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Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 4 - Témoignages du 21 juin 2006


[Note de l'éditeur]

CORRECTIONS

À la page 4:136 du fascicule imprimé, le premier paragraphe se lit :

Le président : Pour continuer dans la même veine, nous avons entendu l'ancien ambassadeur qui a dit qu'il pensait qu'il faudrait cinq générations et le général Leslie qui pense qu'il faudrait deux ans.

Le texte devrait se lire :

Le président : Pour continuer dans la même veine, nous avons entendu l'ancien ambassadeur qui a dit qu'il pensait qu'il faudrait cinq générations et le général Leslie qui pense qu'il faudrait vingt ans.

Les versions html et pdf qui paraissent sur ce site ont été modifiées pour refléter ces corrections.


OTTAWA, le mercredi 21 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à midi pour examiner la politique de sécurité nationale du Canada, et en faire rapport.

Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Nous avons le quorum.

Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Je m'appelle Colin Kenny et je suis le président du comité.

Avant de commencer, permettez-moi de présenter les membres du comité. Immédiatement à ma droite, le distingué vice-président du comité, le sénateur Meighen. Il est membre des barreaux du Québec et de l'Ontario. Il est actuellement chancelier de l'Université Kings College. Il est président de notre Sous-comité des anciens combattants et il est également membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ainsi que du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Tout au bout de la table, le sénateur Nolin du Québec. Il est avocat. Il a été vice-président du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites et il est actuellement vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et du Comité spécial sur la Loi antiterroriste. Il est également membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et membre du Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes d'examen de la réglementation. Il est actuellement délégué de l'Association des parlementaires de l'OTAN.

À côté de lui, le sénateur Moore de Halifax. C'est un avocat qui a beaucoup oeuvré dans le milieu communautaire et qui est membre du conseil d'administration de l'Université St. Mary. Il fait aussi partie du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et du Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes d'examen de la réglementation.

À côté de lui, le sénateur Atkins de l'Ontario. Il a été conseillé principal de Robert Stanfield, du premier ministre Davis de l'Ontario et du premier ministre Mulroney.

Immédiatement à ma gauche, le sénateur Campbell de la Colombie-Britannique. Il a été maire de Vancouver de 2002 à 2005 et c'est un ancien membre de la GRC. Son expérience de coroner en chef de Vancouver a inspiré la série télévisée Da Vinci's Inquest, gagnante d'un prix Gémeau.

À côté de lui, le sénateur Banks de l'Alberta. Il est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles et il est bien connu des Canadiens comme musicien et artiste polyvalent. Il a assuré la direction musicale des cérémonies des Jeux olympiques d'hiver de 1988 et a reçu un prix Juno.

Au bout, nous avons le sénateur Day du Nouveau-Brunswick. Il est président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec. Il est également un ancien président et chef de la direction de la New Brunswick Forest Products Association.

Nous accueillons aujourd'hui le général Rick Hillier, chef d'état-major de la défense. Il a été promu au rang qu'il occupe actuellement le 4 février 2005; il assume les fonctions de chef de l'état-major de la Défense. Pendant sa carrière, il a commandé des troupes allant du peloton jusqu'au niveau de formation multinationale au Canada, en Asie et aux États-Unis.

Général, nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui. Le comité vous a rencontré à de nombreuses occasions sur en base formelle et informelle. Nous croyons savoir que vous avez une brève déclaration.

[Français]

Général Rick Hillier, chef d'état-major de la défense, Défense nationale : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous parler des activités des Forces canadiennes, et plus particulièrement des activités des hommes et des femmes qui portent l'uniforme du Canada, c'est-à-dire vos soldats de la marine et de la force aérienne.

Nous sommes présentement à une époque extrêmement active, mais aussi très excitante. Nous avons commencé cette période avec une nouvelle vision pour les Forces canadiennes, une vision qui a mis au premier rang nos intérêts en tant que Canadiens et ce, n'importe où au monde. Nous avons effectué une transformation des Forces canadiennes afin qu'elles travaillent ensemble de façon stratégique pour le Canada.

[Traduction]

Avant de continuer, j'aimerais dire que les autres fois où j'ai eu l'occasion de travailler avec le présent comité, j'ai toujours eu le plaisir de traiter avec le sénateur Forrestall et je connais le travail précieux que vous faites pour notre pays — et en particulier pour la partie de notre pays représenté par les hommes et les femmes en uniforme qui travaillent pour moi. Son absence aujourd'hui constitue une grande perte. Je vous transmets mes condoléances et celles des hommes et des femmes qui portent l'uniforme. Certains d'entre nous ne le savaient même pas, mais cela ne veut pas dire que son travail n'a pas été apprécié — son engagement face à l'amélioration de la vie des gens en uniforme, des hommes et des femmes, et non pas des robots sans chair et sans âme, et, ce qui est tout aussi important, ce que nous apprenons et redécouvrons tous les jours, la vie de leurs familles. Nous lui sommes reconnaissants pour ce qu'il a fait. Il occupera une place spéciale dans la mémoire des gens en uniforme. Je sais que plus tard, vous prendrez la parole au Sénat pour parler du sénateur et je serai heureux d'y assister. Nous le tenions en haute estime et nous nous souviendrons de lui.

Le président : Au nom des membres du comité, merci beaucoup. Il nous manque beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de ces paroles.

Gén Hillier : Il s'agit d'une période emballante pour les Forces canadiennes. C'est vraiment le cas. Vos hommes et vos femmes en uniforme, vos fils et vos filles, vos époux et vos épouses, vos voisins, vos collègues ou vos connaissances en sont à une période unique de l'histoire de notre pays. La manchette du Winnipeg Free Press l'été dernier, a bien résumé notre situation actuelle : les forces sont redevenues à la mode. Il y a un nouvel esprit de confiance, un nouvel enthousiasme chez les hommes et femmes des Forces canadiennes. Il y a un nouveau sentiment de valeur partout au pays. Au fur et à mesure que nous progressons dans tous nos engagements, pour changer de manière à être plus efficace dans l'avenir et pour aller de l'avant avec les nouvelles missions qui nous sont confiées, quelles qu'elles soient, les hommes et les femmes qui exécutent ces missions pour vous marchent la tête plus haute, éprouvent une plus grande fierté et ressentent une énergie renouvelée.

C'est un changement spectaculaire par rapport à ce que vous m'auriez entendu dire si j'avais occupé ce poste il y a 10 ou 12 ans. Au fur et à mesure que nous sortons de cette décennie de noirceur, je pense que nous sommes sur le point de bâtir des Forces canadiennes qui seront la fierté de notre pays et qui feront l'envie de tous nos alliés dans le monde. Pour la première fois depuis 50 ou 60 ans, nous serons en mesure de produire cet effet pour le Canada. À l'échelle nationale, lorsque les Canadiens seront exposés à un danger ou auront besoin d'aide, à l'échelle continentale, lorsque nous aurons besoin de participer avec nos grands amis du sud, les États-Unis, à des activités pour les deux populations, ou à l'échelle mondiale, lorsque des gens vivront les pires moments de leur vie, ces Forces canadiennes que nous sommes en train de bâtir, et que nous continuerons de bâtir, seront une grande source de fierté.

Votre travail à cet égard a été important et nous vous en sommes reconnaissants et nous continuons de travailler avec vous sur une base quotidienne autant qu'il est possible de le faire. Je prends cet engagement à titre de chef d'état- major de la défense en uniforme. Ils veulent faire cela. Nous allons faire en sorte que cela se fasse.

Nous avons commencé il y a un an et demi avec une vision axée sur le changement, ce qui est le plus important, de notre mentalité et de notre culture dans les Forces canadiennes concernant la façon de travailler ensemble. Avant cela, nous étions dans une situation où les Forces canadiennes étaient véritablement un « empereur sans vêtement ». Nous avions une nomenclature des Forces canadiennes; nous avions une armée, une marine et une aviation qui travaillaient indépendamment, qui s'arrangeaient de manière accessoire, et qui avaient une plus grande capacité pour travailler avec l'armée des États-Unis, la Royal Navy et les forces de l'air britanniques que pour travailler ensemble.

Étant donné notre taille et l'effet que nous devons produire dans le monde pour le Canada, ce n'était pas ce que nous voulions pour l'avenir. Nous voulions vous donner à vous et au Canada des Forces canadiennes qui pouvaient fonctionner comme une force intégrée. Lorsque les Canadiens ou des gens dans le monde ont besoin d'aide, nous voulions pouvoir apporter l'aide la plus importante possible, la visibilité la plus grande possible pour le Canada pour qu'il puisse assumer des rôles de chef de fil, pour défendre nos intérêts et façonner les régions en fonction de nos valeurs.

Transformer cette mentalité et cette culture s'est révélé le plus grand défi auquel nous avons été confrontés. Fondée sur une tradition vieille de 50 ou 60 ans et sur une structure créée pour défendre cette tradition, peu importe jusqu'à quel point une partie de tout cela peut parfois sembler stupide, cette situation s'est révélée un défi important au cours de la dernière année et demie et un défi que l'ensemble des hommes et des femmes en uniforme ont dû relever.

Deuxièmement, nous nous sommes transformés pour nous permettre de nous concentrer sur les menaces dans un environnement opérationnel contemporain. À l'échelle internationale, le chaos survient toujours dans les centres de population. Dans le passé, nos structures, notre formation, notre éducation, notre équipement et notre leadership étaient centrés sur l'évitement des centres de population. Si vous voulez, choisissez et contournez, c'était notre terminologie. Maintenant, nous constatons que tout ce que nous faisons est centré sur un centre de population.

Que ce soit à l'échelle nationale, lorsqu'il y a une situation de crise dans la ville de Toronto ou d'Ottawa à cause d'une tempête de verglas, ou en plein centre de Kandahar ou de Kaboul, en Afghanistan, cela ne fait aucune différence. Nous devions nous transformer pour être en mesure de fonctionner pendant que nous vivons dans ces centres de population.

Troisièmement, nous avons commencé à changer notre structure de commandement pour nous permettre de le traiter le Canada comme un théâtre d'opérations, chose qui n'a jamais été faite dans notre histoire, et pour nous permettre de nous concentrer sur ce que nous devions être en mesure d'accomplir — non pas à titre de premier ou de second répondant, mais à titre de troisième répondant de calibre international — pour appuyer les Canadiens à domicile lorsqu'ils ont le plus besoin de l'aide des Forces canadiennes. Traiter le Canada comme un théâtre d'opérations nous a amenés à créer le Commandement Canada, qui a un commandant appuyé par un état-major de petite taille, mais approprié, et, plus important encore, ayant tous les éléments nécessaires du point de vue de l'autorité, des responsabilités et de la reddition de comptes pour diriger avec succès les opérations au Canada pour appuyer les gouvernements et d'autres autorités, comme la GRC, ainsi que les Canadiens lorsqu'ils en ont besoin.

En nous avons poursuivi cette transformation de notre structure de commandement pour nous permettre d'avoir un commandement, une planification et un façonnement efficaces des régions dans lesquelles nous nous rendons dans la conduite d'opérations internationales. Nous avons créé le commandement des Forces expéditionnaires canadiennes dirigé par un commandant ayant un état-major approprié ayant tous les éléments nécessaires du point de vue de l'autorité, des responsabilités et de la reddition de comptes pour faire ce que je viens tout juste de dire.

Je sais que beaucoup d'entre vous avez eu l'occasion de visiter le Commandement Canada et d'avoir une idée de ce qu'il pourrait nous offrir. Je veux vous dire qu'une visite de deux heures sur place ne permet que d'effleurer la surface pour ce qui est de savoir ce que ces commandants et leurs états-majors et leur autorité peuvent nous apporter, mais au moins, il s'agissait d'une occasion de discuter un peu.

En dernier lieu, nous avons commencé la mise en oeuvre des plans pour renouveler le matériel et accroître les Forces canadiennes. Malgré les critiques que j'ai formulées personnellement sur la façon dont nous avons abordé la question du recrutement dans le passé, nous avons eu un certain succès. De nombreux éléments du processus ne fonctionnaient pas bien. Ces éléments ont été clairement cernés, tant par nous que dans le rapport de la vérificatrice générale du Canada publié récemment. Nous avons changé un grand nombre de ces éléments et nous sommes en train d'en changer d'autres.

Nous avons réduit les temps de traitement pour admettre les gens dans les forces. J'ai donné des ordres au Chef de l'administration du personnel militaire selon lesquels je voulais que 30 p. 100 des candidats soient enrôlés dans les Forces canadiennes dans un délai d'une semaine. Je veux que 50 p. 100 de plus soient enrôlés dans un délai d'un mois. Je veux un enrôlement dans les Forces canadiennes et non pas un enrôlement dans la Force de réserve ou dans la Force régulière, qui fait qu'un transfert d'un élément à l'autre devient un défi épouvantable. Je veux un enrôlement dans les Forces canadiennes de sorte que lorsque nous procédons à des transferts entre éléments, nous pouvons le faire en l'espace d'une semaine par message d'affectation.

Nous avons commencé à appliquer un certain nombre de ces éléments pour nous assurer, non pas que nous allons recruter un grand nombre de gens chaque année, mais que nous allons enrôler les bons candidats pour faire le travail que nous leur demandons de faire. Si je peux m'exprimer ainsi, dans les facteurs de rendement militaire de trois à 10, trois est le niveau le plus faible lorsque nous faisons l'analyse d'un candidat que nous accepterions et 10 correspond à un véritable génie avec du caractère. Nous voulons déplacer la courbe normale légèrement vers la droite et attirer les meilleurs candidats dans les Forces canadiennes.

Nous prenons de l'expansion même en dépit des méthodes de recrutement archaïques que nous avions. L'an dernier, notre objectif était d'accroître l'effectif des Forces canadiennes d'un peu plus de 600 personnes en uniforme; nous avons réussi à 106 p. 100 à combler l'attrition de 5 000 personnes et à augmenter l'effectif de plus de 600 militaires. Nous savons que nous allons réussir à atteindre nos objectifs plus élevés pour l'année qui vient.

Équiper les Forces canadiennes a été un défi d'égale importance pour nous. Lorsque je parle de la décennie de noirceur dont nous commençons à nous extirper, il s'agissait d'une décennie où l'équipement et les ensembles d'équipement dans l'ensemble des Forces canadiennes ont commencé à pourrir et à rouiller au point de remettre sérieusement en question notre capacité de mener des opérations à l'appui de n'importe quelle des missions qui nous seront confiées au cours des prochaines années.

Nous avons lancé un programme de renouvellement du matériel des forces terrestres, centré initialement sur la mission en Afghanistan, pour nous assurer de créer les bonnes conditions de succès pour les hommes et les femmes qui sont là-bas et réduire les risques auxquels ils sont exposés pendant les opérations. Cependant, partout dans les forces, nous procédons à un renouvellement du matériel pour être en mesure de nous donner une capacité de transport pour pouvoir nous rendre partout au pays et dans le monde, sur ces théâtres d'opération — le genre de capacité de transport dont nous avons besoin pour être en mesure de nous déplacer dans ces théâtres d'opérations et de fournir un cordon ombilical aux hommes et aux femmes sur le terrain.

Nous avons besoin d'une capacité de transport à voilure tournante pour être en mesure de nous déplacer dans un théâtre d'opérations et de le dominer du point de vue tactique, s'il s'agit d'une opération internationale, et de le dominer à l'avantage des Canadiens directement si nous le faisons au pays. Les moyens de transport aériens, terrestres et maritimes constituent la colonne vertébrale de tout ce que nous faisons, quelle que soit la mission — depuis l'aide humanitaire jusqu'aux opérations complètes qui ont lieu en Afghanistan à l'heure actuelle. Des capacités de transport aérien, terrestre et maritime sont nécessaires dans tous ces cas et nous avons clairement cerné les besoins dans ce domaine. Nous croyons avoir l'appui du gouvernement du Canada et de la population canadienne en général pour nous permettre d'obtenir cet équipement et de donner des moyens aux hommes et aux femmes en uniforme.

Le message que j'ai pour vous, c'est que les gestes parlent fort. Nous avons eu beaucoup de discussions. Les gestes posés pour investir dans ces capacités seront grandement appréciés par les hommes et les femmes en uniforme, peu importe où ils sont.

Je termine en disant que nous avons fait toutes ces choses, et de nombreuses autres encore, tout en facilitant la transition du gouvernement d'un parti à un autre, ce qui n'est pas une mince tâche, en plus de préparer et de conduire des opérations en Afghanistan et de voir les premiers signes de succès. Nous vivons dans un environnement complexe présentant une pléthore d'amis et d'alliés multinationaux. Nous sommes là-bas pour aider les Afghans à rebâtir leur vie, leurs collectivités, leur pays et, nous l'espérons, à bâtir un État qui contribuera à instaurer une plus grande stabilité dans la région et qui, par conséquent, constituera un avantage direct pour le Canada et les Canadiens.

Je m'arrête ici. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions, qu'elles se rapportent ou non à ma déclaration d'aujourd'hui.

Le sénateur Meighen : Huit ou neuf de mes collègues veulent poser des questions et un calcul rapide me dit que cela ne représente même pas sept minutes par personne, alors je vais essayer de faire en sorte que mes questions soient courtes. Nous sommes tous reconnaissant des propos que vous avez tenus au sujet du sénateur Forrestall. Les hommes et femmes que vous commandez occupaient une place très spéciale dans son coeur et rien n'était plus important à ses yeux que leur bien-être. Merci de vos paroles.

Parlant des hommes et des femmes en uniforme, je suis préoccupé par les hommes et femmes qui ne sont pas encore en uniforme — c'est-à-dire, ceux et celles que vous essayez de recruter. Lorsque vous vous êtes présenté devant le comité la dernière fois, vous nous avez dit que le système de recrutement était en panne et qu'il devait être réparé. Nous sommes tous heureux d'apprendre que vous avez réalisé des progrès à cet égard.

Cependant, je pense que nous essayons de recruter 13 000 personnes pour la Force régulière et 10 000 pour la Force de réserve, n'est-ce pas? Vous avez parlé d'un chiffre de 600 l'an dernier. Si ce chiffre ne double pas, ne triple pas ou ne quadruple pas très bientôt, cela prendra beaucoup de temps. J'aimerais que vous nous disiez quand nous pourrons ouvrir le robinet.

Il se trouve que je connais personnellement quelqu'un qui cherche à joindre les rangs de la réserve navale et qui possède un diplôme de MA. Je peux vous assurer que cette personne n'a pas été enrôlée en 30 jours; en fait, cela fait des mois que cela dure.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur vos observations concernant les correctifs que vous avez apportés à la situation du recrutement, qui a constitué une épine au pied pour tout le monde pendant longtemps?

Gén Hillier : Laissez-moi d'abord parler de la deuxième partie de votre question, concernant la personne que vous connaissez qui cherche à s'enrôler. Partout au pays, nous trouverons encore des histoires d'horreurs qui nous font frissonner de frustration au sujet de certaines choses qui ne fonctionnent comme nous le voudrions. Il y aura toujours de ces histoires. Peu importe ce que nous faisons à l'organisation et le degré de leadership et de transformations que nous apportons, ces situations surviendront toujours.

Nous constatons que lorsque vous creusez davantage, il y a presque toujours une raison qui explique le délai. Et la responsabilité n'incombe pas toujours au système de recrutement que nous avons dans les Forces canadiennes. Ce n'est pas une excuse. Moi-même, je suis frustré chaque fois que j'entends ces histoires. En fait, je m'assure d'avoir un certain nombre de ces histoires pour m'en servir comme levier pour la façon dont nous faisons nous-mêmes les choses.

Pour répondre à la première partie de votre question, nous essayons d'accroître l'effectif des Forces canadiennes de manière intelligente. Cela dépend à quel moment l'argent sera disponible — il est clair que nous n'allons pas recruter des hommes et des femmes tant et aussi longtemps que l'on n'aura pas augmenté notre budget pour les payer. Il s'agit d'un processus échelonné sur cinq ans qui nous amènera à un effectif total d'environ 70 000 militaires, et de là, nous passerons à 75 000.

Grâce à notre capacité de les recruter logiquement, pour ne pas nous retrouver avec un groupe nombreux de personnes qui ont toutes été recrutées en même temps, ce qui suppose qu'un grand nombre d'entre elles arriveraient à la fin de leur période d'enrôlement initiale en même temps et qu'elles auront toutes besoin d'être formées en même temps tout au long de leur carrière, nous pensons avoir une approche très logique fondée sur le bon sens qui nous permettra au cours des cinq prochaines années de porter l'effectif des Forces canadiennes à 70 000 militaires. Nous allons nous concentrer initialement sur les spécialités à faible densité et à demande élevée qui n'ont pas été réglées dans le passé, mais nous allons le faire avec les 2 000 premières recrues. Nous allons cibler des domaines précis comme les Techniciens Groupes électrogènes. Nous avons 124 spécialistes de ce type et nous prévoyons doubler ce code de groupe professionnel militaire, ou GPM, parce que nous dépendons d'eux pour commencer n'importe quelle mission, que ce soit au Canada ou à l'étranger. Nous allons les recruter au fur et à mesure que l'argent sera disponible. Nous avons aidé à planifier le budget de sorte que nous allons le faire de manière intelligente et ne pas détruire le système d'entraînement ou notre capacité de mener des opérations au pays, sur le continent et à l'échelle internationale. Plus particulièrement, nous n'allons pas détruire notre capacité de mener au moins une opération à grande échelle à l'extérieur du Canada, tout en participant potentiellement à une seconde opération au pays.

Nous sommes très heureux dans l'uniforme. Nous avons appris que la capacité d'absorber rapidement un grand nombre de recrues peut parfois avoir des répercussions inattendues. Nous en avons étudié autant que nous pouvions en prévoir et je pense que nous avons la bonne formule. Si vous demandez au chef d'état-major de la défense s'il est heureux du budget de recrutement et de notre capacité d'absorber les recrues de manière cohérente, je répondrai oui. Nous allons obtenir un produit qui respecte l'approche fondée sur le bon sens. Nous avons beaucoup de travail à faire.

Le sénateur Meighen : Général, vous avez fait allusion à la pénurie actuelle de Techniciens Groupes électrogènes et au processus visant à doubler leur nombre. Il y a d'autres professions à stress dans les forces qui ont besoin de mesures correctives importantes. Combien faudra-t-il de temps, à votre avis, avant que l'effectif dans ces professions à stress atteigne un niveau acceptable?

Gén Hillier : Un niveau acceptable est différent de ce que nous avions comme nos niveaux de dotation. Notre niveau de dotation principale, le NPD pour les TECH GE, auxquels j'ai fait allusion, est de 124 et c'est ce que nous avons. L'intention n'était pas de changer cela. Cependant, lorsque nous examinerons ce que nous faisons, 124, c'est loin d'être suffisant pour répondre à la demande, alors nous changeons cela. Nous utilisons l'intention du commandant pour savoir que nous avons besoin d'un nombre nettement plus élevé de personnes dans cette profession. Nous allons doubler ce GPM.

Il y a d'autres GPM à stress, dont certains se situent exactement à leur niveau, dont certains ont besoin d'une capacité accrue, comme les spécialités médicales, en particulier les médecins spécialistes. Ils sont peu nombreux à s'enrôler dans les Forces canadiennes et un grand nombre de ceux qui s'enrôlent servent pendant la durée de leur engagement initial et quittent. Les spécialités médicales sont importants pour nous et sont absolument déterminantes pour la conduite des opérations où que ce soit, en particulier les opérations de déploiement. Certaines spécialités de logistique, les techniciens en conduite de tir, la police militaire et, en particulier, les spécialistes du renseignement sont également des domaines où les niveaux doivent être accrus. La demande pour des services de renseignement a connu une montée en flèche depuis que nous nous sommes orientés vers ce que nous appelons des « opérations fondées sur le renseignement ». Nous avons besoin de spécialistes du renseignement qui sont formés et éduqués et qui ont la capacité de nous appuyer dans ces opérations. Il faudra cinq ans pour produire le nombre de spécialistes et les capacités que nous voulons. À plus court terme, en utilisant une diversité de méthodologies, nous serons en mesure d'accroître les capacités pour pouvoir offrir une deuxième ligne d'opération. Il ne s'agit pas d'une solution à court terme. Nous devons recruter, éduquer et former ces gens, ce qui prend du temps. Lorsque nous aurons les niveaux que nous voulons, cinq ans se seront écoulés.

Le sénateur Meighen : Une autre façon de résoudre le problème, c'est d'endiguer les départs de personnel. Allez-vous adopter des mesures pour encourager les gens à rester dans les forces, surtout à cette époque de déploiement constant et, peut-être, de fatigue de la part des hommes et des femmes qui sont allés à l'étranger un certain nombre de fois?

Gén Hillier : Nous avons mis sur pied de nombreuses initiatives pour garder les hommes et les femmes en uniforme dans la mesure où notre taux d'attrition est à un niveau acceptable. La chose la plus importante, c'est la fierté que les gens ressentent de porter l'uniforme. Les gens me parlent souvent d'accepter leur libération ou de prendre leur retraite pour entreprendre une nouvelle carrière, puis ensuite, ils décident de rester. Nous avons eu une cérémonie d'importance il y a quelques semaines au Musée canadien de la guerre au cours de laquelle 224 Canadiens et Canadiennes, jeunes pour la plupart, se sont enrôlés dans les Forces canadiennes. Certaines de ces personnes en étaient à un nouvel enrôlement dans les Forces canadiennes et étaient enthousiasmées par ce qu'elles ont vu et par ce qui se passait. Ces personnes voulaient revenir. L'une de ces personnes était un ancien pilote d'hélicoptère qui m'a dit : « Monsieur, je connais les hélicoptères et je sais que vous avez l'intention d'acquérir des hélicoptères de transport lourd. Je veux faire partie de cette solution. » Nous avons fait beaucoup de travail et nous sommes les plus compétitifs au pays, comparativement à n'importe quelle entreprise, institution ou société, pour ce qui est des salaires, des avantages sociaux et des avantages non payés, comme nos installations de conditionnement physique sur les bases, et pour ce qui du soutien à la famille, des occasions de voyager, de la possibilité de faire partie d'une famille unique et de faire partie de quelque chose de plus grand que soi.

Nous avons constaté que les jeunes Canadiens veulent faire cela et avoir la chance de servir leur pays. Nous n'en parlons beaucoup, mais nous l'entendons de la bouche des jeunes hommes et des jeunes femmes qui terminent l'école et qui se présentent dans nos centres de recrutement. Cela nous amène des gens à un rythme que nous n'avons pas vu au cours des dernières années, à un niveau avec lequel nous sommes à l'aise, et cela ramène au bercail des gens qui ont quitté les forces pendant un certain temps. Nous ne nous reposons pas sur nos lauriers; nous avons beaucoup à faire et beaucoup à apprendre pour changer chacun des éléments. Nous nous lançons à la recherche des personnes qui possèdent ces spécialités à faible densité et à demande élevée. Lorsqu'un nous apprenons que le sergent Meighen, qui est un tel spécialiste, veut se retirer après 21 ans de service, nous lui parlons afin de savoir pourquoi.

Le sénateur Meighen : Est-ce quelque chose de nouveau?

Gén Hillier : Oui, certainement. Nous le faisions à l'occasion dans le passé, mais maintenant, il s'agit d'une approche systématique.

Le sénateur Atkins : Avec l'arrivée des nouvelles recrues, avez-vous l'infrastructure nécessaire pour assurer leur formation de base et avancée sans délai ou difficultés?

Gén Hillier : Non, ce n'est pas du tout ce que je vous dis. Il y aura des difficultés importantes, mais nous allons les surmonter. La première chose que je vous dirai, ces effectifs que nos recrutons, les 5 000 premières recrues, serviront à combler les effectifs des unités existantes. L'infrastructure — les baraques, les quartiers généraux, les installations de maintenance, les véhicules et le matériel principal — est déjà en place pour ces unités. Ces recrues ne feront qu'occuper une place qui était vacante. Une fois que vous dépassez ce niveau, alors vous devez les équiper de manière importante.

Du côté de l'entraînement, nous procédons d'une manière nouvelle. L'entraînement de base et la formation sur les armes de combat se font dans différents établissements en utilisant les unités de campagne sur les bases partout au pays. Nous déplaçons les recrues rapidement sans délais d'attente importants, et dans la plupart des cas, rapidement après l'enrôlement, sans perte de temps, vers l'entraînement de base, l'entraînement d'infanterie, l'entraînement des blindés ou l'entraînement pour les services techniques, en utilisant ces capacités. Pour ce qui est des professions techniques, nous examinons comment nous pouvons utiliser le réseau de collèges du Canada, un vaste réseau d'éducation que nous n'avons que légèrement utilisé dans le passé, pour dispenser les connaissances et la formation techniques qu'il n'est pas nécessaire de dispenser nous-mêmes. Nous voulons capitaliser là-dessus en nous inspirant de l'expérience réussie de l'Université Memorial de Terre-Neuve, exactement comme l'a fait le College of the North Atlantic avec que la marine au cours des 3 à 5 dernières années. Près de 200 spécialistes du génie maritime ont été recrutés, ont eu leur entraînement de base et sont allés au College of the North Atlantic pendant deux ans où ils ont reçu toute la formation technique nécessaire pour faire le travail en génie maritime. Ils ont terminé avec une formation spécialisée pour la marine et ce processus a fonctionné de manière superbe. Nous voulons nous inspirer de ces expériences partout au pays et nous avons commencé à y travailler. Nous serons alors en mesure de former un plus grand nombre de recrues tout en ayant une demande réduite à l'interne et une demande budgétaire accrue pour le faire, de sorte que notre grande infrastructure civile pour l'éducation puisse profiter aux gens en uniforme.

Le sénateur Atkins : Qu'en est-il des instructeurs? On a donné au comité l'impression qu'il y avait beaucoup de va-et- vient, parce que vous êtes à court d'instructeurs pour assurer l'entraînement.

Gén Hillier : Il y a deux façons de répondre à cette question. Nous sommes toujours à court d'instructeurs. Nous avons toujours une pénurie de sous-officiers ou d'officiers pour diriger les compagnies, commander les navires, diriger les établissements d'entraînement ou former des personnes.

Premièrement, nous devons réduire nos attentes face à ce qu'un sergent ou un major est capable de faire. Après plusieurs décennies de stagnation au niveau des grades et des promotions, nous avons des sergents qui ont passé 15 à 20 ans dans les Forces canadiennes avant d'obtenir ce grade. Ils peuvent tout faire. Ce n'est pas ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin d'un sergent qui obtient ce grade après six ou huit ans dans les Forces canadiennes, à un moment où il arrive au sommet de la courbe du point de vue du conditionnement physique, de l'énergie, de l'imagination, de l'ambition et l'expérience. Nous devons examiner cette question à travers des lentilles différentes.

Nous devons également utiliser les gens que nous avons d'une manière plus efficace. Nous avons commencé à affecter plus de gens dans les établissements d'entraînement et à prendre plus de risques dans les unités opérationnelles en nous fiant sur la génération plus jeune. Au cours de la dernière année, nous avons utilisé plusieurs centaines de personnes pour amener ces établissements à un niveau où les demandes de tâches touchant les unités opérationnelles, qui arrachent les gens de leur foyer durant les périodes de pointe pour les activités familiales, comme durant l'été, sont réduites à un niveau gérable. Bien que nous ayons la capacité d'y arriver et que nous ayons commencé à le faire, ce travail n'est pas encore terminé.

Je le sais à partir de mon expérience personnelle et, de manière anecdotique, par les discussions que j'ai tous les jours avec des sous-officiers et des officiers dans les forces de l'air, de terre et de mer. Nous cherchons à atteindre le bon équilibre. Nous ne voulons pas surdoter les établissements d'entraînement aux dépens des unités de campagne. Nous ne voulons pas que certains d'entre eux soient inactifs pendant une partie de l'année parce que nous forçons la note du côté de l'entraînement pour d'autres raisons. Nous voulons rebâtir ces établissements d'entraînement après une décennie où on s'était employé à les démanteler, parce que nous n'avions pas de recrutement et très peu d'entraînement.

Je ne peux pas faire tout cela en un an, deux ans ou trois ans, mais nous avons déjà commencé le travail et nous avons fait des progrès substantiels.

Le sénateur Meighen : Je veux vous laisser avec une réflexion au sujet du recrutement, particulièrement en ce qui a trait à la Force de réserve. Il me semble que toute la structure de la Force de réserve est conçue pour les étudiants universitaires. Ces gens restent pendant trois ou quatre ans et partent. Le système ne semble pas conçu pour accueillir les gens qui sont sur le marché du travail, parce qu'il est difficile de prendre 12 semaines de congé si on n'a pas un employeur éclairé.

Je crois qu'il serait utile d'instaurer une plus grande souplesse dans le système de la réserve pour accueillir les gens qui ne viennent pas du milieu universitaire.

Le sénateur Campbell : En tant qu'officier du Duke of Connaught's Own Regiment de Colombie-Britannique, je peux confirmer qu'à ce niveau, il y a un sentiment de fierté et le sentiment qu'une page a été tournée. Du point de vue de la milice, le respect et la formation qu'ils reçoivent sont tellement différents de ce qu'ils étaient dans le passé. Vos observations sont vraies; il y a un nouveau sentiment.

J'ai demandé au ministre des Affaires étrangères si nous étions en guerre. Certaines personnes ont pensé que je posais la question pour embarrasser quelqu'un. Ce n'était certainement pas ce que je faisais.

Je vais vous poser la même question. Il y a une incertitude dans la communauté sur ce que nous faisons exactement. S'agit-il d'une mission de maintien de la paix ou sommes-nous en guerre? Il faut qu'une déclaration claire soit faite sur cette question.

Gén Hillier : En réponse à vos observations, les réserves et, en particulier, la milice, la réserve terrestre, ont mérité ce respect. Elles l'ont mérité en s'acquittant superbement des missions que nous leur avons confiées, d'une manière professionnelle et sans faute. Elles sont engagées au pays, sur le continent et à l'échelle internationale.

Les jeunes hommes et les jeunes femmes qui viennent de la Force de réserve ont rendu un service inestimable à leur pays. Ils ont mérité ce respect; nous ne leur avons pas donné gratuitement. Nous tenons à le dire parce que cela n'a pas toujours été perçu exactement de cette manière.

Nous ne sommes pas en guerre, mais ce terme n'a pas de signification dans l'environnement opérationnel contemporain. Nous sommes présents en Afghanistan pour appuyer la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, pour aider les Afghans à rebâtir leur vie et leur pays. Nous appuyons cette résolution avec 35 ou 37 autres pays qui ont envoyé des militaires pour réaliser cet objectif honorable.

Nous menons tout le spectre des opérations tous les jours. Nous aidons à garder les gens en vie en leur apportant des soins médicaux, en aidant les organismes non gouvernementaux et internationaux à dispenser ce genre de soins. Nous apportons des aliments et de l'eau propre dans des collectivités dont les habitants n'ont jamais vu d'eau propre de toute leur existence.

Nous faisons ces choses tout en aidant le gouverneur de Kandahar à bâtir une fonction publique pour cette province de manière que cette province puisse se gouverner efficacement pour améliorer la vie des habitants en augmentant la stabilité et la sécurité, peut-être même suffisamment pour que les jeunes filles puissent fréquenter l'école sans craindre que leurs professeurs soient assassinés pour leur avoir fait la classe.

Pendant que nous faisons ce travail humanitaire et cet effort de construction d'une nation, nous menons également des opérations complètes pour affronter les talibans, qui mettront un terme à tous ces progrès, pour les empêcher de neutraliser les efforts de la communauté internationale et du gouvernement afghan ainsi que les désirs des gens qui habitent dans cette partie du pays. Si cela signifie que nous devons les combattre, nous le ferons.

Certaines personnes refusent de se laisser convaincre par la logique, le débat ou la boîte de scrutin et persistent dans l'usage de la violence. Il faut alors employer la force. La population de l'Afghanistan ne possède à l'heure actuelle que quelques rares établissements ou organisations en mesure de faire cela par elles-mêmes et elle a besoin de notre aide à cet égard.

Non, nous ne sommes pas en guerre. Nous menons les opérations nécessaires pour aider un peuple qui a désespérément besoin d'aide dans le cadre d'une vaste opération internationale.

De plus, nous sommes là à leur invitation. J'ai rencontré des milliers d'Afghans. Nous sommes une petite lueur à l'autre extrémité d'un long tunnel sombre. Ils nous considèrent comme leur seul espoir et nous ne voulons pas les abandonner. Notre gouvernement a dit que nous ne le ferons pas.

Le sénateur Campbell : Quel est le résultat militaire souhaité?

Gén Hillier : Le résultat militaire souhaité, c'est que nous n'aurons plus besoin d'être là. Le but, c'est de bâtir une capacité au sein du gouvernement afghan, c'est-à-dire, construire une armée nationale afghane et des forces de police nationales afghanes à un niveau tel qu'elles puissent faire face à toute menace dirigée contre leur pays, d'origine interne ou externe, de sorte que chaque fois qu'une bombe explose à Kandahar ou à Kaboul, personne ne s'inquiète de voir tomber le gouvernement. Nous ne sommes pas encore rendus à ce niveau.

Il y a deux approches à cette situation. La première approche, c'est de les aider à recruter, à former, à l'équiper et à rendre professionnel chacun des bataillons de l'armée nationale afghane au fur et à mesure qu'ils sortent des centres de recrutement. Ils ont des problèmes de recrutement différents des nôtres, mais ils ont des défis à relever. Nous aidons à bâtir cette armée. Les États-Unis assument cette tâche et ont fait un travail phénoménal. Cependant, comme nous l'avons constaté nous-mêmes, le simple fait de transformer une force armée prend des années, alors imaginez ce qu'il faut pour construire une armée à partir de rien. Ils ont fait un travail remarquable, mais il reste beaucoup à faire.

À partir du mois d'août, un bataillon de l'armée nationale afghane sera déployé dans la ville de Kandahar, et nous travaillons directement avec ce dernier.

Vous bâtissez ces forces de sécurité de toutes les manières possibles. La Gendarmerie royale du Canada est présente elle aussi à Kandahar pour bâtir les forces policières de la même manière que nous le faisons. Au même moment, nous avons commencé à aider à réduire la menace. Si la menace est réduite, les talibans peuvent être neutralisés et, idéalement, être amenés à accepter l'idée que la boîte de scrutin est la meilleure façon de procéder, comme c'est arrivé la semaine dernière avec le mollah Ibrahim. Si vous réussissez à rallier un leader à votre cause, il est possible que vous puissiez en rallier d'autres avec lui. S'ils refusent de le faire, vous devez mener des actions directes pour vous assurer qu'ils ne peuvent pas arrêter le mouvement. Réduire la menace posée par les talibans et bâtir les forces de sécurité afghanes jusqu'à ce qu'elles atteignent le point de basculement.

La plupart des gens croient que le point de basculement logique surviendra dans deux à cinq ans. Toutefois, ce n'est pas le genre de choses que vous pouvez mesurer avec ce degré de précision.

Le sénateur Campbell : Ce sont là toutes mes questions. Merci d'y avoir répondu.

Gén Hillier : Je vous remercie de cette question et de l'occasion que vous m'avez donnée de monter sur une tribune.

Le président : Pour continuer dans la même veine, nous avons entendu l'ancien ambassadeur qui a dit qu'il pensait qu'il faudrait cinq générations et le général Leslie qui pense qu'il faudrait deux ans. Vous savez, vous avez un rang supérieur au général Leslie, mais ne voyez-vous pas cela dans le contexte d'une période de temps plus longue?

Gén Hillier : Je n'ai pas de contrôle sur l'ambassadeur, mais le général Leslie aura une nouvelle réponse demain.

Bâtir un pays, sénateur, prend beaucoup de temps. Je ne sais pas combien parmi les membres du comité se sont rendus en Afghanistan, mais vous êtes allés là-bas et vous savez ce que 25 ans de destruction et de brutalité ont fait à un pays qui, en fait, au début et au milieu des années 70, était un pays progressiste, certainement dans cette région, avec un gouvernement et une stabilité importantes et une infrastructure assez bien développée et un système d'éducation qui, sans être parfait, avaient au moins le mérite d'éduquer les garçons et les filles pour l'avenir. Après 25 ans de brutalité, les talibans ont tué 2 millions de personnes, chassé 8 millions de personnes de leur foyer, causé le déplacement à l'intérieur du pays de millions de personnes, détruit tous les éléments d'infrastructure imaginables, planté des mines à la grandeur du pays, dressé les frères les uns contre les autres, les familles les unes contre les autres et ignoré la communauté internationale d'une manière non équivoque et déstabilisé des parties de la frontière avec leurs voisins. Changer tout cela pour en arriver à une dynamique positive est un processus à long terme dans tous les sens du mot.

Il faut que tout se fasse en même temps, l'aspect sécurité se faisant un peu avant reste. À mon avis, c'est un objectif à court terme, de deux à cinq ans, et au lieu que ce soit nous qui assurons la sécurité et qu'ils nous aident, je dis cela bien que ce ne soit pas exactement le cas, ils pourront s'occuper de la sécurité et nous leur offrirons un soutien. Cela permettra de bâtir plus vite l'économie, des écoles, de construire des routes pour générer une activité économique dans le cadre d'un objectif à plus long terme.

Ce processus prendra du temps, je ne veux pas vous donnez l'impression que je ne le pense pas, mais il y a quelque objectifs à court terme, j'entends par là une échéance de deux à cinq ans, qui accéléreraient le processus.

Le président : Au sujet des objectifs à court terme, le comité souhaite vivement que la politique des 3-D — diplomatie, défense et développement — soit mise en œuvre. Selon les rapports que nous recevons, l'aspect de l'aide et du développement ne peut pas encore être mise en œuvre à Kandahar. Le niveau de sécurité n'est pas suffisant pour assurer la protection des gens qui travaillent dans la région.

Quand pensez-vous que le niveau de sécurité sera suffisant? Premièrement, pouvez-vous confirmer que le niveau sécurité insuffisant les empêche de fonctionner comme ils devraient? Deuxièmement, quand pensez-vous que le niveau de sécurité sera suffisant pour leur permettre de travailler correctement?

Gén Hillier : Premièrement, je peux confirmer le contraire de votre premier point. Nous fonctionnons, mais en considérant la défense, le développement et la diplomatie comme un concept. En ce qui nous concerne, une économie bâtie progressivement, du point de vue du gouvernement afghan, et une professionnalisation progressive de la police pour mener des opérations de sécurité sont inutiles sans un développement général simultané. Si nous ne montrons pas aux populations de l'Afghanistan, particulièrement celles du Sud, que tous ces changements amélioreront leur situation, nous ne verrons pas la fin des opérations de sécurité et, lorsque nous partirons, rien n'aura changé. Il faut développer le pays pendant la poursuite des opérations de sécurité et de défense. Au plan diplomatique, nous devons former le gouvernement du peuple de l'Afghanistan de Kaboul, le gouvernement national et les gouverneurs au niveau provincial de façon à ce qu'ils puissent bien gouverner leur province et la population.

Vous vous demandez pourquoi ne le font-ils pas. Premièrement, la fonction publique n'existe pas en Afghanistan. Les fonctionnaires sont soit morts soit exilés en Occident après vingt-cinq ans d'un régime brutal. Les Afghans essaient de construire en trois ou cinq ans ce que nous avons fait en cinquante ans — et je ne suis pas satisfait de certaines choses que nous avons acquises.

En théorie, la défense, développement et la diplomatie fonctionnent, bien dans certains cas, peut-être pas aussi bien dans d'autres cas. D'un point de vue canadien, nous avons un travail remarquable avec l'Agence canadienne de développement international (ACDI), le ministère des Affaires étrangères, la Gendarmerie royale du Canada quelquefois avec le Service correctionnel du Canada, qui apporte une certaine aide à l'ACDI, nos forces de sécurité et les Forces canadiennes sur le terrain pour assurer un niveau de sécurité suffisant permettant à un groupe de collectivités — je crois qu'elles sont sept ou huit — avoisinantes de Kandahar de profiter d'une initiative de confiance et de gouvernance du ministère des Affaires étrangères du Canada et l'ACDI afin de pouvoir administrer leur minuscule région et dire : « Nous voulons développer cette région et nous allons nous-mêmes l'administrer. » Et donc, si quelqu'un a l'intention de la détruire, d'abord, nous les affronterons, puis, nous serons à vos côtés pour vous dire ce qui s'est passé. Ce type d'initiatives est déjà bien amorcé au sud de l'Afghanistan.

Nous étions absents de ce pays durant ces dernières années et il nous a fallu du temps pour attraper le retard. Entre deux et quatre années de ce type de développement auraient pu se faire dans la région sud.

Il y a quelques points positifs. Oui, nous avons eu des choses négatives lorsque l'argent a été envoyé ailleurs en raison du manque de sécurité. D'autres pays nous ont approché, ont approché le Canada et nos missions — nous, l'ACDI et le ministère des Affaires étrangères — pour faire cause commune. Ils sont prêts à donner des millions de dollars à court terme pour creuser des puits dans les collectivités, on ne saurait assez souligné l'importance de l'eau propre pour une collectivité qui n'en a jamais eue, pour construire des routes, reconstruire et ouvrir des écoles et fournir les soins médicaux préventifs de base dans des endroits où il n'y en a jamais eu.

Il y a des points positifs. Est-ce suffisant? Pas dut tout. Cependant, il y a d'importants points positifs et au fur et à mesure nos partenaires canadiens et nous en apprenons plus sur le concept des 3-D.

Le président : Je suis encouragé de vous l'entendre dire, mais le comité ne considère pas que les réponses fournies par l'ACDI soient satisfaisantes. Les chiffres présentés par l'ACDI sont bas. Nous avons l'impression que le niveau de sécurité doit s'améliorer avant qu'ils puissent faire des progrès dans la voie du développement pour lequel ils sont financés.

Nous sommes préoccupés, car si nous ne constatons pas de développement, les troupes seront perçues comme des occupants et non comme des libérateurs.

Gén Hillier : Nous avons connu une situation où il n'y avait pas de développement. À notre arrivée l'année dernière dans la région sud, nous avons commencé à constater les résultats depuis le 9 septembre et les résultats des premières actions menées contre les talibans. Nous avons vu qu'il avait un peu de vide. Nous sommes en train d'y remédier. J'ai des faits et des chiffres sur le bout des lèvres, mais je n'ai pas les dépenses annuelles de l'ACDI. Environ 100 millions de dollars ont été affectés annuellement. Cependant, ce montant est un pourcentage relativement petit de ce qui sera nécessaire pour aider à reconstruire des provinces du sud.

Dans le cadre du concept des 3-D, nous œuvrons pour soutenir toutes organisations internationales et non- gouvernementales dans le sud qui disposent de beaucoup d'argent comme l'USAID, l'Agence américaine pour le développement international. Nos relations de travail sont excellentes. L'USAID a un représentant permanent au sein de notre équipe de reconstruction provinciale; il est chargé de répartir les fonds pour les divers projets. L'U.K. DFIT travaille avec nous dans le sud. Nous collaborons avec divers pays et diverses organisations internationales qui accordent des fonds considérables pour le développement.

Au cours des dernières semaines, vous avez peut-être entendu parler de l'opération Mountain Thrust qui a été lancée. Nous avons assisté pour la première fois à une incroyable collaboration de la part de plusieurs personnes, mais surtout du brigadier général David Fraser et du lieutenant colonel Ian Hope qui nous représentent dans le sud et qui sont au commandement, nous avons menés des opérations conjointes nécessaires pour affronter les talibans et aider les unités et les soldats de l'armée nationale afghane dans ces opérations et leur police dans des actions contre les talibans. Pour la première fois, nous les avons liés à un énorme processus d'élaboration qui nous suit dans ces régions. Pendant que nous menons ces actions directes contre les talibans, avec nos partenaires afghans et en leur apportant notre soutien, des puits creusaient, des routes sont construites et des écoles sont reconstruites et ouvertes. Cette situation se normalise. Des sommes importantes sont consacrées à ce type d'effort pendant cette courte période.

Il y a quelques points positifs. La situation n'est pas parfaite et comporte de gros risques, car dans son ensemble l'opération est complexe et dangereuse.

Le sénateur Banks : Je suis heureux d'entendre que l'armée nationale afghane sera chargée de la sécurité dans deux ou trois ans, car nous projetons d'aller en Afghanistan au mois de septembre et nous préférerions être protégés par vous plutôt que par d'autres groupes, sans vouloir leur manquer de respect.

Gén Hillier : L'armée nationale afghane a un problème de recrutement. Vous serez vraiment bien accueillis là-bas si vous restez à l'extérieur des barbelés.

Le sénateur Banks : Vous avez mentionné avant, et aussi cette fois-ci, la transformation des Forces canadiennes. Vous y avez déjà fait allusion d'une certaine façon. Pourriez-vous dire comment vous avez réussi à changer les Forces canadiennes, de quelle façon ces changements amélioreront l'efficacité des forces et comment les citoyens canadiens en profiteront?

Gén Hillier : L'année dernière, nous avons utilisé les principes de transformation du CEMD pour guider les hommes et les femmes qui portent l'uniforme dans le processus de transformation des Forces canadiennes. L'utilisation de ces principes comme guide a connu un certain succès dans certains endroits et pas trop dans d'autres.

Le premier principe vise à mettre l'accent sur les Forces canadiennes. La fierté d'être un marin, un aviateur ou un soldat, mais pas au point d'être stupide pour que les soldats de l'armée de terre en viennent à considérer les marins comme des ennemis pires que les talibans. Il y a eu beaucoup de différents par le passé. Nous avons cherché le meilleur moyen de travailler ensemble en vue d'obtenir le plus de l'investissement effectué pour une mission et de donner une plus grand visibilité et un meilleur profil au Canada. Les hommes et les femmes qui portent l'uniforme s'y sont engagés.

Quand j'étais en Afghanistan en mars, j'ai passé environ 24 heures avec le peloton de Gumbad. Ce fort de terre digne du film « Beau geste » est situé dans les montagnes où il fait 45 degrés le jour, et on croirait qu'il fait moins 45 degrés la nuit, même si ce n'est pas le cas. Je me suis assis près d'un muret avec un groupe de jeunes soldats. D'abord, ils ont commencé par se plaindre, ce qui est l'apanage de tous les soldats, marins et aviateurs. L'un deux me dirait : « Monsieur, je n'ai jamais porté d'aussi mauvaises bottes ». Un autre dirait : « Monsieur, je n'ai jamais porté de si bonnes bottes ». Ainsi, j'ai entendu le pour et le contre.

Quatre de ces jeunes soldats âgés d'environ 20 ans m'ont dit chacun de leur côté : « Monsieur, vous devez nous diriger dans la bonne voie ». Nous voulons être d'abord des Canadiens, porter la feuille d'érable et travailler ensemble pour obtenir les meilleurs résultats. Ils m'ont dit : « Comment allez-vous être sûr que cela continuera quand vous ne serez plus le chef d'état-major de la Défense? » Je me suis dit que si le plus jeune soldat des Forces canadiennes me posait cette question en plein théâtre d'opérations au pays des talibans, nous étions sur la bonne voie. Cette réflexion vaut à elle seule son pesant d'or. Nous en avons vus les résultats pendant Katrina, quand durant une fin de semaine, la marine, la Force aérienne et l'armée ont été sous le même commandement sans qu'il y ait de problème. Nous avons mobilisé 1 200 hommes et femmes avec des moyens énormes et les avons envoyés dans une zone de tempête tropicale pour secourir et aider des amis et des alliés qui avaient désespérément besoin d'aide.

L'armée est commandée depuis le centre. En juillet dernier, j'ai déclaré que nous n'étions pas des fonctionnaires en uniforme. J'ai utilisé des mots tels que fripouilles, crapules et peut-être d'autres mots. Un grand nombre d'entre nous qui portons l'uniforme jugent que l'objectif premier de la mission s'est estompé peu à peu. Une grande partie de ce qui importait en ce qui concerne les Forces canadiennes et une grande partie de ce que nous faisions chaque jour ne pouvaient pas être reliés directement à notre raison d'être qui est de mener avec succès des opérations au nom du Canada.

Nous avons établi une structure de commandement axée sur le Canada et qui a infiniment accru notre capacité d'intervention dans le cas où des citoyens canadiens auraient besoin d'une aide que seules les Forces canadiennes peuvent apporter. Nous pouvons intervenir efficacement et avec les moyens nécessaires. Nous ne disposons pas encore de tous les moyens, mais nous sommes sur la bonne voie.

Nous avons mis en place le commandement international qui a permis d'apporter à la mission d'Afghanistan, mais aussi à d'autres petites missions, un commandement efficace, une amélioration des environnements dans lesquels nous travaillons et ce de plusieurs façons et grâce à des développements variés. Cela nous ramène aux propos du sénateur Kenny sur les 3-D. Nous avons aujourd'hui, contrairement au passé, toute une équipe gouvernementale en soutien à cette mission. Nous pouvons maintenant sélectionner les contingents qui participeront à cette mission. Nous essayons d'organiser cela est de déterminer les moyens que nous voulons avoir là-bas.

Nous avons utilisé le quartier général et cette orientation opérationnelle pour fournir une valeur de près d'un tiers d'un milliard de dollars, peut-être plus, en matériel aux hommes et aux femmes qui participent à cette mission très risquée en Afghanistan. Je ne crois pas que nous y serions arrivés si nous n'avions pas accordé la priorité aux opérations.

J'ai parlé du commandement depuis le centre. J'avais déclaré ici même que j'étais un chef d'état-major de la défense exigeant. Je veux pouvoir expliquer nos objectifs à tous les niveaux subalternes. Il ne s'agit pas de la façon de les réaliser. Nous avons, au cours des ans, fait de gros investissements au plan de la sélection, de la formation et de l'entraînement de ces jeunes gens, je veux en voir les bénéfices. Nous avons commencé à voir des résultats dans l'ensemble des Forces canadiennes.

Je pourrais parler pendant deux heures de nos réalisations, mais j'ajouterais qu'ils ne constituent que la partie émergée de l'iceberg.

Le sénateur Banks : Quand vous en avez parlé pour la première fois aujourd'hui, vous avez comparé l'aspect actuel du commandement intégré des Forces — par exemple, la collaboration entre l'armée et la marine — avec le fait, qu'avant cela, notre Force aérienne pouvait mieux collaborer avec la Royal Air Force, la U.S. Air Force et c'est tout aussi vrai pour la marine. Cependant, cette interopérabilité des forces de l'Alliance demeure importante. Est-ce qu'une partie de l'intégration s'est faite aux dépens de l'interopérabilité?

Gén Hillier : Pas du tout. Nous avons donné nouvelle orientation aux pays dont les valeurs, les intérêts et les armées sont similaires, du moins au niveau de la gestion, et nous avons dit : « Voici comment nous voulons concentrer nos efforts. »

Par exemple, nous développons une coopération militaire importante avec un pays avec lequel nous n'en avions pas. Il s'agit des Pays-Bas. En tant que commandant de division en Bosnie, j'ai eu la chance de commander des unités de combat, des officiers et des soldats néerlandais. J'ai été remplacé par un commandant de division néerlandais et il a eu des Canadiens sous son commandement. Nous avions commencé à faire cela, mais aujourd'hui notre collaboration avec l'armée des Pays-Bas en Afghanistan est plus étroite.

Le sénateur Banks : Suivons-nous les mêmes règles d'engagement, pour pouvoir collaborer?

Gén Hillier : Oui. Nous pourrons travailler ensemble. Toutes nos règles d'engagement ont été élaborées par l'OTAN. Comme vous le savez, l'une des raisons pour laquelle nous sommes là-bas cette année est de préparer le terrain pour l'OTAN.

Nous développons une coopération avec l'armée néerlandaise afin que les deux pays puissent être efficaces dans les endroits où nous déciderons d'intervenir ensemble ou peut-être même organiser les zones où nous pouvons travailler ensemble plus efficacement et obtenir les résultats escomptés quand nous serons sur place.

Le chef de l'état-major de la défense des Pays-Bas était ici il y a deux semaines. Il a passé deux jours avec nous. Nous lui avons fait part des leçons que nous avons tirées de nos opérations, de notre transformation et de l'entraînement pour l'Afghanistan. Il est allé à Petawawa assister à l'entraînement et à la préparation du prochain contingent qui sera envoyé et en revenus plein d'admiration. Il va envoyer une équipe de reconnaissance dans notre pays pour apprendre quelque chose de nos expériences. Il a proposé des choses que nous pourrions faire ensemble pour accroître notre efficacité et peut-être mieux protéger la vie de nos soldats en Afghanistan.

Elle ne se fait pas aux dépens de l'interopérabilité. Nous devons nous concentrer sur les armées et les pays avec lesquels nous avons des chances de travailler avec beaucoup de restrictions.

Le sénateur Banks : Quand est-ce que l'OTAN prendra le contrôle? Cela marquera-t-il la fin de l'opération américaine Enduring Freedom? Serait-ce aussi la fin du service des Forces canadiennes sous d'autres commandements que ceux de l'OTAN?

Gén Hillier : L'OTAN a dit qu'elle entamera la troisième phase, c'est-à-dire la prise de contrôle des cinq provinces du sud de l'Afghanistan où nous travaillons cet été. Nous nous attendons à ce que l'OTAN prenne le contrôle des provinces du Sud le 31 août de cette année, du moins à la fin de l'été.

Je sais que le Commandant Suprême des Forces alliées en Europe qui est chargé de dire au Conseil de l'Atlantique Nord que toutes les conditions ont été réunies pour cela, était à Kandahar la semaine dernière et a rendu visite au brigadier-général Fraser et au lieutenant-colonel Hope qui ont décrit en détail les conditions et la situation actuelles en Afghanistan. Le Commandant Suprême est en train d'en faire l'évaluation.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, au départ l'une des raisons de notre participation à cette mission était d'aider l'OTAN, dont nous sommes l'un des pays membres fondateurs, à réunir les conditions pour atteindre ses objectifs. Nous croyons que cela se concrétisera cet été.

Il reste une partie du pays que l'OTAN appelle « la phase quatre », il s'agit de la région est de l'Afghanistan, Jalalabad, qui s'étend à la province de Nangarhar et aux frontières avec le Pakistan et qui fera encore partie à la fin de l'été de l'opération Enduring Freedom. Nous continuerons cela, l'objectif du quartier général de l'OTAN est que le commandant britannique de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) commandera les phases un, deux et trois de la FIAS. Un major-général américain qui commande les troupes dans l'est sera son adjoint. Un Américain qui est aussi attaché aux forces dans l'est commandera les opérations au niveau de l'OTAN.

La question est de savoir dans combien de temps l'OTAN entamera la phase quatre. Nous pensons qu'il est fort possible que ce soit fait rapidement. Nous ne voulons pas une frontière artificielle. Nous voulons nous assurer que les forces américaines qui resteront en Afghanistan soient un catalyseur, afin que les véhicules aériens télépilotés et d'autres équipements puissent être utilisés par toutes les forces de l'OTAN, pas seulement dans la partie est. Il est beaucoup plus simple que l'opération couvre l'ensemble du pays.

Puis, l'opération Enduring Freedom se poursuivra sous un mandat très différent, car ils se battront, je crois, contre les terroristes notoires qui opèrent ou essaient d'opérer dans le monde entier alors que l'OTAN lutte contre une insurrection et aide le gouvernement à contrôler son propre territoire contre des éléments de la population qui s'opposent à ce contrôle. Je crois que l'opération Enduring Freedom se poursuivra, surtout au niveau de l'entraînement et de la création de l'armée nationale afghane. Nous continuerons à avoir du personnel dans l'opération Enduring Freedom, y compris des équipes de formation. Cette équipe, par exemple, se compose actuellement de 15 hommes — je les ai tous rencontrés — il n'y a pas de femme. Ils dirigent le centre national d'entraînement de l'armée nationale afghane et tous les bataillons qu'ils ont entraînés au moyen d'un processus d'entraînement et d'évaluation de trois semaines, ils ont donc l'occasion de faire passer à ces bataillons leur caractéristiques de militaires canadiens professionnels. C'est toute une expérience pour eux et en plus ils ont une grande influence. J'ai eu l'occasion de leur parler et je leur ai dit : « Si vous croyez que votre mission n'est pas importante, sachez que ce dont nous avons besoin le plus, ce sont des bataillons bien entraînés et qui seront efficaces dans la région sud de l'Afghanistan. Le mieux vous faites votre travail, plus facile sera le travail des soldats, donc votre mission a une importance primordiale. » Des gens comme eux continueront à participer à l'opération Enduring Freedom.

Le sénateur Day : Pouvez-vous nous dire où en est la phase deux? Je suppose que Kaboul est la phase un.

Gén Hillier : Non, ce n'est pas Kaboul. J'imagine que Kaboul est la phase zéro. Je ne crois pas qu'il n'y ait jamais eu de phase pour Kaboul.

L'OTAN a eu toutes sortes de discussions difficiles avant de décider d'élargir la mission à l'extérieur de Kaboul. La phase un couvrait la partie nord-est du pays, c'est-à-dire Kondoz, Baghlan et du côté de Badakhshan. Cette phase a été terminée le 15 décembre 2003. Je sais que le général Leslie occupait encore le poste de commandant adjoint. Lorsque j'ai pris le commandement le 9 février 2004, la phase un était sous mon commandement.

Ils ont entamé la face cet été alors que j'étais commandant. Nous nous sommes arrangés pour que ce soit le 1er juillet, la fête du Canada. Nous avons pris le contrôle de la phase deux, soit le centre et le nord-ouest du pays, une région qui s'étend de Mazar-e Sharif jusqu'en Iran.

La phase trois couvrait les cinq provinces au sud et, finalement, la phase quatre couvre la région est de Jalalabad à la province de Nangarhar. L'OTAN a pris aujourd'hui le contrôle de deux phases plus Kaboul et, à la fin de l'été, elle entamera la phase trois. Nous croyons que cela aura lieu.

Le sénateur Day : En ce qui concerne les deux à quatre ou cinq années de notre présence en Afghanistan sous le couvert de l'OTAN et de l'ONU, le comité comprend qu'il faut plusieurs années pour obtenir des résultats. Nous avons travaillé au cours des cinq dernières années pour que les choses progressent pour les Forces canadiennes. Nous étions très heureux en 2005 quand l'énoncé de la politique de défense a été fait. Cela nous a satisfaits et nous avons été encore plus satisfaits du travail que vous avez fait depuis dans le cadre de la transformation.

Vous avez beaucoup parlé de la transformation et de ce qui s'est passé depuis. L'un de vos commentaires portait sur le travail que vous avez dû faire, les ajustements — j'ai oublié le mot exact que vous avez utilisé pour le changement de gouvernement. Deux autres termes ont apparu depuis le changement de gouvernement. L'expression « le Canada d'abord » est un de ces termes que l'on entend souvent. L'autre, d'après ce que nous croyons comprendre, est un nouveau plan de capacité défensive en cours d'élaboration.

Pouvez-vous dire quelles seront les répercussions de ces deux points, « le Canada d'abord » et le plan de capacité défensive en cours, sur la planification en général, sur la transformation et sur l'énoncé de la politique de défense qui selon vous est à l'origine de votre transformation?

Gén Hillier : L'expression « le Canada d'abord » apparaissait depuis quelque temps sur les uniformes, mais pas comme slogan politique. Je crois que l'on a justement dit que je ne suis pas un politicien.

Nous utilisons l'expression « le Canada d'abord » pour mettre l'accent sur les FC plutôt que sur l'armée/la marine, pour souligner le fait que nous sommes des Canadiens en uniforme et tout ce que nous faisons vise à aider notre pays et les 33 millions de Canadiens et Canadiennes qui y vivent à avoir la meilleure vie possible, le meilleur pays possible et la meilleure société possible ce qui, à notre avis, est actuellement le cas. Nous avons utilisé l'expression « le Canada d'abord » de ce point de vue patriotique.

Nous croyons que cela découle naturellement de l'utilisation que fait le gouvernement de cette expression. De notre point de vue, « le Canada d'abord » vise notre responsabilité à protéger les citoyens canadiens, à défendre les intérêts canadiens, à protéger les valeurs du Canada. Je crois que cela veut dire aussi que l'on ne peut pas se défendre seulement dans notre pays. Il faut se déployer à l'étranger, et instaurer la stabilité dans les pays instables; sinon, cette instabilité finira par arriver au Canada. La politique du « Canada d'abord » a une dimension internationale.

Elle a une dimension continentale du fait que nous faisons partie d'un énorme continent; cette dimension a été démontrée le 12 mai avec le récent renouvellement de l'accord du NORAD. En fait, il y a un léger élargissement de cet accord qui dit que nous allons nous engager peut-être plus qu'avant dans le continent. Cependant, il a aussi fallu mettre en évidence la protection des Canadiens dans leurs lieux de résidence et de travail au pays. Nous estimons qu'il y a ici une synergie incroyable, car nous avons déjà assumé certains de ces rôles, la raison de considérer le Canada comme un théâtre d'opérations, l'établissement de Commandement Canada, la répartition de notre système de commande et de contrôle à chaque quartier général régional, le fait de montrer que nous avions l'autorité pour utiliser toutes nos ressources, puis de développer les capacités afin d'intervenir efficacement. Tout cela entre dans le même cadre.

Notre gouvernement a pris d'importantes initiatives, certaines visent des affaires intérieures. Qu'il s'agisse de l'amélioration de la capacité d'intervention de nos réserves à l'intérieur de nos frontières, nous nous engageons pleinement pour que ce soit fait de plusieurs façons, ou qu'il s'agisse de travailler avec notre ministre pour qu'il y ait une incidence réelle sur la vie des Canadiens au pays et en même temps soutenir cet effort international et remplir notre mission en Afghanistan; mission que nous menons à bien selon les engagements que nous avons pris. Je pense sincèrement que l'approche « le Canada d'abord » fonctionne à merveille.

En ce qui concerne l'élaboration du plan de capacité défensive, vous vous souviendrez d'une phrase de l'énoncé de la politique de la défense déclarant que nous fournirons un plan de capacité défensive qui tiendra compte de ce document plutôt stratégique et que nous expliquerons la façon dont nous ne le mettrons en œuvre — autrement dit, ce dont nous aurons besoin au niveau de la structure de commandement et de contrôle, de l'infrastructure, de l'entraînement, de l'équipement, de l'augmentation des effectifs et du nombre de soldats.

Nous avions commencé immédiatement ce travail à l'époque alors que nous étions encore en train de collaborer avec le gouvernement du Canada pour développer la stratégie de la politique de la défense.

Nous étions très avancés, mais nous avons dû nous arrêter en raison du changement de gouvernement. Donc, nous devions déterminer la façon d'incorporer la nouvelle orientation du gouvernement en matière d'initiatives et de stratégies en fonction des directives qu'il nous a données. Cela nous a occupés ces derniers mois. J'espère pouvoir présenter au ministre avant l'automne un plan de capacité défensive élaborée qui indiquera la façon dont nous transformerons les Forces canadiennes et ce qui sera nécessaire au niveau du commandement, du contrôle, de l'infrastructure, de l'équipement, de la formation, de l'entraînement et des effectifs pour atteindre l'objectif « le Canada d'abord » tel que nous le concevons.

Le sénateur Day : Dois-je comprendre qu'il s'agit essentiellement d'un exercice des Forces canadiennes plutôt que d'un document politique du ministère?

Gén Hillier : Nous avons une équipe qui fonctionne bien, en commençant par le ce ministre avec lequel j'entretiens d'excellente relations depuis 18 mois. Nous avons travaillé ensemble sur cette question, car les Forces canadiennes ne peuvent pas la régler seules. Nous pouvons parler des capacités militaires, mais il faut que le ministère participe entièrement pour réunir les éléments nécessaires à l'essor des capacités. Nous procédons ainsi pour s'assurer que le ministère puisse accomplir sa tâche et nous lui apportons aide et soutien dans la mesure du possible. Le sous-ministre et moi irons de l'avant.

Le sénateur Moore : Je veux revenir sur la question posée par le sénateur Day. En comparant le nouveau plan de capacité défensive à celui sur lequel vous travaillez, je pense que des choix difficiles devront être faits. Le gouvernement est revenu sur la proposition des brise-glaces armés et, il me semble, sur le projet du port en eau profonde à Iqaluit. Serez-vous obligé de réduire vos projets de développement des Forces canadiennes? Vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, que le ravitaillement par terre et par mer était le pivot de toutes les actions des Forces. Je m'inquiète que ce nouveau plan de capacité défensive ait un effet sur vos préférences et qu'il faudra peut-être réduire vos projets.

Gén Hillier : Quel que soit le plan de capacité défensive, la réalité exige que nous tenions compte d'un grand nombre de demandes importantes au regard d'un investissement considérable, mais qui ne suffira jamais. Même si nous incluant cette notion dans le plan de capacité défensive, cette réalité sera toujours là.

Nous avons tous sous-estimés les répercussions qu'a eu le laisser-aller de ces 15 dernières années sur les Forces canadiennes. Nos prévisions ne portent pas sur cinq années; cela n'entre pas dans notre mandat du point de vue stratégique des Forces canadiennes. Nos prévisions portent sur les 10 à 25 prochaines années. L'investissement nécessaire pour assurer que les Forces canadiennes répondent aux demandes des citoyens canadiens dans 15 à 25 ans sera important.

Je ne peux pas vous dire ce que sera cette dynamique. Je n'essaie pas d'éviter de répondre à la question. Nous n'avons simplement pas ce genre de détails pour l'instant. C'est certain, nous allons devoir prendre des décisions difficiles et présenter des options difficiles à nos dirigeants politiques au gouvernement du Canada. Il s'agit toujours de savoir si nous pouvons réduire nos capacités, ce que nous ne pouvons pas faire. Vous pouvez peut-être demander ce que sera la probabilité d'utilisation et, si on vous répond qu'elle est faible, vous demanderez ce que sera le risque s'il n'y a pas de capacités. Si le risque est très bas, il est peut-être possible de déterminer des capacités que l'on veut réduire.

Nous dépendons toujours du comité pour les propositions de versement de fonds. Pouvons-nous assurer un équilibre entre les deux? Il y a toujours une troisième option. Il faudra faire des coupures et transférer le personnel de métiers spécialisés à faible demande à des métiers spécialisés à forte demande et acheminer les fonds en conséquence. Nous y travaillons. Je serais en mesure de vous donner des réponses précises avant l'automne. Est-ce que l'investissement nécessaire sera important? Selon les travaux du comité, l'investissement sera considérable.

Le sénateur Moore : Le mandat du NORAD a été élargi à la marine. Étant originaire de la Nouvelle-Écosse, tout ce qui touche la côte est m'intéresse. Pensez-vous que les sous-marins de classe Victoria vont être mis au rancart? Est-ce que certains destroyers de classe tribale vont être mis hors service? Y aura-t-il des répercussions sur la flotte des patrouilleurs Aurora?

Gén Hillier : Je réponds oui aux trois questions. Le tout est de savoir quand. Les navires de classe tribale auraient dû être remplacés depuis longtemps. Tôt ou tard, ils ne seront plus efficaces. Je n'ai pas encore des détails à ce sujet. Nous n'avons pas encore étudié ces options. Nous sommes en train de déterminer les options que nous pourrions offrir en échange. Les patrouilleurs Aurora seront éventuellement mis hors service. La question est de savoir si ce sera l'année prochaine ou dans 20 ans.

Le sénateur Moore : Je crois comprendre que cela fait partie d'un remplacement progressif de l'équipement. Je me demande quel sera l'effet de ce plan et des coupures que vous pourriez faire.

Gén Hillier : Je ne ferai pas les coupures. Cela n'entre pas dans le cadre de mon mandat ou de mes responsabilités. Ma responsabilité est de donner des informations sur nos capacités, ce qui est nécessaire pour remplir les missions dont nous charge le gouvernement du Canada et les options pour réduire l'écart. Le gouvernement peut ensuite prendre des décisions importantes. Comme je l'ai mentionné, nous n'y sommes pas encore et je n'essaierai pas de répondre à cette question.

[Français]

Le sénateur Nolin : Général Hillier, vos bons mots à l'égard du sénateur Forrestall m'ont beaucoup touché. Je vous en remercie.

Premièrement, je voudrais vous relancer sur la question que mon collègue, le sénateur Banks, vous a posée à propos de l'interopérabilité internationale. Vous savez qu'à la fin du mois de novembre prochain, les chefs d'État de l'Alliance atlantique se réuniront à Riga, et que le thème majeur de cette rencontre sera la transformation de l'OTAN. Il n'y a pas de doute que l'interopérabilité sera au coeur de ces discussions.

En tant que chef d'état-major des Forces armées canadiennes, à quoi vous attendez-vous de cette réunion des chefs d'État des 26 nations qui composent l'Atlantique Nord? J'aurais pu vous demander ce que vous avez recommandé au premier ministre de dire, mais je préfère vous poser la question directement. Alors qu'attendez-vous de cette réunion? C'est une primeur.

[Traduction]

Gén Hillier : En tant que chef de l'état-major de la Défense et en tant que militaire représentant les soldats, les marins, les aviateurs et les aviatrices du Canada, j'aimerais voir au sommet un engagement de l'OTAN pour une transformation réelle et radicale. Le secrétaire général de l'OTAN qui était en visite la semaine dernière est frustré — c'est du moins mon sentiment — par son incapacité à faire avancer les choses rapidement, assez loin et pas toujours dans la bonne direction. Nous constatons qu'il y a un trop grand héritage de la guerre froide au sein de l'institution et une incapacité d'adaptation réelle pour être efficace dans le genre d'environnement opérationnel que nous transformons pour s'y rendre.

Je n'ai pas dit au premier ministre ce que j'aimerais voir aboutir du sommet qui est encore loin. Le quartier général de l'OTAN et le ministère des Affaires étrangères cherchent encore une manière de procéder à ce sommet. J'aimerais que les 26 pays s'engagent à transformer réellement la structure de commandement, les capacités nécessaires dans les théâtres d'opérations où l'OTAN s'est engagée. L'OTAN a dit que l'opération en Afghanistan est sa première priorité et c'est évident. Les capacités pour remplir cette mission n'existent peut-être pas toutes au sein de l'Alliance de la façon dont on devrait s'y attendre. Il serait important que se dégage du sommet un vrai engagement pour la transformation. Nous voudrions une réaffirmation du soutien des 26 pays aux efforts du secrétaire général et qu'aucun pays ne se rétracte à la fin, car cela empêcherait un consensus et signifierait la fermeture d'un quartier général qui est redondant mais qui se trouve être dans ce pays, cela causerait la perte de quelques emplois.

J'ai été très critique de l'OTAN tout comme j'ai été très critique de nos propres organisations, de moi-même pour mon incapacité à mener à bien certaines choses. Cependant, je crois que nous avons plus besoin de cette institution que n'importe lequel des 26 pays membres. Si l'organisation ne donne pas les résultats escomptés, nous devons nous efforcer qu'elle le fasse.

J'ai mentionné cela quand le ministre et moi avons rencontré le secrétaire général la semaine dernière. Ce fut l'occasion de réaffirmer que pour nous, c'est vers cette organisation que nous nous dirigeons pour la conduite des affaires internationales. Nous devons œuvrer pour la renforcer et l'aider à se transformer. C'est le sens des efforts, similaires sinon supérieurs aux autres pays, que nous avons fournis ces dernières années.

[Français]

Le sénateur Nolin : Une deuxième question qui a trait à notre mission en Afghanistan. Votre enthousiasme est contagieux et les gens qui travaillent sous vos ordres ont définitivement reçu cette injection d'excitation.

Par contre, certains de mes collègues ont voyagés dans des bases canadiennes et on ne peut pas ne pas penser aux parents, aux familles de nos soldats, qui eux, sont plus ou moins excités par la mission. Ils sont plutôt craintifs. Qu'avez-vous à dire à ces parents qui ne peuvent pas ne pas être au centre de vos préoccupations. Vous embauchez leurs enfants, leurs femmes, leurs frères, leurs sœurs. Il serait important de vous servir de nous pour leur envoyer un message, essayer de leur transmettre cette sympathie et cette excitation que vous réussissez à transmettre à vos soldats.

Gén. Hillier : On pense toujours aux familles et c'est le changement le plus fondamental dans les Forces canadiennes. Nous y pensons toujours ici au Canada et pendant les opérations à l'étranger. On pense toujours à l'appui aux familles pendant nos missions à travers le monde.

[Traduction]

Le commandant à Petawawa a dit que les soldats étaient emballés et que leurs familles étaient terrifiées. Je comprends le sentiment de ces familles. C'est tout à fait normal et prévisible. Elles doivent comprendre qu'elles ne sont pas seules dans cette situation, même si certaines de ces familles croient qu'elles le sont. Elles craignent peut-être de le dire.

Des 37 contingents militaires, provenant de 37 pays, qui sont en Afghanistan, nos jeunes hommes et femmes sont les mieux entraînés, ils ont la meilleure structure, le meilleur commandement et le meilleur et équipement pour remplir la mission qui leur a été assignée. Notre contingent fait l'envie des forces des autres pays opérant dans la partie sud de l'Afghanistan.

Nous avons les meilleures bottes, le meilleur uniforme de combat — je n'en ai jamais porté de plus confortable — les meilleures genouillères pour protèger les genoux contre les rochers coupants et une radio individuelle permettant aux soldats de communiquer entre eux, ce qui est très important. Quand il fait nuit et qu'il y a un incident, il est plus important de localiser ses amis que ses ennemis.

Nous avons les meilleures lunettes anti-éclats qui ont déjà sauvé les yeux de plusieurs soldats. Notre casque Kelvar est le meilleur au monde. Notre gilet pare-éclats et le meilleur que la technologie peut offrir. Nous avons un système d'hydratation appelé Camelback. Les soldats peuvent transporter l'eau sur leur dos et boire sans que cela les empêche de faire autre chose.

Les soldats ont tous des lunettes de vision nocturne et leurs armes sont dotées de viseurs de nuit. Nos véhicules LAV3 sont les meilleurs au monde. Ils ont sauvé des vies et nous ont permis de remplir nos missions avec succès.

Nos soldats, qui vont dans des zones très dangereuses, ont les meilleures chances de succès possible que nous pouvons leur donner. Nous avons réduit le risque au niveau le plus bas possible. Nous continuons à apprendre toutes les leçons possibles et à réduire le risque chaque jour en changeant de tactique, d'équipement, de structure, de commandement et de contrôle.

Vous pouvez être sûrs qu'ils travaillent en équipe. Nous faisons tout ce qui est possible pour réunir les conditions pour réussir et réduire les risques. Les familles verront leurs proches revenir à la maison.

Le président : Mon général, au nom du comité, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Au nom du comité et du Sénat du Canada, je voudrais dire aux soldats l'immense fierté que nous avons pour le travail qu'ils font et combien nous respectons leur courage, leur force et leur ténacité. Nous savons qu'ils travaillent dans un environnement difficile. Les Canadiens et les Canadiennes les applaudissent, les soutiennent et les remercie d'être là-bas.

Nous vous serions reconnaissants de leur faire passer ce message.

Gén Hillier : Merci, sénateur. Je leur passerai le message.

Le président : Au nom du comité, je vous présente un petit gage de notre appréciation.

Il est écrit dans les deux langues officielles : « Remis au général Rick Hillier avec gratitude et respect de la part du Comité du Sénat pour la défense et la sécurité nationale, le 21 juin 2006. »

Gén Hillier : Merci. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.

La séance est levée.


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