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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 5 - Témoignages du 20 juin 2006


OTTAWA, le mardi 20 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 18 h 23 pour examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap.33) conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles vise à continuer en partie notre étude initiale, que nous allons terminer aujourd'hui, je l'espère, en demandant aux témoins de comparaître devant nous pour nous aider à déterminer comment nous allons aborder notre étude obligatoire de Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Cet après-midi, sont présents le sénateur Tardif de l'Alberta, le sénateur Hubley de l'Île-du-Prince-Édouard, vice- président du comité, le sénateur Cochrane de Terre-Neuve-et-Labrador, le sénateur Spivak du Manitoba et le sénateur Angus de Montréal.

Nous recevons cet après-midi l'honorable Charles Caccia, qui a beaucoup travaillé à l'adoption de Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE, sous sa première forme, et Nadine Levin, spécialiste principale en politiques et chef de la Section des règlements et des stratégies de la Direction des services de l'application de la loi à Environnement Canada.

Monsieur Caccia, je crois que vous avez préparé un exposé.

L'honorable Charles Caccia, C.P., à titre personnel : Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, de cette chance unique de comparaître devant vous et de vous faire part de quelques réflexions sur cette loi plutôt complexe. En tant qu'ancien député indigne de l'autre chambre, je trouve un peu intimidant de comparaître devant une assemblée constituée de représentants de la chambre du second examen objectif. Nous qui siégions à la Chambre des communes n'étions pas particulièrement réputés pour la qualité de notre second examen objectif. Par conséquent, je vais m'exprimer en sachant très bien que mes observations ne procèdent pas nécessairement d'un second examen objectif profond, mais plutôt de l'expérience directe et parfois obscure de la vie politique quotidienne.

Je vais brièvement expliquer la raison d'être de la LCPE puis passer à la partie que j'ai intitulée « Qui est l'ennemi? ». Je vais ensuite parler de la notion de données scientifiques objectives, de ce que veulent les Canadiens et du fardeau de la preuve. Enfin, je vais conclure le plus rapidement possible sur la voie à suivre à partir de là.

Au sujet de la LCPE, son titre et son contenu indiquent clairement qu'elle vise à protéger la santé humaine, à prévenir la pollution, à appliquer le principe de précaution et à agir dans l'intérêt public. C'est une des rares lois dont l'application relève de deux ministres.

Au niveau conceptuel, elle porte sur ce qui arrive dans l'environnement, le lieu où l'activité humaine peut soit protéger la santé soit la compromettre. En dépit de la LCPE, la pollution — particulièrement la pollution atmosphérique — a progressé au fil des ans, comme on peut le constater fréquemment les jours de smog.

Comme d'autres témoins vous l'ont peut-être déjà dit, beaucoup de substances dangereuses ne sont pas encore répertoriées. En résumé, la LCPE n'est malheureusement pas une réussite, mais elle pourrait l'être, ce qui me pousse à analyser pourquoi et qui est l'ennemi. Quels sont les obstacles au succès?

Nous connaissons tous l'observation de Pogo sur la société, « nous sommes notre pire ennemi ».

En Europe, l'entreprise participe à l'élaboration des lois sur la prévention de la pollution. Ce n'est malheureusement pas le cas au Canada. Les intérêts sectoriels — comme l'industrie chimique, l'industrie minière — sont très forts et leurs groupes de pression puissants. Ils sont très actifs sur deux fronts : de manière visible, quand ils comparaissent devant les comités; quand ils proposent que des mesures soient atténuées ou modifiées; quand ils affirment qu'il vaut mieux des mesures volontaires plutôt que des mesures contraignantes; quand ils réclament la suppression de certains termes comme le mot « toxique », vous le savez bien; quand ils recommandent que certaines modifications envisagées soient rejetées, particulièrement à l'étape du rapport, comme c'est arrivé à la Chambre des communes il y a huit ans et quand ils influent sur les ministères en faisant valoir des données scientifiques qu'ils disent « objectives ». Nous y reviendrons.

De manière invisible, par la voie de lettres au ministre ou au premier ministre dans lesquelles ils préviennent que certains investissements seront remis, des emplois perdus, des usines fermées. C'est ce qui s'est passé lors du dernier examen et cela a porté. On pense notamment à la menace de l'Alcan de ne pas ouvrir son usine Magnolia et à la lettre que le président de l'Alcan de l'époque a écrite au premier ministre d'alors.

Il y a un autre ennemi, bien dissimulé, et c'est le ministère de l'Industrie. Par le biais du Cabinet ou du Bureau du Conseil privé, le ministère réussit à faire adopter certaines modifications à l'étape du rapport, comme il l'a fait pour la LCPE en 1999, ce qui a nuit considérablement à l'application de la LCPE. Tout le bon travail effectué au niveau du comité a été réduit à néant par Industrie Canada et les groupes de pression qui agissent par le truchement de ce ministère.

Je porte à votre attention un document d'origine qui a été produit il y a environ dix ans par Environnement Canada et qui s'intitulait l'Initiative fédérale Prêchée par l'exemple.

Ce document est estimé aujourd'hui pour la plupart des observations qu'il contient et il pourrait être souhaitable que ce comité réclame une évaluation de cette nature du ministère lui-même.

De manière plus générale, pour revenir à Pogo, nous avons tendance, en tant que société, à réagir et à guérir au lieu de prévoir et de prévenir. Nous fonctionnons à court terme plutôt qu'à long terme. Les insuffisances de la LCPE jusqu'à maintenant reflètent cette propension : elle est très faible sur le plan de la prévision et de la prévention et pas beaucoup plus forte sur le plan de la réaction et de la correction.

Peut-on y remédier? Bien sûr, à la condition qu'il y ait une volonté politique de le faire et que les objectifs d'Industrie Canada ne l'emportent pas sur les objectifs en matière de protection de l'environnement. Cela exige une transformation des priorités du BCP pour qui, pour le moment, la notion de développement durable est accessoire et non au centre du processus décisionnel.

Cet argument m'amène à m'arrêter et à réfléchir à l'objectivité des données scientifiques, parce que je trouve le qualificatif « objectif » dérangeant depuis qu'il a émergé, il y a quelques années. Les entreprises, les ministères comme Environnement Canada et d'autres chérissent cette notion. Quel en est le véritable sens? Faut-il comprendre qu'il existe deux types de données scientifiques? Depuis quand et où? Comme nous le savons tous, la science est en constante évolution. Un scientifique peut proposer une théorie qui est ensuite soumise à l'examen des pairs. Une fois acceptée, elle devient scientifique et s'ajoute à l'ensemble du corpus scientifique. Lorsqu'elle est rejetée, elle ne relève pas de la science et demeure une simple théorie.

L'« objectivité » scientifique n'a rien à voir là-dedans. Il y aussi des scientifiques rémunérés qui peuvent se mettre au service de groupes d'intérêt désireux, par exemple, de vous convaincre que l'essence est sans danger pour la santé. Les raffineries canadiennes ont embauché un scientifique lorsqu'elles ont essayé d'empêcher le gouvernement fédéral d'interdire l'essence au plomb au début des années 80. De même, dans les débats sur le changement climatique, il y a aujourd'hui des scientifiques qui cherchent à nous vendre leur théorie selon laquelle le changement climatique est causé par les rayons cosmiques. Du point de vue de l'Association des producteurs pétroliers, une telle théorie pourrait être qualifiée d'« objectivement » scientifique.

Même s'il n'existe pas de preuves irréfutables, il y a actuellement suffisamment d'indices pour que l'ensemble de la communauté internationale se mobilise en faveur du Protocole de Kyoto, en appuyant son jugement politique sur des données scientifiques produites et vérifiées par des pairs et non sur des données scientifiques prétendument « objectives ». De nos jours, malheureusement, certains ministères fédéraux adhèrent eux aussi à l'idée que l'« objectivité » scientifique existe...

Vous demandez sans doute aux témoins ce que les Canadiens en général veulent de cette loi à leur avis. Difficile à dire, mais il est fort probable qu'ils préfèrent que leur santé soit protégée grâce à des programmes de prévention de la pollution plutôt que par le biais de mesures antipollution dont l'efficacité laisse à désirer. De votre point de vue, en tant que représentants du public, peut-être interprétez-vous l'intérêt public en matière de prévention comme étant la mise en œuvre de moyens pour réduire le nombre d'hospitalisations attribuables à des maladies respiratoires et à d'autres troubles médicaux. C'est l'objectif global de prévention qui a mené à l'adoption du degré de « tolérance zéro » dans l'Accord de 1974 relatif à la qualité de l'eau des Grands Lacs.

Ceux qui étaient là dans les années 80 lorsque nous nous débattions avec le problème des pluies acides causées par les émissions de dioxyde de soufre provenant des fonderies se rappelleront sûrement que les subventions qu'il avait fallu consentir à certaines entreprises pour financer l'installation d'« épurateurs-laveurs » avaient coûté très cher au Trésor public. Certains disaient que nous devions attendre les Américains parce que nous ne pouvions pas agir seuls. D'autres affirmaient que les entreprises canadiennes perdraient leur avantage concurrentiel si elles étaient forcées d'adopter les technologies sans danger pour l'environnement! D'autres encore craignaient des pertes d'emploi ou le refus des provinces d'adhérer à un plan national.

Toutes ces objections étaient sans fondement. Qu'il soit latent ou manifeste, il y a bel et bien de la part du public un solide appui à l'égard de toute mesure capable de prévenir la pollution, et nul besoin d'attendre d'avoir des preuves irréfutables pour agir. Parce que c'est la santé publique qui est en jeu. C'est là l'ultime et profond désir de la population et c'est ce que souhaitent les parlementaires à mon avis.

Concernant le fardeau de la preuve, un concept important intégré à la loi et sur lequel on a rédigé des volumes et fait des observations à votre comité, vous avez maintenant une occasion en or de participer au débat. Il est clair, me semble-t-il que toute personne qui utilise une substance, que celle-ci soit nouvelle ou connue, doit prouver que cette substance n'est pas nocive pour la santé publique, de quelque manière que ce soit. En l'absence de certitude, l'intérêt du public devrait primer sur celui de l'industrie, et non l'inverse. Il s'agit d'une décision stratégique de grande portée qu'il vaut la peine que les sénateurs examinent.

Cependant, même lorsqu'il est amplement évident que la substance en question est nocive pour la santé, comme le plomb, le mercure ou l'amiante, elle n'est toujours pas visée par la Loi. Dans le cas du plomb, il y a belle lurette que des pays comme le Danemark et les Pays-Bas l'ont interdite sous toutes ses formes. Il en va de même de l'amiante et du mercure, et si la fumée du tabac était une substance, elle ferait toujours l'objet d'une évaluation des risques. J'en suis certain.

Nous en arrivons maintenant à ce qui sera peut-être le sprint final. J'aimerais examiner un document, si le temps le permet. En réponse à la question « où allons-nous? », je ne peux faire que les propositions suivantes. On peut emprunter de nombreuses voies, selon le niveau de profondeur que l'on veut atteindre afin de pouvoir prodiguer des conseils au gouvernement.

Si l'on décide d'adopter le point de vue du bien et de la santé publiques (n'oubliez pas que l'un des parrains de ce projet de loi est le ministre de la Santé) on voudra peut-être savoir ce qui s'est produit exactement à l'étape du rapport la dernière fois que la loi a été adoptée, obtenir un rapport examinant chaque modification du gouvernement qui a été adopté à l'étape du rapport à la Chambre des communes et connaître l'incidence de ces modifications sur la mise en vigueur de la loi. Ce sont des modifications de dernière minute qui ont rendu la loi plutôt inefficace.

On voudra peut-être aussi demander à Environnement Canada de préparer des synthèses des questions de fond. Il y a diverses possibilités et il faudra beaucoup de synthèses des questions de fond pour donner un sens au rapport préparé pour vous par Environnement Canada. Le ministère l'a fait par le passé, très efficacement, et peut le faire de nouveau, pour nous permettre de comprendre effectivement si le principe de précaution, défini dans le préambule de la Loi, par exemple, convient et est exécutoire dans le corps de cette loi; si la définition d'« élimination de fait » est assez forte pour s'appliquer au contrôle des quantités et des concentrations et comment l'article 65 est utilisé.

On voudrait peut-être savoir si le ministre de la Santé s'est vu octroyer des pouvoirs adéquats; si les dispositions de prévention de la pollution sont assez musclées, si le filet de sécurité biotechnologique est assez résistant, pourquoi le ministre de la Santé, qui a coparrainé le projet de loi, est si souvent absent du processus de la LCPE. Nous avons essayé de trouver cette information mais nous n'avons abouti à rien. On pourrait également vouloir déterminer si, par exemple, l'exécution de la loi est adéquate et assez bien financée.

Dans son ouvrage intitulé Unnatural Law, Rethinking Canadian Environmental Law and Policy, Davis R. Boyd écrit, à la page 300, je traduis :

La LCPE de 1999 et la Environment Act de la Nouvelle-Écosse prône la prévention de la pollution, sans toutefois comporter de dispositions fortes à cet égard [...]. Il est nécessaire d'adopter des lois et des politiques plus strictes, sous la forme de mesures incitatives ou de règlements, pour faire de la prévention de la pollution une pratique répandue au Canada. À l'instar de la Suède, le Canada devrait éliminer la production et l'utilisation de substances toxiques qui causent le cancer, qui s'accumulent dans la chaîne alimentaire, qui dérèglent les systèmes hormonaux ou qui ne se dissolvent pas dans la nature. Il faudrait modifier les lois régissant les produits chimiques, comme la LCPE de 1999 et la Loi sur les produits antiparasitaires, afin d'incorporer le principe de substitution, de sorte que les produits nocifs soient éliminés graduellement à mesure que des solutions plus sûres se présentent. L'INRP du Canada, qui mesure la pollution industrielle, pourrait servir de base pour les nouvelles mesures incitatives et les nouveaux règlements qui exigent une baisse des émanations toxiques sur une période déterminée.

Le président : Monsieur Caccia, que signifie INRP?

M. Caccia : Il s'agit de l'Inventaire national des rejets de polluants, un répertoire de polluants. Je pense qu'il a été créé autour de 1994.

Pour conclure cet interminable monologue, monsieur le président, chaque fois qu'il est question de la LCPE, les représentants de l'industrie canadienne montent aux barricades. Pourtant, en Europe, les industries chimiques doivent se conformer à des règles pratiques et parviennent quand même à faire des affaires fructueuses partout dans le monde.

Au Canada, le lobby de l'industrie chimique est très fort et très efficace. Au fil des ans, il est parvenu à affaiblir la LCPE considérablement. Et pourtant, lorsqu'on parle aux gens les plus progressistes de l'industrie, ils prétendent ne pas craindre un resserrement des lois et des règlements, en autant qu'ils s'appliquent à tous — pas question de mesures volontaires —, avec des cibles et des échéances, de façon à pouvoir planifier les changements et les améliorations. Ils veulent tout naturellement de la certitude, des règles qui s'appliquent à toute l'industrie.

Votre tâche, à mon avis, honorables sénateurs, est de définir l'intérêt public, de le protéger et de faire des lois à long terme pour assurer un environnement durable et améliorer la santé humaine, de parler au nom de ceux et celles qui ne sont pas défendus par un lobby à Ottawa et de voir à ce que les lois soient anticipatives et préventives, plutôt que réactives.

La LCPE permet de le faire. Il s'agit d'une loi sur la protection de l'environnement, certes, mais en réalité, c'est une loi pour notre santé.

Le président : Merci, monsieur Caccia. Compte tenu du rôle que vous avez joué lorsque cette loi a été promulguée, votre réflexion sur ce sujet est très précieuse à nos yeux.

Sénateurs, sommes-nous d'accord pour entendre Mme Levin, puis demander à nos deux témoins de répondre à nos questions?

Des voix : D'accord.

Nadine Levin, spécialiste principale en politiques, chef, Section des règlements et stratégies, Direction des services de l'application de la loi, Environnement Canada : Monsieur le président, je suis ici pour vous donner les renseignements concrets que vous voulez. Je n'ai pas préparé d'exposé, puisque j'ai compris que vous auriez beaucoup de questions. Je suis ici pour aider le comité à approfondir ses connaissances et ainsi l'aider à prendre sa décision sur la façon d'effectuer cet examen.

Le sénateur Cochrane : J'aimerais soulever la question du manque de données. Nous avons récemment entendu Ken Ogilvie, porte-parole de Pollution Probe, nous dire que le travail de classification dans le cadre de la LCPE se fonde sur des données qui datent de 20 ans, qui ont été recueillies entre 1984 et 1986 sur les volumes de production des substances chimiques. Ce n'est pas le cas aux États-Unis. M. Ogilvie nous a dit que les études des États-Unis révélaient des changements radicaux dans l'utilisation et la distribution de certaines substances chimiques en quelques années seulement.

Pouvez-vous nous dire combien d'argent Environnement Canada consacre chaque année à la collecte de données sur les substances toxiques? Ce chiffre a-t-il augmenté depuis l'adoption de la LCPE ou est-il demeuré le même?

Mme Levin : Je préférerais préparer ces chiffres par écrit et les envoyer au comité ou demander à un fonctionnaire du ministère de les préparer et de vous les envoyer.

Peu de gens ignorent qu'un budget fédéral a alloué près de 42,3 millions de dollars pour l'évaluation et la gestion des substances toxiques peu après la promulgation de la LCPE (1999). Cependant, pour ce qui est des sommes dépensées annuellement pour l'évaluation et la cueillette de données, je ne pourrais pas vous répondre actuellement.

Le sénateur Cochrane : Pourriez-vous nous fournir les données sur ce qui se produisait avant, de même que sur la situation actuelle?

Mme Levin : Oui, certainement.

Le sénateur Cochrane : J'aimerais savoir si ces données sont recueillies de façon continue, qui est responsable de leur tenue à jour et à quelle fréquence cela est effectué.

Le président : Madame Levin, pourriez-vous transmettre également ces renseignements par écrit à notre greffière?

Mme Levin : Oui, il est préférable pour le comité que tous ses membres reçoivent ces informations par écrit.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Caccia, où se situe le Canada au plan international pour ce qui est de la gestion des substances toxiques? Pourriez-vous nous indiquer quelles sont quelques-unes des meilleures pratiques en usage dans le monde?

M. Caccia : Le Département de l'agriculture des États-Unis a mené des études à ce sujet. En 2002, il a produit un rapport portant notamment sur les questions fiscales. Il ne semble pas que notre position soit très avantageuse. Dans une lettre à la rédaction du Globe and Mail vendredi dernier, l'ancien secrétaire général de la commission Brundtland, M. Jim MacNeill fait les commentaires suivants :

Le reste de la planète vient finalement de se rendre compte du déclin et de la déchéance des programmes environnementaux du Canada. Aujourd'hui, il ne se passe pas une rencontre internationale sans qu'on ne discute en coulisses de la question canadienne, car notre pays est bien le dernier endroit où l'on s'attendait à un tel effondrement.

Autrement dit, nous perdons du terrain, et nous en perdons beaucoup, pour ce qui est de notre réputation internationale.

Le sénateur Cochrane : Savez-vous comment les autres pays gèrent leurs substances toxiques?

M. Caccia : Oui, l'Union européenne en particulier a des lois administratives très efficaces. Elle s'apprête d'ailleurs à mettre en oeuvre un régime encore plus rigoureux qui pourrait servir de modèle au Canada. Sous bien des égards, les lois pour la gestion des substances toxiques de l'Union européenne et des différents pays qui la composent sont facilement 20 ans en avance sur les nôtres.

Le président : Il faut préciser, si je ne m'abuse, qu'il s'agit d'une loi qui a été proposée; elle n'est pas encore en vigueur. Parlez-vous du programme Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques (REACH)?

M. Caccia : Oui, c'est une proposition.

Le sénateur Spivak : J'ai un souvenir de vous deux.

Monsieur Caccia, si vous vous rappelez bien, lorsque le rapport du comité a été présenté au Sénat, il nous était interdit d'apporter des amendements, alors nous nous sommes retirés.

Le président : Désolé de vous interrompre, sénateur Spivak. Qui donc vous a interdit d'apporter des amendements? Je ne suis pas ici depuis très longtemps, alors ce détail m'échappe.

Le sénateur Spivak : Le gouvernement de l'époque a indiqué qu'aucun amendement ne serait pris en compte.

Tout d'abord, lorsque M. Caccia et Karen Kraft Sloan faisaient partie du Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, ce comité s'est livré à une analyse extrêmement méticuleuse et rigoureuse de la LCPE. Je ne pense pas qu'on pourrait refaire un tel travail. Il a fallu beaucoup de temps. En outre, les membres du comité ont dû déployer des trésors de stratégie pour faire approuver la LCPE en comité.

On nous a dit que ce n'était pas tant la loi qui posait problème que la négligence dans sa mise en oeuvre. Pourriez- vous m'indiquer à quelle date environ vos amendements ont été déposés à la Chambre? Croyez-vous que nous devrions les présenter de nouveau pour améliorer la loi?

M. Caccia : Certains de ces amendements peuvent être encore souhaitables; d'autres sont peut-être devenus obsolètes. Il faudrait les examiner un par un et demander à des experts comme Mme Levin si ces amendements sont encore valables dix ans plus tard.

Si mon souvenir est exact, le rapport a été présenté à la Chambre des communes au printemps 1998 ou à peu près. La section de la recherche de la Bibliothèque du Parlement a également produit un document intéressant sur l'historique de l'étude article par article faite par le comité, ce qui pourrait vous intéresser. C'est un document assez long.

Quant à la pertinence de ces amendements, certains sont peut-être encore souhaitables. Je vous incite aussi fortement à vous pencher sur les amendements proposés à l'étape du rapport par le gouvernement, car ce sont ceux qui ont causé le plus de tort.

Le sénateur Spivak : Je ne sais plus s'il faut intervenir au niveau de la loi ou de sa mise en œuvre. Pour ce qui est de la loi, madame Levin, estimez-vous que ce serait un exercice utile? Vaut-il la peine que nous nous penchions sur ces amendements? Je pose la question parce que je me souviens de toute la rigueur et toute la minutie qu'il a fallu mettre dans ce processus.

Mme Levin : Comme M. Caccia l'indiquait, vous devriez évaluer de nouveau le fond de ces amendements afin de déterminer lesquels parmi ceux qui ont pu être rejetés ou retirés à l'étape du rapport seraient toujours pertinents aujourd'hui.

Je crois que le rapport a été présenté au printemps 1999, parce que la LCPE a reçu la sanction royale en septembre de cette année-là.

Je ne pense pas qu'il soit possible de porter un jugement sans examiner l'ensemble du texte, malheureusement, ou heureusement peut-être.

Le sénateur Spivak : Y a-t-il des documents qui pourraient nous être utiles si nous voulons modifier la loi? M. Caccia a parlé de documents de discussion, mais je suis persuadé que les gens d'Environnement Canada et de Santé Canada ont dû réfléchir à cette loi.

Mme Levin : Il est bien certain que depuis l'entrée en vigueur de la LCPE (1999) le 31 mars 2002, cette loi a été examinée en différentes occasions pour déterminer si des ajustements s'imposaient. La loi a d'ailleurs été modifiée depuis sa promulgation. Je ne parle pas uniquement du projet de loi C-15; je parle de changements apportés à la définition de « navire » et de certains ajouts à la partie 8 en ce qui a trait aux urgences environnementales.

Lorsque des modifications législatives se sont révélées nécessaires pour assurer une application plus efficace de la loi ou pour répondre à une nouvelle préoccupation stratégique, ces modifications ont été apportées.

De plus, au fil des ans lorsque les gens constatent que des modifications mineures ou des ajustements s'imposent, on regroupe ces constatations pour les soumettre à l'attention du ou de la ministre qui décide alors si des amendements doivent être apportés. Je ne connais absolument pas le point de vue de la ministre en poste sur ces différentes questions, mais elles sont bel et bien toutes portées à son attention.

M. Caccia : Rien n'empêche votre comité de demander à la ministre et à Environnement Canada de vous fournir d'ici septembre un document qui répondra à la question du sénateur Spivak quant aux amendements qui pourraient être utiles.

J'espérais trouver une réponse à sa question dans le document intitulé Diagnostic. On y soulève certaines interrogations. Malheureusement, il s'agit toutefois d'un document plutôt déficient, surtout au regard de tous les sujets dont il ne traite pas. Par conséquent, le comité pourrait décider de répondre au document Diagnostic en posant des questions sur les éléments qui l'intéressent.

Le sénateur Spivak : Les modifications et les ajustements, c'est une chose; les questions fondamentales, c'est une autre histoire.

Est-ce que tous les documents portant sur les questions que vous soulevez sont confidentiels ou nous serait-il possible d'obtenir ceux pouvant être diffusés?

Mme Levin : Il faudrait attendre que la ministre dépose et soumette les documents préparés à son intention. Pour autant que je sache, la ministre n'a pas encore exposé ses points de vue, alors je ne peux faire aucun commentaire. Au fil des ans, différentes sections du ministère ont soulevé des questions qui pourraient exiger certains éclaircissements ou ajustements.

Par exemple, en vertu de la l'article 56 de la loi, qui traite de la prévention de la pollution, le ou la ministre peut publier un avis obligeant une personne — ou une catégorie de personnes — donnée à élaborer et exécuter un plan de prévention de la pollution.

Le sens exact du terme « exécuter » pose certaines difficultés. Il y a bien la définition du dictionnaire, mais on peut toujours se demander à quel moment une chose est exécutée ou entièrement exécutée. Les problèmes d'interprétation d'un terme comme celui-là — lorsqu'on n'arrive pas à bien comprendre le sens du verbe « exécuter » — peuvent nuire à l'atteinte des objectifs de prévention de la pollution ou à la réalisation des plans prévus à cet égard.

Le président : Je vous prie de m'excuser. Quel autre sens peut-on donner au terme « exécuter », sinon celui dont tout le monde convient?

M. Caccia : Monsieur le président, sur certaines tribunes, on continue à discuter du sexe des anges.

Le président : Y a-t-il d'autres possibilités? Est-ce que quelqu'un a dit : « Je ne sais pas ce qu'on entend par exécuter? » Est-ce que quelqu'un a répondu que, plutôt que mettre en application ou mettre en œuvre, cela signifie telle ou telle chose? Je suis un peu perplexe. Quel autre sens peut-on donner à ce terme?

Mme Levin : Je vais vous exposer une situation hypothétique. Supposons qu'un avis a été préparé pour exiger l'élaboration d'un plan de prévention de la pollution; on prépare ce plan et on veut le mettre à exécution. Au cours du processus, on indique qu'on va exécuter telle ou telle partie du plan, mais qu'il faudra plus d'argent et davantage de temps; ce sera fait après l'échéancier prévu.

Est-ce que cela signifie que le plan n'a pas été entièrement exécuté ou encore...

Le président : Oui.

Mme Levin : C'est ce qu'on pourrait croire, mais on discute actuellement du sens de ce terme pour savoir si on peut exiger une exécution complète lorsqu'une personne déclare avoir exécuté son plan. C'est un terme qui nous cause certaines difficultés d'interprétation dans des cas particuliers pour le moment.

Le président : Il faudrait demander l'aide de M. Clinton.

Le sénateur Spivak : Les témoins qui ont comparu devant nous précédemment nous ont donné un ordre de priorité. Si vous étiez à notre place, quelles seraient vos priorités quant aux problèmes devant être absolument être réglés? Nous ne pouvons pas tout faire.

Mme Levin : Je ne crois pas avoir d'ordre de priorité. Je ne sais pas si c'est à moi qu'il revient de vous parler de ces considérations stratégiques.

J'estime qu'il y a bien des avenues possibles pour un comité sénatorial qui compte procéder à un tel examen. Vous pourriez vous pencher par exemple sur les façons dont la loi n'a pas encore été utilisée, sur la mesure dans laquelle on pourrait mieux s'en servir. Vous pouvez examiner bien des aspects.

Le sénateur Cochrane a soulevé des problèmes qu'elle voudrait voir résolus. Il y a bien des éléments sur lesquels votre comité pourrait concentrer son travail.

Je ne pense pas que ce soit à moi de vous dire quoi faire. Votre sagesse collective vous guidera probablement quant au choix des questions à aborder parmi toutes les possibilités qui s'offrent à vous.

M. Caccia : Monsieur le président, si j'essaie de répondre à la question du sénateur Spivak, il est probable que vous trouveriez au haut de ma liste les efforts pour changer l'optique adoptée par l'agence centrale du gouvernement, le Bureau du Conseil privé. Celui-ci doit abandonner sa façon de procéder actuelle sans objectif précis pour faire de la quête du développement durable la priorité principale du gouvernement, sur un plan horizontal dans tous les ministères. Cette transformation pourrait faire la différence dans la mise en œuvre de diverses mesures législatives en matière d'environnement — non seulement pour les lois et les projets de loi du gouvernement, mais aussi pour les mesures se rapportant à toutes les autres activités dont le gouvernement fédéral est responsable.

Le président : Le comité a déjà recommandé un tel changement dans un rapport intitulé Développement durable. Nous avons recommandé au gouvernement de l'époque de créer un goulot d'étranglement de telle sorte que l'ensemble des mesures, initiatives, projets de loi et propositions qui sont soumis au Bureau du Conseil privé soient examinés dans une optique environnementale et écologique.

Notre rapport n'a pas eu tous les résultats escomptés, mais il est probable que nos recommandations iraient encore dans le même sens.

Le sénateur Tardif : Monsieur Caccia, vous avez parlé dans votre exposé du fardeau de la preuve. Quelle distinction faites-vous entre le concept de fardeau de la preuve et le principe de prudence?

M. Caccia : Le principe de prudence est une notion philosophique qui a vu le jour il y a 30 ou 40 ans. Il a fait l'objet de discussions intenses, à commencer par l'Europe, et a été, je crois, préconisé et repris par certains partis politiques. Dans son sens philosophique, ce concept intègre l'application du fardeau de la preuve parmi les nombreux moyens à mettre en œuvre pour concrétiser le principe de précaution. Il y a certes des gens qui pourraient vous en donner une meilleure définition, mais ce principe veut essentiellement qu'il ne soit pas raisonnable d'attendre d'avoir une preuve irréfutable avant de prendre les mesures nécessaires. La certitude scientifique absolue n'est pas essentielle.

Lorsque la preuve est suffisamment solide — mais pas absolument irréfutable pour convaincre tout le monde — vous avez le devoir en tant que membres de la société, ou en votre qualité de conseillers des gouvernements ou de parlementaires, de tirer les conclusions qui s'imposent et de prendre les mesures législatives qu'exige le principe de précaution. L'autre façon de procéder — celle qui prévaut en Amérique du Nord comme dans l'esprit de la LCPE — est guidée par l'évaluation des risques.

Le principe de prudence permet d'anticiper et de rendre inutile l'évaluation des risques par la suite; il vous incite à réagir pour apporter les correctifs requis. Il s'agit de deux approches de réflexion totalement différentes quant à la manière de traduire les constatations en actions législatives.

J'espère avoir bien répondu à votre question.

Le sénateur Tardif : Oui. Diriez-vous alors que les arguments en faveur de données scientifiques objectives sont mis de l'avant pour rendre inapplicable le principe de prudence?

M. Caccia : Oui, les prophètes des données scientifiques objectives veulent attendre qu'on ait des preuves irréfutables. Ainsi, vous ne réagissez pas au changement climatique parce qu'il n'y a pas de certitude scientifique absolue. Vous ne faites rien dans le cas des pluies acides pour les mêmes raisons.

Vous en arriverez certainement au résultat que vous décrivez; cela ne fait aucun doute. Il s'agit ici de deux manières totalement différentes de voir le monde qui nous entoure et les moyens à prendre pour améliorer l'environnement et les conditions de santé.

Le principe de prudence amène des interventions beaucoup plus rapides. On n'attend pas la certitude scientifique absolue. On considère la situation à long terme. L'évaluation des risques attend la preuve irréfutable, la certitude absolue, et résulte généralement en des décisions qui ont des effets uniquement à court terme. En d'autres occasions, ce qui est pire encore, l'évaluation des risques entraîne des décisions qui obligent le secteur public à prendre en charge les actions correctives et les coûts découlant d'une situation causée par le secteur privé, comme dans le cas des étangs bitumineux de Sydney, du Love Canal et des autres grands problèmes environnementaux auxquels nous avons été confrontés au cours des dernières décennies.

Le sénateur Tardif : Quoi qu'il en soit, le principe de précaution est prévu dans la loi. Par conséquent, il n'est pas mis en application. Si nous n'adoptons pas cette approche — nous utilisons l'évaluation des risques, plutôt que le principe de prudence — pourrait-on dire que nous ne respectons pas la Loi? J'aimerais également que Mme Levin nous dise ce qu'elle en pense.

M. Caccia : L'approche est présentée dans le préambule de la loi. Il en est également question dans l'un des articles dont le numéro m'échappe pour l'instant. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure vous vous en remettez au principe de prudence, plutôt qu'à l'approche de gestion des risques.

Pour répondre à votre question, d'ailleurs très pertinente, je vais vous citer l'excellent exposé de Bruce Lourie de la Ivey Foundation. Je crois qu'il a comparu devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes il y a quelques semaines. La page 12 de son mémoire traite du principe de précaution et des données scientifiques objectives.

Le principe de précaution est une réponse adaptée aux cas dans lesquels l'incertitude est inhérente, et plus précisément à l'incapacité des outils de gestion des risques à faire face à l'incertitude. La précaution est l'idée de base pour prendre des mesures responsables empêchant les nuisances dans une situation d'incertitude. Le texte de la LCPE et d'autres documents fédéraux font référence au principe de précaution, mais comme pour beaucoup d'éléments progressifs de la LCPE, rien n'indique que ce principe est appliqué aux décisions de gestion des substances toxiques au Canada.

Le sénateur Tardif : Pouvons-nous savoir ce que vous en pensez, madame Levin?

Mme Levin : Je ne pourrais pas vous dire si le principe de prudence a été observé dans chacune des décisions prises en vertu de cette loi.

Je pourrais vous indiquer par exemple que le principe de précaution a été appliqué lors de l'examen des polluants précurseurs et des matières particulaires de fumée qui ont été ajoutées à la liste des substances toxiques. Entre 12 et 16 substances ont ainsi été intégrées à cette liste en vertu de ce principe.

Une évaluation scientifique a été menée. Selon ce que j'ai pu comprendre, les précurseurs de ces différents polluants atmosphériques ont été ajoutés à la liste des substances toxiques en se fondant sur le principe de prudence.

Le gouvernement du Canada est tenu d'appliquer le principe de la prudence, comme le précise l'alinéa 2(1)a) de la loi. Ce principe y est énoncé. La version qui figure dans la loi est celle qui paraît dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, Action 21, de la Division des Nations Unies pour le développement durable, de 1992.

Madame le sénateur Spivak a rappelé que le comité a déjà examiné le libellé de ce principe dans la version anglaise. Il se lit comme suit :

... the Government of Canada shall... exercise its powers in a manner that protects the environment and human health, applies the precautionary principle that, where there are threats of serious or irreversible damage, lack of full scientific certainty shall not be used as a reason for postponing cost-effective measures to prevent environmental degradation...

Dans la version française, il est écrit « mesures effectives ».

Le sénateur Spivak a indiqué que le comité de l'époque s'est penché, dans le cadre de l'étude article par article du projet de loi C-32, sur les répercussions de l'emploi de ces deux termes différents dans l'énoncé du principe de la prudence. La version française est identique à celle qui figure dans l'Action 21, le plan d'action élaboré à la conférence de Rio. Les deux termes sont en effet différents.

M. Caccia : Sénateur Tardif, vous devriez savoir qu'à la conférence de Rio, le terme « cost-effective » a fait l'objet d'une discussion pendant plusieurs semaines, car bien des pays s'opposaient à l'emploi de ce terme.

Au bout du compte, les pays qui préconisaient l'utilisation du terme ont gagné, mais par une mince majorité. La définition dans la version française est bien meilleure que celle énoncée dans la version anglaise.

Le sénateur Tardif : Dans quelle mesure le terme « cost-effective » peut-il limiter l'adoption de mesures?

Mme Levin : Cette question devrait être posée aux fonctionnaires responsables de la réglementation des substances et de la prise de décisions, ou probablement à la ministre elle-même.

Je participe à l'examen du règlement régissant l'application de la loi, mais les décisions de politiques relatives à ce règlement, précisément aux diverses mesures et aux différents éléments qu'il contient, ne relèvent pas de la Direction des services de l'application de la loi.

Vous devriez peut-être vous adresser à certains représentants du ministère, comme Cécile Cléroux. Je crois que vous vous êtes déjà entretenus avec la sous-ministre adjointe de l'Environnement ou d'autres personnes qui peuvent clairement vous expliquer comment le principe de la prudence est appliqué.

M. Caccia : Madame le sénateur Tardif, je vais vous donner des exemples. On pourrait dire qu'il serait plus économique d'éliminer les feux de circulation parce qu'ainsi on consommerait moins d'essence en évitant la marche au ralenti au feu rouge. On pourrait dire aussi qu'il serait plus économique de ne pas réglementer certains aspects des vols internationaux ou intérieurs, car on éviterait ainsi de provoquer une hausse du prix des billets. En prétendant que ce n'est pas économique, on peut parvenir à démolir pratiquement n'importe quelle mesure, si on le veut vraiment. C'est pourquoi il s'agit d'un terme dangereux.

Sans feux de circulation, ce serait le chaos.

Le président : À la conférence de Rio, lorsque vous étiez en train de déterminer la nature de cette loi, est-ce que d'autres pays étaient d'avis que le terme « cost-effective », plutôt que simplement « effective », devait être employé dans la version anglaise?

M. Caccia : Non. C'est seulement au Canada qu'il y a deux versions.

À la conférence de Rio, il a été convenu d'utiliser le terme « cost-effective », comme c'est écrit dans la version anglaise de la loi. La décision d'utiliser ce terme a été prise en raison de pressions exercées par des pays comme le Canada, je dois avouer, les États-Unis et d'autres grands pays industrialisés.

Le sénateur Angus : Je vous souhaite à tous les deux la bienvenue. Je me suis entretenu avec M. Caccia, qui m'a confié qu'il suivait nos délibérations. J'ai trouvé cela intéressant.

Madame Levin, je sais que vous occupez un poste de haut niveau au ministère de l'Environnement. J'imagine que vous suivez vous aussi nos délibérations. Est-ce exact?

Mme Levin : Oui. J'ai lu les transcriptions.

Le sénateur Angus : Vous êtes donc au courant de nos discussions.

J'ai déclaré l'autre soir que nous savons qu'il y a beaucoup de gens très bien comme vous au ministère de l'Environnement qui essaient de faire de leur mieux. Et pourtant, nous continuons de recevoir des spécialistes qui nous affirment que le Canada n'affiche pas de très bons résultats. Cela nous préoccupe tous.

En plus de nos propres recherches et études sur l'eau ou sur les sables bitumineux, on nous demande d'étudier la LCPE. Les membres du comité directeur s'interrogent. Si vous avez lu les transcriptions, vous savez que certaines personnes nous ont dit que nous devons mener une étude complète. Si on lit bien la définition du mot « complet » dans le dictionnaire, on constate qu'il s'agit d'une tâche décourageante.

Nous avons décidé d'inviter quelques personnes à nous proposer des façons d'accomplir cette tâche. C'est ce que nous faisons depuis deux ou trois semaines.

Lors de notre dernière séance, vous l'avez peut-être lu dans la transcription, j'ai proposé un titre. Supposons que nous publions un rapport qui s'intitulerait : « La LCPE, loi convenable qui n'est ni utilisée ni appliquée efficacement : étude de cas sur le mercure. » Vaudrait-il mieux que nous étudions une seule substance qualifiée de toxique dans le règlement d'application de la LCPE? Des gens du Nord nous ont affirmé que le lait maternel est contaminé, que la viande de morse est toxique et qu'on a observé un retard de croissance chez les jeunes. Nous pourrions découvrir précisément d'où provient la pollution en tenant des audiences à Cleveland, à Detroit et à Toronto, les villes d'où se dégage du mercure, d'après ce qu'on nous a dit, qui se retrouve ensuite dans l'atmosphère et dans les régions du Nord.

De toute évidence, ce n'est pas la solution. Je ne sais plus où donner de la tête, car il s'agit d'une loi volumineuse, et elle est connexe à environ 35 autres lois. Il faut les prendre toutes en considération.

Lorsque notre cabinet d'avocat a voulu embaucher un bon avocat spécialisé en environnement, on s'est rendu compte que c'était difficile à trouver. L'environnement est un domaine spécialisé régi par des lois complexes. J'ai siégé au comité chargé d'interviewer les candidats, et c'est à ce moment-là que j'ai constaté la complexité. Nous ne prétendons pas que nous avons des connaissances supérieures. Vous êtes dans ce domaine.

Madame Levin, vous travaillez au sein du ministère. Vous êtes bien informée; vous avez beaucoup d'expérience. Tout le monde affirme qu'il n'y a pas suffisamment de ressources. Vous devez vous sentir frustrée quand vous entendez cela. Ce sont les politiciens au pouvoir qui, au bout du compte, décident où vont les ressources.

Si l'environnement n'est pas le sujet de l'heure ou un domaine qui n'est pas important aux yeux des électeurs, alors le ministère de l'Environnement n'a droit qu'à des miettes. Vous le savez bien, monsieur Caccia; je viens de constater que vous avez été député pendant environ 30 ans.

Je ne sais pas à quel point la situation est grave et je ne sais pas non plus si les travaux menés par le bureau de la commissaire à l'environnement et au développement durable et par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, ont contribué à attirer l'attention sur le sujet en soulignant le fait que le Canada était jadis un pays peu pollué. Le Canada n'affiche plus de bons résultats dans bien des domaines.

La situation est-elle aussi grave? Comment faire pour l'améliorer?

Mme Levin : Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous pouvez effectuer cette étude de bien des façons. Vous pouvez vous pencher sur une seule substance toxique, que ce soit le mercure ou une autre, et examiner si la loi contient de bonnes dispositions pour réglementer cette substance. C'est une façon de vérifier si la loi a été efficacement mise en application.

Rien ne vous empêche d'adopter cette approche. Il existe différentes façons d'examiner cette loi.

Le sénateur Angus : Je sais que la LCPE fait partie d'une série de lois dans le domaine. C'est la loi-cadre qui vise la protection des êtres humains et de leur santé, n'est-ce pas?

Mme Levin : Elle est surtout axée sur la santé des personnes, de toute évidence. Des témoins vous ont déjà probablement fait une description cette loi. Elle est divisée en 11 parties.

Les parties 5, 6, 7, 8 et 9 confèrent toutes des pouvoirs de réglementation en vue de régler divers problèmes environnementaux. La partie 5 concerne les substances toxiques et les substances visées par des conventions comme celle de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable. La partie 6 porte sur les substances biotechnologiques animales, en tant que nouvelles substances. La partie 7 concerne différents types de polluants et de déchets et vise aussi les substances nutritives, l'immersion en mer, les combustibles et les émissions des véhicules. La loi confère donc de nombreux pouvoirs de réglementation.

Examiner la mise en application de la loi est une autre option. Vous pouvez décider de vous pencher sur la mise en application d'une partie précise de la loi ou, comme vous l'avez proposé, d'étudier la manière dont la loi réglemente une certaine substance. Il existe de nombreuses façons d'examiner cette loi.

Le sénateur Angus : En effet. Tout cela va de soi.

M. Caccia : Pour revenir au titre qu'a proposé le sénateur Angus, je dois dire que la décision d'étudier cette substance serait bien accueillie par les autorités sanitaires et les environnementalistes.

Un mémoire produit par Environmental Defence Canada comporte un paragraphe sur les risques que pose le mercure et sur le principe de la prudence. Il se lit comme suit :

Un élément déterminant du principe de précaution est l'importance de la preuve. Dans le cas du mercure, l'importance de la preuve est manifeste et elle repose sur quantités d'éléments de preuve qui ont amené la plupart des pays industrialisés à agir pour limiter les utilisations et les émissions de mercure. Dans le cas du mercure, les responsables de l'application de la LCPE semblent avoir adopté le comportement opposé. Les preuves de nuisances causées par le mercure ont été bien définies, une à une. On pense aux preuves concernant les émissions, à celles liées au transport routier, à l'élimination, au rejet, à la fixation biologique, aux voies d'exposition, aux déficiences neurologiques et même aux réactions des écosystèmes aux efforts de réduction des émissions, et malgré toutes ces preuves manifestes, les analyses ne se sont pas traduites en action.

Écoutez maintenant ce qu'a écrit Bruce Lourie :

Le Canada est peut être le pays le moins précautionneux des pays industrialisés dans le domaine de la gestion des substances toxiques. Si ce n'étaient des tribunaux, on aurait que peu de preuves de l'application du principe de précaution au niveau fédéral et certainement aucune preuve de sa mise en œuvre sous le régime de la LCPE.

Le sénateur Angus : Je l'ai lu et je suis stupéfait.

M. Caccia : Vous êtes sur la bonne voie.

Le sénateur Angus : Mme Levin jouit d'une bonne réputation. Elle est spécialiste principale en politiques et chef de la Section des règlements et stratégies de la Direction des services de l'application de la loi.

Je ne veux pas que vous vous sentiez mal à l'aise. Je ne suis pas votre ennemi.

Vous êtes en première ligne. Dites-nous comment des experts peuvent tenir de tels propos? Est-ce qu'ils nous racontent n'importe quoi?

Mme Levin : Je ne crois pas qu'ils nous racontent n'importe quoi, mais je peux vous dire que le ministère travaille en collaboration avec les provinces et les territoires. Nous nous sommes entendus avec les provinces et les territoires pour ne pas dédoubler les efforts qu'ils déploient, mais j'estime que toutes ces questions mériteront votre attention lorsque vous serez en train d'examiner si la loi a été mise en application jusqu'à maintenant. Je crois que tous ces éléments peuvent faire l'objet de votre étude sur la mise en application et l'administration de la loi.

Le sénateur Angus : Il y a une chose qui me rend fou, et vous pouvez le constater en lisant les transcriptions. Dans les trois derniers rapports qu'elle a publiés, la commissaire à l'environnement et au développement durable a affirmé que le Canada possède tous les outils nécessaires pour élaborer un plan exemplaire en matière de protection de l'environnement et de diminution de la pollution destiné à empêcher les catastrophes qui surviendront si nous n'agissons pas. Et pourtant, nous n'utilisons pas ces outils correctement.

Est-ce parce que les Nadine Levin de ce monde n'accomplissent pas un bon travail? Il est clair que le chevauchement des compétences fédérales et provinciales constitue un problème. C'est ce que je constate.

Mme Levin : Je ne crois pas que cela pose un problème.

Le sénateur Angus : Vous ne pensez pas?

Mme Levin : Non.

Le sénateur Angus : Il faut juste de la collaboration?

Mme Levin : Cela signifie que plus d'un gouvernement peut agir pour protéger l'environnement. La Cour suprême du Canada estime qu'il s'agit d'une excellente idée. C'est ce qu'elle a affirmé dans la décision visant Hydro-Québec et dans celle concernant Hudson, au Québec, au sujet de la réglementation des pesticides.

Le sénateur Angus : Le chevauchement n'est pas l'un des grands problèmes?

Mme Levin : Je ne crois pas. Gardez en tête que les provinces et les territoires édictent environ 70 p. 100 des exigences environnementales au pays et que le gouvernement fédéral en élabore environ 30 p. 100. Les provinces disposent du pouvoir constitutionnel de réglementer les travaux de nature locale et privée, en tenant compte des droits de la personne et des droits de propriété. Les provinces ont recours à des permis, à des règlements et à des lois. Le gouvernement fédéral, quant à lui, possède des chefs de compétence dans divers domaines, à savoir le droit criminel; les recensements et les statistiques; la navigation et le transport maritime; les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur; la paix, l'ordre et le bon gouvernement; le commerce interprovincial et international et d'autres domaines. Il possède aussi le pouvoir de protéger l'environnement. Ainsi, il n'est pas inefficace à mon avis que plus d'un gouvernement puisse agir.

M. Caccia : Monsieur le président, le désordre règne au sein du gouvernement fédéral. C'est pour cette raison que, même s'il a les meilleures intentions, le ministère de l'Environnement ne peut pas aller de l'avant et ne parvient pas à mettre en œuvre correctement la LCPE. Chaque fois qu'un problème survient et qu'Environnement Canada propose une solution, un autre ministère, fort probablement Industrie Canada, la rejette vigoureusement. Il y a des conflits internes et des contradictions, et le ministère ne pourra pas aller de l'avant tant que le désordre règnera au sein du gouvernement fédéral.

Le président : Cela nous ramène au point de vue du Bureau du Conseil privé, dont vous avez parlé tout à l'heure.

M. Caccia : Oui.

Le sénateur Angus : Je sais que l'ennemi c'est nous, c'est l'industrie et c'est le manque d'argent. Les priorités n'ont pas encore été tout à fait établies, quoique le comité fera de son mieux pour cerner les questions à étudier.

Je porte soudainement attention à des choses dans ce domaine qui n'attiraient pas mon regard auparavant. Ce matin, en première page du Globe and Mail, j'ai lu un article au sujet de deux nouvelles substances, qui peuvent causer le cancer du poumon et d'autres maladies graves.

On a décidé d'interdire l'utilisation de ces deux substances. Mais combien de temps a-t-il fallu avant de les interdire? Combien de personnes ont dû mourir d'un cancer du poumon? Quel a été le processus? Était-ce un processus valable ou fallait-il, au bout du compte, satisfaire à certaines exigences?

Mme Levin : L'une des substances dont vous parlez entre dans la composition du téflon et de produits ignifuges.

Le sénateur Angus : C'est exact.

Mme Levin : Vous devriez interroger les scientifiques qui ont évalué ces substances plutôt que moi. Ils peuvent expliquer les étapes qu'ils ont suivies, pourquoi il leur a fallu ce temps-là pour en arriver à une conclusion. Ils pourront aussi vous dire s'ils sont parvenus à établir une concentration acceptable ou s'ils ont déterminé qu'aucune concentration n'est acceptable. Vous devez vous entretenir avec les scientifiques en question.

Le sénateur Angus : Pour construire les galeries où nous nous assoyons durant les chaudes journées d'été, nous utilisons souvent du bois enduit d'un produit de préservation. On nous apprend maintenant que ces produits de préservation causent le cancer du poumon et provoquent le décès de bébés. L'été dernier ou l'été précédent, j'ai appliqué sur ma galerie une peinture contenant de tels produits.

Mme Levin : Nous avons transmis à l'industrie des produits de préservation du bois un avis pour qu'elle élabore et mette en œuvre un plan de prévention de la pollution visant diverses substances toxiques qui entrent dans la composition des produits de préservation.

Dans un premier temps, nous avons proposé des directives techniques et nous avons laissé à l'industrie la possibilité de les mettre en application. Nous avons précisé clairement que si des éléments ou des personnes au sein de l'industrie ne les appliquaient pas, nous exigerions l'élaboration d'un plan de prévention de la pollution. Comme dans certains cas les directives n'ont pas été appliquées, un avis a été donné.

Cinq entreprises, si je ne m'abuse, sont visées par l'avis. Les autres ont choisi de se conformer aux directives.

Environnement Canada a pris des mesures relativement aux produits chimiques, comme l'arsenic, que l'on retrouve dans les produits de préservation du bois.

Le président : Vous avez dit que certaines entreprises ont réagi, et que d'autres n'ont rien fait. Est-ce que des sanctions sont prévues contre celles qui choisissent de ne rien faire? Qu'arrive-t-il si elles ne font rien? Peuvent-elles continuer de vendre leurs produits?

Mme Levin : Dans ce cas-ci, l'industrie a accepté de se conformer aux directives visant à réduire les rejets environnementaux et à assurer la sécurité des travailleurs qui manipulent des produits chimiques. Les directives sont facultatives. Elles ne sont pas exécutoires. Une entreprise peut choisir de s'y conformer en totalité ou en partie, ou de ne pas en tenir compte.

Le plan de prévention de la pollution doit faire l'objet d'un avis émis par le ministre. Le ministre peut préciser quelles substances sont visées par le plan et quels facteurs doivent être pris en considération au moment de l'élaboration de celui-ci. Il peut également déterminer qui sera chargé de définir et d'exécuter le plan. C'est ce qui a été fait dans le cas de l'industrie de préservation du bois.

Toutefois, Environnement Canada ne peut intervenir en vertu de la LCPE de 1999 si une entreprise choisit de ne pas appliquer des directives, sauf si elles sont incorporées par envoi dans un règlement.

Le sénateur Angus : Vous pouvez toutefois interdire l'utilisation de la substance, n'est-ce pas?

Le président : Non, vous ne pouvez pas le faire.

Mme Levin : Par voie de règlement, oui.

Le sénateur Angus : Un de mes petits-fils joue sur la terrasse qui est recouverte de cette peinture verte. Ma femme est très inquiète. On l'a fait repeindre.

Le président : J'espère que vous n'avez pas utilisé de la peinture au plomb.

Le sénateur Angus : On me dit que le ministère n'autorise pas la vente de ce produit au Canada, mais à l'étranger, oui. Je ne veux pas, en tant que Canadien, être associé à cette règle de deux poids deux mesures.

Le président : Si Moïse était descendu de la montagne avec dix vagues suggestions et directives, le monde serait bien différent. Nous en sommes peut-être là.

M. Caccia : Même s'il descendait avec des directives aujourd'hui, elles ne seraient pas exécutoires.

Le sénateur Angus : Les représentants du ministère qui ont comparu devant le comité sont de braves gens. Vous avez, tout comme M. Caccia, suivi nos audiences. Vous savez que les témoins ont tenu des propos cinglants. Pouvons- nous y répliquer? Je suppose que n'approuvez pas ce qui a été dit.

Mme Levin : Vous parlez des témoins de l'industrie?

Le sénateur Angus : J'ai apporté les comptes-rendus des deux dernières réunions parce qu'ils sont particulièrement révélateurs. Je vais les envoyer au Cabinet du premier ministre. Je les ai fait photocopier. Je vais inclure une note qui dit, « Cher ami, si cette question n'est pas prioritaire, elle a tout intérêt à le devenir. Voyez à quel point la situation s'est dégradée. » Les témoins ont expliqué très clairement comment la situation s'était détériorée.

Monsieur le président, vous avez l'habitude de demander, « Est-ce que le ministère a établi une liste, et pouvez-vous nous la faire parvenir? » Ce serait une bonne chose de le faire, même si tout le monde dit, « Nous approuvons tout ce qui a été dit. Le patron doit toutefois nous donner plus d'argent. »

Le ministre des Finances serait alors obligé de passer une heure, tous les jours, au ministère de l'Environnement.

Le président : Ce n'est pas uniquement une question d'argent, n'est-ce pas? Ne faut-il pas, en quelque part, sortir le bâton?

Cette loi prévoit un processus de quasi-élimination pour corriger certaines choses. Nous savons, après avoir lu la documentation et entendu les témoins des deux camps, qu'il y a des substances qui sont nocives et que les industries disent, « Nous ne voulons pas que les petits enfants mettent ce genre de chose dans leur bouche. » Combien de substances sur la liste qui en contient 23 000, 6 000, 4 000, ou peu importe, doivent être quasi-éliminées au Canada?

Mme Levin : Il faut garder à l'esprit la définition de quasi-élimination que prévoit la LCPE de 1999. La quasi- élimination s'entend de la réduction de la substance présente dans les rejets à un niveau inférieur aux limites de dosage mesurable au moyen de méthodes d'échantillonnage courantes.

Le président : Nous savons que la technologie nous permet d'effectuer des mesures toujours plus précises. Combien de substances ont été quasi éliminées?

Mme Levin : Dans les rejets?

Le président : Oui.

Mme Levin : On compte ajouter une substance, si je ne m'abuse, à la liste de quasi-élimination.

Les substances visées doivent répondre à certains critères. Elles doivent être toxiques, persistantes, bioaccumulables, présentes dans l'environnement principalement par suite d'une activité humaine. Les radionucléides ou les minéraux naturels en sont exclus.

Le sénateur Angus : Il veut savoir combien de substances figurent sur la liste de quasi-élimination.

Le président : Est-ce que le mercure s'y trouve?

Mme Levin : Non, le mercure est un minerai.

Le président : Donc, le mercure n'est pas visé par la LCPE.

Mme Levin : Il l'est. Comme il figure sur la liste des substances toxiques, il peut être réglementé à n'importe quelle étape de son cycle de vie. Par exemple, le paragraphe 93(1) de la loi précise que des règlements peuvent être pris concernant une substance inscrite sur la liste des substances toxiques. La substance peut être réglementée à l'étape de la fabrication, ou encore de l'importation. Sa présence dans les produits peut être réglementée et contrôlée. Autrement dit, on peut en limiter la concentration ou la quantité. On peut également prendre un règlement qui dispose que le mercure ne peut être utilisé dans tel ou tel produit. On peut faire tout cela.

Le président : Je reviens à ma question initiale. Sans donner d'exemple précis, pouvez-vous me dire si une substance a déjà été quasi éliminée?

Mme Levin : Dans les rejets?

Le président : Oui, dans les rejets.

Mme Levin : Seule une substance a été visée en vue d'être quasi éliminée.

Le président : Donc, aucune substance n'a été quasi éliminée? Si je pose la question, pour ceux que cela intéresse, c'est parce qu'il y a des listes qui sont établies. On prévoit même en publier une nouvelle. Or, nous savons qu'il y a 23 000 substances inscrites sur une liste — s'il s'agissait de personnes, on les qualifierait de personnes d'intérêt. Les substances se comptent par milliers.

Mme Levin : C'est vrai.

Le Règlement sur certaines substances toxiques interdites, adopté en 2005, donne la liste des substances qui doivent être quasi éliminées.

Le président : Elles ne l'ont pas encore été?

Mme Levin : Il faut, dans le cadre de ce règlement, analyser les rejets de ces substances et s'assurer que les concentrations sont inférieures aux limites établies.

Le président : Avons-nous les moyens de le faire?

Mme Levin : Oui.

Le président : L'a-t-on fait?

Mme Levin : À ma connaissance, la direction de l'application de la loi n'a rien fait. Les rejets de ces substances n'ont pas fait l'objet d'une analyse systématique.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, vous n'avez pas posé votre dernière question. Pourquoi?

Le président : Je voulais d'abord éclaircir un certain nombre de points.

Les articles 325 et 326 parlent de dépôts et de remboursements. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous dire si ces articles ont déjà été appliqués?

Mme Levin : D'abord, les articles 325 et 326 représentent les mesures économiques qui peuvent être prises en vertu de la LCPE de 1999. Ils peuvent être appliqués de concert avec d'autres pouvoirs de réglementation.

Le président : Si je pose la question, c'est parce que le comité a déjà recommandé, dans deux de ses rapports, l'utilisation d'instruments économiques dans le domaine de l'environnement,

Mme Levin : Nous n'avons pas encore eu recours à l'article 325. Il s'applique uniquement aux règlements qui régissent les substances toxiques, les substances nutritives — comme le phosphate, qui stimule excessivement la croissance de végétaux dans les systèmes aquatiques —, et la Partie 9 de la LCPE de 1999, qui englobe les opérations gouvernementales, le territoire domanial et les terres autochtones. Nous n'avons pas encore eu recours à l'article 325.

Nous avons invoqué l'article 326 pour prendre des mesures économiques, par exemple, dans le cadre du règlement sur les solvants de dégraissage. L'article 326 a également été utilisé pour régir les substances qui appauvrissent la couche d'ozone. Pour ce qui est du transfert de crédits, un mécanisme de permis échangeables a été mis en place.

Bien qu'il n'en soit pas question à l'article 326, il est possible d'échanger des crédits de pollution en vertu de la section 5 de la partie 7, qui traite des émissions des véhicules et des moteurs.

Le président : Les trois points que vous avez mentionnés relativement à l'article 325 sont fort pertinents.

Mme Levin : Toutefois, nous n'avons encore jamais eu recours à cette disposition.

Le président : Pourquoi? Qui n'a pas fait quoi?

Mme Levin : Les dépôts et les remboursements ne constituaient peut-être pas un moyen efficace de contrôler, par exemple, les substances nutritives ou encore une substance toxique en particulier. Jusqu'ici, l'article 326 n'a été appliqué que de façon limitée.

Le comité pourrait demander à obtenir des précisions à ce sujet.

Le président : Mais ce sont des outils qui sont prévus par la loi, non?

Mme Levin : Non. L'article 326 peut être mis à exécution de façon fort créative. Par exemple, il peut servir à fixer les conditions pour la participation à un programme d'unités échangeables. Ces conditions peuvent être très variées. Elles peuvent comprendre l'obligation, par voie de règlement, de mettre en œuvre un plan de prévention de la pollution.

Le président : Donc, il peut servir à offrir des incitatifs réels?

Mme Levin : S'ils tiennent lieu de conditions, ou s'ils font partie intégrante du système.

Le président : Si vous faites telle chose, vous ne serez pas obligé de faire telle autre chose?

Mme Levin : Je ne sais pas si c'est possible. Dan Blasioli, du ministère de la Justice, pourrait vous en dire plus à ce sujet.

Le président : Nous pourrons poser cette question plus tard, une fois que nous aurons décidé de la marche à suivre.

M. Caccia : Il y a 10 ans, nous avons passé beaucoup de temps à examiner l'article 326. Nous avons essayé de le rendre aussi imaginatif que possible, de lui donner la portée la plus vaste possible. Il est décevant de voir qu'il a été si peu utilisé.

Le président : Une nouvelle liste de substances va être publiée en septembre. Nous comptons bien l'examiner. Nous avons entendu dire qu'elle va contenir des ratios. Est-ce vrai, ou est-ce que je me trompe? Je me demande si nous allons mesurer la concentration de la substance présente, ou encore la quantité de substance présente par livre. Ce sont deux choses différentes — l'intensité et le volume.

Mme Levin : Je vais devoir me renseigner. Je ne sais pas vraiment à quoi vous faites allusion.

Le président : Je me trompe peut-être.

Si je pose la question, c'est parce que lorsqu'on discute des émissions de toutes sortes, par exemple, des effluents et des substances rejetées dans l'atmosphère, on laisse souvent entendre que les mesures devaient être fonction des réductions — autrement dit, quand on mesure les réductions, on devrait mesurer l'intensité, si je peux m'exprimer ainsi...

Mme Levin : Vous voulez dire par unité de production?

Le président : Oui, par opposition à la quantité de substances présentes.

Mme Levin : Je vais devoir me renseigner.

Le président : Concernant l'article 2 — que vous avez plus ou moins abordé, madame Levin — à votre avis, est-ce que la loi, dans sa forme actuelle, fournit les outils dont nous avons besoin pour remplir les objectifs et les obligations qui y sont définis?

Mme Levin : Vous faites allusion au mandat administratif prévu à l'article 2?

Le président : Oui.

Mme Levin : Le ministère possède le pouvoir de remplir ce mandat.

Le président : Est-ce qu'il l'exerce souvent?

Mme Levin : Chaque fois que le ministère intervient pour protéger l'environnement contre une substance toxique ou des émissions provenant de véhicules, il exécute le mandat administratif qui lui est confié. Par exemple, le ministère peut prendre des mesures préventives et correctives pour protéger, valoriser et rétablir l'environnement. Donc, oui, le ministère remplit le mandat administratif que lui confie la loi quand il prend de telles mesures.

Le président : Est-ce qu'il le fait souvent? Donnez-nous un petit exemple d'une mesure que prendrait le ministère en vertu de ce mandat administratif.

Mme Levin : Nous avons mis en place des règlements sur les émissions de véhicules, de moteurs ou d'équipements, sur route et hors route, en vue d'améliorer la qualité de l'air. Il s'agit là de mesures préventives et correctives. Pour ce qui est de l'aspect préventif, les véhicules doivent être munis d'appareils de contrôle pour répondre aux exigences en matière d'émissions. M. Caccia a parlé du contrôle de la teneur en soufre du carburant diesel.

Ces mesures préventives ou correctives protègent, valorisent et rétablissent l'environnement. C'est là un exemple.

Le président : C'est un très bon exemple, parce que cette mesure est efficace.

Le sénateur Spivak : Puis-je faire un commentaire?

Le président : Oui.

Le sénateur Spivak : Est-ce que ce contrôle se fonde sur la moyenne américaine — est-ce que vous savez de quoi je parle?

Mme Levin : D'après le résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui accompagne tous les règlements qui ont été adoptés dans ces cas, le Canada aligne ses exigences sur celles de la U.S. Environmental Protection Agency en raison de la nature du marché nord-américain en ce qui concerne les véhicules, les moteurs, les équipements et les carburants.

Le président : Nous avons entendu des propos contradictoires à ce sujet. Existe-t-il des règlements ou des directives qui régissent la fabrication des moteurs à combustion interne pour les véhicules automobiles? Sont-ils exécutoires, ou est-ce que les industries se sont engagées, par voie d'entente, à atteindre...

Mme Levin : Nous ne réglementons pas le processus de fabrication, mais plutôt les émissions.

Le président : Font-elles l'objet de contrôles ou de directives?

Mme Levin : Non. Elles font l'objet de règlements, pas de directives.

Un protocole d'entente a été conclu avec l'industrie ferroviaire au sujet des émissions produites par les locomotives. Toutefois, je fais allusion ici au règlement sur les émissions produites par les moteurs et les véhicules, sur route et hors route.

Le président : D'accord. Donc, la voiture qui ne respecte pas ce règlement ne peut entrer au pays. Est-ce exact?

Mme Levin : Sauf si l'importateur entreprend, une fois le véhicule importé, mais avant qu'il ne soit vendu...

Le président : De le modifier?

Mme Levin : Oui, de faire en sorte que le véhicule respecte les exigences en matière d'émissions.

Le président : J'ai beaucoup de difficulté à comprendre la partie 5.

M. Caccia : Vous n'êtes pas le seul, monsieur le président.

Le président : Devrait-on envisager d'y apporter des modifications en vue de la simplifier? Elle est mal structurée.

Mme Levin : Oui. Elle est compliquée et difficile à suivre, à lire, à comprendre. Il faudrait modifier l'ordre de certaines dispositions. Les renvois que contient la partie 5 compliquent les choses.

Le président : À votre avis, est-ce que l'objectif visé par la partie 5 et les mesures qu'elle propose sont valables, même si les dispositions sont placées dans un ordre difficilement compréhensible et applicable?

Mme Levin : Je ne dirais pas qu'elles ne sont pas applicables. Toutefois, l'objectif visé par la partie 5 est valable. C'est plutôt l'ordre dans lequel les dispositions sont présentées qui pose problème. Tout le monde sait, à l'interne comme à l'externe, que les dispositions de la partie 5 sont difficiles à suivre.

Le président : C'est ce que je voulais dire par difficilement applicable. On a du mal à en comprendre le sens. Est-ce qu'elle s'applique dans ce cas-ci ou non? Comment pouvons-nous régler le problème? Croyez-vous qu'il faut réorganiser ou reformuler la partie 5, sans en modifier l'intention?

Mme Levin : Il serait peut-être utile de changer l'ordre de certaines dispositions, pour qu'il y ait une suite logique.

Le président : Il ne serait pas nécessaire d'avoir autant de renvois. Il faut changer l'ordre des dispositions

M. Caccia : Puis-je faire un commentaire? Au lieu de parler de la suite logique ou de l'absence de suite logique qui existe dans la partie 5, il faudrait peut-être demander aux attachés de recherche de cerner les problèmes que pose la mise en œuvre du principe qui sous-tend la partie 5, principe qui est défini dans le préambule de la loi. Une fois les problèmes cernés, on pourra changer certaines dispositions de la partie 5, supprimer les obstacles, parce que, comme on l'a mentionné plus tôt, les modifications apportées par la Chambre des communes à l'étape du rapport, en 1999, ont eu pour effet d'affaiblir sérieusement l'impact potentiel de la partie 5.

Le président : C'est beaucoup mieux. Merci.

Le sénateur Spivak : C'est bon à savoir.

Le président : Les définitions — c'est-à-dire la description de la pollution atmosphérique et de la pollution de l'eau aux articles 3 et 7 — semblent avoir été rédigées par Santé Canada, mais ce ministère, comme vous l'avez dit, monsieur Caccia, n'a plus grand-chose à voir avec cette loi désormais.

M. Caccia s'est déjà prononcé là-dessus. Je m'adresse maintenant à Mme Levin : consultez-vous régulièrement Santé Canada concernant des problèmes de santé attribuables à une forme ou une autre de pollution? Ce ministère joue-t-il un rôle actif?

Mme Levin : Je ne suis pas fréquemment en contact avec Santé Canada, contrairement à d'autres divisions d'Environnement Canada. Nos deux ministères travaillent ensemble par l'entremise du Programme des substances nouvelles et du Programme d'évaluation des substances existantes.

Le président : Bien.

Mme Levin : Les dispositions sur la pollution atmosphérique internationale auxquelles s'appliquent la définition de la pollution atmosphérique ne font pas expressément mention du ministre de la Santé. Toutefois, selon la définition, il est clair que cette forme de pollution a des effets sur la santé humaine.

Le président : Nous pouvons donc supposer que ce ministère s'y intéresse d'une manière ou d'une autre, n'est-ce pas?

On nous a rapporté des cas de maladies respiratoires et un certain nombre d'hospitalisations dues à ces problèmes. Mais la pollution ne connaît pas de frontières; Comment savoir si une substance vient de Buffalo ou de Hamilton?

Mme Levin : Pour ce qui est de la définition de la pollution de l'air et de l'eau, vous pouvez peut-être adresser vos questions au ministère de la Santé pour savoir comment il perçoit son rôle à la lumière de cette définition.

Le président : C'est ce que nous ferons.

M. Caccia : Monsieur le président, puis-je ajouter une remarque?

Le président : Oui.

M. Caccia : Les initiatives en matière de protection de l'environnement les plus réussies étaient celles qui étaient clairement liées aux questions de santé. Par conséquent, établir un lien avec la santé et mettre l'accent sur le rôle du ministère de la Santé à l'égard de la LCPE permettront d'augmenter considérablement les chances de succès de cette loi.

Ces questions ne sont pas prises strictement dans le contexte de la protection de l'environnement, même si cela demeure important. C'est dans l'ancien programme. Elles seront considérées comme des questions de santé dans une optique d'environnement et de santé.

Le président : À tout le moins, cela voudrait dire que deux personnes plutôt qu'une s'occuperont de ce dossier à la table où l'on discute des priorités du Cabinet.

Par ailleurs, les substances qui figurent sur la Liste des substances d'intérêt prioritaire ou LSIP, sont-elles évaluées? Selon quels critères rajoute-t-on une substance sur cette liste? Qu'arrive-t-il lorsqu'une substance se trouve sur cette liste?

Mme Levin : Je peux vous expliquer de quelle façon on a établi la liste des substances par le passé, en vertu de la loi précédente.

Le ministre de l'époque a nommé un groupe d'experts chargé de proposer des substances qui devaient faire l'objet d'une enquête prioritaire et de déterminer lesquelles étaient toxiques ou susceptibles de le devenir. La définition de substance est tellement vague qu'elle peut englober, par exemple, les substances telles que l'arsenic ou le mercure, les effluents comme les eaux usées chlorées et les émissions provenant des usines de traitement du zinc, entre autres.

Le directeur général, qui est responsable de l'évaluation des substances, serait sûrement mieux placé que moi pour vous expliquer comment on établit cette liste aujourd'hui. Toutefois, le ministre peut toujours demander conseil à des experts externes.

Les premiers groupes d'experts, dont le mandat était de prêter conseil au ministre, étaient composés de représentants de gouvernements provinciaux, de syndicats et de groupes environnementaux ainsi que d'universitaires de la Société royale du Canada, entre autres.

M. Caccia : À la page 41 du présent rapport rédigé par Environnement Canada se trouve une question adressée aux parlementaires et à ce comité. Elle se lit comme suit : « La loi devrait-elle être modifiée pour fournir une approche différente à l'établissement de la liste des substances qui ont été déclarées toxiques? ».

Si je puis me permettre, vous devriez leur demander de nous fournir un document de référence afin que nous ayons tous les éléments pour répondre à votre question. La question figure dans le document de diagnostic.

Le président : Nous n'y manquerons pas, monsieur Caccia. Merci.

J'aimerais vous entendre un peu. Vous avez soutenu que selon le principe de précaution, il ne faut pas nécessairement attendre d'avoir des preuves.

S'il existe un motif raisonnable de croire qu'une mesure ou une substance pourrait être dangereuse, on n'a pas besoin d'une preuve absolue. Par précaution, et jusqu'à ce qu'on prouve le contraire, on doit la retirer.

Par ailleurs, vous avez également recommandé que le fournisseur, le fabricant ou l'exploitant de la substance en question soit tenu de prouver que celle-ci ne présente aucun danger.

Il est difficile de prouver l'inexistence de quelque chose. Ces deux éléments sont-ils compatibles? Pouvons-nous demander à un fabricant, à un exploitant ou à un fournisseur de nous prouver que la substance qu'il compte mettre sur le marché est tout à fait inoffensive et lui dire, qu'en cas de doute, nous pouvons la retirer, si l'on suit le raisonnement de REACH?

M. Caccia : Un transfert du fardeau de la preuve serait une étape importante vers la mise en œuvre du principe de précaution. Mais nous en sommes à des années-lumières.

Les Romains, voire même les Grecs de l'Antiquité, disaient que le plomb était toxique pour les humains. Nous nous posons encore la même question, 2 000 ans plus tard, de savoir si l'on devrait ajouter cette substance à la liste. Cela vous donne une idée de notre mentalité.

Pour répondre à votre question, en effet, un transfert du fardeau de la preuve serait un grand pas vers l'application de la politique.

Le président : J'ai une dernière question. Cela concerne le point soulevé par le sénateur Angus.

Aussi compliquée que cette loi du Parlement puisse être, on a tenté de simplifier et de regrouper dans un même ensemble divers lois et règlements.

Y est-on parvenu ou y a-t-il encore place à amélioration? Est-ce le mieux que l'on puisse faire? Autrement dit, cette loi, qui traite d'un si grand nombre de questions sous de multiples aspects, est-elle la plus simple que nous puissions invoquer pour régler un problème? Faut-il la simplifier davantage?

La LCPE a vu le jour pour la première fois en 1988, sous le régime du ministre Tom McMillan. Le ministère lui- même était grandement en faveur d'une telle mesure législative car il estimait, comme vous l'avez dit, qu'une réorganisation était nécessaire.

Certes, il est difficile de savoir si la loi a besoin d'être rationalisée davantage et, comme vous l'avez demandé plus tôt, s'il s'agit d'une question d'argent.

Ce n'est pas une question de simplification ni une question d'argent. C'est une question de volonté politique.

Mme Levin : Je ne décrirais pas la création de la loi initiale comme une rationalisation en soi. On voulait envisager la protection de l'environnement dans une autre perspective. Plutôt que de préserver la qualité de l'air en adoptant une loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique ou de protéger l'environnement contre les contaminants en mettant en œuvre une loi sur les contaminants de l'environnement...

On avait tenté de réglementer ou d'empêcher la mauvaise utilisation des substances ayant des effets nocifs sur l'environnement. On n'a pas tenu compte de la façon dont les substances nuisaient à l'environnement, c'est-à-dire qu'on n'a pas adopté une loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique parce qu'une substance portait atteinte à l'environnement par ses émissions atmosphériques, comme ce qui a été fait par le passé.

Au lieu de mettre en œuvre une loi sur les contaminants de l'environnement, adoptons-en une qui expose les pouvoirs réglementaires permettant de régir, en vertu d'une seule et même mesure législative, les substances qui nuisent à l'environnement et de quelle manière.

Le président : J'ai peur qu'on s'en éloigne. Votre ministre est celui de l'Environnement. La LCPE renferme maintenant des dispositions destinées à protéger la qualité de l'air et qui ont remplacé une éventuelle loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique.

Le gouvernement et le ministre ont tous deux affirmé qu'ils adopteraient une loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique. Cette mesure législative qui, je suppose, sera présentée très bientôt, remplacera-t-elle certaines parties, voire toute la LCPE? Perdons-nous notre temps ici?

Mme Levin : Je crois que vous devriez adresser cette question à la ministre Ambrose, pour savoir comment elle entend procéder. Je ne suis pas en mesure de répondre.

Le président : Si une telle loi était mise en place la semaine prochaine, par définition, viendrait-elle contredire certaines dispositions de la LCPE?

Mme Levin : Cela dépend de ce que contient la loi. Il est difficile de parler sans savoir. Veuillez poser ce genre de questions à la ministre étant donné que les lois sont de son ressort.

Le président : Ma question n'est pas pertinente. Je vous demande pardon.

M. Caccia : Monsieur le président, votre question est tout à fait pertinente, mais il est difficile d'examiner quelque chose d'insondable.

Le président : Il est quand même déplacé de le demander, particulièrement à vous, madame Levin. Je vous prie de m'excuser.

Le sénateur Cochrane : Monsieur Caccia, je vous comprends. Vous vous êtes exprimé clairement sur les ressources.

Madame Levin, du point de vue des gens du milieu de l'environnement, particulièrement ceux qui travaillent sur le terrain, estimez-vous que le budget actuel prévoit suffisamment de ressources pour l'application de la LCPE?

Mme Levin : Je pense que Cécile Cléroux vous a déjà répondu qu'on n'avait jamais assez de ressources pour la mise en œuvre de mesures législatives, n'est-ce pas? Je vais me limiter aux mots de la haute direction à ce sujet.

Le sénateur Cochrane : À l'heure actuelle, le gouvernement s'apprête à limiter l'exposition à certains polluants utilisés dans les produits de consommation allant des poêles à frire antiadhésives à certains revêtements. En sachant ce qui doit se passer — par exemple, d'autres ministères devront notamment mener une évaluation des risques —, selon vous, combien de temps cela prendra-t-il avant qu'une décision finale ne soit rendue?

Le sénateur Spivak : La substance est déjà interdite aux États-Unis.

Mme Levin : Je pensais qu'on avait déjà réalisé une évaluation des risques.

Le sénateur Cochrane : Je l'espère.

Mme Levin : Demandez-vous combien de temps cela prendra pour élaborer un règlement?

Le sénateur Cochrane : Oui, pour le soumettre.

Mme Levin : En moyenne, il faut de trois à quatre ans et demi pour adopter un règlement, c'est-à-dire au moins 36 mois, en général.

On propose le règlement et on le publie dans la Gazette du Canada. Comme vous le savez, le processus de réglementation exige une période de commentaires de 60 jours. Ensuite, on doit analyser et examiner les commentaires reçus. Finalement, on doit déterminer si des ajustements sont nécessaires. C'est un processus qui demande beaucoup de temps.

Le sénateur Cochrane : C'est là notre problème.

Mme Levin : La partie 5 de la LCPE de 1999 fixe un échéancier pour certains types de règlements. Une fois qu'on a conclu qu'une substance était toxique, après avoir mené une évaluation préalable des substances figurant sur la Liste intérieure des substances ou sur la Liste des substances d'intérêt prioritaire ou après qu'un autre pays eût décidé de limiter l'utilisation d'une substance ou de l'interdire, et une fois que les ministres se sont rencontrés pour ajouter la substance jugée toxique sur la liste des substances toxiques, le ministre dispose de 24 mois pour proposer un instrument, puis de 18 mois pour le finaliser et le mettre en vigueur. Par instrument, on entend un règlement, une obligation d'élaborer et de mettre en œuvre un plan de prévention de la pollution, un code de pratiques, une entente administrative renfermant des mesures préventives ou correctives ou un plan d'urgence environnementale.

La partie 5 contient déjà des dispositions relatives à la limite de temps, mais celles-ci ne figurent pas ailleurs dans la loi.

Le président : Est-ce que ce délai est approprié?

Mme Levin : Le Comité permanent de l'environnement et du développement durable a proposé des mesures de ce type, du moins concernant les substances toxiques, au cours de son dernier examen. Dans sa réponse au rapport du comité, le gouvernement a reconnu qu'il avait accepté de recourir aux types de dispositions figurant dans la partie 5. Le comité pourrait décider d'évaluer si ces dispositions seraient bonnes pour d'autres parties de la loi.

La loi contient d'autres dispositions qui prescrivent des délais. Même les ententes administratives ont une durée de vie de cinq ans en vertu de la loi actuelle.

Le président : Je crois que cela a à voir avec le fait que la loi requiert du gouvernement qu'il prenne certaines mesures.

Je ferai une comparaison qui vous dira certainement quelque chose. La Loi sur les espèces en péril prévoit un processus par lequel les scientifiques s'expriment, le gouvernement écoute et doit ensuite prendre des mesures dans un délai précis. Des espèces sont automatiquement ajoutées à la liste lorsque le gouvernement ne dit pas : nous ne ferons pas ceci ou cela et en voici les raisons. Le délai est clair.

La loi oblige le gouvernement à prendre certaines mesures. Est-ce que cela serait utile pour l'application de certaines dispositions de la LCPE?

Mme Levin : Il revient à la ministre de prendre cette décision politique pour déterminer si elle souhaite faire ce genre de proposition. Je ne peux répondre à cela.

M. Caccia : La Loi sur les espèces en péril contient les dispositions que vous avez mentionnées. Nous y avons beaucoup travaillé. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, ou COSEPAC, qui est formé de scientifiques, soumet une proposition précise. Donc, une mesure est proposée par, disons, un groupe apolitique. Nous n'avons pas cela avec la LCPE. Il faudrait créer cette disposition pour mettre en place une procédure comme celle que vous avez en tête.

Le président : Est-ce bien nécessaire?

M. Caccia : Oui, ce serait utile, pourvu que cela tienne compte de l'intérêt public.

Le président : La LCPE vise à protéger l'intérêt public, non?

M. Caccia : Oui.

Le sénateur Tardif : Puisqu'il semble que l'application de la loi soit l'un des problèmes majeurs et que la loi relève à la fois des ministres de l'Environnement et de la Santé, quel mécanisme d'évaluation des résultats existe-t-il?

Y a-t-il un mécanisme de coordination, par exemple, entre les deux sous-ministres ou un sous-comité qui établit des plans d'action pour les deux ministères? Si oui, comment les mesure-t-on? Comment évalue-t-on ce mécanisme?

Mme Levin : Un comité de gestion d'Environnement Canada et de Santé Canada se penche sur les façons dont ces deux ministères gèrent et assument leurs responsabilités au sens de la loi. Rappelez-vous que le ministre de la Santé a des responsabilités administratives en vertu de certaines parties de la loi seulement. Il se trouve que la partie 5 est de celles-là. Le ministre de la Santé a des obligations quant au développement de principes et de codes objectifs pour la partie 3 de la loi, mais il ne joue pas un rôle législatif aux termes de la partie 9, qui concerne la Chambre et les urgences environnementales. Le ministre de la Santé ne nomme pas des agents d'application de la loi ni des analystes. C'est le ministre de l'Environnement qui s'en occupe.

M. Caccia : Je me permets d'ajouter que pour ce qui est de l'application de la loi, ce n'était pas fameux dans les années 90, à tel point que le comité de l'environnement, à l'époque, a procédé à un examen et a formulé des recommandations. Le sous-ministre de l'époque s'est intéressé à la question, et l'efficacité de la section de mise en application de la loi d'Environnement Canada s'est grandement améliorée.

Quoi qu'il en soit, vous pourriez vouloir vous pencher sur la question de savoir si l'organe de mise en application de la loi d'Environnement Canada reçoit suffisamment de financement pour jouer adéquatement son rôle dans chaque région du pays. Il est davantage question du financement que de l'efficacité de cette unité, laquelle, à ce qu'on me dit, fait des merveilles comparativement à ce qu'on pouvait voir dans les années 90.

Le président : J'ai une dernière question. Comme la plupart d'entre nous, je siège également à un autre comité. Par rapport à ce que M. Caccia vient de dire, sachez que dans d'autres comités, j'ai pu voir que des sommes qui, selon le poste budgétaire, étaient consacrées au fonctionnement d'un ministère, n'allaient pas réellement là où elles étaient destinées. Bien entendu, au fil du temps, le sous-ministre prélevait une part du gâteau pour, peut-être, régler des frais administratifs généraux. Par conséquent, le montant réservé à la réalisation de ces objectifs, en vertu du poste budgétaire et des prévisions, n'allait pas là où il aurait dû aller.

Cette situation se produit-elle au ministère de l'Environnement? Avez-vous déjà entendu parler de quelque chose de semblable, madame Levin?

Mme Levin : En ce qui a trait au financement des activités du ministère par rapport aux crédits budgétaires, et tout le reste, vous devriez vous adresser au sous-ministre. Nous avons un nouveau sous-ministre, Michael Horgan; c'est à lui que vous devriez poser cette question.

M. Caccia : Monsieur le président, en réponse à votre question, oui, j'ai également entendu parler de cette situation au cours des dernières années. C'est une question difficile à laquelle je ne peux répondre.

Toutefois, vous voudrez peut-être l'examiner de façon plus approfondie avec la vérificatrice générale, voire même avec la Commissaire à l'environnement et au développement durable, afin de savoir si les fonds destinés à certaines fins ont été utilisés à bon escient.

Le président : Je n'essaie pas de dire qu'il y a quelque chose qui cloche. C'est peut-être une pratique généralisée et parfaitement normale. Il y a des frais généraux, des choses que l'on doit payer. Je vais suivre votre conseil, madame Levin, et nous poserons la question au sous-ministre quand nous en aurons l'occasion.

Le sénateur Angus : L'une des choses que M. Caccia a mentionnées dans son excellent document qui nous sert de référence, c'était de demander au ministère de nous préparer une série de synthèses sur des questions de fond. Néanmoins, vous n'avez pas défini ces questions; peut-être ne savez-vous pas exactement ce qu'elles pourraient être. Avez-vous, disons, cinq documents de fond à nous suggérer pour que nous en fassions la demande?

M. Caccia : Vous voudrez peut-être obtenir un document de fond qui vous permettra de comprendre si le principe de précaution est adéquat et viable en ce qui a trait à l'application de la loi; si la définition de la quasi-élimination est assez précise pour assurer le contrôle des quantités et des concentrations; si le ministre de la Santé bénéficie des pouvoirs suffisants et pertinents pour remplir son rôle relativement à la LCPE; si les dispositions concernant la prévention de la pollution sont assez fermes; si le filet de sécurité en matière de biotechnologie est approprié; et si l'application de la LCPE est correcte et suffisamment financée, comme le sénateur Tardif et d'autres l'ont évoqué tout à l'heure.

Le sénateur Spivak : Le mercure est seulement contrôlé, il n'est pas inscrit sur la liste de quasi-élimination; mais il existe toutes sortes de produits de substitution pour cette substance. Comment, au sens de la loi, les distinguez-vous?

Ma question suivante concerne le problème de la quasi-élimination. Il y a actuellement des substances dont une particule sur un billion suffit à causer des déséquilibres hormonaux. En vertu de la LCPE, pouvez-vous interdire les émissions provenant des centrales au charbon? Ce pouvoir est-il conféré par la loi? Par exemple, aux États-Unis, on est en train de construire 130 de ces centrales. Il y a tout un débat à savoir si on devrait les munir d'épurateurs. Si on ne le faisait pas, ce serait un désastre.

Au sens de la LCPE, est-il possible d'invoquer la toxicité des émissions pour que les compagnies soient forcées d'installer des épurateurs dans leurs centrales? Par exemple, le gouvernement ontarien est en train de décider s'il doit ou non imposer l'installation d'épurateurs.

Mme Levin : Dans le domaine de la quasi-élimination, l'un des aspects de la loi, qui est précisé à l'article 65.1, consiste à ce que la limite de dosage d'une substance, soit le niveau à partir duquel une substance peut être détectée, s'entend de la concentration la plus faible d'une substance qui peut être mesurée avec exactitude au moyen de méthodes d'analyse et d'échantillonnage précises mais courantes.

L'échantillonnage systématique et les mesures analytiques deviennent de plus en plus justes avec le temps. Lorsque vous parlez d'une partie par billion, ce sera peut-être un jour une partie par quadrillion ou par quintuplion, parce que les techniques s'affinent et deviennent plus précises. Les méthodes d'analyse et d'échantillonnage qui sont courantes aujourd'hui pourront l'être encore dans cinq ans.

Quant à cet article particulier, qui traite de l'établissement d'une limite de dosage, il y a des critiques venant de l'industrie au motif que les objectifs seront en constante évolution car les méthodes deviendront de plus en plus raffinées. Donc, dans ces circonstances, comment parviendra-t-on à la quasi-élimination des substances et des émissions?

Le sénateur Spivak : Déjà, on note des résultats sensibles en ce qui concerne les poissons, les animaux et même les humains. Dans la réserve, il y a une variation du nombre de filles par rapport au nombre de garçons, etc. Êtes-vous en train de nous dire que nous disposons actuellement de la technologie pour détecter une partie par billion?

Le président : Ça dépend de la substance.

Mme Levin : Oui, en effet. Vous nous avez posé la question à propos des émissions provenant des centrales électriques ou d'autres installations qui utilisent le charbon comme combustible.

Si les émissions provenant de ces installations sont déclarées toxiques au sens de l'article 64 de la loi, on peut certainement les réglementer. Si elles causent de la pollution atmosphérique internationale — de source canadienne —, elles peuvent également faire l'objet d'une réglementation.

Oui, la loi confère l'autorité de prendre des mesures à l'égard de ces substances si on découvre qu'elles sont toxiques, ou s'il s'avère qu'elles sont une source de pollution atmosphérique internationale. C'est prévu.

Le sénateur Spivak : Cependant, on doit exercer cette autorité.

Mme Levin : Elle ne sert pas à dire aux gens d'arrêter d'utiliser du charbon, à moins que celui-ci soit déclaré toxique, mais cela n'arrivera pas.

Le sénateur Spivak : Je le conçois. Sous le gouvernement Mulroney, les usines de pâtes et papiers de Colombie- Britannique ont été forcées de contrôler leurs émissions avec une méthode différente.

M. Caccia : Monsieur le président, pour répondre à la question du sénateur Spivak, sachez qu'il y a très peu de substances autres que le mercure pour lesquelles il convient de faire de la prévention de la pollution. On ajoute du mercure à beaucoup de produits commerciaux, alors que de nombreuses autres solutions de rechange à prix avantageux sont largement disponibles. Les thermostats à mercure en sont un bon exemple.

Pendant près de 10 ans, le Canada a participé à des discussions concernant les efforts volontaires modestes et inefficaces visant à effectuer la collecte et le recyclage de thermostats contenant du mercure. La même chose vaut pour les thermomètres à mercure, les interrupteurs à vapeur de mercure et les amalgames dentaires contenant cette substance.

Le président : En ce qui concerne ces usages auxquels vous faites allusion, la LCPE contient-elle une disposition qui exige que l'on remplace le mercure, par exemple, par un produit d'une efficacité équivalente, ou qui encourage à le faire? Les lumières du coffre arrière de nos voitures s'allument au moyen d'interrupteurs au mercure.

Mme Levin : Une autorité réglementaire pourrait rendre cela possible. Un règlement pourrait viser une substance toxique, n'importe laquelle, et stipuler qu'elle ne doit pas être utilisée dans tels et tels produits.

Le président : Nous ne voulons pas acculer les gens à la faillite.

Mme Levin : On peut procéder par étapes, sénateur. Il n'est pas nécessaire d'établir des interdictions du jour au lendemain.

M. Caccia : Nous avons provoqué la faillite d'entreprises avec les chlorofluorocarbones qui s'attaquaient à la couche d'ozone, mais un produit de rechange a été fabriqué. Dans le cas du mercure, des produits de rechange assureraient les emplois nécessaires. Des produits de substitution existent.

Le président : Si je suis fabricant d'interrupteurs au mercure et qu'une substance de rechange me donne un produit qui, au bout du compte, est pour moi tout aussi efficace et rentable, pourquoi ne l'utiliserais-je pas? Quel est l'avantage?

M. Caccia : Parce que personne ne vous demande de ne pas l'utiliser. Par conséquent, c'est la loi du libre marché. Aucun règlement ne stipule qu'il faut arrêter d'en faire usage. Il n'y a aucun obstacle; tout le monde a le feu vert. Voilà pourquoi.

Le président : Tous les deux, vous nous avez été d'une grande aide à cette étape de notre étude.

Une fois que nous aurons décidé exactement comment aborder ce travail et que nous aurons déterminé la façon dont nous étudierons la LCPE et dans quelle mesure, nous pourrions vous demander de revenir pour davantage entrer dans les détails.

La séance est levée.


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