opérations, le génie, la logistique, la planification et les communications, ainsi que des conseillers. Ainsi, nous n'avons plus à coordonner une réaction interarmées suite à une crise nationale par le biais des nombreuses chaînes de commandement qui faisaient partie de l'ancienne structure ministérielle.

Ce point est essentiel. Comme vous le savez, les Forces canadiennes ont toujours bien répondu aux crises nationales comme on a pu le voir lors de la tempête de verglas et des inondations du Manitoba en 1997. Cependant, une structure de commandement réellement intégrée pour diriger les ressources militaires sur un point de crise faisait défaut.

Commandement Canada crée cette structure. À titre de commandant, je me suis vu déléguer l'autorité du chef d'état-major de la Défense pour planifier et exécuter toutes les opérations de routine et de contingence au niveau national et continental, sauf à l'égard des missions qui relèvent de NORAD.

Outre une amélioration de la structure interne des Forces canadiennes, Commandement Canada offre un véhicule pour la coordination et la planification opérationnelles avec nos partenaires civils en gestion d'urgence. Fait très important, nous sommes aussi le lien opérationnel avec Northern Command des États-Unis à Colorado Springs. Mon état-major travaille étroitement avec le ministère de la Sécurité publique, la GRC et d'autres ministères du gouvernement canadien pour assurer une approche cohérente aux opérations nationales.

J'interagis régulièrement avec mes homologues de niveau supérieur pour établir les priorités et discuter de problèmes communs. Par exemple, un calendrier national d'activités interministériel a récemment été créé pour fournir une image des activités nationales importantes pour la prochaine année qui exigeront une attention du gouvernement du Canada du point de vue de la sécurité.

Au niveau régional, l'interaction avec nos partenaires civils est aussi importante. Les six Forces opérationnelles interarmées permanentes de Commandement Canada (FOI-Nord, FOI-Pacifique, FOI-Ouest, FOI-Central, FOI-Est et FOI-Atlantique) sont responsables de la planification militaire régionale intégrée.

Contrairement à l'ancienne structure où les engagements régionaux étaient de nature ad hoc et spécifique à un événement donné, mes commandants engagent leurs vis-à-vis régionaux de façon proactive et cohérente. Les commandants des Forces opérationnelles interarmées fournissent un point central pour l'engagement régional au niveau supérieur des Forces canadiennes dans les régions, réunissant régulièrement les représentants fédéraux régionaux et les autorités provinciales et municipales. La présence des Forces opérationnelles interarmées est essentielle à la connaissance situationnelle quotidienne qui est l'outil clé de ma mission.

Je voudrais aborder maintenant les dimensions supplémentaires de la connaissance situationnelle et du développement d'une image opérationnelle commune pour le Canada et le continent. Cette image de connaissance situationnelle est consolidée dans mon centre de commandement interarmées qui est occupé 24/7 et qui est relié à nos régions, aux autres centres d'opérations des Forces canadiennes, à NORAD, à Northern Command des États-Unis et au Centre des opérations du gouvernement du Canada.

Je sais que votre comité visitera mon centre de commandement le 16 mai et j'attends cette visite avec impatience. Je suis certain que vous trouverez fort intéressante la présentation de notre briefing sur la connaissance situationnelle quotidienne et que vous trouverez utile de voir de première main notre connectivité.

En effet, la capacité de Commandement Canada de produire une image consolidée des activités et questions importantes — comme on l'a vu lors des récentes inondations dans l'ouest et le centre du Canada — nous aide à bien planifier d'éventuelles missions d'appui aux autorités civiles. Cette planification nous permet d'être en mesure de réagir rapidement et efficacement aux demandes d'aide que nous recevons.

[Français]

Il faut clairement établir que nous avons fait beaucoup plus que bâtir un quartier général. Nous avons mené de nombreuses opérations et complété des plans de contingence pour des activités spécifiques. Nous avons été engagés de façon proactive avec nos partenaires civils du maintien de l'ordre pour améliorer la coopération et bâtir des relations. De plus, nous avons interagi régulièrement avec nos partenaires de la défense continentale du NORAD et du Northern Command aux États-Unis.

Actuellement, quel est l'avenir de Commandement Canada? Il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour faire avancer nos pions.

[Traduction]

Mon successeur, le lieutenant général Dumais, verra les différences importantes entre Commandement Canada et l'organisation d'état-major du SCEMD qu'il dirigeait et il fournira le leadership nécessaire pour continuer le développement du commandement. Il fera face à divers défis, entre autres les suivants : travailler étroitement avec nos partenaires du gouvernement et les quartiers généraux stratégiques pour s'assurer que les processus de demande d'aide sont simples et réactifs; trouver le juste équilibre entre les deux extrêmes et renforcer le rôle des autorités civiles et des premiers intervenants lors de situations d'urgence au Canada; et enfin, continuer à élargir les connaissances et les capacités des Forces canadiennes au pays de manière à faciliter les opérations de Commandement Canada à l'échelle nationale et régionale.

En terminant, je tiens à signaler que ce fut pour moi un grand privilège d'établir Commandement Canada et de travailler avec des hommes et des femmes dévoués qui en sont l'épine dorsale. Je continuerai à suivre avec beaucoup d'intérêt la transformation de la culture et de la structure organisationnelles des Forces canadiennes. Merci de votre attention. Monsieur le président, je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci beaucoup de ce survol.

Le sénateur Atkins : Soyez le bienvenu. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous avez pu réfléchir sur votre passé et tracer votre avenir. Voudriez-vous développer votre pensée à ce sujet?

Vam Forcier : Volontiers. J'ai déjà eu l'occasion de travailler dans le cadre d'opérations conjointes. De 2000 à 2002, j'ai relevé directement du sous-chef d'état-major de la défense. J'ai pris part à plusieurs opérations qui se sont déroulées à l'époque, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. À mon avis, en règle générale, nous réagissions assez rapidement aux situations de crise. Cependant, nous ne prenions pas toujours le temps de réfléchir à la liste possible des situations d'urgence et de les examiner attentivement.

Si l'on songe aux situations d'urgence nationales les mieux connues où les Forces canadiennes sont intervenues, par exemple les inondations et le verglas en Ontario et au Québec, il a suffi de quelques heures pour nous organiser, ce qui s'explique par différentes raisons. Premièrement, nous n'avions pas une structure de contrôle de commandement capable de passer automatiquement en mode intervention. Nous avons dû mettre ensemble tous les morceaux du puzzle. Nous avons dû instantanément trouver les partenaires et déterminer qui était responsable d'intervenir du côté civil. Cet écueil n'existe plus puisque nous avons désormais une structure qui nous permet d'établir des liens avec les organismes auparavant, ce que je fais moi aussi au niveau national, et, ce qui est encore plus important, au niveau régional grâce à ces six généraux et amiraux qui ont maintenant pour mandat de soutenir cette planification.

Il serait peut-être bon de travailler davantage à la planification des situations d'urgence et de nous familiariser avec les intervenants d'autres agences. J'ai mentionné brièvement que nous avons eu l'occasion de nous rencontrer au niveau des sous-ministres adjoints.

Depuis que j'ai pris les rênes en juillet dernier, en vue de mettre la structure opérationnelle en place pour février, nous avons rencontré certains des partenaires clés à l'occasion, mais encore une fois, il ne s'agissait pas toujours d'échanges structurés, mais je crois que nous avons changé notre façon de faire. Notre réunion qui s'est tenue voilà quelques semaines a marqué un tournant. Pas moins de 14 sous-ministres adjoints, ou l'équivalent, et nous étions tous sur la même longueur d'onde; nous avons discuté des tâches qui pourraient incomber au gouvernement du Canada dans l'avenir et réfléchi aux situations d'urgence. Voilà la voie à suivre. Ce n'est pas simplement l'affaire du ministère de la Défense nationale ou de partenaires individuels; il faut travailler en équipe, tracer des plans à longue échéance et intégrer tous les éléments, et pas seulement à mon niveau. Mes directeurs, aux grades de colonel et de lieutenant- colonel, s'efforcent d'établir les relations nécessaires également à l'intérieur du ministère.

Le sénateur Atkins : Là où il y avait auparavant certaines discordances, estimez-vous que les interventions sont bien coordonnées et harmonisées à présent?

Vam Forcier : J'estime que nous avons fait des progrès. J'ai pu me rendre compte que dans ce domaine comme dans tous les autres, il faut créer un réseau, des relations entre les gens et les entretenir. Ce sera le secret du succès dans l'avenir. J'ai rendu visite à mes directeurs et mes commandants régionaux pour établir des rapports avec eux. Je vous avoue que lorsque je leur ai décrit la structure de commandement interne au Canada, ils m'ont répliqué instinctivement : « Mais c'est ce que nous faisons déjà, amiral. Nous avons déjà travaillé sur le terrain. Nous avons déjà fait face à des inondations et à des crises mineures. Nous savons comment cela se passe. » Cependant, après trois mois, ils ont avoué qu'ils n'en savaient pas autant qu'ils le croyaient au départ. Les connexions commencent à se faire au premier niveau. Des généraux et des amiraux travaillent avec les hauts dirigeants et leurs vis-à-vis fédéraux. Nous ne comptons plus uniquement sur les jeunes capitaines et majors vifs et dévoués faisant partie des cellules de soutien nationales dispersées dans le Canada. Voilà le véritable atout.

Le sénateur Atkins : Vous affirmez dans votre déclaration : « Nous n'avons plus à coordonner une réaction interarmées suite à une crise nationale par le biais des nombreuses chaînes de commandement qui faisaient partie de l'ancienne structure ministérielle. Ce point est essentiel. »

Vam Forcier : Je vous remercie. C'est un élément essentiel.

Nous sommes toujours structurés selon ce que nous appelons le « principe de mise sur pied d'une force » pour préparer nos troupes à toute la gamme des missions que nous entreprenons aussi bien ici qu'outre-mer avec les trois armes. Pour l'essentiel, les dirigeants de l'armée, de la marine et de l'aviation se concentrent ici même sur ces missions. Selon l'ancienne formule, si je voulais qu'une unité de marine d'Halifax coopère avec des soldats du Nouveau- Brunswick et du personnel de l'armée de l'air de Nouvelle-Écosse, je devais négocier à la hâte la composition de la force que je souhaitais obtenir.

Premièrement, il fallait en confier la responsabilité à quelqu'un et dire : « Vous faites le travail essentiel. De quoi avez-vous besoin pour cette mission de crise ou cette mission délibérée? » Certaines choses sont faites à l'avance. Mais il faut pratiquement négocier toute l'opération en disant : « J'ai besoin de telle ou telle capacité ».

Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Je suis désormais habilité à déterminer ce dont nous avons besoin pour accomplir la mission. S'il s'agit d'une capacité délibérée qu'il faut constituer en prévision d'un événement prévu dans quelques mois, nous allons négocier, car nous ne voulons pas porter atteinte à la capacité de mise sur pied d'une force et nous allons opter pour des solutions et des forces de remplacement. Cependant, s'il s'agit d'une réaction nationale dont nous avons besoin pour une situation d'urgence nationale ou régionale, tous ces principes sont abandonnés. Pour l'essentiel, j'informe simplement mes collègues de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air que je prends possession de ces unités, qui passent désormais sous mon commandement, et elles feront ce qu'elles ont à faire pour sauver les Canadiens. C'est instantané.

Le sénateur Atkins : Vous en avez l'autorité?

Vam Forcier : J'en ai l'autorité.

Le sénateur Atkins : Quelle est la structure organisationnelle de Commandement Canada et quels sont ses effectifs? Où se trouve situé le quartier général subordonné? Pourquoi cette structure militaire est-elle meilleure aujourd'hui qu'autrefois?

Vam Forcier : La structure primaire a pour fondement les six commandements de la force opérationnelle interarmées.

Nous avons abordé la question au début de l'année dernière dans le cadre de l'étude du CEMD que nous avons consacrée à la transformation pour essayer de situer une limite logique. Nous avons trouvé que la meilleure capacité consistait à disposer d'un commandant de la force opérationnelle interarmées pour les provinces Maritimes, parce qu'elles ont des rapports et des liens solides entre elles en matière de gestion des situations d'urgence et qu'elles disposent d'un bon système d'échanges d'information. Le commandant de la Force opérationnelle interarmées de l'Atlantique est le contre-amiral McNeil, d'Halifax, qui travaille également avec la marine pour mettre sur pied des forces navales. Il a pour adjoint le brigadier général Parsons, qui occupe toujours les fonctions de commandant des forces terrestres de la région Atlantique. Du reste, ils se réunissent aujourd'hui; nous avons organisé un exercice et ils vont mettre tous les deux l'accent sur la mise au point de leurs relations face à une situation d'urgence. Ils sont responsables de la liaison avec les provinces Maritimes pour élaborer un plan d'intervention. Plus à l'ouest, dans la province de Québec, le général Barabe, à Montréal, est responsable de son propre plan d'intervention. En Ontario, le général Thibault, dont le quartier général se trouve à Toronto, est responsable de son plan d'intervention et il intervient quotidiennement auprès de l'Organisation de gestion des urgences de l'Ontario et de son homologue du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. On constate donc ici un fort triumvirat.

La Force opérationnelle interarmées de l'Ouest regroupe les trois provinces des Prairies, sous la responsabilité du major-général Grant, d'Edmonton. Comme ce service concerne trois provinces, on a formé des bureaux satellites en Saskatchewan et au Manitoba, qui restent en liaison avec le service central. Le contre-amiral Girouard s'occupe de la mission de la marine sur la côte Ouest ainsi que du plan d'intervention intégrée de la Force opérationnelle interarmées de l'Ouest.

La dernière unité est celle de l'Arctique, c'est la Force opérationnelle interarmées du Nord, située à Yellowknife. Elle est responsable des activités dans les trois territoires. J'insiste sur cette force opérationnelle interarmées du Nord, car l'année dernière, les trois services sont allés dans le Nord à des fins de formation et d'opérations. Elles avaient tendance à traiter le commandant de Yellowknife comme un commandant hôte auquel elle demandait de l'appui. Mais les choses ne se passent plus ainsi aujourd'hui. Le colonel de Yellowknife dirige désormais les opérations sur son territoire. L'armée, la marine et l'armée de l'air proposent des options pour le Nord, où nous travaillons collectivement, et lorsque les autres franchissent leurs limites territoriales, ils se placent sous le commandement du colonel. La transition est terminée et c'est maintenant de cette façon-là que l'on procède dans le Nord.

Le sénateur Atkins : Vous décrivez une organisation à structure mixte.

Vam Forcier : Oui, par certains côtés, et c'est une bonne chose. Nous fonctionnions autrefois avec une structure où les limites entre le personnel d'exécution et le commandement étaient floues.

Le sénateur Atkins : À quelle fréquence se rencontrent les commandants qui dépendent de vous?

Vam Forcier : Nous nous entretenons par vidéoconférence une fois par semaine ou, selon nos emplois du temps, nos chefs d'état-major se réunissent. Lorsque nous nous penchons sur le calendrier des opérations, nous nous réunissons parfois deux ou trois fois par semaine. Je souhaite signaler un trait important : une étude délibérée du caractère disjoint des communications par le passé. Cela nous a amenés à nous pencher sur la structure des opérations de l'armée de l'air. Avec nos collègues de l'armée de l'air, nous avons élaboré une approche innovatrice. Le major-général Bouchard, de Winnipeg, est commandant de la Division aérienne du Canada et commandant régional canadien de NORAD. C'est un homme occupé, dont le personnel sait faire beaucoup de choses. Auparavant, il ne saisissait pas ce qui se passait dans les opérations au jour le jour des forces aériennes au Canada. En examinant la structure et en négociant, nous avons pu créer un processus de planification national qui se poursuit jour après jour. Il planifie l'avenir et constitue une matrice pour l'attribution quotidienne des missions. La planification est visible, non seulement pour les forces aériennes mais pour moi et mes six commandants des forces opérationnelles. Ainsi, nous avons tous sous les yeux la même image de la disponibilité. Auparavant, les gens s'attachaient à des opérations spécifiques, pas à la capacité des forces aériennes prises dans leur ensemble aujourd'hui au Canada.

Le sénateur Atkins : Quelles sont les principales menaces à l'encontre du Canada contre lesquelles vous vous efforcez de vous prémunir?

Vam Forcier : Notre mission comporte trois volets. Il convient de dire que, à la suite de la transition nécessitée par la fin de la guerre froide, la menace classique à l'encontre du Canada a beaucoup diminué. Nous effectuons une surveillance des côtes, afin de maintenir notre souveraineté, mais l'essentiel des capacités de réaction de Commandement Canada tiendra à deux rôles : la gestion des conséquences, dans le cadre d'une aide apportée à nos partenaires en cas de crise; ou l'aide au maintien de l'ordre. Le concept d'une menace à l'encontre du Canada est beaucoup plus centré sur un soutien à une composante sécuritaire que sur une défense traditionnelle, comme par le passé.

Le sénateur Atkins : Qui décide de la définition de ces menaces et prend la décision ultime sur l'urgence des menaces?

Vam Forcier : C'est un peu trop tôt pour le dire, vu que nous sommes en transition. Auparavant, nous avions trois environnements. Les forces navales planifiaient une surveillance axée sur leurs propres capacités. L'armée de terre fournissait une réaction immédiate, si elle devait soutenir la GRC ou d'autres forces de police. Après trois mois, nous disposons d'un cycle de planification beaucoup plus adéquat pour aujourd'hui et l'avenir. Le processus qui détermine les parties reste plutôt itératif; il inclut la nature de la menace, la vulnérabilité et les ressources disponibles un jour donné, vu qu'il nous faut vivre en respectant nos capacités actuelles, tant que nous n'en aurons pas élaboré d'autres. Bref, c'est en termes de menaces que je considère tous les facteurs.

Le sénateur Atkins : Quelle est la nature de votre lien avec NORAD?

Vam Forcier : Le lien avec NORAD est intéressant, parce que nous ne faisons pas partie du caractère binational de NORAD. Toutefois, il existe un lien là où les centres du commandement sont mixtes. Je jouis d'une transparence totale, dans NORAD. Mes personnes de quart ont des lignes de clavardage et des lignes téléphoniques ouvertes avec NORAD. Nous pouvons cibler notre capacité à soutenir ses composantes canadiennes. Si un avion s'écrasait sur le sol canadien, par exemple, nous verrions comment nous pourrions être utiles, y compris en fournissant des renseignements pertinents sur l'événement.

Pour bien comprendre notre lien avec NORAD, il faut comprendre notre responsabilité continentale. Il existe à la fois Northern United States Northern Command, au Colorado, et NORAD, entités qui, soit dit en passant, sont commandées par le même officier, occupant deux fonctions, l'une nationale, l'autre binationale. Le triumvirat assure un soutien en matière de défense et de sécurité au continent. Cette relation arrive à maturité. Le commandant adjoint de NORAD est canadien, c'est le général Findley, que je connais depuis longtemps. Lui et moi avons tissé des liens étroits. Nous avons également établi de bons rapports avec l'amiral Keating, qui commandait à la fois NORAD et Northcom. Il était à mon poste de commandement il y a deux semaines, vu que nous échangeons régulièrement les lieux de rendez-vous.

Le sénateur Atkins : Ce sont des liens importants, effectivement.

Vam Forcier : Oui, vous avez raison. Nous nous efforçons, non de regarder les choses sous un seul angle, mais plutôt sous un grand angle, de façon à connaître et comprendre les capacités totales. Quand nous planifions les choses en cas d'urgence, nous prenons d'abord en compte les capacités canadiennes. S'il se produisait au Canada une catastrophe, nous ne voudrions pas devoir d'abord nous poser des questions sur les capacités de NORAD, et cetera. Il nous faut disposer des réponses voulues dès le départ. Les sénateurs se souviendront peut-être que de nombreux Canadiens se sont portés au soutien des Américains durant les ouragans Katrina et Rita. Nous comprenons quelles sont nos capacités respectives; n'empêche que les Américains sont parfois surpris par les contributions que nous sommes en mesure de fournir. Ils envient en outre notre structure de commandement, qui n'est pas complexe. Cela me permet, au nom du chef d'état-major de la Défense, de déterminer à l'avance les autorités acceptées par le ministère pour exiger une planification immédiate ou pour déplacer des forces selon l'évolution d'une situation. C'est une souplesse qui fait défaut aux Américains.

Il est très curieux de noter qu'ils doivent suivre un processus politique relativement complexe pour déplacer des forces d'un point à l'autre des États-Unis.

Le sénateur Atkins : Il y a un seul problème : vous êtes nouveau et, à leurs yeux, n'avez pas encore fait vos preuves.

Vam Forcier : C'est exact. Effectivement, nous n'avons pas encore testé cela. Je dois dire que nous n'avons pas eu d'événement catastrophique.

Quand je considère notre structure maintenant, je constate que nous nous occupons d'une série de situations d'urgence. Vous apprendrez sans doute sans surprise que je m'intéresse notamment à une éventualité parmi d'autres : le soutien à mes collègues pour les Jeux olympiques de 2010. Là encore, nous avons une entente souple, où mon commandant régional peut parler à la province, à son homologue à la GRC, et cetera, tandis que je peux m'adresser au niveau national à mes collègues de la GRC et d'autres services. Cela facilite les choses, cette existence d'un environnement libre au sein duquel fonctionner. Pour l'instant, je n'ai pas beaucoup de limites bureaucratiques.

Mais vous avez raison : nous n'avons pas encore fait nos preuves dans le cadre d'un événement grave. Le mois dernier s'est avéré intéressant. Nous étions tout prêts à faire face aux inondations ayant lieu dans le nord de l'Ontario. Nous étions aussi à pied d'œuvre pour fournir une seconde ligne de défense pour le débordement de la rivière Rouge du Manitoba cette année — seconde ligne de défense qui, heureusement, n'a pas été nécessaire.

[Français]

Le sénateur Day : Amiral Forcier, je vous remercie pour votre comparution au comité cet après-midi et pour tout ce que vous avez fait au sein des Forces armées canadiennes, surtout en ce qui concerne les transformations, dossier dans lequel vous travaillez depuis plusieurs années.

Dans la politique du gouvernement, il y a l'expression « Canada First ». Que signifie cette expression que vous avez aussi utilisée?

Vam Forcier : Cette expression fait appel à un retour aux sources, si j'ose dire, quant à la création d'une force armée qui défend la patrie. Je pense que les contributions à travers les décennies se sont surtout concentrées sur la capacité internationale pour des raisons valides, également en raison de la participation à la sécurité globale.

Nous avons perçu nos capacités nationales comme étant simplement un ajout, une réaction ad hoc lorsqu'on avait des problèmes. La politique du gouvernement vise à mettre l'accent sur la capacité domestique et sa mise en œuvre de façon ad hoc.

Cela m'a donné un point de mire, un mandat pour examiner la structure et la capacité de répondre du Canada. Nos discussions ont pour but de déterminer si nous réussissons à établir une autorité assez agressive pour réagir à une crise et s'il cela est sensé d'avoir une échéance de planification comme celle que nous avions outre-mer.

Si je peux faire un parallèle, disons que lorsque le gouvernement décide d'envoyer des troupes outre-mer, même en situation de crise les négociations et la planification prendront plusieurs semaines. Quant à la réponse nationale en situation d'urgence, si des membres des Forces armées canadiennes ne sont pas sur le terrain dans les 12 heures pour aider les Canadiens, je pense que l'on n'a pas réussi notre mission.

« Canada First » signifie que l'on se préoccupe du Canada, que nous faisons davantage que d'en parler. Il nous faut des moyens pour planifier et réagir rapidement afin de supporter le Canada.

Le sénateur Day : Est-ce que cela veut dire que les opérations au Canada sont plus importantes que celles qui se font ailleurs?

Vam Forcier : Je ne dirais pas qu'elles sont plus importantes, je dirais que la planification et les réactions doivent être plus rapides. Dans un sens, c'est de premier plan. Il est important de défendre notre pays en premier et de supporter nos citoyens.

Le sénateur Day : C'est l'implication de cette expression?

Vam Forcier : Oui.

[Traduction]

Le sénateur Day : Paul Hillier avait-il bien saisi les choses, en 1960? Ce dont vous parlez, depuis tout à l'heure, c'est des problèmes liés à l'existence de trois forces différentes, de trois éléments différents; et vous insistez sur l'importance d'amener ces hommes et ces femmes à travailler de concert. C'est bien ce qui découle de ces efforts d'organisation que vous déployez. Vous parlez d'éléments « conjoints » et « intégrés ».

Vam Forcier : Il y a eu des changements significatifs. Je fais partie des personnes entrées sur la scène juste après l'unification.

Le sénateur Day : Soit en 1971, environ.

Vam Forcier : Notre concept de forces « conjointes » manquait alors de maturité. Personne ne savait véritablement ce que cela pouvait être, en fait. Prenez l'exemple classique des gens qui ont beaucoup écrit au sujet du concept des forces conjointes aux États-Unis; prenez celui de plusieurs autres collègues; la structure n'était pas véritablement en mesure de faire face à ce concept à l'époque.

En réfléchissant à la notion d'unification, je me suis remémoré un ou deux exemples issus de ma jeunesse. Nous avons tenté d'amener les Forces canadiennes à se couler dans un moule unique, sans âme, sans sentiment d'appartenance, sans lien avec l'histoire.

Il m'a fallu avoir passé une décennie dans les Forces canadiennes avant de véritablement commencer à étudier l'histoire du Canada. Quand j'ai gravi les échelons, au début des années 70, l'enseignement de l'histoire ne se faisait pas. Nous étions trop occupés à unifier pour nous souvenir de notre histoire et de celle des différents services.

Cette fois-ci, nous respectons l'esprit et l'âme des trois services. Nous avons décidé une chose : « Faisons les choses intelligemment. S'il faut planifier, planifions dès le départ avec ce que ces trois environnements peuvent contribuer. »

Chaque fois que nous planifions des mesures d'urgence, j'ai un rappel : la nécessité d'aller plus loin qu'une réaction automatique. Avec l'armée de terre, nous avons un merveilleux exemple de capacités toutes prêtes; l'armée de terre peut être à pied d'œuvre en tant d'heures et réagir. Là, vous demandez : « Où est l'élément naval? Où est l'élément aérien? » Or, la question à poser pour changer de culture est la suivante : « Que pouvez-vous contribuer? » Et les études constantes que nous effectuons à présent visent à refléter cette question de façon permanente dans une structure désormais nouvelle. Il ne s'agira pas uniquement d'une unité de réaction immédiate de l'armée de terre; il s'agira d'une force conjointe d'intervention immédiate au niveau régional, dès le départ.

À l'époque, manifestement, il y avait interchangeabilité entre certains éléments. Selon moi, nous n'aurions pas pu réussir alors, malgré tous nos efforts, parce que nous ne saisissions pas ce dont il s'agissait. Nous tenions à alimenter les trois branches des capacités de l'OTAN. Les forces aériennes, l'armée et la marine fonctionnent bien au sein de l'OTAN, et à fond, par le biais du lien que constituent les États-Unis. Les gens, par contre, n'ont pas toujours fonctionné comme groupes conjoints. Manifestement, les choses ont évolué. À mon avis, nous avons vu juste au bon moment.

Le sénateur Day : Un sous-chef d'état-major de la Défense a-t-il encore sa place?

Vam Forcier : Non, pas à mon avis. C'est un poste que nous avons aboli. Le 1er février, ce poste a été éliminé et j'ai hérité des capacités nationales dont il s'occupait. Les capacités internationales sont allées au général Gauthier. Quant aux éléments qui l'éloignaient des opérations, l'aspect institutionnel de son travail, les options liées au développement des forces qu'il devait soupeser, tout cela est revenu à un niveau stratégique au quartier général de la Défense.

Cela m'amusait, en fait. En plein milieu de la guerre du Golfe, la dernière fois, quand nos troupes étaient en Afghanistan pour la première fois, je m'occupais de la planification du Sommet du G-8, intervenant juste après le Sommet des Amériques. Or, je n'ai pas pu rencontrer mon propre patron, le sous-chef d'état major à la Défense, qui était pourtant dans le même édifice toute la semaine, sans doute à raison de 20 heures par jour. Il jonglait avec 30 comités, s'affairait sur le budget et sur la vision d'avenir des Forces canadiennes; n'empêche qu'il était responsable en chef des opérations et qu'il était incapable de s'en occuper. Cette situation n'est plus et je suis heureux de l'équilibre rétabli. Le personnel qui s'occupe à présent de stratégie est considérable réduit, 50 personnes environ et toutes les armes sont représentées. Ce sont des contre-amiraux qui gardent à l'esprit la vision du chef d'état-major de la Défense et les besoins d'une connectivité de nation à nation.

Le Canada est au cœur de mes préoccupations, jour après jour. Je sais ce qui se passe au pays. Je fais de mon mieux pour en savoir le plus possible et je compte sur mon ami à COMFEC pour se tourner vers les autres pays. L'effort est ainsi beaucoup plus ciblé; nous n'allons pas nous égarer dans des questions stratégiques.

Le sénateur Day : Nous commençons à nous faire une idée de Commandement Canada. Nous avons eu l'occasion de visiter les centres d'opérations de sécurité maritime sur la côte Est et la côte Ouest, à Halifax et à Victoria. Nous nous sommes ainsi familiarisés avec le radar haute fréquence à ondes de surface et les renseignements que l'on en tire. Le dernier gouvernement avait prévu de déployer d'autres radars de ce type. Je ne sais pas si le gouvernement compte en faire autant, mais cela s'inscrit-il dans votre rôle de commandant de Commandement Canada? Est-ce que le responsable de la marine, par exemple, vous communique ce type de renseignements ou ces renseignements vous parviennent-ils directement en tant que responsable de Commandement Canada?

Vam Forcier : Nous sommes encore en transition, mais s'il s'agit de fournir des renseignements permettant de prendre des décisions opérationnelles, cela ne va plus à la marine.

Quand l'amiral MacLean était à la veille de prendre sa retraite, nous avons discuté de la transition, entre marins; il a alors admis qu'il n'avait plus à s'occuper au jour le jour des opérations. Son travail était de former les meilleurs marins et de construire les meilleurs navires possible et d'aider le chef d'état-major de la Défense à se concentrer sur une vision des Forces canadiennes, puis à le soutenir dans cet effort.

Les renseignements fournis aux centres d'opérations de la sécurité maritime, qui vont aux amiraux Girouard et McNeil quand ils s'occupent des opérations pour moi, me parviennent aussi. Notre préoccupation majeure est désormais l'architecture dans son ensemble. Nous nous efforçons de la rendre plus solide, avec un peu de double emploi, aussi. Nous parlons d'une « image opérationnelle commune », si bien qu'il s'agit d'une banque de renseignements unique. Les deux principales sources de renseignements, une entité qui valide les renseignements et une qui analyse la profondeur des renseignements, étaient situées sur la côte par le passé et y restent. J'obtiens le bénéfice de cette synthèse ici, à Ottawa, et je suis en mesure de la partager avec nos alliés américains, quand nous traitons de questions continentales.

Le sénateur Day : Vous procédez ainsi sur les deux côtes. Comment vous y prenez-vous dans le Nord et dans les Grands Lacs?

Vam Forcier : En ce qui concerne les Grands Lacs, je dirais que c'est un travail en cours. Quant au Centre d'opérations de la sécurité maritime des Grands Lacs, il ne dépend ni de la marine ni de Commandement Canada; il est dirigé par la GRC. Il y a bien une petite équipe d'experts techniques qui vient en aide aux personnes du Centre et nous en discutons. Comme je ne connais pas bien leurs capacités jusqu'à présent, je préfère ne pas me prononcer.

En ce qui concerne le Nord, vous avez sans doute clairement reçu le message : nous souhaitons mettre en place plus de capacités dans le Nord. Nous voulons plus d'yeux sur le terrain, plus de capacités de détection et, un jour ou l'autre, d'interventions. Ce sont deux dossiers que nous ne devons pas perdre de vue. C'est difficile parce que, dans un cas, celui de la région des Grands Lacs, les délais de réaction sont généralement extrêmement restreints. Jusqu'à présent, notre intervention porte surtout sur la criminalité, d'où le rôle prépondérant de la GRC.

Dans le Nord, nous avons une zone vaste et peu peuplée, sans menace majeure dans une optique traditionnelle de défense. Il existe toutefois une vulnérabilité en matière de souveraineté pour notre pays. Nous comptons continuer nos travaux avec le gouvernement cette année; avec l'élaboration de notre planification stratégique, nous verrons ce que nous pouvons nous permettre. Vous avez parlé de certains systèmes, notamment du radar haute fréquence à ondes de surface, que je connais mal pour l'instant. Tout cela sera inclus dans l'enveloppe de financement; je suppose que le radar et d'autres capacités feront l'objet de discussions avec le ministère.

Le sénateur Day : L'échéance dans ce dossier est-elle l'an prochain?

Vam Forcier : Je ne sais pas bien quel est l'échéancier.

Le sénateur Day : Serait-il bon que l'information sur la sécurité maritime des Grands Lacs cesse de dépendre de la GRC et fasse partie de l'information qui vous est fournie en tant que chef de Commandement Canada ou à votre successeur?

Vam Forcier : Cela fera partie d'un tout. C'est comme un énorme écran de télévision. Cette information technique s'intégrera dans le tableau d'ensemble, parce que les experts en la matière sont les quelques marins qui aident la région des Grands Lacs à recueillir ces renseignements.

Il reste à décider d'une structure d'intervention et, là, c'est la GRC qui mènera la danse, pas nous. Si je me souviens bien, d'ailleurs, des négociations étaient en cours l'an dernier avec la Garde côtière pour la mise en place de véhicules permettant de déplacer les navires.

Si je regarde la situation d'Halifax ou celle de la côte Ouest ou de la côte Est, c'est un énorme écran de télé unique que je regarde, avec autant de renseignements que l'on puisse réunir.

Le président : Au sujet des Grands Lacs, j'ai une question sur la façon dont vous établissez le lien. Les Américains ont la posse comitatus act qui limite les activités de l'armée. Nous avons aussi un traité avec les Américains, l'accord Rush-Bagot qui interdit la présence de vaisseaux armés sur les Grands Lacs. Or, la Garde côtière américaine est absente de l'organisation binationale de planification. J'aimerais donc savoir comment vous établissez des liens avec les États-Unis en ce qui a trait aux Grands Lacs.

Vam Forcier : Je le regrette, monsieur le président, mais j'avoue que je n'ai pas eu le temps d'examiner plus en détail nos relations concernant les Grands Lacs. Jusqu'à présent, nous avons fourni du soutien technique pour l'architecture, mais en ce qui a trait à la Garde côtière américaine, elle compte des officiers au Northern Command. J'en ai rencontrés plusieurs qui ont travaillé dans les directions des opérations, du renseignement et de la planification et qui participent aux discussions sur l'évolution éventuelle de l'architecture d'ensemble. Toutefois, jusqu'à présent, je n'ai pas eu le temps de consacrer ne serait-ce qu'une journée aux Grands Lacs car je devais traiter d'abord de notre partenariat. Mais vous avez tout à raison, il faudra se pencher sur divers éléments de cette question.

Les relations entre la Garde côtière américaine et la marine canadienne sont très bonnes et donnent de bons résultats sur les deux littoraux, dans les différents districts de recherche et de sauvetage. Depuis le 11 septembre 2001, nous avons élargi notre partenariat qui ne se limite plus désormais à la recherche et au sauvetage. Nos relations de travail dans les Grands Lacs, dans l'environnement maritime, n'en sont toutefois pas encore à ce niveau de maturité.

Le sénateur Forrestal : Soyez le bienvenu, amiral. Je voulais rencontrer le répartiteur d'autobus. Nous avons rencontré quelques conducteurs d'autobus et ils sont excellents. Notre amiral sur la côte Est n'aurait pu être mieux et tous ses successeurs que je connais sont du même calibre.

Nous voulons mieux vous connaître. Sans vouloir vous appeler capitaine Canada, peut-être pourrions-nous vous qualifier de répartiteur d'autobus? Je crois que le répartiteur se situe à un cran au-dessus du conducteur, mais à peine.

Je suis curieux : où se trouve la force opérationnelle interarmées 2 dans votre structure de responsabilité?

Vam Forcier : La FOI2 relève du troisième commandement opérationnel, soit le commandement des opérations spéciales. Ils sont comme tous les autres éléments qui existaient auparavant. On y a ajouté de nouvelles capacités.

Il est vrai qu'il relève de moi. Si un événement d'envergure nationale se produit, je peux faire appel à leurs capacités. Dans le cours normal des choses, dans le cadre d'une opération de contre-terrorisme, il n'est pas invraisemblable que la GRC nous transmettre une demande et nous serions alors la première ligne d'intervention. Nous ferions appel à la FOI2.

Le chef d'état-major de la défense, qui commande les forces armées canadiennes, se réserve le droit de garder cette force sous ses ordres s'il le souhaite. Mais par défaut, s'il y a une opération nationale comptant un élément de contre- terrorisme pour laquelle nous apportons toute la capacité de la force interarmées, la FOI sera partie au processus décisionnel.

Le sénateur Forrestal : Peut-être pourrais-je poser la question au général quand il se joindra à nous plus tard. J'aimerai en savoir plus sur la possibilité de faire appel au corps expéditionnaire.

Vam Forcier : Les mêmes dispositions s'appliquent à mes collègues du commandement de la force expéditionnaire du Canada. Le chef d'état-major de la Défense peut décider de déployer et de superviser la FOI2 outre-mer, mais on la laisse normalement sous les ordres du commandement de la force expéditionnaire.

J'aimerais aussi revenir brièvement à ce que vous avez dit plus tôt sur mes fonctions de répartiteur.

Le sénateur Forrestal : Je vous ai qualifié de répartiteur pour décrire l'envergure de vos responsabilités, car vous êtes le responsable de façon générale.

Vam Forcier : Il importe de comprendre qu'une certaine autonomie a été accordée aux six commandants régionaux; dans certains cas, je serai le répartiteur mais, dans d'autres cas, ils pourront faire la répartition eux-mêmes. Cela est sans précédent.

Si une crise survient et qu'il y a un dialogue ouvert avec les pouvoirs civils au sujet de la gestion des répercussions, il est évident que nous ne nous déploierons pas nous-mêmes pour appuyer les opérations policières. Nous ne pourrions jamais le faire, c'est une décision qui demeure au niveau ministériel.

Par contre, s'il y a un incendie ou une inondation, que les événements se bousculent, le commandant régional peut mobiliser ses forces, prendre le téléphone et dire : « Répartiteur, je suis déjà en route. Voici ce que je vais faire, et je vous donnerai une mise à jour dès que possible. Je demanderai probablement des renforts. »

Cela découle directement de la confiance qu'on fait aux généraux et aux amiraux qu'on croit capables de penser par eux-mêmes : on leur donne le pouvoir de sauver des vies canadiennes d'abord, et de s'inquiéter ensuite de la procédure.

Le sénateur Forrestall : Cela revient à ce qui me préoccupe le plus.

Notre comité a passé beaucoup de temps à rencontrer des premiers intervenants de l'ensemble du pays. Dans notre documentation, nous avons fait une compilation qui nous donne une idée assez claire de la façon dont bon nombre de centres canadiens, plus de 40, en fait, se préparent aux urgences. J'aurais voulu que le sénateur Banks soit ici pour nous parler davantage de certaines choses qui me préoccupent.

Pendant toutes ces audiences, parmi les problèmes dont on nous a beaucoup parlé et qui étaient communs, figurait la difficulté des communications entre les forces policières, les forces militaires, le personnel médical et de lutte contre les incendies, et la coordination générale pendant ce genre de panique grave.

Comment évaluez-vous votre relation avec les premiers intervenants, que ce soit par l'intermédiaire des pouvoirs provinciaux ou, plus directement, dans les grandes villes? Est-ce une relation saine? Est-ce qu'elle s'améliore? Faut-il l'améliorer encore beaucoup?

Vam Forcier : C'est l'une des priorités de la liste des défis que j'ai donnée à mes commandants régionaux, mais la situation s'améliore. Nous avons actuellement une approche positive.

Par exemple, je suis adressé personnellement aux premiers intervenants en Ontario. Ils avaient leur rencontre annuelle à Gravenhurst, il y a un mois et demi. Ils voulaient en savoir davantage sur Commandement Canada. Ils voulaient un bon entretien sur les possibilités futures.

Gravenhurst est une collectivité très dynamique. En septembre 2001, j'étais au Centre de commandement de la défense nationale. Quand les avions ont attaqué les tours, j'étais au Centre des opérations. J'étais là pour aider les Forces canadiennes à déplacer des lits de camp, des couvertures et des fournitures, et pour gérer la crise découlant des écrasements. Nous travaillions avec NORAD.

J'ai vu la qualité du personnel de première intervention. Je passe sur certains événements, mais au fil de ma carrière, j'ai eu l'occasion de travailler avec nombre d'entre eux. Depuis un an, je vois avec optimisme la façon dont les provinces ont ciblé le travail de leurs organismes de gestion des urgences et aidé le milieu des premiers intervenants.

Vous avez raison, collectivement, il nous reste beaucoup à faire du côté des communications. Ce sera toujours un problème dans un pays de cette taille. Mais nous cherchons des moyens de contourner la difficulté.

J'ai demandé à mes six commandants de force opérationnelle d'apprendre à connaître ces gens et leurs organisations. Ils ne sont pas là pour les changer, ce n'est pas leur mandat. Toutefois, s'ils ont besoin de détacher des capacités supplémentaires pour assurer une meilleure liaison avec l'organisme, ils peuvent le faire.

Je ne parle pas seulement d'agents de liaison, mais aussi du personnel technique. Le matériel de communication dont une brigade se sert sur le terrain, peut ne pas être celui qu'il nous faut pour une équipe de gestion d'urgences à Toronto, par exemple. Nous y avons réfléchi.

Toronto est un bon exemple. Nous avons déjà fait des progrès de ce côté, pour cette ville. Nous pouvons maintenant nous brancher sur le réseau radio de la police, avec la permission du service de police, en cas de crise. Le personnel qui appuie le commandant sur le terrain peut donc faire le travail sans cette entrave qu'on avait auparavant.

C'est le défi que doivent relever nos commandants sur le terrain : faites comme nous. Trouvez les lacunes et comblez- les. C'est notre préoccupation immédiate pour améliorer la situation.

Le sénateur Forrestall : Donnez-moi deux autres exemples de problèmes auxquels vous consacrez beaucoup d'efforts. Donnez-moi deux exemples de réussite, à vos yeux. J'aimerais comprendre à quel rythme se font vos progrès.

Vous me dites être fier de votre petit nombre. Je partagerais votre fierté si j'étais certain que vous faites les progrès dont vous parlez et qu'ils ne se feraient pas plus rapidement avec des effectifs supplémentaires.

Vam Forcier : Toutes les questions sur lesquelles nous travaillons se rapportent aux processus. Ainsi, mes collègues veulent pouvoir prévoir et connaître notre capacité, ou alors demandent officiellement un soutien de ministre à ministre. On pourrait améliorer le processus bureaucratique.

Par ailleurs, nous avons demandé à des avocats de tous les divers ministères de voir si la bureaucratie était un obstacle purement bureaucratique ou si cela découlait de la législation. Je ne veux pas me moquer de mes amis avocats, mais disons simplement que nous avons autour de la table des gens qui discutent de ces questions. C'est l'un des problèmes à régler.

Je pense toutefois, étant optimisme, que nous pourrions être un peu plus proactifs. Nous avons par le passé surmonté certains obstacles grâce à des outils comme les décrets du conseil ou les protocoles d'entente signés par des ministres en vertu de certaines lois fédérales. Nous avons ainsi trouvé des raccourcis. Nous voulons revoir bon nombre de ces arrangements pour vérifier s'ils sont suffisants. Comme j'ai travaillé longtemps dans ce milieu, je crois qu'ils ne nous donnent pas la souplesse nécessaire.

L'autre exemple est celui de la connectivité importante avec l'U.S. Northern Command, ne serait-ce qu'à cause de la taille de l'organisation et du décalage. Pour la capacité du personnel, le rapport est de dix pour un. En revanche, les Américains nous envient notre souplesse. Il reste certain que si 1 600 personnes travaillent à un problème, ils peuvent trouver des solutions innovatrices et dynamiques.

La difficulté, c'est de mobiliser le bon niveau, au lieu de s'occuper de toutes les demandes et de toute la planification. Il faut qu'il y ait les bonnes correspondances, et nous y travaillerons. Ce sont les deux problèmes, mais je n'y vois rien de catastrophique.

Les réussites qui me font sourire dès mon réveil, c'est par exemple de pouvoir vous dire que cette année, nous avons sur carte toutes les routes de glace du pays. Et savez-vous pourquoi?

Le sénateur Meighen : Il y en a de moins en moins.

Vam Forcier : Oui, au plus fort de la saison. Nous n'avons pas demandé à tous les ministères ni à tous les spécialistes, je peux donc me tromper, mais je n'arrivais pas à obtenir un portrait global des routes de glace du pays, et nous en avons donc fait une. Nous avons cherché dans chaque province, dans chaque région, jusqu'à ce qu'on trouve la personne qui avait l'information et qui savait qui était responsable de ces routes et ponts de glace. Comme tout le monde, nous avons surveillé l'arrivée de la fonte printanière pour tenter de trouver où étaient les points vulnérables. Quelle était la possibilité qu'on nous demande de l'aide?

C'est devenu une évolution tactique quotidienne et mon personnel avait tracé des cartes pour 64 routes dans les 10 provinces et les trois territoires intéressés. Nous ne sommes pas là pour assumer la responsabilité de quelqu'un d'autre mais si le téléphone sonne et qu'une collectivité est isolée et sans solution commerciale facile, il est bon d'être renseigné à l'avance.

Dans le même ordre d'idée, nous avons récemment créé un plan de campagne pour toutes les régions, pour examiner le cycle météorologique typique : inondations, incendies, et cetera. Dieu merci, nous n'avons pas eu à envoyer les Forces canadiennes au Manitoba cette année. Malheureusement, deux semaines avant que les événements soient rapportés dans les médias chaque jour — inondations des berges, par exemple — quelqu'un était touché, et c'est regrettable.

On voyait ces images à la télévision et les gens étaient de plus en plus mal à l'aise. Le téléphone sonnait et des citoyens, des politiciens et des journalistes demandaient : « Allez-vous faire intervenir les Forces canadiennes? » Nous avons dit que non, que nous ne pensions pas que cela se produirait parce que nous avions fait une étude avec les provinces. Une modélisation avait permis de prévoir l'importance de l'inondation. Je pouvais me coucher le soir en me disant : « Il faudra peut-être que je réponde à des questions, mais je suis sûr à 90 p. 100 qu'aucun déploiement ne sera nécessaire cette année ».

Par ailleurs, les collectivités du Nord-Est de l'Ontario faisaient l'objet d'une dynamique tout à fait différente. Des collectivités de 150, 200 ou 500 personnes vivaient alors la débâcle et les inondations et les GSUO travaillent très bien. Chaque jour, on se disait que si l'évacuation n'était pas faite avant une certaine heure, il n'y aurait peut-être pas d'autre choix que de demander des hélicoptères des forces armées.

Ce sont de merveilleuses réussites parce que maintenant, mon personnel songe à ce genre de chose. Nous avons terminé le breffage sur l'inondation. Le prochain breffage que je donnerai au chef d'état-major de la défense sera plus agréable à donner et porte sur l'avenir : « La semaine prochaine, chef, nous commencerons notre breffage sur les incendies. » Je crois que cette attitude dynamique d'envisager l'avenir est une réussite.

Le sénateur Forrestal : Tant mieux pour vous, vice-amiral, répartiteur hors du commun.

Le sénateur Zimmer : Merci, vice-amiral, de comparaître ici, aujourd'hui. Avant de poser ma question, je vais profiter de l'occasion pour féliciter les forces armées pour leur travail au Manitoba pendant l'inondation de 1997. C'est une grande réussite.

Pendant cette catastrophe, la façon dont les gens se sont serré les coudes est remarquable, de même que le travail des forces armées qui ont littéralement sauvé la ville et les environs. Vous avez tout à fait raison, vous avez respecté la règle des 12 heures. Vous avez aussi raison de dire que le malaise cette année était proportionnel à la hausse du niveau de l'eau. Heureusement, vous n'avez eu à intervenir.

C'était comme dans un tableau de Rockwell, que de voir les Forces canadiennes travailler côte à côte avec les citoyens du Manitoba, jour et nuit. En fait, à la fin, une toile a été peinte. La plupart d'entre nous savons que les Forces canadiennes jouent un rôle de maintien de la paix ailleurs dans le monde, mais nous avons appris à apprécier ses autres rôles dans la lutte contre les inondations, les ouragans, le verglas et autres catastrophes. Nous voyons dans nos militaires des ambassadeurs mais au Manitoba, nous les voyons comme des saints. Au nom des citoyens du Manitoba, je vous demande de leur transmettre nos remerciements, du fond du cœur, et que vous leur disiez que nous n'oublierons jamais ces bons souvenirs.

Le sénateur Mercer : Merci beaucoup.

Le sénateur Zimmer : Les Forces canadiennes ont une place toute spéciale dans mon cœur parce que dans les années 70, j'ai travaillé avec le ministre de la Défense nationale, l'honorable James Richardson, de Winnipeg.

À l'été 2001, avant les événements de septembre, j'ai eu la chance de visiter NORAD et l'intérieur de Cheyenne Mountain. Après trois jours de visite, nous avons eu une rencontre avec le général américain et le général canadien. Nous avons compris que compte tenu de tous les missiles qu'il y a dans le monde, dans divers pays, il serait impossible, s'ils lançaient leurs missiles tous à la fois, de les mettre en vol. Nous avons compris qu'il fallait lutter contre la menace et je pense que c'est ce qu'ils font.

À la fin des questions, j'ai demandé au général américain : « Savez-vous où sont toutes les menaces? » Il a regardé le général canadien, et après un silence, a répondu : « Nous n'aurons pas de surprises ». Puis est venu le 11 septembre.

De quelle nature est votre lien actuel avec NORAD? Quelle part avez-vous dans les activités de NORAD, ou quelle est la part de NORAD dans les activités de Commandement Canada? Quelles adaptations ont été faites depuis cette époque, pour contrer ce genre de menaces?

Vam Forcier : Je dois commencer par vous répondre que je ne suis pas responsable des opérations du NORAD. Le commandant du NORAD fait affaire directement avec le chef d'état-major de la Défense lorsqu'il s'agit de lui donner des conseils militaires stratégiques sur le contrôle et la défense de l'espace aérien.

J'ai une relation assez ouverte avec le NORAD dans la mesure où je suis au courant de toutes ses activités étant donné que je suis un partenaire dans la défense du continent. Cependant, je ne suis pas du tout responsable de ces activités au jour le jour; et je n'ai pas mon mot à dire non plus. Comme je l'ai dit, mes rapports avec le NORAD se situent sur deux plans : tout d'abord, nous avons cette relation avec la capacité hybride qui se trouve au Colorado, le Northern Command partageant le même espace que le NORAD; et ensuite, par l'entremise du général Bouchard, le commandant de la région canadienne du NORAD, qui a également des rapports avec moi et soutient mes opérations au pays. Nous sommes branchés électroniquement avec ces deux sites. Pour voir ce qui se passe au NORAD, je n'ai qu'à aller à mon centre de commandement. Je suis mis au courant de ses missions tous les jours; je prends connaissance tous les jours du positionnement des défenses; et je sais ainsi à quoi m'en tenir. C'est le commandant du NORAD qui a cette responsabilité. Voilà dans quelle mesure nous collaborons.

Le sénateur Moore : Vice-amiral Fortier, vous avez dit que vous pourriez exiger des renforts des trois armes en cas d'urgence. Est-ce que cela s'applique aux forces qui sont actuellement déployées outre-mer?

Vam Forcier : Non. Pour ce qui est des forces déployées outre-mer, il faut comprendre qu'elles relèvent du Commandement de la Force expéditionnaire. Si ces forces se préparent à être déployées mais qu'elles sont toujours au pays, je peux alors les mobiliser, tout dépend de la situation. Grace aux rapports que nous recevons des diverses armes, nous savons ce que tout le monde fait. Je saurais donc par exemple qu'un bataillon donné est formé à un certain niveau à ce moment-ci et qu'il se prépare à rejoindre le lieutenant général Gauthier outre-mer à un certain moment. S'il se présente une urgence où cette unité pourrait être déployée, étant donné que le lieutenant général Gauthier et moi-même partageons les mêmes locaux au quartier général et que notre personnel chargé de la planification opérationnelle se parle tous les jours, nous allons savoir tout de suite quelles seraient les conséquences si l'on retirait ce bataillon de sa formation. En cas de crise nationale, dans la plupart des cas, l'effet serait minime s'il ne s'agit que d'une journée ou de deux ou trois. S'il faut l'employer pendant plus longtemps, nous avons un arbitre qui s'appelle le chef d'état-major de la Défense. Cependant, le protocole sur lequel nous nous sommes entendus nous oblige à nous consulter.

Je peux vous donner un exemple. Dans le cas de l'ouragan Katrina, nous nous sommes servis des forces de Maritimes, qui relèvent du contre-amiral McNeil, et les avons dépêchées au Mississippi et en Louisiane. Sous Commandement Canada, l'approche aurait été un peu différente. Le contre-amiral McNeil aurait dit : « j'ai besoin de ces diverses capacités. Si je retire le bataillon qui est en formation à Gagetown aujourd'hui, et qui pourrait se retrouver en Afghanistan dans deux semaines, ou un élément quelconque de sa capacité, ce serait très difficile. » Sous notre nouveau régime, je répondrais tout de suite ceci : « Je sais où se trouve une capacité équivalente. » C'est peut-être au Québec ou en Ontario. « Vous, le commandant régional de l'Ontario, vous allez mettre tout de suite cette capacité à ma disposition; dirigez-vous tout de suite vers l'Est »; ou « Vous, de la force aérienne, allez me chercher cette capacité et amenez-la moi à Halifax parce que j'en ai besoin ».

Le sénateur Moore : Dans cet exemple-là, si l'ouragan Katrina nous tombait dessus aujourd'hui, étant donné que cette nouvelle structure de commandement n'existe que depuis trois mois, est-ce que le commandant de la force expéditionnaire serait responsable de tout cela?

Vam Forcier : Non.

Le sénateur Moore : Vous êtes responsable du continent, n'est-ce pas?

Vam Forcier : Je suis responsable du continent, oui, dans le cadre de cette structure. À l'extérieur du continent américain, c'est le CEFCOM. Encore-là, il y aurait un dialogue étant donné les capacités dont nous disposons, mais de toute évidence, la seule différence, c'est que je ne franchirai pas de frontières internationales sans l'ordre et le consentement du gouvernement du Canada. Ce qui ne m'empêche pas de planifier et d'envisager diverses options.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous commander des forces de la Garde côtière canadienne si vous en avez besoin? Quel est le lien entre Commandement Canada et la Garde côtière?

Vam Forcier : Pour ce qui est de la structure, nous commandons les forces militaires en vertu de la Loi sur la défense nationale. « Commandement » a une signification juridique spécifique dans ce cas. La Garde côtière travaille déjà avec nous. Elle travaille dans les opérations de recherche et sauvetage. C'est une responsabilité que nous partageons. Le ministère de la Défense nationale exerce son commandement dans trois régions qui sont maintenant passées, de facto, sous Commandement Canada, leur confie des missions, mais ce n'est pas tout à fait une relation de commandement militaire. Nous donnons des directives qu'ils exécutent.

Pour Katrina, la Garde côtière a proposé un navire pour soutenir la force opérationnelle navale. C'est comme pour tout. L'un appuie l'autre. J'hésite à utiliser le terme « commandement ».

Le sénateur Moore : Le sénateur Meighen a posé une question ce matin à propos de la surveillance de l'Arctique et de la protection de la souveraineté canadienne, notre Garde côtière étant probablement la plus expérimentée au Canada à cet égard du fait des brise-glace et de tout ce qui existe dans la région depuis des années. Faudrait-il lui confier cette tâche de façon spécifique et l'armer plutôt que de donner à la Marine de nouveaux navires pour faire la même chose?

Vam Forcier : Décider si ça doit être l'armée ou la Garde côtière, relève des pouvoirs politiques et ne me regarde pas.

Le sénateur Moore : Quand on a une unité qui sait ce qu'elle fait, pourquoi ne pas lui demander de continuer plutôt que de monter une organisation entièrement nouvelle qu'il faudra former? Il est évident que la Garde côtière n'est pas entraînée aux armements alors que vous l'êtes.

Vam Forcier : Je crois savoir que le ministère examine toujours si c'est préférable. Je ne sais pas trop ce qu'il en est.

Là encore, je considère la capacité des usagers et la coordination ou le soutien. J'ai indiqué quelle était l'évolution de cette relation que j'ai avec mes partenaires dans les autres ministères. Si l'Équipe Canada, comme nous l'appelons, offre un morceau du casse-tête qui se trouve être la Garde côtière pour aider dans le Nord, je n'y vois aucun inconvénient. Mais c'est au gouvernement canadien de décider qui dirige et non pas à moi.

Le sénateur Forrestall : Lorsque les Fusiliers d'Halifax sont disponibles, vous vous en saisissez. Ce sont les meilleurs au Canada.

Le sénateur Meighen : Vous remarquez que je me suis tenu coi et n'ai posé aucune question. Vous avez parlé de l'Équipe Canada qui vient avec ce qu'elle a à sa disposition et, comme l'a dit le sénateur Forrestall, vous êtes le « répartiteur en chef ». Qu'en est-il des Canadian Rangers dans le nord? Est-ce que vous les intégrez à cette équipe?

Vam Forcier : Absolument. Ils font également partie de notre organisation. Je dirais tout simplement que si quelqu'un porte un uniforme dans l'armée canadienne et fait un travail ou exécute des opérations dans le pays, nous en sommes responsables.

Le sénateur Meighen : Est-ce que l'uniforme des Rangers est considéré comme un uniforme de l'armée canadienne?

Vam Forcier : Oui. Merci d'avoir soulevé la question. Il est évident que je dois admettre que comme marin, je ne connais pas tellement leur capacité.

Le sénateur Meighen : Je crois que c'est ce que disait également le sénateur Moore.

Vam Forcier : Je me suis penché sur la capacité des Canadian Rangers. L'ensemble du ministère est en train de réviser sa formation et de simplifier son commandement et son contrôle.

J'étais à Yellowknife il y a six semaines. J'ai eu la possibilité de m'adresser à un groupe de 55 Rangers qui ont entrepris à mon avis la patrouille la plus difficile que nous ayons jamais entreprise dans le nord — 3 500 kilomètres en Ski-Doo, presque jusqu'au 79e parallèle nord. C'était incroyable. J'étais réellement fier de tout ce qu'ils ont fait de la façon dont c'était planifié et de l'entraînement qu'ils avaient reçu pour cette mission. À l'exception de quelques jeunes, des sergents enthousiastes qui ont aidé en matière de logistique et un certain nombre d'autres choses, nous avons pu compter sur des experts de l'interne. J'ai eu une discussion avec certains collègues à ce sujet.

On peut s'entraîner en prévision de la capacité d'hiver et de la capacité dans l'Arctique, mais croyez-moi, les deux sont différentes. Les compétences et le savoir-faire des Rangers canadiens sont tout à fait remarquables. Dans les trois territoires, 1 500 d'entre eux relèvent du commandement de la Force opérationnelle interarmées du Nord, et le commandant ne pourrait pas mener à bien sa mission sans eux. Nous avons d'ailleurs l'intention de nous concentrer beaucoup plus là-dessus.

J'ai été très impressionné. Je savais que les Rangers faisaient partie des forces terrestres et qu'ils ont des compétences reconnus, mais réussir à coordonner tout cela, être les seuls à pouvoir se rendre dans certains endroits et le faire avec le sourire et dans le respect de la sécurité exige des qualités exceptionnelles.

[Français]

Le sénateur Meighen : Merci, Amiral, et bonne chance. J'espère que vous ne nous quittez pas complètement et que vous allez rester en contact avec les Forces canadiennes?

Vam Forcier : Sûrement. Nous allons toutefois faire comme tout militaire qui prend sa retraite et décompresser un peu, après quoi on verra.

[Traduction]

Le sénateur Atkins : Est-ce que l'élargissement de l'entente avec NORAD paraît avantageuse aux yeux d'Équipe Canada?

Vam Forcier : C'est une remarque très juste, et je crois d'ailleurs qu'il y a un vote là-dessus ce soir. Il ne fait aucun doute que si l'entente est enfin ratifiée, puisqu'elle s'accompagne de l'élargissement de la connaissance au domaine maritime, nos liens seront resserrés.

J'ai justement discuté de cela la semaine dernière avec les gens de NORAD, dans le but de ramener le triumvirat à la table pour qu'on puisse intensifier au maximum la connectivité du flux de l'information en matière de surveillance maritime. Toutefois, malgré l'augmentation de l'échange des renseignements, la décision de faire intervenir les Forces maritimes canadiennes relèverait de moi, tout comme cela se passe chez nos collègues américains.

Vous avez tout à fait raison. Nous allons poursuivre en ce sens en nous fondant sur des décennies de bonne volonté et d'ententes bilatérales ponctuelles. Ici je me reporte à mes remarques liminaires, où j'affirmais mon engagement envers les Forces maritimes du Pacifique; mon état-major et moi-même avons en effet d'excellents rapports avec mon vis-à-vis de la Troisième flotte américaine, avec les districts de la Garde côtière américaine de Seattle et de l'Alaska ainsi qu'avec les forces stationnées à Hawaii. Nous comptons donc un passé commun fait de nombreux échanges et de multiples ententes.

Dans cette structure, les échanges de renseignements entre les forces continentales et celles des régions d'approche seront plus concentrés et soutenus. À mon avis, en tant qu'utilisateur de ces opérations, c'est un avantage.

Le président : Je vous remercie, vice-amiral Forcier. Nous vous sommes également reconnaissants de votre présence parmi nous aujourd'hui pour nous parler de vos nouvelles responsabilités en tant que commandant. Enfin, nous n'ignorons pas que ce que vous nous avez communiqué ne représente que la moitié de l'exposé que vous devez faire devant le comité. Je vous remercie donc au nom de nos membres et vous assure que nous nous réjouissons de savoir que vous allez revenir.

Le sénateur J. Michael Forrestall (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant notre prochain témoin, le lieutenant général Michel Gauthier, qui a été promu à son rang actuel en avril 2006, ce dont nous le félicitons chaleureusement. Nous en profitons aussi pour vous faire tous nos vœux de très grand succès.

Le lieutenant général Gauthier est commandant du Corps expéditionnaire canadien depuis le 12 septembre 2005, tout en étant aussi commandant opérationnel chargé des opérations militaires se déroulant à l'extérieur du Canada, y compris en Afghanistan. Le lieutenant général Gauthier a déjà témoigné devant nous il y a un peu plus d'un an lorsqu'il était chef du Renseignement de la Défense.

Soyez le bienvenu parmi nous, Lieutenant-général Gauthier, nous écouterons avec plaisir vos propos.

[Français]

Lieutenant général J.C.M. Gauthier, commandant, Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, Défense nationale : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir cette occasion de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du développement du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada ou COMFEC. Je comprends que votre intérêt cet après-midi porte sur les progrès accomplis par les nouveaux commandements opérationnels et qu'à un certain moment dans l'avenir, vous allez examiner plus particulièrement la mission du COMFEC en Afghanistan.

J'ai préparé des remarques d'introduction basées sur cette idée.

[Traduction]

J'ai été nommé à ce poste en septembre 2005 et j'ai assumé le commandement du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada lorsqu'elle a été officiellement créée le 1er février 2006. De septembre à février, mon orientation a porté presque exclusivement sur la création de l'équipe et de l'infrastructure du quartier général et des processus qui nous permettraient d'être opérationnellement efficaces au commandement des missions internationales actuelles des Forces canadiennes le 1er février 2006. Depuis cette date, j'ai été responsable vis-à-vis du chef d'état-major de la Défense pour la conduite de ces missions.

Au cours des prochaines minutes, je voudrais aborder un peu plus en détail ce que nous sommes, ce que nous faisons et plus particulièrement vers quoi nous nous dirigeons.

Comme certains d'entre vous le savent, jusqu'en février de cette année, toutes les opérations des Forces canadiennes, tant nationales qu'internationales, étaient planifiées et coordonnées sous la direction du sous-chef d'état-major de la Défense, SCEMD, au Quartier général de la Défense nationale. Par ailleurs, le sous-chef était responsable de superviser le renseignement de la défense, le développement des forces interarmées, la mise sur pied de la force interarmées, le protocole et la liaison étrangère ministérielle et tout le personnel affecté à des postes non opérationnels à l'extérieur du Canada. À titre d'autorité de niveau un à l'intérieur du Quartier général de la Défense nationale, il était aussi membre de l'équipe de gestion ministériel et des FC, avec tout ce que ceci impliquait en termes de participation à des commissions et des comités au niveau stratégique.

Sous ce nouveau système de commandement et de contrôle orienté sur les commandements et les opérations, mon orientation exclusive porte sur la conduite des opérations des Forces canadiennes outre-mer. Il y a deux aspects de base à mon rôle à titre de commandant du COMFEC et je vais le décrire pour tous ceux qui voudront bien m'écouter. Je dois rendre des comptes au CEMD pour l'exercice du commandement réel des opérations des Forces canadiennes et pour l'établissement des conditions pour l'exécution de nos missions des FC en déployant et redéployant des éléments des Forces canadiennes. Puis d'une autre façon, mon travail 24 heures par jour et sept jours par semaine est de m'assurer que nos forces déployées outre-mer ont ce dont elles ont besoin des plans et des ordres clairs, les capacités appropriées en termes de personnel et d'équipement, dans les proportions correctes, avec la formation appropriée et l'infrastructure de soutien nécessaire pour accomplir ce que le gouvernement a déterminé qu'elles devaient faire. Et j'ai un quartier général en soutien qui a exactement le même rôle et la même orientation.

Monsieur le président, j'ai inclus dans votre documentation un certain nombre de graphiques qui aideront à décrire les concepts qui sont sous-jacents à la création du COMFEC et de son quartier général. Au cœur de ce concept, il y a une vision fondée sur la pertinence stratégique, la réactivité opérationnelle et la décision tactique. La vision résumée dans le premier graphique s'applique non seulement au COMFEC mais aux Forces canadiennes dans leur ensemble dans l'approche des opérations internationales.

[Français]

Le COMFEC en soi consiste en un commandement et un quartier général d'environ 200 hommes et femmes situé dans l'est d'Ottawa et d'un petit quartier général déployable à Kingston. Les capacités opérationnelles réelles du COMFEC me sont assignées par l'armée, la marine et l'aviation et les autres éléments des Forces canadiennes, selon les missions. Aujourd'hui, j'ai environ 2 700 membres des Forces canadiennes sous mon commandement, employés sur 19 missions dans le monde. Sur plusieurs de ces missions, il y a des petits groupes d'officiers d'état-major, de conseillers ou d'observateurs militaires. Dans le cas de l'Afghanistan, la force est basée sur une force opérationnelle importante, ajustée à la mission.

L'énoncé de mission du COMFEC est de conduire des opérations mondiales pleinement intégrées à travers toute la gamme des activités militaires, depuis l'aide humanitaire jusqu'aux combats, de concert avec nos partenaires nationaux et internationaux, pour atteindre des effets rapidement et décisifs en soutien aux intérêts nationaux du Canada.

Le concept à l'appui des opérations expéditionnaires est résumé dans le troisième graphique. Le but ultime du COMFEC est d'obtenir des effets décisifs au nom du gouvernement du Canada, conformément aux objectifs pour chacune de ces missions opérationnelles. Mon quartier général est pleinement intégré et composé de membres de la marine, de l'aviation et de l'armée de l'air, tant réguliers que réservistes ainsi que d'un certain nombre d'employés civils.

Les capacités déployables consisteront en un élément entièrement intégré à haut niveau de préparation capable de se déployer à court préavis et des forces opérationnelles spécifiques à chaque mission formées, équipées et préparées pour des missions définies, tirées des unités et des formations maritimes, aériennes, terrestres et d'opérations spéciales. La clé du concept des forces intégrées est l'harmonisation de l'effort avec nos partenaires nationaux pour créer une approche globale du gouvernement — ou 3D — ainsi que le besoin d'être capable et prêt à opérer avec nos alliés militaires, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales.

[Traduction]

Le quatrième graphique présente notre statut final théorique et ceci résume ma vision de ce que les forces expéditionnaires du Canada doivent être capables d'accomplir à mesure que le COMFEC et les Forces canadiennes se transforment.

Un principe fondamental du développement futur du COMFEC est la prestation d'effets orientés, rapides et décisifs. Pendant trop longtemps, nous avons simplement décidé de fournir des forces qui étaient employées par d'autres, sans définir clairement les objectifs nationaux ou militaires et les effets associés à atteindre. Le COMFEC précisera l'orientation sur les effets désirés, définira les capacités requises pour obtenir ces effets pour une mission particulière et développera des plans de campagne qui seront gérées avec le temps pour synchroniser les capacités déployées et les effets désirés. Les effets et l'efficacité seront mesurés et rapportés régulièrement pour permettre à la mission d'être renforcée, profilée ou ajustée au besoin.

[Français]

Tel qu'indiqué précédemment, le COMFEC encouragera et renforcera les partenariats à l'intérieur du modèle d'ensemble du gouvernement. Nous travaillerons étroitement avec d'autres ministères du gouvernement — les affaires étrangères, l'ACDI, la GRC et d'autres — pour avoir le plus grand effet possible dans les pays où les Forces canadiennes se déploieront.

[Traduction]

Les opérations au XXIe siècle présentent des défis complexes, tels ceux auxquels font face nos forces en Afghanistan aujourd'hui, contre des menaces qui ont évolué de façon spectaculaire depuis la dernière décennie. Le COMFEC doit être prêt à mener ce que nous appelons des opérations selon tout le spectre dans des environnements complexes, ce que nous avons aussi appelé « la guerre en trois blocs », qui est, combattre, stabiliser ou soutenir la paix, et accomplir des tâches humanitaires, le tout virtuellement simultanément, contre des opposants qui savent s'adapter.

Pour faciliter ces résultats, le COMFEC aura besoin d'aider les FC à établir un système de préparation géré pleinement intégré. Ce système qui impliquera les services ainsi que les commandements opérationnels doit être capable de produire des capacités stratégiques, opérationnelles et tactiques modernes et appropriées à l'intérieur d'un cadre qui permet une transition facile et rapide de la mise sur pied d'une force au Canada à un emploi efficace de cette force outre-mer. La réactivité à temps et la capacité désirée en sont les clés.

En décrivant plus particulièrement mon quartier général, le cinquième graphique résume les principes qui ont servi de base pour structurer mon état-major et bâtir les processus qui faciliteront le commandement et le contrôle efficace des opérations.

[Français]

Efficacité est le premier principe majeur. Le quartier général est structuré pour explorer la situation mondiale de la sécurité de façon proactive pour maintenir une connaissance situationnelle pertinente sur nos missions et pour multiplier toute la gamme des capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance des Forces canadiennes. Le personnel du quartier général a été structuré pour faciliter une approche intégrée et unifiée des opérations avec une orientation vers le bas pour organiser nos forces déployées pour leur succès, et vers l'extérieur, sur la gamme de partenaires nationaux et internationaux avec lesquels nous pouvons nous attendre à travailler.

[Traduction]

Un état-major de planification plus robuste a été inséré dans la structure pour nous orienter plus précisément sur la définition des résultats et des effets en relation aux objectifs nationaux et pour bâtir des ensembles de force qui parviendront au mieux à ceux-ci. De même, le quartier général a été structuré pour faciliter une réaction rapide aux exigences opérationnelles, pour améliorer le processus de préparation de la force avec les services et pour accélérer la transition vers l'efficacité opérationnelle dans un théâtre d'opérations.

Le dernier graphique présente une image fictive de notre feuille de route de transformation. Je dis fictive parce que certains des éléments spécifiques doivent encore être pleinement développés. De façon générale, le COMFEC progressera vers son résultat final éventuel au cours des prochaines années. À mesure que de nouvelles capacités sont produites par les Forces canadiennes, conformément à la politique du gouvernement, notre capacité expéditionnaire générale croîtra. Mon orientation à court terme pour ce qui est du défi de la transformation est de bâtir une fondation et un cadre pour le développement futur.

Cela dit, il est important d'insister sur le fait que nous ne sommes à l'œuvre que depuis trois mois. Par-dessus tout, mon orientation est celle de la plus grande partie de mon quartier général au cours des trois derniers mois a porté sur la réussite des opérations actuellement en cours. Dans nos missions, de plus ou moins grande importance dans le monde, je dois dire que nos hommes et nos femmes font une différence.

[Français]

À Haïti, par exemple, le colonel Michel Duhamel, le chef d'état-major de l'élément militaire des 7 400 personnes de la force de l'ONU, la MINUSTAH, ainsi que les autres officiers d'état-major canadiens dans le QG jouent un rôle qui a été central au succès de cette mission.

Ensuite, il y a le colonel Barry McLeod, le chef de la force opérationnelle pour l'assistance aux élections, responsable de la coordination de tous les efforts de l'ONU en soutien au processus électoral haïtien. Le colonel McLeod s'est déployé à la demande spécifique de l'ambassadeur Valdez, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour Haïti, et il a joué un rôle très direct pour assurer que les élections à Haïti en février dernier, et encore en avril, étaient conduites de façon juste et libre.

[Traduction]

En Bosnie, après des années de déploiements canadiens importants de 1992 à 2004, nous avons toujours une présence en soutien à la force européenne et au quartier général de l'OTAN à Sarajevo. Les soldats qui soutiennent l'EUFOR interviennent avec les autorités locales et font liaison avec les autres agences, prenant le pouls des Bosniaques pour stimuler une attitude réactive et positive au changement. Notre contribution au quartier général de l'OTAN à Sarajevo a soutenu à la fois les éléments de l'EUFOR et les efforts de l'OTAN qui ont conduit à la mise en œuvre de la réforme de la défense partiellement fondée sur le système et l'organisation régimentaire canadienne. La réforme de la défense a vu l'inauguration d'un ministère de la Défense unifié pour les forces armées de la Bosnie- Herzégovine le 1er janvier 2006 lequel, avec l'assistance continue de l'OTAN, pourrait voir la Bosnie être acceptée dans le partenariat pour la paix plus tard cette décennie et possiblement au sein de l'OTAN plus tard.

Ce ne sont que deux exemples des petites missions qui font une différence. Nous fournissons aussi un soutien également important avec un nombre relativement réduit de membres des Forces canadiennes dans des postes clés au Soudan, en Sierra Leone, en République démocratique du Congo, à Chypre et dans tout le Moyen-Orient. Dans chaque cas, nous avons un impact considérable et nous obtenons des résultats stratégiques selon une perspective canadienne.

[Français]

Notre contribution en Afghanistan a été substantiellement plus importante en portée et en envergure. Tout autant que le COMFEC ne peut se permettre d'échouer sur les opérations lorsqu'il a été créé en février, le Canada ne peut se permettre d'échouer en Afghanistan. Cette mission est vitale pour assurer l'avenir de l'Afghanistan, pour démontrer notre solidarité avec nos alliés et, plus important encore, pour défendre le Canada. Notre pays ne peut risquer que l'Afghanistan devienne encore un État non viable et un havre pour les terroristes.

[Traduction]

À titre de commandant du COMFEC et de membre des Forces canadiennes, je suis extrêmement fier de ce que nous avons accompli depuis que nous avons commencé à mener des opérations terrestres en Afghanistan en 2002. En novembre dernier, après avoir assuré avec succès la sécurité des élections des conseils provinciaux, les Forces canadiennes ont fermé le camp Julien, leur base à Kaboul, et les opérations ont été regroupées à Kandahar.

Comme nous le savons tous, Kandahar est un endroit dangereux, et notre mission là-bas n'a pas été sans un coût humain. Seize Canadiens, y compris un agent des Affaires étrangères, ont donné leur vie pour cette mission et d'autres ont été blessés.

J'ai visité notre mission à Kandahar pendant plusieurs jours, il y a 10 jours, et je dois dire que nos hommes et nos femmes font la fierté des Canadiens. La mission est aussi complexe que toutes celles que les Forces canadiennes ont entreprises en plusieurs décennies. Le brigadier général Fraser joue un rôle de leadership international extrêmement important et ses efforts seront essentiels pour soutenir une transition réussie à la mission qui prendra la relève sous commandement de l'OTAN dans la région du sud de l'Afghanistan, cet été.

Nos soldats comprennent la mission et acceptent facilement les risques qui y sont associés. Ils sentent réellement qu'ils ont l'occasion de faire une différence.

J'espère pouvoir vous donner plus de détails sur cette mission importante la prochaine fois que je vous rencontrerez.

Ma visite en Afghanistan m'a vraiment fait prendre conscience de l'importance de nos efforts de transformation. Le COMFEC a été créé pour améliorer le soutien que nous donnons aux hommes et aux femmes sur la ligne de front des opérations internationales. À mesure que la transformation du COMFEC progresse, nos capacités à planifier et à gérer les opérations comme celle que nous menons en Afghanistan se consolideront. Le COMFEC est encore une organisation très jeune et nous avons encore du chemin à parcourir. Nous continuerons à augmenter nos capacités à mesure des changements et de la croissance des capacités qui est apportée à la structure de commandement des Forces canadiennes par l'initiative de transformation du général Hillier. À mesure que la transformation se poursuit, le COMFEC continuera de travailler pour fournir un soutien d'un commandement sans pareil à nos missions à l'étranger parce que ce sera toujours la tâche indéfectible des Forces canadiennes.

Le vice-président : Merci beaucoup, mon général. Je ne sais quand vous avez été promu ou quand vous avez accepté ce commandement, monsieur, mais je vous souhaite bonne chance.

Lgén Gauthier : Merci.

Le sénateur Atkins : Quels sont vos rapports avec le général Fraser? Le lien hiérarchique est-il direct ou y a-t-il d'autres officiers entre vous deux?

Lgén Gauthier : Le lien est tout à fait direct. Pour chacun des 19 commandements déployés de par le monde, il y a un commandant de la force opérationnelle désigné et ce commandant me rend des comptes directement. En l'occurrence, il y a un lien hiérarchique défini entre le général Fraser et moi-même. Je suis son patron. C'est moi qui écris ses évaluations de rendement au Canada, comme cela se fait habituellement pour quelqu'un qui travaille pour vous.

Le sénateur Atkins : Il vous doit donc des égards.

Lgén Gauthier : La plupart du temps; pas toujours. Il travaille pour une coalition. Si vous le souhaitez, je peux vous en parler davantage. C'est la nature de la plupart de nos missions outremer : le commandant de la force opérationnelle canadienne, dans bien des cas, a un patron international et un patron national. En l'occurrence, le général Fraser porte deux chapeaux. Il est le commandant de la force opérationnelle en Afghanistan, et il doit me rendre des comptes. Par ailleurs, il est le commandant de la Brigade multinationale du Sud, qui en ce moment, œuvre au sein de l'opération Enduring Freedom. En outre, il a un commandant international, le commandant de la force opérationnelle interarmées combinée 76, le major-général Ben Freakley.

Le sénateur Meighen : Qu'arrive-t-il s'il y a un différend?

Lgén Gauthier : Pour les opérations quotidiennes, il reçoit ses instructions du commandant international. Nous avons mis cette force sous le contrôle opérationnel de la coalition. Les tâches qui lui sont confiées quotidiennement soutiennent nécessairement cette mission multinationale plus vaste, et c'est son patron multinational qui lui donne des ordres journellement. Quant à moi, j'assume le commandement national journellement.

Le sénateur Atkins : Mais il a été envoyé outremer avant la restructuration, n'est-ce pas?

Lgén Gauthier : Je suppose que oui, mais il n'a pas assumé le commandement de la force opérationnelle avant le 1er mars. J'étais là pour assurer la relève du colonel Noonan, l'ex-commandant de la force opérationnelle en Afghanistan et passer le flambeau au général Fraser. Il se peut qu'il ait procédé à des déploiements, ou que certains groupes de la force opérationnelle aient été déployés, avant la création du COMFEC, mais il a pris son commandement après que j'ai eu pris le mien.

Le sénateur Atkins : Donnons-nous à nos troupes en Afghanistan le meilleur équipement possible à votre satisfaction? Y a-t-il des pénuries? Y a-t-il des cas où il faudrait un meilleur équipement?

Lgén Gauthier : Je peux dire sans équivoque que les Forces canadiennes, l'armée en l'occurrence puisqu'il s'agit essentiellement d'un déploiement de l'armée de terre, n'ont pas lésiné pour appuyer cette mission et donner à nos troupes des capacités spécialisées qui sont les mieux adaptées aux circonstances du Sud de l'Afghanistan. Nous avons fait davantage pour ce déploiement que pour tout autre déploiement à ma connaissance, en donnant à nos troupes le matériel dont ils ont besoin. Si j'en crois ce que les soldats m'ont rapporté, et j'ai parlé à des centaines d'entre eux, ils sont très satisfaits de l'équipement. L'équipement est-il parfait? Absolument pas. Y a-t-il du matériel en particulier que certains préféreraient? Tout à fait. Nous ne pouvons pas acheter tout ce qui satisferait tout le monde mais je peux vous dire que munir cette force opérationnelle afin qu'elle réussisse dans sa mission a été notre souci principal depuis six mois. Les troupes sont très satisfaites de leur équipement.

Le sénateur Atkins : Dans votre déclaration, vous avez dit que les opérations au XXIe siècle comportaient les défis complexes, comme ceux que doivent surmonter nos forces en Afghanistan aujourd'hui et que les menaces depuis dix ans, ont évolué de façon très marquée. Vous avez dit que nous devons être prêts à mener toute une gamme d'opérations dans des circonstances complexes, et qu'il s'agit d'une guerre en trois blocs, puisque nous devons fournir une aide humanitaire ou prêter secours aux autres combattants, en même temps que des opérations de stabilisation ou de soutien de la paix et des combats soutenus.

Est-ce qu'une guerre en trois blocs est réalisable en l'occurrence? Pouvez-vous développer davantage ce paragraphe de votre exposé?

Lgén Gauthier : Parlez-vous en particulier de l'Afghanistan?

Le sénateur Atkins : Oui.

Lgén Gauthier : La mission en Afghanistan présente plusieurs facettes, à bien des égards. Les circonstances sont complexes de plusieurs façons, car il y a le relief et la géographie, la population, la dynamique du tribalisme, la criminalité jusqu'à un certain point, les insurgés et la pauvreté. L'Afghanistan comporte bien des défis.

Le sénateur Atkins : Voilà pourquoi je vous pose cette question sur la guerre en trois blocs.

Lgén Gauthier : Cela étant, il faut donner à cette mission une grande envergure. Notre plan de campagne pour l'Afghanistan reflète l'accord de reconstruction de l'Afghanistan qui a reçu l'aval de la conférence de Londres en janvier, c'est-à-dire la stratégie de développement national en Afghanistan. Ce plan repose en effet sur trois piliers : La sécurité, la gouvernance et l'économie. On pourrait discuter afin de déterminer lequel des trois à préséance le cas échéant.

Sans un climat sûr, il est difficile d'atteindre les deux autres objectifs mais pour que les gens se sentent en sécurité, il faut qu'ils aient confiance dans ceux qui l'assurent. Il leur faut être convaincus et ils doivent pouvoir avoir confiance dans leur gouvernement et dans les forces qui les aident sur place. L'effort 3D suivi du signe plus, est un effort essentiellement militaire d'un point de vue canadien mais il ne peut pas être séparé du rôle qu'Affaires étrangères Canada et l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international doivent jouer dans le développement de la gouvernance. Il en va de même pour le rôle que la GRC a à jouer pour l'édification d'une police nationale afghane. À tous ces égards, étant donné que la tâche est de taille et qu'il faut maintenir un équilibre entre la sécurité, la gouvernance et le développement économique, il peut arriver que nos soldats doivent à un moment donné se défendre contre une attaque mais à un autre moment, par contre, il se peut qu'ils aient à faciliter le travail des organisations non gouvernementales, les ONG, celui des représentants d'Affaires étrangères Canada ou de l'ACDI ou il se peut qu'ils doivent prêter main forte aux autorités locales. Il y a toute une gamme d'activités.

J'ai rencontré le général Charles Krulak, le 31e commandant des Marines américains, qui est l'auteur de l'expression « guerre en trois blocs ». Je ne sais pas s'il avait l'Afghanistan en tête quand il a utilisé ce terme mais c'est bien la réalité que nous vivons aujourd'hui. Nous menons donc toute la gamme des opérations et c'est incontournable.

Le sénateur Atkins : Est-ce que le troisième pilier donne des résultats?

Lgén Gauthier : Le pilier du développement économique et social progresse. Il faudra bien du temps car après ce que l'Afghanistan a vécu, il y a beaucoup de décisions à prendre en la matière.

Le sénateur Atkins : Vous êtes allé sur place au moins à trois reprises. La dernière fois, avez-vous eu l'impression que l'attitude du public avait changé en ce qui concerne la présence des Forces canadiennes?

Lgén Gauthier : Depuis 2002, je suis allé en Afghanistan au moins 10 fois. J'ai vu davantage lors de ma dernière visite que pendant toutes mes visites précédentes. La réponse à votre question n'est pas facile. En 2002, nos forces étaient déployées dans une mission de combat, menée essentiellement par le régiment d'infanterie légère, le PPCLI. Une de leurs tâches était d'assurer la sécurité du champ d'aviation de Kandahar et de participer à des missions de combat avec les forces américaines. Physiquement, ces forces n'étaient pas concentrées dans la province de Kandahar. Mes fonctions m'ont amené là-bas quatre ou cinq fois. Il n'était pas facile de prendre le pouls localement car ce n'était pas la zone d'opération de nos forces. Entre 2003 et jusqu'un peu après 2005, nous nous sommes concentrés sur Kaboul. Les conditions locales se sont très nettement améliorées pour l'Afghan moyen qui vit à Kaboul, même s'il y a encore bien des défis à relever.

Il est encore trop tôt pour se prononcer quant à la partie sud. En fait, nous ne sommes là que depuis deux mois et nous ne sommes pas vraiment en mesure de juger les effets de notre intervention pour l'instant. On prépare des rapports hebdomadaires. Je peux vous relater ce que disent les rapports mais il est trop tôt pour annoncer des résultats.

Le sénateur Atkins : Pensez-vous que les médias donnent une couverture équitable à notre intervention?

Lgén Gauthier : Je dirais oui, tout à fait. Les journalistes qui sont intégrés aux forces canadiennes outremer ont fourni des comptes rendus essentiellement justes car ils peuvent voir les soldats, vivre avec eux et leur parler — et du moins cet aspect-là a été couvert avec fidélité. Je ne vais pas me prononcer quant à la couverture médiatique des journalistes basés au Canada. La mission elle-même m'intéresse plus vivement. Les comptes rendus ont été positifs.

Le sénateur Day : Lieutenant général Gauthier, félicitations pour votre promotion.

Lgén Gauthier : Merci beaucoup.

Le sénateur Day : Je voudrais des explications pour mieux comprendre les termes que vous utilisez ici. Dans vos diapositives, je constate que vous dites : « La force expéditionnaire du Canada est totalement intégrée et unifiée du point de vue de son approche des opérations internationales ». Nous venons de nous entretenir assez longuement avec le vice-amiral Forcier concernant les opérations mixtes. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par « intégré » et « unifié »?

Lgén Gauthier : « Mixte » peut être entendu par certains services comme une opération en coopération, côte-à-côte. Pour cette raison essentiellement, le CEMD a choisi le terme « intégré » parce qu'il va au-delà d'une opération mixte, si bien que en disant « totalement intégré » il faut que vous compreniez ce que vous et moi entendons par le terme « intégré. Je suis peut-être allé un peu plus loin que l'intention de départ du CEMD qui souhaitait qu'on aille au-delà de la juxtaposition des services afin qu'ils soient imbriqués les uns dans les autres mais à partir de là il faut faire intervenir la notion des 3-D. C'est à cet égard que je conçois la nécessité d'un effort véritablement intégré.

S'agissant d'appliquer la notion « d'intégration » à la mission en Afghanistan, il faut faire en sorte que nos pelotons, nos compagnies, et les autres commandants qui participent à la mission pensent au-delà de leur spécialité et fasse intervenir toute la gamme des atouts en leur possession pour appuyer la mission.

Le sénateur Day : Est-ce que « totalement intégré » signifie l'intervention des ONG et autres personnels n'appartenant pas aux forces armées mais qui participent à l'équipe de reconstruction provinciale, ERP, sur le terrain?

Lgén Gauthier : Cela signifie quiconque est capable de fournir un apport positif canadien à la conduite des opérations internationales pour qu'elles réussissent. Si quelqu'un peut être ajouté à notre équipe et apporter une contribution positive, alors nous voudrons saisir l'occasion.

Le sénateur Day : Au sein de l'équipe à Kandahar, y a-t-il d'autres fonctionnaires à vos côtés?

Lgén Gauthier : Oui. Lors de mon avant-dernière visite à Kandahar, j'ai constaté que l'équipe de reconstruction provinciale n'était constituée uniquement que de Canadiens. Les militaires canadiens y travaillaient aux côtés d'Affaires étrangères Canada, de l'ACDI et des représentants de la GRC. En outre, d'autres organisations internationales faisaient partie de la même ERP. Il ne s'agissait pas que d'un effort canadien.

Actuellement, il n'y a pas beaucoup d'ONG internationales en Afghanistan, c'est particulièrement vrai dans le sud du pays. Cela rend les choses un peu difficile parce qu'il faudrait qu'elles fassent partie de la solution, indéniablement.

Le sénateur Day : Vu la constitution d'une équipe de reconstruction provinciale, les personnels de la GRC, de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères du Canada qui sont sur place rendent-ils des comptes au général Fraser et acceptent-ils des ordres de lui?

Lgén Gauthier : Je pense qu'ils se considèrent tous comme des partenaires. Selon la situation, un organisme ou l'autre jouera le rôle de premier plan. Le « commandement » est bien entendu un terme militaire.

Le sénateur Day : Vous avez raison. Voilà pourquoi j'essayais de l'éviter.

Lgén Gauthier : Tous ces gens sont des partenaires. Ils travaillent ensemble. Du point de vue militaire, nous estimons que sur le terrain nous avons une responsabilité au premier chef pour la sécurité, et cela implique d'assurer la sécurité des autres Canadiens qui participent à cette opération.

Le sénateur Day : Étant donné que vous pouvez tirer des leçons de ce genre d'opération, la protection de vos partenaires canadiens est-elle l'un de vos soucis? Par exemple, s'il s'agit de se rendre dans une ville nos militaires sont- ils soumis à des risques supplémentaires parce qu'ils assurent la sécurité des partenaires canadiens dans cette opération ou ce projet?

Lgén Gauthier : L'élément essentiel de notre mission est de trouver des façons d'accroître la légitimité et la crédibilité du gouvernement d'Afghanistan et des autorités provinciales et de district. Autres éléments essentiels de notre mission : L'édification d'une capacité sur toute la ligne. Les militaires s'intéressent davantage aux forces de sécurité nationale afghanes mais notre mission là-bas porte également sur l'édification d'une capacité à d'autres égards. Je vous réponds donc, même si j'ai fait un petit détour auparavant, que c'est la raison pour laquelle nous sommes sur ce théâtre. Les autres organisations qui font partie de cet effort en 3D participent à toute la gamme des opérations dans ces circonstances complexes. Nos militaires ne devraient pas considérer comme un fardeau d'avoir à assurer la protection de ces autres organisations. Elles participent à l'effort. Nous sommes là pour les appuyer.

Le sénateur Day : Qui alors prend la décision? Par exemple, si un représentant de l'ACDI ou les Affaires étrangères veut se rendre à 35 kilomètres de la base de Kandahar pour rendre visite au maire d'une petite ville et si les militaires estiment que la route est très dangereuse, qui prendra la décision de transporter cette personne?

Lgén Gauthier : Cela incomberait à la chaîne de commandement militaire. Cela serait initié par le commandant de l'ERP parce qu'il travaille directement, côte à côte, main dans la main avec nos partenaires. Il prendrait alors contact avec la chaîne de commandement de la force opérationnelle militaire responsable de la province de Kandahar. Il y aurait alors donc évaluation des risques et des menaces afin de décider si c'est viable. C'est un processus dynamique. Journellement, les deux entités travaillent ensemble de sorte que les opérations militaires et ces autres opérations sont véritablement complémentaires.

Le sénateur Day : C'est sans doute la première fois que le Canada participe à une opération de reconstruction provinciale de sorte que le processus est évolutif. Jusqu'à présent, pouvons-nous tirer des leçons de notre participation ou est-il encore trop tôt pour le faire?

Lgén Gauthier : C'est un peu tôt. Nous avons commencé à travailler au sein de l'ERP l'été dernier, une première expérience pour nous. C'était dans la province de Kandahar. À ce stade en particulier de l'opération, le commandant de l'équipe était un Canadien. C'était donc un effort canadien mais il signifiait un travail au côté d'un bataillon américain qui avait la responsabilité de sécuriser la province.

Cet effort était relativement unique si on songe qu'actuellement une ERP canadienne composée de Canadiens, participe à l'effort d'ensemble dans la province de Kandahar.

Les premiers six mois nous ont permis de tirer des leçons dont profite l'effort actuel. Chaque jour, chaque semaine, nous en tirons d'autres. Nous faisons des progrès. En novembre dernier, j'ai rendu visite à la première ERP et lors de ma dernière visite, j'ai passé pas mal de temps auprès de l'ERP. Nous marquons de bonnes avancées mais ce sont des progrès mesurés à l'aune des Afghans plutôt que des Canadiens, ce qui signifie que les choses avancent un peu plus lentement et que l'horizon se trouve un peu plus loin.

Le sénateur Day : Je suppose que si, au sein d'une ERP, il y a un pays qui fournit la sécurité militaire, les choses ne sont pas très compliquées. Toutefois, si la sécurité militaire est assurée par un commandant qui a sous ses ordres des effectifs de divers pays, ces pays qui fournissent les soldats peuvent éventuellement imposer des réserves quant à ce que leurs soldats peuvent faire ou non, ce qui restreint la capacité de commandement et de contrôle du commandant; n'est- ce pas? On a pu le constater dans le cas de certaines opérations de l'OTAN et on nous l'a signalé. A-t-on fait face à ce genre d'opposition dans nos opérations jusqu'à présent?

Lgén Gauthier : Pas que je me rappelle dans le cas de l'opération Enduring Freedom. Nous nous apprêtons maintenant à opérer la transition vers l'opération de l'OTAN, cette transition devant avoir lieu à un certain moment cet été, du moins nous l'espérons.

La question a été soulevée. Elle est soulevée régulièrement durant nos réunions, parce que nous travaillons de concert avec nos partenaires internationaux pour établir sur des bases solides la force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, qui est une composante de l'opération. À l'heure actuelle, tout se présente bien.

Le sénateur Day : Est-ce que le Canada, quand il fournit des soldats, impose des conditions quant à ce que ces soldats peuvent faire, un peu comme dans le cas du problème que je vous décrivais tout à l'heure? Faisons-nous cela aussi?

Lgén Gauthier : Tous les pays, à des degrés divers, ont des conditions découlant de leurs règles d'engagement. Je n'ai pas entendu de plaintes au sujet de la manière donc ces règles sont interprétées ou appliquées dans le contexte de la mission dont nous faisons partie actuellement. Ce n'est pas un problème.

Le vice-président : Ce serait intéressant d'approfondir cette question pendant quelques minutes.

Le sénateur Day : Une autre fois.

Le sénateur Meighen : Je vous souhaite la bienvenue, mon général, et je vous félicite. Je ne vais pas approfondir cette question, mais plutôt aborder une autre question complexe, à savoir votre diagramme ici, en bleu et jaune, décrivant toutes les opérations dans lesquelles nous sommes engagés partout dans le monde. C'est impressionnant, 18 opérations différentes et un effectif total de 2 701.

Je pense qu'il est généralement reconnu que nous ne pourrions pas soutenir simultanément une autre opération de la taille de celle de l'Afghanistan, mais en plus de l'Afghanistan, nous soutenons toutes ces diverses opérations partout dans le monde. À votre connaissance, est-ce que l'une ou l'autre d'entre elles doit prendre fin, libérant ainsi du personnel et des ressources?

Lgén Gauthier : En fait, le 24 ou le 25 mars, j'étais justement au camp Ziouani, sur les hauteurs du Golan, pour assister à ce qui était effectivement la fin de cette mission. Nous avions un bataillon canadien de logistique qui a contribué à cette mission pendant quelque 32 ans. Nous avons réduit notre participation à quatre personnes aujourd'hui et il n'y en aura plus que deux cet été. C'est un exemple.

Nous ne voulions pas prendre de court qui que ce soit, de sorte qu'en quittant cette mission, nous avons dû travailler avec nos partenaires internationaux pour assurer une transition sans heurt; et nous y sommes parvenus.

Le sénateur Meighen : En connaissez-vous d'autres qui doivent prendre fin?

Lgén Gauthier : Non, je n'en vois pas d'autre.

Le sénateur Meighen : Pouvez-vous me rappeler en quoi consiste l'opération Sextant?

Lgén Gauthier : Il s'agit du déploiement du NCSM Athabasca. C'est un bon exemple que vous prenez là parce que c'est une rotation de six mois.

Le sénateur Meighen : Je remarque que la mission s'est retrouvée au milieu de l'océan et j'avais donc compris qu'il s'agissait d'une mission navale.

Lgén Gauthier : Ce navire de commandement appuie le commodore Denis Rouleau, qui commande le premier groupe de la force navale permanente de réaction de l'OTAN, qui est l'une des deux forces navales permanentes de l'OTAN. Il est entouré d'un état major multinational relativement restreint qui fournit le commandement et le contrôle d'un petit groupe opérationnel naval déployé pendant six mois. En fait, il est appuyé par le NCSM Athabasca et sera ensuite appuyé pendant encore six mois par le NCSM Iroquois. À l'automne et par la suite, cette mission prendra fin. C'est un autre exemple de mission qui doit prendre fin.

Le vice-président : Pour le moment, cela demeure une composante importante à la table de l'OTAN.

Lgén Gauthier : C'est certainement utile.

Le vice-président : Quand elle sera retirée, nous connaîtrons la force de notre table.

Lgén Gauthier : C'est par rotation. Différents pays remplissent ce rôle de commandement au fil du temps. C'est le tour du Canada.

Le sénateur Meighen : J'ai une autre question sur ce graphique au sujet de l'opération Archer, base de soutien sur le théâtre, effectif 266, ce qui est beaucoup. La ligne pointe vers un endroit intéressant — je suppose qu'il s'agit du camp Mirage?

Lgén Gauthier : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Meighen : Je suppose qu'on a besoin de cela pour appuyer les opérations en Afghanistan.

Lgén Gauthier : Tout à fait.

Le sénateur Day : Toutefois, nous ne pouvons pas en parler.

Le sénateur Meighen : Et bien, si vous regardez cela, vous verrez que le lieu est intéressant.

Lgén Gauthier : C'est ainsi par respect pour nos alliés et nos hôtes, qui ne tiennent pas à ce que nous révélions les lieux où cela se passe.

Le sénateur Meighen : Le sénateur Atkins vient de m'interroger au sujet de l'opération Crocodile.

Lgén Gauthier : Elle se tient dans la République démocratique du Congo.

Le sénateur Meighen : S'agit-il d'une opération de durée indéterminée?

Lgén Gauthier : Franchement, je ne m'en souviens pas. Ça l'était peut-être au début, en 2001-2002, de toute façon, je peux vous obtenir les renseignements pertinents. Ils sont d'ailleurs disponibles sur notre site Web.

Le sénateur Meighen : Mais est-ce qu'elle se poursuit?

Lgén Gauthier : Tout à fait, oui. En fait, il se passera des choses extrêmement importantes au Congo. À la fin de juillet, le pays tiendra ses élections présidentielles. C'est une des étapes indispensables par lesquelles ils doivent passer; il s'agit aussi d'une des missions où un nombre assez limité de personnes font un travail important, car il n'y a que des officiers d'état major qui s'y trouvent au quartier général. Je dirais qu'ils collaborent au processus.

Du point de vue de mon état major, il est assez difficile de surveiller chacune de ces missions individuelles. Ce n'est toutefois pas impossible, nous avons les structures qu'il faut pour le faire. Compte tenu du nombre assez faible de nos collaborateurs, j'estime sincèrement que le rapport est beaucoup plus important que leur nombre. Ces gens occupent des postes importants et ils sont d'ailleurs appréciés par les commandements de chacune de ces missions.

Le sénateur Meighen : Je n'en doute pas, et cela m'amène à la question suivante. Comment pouvons-nous mesurer le succès de nos opérations en Afghanistan? Est-ce que cela dépend du fait qu'on attaque moins souvent nos troupes, qu'il y a moins d'incidents dans la région sous notre commandement et qu'il y a davantage d'enfants dans les écoles? Existe- t-il des normes de mesures empiriques?

Lgén Gauthier : Le chef d'état major et moi-même avons justement discuté de cela la semaine dernière. Règle générale, les Forces canadiennes ont de la difficulté à mesurer le rendement de leurs opérations. Il faut d'abord avoir une idée claire de ce qu'on souhaite atteindre. Si tout ce que l'on veut, c'est de fournir des troupes à déployer par les autres, comment s'y prend-on pour mesurer le succès dans un tel cas? Je suppose que le simple déploiement correspond au succès. Toutefois, nous essayons d'aller plus loin que cela en précisant clairement que toute mission d'importance de notre part découle d'objectifs nationaux acceptés. Or, ces derniers entraîneront des effets stratégiques et à leur suite des effets opérationnels jusqu'au niveau de la tactique.

Fait sans précédent, nous sommes en train d'élaborer un cadre de mesures des effets pour évaluer notre mission en Afghanistan afin que nous puissions essayer sérieusement de mesurer nos succès et d'en faire rapport.

Le sénateur Meighen : En quoi est-ce que cela consiste, pouvez-vous m'en donner une idée?

Lgén Gauthier : Sur le plan de la sécurité, cela pourrait se fonder sur le nombre d'attaques dont les forces de la coalition ont été victimes; sur le nombre d'attaques ayant visé la police nationale et l'armée nationale afghanes; et sur le nombre d'attaques ayant porté sur les civils dans une période donnée, par exemple; et sur le plan du développement, cela pourrait se fonder sur le nombre d'écoles ouvertes pendant la même période. Par rapport à certaines réalités, il est possible de définir des choses et de les mesurer.

À bien des égards, la raison d'être de nos opérations est de gagner la confiance des populations afghanes afin qu'elles votent en faveur de leur gouvernement et pour les opérations des forces internationales, plutôt que de voter par crainte des Talibans ou des insurgés. Or, comment peut-on mesurer le niveau de confiance des populations? C'est plutôt difficile, mais nous examinons également la question. Comment mesure-t-on aussi la perception? Cela aussi nous l'étudions.

Le sénateur Meighen : Je ne vous demande pas d'entrer dans un domaine où vous ne voulez pas aller, qu'il s'agisse d'un point de vue militaire ou politique, mais sur le plan opérationnel, quelles leçons avons-nous tirées de l'Afghanistan? En réponse au sénateur Atkins, vous avez dit qu'à l'évidence, il nous était impossible d'avoir le nec plus ultra que nous souhaiterions. Mais il est certain que nous devons bien avoir appris certaines choses depuis l'arrivée du PPCLI sur place en 2002, des choses qui auraient pu nous éclairer du point de vue opérationnel. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

Lgén Gauthier : Nous avons tiré des centaines de leçons, et nous avons d'ailleurs un processus d'intégration des leçons acquises ainsi qu'une banque de données qui contient l'essentiel de ces informations. S'agissant des opérations les plus récentes, l'une des leçons que nous connaissions probablement déjà mais qui était corroborée a été que l'ennemi savait s'adapter; par conséquent, nous aussi nous devons le faire. Lors de l'explosion d'un dispositif improvisé, le 15 janvier, qui a tué Glyn Berry, je me souviens que le colonel Steve Noonan, qui était le commandant de l'unité, avait lui aussi évoqué le fait que l'ennemi s'adaptait et que nous devions faire de même.

Mais il est clair que depuis six mois, depuis deux mois même, nous avons appris à quel point nous devions nous adapter. Il faut que nous soyons à la hauteur de la situation. Je ne veux pas paraître être sur la défensive ni laisser croire que notre approche est carrément mauvaise ou quelle ne convient pas, mais il n'en reste pas moins que les mauvais s'adaptent et que nous devons nous aussi le faire. Nous avons besoin d'un système d'appui dans ce sens qui puisse être déployé sur le théâtre des opérations. Cette même agilité qui commence là-bas doit percoler jusqu'à l'institution elle- même afin que celle-ci puisse s'adapter sur un court préavis. C'est en fait ce que nous faisons. Je ne veux pas être plus précis à ce sujet, pour des raisons de sécurité, mais nous en sommes conscients.

La seconde leçon que nous avons tirée et à laquelle nous donnons suite concerne notre méthode d'entraînement. En rétrospective, la méthode d'entraînement que nous avons utilisée lors de la rotation précédente nous a permis de tirer toutes sortes de leçons que nous appliquons maintenant à notre mode d'entraînement. Nous adoptons cette fois-ci une approche relativement différente par rapport à ce que nous avions fait lors de la rotation précédente.

En troisième lieu, ce qui me ramène d'ailleurs à la première chose que je viens de dire au sujet des leçons tirées des opérations, c'est qu'il nous faut un cadre fonctionnel d'intégration des leçons tirées qui nous permet de nous adapter comme je viens de vous le dire.

Je ne suis pas certain que cela réponde à votre interrogation.

Le sénateur Meighen : C'est fort utile. Je pensais également à un incident en particulier qui a fait les manchettes, et je me demande si les communications ne sont pas l'un de nos gros problèmes et si nous ne devrions pas améliorer nos lignes de communication, même si Dieu sait que c'est déjà tout un problème même lorsqu'on parle tous la même langue.

J'imagine que très rares sont là-bas les membres des Forces canadiennes qui parlent le dialecte du Sud de l'Afghanistan, de sorte que nous devons passer par des interprètes locaux et par les gens qui travaillent avec nous. Est- ce que cela aurait pu avoir un rôle dans la confusion qui semble s'être produite, d'après ce que nous avons entendu, lors de l'incident survenu il y a trois ou quatre semaines pendant cet affrontement majeur avec les Talibans et qui avait fait que certains nous avaient accusés d'intervenir depuis l'arrière et trop lentement?

Lgén Gauthier : En un mot, non. En ce qui concerne les communications et les différentes cultures opérationnelles, il y a tellement d'éléments qui font partie de cette opération que, manifestement, nous avons tiré des leçons de l'incident. Suite à cela, un autre reportage a été publié il y a une semaine et demie au sujet d'une vaste opération tout à fait réussie qui avait été menée conjointement pendant la fin de semaine par les forces de la coalition, la police nationale afghane, et cetera. Nous avons donc appris notre leçon. J'imagine que dans une certaine mesure, ces leçons concernaient en fait toutes les communications, mais pas la question des interprètes ou des linguistes.

Le sénateur Moore : D'un point de vue général, nous demandons beaucoup de ces hommes et de ces femmes qui combattent pour la stabilité, la paix et l'intervention humanitaire. Or, certains de ces éléments sont aux deux extrêmes du spectre. J'ignore comment ils parviennent à faire face à ce genre de choses.

Qui donc combattons-nous là-bas? J'imagine que les Talibans y sont toujours, mais qui est l'ennemi? Vous avez parlé de rebelles. Nous sommes en uniforme. Dans les reportages à la télévision, nous ne voyons personne en uniforme de l'autre côté, alors comment pouvons-nous savoir de qui il s'agit?

Lgén Gauthier : Vous dites cela, mais cela est tout à fait pertinent. Je vous demanderais de répéter la première partie de votre question.

Le sénateur Moore : Qui est l'ennemi? Si l'on parle de combat et de défense, contre qui nous battons-nous et comment parvenons-nous à les identifier?

Lgén Gauthier : Je voudrais qu'il soit bien clair que notre mission n'est pas de faire la guerre contre qui que ce soit. Nous sommes là pour épauler le gouvernement afghan.

Notre pôle d'intervention exclusif ne se limite pas à une seule extrémité du spectre des opérations que je vous ai décrites.

Mais je voudrais revenir à ce que vous disiez lorsque vous avez mentionné que nous demandions à nos militaires de faire beaucoup de choses d'une extrémité du spectre à l'autre. Il faudrait que vous puissiez rencontrer ces hommes et ces femmes qui sont en uniforme là-bas et j'espère d'ailleurs que vous aurez l'occasion de le faire. Vous seriez impressionnés par leur état d'esprit.

C'est une opération complexe, cela ne fait pas de doute. Je ne voudrais pas sous-estimer l'ampleur de la difficulté, mais en même temps, il faut que je vous dise que j'ai passé une nuit en compagnie d'un nombre relativement faible de soldats au tristement célèbre poste de Gumbad. Ces soldats comprennent bien leur mission et ils se sentaient bien à l'aise d'un bout à l'autre du spectre, ce qui m'a conforté. Il ne s'agit pas de capturer ou de tuer les mauvais, ils comprennent parfaitement la nuance. Il s'agit de gagner la confiance du peuple afghan et de conforter la légitimité et la crédibilité du gouvernement afghan. Il s'agit de bâtir des capacités de concert avec l'armée nationale afghane (l'ANA), la police nationale afghane (l'ANP) et d'autres intervenants.

Il est difficile de définir qui est l'ennemi. Ce n'est pas comme dans le bon vieux temps de la guerre froide, lorsqu'on savait clairement qui était l'ennemi. C'est pour cette raison que nous utilisons le terme « rebelles ». Parfois, nous retombons sur la vieille expression « les méchants ».

Le sénateur Moore : S'agit-il de chefs de guerre tribaux qui essaient de se tailler un territoire et de le garder, et qui ne veulent pas de vos tentatives de stabilisation, dans l'espoir que nous allons finir par nous fatiguer et nous retirer?

Lgén Gauthier : Il existe une structure du pouvoir en Afghanistan, et ce n'est pas cette structure qui est l'ennemi. Il y a une faction qui fait tout ce qu'elle peut pour miner les efforts du gouvernement afghan. Un élément en particulier de cette faction que nous pouvons identifier avec un degré raisonnable de certitude peut être associé à l'ancien mouvement taliban.

Je ne voudrais pas être plus précis que cela si ce n'est pour vous dire qu'il y a manifestement un point de convergence entre les ex-Talibans, comme cela est d'ailleurs communément admis, et toute cette notion de rébellion. Mais surtout, nous considérons que ce groupe est au cœur même des problèmes actuels en Afghanistan.

Le sénateur Moore : L'expression « état final » signifie-t-elle la fin ou la date d'achèvement d'un exercice?

Lgén Gauthier : Cela dépend dans quel contexte vous posez la question. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en parlant du COMFEC, j'ai fait allusion à un état final théorique. J'ignore si nous parviendrons jamais à l'atteindre, alors que pour nos missions, nous pouvons définir un état final. Il existe pour l'Afghanistan un état final défini, mais je ne suis pas libre de vous le définir de façon précise.

Le sénateur Moore : Je comprends.

Le sénateur Meighen : Si vous parveniez à trouver une solution aux problèmes que vous rencontrez, ce serait une fin.

Le sénateur Moore : La commission commandée par l'OTAN commencera cet été. Une date a-t-elle déjà été fixée?

Lgén Gauthier : C'est moins un état final qu'une transition.

Le sénateur Moore : Y aura-t-il des troupes canadiennes qui seront placées sous son commandement?

Lgén Gauthier : Tout à fait. D'ailleurs, la difficulté actuelle pour David Fraser consiste à faire tout son possible pour aider le peuple et le gouvernement Afghan dans les domaines qui ont été décrits, et cela dans le respect du mandat de l'opération Enduring Freedom.

Il sera tout aussi important de faire fonction de force de transition entre l'opération Enduring Freedom et l'OTAN. Il restera le commandant de la brigade, laquelle va devenir une brigade de l'OTAN. Nous avons, pour passer de l'un à l'autre, un plan de transition qui sera fonction des conditions au lieu d'avoir une date butoir.

Le sénateur Moore : À ce moment-là, est-ce que le commandant de l'OTAN prendra le commandement de ces troupes canadiennes ou y aura-t-il toujours un commandant canadien?

Lgén Gauthier : J'ai le commandement national, mais le commandement multinational passera du commandant du GFIM-76 au commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité, l'ISAF, à Kaboul.

Le sénateur Moore : Avons-nous une stratégie de retrait dans le cas de l'Afghanistan? Vous avez mentionné une date que vous ne voulez pas dévoiler, ce que je comprends fort bien.

Lgén Gauthier : Nous n'avons pas de stratégie de retrait comme telle.

Le sénateur Moore : Mais vous devez bien avoir à l'esprit une date pour la fin des opérations. Il faut que ce soit un jalon nécessaire.

Lgén Gauthier : Nous n'utilisons pas l'expression stratégie de retrait. Nous nous concentrons sur les résultats. Nous avons un état final axé sur les résultats. Nous avons également un mandat officiel confié par le gouvernement et qui, pour l'instant, va jusqu'en février 2007.

Le sénateur Zimmer : Mon général, permettez-moi de vous féliciter pour cette nomination et de vous remercier d'être venu témoigner aujourd'hui. Je serai précis. Je voudrais parler des intérêts et des valeurs, aussi bien ceux qui sont projetés que ceux qui sont protégés, et en particulier des valeurs canadiennes des Forces canadiennes. Que sont-elles censées projeter? Pour être plus précis, quels sont les intérêts canadiens que nos forces sont censées protéger en Afghanistan?

Lgén Gauthier : L'essentiel de la réponse réside dans l'énoncé de mission et dans les objectifs nationaux qui ont été identifiés pour la mission.

À la base, cette mission consiste à offrir à chaque Afghan les possibilités que les Canadiens prennent pour acquis. Cette mission concerne l'état de droit. Il s'agit d'empêcher l'Afghanistan, comme je l'ai déjà dit, de revenir encore une fois un état défaillant et, par conséquent, un refuge pour les terroristes, lesquels deviennent à ce moment-là une menace pour le Canada. Tout cela fait partie de l'intérêt que nous avons à rester en Afghanistan.

Le vice-président : Merci mon général d'avoir pris le temps de venir nous entretenir. J'aurais une demande à vous faire. Nous aurons dans le courant du mois une série de réunions, et je crois savoir que vous avez eu la bonté d'accepter d'en être et de venir de l'Afghanistan. Pouvez-vous vous engager à nous fournir une série de ces mesures de progrès dont vous nous avez parlé?

Vous faites un travail formidable. Il y en a parmi vous qui ont passé dix ou quinze jours à l'hôpital. Je sais que dans la région de Kaboul, on peut voir des signes flagrants de progrès. Nous vous remercions énormément pour cela, et nous sommes impatients de vous revoir bientôt.

S'il y a des gens qui nous regardent à la télévision et qui ont des questions ou des commentaires à notre intention, je leur demanderais de consulter notre site Web à l'adresse www.sen-sec.ca. Ils y trouveront la transcription des témoignages ainsi que le programme ferme de nos séances. Ils peuvent également se mettre en rapport avec le greffier du comité en téléphonant au 1-800-267-7362 pour obtenir plus d'information ou pour savoir comment ils peuvent se mettre en rapport avec les membres du comité.

La séance est levée.


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