Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 15 - Témoignages du 23 avril 2007
OTTAWA, le lundi 23 avril 2007
Le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 10 h 20, pour examiner la politique de sécurité nationale du Canada en vue d'en faire rapport.
Le sénateur Colin Kenny (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant de commencer, j'aimerais présenter rapidement les membres du comité.
À ma droite se trouve le sénateur Atkins, de l'Ontario, qui est vice-président du comité. Il a été nommé au sénat après avoir travaillé 27 ans dans le domaine des communications. Il a été conseiller principal de Robert Stanfield lorsque celui-ci était chef du Parti conservateur du Canada, de William Davis lorsqu'il était premier ministre de l'Ontario et de Brian Mulroney lorsqu'il était premier ministre du Canada.
À sa droite se trouve le sénateur Moore, de Halifax. Il est avocat et travaille depuis longtemps dans le milieu communautaire. Il a siégé pendant dix ans au conseil des gouverneurs de l'Université Saint Mary's, et il siège actuellement au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ainsi qu'au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.
À côté de lui se trouve le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick. Elle est devenue la première femme francophone du Nouveau-Brunswick à être élue à l'Assemblée législative de cette province en 1987, et à la Chambre des communes en 1993. À l'extérieur du Parlement, elle a occupé le poste de gestionnaire de l'unité de promotion du commerce international à la Société canadienne des postes. Elle est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ainsi que du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
À ma gauche se trouve le sénateur Banks, de l'Alberta, qui a été nommé au Sénat après une carrière de 50 ans au sein de l'industrie du diversement. Il préside le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
À côté de lui se trouve le sénateur Day, qui vient aussi du Nouveau-Brunswick. Le sénateur Day préside le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec et de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada et il a été président-directeur général de la New Brunswick Forest Products Association.
Chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Perrin Beatty, président-directeur général des Manufacturiers et exportateurs du Canada. M. Beatty est cadre d'entreprise, et il a déjà été politicien. Il a été élu à la Chambre des communes comme député progressiste-conservateur en 1972, et, en 1979, il a été nommé ministre d'État responsable du Conseil du Trésor. Les gouvernements progressistes-conservateurs qui se sont par la suite succédé lui ont confié six autres portefeuilles, soit le Revenu national en 1984, le Bureau du solliciteur général en 1985, la Défense nationale en 1986, la Santé et le Bien-être social en 1989, les Communications en 1991 et le Secrétariat d'État aux Affaires extérieures en 1993. En 1995, M. Beatty a été nommé président-directeur général de la Société Radio-Canada, poste qu'il a occupé jusqu'en 1999, moment où il a été nommé président-directeur général des Manufacturiers et exportateurs du Canada, association d'entreprises qui fait la promotion des intérêts de l'industrie et des exportateurs canadiens. En janvier 2002, il est devenu coprésident, patronat, du Centre syndical et patronal du Canada. En août 2005, il a été nommé au conseil consultatif sur la sécurité nationale.
Monsieur Beatty, c'est avec plaisir que nous vous accueillons ici aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
L'honorable Perrin Beatty, C.P., président-directeur général, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Merci beaucoup. J'ai distribué les exemplaires de mon exposé, mais, pour prendre moins de temps, je vais en présenter une version un peu plus courte. Si l'un ou l'autre des membres du comité a une question à poser ou un commentaire à formuler par rapport à un élément du document qu'il a devant lui, je serai heureux d'y répondre.
Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de m'avoir invité à témoigner devant le comité aujourd'hui. Le comité a présenté de nombreux exemples de la manière dont le monde a changé depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Les répercussions de ces événements sur les organisations et sur les gens ont été profondes, et il n'y a que les gens les plus naïfs pour croire que les choses vont bientôt revenir comme avant.
Les gouvernements ont en partie réagi en haussant de façon considérable les exigences relatives à l'identité des personnes. L'objectif que je poursuis ici aujourd'hui est de mettre en lumière la nécessité, pour le gouvernement du Canada, de prendre rapidement les devants en ce qui concerne l'élaboration de politiques sensées en matière de systèmes d'identification sûrs permettant d'améliorer la sécurité publique, de réduire au minimum les coûts et le dérangement et de protéger les droits individuels. Le temps qui reste pour l'élaboration de ces politiques diminue rapidement, au fur et à mesure que les administrations des deux côtés de la frontière mettent en œuvre des plans d'adoption de systèmes qui respecteront peut-être les critères précis de l'organisme qui délivre les cartes d'identité, mais qui risquent de causer la perte de centaines de millions de dollars et d'engendrer des problèmes graves tant pour les entreprises que pour les citoyens.
Deux initiatives américaines vont modifier de façon spectaculaire notre façon de faire les choses dans le domaine des voyages, soit l'Initiative relative aux voyages dans l'hémisphère occidental ou IVHO et la Real ID Act. L'IVHO aura pour effet qu'on exigera de tous les voyageurs entrant aux États-Unis qu'ils produisent un passeport ou une autre pièce d'identité sûre et approuvée. Il est facile de comprendre le désir des Américains de savoir qui pénètre dans leur pays et d'être d'accord avec eux; cependant, la question de savoir comment on va exécuter ce programme sans causer de graves problèmes demeure nébuleuse.
Un peu plus de 40 p. 100 des Canadiens ont un passeport, ce qui est le cas d'environ 27 p. 100 des Américains. Cette situation fait que l'IVHO est une source de préoccupation pour les organisateurs de congrès qui veulent organiser des événements au Canada, vu qu'ils ont peur que les Américains soient réticents à se donner la peine et à engager les fonds nécessaires pour obtenir les documents dont ils auront besoin pour rentrer aux États-Unis.
Le gouvernement américain a décidé de permettre aux membres de NEXUS de présenter la carte d'identité obtenue dans le cadre de ce programme plutôt que leur passeport. En outre, il a annoncé la mise en place d'un système autonome d'identification sûr. La carte-passeport sera un passeport d'usage limité qui prendra la forme d'une carte que les voyageurs pourront utiliser pour leurs déplacements par voie terrestre ou maritime entre les États-Unis et le Canada, le Mexique, les Caraïbes et les Bermudes.
Au mieux, on peut dire qu'il y a une incertitude quant au fait que les citoyens américains vont vouloir payer pour obtenir une carte ne servant qu'à une seule chose, tout comme il y a une incertitude quant à la façon de gérer les nouvelles exigences en matière d'identification aux principaux postes frontaliers, qui sont souvent submergés par le nombre de véhicules qui les traversent, même si, à l'heure actuelle, les normes sont moins strictes qu'elles vont l'être bientôt. L'Agence des services frontaliers du Canada a modélisé les répercussions des nouvelles exigences pour un certain nombre de postes frontaliers. Jusqu'à maintenant, l'Agence n'est pas parvenue à trouver une façon d'appliquer ces exigences sans créer des embouteillages au poste Windsor-Detroit.
De son côté, la Real ID Act va rendre obligatoire l'adoption de nouvelles normes fédérales en matière de technologies et de nouveaux processus de vérification en ce qui concerne les permis de conduite dans les différents États et les autres cartes d'identité délivrées par les États. Une fois que la loi entrera en vigueur, un organisme fédéral pourra refuser, à toutes fins officielles, un permis de conduire ou une carte d'identité délivrée par un État à qui que ce soit, si l'État ne se plie pas aux exigences de la Real ID Act.
Cette mesure, par exemple, monsieur le président, empêcherait les personnes qui ne possèdent pas une carte d'identité conforme aux normes de la Real ID Act de monter à bord d'un avion assujetti aux lois fédérales américaines.
Le 9 mars, le Department of the Homeland Security a estimé que les coûts découlant de l'adoption de cette loi seraient, pour les États, de 14,6 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Il y a de bonnes raisons de croire que cette estimation est en deçà de la réalité.
Certains États sont peut-être réticents à l'idée d'adopter les nouvelles normes fédérales, mais ceux-ci, comme plusieurs provinces du Canada, ont élaboré des plans en ce qui concerne les permis de conduire et autres pièces d'identité sûres. Ces nouvelles cartes d'identité s'ajouteront à tout un éventail de cartes sûres qu'élaborent les aéroports, les ports, les ministères et les organisations du secteur privé qui se préparent activement à répondre aux exigences du gouvernement en matière de sécurité.
Le coût direct de ces nouveaux systèmes, pour les contribuables de nos deux pays, se chiffrera en milliards de dollars. Le coût réel sera cependant beaucoup plus élevé. Les personnes et les organisations devront présenter des demandes et fournir des documents à l'appui de celles-ci, payer des frais de traitement et subir des entrevues et des contrôles de sécurité pour obtenir les cartes en question. En l'absence de normes faisant consensus, nous assisterons à la création de toutes sortes de systèmes autonomes, chacun de ces systèmes exigeant de la personne qui veut obtenir une carte d'identité qu'elle fournisse des renseignements personnels et paie des frais.
En l'absence de normes communes, les organisations choisiront des outils technologiques qui ne seront peut-être pas compatibles avec le système utilisé aux mêmes fins ailleurs. La vie privée sera grandement menacée, le coût sera énorme, et le dérangement sera tout aussi grand. Dans quelques années, on ne pourra que constater que l'adoption irréfléchie de systèmes autonomes était de la folie. Combien de gouvernements annonceront qu'ils n'auraient pas dû dépenser des dizaines de millions de dollars provenant des contribuables pour faire l'acquisition de systèmes autonomes qu'ils voudront alors mettre de côté pour collaborer et se doter de quelque chose de plus rationnel?
Le gouvernement canadien a demandé aux Américains d'attendre avant de mettre en œuvre l'IVHO, de façon qu'on puisse s'assurer que le système qu'on met en place fonctionne. Malheureusement, la réponse des États-Unis n'a été qu'en partie positive, et les consultations avec le Canada au sujet de ce qu'on exige des voyageurs qui traversent notre frontière commune ont été inadéquates.
Plusieurs provinces et États proposent d'inscrire les données rendues nécessaires par l'IVHO sur les permis de conduire, données que pourraient décoder les nouveaux équipements installés à la frontière. Encore une fois, les États- Unis ont refusé jusqu'à maintenant d'adopter ce système dans l'ensemble du pays. Le mois dernier, le pays a au moins fait l'annonce d'un projet pilote en collaboration avec l'État de Washington. Le gouvernement américain va permettre aux résidents de l'État de Washington de présenter un nouveau type de permis de conduire aux postes frontaliers terrestres et maritimes des États-Unis.
Ce qui m'inquiète, c'est que le Canada fonctionne à l'heure actuelle en mode réaction, c'est-à-dire que le pays réagit aux initiatives américaines, plutôt que d'élaborer une vision cohérente et intégrée de la manière dont nous voulons procéder. À moins que nous ne modifiions le cours des choses, il y aura inévitablement une prolifération incontrôlée des cartes d'identité sûres, et, dans chacun des cas, il y aura des frais d'inscription, un contrôle de sécurité, une carte et un système pour le décodage des données figurant sur la carte. Dans cette situation, la vie privée sera menacée, et l'inefficacité sera considérable. Malgré tout, à moins qu'on élabore des normes cohérentes, le processus va s'accélérer, et il sera bientôt trop tard pour corriger une situation qui pourrait devenir très grave.
Pensez au camionneur qui doit effectuer des livraisons aux États-Unis. En soi, ce processus va exiger plusieurs permis ou examens. S'il effectue des arrêts dans des ports dans l'un ou l'autre pays ou encore passe par des installations gouvernementales, nous pouvons penser que le processus exigera encore plusieurs autres permis, contrôles de sécurité et frais. Si ce camionneur est un immigrant, comme c'est de plus en plus souvent le cas, les obstacles vont peut-être devenir insurmontables.
Les États-Unis sont sur le point de lancer le programme TWIC ou « transportation worker identity credential », qui s'appliquera d'abord aux personnes qui travaillent dans les ports, y compris les camionneurs. La Transportation Security Administration a accepté que les contrôles de sécurité effectués dans le cadre du programme EXPRES ou pour permettre à un chauffeur américain d'obtenir une accréditation pour le transport de matières dangereuses, inscrites à son permis de conduire, suffisent dans le cadre du programme TWIC, mais les travailleurs du domaine des transports devront quand même se procurer une carte TWIC, à un coût qui pourrait atteindre 125 $ américains.
Ce que je pense, c'est non pas que nous devrions abaisser les normes en matière de sécurité, mais plutôt que nous devons comprendre les répercussions sur les gens et les entreprises qui devront s'y plier.
Nous devons tous être réalistes. Nos inquiétudes face au respect de la vie privée peuvent nous pousser à nous opposer à la création de systèmes d'identification sûrs qui seraient utilisés partout, même si c'est de façon volontaire, mais succomber à l'illusion qu'on peut d'une façon ou d'une autre se passer des cartes d'identité sûres serait faire fi de questions légitimes en ce qui concerne la sécurité publique et nous enlèverait la capacité d'avoir un mot à dire dans l'élaboration des systèmes. Les cartes d'identité sûres existent d'ores et déjà, et elles vont se multiplier. Elles offrent des avantages importants, puisqu'elles renforcent la sécurité et sont pratiques, mais il faut que le système soit bien conçu. Je crois qu'il est possible d'assurer le respect de notre droit le plus fondamental, celui d'être protégé contre les actes de violence, sans atteinte à la vie privée.
Aujourd'hui, cinq ans et demi après les événements du 11 septembre 2001, il est impossible de savoir si la personne assise à côté de vous dans un avion est bel et bien qui elle a prétendu être lorsqu'elle a présenté son permis de conduire. Le Vérificateur général de l'Ontario a fait état en 2005, par exemple, du fait qu'au moins une personne avait utilisé une carte de membre de Costco comme pièce d'identité lorsqu'elle a fait sa demande de permis de conduire.
La semaine dernière, je me suis procuré un laissez-passer NEXUS. J'ai dû subir un contrôle de sécurité, ainsi qu'une entrevue, et payer des frais, mais je vais pouvoir traverser la frontière plus facilement, ce qui est à mon avis un compromis avantageux, même si d'autres personnes peuvent ne pas faire le même choix que moi.
Je pense que nous pouvons élaborer des normes en matière de cartes d'identité sûres qui nous permettront d'obtenir le consentement éclairé des personnes et de bien protéger leurs renseignements personnels tout en évitant le recours à une carte d'identité nationale obligatoire et la nécessité d'avoir en poche un portefeuille plein de cartes. Si vous êtes du même avis que moi, quelles sont les recommandations que j'aimerais que vous formuliez? Voici mes suggestions.
Premièrement, je recommanderais au gouvernement fédéral de désigner un organisme responsable de la coordination des politiques et des normes relatives aux systèmes d'identification sûrs à l'échelle fédérale, organisme qui travaillerait en collaboration avec les autres organisations qui envisagent d'élaborer leurs propres systèmes d'identification sûrs.
Deuxièmement, l'élaboration des systèmes d'identification sûrs devrait, lorsque c'est possible, se faire de façon volontaire, seulement lorsqu'il y a des besoins et des avantages clairement définis, avoir comme élément fondamental la protection des droits individuels, réduire au minimum les coûts et le dérangement pour les utilisateurs et se plier à des normes technologiques et administratives communes, de façon à permettre aux gens qui veulent utiliser leurs cartes à des fins différentes, mais compatibles, de le faire.
Troisièmement, il est temps d'avoir un grand débat public. Ottawa devrait inviter les intervenants, notamment les ministères fédéraux, les organismes intéressés des autres ordres de gouvernement, les spécialistes des questions relatives au respect de la vie privée, les institutions internationales comme les universités, les hôpitaux et les sociétés, à élaborer des lignes directrices précisant quand les systèmes d'identification sûrs sont nécessaires ou souhaitables, à quels outils technologiques ou à quelles normes il faut avoir recours, quel est le niveau d'interopérabilité optimale des systèmes, comment rendre l'utilisation de ces systèmes volontaire lorsque c'est possible, comment assurer la sécurité des systèmes eux-mêmes et le respect de la vie privée des gens, et comment réduire au minimum les coûts et le dérangement pour les gens, les entreprises et les gouvernements. Le processus devrait être ouvert et transparent, de façon que la population puisse comprendre ce qu'on envisage de faire.
Quatrièmement, nous devrions presser les États-Unis de discuter avec le Canada en vue d'établir des normes uniformes et demander la suspension du processus de mise en œuvre de programmes comme l'IVHO jusqu'à ce qu'on ait élaboré des normes communes.
Monsieur le président, je suis conscient du fait qu'il s'agit d'objectifs ambitieux, compte tenu surtout des délais serrés auxquels nous faisons face. Certaines personnes pourraient dire qu'il s'agit d'objectifs ambitieux au point d'être inatteignables. Cependant, que pouvons-nous faire d'autre? Si nous n'agissons pas maintenant, de nouveaux systèmes seront mis en place sans qu'on ait bien examiné leurs coûts, leur efficacité et leurs répercussions sur les droits individuels.
Nous faisons du rattrapage. Même si nous prenons tout à coup conscience de l'urgence de mettre en place un système rationnel, rien ne garantit que nous allons avoir le temps de le faire. La seule chose qui est sûre, c'est que, si nous ne faisons rien, le prix à payer pour notre inertie sera élevé.
Merci.
Le président : Merci monsieur Beatty. Nous allons passer à la période de questions.
Le sénateur Banks : Bonjour, monsieur Beatty. C'est un plaisir de vous revoir.
Dans une certaine mesure, le comité est coupable d'avoir contribué au problème, parce que nous soutenons depuis longtemps qu'il est nécessaire de procéder davantage à l'identification claire à l'aide de la biométrie et d'éléments faciles à certifier et qu'on ne peut imiter. Vous avez raison, vous avez évoqué une histoire d'horreur lorsque vous avez parlé de gens qui auraient à se promener avec toutes sortes de cartes dans leur poche pour pouvoir entrer dans cette salle, prendre un avion ou se rendre dans tel ou tel pays. C'est une histoire d'horreur.
Nous devons faire ce que vous allez recommander, mais vous avez fait partie du gouvernement, ce qui n'est pas mon cas, et vous savez quelles sont les difficultés. Je vais vous demander à quel point les choses que vous recommandez sont réalisables.
J'ai été membre du Conseil des arts du Canada pendant neuf ans. L'une des choses que nous avons essayé de faire, à partir de la fin des années 80, ça a été d'harmoniser au moins la première page d'une demande de subventions avec des formulaires semblables utilisés dans les provinces. À ce jour, cela n'a pas encore été fait.
Comme vous l'avez mentionné, les provinces délivrent une bonne partie des cartes d'identité dont nous parlons aujourd'hui. Tout le monde est d'accord pour dire que nous devons faire ce que vous proposez. Cependant, avons-nous vraiment des chances de voir cela se réaliser, compte tenu du nouveau besoin pressant de demander aux provinces — oubliez les États-Unis — de discuter et de faire des choses sensées? Si nous faisons ces recommandations, avons-nous une chance de les voir appliquer? Y a-t-il quelqu'un qui puisse s'en charger?
M. Beatty : Je pense que c'est possible. Pendant mes 21 années au Parlement, j'ai fait face comme vous à la difficulté liée au fait d'assurer la cohérence et la coordination et de faire bouger le système. Cependant, l'une des choses que j'ai constatées, moi qui suis les travaux du comité avec intérêt, c'est que vous êtes extrêmement efficaces lorsqu'il s'agit de porter des questions à l'attention du public. À l'heure actuelle, la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui n'intéresse pas la population, mais il faut que la population s'y intéresse.
Le point de départ est le suivant : le gouvernement fédéral doit mettre de l'ordre dans ses propres affaires. Il devrait déléguer à un organisme ou à une personne la responsabilité, à l'échelon fédéral, d'examiner la pléthore d'idées qu'on est en train d'élaborer.
Lorsque nous sommes arrivés ici ce matin, ceux d'entre nous qui nous trouvons ici à titre d'invités ont dû montrer des cartes d'identité. La qualité de ces cartes d'identité a été très variable. J'ai présenté mon permis de conduite, qui n'est pas une carte d'identité sûre à l'heure actuelle. D'autres ont probablement présenté un autre document.
Les organismes fédéraux ont eux-mêmes un large éventail d'exigences différentes, même à leurs propres fins. Au moment où le gouvernement fédéral tente de définir, conjointement avec le gouvernement américain, ce qu'on exigera des personnes qui veulent traverser la frontière, et où il définit avec le secteur privé d'autres exigences que le secteur privé peut juger souhaitables aux fins de la sécurité, ce que nous voyons élaborer, c'est une quantité folle de normes différentes.
Ce qui est donc tentant, puisqu'on comprend que les cartes d'identité que nous utilisons à l'heure actuelle ne sont pas sûres, c'est de mettre en place un système d'identification sûr. Il s'agit non pas seulement de cartes d'identité sûres, mais de tout un système coûteux et complexe qui se cache derrière ces cartes et qui rend possible l'identification sûre. Ces systèmes sont élaborés en vase clos, différents organismes élaborant chacun le leur sans discuter les uns avec les autres.
Si le gouvernement fédéral était prêt à jouer le rôle de chef de file et à désigner une personne et un organisme qui assumeraient ce rôle, alors je crois qu'il y aurait encore une chance pour que les choses se passent bien. Cependant, je suis très inquiet du fait que le temps qui nous reste diminue très rapidement, surtout dans le contexte de l'IVHO et de la Real ID Act aux États-Unis, qui fixent des échéances précises pour le gouvernement américain. Jusqu'à maintenant, les États-Unis n'ont pas tenu compte des préoccupations du Canada autant qu'ils auraient pu le faire.
Enfin, nous avons vu des signes très clairs de la volonté des provinces de collaborer. Récemment, les premiers ministres du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de l'Ontario se sont rendus à Washington, où ils ont rencontré les fonctionnaires américains, et surtout des fonctionnaires des États, pour prôner l'utilisation du permis de conduire comme carte d'identité sûre respectant les normes de l'IVHO. Nous pourrions faire figurer tous les renseignements nécessaires, par exemple les renseignements concernant la citoyenneté, sur le permis de conduire. Nous avons constaté chez les gouvernements provinciaux une véritable volonté de définir des normes communes; il faut maintenant que le gouvernement fédéral assume le rôle de chef de file et rassemble les gens.
Le sénateur Banks : Tous ces renseignements qu'on utiliserait à différentes fins peuvent maintenant assez facilement être encodés dans mon permis de conduire, n'est-ce pas?
M. Beatty : Oui.
Le sénateur Banks : Si j'ai bien compris, vous avez dit que le Canada devrait faire un pas en avant et donner le bon exemple. Il serait certainement insensé de faire cela sans obtenir l'accord des États-Unis, en ce qui concerne, par exemple, les renseignements que nous ferons figurer sur les cartes d'identité — et leur format — et l'assurance que ces renseignements sont acceptables, compte tenu des fins auxquelles ils veulent utiliser les cartes d'identité. Il est nécessaire de demander l'accord des États-Unis, en raison de la nature de nos pays. Est-ce exact?
M. Beatty : Oui. J'ajouterais cependant que nous avons deux problèmes à régler. Le premier consiste à déterminer qui élabore les systèmes au Canada et pourquoi. Tout d'abord, ces systèmes sont-ils nécessaires? Le cas échéant, quel sera le genre de normes applicables, sur le plan tant technologique que du respect de la vie privée et que d'autres plans encore?
Même chez nous, nous devrions commencer à faire l'inventaire des systèmes qu'on est en train d'élaborer et envisager d'adopter une démarche commune. Si nous devons utiliser le système à la frontière, alors il est clair que nous devons collaborer avec les États-Unis. Cela n'aurait aucun sens d'avoir les outils pour décoder les données de la carte quand les gens traversent la frontière dans un sens, mais pas dans l'autre, ou encore que les données de la carte soient acceptables pour entrer au Canada, mais pas aux États-Unis.
Le Canada a exprimé la volonté de travailler en étroite collaboration avec les États-Unis. Jusqu'à maintenant, les Américains n'ont pas exprimé le même intérêt; à mon avis, nous n'avons pas non plus défendu l'idée avec suffisamment d'ardeur.
Ce qui m'inquiète au plus haut point, c'est que, une fois qu'on aura dépensé des centaines de millions de dollars sur ces systèmes, l'occasion sera passée. Ce que les politiciens diront alors, c'est : « Ce qu'on a fait il y a deux ans était stupide, débarrassons-nous du système actuel et recommençons à zéro. » L'occasion passe rapidement.
Le sénateur Banks : Les Canadiens et les Américains sont naturellement réticents face à l'idée d'une carte obligatoire. Cette idée ramène à leur esprit l'image de gens disant « Vos papiers, s'il vous plait », dans des situations que nous n'aimons pas vivre. Cependant, les choses ont changé. Est-ce un débat que nous avons déjà perdu? La plupart des Canadiens — je suis convaincu qu'il y a des exceptions — ne possèdent-ils pas déjà des documents qui sont des cartes d'identité obligatoires d'un genre ou d'un autre, pour telle ou telle situation? N'est-ce pas un débat sur la quadrature du cercle que nous tenons lorsque nous nous opposons à l'idée d'une carte d'identité nationale?
M. Beatty : Oui, la plupart des Canadiens ont ce genre de cartes et ne sont pas contre l'idée d'avoir des cartes si celles-ci sont utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été conçues. Je suis en faveur d'une carte plus universelle que celles que nous avons à l'heure actuelle, mais je suis de ceux qui n'aiment pas l'idée d'une carte d'identité obligatoire pour tous les citoyens.
Le sénateur Banks : Comment concilier ce que vous venez de dire et ce que vous avez dit plus tôt — que nous avons besoin de ces cartes?
M. Beatty : Nous devons faire en sorte que ces cartes existent. Ce que je pense, c'est qu'il faut obtenir le consentement éclairé des gens. Si les cartes sont bien conçues et de façon à offrir un avantage aux personnes qui participeront au programme, les gens seront volontiers d'accord. Les gens fournissent des renseignements pour obtenir un permis de conduire; ils pensent que l'avantage qu'ils obtiennent ainsi vaut les renseignements fournis.
J'ai parlé du fait que j'ai demandé une carte NEXUS, et il s'agit d'un processus très intrusif. On a vérifié si j'avais un casier judiciaire, on a fait des lectures de mes iris, on a pris mes empreintes digitales, et ces données sont maintenant accessibles à l'extérieur du Canada, le gouvernement des États-Unis y ayant accès. Après réflexion, c'est une concession que j'étais prêt à faire pour pouvoir traverser la frontière plus facilement. D'autres Canadiens rejetteraient cette idée et ne seraient pas prêts à faire cette concession. Le cas échéant, Dieu les bénisse. Ils doivent faire la file et prendre leur temps, et ils ne peuvent participer aux programmes.
Je suis peut-être particulièrement sensible à cette question parce qu'il y avait, dans la circonscription où j'ai été élu député pour la première fois, une communauté de Mennonites qui, pour des motifs religieux, avaient la croyance profonde que de les forcer à s'inscrire dans un système de numérotation universel constituait une atteinte à leurs droits de pratique religieuse et une menace. Cela a posé problème pour tous les programmes d'assurance du gouvernement, mais nous avons trouvé des façons de contourner le problème et de gérer la situation.
À mon avis, la vaste majorité des Canadiens diraient que, si les systèmes sont bien conçus et que les avantages sont clairs, c'est un compromis qu'ils sont prêts à faire. Cependant, le principe devrait être celui du consentement éclairé.
Le président : Ce que vous dites me fait penser un peu à la pancarte qu'on voit lorsqu'on fait la file pour le contrôle de la sécurité à l'aéroport, pancarte qui indique qu'il n'est pas nécessaire de subir une fouille si on ne veut pas prendre l'avion, mais qu'il est nécessaire de le faire si on veut monter à bord. Essentiellement, vous dites qu'il s'agit de ce genre de mesure volontaire. Si une personne préfère prendre un train, elle n'a pas besoin de subir une fouille, mais si elle veut prendre un avion, elle subit volontairement une fouille. Est-ce que j'interprète bien ce que vous dites?
M. Beatty : Je dirais les choses de façon légèrement différente. C'est une comparaison intéressante que vous faites, et elle a une certaine valeur. Il y a des gens qui choisissent de ne pas prendre l'avion simplement parce qu'ils trouvent le système trop intrusif ou trop stressant.
Dans le cas dont je parlais, il s'agit de gens qui peuvent croire — vraiment pour des motifs religieux — qu'ils agiraient de façon contraire aux obligations qu'ils ont envers Dieu, en s'inscrivant à ce genre de programme, ou en prenant éventuellement un train. Dans ces cas, nous devrions laisser les gens décider.
Le gouvernement veut-il s'engager dans l'espèce de combat auquel nous devrions nous livrer, même si c'était souhaitable — et je dirais que ce ne l'est pas — pour obliger tous les citoyens à posséder une carte d'identité, une carte de citoyenneté? Voulons-nous polariser le débat, ou plutôt trouver un système que nous pourrions adopter beaucoup plus rapidement et en soulevant moins de protestations au pays?
Le président : Au fond, ce que vous dites, c'est que vous voulez que les gens s'inscrivent au programme parce qu'ils y voient un avantage, plutôt que parce qu'ils sont obligés de le faire.
M. Beatty : C'est exactement ça.
Le sénateur Day : Je peux peut-être commencer par vous demander de définir les deux programmes — NEXUS et EXPRES — et de nous expliquer comment ces programmes fonctionnent.
M. Beatty : Essentiellement, il s'agit de programmes pour les voyageurs de confiance qui permettent à des gens et à des organisations ayant subi des contrôles de sécurité appropriés de traverser rapidement la frontière. Ces programmes sont fondés sur l'hypothèse juste selon laquelle la vaste majorité des mouvements transfrontaliers, qu'il s'agisse de marchandises ou de voyageurs, sont tout à fait légitimes, hypothèse que l'Agence des services frontaliers du Canada a adoptée de façon très progressiste et qu'elle défend à l'échelle de l'Amérique du Nord. La menace provient non pas de 99 p. 100 des passages de la frontière, mais bien de 1 p. 100 de ceux-ci. Il s'agit de déterminer quelle est la meilleure façon de trouver l'aiguille dans la proverbiale botte de foin, et l'idée est de réduire la taille de la botte de foin. Si on arrive à repérer les voyageurs ou les usagers des services des douanes et des frontières qui représentent un risque très faible parce qu'ils sont prêts à respecter des normes strictes, alors il est possible de les faire sortir de l'équation et de concentrer les ressources limitées en matière de sécurité dans les domaines où le risque est élevé. Cela accroît de façon spectaculaire la capacité de capturer les gens qui sont vraiment dangereux ou de mettre la main sur les marchandises dangereuses.
Il s'agit d'un domaine où le Canada est en avance sur les États-Unis. Le Congrès américain exerce encore des pressions politiques et demande le renforcement de la frontière canado-américaine. Ce qui me préoccupe, c'est que nous sommes sur la défensive à cet égard. Nous disons aux Américains que nous aimerions que la frontière soit plus facile à traverser, que cela prenne moins de temps et que l'administration de la frontière coûte moins cher que ce qu'ils veulent. Cependant, à Washington, les politiciens ont intérêt à investir des ressources en matière de sécurité au 49e parallèle.
Quand j'ai siégé au Parlement à titre de ministre de la Défense, de ministre des Affaires étrangères, de solliciteur général et de ministre du Revenu national, j'étais responsable de la frontière, dans un rôle ou dans l'autre, pour la plupart des organisations chargées de la sécurité du pays. Même un pays riche comme les États-Unis ne dispose pas de toutes les ressources en matière de sécurité dont il aimerait disposer. Si le pays dépense mal ses ressources et les gaspille, alors il n'a plus rien à investir dans les domaines où les risques sont les plus élevés. Les programmes EXPRES et NEXUS contribuent à la gestion du risque et permettent de cibler les domaines dans lesquels il faut investir les ressources.
Le sénateur Day : Ça a du sens. Vous avez dit qu'il s'agit davantage d'une initiative canadienne que de quelque chose qui rallierait les Américains.
M. Beatty : Les Américains sont tout à fait en faveur des programmes EXPRES et NEXUS. J'ai entendu dire la semaine dernière que les sénateurs voudraient poser des questions générales au sujet d'une partie de ce que nous faisons à la frontière. À titre de représentant du milieu des affaires, je suis préoccupé par le débat aux États-Unis, qui porte encore beaucoup sur le 49e parallèle. Nous devons faire en sorte d'élargir les mesures de sécurité pour qu'elles portent sur les abords de l'Amérique du Nord. Nous voulons savoir quel genre de marchandises arrivent en Amérique du Nord avant que ces marchandises atteignent nos côtes et obtenir des renseignements sur les gens avant qu'ils arrivent ici. Nous devons mettre en place un bon service de renseignements criminels et de sécurité qui soit le fruit d'une collaboration, qui nous permettra de repérer les gens qui menacent la sécurité avant qu'ils tentent de traverser le 49e parallèle. Je ne défends pas la suppression des mesures de sécurité à la frontière, mais si nous misons toutes nos ressources sur la probabilité de capturer les terroristes parmi la masse de gens qui passent par le 49e parallèle, je pense que nous utilisons mal nos ressources.
L'automne dernier, un représentant de la Georgie au Congrès a proposé de stationner 8 000 ou 10 000 membres de la garde nationale, je pense, à la frontière canado-américaine. Demandez au chef d'état-major de la Défense des États- Unis s'il croit que, si 10 000 soldats de plus étaient disponibles pour la sécurité des États-Unis, le mieux serait de les stationner à la frontière, ou s'il croit qu'il faudrait les déployer ailleurs. À Washington, on plaide en faveur du renforcement de la frontière, pour que le personnel qui est responsable de celle-ci puisse se charger lui-même d'en assurer la sécurité.
Nous devons collaborer pour trouver une nouvelle façon de faire qui va nous permettre non seulement d'assurer la sécurité de l'ensemble de l'Amérique, mais aussi de faire en sorte que la frontière soit ouverte aux voyageurs et marchandises, lorsque les intentions sont légitimes.
Le sénateur Day : C'est le gouvernement des États-Unis, et non les gouvernements des États, surtout des États limitrophes du Canada, le long du 49e parallèle, qui est derrière la plupart des initiatives. Une personne cynique dirait peut-être que l'IVHO est un obstacle non tarifaire et une façon simple, pour le gouvernement des États-Unis, d'essayer de régler un grave problème auquel il fait face au chapitre des échanges commerciaux.
Je sais que l'IVHO est une initiative entièrement américaine, qu'elle n'a pas été le fruit de consultations avec le Canada ou le Mexique, mais elle a des répercussions importantes sur les échanges commerciaux aux deux frontières. Êtes-vous aussi d'avis que cette initiative cache un dessein plus sombre que le simple désir d'accroître la sécurité?
M. Beatty : Je ne crois pas, sénateur, qu'il s'agisse de la principale motivation pour la mise en œuvre des programmes en question, mais c'est un effet secondaire de ceux-ci dont certaines personnes ne sont pas fâchées.
Si, par exemple, une entreprise doit prendre une décision quant à l'endroit où investir en Amérique du Nord pour la construction d'une usine, que ses clients sont aux États-Unis et que l'entreprise fonctionne selon le principe de la livraison juste-à-temps des biens à ses clients, alors l'investisseur doit décider s'il est sensé de construire l'usine près de la frontière. S'il y a de temps à autre des retards à la frontière, ce qui peut coûter très cher, l'investisseur décidera peut- être de se rapprocher de ses clients, en s'installant de l'autre côté de la frontière. Est-ce que cela contrarie tout le monde? Peut-être pas tout le monde. Est-ce que je pense qu'il s'agit de la principale motivation? Non.
L'urgence de corriger la situation est davantage ressentie au Canada, parce que les enjeux sont plus importants pour le Canada que pour les États-Unis. Les exportations canadiennes aux États-Unis sont plus importantes pour le Canada que les exportations américaines au Canada, pour les États-Unis. Ainsi, l'urgence est plus grande pour le Canada de régler ce problème et de demander la mise en place de solutions.
Le sénateur Day : Néanmoins, les répercussions sont importantes pour les États-Unis, puisque le Canada est un partenaire commercial de plus de 30 États américains.
M. Beatty : C'est exact.
Le sénateur Day : Vous avez raison lorsque vous dites que le Canada a plus à perdre que les États-Unis, mais il y a beaucoup d'États américains qui ont davantage à perdre que les autres.
M. Beatty : Oui. La Coalition pour une frontière sécuritaire et efficace sur le plan commercial, que je préside, a, par exemple, effectué un calcul rapide. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un calcul scientifique. Une voiture fabriquée en Amérique du Nord traverse la frontière de six à huit fois au cours des différentes étapes du processus. Chaque fois, cela engendre des coûts et des retards liés au contrôle de conformité, ce qui ajoute au prix de détail du véhicule. Le calcul rapide que nous avons fait laisse croire que le coût peut atteindre 800 $ par véhicule fabriqué en Amérique du Nord. Au contraire, un véhicule fabriqué à l'étranger avant d'être envoyé en Amérique du Nord par bateau ne débarque en Amérique du Nord qu'une seule fois, ce qui fait qu'il ne faut payer ces coûts qu'une seule fois.
Mettre l'assise industrielle de l'Amérique du Nord dans cette situation désavantageuse est stupide — il n'y a pas d'autres mots. Nous devons trouver une façon plus intelligente de faire les choses. Malgré tout, la façon dont nous avons conçu notre système de sécurité actuel est désavantageuse pour l'industrie nord-américaine, tant au Canada qu'aux États-Unis, et elle offre un avantage à nos concurrents étrangers.
Le sénateur Day : Est-ce que vous nous dites est anecdotique, ou disposez-vous de renseignements tirés d'études pour déterminer, du point de vue des décisions des fabricants de construire une usine au Canada ou aux États-Unis — avez-vous des preuves tangibles que nous pourrions présenter à nos homologues américains lorsque nous allons discuter avec eux des répercussions sur l'industrie et sur le commerce?
M. Beatty : Oui. Nous pouvons fournir des données indiquant que les mesures en question ont eu des répercussions financières importantes pour les entreprises de l'Amérique du Nord. Si vous me demandez si je peux prouver le fait que tel ou tel investissement n'a pas été réalisé en raison de ces mesures, c'est une chose impossible à prouver par la négative. Cependant, pour avoir parlé avec des gens du milieu des affaires, je sais que, lorsqu'ils font un investissement commercial, ils se penchent sur le coût total prévu. Si l'entreprise fonctionne selon le principe de la livraison juste-à- temps, ils veulent s'assurer que, lorsqu'ils ont une obligation contractuelle envers leur client, ils sont en mesure de livrer leur produit.
Lorsqu'on ferme l'usine d'assemblage de voiture pendant une heure, le coût est d'environ un million de dollars. Dans les faits, il arrive que les sièges traversent la frontière dans un sens pour être installés dans une carrosserie qui va traverser la frontière dans l'autre sens.
Le problème consiste non pas à savoir quel sera le temps d'attente moyen, mais plutôt à obtenir la certitude absolue qu'il n'y aura pas de retard imprévu pour un envoi précis, qui engendrerait un manquement à une obligation contractuelle envers un partenaire de l'autre côté de la frontière.
Est-ce que les mesures en question auront un effet sur les décisions relatives aux investissements? Une simple analyse logique indique qu'il n'y a aucune raison de croire que cela ne sera pas le cas. Puisqu'il s'agit d'enjeux de dizaines de millions de dollars, les entreprises seraient mal avisées de ne pas envisager les répercussions potentielles.
Le sénateur Day : Au sujet de l'augmentation des coûts, qu'en est-il des camionneurs qui transportent des produits d'usines canadiennes vers les États-Unis et de nos politiques d'immigration qui sont peut-être en quelque sorte plus libérales que celles des États-Unis, ce qui fait que certains camionneurs ne sont pas en mesure de répondre aux critères de sécurité que les douaniers aimeraient qu'ils respectent? Est-ce que nous constatons cela, à l'heure actuelle?
M. Beatty : Oui, beaucoup. C'est un problème de plus en plus important, surtout en raison du nombre de nouveaux Canadiens qui arrivent dans le secteur du transport routier. Il y a une grave pénurie de camionneurs à l'heure actuelle. Les gens du secteur sont de plus en plus des immigrants au Canada. Cela leur cause souvent des problèmes lorsque vient le temps d'obtenir l'autorisation de pénétrer sur le territoire des États-Unis.
Il y a des problèmes d'ordre réglementaire touchant les personnes, les retards, l'augmentation des coûts lorsque le camion ainsi que le chauffeur sont arrêtés, ainsi que la pléthore de contrôles de sécurité et de cartes d'identité obligatoires, toutes des choses qui engendrent un fardeau administratif et financier pour les camionneurs et les entreprises qui les emploient.
Le sénateur Day : Pour en revenir à votre thèse principale, selon laquelle nous devons être proactifs et négocier les normes avec les États-Unis, c'est logique de penser que nous serons en mesure d'obtenir un quelconque consensus, vu que nos politiques en matière d'immigration et notre main-d'œuvre ne sont pas adaptées à au moins une partie des exigences qu'ils imposent?
M. Beatty : Y aura-t-il un temps d'attente pour le passage de la frontière? Oui. Je ne dis pas que nous devrions simplement adopter le système européen, par exemple, et avoir une mobilité complète à cet égard, parce que nous voulons continuer d'avoir des politiques différentes en matière de visas au Canada et aux États-Unis et continuer de décider nous-mêmes qui peut entrer au Canada.
Même les scénarios les plus optimistes prévoient la présence du personnel de sécurité au 49e parallèle; cependant, pouvons-nous gérer la frontière de façon plus intelligente qu'à l'heure actuelle? La réponse est aussi oui.
La frontière telle que nous la connaissons à l'heure actuelle et l'idée que nous nous en faisons en fonction d'un concept du XVIIe siècle, c'est-à-dire une ligne sur une carte, est dépassée. Une meilleure description de la frontière, c'est le point de contact entre deux États souverains. Ce point peut se trouver dans le cyberespace.
Une chose que j'ai soutenue auprès des Américains, c'est que ce n'est pas la frontière avec le Canada qui était le problème, dans le conteste des attentats du 11 septembre 2001. C'est la frontière avec Francfort, en Allemagne, où les gens sont montés à bord des avions. Tracer simplement une ligne suivant la frontière physique des États-Unis n'est pas la meilleure façon de régler le problème.
Il y aura encore présence du personnel de sécurité à la frontière, comme il se doit. Nos politiques seront encore différentes, mais nous devons trouver une façon plus intelligente de gérer la frontière, vu surtout que la plupart des passages de la frontière les plus importants se font sur ou sous l'eau et que nous ne pouvons simplement ajouter de nouvelles voies. L'infrastructure que nous utilisons date de l'époque de nos grands-parents.
Le sénateur Atkins : Êtes-vous d'accord pour dire que l'un des problèmes auxquels nous faisons face, peu importe le système que nous adoptons, c'est que le passage de la frontière prend trop de temps et est trop fastidieux?
M. Beatty : Oui.
Le sénateur Atkins : La plupart des Canadiens ne savent pas beaucoup de choses au sujet des problèmes auxquels sont confrontés les gens au chapitre de l'activité transfrontalière, mais ils savent qu'il est difficile d'obtenir un passeport. Il y a des files d'attente, les gens se lèvent au milieu de la nuit, passent des heures dans le bureau des passeports et ils sont chanceux, lorsqu'ils ont fini de faire la file, s'ils peuvent repartir avec un passeport. Comment, pour l'amour du ciel, pouvons-nous régler ce genre de problèmes de traitement qui vont être importants? Si on parvenait à les régler, l'attitude des gens face au passage de la frontière changerait.
M. Beatty : Ce que vous dites est très vrai. Il n'y a pas de solutions faciles, sinon le gouvernement les aurait déjà adoptées. Il suffit de se rappeler janvier dernier. Ce sont certaines des exigences de l'IVHO, qui n'est pas encore complètement mise en œuvre, qui nous ont fait nous précipiter dans nos bureaux de passeport, lesquels avaient tout simplement un arriéré énorme.
Pour ma part, j'ai présenté une demande de carte NEXUS par écrit, parce que je voyage assez souvent aux États- Unis pour que cela en vaille la peine. Il a fallu presque deux mois avant que j'obtienne une réponse. J'ai eu la chance d'obtenir une entrevue, et les choses ont bien avancé la semaine dernière. C'est un processus lent. C'est le cas même si toutes les exigences de l'IVHO ne sont pas encore en place, il n'y a qu'une minorité de Canadiens et d'Américains qui ont un passeport à l'heure actuelle.
Il vaut la peine que vous preniez le temps de discuter avec les représentants de l'Agence des services frontaliers du Canada à ce sujet. L'Agence a un modèle complexe de l'activité à la frontière. Le modèle n'est peut-être pas à jour, mais lorsque j'ai discuté avec le représentant de l'Agence la dernière fois, il n'arrivait pas à trouver un moyen d'appliquer les exigences de l'IVHO au poste frontalier Windsor-Detroit sans créer d'engorgement. La conception du système est une chose importante. Il est clair que les Américains vont définir des normes plus élevées en ce qui concerne l'identification des personnes qui entrent sur leur territoire. Si nous essayons de lutter contre cela, nous allons perdre le combat. Ils ont le droit légitime de savoir qui entre dans leur pays.
La question est de savoir si le système, tel qu'il est conçu, va fonctionner et comment le traitement va s'effectuer. Même la carte-passeport dont j'ai parlé va coûter quelque chose. Est-ce que les Américains vont être prêts à payer pour obtenir une carte juste parce qu'ils veulent se rendre au Canada à l'occasion pour regarder un match d'une ligue mineure? Probablement pas. Apporteront-ils dans ce cas avec eux un passeport ordinaire? S'ils en ont un, probablement. D'autres parmi nous présenteront une carte NEXUS ou suivront une autre procédure rapide, mais si vous n'arrivez pas à vous mettre en file parce que vous êtes derrière tante Berthe qui amène les trois enfants à Disney World, et que tout ce petit monde cherche les bonnes cartes d'identité, alors il se crée un goulot d'étranglement qui ralentit tout le processus.
D'importantes questions liées au respect de la vie privée sont soulevées. L'une des questions, en ce qui concerne les exigences de l'IVHO, c'est celle de savoir si on doit appliquer la carte sur une plaque qui est comme un lecteur, ou encore si toute carte peut être lue à distance à l'aide d'un outil d'identification par radiofréquence. À ce sujet, s'est-on bien occupé des préoccupations relatives au respect de la vie privée? Je ne suis ni contre les cartes d'identité sûres ni contre l'amélioration de la sécurité de la frontière; je dis qu'il faut bien faire les choses. N'adoptons pas de systèmes qui font diminuer notre sécurité ou qui sont si fastidieux et coûteux qu'ils imposent un fardeau indu aux entreprises et aux personnes ou encore des systèmes qui causent simplement des engorgements.
Le sénateur Atkins : Vous parlez du coût d'un système quelconque. Est-ce qu'on ne demande pas au client d'assumer les coûts dans ces cas? Est-ce que cela ne réduit pas le coût global du traitement?
M. Beatty : Parlez-vous des entreprises?
Le sénateur Atkins : Oui.
M. Beatty : Dans la mesure où c'est possible, c'est ce qu'on fait. Dans le secteur de la fabrication, les entreprises subissent à l'heure actuelle des pressions telles qu'elles n'ont pas souvent la capacité de fixer les prix de leur produit de façon à déterminer les prix du marché. Ils font face à la nécessité de pouvoir concurrencer la Chine sur le plan des prix.
Qu'arrive-t-il lorsque le coût des intrants augmente soudainement, que ce soit à cause du temps d'attente à la frontière, de nouveaux permis ou de l'augmentation des coûts de l'énergie au Canada? Les entreprises peuvent même offrir leur produit au même prix que les Chinois et les autres pays exportateurs qui fixent les prix du marché lorsqu'ils arrivent dans un secteur.
En essayant de refiler la facture aux consommateurs, l'entreprise peut se retrouver à s'aliéner elle-même sur le marché. Comme je l'ai déjà dit, le fait que les produits de notre secteur de l'automobile, qui est hautement intégré, traversent la frontière plusieurs fois, ce qui offre un avantage sur notre assise industrielle nord-américaine aux pays exportateurs, est un exemple de la manière dont nous nuisons à notre propre cause.
Le sénateur Atkins : En ce qui concerne le secteur de la fabrication en Ontario, l'industrie automobile compte probablement pour 70 p. 100 du secteur, n'est-ce pas?
M. Beatty : Le chiffre n'est probablement pas aussi élevé, mais c'est assurément un chiffre élevé en Ontario.
Le sénateur Atkins : Le secteur dépend totalement du trafic transfrontalier, n'est-ce pas?
M. Beatty : En grande partie.
Le sénateur Atkins : Est-ce que ce que vous me dites, c'est donc que ces fournisseurs embauchent des chauffeurs qui ne sont probablement pas des citoyens canadiens, et ce sont ces derniers qui font passer les camions à la frontière?
M. Beatty : Souvent. C'est une caractéristique de notre main-d'œuvre. D'ici 2010, toute la croissance réelle de notre main-d'œuvre sera le fait de l'immigration. De plus en plus, que ce soit dans le secteur du camionnage ou dans d'autres secteurs, les gens qui vont travailler dans nos entreprises seront de nouveaux Canadiens.
Le sénateur Atkins : Comment les Américains font-ils face à cette situation?
M. Beatty : Dans certains cas, le fait est que les personnes qui ont le droit de conduire au Canada ne peuvent entrer aux États-Unis à cause des exigences relatives à l'immigration. Nous sommes aussi confrontés à des problèmes qui découlent des exigences du ministère de la Défense des États-Unis en ce qui concerne les personnes que nous pouvons employer dans les usines du Canada où on travaille à des contrats de la défense. Il y a un élément de portée extraterritoriale des lois américaines qui soulève des préoccupations.
Le sénateur Atkins : S'agit-il d'un phénomène nouveau?
M. Beatty : Oui. L'ampleur qu'il prend aujourd'hui est certainement une chose nouvelle, pour deux ou trois raisons. Premièrement, les Américains se préoccupent de plus en plus de la sécurité et ils définissent de nouvelles exigences; deuxièmement, notre main-d'œuvre évolue de façon spectaculaire, et elle est de plus en plus composée de nouveaux Canadiens. C'est une question qui préoccupe de plus en plus les entreprises canadiennes.
Le sénateur Atkins : Par curiosité, combien votre carte NEXUS vous a-t-elle coûté?
M. Beatty : C'est une très bonne question. Sincèrement, j'ai oublié combien elle m'a coûté. Cependant, ça en valait la peine. J'ai payé la facture en janvier.
Le sénateur Atkins : Maintenant que vous possédez la carte, que se passera-t-il si vous devenez un bandit? Comment va-t-on vous surveiller?
M. Beatty : Si je deviens un bandit, ma carte va m'être retirée très rapidement. L'une des choses qu'on m'a présentée lorsque j'ai reçu ma carte NEXUS — c'était un vieux programme du gouvernement —, ça a été une liste de toutes les choses qui pourraient me faire perdre ma carte. On m'a clairement laissé savoir que la possession de la carte était un privilège. Par exemple, environ trois fois sur cent où je vais me présenter à la frontière, je devrai automatiquement passer par une deuxième inspection. Si on constate que je n'ai pas déclaré quelque chose, même une chose insignifiante, je perds ma carte. Toute autre infraction me fera perdre ma carte. Si je ne mets pas mes renseignements personnels à jour, si je déménage et que je ne le signale pas, je perds ma carte. La carte est annulée dans tous les cas où on s'aperçoit qu'il y a un problème lié au fait que le titulaire respecte tous les critères d'admissibilité.
Le sénateur Atkins : Il faut que vous soyez un garçon honnête.
M. Beatty : Oui. Il y a environ trois semaines, j'ai assisté à une conférence portant sur les questions liées à la frontière et organisée par le consulat à Atlanta. Une personne que j'ai rencontrée là-bas avait sa carte NEXUS; je n'avais pas encore la mienne à ce moment-là. Ce qui est ironique, c'est qu'il a dit qu'on l'avait obligé à subir une deuxième inspection plus souvent depuis qu'il avait obtenu sa carte NEXUS. C'est peut-être une simple coïncidence, mais il m'a dit que, au bout du compte, ça avait été l'effet que cela avait eu pour lui.
Le sénateur Atkins : À mon avis, c'est ce qui se produit lorsqu'on a un passeport à couverture verte.
M. Beatty : Peut-être.
Le président : Pour les gens qui n'en ont pas, le passeport à couverture verte est un passeport spécial, par rapport au passeport régulier, dont la couverture est bleue.
Le sénateur Ringuette : Étant donné le volume important de nos échanges commerciaux avec les États-Unis, vous qui représentez une bonne partie des exportateurs canadiens, avez-vous examiné ce que les mesures en question vont coûter aux entreprises que vous représentez?
M. Beatty : Parlez-vous des cartes d'identité sûres ou de la gestion de la frontière en général?
Le sénateur Ringuette : Je parle de la question que vous devez étudier en ce qui concerne les transports. Il s'agit du moyen de transport utilisé pour envoyer des produits aux États-Unis.
M. Beatty : Oui.
Le sénateur Ringuette : Le secteur du transport ferroviaire va probablement faire face à moins de problèmes. Cependant, le secteur du transport routier va pas mal souffrir.
M. Beatty : Si j'avais formulé une cinquième recommandation, elle aurait porté précisément là-dessus. Je veux que mes recommandations soient aussi précises que possible. La cinquième recommandation aurait été que le gouvernement commande une étude sur les répercussions économiques de l'IVHO sur le Canada. Les Américains sont tenus d'examiner, du point de vue américain, les répercussions d'ordre réglementaire et économique des nouveaux règlements. Ce qu'il n'y a pas, à l'heure actuelle, ce sont, à mon avis, des données convaincantes et de qualité indiquant qu'il y aura des répercussions importantes.
La question évidente qui se pose est la suivante : les Américains se soucient-ils de l'augmentation des coûts au Canada? Pour donner suite à la question du sénateur Day, s'il devient plus coûteux de faire des affaires au Canada, est- il avantageux de chercher ailleurs? Au chapitre de la construction de nouvelles usines de fabrication automobile, la concurrence à laquelle fait face l'Ontario est surtout celle du sud des États-Unis. Si les États du Sud sont dans la course et cherchent à obtenir les nouvelles usines de construction automobile, ces États sont-ils aussi fâchés que les autres de l'augmentation des temps d'attente à la frontière? Peut-être pas.
Je pense qu'il serait très utile pour le gouvernement du Canada de commander une analyse complète des répercussions économiques de l'IVHO et de certaines des autres mesures, compte tenu de la crédibilité que le gouvernement du Canada pourrait donner à cette étude. Dans le secteur privé, nous sommes prêts à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et à contribuer en fournissant les données. Ce qu'il faut alors déterminer, c'est de quelle manière on doit persuader nos collègues de l'autre côté de la frontière qui définissent les exigences qu'ils devraient se soucier des répercussions au Canada.
Le sénateur Ringuette : Ce que je ne comprends pas, ce sont les exigences que les Américains ont définies dans les deux lois en question en ce qui concerne les Canadiens. Cependant, le mois dernier, le président a utilisé son droit de veto pour permettre aux chauffeurs de camion mexicains et aux marchandises qu'ils transportent d'entrer librement aux États-Unis, sans devoir se plier à aucune exigence en matière de sécurité. Cela a provoqué le tollé général dans certains des secteurs des transports des États-Unis.
Pourquoi les Américains définissent-ils ces exigences que nous devons respecter, mais pas les Mexicains? Nous sommes encore l'un des trois partenaires de l'ALENA.
M. Beatty : Au sujet de la frontière entre le Mexique et les États-Unis, je ne peux que dire que, la plupart du temps, la frontière entre le Canada et les États-Unis est plus facile à traverser que la frontière entre les États-Unis et le Mexique. S'il y avait ici des représentants du Mexique, ils nous diraient qu'ils sont confrontés aux mêmes problèmes que nous en ce qui concerne la frontière avec les États-Unis, mais que les leurs sont d'une ampleur décuplée. Je ne peux cependant formuler aucun commentaire sur ce sujet précis.
Ce que je porterais à votre attention et à celle de votre collègue des Maritimes, c'est la manière dont votre région s'est vu imposer des frais d'inspection des produits agricoles que les Américains ont créés de façon unilatérale, sans consulter le Canada — je ne crois pas qu'on ait conçu ces frais comme une mesure protectionniste; je pense plutôt qu'il s'agit d'une ponction. C'est un coup particulièrement dur pour des économies comme celle des Maritimes.
Une autre chose que les Américains ont essayé de faire, par manque de compréhension plutôt que par malice, a été de proposer au départ un règlement sur le bioterrorisme qui exigeait un préavis de 24 heures pour l'envoi de produits agricoles aux États-Unis. Un capitaine qui part de Charlottetown pour aller pêcher le homard et qui doit faire parvenir le produit de sa pêche sur le marché américain dans les 24 heures n'est pas en mesure de prédire, lorsqu'il quitte le port, la quantité de homards qu'il va prendre pour en avertir les autorités américaines. Encore une fois, nous constatons que si ce n'est pas la façon de concevoir les mesures, ce sont les répercussions de celles-ci qui ont pour effet de protéger le marché américain.
En ce qui concerne la question du transport routier et du Mexique, je viens de dire que je n'étais pas vraiment en position de formuler un commentaire, mais je pense que vous allez constater que le débat aux États-Unis tient en majeure partie à ce que le secteur du transport routier des États-Unis est en concurrence avec celui du Mexique. C'est une question de concurrence entre les secteurs.
Le sénateur Ringuette : L'une des choses que j'ai lues sur la question, c'est qu'il n'y a pas d'exigences rigoureuses ou normalisées en matière de sécurité, que ce soit en ce qui concerne le chauffeur lui-même et les normes de formation et de sécurité ou le contenu du camion.
Il n'y avait aucune exigence précise en ce qui concerne la sécurité. Le document que j'ai lu allait encore plus loin et parlait de l'équipement utilisé et qui ne répond pas aux normes de sécurité du transport sur les routes des États-Unis. C'est un problème important en soi, parce que nous nous penchons sur des arguments qui sont liés à la fois à la concurrence et à la sécurité.
J'ai une question en ce qui concerne les cartes NEXUS et EXPRESS. Qui est responsable de ces deux programmes de sécurité et qui les exécute?
M. Beatty : Les deux gouvernements fédéraux, celui du Canada et celui des États-Unis, travaillent de façon conjointe, ce qui permet le recours à des normes communes. Il est important de s'assurer que les normes qu'on respecte pour traverser la frontière vers le sud s'appliquent aussi lorsqu'on la traverse vers le nord, et il s'agit donc de deux domaines pour lesquels les programmes sont bien conçus et fonctionnent bien. En ce qui concerne la carte NEXUS, il va falloir en produire une nouvelle version lorsqu'on commencera à l'utiliser aux fins de l'IVHO, parce que la version actuelle ne respecte pas les normes technologiques qui sont obligatoires dans le cadre de l'IVHO, alors je vais devoir me procurer une nouvelle carte à un moment donné.
Le sénateur Ringuette : Vous dites qu'on crée toutes sortes de programmes dans différents États. La situation est la même au Canada, le gouvernement du Canada n'assumant pas vraiment le rôle de chef de file en ce qui concerne le fait de définir une norme pour l'ensemble des résidents du Canada. La question est double. Il y a la question de l'identité, dont on s'occupe à l'échelle nationale par l'intermédiaire du passeport canadien; puis il y a la question de la sécurité, qui n'a pas trait au passeport canadien.
À l'échelle nationale, il y a une troisième façon d'identifier les Canadiens : le numéro d'assurance sociale, qui est un programme différent. Comme vous le disiez, je me demande simplement si nous ne devrions pas utiliser le numéro d'assurance sociale pour joindre tous les Canadiens et établir une norme nationale en ce qui concerne la sécurité et l'identité.
M. Beatty : Ce que je pense, c'est que nous devrions nous concentrer non pas tant sur la carte que nous utilisons, mais plutôt sur les exigences que nous définissons et sur les mécanismes de protection que nous mettons en place. S'il faut avoir recours à la biométrie, quelles caractéristiques biométriques choisirons-nous? Comment devront-elles être décodées? À quelles fins utilisera-t-on telle ou telle carte?
On peut soutenir que, pour les raisons liées à la protection de la vie privée, la carte présentée pour traverser la frontière ne devrait pas contenir les données du dossier médical d'une personne au gouvernement provincial et qu'il peut être utile d'avoir deux cartes différentes. Commençons à faire l'inventaire des raisons pour lesquelles nous avons besoin de ces cartes et des normes qu'il faut respecter.
Je vais vous donner un argument en faveur de l'élaboration de normes et de cartes d'identité sûres qui aient du sens. Supposons que vous montez à bord d'un avion. Lorsque vous prenez l'avion pour rentrer au Nouveau-Brunswick, vous verrez que les gens présentent deux documents. L'un de ceux-ci est leur permis de conduire, qui n'est pas un document sûr. L'autre est un passeport, que les gens utilisent pour voyager au Canada. Le passeport canadien est un document que les terroristes et les criminels d'ailleurs convoitent, puisque c'est un document qui est accepté à peu près partout dans le monde. Souhaitons-nous que les gens traînent leur passeport avec eux, qu'ils puissent facilement le perdre lorsqu'ils l'ont dans les poches ou dans un sac à main? Parce que les jeunes vont dans un bar, par exemple, qu'ils doivent prouver qu'ils ont l'âge requis, est-ce que nous voulons que ce soit leur passeport qu'ils apportent avec eux comme preuve d'âge? Je pense qu'il a de fortes raisons de penser que, pour le bénéfice de nos citoyens, nous devons instaurer de bonnes pièces d'identité qu'ils pourront utiliser pour prouver qu'ils sont citoyens canadiens, leur âge ou quoi que ce soit d'autre.
À mon avis, utiliser son passeport au Canada est exactement ce qu'il faut éviter de faire. Nous devons réfléchir à ces choses. Nous devons le faire de façon à favoriser le plus possible l'intégration et de la façon la plus conviviale possible pour les personnes et les entreprises.
J'évoquerais encore une fois l'exemple du chauffeur de camion, du permis de transport des matières dangereuses annexé au permis de conduire; des permis pour le chauffeur qui va de port en port, peut-être des permis différents pour les différents ports; si le chauffeur livre de la marchandise dans des édifices du gouvernement fédéral, peut-être devrait- il avoir des permis différents pour les différents endroits où il effectue ses livraisons; tous ces permis exigent des vérifications différentes, et il arrive souvent qu'un organisme n'accepte pas les vérifications effectuées par les autres. Compte tenu des coûts qui en découlent pour les contribuables et les gens, ainsi que de la menace potentielle pour la vie privée, nous devons réfléchir à tout cela et bien faire les choses, mais en prenant conscience du fait qu'il est urgent de le faire.
Le sénateur Ringuette : Lorsque je fréquentais l'université, j'ai travaillé pendant quelques étés à un poste frontalier à Edmunston. Beaucoup de familles vivent de l'autre côté de la frontière. Je prévois des répercussions économiques, si ce problème n'est pas réglé, sur les Néo-Brunswickois, pour l'État du Maine et pour l'ensemble des Maritimes. La plupart des produits expédiés à partir des Maritimes vers les États-Unis passent par le Nouveau-Brunswick et par le Maine. C'est une question très sérieuse, et je veux vous remercier de vos commentaires.
Le sénateur Moore : Merci d'être ici, monsieur Beatty.
La première question que j'avais prévu poser, c'est celle que le sénateur Atkins a posée au sujet du coût de votre carte NEXUS.
M. Beatty : Ça a été la question la plus difficile aujourd'hui.
Le sénateur Moore : La carte ne coûte-t-elle pas 125 $? Je pense que la carte est un peu plus cher que le passeport, qui, je crois, coûte 85 $.
M. Beatty : Le seul calcul que je me souviens d'avoir fait, c'est que c'était une bonne affaire si la carte allait me permettre de couper court à certaines des étapes de la procédure à la frontière.
Le sénateur Moore : Pourquoi avez-vous fait une demande de carte NEXUS? Est-ce que vous souhaitiez accélérer votre passage par les aérogares lorsque vous traversez les frontières?
M. Beatty : Oui.
Le sénateur Moore : Est-ce que la carte vous a été utile?
M. Beatty : Je viens tout juste de la recevoir, la semaine dernière; mais, oui, c'est précisément la raison pour laquelle je me la suis procuré.
Le sénateur Moore : Plutôt que de faire la file habituelle avec votre passeport?
M. Beatty : Oui. Dans un aéroport, je vais pouvoir faire faire une lecture de mon iris. Le système va ensuite comparer le résultat de cette lecture aux données contenues dans une base de données, vérifier que je suis bel et bien une personne inscrite au programme, et je vais ainsi pouvoir passer très rapidement. Cela va être particulièrement utile, vu le caractère imprévisible des contrôles de sécurité aux douanes des aéroports aujourd'hui. Nous nous sommes tous un jour ou l'autre trouvés dans la situation où nous avons commencé à regarder les aiguilles de notre montre tourner et avons imaginé l'avion décoller sans nous.
Le sénateur Moore : J'ai trouvé certaines de vos observations intéressantes. Elles m'ont rappelé certains travaux que nous avons effectués dans le passé. Je préside le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je participe aussi au Groupe interparlementaire Canada-États-Unis, et nous avons commencé à travailler sur le programme de l'IVHO en 2005, en participant à des réunions aux États-Unis, en essayant de convaincre les autorités de ce côté-là de la frontière de ralentir le pas en raison des répercussions non seulement sur les Canadiens, mais aussi sur les Américains qui se rendent au Canada et qui ne peuvent rentrer chez eux. C'est un problème énorme. Que voulez-vous que nous fassions avec ces gens? Vous devrez les garder dans des installations secondaires jusqu'à ce qu'ils puissent prouver qu'ils sont qui ils prétendent être et que nous puissions leur permettre de rentrer au pays.
L'été dernier, j'ai participé à une réunion nationale des gouvernements d'État, réunion où se trouvaient donc des représentants et des sénateurs des différents États. L'un des conférenciers était Michael Chertoff, et il a insisté sur la nécessité de normaliser les critères, par exemple, pour les permis de conduire délivrés par chacun des États. C'était un processus qu'il était intéressant d'observer. J'observais des collègues américains qui travaillaient à ce dossier, et ils ont dit clairement qu'ils n'étaient pas prêts à accepter cela. Les États sont très indépendants. Ils sont très fiers de leur indépendance, et ils ont dit que ce n'était pas demain qu'ils allaient participer à un autre programme dans le cadre duquel le gouvernement fédéral leur dirait quoi mettre en place. « Le gouvernement fédéral ne fournit pas l'argent, et il s'attend que ce soit nous qui payions pour tout. »
Je ne sais pas si vous allez obtenir de nos voisins du Sud qu'ils collaborent avec nous, comme cela serait souhaitable. Au Canada, nous devons composer avec les provinces et les territoires; aux États-Unis, la démarche est tout à fait différente. Ce pays est fondé sur une structure différente de la structure de notre pays. Nous pouvons participer à des réunions là-bas, mais, chose certaine, nous ne pouvons leur dire quoi faire. Vous pouvez même essayer de faire valoir les économies qui pourraient être réalisées, mais cela ne les convaincra pas non plus. Leur attitude se résume ainsi : « C'est notre État, et c'est ainsi que nous faisons les choses. C'est comme ça que ça va être. » Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
M. Beatty : Les États sont surtout réfractaires à la Real ID Act; j'ai parlé des coûts liés à la mise en place de ce programme. Ce sont des coûts énormes, d'après les chiffres avancés par le Department of Homeland Security des États-Unis, et cette estimation est probablement inférieure à celle que font les États.
En ce qui concerne l'IVHO, les États ne peuvent empêcher son entrée en vigueur; il s'agit d'un domaine de compétence fédérale. On a vu les provinces canadiennes — les trois principales étant le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et l'Ontario, tout récemment, se rendre à Washington pour faire du lobbying; la Colombie-Britannique, qui traite avec l'État adjacent de Washington, va probablement participer au programme — et dire : « Nous sommes prêts à définir des normes raisonnables et à élaborer des permis de conduire qui vont répondre aux exigences de l'IVHO sur le plan technologique et des données, si le State Department et le Department of Homeland Security sont d'accord. Les mesures vont intéresser les Américains, surtout, au départ, les États frontaliers qui participeront. Elles sont particulièrement utiles dans le secteur automobile, par exemple, où une très grande partie des échanges s'effectuent entre l'Ontario et le Michigan et l'Ontario et l'État de New York. J'aborderais la chose de façon très pragmatique. Nous ne sommes pas en mesure de forcer la participation des 50 États, ni d'attendre qu'ils soient tous d'accord pour participer. Cependant, les États frontaliers surtout, ceux dont l'économie est la plus directement touchée par le trafic transfrontalier, vont exprimer un intérêt. Si Hawaii ou la Louisiane prennent plus de temps, c'est leur choix; laissons- les venir nous rejoindre quand ils le souhaiteront. Faisons en sorte d'accélérer les choses en nous occupant de l'important volume d'échanges avec lequel nous devons composer à l'heure actuelle. Je pense que vous allez constater que les provinces canadiennes et les États frontaliers sont tout à fait prêts à collaborer.
Le sénateur Moore : Encore autre chose au sujet de vos observations. L'an dernier, le Comité des banques a reçu des fonctionnaires de l'Agence des services frontaliers du Canada. Ceux-ci s'étaient rendus aux États-Unis pour essayer de travailler avec leurs homologues et obtenir des suggestions quant aux critères qui permettraient d'élaborer une carte acceptable, mais ils n'ont pu obtenir la collaboration des Américains.
M. Beatty : C'est exact.
Le sénateur Moore : Ils ne voulaient même pas dire ce qu'ils avaient l'intention de faire avec leur carte EXPRES. Ils avaient peut-être peur de divulguer des renseignements technologiques concernant la manière de mettre en place la carte EXPRES. La situation semblait très difficile. Les Américains ne se sont pas montrés prêts à collaborer, puis nous avons entendu dire qu'il y aurait deux types de cartes. L'une était une carte de proximité, ce qui signifie que l'usager présente la carte à l'approche de la frontière et qu'un lecteur la décode. L'autre était une carte de voisinage, qu'on pourrait présenter peut-être à 100 mètres de la frontière; un lecteur décoderait la carte, et l'usager serait autorisé à traverser la frontière.
Il y avait ensuite la question de faire en sorte que la carte émette un signal radio, qui pourrait être décodé à grande distance. C'est devenu une question de violation de la vie privée. Si des amis possédant cette carte vous rendaient visite en Ontario, on pourrait les suivre et déterminer où ils magasinent, ou encore s'ils magasinent ou s'ils vont souper dans un restaurant ou ce genre de chose. Avez-vous obtenu une rétroaction ou des renseignements là-dessus?
M. Beatty : Oui.
Le sénateur Moore : L'ambassadeur a dit que la violation de la vie privée est la principale préoccupation et l'obstacle le plus important auquel les Américains font face en ce qui concerne l'élaboration d'une carte d'un type ou d'un autre.
M. Beatty : Oui, et cela va au-delà de la vie privée. Si, par exemple, une personne porte sur elle une carte qui émet un signal, ce signal révèle la nationalité de la personne. Une question de sécurité se pose donc; une personne voyageant à l'étranger peut avoir l'intention de kidnapper un Américain ou un Canadien.
Le choix de la technologie qu'on utilisera pour ces cartes est très important. Il y a deux problèmes. Premièrement, il y a les engorgements dont nous parlions tout à l'heure. Si les gens ne peuvent présenter leur carte que lorsqu'ils arrivent au poste frontalier, il va y avoir un goulot d'étranglement de plusieurs kilomètres à la frontière. Il faut que nous mettions au point les outils technologiques qui vont permettre une lecture à distance. L'autre problème a trait à la sécurité et au respect de la vie privée. Il est possible, sur le plan technologique, d'intégrer un interrupteur à ces cartes. Essentiellement, lorsqu'une personne veut utiliser sa carte, elle l'active. Lorsqu'elle n'a pas l'intention de l'utiliser et qu'elle ne veut pas qu'elle puisse être décodée, elle éteint l'émetteur.
Les membres du comité voudront peut-être visiter d'excellentes installations que j'ai l'intention de visiter moi-même, c'est-à-dire des installations de démonstration et de recherche en matière d'identification par radiofréquence qui se trouvent au nord de Toronto. Si je ne me trompe pas, ces installations se trouvent à Markham. IBM, GS1 et d'autres entreprises participent à ces recherches, et elles font un excellent travail là-bas. Vous allez probablement trouver qu'il vaut la peine de vous familiariser avec les outils technologiques offerts, parce que toutes sortes de questions vont se poser.
Le sénateur Moore : Il s'agit de technologies qu'on appliquerait à une carte?
M. Beatty : Oui; ou intégrées à un passeport. Il y aura peut-être un passeport ordinaire, en format papier, doté de cette technologie.
Cela nous ramène à mes principales idées : nous avons besoin de cartes d'identité sûres — en d'autres termes, nous devons pouvoir vérifier que les gens sont qui ils prétendent être — mais nous devons réfléchir à la technologie, à la biométrie, à la sécurité, au respect de la vie privée, au choix des personnes à qui l'accès sera réservé, aux fins auxquelles nous utiliserons ces cartes et à l'élaboration d'une stratégie cohérente de toute urgence, de façon que nous n'ayons pas à prendre des mesures correctives par la suite et à éviter de devoir dire : « Pourquoi n'avons-nous pas pensé à la menace potentielle pour la sécurité et à l'atteinte à la vie privée des gens? »
Dans le préambule de votre question, vous avez parlé du fait qu'il a été difficile pour l'ASFC, il y a un an de cela, d'obtenir des renseignements de la part des Américains. Cela est attribuable entre autres au fait que les Américains travaillaient à la rédaction et à la publication d'un règlement et que la loi limite leur participation à des consultations, ce qui est une grande source de frustration pour les Canadiens qui voulaient être consultés avant la publication. Nous avons de bons alliés aux États-Unis. Mon homologue, le gouverneur John Engler, ancien gouverneur du Michigan, est le président de la National Association of Manufacturers. Il s'est exprimé avec beaucoup de force et de façon très claire en faveur de l'adoption d'un système rationnel à la frontière, parce qu'il comprend vraiment bien la situation.
Le sénateur Moore : Le Comité des banques a reçu comme témoin la représentante Louise Slaughter, de l'État de New York. Elle a présenté un projet de loi qui prévoit la délivrance d'une carte d'identité qui contiendrait des renseignements minimaux et ne coûterait pas plus de 20 $. La question est en grande partie de savoir si une famille américaine dépenserait 80, 90 ou 100 $ pour un passeport ou une carte NEXUS. Je sais que les passeports américains sont valides pendant dix ans, contrairement aux nôtres, qui sont valides cinq ans, mais une famille de quatre personnes dépenserait-elle 400 $ pour se procurer des cartes lui permettant de venir passer ses vacances au Canada, par exemple, dans la belle province de la Nouvelle-Écosse? Probablement pas.
Avez-vous des renseignements à ce sujet? Savez-vous où en est le projet de loi qu'elle a déposé devant la Chambre des représentants?
M. Beatty : Non, mais la question de savoir combien il en coûtera aux gens qui demanderont ce genre de carte me préoccupe beaucoup, parce qu'il serait facile de fixer un prix prohibitif. J'ai peur que la carte qu'on appelle EXPRES soit tout simplement trop chère et que la plupart des Américains décident de ne pas se la procurer.
L'une des questions auxquelles le comité doit répondre et dont il s'occupe sans aucun doute chaque fois qu'il aborde le thème de la sécurité est la suivante : qui paie? Pour moi, la réponse est simple. Dans les cas où il est possible de prouver qu'il y a un avantage pour une personne ou une organisation précise, c'est cette personne ou cette organisation qui doit payer la facture. Cependant, si la mesure est avantageuse pour la société en général, alors il convient de répartir davantage les coûts.
Cette question est pertinente, par exemple, en ce qui concerne les frais liés à la sécurité dans les aéroports. Si l'on est d'avis que ces frais doivent procurer un avantage aux gens qui prennent l'avion, alors il convient tout à fait de faire payer l'ensemble des coûts à la partie de la population qui voyage. Cependant, si un membre de votre famille s'était trouvé au World Trade Center le 11 septembre 2001, vous penseriez probablement que de bonnes mesures de sécurité dans les aéroports sont quelque chose d'avantageux pour la société en général et que ce ne sont pas seulement les voyageurs qui devraient payer la facture.
Au cours du processus d'élaboration des cartes en question, nous devrions demander si elles sont conçues pour offrir un avantage au titulaire de la carte ou à la société en général, puis nous devrions aussi répartir davantage les coûts.
Le sénateur Moore : L'observation dont vous avez fait part au sénateur Ringuette m'a intéressé, au sujet de certaines des répercussions économiques sur les Maritimes des règlements et du resserrement des exigences quant au passage de la frontière pour entrer aux États-Unis. Votre organisation a-t-elle effectué une étude concernant les répercussions économiques actuelles ou éventuelles sur les Maritimes?
M. Beatty : Pas précisément sur ce sujet, non. Encore une fois, j'appuierais tout à fait le comité s'il décidait de recommander au gouvernement du Canada de commander une étude au sujet des répercussions sur l'économie du Canada, notamment sur les économiques régionales, surtout en ce qui a trait à IVHO, mais aussi à d'autres mesures.
Le sénateur Moore : Je pense que vous avez dit qu'il s'agit de 300 ou de 500 millions de dollars aux États-Unis; lorsque les répercussions sont de cet ordre, il faut faire une étude et attendre qu'elle soit terminée avant d'adopter la loi.
M. Beatty : L'une des plaintes que vous avez entendu formuler par nos fonctionnaires en ce qui concerne l'analyse des répercussions économiques de l'IVHO, c'est qu'elle était confinée aux répercussions sur l'économie américaine, et c'est donc une raison de plus pour que nous nous armions de données de qualité et fiables à présenter aux Américains.
Je vais me placer du point de vue des MEC pendant un instant. L'assise industrielle de l'Amérique du Nord est fortement intégrée. Alors une bonne partie du trafic transfrontalier se fait au sein des entreprises elles-mêmes, de General Motors à General Motors, ou encore à Ford. Nous ne donnons pas l'avantage à un pays au détriment d'un autre en Amérique du Nord, mais nous nuisons à l'assise industrielle nord-américaine, ce qui offre un avantage à la concurrence étrangère.
Ce dont nous devons convaincre les Américains, c'est qu'il s'agit d'une mauvaise politique économique. Si nous nous inquiétons de la survie de notre assise industrielle, nous devons adopter des politiques sensées.
Le président : Monsieur Beatty, j'aimerais revenir sur vos quatre recommandations dans le détail. Je vais commencer par la quatrième, celle qui tient à l'établissement de normes uniformes. Je ne comprends pas du tout la question de l'identification par radiofréquence. Je comprends très bien l'intérêt, pour le personnel des postes frontaliers, d'obtenir les renseignements à l'avance, mais McDonald's a résolu le problème il y a longtemps en installant un microphone et un menu trois autos avant le guichet, ce qui permet aux employés du restaurant de préparer votre commande pendant que vous attendez. S'ils souhaitent utiliser leurs cartes, les titulaires pourraient les faire décoder bien avant le poste frontalier en les glissant dans un lecteur. Il n'est pas nécessaire d'utiliser les radiofréquences et de créer ainsi toutes sortes de problèmes.
Vous pressez le gouvernement d'adopter des normes uniformes, et vous nous suggérez, dans votre quatrième recommandation, d'en discuter avec les Américains. Pensez-vous vraiment que c'est une démarche qui portera fruit, vu la taille des États-Unis et la faible probabilité qu'ils mettent en jeu les compromis déjà conclus dans leur pays? Ne serait-il pas plus sensé de notre part d'étudier le système qu'ils ont mis en place et de trouver une façon de rendre le système canadien compatible avec celui-ci? Nous ne voulons peut-être pas recueillir les mêmes renseignements; il y a peut-être des renseignements dont nous avons besoin pour nos propres fins, mais nous pouvons les encoder et faire en sorte que nos lecteurs puissent les décoder, mais pas les leurs.
Essentiellement, ma question est la suivante : vos objectifs sont-ils réalistes, et parviendrez-vous à les réaliser en temps opportun, si l'un des principaux objectifs que vous poursuivez est de négocier avec les Américains la façon d'élaborer les cartes?
M. Beatty : Je pense qu'ils sont réalistes. Y a-t-il une garantie? Comme je l'ai dit dans les observations que j'ai formulées à votre intention, il n'y en a aucune. La seule chose qui est garantie, c'est que si nous ne faisons rien, d'autres personnes vont définir les normes sans que nous participions au processus.
Le président : Je ne propose pas de ne rien faire; je propose que nous adoptions simplement les normes. Par « normes », j'entends la façon de concevoir le système. Nous pourrions simplement adopter le même système qu'eux, pour ensuite y intégrer les renseignements dont nous avons besoin.
M. Beatty : Lorsque je dis « ne rien faire », je veux dire ne rien faire face aux Américains. Si nous acceptons dès le départ que ce soit eux qui prescrivent les normes, nous allons accepter toutes les normes qu'ils vont prescrire.
Le président : Ils l'ont déjà fait.
M. Beatty : Oui, et nous nous y sommes férocement opposés, mais pas aussi efficacement que nous aurions dû le faire.
Le président : Ça a été un échec total.
M. Beatty : Cela est attribuable entre autres au fait que nous n'avons pas fait le ménage de nos propres affaires.
Le président : Bon point. Cependant, nous avons constaté une certaine évolution au Congrès. Le comité a visité le représentant Sensenbrenner lorsque celui-ci présidait le Comité du pouvoir judiciaire de la Chambre des représentants. En 2003, il voulait procéder à des consultations. Sa position de départ, qui était très importante à nos yeux, était la suivante : consultons nos alliés du Nord et d'ailleurs et trouvons une solution commune — le genre de caractéristiques biométriques auxquelles nous souhaitons avoir recours, et ainsi de suite.
Il a été dépassé par les événements, puis le mouvement a commencé à prendre de l'élan. Au bout du compte, les Américains ont décidé sans consulter personne. L'idée de retourner les voir et de leur demander de faire marche arrière me semble un peu difficile à mettre en œuvre.
Quelle est la méthode la plus rapide? Comment allons-nous réaliser les objectifs que vous proposez mieux qu'en leur disant : Écoutez, nous voulons être consultés comme si nous étions le 51e État. Notre population équivaut à celle de la Californie. Faites-nous participer aux consultations.
Atteindrons-nous notre but plus rapidement en disant : nous allons adopter votre système, puis y intégrer les renseignements dont les Canadiens ont besoin pour entrer aux États-Unis, et nous allons aussi y inscrire tout renseignement dont nous souhaitons disposer pour nos propres fins et les encoder de façon que vous ne puissiez les décoder?
M. Beatty : Tout dépend de l'« objectif » dont vous parlez lorsque vous dites « atteindre plus rapidement cet objectif ». S'il s'agit simplement de mettre en place un système compatible avec celui des Américains et qu'il soit acceptable à leurs yeux, la façon la plus rapide est de tout simplement accepter tout ce qu'ils prescrivent. Si, par contre, nous souhaitons donner forme au système en soi et adopter quelque chose qui reflète davantage les objectifs ou les besoins du Canada, alors nous devons les faire valoir. C'est que nous devons accorder de l'importance à nos besoins et à nos objectifs. Y a-t-il des garanties? Non, mais il est important que nous fassions cela.
L'initiative du gouvernement du Canada après les événements du 11 septembre 2001 a été l'Accord sur la frontière intelligente. Dieu merci, le gouvernement du Canada a fait de l'excellent travail. L'un des principaux intervenants a été George Haynal, que vous connaissez peut-être. Il faisait déjà de l'excellent travail bien avant le 11 septembre, en cherchant des façons d'améliorer la gestion de la frontière. Après les événements du 11 septembre 2001, le Canada s'est donc retrouvé dans la peau du demandeur, puisqu'il a dû dire aux États-Unis : nous avons élaboré une solution canadienne sensée qui va nous aider à améliorer la sécurité et à rendre le passage de la frontière plus fluide pour les personnes et les échanges commerciaux, lorsque les intentions sont légitimes.
Nous étions aussi le pays demandeur à l'occasion des négociations autour du libre-échange. Ce n'est pas aujourd'hui que nous allons parler de cela, mais, d'après mon expérience de nos relations avec les États-Unis, lorsque nous sommes en mode réactif, nous finissons par être perdants. Il est possible que tout le monde gagne. De façon générale, nous réussissons mieux lorsque nous réfléchissons d'abord à la question par nous-mêmes, décidons ce que nous aimerions voir et qui soit sensé au bout du compte et présentons cela dans le contexte d'une solution avantageuse pour nos deux pays, plutôt que de jouer le rôle de demandeur.
Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, nous partageons la même préoccupation. Les Américains doivent composer avec des échéances imposées par le Congrès, et, à l'heure actuelle, l'administration montre peu d'intérêt pour la prolongation de ces délais. Le temps qu'il nous reste passe donc très rapidement.
La question fondamentale est la suivante : vaut-il la peine que nous affirmions l'importance d'avoir un débat significatif avec les États-Unis pour la définition de ces normes? Ma réponse, c'est : oui, mais nous avons de moins en moins de temps pour le faire.
Le président : Ce que vous dites me ramène à votre troisième recommandation, celle qui concerne un vaste débat public. C'est un peu comme la question : si un arbre tombe dans une forêt, est-ce que cela fait du bruit? Les intervenants du vaste débat public à ce sujet semblent être les capitaines de l'industrie qui en parlent et qui sont préoccupés, les politiciens qui en parlent et sont préoccupés, je ne constate pas que la population en parle. Les gens n'en parlent pas, parce que les répercussions ne se sont pas encore fait sentir. C'est une situation dans laquelle on s'attend à ce qu'une urgence survienne, à ce qu'il y ait un problème à la frontière. Sincèrement, je pense que les Canadiens se soucient peu de la situation, et qu'ils ne vont probablement pas s'en soucier avant d'être confrontés au problème de ne pouvoir traverser la frontière.
La personne qui exploite un casino à Windsor s'inquiète, mais la plupart des gens qui vivent à Windsor se sont déjà procuré les documents nécessaires. Ce sont les gens de Detroit qui ne l'ont pas fait.
Lorsque nous parlons d'un vaste débat public, ne parlons-nous pas, en fait, d'un effort déployé par le gouvernement, et peut-être par des organisations comme la vôtre, pour renseigner les Canadiens au sujet de ce que vous anticipez?
M. Beatty : Oui.
Le président : Votre organisation a-t-elle un budget et un programme de communications visant à dire aux collectivités frontalières : « Voici la situation dans laquelle vous allez inévitablement vous retrouver; voici les conséquences. Parlez à votre représentant, à votre sénateur. »
M. Beatty : Ce serait bien si nous avions ce genre de budget.
Le président : Vous allez devoir payer, d'une façon ou d'une autre, monsieur Beatty.
M. Beatty : Ce sont surtout nos membres qui vont devoir payer. Dans le cas des MEC, nous n'avons pas ce genre de budget, même si je passe une bonne partie de mon temps sur la route, à discuter avec des organisations situées le long de la frontière et à soulever les préoccupations dont nous parlons aujourd'hui.
Vous avez tout à fait raison. Il y a les intervenants qui sont le plus directement touchés par la question, notamment les gouvernements, les autres organisations et les entreprises, pour qui la question est une source de préoccupations quotidiennes et qui doivent envisager ce que l'avenir leur réserve, ce qui va se produire d'ici quelques années. Au moment où nous nous parlons, le citoyen moyen s'inquiète davantage des séries éliminatoires de la coupe Stanley que du respect de la vie privée dans l'avenir, ce qui n'est pas surprenant.
Le président : Avez-vous une équipe favorite?
M. Beatty : Oui. J'aime tous les sénateurs; sinon, je ne serais pas ici.
Le président : Bonne réponse.
M. Beatty : Nous sommes peut-être les premiers interlocuteurs, parce que nous sommes davantage touchés et que nous avons l'obligation d'informer les Canadiens, mais je vous assure que, si le gouvernement du Canada lançait un programme visant l'adoption d'un système de carte d'identité obligatoire, il y aurait un débat substantiel au Canada, et on soulèverait des préoccupations très réelles au sujet du respect de la vie privée.
C'est la raison pour laquelle je pense que, pour réaliser les progrès que nous aimerions réaliser, il est important que le processus soit le plus transparent possible, de façon que personne n'ait l'impression qu'il y a une volonté cachée ou que quelqu'un essaie de faire passer quelque chose en douce, sous le nez de la population. Ce sera un défi de sensibiliser les gens.
Nous parlions des défis technologiques liés à l'identification par radiofréquence. Les répercussions sociales de ces outils technologiques sont complexes. Il y en a de bonnes et de mauvaises — c'est pourquoi nous devons avoir un débat éclairé.
Le président : Le poste frontalier Windsor-Detroit soulevait des inquiétudes chez les membres du comité. Dans un de nos rapports, nous recommandons l'adoption d'un vaste plan de communications par le gouvernement fédéral pour informer les collectivités frontalières, idéalement, des deux côtés de la frontière, des coûts et de la nature des risques potentiels. Nous n'avons pas vu de signes indiquant que le gouvernement avait l'intention d'appliquer cette recommandation. Avez-vous une quelconque raison de croire que les intervenants avec qui vous traitez au sein du gouvernement sont susceptibles de promouvoir un plan de communications visant à présenter les avantages, les coûts et les risques associés au fait de ne pas disposer d'outils efficaces pour le passage de la frontière?
M. Beatty : Pas de façon spontanée et sans que ceux d'entre nous qui sommes à l'extérieur du gouvernement ne les encouragions à faire quelque chose.
Le président : Vous parlez souvent avec des gens du gouvernement. Lorsque vous leur parlez, est-ce que leur réponse est oui, faisons cela, ou encore remettent-ils les choses à la semaine des quatre jeudis? Quelle est leur réaction?
M. Beatty : Le problème n'est pas qu'ils sont réfractaires à l'idée. Si vous posiez la question à la plupart des organismes, ils vous diraient que, compte tenu de leurs budgets, ils ont d'autres priorités dans lesquelles investir et d'autres choses auxquelles consacrer leur temps.
Le président : J'ai pris connaissance du fait que le gouvernement avait entrepris une étude en rapport avec les coûts liés à Kyoto. Selon vous, quelle est la probabilité que le gouvernement entreprenne une étude des coûts du ralentissement à la frontière? Le problème semble suffisamment important pour que les répercussions sur les recettes du gouvernement soient significatives. C'est dans l'intérêt du gouvernement de s'assurer que les choses avancent dans ce dossier.
M. Beatty : C'est à mon avis le cas, et c'est ce qui me pousse à prier le comité de faire en sorte que ce dossier fasse partie de l'ordre du jour du gouvernement. Le comité est très efficace lorsqu'il s'agit de porter des questions à l'intention du public.
Le président : Dans quelle mesure avez-vous connu du succès auprès du secteur privé et à quel point les membres de votre organisation, dont les activités ont des répercussions énormes sur la santé économique du pays ont-ils connu du succès? J'aimerais que vous nous donniez une idée du genre de réaction que vous obtenez du gouvernement lorsque vous lui présentez les mêmes arguments que ceux que vous nous présentez aujourd'hui.
M. Beatty : Le problème, en ce qui concerne précisément les cartes d'identité sûres, c'est que la responsabilité est tellement divisée qu'on ne sait pas à qui s'adresser. J'ai fait des démarches auprès d'un certain nombre d'organisations, en soutenant partout qu'il fallait faire quelque chose. Il faut faire les choses de façon cohérente dans l'ensemble du gouvernement. Il n'y a pas de point de mire unique, non plus que d'organismes ou de personnes responsables de jouer le rôle de chef de file dans ce dossier.
Par conséquent, les gens ont tendance à chercher une autre personne qui pourrait prendre l'initiative plutôt que de le faire eux-mêmes.
Le président : Monsieur Beatty, vous avez passé 20 ans au Parlement, et en outre, plus de la moitié de ce temps comme ministre de la Couronne. Où allez-vous lorsque vous avez besoin de savoir quel est l'organisme directeur? À qui vous adressez-vous?
M. Beatty : Je m'adresse ici au Sénat. J'ai constaté que le comité a été particulièrement efficace dans les dossiers liés à la frontière.
Le président : Pour être juste, il faut dire que le bon endroit où demander quel est l'organisme directeur, c'est le Bureau du Conseil privé.
M. Beatty : J'avais le pressentiment que c'est là que vous vouliez en venir.
Le président : Je veux savoir où vous voulez en venir à ce sujet. C'est vous qui conseillez le comité, et nous sommes ici pour connaître votre point de vue. Vous vous présentez devant nous, mais d'après votre expérience de ministre du Cabinet, si vous vouliez faire en sorte que les choses soient coordonnées au sein du gouvernement, que feriez-vous?
M. Beatty : Cela dépend de la question précise qu'on aborde, ainsi que de l'intérêt de cette question pour les parlementaires.
Dans un dossier comme celui qui nous occupe aujourd'hui, le problème qui se pose est celui que vous avez soulevé plus tôt. À l'heure actuelle, la population n'est pas très bien informée à ce sujet ou n'a pas manifesté grand intérêt à cet égard. L'impression que les gens ont, c'est que les choses vont assez bien, et nous avons tendance à réagir une fois que la crise éclate.
Le défi, c'est de faire en sorte que les gens prennent les mesures nécessaires pour prévenir la crise, et de bien jouer le rôle de chef de file. Est-ce que j'ai fait des démarches auprès de toutes sortes d'organismes différents au sein du gouvernement? Oui, et je vais continuer de le faire. Est-ce que je pense qu'il s'agit d'une priorité pour le gouvernement, en ce moment? Je ne serais pas ici si c'était le cas.
Le sénateur Banks : Je laisse de côté le processus pour me pencher sur la situation globale, et les deux pays, comme le sénateur Moore et vous l'avez dit, ont été fondés sur une structure différente. Ils sont aussi différents en ce sens que, comme tout le monde le sait, l'idée qu'une personne se fait de la police, de l'ordre public et des peines imposées aux criminels change le jour où on entre chez elle par effraction.
Les États-Unis ont subi une attaque que nous n'avons pas subie. Le comité — comme d'autres comités du Sénat — a constaté que, depuis, chaque fois que nous nous rendons à Washington pour discuter avec les Américains d'une chose ou d'une autre, pour parler des coûts, des problèmes liés aux échanges commerciaux et de la facilité avec laquelle les gens traversent la frontière, il y a une politique qui n'a pas de nom et qui n'est pas écrite — je vais l'appeler la politique de la sécurité d'abord et avant tout. Dans l'esprit des Américains, cela est d'autant plus vrai qu'on se trouve près de la Maison Blanche. « Oubliez tout le reste. Cela n'a pas d'importance. Nous ne nous soucions pas des coûts. Notre sécurité est notre première priorité, et elle a préséance sur tout. » J'imagine que la sécurité devrait être la première priorité de tout État.
Compte tenu de cela, est-ce que les avantages de l'intégration des entreprises que vous représentez des deux côtés de la frontière sont suffisamment importants pour constituer un facteur à considérer? Allons-nous découvrir que les États diront aux investisseurs : « Ne vous occupez pas de ces choses compliquées; oubliez tout cela et construisez votre usine ici »? Faisons-nous face à un danger important, à court terme, à cet égard?
M. Beatty : À mon avis, nous sommes en mesure de nous doter d'un meilleur système de gestion de la frontière. Aux États-Unis et au Canada, si des gens rationnels se penchent sur l'économie nord-américaine, ils vont découvrir que celle-ci est extrêmement intégrée. Nous réussissons ou subissons l'échec ensemble. Si une partie de l'économie fonctionne mal en Amérique du Nord, le reste n'ira pas bien non plus. Notre intérêt immédiat est de nous assurer du bon fonctionnement de la frontière et des échanges commerciaux, du point de vue de nos deux pays.
Le sénateur Banks : C'est vrai. Cependant, les Américains disent qu'ils n'en ont cure s'il faut en arriver à cela.
M. Beatty : S'il faut en arriver à sacrifier la sécurité?
Le sénateur Banks : Oui.
M. Beatty : C'est précisément là que je voulais en venir. Vous avez tout à fait raison. L'une des erreurs que nous faisons souvent, au Canada, c'est que nous invoquons des arguments économiques pour convaincre les Américains. Nous devons commencer par leur dire que nous sommes aussi préoccupés qu'eux par la sécurité de notre propre population et par le fait de nous assurer que notre pays n'est pas une étape pour les terroristes qui veulent s'en prendre à nos alliés. Nous sommes le seul pays de la liste de ben Laden qui n'a pas été attaqué jusqu'à maintenant. Nous n'avons aucune raison de croire que la menace ne pèse pas sur nous. Nous avons tout intérêt à protéger nos propres citoyens pour nous assurer que nous maintenons des normes de sécurité élevées au pays.
Nous avons aussi tout intérêt à nous assurer que notre pays n'est pas une étape pour les terroristes qui veulent attaquer d'autres pays. C'est ce qu'il faut commencer par dire, que nous défendons une cause commune et que la même menace pèse sur nos deux pays, et que les deux pays seront plus forts ensemble que chacun de son côté.
Le problème tient à la dynamique politique aux États-Unis et au Canada. Le MAECI a effectué un sondage auprès des Canadiens après les événements du 11 septembre 2001. En décembre, d'après ce sondage, les Canadiens disaient que ce qui s'était produit en septembre était terrible, mais qu'il fallait continuer de vivre comme avant le 11 septembre. Dans l'esprit des Américains, la place que les États-Unis occupent dans le monde ne sera plus jamais la même. Nous devons le comprendre et faire preuve de sensibilité à cet égard.
En décembre 2001, j'ai eu une conversation avec un membre du Congrès qui participait au caucus sur la frontière. Je lui ai dit : « Je ne veux pas être impoli, mais je veux comprendre la dynamique. Croyez-vous que vos électeurs accepteraient l'idée selon laquelle tout pays, si compétent et bien intentionné soit-il, pourrait garantir la sécurité des États-Unis aussi bien que les États-Unis eux-mêmes? » Il m'a répondu : au bout du compte, ce à quoi mes électeurs s'attendent de nous, c'est que nous nous occupions de nous-mêmes. Mon interprétation de « s'occuper de nous-mêmes », c'est : traçons une ligne suivant nos frontières géographiques et occupons-nous de la situation.
Aucun politicien ou fonctionnaire ne va perdre son poste pour avoir été trop vigilant en matière de sécurité. Toutes sortes de gens vont perdre leur poste s'il y a un autre incident et qu'ils n'ont pas été suffisamment vigilants.
Voici la dynamique politique à Washington : nous allons nous occuper de nous-mêmes; les Canadiens sont un bon peuple, de bons alliés et de bons amis, mais, au bout du compte, la sécurité des États-Unis est la responsabilité des Américains. Nous devons participer au débat en disant que la meilleure façon pour les États-Unis de garantir leur propre sécurité est de collaborer avec leurs partenaires.
Enfin, l'idée est qu'il ne s'agit pas de choisir entre la sécurité physique et la sécurité économique. Il s'agit des deux côtés de la même médaille. Si Al-Qaïda réussit à nous porter préjudice sur le plan physique, c'est cette organisation qui gagne. Si elle réussit à nous porter préjudice sur le plan économique, elle gagne aussi. C'est nous qui gagnons si nous demeurons forts sur les plans économique et physique. Nous ne pouvons y arriver qu'en collaborant l'un avec l'autre.
Le sénateur Moore : Monsieur Beatty, la loi américaine prévoyait l'adoption d'un règlement concernant les déplacements aériens vers les États-Unis dans le cadre de l'IVHO, règlement qui est entré en vigueur le 23 janvier 2007. Le règlement est en vigueur. Le règlement concernant le transport terrestre et maritime doit entrer en vigueur le 1er juin 2009. La loi ne le précise cependant pas. Cela pourrait se faire avant. D'après ce que j'ai lu, j'ai l'impression qu'il y a un mouvement aux États-Unis en faveur de l'adoption plus rapide du règlement sur le transport terrestre et maritime, peut-être en 2008. C'est à ce moment que les Canadiens vont vraiment prendre conscience de la situation, parce qu'il y a probablement beaucoup de gens qui entrent sur le territoire américain et qui en ressortent chaque jour par voie terrestre ou maritime, notamment par traversier. J'imagine que les traversiers font partie de l'accès par voie terrestre. Vos homologues américains pensent-ils que la date d'entrée en vigueur du règlement va être ramenée à 2008, ou est-ce que ce sera vraiment le 1er juin 2009? Devrions-nous prévoir cette éventualité?
M. Beatty : Notre ambassade pourrait vous fournir des renseignements à jour. D'après ce que je sais, l'objectif du Department of Homeland Security est de se déclarer prêt pour l'entrée en vigueur du règlement le plus tôt possible. Il est bel et bien possible que la date soit avancée. Cela ajoute à l'urgence de la situation.
Le sénateur Moore : Nous continuons de faire comme si le règlement allait entrer en vigueur en 2009. Il pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2008. Vous en revenez à l'échange de renseignements et à la collaboration. Je n'ai pas l'impression que cela se passe bien.
M. Beatty : C'est précisément ce qui m'inquiète. Je pense que notre gouvernement, naïvement, a pris du temps avant d'accorder beaucoup d'attention à l'IVHO. Chose certaine, il y accorde maintenant beaucoup d'attention. Je ne suis pas satisfait de la réaction de l'autre côté. Le sénateur Kenny en a parlé brièvement. Au sein de l'administration, on a l'impression d'avoir décidé qu'on sait ce qu'on veut faire, qu'on va le faire, et le plus rapidement possible. C'est une question légitime que le sénateur Kenny et d'autres m'ont posée ce matin lorsqu'ils m'ont demandé si les Américains allaient être réticents de quelque façon que ce soit à modifier cette décision. J'espère qu'ils vont accepter de la modifier, et il vaut la peine que nous essayions de les en convaincre. Cependant, il nous reste de moins en moins de temps pour le faire.
Le sénateur Atkins : Vous parlez beaucoup du manque de coordination, au sein du gouvernement, en ce qui concerne beaucoup de ces questions. Est-ce que ce ne serait pas une bonne idée que tout cela relève du ministère de la Sécurité publique?
M. Beatty : Cela ne me dérange pas que le gouvernement choisisse le ministère qu'il voudra, pour autant qu'il en choisisse un, que ce soit le Conseil du Trésor, parce que c'est cette organisation qui est responsable des dossiers et des normes d'administration du gouvernement, ou Sécurité publique; l'important, c'est d'en choisir un. Attribuez la responsabilité au ministère choisi, et dites aux gens de ce ministère que le problème est passablement urgent.
Le président : Merci, monsieur Betty. Il est clair qu'il s'agit d'une question très importante pour les Canadiens. La réaction que vous avez pu voir chez les membres du comité aujourd'hui vous donne une idée de notre engagement face à cette question. Je sais que vous êtes arrivé ici avec des préoccupations au sujet des cartes d'identité et des systèmes qui servent à les décoder. Il y a derrière cette question une question plus générale. Si on ne comprend pas cette question, qui est celle des répercussions positives ou négatives sur notre économie et sur l'économie américaine, il est difficile de se concentrer sur le besoin de réduire le nombre de cartes d'identité.
Vous nous avez rendu un grand service en attirant notre attention là-dessus. Nous sommes reconnaissants de votre participation à cette réunion. Au nom des membres du comité, merci beaucoup.
M. Beatty : Merci de votre accueil.
Le président : Je suggère aux gens du public de visiter notre site Web au www.sen-sec.ca. Nous y affichons les noms des témoins qui doivent comparaître, ainsi que l'horaire des audiences. Vous pouvez aussi téléphoner à la greffière du comité, au 1-800-267-7362 pour obtenir de plus amples renseignements.
Nous recevons maintenant le brigadier général A.J. Howard, Directeur général — Opérations, et État-major interarmées stratégique, Quartier général de la Défense nationale. Il témoigne tellement souvent devant le comité que nous le voyons comme un membre honoraire du comité. Nous avons profité à plusieurs reprises de ses comptes rendus sur la situation en Afghanistan.
Le Brigadier général Howard s'est joint aux Forces canadiennes en 1978. On l'a nommé officier d'artillerie. Il a été commandant à divers niveaux, des troupes aux groupes-brigades. Il a servi pendant plus de 15 ans dans le cadre d'opérations ou sur le terrain, il a servi à l'étranger à Lahr, Chypre, en Yougoslavie et à Washington.
Récemment, il a été promu commandant du 1er Régiment de la Royal Canadian Horse Artillery et commandant du 2e Groupe-brigade mécanisé. Le Brigadier général Howard a été nommé Directeur général des opérations, et État- major interarmées stratégique au Quartier général de la Défense nationale à l'été 2006. Nous avons appris que vous alliez être affecté à un nouveau poste très bientôt, celui de commandant de la Région de l'Ontario. Est-ce exact?
Brigadier général A.J. Howard, directeur général, Opérations, État-major interarmées stratégique, Défense nationale : Oui, monsieur le président.
Le président : C'est peut-être l'une des dernières fois que vous témoignez devant le comité. Je pense que nous pourrons probablement tenir deux ou trois audiences encore avant que vous occupiez un nouveau poste.
Brigadier général Howard, veuillez faire votre déclaration préliminaire.
Bgén Howard : Honorables sénateurs, je vais vous présenter un bref compte rendu qui tient en douze diapos PowerPoint. Je suis heureux de témoigner de nouveau devant le comité, et je vais vous présenter un bref compte rendu des opérations en Afghanistan. Mon exposé va porter sur les opérations en cours.
[Français]
Comme vous le savez, le Canada est en Afghanistan à la demande du gouvernement afghan. Bien que les trois lignes d'opération pour la mission de la FIAS dirigée par l'OTAN et sanctionnée par les Nations Unies soient entremêlées, je vais insister principalement sur le pilier de la sécurité, qui essaie de soutenir et d'améliorer les deux autres pour aider à bâtir une capacité afghane pour surmonter ces difficultés et pour aider à rebâtir le pays.
[Traduction]
Même les soldats les plus déterminés font face à des défis et à des problèmes en Afghanistan. Cependant, dans de nombreuses régions du pays, les choses s'améliorent, ce que beaucoup de gens ne savent pas. Les soldats canadiens le constatent, et ils essaient de contribuer à cette amélioration chaque jour. Ils sont motivés par les déclarations d'organisations humanitaires comme UNICEF Canada. M. Nigel Fisher, directeur d'UNICEF Canada, a récemment souligné les effets très positifs du travail des soldats sur la situation des Afghans.
On oublie parfois de le dire, mais les soldats canadiens continuent d'apporter une contribution importante, comme nous le savons tous. Par exemple, il y a 8 000 km de routes nouvelles et rénovées en Afghanistan. Les Forces canadiennes ont assuré la sécurité d'un petit tronçon de ce réseau, le long de la route Summit pour établir un lien entre la région de Zhari-Panjwayi et la ville de Kandahar, ainsi que d'autres centres urbains importants et favoriser les déplacements et, on l'espère, les échanges commerciaux. Il y a des soldats canadiens qui ont sacrifié leur vie pour la construction de ces routes. La présence des soldats canadiens compte.
Depuis la dernière fois que j'ai témoigné devant le comité, la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan a effectué avec succès un cycle de rotation en février et en mars, qui visait les éléments tactiques de la Rotation 2, comme le groupe tactique et l'EPR. L'élément de soutien, généré surtout à partir de Petawawa et d'Edmonton, a été remplacé par des éléments du même genre provenant de la Région de l'Atlantique, connus sous le nom de Force opérationnelle interarmées en Afghanistan et Rotation 3, ou FOI Afg Roto 3.
Sur la diapo suivante, je signale les réalisations de la Force opérationnelle interarmées en Afghanistan Rotation 2. Au sujet du premier élément de la diapo, la résolution de l'OTAN de renforcer le soutien offert au gouvernement afghan dans le cadre de l'opération Médusa, la Force internationale d'assistance à la sécurité, l'ISAF, a envoyé un message clair, au cours de l'opération Médusa, en septembre dernier, selon lequel les Talibans n'étaient pas bienvenus dans la région de Zhari-Panjwayi, à l'ouest de Kandahar. Les Canadiens ont mené l'opération qui a consisté à faire sortir les Talibans de leurs retranchements, et ils ont fait la preuve du sérieux de la résolution de l'ISAF d'aider les Afghans.
Des mois plus tard, lorsqu'on écoute les commandants supérieurs parler de l'opération Médusa, on peut entendre ce message exprimé avec de plus en plus de force chaque fois que nous regardons les opérations effectuées en Afghanistan. Les Talibans ne se sont jamais concentrés de la même façon de nouveau dans une région. Les opérations ont eu des répercussions positives sur les Afghans, puisqu'elles leur ont permis de faire la preuve de leur résolution, et elles ont permis aux soldats canadiens de mener et de lancer les opérations actuelles. Nos opérations actuelles, qui visent l'amélioration de la sécurité dans l'ensemble de la région, se déroulent beaucoup mieux grâce aux résultats obtenus par le 1er bataillon du groupement tactique du Royal Canadian Regiment. Il faut reconnaître le grand succès que le groupement a connu dans le cadre de cette entreprise, puisqu'il a asséné un coup important aux insurgés. Bon nombre de familles afghanes sont rentrées dans la région, ce qu'elles ne pouvaient faire auparavant. Si vous aviez parcouru la région de Zhari-Panjwayi à l'automne, vous n'y auriez pas vu beaucoup de gens. Il n'y avait ni lumières ni marchés; il ne se passait rien là-bas.
Au cours des derniers mois, une fois l'opération Médusa terminée, nous avons continuellement vu les familles rentrer dans la région. Dans certains endroits, on peut voir les lumières briller le soir, et les marchés sont en pleine expansion. En outre, ce qui est peut-être encore plus important, c'est que des Afghans s'adressent aux soldats pour leur faire part des endroits où il peut y avoir des caches d'armes. Ils essaient ainsi d'assumer une partie de la responsabilité liée à leur sécurité. C'est un petit pas, mais un pas important. Je ne voudrais pas donner à croire aux sénateurs que tous les problèmes sont réglés, mais il est clair que l'opération Médusa a eu des répercussions positives.
Toute l'équipe de la Rotation 2 a travaillé dur après l'opération Médusa, et elle continue de le faire en vue d'établir un cadre sécuritaire dans la région de Zhari-Panjwayi, en mettant en place un cadre rudimentaire de forces de sécurité afghanes. Les membres de la Roto 2 ont été témoins de l'augmentation de la taille de l'armée et de la police nationale afghanes dans la province de Kandahar. L'effectif est passé d'un nombre presque négligeable, et il est maintenant de 1 000 à 2 000 hommes. Bâtir cet effectif a été une grande réalisation, et nous avons vu la croissance se poursuivre, même s'il nous faut encore beaucoup plus d'hommes.
Le prix de la construction de la route Summit a été du sang, de la sueur, des larmes et des vies. Une bonne partie du revêtement de cette route est terminée, même s'il nous reste un petit pont sur l'Arghandbad à finir. C'est l'une des importantes réalisations des soldats canadiens, et cette route est une promesse de répercussions positives sur l'économie de la région.
[Français]
L'équipe de reconstruction provinciale a poursuivi son bon travail. L'ajout de la compagnie d'infanterie l'automne dernier pour aider à la sécurité du PRT lui a permis de conduire deux fois le nombre des réunions protégées et les patrouilles des sites qui n'étaient pas précédemment possibles.
[Traduction]
Cette compagnie de carabiniers et la capacité supplémentaire qu'elle représentait nous ont permis de doubler la quantité de travail effectué par l'EPR. Au cours de la période de service de la Roto 2, l'EPR a géré environ 300 patrouilles différentes dans la province de Kandahar, dans le but d'établir un lien entre les Afghans et les principaux agents d'aide; on a effectué neuf patrouilles médicales dans des villages, ce qui a été bénéfique pour plus de 2 500 patients; on a rénové 16 écoles; on en a ouvert deux autres et on a rénové deux terrains de jeux d'école. Il s'agit là de grandes réalisations de la Roto 2. Vous serez heureux d'apprendre que les membres de la Roto 2 vont parader à Petawawa le jeudi 27 avril 2007, et on va leur accorder plusieurs médailles et mentions. Les Canadiens ont des raisons d'être fiers de ce que ce groupe a accompli.
Je vais maintenant vous donner un compte rendu de ce qui s'est produit depuis le départ du personnel de la Roto 2. La diapo comporte quatre cases correspondant à différentes régions du pays. Le Commandement régional Sud demeure une région où le rythme des opérations est élevé. Le reste de l'Afghanistan est relativement tranquille, mais l'activité est vraiment intense dans le CRS. Du point de vue de l'ISAF, les activités opérationnelles des dernières semaines dans la région ont continué d'avoir pour objet la sécurité de la région, où on repousse des Talibans et on établit les conditions favorables au développement, surtout dans la zone de développement de la ville de Kandahar.
Au quartier général dirigé par les Pays-Bas, la passation des pouvoirs au Royaume-Uni a commencé. Le 1er mai, le major général Jacko Page, un officier britannique, prendra la tête du Commandement régional Sud. Il sera secondé par un général canadien très compétent, Marc Hainse, qui a récemment été commandant de la 5e brigade et chef d'état- major de Commandement Canada, et qui va occuper le poste de commandant adjoint. Environ 40 Canadiens vont travailler à ce quartier général, auprès de gens de nombreux pays, le Royaume-Uni étant chargé de la direction du quartier général. Je vais y revenir dans une minute.
[Français]
Pour la force opérationnelle d'Uruzgan, l'effort principal est de maintenir leur orientation sur la sécurité dans les régions de Dihrawud et de Tirin Kot. Pour la force opérationnelle de Zaboul, l'effort principal est de continuer leur orientation sur les opérations de sécurité, le long de la route 1, la conduite de la sécurité de la zone de développement afghane et les opérations d'interruption dans le district de Mizan.
[Traduction]
L'effort principal de la Force opérationnelle Kandahar vise la sécurité, la reconstruction et le développement de la région de Zhari-Panjwayi. Pour donner suite à l'excellent travail que le personnel de la Roto 2 a effectué, nous devons poursuivre notre effort principal dans cette région.
Enfin, du côté de la Force opérationnelle de la province de Helmand, nous avons concentré nos efforts opérationnels autour de la vallée de Sangin. La force opérationnelle a maintenu ses patrouilles normales dans les zones de développement afghanes et le long de l'autoroute 1 pour assurer la sécurité et permettre la poursuite des projets de reconstruction.
Les forces de sécurité afghanes et les forces britanniques ont travaillé en partenariat à l'amélioration et à la rénovation du barrage de Kajaki Dam, et elles ont poursuivi les opérations visant à établir la sécurité nécessaire autour du barrage.
À la diapo suivante, j'aimerais décrire ce qui s'est passé, ces derniers temps, dans la province de Helmand. Le 5 mars, l'Opération Achille, une mission et une opération du Commandement régional Sud, a commencé dans la province. Il s'agit d'une opération dirigée par les forces britanniques et les forces de sécurité afghanes. Il y a beaucoup de personnel de pays différents, mais plus de 5 000 soldats afghans participent à cette mission, comme des milliers de soldats de l'ISAF. Il s'agit de l'une des opérations les plus importantes de la mission de l'ISAF en Afghanistan jusqu'à maintenant, et elle vise la province de Helmand.
L'objectif est d'empêcher les opérations dans la vallée de la rivière Sangin, qui se trouve juste de l'autre côté de la frontière, entre Helmand et Kandahar, et d'ainsi établir les conditions qui permettront de protéger à long terme le barrage de Kajaki. La Force opérationnelle interarmées en Afghanistan a participé à cette opération notamment en déployant un effort de soutien et en s'acquittant de tâches d'interception et de diffusion de messages visant à nuire aux opérations dans le district Maywand. Il s'agit d'un district qui se trouve le long de la frontière entre Helmand et Kandahar, du côté de Kandahar. Nous avons déployé des soldats dans le cadre de l'opération Achille jusqu'au 11 avril.
Le barrage de Kajaki, qui se trouve dans la province nordique de Helmand, est le plus important d'Afghanistan. Il s'agit d'un parfait exemple de démarche globale, la sécurité, la reconstruction et le développement allant de pair pour offrir la promesse de retombées économiques significatives. On vise à augmenter la production d'électricité, pour la faire passer de 12 à 21 mégawatts en deux ans. Il consistera entre autres en la construction d'une route empierrée de 87 kilomètres, en la multiplication par trois de la capacité d'irrigation et en une promesse de reprise économique, avec pour résultat la création de milliers d'emplois dans la région du Sud.
Il y a encore dans la région un grand besoin d'assurer la sécurité de multiples niveaux, grâce à une présence à la fois fixe et mobile. L'objectif est de remplacer les forces de l'ISAF, une fois que la mission sera terminée, par l'armée, la police et la milice afghanes de façon à assurer une présence permanente là-bas.
Grâce aux efforts déployés par l'ISAF pour sécuriser le barrage de Kajaki, l'alimentation en électricité de la ville de Kandahar a été continue. Il y avait des fluctuations plus tôt au cours de l'automne et au début du printemps, à cause de la faible production et du mécontentement des Afghans qui travaillent là-bas. Une fois que nous serons en mesure d'assurer la sécurité du barrage, cela aura des répercussions directes sur notre province. Il s'agit d'une opération militaire dont l'objectif est la reconstruction et dont le motif est économique.
En ce qui concerne les problèmes liés aux opérations, je vais parler de ceux auxquels nos alliés de l'OTAN et nos partenaires du Commandement régional Sud ont fait face au cours des dernières semaines. De façon générale, la province de Helmand continue d'être le lieu de la majeure partie des activités des Talibans. C'est là que le gros des activités des insurgés se sont déroulées. Cela est attribuable en partie à l'offensive que le Royaume-Uni et les forces de sécurité afghanes continuent de mener dans la province et dont je viens juste de parler, qui menacent directement les principales voies de communication des Talibans dans le secteur du Commandement régional Sud.
Pour dire les choses simplement, les soldats de l'OTAN sont arrivés dans des régions où se trouvent les Talibans et où ne s'était pas encore rendu l'ISAF. C'est la raison pour laquelle les Talibans s'activent : l'ISAF n'avait pas été là auparavant.
La plus récente opération dans le centre du district de Sangin a affaibli les capacités des Talibans dans la région, les forçant à quitter le centre et à se rendre dans les villes du Nord. Au fur et à mesure que nous sécurisons la région qui va de l'autoroute 1 au barrage de Kajaki, en passant par la vallée de la rivière Sangin, il est certain que les Talibans ne demeurent pas dans la région. Ils ont en quelque sorte fui la région.
La province de Kandahar est plus calme, comparativement à celle de Helmand. Les Talibans doivent reprendre du terrain dans la province, après les succès opérationnels que nous avons connus dans la région de Zhari-Panjwayi et que j'ai décrits plus tôt, et nous exerçons toujours une influence assez positive dans l'ensemble de la région. Les Talibans se sont révélés incapables de faire face à nos forces comme l'automne dernier, et ils n'ont offert aucune résistance digne de mention. En dernier ressort, ils posent des actes terroristes, contre les Afghans et contre nos soldats, en utilisant ce qui leur tombe sous la main, que ce soit des mines ou des engins explosifs improvisés ou EEI.
Le 8 avril, comme vous le savez, un véhicule blindé léger a roulé sur un engin explosif improvisé, et six soldats canadiens ont été tués, et quatre, blessés. Le 11 avril, deux autres soldats ont été tués, et deux autres, blessés, lorsque leur véhicule de reconnaissance Coyote a heurté une mine. Enfin, le 17 avril, un engin explosif télécommandé a explosé à Kandahar au moment où un convoi routier de l'ONU passait tout près. L'explosion a coûté la vie à un chauffeur afghan et à quatre gardes népalais qui travaillaient aux services des projets du bureau de l'ONU.
Il est évident que les Talibans essaient de perturber les efforts de la communauté internationale en ce qui concerne l'aide et la reconstruction dans la région. Malheureusement, les personnes qui sont le plus touchées sont les Afghans eux-mêmes, qui veulent une meilleure vie pour leurs enfants, mais qui sont terrorisés par les Talibans, lesquels attaquent les soldats et les travailleurs humanitaires qui essaient d'aider les Afghans.
Le contingent canadien manifeste un profond respect envers les familles canadiennes qui ont perdu un de leurs proches, surtout celles à qui c'est arrivé récemment. La volonté d'aller jusqu'au bout de la mission reste présente ainsi que le souhaiteraient les camarades tombés au combat, et c'est certainement ce qui anime le contingent en ce moment.
Les initiatives en cours visant à fournir à nos soldats le meilleur équipement possible pour se protéger et pour protéger les Afghans sont essentielles. Les soldats vous diront qu'ils constatent des progrès chaque jour sur le terrain. À la même époque l'an dernier, vous n'auriez pas effectué une patrouille à pied dans la région de Zhari-Panjwayi; vous n'auriez pas été en sécurité. Nos soldats peuvent maintenant le faire chaque jour. Ils peuvent maintenant sortir des bases d'opération avancées et se mêler à la population de la région de Zhari-Panjwayi. C'est bon signe lorsque les soldats peuvent descendre de leur véhicule, sortir de la FOB et faire un tour à pied. C'est bon signe pour les familles qui sont rentrées dans la région.
Les nouveaux chars d'assaut qui ont fait l'objet d'une annonce récente vont offrir une meilleure protection aux soldats et vont leur permettre de poursuivre les opérations visant à établir les conditions nécessaires pour que se produisent les améliorations significatives de la gouvernance et la reconstruction dont les Afghans ont besoin et qu'ils souhaitent.
La dernière partie de mon exposé vise à mettre en lumière les activités que nos soldats ont entreprises au cours des dernières semaines.
Du côté droit de la diapo, l'ovale vert pointe vers la région de Zhari-Panjwayi, où nous déployons notre principal effort de sécurité pour soutenir la reconstruction et le développement. Entres autres activités, nous avons effectué des patrouilles de sécurité avec nos partenaires afghans pour assurer les habitants de l'endroit de notre engagement à les aider et à rester sur place. Nous faisons des choses simples comme discuter avec les Afghans et collaborer avec leurs principaux dirigeants pour commencer à dresser la carte des tribus dans la région et faire une évaluation détaillée du mode de vie, de façon que nous puissions établir les conditions favorables pour les villageois, et peut-être pour contribuer à la reconstruction des écoles et donner un coup de main à beaucoup d'autres égards.
Nous avons aidé l'armée et la police afghanes à établir des points de contrôle des véhicules dans la région. La semaine dernière, par exemple, nos ingénieurs ont installé des fils, des lampes et des clôtures de sécurité supplémentaires à six points de contrôle. Toutes ces activités visent à permettre aux Afghans de maîtriser la situation dans les villes et dans les villages de la région.
C'est un travail en cours, mais chaque petit pas compte. Le 8 avril, par exemple, même si la journée a été difficile pour les Canadiens, plus de 100 jeunes de Kandahar ont participé à une course. J'ai apporté une photographie qui a été prise à l'occasion de cet événement. Encore une fois, il s'agit d'un petit pas, mesuré. C'est encourageant de voir les habitants de l'endroit se livrer à une activité qui passerait pour normale un samedi à Ottawa : voir les enfants courir et les gens courir en shorts. Les Talibans ne l'auraient jamais permis. La course s'est bien passée, sans violence, et cela prouve qu'il est possible de vivre une vie normale dans la région.
Les médias locaux ont effectué une couverture adéquate de l'événement, mais celui-ci n'a pas autant attiré l'attention sur la scène internationale, alors j'ai cru bon de vous en parler. C'est un message puissant qui motive les gens sur le terrain.
Je passe à la diapo suivante, et je veux parler de l'ovale vert qui se trouve à droite. L'ovale indique le district de Maywand, dans la province de Kandahar, où nos soldats ont effectué des patrouilles le long de la frontière, comme je l'ai déjà décrit, et ils ont rencontré les dirigeants locaux. Je n'ai pas croisé beaucoup d'insurgés là-bas, même si c'est là qu'a eu lieu l'horrible attentat à l'engin explosif improvisé. Notre présence a permis à la Force opérationnelle de Helmand d'accomplir sa mission en s'assurant qu'aucun élément ne vienne par le flanc l'en empêcher.
Je vais maintenant parler de l'équipe provinciale de reconstruction. L'effort principal de cette équipe est aussi important qu'il l'était au moment où vous étiez là-bas pour discuter avec les membres de l'équipe. Ils ont réalisé des progrès importants à Kandahar depuis janvier 2007, en accélérant le déroulement de projets dans le cadre du Programme national de développement axé sur les régions du gouvernement afghan. Ces progrès sont un reflet direct du leadership du gouverneur de Kandahar et du soutien continu de la communauté internationale. Il y a des progrès. Le gouverneur a joué un rôle actif dans la province, et c'est agréable de voir tous ces signes positifs. La situation n'et pas parfaite. Il y a des problèmes. Je suis loin de dire que tous les problèmes sont réglés, mais je pense que les choses vont dans la bonne direction.
La mise en place d'un programme national de solidarité avance dans la province, et nous constatons l'évolution de nombreuses communautés de développement à l'échelle locale, les Afghans eux-mêmes contribuant à l'amélioration de la coordination de leurs activités. Bon nombre d'activités du genre ont eu lieu sous l'égide de l'EPR au cours des six derniers mois.
Sur le plan tactique, je présente un certain nombre de réalisations à la diapo suivante. Je ne vais pas parler de chacune de ces réalisations, mais elles sont importantes aux yeux des gens sur le terrain. Ce que je trouve encourageant, c'est qu'on insiste toujours sur les améliorations, lorsqu'on parle des projets de reconstruction dans la province. Tout récemment, par exemple, le ministre Zia, qui est le ministre de la reconstruction et du développement au sein du gouvernement afghan, a fait l'annonce de 34 projets dans la province de Kandahar, d'une valeur totale de près de deux millions de dollars américains et financés par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI. Au total, ces projets vont offrir 49 000 jours de travail et profiter à quelque 74 000 personnes dans la province. Par exemple, des projets liés notamment à l'initiative sur l'énergie solaire vont permettre d'éclairer 800 maisons qui ne l'étaient pas auparavant. Toutes sortes d'activités et d'initiatives positives sont en cours dans la province de Kandahar.
J'ai terminé mon exposé, monsieur le président. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci, général. Les membres du comité ont eu l'impression qu'il y avait une différence entre la démarche des Forces canadiennes dans le cadre de l'opération Médusa et de l'opération Baaz Tsuka, et, lorsque nous nous sommes rendus en Afghanistan, nous avons porté notre attention sur ces deux opérations. L'impression que nous avons eue est que les membres du commandement du Sud avaient de plus en plus le sentiment que les opérations militaires avaient des répercussions négatives sur les gens de l'endroit et qu'on avait peut-être adopté un cadre d'intervention légèrement différent pour l'opération Baaz Tsuka, que j'ai entendu décrire comme étant un peu moins offensive, ou peut-être un peu plus prudente, au chapitre de la conduite des opérations. Est-ce le cas, et, selon vous, cette démarche s'est-elle révélée plus efficace, à long terme, pour ce qui est de gagner la confiance des gens du sud du pays?
Bgén Howard : Mon point de vue, c'est que nous avons toujours préféré ne pas avoir à nous livrer au combat en Afghanistan. Nous préférerions ne pas avoir à tirer une seule balle. Je dirais que l'opération Médusa a permis d'établir les conditions nécessaires au succès de l'opération Baaz Tsuka. Dans le cadre de l'opération Médusa, on a présenté le même genre d'idée aux Talibans, et nous leur avons essentiellement demandé de partir : « Nous allons occuper cette région, nous voulons aider la population locale et nous vous demandons de partir. » Leur réaction a été de se retrancher, situation qui rappelle la Première Guerre mondiale : des tranchées, une forte concentration des soldats, des armes antichars et des choses du genre. Face à ce type d'ennemi, l'entreprise difficile a été de les déloger de la région.
Comme je l'ai déjà mentionné, il a fallu combattre pour les faire partir. Pendant l'opération Baaz Tsuka, qui a suivi l'opération Médusa, les Talibans savaient que nous étions sérieux et que nous n'allions pas tolérer qu'ils continuent de terroriser la population locale et de se placer dans les positions retranchées. Cependant, il a été clair, une fois que nous leur avons fait savoir que nous nous en venions, pour ainsi dire, qu'ils se sont défilés. Par la suite, lorsque nos soldats se sont avancés dans cette région, préparés à faire exactement ce que nous avions fait au cours de l'opération Médusa, les Talibans n'étaient plus aussi nombreux qu'auparavant, et leur résistance n'était plus aussi grande.
Je crois que c'est l'opération Médusa qui a permis de préparer le terrain. L'opération Baaz Tsuka offre un excellent modèle que nous pouvons suivre pour les opérations de sécurité. Chaque situation est différente. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une nouvelle façon de faire les choses, mais cela nous ramène à l'idée de départ selon laquelle les soldats canadiens préfèrent ne pas avoir à livrer de combat là-bas. Ce que nous voulons, c'est assurer la sécurité. Cependant, si quelqu'un s'en prend à nous, nous avons l'expertise et les ressources nécessaires pour établir les conditions permettant la création d'un milieu stable et sûr.
Le président : Quelle démarche s'applique à l'opération actuelle?
Bgén Howard : À l'heure actuelle, nous nous trouvons dans la région de Zhari-Panjwayi. Il s'agit de ce que je décrirais comme étant la partie postérieure de l'opération Baaz Tsuka, et il s'agit de l'occasion d'effectuer une consolidation dans la région et d'essayer de rendre le milieu sûr. Nous essayons d'amener nos partenaires afghans — la police nationale afghane et d'autres partenaires — pour qu'ils assument la responsabilité de leur propre sécurité, ainsi que de mobiliser les principaux dirigeants, pour qu'ils facilitent l'afflux de l'aide et la reconstruction dans cette zone, et qu'ils s'assurent que les Talibans ne reviennent pas en grand nombre. Nous continuerons d'assurer une présence. Notre présence est ce qui garantit la sécurité et la stabilité de la région.
Faire la même chose partout en Afghanistan serait particulièrement difficile. Il faudrait beaucoup de soldats. Cependant, si nous réussissons, et que d'autres le constatent, alors, au cours des mois suivants, nous pouvons peut-être nous rendre dans d'autres régions pour les rendre sûres et stables aussi. C'est un travail inachevé qui prendra encore plusieurs mois à terminer.
Le président : La dernière fois que vous avez témoigné devant nous, l'un des problèmes importants était un soutien insuffisant de la part des autres pays de l'OTAN dans le Sud. Est-ce que ce problème est réglé?
Bgén Howard : Les partenaires de la région du Sud ont travaillé ensemble. Les pays se sont regroupés là-bas pour effectuer de grandes opérations ensemble. C'est l'une des choses qui, à mon avis, a bien fonctionné. Nous encourageons certainement nos alliés à se joindre à nous dans le Sud. Il s'agit d'une entreprise dirigée par l'OTAN. Les différentes ententes qu'ils ont conclues avec d'autres pays sont négociées à ce niveau précis. Le Commandement régional Sud dispose d'autres bataillons américains. Le Royaume-Uni a envoyé davantage de soldats dans le théâtre des opérations. Nous avons augmenté notre propre effectif à l'automne, et j'espère que, au cours des mois qui viennent, d'autres partenaires se joindront à nous dans le Sud.
Le président : Vous êtes ici à titre de représentant du Chef d'état-major de la Défense, n'est-ce pas?
Bgén Howard : Oui.
Le président : Est-il satisfait de la participation actuelle de l'OTAN?
Bgén Howard : Nous disposons de suffisamment de soldats pour effectuer les missions en cours au Commandement régional Sud. Nous faisons de notre mieux avec les ressources dont nous disposons. Le général Hillier vous dirait que nous aimerions beaucoup qu'il y ait davantage de gens dans le Sud pour nous aider, mais, si nous ne sommes pas nombreux, alors il faut plus de temps pour effectuer les opérations.
Le président : Général, vous tournez autour du pot. Est-il satisfait du nombre de soldats de l'OTAN qui se trouvent là-bas à l'heure actuelle?
Bgén Howard : Je ne peux pas répondre de façon précise, parce que je ne lui ai pas posé la question au cours des dernières semaines. Il faudrait que je la lui pose.
Le président : Quelle a été sa réponse la dernière fois que vous lui avez posé la question?
Bgén Howard : Je vous ai déjà répondu. La dernière fois que je lui ai posé une question au sujet des soldats dans la zone du Commandement régional Sud, il m'a dit : « Nous allons prendre le plus de soldats possible et prévoir nos opérations en fonction des troupes dont nous disposerons. Cela veut simplement dire qu'il va falloir plus de temps. »
Le président : Est-ce que le gouvernement souhaite solliciter une participation plus importante de la part de l'OTAN?
Bgén Howard : Je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Je ne connais pas la réponse. Je n'ai pas posé cette question récemment.
Le président : Pouvez-vous poser la question et transmettre la réponse au comité, s'il vous plaît?
Bgén Howard : Certainement.
Le président : Merci.
Le sénateur Moore : C'est bon de vous revoir, Brigadier général Howard. Merci d'être ici. Je veux commencer en vous posant des questions au sujet de la police nationale afghane et de la police auxiliaire. Nous avons entendu dire dans le passé que nous sommes en train de former les policiers auxiliaires, parce que la police était corrompue et que, de ce fait, nous avions besoin d'une force auxiliaire n'ayant eu que de 10 à 14 jours d'entraînement, ce qui, à mon avis, est très peu.
Quels étaient les objectifs, dans l'ensemble, de l'établissement de la force de police et de la force auxiliaire, et combien de personnes avons-nous formées? Nous voulions former un nombre donné de policiers, et je veux savoir où nous en sommes. Le savez-vous? Sinon, pouvez-vous obtenir le renseignement, ainsi que les renseignements correspondants en ce qui concerne la police auxiliaire?
Bgén Howard : Comme nous l'avons dit auparavant, la mise en place des services policiers est un travail évolutif. Les Forces canadiennes concentrent leurs efforts sur l'Armée nationale afghane, l'ANA, et prennent part à l'entraînement de leurs soldats à Kaboul. Quelque 20 000 Afghans y ont subi un entraînement. Du côté policier, le quartier général du commandement responsable de la sécurité, dirigé par les États-Unis, a à sa charge les efforts liés à la Police nationale afghane et à la Police auxiliaire nationale afghane. Son but est de mieux entraîner les policiers en question. Créer les services policiers en question représente un travail évolutif, mais c'est une tâche qui prend du retard par rapport à l'ANA.
Pour ce qui est des objectifs, il faudrait que je fasse une recherche. Je n'ai pas à portée de main les chiffres précis, mais, dans le cas de la province de Kandahar, comme je l'ai mentionné, nous sommes passés d'un nombre négligeable, l'an dernier, à pareille date, à des centaines, sinon presque un millier d'hommes, pour ce qui est de la police et des soldats qui patrouillent dans notre secteur.
Les Afghans eux-mêmes se sont donné un objectif élevé, soit la création d'une armée de 40 000 soldats, projet qui est bien en voie de se réaliser. Il faudrait que je fasse une recherche pour vous dire quels sont les chiffres précis dans le cas de la police. Au moment de sa visite au théâtre des opérations récemment, le ministre Day a annoncé le déploiement d'autres agents de la GRC destinés à faire partie de l'EPR. Voilà une décision qui s'inscrit dans une tendance positive. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI, prend en charge les tâches relatives aux services policiers. Il serait mieux placé pour vous donner les informations en question.
Le sénateur Moore : Parmi les 20 000 Afghans qui ont subi l'entraînement en question, y a-t-il des femmes, sinon est- ce que ce sont tous des hommes?
Bgén Howard : Je dirais qu'il s'agit d'abord et avant tout d'hommes.
Le sénateur Moore : Parmi les 20 000 qui ont subi l'entraînement, combien sont restés?
Bgén Howard : De manière générale, l'attrition a présenté un problème dès le départ. Au fur et à mesure que les soldats se professionnalisent, le taux d'attribution diminue du fait qu'ils sont postés dans leur district d'origine, plutôt que d'être dispersés dans différents districts, et qu'ils sont mieux payés.
Le sénateur Moore : Pouvez-vous nous donner des chiffres? Qui reste : la moitié ou les trois quarts?
Bgén Howard : Je ne le sais pas.
Le sénateur Moore : Il serait intéressant de savoir cela aussi.
Le président : Pouvez-vous écrire à la greffière pour donner la réponse à ces deux questions et à la question que j'ai posée plus tôt?
Bgén Howard : Certainement.
Le sénateur Moore : Le président vous a posé une question sur l'OTAN. Vous avez mentionné les travaux au barrage de Kajaki. Est-ce le barrage auquel les Américains travaillent? Est-ce surtout eux qui travaillent à la reconstruction de ce barrage?
Bgén Howard : C'est un projet international. Je ne sais pas quels pays en particulier se trouvent à en être les sous- traitants, par exemple, mais il n'y a pas eu de travaux à ce barrage. Voilà le problème. Nous devons sécuriser le secteur autour du barrage.
Le sénateur Moore : Il n'y a encore rien qui se soit fait?
Bgén Howard : Il y a eu quelques petits travaux qui ont permis d'y produire un peu d'électricité, mais le travail d'amélioration important qui s'impose n'a pas encore été fait.
Le sénateur Moore : Nous avons entendu dire que des Afghans volaient le câble qui sert à certains des travaux de reconstruction pour en extraire le cuivre et que cela a retardé les travaux. Étiez-vous au courant de cela?
Bgén Howard : Je ne peux faire de commentaires à ce sujet. Je sais que le problème touche non pas tant le barrage lui-même, mais la sécurité qu'il faut pour s'y rendre. Les Talibans essaient de bloquer tous les convois que nous organisons en vue de procéder à cette reconstruction, et il nous faut sécuriser ce secteur; le problème réside donc dans tout l'environnement qu'il y a là. Les Afghans de l'endroit essaient de survivre aussi, et leurs conditions de travail et le reste doivent s'améliorer aussi, mais, à mon avis, une fois que nous aurons établi la sécurité, rémunéré les Afghans de l'endroit correctement et refait le barrage, nous serons sur une bonne voie.
Le sénateur Moore : Dans votre déclaration, vous avez dit que vous alliez passer de la production de 12 mégawatts à 21 mégawatts sur une période de deux ans. Est-ce qu'il faudra deux ans pour faire en sorte que ce barrage puisse fonctionner convenablement et produire de l'électricité?
Bgén Howard : Oui : il y a encore beaucoup de travail à faire. Je ne suis pas spécialiste des barrages hydroélectriques, mais je crois qu'il faudra suspendre les activités pour remettre le barrage en état. Ce sont 30 années de négligence qu'il faut corriger.
Le sénateur Moore : Pendant notre visite, on nous a dit que la ville de Kandahar bénéficiait de l'électricité pendant deux heures par jour. La situation est-elle demeurée la même sur ce plan, à votre connaissance?
Bgén Howard : Au début de l'année 2007, nous craignions qu'il n'y ait plus du tout d'électricité à Kandahar. L'alimentation en électricité de cette ville est minimale.
Le sénateur Moore : C'est une ville qui compte 600 000 habitants.
Bgén Howard : Oui : il y avait la menace que l'électricité ne soit pas fournie si les salaires n'étaient pas majorés. Il fallait composer avec cette situation. L'alimentation est continue, mais je ne sais pas pendant combien d'heures par jour les gens en profitent.
Le sénateur Moore : Vous avez affirmé qu'il importe que les travailleurs du barrage de Kajaki soient rémunérés correctement. Qui verse leur salaire?
Bgén Howard : Qui paie les Afghans?
Le sénateur Moore : Oui, qui paie les travailleurs? Est-ce qu'ils sont payés par l'État ou par les entreprises chargées des travaux?
Bgén Howard : Dans le cas particulier de ce barrage, ce sont des moyens locaux, d'Afghanistan, qui servent à payer les salaires, si je comprends bien. Ce n'est pas un organisme international qui verse ces salaires de ses travailleurs.
Le sénateur Moore : Qu'entendez-vous par « moyens locaux »? Voulez-vous dire que l'argent provient de quelque aîné local, d'un seigneur de la guerre comme on en trouvait jadis, ou de qui encore?
Bgén Howard : Probablement du gouverneur. L'argent passe du niveau national au niveau du gouverneur, puis se rend à eux.
Le sénateur Moore : Il est intéressant que vous ayez parlé de M. Zhia. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais il y a un article sur lui dans l'édition du Toronto Star d'aujourd'hui. Il est ministre du Relèvement et du Développement rural. Il a été cité au sujet des ONG qui travaillent en Afghanistan :
Bon nombre de ces ONG n'ont pas pris conscience de la grande réalité de l'Afghanistan d'aujourd'hui — le fait que nous ayons un gouvernement démocratique, élu en bonne et due forme, et dont la responsabilité est de prendre les décisions qui sont dans notre intérêt. À la place, les ONG semblent entrer en concurrence avec le gouvernement.
Pourquoi? Parce que le statu quo semble très bien leur convenir.
Voilà qui condamne vivement les ONG. La dernière fois où vous êtes venu comparaître ici, vous avez parlé du fait que l'ACDI n'était pas en mesure de mettre des fonds entre les mains des gens sur le terrain. De ce fait, nous avons constaté que le financement de nos forces est passé de 1,9 à 4 milliards de dollars, pour qu'ils puissent avoir un accès plus direct aux gens pour les aider.
Que pensez-vous des propos tenus par M. Zhia concernant les ONG? Il ne semble pas heureux de leur présence. Peut-être que tout est censé passer par lui. Je ne sais pas de quelle façon cette aide est structurée. Nous ne sommes pas d'accord sur cette question, mais quel est l'effet de cela sur l'effort canadien?
Bgén Howard : En tant qu'officier chargé des opérations des Forces canadiennes, il ne m'appartient pas de commenter les questions soulevées ou les propos tenus par le ministre, mais je pourrais vous parler de l'expérience personnelle que j'ai vécue au cours de missions précédentes. Lorsqu'on arrive dans un pays qui a besoin d'aide, il y a beaucoup d'énergie et d'enthousiasme de toutes parts.
Le sénateur Moore : Est-ce que c'est une énergie qui vient des ONG?
Bgén Howard : Ça vient de tout le monde : de l'armée, des autres ministères ici même au Canada, des ONG et des organismes internationaux. Une des difficultés qui se posent, c'est de faire le lien entre tous ces éléments. Je suis militaire. J'aime une hiérarchie. Quand je dis à quelqu'un de faire quelque chose, il le fait. Ça marche bien de mon point de vue dans l'armée, mais si je demande aux membres d'une ONG de prendre part à l'exercice, ils ne verront pas forcément la chose du même œil. Je ne critique pas les ONG. Tout de même, la coordination de leurs activités est une tâche titanesque. Nous pourrions parler de n'importe laquelle des expériences que nous avons vécues et nous verrions que la coordination représente un des grands défis à relever. Je déteste que quiconque soit critiqué, compte tenu de ce que tous essaient d'accomplir en Afghanistan. D'après mon interprétation des propos, le ministre est en train de nous dire qu'il faut mieux coordonner le travail, pour que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. C'est certainement un des buts des équipes provinciales de reconstruction, par exemple : réunir les gens pour qu'ils puissent travailler ensemble.
Je tiens à corriger un élément qui s'est trouvé dans cet article. Je n'ai jamais dit que l'ACDI retenait des fonds. J'ai simplement dit qu'il faudrait du temps pour que les sommes d'argent soient injectées dans les projets financés. L'ACDI mérite d'être félicitée au plus haut point pour ce qu'elle accomplit depuis plusieurs mois. Les gens à l'administration centrale de l'ACDI triment dur pour venir en aide aux Afghans.
Le sénateur Moore : Nous leur en savons gré. Vous n'avez pas mentionné cela la dernière fois, je le sais. Pour le compte rendu, je suis heureux que vous ayez fait cette mise au point.
Par contre, au moment de notre visite, il n'y avait qu'une personne de l'ACDI sur le terrain. Au moment où nous y étions, il n'y avait qu'une personne.
Le président : Oui, et durant les trois premiers mois de l'année, il n'y avait personne.
Le sénateur Moore : Je ne veux pas vous mettre dans le pétrin pour avoir critiqué l'ACDI. Nous avons vu ce que nous avons vu et nous avons rédigé notre rapport. Cela demeure, et les faits sont venus confirmer les dires.
Le président : Avant de délaisser ce sujet, pouvez-vous nous dire combien il y a d'ONG actives à Kandahar en ce moment?
Bgén Howard : Le climat de sécurité est périlleux dans la province de Kandahar. À coup sûr, c'est l'ONU qui est le principal organisme là-bas. Je ne suis pas au courant d'ONG qui travailleraient indépendamment de l'ONU à Kandahar : c'est difficile. Elles se trouveraient dans d'autres provinces ou dans d'autres secteurs. Cela, je ne le sais pas.
Le président : Nous nous intéressons au secteur dont les Canadiens sont responsables. Vous dites que, en ce moment, il n'y a aucune ONG.
Bgén Howard : Par exemple, il y a l'ONU. Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, le HCNUR, y travaille auprès des personnes déplacées; le Programme alimentaire mondial y est aussi. L'ONU est certainement présente à Kandahar. Je ne sais pas quel est le nombre d'ONG avec lesquelles elle travaille parallèlement. Je n'ai pas cela à portée de main. Je ne sais pas.
Le président : Pourriez-vous donner cette information au comité?
Bgén Howard : Certainement.
Le président : Pouvez-vous donner aussi au comité de plus amples précisions sur ce que fait l'ONU dans la province de Kandahar?
Bgén Howard : Je pourrais le faire, mais l'ACDI est mieux placée pour traiter de cette question. C'est elle qui travaille en collaboration étroite avec l'ONU. Les responsables de l'ACDI ou du HCNUR vous donneraient peut-être des informations plus utiles qu'une organisation militaire.
Le président : Nous vous posions la question à vous, mais nous allons poser la question aux deux organisations.
Bgén Howard : Nous allons demander cela à l'ACDI et je vais leur demander de nous donner une réponse.
Le président : Merci.
Le sénateur Day : Général, merci d'être là et merci de faire le point sur Kandahar et l'Afghanistan. Je vais résister à la tentation de poser toutes sortes de questions de suivi en rapport avec cet aspect de votre exposé, car, comme le président l'a signalé, vous allez quitter bientôt le poste de directeur général des Opérations que vous occupez. Je veux vous poser quelques questions de plus sur l'organisation de l'État-major interarmées stratégique, si vous le permettez, et obtenir vos observations à cet égard.
Premièrement, merci de nous avoir remis une photo de la course de 10 kilomètres pour la paix qui a eu lieu à Kandahar. Cela me semble être un excellent événement. Évidemment, un des avantages de la chose, c'est que tous ont pu recevoir une casquette orange. J'en vois bon nombre sur la photo. Il serait grandement symbolique de tenir cette course sur la nouvelle route en voie de construction.
Bgén Howard : Je transmettrai la suggestion. C'est une bonne idée.
Le sénateur Moore : Si vous êtes coureur, vous allez peut-être vouloir une de ces casquettes.
Le sénateur Day : Je ne fais que des suggestions pour qu'on remarque ces choses.
Pouvons-nous garder l'organigramme de l'État-major interarmées stratégique que vous nous avez remis? Peut-être pouvons-nous y coller quelques noms. Vous êtes directeur général des opérations?
Bgén Howard : Oui.
Le sénateur Day : Qui est directeur de l'état-major?
Bgén Howard : Le contre-amiral Dan Murphy.
Le sénateur Day : Et directeur général de la planification?
Bgén Howard : Le brigadier général André Viens.
Le sénateur Day : L'État-major interarmées stratégique est-il maintenant un élément permanent de la nouvelle organisation, sinon cette nouvelle organisation est-elle provisoire, est-ce une idée qui est appelée à évoluer?
Bgén Howard : L'État-major interarmées stratégique a été mis sur pied pour soutenir le chef d'état-major de la Défense à propos des questions opérationnelles, d'un point de vue stratégique. Nous travaillons pour le chef d'état- major de la Défense, nous travaillons avec lui aussi.
L'État-major interarmées stratégique n'est pas conçu pour mener une stratégie structurante ou de défense — cela demeure l'affaire du chef du Déploiement des Forces. Les opérations constituent son seul et unique centre d'intérêt. C'est un organisme de coordination qui vient en aide aux commandants, au chef d'état-major de la Défense et à ses commandants subalternes du Commandement du Canada, du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada, des deux autres commandements et de l'Escadron de soutien au combat de la Force expéditionnaire — afin de s'assurer qu'il y a une coordination horizontale des opérations, ce qui est essentiel.
Nous remettons un rapport quotidien au chef d'état-major de la Défense pour le mettre au fait des événements qui se sont produits au sein des Forces canadiennes, pour qu'il soit immédiatement au courant des événements qui ont lieu ici au Canada et en Afghanistan aussi, et pour le soutenir là où il souhaite fournir des consignes aux commandants subalternes. De même, nous traitons avec d'autres ministères à propos de questions stratégiques plus générales liées aux opérations, ici même au Canada et en Afghanistan.
Le sénateur Day : Vous faites la liste des activités permanentes dans votre organigramme, par exemple les leçons apprises et les exigences opérationnelles. Je présume que vous réalisez ces activités de concert avec les divers commandants aussi bien que les responsables de la mise sur pied de la force. Est-ce que ce sont là des activités conjointes?
Bgén Howard : En ce moment, dans les secteurs particuliers que sont la formation et les leçons apprises, nous parvenons principalement à fournir au chef un cadre stratégique pour qu'il puisse renseigner ses commandants subalternes sur les mécanismes que nous souhaitons mettre en application, au sein des Forces canadiennes, du point de vue de la formation et des leçons apprises. Nous voulons aussi donner des consignes aux structures de commandement environnementales, les SCE, et aux commandants opérationnels à propos de l'importance des leçons apprises : nous souhaitons être un établissement d'apprentissage.
Nous ne saurions être partie prenante à la masse énorme de détails qui découlent d'une telle activité, mais il s'agit de fournir un cadre et de préparer le terrain à la consultation entre commandants.
La cellule des leçons apprises et de la formation se compose de deux ou trois officiers. C'est une petite cellule. Elle travaille aux préceptes propres à la politique et à la stratégie. Ce à quoi nous aspirons, c'est de faire cheminer la leçon apprise sur le champ de bataille en Afghanistan ou le champ d'exercice ici même au Canada dans le système et jusqu'à autrui.
Le sénateur Day : Il doit y avoir des gens qui réfléchissent, qui travaillent aux leçons apprises, surtout l'état-major du commandant de la Force expéditionnaire du Canada, mais aussi les divers responsables de la mise sur pied des forces, par exemple le commandant de l'état-major de l'Armée de terre, de la Force aérienne et des Forces maritimes.
Bgén Howard : Tout à fait : après tout incident grave, où qu'il puisse s'être produit, il s'agit d'analyser rapidement la situation pour essayer de voir ce qui s'est produit et de déterminer si nous pouvons améliorer nos procédures ou acheter un nouvel d'article d'équipement, par exemple. C'est un processus qui s'applique tous les jours.
Le président : Est-ce que le chef réalise lui-même l'analyse ou est-ce que cela se fait ailleurs?
Bgén Howard : L'idée est encore en train de se former. En ce moment, la fonction revient à l'État-major interarmées stratégique. Est-ce qu'elle appartiendra au chef du Développement des forces à un moment donné? Peut-être. Le débat a cours en ce moment même. La fonction en question consiste à tirer des leçons utiles de ce qui se passe sur le terrain et de s'assurer que des mesures immédiates sont prises. Si le terme est plus long, par exemple s'il s'agit d'acquérir du matériel, bien entendu, le chef du Développement des forces doit participer à l'exercice, tout comme le sous-ministre adjoint du Matériel. C'est une panoplie de responsables qui pourraient être partie prenante à l'exercice.
Le président : J'ai soupé avec le Chef de la Doctrine l'autre soir. Il m'a paru décrire son travail comme étant constitué surtout de leçons apprises.
Bgén Howard : Qui est le Chef de la Doctrine?
Le président : C'est le major-général Beare.
Bgén Howard : Le général Stuart Beare est à la tête de la section des forces terrestres pour la doctrine. Cette section chapeaute les Forces canadiennes, elle fournit un cadre stratégique. C'est à de multiples paliers que les leçons sont apprises, parfois de façon modeste. Du point de vue de l'État-major armées stratégique, nous pouvons dire que nous voulons mettre la main sur ce cadre. S'il y a une grande leçon à tirer de l'impact que ça peut avoir sur les Forces canadiennes, examiner la situation et signaler l'idée aux décideurs de haut rang représente une fonction dans ce cas. Cela se fait à de multiples paliers sans qu'il y ait nécessairement d'effet de cloisonnement.
Le président : Ce que le sénateur Day cherche à savoir, à mon avis, et cela m'intéresse aussi, c'est en quoi votre rôle entre en relation avec celui des autres commandements que nous voyons. Combien de gens y a-t-il ici? Est-ce qu'ils font le même travail que les autres gens? Devant un tel organigramme, qui comporte un si grand nombre de cases, le comité devient confus. Nous nous demandons dans quelle mesure vous n'empiétez pas sur leur territoire.
Bgén Howard : Les leçons apprises, par exemple, renvoient à une activité qui se produit à tous les paliers. Au sein d'une organisation du savoir, il faut faire cela à tous les paliers. Par exemple, à l'intérieur de chacun des pelotons qui combattent en Afghanistan, après chaque activité, il y a un compte rendu après action. Il y a un exercice visant à tirer des leçons utiles de ce qui s'est passé, pour savoir comment nous aurions pu faire mieux.
Avec le déroulement de l'activité, jusqu'à l'échelle du peloton, on finit par dire : « Nous pouvons régler ce problème; il suffit de mieux tourner le coin » ou je ne sais quoi encore. On règle le problème sur-le-champ. On peut dire aux autres qu'on a eu ce problème et qu'on l'a réglé de telle façon.
Le sénateur Day : N'est-il pas aussi important de communiquer l'information à d'autres, pour que les autres ne répètent pas nos erreurs?
Bgén Howard : Oui : à tous les paliers de l'organisation militaire, des gens réfléchissent à ce qui s'est produit et essaient de tirer des leçons utiles de la chose. Si l'organisation locale peut s'attaquer au problème et le régler, elle le fait. Sinon, il faut évidemment passer le flambeau à un palier supérieur. Si les soldats affirment que le véhicule à leur disposition ne convient pas, c'est un problème particulier qu'ils ne peuvent régler à leur palier. Par conséquent, le problème chemine au sein de la hiérarchie militaire.
Certes, à ce palier, le chef d'état-major de la Défense et d'autres responsables au quartier général de la Défense nationale disposent d'un mécanisme grâce auquel les leçons apprises sont examinées dans une perspective globale. Les problèmes qui ne peuvent se régler à un échelon inférieur sont soulevés et réglés là.
Les deux ou trois officiers qui travaillent à l'intérieur de ce centre des leçons apprises ne fonctionnent pas ou ne réfléchissent pas nécessairement en fonction d'un problème qui a été réglé à l'intérieur même du peloton. Sinon, les informations qui leur parviendraient seraient trop abondantes.
Par exemple, s'il y avait un incident grave lié à l'explosion d'une mine et qu'il fallait réparer un article de matériel, ils en seraient certainement conscients : l'information chemine vers le haut, et la structure en question aide à coordonner la circulation de l'information au sein du ministère.
Le sénateur Day : Pouvez-vous nous expliquer comment l'information chemine depuis le peloton et les opérations sur le terrain même? Est-ce qu'elle passe par le commandant de la Force expéditionnaire du Canada ou par l'organisation des responsables de la mise sur pied des Forces? Comment l'information se rend-elle à l'État-major interarmées stratégique?
Bgén Howard : Les leçons apprises en Afghanistan, par exemple, vont du terrain au COMFEC. Nous exigeons un rapport dans les 96 heures suivant les incidents graves. Une petite cellule se penche sur les leçons pouvant en être tirées. Nous essayons de voir s'il y a quelque chose que nous pourrions mieux faire et s'il y a une leçon à tirer de l'expérience.
L'information ira du théâtre des opérations jusqu'au commandant du COMFEC, reviendra au quartier général de la défense nationale et dans l'armée, là où il y a un effort concerté visant à déterminer le chemin à tracer.
Le sénateur Day : L'information se retrouve donc dans l'armée, entre les mains du chef d'état-major de l'Armée de terre. En même temps, je regarde la deuxième page de votre organigramme et je constate que le chef d'état-major de l'Armée de terre reçoit l'information, mais que celle-ci finit par se retrouver à l'État-major interarmées stratégique, qui essaie de repérer les choses qui se répètent et d'imaginer une application générale de la doctrine et des leçons apprises qui serait utile aux futures opérations. Ai-je raison de voir les choses ainsi?
Bgén Howard : Nous nous soucions davantage de l'idée de faire circuler l'information, plutôt que de régler la question. Par exemple, dans le cas de cette cellule particulière, nous avons créé le mécanisme pour nous assurer que l'information revient rapidement. Nous avons reçu des consignes stratégiques, préparées à l'intention du CEMD. Nous voulons que les leçons apprises circulent rapidement le long de cette ceinture. Le centre des « leçons apprises » a pour travail, d'abord et avant tout le reste, de s'assurer que l'information circule — et de faire ce que nous avons dit que nous allions faire. Résoudre le problème et tirer des leçons utiles de l'expérience, voilà le travail que nous confions à des experts en la matière. Par exemple, s'il y a un problème touchant les véhicules, nous allons voir les experts des véhicules. Plus qu'autre chose, il s'agit de diriger l'information vers la bonne personne et de s'assurer que l'information circule bien. C'est un processus dynamique.
Après l'explosion du dispositif de circonstance et d'une mine il y a deux semaines, le vice-chef d'état-major de la Défense est intervenu personnellement auprès du COMFEC et du chef d'état-major de l'Armée de terre, le CEMAT, pour veiller à ce que nous tirions les leçons utiles de l'incident. Comme l'information circule entre le théâtre des opérations et le quartier général, le SMA du Matériel se concentre sur les répercussions de deux véhicules, le chef d'état-major de l'Armée de terre se concentre sur les techniques et procédures en jeu, et le vice-chef d'état-major de la Défense veille à la cohérence de l'ensemble. Voilà un exemple d'un petit cadre que les responsables ont pu créer pour permettre cette collaboration horizontale, et la façon dont s'organisent les mécanismes qui doivent permettre d'y arriver.
Ils ne sont pas pourvus de ce qu'il faut pour établir les leçons apprises, pour procéder à l'analyse à la suite du rapport. Ce n'est pas là leur fonction. Leur fonction consiste à établir un cadre stratégique en termes généraux.
Le sénateur Day : Êtes-vous sûr que toute cette organisation qui rendait compte directement au chef d'état-major de la Défense, appelée l'État-major interarmées stratégique, ne fait pas double emploi, qu'il ne s'agit pas d'un autre silo qui va créer un problème où différentes personnes prennent des décisions sans communiquer entre elles? Croyez-vous que ces deux problèmes n'en sont pas?
Bgén Howard : Je vis cela tous les jours. Selon moi, l'État-major interarmées stratégique a un rôle clé à jouer du point de vue du CEMD, car il lui permet, grâce à la fonction de soutien de l'état-major, d'imprimer une certaine cohérence à l'ensemble des Forces canadiennes. Tous les commandants disposent d'un état-major, le COMFEC dispose d'un état-major, pour prendre en charge les formations subordonnées.
Je ne veux pas intervenir dans les champs d'action dont s'occupent bien les SCE et les commandements opérationnels. Nous voulons établir tous les liens comme le veut le chef, mais il n'y a pas d'activités indépendantes qui viennent soutenir le chef d'état-major de la Défense dans son commandement des Forces canadiennes. Notre travail, c'est le travail du chef. S'il souhaite établir une consigne à l'intention des commandants subordonnés, nous rédigeons cette consigne pour lui. Ce n'est pas une organisation indépendante qui travaille de son côté.
Je ne vois pas de double emploi. Le chef a besoin d'un état-major opérationnel. C'est nous.
Le sénateur Day : Le sigle SCE : est-ce que ça veut dire structure de commandement environnemental?
Bgén Howard : Oui : c'est le chef d'état-major de l'Armée de terre, des Forces maritimes et de la Force aérienne.
Le sénateur Day : Est-ce que ça comprend la politique militaire?
Bgén Howard : C'est le chef du personnel militaire. C'était anciennement un sous-ministre adjoint. Ce n'est maintenant qu'un chef.
Le sénateur Day : Dans l'ensemble, combien de personnes travaillent à l'État-major armées stratégique en ce moment?
Bgén Howard : C'est autour de 200. Il y a 50 officiers d'état-major qui travaillent dans trois directions, mais j'ai moi- même la responsabilité du Centre de commandement de la Défense nationale. Dans ce cadre, il y a bien au-delà de 150 personnes, y compris les travailleurs de quart et le personnel chargé de soutenir les commandements opérationnels, nos intégrateurs et ainsi de suite. Ça semble beaucoup, 200 personnes, mais, en fait, il y a 50 officiers d'état-major qui travaillent pour le compte du chef. Dans un seul silo, le centre de commandement de la défense, nous avons un bon nombre de personnes, mais toutes soutiennent les centres opérationnels à tous les niveaux.
Le sénateur Day : À quoi cela devrait-il ressembler à l'état stable, selon vous? Êtes-vous encore en train d'aménager les éléments ou êtes-vous parvenu au point voulu?
Bgén Howard : Nous aménageons toujours les éléments. La transformation étant chose faite, c'est un travail évolutif. Après un an, je crois qu'il faut évaluer le point où nous en sommes et déterminer si nous avons atteint notre objectif du point de vue de la fonctionnalité. Ce n'est pas parfait. Où sont les lacunes et les chevauchements, pour faire le lien? Il y a eu une modification fondamentale des arrangements touchant le commandement et le contrôle. À mon avis, il a été judicieux de se donner deux commandants : un pour l'Amérique du Nord et un pour l'étranger, surtout que le rythme d'activité est fort.
Cela étant fait, avons-nous le bon nombre de personnes à chaque palier, et les fonctions ont-elles été bien délimitées? Est-ce que l'ensemble est cohérent? Est-ce satisfaisant? Ce sont toutes des questions qu'il faut aborder. Au fil du temps, le processus va évoluer. Nous ne sommes pas du tout près de l'état souhaité, par exemple, dans le cas de l'État-major interarmées stratégique.
Le sénateur Day : Lorsque vous dites que la transformation est chose faite, nous sommes toujours en voie d'y arriver? Nous avons commencé le processus?
Bgén Howard : Oui, c'est un travail évolutif.
Le président : Combien de personnes le CEMD précédent avait-il immédiatement à sa disposition?
Bgén Howard : Il avait le groupe du sous-chef d'état-major de la Défense, soit des centaines de personnes. Vous vous souviendrez : nous avons délaissé le SCEMD et créé les quatre commandements opérationnels. Il y avait là des centaines de personnes.
Le président : Le groupe du SCEMD a été divisé en quatre commandements, qui, présume-t-on, font ce travail.
Bgén Howard : Il y a encore une fonction stratégique qui consiste à communiquer avec le BCP et à mettre un état- major à la disposition du CEMD, pour que des consignes stratégiques puissent être données. Nous avons bien des commandants opérationnels, mais ils doivent encore rendre des comptes au CEMD et ils faut encore une interaction avec le reste du gouvernement : des séances d'information aux ministres, par exemple.
Il faut un petit effort à cet égard du point de vue de l'état-major, mais c'est nettement moins important qu'auparavant.
Le président : Dites-vous que, pour ce qui est du nombre d'officiers supérieurs, du rang de lieutenant-colonel et plus, il y en a moins aujourd'hui qui gèrent les affaires avec les quatre nouveaux commandements plus l'organisation de l'État-major interarmées stratégique? À faire le calcul... êtes-vous en train de nous dire qu'il y en a moins qu'à l'époque où nous avions un sous-chef d'état-major de la Défense?
Bgén Howard : Nous pouvons bien compter le nombre de personnes, mais il faut se demander : qu'est-ce qui est efficace? Nous essayons de mettre sur pied un système efficace, et il faut regarder le nombre de personnes voulues. Le projet n'est pas achevé. Le vice-chef étudie la question.
Je n'ai pas fait l'analyse complète de la situation. Il faudrait lui poser des questions sur l'ensemble de la situation. Je sais que, dans mon petit coin à moi, ici à l'État-major interarmées stratégique, les officiers en question triment dur pendant de longues heures, tous les jours, pour saisir les éléments stratégiques qui ont toujours été nécessaires du point de vue opérationnel. Comme l'exercice a lieu depuis plusieurs mois, un peu d'efforts pour analyser le stade où nous en sommes est une bonne chose.
Le président : Pouvez-vous nous donner les chiffres en ce qui concerne l'organisation de l'État-major interarmées stratégique?
Bgén Howard : Nous pourrons vous donner cette information.
Le sénateur Banks : Je vais aborder un autre sujet et parler d'une question que vous avez soumise la dernière fois, le 20 novembre. À ce moment-là, vous avez dit :
Au cœur de l'avenir de l'Afghanistan [...] se trouve un gouvernement efficace. Nous devons et nous voulons prendre des mesures immédiates contre la corruption.
Qui pourrait bien dire le contraire? Tout le monde comprend la nature et l'ampleur du problème qu'il y a en Afghanistan. La corruption y est un usage jugé normal, probablement depuis des siècles.
On nous dit que nous pouvons être très fiers du travail accompli par l'Équipe consultative stratégique à Kaboul. Pouvez-vous nous dire comment va sa mission? Si nous avons bien compris, elle a pratiquement formé le personnel du président de l'Afghanistan. Vous avez dit que les salaires des travailleurs passaient par le gouverneur. Entre autres, nous nous préoccupons de l'éventualité que l'argent provenant du Canada et d'ailleurs se retrouve dans une grande caisse où les sorties de fonds deviennent difficiles à suivre. C'est relativement plus difficile dans la mesure où les fonds sont traités par le gouvernement de l'Afghanistan. Le gouvernement de l'Afghanistan, bien entendu, est l'objet de tout ce financement : il s'agit de faire en sorte qu'il y ait un gouvernement en Afghanistan. Je crois savoir que l'équipe consultative stratégique s'intéresse directement à cette question. Comment va ce travail?
Bgén Howard : L'équipe consultative stratégique, composée d'officiers de l'armée et d'un agent de l'ACDI, si vous me permettez de faire une parenthèse, a presque achevé son mandat. Son mandat vaut pour un an, de sorte qu'il y aura bientôt alternance. Le changement est prévu pour l'été.
Le travail de l'équipe consiste à collaborer avec les ministères locaux. Les membres de l'équipe ne travaillent pas pour le président. L'équipe s'inscrit dans la bureaucratie. Son travail consiste à enseigner la planification à la bureaucratie, à l'aider à cet égard. Nous proposons qu'elle organise un cadre stratégique pour ceci ou cela. La panoplie de sujets sur lesquels elle se penche vous étonnerait.
Le sénateur Banks : Ça ne nous étonnerait pas du tout.
Bgén Howard : L'équipe cherche d'abord et avant tout à aider à organiser les choses d'un point de vue bureaucratique. Vous allez peut-être vous poser la question : pourquoi est-ce que ce sont des militaires qui s'occupent de cela? Bon nombre des officiers en question ont des compétences particulières, par exemple en droit ou en communications. Nous essayons d'avoir une bonne diversité de compétences.
Nôtre rôle consiste à combler un vide, et il y avait un vide en Afghanistan; les gens nous ont demandé de leur prêter main-forte, de leur montrer comment faire. Un des problèmes, c'est qu'on ne sait pas comment y organiser les choses et diriger une bureaucratie. Nous avons été à la hauteur : nous avons comblé ce vide. Peut-être que l'équipe doit évoluer au fil du temps et accueillir d'autres responsables gouvernementaux. C'est le temps qui nous dira en quoi l'équipe doit évoluer.
À l'heure actuelle, tous les jours, lorsque je regarde le travail accompli... j'ai eu l'occasion de converser avec des membres de l'équipe au moment de m'y rendre récemment en compagnie de la gouverneure générale... J'y vois un personnel de soutien de l'état-major, mais d'une façon globale. Ce sont des cadres qui peuvent aider les petits fonctionnaires à établir un plan. Par exemple, si nous voulons réaliser un projet agricole dans une province particulière, nous devons réfléchir au problème et au but visé, aider à faciliter la visite, mettre sur pied un plan et proposer le plan au chef d'état-major, et jusqu'au président.
Nous ne sommes pas pour autant à la tête du gouvernement. Nous aidons les bureaucrates de moindre rang en leur montrant comment faire, comment créer un plan.
Le sénateur Banks : Nous comprenons cela, mais je suis surpris : je croyais savoir que ces 14 ou 15 personnes travaillaient directement avec le président. Vous dites que ce n'est pas le cas. Je ne suis pas d'avis que l'armée ne devrait pas prendre en charge le travail, car c'est elle qui est le mieux placée pour le faire dans ce pays.
Dans quelle mesure ce groupe arrive-t-il à changer la nature de la culture de gouvernance ou à établir une culture de gouvernance en Afghanistan? Est-ce que nous faisons des progrès quelconques à cet égard? Pour prendre votre exemple de salaires distribués aux travailleurs par l'entremise du gouverneur... à un moment donné, les gens sur le terrain ne croyaient pas que cette distribution se faisait correctement.
Est-ce que cela vous inspire plus confiance aujourd'hui? Est-ce que nous progressons quand il s'agit de changer la culture de gouvernance?
Bgén Howard : Je pourrais facilement dire que oui. J'encourage le comité à inviter Don Dickson et l'équipe, une fois qu'elle sera de retour, pour parler des aspects précis de la question. Vous aurez ainsi une bonne idée du chemin parcouru par l'équipe. Cela m'a réjoui de parler avec Fred Aubin et Don Dixon de ce que l'équipe a accompli. C'est une grande somme de travail qui, malheureusement, se mesure en avancées modestes. Il faudra du temps. Les Canadiens montrent aux Afghans comment procéder à cet égard. Je suis désolé de ne pouvoir vous donner plus de précisions. Discuter de la question avec les membres de l'équipe à leur retour vous renseignera sur ce sujet particulier.
Le sénateur Ringuette : Je suis heureuse de faire votre connaissance, brigadier général. C'est la première fois que je siège au comité, mais ce sont des questions qui m'intéressent. Je devrai peut-être vous poser quelques questions naïves.
Bgén Howard : Je ne crois pas qu'il y ait de questions naïves à propos de l'Afghanistan.
Le sénateur Ringuette : Du point de vue de la responsabilité qui est la vôtre, quelles sont vos voies de communications avec l'ONU?
Bgén Howard : C'est une mission sanctionnée par les Nations Unies, qui a donné à l'OTAN le cadre général dans lequel fonctionner en Afghanistan.
L'interaction se fait donc entre l'OTAN et l'ONU. Le nom du comité m'échappe, mais c'est un organisme central qui essaie de coordonner les activités. L'ONU est présente en Afghanistan, pour regarder les chiffres. L'OTAN est actuellement responsable en tout premier lieu d'y établir la sécurité et d'y stabiliser l'environnement.
Le sénateur Ringuette : Quel est le nom de notre responsable à l'OTAN qui vous transmet des informations?
Bgén Howard : La délégation canadienne a à sa tête le vice-amiral Davidson, qui travaille à ce dossier tous les jours, et l'ambassadeur Juneau. D'un point de vue canadien, l'interaction avec l'OTAN se fait de façon quotidienne, sinon horaire.
Le sénateur Ringuette : Qui à l'OTAN ou à l'ONU établit la planification stratégique pour l'Afghanistan?
Bgén Howard : Le Pacte de l'Afghanistan est un plan multinational.
Le sénateur Ringuette : Est-ce l'OTAN ou l'ONU?
Bgén Howard : Les deux. C'est l'effort de la communauté internationale en Afghanistan.
Le sénateur Ringuette : Pour ce qui est de votre responsabilité, avez-vous en main un plan stratégique ONU-OTAN en ce qui concerne l'Afghanistan?
Bgén Howard : Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté des résolutions sur la mission.
Le sénateur Ringuette : Je comprends qu'il y ait des résolutions. Je vous demande si vous avez à mettre en œuvre un plan stratégique ONU-OTAN, en tant que responsable des opérations. Avez-vous un tel plan?
Bgén Howard : Il y a le Pacte de l'Afghanistan, qui est le plan régissant les efforts de la communauté internationale en Afghanistan. Le gouvernement canadien a remis aux Forces canadiennes un plan de campagne. Ce plan nous oriente, aux Forces canadiennes; c'est la consigne transmise par le gouvernement au chef d'état-major de la Défense.
Le sénateur Ringuette : Il est question ici de nombreuses entités distinctes. Vous dites que le gouvernement canadien dirige votre planification stratégique sur le terrain, en Afghanistan. C'est ce que vous avez dit. Vos ordres proviennent du gouvernement canadien.
Bgén Howard : Je suis responsable des opérations dans les Forces canadiennes. Vous parlez d'interaction diplomatique et nationale avec l'OTAN. C'est là une responsabilité du MAECI.
Le sénateur Ringuette : Je vous pose non pas une question naïve, mais une question fondamentale sur la responsabilité. Avez-vous un plan concernant votre responsabilité et la responsabilité de la communauté internationale en Afghanistan, plan qui proviendrait de l'ONU ou de l'OTAN, ou de cette nouvelle entité que vous qualifiez de « Pacte de l'Afghanistan », dont je ne savais qu'il avait quelque reconnaissance internationale. Qui est responsable, et avez-vous un plan?
Bgén Howard : Vous avez posé des questions qui, de toute évidence, concernent les politiques et la politique. Je peux vous renseigner sur les opérations dans les Forces canadiennes, mais je ne suis pas sûr de posséder les compétences voulues pour traiter des politiques gouvernementales à ce sujet.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas une question de politiques gouvernementales, brigadier général. Il s'agit de savoir vers quoi nous nous dirigeons en Afghanistan. Si nous n'avons pas de plan, alors nous ne savons pas vers quoi nous nous dirigeons.
Bgén Howard : Nous avons un plan.
Le sénateur Ringuette : Qui vous a remis ce plan — l'ONU, l'OTAN ou cette nouvelle entité que vous avez qualifiée de « pacte »?
Bgén Howard : Notre plan, au sein des Forces canadiennes, découle du Plan de campagne des Forces canadiennes. Ce plan-là est conçu par des responsables de haut rang au ministère et porte la signature du ministre et du chef d'état- major de la Défense.
Le président : Je crois que le sénateur veut savoir comment l'OTAN s'inscrit dans l'entente de Londres? Quelles sont les différentes voies de contrôle dont dispose l'OTAN et le Canada pour ce qui est du fonctionnement de ses forces en Afghanistan?
Bgén Howard : Comme je l'ai dit, je peux parler des questions liées aux opérations au sein des Forces canadiennes.
Le président : Le sénateur Ringuette ne demande pas quelles sont les politiques; elle demande seulement quel est le cadre.
Bgén Howard : Je peux parler des questions liées aux opérations des Forces canadiennes, mais je ne crois pas pouvoir répondre correctement aux questions particulières que vous posez aujourd'hui. À mon avis, elles sont liées aux politiques et se situent en dehors de mon champ d'action.
Le sénateur Banks : Pour ce qui est du plan que vous avez évoqué, les Forces canadiennes s'inscrivent dans une force de l'OTAN. Cette force de l'OTAN est commandée par un officier qui est nommé périodiquement par l'OTAN. L'officier en question applique-t-il un plan stratégique — un plan pour appliquer la force militaire en Afghanistan — qui serait un plan de l'OTAN, dont le plan canadien fait partie?
Bgén Howard : Je comprends la question, mais je ne suis pas expert en la matière. Vous ne posez pas la question à la bonne personne.
Le président : Voilà une affirmation légitime.
Bgén Howard : Je n'improviserai pas. Je sais ce que nous faisons au sein des Forces canadiennes; je suis directeur général des opérations au sein des Forces canadiennes. Toutefois, vous posez des questions sur l'OTAN et des choses du genre, sur le cadre plus général qu'il y a là. Je n'ai pas la réponse à portée de la main. Je suis désolé et je m'excuse, mais je n'ai pas la réponse.
Le président : Si vous n'avez pas la réponse, pouvez-vous prendre des dispositions pour nous faire parvenir la réponse par écrit?
Bgén Howard : Je vais certainement refiler la question au QGDN et trouver l'officier responsable.
Le sénateur Ringuette : Vous dites à la page 6 de votre mémoire :
La vallée de la rivière Helmand est une voie de communication importante du point de vue des insurgés et des narcotrafiquants.
En parlant de « narcotrafiquants », vous faites allusion aux cultivateurs d'opium et à l'économie de l'opium qu'il y a là-bas?
Bgén Howard : Je ne saurais en dire bien plus sur les Talibans, dans une séance non protégée.
Le président : Le sénateur Ringuette vous a demandé si ces gens-là passaient de l'opium en contrebande. En quoi un tel renseignement pourrait-il être secret? Le monde entier sait que l'opium est une culture importante là-bas. Qu'est-ce qui se passe?
Bgén Howard : J'ai dit ce que j'ai dit à partir des diapositives. Nous devons faire attention : la discussion que nous avons n'est pas protégée.
Le président : Quelqu'un pourrait découvrir que l'opium est cultivé en Afghanistan : c'est cela?
Le sénateur Ringuette : Je n'aurais pas soulevé la question si vous n'aviez pas fait allusion aux insurgés et aux narcotrafiquants sur votre diapositive. Qu'est-ce qu'on passe en contrebande?
Bgén Howard : Évidemment, on passe de la drogue en contrebande, n'est-ce pas?
Le sénateur Ringuette : Voilà un début. Pour ce qui touche vos opérations générales, je ne sais pas quel genre d'influence vous avez par rapport au rétablissement économique et au développement économique en Afghanistan. Tout de même, j'espère que les concepteurs des politiques touchant l'Afghanistan songent au fait que, si l'opium est la source principale de revenu de la population et que, rien n'est fait à part une piètre réflexion selon laquelle on croit que le passage de la culture de l'opium à la culture de la carotte apportera la prospérité économique à ce pays, le réveil sera brutal.
Le président : Quelle est la question?
Le sénateur Ringuette : Que faisons-nous du point de vue du redressement économique et du développement économique — d'un développement économique réel et durable pour les Afghans —, à part le fait de reconstruire les routes que nous avons détruites?
Bgén Howard : Je crois qu'il y a un programme merveilleux qui est en voie en Afghanistan : la communauté internationale y a injecté quelque 10 milliards de dollars. Le revenu par habitant a doublé en Afghanistan, alors que les chiffres de l'économie afghane, eux, ont triplé. Par exemple, environ quatre millions de femmes ont été vaccinées contre le tétanos. Les enfants et les femmes peuvent fréquenter l'école, ce qui leur était interdit sous le régime des Talibans. C'est extrêmement vaste. Plusieurs activités sont en cours en Afghanistan pour améliorer la vie des Afghans, sur les lieux mêmes.
Le sénateur Ringuette : En réponse aux questions du sénateur Moore concernant la formation de la police, vous avez affirmé que les États-Unis dirigent la formation du commandement pour la sécurité — c'était un autre terme, mais je ne l'ai pas noté.
Bgén Howard : Les Américains sont à la tête d'un commandement pour la formation des forces de sécurité qui vise à améliorer tous les aspects de la situation à cet égard en Afghanistan. De multiples pays y apportent une contribution, mais les États-Unis sont les premiers responsables.
Le sénateur Ringuette : Est-ce une ONG ou une entreprise à but lucratif?
Bgén Howard : Non, c'est l'armée.
Le sénateur Ringuette : C'est l'armée américaine?
Bgén Howard : Oui : parmi les officiers, il y a un brigadier général canadien et dix Canadiens sous son commandement.
Le sénateur Ringuette : Sont-ils affectés au commandement pour la sécurité ou... à la formation ou au commandement pour la sécurité?
Bgén Howard : J'ai décrit un quartier général en particulier — celui de la formation des forces de sécurité.
Le sénateur Ringuette : Pour ce qui est de ce quartier général du commandement national pour la sécurité auquel nous participons — vous avez dit que c'était les Américains qui dirigeaient —, quelle est notre relation avec l'entité baptisée Direction nationale de la sécurité?
Bgén Howard : Je ne sais pas très bien. Je ne connais pas les méandres de cette organisation-là. Faites-vous allusion à la DNS?
Le sénateur Ringuette : Oui.
Bgén Howard : Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas.
Le sénateur Ringuette : Les gens-là doivent relever du commandement de la sécurité.
Bgén Howard : Ça, je ne le sais pas.
Le sénateur Ringuette : Savez-vous quelles sont nos opérations ou nos relations avec les Forces de sécurité nationales afghanes, qui constituent une autre entité
Bgén Howard : Les Forces de sécurité nationales afghanes sont nos partenaires sur le terrain. Elles se divisent en de nombreuses catégories. Pour dire les choses simplement, il y a l'armée nationale afghane et la police nationale afghane avec lesquelles nous travaillons tous les jours sur le terrain. Les soldats canadiens à Kaboul participent à un effort multinational visant à former l'armée nationale afghane. Des agents de la GRC membres des équipes provinciales de reconstruction participent à la formation de la police nationale afghane. Ils y servent de mentors. Le terme « force de sécurité nationale afghane » désigne, globalement, tous les Afghans qui portent l'uniforme — le personnel des services policiers et de l'armée — et notre interaction quotidienne avec eux.
Le sénateur Ringuette : Ils travaillent sous la direction du commandement de la sécurité.
Bgén Howard : Les FSNA rendent des comptes au gouvernement afghan, qui dispose de forces de sécurité et d'une force policière, comme le Canada. Le commandement de formation aide le gouvernement d'Afghanistan à relever la capacité de la police et de l'armée. Il fournit aide, formation et argent, pour que la capacité en question soit plus grande.
Le sénateur Ringuette : Je veux être sûre d'être bien comprise : le commandement de la sécurité, au niveau national, est dirigé par les États-Unis, et le Canada y participe. Ces gens-là travaillent avec le gouvernement afghan, qui est responsable des services policiers et de la Direction nationale de la sécurité.
Bgén Howard : Je suis désolé. Je ne sais pas quelle est la relation avec la DNS.
Le sénateur Ringuette : Néanmoins, nous les avons formés.
Bgén Howard : Dans le cas de la DNS, je ne sais pas. Je suis désolé.
Le sénateur Ringuette : Je veux parler des cultivateurs qui sont faits prisonniers par les Canadiens, puis remis à l'une des entités que vous avez décrites. Il me semble que l'une de ces entités, c'est la DNS, et qu'une autre, c'est la police afghane, que nous formons. Des violations des droits de la personne sont commises par la police afghane, que nous formons. Je sais que vous allez me dire que nous avons une entente avec ces gens et ainsi de suite, mais ça suffit comme ça. Si nous formons la police afghane, nous pouvons sûrement la former pour qu'elle respecte les droits de la personne, notre marque de commerce de par le monde. Quelle est la nature de la formation que nous dispensons à la police afghane en ce qui concerne les droits de la personne?
Bgén Howard : En tant qu'officier, je vous comprends, sénateur. Nous voulons que tous les Afghans soient traités avec respect, avec humanité. Nous essayons d'encourager les Afghans à modeler leur conduite sur le genre de conduite que nous avons au Canada. Par contre, c'est un travail qui est appelé à évoluer et qui procède par étapes rudimentaires. Pour ce qui est des détenus, les Forces canadiennes qui s'en chargent ont des procédures bien définies à respecter. En tant que soldat, je voudrais qu'ils aient droit au même traitement respectueux auquel je voudrais avoir droit moi-même, et ce sera là mon repère.
Le transfert des responsabilités aux autorités afghanes doit visiblement être soumis à l'étude. Nous devons nous améliorer à cet égard, mais les autorités supérieures vont se pencher sur le processus. Je suis d'accord avec ce que vous dites : il faut accorder aux détenus un traitement humanitaire.
Monsieur le président, j'ai dépassé les 15 minutes qui me sont allouées. Je dois quitter parce que j'ai d'autres responsabilités à exercer.
Le sénateur Ringuette : Tout comme nous avons des responsabilités, monsieur le président.
Le président : Nous nous étions entendus avec brigadier général Howard, pour qu'il puisse s'en aller à 13 h 30. C'est notre obligation envers lui. Vous pourriez peut-être conclure avec une question.
Le sénateur Ringuette : Je pourrais formuler une observation plutôt que poser une question. Si le gouvernement canadien n'est pas en mesure de renégocier l'entente touchant les détenus afghans, êtes-vous prêt à garder les détenus qui relèvent de votre champ de responsabilité jusqu'au moment où nous saurons que les droits fondamentaux des détenus remis à la police afghane seront respectés?
Bgén Howard : Je reviendrai à ce que j'ai dit plus tôt. Nous voulons que les Talibans soient traités de manière humanitaire lorsqu'ils sont détenus. Les étapes à venir font l'objet de discussions. Il ne m'appartient pas de dire quelle devrait être la politique gouvernementale à ce sujet. C'est une question grave qu'il faut examiner attentivement, et ce sera le cas au cours des prochains jours.
Le sénateur Ringuette : Cette question est débattue en public depuis dix mois.
Le président : Brigadier général Howard, merci, et excusez-nous de vous avoir retenu. Le comité apprécie le témoignage que vous avez donné.
Nous accueillons maintenant Craig Oldham, directeur des Opérations, Centre des opérations du gouvernement, Sécurité publique Canada. Il a passé 27 ans de sa vie dans l'armée, au départ comme simple soldat, pour occuper enfin des postes de commandement. Il a participé à des opérations en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
À la suite de son expérience à l'étranger, il est devenu membre de l'unité de contre-terrorisme et d'opérations spéciales du Canada, la Force opérationnelle interarmées 2, où il a commandé un escadron spécialisé dans les opérations de contre-terrorisme maritimes ainsi que dans les explosifs, les opérations techniques et le tir d'élite. Il a aussi exercé les fonctions de directeur du contre-terrorisme et des opérations spéciales au quartier général de la Défense nationale, où il était responsable des mesures d'urgence relatives à la coordination des opérations spéciales à l'étranger.
En avril 2004, il a assumé les fonctions de directeur du Centre des opérations du gouvernement de Sécurité publique Canada. Au nom du gouvernement du Canada, le centre en question assure une coordination et une direction stratégiques des mesures adoptées en réaction à un événement imminent ou en cours qui met en jeu l'intérêt national.
Il est accompagné de Suki Wong, directrice, Politiques en matière d'infrastructures essentielles, Sécurité publique Canada, et de M. Jacques Talbot, conseiller juridique.
Craig Oldham, directeur, Centre des opérations du gouvernement, Sécurité publique Canada : Merci de nous inviter, moi-même et mes collègues. J'ai l'intention de limiter ma déclaration liminaire au Centre des opérations du gouvernement, dont je suis le directeur. Le Centre des opérations du gouvernement, ou COG, a pour rôle d'assurer au nom du gouvernement du Canada une coordination stratégique des mesures adoptées en réaction à un événement imminent ou en cours qui met en jeu l'intérêt national.
Pour y arriver, le Centre des opérations du gouvernement regroupe plusieurs divisions, et non seulement la mienne. Pour ceux qui parmi vous qui ont une formation militaire, sachez que la structure du Centre des opérations du gouvernement ressemble à celle du quartier général d'une brigade et qu'il combine le concept européen d'état-major du monde militaire au système civil de commandement des interventions, qui, bien entendu, est inspiré lui aussi d'une structure militaire.
Le Centre des opérations du gouvernement comprend une unité d'évaluation des risques et de compréhension de la situation, une division des plans, une division des opérations et le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques — et peut compter sur l'appui d'un personnel administratif à l'interne. L'énoncé de notre rôle a été mûrement réfléchi; il s'inspire des orientations décrites dans la politique nationale de sécurité, les lois actuelles et d'autres politiques encore. Nous fournissons nos services au niveau stratégique ou national, par opposition au niveau tactique, où les premiers intervenants et les municipalités sont responsables.
De même, nous n'offrons pas de services au niveau opérationnel dans les cas où la responsabilité revient aux provinces, aux territoires et aux ministères et organismes fédéraux.
Nous gérons les efforts collectifs d'intervention du Canada dans le cadre du Système national d'intervention d'urgence. Je dirais que la coordination ou la gestion des événements représente 90 p. 100 de notre travail, mais nous donnons aussi au besoin des consignes aux organismes fédéraux. Les consignes en question proviennent de la structure décisionnelle au sein du gouvernement fédéral et sont mises en œuvre par l'entremise du Centre des opérations du gouvernement.
Le Centre des opérations du gouvernement, même s'il loge dans le même immeuble que Sécurité publique Canada, offre son soutien à l'ensemble des ministères et organismes appelés à réagir à une situation, quel que soit le ministre qui en est le premier responsable. Nous sommes vraiment le Centre des opérations du gouvernement du Canada.
Le Centre des opérations du gouvernement est un organisme proactif; selon l'énoncé de notre rôle, nous sommes responsables des événements imminents et en cours. Cela veut dire que nous évaluons les menaces, que nous nous préparons à contrer les menaces en question et que nous organisons des mesures proactives pour prévenir le problème ou en atténuer les effets, dans la mesure du possible. Auparavant, la plupart des plans du gouvernement étaient réactifs, et nous savions, bien avant l'ouragan Katrina, qu'il ne suffit pas de simplement réagir.
Nous nous attachons aux événements qui peuvent mettre en jeu l'intérêt national, au pays même et à l'étranger. Cela ne veut pas dire que le Centre des opérations du gouvernement exerce des fonctions qui relèvent du mandat que confère la loi à d'autres ministères et organismes. Plutôt, nous assurons la gestion stratégique nécessaire pour mettre pleinement en œuvre les moyens d'action du gouvernement du Canada en réaction à un événement.
L'an dernier, nous avons géré activement 93 événements considérés comme mettant en jeu l'intérêt national, nous avons rendu des comptes au Bureau du Conseil privé, le BCO, et à d'autres organismes au sujet de 202 autres événements et, pendant l'année, nous avons surveillé et contrôlé 4 300 incidents au Canada et à l'étranger.
Nous sommes fins prêts à répondre à toutes les questions que vous voudrez poser, au meilleur de notre connaissance, aujourd'hui.
Le sénateur Day : Merci de venir comparaître aujourd'hui. Je crois avoir saisi vos propos, mais vous avez dit cela rapidement. Pourriez-vous prendre plus de temps pour expliquer cela, et particulièrement le rôle du Centre des opérations, par opposition à la planification? Vous dites que vous avez géré activement 93 événements, que vous avez rendu des comptes au sujet de 202 événements... et quelle était l'allusion à 4 300...?
M. Oldham : Quatre mille trois cents de ce que nous qualifions d'incidents.
Le sénateur Day : Ce sont non pas des événements, mais des incidents?
M. Oldham : La situation ne s'est pas aggravée au point où nous les qualifierions d'événements. Ils peuvent être attribuables au mauvais temps, mettre en jeu la sécurité nationale ou se produire dans le cyberespace. Ce sont tous des cas où nous recevons des rapports d'organismes de renseignement, des médias, de nos alliés et des provinces et territoires. Nous examinons tous les événements en question, nous procédons à une évaluation initiale pour déterminer s'il y a lieu de préparer une intervention.
Par exemple, tous les jours, il y a partout au pays un grand nombre de menaces à la bombe ou d'incidents impliquant une poudre blanche. Nous examinons certains des cas en question pour déterminer s'ils répondent à certains critères et s'il s'agit d'incidents éventuels à proprement parler ou de cas que nous jugerons insignifiants.
Le sénateur Day : Lorsqu'il se produit quelque chose, quel est votre rôle?
M. Oldham : Notre rôle consiste à coordonner l'intervention dans l'ensemble du gouvernement face à l'événement en question et à soutenir le ministère ou l'organisme qui peut en être le premier responsable.
Dans de nombreux cas, au Canada même, nous soutenons directement le ministre de la Sécurité publique, dont le mandat à cet égard est le plus important. Nous pourrions aussi soutenir un autre ministère ou organisme.
Par exemple, s'il y a une poussée de grippe aviaire quelque part au Canada, nous pourrons assurer un niveau stratégique de services pour le compte de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Le sénateur Day : Intervenez-vous, vous et votre organisation, là où l'homme est à l'origine de l'événement ou de l'incident, aussi bien que dans le cas des catastrophes naturelles?
M. Oldham : C'est un de nos principes fondamentaux : nous adoptons une approche tous risques. Qu'il s'agisse d'un événement qui met en jeu la sécurité nationale ou d'un cyberévénement ou encore d'une catastrophe d'origine naturelle ou humaine, c'est pareil pour nous. L'approche est systématique; elle est toujours la même. Les mesures que nous adoptons peuvent différer, mais nous n'appliquons pas un système distinct à chacun de ces événements.
Au fil du temps, nous avons pris conscience du fait qu'aucune urgence n'est simple. Toute urgence est complexe. Par exemple, un événement mettant en jeu la sécurité nationale comportera une dimension « gestion des conséquences » au sens classique du terme. Il vaut mieux en tenir compte dès le départ, établir son plan et se préparer de cette manière, plutôt que d'attendre et, une fois l'urgence en cours, appeler subitement les responsables des mesures d'urgence et leur dire de se lancer. Tout cela est totalement intégré dès le départ, pour nous.
Le sénateur Day : Êtes-vous branché sur tous les canaux de renseignement de sécurité au Canada?
M. Oldham : Oui, nous le sommes. Notre organisme n'est pas un organisme de renseignement. Nous n'amassons pas de renseignements de sécurité. Nous ne cherchons pas activement à recueillir des renseignements à la façon du Centre intégré d'évaluation des menaces, le CIEM, ou du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS. Nous utilisons les renseignements et les produits du renseignement qui proviennent d'autres sources, de toutes les sources. Le Centre des opérations du gouvernement prend parfois en charge des tâches dites « très secrètes ». Nous avons accès à tout le matériel « très secret ». Sinon, nous ne pourrions faire notre travail.
Le sénateur Day : Est-ce qu'il vous arrive d'analyser les informations et les renseignements qui vous parviennent? Procédez-vous à une analyse qui ne serait pas la même que celle qui se fait ailleurs?
M. Oldham : D'une certaine façon, oui, pour deux raisons. Premièrement, nous fonctionnons au niveau stratégique et avons des considérations qui sont différentes de celles des responsables des niveaux opérationnels ou tactiques.
Deuxièmement, nous essayons toujours d'envisager la situation du point de vue du gouvernement dans son ensemble, plutôt que du point de vue d'un seul ministère ou ordre de gouvernement, qui, évidemment, s'attache à ses propres responsabilités. Nous regardons le tableau dans son ensemble et essayons de voir comment les morceaux s'imbriquent. Y a-t-il un lien ici ou là? Y a-t-il un effet cumulatif? Quel est le résultat de l'évaluation globale de la menace au niveau stratégique et national?
Le sénateur Day : J'essaie de faire la distinction entre le niveau tactique et le niveau stratégique, quand vous parlez de la gestion de 93 événements. À mes yeux, qui dit gestion dit niveau tactique. Cela donne à penser qu'il y a quelque chose qui se produit en ce moment même et que vous y êtes à le gérer d'une façon ou d'une autre. Vous dites que votre rôle est stratégique à cet égard?
M. Oldham : C'est cela. Dans le cas des opérations, il y a une différence entre les trois niveaux : tactique, opérationnel et stratégique. Par exemple, je ne me soucie pas de savoir ce que montre la caméra installée à l'angle Portage et Main, à Winnipeg. Je me soucie plutôt de savoir si les premiers intervenants et les responsables opérationnels ont à leur disposition les outils de travail, le soutien et le matériel qu'il leur faut pour gérer l'urgence qui peut s'y produire.
Si je m'attachais à la couleur des camions de pompier ou je ne sais quoi encore, je ne ferais pas mon travail. Mon travail consiste à prendre un certain recul et à adopter une vue d'ensemble des urgences, et à réagir.
Le sénateur Day : Vous nous invitez dans l'Ouest, et voilà qu'il y a des inondations en Saskatchewan. Est-ce que vous intervenez dans un tel cas? Dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer votre rôle?
M. Oldham : Les catastrophes naturelles, par exemple les inondations, les incendies de forêt et, dans une moindre mesure, les crises de verglas et les ouragans, comportent toutes des éléments prévisibles, jusqu'à un certain point.
Ce que nous avons fait dès les premiers stades, et cela a été le cas cette année, c'est d'examiner l'environnement et d'évaluer la situation à partir des rapports que nous recevons des divers ministères et organismes, par exemple Environnement Canada, et aussi directement des provinces, qui sont branchées sur leurs municipalités. Quelles sont les conditions de sol, à quoi ressemble la glace, quelles sont les conditions météorologiques qui, peut-être, feraient naître certaines conditions parmi celles qui mènent à des inondations? À partir des informations en question, nous préparons un plan d'urgence au niveau stratégique. À mesure que l'événement se déroule, nous appliquons le plan stratégique en le rajustant au besoin. Il y a un plan en place en ce moment même dans le cas de la Colombie-Britannique.
Aujourd'hui, en Saskatchewan, nous surveillons simplement la situation. La situation n'a pas encore déclenché notre approche systématique, mis à part le cas de la surveillance. Nous savons qu'il y aura des inondations en Saskatchewan, tout comme nous savons qu'il y aura des inondations au Manitoba et en Colombie-Britannique. La science et l'art dans tout cela, c'est d'évaluer l'ampleur que prendra la situation et d'envisager les mesures que nous pouvons adopter pour empêcher que l'événement ne se produise, sinon pour en atténuer les effets. Nous ne pouvons empêcher qu'il y ait une inondation, mais nous pouvons en atténuer certains des effets.
Le sénateur Day : Qu'est-ce qui vous a poussés à préparer un plan et une étude pour la Colombie-Britannique, mais pas pour le Manitoba ou la Saskatchewan?
M. Oldham : Je n'ai pas dit que nous n'avions pas préparé de plans pour ces provinces-là non plus. C'est une question de degré. En Colombie-Britannique, il y a plusieurs choses dont il faut tenir compte, depuis l'activité du dendroctone du pin jusqu'au réchauffement rapide qu'on y a connu cette année, en passant par la déforestation, les conditions de sol et la quantité inhabituelle de neige qu'on y a reçu.
Nous n'isolons pas une province par rapport aux autres. Nous essayons d'envisager l'événement dans un tableau d'ensemble. En ce moment, la plus grande menace est celle qui touche un secteur de la Colombie-Britannique. Cela ne veut pas dire que nous nous attendons à une grande catastrophe. C'est simplement que nous procédons avec prudence en établissant toujours des évaluations et des plans. C'est un processus continuel et permanent, qui fera que nous allons nous pencher bientôt, de la même façon, sur la saison des ouragans.
Le sénateur Day : Pouvez-vous expliquer comment vous feriez pour coordonner vos efforts en Saskatchewan avec les mesures d'urgence qui doivent y être déployées en ce moment et ce que le Centre des opérations d'Environnement Canada doit être en train de faire, en ce qui concerne les mêmes événements?
M. Oldham : Nous sommes branchés sur tous les organismes provinciaux d'intervention en cas d'urgence et sur les services de police ou de sécurité nationaux de l'organisme qui se trouvent en place dans la province en question. De même, nous sommes branchés sur tous les ministères et organismes.
Lorsque nous parlons des documents que nous produisons, par exemple nos évaluations et nos plans... nous préparons les évaluations et les plans de concert avec d'autres ministères et organismes fédéraux, et aussi avec les provinces. Ce n'est pas un plan que nous préparons uniquement au Centre des opérations du gouvernement, sans en parler à quiconque.
Nous le préparons dans un contexte interministériel et intergouvernemental. C'est une approche que nous adoptons pour nous assurer que tout le monde apporte sa contribution et joue son rôle. Nous ne pouvons faire semblant d'être les experts en urgences de tous genres dans notre centre des opérations, mais nous pouvons être les experts de la gestion des événements et faire profiter les autres de l'approche rigoureuse que nous appliquons.
Le sénateur Day : S'il y a un problème, par exemple une inondation ou une pandémie, votre centre des opérations est prêt à intervenir. Toutefois, si c'est une pandémie, que ce soit de grippe aviaire ou d'autres choses, est-ce qu'il y a un centre des opérations de Santé Canada qui est prêt à intervenir?
M. Oldham : Oui, car la loi donne à Santé Canada le mandat de se pencher sur certains aspects de cette pandémie. Aucune pandémie ne relève jamais uniquement de Santé Canada. Il y a les conséquences économiques, les conséquences possibles du point de vue de la sécurité nationale et ainsi de suite. Notre travail consiste à réunir tous les responsables et à nous assurer d'aborder l'urgence d'une façon globale.
Nous n'avons pas à mettre en branle notre centre : notre centre fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par année. Il n'y a pas d'ordinateurs à installer et autres trucs du genre. Le centre fonctionne tout le temps; on y surveille l'environnement constamment.
Au fil de la pandémie ou de toute autre urgence qui exige des efforts de plus en plus grands, les liens avec les autres centres des opérations se resserrent. La plupart des centres des opérations au gouvernement du Canada et dans les provinces ne fonctionnent pas 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ils doivent se lancer et commencer à intervenir. Lorsqu'ils le font, le lien entre eux et le lien entre eux et nous devient plus solide.
En outre, les responsables des ministères et organismes arrivent dans nos installations, de manière à travailler côte à côte avec nous au moment de l'urgence.
Le sénateur Day : Votre bureau va-t-il inviter un autre ministère à surveiller la situation car celle-ci pourrait finir par se répercuter sur lui?
M. Oldham : Nous communiquons de cette façon par toute une série de moyens. Nous ne sommes pas habilités à dire aux autres ministères d'enclencher telle ou telle mesure, mais nous n'avons pas à le faire. Chaque ministère a des rôles et des responsabilités dont il est très conscient. Tout de même, il n'est pas hors de l'ordinaire que le centre des opérations du gouvernement avertisse un autre ministère, organisme, ou ordre de gouvernement d'un problème imminent. L'autre nous transmet alors des informations que nous pouvons renvoyer à toutes les parties en jeu.
Le sénateur Day : Y a-t-il quelqu'un à qui vous donnez des directives?
M. Oldham : Nous ne sommes pas habilités, au centre des opérations du gouvernement, à dire directement à quiconque de faire quoi que ce soit, au sens militaire où vous l'entendez. Dans une proportion de 90 p. 100, notre travail repose sur la coopération.
Au moyen d'exercices et d'opérations concrètes effectués au sein du gouvernement du Canada, nous avons constaté que, à l'heure actuelle, le mandat et le fondement législatif de notre action suffisent à prendre en charge à peu près n'importe laquelle des situations. Par le passé, les difficultés se sont produites lorsque les ministères et organismes ont essayé de tout régler d'eux-mêmes, et aucun d'entre eux n'a à lui seul tous les instruments nécessaires pour faire le travail. Tout de même, quand tout le monde se retrouve autour de la même table et que chacun peut fournir un élément, nous pouvons régler à peu près n'importe quel problème.
Dans les cas où ne sommes pas autorisés à adopter une mesure et qu'il faut une décision à cet égard, nous passons par la structure des comités pour obtenir l'autorisation. Nous nous adressons au sous-ministre adjoint, au sous- ministre, au cabinet, et même au premier ministre s'il le faut.
Globalement, la participation des hauts échelons aux mesures d'urgence n'a pas à être très grande. Souvent, le fondement de l'action est unique, par exemple dans le cas de l'ouragan Katrina. À ce moment-là, il a fallu déplacer une partie de la réserve nationale de secours d'Ottawa vers les États-Unis. Nous n'étions pas autorisés à déplacer un élément de la réserve à l'extérieur du pays. Dans ce cas, il a fallu obtenir l'autorisation.
Une fois l'autorisation obtenue, le centre des opérations du gouvernement était habilité à mettre en œuvre la décision prise.
Le sénateur Day : S'il est considéré comme important de communiquer avec le public pour le rassurer, est-ce la responsabilité de votre bureau ou encore est-ce celle du ministère ou de l'organisme qui est directement touché?
M. Oldham : Les communications avec le public ne relèvent pas du centre des opérations du gouvernement. Nous n'avons aucune communication avec le public. Il n'y a pas de numéro de téléphone où les gens pourraient nous appeler. Notre travail consiste à coordonner l'effort gouvernemental, des organismes gouvernementaux et des ordres de gouvernement.
La responsabilité des communications avec le public appartient au ministère responsable, habituellement à Sécurité publique. Je ne suis pas expert en la matière; je vais donc me contenter de dire que Sécurité publique a en place une organisation qui coordonne la transmission des messages au public de concert avec les ministères et organismes touchés, coopération qui ressemble à celle que nous appliquons nous-mêmes.
Le sénateur Day : Vous êtes à la Sécurité publique?
M. Oldham : Oui.
Le sénateur Day : L'autre groupe se trouve aussi à la Sécurité publique?
M. Oldham : C'est cela. C'est l'élément de communications avec le public de Sécurité publique.
Essentiellement, la vérité sur ce qui se passe, sur l'événement, est relayée du Centre des opérations du gouvernement à nos responsables des communications avec le public.
Le sénateur Day : Ces gens-là ne feront pas partie de votre centre des opérations, de façon à pouvoir donner une vue d'ensemble de l'événement?
M. Oldham : Oui : Les communications avec le public remplissent deux fonctions au Centre des opérations du gouvernement. Il y a au Centre des opérations du gouvernement un responsable de la veille médiatique qui nous aide à cet égard. Il n'est pas rare que ce soit CNN, CTV ou un autre média qui transmet les premiers éléments d'information sur une situation. Ces gens-là nous aident de ce point de vue.
Ils aident aussi à coordonner le cheminement des communications avec le public, à préparer les infocapsules et ainsi de suite. La raison de leur présence au Centre des opérations du gouvernement, c'est de s'assurer qu'il n'y ait pas d'informations erronées qui circulent du fait d'un reportage déficient. C'est un problème que nous avons constaté au moment de la panne de courant qui est survenue il y a quelques années : diverses personnes ont pris la parole au sujet de l'événement, et l'information qu'elles donnaient était tout à fait inexacte.
Le sénateur Day : Je pourrais bien continuer à vous poser des questions : vous nous avez donné des informations utiles. Je vais céder la parole à mes collègues, mais j'aurais peut-être d'autres questions à poser au deuxième tour, si jamais nous avons le temps.
Le sénateur Banks : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Day.
Vous avez expliqué le processus en partie, mais dites-moi : lorsque vous êtes mis au fait d'une situation, vous procédez à une évaluation, et cela vient sûrement des gens qui sont là sur place. Si j'allais à votre centre à 2 h 30 du matin, demain, combien de personnes est-ce que j'y trouverais?
M. Oldham : Suivant les quarts de travail, il peut y avoir entre quatre et sept personnes en poste.
Le sénateur Banks : Ces gens-là ont réalisé l'évaluation initiale : il est arrivé quelque chose, bang! À qui téléphone-t- on? Dites-nous ce qui se produit alors, d'un point de vue microcosmique. Qui décide quoi faire? Qui appelle qui? À quelle vitesse cela se fait-il
M. Oldham : Cela peut se faire très rapidement. Ce que nous appelons le centre de surveillance, les gens qui sont là en ce moment même, que vous verriez si vous y alliez...
Le sénateur Banks : Je peux?
M. Oldham : Certainement. Cela me détourne un peu du sujet, mais je vous dirai que je serai heureux de vous accueillir tous, selon l'opération qui se déroule à ce moment-là, et je dirigerai moi-même la visite des lieux.
Le sénateur Banks : Il serait probablement mieux pour nous d'y aller au moment où il n'y a pas d'opération.
M. Oldham : Peut-être. Cela dépend de la nature de l'opération en question, mais nous sommes toujours en train de faire quelque chose.
Les gens de ce centre-là, en ce moment, sont aux aguets. Ils surveillent l'environnement, essaient de voir ce qui se passe. Si un événement survient, l'information est donnée à un responsable supérieur de la surveillance. Le responsable en question exécute une tâche qui s'apparente à celle qui est accomplie quand vous arrivez à la salle d'urgence d'un hôpital : il procède au triage. Il surveille toujours l'événement pour voir ce qui se passe ou peut-être décide-t-il que c'est relativement insignifiant, mais il continue de surveiller un peu, ou encore il relève le niveau d'alerte.
S'il relève le niveau d'alerte, il prend le téléphone et communique avec un responsable supérieur des opérations, soit mon adjoint, soit moi. Il dit alors : voici la situation. Tout de suite, le lien est ainsi fait avec le palier supérieur.
De là, le responsable supérieur procède à une évaluation rapide de l'événement en étudiant les éléments d'information qui arrivent. Les autres personnes présentes sont des travailleurs de quart; elles n'ont pas accès à l'ensemble du tableau du point de vue du renseignement de sécurité. Puis, nous déterminons le déroulement probable de la situation.
Nous avons des procédures normalisées auxquelles nous nous plions. Si la situation ne correspond pas à la norme établie, nous continuons d'intervenir, mais nous en saisissons l'échelon immédiatement au-dessus du nôtre, soit celui de directeur général. Au Centre des opérations du gouvernement, nous sommes en mesure de nous adresser directement au sous-ministre s'il le faut. Ce serait une décision rarissime de notre part. Nous essayons de respecter les étapes, de manière à ce qu'il y ait chaque fois un deuxième regard objectif porté sur la situation.
Le sénateur Banks : Un deuxième regard objectif : voilà qui nous semble familier ici au comité.
Dans un cas où vous vous adressez au sous-ministre — ce serait un sous-ministre particulier en cas d'inondation, un autre en cas de pandémie et un autre encore si c'était quelque chose de pire —, le sous-ministre en question serait-il à même de comprendre le fonctionnement du centre d'où vous appelez et de saisir ce qui s'y passe? Le sous-ministre en question est-il susceptible d'avoir visité les lieux? A-t-il déjà vu le centre des opérations, le premier ministre l'a-t-il déjà vu? Comme nous le savons tous, et comme vous avez pu le voir d'après une expérience directe de la chose, il est très bien de faire des exercices et de saisir une notion au moyen d'un bout de papier, mais, lorsque l'événement se produit dans les faits, les plans ne fonctionnent pas bien si la personne responsable n'a pas arpenté les lieux, qu'elle n'arrive pas à trouver l'agrafeuse.
M. Oldham : Je vais essayer de situer ma réponse sur plusieurs tableaux. Le premier ministre n'a pas visité l'installation. La plupart des ministres et des sous-ministres n'y ont jamais mis les pieds. Cela dit, ils savent tous quel est le centre en question et quel est le travail qui s'y fait.
Le centre n'est pas conçu pour les abriter, il n'est pas conçu pour les accueillir au moment où nous adoptons des mesures en cas d'urgence. Cela ne serait pas efficace de notre point de vue. Nous avons besoin que les ministres et les hauts fonctionnaires demeurent à une distance respectueuse. Pourquoi? C'est la nature humaine qui le veut ainsi : ils se concentreraient sur ce qui se passe au centre en question, alors que nous voulons qu'ils portent le regard ailleurs. Nous voulons qu'ils s'attachent aux décisions globales à prendre, et ça ne saurait se faire dans un centre comme le nôtre.
C'est monnaie courante. Si vous étudiez le fonctionnement d'autres centres des opérations dans d'autres pays, vous constatez qu'ils ont exactement la même façon de procéder que nous. Nous n'invitons pas le sous-ministre, le ministre ni même le premier ministre au centre des opérations du gouvernement. Nous leur fournissons des informations et des notes à des fins de décision.
Le sénateur Banks : Pour envisager le pire scénario, y a-t-il un endroit où le premier ministre et les ministres se réfugient, un endroit sûr et protégé, et qui bénéficie de voies de communication sûres avec votre centre?
M. Oldham : Vous venez de sortir de mon champ d'action. Je suis seulement responsable du Centre des opérations du gouvernement. Je communique avec le Bureau du Conseil privé, le BCP, qui est responsable de communiquer avec le cabinet du premier ministre. À la sécurité publique, il y a bien un endroit pour abriter les fonctionnaires et prendre en charge ce genre de tâches, mais, à ma connaissance, il n'y aurait pas d'endroit où le premier ministre ou le BCP se réfugie, en dehors des installations dont ces gens-là disposent déjà.
Le sénateur Banks : Est-ce qu'ils ont un tel lieu de refuge?
M. Oldham : Je ne sais pas.
Le président : Et le BCP? Auriez-vous l'obligeance de répondre à la même question, mais en ce qui concerne le BCP? Avez-vous avec lui des voies de communication sûres qui fonctionnent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et savez- vous à qui vous pouvez vous adresser quotidiennement au BCP?
M. Oldham : Oui, nous bénéficions de communications protégées avec le BCP, mais à savoir 24 heures sur 24, sept jours sur sept, si vous parlez d'un centre des opérations au BCP qui fonctionnerait 24 heures sur 24, sept jours sur sept, je dois vous dire que ça n'existe pas.
Le président : Disons que Kevin Lynch, greffier du BCP, doit être mis au fait d'une situation. Savez-vous où il se trouve en tout temps?
M. Oldham : Nous ne savons pas où se trouve le greffier en tout temps, mais le BCP le sait, et nous bénéficions de voies de communication protégées avec le BCP, par l'entremise d'agents en poste, et aussi grâce à des communications directes avec les hauts responsables.
Le président : Et si M. Lynch ne peut être joint?
M. Oldham : Nous communiquerions alors la conseillère nationale pour la sécurité.
Le président : Et si la conseillère nationale ne peut être jointe?
M. Oldham : À ce moment-là, nous communiquons avec l'agent en poste ainsi qu'avec le grand responsable en matière de S et R au BCP.
Le président : Qu'est-ce que le S et R?
M. Oldham : Sécurité et renseignement. Ils ont leur horaire interne et leurs systèmes de communications internes. Je ne sais pas où chacun se trouve quotidiennement au BCP, mais je sais que j'ai en main des numéros de téléphone fiables et que j'ai accès à des communications fiables, qui font que je peux communiquer avec des gens du BCP au besoin. En trois ans, il n'y a pas eu une seule fois où je n'ai pu joindre rapidement quelqu'un au BCP.
Le président : Qu'entendez-vous par rapidement?
M. Oldham : En dix minutes.
Le président : Je vais vous donner deux exemples. J'ai eu affaire à des ministres — pas ceux qui font partie du présent gouvernement, pour être juste, mais ceux d'un gouvernement précédent — qui se sont décrits comme étant le premier ministre par intérim. Ils étaient premier ministre pendant que le premier ministre se trouvait ailleurs. Dans un tel cas, leurs noms figuraient probablement au 17e rang de la liste d'ancienneté. On a communiqué avec eux pour savoir quoi faire en rapport avec un certain incident, lié à l'interception de bateaux qui allaient passer de la drogue en contrebande au pays. Ce n'est pas à une personne qui a communiqué avec le premier ministre du gouvernement en place que vous pourriez parler. Ce n'est pas au ministre que vous pourriez parler directement. C'est à une personne qui, elle, aurait parlé au ministre. C'est bien cela?
M. Oldham : D'habitude, ce serait cela. Le ministre responsable parlerait au premier ministre. Les sous-ministres responsables devant les ministres en question s'adresseraient au ministre. Nous pourrions avoir à donner une séance d'information au Cabinet. Nous pourrions faire un compte rendu au sous-ministre, soit à des fins d'information, soit à des fins de décision. Non, je ne prendrais pas le téléphone pour appeler directement le ministre, dans la plupart des cas.
Le président : Choisissons une situation plus dramatique; par exemple, un avion qui est détourné et qui semble se diriger vers une ville. Le centre des opérations aurait-il à intervenir à ce moment-là?
M. Oldham : Oui.
Le président : À combien de personnes faudrait-il parler avant de joindre celles qui seraient autorisées à décider si, oui ou non, il faut abattre l'avion?
M. Oldham : Je dois rester sur mes gardes ici, car la réaction du Canada dans de telles situations représente une question délicate. Nous envisageons souvent ce scénario en compagnie du ministère de la Défense nationale. J'imagine que vous avez probablement parlé aussi aux gens de la Défense. Nous n'avons pas de difficulté à joindre les décideurs, jusqu'à l'équivalent du chef d'état-major de la Défense. Je ne sais pas quels sont les exercices qu'applique le MDN jusqu'au niveau ministériel. Je ne saurais répondre à cette question : je ne suis pas au courant de la chose. La gestion de tous les aspects d'un détournement d'avion, sauf cet aspect particulier-là, si vous voulez, relève du Centre des opérations du gouvernement. Il n'est pas rare que nous ayons à composer avec cela.
Le président : À qui nous faudrait-il nous adresser pour avoir une vue d'ensemble de la filière? Est-ce à la conseillère nationale du premier ministre pour la sécurité, Margaret Bloodworth? Qui est le mieux placé pour faire l'affirmation suivante : « Depuis l'incident jusqu'au moment de la décision, je peux vous décrire toutes les étapes de la démarche »?
M. Oldham : Je peux vous décrire cette étape. Je crains toutefois d'aborder des aspects particuliers de l'affaire et notamment la manière dont ça fonctionne à un moment donné, dans une tribune publique. Je suis heureux d'affirmer que, pour ce qui est de tous les aspects d'une telle intervention, sauf celui dont vous parliez — cela relève du ministère de la Sécurité publique et de la GRC, et nous savons très bien comment ça fonctionne — nous mettons cela en pratique, et nous intervenons ainsi dans le cas d'événements réels. L'autre élément dont vous avez parlé évoque la responsabilité du ministre de la Défense nationale, dont le ministère est le mieux placé pour dire comment il s'acquitte des responsabilités que lui confère la loi en rapport avec cet événement particulier, sous cet aspect particulier.
Les deux choses ne sont pas isolées l'une de l'autre. Elles sont concurrentes. Les aspects service policier et sécurité publique caractérisent toutes les urgences dans le domaine de l'aviation, ce qui fait que la question relève alors de la Sécurité publique, mais en même temps, les responsabilités du ministère de la Défense nationale s'appliquent. Le défi que nous avons à relever, et c'est là un exercice intéressant, consiste à garder en piste les deux responsabilités, à les gérer, les deux, et à nous assurer que l'information circule entre les deux ministères à la fois, et à nous assurer qu'il y a une intervention appropriée non seulement du ministère de la Sécurité publique ou du ministère de la Défense nationale; également, il faut réfléchir à la gestion des conséquences possibles, qu'il s'agisse d'un avion qui s'écrase ou d'autre chose.
Le sénateur Banks : Nous ne saurions demander quelle serait la décision. La question vise uniquement à savoir : quelle est la filière? Par quel moyen la personne responsable chez vous joint-elle les personnes voulues, là-bas, pour que la décision qui s'impose puisse être prise?
M. Oldham : Nous établissons les communications au moyen d'une conférence téléphonique. C'est la façon la plus rapide et la plus efficace de procéder. En cas d'événements du genre, une série de conférences téléphoniques nous permet de coordonner les divers mandats. Évidemment, nous devons parler aux Américains en même temps. Il y a NORAD qui entre en ligne de compte. Il y a peut-être un aspect américain à la question. Il peut y avoir un aspect international aussi, selon le transporteur dont il est question. Toutes les conférences téléphoniques en question se réalisent en quelques minutes à peine. C'est rapidement aussi que nous communiquons avec les décideurs de haut rang. De concert avec le MDN, nous suivons les gens qui sont autorisés à prendre les décisions dans le cas du scénario dont vous parliez.
Le sénateur Banks : Vous avez dit que vous n'étiez pas directement responsable des communications. Toutefois, si un problème survient, le déversement d'une substance de la voiture d'un train qui a déraillé... vous devez rejoindre beaucoup de gens le plus rapidement possible; il existe des moyens différents d'une province à l'autre et, parfois, d'un comté à l'autre, quant à la façon de faire. Parfois c'est le 9-1-1 inversé, parfois c'est la radio, parfois c'est une interruption programmée. Le comité a parlé du système d'alerte en cas d'urgence qui existe en Alberta : il suffit d'appuyer sur un bouton pour interrompre la programmation des entités de radiodiffusion et véhiculer le message voulu. Cela se fait de manière volontaire.
Dans notre rapport précédent, nous avons recommandé qu'une telle chose figure comme condition à l'octroi d'une licence de radiodiffusion au Canada. Ce serait universel. Croyez-vous que c'est une bonne idée?
M. Oldham : Je ne saurais le dire sans pouvoir étudier le système en question et envisager les conséquences.
Le sénateur Banks : Ça fonctionne très bien.
M. Oldham : Cela est rare.
Il est bien de lancer un avertissement public. Bien entendu. Comme vous le dites, cela se fait différemment d'un endroit à l'autre. Par exemple, en Colombie-Britannique, les avertissements de tsunamis sont bien diffusés. Cela dépend donc de la province ou du territoire, mais il ne nous appartient pas à nous d'alerter le public. Cela ne s'inscrit pas dans notre mandat. Nous avertissons le gouvernement, nous alertons le gouvernement. Est-ce dire que nous allons communiquer avec les responsables d'une province pour dire qu'il se passe quelque chose? Tout à fait.
Le sénateur Banks : Les liens que vous avez avec vos homologues provinciaux sont-ils bons?
M. Oldham : Ils sont bons, oui.
Le président : Monsieur Oldham, vous avez parlé d'avertissements de tsunamis. Avez-vous vérifié le système d'alerte en question, pouvez-vous confirmer ce fait? Êtes-vous allé au bord de la mer en Colombie-Britannique, à un endroit où un tsunami pourrait frapper?
M. Oldham : Non.
Le président : Quelqu'un est-il allé en votre nom?
M. Oldham : Non, ce n'est pas le cas.
Le président : Pouvez-vous me dire comment une personne qui se tient au bord de la mer peut apprendre qu'un tsunami s'en vient vers elle?
M. Oldham : Je peux expliquer jusqu'au point où cela devient une responsabilité provinciale.
Le président : Permettez-moi de vous épargner le temps qu'il faudrait pour expliquer cela. Lorsque vous avez dit qu'il y a un bon système d'avertissement en Colombie-Britannique pour ce qui est des tsunamis... en Colombie- Britannique, le comité a posé la question : comment vous y prenez vous pour communiquer avec une personne qui est assise sur le quai? La meilleure réponse que nous avons pu recevoir, c'est que c'était la responsabilité de la municipalité.
Nous ne sommes au courant d'aucune municipalité qui aurait une sirène ou un système d'alerte de la sorte que l'on voit tout le long de la côte de la Floride, par exemple, qui lance tous les kilomètres environ l'avertissement selon lequel il y a un ouragan qui s'amène et qu'il faut évacuer l'île. Nous nous demandons si les gens seraient bien avertis en cas de tsunami. Avez-vous déjà confirmé que, si jamais quelque chose se produisait, le système d'avertissement fonctionnerait et avertirait bien les gens à la plage, pour qu'ils se mettent en sécurité?
M. Oldham : Je devrais peut-être réviser mes propos. Je transmets le message que j'ai reçu de la province de la Colombie-Britannique : on croit avoir un bon système en place. Si vous voulez savoir ce que j'en sais personnellement, de fait, je dois vous dire que je n'en sais rien.
Le sénateur Atkins : Vous avez affirmé que le centre des opérations est structuré à la manière d'une brigade. Est-ce en raison de la direction qui conçoit l'ensemble ou parce que c'est la façon la plus pratique d'appliquer vos responsabilités?
M. Oldham : Évidemment, j'ai un préjugé favorable pour sa structure. C'est naturel. Par contre, mon patron n'est pas militaire. Mon patron est un ex-agent de la GRC. Parmi les gens appelés à concevoir le système, peu étaient des militaires. Nous avons pris le modèle militaire parce qu'il fonctionne. Il fonctionne depuis longtemps dans des conditions difficiles. Nous sommes au courant aussi du système de commandement des interventions, qui, essentiellement, a un fonctionnement presque universel au pays et dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Une des raisons pour lesquelles nous avons pris pour modèle le système de commandement des interventions, c'est qu'il existe déjà et qu'il est utilisé dans les municipalités et les provinces. Nous ne voulions pas concocter un système qui nuirait à ce qui était déjà en place. Comme le système de commandement des interventions est fondé sur un modèle militaire, la compréhension, la communication et l'interaction entre nous et l'armée, entre nos deux armées, celles du Canada et des États-Unis, ainsi qu'entre le Department of Homeland Security et nous-mêmes, qui est organisé d'après la même structure de base, sont bonnes.
C'est un système qui marche. Il n'y avait vraiment pas lieu de réinventer la roue. Pourquoi ne pas employer un truc qui a fait ses preuves? Nous avons donc pris les meilleurs éléments du système militaire et les meilleurs éléments du système civil, nous les avons fusionnés et avons fondé cela sur une approche tous risques.
Le sénateur Atkins : Qui est votre patron?
M. Oldham : Mon patron est Robert Lesser, directeur général des Opérations. Les Opérations, c'est une direction à Sécurité publique Canada.
Le sénateur Atkins : Combien de personnes travaillent à ce bureau?
M. Oldham : À l'heure actuelle, notre établissement compte 122 employés. En outre, là où il s'agit d'une urgence d'une grande ampleur, il y a des gens des autres ministères et organismes et d'ailleurs à Sécurité publique Canada qui s'ajoutent au nombre, au besoin.
Le sénateur Atkins : Pouvez-vous donner un exemple d'une intervention de votre part, par exemple avec le cas du CN que nous voyons depuis deux ou trois jours?
M. Oldham : Je m'excuse : j'assiste à un cours de langue depuis quatre semaines. Je ne suis pas sûr de saisir l'allusion au CN.
Le sénateur Atkins : Je fais allusion à la barricade dressée par les Premières nations.
M. Oldham : Je ne suis pas au courant des détails, mais j'ai une idée générale de l'événement.
Le président : Pourquoi ne pas prendre l'exemple d'un groupe d'Indiens qui décident de dresser un barrage sur un chemin de fer.
Le sénateur Atkins : L'information vous parvient. Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire, dans votre salle des opérations, pour régler cette question?
M. Oldham : Nous avons un procédé bien établi : nous regardons l'événement et déterminons les conséquences éventuelles. Dans un cas pareil, bien entendu, au point où cela en est, ce n'est pas du tout une urgence qu'il faut régler tout de suite.
Le sénateur Atkins : Ce pourrait être une urgence nationale.
M. Oldham : Il y a une distinction entre l'urgence nationale et un événement qui peut présenter un intérêt national. Cette situation-là ne constitue pas forcément une urgence, si vous me comprenez. Aucune vie n'est en danger. Certains diraient que le problème est de nature politique.
Toutefois, au départ, il appartient au gouvernement fédéral d'intervenir en cas de barrage sur un chemin de fer. Ça ne veut pas dire que le Centre des opérations du gouvernement ne surveille pas activement la situation; vraisemblablement, ce serait le cas. Si j'appelle au bureau, je suis sûr que les gens vont me dire qu'ils surveillent la situation, entre autres situations possibles. Ils suivent probablement 10 à 12 événements, en ce moment même.
Le sénateur Atkins : Est-ce qu'il existe des situations où vous auriez à communiquer directement avec le premier ministre?
M. Oldham : Non, il n'en existe pas.
Le sénateur Atkins : Votre supérieur immédiat peut-il communiquer directement avec le premier ministre?
M. Oldham : Non, ce serait improbable. Il arrive que nous ayons à donner des séances d'information directement aux ministres, mais je crois qu'il serait rare que nous ayons à donner une séance d'information directement au premier ministre. Ce sont là le rôle et la responsabilité du BCP.
Le sénateur Atkins : Vous avez parlé d'une situation possible à l'angle Portage et Main. Vous allez peut-être conclure que les ressources dont on dispose pour régler le problème sont limitées. Que feriez-vous?
M. Oldham : À ce moment-là, il s'agit de déterminer quelles ressources se révèlent nécessaires, d'établir où nous pouvons aller les chercher et, ce qui est encore plus important, où nous pouvons les remplacer.
Scénario imaginaire — et l'exemple servira peut-être à bien expliquer ce que nous faisons — nous envisageons les incendies de forêt qui pourraient avoir lieu au cours de la saison à venir et déterminons les possibilités à cet égard, les endroits où c'est susceptible de se déclarer et ainsi de suite. À ce moment-là, nous pouvons envisager une infrastructure essentielle et échafauder une solution. Au fil du processus, nous pouvons déterminer, par exemple, qu'il y a des nœuds de communications qui pourraient être touchés par un incendie. À ce moment-là, nous ne nous contentons pas de nous asseoir et d'attendre que les flammes consument les nœuds de communications en question. Nous dégageons des ressources mobiles à cet égard, que nous réservons à cette tâche particulière et nous les déployons d'avance, dans la région, pour réduire les effets d'un tel événement.
Nous ne sommes pas habilités à dire au ministère ou à l'organisme de déplacer tel ou tel élément. Nous n'avons pas à le faire non plus, car dès que nous disons aux gens qu'il faut faire quelque chose du genre, ils le font, par prévention; ils coopèrent.
La même chose est arrivée au moment de l'ouragan Katrina. Lorsque nous avons envoyé la réserve nationale de secours au Texas, je crois, il nous a fallu remplacer la ressource. Comme nous travaillons à un niveau stratégique et qu'il est question d'actifs de niveau stratégique dans le cadre du processus de planification dans son ensemble, nous devons nous demander où recréer une équipe d'intervention en cas de catastrophe ou une réserve nationale de secours. Si j'envoie une équipe de recherche et de sauvetage en milieu urbain à Edmonton parce qu'une structure importante s'y est effondrée, est-ce que je déplace une autre équipe du genre ailleurs, de manière à équilibrer les ressources au pays, pour que nous puissions être prêts à intervenir dans un autre cas? Ce sont là des décisions qui relèvent des opérations stratégiques.
Le sénateur Atkins : En prenant pour exemple un incendie de forêt au Nouveau-Brunswick, si vous concluez qu'on n'arrive vraiment pas à maîtriser le problème, recommandez-vous que le gouvernement du Nouveau-Brunswick appelle l'armée, peut-être, si vous jugez qu'il est nécessaire de procéder ainsi?
M. Oldham : Il s'agit là d'une évaluation et d'une décision du genre qui n'est pas de notre ressort. Nous pourrions effectuer une telle évaluation de concert avec la province du Nouveau-Brunswick, qui est pour nous un bon partenaire. Nous travaillons souvent avec les responsables du Nouveau-Brunswick, notamment du côté technologique.
Nous n'irions pas formuler une telle recommandation nous-mêmes. C'est une chose que nous ferions de concert avec le Nouveau-Brunswick et aussi avec le MDN et tous les autres ministères et organismes qui ont un rôle à jouer.
Quelle que soit la nature de l'urgence, on a toujours tendance à appuyer sur le bouton rouge et à dire : faisons venir l'armée. Le recours à l'armée n'est pas forcément la meilleure façon de régler la plupart des problèmes. L'armée n'est pas entraînée ni équipée en fonction de cela.
Souvent, lorsque les responsables de tous les ministères et organismes se trouvent autour d'une même table, on découvre rapidement qu'il y a une panoplie de ressources que les gens n'avaient jamais osé imaginer. Par exemple, le Service correctionnel du Canada a des moyens pour lutter contre les incendies dans les prisons. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord stocke du matériel de lutte contre les incendies. Bon nombre de communautés autochtones disposent d'équipes de pompiers professionnels dûment entraînées et prêtes à être déployées. Rien ne leur plairait davantage que d'entrer en scène. Nous n'avons pas forcément à choisir tout de suite l'armée. Un des avantages que présente un COG, c'est que nous pouvons regarder l'ensemble de la situation, plutôt que d'avoir un ministère qui s'y attache seul dans son coin, sans voir la situation générale.
Le sénateur Atkins : Est-ce qu'il existe d'autres exemples où une province pourrait demander à l'armée d'intervenir?
M. Oldham : Je présume que vous voulez dire : pour autre chose que les tempêtes de neige à Toronto. À mon avis, ce sont les incendies de forêt qui ont tendance à poser le plus de problème, de même que les inondations. S'il y avait un gros tremblement de terre, est-ce que nous chercherions à recourir aux ressources militaires? Cela ne fait aucun doute. Sécurité publique Canada, dans certaines circonstances et suivant certaines conditions, serait également de la partie. C'est une ressource précieuse, et nous entretenons avec le Commandement du Canada une relation privilégiée.
Quand je n'assiste pas à un cours de langue seconde, par exemple, je participe à une conférence téléphonique avec mon homologue de Commandement Canada tous les matins à 7 h 15.
Le sénateur Atkins : La réorganisation de l'appareil militaire est une bonne chose?
M. Oldham : Il ne m'appartient pas de le dire, mais cela a été utile pour moi : j'ai pu avoir une organisation dévouée qui est responsable des opérations intérieures et qui est concentrée sur cette tâche.
Le sénateur Atkins : En rapport avec Internet, avez-vous affaire à un phénomène qui deviendrait un problème de plus en plus grave avec le temps?
M. Oldham : Internet est intéressant. Nous recourons à Internet pour les communications, évidemment. C'est solide. C'est en partie pour cela qu'Internet a été mis au point au départ.
Pour ce qui est des menaces qui se profilent à cet égard, la responsabilité fédérale est celle du Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, le CCRIC, qui fait partie du Centre des opérations du gouvernement. Je ne suis pas spécialiste d'Internet. Je sais comment taper une adresse web. Voilà qui montre probablement toute l'ampleur de mon expérience quant à Internet.
Il y a au CCRIC des gens qui font le travail que nous faisons pour tout le reste, mais appliqué à Internet. Évidemment, il peut y avoir là des événements qui mettent en jeu la sécurité nationale, ou encore un événement qui se produit sur Internet peut représenter une sorte d'indicateur. Nous surveillons cela aussi.
Le sénateur Atkins : Des cinq à sept personnes qui se trouvent en poste, il y en a une qui s'occupe d'Internet, c'est bien cela?
M. Oldham : C'est cela. Il y a un agent de surveillance au centre de réponse aux incidents cybernétiques.
Le sénateur Moore : Vous dites qu'il y a quelqu'un qui surveille Internet, mais vous dites ne pas vous adonner à des tactiques opérationnelles, vous dites fonctionner au niveau stratégique. Comment rationalisez-vous ces deux choses? Vous ne vous occupez pas que de stratégies.
M. Oldham : Il est intéressant que vous ayez noté cela : c'est probablement la seule exception qu'il y ait au Centre des opérations du gouvernement. Le Centre de réponse aux incidents cybernétiques pratique des interventions davantage opérationnelles que les autres secteurs de notre organisation.
Le CCRIC existait avant la mise sur pied du Centre des opérations du gouvernement. C'était une bonne organisation, une organisation efficace. En cas d'intrusion dans les systèmes fédéraux, elle aidait à gérer l'événement de concert avec le ministère ou l'organisme touché, les organismes de renseignement touchés et la police. C'est la seule et unique exception chez nous, car nous ne fonctionnons pas au niveau tactique. Nous fonctionnons au niveau opérationnel et stratégique pour ce qui est du centre de réponse aux incidents cybernétiques.
Le sénateur Moore : Est-ce la seule unité qui fonctionne au Canada?
M. Oldham : Non, chaque organisme et ministère a la responsabilité de...
Le sénateur Moore : Surveiller Internet?
M. Oldham : Nous devons faire attention quand nous parlons de surveillance. Quand je parle de surveillance, je ne parle pas de surveiller le contenu d'Internet, ce qui s'y passe ou ce que les gens disent dans les groupes de discussion et ainsi de suite. Je parle de choses qui ont une incidence sur la stabilité d'Internet, dans l'ensemble. Je parle des pirates Internet, des virus et d'autres trucs du genre. Je parle d'intrusion dans les systèmes gouvernementaux. Je ne parle pas de surveillance.
Le sénateur Moore : Est-ce que ce sont des choses qui peuvent perturber le système national ou international?
M. Oldham : Oui.
Le président : Est-ce que la panne chez Research in Motion, RIM, la semaine dernière en serait un exemple?
M. Oldham : Oui. J'imagine que ce serait le cas, car je n'étais pas là à ce moment-là. Je sais que les responsables de notre centre de réponse aux incidents se seraient entretenus avec les responsables de l'entreprise pour savoir ce qui s'est passé et pourquoi leur réseau s'est planté : « Y a-t-il une connexion que nous n'avons pas vue ou encore avez-vous eu une panne de courant? »
Le président : Vous avez mentionné la réserve nationale de secours. Qu'est-ce qui se trouve dans cette réserve? Est-ce qu'il y a des aliments et des vêtements?
M. Oldham : Je vous renvoie à l'Agence de santé publique du Canada si vous voulez connaître la répartition précise des éléments de la réserve et ce qui se trouve dans les dépôts régionaux. À ce moment-là, nous recherchions certaines parties de la réserve.
Le sénateur Moore : C'est au moment où on vous a envoyés en Louisiane?
M. Oldham : C'est cela. Nous cherchions des couvertures, des lits de camp et certaines denrées précises.
Les Américains étaient submergés d'aide provenant d'autres pays. Bien entendu, le défi consistait en partie — et le ministère des Affaires étrangères s'est révélé un excellent partenaire à cet égard — à ne pas envoyer aux Américains plus de choses qu'il leur fallait. Toute la planète leur a offert des rations, par exemple, car les rations sont les trucs les plus faciles à déplacer. Nous nous sommes assurés de fournir à nos voisins des choses qu'ils voulaient vraiment.
Le sénateur Moore : Vous dites que vous devez obtenir l'autorisation nécessaire pour transporter les trucs du Canada vers un autre pays, dans ce cas-ci, les États-Unis. Qui vous a donné cette autorisation?
M. Oldham : Je crois que cela s'est fait à l'échelle du sous-ministre.
Le sénateur Moore : De quel ministère?
M. Oldham : C'était l'Agence de santé publique, qui relève de Santé Canada.
Il s'agissait d'obtenir l'autorisation de déployer des éléments à l'étranger. La capacité de prendre les éléments en question, de les déplacer ou d'organiser le transport ne posait pas de problème. Il fallait seulement obtenir l'autorisation voulue pour déployer à l'étranger un élément qui était réservé à l'usage intérieur.
Le sénateur Moore : Participez-vous à la planification des mesures de sécurité en vue des Olympiques de Vancouver à Whistler?
M. Oldham : Je n'y participe pas moi-même, mais notre division de la planification au Centre des opérations du gouvernement y participe, oui.
Le sénateur Moore : Ces mesures de sécurité ne sont vraiment pas que stratégiques.
M. Oldham : Nous les envisageons d'un point de vue stratégique. Les éléments tactiques sur les lieux ne relèvent pas de notre responsabilité : c'est plutôt la responsabilité de la province. La GRC a la responsabilité des mesures à l'intérieur de la province. Nous regardons le tableau d'ensemble, du point de vue des préparatifs.
Le sénateur Moore : Où se trouve le GOC?
M. Oldham : En ce moment, il est au centre-ville. Je ne peux dire en public où il se trouve exactement.
Le sénateur Moore : Madame Wong, le document sur la stratégie nationale de protection des infrastructures essentielles est-il prêt?
Suki Wong, directrice, Politiques en matière d'infrastructures essentielles, Sécurité publique Canada : Nous sommes en train de mettre la dernière main au document. Une ébauche de texte existe. Au moment où ce sera prêt, nous pourrons faire circuler le document.
Le sénateur Moore : Quand?
Mme Wong : Nous avons presque fini. Nous devons procéder à nos consultations. Ce sont les étapes à venir. Nous espérons avoir terminé cela au début de l'automne.
Le sénateur Moore : Les consultations se font-elles dans les ministères et, au moment où le document est terminé, est-il devenu un document public?
Mme Wong : Oui.
Le sénateur Moore : Croyez-vous que tout cela sera terminé à l'automne 2007?
Mme Wong : La protection des infrastructures essentielles est un processus permanent. Nous ne pouvons être complaisants. Nous pouvons dire, une fois une stratégie conçue, qu'elle nous satisfait. L'infrastructure essentielle évolue, et nous devons rajuster notre planification, procéder à d'autres consultations, collaborer avec les provinces et territoires et avec le secteur privé.
Le sénateur Moore : Le processus permanent sera-t-il terminé à l'automne?
Mme Wong : Le principe directeur...
Le sénateur Moore : On a l'impression que ça va se poursuivre. Y a-t-il une date limite?
Mme Wong : Oui, les principes de protection des infrastructures essentielles, par exemple la gestion des risques, l'échange des informations et l'établissement de partenariats avec l'industrie — les éléments fondateurs — seront chose faite, il y aura eu consultation à leur sujet, et tous les partenaires se seront entendus là-dessus.
Pour ce qui est de la planification permanente — comment protéger notre infrastructure essentielle et quelle est l'information qu'il faut échanger —, voilà une chose que nous faisons et que nous renouvelons constamment.
Le sénateur Moore : Je crois que nous avons discuté de ce genre de questions au moment où nous étions dans l'Ouest. Allez-vous discuter avec les gens, par exemple, avec les gens des entreprises qui construisent des pipelines en Alberta? Allez-vous vous adresser aux responsables de ces entreprises, à ces gens-là, pour mettre en place le plan voulu?
Mme Wong : Ils font partie des intervenants qui sont importants à nos yeux, et nous leur avons effectivement parlé.
Le sénateur Moore : Je croyais bien. Merci.
Le président : Redondance... avez-vous un deuxième bureau?
M. Oldham : Nous avons un deuxième centre, mais je n'en suis pas encore satisfait. Il est branché sur un autre réseau. Il est situé ailleurs, mais ce n'est pas le même genre d'installation. La différence tient à une question de temps et d'argent.
Notre but ultime, c'est de quitter l'installation où nous nous trouvons en ce moment, car, comme je l'expliquerai, elle ne répond pas parfaitement à nos besoins.
L'idée est de concevoir, autant que possible, un centre unique dont la pérennité et la redondance font en sorte qu'il ne serait pas nécessaire de se tourner vers le deuxième centre. Pour une installation du genre, un deuxième centre serait coûteux et sous-utilisé. Si nous concevons le centre principal correctement, hormis les cas où il est question de la continuité du gouvernement constitutionnel, le COG n'aurait pas à se réinstaller ailleurs.
Le président : Vous allez vous rendre à North Bay et utiliser le vieux trou qu'il y a là.
M. Oldham : J'espère bien que non.
Le président : Avez-vous mis à l'essai le centre secondaire? Avez-vous déjà dit aux autres : mardi prochain, nous allons tous travailler là pour la journée?
M. Oldham : Oui, nous avons fait des testes au centre. C'est dans un centre qui appartient à un autre ministère. Nous ne le disons pas forcément au personnel, mais nous essayons de coordonner cela un peu. Le problème du deuxième centre, c'est qu'il faut l'établir. Cela veut dire qu'il faut débrancher les ordinateurs, rebrancher les appareils, brancher les téléphones et des trucs comme cela. Ce n'est pas une installation permanente.
Le président : Il n'y a pas redondance si les branchements ne sont pas faits.
M. Oldham : Cela dépend du genre de redondance dont vous parlez. Par exemple, si vous parlez d'alimentation redondante en électricité dans nos sites actuels, c'est chose faite. Nous avons des systèmes de communication redondants.
Le président : Le but de la redondance est de s'assurer que, si, pour une raison ou une autre, votre système plante, il y en a un autre que vous pouvez utiliser immédiatement.
M. Oldham : Je ne m'inquiète pas de la possibilité que l'un quelconque de nos systèmes plante : nous avons un système secondaire pour chacun d'entre eux. Je me préoccupe de ce qui pourrait arriver au bâtiment où nous sommes logés.
Le président : S'il y a un incendie dans le bâtiment, il faut aller ailleurs.
M. Oldham : Tout à fait, s'il y a un incendie, un tremblement de terre ou je ne sais quoi, c'est une grande difficulté à ce moment-là.
Le président : Vous devez avoir tout de suite un lieu où aller.
M. Oldham : Oui. L'autre problème, bien entendu, c'est celui des gens. Nous avons peut-être une deuxième installation, mais nous n'avons pas un deuxième effectif complet, et si nous perdons notre effectif dans ce bâtiment, le deuxième centre est inutile. C'est pourquoi nous envisageons l'autre approche, qui consiste à assurer la pérennité d'une installation solide, pour que nous n'ayons pas ce problème-là.
Le président : Quel est le nombre optimal ou maximal d'événements que vous pouvez gérer en même temps?
M. Oldham : Notre structure est conçue pour que nous puissions composer avec trois événements consécutivement.
Le président : Consécutivement ou simultanément?
M. Oldham : Désolé, je voulais dire « simultanément ». Je dirais que les trois événements en question ne pourraient être de grande ampleur. Souvent, les exercices sont conçus pour ressembler à l'histoire des quatre cavaliers de l'Apocalypse qui débarquent avec toute leur famille. En réalité, une telle chose ne se produit pas. Tout de même, nous devons être en mesure de composer avec un événement de grande ampleur et tout au moins quelques autres événements à un moment donné. Le jour où vous verrez le centre, vous verrez où nous sommes installés pour y arriver.
Le président : Avez-vous un organigramme et une description que vous pourriez remettre au comité?
M. Oldham : Je dois vérifier la cote de classification pour savoir si je peux le diffuser.
Le président : Pouvez-vous en aviser la greffière?
M. Oldham : Oui.
Le président : Il y a un instant, le sénateur Moore a discuté avec Mme Wong de l'inventaire des infrastructures essentielles. Comment avez-vous fait pour établir votre inventaire des biens et des capacités dans l'ensemble du pays? Comment faites-vous l'évaluation et comment maintenez-vous cet inventaire?
M. Oldham : Nous avons adopté une approche différente. Nous n'avons pas adopté l'approche qui consiste à dresser une liste, puis à maintenir ce qui s'y trouve, car il semble que cela n'ait pas de fin. Nous terminons une division territoriale et, avant d'aborder la suivante, nous devons revenir refaire notre liste parce que ce n'est pas à jour. La liste est presque impossible à tenir.
Plutôt, nous nous sommes tournés vers les gens qui ont des responsabilités dans certains secteurs — Transports Canada, par exemple, dans le domaine des transports, ou Industrie Canada, pour le pétrole. Quand nous discutons avec les responsables de provinces et de territoires, bon nombre, comme c'est le cas en Alberta, disposent d'un système solide qui fait qu'ils savent où se trouve l'infrastructure essentielle.
Nous avons décidé de regarder nos liens et notre capacité d'extension et d'évaluation d'infrastructure essentielle par rapport à la menace ou à l'événement de l'heure, du fait que l'environnement change constamment. Cela nous ramène à l'exemple de l'incendie de forêt. Voici ce qui se passe : quelle superposition faut-il établir et où obtenir l'information pour le faire?
Si nous pouvons communiquer directement avec les gens responsables de tenir à jour les listes et les éléments en question, le tour est joué. Si nous devons dresser et tenir à jour notre liste à l'interne, ce n'est pas possible.
Nous avons une très bonne division de la géomatique au sein de notre organisation, division qui se concentre tout à fait sur cette tâche, chaque fois qu'un événement est traité. Nous commençons immédiatement à tirer les éléments voulus de Ressources naturelles Canada, d'Industrie, d'Environnement, des provinces et des territoires, et nous appliquons les éléments en question directement à l'événement, car ce qui est essentiel aujourd'hui, suivant la condition qui s'applique en ce moment, ne l'est pas nécessairement demain, dans un cas où la menace n'est pas la même.
Le président : La géomatique, voilà un mot à une piastre. Y a-t-il un mot à cinq cents pour désigner ce qu'est la géomatique?
M. Oldham : La géomatique prend de l'information géographique, y superpose divers types de renseignements et applique cela à une carte — qu'il s'agisse d'infrastructure ou de météo ou de je ne sais quoi encore. Nous établissons la carte en couches superposées, puis nous essayons de voir les conséquences possibles.
Le président : J'ai de la difficulté à comprendre la description que vous faites de la chose. Vous avez décrit le centre des opérations comme étant un cœur avec un ensemble de savoir tout autour, et vous dites que vous pouvez aborder les catastrophes d'origine naturelle et humaine du point de vue de l'ensemble du gouvernement en utilisant les divers actifs gouvernementaux, des divers gouvernementaux, et, après, dans le secteur privé, il y a les postes de pompier que vous pouvez faire intervenir. Comment savez-vous que ces actifs-là existent si vous n'avez pas dressé de liste ou que vous n'avez pas dressé d'inventaire?
M. Oldham : Nous procédons de deux façons, essentiellement. Premièrement, il y a le processus de planification d'urgence, dont je vous ai parlé quand j'ai évoqué les menaces et le processus de planification. Lorsque nous réunissons les gens autour d'une même table et que nous regardons le plan d'urgence qui découle de ce processus, nous voyons les éléments d'actif qui sont établis. C'est de cette façon que, la première année, nous avons appris quels étaient les éléments à notre disposition pour lutter contre les incendies de forêt. Nous évaluons cette situation tous les ans, car les ressources des ministères, des organismes, des provinces et même de l'armée pour la lutte contre les incendies de forêt varient d'une année à l'autre.
L'autre façon de procéder consiste à cultiver de bons liens. Si un événement se profile à l'horizon, nous communiquons avec tout le monde et leur demandons ce qu'ils ont à portée de main.
Le président : Cette approche comprend-elle des exercices de simulation d'un événement où vous pouvez parler à un responsable d'une province, qui, lui, s'adresse à un responsable municipal, et voilà que le ministre fédéral est branché, et le ministre provincial aussi?
M. Oldham : Nous tenons beaucoup d'exercices. Nous essayons de prendre part à un aussi grand nombre d'exercices. Il est difficile de participer à chacun d'entre eux : tout le monde veut interagir avec le Centre des opérations du gouvernement. Combinez cette demande au nombre d'événements dont nous nous occupons... voilà le meilleur genre d'exercices.
En même temps, nous participons tous les mois à des exercices de concert avec les autres ministères et organismes. Nous tenons aussi des exercices avec les provinces et territoires. Il y a les grands exercices comme ceux de la série TOPOFF, qui réunit des hauts fonctionnaires. Un autre exercice est prévu pour l'automne. À ce moment-là, il y aura jusqu'aux responsables municipaux qui participeront, je crois. Nous devons vous renvoyer à notre division des exercices à Sécurité publique Canada, si vous voulez obtenir des précisions sur ce qui est prévu exactement au moment de la quatrième édition de la série TOPOFF.
Nous avons des exercices et des simulations, sans oublier les événements eux-mêmes.
Le président : Combien de ministres peuvent être premiers responsables d'une situation au total — six ou sept?
M. Oldham : Ce ne serait pas forcément si élevé, selon moi. Dès que l'urgence est complexe, c'est le ministre de la Sécurité publique qui est le premier responsable. Je crois que la loi proposé concernant la gestion des urgences, que Mme Wong connaît nettement mieux que moi, renforce l'idée selon laquelle, quelle que soit l'urgence qui a lieu au pays, c'est le ministre de la Sécurité publique, sinon le ministre des Affaires étrangères, qui est tenu pour ministre responsable.
Le président : Si ni l'un ni l'autre ne peut être joint pour une raison ou une autre, qui faut-il appeler?
M. Oldham : La responsabilité demeure celle du ministère, si bien qu'il faut s'en tenir à la structure qu'il y a en place à ce ministère-là.
Le président : La responsabilité du ministère n'est pas illimitée. À un moment donné, il faut une consigne politique et une décision politique. Le ministère peut conseiller, mettre en garde, faire toutes sortes de choses, mais il y a des mesures qu'un politicien doit autoriser. Qui remplace le ministre de la Sécurité publique ou le ministre des Affaires étrangères si l'un d'entre eux, pour une raison ou une autre, ne peut être joint à temps?
M. Oldham : Le BCP s'occupe de cela pour nous. Je n'ai pas d'interaction directe avec les ministres.
Le président : Pour l'élément politique du problème, le BCP entre en scène.
M. Oldham : C'est cela. Le BCP fait partie du groupe qui envoie des responsables au Centre des opérations du gouvernement pendant une crise.
Le président : Avez-vous des bureaux dans toutes les provinces?
M. Oldham : Je crois que le ministère de la Sécurité publique a un bureau régional dans chacune des provinces, sans oublier les territoires, où il y a eu augmentation récemment.
Le président : Selon la politique nationale de sécurité de 2004, il devait y avoir des centres des opérations dans chacune des provinces et chacun des territoires, et un effort fait pour les installer sur les mêmes lieux que les centres des opérations provinciaux et territoriaux. C'est cela?
M. Oldham : C'est cela, mais ce n'est pas encore chose faite. C'est l'objectif. On y travaille, province par province, territoire par territoire. Par exemple, je sais que cela c'est fait en Nouvelle-Écosse.
Le président : La Nouvelle-Écosse est le cas dont nous sommes sûrs. Y en a-t-il d'autres?
M. Oldham : Je crois que le Nouveau-Brunswick est en train d'installer ensemble les centres opérationnels, en ce moment même. À la Sécurité publique, notre direction de la coordination est responsable des bureaux régionaux. Je sais que l'on fait des efforts en ce sens en Colombie-Britannique et, je crois, en Alberta aussi. En Colombie- Britannique, il me semble qu'ils en sont au stade où ils discutent des installations, mais il faudrait que je vérifie.
Le sénateur Ringuette : Il y a quelques semaines, le ministre Day s'est retrouvé à Halifax, prétendument pour procéder à l'arrestation surprise de 150 clandestins cachés dans des conteneurs. Qui fournirait une telle information au ministère et qui vérifierait la chose?
M. Oldham : Je n'étais pas là au moment de cette opération.
Le sénateur Ringuette : J'aurais dû poser ma question dans ma langue maternelle.
M. Oldham : Je n'aurais toujours pas été là. Cependant, je peux dire qu'un renseignement est un renseignement, et que la situation réelle ne correspond pas toujours exactement à ce que nous pensions. Je n'ai pas de précision sur cet événement particulier-là ni sur le renseignement fourni car je n'y étais pas. Tout de même, je pourrais dire qu'un renseignement de cette nature pourrait provenir de différents organismes et ministères et qu'il serait acheminé par une voie centrale. Je n'ai aucun doute là-dessus : un travail aurait été fait au Centre des opérations du gouvernement, qui aurait réuni les renseignements et imaginé une réponse collective de la part du gouvernement du Canada face à l'événement en question. Je suis sûr qu'il n'y a pas que le ministère ou l'organisme touché qui était en cause dans le cas des clandestins. Ce sont plutôt plusieurs ministères et organismes qui ont mis la main à la pâte. Je pourrais vous en nommer tout de suite une demi-douzaine : la GRC, l'Agence des services frontaliers du Canada, Citoyenneté et Immigration Canada et ainsi de suite. La coordination de l'ensemble de l'intervention face à la menace relèverait du Centre des opérations du gouvernement, puis il y aurait une coordination régionale aussi.
Le sénateur Ringuette : Le COG aurait vérifié l'information?
M. Oldham : Oui, le COG aurait fait la vérification. Le problème, c'est que nous ne pourrons jamais être parfaitement sûrs d'un événement particulier. Même si je n'y étais pas, je dirais que les gens ont préparé une intervention proactive pour essayer d'atténuer l'effet de l'événement, plutôt que de rester assis et d'attendre d'avoir des renseignements de sécurité absolument parfaits qui garantissent qu'un événement va se produire, puis ensuite on peut réagir. J'aime mieux être proactif.
Le sénateur Ringuette : Je peux comprendre la nécessité d'être proactif au nom de la sécurité. Est-ce que vous y enverriez votre ministre sans être sûr à 100 p. 100 de la chose?
M. Oldham : Évidemment, il n'appartient pas au Centre des opérations du gouvernement de décider. Je présume qu'il appartient au CPM ou au BCP de décider dans de tels cas. Lorsqu'un ministre se prononce sur un événement ou un autre, c'est clairement en dehors du mandat du Centre des opérations du gouvernement.
Le sénateur Ringuette : À propos de la sécurité, je me préoccupe aussi de l'activité qui se déroule dans le Grand Nord canadien. Nous avons entendu parler de sous-marins qui circulent dans les eaux du Nord, par exemple. Le COG se penche-t-il sur cette question? Avez-vous des renseignements sur de telles activités? Feriez-vous quelques recommandations concernant la souveraineté dans le Nord? Quelle est votre responsabilité et dans quelle mesure intervenez-vous à ce sujet?
M. Oldham : Notre responsabilité se limite aux cas urgents. Le COG n'intervient pas dans les dossiers relevant des politiques gouvernementales, en rapport avec ce genre d'activités. Il n'y a pas d'urgence dans le Nord, et le Centre des opérations du gouvernement existe pour gérer des urgences.
Le sous-marin nucléaire britannique où il y a eu un accident il y a cinq semaines environ ne se trouvait pas dans les eaux canadiennes. Toutefois, le COG a cherché à déterminer si les Britanniques avaient besoin d'aide, car l'accident suscitait une urgence.
Le sénateur Ringuette : C'est du matériel nucléaire.
M. Oldham : Voilà. Le COG doit déterminer l'impact de l'urgence sur le Canada. Dans un tel cas, nous intervenons, mais les autres questions ne constituent pas des urgences, si bien que nous nous n'y attachons pas.
Le sénateur Ringuette : Merci.
Le sénateur Banks : J'aurai l'audace d'essayer de vous faire changer d'idée, monsieur Oldham, au sujet de la redondance. Dans votre domaine, il me semble que les considérations d'usage ne s'appliquent pas en ce qui concerne l'analyse coûts-avantages, suivant l'évaluation des risques, et vous devez vous préparer au pire scénario possible. Dans l'éventualité d'un incident qui mettrait en échec le COG et son personnel, pour une raison ou une autre, le fait d'expliquer aux Canadiens par la suite que, ayant examiné l'idée d'établir une autre installation, le COG a déterminé que le jeu ne valait pas la chandelle ne serait pas une bonne réponse. Je vous prie de réviser vos projets en ce qui concerne la redondance.
M. Oldham : Je devrais peut-être apporter une précision. Je n'affirme pas que nous ne devrions pas avoir un autre endroit où établir le COG. Nous n'avons pas d'autres installations qui aient la solidité de l'installation actuelle. Il a fallu beaucoup de temps pour mettre sur pied ce que nous avons aujourd'hui. Une des raisons pour lesquelles vous n'avez pas encore visité les lieux, c'est que nous rénovons de manière à être à jour. Voilà que nous entamons l'étape suivante. Je suis d'accord avec votre approche. Nous n'avons pas été en mesure d'en faire plus que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant.
Le sénateur Moore : Le sénateur Atkins a parlé du barrage dressé sur le chemin de fer en Ontario la semaine dernière. Le COG enregistre-t-il ce genre d'incident? Cet incident serait-il noté? Vous dites que ce n'était pas un événement; dans quelle catégorie faut-il inscrire ce barrage?
M. Oldham : C'est de la conjecture de ma part : je n'étais pas là la semaine dernière. Cet incident figure parmi ceux que le COG suivrait, parmi les 4 300 autres incidents. Parlons de ce qui s'est passé en Calédonie, par exemple, il y a un an. C'est le genre d'activité sur laquelle se pencherait le COG.
Le sénateur Moore : Parlez-nous de l'incident du sous-marin nucléaire britannique. Où et quand cela s'est-il produit?
M. Oldham : Je ne sais pas très bien, je n'ai pas la date précise à portée de la main.
Le sénateur Moore : Est-ce que c'était sur la côte est ou la côte ouest?
M. Oldham : Au large de la côte ouest de l'Alaska, un des réservoirs d'oxygène d'un sous-marin nucléaire britannique a explosé ou a pris feu. Un membre de l'équipage est mort, et plusieurs autres ont été blessés. Nous avons rapidement reçu des informations sur la situation grâce à nos alliés, puis nous avons commencé à étudier l'événement pour en déterminer les impacts possibles. D'abord, il s'agissait de sauver des vies et, ensuite, d'imaginer les conséquences environnementales et autres de l'événement, en ne sachant pas au tout début ce qui s'était produit. Nous nous préparons à ce genre d'activité, nous en guettons l'éventualité et intervenons au besoin, mais il est impossible de se préparer à toute éventualité. Voilà notre travail quotidien.
Le sénateur Ringuette : J'ai une question complémentaire. Je veux en savoir plus sur cette question. Monsieur Oldham, vous dites que votre homologue vous aurait mis au fait de la situation. La Grande-Bretagne a-t-elle un quartier général semblable qui s'occupe de la sécurité et qui aurait communiqué avec le COG?
M. Oldham : Chaque pays s'organise à sa façon pour prendre en charge ce genre de travail. Au Canada, nous sommes uniques avec notre Centre des opérations du gouvernement, qui a un mandat très large et qui canalise ses efforts d'une façon particulière. De nombreux pays sont partagés entre la notion de sécurité nationale et le concept classique de gestion des conséquences, et les deux segments ne communiquent pas beaucoup entre eux. Nous sommes chanceux d'avoir le COG au Canada.
Du point de vue des communications, les relations sont étroites entre nos principaux alliés et au sein de toute armée. Le premier signalement d'un accident de sous-marin, ou d'un accident semblable, serait classifié; la plupart des gens ne seraient pas au courant, au départ. Nous recevons l'information au fur et à mesure, du fait que le COG cultive ce genre de lien avec l'armée canadienne, avec l'administration du NORAD et avec nos alliés.
Le sénateur Ringuette : Par exemple, en rapport avec cet incident-là, vous auriez reçu l'information de deux entités : l'administration britannique chargée de la sécurité nationale ou encore notre ministère de la Défense nationale.
M. Oldham : Je ne me souviens plus très bien de la provenance de l'information, mais votre raisonnement est juste. Dans ce cas, je crois que l'information n'est pas parvenue directement des Britanniques. Cependant, vous dites que nous pouvons recevoir des informations de plusieurs sources distinctes en rapport avec un même événement. Je vous dis que si je reçois quatre rapports sur un même événement, je suis heureux. Cela veut dire que je bénéficie de communications redondantes et que je bénéficie de bonnes voies de communication. Je reçois divers points de vue de divers ministères et organismes et ainsi de suite. Je ne me soucie guère de devoir me figurer la scène à partir de ces informations. Il s'agit plutôt de savoir si je reçois toute l'information tout de suite.
Le défi qu'il faut alors relever, c'est de transmettre l'information à toutes les personnes qui en ont besoin, pour que nous puissions travailler à partir d'un même tableau : une vue d'ensemble nationale de ce qui se passe.
Le président : Monsieur Oldham, merci beaucoup, à vous et à vos collègues, d'être venus comparaître. Les informations que vous avez données ont été instructives aux yeux du comité. Il y a là plus d'information que ce que nous savons en faire, et nous allons probablement vous inviter à venir témoigner une autre fois. Nous vous savons gré d'être venus aujourd'hui et d'avoir présenté un exposé très clair. Vous avez fait œuvre utile.
M. Oldham : Merci, sénateur, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous invite personnellement à venir visiter les lieux. Je serai heureux de vous faire faire le tour moi-même et de vous initier au Centre des opérations du gouvernement, de vous montrer ce que nous avons accompli. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli en quelques années à peine, et je serais heureux de vous le montrer.
Le président : Aux membres du public qui nous regardent à la télévision, si vous avez des questions ou des observations, n'hésitez pas à consulter notre site Web au www.sen-sec.ca. Nous y affichons les témoignages aussi bien que les ordres du jour révisés. Sinon, vous pouvez communiquer avec la greffière du comité en composant le 1-800-267- 7362, pour obtenir de plus amples informations ou communiquer avec des membres du comité.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.